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JOHN M. KELLY LIBKAKY
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Donated by
The Redemptorists of
the Toronto Province
from the Library Collection of
Holy Redeemer Collège, Windsor
University of
St. Michael's Collège, Toronto
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LES TRÉSORS
DE
CORNELIUS A LAPIDE
L-PÉ
PROPRIÉTÉ DE
Flllil. — iU*. MCTU* 601 H, Rit b| M
LES TRÉSORS
CORNÉLIUS A LAPIDE
EXTRAITS DE SES
COMMENTAIRES SUR L'ÉCRITURE SAINTE
A L'USAGE
DES PRÉDICATEURS
DES COMMUNAUTÉS ET DES FAMILLES CHRETIENNES
PAR
L'ABBÉ BARBIER
TOME III
QUATRIÈME EDITION
PARIS
LIBRAIRIE POUSSIELGUE FRÈRES
RUE CASSETTE, 27
m*
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in 2010 with funding from
University of Ottawa
http://www.archive.org/details/lestrsorsdecor03lapi
LES TRÉSORS
DE
CORNELIUS A LAPIDE
T
LANGUE.
el est le cœur, telle est la langue..... La bouche, dit J. C, La langue est
parle de l'abondance du cœur. L'homme qui est bon tire de deTàme
la bonté de son cœur des choses bonnes; et l'homme mauvais, et du cœur*
d'un mauvais trésor tire des choses mauvaises : Ex abundantia
cordis os loquitur. Bonus homo de bono thesauro profert bona; et malus
homo de malo thesauro profert mala (Matth. xn. 3-4. 35).
Voulez-vous savoir ce qu'est le cœur et l'âme de tel ou tel homme?
Prêtez l'oreille à ses paroles; car la bouche parle de l'abondance du
cœur : Ex abundantia cordis os loquitur ( Ut supra).
Voilà pourquoi Socrate disait à un jeune homme : Jeune homme,
parlez, afin que je vous connaisse : Loquere, adolescens, ut te videam
(De Lingua ) ; car le langage est le miroir de lame
Lorsqu'on ouvre un vase plein d'immondices, il répand une odeur
infecte ; ainsi le cœur mauvais laisse échapper par la bouche la
corruption dont il est rempli; il empoisonne et souille ceux qui
entrent en rapport avec lui. Un vase qui renferme un parfum déli-
cieux, répand une odeur suave; telle est la langue qui est au service
d'un cœur pur et d'une âme innocente
Encore une fois, voulez-vous connaître le cœur et les secrets d'un
homme ? voulez-vous savoir ce qu'il est ? examinez ce qu'il dit sou-
vent et avec complaisance Si vous voyez quelqu'un prendre plai-
sir à des entretiens vains et inutiles, à des recherches frivoles, à des
paroles honteuses, à l'expression de l'orgueil, de l'envie, de la
colère , à des médisances , sachez que son cœur est vain, curieux,
corrompu, superbe, jaloux, colère , étrai; er à la charité Si, au
contraire , la conversation d'un homme roule sur des choses utiles,
(H.
2 LANGUE.
, ,_ ;. si Éile ex m, l'humilité , la piété, la
te son cœur est le temple du Saint-Esprit, qu'il est
pur, h
D»u t du vin, ou du vinaigre, ou de l'huile, ou
,ir qui décèle ce qu'il renferme; an
1
retenir de bagatelles , montre qu'il a
aii ne à proférer des paroles ] leu
jue la luxure bouillonne au fou
>rde S'il aime à médire de son prochain ,
n'a ni charité, ni justice, ni c -
.... S'il aime à parler de haine et de vengeance,
âme, etc
at Jean, c'est pourquoi ils par-
monde les écoute : Ipsifc ïiamdo sut ,
tur, et mundus eus audit{ [. îv. 5). Qu< - .-..';. >nle-
i-il. - de Dieu; qui connaît Dieu, nous écoute; qui
de Dieu, ne nous écoute point; et en cela nous connaissons
r : Nos ex 1)
qui non est ex Deo, non audit nos ; in hoc çogn
. îv. 0).
Un - ne d'une conscience vaine, dit saint l ;
nard : • l ( 'Pist. ).
i.uue et l'Allemand la sienne, éfc.j
de même celui qui a uneéme ce te, aime à s'entretenir d
du ciel; et celui qui aime U terre, aime à parler des choses de la
t
l. le. nu. i» des fruits qui to obentde sa houcho, disontles
•quisqtte replebitur (xti. M). La
: e Le li :
rtdundai malts (xv. 28). Et cela, parce que leur cœur
mit ta bouche, dit Job : Docûtt inû-
jw* insensés est dan* leur bou-
leur cœur, dit i Ecclésiastîi :
/■ " / de snpientum os Marina (xxi. 2'J).
Jements au loin, que produit-il?
[uels en sont les effets? Les grands
LANGUE. 3
parleurs ressemblent au tonnerre et à la tempête; ils font du lirait
et sont dangereux.
t, futuus, dérive de fari, parler; ce qui veut dire que ceux
qui parient beaucoup et sans prudence sont des insensés
Tljyéoi ite, entendant parler Anaximène, disait : Il n'a qu'une
le de bon sens, et c'est un fleuve tie paroles : Incipit verborwn
flumcn, mentis gutta ( Ita Stobœus, serm. xxxiv ).
L'insensé ne sait pas se taire , dit Solon : Stultus silere nequit ( Its
Mobœus).
L'eau resserrée par une digue s'élève , dit saint Grégoire : l'âme
qui s'isole du monde est ravie jusqu'aux régions célestes; mais si
.^utilement de choses indignes d'elle, eUe s'affaiblit.
Autant elle s'éloigne par des paroles inutiles de la salutaire disci-
pline du silence, autant elle s'échappe comme en petits ruisseaux.
Âussine peut-elle plus rentier en elle-même et avoir connaissance ci e
son état : par le bavardage elle s'est répandue et a perdu la force de
méditer. Voilà pourquoi il est écrit : L'homme qui ne peut empùcher
son àme de s'épancher en paroles est comme une ville ouvert
sans murs (Prov. xxv. 28). Lorsqu'elle n'est pas protégée par le
mur du silence, lame est ouverte aux attaques de l'ennemi. Par ses
paroles elle se met à découvert, elle s'expose aux coups de gèn
adversaire, et celui-ci la terrasse avec d'autant moins de peine que par
la multitude de ses paroles elle a contribué à sa défaite et s'est frap-
pée elle-même (1).
Un ancien appelait l'homme qui ne sait pas contenir sa langue .
une étable sans porte : Stabulum sinejanua ( In vit. Patr. ).
Ceux qui laissent leurs sens se dépraver sont légers, dit Sautai
Grégoire , et prompts à laisser échapper une multitude de paroles :
Pravi sensu levés sunt , m iocutùmé prœcipites ( Lib. Y Moral., c. xt ).
Us ne s'entretiennent que de choses vaines, dit le Psalmiste : Varia
locutisunt (xi. 3).
(1) Sicut detenta aqr.a sursum eievatur, sic bumana mens nrcumclusa ad -
riora couigitur ; et relaxata dépérit, qurc se per infîma inutili'er spargit. Qu*t
jiAucuis verfois a silenta saua censura disMputur , qua^ lot nvis extra se d
citur; unde et redire interius ad sui cognitionem uon sufficit , quia per multiloquïum
exteri; . vim intimée consi i :plum est : Sicuf'urbs
patène inurorum ambil:, ita vir qui non pote«t in Ioquendo cohibere spiritum suum.
•ntii non habet, patet inimici jaculis civitas mentis. Eienim
se per verba extra semi tipsam ejioil , npertam n ! ; quam fanto ille
Bine I .it, quanto nœe eadem quee vincitur, coi.ua s.inctipsam per jnulti-
loquium pugnat [Ad Monit., c. xv).
4 LANGrE.
ours de L'insensé précipiteront sa ruine, dit l'Ecelésiaste :
ipieniis prœcipitabunt eum (x. 42). L'insensé parle dune
manière insipide , immodeste . arrogante , imprudente L'insensé
multiplie iUTB : Stultus verba mi'ltiplicat ( Eccli. x. U ).
-onores; ceux qui ont peu
grande par leurs : Sk-ut vasculainania maxime tinniunt;
itn ,j i imum ituet merû « , Aï sunt loquacissimi ( Ita Laertius ,
II).
b&tiraentfl dont aucune porte ne protège l'entrée ne sont d'au-
lit Plutarque; mais plus inutile encore est la bouche
qui ne Bail pas se fermer : Siatt œdiumostio carentium nulla est utili-
l'dto magis oris claustro carentis nrdlus est usus (Lib. de Gar-
rulit.).
I .-,,■•] parleur est semblable à un étranger qui , n'ayant ni feu
ni lieu . erre par - et des régions inconnues; il se trompe
iniii, prend des sentiers obliques qui l 'éloignent de
a qu'il devrait suivre, et le conduisent à travers les rochers
ices. L'imprudent parle beaucoup de ce qu'il ignore
el .1 qui lui sont étrangères; il va d'erreur en erreur; il
le la \< rite, du droit et de l'honnêteté; il tombe dans le
ian\ . il | détours . il se livre aux conversations honteusas
etdég ml B,ildevie t insipide, et surtout inutile
:i cheval sans frein qu'à celui qui parle
Elément, dit Théophraste : Magis fldendumest
cqun e/freno, qvam verbo incomposito (Ita Laertius, lib. VII, c. v).
pe à flots de la bouche des insensés, disent
erbes : Os fatuorum eèullit stultitiam (xv. 2).
Le bavardage, 'lit un aui ur, <-st une preuve de folie; c'est I
.i. ut du mensonge; il con luit aux paroles malséantes et vaines,
ii ni la médisance, «'teint le repentir, fait naître la
pe la dévotion , rend la prière difficile , refroidit la fer-
empèche la paix de s'établir, et détruit toiite
ai eé pi lus les discours? disent les
y a pli. rer d'un insensé que de lui : t
■ ui m Lodpiealis , minister raendacii , mannductur
i . mis, t 'l'.i'litor
orationis, ri alorii et fervoris.
« rectitodiou (HeoriciHarpii, lib. I in tant.,
p. Il, c. 1
LANGUE. 5
homînem velocem ad loquendv.m? Stultitia magis speranda est, quam
tllius correptio (xxix. 20 ).
Le? lèvres des imprudents prononceront des paroles insensées , dit
l'Ecckviastique : Labia imprudentium stulta narrabunt (xxi. 28).
Il d' sait des choses vaines , son cœur s'est rempli d'iniquités, dit le Celui qm
Psalmiste : Varia loquebatur, cor ejus congregavit iniquitatem sibi ben
. _ . commet
(XL. t ). beaucoup de
La multitude des paroles n'est jamais sans péchés, disent les Pru- peç*"*-
verbes : In multiloquio non deerit peccatum (x. 19). Par cette multi-
tude de paroles il faut entendra les paroles oiseuses , vaines et
inutiles.
Oh! s'écrie saint Bernard, que cette sentence est vraie, qu'il est
impossible de parler beaucoup sans pécher! Quam ver a sententia,
fratres , in mufti fnquio non effugiendum peccatum! (Serai, de Tri pi.
custod. )
L'abondance des paroles est une passion qui possède tout entier
l'homme dont elle s'est emparée ; elle lui fait dire plus qu'il ne faut,
elle le rend prodigue de discours ; poussé par le désir de parler , il
tombe facilement dans le péché; car lorsque la langue est sans
cesse en mouvement , la mémoire est exposée à l'erreur ; on mêle
aisément le faux au vrai , ce qui nuit à ce qui est utile , les choses
vaines aux choses nécessaires. Au milieu du flux des paroles , il est
difficile et même impossible d'user de la prudence et de la circons-
pection requises. C'est pourquoi les grands parleurs se lancent dans
une foule d'imprudences, ils offensent les autres, emploient la
médisance et les railleries, ne se refusent point aux occasions de faire
un affront, d'exciter la haine et de commettre l'injustice
Si , dit saint Ambroise, nous avons cédé à la tentation de dire une
parole imprudente, fermons du moins la porte de notre cœur, afin
que le péché n'y entre pas. Ecoutez comment le péché entre dans lo
cœur: Celui qui parle beaucoup, dit l'Ecriture sainte, n'échappa
pas au péché; les paroles sont sorties à flots, le péché est entré;
parce que lorsqu'on parle beaucoup on ne pèse pas ses paroles, mais
on les laisse tomber imprudemment. Ainsi, l'on offense Dieu plus
ou moins grièvement, quoique excéder la mesure en parlant ne soit
en soi un péché grave (1).
^1) Nos auteni elaudamus ostium, ne cuipa iiitret si lapsus exient. Audi quo-
modo intret culpa : Ex multiloquio, inquit. non effugies peccatum Exivit multilo-
quiiim, peccatum inivavit; quia in multiloquio nequaquam qui oxit sermo. trntinatur;
h «m bontenx
et od
Ce'' trié trop . <>n ftme , dit l'Ecriture : ()w mttfffc
trti7>? let animam suam (Eccli. xx. 8). En effet. \o en
courir, on tombe dans la superfluité,
on va de rutile au nuisible, delà douceur à la trop grande sévél
de Lâchante à la médisance...; 2° on se livre à l'imprévoyance...;
3'ondivi te mille choses qui souillent l'âme; on
ire...; \° on perd son temps et on le fait
'âme s'expose aux blessures de l'ennemi,
en garde, et qu'elle se trouve désarmée...;
'ion
Ai unbroise dorme-t-il ce sage avertissement : Liez votre
.anguc, de crainte qu'elle ne se livre à des excès, qu'elle ne profère
es et qu'elle ne vous charge de péchés. Contenez
la, i rrôter. Un fleuve qui déborde ramasse la boue (1).
LAlangi ensé mène promptement à la confusion, disent
kstulti confuswni proximum est (x. iA). Les grande
pari pour être des hommes vains, légers, menteurs.
médisants, etc.; ce qui leur est une honte et une confusion. Ils ont
une mauvaise réputation
11 ' :^ et »ide, dit Plutarque , es bavards ne sont remplis-
que de paroles ; Us n'écoutent personne , et personne ne les écouté :
parler bettaooupesf "dieux, dangereux et ridicule : Garrull, mente
mit, neque audiuntur : garrulitas odlosa est,
vtrk ridicule ( I irrulit.).
;t '"li»u\ p;ir l'intempérance de ses parohs, ,hi
I I Le : Bit odibilis qui procax est ad loquendum (XX. 5).
LatwiH'nre 0": nul d'entre nous, dit saint Bernard, ne méprise le temps, ce
n consume en paroles oisi
astundon que l'hommea reçu, les jours qui lui
<1'"; dut. La parole s'échappe et m
I,ln : lantces
àéb voii pas ce qu'il perd. ' , dit-
' " ■ ' heure. Pour faire pa
' bitur, Uoet ultra ip un memniram loquî, grande necratura non m
. . ix).
tarariet, ne luciviat, et miiHlloq •
1
' i-'i' • et Abel , c ii).
1ANGTJE. T
heure , pour faire passer le temps ! L'heure que la miséricorde du
teur vous accorde pour faire pénitence, pour obtenir le pardon
de vos péchés , pour acquérir la grâce > pour mériter la gloire! Le
temps qui vous est donné pour vous rendre propice la bonté divine,
mériter d'entrer dans la société des anges, pour désirer de
recouvrer l'héritage que vous avez perdu , pour aspirer au bonheur
qui vous a été promis , pour ranimer votre volonté défaillante, pour
t les fautes dont vous vous êtes rendu coupable!... (1)
Méditons aveo attention ces paroles frappantes de vérité
C^ui qui ne retient pas sa langue, surtout dans un moment de Désordre^
colère, ne sera iamais victorieux des passions de la chair, dit « ravages que
0 ' cause la mat;—
richillS ( Vit. Patr. ). vaise langue.
L'incontinence de la langue est Ja source de toutes iesHiscard
dit saint Grégoire : Par linguœ incontinent iam discordiœ origo (Lib. "V
Moral. ).
La langue est un petit membre , dit l'apôtre saint Jacques , et elle
fait de grandes choses. Voyez combien il faut peu de feu pour
embraser une grande forêt : Lingua modicum quidemmembnmi est, ei
magna exaltât : ecce quantus ignis quant magnam sylvam incenditf
( in. 5.) La langue est aussi un feu ; elle est un monde de maux. La
langue n'est qu'un de nos membres, et elle souille tout le corps.
Enflammée par l'enfer, elle enflamme le cercle que parcourt notre
vie. Toute nature de bêtes sauvages et d'oiseaux, de reptiles et d'ani-
maux marins est domptable et a été domptée par la nature de
l'homme; mais nul homme ne peut dompter la langue , mal iiifjuiël
plein d'un venin mortel. Par elle nous bénissons Dieu notre Père ;
par elle nous maudissons les hommes qui ont été faits à l'image de
. De la même bouche sortent la bénédiction et la malédiction. Il
n'en d re ainsi ( Id. m. 6-10 ).
Lahngue, dit saint Grégoire de Nazianze, est petite, mais sa force
(i) Nemo nostrum parvi ;'jstimet tempes quod in verbis consumitur oti<
■ est, et dies salutis. Volât verbum irrevocabile. volai terapus
:s quod aniittat. Libet confabulari, aiiint, donec
0 donec pra'tereat hora, o donec pertranseat lempus! Donec hora
ndam pœtiitentiam, ad obtine
m promerendam, miseratio conditoris indulget! Donec iran-
■'.:
issam iniqi erm, de fr
8 LANGUE.
surmonte tout : Lingva quidem pc:~<o. est , at viribus omnia vincit { In
Disfi. li.).
La langue, «lit saint Bernard, estime petite partie de nous-mêmes,
mais si vous n'y faites pas attention, elle lait beaucoup de mal: elle
rie, elle mord par la médisance, elle tue parle
mensonge. Elle lie, et on ne peut la lier; elle se glisse comme l'an-
. elle pé être comme la flèche; elle détruit l'amitié, elle
multiplie li B ei D mis, elle excite les disputes, elle sème la discorde;
d'un seul-coup elle Trappe et tue beaucoup d'hommes; elle est cares-
sante et trompeuse, toujours prête à faire le mal (1).
. continue saint Bernard: Une parole est quelque choso
de lég i ; à la vérité, une parole est quelque chose de léger, puis-
e vole avec vitesse, mais elle blesse grièvement; elle passe comme
une flèche, mais elle brûle cruellement; elle pénètre facilement dans
laine, mais elle en sort difficilement ; on la laisse tomber légèrement,
mai- il est presque impossible de la reprendre. Elle circule facile-
ir cela qu'elle a Lole si aisément la charité (2).
te démon, dit saint Chrysostome , a l'habitude de nous tendre
des embûches de toutes parts; mais il le fait plus facilement à l'aide
d'une langue main aise et d'une bouche médisante; aucun organe ne
le sert aussi bien pour tuer l'âme et faire commettre le péché (3).
Pour couper et abattre plus facilement le bois, le bûcheron pré-
pare et aiguise sa hache; de même les démons, ces ouvriers de l'en-
fer, préparent, aiguisent, trempent eux-mêmes la langue méchante,
animée par la Fureur et la haine, alin d'abattre, de renverser, de
détruire les vertus des hommes, de décrier leurs mœurs, de leur
enlever l'honneur, a réputation, la vie même. Elle déchire et met
imbeaiu le proefa ii . suscite les haines, les procès, pousse à la
rapine, à L'injustice, à La vengeance, au carnage , bouleverse les
lies, les provinces, les royaumes. La langue mauvaise est un
(l)LfflglM tnodiciim Mt membrum, Kd, nisi caveas, nia^num malum : lingit
adiiiamlo, mordet detrabendo, occidii menlicndo; ligat el ligari dod potcsl; labitur
ntanguilla, pénétrai atngiUa; lollit araicos, muiliplicat inimicos, movet riias,
séminal di«ordiai,unoictumnlli percurit et interheit ; blanda est, clsubJola
parafa ad a et cordis).
' liciraui : Lotis rc<: sermo; \^<>\- q - srmo, quia leviter volât , sed pra-
iterexurit; icvilcr pénétrai animuni, sed non
le>ilcr exil; profertur lei i ur; facile volaL alque idej
facik- fiols ■. ).
(3; [Indiquent asuevit, sed facilius lingaaet ora
pcccai.ic : nnllum en ira œqua congraum iiii organum in ministeriiim e>t interiiuq
aique peccati fi
LANGUE. 9
monde Je maux , comme le dit saint Jacrpies : Universitas iniqidtatis
(ni. G). Nul homme ne peut la dompter; c'est un mal inquiet,
plein d'un venin mortel : Linguam autem nullus hominum domare
potcst : inquietum malwn,plena veneno mortifero (Id. ni. 8).
L'homme, dit saint Augustin, dompte les bêtes féroces , et ne
dompte pas la langue ; il dompte le lion, et ne réprime pas l'envie
de parler ; il dompte les autres hommes , et il ne se dompte pas lui-
même; il se rend maître de ce qu'il redoutait, et il ne craint pas ce
qu'il devrait redouter afin de se dompter. Instruisez-vous par la
manière dont nous soumettons les bêtes sauvages : le cheval ne se
dompte pas lui-même, le lion ne se dompte pas lui-même ; l'homme
non plus. Pour dompter le cheval , le lion , il laut l'homme ; et pour
dompter l'homme , il faut Dieu (1).
L'homme ne se dompte pas par les forces de la nature, mais par
celles de la grâce Témoin Saul Remarquez que l'apôtre saint
Jacques énumère douze maux, douze désordres et ravages que
cause la langue imprudente et mauvaise : 1° elle est semblable à un
cheval indompté; 2° elle soulève des tempêtes; 3° c'est une étincelle
qui forme un vaste incendie; 4° elle est un monde d'iniquité; 5° elle
souille le corps; 6° elle désole tout le cours de la vie; 7° elle puise
son ardeur au feu de l'enfer; 8° elle est plus indomptable que les
bêtes féroces , et personne ne peut la maîtriser ; 9° c'est un mal
inquiet qui ne cesse d'agir; 10° elle est pleine d'un venin mortel;
i 1° elle maudit le prochain; 12° elle est une fontaine d'où découle
une eau amère
De sa bouche sortait une épée à deux tranchants , dit l'Apocalypse :
De ore ejus gladius , utraque parte acutus , exibat (i. 16). La mauvaise
langue tue celui qui s'en sert et ceux qu'elle attaque.
Leur gosier , dit le Prophète royal , est un sépulcre ouvert , leur
langue distille le mensonge, et le venin de l'aspic est sur leurs lèvres.
Leur bouche est pleine de malédictions, de paroles amères et trom-
peuses; leur langue fait naître l'angoisse et la douleur (2).
(1) Homo domat feram, non domat linguam; domat îeonem, et non reframffhser-
monem; domat ipse, et non domat seipsum. Domat quod timebat; et utsedomet,
p.on limet quod timere debebat. Attendite similitudinem ab ipsis bestiis quas doma-
mus : equus non se domat, leo non se domat, et sic homo non se domat. Sed ut
dominctur equus , leo, quœrilur homo ; ergo Deus quœratur ut dometur homo
(Senn. iv de verbis Domini in Mattk.).
(2) Sepulcrum patens est guttur eorum , linguis suis dolose agebant; venemi!:i
aspidum sub labiis corum. Quorum os malcdictione et aoiaritudine plénum r-1 e{
igua eius labpr et dojor [%WU v
tO LA*GTT5?
Ils ont wt.W l'iniquité dans leur cœur : Cor ejui congrcgavît iniqui j
tatem sibi ( Psal. XL. 7 ).
Tranquillement a??is , tu parlais ennire t^n frère; tu couvrais
d'opprobre le fils de ta mère : Sedcns advenus fratrem tuum loqueba-
ris; et advenus filium matrit tuœ ponebas scandaîum (Psal. xlix. 80).
Tu as rassasié ta bouche de malice , et ta langue a préparé la fraude :
Os tuum abuadnvit malitia , et lingua tua concinnàbat dolos ( !
mi . 19 . Voilà ce que tu as fait, dit le Seigneur, et je me suis tu!
Ton iniquité m'a jugé semblable à toi ; je t'accuserai, je te ferai voir
ta laideur. Comprend* eela, à langue infernale , qui oublies le Sei-
gneur ( Psal. xlix. 21. 22).
Pourquoi f -tu tle ta méchanceté, toi qui n'es puissant
que dans le crime ? Quid gloriaris in malitia, qui potens es in iniqui-
tate? (Psal. li. .'l. ) Ta tangue prépare tous les jours l'injustice;
un rasoir tranchant qu'aiguise la fraude : Tota die injustittam cogi-
luvit lingua tua, sicut novacula acuta fecisti do/um (ïbid. li. 4). Tu as
préféré le mal au bien, le langage de l'iniquité aux paroles de la
justice ; tu n'a [ue les paroles de ruine, les paroles d
UoO : l> itiam super benignitatem ; iniquitatem magis quam
lofuiaq , /' iêti omnia verba prœcipitationis , lingua dnlosa
( ïbid. 1 1. '■>. 6 ). Mais le Tout~Puissant te détruira pour toujours ; il
tViilr\n;i et t'arrachera de ta demeure, il te déracinera de la terre
des vivants : >'■ 'met te in fînem : evcllet te et emigi a*
bit te de (ubcrnaculo, et radieem tuam de h • îum (ïbid. Ll. 7).
I . ur langue, dit encore le Prophète royal, est un glaive aigu:
Limjun fnrum Qladiusaeuhti (lvi.O). Mais la bouche de l'iniquité
fermée à ja-ii,! is: OUtnutum est os loqvcntnnn in iqua (Psal. LOT.
Ils ont aiguisé leui somme un glaive; ils ont tendu comme un
arc e ae amère, afinde percer de leurs flèches l'innocent dans
lesténèl f §iadnan lingua» suas ; intenderunt «.
rem omeram, ut sagittent in sccuitis immaculatum (Psal. LOTI,
paroles des aé liante on! prévalu sur moi; ils ont parlé contre moi et
m'ont tourné en ridicule (Psal. lxtv. î. — lxvhi. 13). Ilsont conçu
l'iniquité dans leur pensée et se sont répandus en calomnie; ils
parlé contre le Très-Haut; ils ont opposé leur i I, et
leur langue a pari
iniquitatem in exe* Isa l u in cœlum ns suum, et lin-
gua eorum i (Psal. lxxii. 8. 9 ).
«fasques iK.; à quand
les imj ies ti iomp - ! i quand se vé\ mdront-ils ea
t^NGUB. H
discours criminels et injustes? Ils foulent aux pieds votre peuple,
Seigneur, ils désolent votre héritage- Ils égorgent la veuve et l'étran-
ger , ils ont mis à mort l'orphelin ( xcm. 3. 5. 6 ).
Les flèches de la mauvaise langue sont aiguës; elles dévorent
comme la flamme ( Psal. cix. 4 ). Us ont aiguisé leur langue comme
celle du serpent , leurs lèvres distillent le venin de l'aspic : Acuerunt
lingv.as suas sicut serpentis ; venemnn aspidum sub Labiis eorum (Psal.
cxxxix. 3).
La langue du serpent se divise en trois dards; voira*pourquoi le pro-
phète compare lalangue du méchant à celle du serpent. La langue du
méchant porte en effet trois dards , l'un qui est dirigé contre Dieu,
l'autre contre le prochain, et le troisième contre lui-même
Lalangue maudite est un fléau public; elle trouble tout; elle
caresse le vice, excite les passions , répand le scandale à flot; elle
remplit la société d'erreurs et d'épouvante
Où les paroles perverses abondent, là se trouve l'indigence,
disent les Proverbes : Ubiverba sunt plurima, ibiegestas (xiy. 23).
La langue qui ne sait pas se modérer , blesse l'âme : Lingna quœ
immodej'ata est , contant spiritum (Prov. xv. 4). Elle donne souvent
la mort à Famé, et quelquefois au corps, par la médisance et la
calomnie qu'elle répand, par les procès, les colères, les disputes
qu'elle fait naître, et par les meurtres qu'elle amène. Elle est un prin-
cipe de chagrins, d'angoisses, de désespoir, de pertes considéra-
bles, etc
L'homme qui a une mauvaise langue, se frappe, se blesse, se.
tue lui-même. Celui qui ne peut pas contenir sa langue, est un
homme emporté, orgueilleux, jaloux, avide, luxurieux , curieux,
avare
La langue de vipère tue, dit Job : Occidet eum lingua viperœ
(xx. 16).
Si quelqu'un, dit l'apôtre saint Jacques, croit être religieux, ne Avoir li
. , langue inau-
reprenant point sa langue, mais séduisant son propre cœur, sa vaiseestuné
religion est vaine : Si quis putat se religiosum esse , non refrœnans Un- J^,"^.
quamsuam. sed seducensco)* suum, Iwjusvana est reliqio (i. 26). Ceiui 'rament .ic
. J " religion.
qui ne met pas un frein à sa langue, n'honore ni ne sert Dieu; il
coûte pas Ilnad'amour ni pour Dieu, ni pour le prochain,.
■ur lui-même
.ment celui qui ne sait pas gouverner sa langue, gouverne-
rai t-ii ses yeux, ses oreilles, ses mains, ses pieds, son cœur, son
12 LANGUE.
âme, son esprit? Tout est en désordre chez lui; et ce désordre
détruit la piété
Enchaînez v< nie, «lit saint Bernard, si vous voulez être
un bon chrétien ; car sans cette retenue de la langue, la religion est
vaine. Les hommes spirituels qui ont éprouvé cette vérifé, savent
combien Le bavardage affaiblit la dévotion et combien il amène de
dérèglement dans l'intérieur. Comme une fournaise toujours ouverte
ne peut retenir sa chaleur; ainsi le cœur voit disparaître la grâce de
la ferveur, lorsque la bouche uest pas fermée par la porte du
silence (1).
La bouche de l'insensé est sa perte ; et ses lèvres sont la ruine de
Bon âme, disent les Proverbes: Os stulti coniritio ejus; et labia
ipsius , ruina animée ejta (xvut. 7).
Une mauvaise parole pervertira le cœur, dit l'Ecclésiastique : Ver-
lum ne'quam immutabit cor (xxxvn. 21 ); et un cœur perverti a pe«du
■i piété et la religion
il est défendu Que d^ votre bouche ne sorte aucun discours mauvais, dit saint
' -;i ïair'ueT ^au^ aux Éphésiens : Oinnis sermo malus ex ore vestro non procédât
(iv. 29). Que la fornication et toute impureté, ou l'avarice, ne soient
pas même nommée.- parmi vous, comme il sied aux saints : Omit»
immunditia j aut awtritia j nec nominetur in vobis , sicut decet sanctot
(Ephes. v.3). Point de turpitudes, de folles paroles, de bouffonneries,
qui ne conviennent point : que nul ne vous séduise par des paroles
vaines : .1"/ turpitudo, aut stultiloqtdum , aut scurrilitas, quœ ad rein
nonpert icat inanibu» verbis (Ephes. v. 4-6).
vous laisses point séduire : Les entretiens mauvais corrompent
innés mœurs, dit ce grand apôtre aux Corinthiens : Nolite
seduci : cotYwnpunt mores bonne colloqw'a mala (I. XV. 33).
On n toujours Ji nie suis repenti souvent d'avoir parlé, et jamais de mètre tu. dit
'Y,0 Simonidt - : Locttiumto ■■ sape mepœnituit, tacuisse nunquam ( Anton.
d\m>ir mal jn Mrli-S. I. « '.liaeilli | il s'appli (lier CO.i te Sentence
Il i ue impossible, en effet, que dans le.- entretiens
1) Rctiga linguam tuain. li e'.igiosus; qu<a sine linguœ re!igatione,reiigio
lest. Sciuot hominet spiriluales, qui boc expert! sunt, quantum auferal deVotio-
quanlum aOerat dissolu ntrinsecus, rnequens linguœ resolutio. Nam
sii-ut forçai , cujus os umper tpertum est . i potesl in se reiinere rervorem; sic ,
or, devotionii in se grattant poti il cooservare, cujus os non fucrit janua silentii
ii ■ lu>Min ( Tract, de Passion., c. XXYll).
LANGUE. 13
fréquents et prolongés, il n'y ait rien qui blesse, ou. la charité, ou le
désintéressement, ou la pureté, ou la vérité, etc
ÀrrACHARSK, interrogé sur ce qu'il v avait de plus mauvais chns Kiendepius
' . ° * mauvais |uc
l'homme, répondit : C'est la langue (tta Laertius, c. i). la i
La langue, qui est un membre si petit, est un grand mal, dit saie*
Bernard ( Serm. de Custodia linguœ ,etc. ).
La bouche des méchants recèle l'iniquité, disent les Proverbes:
Os impiorum operit iniquitatem ( x. 11 ). La langue est un mai inquiet,
plein d'un venin mortel, dit l'apôtre saint Jacques (m. 8).
La bouche de l'impie est un cloaque plein de boue et d'eau empoi-
sonnée Elle ressemble au lac au fond duquel Sodome et ses crimes
sont ensevelis Le cœur de l'impie est si rempli d'iniquité qu'elle
déborde par la langue. C'est le cratère du Vésuve et de l'Etna, par
lequel s'échappe le feu brûlant des passions , dont le cœur est le
foyer
Ecoutez J. C. : Jo vous dis qu'au iour du ius-ement les hommes utiacim
. . -i • ,., ,. rendra compte
rendront compte de toute parole oiseuse qu'ils auront dite; car vous de ses paroles,
serez justifiés par vos paroles et condamnés par elles (1).
Si, dit saint Bernard, si une parole est qualifiée d'oiseuse, parce
qu'on n'a pas de motif raisonnable de la prononcer, quel ter-
rible compte n'y aura-t-il pas à rendre d'une parole contraire à la
raison, d'une parole qui la blesse ou la déshonore ? (2)
Quel terrible compte devra rendre une langue médisante, calom-
niatrice, impure, scandaleuse; une langue qui profère des blas-
phèmes, des imprécations, des malédictions?...
L'homme qui abuse de sa langue , ne s'affermira pas sur la terre, dit Châtiait nts
le Psalmiste; le mal l'investira au moment de la mort : Vir linguosus resiangUe
non dirigetur in terra; mala copient eum in interitu (cxxxix. 42). perverse
L'insensé sera flagellé par ses paroles, disent les Proverbes : Stul-
tus labiis verberabitur (x. 40). Il sera puni pendant sa vie, à la mort,
Ct dans l'éternité. Dieu le condamnera Il sera châtié par ceux
(1 Dico vobis, quoniam oranc verbum otiosum, quod locuti fuerint homines, red-
ûe:)t rationem de eo in die juclicii. Ex verbis euini tuis justificaberis, et ci verbis tuis
COndemnaberis (Matth. xn. 36. 37).
(2) Si propterea est otiosum verbum, quod nullam rationabilem causam l.uheat;
quam rationem de eo reddere poterimus , quod est prseter rationem? (Herm.de
ÇuAtod.ia lut'juœ, etc. )
H langui:.
ju'ii a blessée, 'tniif&gé$ L'homme qui fait servir sa langue à l'ini-
quité, prépare des douleurs et des supplices tant à lui qu'aux autres.
Il déchire et il est déchire'. 11 est détesté de Dieu et des hommes , ce
qui est le plus redoutable des châtiments
La ruine s'empresse de joindre le pervers, à cause des péchés que
ses lèvres ont commis , disent les Proverbes : Profité* pcccata labio-
rtan, ruina proximat malo (xn. 13). Il perd la paix du cœur, la
grâce de Dieu; il condamne son âme à être éternellement malheu-
reuse. Quel Châtiment!
Saint Chrysostome enseigne qu'Adam et Eve furent chassés du
oara lis terrestre, parce qu'ils ne veillèrent pas assez sur leur Jan-
jue ; mai- s'entretinrent atvec le serpent (ffomil. adBaptîs".).
I lui qui ne veille pas sur sa langue et qui la souille, attire sur lui
nille châtiments : *° Le remords de la conscience...; 2° le regret
l'avoir dit quelque parole imprudente ou nuisible...; 3° le chagrin
d'avoir l'ait naître des inimitiés, des procès, des querelles ; flêé
inces,des injustices...; 4° la douleur d'avoir mérité la prison
ou l'infamie... ; 5° Y obligation de rendre au prochain la réputation
qu'il lui a enlevée injustement...; G0 la nécessité de réparer les i
mages ca les médisances, les calomnies, les mauvais coi;
qu'il s'est permis, etc.. ; 7 ■• la vengeance de Dieu...; 8° la perspec-
tive dujugeoMBl et. de la damnation.
Tous ces châtiments sont autant de traiN brûlants qui le percent,*
le déchirent* ic Eoviaretfi
On doit fnir (Ve nul ne vous séduise i ttv 1 ^ paroles y*hje9 . dit M*rrf p-^l ; car
langues. pour ces choses vient la colère de Dteu sur les iils de la désobéis-
sance. N'ayez donc point de commer ec eux : Nemo vos seducai
inani/ms verbis; paropéer hoc enim venit ira Dei in fiiios dijfideniiœ.
Nolite ergo c/Jîci participes eorura (Ephes. v. 6. 7).
Seigneur, s'écrie le RofeProphète, délivrez mon ;ime des^vre*
iniques et de la langue trompeuse : Domine, Libéra animât», memn a
labiis iniquis, et a lutgua olosa ( exix. 2 ).
Rien de Nous avons vu les maux que cause la langue, lorsqu'on en fait un
"a'iangne™ main ai ; il faut VO« aus^i les liions inlims dont elle est
fi" "un bon ''' Pm,riPe> lorsqu'on s'en sert selon Dieu, la saine raîson et la
usaze. conscience.
La bouche du anal de la vie, disent les Proverbes'
Venuvtiœ osjusti (x. 11 }. La langue du juste è ' le canal de Ja vie,
rr<
LANGUE. 15
qu'elle n'est employée qu'à dire des choses utiles, fécondes, qu
attirent sur ceux qui Fécoutent la vie de la grâce
La langue du juste ressemble à l'argent épuré, disent encore les
Proverbes : Argentum electum linguajusti (x. 20).
On peut établir cinq affinités entre l'argent et la langue du
juste. L'argent sans alliage a pour qualités : la blancheur, la
v , la solidité et la pureté ; il rend un son agréable. La langui
prudente et pure possède toutes ces qualités
Considérez, dit saint Chrysostome, que la langue est un instru-
ment avec lequel nous prions Dieu, nous le bénissons, nous lui par-
lons. C'est le membre par lequel nous recevons le respectable ei-
très-vénérable sacrement de l'eucharistie (1). C'est par la langue puis-
sante du prêtre sacriiicateur que J. C. descend sur L'autel. La iangus
des apôtres a éclairé, converti et sauvé l'univers païen. La langue
âes justes a sauvé le monde dans tous les siècles. La langue est m:
médiateur entre Dieu et les hommes; elle établit la paix sur la terre;
elle unit les hommes entre eux par la charité. C'est elle qui remplit
les cœurs de la grâce et de la douceur divines. C'est pourquoi une
ie sage , pieuse et persuasive est un immense don de Dieu. Le
principe qui rend une langue pure et zélée , est l'amour de Dieu e!
du prochain, né de la grâce intérieure {In Psal. cxl).
La langue loue Dieu, le bénit ; elle chante ses louanges ; elle élèv-
l'homme à Dieu
Si quelqu'un, dit i'apôtio iamt Jacques ', ne faillit point en paroles , Avantages que
celui-là est un homme parfait , et il peut conduire tout son corps boa usage d=
avec le frein : Si guis in verbo non offendit, hic perfectus est vir ; potest °
etiam frœno circumducere totum corpus (m. 2. ) Comme celui qui
met un frein au cheval le conduit et le mène où il veut; de même
celui qui sait retenir sa langue, sait maîtriser ses concupiscences ,
ses passions, ses vices 11 est doux, bon, modeste, obéissant
Celui qui garde sa bouche, préserve son âme , disent les Pro-
verbes : Qui custodit os suum,custodit animam suam (xni. 3). Il pré-
serve son âme : 1° de la tiédeur...; 2° d'une multitude de péchés
qui se commettent parla langue...; 3° de beaucoup de chagrins, et
son corps des dangers fruits de l'inimitié et de la haine...; 4° il lp
préserve des remords
(1) Cogita hoc esse membrum per quod cum Deo loquimur. Hoe est membrum,
per quod imprimis reverendum et surama veneratione dignum sacrificium suscipi-
mus {In Psalm. cxl).
46 LANGUE.
La langue sage et douce est un remède efficace; c'est l'arbre de
vie , disent les Proverbes : Lingua placabilis, lignwn vUœ (xv. A). La
langue sage et douce produit des fruits qui ont quelque rapport avec
ceux de l'arbre de vie : I Elle conserve et prolonge la santé tant de
l'âme que du corps; car elle préserve des commotions, des colères ,
[uerelles, «les lattes. 2° Elle conserve l'homme dans une paix,
tme sérénité, une joie constantes 3° Elle tempère et règle toutes
puissances de l'homme, ses sens, ses affections 4° Elle tempère et
guérit les douleurs et les chagrins du prochain. L'arbre de vie gué-
ri—ut toutes les altérations du corps : la langue sage et douce calme
ceux qu'emporte la colère; elle concilie les ennemis, unit les
jaloux, rend humbles les orgueilleux, encourage les timides, ete
Celui qui garde sa bouche et sa langue, préserve son âme des
angoisses, disent les Proverbes: Qui custodit os suum et linguam
tuam, custodit ab angustiis animam suam (xxi. 23). 11 préserve son
aine de mille ennemis, de l'inimitié, de l'injustice, de la tentation
de nuire, de la colère de Dieu, de l'enfer. 11 est chéri du ciel et de
la terre, il vit heureux, il meurt delà mort des justes, il assure
son salut, il orne sa couronne pour l'éternité
Celui qui hait les longs discours, étouffe le mal, dit l'Ecclésias-
tique : Qui odit loquacitatenij exstinguit malitiam (xix. 5). Celui qui
use sagement de sa langue, se rend aimable: Su^iens in verbis
eeipswn amabilem facit (Ibil.xx. 13).
il but faire Ayez soin de vous conduire dans vos discours d'une manière digue
inî boa '''' l'Evangile, 'lit saint Paul : Digne Evangelio Christi conversamini
Mtge, (Philipp. i. -27 .
L'abbé Pambon disait en mourant: Jusqu'à cette heure, je n'ai
pas à m repentir d'un seul mot que j'aie dit : Non pœnitet me scr-
monis alicujus, quem locutus sum usgue ad hanc horam ( [ta Pàlla 1. in
Ili t. L'ius.yC. x).
Evit< z Les pan 1 is ridicules et vaines, dit saint Paul à Timothée :
Jneplas auie nias devita (I. iv. 7).
Ayez uneconvei - ifiante, 'lit l'apôtre saintPierre: Convcr-
sationom >>onam (Lu. J2). Soyez saints dans tous vos entre-
: 't ip$i in omni ennversatione sanctisitis (I. î. ri).
1 prononcées à propos sont des pommes d'or dans un
vase d'à;. i i l , d • . Xiv. Il J.
LANGUE. 4*7
Que toutes vos paroles , dit saint Paul aux Colnsdpns . soient assai- il faut user
, de prudence
sonnées du sel de la grâce , de sorte que vous sacmez comment vous dans ses
devez répondre à chacun : Sermo vester semper in gratta sale sit paroles.
conditus , ut sclatis quomodo oporteat vos unicuique responders
(Goloss. iv. 6).
Le sel rend les aliments savoureux, dit saint Anselme, et la viande.
salée ne se corrompt ni n'exhale de mauvaise odeur; qu'il en soit
ainsi de votre langage, qu'il devienne pour ceux qui vous écoutent
un aliment plein de saveur. Que le défaut de sagesse ne le rende pas
insipide, ni les révélations de l'impureté nauséabond, ni le mélange
du mensonge un principe de corruption: mais que le sel de la
sagesse de l'âme l'assaisonne toujours, nue la vérité le rende incor-
ruptible et qu'il s'en exhale une odeur céleste de grâce divine (1).
Si vous manquez de l'huile de la sagesse, dit saint Chrysostome,
ou si vous ne fermez pas les portes et les fenêtres de votre cœur, la
vie de votre âme s'éteindra comme s'éteint une lampe qui manque
d'huile, ou qui reçoit un coup de vent : Spiritus œque ac lucerna exstin-
guitur, si aut olei parura habueris , aut foramen non obiuraveris , veï
ostium non occl useris ( Homil. xi in I ad Thess. ). Les fenêtres du
cœur sont les yeux et les oreilles; la bouche en est la porte
Quelqu'un, ajoute ce docteur , vous a-t-il insulté? quelqu'un vous
a-t-il déchiré ? n'ouvrez pas la bouche ; car autrement, vous augmen-
terez vous-même la tempête. Voyez un appartement. Si deux portes
opposées sont ouvertes et qu'un violent courant d'air s'établisse, vous
vous hâtez d'en fermer un'e , et vous réduisez ainsi le souffle du vent
à l'impuissance. Lorsque vous vous trouvez en présence d'un homme
irrité , il y a aussi deux portes qui se font vis-à-vis, sa bouche et la
vôtre (2)
Retouchez deux fois vos paroles avant de les confier à votre langue,
dit saint Bernard. La réflexion purifie l'âme, gouverne les sentiments.
(1) Sicutcibus cui sal immiscetur lit sapnius, et caro bene salita, r.onputrescit,nec
fœtet ; ita sit et sermo vester, et quasi eibus sapidus recipiatur ab ore cordis audien-
tium; non sit insipidus per insipientiara , nec putidus per admonitionem camalis
deleclationis-, nec corruptus per admixtionem ialsitalis : sed semper sale spiritualis
sapientiie conditus, et integritate veritatis incorruptus, atque ouorein cœlestis et in-
corruptibilis deleclationis spirans [In Monolog.).
(2) Convicialns est quisquam? \ituperavit? tu Claude os tuum; si enim illud ope-
rueris, concitabis magis venlum hune. Nunc \ides in mdibus , quando directe daœ
januac oppositae sunt, et llatus vehemens irruerit ; si alteram clauseris, nibil valeat
effkere flatus; ita et hic duœ suut januae , os tuum et os illius (Homil. n inl ad
Thés*. ).
m. $
18 LANGUE.
dirige lés actions , corrif Le les mœurs, ordonne la
teiisë (i).
On l'ait l'aire une quarantaine aux vaisseaux Faisons-en faire
une aussi à noir
Il n'y a que ■ qui parle , parce qu'il est doué de raison ',
ison
Nous o protégée par c!ù-
a nous e à parler |
...
ger, dit igustin,
choi- arlez par t
•langue- .siccligen iris:
rièusloqu vocibus (InPsal. li).
La i ; il faut la retenir à laide do la
et de la |
rd'accommod erses paroles a lu temps,
[icur que son langage
lent I • ries uns,, à déchirer les au tttèr,
à dissimtdi r , à L^ompefj à mentir, à raconter des cli" ..-s et
: la prudence l'ait éviter tous iuts. Le Prophète
•i : - i sa i t-
il, nu tu.. ma bouche, et une po^Pde circonspection a
mes lèi M'- : Porte, i mit e, • •• inm ori meo, et ostium tifehnutnttifm
labiis m
•lit la chose la plus difficile pour
iiiic'.' Il répondit : secret : Silere tacentla
(Apud Stobœum).
discours, dit saint Ambroise, qu'il les
sérieux,
L'expressi ni tJaforim able : Ad mensi monet
sit gravitas in sensu, m aermone
^ (Lib. i Ofiic, c. ni).
'est pas i ouverte, ni
Le, qui est) ■ nuire c
li.it être ouverte quand la ■ et l'utilité l'exigent, mais elle
(1) ^ nel a>l lingaam. i o mériterai
punii at, ic^'it aficctus. dirigit actu exceisus, ipoi il .-•i^iu^Hiam hoacsia.
et oïdiiiat
LANGUE.' 19
soigneusement fermée aux paroles mauvaises qui viennent
tudes d'un cœur corrompu (1).
Ecoutez le Prophète royal : J'ai dit : Je veillerai sur mes voies
pour ne pas pécher dans mes paroles; j'ai mis un frein à ma bouche
impie s'élevait contre moi : Dixi : Custodiam vias meas ut
nondelinquam in lingua mea. Posui ori meo custodiam, cum consisierci
peccator advcrsum me (xxxvnr. 2).
Ne parler pas au hasard, ditl'Ecclésiaste; que votre cœur ne prê-
tes discours ; que vos paroles soient en petit nombre : Ne
re quid loquaris , neque cor tuum sit velox ad proferendum sermo-
nem ; sint pauci sermones tui ( v. 1 ).
En général, dit saint Chrysostome, toutes nos paroles doivent
tendre à une fin honnête, utile, raisonnable : Gêner atimomnia verba
tendere debent ad finem honestum, utilem, rationabilem (In Psal.xxx vin).
L'homme, ayant la raison, doit parler sensément. Il faut que
toute parole puisse être rapportée à Dieu. La langue a été donnée
pour prier et louer Dieu, pour servir le prochain et se sanctifier
soi-même
Où les paroles abondent , le péché se rencontre , disent les Pro-
verbes; mais celui qui modère ses lèvres, est très-prudent : In
multiloquio non deerit peccatum ; qui autem moderatur labia sua , pru-
aentissimus est (x. 19 ).
L'Esprit-Saint inculque fréquemment la nécessité de veiller sur la
langue. Elle doit être gardée avec au moins autant de soin qu'une
ville assiégée: comme une forteresse est défendue par des soldats,
désarmes, des remparts, des tours, la langue a reçu de Dieu puiir
défense le palais, les dents et les lèvres. Et comme il y a, nuit et
jour, des sentinelles aux portes d'une place de guerre et sur les rem-
parts, afin d'observer i'ennemi et de protéger la ville, ainsi, iaut-il
que l'intelligence et la raison se tiennent en sentinelles vigilanus à
Ja porte de la bouche, pour qu'il n'en sorte ou n'y entre rien qui
puisse nuire à l'homme. Et comme le palais goûte, et les dents tri-
turent les aliments avant que l'estomac les reçoive, ainsi toutes les
paroles doivent être goûtées, examinées, triturées avant quïl soit
permis à la langue ùe se mettre en mouvement
Avant de parler, l'homme prudent, dit saint Ambroise, considère
(1) Ostium nonsemper patet, nec 5em>;er cînudiîur; sic os nostrum, qnod est ostiura
i, verbis prudenlib'us et utilibus est in temporc reserSuadum : pravis vero
ilis moribus cordis surgunt, jugiler est claudcudum [De Passion.
., C. XiVl).
20 T.ANGPE.
plusieurs ehoses : ce qu'il «lira, à qui il le dira, en quel lieu et en
ipsil le dira : Sapieris, ut loquatur , multa prius considérât,
t, aut cui dicat, qui in loco, quo tempore (Lib. I de Offic, c. x).
Les lèvres de? imprudents prononceront de? discours insensés, dit
I xnais les is sages seront pesées dans des
in xmprudentium stulta narrabunt; verba autem pruden-
iium statera ponderabuntur ( xxi. 28 ). Qui donnera une sentinelle à
nia bouche , dit encore l'Ecclésiastique, qui mettra un sceau invio-
lable sur mes lèvres, afin que par elles je ne tombe pas, et que ma
... ne cause j te? Quis dabit ori meo custodiam , et super
■ signaculum certum, M non cadam ab ipsis, et lingua meaperdat
me? (zzn.33.)
Heureux celui qui peut dire avec Job : Vous ne trouverez pas
l'iniquité sur ma langue : Non invenietis in lingua mea iniguitatem
(vi. 30); et avec le prophète Jérémie : Seigneur, les paroles qui
' sorties de ma bouebe ont été trouvées par vous pleines de
àroi à egresmm de labiis meis, rectum in conspeciu tuo fuit
(xvu. 10).
ji tant rran- On demandait à Démosthene pourquoi l'homme, qui avait deux
,.; oreilles, n'avait qu'une langue*— Parce que, répondifr-il , l'iiomme
doit écouter deux fois avanl de parler une seule: Quoniam duplo
mugis audire hominis expedit, quam loqui (ItaStobœus).
Que chacun de vous , dit L'apôtre saint Jacques, soit prompt à
écouter, et Lent à parlai : SU autem, omnis komo velox adaudi<>iulumy
tardas autem ad loqvendvm ( i. 19).
\ i.i une sentence célèbre de Sénèque : Tacere quisquis nescit , hic
nescit loqui : Celui qui ne sait pas se taire, ne sait pas parler ( In
Prov. ).
ton dit an ;.!r>nro no nuit à personne, mais parler peut
nuire : Nulli tacuisse nocet, nocet esse locutum ( lta Laertius , lib. \ II,
ci).
L'homme, dit Epaminondn- . doit être désireux d'entendre plutôt
que de parler; parce que de L'audition vient la science, et de la
loquacité Le repentir: llninn débet esse cupidus audiendi poilus quam
loquendi; quia ex audiendo ducL ina . ex loquacitate pœnitentia îuuciiur
{ Lta Maximu
Dieu a par!- J. C. a parlé peu...; la sainte Vierge n'a
!•- euxann gloire da Dieu; cependant, ils garant la
LANGUE. 21
silence L'univers entier carde le silence Il n'y a que les tem-
pêtes et le tonnerre qui parlent et qui parlent très-haut; que produit
leur bruit?...
Langue vient du verbe lier , lingua a ligando
Que les œuvres parlent et non la langue, dit saint Augustin:
Openbus loquantur , non vocibus (Serm. xxxn inEvang. Luc. ).
Rien ne gouverne mieux la langue que le silence. Voulez-vous,
apprendre à parler , taisez-vous ; et durant votre silence , pensez à
ce qu'il faut dire, et comment il le faut dire. Ecoutez, examinez , et
taisez-vous, si vous voulez vivre en paix
Saint Arsène reçut de la bouche même d'un ange la leçon que
voici : Arsène , fuis, garde le silence , sois en paix ; voilà les prin-
cipes et le chemin du salut : Arseni, fuge, tace, quiesce : hœc sunt
principia salutis (In vit. Patr. ).
L'abbé Agathon se tint pendant trois ans une pierre dans la bou-
che, afin que cette gène lui apprit à garderie silence ( In vit. Patr.).
J'ai gardé le silence, dit le Psalmiste : Obmutui (xxxviti. 3).
Parlez très-peu, ditl'Ecelésiaste : Sint pauci sermones tui ( v. 1 ).
Je me suis souvent repenti d'avoir parlé, et jamais d'avoir gardé
le silence, dit Simonides : Locutum esse sœpe nie pœnituit; tacuisss
nunquam ( Ita Maximus ).
L'abondance des paroles renferme beaucoup d'erreurs, mais le
silence en est exempt, dit Apollonius : Loquacitas muitos habet
errores , silentium autem tutum est ( ïta Laertius ).
Gardez le silence, dit saint Dorothée; car l'abondance des paroles
étouffe dans le cœur les bonnes et célestes pensées ( Doctrin. xxrv de
Compunct. ).
Un fourneau conserve sa chaleur tant que la porte est fermée; de
même le cœur conserve l'amour de Dieu lorsque la touche ne s'ouvre
pas trop souvent.
Il est nécessaire, dit saint Chrysostome , de garder le silence pour
recouvrer la félicité céleste qu'Adam perdit en parlant : Custodiam
linguce esse necessariam,ut felicitatem paradisi , quam loquendo perdidit
Adam, quoad licet recuperemus (Homil. adBaptizandos).
Veillez sur la clôture de votre bouche, dit le prophète Michée ;
Custoaï claustra oris tui (vil. 5).
ÏLfaut, 1° peser ses paroles...; 2° parler peu, et dire toujours de Autres
, ■ , „ ça - moyens pour
bonnes choses... ; 3° examiner souvent sa conscience...; U otmr a bien se servir
Dieu, le matin, les paroles de la journée.....
52 LiWE.
On pu.' ' langue dans le feu de l'oraison
e; il vient du Saint-Esprit;
purifie le la langue des justes, qui les gouverne, les
iGn qu'ils ue disent rien que de vrai, d'utile, d'édifiant,
- î 1 1 1
Quelle es! la clôture de la langue ? c'est la raison, la loi de TJieu,
• et la charité
beaucoup d'aliments dont on ne peut user ?ans les relever
du ?r|, t}'\ le vénérable Bède; ainsi les vertus ne s rventde
rien lors [u'< lies nesi ai pas accompagnées de la charité Prov.). Mair
la charité sans la sagesse et la prudence d : la langue?...
LAUMES.
! vos misères, dit Tapôtre saint Jacques, et flrémfclefc, et Motifs
chrél
pleurea; que votre rire se change en deuil, et votre joie en ^e
tristesse : Misèri estote, et liante , et plorotc : risus vester in l»"açs.
n convertatur, et gaudium in mœrorem (iv. 0). Et maintenant,
, hurlant dans les piis-res qui viendront sur ï i
richoïses sont tombées en pourriture, et lester? ont mar-p^ vos
vêtements. Votre or et votre argent se sont couverts de rouille . et
cette rouille rendra témoignage contre vous , et dévorera v
comme le feu. Vous avez thésaurisé la colère pour vos derniers
jours (Jacob, v. 1-2),
. En effet, dit saint Augustin , la région de6 morts est la
q des scandales , des tentations et de maux. Gémis-
ici-bas, pour mériter de no; au ciel : v. s sur la
(erre , les consolations dans le ciel. Dans la région :1s. c'est
le travail, la douleur, la crainte, la tribulation, tes gémissements,
les soupirs (1).
tei-bas, nous sommes nourris du pain des larmes et abreuvés de la
ooupe des pleurs, dit le Psalmiste : Cibabis nos pane lacrymarum, et
dabis nos in i a rnensura (lxxix. 6 ).
L'homme, dit saint Grégoire, sait quelle doit être
ie son âme, lorsque enflammé des désirs de l'éternelle patri
im\, en versant des larmes, la peine de son voyage : H\
mimœ amaritudinem scit, cum œternœ patriœ desideriis acccnsa, perc-
grinationis suœ pœnam flendo cognoscit (Pastoral. ).
Ecoutez J. G. : En vérité, en vérité je vous le dis : von - -rez
?t vous gémirez, et le monde se réjouira; vous serez dans la ; -
se changera en joie : Amen, a,
cobit. is et flebitis vos, raundus av.tem gaudebit ; v
jontristabiminij sed tristitia vestra vertetur in gaudium (Joami.
xvi. 20).
(1) Utique recrio ista scamlalorum est, et tentationum , et omnium rm^nim; m
npereamur -
morlu lolor, tiiuor , tribulatio , geraitas, suspirium [In
S. Jucob. ).
54 LA.RMEG.
Pleurez sur le mort, parce qu'il a perdu la lumière, dit l'Ecclé-
siastique; pleurez sur l'insensé, parce qu'il a perdu la raison.
Cependant, pleurez peu sur le mort, parce qu'il est entré dans
le repos. La a ie criminelle du méchant est pire que la mort de l'in-
sensé. Le deuil de la mort dure quelques jours; mais on doit
pleurer sur l'insensé et sur le nichant tous les jours de leur vie.
(im. 10-13).
Qui donnera de l'eau à ma tête et à mes yeux une source de
larmes , s'écrie Jérémie , et je pleurerai nuit et jour les morts de la
iille de mon peuple? Quis dabit capiti meo aquam, et oculis meis fort-
iem lacrijmarum ? et plorabo die ac nocte interfectos filiœ popuii mei
(ix. 1). Je pleurerai mes péchés et ceux que les autres ont commis;
je pleurerai la mort spirituelle des pécheurs
Qui donnera, s'écrie saint Bernard, qui donnera de l'eau à ma
tête et à nus yeux une source de larmes, pour prévenir par mes
pleurs lee pleurs et Les grincements de dents éternels, et les liens qui
attacheront les mains et les pieds du réprouvé, et le poids des chaînes
qui pu .-seront, comprimeront et brûleront sans détruire (I).
Je suis bien résolu, ajoute ce grand saint, de ne jamais rire jus-
qu'à ce que j'entende ces paroles sortir de la bouche de Dieu : Venez,
les bénis de mon Père ; et de ne jamais cesser de pleurer, jusqu'à
ce que je sois à l'abri de cette sentence : Retirez -vous de moi,
maudits >- ,
En considérant lea déceptions, les peines, les misères et les afflic-
tions de la rie, les sueurs, les travaux, les dangers, les maladies, les
souffrances qu'elle doit supporter, la mort qui en est le terme, la
pourritur vers du tombeau, l'incertitude du salut, il est
impossible de ne pas verser des larmes fréquentes, abondantes et
•mères
M. os quand on considère les dangers que court notre salut,
nos Qombri tu et cruels ennemis, nos faiblesses, nos concupis-
cences, les tentations auxquelles nous sommes sujets, nos pas-
"'"-. Im ii •.' i\ péchés que chacun de nous commet, et les
(1) Quis dtbit capiti meo aquam . et oculis mais fontem lucr jmarum , iitpiwve-
-îi.mi Qetibui Qetum, et ilridorem dentium, et manuum pedumque dura rincula, et
p.. h, lus cateuarua prementiam , itriogeatium, urentium , aec consumentium ?
{Serin, xvi in Cun.'. )
(2) Firmum est mibi propositum nunquam ridendi , quoosque atidiam ct ore Dci
BkTerba: Venite, I nedicti; ooque a fletu Ici stom, donec liber sim ah iila s<»n-
teutia : Discedilc a me maled
IARMES. 25
péchés des autres, le peu de vertus que nous pratiquons, le peu de
. de foi, d'espérance, d'amour, d'Lum il ité , de patience, de
pureté, de mortiiication, de zèle que nous avons, le jugement qui
nous attend et l'enfer dont nous sommes menacés, il est impossible
de ne pas verser un torrent de larmes
Jésus-Christ pleurait souvent , il ne riait iamais ,J- c .
* " et le* «n>nt!i
A force de gémir, dit le Prophète royal , mes os se sont attachas nous ont
à ma peau : A voce gemitus mei, adhœsit os meum carni meœ ( ci. 6 ). leur exemple
Je mêlais ma boisson avec mes larmes : Potum meum cum fletu misce- à ^erser des
' larmes.
bain (Psal. ci. 10). Je me suis fatigué dans mes gémissements;
ma couche, toutes les nuits, sera baignée de mes pleurs; mon
lit sera arrosé de mes larmes : Laboravi in gemitu meo; lavabo per
singulas noctes lectum meum; lacrymis meis stratum meum rigabo
(Psal. vi. G ). Jour et nuit, les larmes ont été ma nourriture ; Fuerunt
mihi lacrymœ meœ panes die ac nocte (xli. 4 ).
Job ne cesse de pleurer
La sainte mère de Dieu pleure pendant sa vie, et surtout au piec
de la croix : S (abat mater dolorosa, juxta crucem lacrymosa
Madeleine arrose de ses larmes les pieds de J. C. ( Luc. vu. 38.
Pierre pleure amèrement : Flevit amare (Matth. xxvi. 75 ).
Mes larmes tombaient rapidement, dit saint Augustin : Currebani
lacrymœ (Lib. Confess. ).
Le roiEzéchias verse des torrents de larmes : Flevit -fletu magne
(IV. Reg. xx. 3).
Tobie gémit et prie en versant des larmes : Tune Tobias ingemuity
et cœpit orare cum lacrymis (ni. 1 ). Samuel et Jérémie pleurent
constamment.....
Tous les saints dans tous les siècles n'ont cessé de pleurer leurs
faiblesses et les péchés d'autrui. Us aimaient à pleurer, dit sainï
Bernard, et ils pleuraient amèrement; ils pleuraient amèrement,
parce qu'ils avaient une souveraine douleur des iniquités qui souil-
laient la terre : Amabant flere, et flebant amare ; amare flebant, quia
amare dolebant ^ Serai, in Cant. ).
Ecoutez saint Ephrem : 0 vertu des larmes , qui est le remède aux Combien
péchés , s'écrie-t-il ! Par elle les pécheurs deviennent heureux. Les précieuses et
pleurs lavent l'âme , la purifient , font renoncer aux voluptés et per-
fectionnent les vertus (1).
(1) 0 lacryiLarura viriutem., <juee mcùiciftajjs officia» es peccatorum? Per u
avantageuses.
26 LAttMES.
Humbles larmes, s'écrie saint Laurent Jusfinîen, vous rem-
portez la victo invincible, vous liez le Tout-Puissant; vous
faites mêle Fils de la Vierge; vous ouvrez le
ciel : tous mettez le démon en fuite : 0 lacryma humilis! vincis
l li'jas Omnipotentem , inclinas Filium Virginis, aperis
cœlum. fugas diabolum \ Lib. de Ligno vitae, c. a ).
! ianze : Le? larmes des Ames pieuses,
dit--' ' s purifient lé
/ jryma, peceati dilnvhcm sunt, et mundi cxpiamentum { Orat. i
c
nd baptême qui lave et purifie comme
le premier, dil -.->i' du vu).
Le démon, dit Pierre de Celles, supporte avec moins de peine les
flammée de ios larmes : Diabolus tolerabilius sustinct
flamih ><tram (Lib. dePanibus, c. xn).
<>h: ,| : immense renferment les larmes de- pécheurs!
: elles arrosent le ciel, elles puril ; f
I le l'eu de l'enfer, elles effacent la sentence
de crimes (!).
ilme la colère de Dieu, dit saint Anselme; les larme i
lui fonl violence et le coi f à pardonne-
m baume, celles-ci frappent comme un glaive lOratioDeum
yma coyit ; hoc ungit, Ma pimgit ( In Tobia ).
UT, dit le PsaJn is avez avez mis mes larmes devant
vos yeux : /'<< uit i lacry s meas in conspectu tuo (lv. 8).
iv qui oi les larmes, i iront dans l'allè*-
••• Us allaient et ; andant leurs sem<
rr\ iend]
Ilniiil.l.' larme, - islin, le royaume dn c
toi, l.i i it; tu ne re Imites pas la pré
mis qui accusent :
seule veri le Roi . m i
I cfflciurilar , ,,..; . ,,,i,]it,
TOlupI
giuit :rlirnii.iin. .1.1 ni iu M
,it in lacrfa . •
' m vcoienl -
■nos P
; non
Ttrei
i
Ï.ATUŒS. 27
Plus on pleure sa faute, dit saint Grégoire , plus on s'élève dan? !a
connaissance de la vérité, parce que la conscience, depuis longtemps
souillée, est lavée dans le baptême des larmes, et devient apte à
la lumière intérieure. La force du repentir ouvre ies pores du
cœur, et donne des ailes aux vertus (I).
Quels sont les péchés que les pleurs n'effacent pas, dit saint
Quelles sont les taches, quelque noires et vieilles qu'elles
soient, que les larmes ne lavent pas? Quœ peccata fletus non purget ?
irweieratos maculas hœc lamenta non abluant ? ( Epist. )
Il faut exciter les larmes et non les applaudissements, dit saint
Bernard : les larmes des pénitents sont le vin des anges. Oh! que cette
cd ur d'une nouvelle vie, cette saveur de la grâce, ce goût du par-
ti . ^etle allégresse de réconciliation, celte santé de l'enfant prodigue
qui revient, cette suavité d'une conscience qui a retrouvé la paix,
que toutes ces merveilles sont pour les anges un vin délicieux ! (2)
Pour le cœur, les larmes sont douces comme le miel; elles sont un
encens d'agréable odeur qui monte vers Dieu
.Après une pluie abondante, dit saint Chrysostome, l'air devien'
plus pur et plus serein; après les pluies de larmes, la pureté et la
tranquillité de 1 "âme renaissent, le nuage noir des péchés se dissipe.
Et comme nous sommes purifiés par l'eau et le Saint-Esprit, nous le
sommes aussi par les larmes et la confession (3).
Les crimes honteux qui mettent obstacle au salut du pécheur sont
effacés par les larmes; les larmes le rendent beau comme l'or, dit
saint Grégoire ; en pleurant ses péchés, il est revêtu de la splendeur
de la justification {Lib. Moral.).
Les larmes que l'on verse durant la vie soulagent et purifient;
s que l'on verse après la mort sont douloureuses et inutile?
Les larmes sont la voix de la pénitence et de la prière; cette voix
urs entendue de Dieu. Pleurer, c'est acheter le pardon de
(1) Quo uberius culpa fletur,eo altior cognitio -veritatis attingitur; quia, ad viden-
dum internnm lumen, polluta dudum conscientia, lacrymis baptizata renovatar. Vis
compunetionis poros cordis aperit, et pennas virtutum fundit Lib. XXI Moral.).
(2) Movcndum est planclum , non pi lacrynjae pœnitentium vinum sunt
mm. Quod in illis vila; odor, sapor gratis; sit , indulgentia; gustus , reconci-
is jucunditas, sanitas redeuulis, serenate suavitas conscicntiœ ( Serm. xxxix in
Cant. )
icut po?t véhémentes imbres, mundus aer ac purusefficitur ; ita etiam laery-
m ■ ntis sequitur atq;ie tranquillitas : omnisque illa do
1 • iiitu, sicrurstis
. jmis et eonl fessi< -///.).
28 LARMES.
scs péchés; pleurer, c'est arroser la terre desséchée de son cœur et
la rendre fertile
Le roi Ezéchias pleure ; aussitôt le Seigneur lui dit : J'ai vu te?
ïarmesetjete rends la santé : FUvit Ezéchias fletu magno hœc dicit
Oominus : Vidi lacrytnas tuas, et ecce sanavi te (IV. Ileg. xx. 1.3. 5).
Anne, mère de Samuel, dit saint Bernard, mérita par ses larmes
d'avoir un fils; de plus, elle obtint le don de prophétie. Par ses lar-
mes, David obtint le pardon de l'adultère et de l'homicide dont il
tétait rendu coupable; p ir ses larmes, Tobie recouvra la vue; par
ses larmes , Marie - Madeleine mérita d'entendre ces consolantes
paroles du Sauveur : Tous ses péchés lui sont remis. Pierre pleure,
et il obtient le pardon de sa triple faute ( Serin, xxxix in Cant.).
Marie l'Egyptienne, Thaïs, Augustin, etc., versent des larmes , et
ils obtiennent, non -seulement le pardon de leurs nombreux et
énormes péchés, mais il- deviennent de très-grands saints
Seigneur, dil Sara, épouse du jeune Tobie, Seigneur, après la tero-J
pète vous ramenez le calme, et après les gémissements et les larmes;
vous répandez la joie. Dieu d'Israël, que votre nom soit bém* dans
tous les ùècles : Post tempestati m, trangtâlltan facis; et post lacryma*
ionem infundis. Sit nomen tuum , Deus Israël >
benedictum in »-cula (Tob. ni. 2-2. 23).
La pluie des \m\, dit saint Augustin, fait assez de bruit nm:
oreilles du Seigneur; il a plus tôt entendu les larmes que la voix r
Sufficit awribus ( Domini) imbcr ocidorvxi, flef.m citius GzdU qumn
vocesÇtib. •-.).
Je ne doute pas que Dieu n'ait reçu en sa présfinrtA mr« ppîfcres oi
larmes, dit B \ondubito quod Deus preœs et lacryma*
méat in conspectu s rit (Tub. mi. 43).
0 puisse ce des lari rie saint Ephrem , jusqu'où ne pêne
tres-tu ii--' >i qui, pleine . surmontant tous
clés, cielîO puissance des larmes , tu peux avec
. quand tu le veux te tenir au pied du trône sainl el élevé du
Dieu sac ! Opu > ésence et en espérance
d< laquelle la 1 1 î ■ i i i -nies vertus célestes sent
toujours dans l'a!' | . .. , , mj clin d'œil
tu montes et tu arrives au i l,c .... si tu étais portée sur desaJJes
agiles, et tu obtiens de Dieu tout cequetului d ; i|»vieni
; la remis
lez donc <ï votre iudi,. . iteur
Larmes, la lumière du cœur et la force, afin que , répandant
lAMifS. 2tf
constamment et délicieusement des torrents de larmes, mon cœur
il éclairé au sein d'une prière pure, que le contrat passé avec
L'enfer par mes péchés soit effacé, et son feu dévorant éteint (1).
0 vertu des larmes , s'écrie saint Ephrem , tu tires de l'enfer ceux
qui t'aiment, et tu les élèves jusqu'au ciel! 0 lacrymarum virtu-
tem quœ ab inferis ad cœlos usque reducis desiderantes te ( Serin, m de
Compunct. ).
Agenouillée aux pieds de J. C, Madeleine lui offrait par ses lar-
mes un festin plus agréable et plus savoureux que ne l'était celui
de Simon et sa table splendide
Les larmes sont des perles précieuses que Dieu estime à un si
grand prix, qu'il les recueille lui-même, selon ces paroles du Roi-
Prophète : Posuisti lacrymas meas in conspectu tuo : Vous avez placé
mes larmes devant vous, Seigneur ( lv. 9).
Pénétré de cette vérité, saint Arsène pleura durant sa vie entière
( In ejus vita ).
Notre Dieu, dit sainte Synclétique, est un feu qui consume ; et le
moyen d'enflammer nos cœurs de ce l'eu sacré, c'est de verser d'abon-
dantes larmes ( Surius, in ejus vita ).
Un cœur qui répand des larmes, dit l'abbé Hypérichius, attire
promptement la miséricorde divine ( Surius , in ejus vita ).
L'ombre ne quitte jamais notre corps, les larmes ne doivent
jamais cesser de tomber de nos yeux. Les larmes nous ouvrent la
terre des promesses , cette terre où l'on ne craint plus les ennemis
et la guerre.
Dieu veut que les hommes pleurent dans le désert de ce mon de, afin
jue, portés sur le fleuve des larmes qu'ils auront versées, ils arrivent
au port du ciel
Là où sont les larmes , dit saint Basile, s'allume le feu spirituel
qui éclaire les profondeurs de rame, et réduit en cendres tous les
(1)0 lacrymarum vis, quousque pertingis, quœ mnlta cumfiduch, nulîî? impedita
retinacalis, ipsum cœlum pénétras ! 0 vis lacrymarum , quai , si velis , an te saoctum
atque excelsum immaculati Domini thronum cum gaudio adsistere pôles ! 0 vis
lacrymarum in cujus pr&seutia atque confidentia, angelorum ordines , cœlestesque
omues virtutes semper exsultant ! 0 lacrymarum potentia ! quomodo in ictu oculi,
quasi preepetibus sublata pennis in cœlum revehis atque ascendis, et postulata a Deo
9:tiicto obtines : occurritque tibi hilariter, indnlgentiam ac remissionem peccatorum
deferens! Largire igilur mibi indigno famulo tuo, Domine, lacrymas, illuminationtm
cordis atque i'ortitudinem, ut fontes lacrymarum jugiter cum dulcedinefundens, cor
meum illustretur in oratione munda, ut magnum illud delictarum meorum chiro-
graphum lacrymis deleatur , ignisque ardens Un tietu exstiii^uatur (Serau m de
Ççmpunet. ).
30 larmes.
pCcli - : fuèriht l , tpirHalis ignis acrmnitur , qui
sécréta mentis illuminât, ei citia cuncta exur, il. IT de gra-
liarum Aetione).
C'est en larmes que J. C. afin de
ut dans le r
pour le rappeler à ia vie, et leti
du tombeau terrible de • ifcir. Sainti iene
pendant vingt ans de pli
tin. Aussi un évêque lui dit 11 est I de
Mi
obtint !fl -ion de son iils; et de feandal
\int nu grand le plusaavan
de ii eur, et u.i très-gran 1 Paint (
c. xu, et iitcjus vila).
Axa. fille de Caleb; lui demaude avec larme? une terre fertile; elle
. 11 faut a issi demander à Dieu, avec lai
et un D les richi e9es de la vertu, !'■
terre des vivants, i. assurée d'oUenirain^i cps met
i. EcrvonS-îiouS de nos larmes coin itio
d'un . i*s le démon en fuite
Qn • ci i .i-ia ii veut êtr<
me; et que celui-là qui veut élever l'édifice des Vtàths,
~ (')•
Pllfuneproviéétfcéin ni èque, Dféuadonné'àuxyè'uxla
. afin qu par
leurs regards, l'expient en | : \siiït Deux
et fieturn; ut qui tvmmittunt delictum àïderido, pœnas
| in l't .
DÛ à Dieu du fond du cœur avec saint Augus
w autant
?ous, quejeparle de vous, [\ - !,. . elque
page où il est qu .,, . :
total j i verse de lo et ab larme»*,
juell.s deviennent ma nourriture le jour et la nuit. Par toute la
' Qiri miH lihpinri t\ pMCftl «. flelu ei planctu liberabitur ;ib H*: ot qui vult
■ ■ I . .. :
LARMES. 31
miséricorde avec laqiiellè vous avez daigné venu* à notrp $eéfmrs
r nous étions perdus, je vous prie, ô bon Jésus, de m'accorder
la grâce des larmes, que mon âme désire a\ec ardeur (1).
Heureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés, dit J. C. : Bonhêm
i qui hicjent, quoniam ipsi consolabunlur (Matth. v. o ). Heûrteux larmes.
ceux qui pleurent , surtout au fond de leur cœur. Heureux ceux qui
pleurent leurs péchés et les péchés des autres; ceux qui pleurent leur
exil et leur mise en prison dans le corps, contre lequel il leur faut
livrer des combats terribles et continuels. Heureux ceux qui pleu-
rent en soupirant après le ciel et l'amour de J. C, dont ils souhaitent
er en possession , comme de leur suprême bien Malheu-
reux homme que je suis, s'écrie saint Paul, qui me délivrera de ce
corps de mort? Infelix ego homo, quis me liberabit de cor pore mortis
/m j ut? { Rom. vu. 24. ) Je désire ma dissolution, pour être avec J. C:
. ns dissolvi, et essecum Christo ( Philipp. i. 23 ).
Heureux..., parce qu'ils seront consolés : Beau.'.., qvoniam
ipsi consdabun'ar. Ils seront consolés, même dès cette vie; car les lar-
ir sont infiniment plus douces que toutes les joies du
lé bailleurs, ceux qui pleurent ici-basse réjouiront éternel-
lement dans le ciel. Une joie éternelle couronnera leur tète, dit Isaïe;
ils vivront vîésormais clans l'allégresse et le ravissement; la douleur
s gémissements seront à jamais éloignés d'eux : Lœtitia sempi-
ternx super caput eorum ; gaudium et lœtitiom obtinebunt , et fugiet
et gemitus ( xxxv. 10 ).
La vraie joie en ce monde n'habite eue le cœur contrit; elle ne se
trouve que dans les larmes de l'homme qui aime Dieu Saint
Jérôme dit de sainte Paule : Elle à pleuré afin de se réjouir éternel-
lement : Fîevit ut semper rideret (Obit. sanctae Paulœ describ. ).
Mes larmes coulaient abondamment, dit saint Augustin; et elles
aient agréables : Currebant lacrymœ,et bene mini erat cum eis
(Lib. Conl'ess. j.
Nôtre-Seigneur J. C. ajjpelle heureux ceux qui pleurent, parce
nir ils se réjouiront. Il n'appelle pas heureux ceux qui
pleurent la mort d'un ami ou toute autre perte; il n'appelle pas
(1' Frotta nuhi Imnc gratîftin, lit qnppes de te cogite-, deteloquor, de te scribo,
de le 1 mis in couspectu tuo copio?e et diilciter
Qeam ; ita ut effieiontur mihi lacrymne ratete panis die ac nocte. Roço te , bone Jcsu»
per oranes miseraliones tuas, quibus nobis perditis mirabililcr subvenire dignatus es,
da mihi gratiam uicrj maruia, quam muitum desiderat anima Jiiea [In SolUaq.)*
P2 LARMES.
heureux ceux qu'une déception chamelle fait pleurer; mais il
appelle heureux ceux qui pleurent leurs péchés, leur éloignement
de Dieu. Ceux-ci pleurent maintenant pour un peu de temps, mais
dans la vie future, ils seront consolés; ils se réjouiront durant les
siècles des siècles
Et quelle joie pour le ciel, lorsque le pécheur sur la terre versa
des larmes de contrition î...
Nous pouvons dire que les larmes des âmes iidèles proviennent de
la ferveur de la charité, dit saint Basile; car elles pleurent d'amour,
en jetant les yni\ sur celui qui les aime et qu'elles aiment; et ces
larmes font leurs délices [Homil. iv degrat. Act.).
L'Apôtre nous engage à pleurer avec ceux qui pleurent ; ces
larmes sont une espèce de semence qui se change en joie et qui croit
pour le ciel. C'est pourquoi les larmes ne sont pas un obstacle à la
joie spirituelle , mais cl les l'augmentent ; c'est une huile qui nourrit
le feu du céleste amour. Le cœur pénitent désire les larmes et
réjouit; il se nourrit du repentir et des pleurs comme d'un mets
exquis. Saint Antiochus disait: L'abondance des larmes est pour le
cœur ce que le miel est pour la bouche (IJomil. cvii de Coni-
punct.).
Pierre uV Celles 'lit excellemment : Le pain de ceux qui sont con-
trits, c'est l'abondance même des larmes; car comme le pain rassasie
celui qui a faim, ainsi les larmes fortifient et nourrissent lame
tente. L'homme qui a faim tombe en défaillance s'il manque de
pain; l'Ame déchirée par le sentiment de ses péchés, languit si elle
n • verse des larmes; le pain calme et rassasie la faim, les larmes
adoucissent la douleur el la ■ iiangentenjoie {Lib.de Panib.,c. xn).
Soyez assurés , dit saint Ephrem, qu'il n'y a rien de plus doux sur
la terre que le don des larmes : si quelqu'un d'entre vous 1 Spi
combien les larmes s mt douces, il se sentira élevé vers Le ciel , et il
méprisera tout ce qui est sur la terre ( Orat. de extremo judicio et
compunct.).
Voulez-vous Être heureux et consolés, dit saint Chrysosluine,
pieu . ai Dieu sole, Lors même que les cJ
précipiteraient à Bots but vous, vous vous trouverez plus fort
qu'eux : Si vit consolai i, luge : quando enim consolatur Deus, etiamsi
mUlia moerorum irritant , euru >' r existis ( Homil. xv).
Les I i net de la componction donnent l'espéranci
et (1 i lies en sont les arrhes et l'avant-goût. C
fait din a saint Macaire: Les chrétiens ont pour consolation les
LARMES. 33
larmes; elles sont leurs délices; elles leur tiennent lieu de tout
( Homil. xv ).
Bien plus, saint Chryscstome dit : Il n'y a rien d'aussi doux que
les larmes qui coulent pour Dieu : Nulla res est œque jucunda , atqua
luctus qui ex Deo est ( Homil. xxiv in Epist. ad Ephes.).
Si les larmes sont si douces , dit saint Augustin , combien le ciel
ne le sera-t-il pas? Les larmes de ceux qui prient sont plus agréables
que les vaines joies que l'on goûte au théâtre (Lib. Confcss. ).
Vous avez maintenant de la tristesse, dit J. G. à ses apôtres; mais
je vous reverrai, et votre cœur se réjouira, et nul ne vous ravira
votre joie : Nunc quidem tristitiam habetis; iterum autem videbo vos,
et gaudebit cor vestrum; et gaud'mm vestrum nemo tollet a vobi*
Joann. xvi. 22).
LECTURE.
,les!l, i rii.i. à la lecture , dit saint Paul i
4
de /m ttiée:Alt< '■■ ne peut faire son salut,
me , s'il ne s occupe de faire souvent des
)test ut quisqûam Satufem asseguatur,
lectione spirituali (In Catena). Ce grand doc-
riture sainte et des bons livres
aux moines et auxTeligieux, mais
dans l'état du mariage.
e, dit-il, sont tenues de faire ces
[ares pli ient encore que les personnes consfl-
ont plus de distractions, de tentations,
v : elles doivent donc ne pas négliger cette
a).
ut être toujours avec Dieu, dit saint Augustin, doit
■'dt cumDeo semper esse , fréquenter débet
;goût continuel pour la nourriture,
, it du corps; il en est
. ien n'annonce plus certainement
coin: L'un dégoût persévérant pour
ITet, d'un homme qui se ferme
ulut, ou qui se met dans l'impossibilité
(I \ parvenir? Or tel es int Chrysostome, celui .i n'a pas
nés lectures, ou du moi par des
' )•
fnérale Les gens
■lu m ultiieux du siècle , et sans
iporelleg
i du l urbill n rapide
d-ils de friec* que
mmerce des hommes? Com-
itretiendront-ils dans I
I
o nonri issent les aflfi ir la
•JCCTCJRE. 35
lectu M'ft?? Le laboureur suppend de temps en temps
, îiihl- travail, pour aller réparer ses forces épuisées; pourquoi,
,:i sop e.\( mple, l'homme du monde ne chercherait-il pas à recouvrer
la vigueur de l'àme qui s'affaiblit et se perd insensiblement au
milieu des agitations du siècle? Mais de tous les moyens d'y parve-
nir, il n'en est pas de plus efficace que les bonnes et pieuse?
lectures.
Saint Paul avait donc raison de dire à son disciple : Appliquez1
yous à la lecture : Attende iectioni (I. Timoth. iv. 13).
En quelque maison que se trouvent les livres inspirés par l'Esprit- Avantages des
Saint, dit saint Chrysostome, ils y annihilent la puissance du démon, lectures.
et il en résulte beaucoup de consolation pour les habitants : la vue
seule des livres sacrés nous éloigne du péché, et eussions-nous persé-
véré dans la sainteté, ces livres nous rendent plus fermes et plus
forts. Que si l'on fait une pieuse lecture, l'àme est purifiée et
devient meilleure, comme si elle s'était occupée des choses divines
clans l'enceinte du sanctuaire: en effet, Dieu converse avec elle par
l'intermédiaire des saintes Ecritures. Les lire est un puissant préser-
vatif contre le péché : vouloir ignorer ce qu'elles contiennent c'est
s'exposer à un grand danger, c'est courir à un profond abîme. Elles
llonnent la conscience, et en même temps ne sont pas d'une
médiocre utilité à ceux qui éprouvent des remords (l).
La lecture des prophètes et des Ecritures nous ouvre le ciel , dit
encore saint Chrysostome : Prophetarum et Scripturarum lectio, cœlo-
rum est reseratio ( Conc. in de Lazar. ).
Lorsque nous prions, dit saint Augustin, nous parlons à Dieu;
mais lorsque nous lisons, c'est Dieu lui-même qui nous parle : .Xam
eu, n oramus, insiçum Deo loquimur ; cura vero legimus, Deus nobiscum
loquitur ( Serm. exu de Temp. ).
Les pieuses 1 dures alimentent en nous la foi, l'espérance, la cha-
rité, l'humilité , la douceur , la pureté, la patience, la justice , h
mortification , le zèle , etc
(1) l l'uermt hbri sptritl aies ,il!inc omnis expeîlitnr \is diabolica, mul-
Uque iuhabilantibus accedit quia i Liara sacrorum librorum aspedtus
ores nos reddit ad peccandum. Russuni sive. sar.clir.îonia perslilcrin;;
mur tutiorcs firmioresque. Qiiod si accesserit sacra lectio, non aliter quato in
lis rébus diviuis vacans anima', sic repufgatur, meliorque reddiiur.
eccalum n
iurarura lectio, mn irum
non parura aiTerunt util.latis aniiuis
coruu. qui Uiinideiilur ( LiomU. n in uç\
36 LECTtKE.
Les bons livres ?;>ï,t, qu'on nous passe l'expression , une sorte
d'atelier où l'on trouve tout ce qu'il faut pour élever l'e'difice du
salut C'est une pharmacie qui fournit des remèdes pour tous les
mata I ta y trouve des exemples de toutes les vertus, appropriés
à tontes li s conditions Or, à ne consulter que les lumières de la
raison, n'est-il pas certain que l'exemple a une force toute particu-
lière pour qoub porter au bien. L'orgueil se révolte contre l'austérité
de la règle, l'exemple cache cette austérité ; et comme il agit sans
bruit et - I . nous l'aidons nous-mêmes à tromper notre amour-
propre, i »ns, n'apercevant pas les préceptes d'un maître,
n'opposent que peu de résistance, et le plaisir se met de la partie
pour achever de produire un bon effet. Dans les exemples, d'ail-
leurs, la vertu ne parait point sèche et sévère comme dans les
•urs ; elle y est, au contraire, vivante et animée ; et son pouvoir
a d'autant plus d'empire, qu'elle a déjà su intéresser le cœur par
Enfin, l'exemple va au-devant des prétextes; il lève les
difficultés et lait taire les cris de notre délicatesse
Or, que de beaux, que de sublimes et inimitables exemples ne
trouve-t-on pas en lisant les bons livres , la vie des saints surtout!...
Les bonnes et fréquentes lectures éclairent l'esprit et embrasent le
cœur du feu du zèle et de la charité. Elles enrichissent la mémoire
de pieuses sentences et de touchants exemples Elles portent la
volonté à L'imitation des saints et à la pratique de la vertu S'y
li\ rer est le meilleur emploi que l'on puisse faire du temps. Les bons
livres Boni d'excellents compagnons qui abrègent les heures et qui
fournissent des conseils , îles avis, des règles de sagesse, de piété et
de mœurs, pour tous les âges, p.iu' i<>us les sexes^ pour tous les
:u' toutes les positions
! par les lions livres que Dieu nous parle, rediroiib-uous a\eo
in : ' iun legimus, Deus nobiscum loquitur (Ut supra).
-ont peuplé les déserts, ont décidé les vocations,
ont envoyé dans Les contrées «'loi-nées et inconnues des essaims de
Eélés missionnaires et de. courageuses vierges, pour sauver les âmes
etacijuern Les palmes, ou du moins le mérite du martyre
hll'ii, \jà méditation . La prière et une vie sainte sont les clefs qui ouvrent
l'intelligence et Les tri -.note Ecriture, des prophètes, et de
tous les bons livn
La lecture ne peut voua être profitable . -i elle n'a pour but que
La s n d'une vainu curiosité. Nous devons y apporter un
I.ECTÏÏRÊ. 37
vrai désir de faire des progrès dans la vertu. Ne la commençons
qu'après avoir imploré le secours de celui qui est l'auteur de toute
grâce. Ayons soin de nous appliquer à nous-mêmes ce que nous
lisons , d'en faire notre profit, et de prendre une ferme résolution de
pratiquer le bien Ce serait en vain que nous lirions les meilleurs
livres, si nous ne nous proposions de conformer notre conduite à ce
qu'ils enseignent. La connaissance de nos devoirs sans les œuvres ,
ne servirait qu'à nous rendre plus coupables, et deviendrait pour
nous la matière d'un jugement plus rigoureux Car si quelqu'un,
dit l'apôtre saint Jacques, écoute la parole, et n'y obéit pas, il
ressemble à un homme qui regarde son visage dans un miroir : il
s'est regardé, et s'en est allé, et aussitôt il a oublié quel il était. Mais
celui qui a regardé au fond de la loi parfaite de la vérité , et qui s'y
est conformé, n'écoutant pas et oubliant, mais accomplissant l'œu-
vre commandée, celui-là sera heureux par sa conduite (i. 23-25).
Quelqu'un ayant demandé à saint Antoine comment il pouvait Que doivent
vivre sans livre dans le désert, le grand anachorète lui répondit : faire ceux qui
' ° r ne savent
Mon livre , c'est la création; il me fournit, selon mon désir, tout ce pas lire?
que je veux lire sur Dieu (In Vit. Pair. ).
Le firmament, le soleil, la lune, les étoiles, l'Océan, la terre
féconde, les arbres, les plantes, les fleurs , les fruits, les oiseaux,
les insectes, les animaux domestiques, etc., sont un livre très-
instructif et très-précieux, toujours ouvert , où tous les hommes
peuvent lire et trouver de quoi connaître , aimer, servir Dieu, et
arriver au salut avec le secours de la grâce
Un autre livre bien plus précieux , où l'on peut puiser la science
la plus sublime et acquérir les plus riches trésors, c'est la croix de
J. C. Tous peuvent l'étudier, et il est plus grand que le ciel et la
terre. J. C. l'a écrit non pas avec une plume et de l'encre, mais
avec les clous qui ont percé ses pieds et ses mains et avec son sang.
Ce n'est pas un livre scellé, caché , dont les caractères soient inintel-
ligibles; il est assez lisible et assez haut placé pour que l'univers
entier puisse y puiser des enseignements.
Saint Thomas d'Aquin et saint Bonaventure déclarent qu'ils ont
appris beaucoup plus de science aux pieds du crucifix que dans tous
les livres (In eorum vita ).
Ceux qui ne savent pas lire peuvent écouter, et ils doivent prier les
personnes avec lesquelles ils vivent de leur faire l'aumône d'une
pieuse lecture. Dans toutes les maisons doit exister une petite
3<°. LECTURE.
bibliothèque composa I ls que la Bible, ilinitatiofâ
d/j J. C, la Vie des Saints , Rôdrigùez, etc
Dtngen Sf la lecture des bons livres est nécessaire et avantageuse, la lecture
ies mniiv.iises , ... , ,. . , . .. '. .,
lectures. des main. us l.u lontraires soit a la toi, soit aux m
•le, et rigoureusement intcrdil
Dieu, par 11 ir tous les Pères de la vie spirituel!; . ;
pré licateure, les j les confesseurs, et par la raison elle-même.
Il est dit , dan* le livre des ici :eux qui avaient de mauvais
l'n très, et les brûlèrent publi-
t : Çèntulerunl lit ' 'xix. 20). Ils brûlèrent
i avaient excité en eux le feu de la concupiscence j Us
les li\ '■■' r.nt auv flammes, afin de ne pas être précipités en enicr.
La plume menteuse des scribes a écrit le mensonge, dit te pro*
; e Jérémie : fus est stytus mendax scribarum
( viu. S).
ible à Fanimal qui prend la cuuleur des ptantea ou de?
feuilles nourrit, l'homme prend des moeurs et un cm-ae-
tère n ses lectures. Delà vient que les lecteurs assidus
d*i- rivoleSott romanesques, contractent ins-'
goût de la frivolité et du plaisir; que. les lecteurs des écrits
impies et antireligieux, perdent la . ; la piété £ et Ueui des llvr
impurs . deî Ifennent des monstres de libertinage.
!- v iTVres qui sont les l . de la corruption, dû men-
songe ou de l'erreur, èsl .'. outfer dans le cœur lés séntifflenta de
ii,( t d'> jeter la semencéd'uue multitude s, qui venante
itôt toute la surface. Combien
d-'\ Le choix de nus lectures , afin de
«jui tournent à la ruine de notre âme plutôt <Ju'à
§an profit !...
La li faire des romans faillit perdre à jamais sainte Té:
; « lie l'avoue elle-même. Les maux tures ont
fait périr uni ocalculàble d'âmes , et ont peu] c
mauvais livres s ni '. . de la jeu ;
aènilamoraîitôetla vertu; ils sont le tombeau de l'b
les nobles sentim •:."- : i s él aiffent
- iine de i, ut< - passions, de I
- turpitudes ; l'im. la pudeur. J,
télé, \a prudence, disparai u cœur de ceu
-JXTTT.E. 39
curiosité pous«e à lire les livres dictés par le démon à des écrivains
qui sont ses esclaves.
Si de pareils ouvrages sont dangereux pour les mœurs, ils ne
nuisent pas moins à la saine littérature. Rien ne dégoûte plus les
jeunes gens de l'étude des grands modèles; rien n'exalte aussi ridi-
culement leur imagination. Combien de personnes , à force de lire
des romans, sont devenues non moins romanesques que les héros
mêmes de leurs lectures.
Le? autours de romans, si Ton en excepte un bien petit nombre ,
semblent n'avoir eu d'autre but que d'enflammer les passions, de
saper les principes de la saine morale, et d'amollir les âmes
N'eussent-ils pas le défaut de substituer sans cesse le mensonge à
la vérité, et la lecture la plus frivole à des instructions solides, ce
qui, à la longue, ne peut manquer d'affaiblir le goût naturel
que Dira nous a donné pour le vrai et pour le beau , les romans
auraient du moins l'inconvénient de remplir l'esprit de faits extraor-
dinaires, d'idées vaines et folles. Aussi l'expérience na-t-elle que
trop prouvé qu'il n'est rien de plus frivole qu'une tète exaltée par
le récit d'une foule d'aventures galantes
Les plus heureuses inclinations ne tiennent pas contre le poisr.;,
de ces lectures. Elles détruisent les fruits d'une bonne éducation.
altèrent l'innocence des premières années et enlèvent l'amour du
devoir. Tel était modeste, réservé et plein d'une pudeur aimable ,
qui après avoir lu des romans, n'a plus conservé de traces de cette
modestie qui sied si bien à la jeunesse. L'amour de la parure succède
li de la simplicité ; on veut faire comme les autres , cherchera
plaire comme eux; on s'en occupe le jour, on y rêve la nuit; on
s'accoutume à n'aimer que ce que le monde aime, et à négliger ce
que ta religion prescrit : on a eu la témérité de s'exposer, on
naufrage. Voilà les fruits amers des lectures insinuantes et perfides,
dont les parents sont quelquefois les premiers à donner l'exem]
enfants , et les professeurs à leurs élèves. Faut-il donc sï
ner si tous les travaux d'une éducation, laite souvent à
Irais, aboutissent à jeter dans la société une foule de sujets m
cres , presque toujours corrompus et scandaleux, incr'éd les
impies?...
Les parents doivent surveiller leurs enfants , et les professeurs
leurs élèves; et ne jamais leur permettre la lecture dés feuille-
ton«, des romans ou de tout autre mauvais livre qui ne mérite que
le feu
UBEKTÉ.
Qu'ett-ce que S~\ u'est-ce que la liberté? demandait-on à un homme célMire.
la liberté? a É C'est, répondit-il , une conscience droite : Recta conscientia
\/ (Periand.).
Un des fils de Charlemagne ayant demandé à Alcuin ce que
c'était que la liberté? C'est l'innocence, répondit-il. Il serait difficile
de trouver une définition plus belle, plus exacte et plus vraie
(Hist. Eccles.).
Qu'est-ce que la liberté ? dit Cicéron. C'est le pouvoir de vivro
comme il plaît. Mais quel est celui qui vit comme il lui plaît, sinon
celui qui suit la droite raison ? Au seul sage il appartient de ne rien
l'aire malgré lui, à contre-cœur, par force. Qui niera que tous les
hommes légers, que tous les cupides, enfin que tous les méchants
soient esclaves? (1)
yuei est relui §EUL l'homme vertueux est libre Seuls les vrais enfants de Dieu
qui est libre?
sont libres. Qu'est-ce, en effet, que la liberté des enfants de Dieu,
sinon la dilatation et l'élargissement de leur cœur qui se dégage de
tout ce qui est fini? Notre volonté est finie, et tant qu'elle demeure
en elle-même , elle se donne des bornes. Voulez-vous être libre ?
dégagez- vous de votre volonté; n'ayez plus que celle de Dieu.
Comme Dieu est la liberté même . la puissance même, qu'il fait tout
ce qu'il veut , VOUS participerez ainsi à sa liberté, à sa puissance,
a sa volonté. Vous jouirez de la seule et désirable liberté
11 d est pas expédient à L'homme de ne rien voir au-dessus de soi ;
un prompt esclavage suit cette pensée orgueilleuse. La condition de
la créature ne comporte pas une pareille indépendance; il faut
qu'elle soit soumise à Dieu
Dieu s'applique à faire la volonté de ceux qui le craignent, dit
le Prophète royal : Voluntatem tvnentium se faciet (cxi.iv. 10). Au
(1) Quid est UbcrtuT l'otestas vivendl al velii. Quis igitur vivit ut vult,nisi qui i.
recta leqoitûr? Soli hoc contin<,'it upienti, ut nihil facial iuvitus, niliil dolent) nihil
coactu. (Jim- neget o ni nés levés, oiuues cu^idos, onuics deuique iinprobos essa
«nos? (In farad.)
LIBERTE. 41
contraire, il permet que ceux qui méprisent sa volonté et prétendent
ne i'aire que la leur, ne puissent jamais faire ce qu'ils veulent et
deviennent les plus esclaves des hommes
L'homme vraiment libre est celui qui est soumis à Dieu, qui dompte En quoi
consiste In
ses passions, qui évite le péché et qui pratique la vertu vraie liberté
La liberté chrétienne que prêchent les apôtres et qui est la seule
véritable, est une exemption que nous a donnée J. C. ; non l'exemp-
tion pour le serviteur de faire ce que son maître lui ordonne ; non
l'exemption de l'obéissance au Décalogue , aux lois, aux princes,
aux prélats, aux supérieurs; non l'exemption des œuvres de péni-
tence et de satisfaction ; non l'exemption d'accomplir les vœux que
l'on a pu faire; car la liberté de se soustraire à toutes ces obliga-
tions est une liberté déraisonnable, animale, charnelle, honteuse,
injuste ; c'est une liberté contraire à la nature et à la droite raison.
Ce n'est donc point une pareille liberté, qui ne serait en réalité
qu'une révolte formelle, que J. C. nous a procurée. La liberté chré-
tienne est l'exemption des nombreuses cérémonies de l'ancienne
loi; c'est l'exemption du joug du péché, du démon et de la mort,
ainsi que de la damnation éternelle.
L'homme , dit saint Léon , possède une vraie paix et une vraie
liberté , quand il soumet sa chair à l'esprit et l'esprit à Dieu : Vera
vax h&minibus, et vera liber tas, quando et caro, animojudice, regitur ;
etanimv.s, Deoprœside, gubernatur (Serm. deNativ.).
Fût-il esclave, dit saint Augustin , l'homme de bien est libre; ei
fût-il roi, le méchant est esclave : Bonus, si serviat, liber est ; malus
autem, etsi regnet, servus est (Lib. IV de Civit., c. m).
L'homme fait un bon usage de sa liberté, quand il choisit de faire
ce .qui est conforme aux lois et à la volonté de Dieu. En agissant
ainsi, il se soumet à son véritable et légitime maître. Mais servir
Dieu, c'est régner; et cette vérité est solidement prouvée; car
4° servir Dieu, c'est faire de la raison un juste usage...; 2° servir
Dieu , c'est nous procurer une liberté vraiment royale, puisqu'en
Dieu se trouve la liberté souveraine...; 3° servir Dieu, c'est nous
unir au Roi des rois, et, par conséquent, régner avec lui. Au con-
traire, si nous nous unissons à des esclaves, nous deviendrons
esclaves comme eux. C'est une grande servitude d'être soumis à ses
inférieurs ; or, il n'y a rien de plus vil que les passions; donc celui
qui les sert est le dernier des esclaves Le service le plus noble,
de se soumettre h Dieu; car Dieu élève ceux qui le servent: i! [ç-
42 LTBEBTâi
glorifie, il les béatifie, il les lait rois et prêtres, dit l'Apocalypse
(v. 10).
Le service do Dieu consiste en quatre choses t 1° a ttôfmaîfré
Dieu, et ce qui conduit à lui; lu se trouve, à proprement parler,
le l'un lement du service de Dieu... ; -°à l'aire d°s œuvres de charité
et de bienfaisance. Pendant que nous jouissons des biens que Dieu
nous a laits , nous devons l'en remercier, nous efforcer de celé
en tout sa bonté et sa gloire; lui offrir et lui consacrer notre cœur,
noire âme, n ta et nos soins. C'est ainsi qu'agissent à l'égard
de leur prince les courtisans fidèles et dévoues; car ils Jouent par-
tout es qualités et sa puissance , afin de porter tous
les hommes à l'aimer et à le servir, et ils ne souffrent pas que
one attaque son nom 3n Le service de Dieu consiste à
s'acquitter des devoirs du culte, en lui rendant nos devoirs par V(
iion du saint sacrifice, par les cérémonies, les hymnes, les louan-
ges, les prierai et les vœm. "■■ l'office des anges et des saints
qui, dans le ciel, vivent en Dieu, l'honorent, le louent, le bénissent,
l'aiment et l'a lurent. Aussi le parlait service de Dieu est-il notre
béatitude et la \ie éternelle i" Le service de Dieu consiste à garder
les commandements de Dieu et à pratiquer les vertus
e à Dieu et le ser\ ir , c'est s'imposer l'heureuse tîé*c'es-
• il' d'ol 'ii' à -si s'oter, autant qu'on le peut, fa tris!
cruelle liberté de mal l'aire et de se perdre. La liberté des enfants de
Dieu consiste à se di livrer du péfché; or, le service do Dieu pu
\ effet : il donne donc la véritable liJ
Remarquez, dit eces d ! libertés que nous puu-
Qoufi imaginer dans les créatures. La première est cette
animaux, la i liberté des rebelles, la troisième e
liberté' des enfants de Dieu. Les animaux semblent libres, parce
qu'on n ■ leur a pi lois; les rebelles s'imaginent l'i
| j qu'Us secouent l'autorité des fié;-; les entants de Dieu le sont
mettant humblement aux lois: telle est la liberté
véri ■ . autn - i [u'imàginalres
Cai cette liberté dont jouissent les animaux,
j'ai be - vrai qu'ils
qm répriment but: app lits ou dirigent leurs nioincment.-; mais,
c'est qu'ils n'. ['être
traîné un
- , sànscan .. ons-
i.IBERTi:. 43
et de discipline? A Dieu ne plaise, ô enfants dp= hrnnm**. --n'unetelle
liberté vous plaise, et que vous souhaitiez jamais d'être libres d'une
manière si bisse et si ravalée!...
Où sont ici ces hommes brutaux qui trouvent toutes les lois
importunes, et qui voudraient les voir abolies , pour n'en recevoir
que d'eux-mêmes et de leurs désirs déréglés ? Qu'ils se souviennent
du moins qu'ils sont hommes, et qu'ils n'affectent pas une liberté
qui les range avec les bêtes; qu'ils écoutent ces belles paroles de
Tertullien : Il a bien fallu, nous dit-il, que Dieu donnât une loi à
l'homme; et c:da par quelle raison? Etait-ce pour le priver de sa
liberté? Nullement , cYtait pour lui témoigner de l'estime : Lex
adjeela homini.ncrun tara liber quam abjectus videretur. Cette liberté
de vivre sans lois eût été injurieuse à notre nature. Dieu eût témoi-
gné qu'il méprisait l'homme, s'il n'eut pas daigné le conduire et
lui prescrire l'ordre de sa vie; il l'eût traité comme les animaux,
auxquels il ne permet de vivre sans loi, qu'à canse du peu d'état
qu'il en fait, et qu'il ne laisse libres que par mépris : /Equandm
cœleris animantibus, solu'is a Deo, et ex fastidio liberis. Si donc il nous
a établi des lois, ce n'est pas pour nous ôter notre liberté, mais
pour nous marquer son estime; c'est qu'il a voulu nous traiter en
hommes. Constitue, Domine, leyislatorem super eos : 0 Dieu ! donnez-
leur un législateur ; modérez-les par des lois. Ut sciant gentes quoniam
homines sunt : Afin qu'on sache que ce sont des hommes (Psul.
ix. "21 ) , capables de raison et d'intelligenre, est digne d'être gou-
vernés par une conduite réglée
Par où vous voyez manifestement que la liberté convenable à
l'homme, n'est pas d'affecter de vivre sans lois. Il est juste que Dieu
nous en donne; il n'est pas moins juste que notre volonté s'y sou-
mette; car dénier son obéissance à l'autorité légitime, ce n'est pas
liberté, mais rébellion; ce n'est pas franchise, mais insolence. Qui
abus? de sa liberté jusqu'à manquer de respect, mérite injustement
de la perdre , et il en est ainsi arrivé. L'homme, dit saint Augustin,
ayant mal usé de sa liberté, il s'est perdu lui-même, et il a perdu
tout ensemble cette liberté qui lui plaisait tant : Libero arbitrio maie
utens homo , et se perdidit et ipsum ( Enchirid., c. xxx). Et cela pour
le raison? C'est parce qu'il a eu la hardiesse d'éprouver sa
té contre Dieu : il a cru qu'il serait plus libre , s'il secouait le
- 1 loi. Le malheureux a mal connu quelle était la nature de
sa liberté. C'est une liberté , remarquez ceci , mais ce n'est pas une
i pendance; c'est une liberté, mai* ell^ ne l'exempte pas de la
Ai LIBERTÉ.
sujétion qui est essentielle à la créature; et c'est ce qui a abusé le
premier homme. Le pape Innocent 1 a dit qu'Adam avait été trompé
par sa liberté : Sua in œternum libertate deceptus, c'est-à-dire qu'il
n'a pas su distinguer entre la liberté et l'indépendance; il a prétendu
être libre, plus qu'il n'appartenait à un homme né sous l'empire
souverain de Dieu. Il était libre comme un bon fils sous l'autorité de
son père : il a prétendu être libre, jusqu'à perdre entièrement le
respect, et passer les borne? de la soumission. Ce n'est pas ainsi
qu'il tant être libre, c'est la liberté des rebelles.
La vraie liberté, c'est d'être soumis à Dieu, et de s'occuper de son
salut C'est un secret de Dieu de savoir joindre ensemble l'affran-
chissement et la servitude; et saint Paul nous l'a expliqué en la
première épitre aux Corinthiens, lorsqu'il a dit ces belles paroles :
Celui qui . es* lave, b ê\ a] p ' ', est affranchi du Seigneur : pareil-
lement celui qui, libre, a été appelé, est esclave du Christ : Qui in
Domino vocat us est servus, libertus est Domini : similiter qui liber voca*
tus est, servus est Christi (vu. 22).
N'aimons notre liberté que pour la soumettre à Dieu, et ne nous
persuadons pas que ses saintes lois nous la ravissent. Ce n'est pas
s'opposer à un fleuve, ni à la liberté de son cours, que de relever
ses bords de part et d'autre , de peur qu'il ne se déborde et ne perde
ses eaux dans la campagne; au contraire, c'est lui donner le moyen
de couler plus doucement dans son lit, etde suivre plus certai-
nement son cours naturel. Ainsi , ce n'est pas perdre la liberté que
de lui imposer des Lois, de lui donner des bornes deçà et delà pour
empêcher qu'elle ne B'égaTe, c'est L'adresser plus assurément à la
voie qu'elle doit tenir; par une telle précaution, on ne la gêne pas,
mais ou la conduit ; <>u oe la force pas, mais on la dirige. Ceux-là la
perdent, ceux-là la détruisent, qui détournent son cours naturel,
tndance au souverain bien
\m;i la liberté véritable, c'est de dépendre de Dieu; carne pas lui
•'tre soumis, ce d liberté , mais rébellion
Si quelque chose esl capable de rendre un cœur libre . ei de le mettre
iu large, c'est le parlait abandon à Dieu et à sa sainte volonté
Qu'est-ce qui Jésus dit aui Juifs : Si vous demeurez dans ma parole, vous seifi
U liberté? véritablement mes disciples, et vous connaîtrez la vérité, et la
té vous déli\ rera : Si vot manseritis in sermone mco, vere discipuli
cognoscetis veritatem, et veritus liberolnt >■■ | • ..-nin . mu.
l./BERT£. 45
31 . 32). Si donc ïe Fils vous délivre, vous serez vraiment libres : Si vos
Filius liberaverit, vere liberi eritis ( Joann. vin. 36).
La vérité vous délivrera : or J. C. est la vérité ; il le dit lui-même :
Je suis la voie , la vérité et la vie : Ego sum via , veritas et vita
(Joann. xiv. 6).
J. C. a détruit quatre servitudes, et nous adonné quatre libertés :
1° Il a détruit le joug de l'ancienne loi , et nous a donné la liberté de
l'Evangile 2° Il a détruit l'esclavage où nous retenait le péché ,
et nous a apporté la liberté de la justification 3° Il a détruit l'em-
pire de la concupiscence, et nous a donné la liberté du Saint-Esprit,
et la souveraineté de la charité et de la grâce 4° Il a détruit J;«
mort, et nous a donné la vie
Où est l'esprit du Seigneur , là se trouve la liberté , dit saint Paul :
(Jbi spiritus Dei, ibi libertas (II. Cor. ni. d7 ). J. C. nous a donné 1s
liberté, dit encore l'Apôtre : Christusnos Uberavit (Galat. iv. 3!;.
Celui qui a regardé au fond de la loi parfaite de liberté , et Fa
constamment observée, dit l'apôtre saint Jacques, celui-là sera heu-
reux dans son œuvre : Qui perspexerit in legem perfectam libertatis ,
et permanserit in ea, hic beatus in facto suo erit (i. 2o). Cette loi par-
faite de liberté , c'est la loi évangélique. 4° Elle est une loi de liberté
parce qu'elle nous a délivré des préceptes judiciaires et cérémoniels
de l'ancienne loi ; mais non pas du Décalogue , comme nous l'avons
dit plus haut : car le Décalogue oblige, non parce qu'il a été pro-
mulgué par Moïse , mais parce qu'il est la loi de nature, sanctionnée
par Dieu, et renouvelée par J. C. Ne pensez pas, dit J. C. , que je
sois venu abolir la loi ou les prophètes : je ne suis pas venu les abolir,
mais les accomplir : Nolite putare quod veni solvere legem. aut propke-
tas : non veni solvere, sed adimplere (Matth. v. 17). 2° La loi évangé-
lique est une loi de liberté, parce qu'elle nous a délivré du péché,
du pouvoir du démon et de l'enfer Or la seule vraie liberté aux
yeux de Dieu, dit saint Jérôme, c'est d'être exempt de péché : Sola
apud Deum libertas est, non servire peccatis (Epist. ) 3° La loi de
l'Evangile est une loi de liberté parce qu'elle nous affranchit de la
contrainte et de la crainte ; nous devons observer les préceptes du
Seigneur , non par crainte de sa vengeance , mais par amour de la
justice. Les chrétiens ne sont pas esclaves comme les Juifs; ils sont
des fils
Nous sommes nés pour régner , dit Sénèque ; obéir à Dieu , c'est
jouir de la liberté : In regr.o nati sumus , Deo parère libertas est (De
Vita beata, c. v).
46 LIBERTÉ
Nous ne somme? ptfl pou? la loi «le ju?tic ^ qui, on ordonnant do faire
le bien, n'en donnai! pas le pouvoir, dit saint Augustin; mais nous
■JOUAI la loi de giAce , qui , en nous faisaot aimer ce qui nous
libres (I).
liberté pour pécher librement, ajoui
nepoin! pécher:
mmisi libre du péché, soui
.ire que la loi évangéii pie est un
/■n. u . E irons délivrés de la n.
toute misère C il ù-la . d'à en
tiondonl ' is,etdanf
plait, se tr luve la Eeule vraie liberté : h
ui servire, omnib ts utiliaiimum est , et in cujxs servit in , //la-
cère perfeete, sola libertas est (De Quanti tate anima?, c. xwiv ). Sen ir
Dieu. cV-l ié.ii.-i- , il, e grand docteur : Cui fnare
< ' i l supra).
m* , dit le Prophète n yal , c'est parce que je suis votre per-
vitciir, votre ftdèJ :r,etlo fils de votre servante , que "vous
au., rompu : , quia ego serws twts , e,§Q semis
tutu, et filins ancillœ îuœ, dirupisti vineula
Notre âfBtyonmmeu - i, a été délivrée du filet de l'pjapJsur;
Le filet a été rompu , et nous a Sté sauvé
| ; inçueus contrihis <
raiinnmts (PmL gzxiit. 7).
i ur adélivré Sion de sa captn Lié, nous avenséjté
dans l'a'. . In cmvertenda Dominas captivi ■ façti
Q6UV qui délie les
captifs : I) mima \i.v. 7).
tee, dit saint Augustin, ostquenou affran-
par le prim ii . en nous déln iaut, nous sui\rra.
i étions 11 ; après notre all'ra;rlm-.-ini'i]t,
la : harilé : U
estfUt aliben ■ <■ nos faciat. Servi emr\
muiCMpiditfltis; /■ . \\ Tract, in U? .loaim.).
J.C.nousad' il la captivité du péohé, de la mort, du démon
(1) Non snmii bonum quidem jubente, non lamcn donte| »ed ratnu»
lub gralii, mu: iil <|io>d l.\ jufa
(i Noli lihcrt.itc nbuli ad Jibere pecçnudum^ed biidiini : crit onim
Toliintaitua liber, si fucris servie; liber peccati, setvua
iusliluc (Li'6. de Conii'i., c. m).
LIBERTÉ. 47
et de l'enfer. Cette liberté est la liberté de l'âme, très-granrle,, très-pré-
cieuse, et éternelle. Pour nous la procurer, subir la servitude durant
celle misérable vie ne serait rien. Maie J. C. nous a délivrés même de
cette dernière espèce de captivité: car 1° venant au monde comme
prince de la paix , il a apporté avec lui la paix au monde 2° Il a
déchargé les Juifs qui se soumettaient à lui, de leurs péchés et du far-
deau de la loi ; il a détruit l'esclavage qui est la peine du péché; il a fait
quela servitude ne fût plus pour ses serviteurs le châtiment de la fan te,
mais simplement la condition de notre nature; ou plutôt, qu'elle
leur devint un exercice de patience et de vertu, le principe et la cause
(le la liberté et de la gloire célestes 3'Par sa grâce, il a rendu la ser-
vitude des chrétiens volontaire, douce et agréable, et non pas dure et
forcée comme l'était celle des Juifs 4° A la résurrection, il anéan-
tira tout esclavage pour les saints; il leur donnera non-seulement la
liberté, mais le royaume du ciel, afin qu'ils soient rois, et rois pour
l'éternité, et maîtres de l'unn ( rs
Vous êtes tous appelés à la liberté véritable par J. C, dit saint
Paul aux Galales : Vos enim in liùertatemvocatiestii (v. 13).
Rachetés par J. C. et rendus à la vraie liberté, il faut rester libres. .
Tous avez été achetés à grand prix, dit cet apôtre aux Corinthiens :
ne vous faites point esclaves des hommes : Pretio emoti eslis , nolite
fieri servi hominum (1. vu. 23).
\ous êtes tous enfants de Dieu par la foi, qui est en J. C. , dit le Nous somme,
grand apôtre : Omnes enim filii Dei estis pçr fidem , quœest in Christo t]U^K^p(elesta
Jesu (Galat. ni. 26). 11 n'y a plus ni Juif, ni Grec ; ni esclave, ni tous égaux
... . , . . ... i r,i • . devant Dieu,
libre; m homme, m iemme : car vous êtes tous un dans le Christ.
Aon est Judœus, neque Grcecus; non est ser v us , neque liber; non
est masculus, neque femiua; omnes enim vos unum estis in Christo Jcsu
(Gai. m. 28).
Vous n'êtes plus serviteur, mais fils; que si vous êtes fils, vous
êtes aussi héritier de Dieu par le Christ : Jam non est $ervus,scd
frfius; quod si fdius, et hœres per Deum (Gai. iv. 7).
"Vous n'êtes plus des hôtes et des étrangers , mais les concitoyens
des saints; vous appartenez à la maison de Dieu : Jam non estis
hospites et advenœ, sed eslis cives sanctorum, et donxestici Dei (Ephes.
H. 19).
Nous sommes tous de la cité des anges, des patriarches, des pro-
phètes, de la maison et de la famille de Dieu, c'est-à-dire de
l'Eglise; nous sommes de la famille du Messie roi; nous avons droit
48 LIBERTÉ.
aux sacrements et à tous les biens de J. C. et des chrétiens ; nous
sommes inscrits au nombre des héritiers du royaume céleste
Nous n'avons tous qu'un seul et même maitre dans le ciel; et ce
maitrene fait point acception de personnes
vraie étdun- ^0rs entrerons dans le repcs; i avons cru, dit l'Apôtre aux
Uc est au ciel. Hébreux ( iv. 3 ).
Quels seraient votre liberté, votre repos, gens du monde, si l'on vous
disait que vos richesses sont si assurées, que jamais vous n'aurez à
craindre aucune indigence; votre fortune si bien établie, que jamais
vous ne soutlrirez aucune disgrâce; vos forces et votre santé si bien
réparées, qu'elles ne seront jamais altérées par aucune malt
Quelle serait votre joie ! que votre liberté vous paraîtrait grande et
aimable ! Combien donc ne serez - vous pas libres et heureux , et
quelle ne sera pas la dignité et la gloire de votre liberté, lorsque
vous ne pourrez plus être iujustes, lorsque vous ne pourrez plus
être impurs , lorsque vous ne pourrez plus être pécheurs, lorsque
vous ne pourrez plus perdre Dieu, que vous ne pourrez plus
décheoir de votre justice et, par conséquent, de votre bonheur!
Mais une paix et une liberté semblables n'existent que dans le ciel.
Usons donc bien ici-bas de la liberté , et la liberté nous sera donnée
ti ès-pleine, très-entière et très -puissante ; nous ne pourrons plus être
soumis à aucune, servitude, ni extérieure, ni intérieure, ni physi-
que, ni morale; nous serons éternellement libres, et éternellement
nous consacrerons notre liberté à aimer , louer , bénir et adorer la
liberté incréée qui est Dieu
àOettlafaMM La vérité vous délivrera, dit J. C. aux Juifs. Us lui répondirent:
h qaelesi N",1S sommes de la race d'Abraham, et ne fûmes jamais oelaves
<CpaVil'ilrc? C '''' personne. Comment donc dites-vous: Vous serez libres? (Joann.
Via. 32-33.) Jésus leur répondit : En vérité, en vérité je vous le
dis : Ouiconque pèche est un esclave du péché : Amen, amen dicc
vobis, quiaomnis qui finit iiwcatum,servus est peccati (Joann. vin. 34).
Voilà l'esclavage vraiment redoutable; il est daDsle péché, et n'est
que là
Pût-il esclave, l'homme vertueux, dit saint Augustin, est libre;
au contraire , fût-il roi , l'impie est esclave : esclave, non d'un seul
homme, mai> . ce qu'il > a de pins aflreux, d'autant de maîtres*
cruels . <jn il est Boumisà '1'' vices divers : Bonus, si serviat , liber est ;
malus au tem, etsi rcynrt , wvus est ; nec unius hominis, sed quod
LIBERTÉ. 49
gravit/s est, tôt dominorum quoi vit iorum. (Lib IV de Civit., c. m). Les
« Iules, les pécheur?, les hommes pervers et corrompus, les
rebelles , les impies, vivantsans frein, sans loi , sans principes , sani
religion , sans conscience , sans Dieu , ne sont pas libres, mais entiè*
rement esclaves. Ils sont vendus sous le péché, dit le grand Apôtnf
aux Romains : Venundatus sub peccato (vu. \A). Ils veulent une ploint
liberté : ils trouvent un parfait esclavage. Ainsi leur liberté périt
par cela même qu'ils la veulent trop étendue. La cherchant absolue,
ils la détruisent; parce que, livrés à eux-mêmes, ils se jettent en
aveugles dans tous les excès , et rencontrent autant de tvrans qu'il?
ont de passions
L'exemple du prodigue est là pour attester cette triste et terribl
vérité. Cet aveugle jeune homme ne se croit pas assez libre dans la
maison paternelle, où il a toutes choses en abondance. Il veut en
sortir ; il veut fuir les regards et les avis charitables de son père , qui
lin reproche avec bonté ses premiers dérèglements. Il part , il s'éloi-
gne, il s'enfonce dans une contrée inconnue et barbare. Trouvera-t-i3
la liberté? elle le fuit. En peu de temps il dévore tout ce qu'il possède,
en se livrant, avec de faux amis, à ses penchants déréglés. Fortune,
honneur, santé, paix et joie , il perd tout, se trouve réduit à l'indi-
gence, et torturé à la fois par la faim , la soif et le froid. Méprisé ,
abandonné de tout le monde, il est forcé de se faire l'esclave d'un
maitre sans entrailles, qui l'envoie à la campagne garder un trou-
peau de pourceaux. Là, dévoré de faim, il désire remplir son ventre
dessiliques dont se nourrissent ses pourceaux; mais personne ne lui
en donne. 0 prodigue, as-tu trouvé la liberté, l'heureuse liberté?
La liberté du prodigue est l'image de celle dont jouissent les impu
diques, les avares, les ivrognes, tous ceux qui se sont vendus au
péché et se trouvent sous le joug de fer du démon et des passions
Ils (les faux prophètes , les hérétiques , les impies) promettent la
liberté , dit saint Pierre , et ils sont eux-mêmes esclaves de la cor-
ruption ; car le vaincu est esclave de celui qui a remporté sur lui la
victoire : Libertatem Mis promittentes, cum ipsi servi sint cojTuptionis ,
aquo enim quis super atus est , hujus et servus est ( IL n. 19).
Oui , dit saint Cyrille , la trop grande liberté est la perte de le
liberté ; car les gouvernements qui ne répriment pas la trop grande
liberté des méchants , périssent par cette liberté , qui se change er
licence, en rébellion , en injustice et en forfaits ( Catech.).
Lorsque le corps reste soumis à l'âme, il vit; s'il veut s'en délivrer.
il meurt. Un vaisseau qui obéit au pilote est préservé .les naufrages;
m. 4
50 LTBERîé.
abat/donné à lui-même, il va ati .Té de? te. pèi s. p^ fortea contre
.me pour ne plus reparaître. La
fourmi i plus libre que i e n'en a pas,
pui eoler; mal iiche à là êaptivité et à la
mort. Ainsi la 1 -est pour eux un principe
■ le ruine et de perdition
les méchants ne
turesraiso , inteî-
iieu, et pj uent dép lui. I.'s
luttent en euj t
r pre droit rendent e
ut =a colère. Le ;
liberté pour icrre à Lien; il iï:.
or avoir mépi Q des biens véritables que !e
:• lui a'va t donnés , rhomme est abaj
biens apparents. Les plaisirs du ciel ne lui ont pas filiv; il tevîètit
peUïs qui mènent les ames a I on", [i
poinl voulu i ;'il avait reçue du i
- la liberti lire que sa rai
s, tlisènl ours , ribus pbuvoris fo
[uehous l'aire ce que voifs voulez! dil
traire, a te ce
3 le pourriez, vous n'êtes pas !
: , puis[uc vous ne pouvez
rtune ne soit inconstante , que votre féli-
'[uo vous aimez ne vous échappe, que la
un faux ami, au milieu de VOS èntre-
• pouvez pas empêcher que
■ tentions. Ou V0U6 le* man-
ii ,,'.- man .niez quand vous ne par-
Lut; v\l -, vous m nqucnt quand, oMonani ce que
e . Vous no
m ' le plus : vous voulez le plaisir, le
. L- plus , il faut
[uea e de feu et de soufre, ce
ne! Rn faisant ce que je voulais . dit
n je nevi >*( n/>. Cnnfa* V
LIBERTÉ. *>1
La faussé liberté , c'est de vouloir f ire sa volonté pi de
1 1 ion d'indépendance, c'est la liberté de Satan et de ses
rebelles complices
Quels sont vos sentiments, ô pécheurs aveugles, lorsque préten-
dant être libres, vous suivez pour toute règle votre humeur, votre
passion, votre colère, votre plaisir, votre fantaisie égarée; 1 r
vous ne faites que secouer le mors et regimber contre toutes les !,.is,
Sans vouloir souffrir, ni qu'on vous retienne, ni qu'on vous
reprenne, ni qu'on vous enseigne, ni qu'on vous conduise? Vous
voulez la liberté des chevaux indomptés, des lions et des tigres
Le nom de liberté est le plus doux et le plus agréable, mais
tout ensemble le plus trompeur des noms. Les troubles, lessédi-
. le mépris es lois, ont toujours eu leur cause ou leur prêt
dans l'amour d'une liberté mal entendue. Il n'y a aucun bien de la
nature dont les hommes abusent davantage que de leur liberté
Saint Epiphane , évêque de Pavie, fit, en 493 , un voyage en Lour- Q,,e !« saints
pour racheter les captifs détenus par le roi Gondebaud {In à procurer la
lias nia ) libcpté aur
(Jk> llla>' hommes et
Saint Poppon, abbé de Stavelo an pays de Liège, employa tous aus peuples-,
ses efforts près de saint Henri pour obtenir de ce prince l'abolition
de la barbare coutume de faire combattre des hommes contre des
ours ( la ejus vita ).
Sainte Bathilde, reine de France, abolit l'esclavage. La reine Blan-
che et saint Louis renfermèrent le droit de vasselage dans des bornes
très-étroites ( In eorwn vita ).
Saint Pierre Nolasque consacra tous ses biens au rachat des captifs
(In ejus vita).
Saint Jean de Matha lit la même chose ( In ejus vita).
L'histoire de l'Eglise et la vie des saints sont pleines de faits tû
attestent que l'Eglise et ses i : n ment travaillé à ! . -
i aa.v hommes la vraie liberté, et à détruire l'esclavage, etc
LIBRE ARBITRE.
•ssèdïïeUbre aMPÉREZ votre 8^n' av0(' cramte et tremblement, dît l'Apôtre
arbitre. B Cum metu et tremarê vestram salutem operamini (Philipp. il. 12)
V_>^ Ce passage prouve, L° que l'homme possède le libre arbitre
me dans ce qui regarde la grâce et le salut... ; 2° que personn
u'esl assuré de la grâce et de la persévérance
I)''- le commencement, Dieu , dit l'Ecclésiastique, a créé l'homme
«■t il l'a laissé dans la main do son propre conseil : Dcus ab initl
constitua hominem, et reliquit illum in manu consilii sui (xv. \h). I
lui a donné ses commandements et ses préceptes : si tu veux, garde
les commandements el ne jamais trahir la foi jurée, Dieu te conser
vera 6 jamais. Il a mis devant toi l'eau et le l'eu, étends la mail
tut- <r que tu voudras. Devant l'homme sont la vie et la mort, le biei
h li' mal ; ce qui lui plaira lui sera donné (1).
Il esl dit dans le livre du Deutéronoine : Considère que j'ai mi;
aujourd'hui devant tes yeux la vie et les biens, et la mort et les maux
afin que tu aimes le Seigneur ton Dieu, et que tu marches dans sei
voies, et que tu observes ses préceptes, ses cérémonies et ses ordon-
nances . et que tu vives, et qu'il te multiplie, et qu'il te bénisse dan;
la terre que tu vas posséder. Mais si ton cœur se détourne de lui, s
lu ne veux pas l'écouter..., je te déclare aujourd'hui d'avance que ti
périras, .le prends aujourd'hui a témoin le ciel et la terre que je t'a:
lavieel la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisi!
ic la vie, afin que tu vives, toi et ta postérité (\w. lf-19).
Voilà des preuves évidentes du libre arbitre de l'homme
Ire que Dieu intima a ^dam de ne pas toucher au fruit qu'il
indiqua, et la menace qu'il lui lit qu'il serait frappé de mort, s'il
transgressait ce précepte, ne sont-ils pas une preuve certaine qut
i a créé l'homme avec la faculté du libre arbitre? Le Seigneur,
dit la Genèse, fit à l'homme un commandement et lui dit : Tu peuî
manger de tous les fruits du jardin; mais ne mange pas du frui
mandata et prœcepta sua : Si volueris mandata servare, conservabun
te, ' | | min fldem placitam facere. Apposutt tibi aquam et Ignem : ad quo
porrtge mannm tnam. Ante hominem \ita et mors, bonum et nialum
i placuerit el, dabitnr flli {Eccli. xv. i.W8)
LTBRK ARBITRE. 53
de l'arbre de la science du bien et du mal; car au jour que tu
en mangeras, tu mourras de mort (u. 16-17). Les sollicitations
que le serpent adresse à nos premiers parents, afin de les porter à
manger du fruit défendu , sont une autre preuve du libre arbitr?
( Gènes, m ).
Je vous avertis, dit saint Paul à son disciple Timotb.ee, de rallume*
la grâce de Dieu qui est en vous par Fimposition de mes mains :
Admoneo te ut ressuscites gratiam Dei, quœ est in te , per impositionem
manuum meorum (II. i. 6 ).
Personne, si Ton excepte le Seigneur, ne peut créer un arbre, dit
saint Augustin; mais chacun est libre, ou de choisir le bien, et
d'être un bon arbre; ou de choisir le mal, et d'être un arbre
mauvais (1).
Ils sont sortis de la vérité parce qu'ils Pont voulu , dit le même
saint docteur, et ils sont tombés volontairement : Voluntote exierunt,
et voluntate ceciderunt ( Ut supra ).
Si tu fais le bien, dit le Seigneur à Caïn , n'en recevras-tu pas le
salaire? Si tu fais le mal, le péché ne paraitra-t-il pas soudain sur
le seuil de ta porte. Mais l'attrait qui te porte vers lui sera sous ta
puissance et tu pourras le dominer (2). Tu pourras, donc tu devras
le dominer. Tu le pourras, donc tu as le libre arbitre.
Remarquez ici combien la volonté est puissante, non-seulement
sur les actions et les mouvements extérieurs, mais aussi sur les
passions et les appétits intérieurs. Quand vous sentez les funestes
suggestions des concupiscences , vous pouvez, arme d'une volonté
forte et constante , ne pas y consentir
Elle est grande , dit saint Chrysostome , la puissance de la volonté
qui nous rend possible ce que nous voulons, et nous fait nous refu-
ser à ce que nous ne voulons pas : Magna vis est voluntatis , quœ nos
e/ficit posse quod volumus, et non posse quod nolumus ( Serm. de Zach. ).
Sénèque lui-même a compris le libre arbitre : U n'y a rien, dit-il,
de tellement difficile et ardu, que l'esprit humain ne puisse surmon-
ter , et qu'une méditation soutenue ne rende familier. Il n'existe
point d'affection si forte qu'on ne puisse vaincre par la discipline.
L'esprit obtient tout ce qu'il veut formellement ; plusieurs s'étant
(1) Nemo, nisi Dominus, arborem facere potest : sed habet unusquisque in volun-
tate sua, aut eligere quae bona sunt, et esse arbor bona ; aut quœ mala, et esse arbor
mala (Lit/, de Actis cum Felice Manich., c. iv).
(2) Nonne si bene egeris, recipies ; sin autem maie, statim in foribus peccatum
aderit? Sed sub te erit appetitus ejus, et tu dominaberis illius ( Gen. iv, 7 ).
54- HURE Al: EURE.
imposa le de-, •■ jpas rir\, ont été fi îèles à leUi
d'autri s < n! voulu se ; river enl ' du vinet des plai
volupté, et ilsl'ont'pu ( Lib. il de Ira, c. xn).
fOutCecfuevmis't tout votre cœur, d tfèintetttionj,
vous lui. t ''■nient et efficacement être humble,
i, pur, etc., vous IV il ni
L '• au peuple de Difi
a imihni <v ^ui y..ih ji ;: . < ;. ■■. yez qui vous devefc servir. 1
peuple i is le Seigneur, parce qu'il esi. notre
bini : (,[ ! hodie rjuod placet, •
viemus I>r»nino, qv ■'. Detit
noster{y:\\\. 15. !(>. 18).
Examinez la voie où ■ larchenl - ! les Prof erbee , et
toute- vosdém ches seront affermies; ne vous détonniez ni à droite
lu mal : Dirige semitam pédibut
vice tuœ ne déclinés ad dexteram neque ad fini*
verte pf>dem tuum amalo(u. 20. 27). Donc l'homme jouit du
libre arbitre ; autrement il ne pourrait pas marcher comme le dit le
eur
Dieu . dès le commencement, ainsi que le dit récriture, a créé
l'homme, et il l'a laissé dans la main de son conseil (/
à-dire que Dieu fit l'homme libre* L'Ecriture montre ici clai-
rement quelle a été l'origine du mal , et que le mal est venu de la
oté de l'homme; car Dieu a fait l'homme libre, afin qu'il put
eh isir I i le mal, et qu'il fût capable de mériter ou de
démériter. L'origine de la liberté . c'est la faculté de connaître* Car
I '• e d<B* KÔi
ibies d ■ l'un et d l'autr côté, la liberté fait que la volette peut
i qu'il va de | aire, ainsi que nous venons de
le <i; aisons qui une, Imafole et éligible,
ou qui du moins la font \ dr telle. Le libre ai en prin-
cipe dai s l'intelli 3 la vol
men de l'esprit naît dans l'homme la liberté de se prononcer <
pourquoi le qui manquent de raison,
arbitre. Li ur aj :;il est cénduit par la
e; et lors nie dedeiu ■ ; meilleureou que leur fan-
Hettve bonne, i les y (mutée naturels
airemént
1.- léjijbérons.fiur les i savonsà rairect sur celles
quisoni en notre pouvoir, dit A . à moin«
LITRE ARBITRE. 55
qu'il n'ait perdu la raison, rie délibère sur ce gui dépend de la
rature, de la fortune ou de la nécessité. La faculté de choisir n'étant
pas. autre que celle de délibérer ot d'examiner laquelle de deux
choses qui sont en notre pouvoir est désirable , il en résulte qu'au
fond le choix est un d Vu motivé, car le jugement suit la délibéra-
tion, et le désir le jugement (l).
Si vous ùtez à l'humme le libre arbitre, vous lui enlevez sa
nature d'homme et vous en faites une brute. Il y a dans l'homme
la liberté de vouloir et de ne pas vouloir , ce qui est la liberté d'oppo-
i; et celle de choisir entre deux choses, d'en prendre une et
de laisser l'autre , ce qui, comme s'exprime l'école, eetla liberté ou
la volonté de contre.
Dieu, dit saint Augustin, nous ordonne d'observer ses comman-
dement.-; comment l'ordoime-t-il, si l'homme n'a pas le libre
arbitre? Mandata sua custodiri jubet Deus ; quomodojvf/et, sin^nest
l ru a bit m ? ( De Grat. et lib. Arb., c. n. )
è te, 'a te à l'image de Dieu , l'homme, dit Tertullien , a
reçu le pouvoir du libre arbitre, et le commandement que Dieu lui
a en t la preuve; car Dieu n'aurait pas donné de précepte à
llo urne , si celui-ci n'avait pas eu le pouvoir de l'observer; et il ne
l'aurait pas n.e::acé de mort en cas de transgression, s'il n'avait
il libre arbitre de l'homme de mépriser la loi qui lui
était faite ou de lui obéir. Voilà pourquoi, lorsque lieu a imposé des
lois à l'homme, il lui a toujours laissé la faculté de choisir entre le
bien et Je mal, la vie et la mort ; ce que Dieu n'aurait pas fait si le
ljj itre n'eût pas àb. II contra Marc, c. v).
Dieu a mis devant toi l'eau et le feu, la vie et la nrrt, le bien et
le mal; ce qui te plaira, te sera donné, dit l'Ecriture ( Eccli.
xv. 17. 18 ). Par l'< au et le l'eu il faut entendre les choses contraires
s l'homme a la faculté de choisir. Le feu signifie aussi
! ; et l'eau, le ra fraichissement de la grâce et de la gloire
. le l'homme se trouve la vie et la mort , le bien et le
mal: lui sera donné. Mais, dit le Psalm
; 's d'Adam ne
5 dans la balance, tous ensemble seront
■ rébus nique i:s que in nostra silrosnnt ■
a natura . lorluna et neci ssilate. Cum
nobis sunt , :
> ultavimus, ji , atque inde secunduni consultatioHom appe-
timus ;ApuJ S.obœura).
Î>G T.iorr ARBITRE.
légers que le Tit : Verumtamen vani filii hominum, mena aces filii
hominuminstateris(LX]. 10). Us pèsent mal, ils pèsent en aveugles
Ds ne choisissent pas l'eau, mais le feu; ils préfèrent le mal au bien,
la mort à la vie
Dieu , dit saint Augustin , rend le mal pour le mal , parce qu'il est
juste ; le bien pour le mal , parce qu'il est bon ; le bien pour le bien,
parce qu'il est bon et juste : n.ais il ne rend r>.\> le mal pour le bien,
parce qu'il n'est pas injuste (4). Or, sans le libre arbitre, il n'y
aurait ni bien à récompenser, ni mal à punir ; car sans le libre arbi-
tre, il n'v aurait ni bien, ni mal
Excellence Voylz combien le libre arbitre dont Dieu a Joté l'homme, est un
''dumîre" don riche,] d)le et avantageux; car par le libre arbi-
arbitrc-. tre \° l'homme est semblable à Dieu et aux anges : Dieu est la
suprême liberté, e ne liberté confirmée dans
le bien...; 2° il est au-dessus de toutes les créatures corporelles...»
3» il est le maître di lui-même et de ses acti as... : 'il est apte à
toutes les vertus... : •> il est capable deméril il ac raiert la
grâce dans le temps...; 7° il s'assure la vie et la gloire éternelles dan«
le ciel
Ecoutez saint Bernard : .T'appelle, dit-il, j'appelle dignité dans
l'homme le libre arbitre, par lequel il lui est doi dr , non-
seulement la prééminence sur les œmres de la création, mais même
le gouvernement des animaux.
Le libre arbitre esl on don divin, resplendissant dans l'Ame, comme
le diamant au milieu de l'or. Par lui, l'homme a le pouvoir de
choisir entre Le bien et le mal, entre la vie et la mort, entre la
lumière et les ténèbres ( De diligendo Deo).
Si vous voulez, dit le Seigneur parla bouche dlsaïe, etsivous
écoutez ma ?oix, vous serez comblés de biens : Si volueritù, et
audieritis me . bona U rrœ comedetis i. 10 ).
Àceluiqui aura vaincu, dit leS< igneur dans l'Apocalypse, je don-
nerai ,|r iN'v moi sur mon comme moi aussi j'ai
vaincu , et mi - av< m n P ( m. ^1
L'âme esl libre, dil Platon; f et SQ
vaincre; c'est la première et la plus pariai idetoutesles :
(1) DewndditmtUpronalU, auiajuttns est; bonapro malii.qui. bonus,,!;
bona pro bonis, quia bonus et ju»tus est, SoluŒ non reddit mala pro bonis mua
lAJustus non est i De Grat. et itO. A>0.),
«rhitre
Ï.ÎBKK ARBITRE. 57
mais être vaincu par «oi-mAme, est à la fois très -honteux et
très-mauvais (1).
Par le consentement volontaire , nous nous unissons à la volonté
le Oieu, dit saint Bernard : Per consenswn vtique volnntarium, divine?
voluntati conjungimur ( Tract, de diligendo Deo ).
Celui qui vous n créé ^ans vous, ne vous sauvera ri= pnns vous, dit Nécessite
saint Augustin : Qui vrtavic le suie ce, non saivabit te sine te (Knohirid., du libre
c. xxx ).
Dieu a fait l'homme libre, mais non pour le mettre en dehors
de lui et de sa providence, non pour lui permettre, comme à la bête
sauvage, d'aller où il voudrait, et de se soustraire aux préceptes
divins. En qualité de souverain de tout ce qui existe, comme législa-
teur, seigneur, maître, roi, juge et vainqueur, il lui a donné la loi
soit naturelle, soit révélée, afin qu'il l'observât.
Le Seigneur a fait trois choses : d° il a donné le libre arbitre è
l'homme ; 2" il lui a fait connaître sa loi; 3° il lui a promit; utip
récompense, s'il l'observait.
Dieu, dit saint Basile, a placé au dedans de nous-mêmes une
balance au moyen de laquelle nous pouvons peser toute chose1
Servez-vous-en pour y peser chacune de vos œuvres, et pour voir ce
qui vous est le plus utile. Vaut-il mieux goûter une volupté passa-
gère et vile, suivie de la mort éternelle, que de s'exercer à la vertu?
Hommes aveugles, qui choisissez le mensonge et la corruption , le
prophète Isaïe vous maudit : Malheur à vous, dit-il, qui appelez
mal le bien, et bien le mal; qui déclarez les ténèbres lumière, et
la lumière ténèbres; l'amertume douceur, et la douceur amertume !
Vœ qui dicitis malum bonum , et bonum malum; ponentes tenebras
îucem , et lucem tenebras ; ponentes amarum in dulce, et dulcein amo-
rum! ( v. 20. — Homil. in Psal. lxt. )
Je veux, dites-vous, je veux les choses présentes ; car quel est celuL
qui connaît les futures? Vous vous servez mal de votre balance, pré-
iérant le mal au bien, les choses vaines aux solides, ce qui est transi-
toire cà ce qui est éternel, un plaisir qui fuit à une joie qui na finira
jamais
Nous devons, dit saint Bernard, employer toutes nos forces afin de-
consen er notre libre arbitre à faire le bien : Dieu nous l'a donné dan«
(1) Libéra est anima, et domina passioimm ; vincere seipsum omnium victorianm.
prima es», cl optima: \iuci autein a seipso, et turpissiiuum etpessimum {DeLegib, ),
58 HERE AftBITMh
ce but, et pour que nous lie feli >;lé. Mrs il fart
que l'homme enchain ■ .1 Dieu ? m libre arbitre, qu'il le lui oil'reel e
lui 1 ir, et qu'il renouvelle souvent la r
r en tout à Dieu ; le priant assidûment de le garder lui-m
comme son propre bien , de le conduire par ca grâce à La prati
de toutes les vertus, puis au port du salut éternel; car si la concu-
piscence, le péché ei led'nn'ii deviennent les maitroe de notre libre
arliiti- • . ;l n ■ fera que le mal ci nous précipitera en enfer ( Ti.u.t. de
endo Deo). C'est ce qui fait dire à saint Augustin : L'homme
qui fait un marnais ps ige '1 1 son libre arbitre, le pe. p nd
lui-même : /....» ar/jicrio maie utens homo, et &e i et ipswn
( Liiehii -i !.. p. servant du libre arbitra jour p'.hcr
ailleurs cet illusti . on le per l : Cmn lifyrojxt arbi-
trio. t est liherum arhitrium (De Gril, et lib. Arb.) . o 1
qu'il soil - ■ . 1 -1 rdu parée qu'il ifit co j-
■ au mal ■' affaibli par ilte contre Dieu \ Pour
dit en iiv sn'n! Augustin, \'\\ osl libre» mais quan 1 il a
;. il esl l' isclave du péché : Ad peccandum liber ed , çuipuccn i
est (De Grat. * 1m. Urb. ).
Dieu n 1 refusant d'à tcor 1er ca gpj jej mais
Lrôpi 1 que Je pécheur ayant devant soi le bienet^ej
ni mal. On n'est pas condamné au iroel
a fait défaut, mais parce qu'on a fait défaut à li
grâce, et q uni a - volontairement le pé peui
éviter d'offe ser Dieu. Qu'il en soit ainsi, et l'enfer, esl fermé. Ce
.nie riiuimnc aura choisi lui sera donné : s'il veut La pé ;hé , il a 11 a
e péehé et la peinedu péché. Vouloir le péché sans la 0 in;\ ç'esj
■ ■il - ■ ; op ssible sous un Dieu juste
Ne ""• point, dans votre impiété, que vous recevrez autre'
e que ce que 1 vous-même. T
vient de i : /' rdffla
>i a qui d m- perd, mai . i >nlé pei •. 1 \ ie In
'il saiui Bernard , 1
• ;■■ t.).
Si 1 ir
I
' : Voltl i M, Ct
s, et me ad ir u
1 1. 19. 20).
ic pécher, dit <^>»
LIBRE ARBITRE. 59
Augustin, mais sorvoz-vons-on pour ne pas pécher; car votre volonté
scia libre ^i elle est bonne; vous serez libre si vous êtes esclave,
■', esclave de la justice (1).
T.e libre
artvtr'c seul
La vol >nté a le pouvoir de consentir à l'appel de Dion, dit saint
Augustin, ou d'v fermer l'oreille. L'âme ne peut recevoir et avoir de ne sufiit pas
o J l -il tant lîi
[«'autant qu'elle y consent; et ce qu'elle a, ce quelle reçoit gràceavrôlui
vient de Dieu. Mais recevoir et avoir, cela appartient à l'homme qui
reçoit et à Dieu qui donne (2).
Le don nue Dieu seul fait au libre arbitre ne peut pas plus être,
reçu sans le consentement de l'homme, qu'il ne peut être accordé sans
grâce de Dieu, dit saint Bernard : Quoi a Deo soli dotur Uhcro
arbUrio, tam absque con sensu non potest esse accipientis , quam absque
(jrtiJia dantiç (Tract, de Grat. etlib. Arb. ).
Par la grâce de Dieu, dit le grand apôtre aux Corinthiens, je suis
suis, et sa grâce n'a pas été stérile en moi; mais plus
qu'eu? . j'ai travaillé, non pas moi , mais la grâce de Dieu
avec moi (3). La grâce est donc nécessaire, mais la coopération à
la grâce ne l'est pas moins. La grâce vient de Dieu : la coopération
vient du libre arbitre. Une personne dont les forces sont épuisées ne
peut pas marcher seule; on l'aide , et elle va. L'aide , c'est la grâce ;
en s'y prêtant on marche, c'est le libre arbitre agissant. Il faut
grâce et le libre arbitre; il faut que ces deux choses
marchent ensemble dans un parfait accord. Sans la pluie, la terre
est stérile; sans la terre , la pluie ne produit aucun effet
Nous ne sommes pas suffisants , dit saint Paul, pour produire par
es et comme de nous-mêmes, quoique ce soit en notre
esprit; niais notre suffisance est de Dieu: Non quod suffitientes
siii.u$ cogitare aliguid a nobis, quasi ex nobis ; sed suflieientia nostra ex
Deo est (IL Cor. ni. 5). Ainsi i'Apùtre dit que le libre arbitre est
Isant de lui-même, mais il ne dit pas qu'il n'ait aucune force.
Le libre arbitre est trop faible pour accomplir seul les bonnes
(1) NoliteUbertatc abuti ad libère percandura, sed utére ad non peccandum : ciii
enini voluntas tna libera, si fnerit pia; eris liber, si fucris servus; liber peccali, sçr-
. et lib. Arb. ).
vocalioni divitue, vcl ab ea dissentire, propriœ Vôlûnta is i - : acci-
pere et habere anima m p ' ;l dona, aisi
et quid accipiat, Dui est : aecipere au eni et babere, utique accipientis et habentis l st
(De !<}iirit. et lit. , c. lx).
Dei S'.nn id quo! sum; trratia ejns in me vacua non fuit; sed abundaur
tiusillis omuibus laboravi : m ia Dei mecuin (I.xv. 10).
60 LIBRE ABB1TRE.
œuvre?, il o«?t infirma; mois il est suffisamment fort s'il est excité,
aidé, soutenu par la grâce prévenante cl la grâce concomitante.
Quo personne, dit saint Grégoire, ne se flatte de valoir quelque
chose, même après avoir fait preuve de force; car si la protection
divine l'abandonne, il sera soudain renversé, là même où il se glo-
rifie de se tenir debout par sa proj re volonté (1).
Personne, dit sainl uigustin, n'est fort par ses propres forces; il
n'est en sûreté et fort que par l'indulgence et la miséricorde de
Dieu : Mémo suis viribus fortis est, serl Dei indulgentia et rnisericordia
tuh ' , DeGrat. et lib. Arb. ).
En voi ueur, je conserverai ma force, dit le Prophète
royal : Fortitudinem meam ad te custodiam (lviii. 10). Ce qui signifie,
dit saint Augustin : Je conserverai ma force par vous , Seigneur, je
la rapporterai à vous: Fortitudinem meamper te custodiam , ad te
referont \ DeGrat. et lib. Arb.).
Si Dieu e( Dieu seul fait tout en nous, dit saint Chrysostome, vous
m exhortez en \ain, vous cherchez en vainàm'inspirer la crainte et
la terreur; vous ordonnez en vain, disant : Obéissez. Mais écoutez
J Ecriture : Dieu dès le commencement a créé l'homme et l'a laissé
dans la main de son propre conseil (Eccli. xv. 14). Dieu n'opère
donc pas seul; il faut <jue l'homme agisse de concert avec Dieu. Il
H'eet la correspondance à la grâce ( Serm. de Zachœo).
La race caresse et attire la volonté de l'homme, afin que celle <v
"•nt à la grâce, qu'elle y coopère
Dieu opère en nous le vouloir, parce que, comme le disent sainl
Chrysostome et les au! . il aide, augmenta, fait avancer la
volonté qu'il trouve en oous , et la porte à bien agir Dieu, dit
sainl Augustin, meut l'homme et le porte à vouloir librement se
ntir, aimer et faire le bien : Dcus movet et incitai ut homo libère
velit pamitere, amare,et qm Ivis bonum operari( DeGrat. et lib. Arb. ).
Dieu nous excite el nous ! me la grâce pour nous faire vouloir;
"..us devons <•""; érer i
L I i i ut Augustin, que tout commencement
détonne volonté, de foi et de salut, vient de la revenante.
L'Apôtre veut que nous pra le bien avec crainte, parce que
D père e vouloir. Dieuagil de manière à ce que nous voulions,
■ •i pie aous accomplissions ce que oous \oulons.
(1) Nemo te mIi, iijns pietatfa estimet, etiameum quidfortiter potes t; quia si divina
protectio desçrat, ibi repente enerviter obruetnr . ut.i se Tolenter siare frloriaiur
LIBRE ARBITRE. 61
Dieu, dit le grand Apùlrc , opère en vous le vouloir et le faire ,
selon qu'il lui plait : Deus operatur in vobis velle et perficere pro bona
voluntate (Pkilipp. n. 13).
Dieu opère le vouloir en aidant la volonté" ; il opère en nous le faire
en continuant la même grâce par laquelle il opère le vouloir. Lors-
qu'un acte extérieur est difficile , comme le martyre , il opère alors
le faire par une nouvelle grâce , en fortifiant et animant l'homme.
Saint Bernard , parlant de la grâce et du libre arbitre , enseigne
excellemment comment Dieu opère en nous ces trois choses, la pen-
sée , le vouloir , le faire. Il opère la première chose, dit-il, qui est
la pensée, sans nous; la seconde, qui est le vouloir, avec nous; la
troisième , qui est le faire, par nous : Primum, scilicet cogitare , sine
nûbis ; secundum, scilicet velle , nobiscum ; tertium, scilicet perficere ,
per nos facit. Lorsque nous sentons ces merveilles se passer invisi-
blement en nous et avec nous , dit ce saint docteur , il faut prendre
garde de les attribuer à notre volonté qui est faible , ou bien à une
contrainte venant de Dieu , qui est nulle , mais à la grâce seule dont
Dieu est rempli. Cette grâce excite le libre arbitre en lui inspirant le
désir; elle le guérit en changeant son affection ; elle le fortifie pour
le conduire à l'action; elle le conserve pour qu'il ne défaille pas.
La grâce agit avec le libre arbitre de manière à le prévenir , en lui
donnant la pensée; dans tout le reste , elle l'accompagne : elle
le prévient, afin qu'il coopère. Mais le commencement appartient
■* la grâce seule ; la suite, jusqu'à l'accomplissement de l'oeuvre,
se fait par la grâce et le libre arbitre unis ensemble, et non pris
chacun séparément , par la grâce et le libre arbitre agissant en
même temps et non tour à tour. Ce n'est pas pour une partie la
grâce, pour une partie ie libre arbitre qui opèrent; mais l'un et l'au-
tre, et par un travail indivisible (1).
Dieu opère en nous le vouloir et le faire selon son bon plaibir : Deus
operatur in vobis velle et perficere pro bona voluntate ( Philipp. n. 13).
(t) Ca\endum adhuc, necum hœc invisibiliter intra nos, ac nobiscum actitari sen-
timus, aut nostrae voluntati attribuamus , quœ infirma est ; aut Dei necessitali, quœ
nulla est; sed soli gratia?, qua plenus est. Ipsa liberum arbitrium excitât, cum semi-
nat appetitum ; sanat,cum immutat atfectum ; roborat, ut perducat ad acrum; servat,
ne senliat defectum. Sic aulcm ista cum libero arbitrio operatur , ut tantum illud in
primo prrcvcniat, in cœteris comitclur ; ad hoc utique praevenions , ut jam sibi dein-
ceps cooperetur. Ita tamen quod a sola gratia cœptum est , ab utroque perficitur: ut
mixium, non sigiïlatim; simul, non \icissim, per singulos profectus, operentur. Non
parlim gratia, partim liberum arbitrium, sed totum siugula opère individuo peiagun
±De lirai, et lib. Arb. , c. xxYii).
C2 tltdtà Arr.TTnr..
Selon 1p bon plai.-lr non (L-riin:.;!::^ ■■
ftome: /' )hmtate non homihis, sed I
Dieu opère en nous le vouloir et le faire,, a'in nue sa
s'accomplisse en noùi et par flous, et que nous \i tement.
Voilà q\ - à la porte, et je frappe, dit J. i
lypse. Si quelqu'un entérid ma voix e( m'ouvre la . . j outrerai
lui et je mangerai avec lui . et lui avec moi : Écce
et i> : a , et ap
inti'ibo ad Muni, et cœnabocum Mo, et ipse riiècùm (ni. 2
D '•'! . dit -m t Augustin, Opère au commencement, afin quenuy?
voulions , et 1 idée, il i
■ nient <lf l'action. Il nous prévient pour nous guérir, et il 1
i afin que nais nuis d ité ; il nous
ms appelés, et il □ gne alin
que nous arrivions a la gloire; il nous" prévient pour nous faire
mener une vie pieu-,' ; et il nous aceompaghe afin que nous vi\ mus
t >ojours *vëc lui
Atlirez-mni , dit 8 I Kpoux l'Epouse dés Cantiques : floua cou ci is
sur \ l'odeur de Vos parfums: Trahe me; post te cuwfwi i"
adorent i<tit/neiit<j> uni tuorum ( T.
Dieu , dit saint GrégO . • par sa gçâoe les Km* dé-
.n.i - nous , par les efforts île notre libre arbitre . nous
Ibnè de ' pour fain en nous les vert*
desideria rioùià pér diviHam grati miriistrantur,: sed nos duni yrutin'
per conutuni '.cri ï ad virtuti ■ <inif
M : il. .
La grâce pieveiid , .- «xouJtra la
pération dû libre arbitre, dit saint AttgOSlifl ; car si i
agissait, ce sérail inutileme il que Dieu dirait au? uomni « :Gonver-
e-vous; ei -i [( - hommes pouvaient agi*,- seuls sans le
serait en vairi qu'on dirai! à I . convei
Dieu préparait notre ame sans nous, il serait faux de dire que
/homme prépare son frme; et s ..1!1S le
secours de Dieu, il sérail faux de pareitotre
olonté. C'est pourquoi Dieu fait dans l'homme beaucoup de Jbien
(1) Ipse, ut vciiiniH , operaturiin.il \ui\ . tibus . , rapjr pprfl
Prctenil al lanemur, cl stibsequituf, u \
sub-(.<|iiliir ut glwificciTMir; |>c es.'oit ut jno visainus, et suuscquitur ut cuui îllo
*>mper rivamui {De Gtut.et Ut>. ArO.i.
LIBRE ARBITRE. G3
que l'homme nn fait pas; mais l'homme n'eu fait aucun pans que
bien l'aii le à le faire (I).
Ainsi que le prétend Pelage, le libre arbitre n'exclut pas la grâce
de Dieu, comme la cause seconde n'exclut pas le concours de la
cause première; au contraire, celle-là est subordonnée à celle-ci, et
dépend essentiellement d'elle L&çoncours de la cause seconde n'est
rien, ou plutôt il ne peut pas exister sans l'action de la cause
première.
Il faut, dit encore saint Augustin, il faut entendre ces paroles de
l'Ecriture : Si vous voulez, vous observerez les commandements , de
telle sorte que l'homme qui veut et ne peut pas soit convaincu qu'il
ne veut pas encore pleinement, et qu'il prie afin d'avoir une volonté
assez forte pour accomplir les commandements. C'est ainsi qu'il
recevra l'aide qui lui est nécessaire pour faire ce qui est ordonné;
car alors seulement qu'on peut, il est utile de vouloir; et alors qu'on
veut, utile de pouvoir ce que l'on veut. Que sert-il, en effet, de vou-
loir ce qu'on ne peut pas, ou de pouvoir ce qu'on ne veut pas? (-2)
Lieu prépare et donne aux impies une grâce suffisante, avec
laquelle ils peuvent, s'ils le veulent, éviter le péché, et faire le
bien. Cette grâce est appelée suffisante, en ce que, s'ils veulent y
coopérer , ils la rendent efficace. La grâce efficace est nommée ainsi,
parce qu'elle obtient toujours son effet. Il n'est pas en notre pouvoir
que Lieu nous donne la grâce efficace, et non simplement la grâce
suffisante; cependant, Dieu dans sa libéralité et parce que cela lui
plait, donne à tous sa grâce. Si les impies veulent y coopérer, ils la
rendent efficace, comme font les âmes pieuses ; mais comme ils ne
ie veulent pas, et que Dieu a prévu cette résistance, il leur donne
seulement la grâce suffisante qu'il sait leur devoir être inutile. Il
'.àut îemarquer au reste que c'est la paresse ou la malice de ceux-ci
(1) Coinmcndatur grutia provenions , seil non excluditur arbilrii coopératif). Si
enimsulus Llcus faccret , frustra diceretur hominibus : Convertimioj, El si hommes
i hoc suflicercnl, frustra diceretur Dm : Couverte nos, Deus. Et si Deus sine
nobis nos proepararet , f'dlsum esset immincm prseparare animam suain : et si absque
Dco nos corda noslra prœpararemus , falsum e>sct praparari volumatem a Domino.
Quapropter inulla Deus facit innomme bona, quœ non facil homo ; uulla vero facit
homo, qua? non facit Deus ut faciat homo ( De Grat. et lib. Arb. ).
(i) Ad hoc enitn valet quod scriptum est : Si volueris, conservabis mandata; ut
homo qui volucrit et non potuerit , nomium se plene velle coguoscat; et oret ut
tantdm voïuntatem, quaula suflicitad implcnda mandata. Sic quippe adju-
vMiur ut f;iciat quod ji;belur; tune enim utile est velle cura possumus ; et tune utile
est possc, tum voiumiis. Nain quid piodest si quod non possumus, volumus; aut.
si o,uod posaumus, ûoiumus? ( /*■>' , c iv >
64 LIBRE ARBITRE.
qui la rendent inutile ou inefficace, quoique Dieu veuille et désire
sincèrement qu'ils y coopèrent et qu'elle soit fructueuse et efficace;
car Dieu ne s'applique pas à chercher et à choisir des grâces îneffi-
«3aces pour les donner aux impies ; de son côté, et dans son intention,
tou* ' elïicace quant au premier acte, c'est-à-dire qu'elle
a la force et Eficacité res pour produire l'action et faire
(L-lui qui là reçoit, si sa \olonté veut y correspondre. C'est là
eu te d, et ce qu'il veut. Dieu accorde la grâce ^-ullisante avec le
sincère désir qu la roi e.mme y corresponde, et que par elle
il se mette :i l'œuvre; Dieu ne la donne qu'à cette tin. Tous les théo-
logiens sont d'accord pour déclarer qu'on ne saurait lui attribuer
d'autre intention
Dieu Dieu exerce sa volonté vis-à-vis du libre arbitre, t^ut autrement
Reuo en eP (. , , c\e\ ^ gur ia terre et dans l'univers. En créant le ciel
libre arbitre. ^ ja terre? [\ ]etir a imposé la nécessité d'exister; mais il laisse la
ité de l'h lui persuadant intérieurement
_ r,en la caressant, l'attirant, l'amollissant, la menaçant, la
fortifiant
inunes attirés, non par des chaînes ou des fouets, i..-'- t ^r
Ja force de l'amour , selon ces paroles du prophète Osée: Je l'ai
«Miré par les liens qui séduisent les cœurs, paries liens de l'amour :
lia trahetrn > -, in vinculis caritatk (xi. 4).
Croyex, dit saint Augustin, et vous viendrez; aimez, et tou*
ez attiré. Ne eous imaginez pas que la violence que Dieu exerce
but l'homme est rude et >j île; elle est douce, elle est déli-
cieufi . ladouceur même qui vous attire. N'attire-fc-on pas la
brebis affamée lorsqu'on lui présente de l'herbel lit je { ense qu on
iui impose pas la n< cessité le s'approcher; c'est son désir qui la
livre. Ainsi , vous-même, venez à J. G.; ne cherchez pas de i
i - : dès que vous croyez, vous venez; car on va à Dieu, qui est
aontanl surun navire et à force de voiles, mais en
aimant. Comment, direz- vous, puis-je croire volontairement, si je
1 -.1 x"- le léclare, non-seulement vous
n'êtes pas attiré mal n vous, mais \ >us l'êtes avec plaisir? Qu'est-ce
qu'être attiré avec plaisir? C'est Be réjouir da neur., qui Mais
irdera tout ce que votre cœur lui rlemandi ra.Ce n'est pas là subir
une nécessité, mais obéir à un attrai ; cen'i st | ..- être contraint, mais
ndonner au charme. Nous devons ajouter que celui-là qu
plaît dans la vérité, dans le bonheur, dans lajaslioe, dans la vie
lissa ARBITRE. 65
éternelle, est attiré à J. C. , qui est lui-même tous ces
bitns (I).
Chacun va où l'attire son plaisir; mais c'est librement et non par
nécessité. Nous sommes attirés par les avertissements du Seigneur,
par la révélation, par la doctrine évangélique Ne croyez pas
que aous êtes entraîné par la force, dit encore saint Augustin, l'âme
cède aussi à l'amour. Cette espèce de violence s'exerce sur le cœur,
et non sur le corps : Noli cogitare te invitum troJii; trahitur animus et
amore. Jsta violentia cordi fit, non carni ( Tract, xxvi ).
L'action d'attirer marque la force et l'efficacité de la grâce de
Dieu ; mais cette force est douce et agréable; elle ne fait pas violence
au libre arbitre , mais elle l'excite, le caresse, le porte à croire en le
vendant heureux, en lui donnant la paix et la tranquillité
Si vous n'êtes pas encore attiré, dit saint Augustin, priez, afin
que vous le soyez. Et si vous ne voulez pas tomber dans l'erreur, ne
cuerchez pas pourquoi celui-ci l'est, tandis que celui-là ne l'est
cas : Sï non traheris, or a ut tr ahuris. Cur hic trahatar, illenontraha-
v , noli judicare 3 sinon vis errure (Tract, xxvi).
K1) Crede, et venis; ama , et traheris. Ne arbitrons istam asperatn molestamque
aiolentiam ; dulcis est, suavis est, ipsa suavitas te trahit. Nonue ovis trahitur, cum
esuiienti berba monstratur? Et puto quia non corpore inapellitur, sel desiderio col-
figatur. Sic et tu, veni ad Ghristura : noli longa itinera meditari; ubi credis, ibi
venis : ad illum euira qui ubique est, amando venitur, non navigando. Quomodo
voluulate credo, si trahor ? Ego dico , paruni est voluntate , etiam voluptatti
traheris. Quid est trahi voluptate? Delectare iu Domino, et dabit tibi petitiones
ooivlis lui. Non nécessitas, sed voluptas ; non obligatio, sed delectatio. Dicere
debemus trahi hominem ad Christum, qui delectatur veritate, delectatur beatitudine,
flelectatur justitia , delectatur aeterna vita , quod totum Ghristus est ( Serra, i de
verbis Apoxt., J.
-il.
LIEU SAINT.
de jT^* • h, dit le Prophète royal, i'ai aimé la beauté (Te voir*
■rot. ^^ ...
L- net Je lieu ( hal te votre gloire : JÛomtne , dihxt decO'
f<_y rem dama luie , et locum habit ationis yloriœ tuœ (xxv. 8): Oue
v s tabernacles ^>nt aimables, Seigneur, Dieu des vertus ! Mon âme
a désiré d'entrer dai s les parvis du Seigneur, elle a défailli de d îr :
Quant di/ecta tabernacula tua, Domine virtutuml Concupiscit et défiai
anima mea in atria Domini (lxxxiii. 2. 3). Le passereau trouve une
demeure, la colombe un nid où elle dépose ses petits : pour moi ,'
Dieu des vertus, 6 mon roi , ù mon Dieu , vos autels! Etenim passer
invenit sibi domum9 et turtur nidum sibi, ubi panai pullos suos ;altaria
tua, Domine virtutum, rex meus et Deus meus! (Psal. lxxxiii. -i.)
Le zèle de votre maison me dévore : Zelus domus tuœ couiedit me.
Psal. Lxvni. 10).
J. C. a déployé un zèle ardent pour la maison de son Pèrp;..:.
Tous les saints, tous les vrais chrétiens ont toujours été remplis
1e zèle pour le lieu saint... : zèle pour fréquenter les églises.... , zèle
joui - t...., zèle pour s'yt^nir dam un respect intérieur et
extéi leur, etc....
'■- l.\ Htinteté convient à votre demeure, Seigneur , dans toute la
les jours, dit le Psalmiste : Domum tuam decet sanclitudo ,
Du longitudin ■ um (zen. 5).
l ible tjue Dieu habite véritablement sur la terre,
- ilomon ? Car si le ciel et les cieux des cieux ne vous peu-
ent c mtenir, Seigneur, combien moins cette maison que j'ai
ïàtiel (l)
J'ai sanctifié cette maison que vous avez bâtie afin qne j'y établisse
.non nom à jamais, dit leî à Salomon, et mes yeux et mon
vp,ur seront h ujours là -1 .
.Seigneur de toutes eho<^3, décriaient les prAtrp* sous Judas
Frrono patandom r?t quod verc Dena hnMtot mper terrain? Si pnim certain pi
possunt, .i Jomus hœc! III. Reg. via. 27.)
(8) ! ■ ■ domum bue quam . ai ponerem nomen meum ibi in
Mmpiternam, et sront ocull mei , et cor mi um ibi cuncii» diebui ( 111. Reg. ix. a ).
TEU SAINT. . 67
ftfo habée, Seigneur qui n'avez besoin de per^nne, vous avez voulu
que le temple où vous habitez lût parmi nous. Et maintenant , ô
Seigneur, vous, le saint de tous les saints , gardez éternellement,
sans être souillée, cette maison qui a été purifiée (1)
Je remplirai de gloire la maison où réside ma majesté , dit le Sei-
gneur par la bouche d'Isaïe ; Domum majestatis meœ glorificabo
(m. 7).
La maison où réside la majesté et h gloire de Dieu est l'Eglise de.
J. C. et ses temples; soit parce que ceux-ci se trouvent, comme à
Rome et ailleurs , étincelants de marbre, d'or et de pierreries , et
que les empereurs , les rois , les princes et le monde entier proslor-
nés y adorent Dieu ; soit surtout parce que Dieu y habite corporel-
lement , que la très-sainte et très-noble victime d'expiation y est
offerte , et que le Seigneur y manifeste sa présence et sa majesté par
une infinité de grâces et de prodiges , qu'il opère pour les fidèles.
Tout est saint dans nos églises , et nous porte à la sainteté : l'eau
bénite..., les fonds sacrés..., les tribunaux de la réconciliation..., la
chaire..., la croix..., la table eucharistique..., les autels,.., et sur-
tout le saint des saints, le tabernacle qui renferme jour et nuit le
corps, le sang, l'âme et la divinité de J. G
ConiBiiz-vors devant le grand Dieu dans la splendeur de son sanc- Respect por-
tuaire; tremblez en sa présence ; dit le Roi-Prophète : Adorate ieIieusaint-
Dominum in atrio sancto ejus (xcv. 9). Je m'approcherai ( avec un
saint respect ) de l'autel de Dieu , du Dieu qui remplit de joie ma
jeunesse : Introibo ad altare Dei , ad Deum qui lœtificat juventutem
meam (Psal. xliii. 4).
Lorsque vous entrez dans la maison de Dieu , dit l'Ecclésiaster
veillez sur vos pas et approchez-vous pour écouter : Custodi pedeA
heum, ingrediens domum Dei, et appropinqua ut audias ( iv. 17).
Jacob vit en songe une échelle posée sur la terre et dont le
sommet touchait le ciel , et des anges de Dieu qui montaient et qui
descendaient par elle , et le Seigneur appuyé sur l'échelle et lui
disant : Je suis le Seigneur Dieu d'Abraham et d'Isaac ton père.
Quand Jacob fut éveillé de son sommeil , il s'écria : Véritablement
le Seigneur est ici et je ne le savais pas. Que ce lieu est terrible!
C'est ia maison de Dieu et la porte du ciel : Y ère Dominas est in loco
Pu , Domine unîversorum qui nuilius indiges , voluisti templum habitation
fieri in nobis. Et nunc, sancte sanctoruiu omnium, conserva in ttternufi
. Uutam dosaum istam (II. Machab. xiv. 3a. 36).
sai:xt.
iste ! Non est nie
■
.'une i'aihle et pâle ima
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UEU SAINT. 69
' on } afin cl ' r la prière C 3 votr
; vous les exaucer
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.ous, et ;
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Ltence et se converti:
les
de quel
1 lui, ou
vers vous
ger? un h
fnvocjuer votre nom e ce li l, -. Si
peuple sert pour combattre ses enn
du côté où s' ie à la
vous exaucerez ses
(III. Reg. vm).
Ma voix, dit le P royal, a ; •■ clans le
du Seigneur ; mes
cto SUO V
spectu ejas, inlroioU in i
Ma : l'Tsaïe, sera r
i
k
dont '
saint
; estlasouIce'
naci 3).
Planté clans la maison cl
vis de notre Dieu : Plantati i
' uni ( Psal. xci. U ). Il portera des fruits, il s
et de vi
Je vous raj
70 LIED SAINT.
dans la maison de ma mère (l'Eglise); là vous m'instruirez : Appré-
hendai te in domum matris mece , ibime docelis ( vm. 2 ).
Je placerai mon tabernacle au milieu de vous, dit le Seigneur,
et mon àme ne vous rejettera point : Ponam tabernaculum meum in
medio vestri, et nonabjiciet vos anima rnea (Levit xxvi. 11 ). Je mar-
cherai au milieu de vous; je serai votre Dieu et vous serez mon
heup] /■ vos, et ero Deus vester, vosgue eritis pojndus
meus ( llikl. xxvi. 12).
11 n'est point de nation si grande, dit l'Ecriture, qui ait ses dieux
si près d'elle que Test le Seigneur notre Dieu, présent à toutes nos
prières t Née est alia natio tam grandis , quœ habeat deos appropin-
fuantei sibi, slcut Deus noster adest cunctis obsecratiunibus nostris
(Deuter. iv. 7).
Le temple, dit Isaïe, sera un pavillon dressé contre les ardeurs du
gi I il , un abri élevé contre la pluie et la tempête (des tentations
et des passions ) : Et tabemarulutn erii in umbraculum diei ab œstu
(iv. G).
Les aveugles et les boiteux s'approchèrent de J. G. dans le temple,
et il les guérit ( Matth. XXI. 14).
Le lieu saint est rempli de grâces, de secours, de richesses de tuuto
espèce
Ponheur Hwrtutex' ceux qui habitent dans votre maison, Seigneur, dit le
qu'on trouve [Valiniste, ils vous loueront à jamais! Beati qui habitant in domo
»■' qu'on ^oiitc
s le lieu (au , Domine! in secvla seculorum laudabunt te ( Psal. ixxxm. T>). Je
me suis réjoui dans cette parole qui ma été dite : Nous irons dans la
mai eigneur : Lcetatus sum in his quœ dicta sunt rnihi : lu
domum Dommiibmm (Psal. cxxi. 1 ).
Un jour passé dans votre demeure, Seigneur, vaut mieux que
mille jours : Melior est dies una in atriis tuis super millia ( Psal.
LX.wni. 1 1 ).
Heureux, dit le Seigneur dans les Proverbes, heureux l'homme qui
m"V ni •,, qui passe les jours à l'entrée de ma maison, et qui veille
au seuil de ma porte ! Celui qui me trouve, trouve la vie : Seatus
Homo qui audit me t et gui v ■ fores meas quotidie , et observai ad
pus'' veniet vitam ( vm.
Heureux ceux qui fré ' lelieusaint; c'esf; là que descend
'on trouve le lait et le miel, laque nais-
sent les larmes qui 1. it, qui rendent l'innocence.
-i là qu'une lumière surnaturelle dissipe les ténèbres, que la
LIEU SAINT.
71
(Ablesse disparaît et que l'âme se fortifie. C'est là qti*eile se nour-
rit de Dieu même , s'unit à lui, se transforme en lui. C'est là que
tous les jours s'opère le plus grand des miracles, que le ciel s'ouvre,
et qu'un Dieu descend sur l'autel. C'est là qu'un Dieu demeure
constamment pour nous bénir et nous combler de toutes ses
faveurs. Là ues millions d'anges sont présents, adorent leur roiT
reçoivent nos prières, nos vœux , et les présentent au Dieu de majestd
et de miséricorde Quel bonheur donc d'aimer le lieu saint, de!«
visiter souvent et d'y demeurer longtemps!...
Je les introduirai sur ma montagne sainte , dit le Seigneur pai
la bouche d'Isaïe; je les remplirai de délices dans ma maiso de
prières : Adducam eos in m&fitem san.-tum meum, et lœtifico.bu eus in
dumo oraiionis mcCB ( LVI. 7 )
La lougueur du temple saint est l'emblème de la longanimité de
l'Eglise; car dans l'exil de son pèlerinage, elle supporté avec patience
toutes ses adversités , jusqu'à ce qu'elle arrive à la véritable patrie.
Sa largeur est l'emblème de la charité de l'Eglise , par laquelle dila-
tant ses entrailles, elle embrasse eu Dieu non-seulement ses amis,
mais ses ennemis eux-mêmes: jusqu'à ce qu'arrive le temps ou
ceux-ci seront convertis, ou bien vaincus à jamais. Sm élévation
est l'emblème de l'espérance de la résurrection future , que l'Eglise
attend patiemment, soit dans la joie, S3it dans les larmes , parce
qu'elle est au-dessus de tous les événements; elle marche toujours
jusqu'à ce qu'elle arrive à posséder les biens du Seigneur clans la
terre des vivants. Les colonnes sont l'emblème de la sagesse de
l'Eglise et de sa solidité; elles sont aussi la figure des apôtres et de?.
docteurs
A un autre point de vue , la longueur du tempie saint rep :\ sent:
l'éternité de Dieu et l'immortalité de l'âme...; sa largeur, la r 's -
ricorde divine...; sa hauteur, l'immensité de Dieu...; ses colonnes.
la puissance de Dieu et tous ses attributs
t^e qui,
le vaisseau
d'une égliS
représente.
' 'lises sont tournées vers l'orient, et lorsqu'on prie, on se Pourquoi
, * ,,, . .... .. les églises sont
tourne de ce cote, pour cinq prin raisons : 1° ahn de recon,- eUesr ,
naître faits d nt le soieil est l'instrument et d'en rendra ™"s ;
grâce à I eu...; 2° parce que 1 t la plus noble part : du lors
° ' r x prie,se tourne
e , Ta Iumièr i et le soleil venant d ; l'orient...; 3° parc ! ne le t-c-n <
terre Ir , d* ù nous avons été chassés en la personne
fit'Âda . é t situé à l'oi ; 4" parce que J. C. sur la croix ■ •'
72 LIEr SAINT.
. tourna vers l'occident; lors <!onc que nous prions tournas vers
l'orient , nous regardons J. C. crucifié...; 5° parce que Dieu est la
véritable lumière, le véritable Orient
Dion wi imte ])IFU punit d'une manière frappante et terrible les profana tours «'lu
nation dn lieu saint . témoin le châtiment qui fut infligé à l'imprudent Ih'lio-
ct i'i chAHe dore, ministre «lu roi Apollonius.
SIW ' Héliodore eut l'audace d'entrer clans le temple de Jérusalem pour
coin qui le ...
profanent, le piller et le souiller. Mais la toute-puissance de Dieu se manii
sensiblement, en sorte que, renversés par une force surnaturelle,
tousceuxqui accompagnaient Héliodore furent frappés de terreur et
mis en fuite. Ue cheval couvert d'ornements magnifiques, et mente
par un homme à l'aspect menaçant et couvert d'armes d'or , leur
apparut , et il frappa impétueusement Heiiodore des pieds de
devant. En même temps deux autres jeunes hommes , pleins (h
force et de beauté , brillants de gloire et richement vêtus , se mon-
trèrent aux côtés dHéliodore, et le frappèrent de verges sans relâ-
che. Le malheureux tomba à la renverse, enveloppé d'obscurité et
de ténèbres; on l'enleva dans une litière, et on le porta hors du
temple. Frappé par la vertu de Dieu, il était gisant, muet, sans
espérance et presque sans vie. Si le grand prêtre Onias n'eût p is
prié pour lui , il aurait succombé; mais il fut guéri par les pi
de ce saint pontife et s'en retourna. Le roi lui ayant alors demandé
quelle personne lui semblait propre à être envoyée à. Jérusalem, Hélio-
dore répondit : Si vous avez quelque ennemi, ou quelqu'un qui ait
formé des dessein- c >ntre votre royaume , envoyez-le en ce lieu, et
vous le reverrez déchiré de coups, si toutefois il échappe à la mort ;
parce qu'il y a vraiment quelque vertu divine en ce lieu : celui qui
habite dans le ciel, y est lui-même présent; il en est le protecteur, et
il frappe et perd eeu\ qui s'y introduisent pour faire le mal : ïpse qui
habct in cœlis habitationem, visitator et adjutor est loci illius , et venien
tes ad tnalefa rdit ( II. Machab. m ).
Je brûlerai le temple de Jérusalem, dil l'impiô î?ic* ;" (>o fureur;
et par un juste châtiment de Dieu, ce profanateur sacrilège i ut la
tête tranchée : la main droite, qu'il avait insolemment étendue contre
le temple, fut coupée; el cette tête et cette main criminelles furent
appendues aux portes de Jérusali m < I. Machab. vu. .'J.ViT).
Jésus, dit L'Evangile, entra da I ipledeDieu, etcb
ceux qui y vendaient et achetaient; il renversa les tables des chan-
geurs, et il leur dit : Il est écrit : Ma maison est une maison de
LiEU SAINT. 73
re : mai? vous , von? er avez fait une caverne do voleurs : Scri-
pt mu est : Qomus mea, domm orotionis vocabïtur; rn« nutem fecistis illam
neom latronum (Matth. xxi. 12. 13).
La vengeance de Dieu poursuit toujours les violateurs et les profa-
na leurs des Eglises. Socrate lui-même a remarqué que la profanation
des temples est un signe certain de la colère de Dieu, et de-malheurs
prochains et terribles pour une nation ( Anton, in Meliss.) . — ( Cette
ohsenation de Socrate a été confirmée par ce qui s'est passé en
France lors de la grande et sac solution de 1793 )
Plus on est élevé en dignité, plus on doit s'attacher à don
peuple l'exemple du respect pour les Eglises 11 faut y aller afin
de prier et d'apaiser.le Seigneur On l'irrite, si l'on s'y tient
dans uùc oosture irrespectueuse.....
LOI DE DIEU.
Qu>ntend-en TT^v 'après quelque? philosophe?, ^oi vient du verbe légère, lire,
loi? m parce qu'elle est donnée afin que in m . e puisse la lire,
.M s s'instruire et s'éclaira l'esprit. CicéronAeul l|ué le mot loi
dérive du verbe deligere, choisir, parce que la loi enseigne enelïet
ce qu'il faut choisir (Lib. de Offic). Selon saint Thomas, le mot loi
vient du verbe ligure, lier, parco que la loi impose un lien : elle
oblige à faire ou à omettre quoique chose, et voilà pourquoi les
théologiens la nomment joug ou lien ( 4. p. q. art. 9 ).
La loi de Dieu n'est autre chose que la raison, l'intelligence et 'n
volonté de Dieu; carde la loi éternelle qui est en Dieu, dérive te
notre loi, comme la lumière vient du soleil. C'esl \ ir uoi celui
qui se conforme à la loi, se cunfurme à Ja raison et à la volonté
1e Dieu
La loi divine (") [Heu, s'écrie le Prophète royal , vos oracles méritent toute notre
•dt fondée sur . .,, . . >.t.>< r . • • , »\ r- ••
►»««e loi : / esttmonta tua creaibilia facta sunt nvms (\cn.5) . raites-moicon-
aattre le bien, Seigneur; enseignez-moi la sagesse et la
parce que j'ai cru à votre parole : Bonit tem9et d <c ' nain, et scienfimn
doceme. quia mandatis tuis credidt (Psal. cxv.il. C6). Toutes vos
ordonnances sont la vérité même : Omitiu mandata tua veritas (1
cxviii. 86). Votre loi est la vérité môme : Lex tua vrrit*» (Psal.
cxvm. U2).
L'homme sensé', dit rKcclésia?!ique~ se confie à laloi de Die ■, et
la loi lui est fidèle : Homo aemalus crédit legi Dei . et lex illi fidelis
< xxxni. 3 ).
La loi divine est un oracle quî vient de Dieu. Si vous voulez savoir
d'une manière certaine ce que vous avez à taire, quelle est la voie
-.lu salut et l.i volonté de votre Créateur, vous devez consulter la loi
ie Dieu : elle vous instruira pleinement, et vous
point vous égarer. La loi de Dieu est fondée sur la science, la
^v-'rss;!, la véracité infinies; eMe ne peut donc induire en erreur. Je
suis, dit J. C, la voie , la vérité et la vie; celui qui me suit ( t
a-dire celui qui observe ma loi) m d tint dans les ténènres,
mais il aura la lumière de la vie : Ego mm vie . veritas et vit», qri
sequitur wion ambulat in tenebrù, sed habebit lumen vita U«^aDn.
iuélnan lubie.
!L01 DK 'DIEU. 70
Vin. 12). Dieu ne peut ni se tromper, ni nous tromper. Du moment
qu'une obligation nous est imposée par la loi de Dieu, nous ne
devons conserver ni doute, ni hésitation.
La loi de nature est éternelle...; les préceptes cérémonie!* et iudi- *-* ïoi divino
i , a toujours
ciaires de la loi mosaïque ont obligé jusqu à la promulgation de la existe
loi nouvelle, qui a eu lieu lors de la résurrection de J. C, lors de son Voujours".*
ascension, et surtout le jour de la Pentecôte Cette loi est vrai-
ment le livre des commandements divins , la loi qui a été portée
pour l'éternité : Hic liber mandatorum Dei, et lex quœest in œtermtm
(Baruch. iv. 1 ). Elle est portée pour l'éternité : car, 1° elle durera
toujours, les commandements de Dieu ne devant jamais cesser d'être
justes et observés...; 2° elle conduit ceux qui l'observent à la vif
éternelle
CoxsirÉREZ, dit le Seigneur dans le livre du Deutéronome, consi- Nécessité
. ,. d'observer la
dérez que j ai mis aujourd hui devant vos yeux la vie et le bien, la loi divine.
mort et le mal , afin que tous aimiez le Seigneur votre Dieu , et que
vous marchiez dans ses voies, et que vous observiez ses préceptes, ses
cérémonies et ses jugements (xxx. 15. 16).
Que le livre de la loi , dit le Seigneur à Josué, soit toujours devant
tes yeux; tu le méditeras jour et nuit, afin que tu gardes et que tu
accomplisses tout ce qui est écrit : Non recédât volumen legis hi/jns
ab ore tito , sed meditaberis in eo diebus ac noccibns , ut custodias et facias
omnia qv.ee scripta sunû in eo(i.S).
Ecoute ma loi, ô mon peuple ! dit le Seigneur par la bouche du
Psalmiste ; incline l'oreille aux paroles de ma bouche : Attendite,
popide meus , legem meam; inclin aie avrem vestram in verba oris met
(lxxvii. 1). Vous avez vous-même ordonné, Seigneur, d'observer
vos commandements avec fidélité : Tu ?nandasti mandata tua cuslo-
diri nimis (Psal. cxvm. A). Si je ne méditais pas votre loi, j'aurais
déjà succombé à mon affliction : Nisi quod lex tua meditatio mca est,
tune forte periissemin humilitate mta (Psal. cxviu. 92). J'ai juré et
j'ai résolu, Seigneur, d'obéir aux commandements de votre justice:
Jo, ci et statui custodire judiciajustitiœ tuœ (Psal. cxvin. tOG).
lutons tous ces dernières paroles , dit l'Ecclésiaste : Craignez
Dieu et observez ses commandements, car c'est là tout l'homme :
Finem loquendi pariter omnes audiamus : Deum time , et mandata ejus
observa, lu c est enim omnis humo ( xn. 13).
Dieu dit à Abraham ; Tu conserveras mon alliance , toi et te
76 IOT HE PIET7.
postérité apr?sfoi : T" \, et semen fvvm post te
in gi G on. x ordonne t sa
lui a : ' cela pour
réco.: i la vi ;b de
'•'>•■ . Ire , servir et adorer
....
i ; r
G" Il veut que La vie
e charité
VOUS ; .'US nous
eus ne le t'ai nous
r. ou ses et
- (1).
Mon fils, dit le r dans les Prov rbes, n'oubliez pas nies
n r garde mes préc Uimi,ne
i cor tuum custodîot (ni. 4 ),
gui i or, dit l'Ecclt
ront ce qui lui < le;etceuxquil'aimenl
: (u. 19). ire l'étudieront avec si if
it de sa loi; ils eux
rien qui j uco,
..
leurs mais< ns, afi
lu Dieu, le ti i les
: chez à T
et à
. 2).
U ;
Qdra
l (Eccli.
XIX. 1 ).
Vrrc mao-nn tua, n Domine, est Bflpienl .. qui rm<; cojis nd nmorrm
tui, honum iK.ïii-um; nisi enim il ; faciamas,
LOI DE 1 I
SriONT/'iu dit le Prophète royal, je médite votre parole, aiin de II fanttnWItap
constamment
comprendre la iXYiii. lo ). Je consid rerai vos la loi divine.
3 : In justification
os (cîvin. -10). Votre loi est le
• iation : \ mea (cxvin. 2i).
■hoisi la route de la vérité ; je irai point oublié vos jugements :
! veritatis eleji, judicia tua non sum oblitus (cxvm. 30). Je me
nage de votre volonté : Adhœsi testimoniis
■ (cxyiii. 31). Je suivrai votre loi sans m'en écarter
.(cxviii. 33). Donnez-moi l'intelli-
ie votre loi , et que je l'observe de tout mon
: Da mi/ti intellect uni, et scrutabor legem tuam;et cusiodiam
in toto corde meo { cxvm. 3-i ). Je méditais vos préceptes, objet
iiiour : Et médit abar in mandatis fuis qvœ dilexi (cxviii. 47).
ut la nui ; , . r, je me suis souvenu de votre nom ; et j 'ai
r fui nocte nominis fui. Domine; et custodivi
. Que votre loi m'est clière ! elle est cha
jour le sujet de m" ion : Quomodo dilexi legem tuant Domine!
tota die n, a est- ( cxvm. 97 ). Je n'ai point oublié votre 1 i :
Legem tuam non sum oblitus (cxviii. 109). Je n'ai point abandonné
a os préceptes : Non dereliqui mandata tua (cxvm. 87).
lans votre mémoire ce que Dieu vous a corn-
lé, dit V tique': Quœ prœcefjit tibi Deus, Ma cogita
semper (ni. 22). Arrêtez votre pensée sur la loi de Dieu, et méditez
Sans cesse ses commandements : Cogitation tuum habe in prœceptis
Dei, et in mandatis illix nsidims esto (Ibid. yi. 37).
Ces paroles, qui sont l'expression de ma volonté et que je te
fais entendre aujourd'hui, dit le Seigneur au peuple d'Israël,
seront dans ton cœur; et tu les rediras à tes enfants, et tu les médi-
teras assis en ta maison, et marchant dans le chemin, avant de
dormir et à ton réveil. Et tu les lieras comme un signe dans ta
main, tu les suspendras devant tes yeux, et tu les écriras sur le
seuil de ta maison et sur tes portes (I).
Toutes ces recommandations renfermées dans l'Ecriture, tous
ces exemples prouvent jusqu'à l'évidence la nécessité de ne jamais
mettre de côté la loi sacrée du Seigneur
(1) Ëruuiqae verba haec, quiu e tibi nodie, in corde tuo : et n&rrabfe ea
. tua, ef aœbulans in itinere, dormions
;ium in manu tua, eruntque et movebuntur
in ter o^ulos tno«, scribcsun* ea in lirmne et ostiis doinus tua; {Deuter. \i. t>-y;.
richesse et
avantage' de
la loi divine.
78 LOI DE DJEtf.
Nous attendons sftiè empressement et nous désirons que le jour du
Seigneur vienne dit l'apôtre saint Pierre : respectantes et pruperan-
tes in adventum diei Domni (II. ni. 12).
Celui qui suit la loi de Dieu, dit Théodoret, et qui conforme sa
vie à cette loi, aime à penser à la venue du Seigneur : Amat Domni
adventum, qui» illius leges sequitur, et ex Mis vitnm intfituit ( In verb.
Pétri ).
Quiconque, dit Salvien , hait la loi sacrée, a en lui la cause de
cette haine. Le dégoût , le mépris qu'on a pour le précepte , ne vient
pas du précepte lui-même , mais des mauvaises mœurs. Car la loi
est bonne ; mais lorsque les mœurs sont viciées , elles changent les
sentiments et les résolutions des hommes. Si notre conduite était
conforme à la loi, la loi ne nous déplairait pas, nous n'aurions pas
de haine pour elle. Dès que quoiqu'un commence à devenir bon , il
commence aussi à aimer la loi. La loi, qui est sainte, a en elle-
même tout ce que les hommes ont de bon dans leurs mœurs (Lib.
fV ad Ecdes.).
La loi de Dieu n'a pour ennemis que les hommes corrompus.
Otez la corruption du cœur, la loi plaira
Toute la religion consistée observer la loi de Dieu
Nous sommes assurés que nous connaissons J. C, si nous obser-
vons ses commandements, dit l'apôtre saint Jean : In hoc scimus
quûniam cognocimus eum , si mandata ejus observemus (I. il. 3 ). Celui,
ajoute-t-il , qui garde les commandements de Dieu , demeure en
Dieu, et Dieu en lui : Et qui servat mandata ejus , in Mo manet , et
ipse in eo (I. m. 24).
Que Dieu, dit le vénérable Bède , soit votre demeure, et vous-'
même soyez la demeure de Dieu : demeurez en Dieu , afin qu'il
demeure en vous. Dieu demeure en vous pour vous soutenir;
vous demeurez en lui afin de ne pas tomber : Sit tibi domus Deus, et
esto domus Dei : mane in Dco, ut maneat in te Deus : manet in te Deus,
ut te contineat ; mânes in Deo, ne cadas (In Psal. xxx ).
Les paroles du Seigneur, dit lePsalmiste, sont des paroles pure»;
elles ressemblent à l'argent éprouvé par le feu et purifié jusqu'à
sept fois : Eloquia Dommi, eloquia casta; argentum igné examina-
tum , probatum , purgatiffn m: pt opium (xi.7). Les préceptes du Sei-
gneur sont une lumière, ils éclairent les yeux : Prœceptum Domini
lue ihnn , illuminons oculos ( Psal. xviii. 9). La loi de Dieu est sainte,
elle est la vérité, «die M justifie par elle-même (Ibid. xvjii. JO). Klle
est plus désirable que l'or ulus précieuse que les pierreries, plus
Ml DE DIEU. 79
douce que le miel Je plu? exquis : Desiderabilia super aurvm et lapi-
dem pretiqsum multum, et dulciora super mel et favum ( ïb d. xvm. 11 ),
Elle est sans tache; elle convertit les âmes; le témoignage de la
volonté' du Seigneur est fidèle ; il donne la sagesse aux enfants : Lex
Domini immacidata, convertens animas : testimonium Domini fidèle .'
sapientiam prœstans parvulis (Id. xvm. 8).
On doit aimer la loi de Dieu : 1° parce qu'elle est très-belle... $
2° parce qu'elle est très-pure...; 3° parce qu'elle est la vérité...;
. parce qu'elle convertit les âmes...; 5° parce qu'elle réjouit...;
6° parce qu'elle éclaire...; 7° parce qu'elle procure les bient
éternels
Ceux qui observent la loi de Dieu recevront une grande récom-
pense , dit encore le Psalmiste : In custodiendis Mis retributio multa
(xvm. 12 ). Celui qui place cette loi clans son cœur, ne chancellera
pas : Lex Dei in corde ipsius, non supphntabuntur gressus ejus(Psa\.
xxxyi. 31 ). Seigneur, je ne serai point couvert de confusion, tant
que je serai attentif à tous vos préceptes : Tune non confundar, cum
per$jM;xero in omnibus mandat is tuis (Psal. cxvm. 6).
Comment la jeunesse redresse-t-elle sa voie ? en obéissant à vos
paroles , Seigneur : In quo corrigit adolescentior viam suam? in custo-
diendo sermones tuos (Psal. cxvm. 9 ).
J'ai renfermé, ô mon Dieu , vos paroles dans mon cœur, afin de ne
point vous offenser : In corde meo abscondi eloquia tua, ut non peccem
tibi (Psal. cxvm. 11 ). Donnez-moi l'intelligence de vos commande-
ments : Doceme justifications tuas (Ibid.cxvm. 26). Je l'ai dit, Sei-
gneur, mon partage est d'accomplir votre loi : Portio mea , Domine,
dixi, custodire legem tuam (Ibid. cxvni. 57). La loi sortie de votre
bouche est plus précieuse pour moi que tout l'or et tout l'argent du
monde : Bonum mihi lex oris tui, super millia auri et argenti ( Ibid.
cxvm. "2). J'ai surpassé en intelligence tous mes maîtres, parce
que je médite vos oracles : Super omnes docentes me intellexi, quia
teslimonia tua meditatio mea est (Ibid. cxvm. 99). Je l'ai emporté en
intelligence sur les vieillards les plus consommés, parce que j'ai
étudié vos préceptes : Super senes intellexi, quia mandata tua quœsivi
\ Ibid. cxvm. 100 ). Vos commandements m'ont donné l'intelligence;
aussi je déteste les voies que suivent les pécheurs : A mandat is
tuis intellexi ; proptf.rea odiviomnemviam iniquitatis (Ibid. cxvm. l< 4).
Votre paixle ett le flambeau qui r,uide mes pas, la lumière qui
éclaire le sentier où je marche : Lucerna pedibus meis verbum tuwn}
et lumen semitit meis ( cxvm. 105 ). Vos commandements soitf
80 LOt DE BIEC
admirables pourvoi mon âme a cherché à les comprendre:
Mirabilia testimonia tua. ideoscrutata est ca anima me» ïbid. cxvm.
ition de votre loi répand la lumière; elle donne l'intel-
lignce aux petit? enfni n tuorum illuminât, et
. vvni. 130). J'ai ouvert la bouche,
et j'ai aspiré v tre souille di\in : je brûlais du désir de recevoir
oommandements : Os menm aperui, et attraxi spiritum, quia
mandata tua desiderabam (Ibid. i £vm\ 131 ).
Ainsi parle de la loi de Dieu le Prophète royal
lui qui observe la loi, n'éprouvera pas de mal, dit i'Eccléfflaste :
Quicustodit \ experietur quidquam mali { \
La loi d lit saint Q^égoire, est un miroir dans lequel Be
regardent constamment les aines ^amtes;s'il existe en elles quel-
qui s taches , t. Elles redressent les errements de
leurs pensées; et malgré les .é-irtances du vieil homme, elles réta-
bli.- l'image de Dieu; car en méditant avec soin les
uts du Seigneur, elles rec Qt ce qui en elles
plaît à Dieu et ce qui lui déplaît. La loi divine nous montre com-
I les âmes saintes ont plu au divin Epoux ; elle nuis excite à
effacer n armes de componction, et elle met sous
-tes. Si nous les étudions avec soin, nous
[ui ont terni en nous l'image de Dieu; en
t noiLî les déplorerons, et en les déplorant nous les
Si !.. - la voix du Seigneur ton Dieu , dit Moïse au peuple,
étque tu commandements, le Seigneur ton Dieu
au liions qui habitent sur la terre.
Ton sont contenues dans le livre de la loi se
nt, si tu obéis à ses préceptes. Tu
ii dans la vill< 'ans les champs: bénis seront le fruit
de tes ei trailles et le fruit de la terre, tes bêtes de charge, tes trou-
peaux de bœufs et tes troupeaux de brebis avec leurs produits.
(1) Spécula sunt proecepla Dei, m qtubni se sanctte animre semper aspiriunt, et
si quae in 1 1- sun adunt. Cogitalioaum \ilia corrigunt, et
quasi i component; quia dum preceptis
doiiiii cul dubio , vel quid in i , vel
qui'i • icrum corapunctionis peccatorum nostrorum
marul pernosponsoplacuerudt, intuenda
nier' intendimas , interne aoslre
m» macute? videmus : «dentés autein maculas, in peenitentise dolorc com-
puugimur, çoinpuucli sci^ ïaî«.uu> [nouai, wniu Hvqng.).
101 DE DIEU. 81
Bénis seront tes greniers et les fruits que tu mettras en réserve. Soit
que tu entres, soit que tu sortes, tu seras béni. Le Seigneur fera
que les ennemis qui s'élèvent contre toi, tomberont enta présence :
ils viendront contre toi par un chemin, et ils fuiront loin de ta face
par sept autres. Le Seigneur répandra sa bénédiction sur tes celliers
et sur toutes les œuvres de tes mains. Il se suscitera en toi un peuple
saint, comme il te l'a juré, situ observes les commandements du
. icur ton Dieu , et si tu marches dans ses voies. Et tous les peu-
de la terre verront que le nom du Seigneur est invoqué sur toi,
et ils te craindront. Le Seigneur ouvrira le ciel, son précieux trésor,
afin de répandre en temps opportun les pluies sur la terre que tu
habiteras. Le Seigneur te placera à la tète des peuples, et non pas à
leur remorque; tu seras toujours au-dessus d'eux et non point
au-dessous, si tu écoutes les commandements du Seigneur ton
Dieu, que tu les gardes et les observes; ne te détournant ni à
droite, ni à gauche ( Deuier. xxvm. 1-14).
Les magnifiques promesses que le Seigneur fait à son peuple par
la bouche de Moïse s'accomplissent toujours, et ses bénédictions
descendent sur les peuples qui sont les observateurs fidèles de sa loi.
Heureuses donc les nations et les familles qui observent la loi de
Dieu, cette loi féconde en bienfaits !... Mon fils, disent les Proverbes,
n'oubliez pas ma loi , et que votre cœur garde mes préceptes; ils
vous apporteront la longueur des jours, des années de vie et la paix :
FUI mi, ne obliviscaris legis meœ, et prœcepta mea cor tuum custodiat.
Longitudinem enim dierum , et annos vitœ , et pacem apportent tibi
(m. 1.2). Mon fils, gardez les commandements; portez-les sans
cesse graves dans votre cœur et attachés à votre cou. Qu'ils vous
accompagnent lorsque vous marchez; qu'ils veillent autour de vous
durant votre repos ; qu'ils soient votre entretien à votre réveil
( vi. 20-22 ). Car le précepte est un flambeau, et la loi, une lumière et
le chemin de la vie : Mandatum lucerna est , et lex lux , et via vitœ
(Ibid. vi. 23).
Quelque part qu'il aille, celui qui a pour flambeau la loi de Dieu
voit clair dans son chemin, dit saint Ambroise : Cui lucerna fuerit
verbum Dei , huic quoeumque pergit , lucent semitœ (Lib. II Oflic,
c. ni).
La loi ancienne, dit saint Basile, ne fut qu'un flambeau , car
elle n'éclaira qu'une nation. Voilà pourquoi Jean-Baptiste, qui
fut le terme de cette loi, est appelé un flambeau brillant et bridant.
Mais L'Evangile eft une lumière qui éclaire l'univers- Aussi J. G.
m. 6
82 LOI DE DIEU.
mt-i! réellement le soleil de justice, et les apôtres ta lumière du
monde (l).
La loi est une lumière i Lex lux (Prov. tt. 23) , soit parce
qu'elle est facilement comprise, soit plutôt parce qu'eue dirige
une qui la connaît, parce qu'elle éclaire sou
concr!>ur
La loi est une lumière; elle est un rayon de la lumière é
jaillissant du - leil im réé, <]ui est Dieu lui-même. Car la loi de ,
ne diffère pas de la loi inci livine, et
ra mise la sThomme, afin qu'il vive avec droiture,
sain; «rôles du Psal : vous
ss brillera nus yeux la lum itre visage : Signatum est
supi ultus lui , Domine (iv. 7).
Mon fils , dit le Seigneur dans les Proverbes , observez ma loi, et
vous vivrez : rva mandata mea, e! vices ( yii. 2). Celui qui
e la loi du Seigneur garde son âme : Qui custodit mandat um,
m suam (Ibid.xix. 16).
La loi de Dieu est la voie que Dieu nous a tracée , voie que
l'homme doit s'efforcer de suivre pour arrive'- à la vertu, au salut,
à Dieu lui-même
La loi, dit Platon, est l'âme de l'homme libre : connue l'âme
ige le corps, la loi dirige l'homme, et le porte aux bonnes
actions qu'elle prescrit et qui rendent la vie de l'homme vrai
1e du nom de vie. Mais, lorsqu'elle méprise la loi, l'âme périt,
comme le cor;s lors me l'âme le quitte ( De Legib, ).
Avec quel s .'m i - l G • t o;>.-erver la lui !
s motifs surtout nous y engagent : I ter • -' t >•'■
>ir envers Die . qui aime et observe la loi , aime e
, qui est le . '- a- t-il dit : Si voui m'aimez,
gardez mes coi i ■• ts : Si di/iyi: m servatc
mu. av. i attiré de la loi même. L'objet,
.1 de la Loi - ie pratiquer la vertu : si nous aii;
•elle-ci, no: - > loi. Le troisième motif est tiré de
e la loi garde son âme , dit Salc-
mon , et celui qui la n I e, c'est-à-dire I4 vie,
n.i-i: vit. Umlc et Joannos lîap-
et lucens. Kvangcliiiin »ero
. 1 iristusfuitsol juslitise, etaposlolilm
LOI DE DIEU. 83
le salut . ïe bonheur de son à: ne. Yuus devez donc avoir pour la loi
niftvtion que vous portez à votre âme
Celui qui garde la loi est un fils plein de sagesse , disent les Pr j-
\erbes : Qui custodit legem, (Mus sapiens est (xxvm. 7).
Quel est celui qui est resté constamment fidèle aux commande-
ments de Dieu, et quia été délaissé? dit l'Ecclésiastique : Quis per-
772a/7o.'V in mandatisejus, et derelictusest? (n. 42. ) Si vous voulez garder
les commandements de Dieu, dit-il encore, ils vous garderont : Si
volueris mandata servare , conservaiunt te(xv. 46).
Voyez combien avantageuse est l'observation exacte et persévé-
rante des commandements divins. Ils sont les gardiens de 1 am«
contre tous les ennemis extérieurs et intérieurs. Sx vous gariez la
loi , la loi , de son cùté , vous gardera, vous conservera, soit pour la
\ie présente, soit pour la vie future; soit en attirant sur vous la
grâce de Dieu dans le temps, soit en vous assurant la gloire
de l'éternité. 11 en est ainsi : 4° parce que Dieu garde celui qui
observe sa loi...; 2° parce que l'accomplissement de la loi augmente
les vertus de rame , et que celles-ci à leur tour la fortifient et la
rendent capable de résister aux tentations , à la chair corrompue,
au monde et au démon...; 3° parce que l'observation de la loi affaî;
blit l'égoïsme, qui est le grand ennemi de la charité
Si vous êtes fidèle à Dieu, Dieu vous sera lui-même très-fidèle;
car il existe entre Dieu et l'homme un pacte par lequel ils se pro-
mettent, l'homme, d'obéir à Di,u e£ ;i "observer sa loi; Dieu, (le
récompenser l'homme en lui accordant la protection , la grâce et la
gloire. C'est ce que dit J. 0. qui est la sagesse du Père : Si quelqu'un
m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera , et nous vien-
drons en lui, et nous ferons en lui notre demeure : Si guis diligit me,
scrmonern meum servabit , et Pater meus diliget eum ; et ad eum venie-
mus, et mansionem apud eum faciemus (Joann. xrv. 23). Dieu veille
sur sa demeure , il protège l'hospitalité qu'on lui donne. Qu'est-ce
qui oserait attaquer, qu'est-ce qui pourrait vaincre celui qui est
gardé et défendu par Dieu ? Voilà pourquoi l'Ecclésiastique dit :
Celui qui garde la loi , sera préservé de tout mal : Qui custodit prœ-
ceptum, non experietur guidquam mali (vm. 5). Et J. C. en saint
Jean : En vérité, en vérité je vous le dis : Si quelqu'un garde ma
parole , il ne verra jamais la mort : Amen , amen dico vobis : Si guis
seivnonem meum servaverit , mortem non videbit in œternum ( vin. 51 ).
Si vous voulez entrer dans la vie, dit-il encore, gardez les comman-
dements :Si vis ad vitam ingredi, se/va mandata (Maith. xix. 47).
LOI DE DIEU.
Le? c donc à la vie , vie de l'âme , vie de la
grâce ici-bas, i ie lie la gloire dans le ciel. Or, celai qui entre dans
la gloire des saints ne verra jamais la mort éternelle Place ton
r dans les préceptes du Très-Haut; cela te sera plus utile que de
l'or, dit 1 istique : Porte thesaurum tuum in prœceptis Altûsimi,
et proclcr it tibi magis quant aurum ( xxix. 1A ). Celui qui cherche la loi
de Dieu en sera rempli : Qui quœrit legem replebitur ab ea ( Ibid. xxxu.
49 ). C'est-à-dire, celui qui cherche sincèrement à connaître la Loi
ieu, et à l'observer, sera rempli des fruits de la loi, des biens
qu'elle procure : laveurs et grâce de Dieu, bonheur et gloire
infinie
L'homme sensé croit à la loi de Dieu, et la loi lui est fidèle ( t'cdi.
i. 3). L'homme sage est fidèle à la loi de Dieu, mais la lui lui
est fidèle aussi : elle écarte de lui tous les maux et lui procure tons
les b:
A celui qui l'observe , la loi promet et assure les ai
vants : 1° elle leclaire, afin qu'au milieu des erreurs qui l'assiègent
il sache ce qu'il doit faire, et quelle conduite lui est nécessaire
pour mériter le ciel...; 2^ elle le console...; 3° elle le récompense
eu lui assurant en cette vie une augmentation de grâce, et plus
tard la couronne et la gloire
L'innocence n'est autre chose que l'accomplissement fie la toi
Celui qui garde la loi, dit l'Ecclésiastique, multiplie Les offran-
des ; c'est un sacrifice salutaire d'être attentif aux commandements ,
et de - v de toute iniquité : Qui conservât legem multiplicat
obi ut iumsalutare est attendere mandat is , et discedere ab
, ntate ( i.v. 1. 2 ). L'observation de la loi tient lieu de sacri-
fice, ou plutôt elle est le sacrifice le plus agréable à Dieu, celui qui
assure le salut , et qui renferme en lui tous les genres de sacrifice.
est on sacrifice mystique par lequel L'homme s'offre Lui-même à
te ses a tes rais innables, spirituels el divins. U immole
- Les passions et tous les vices; et pi rame un encens
d'uni le odeur Ja pratique de toutes Les vertus. De pareils
sacrifices l'emportent infiniment sur les sacrifices sanglants de
i • me Loi
Heureux l'homme qui se nourrit de la loi de Dieu! dit l'Kcclé-
!•••. Celui qui la garde dans sonco-. car,
s'il I (toutes ci: -. [ue la lumière
le I pas (1).
(lj Beatu rsatur bonis: qui [ illain c • !« si.<> , R»|iiên* or I
LOI DE DIEU. 83
Si tu avais été attentive à mes préceptes, dit ! iir à la
fille d'Israël, ta paix eût été comme un fleuve , et ta justice comme
les flots de la mer. Ta postérité eût été multipliée comme les
sables de l'Océan, comme les pierres répandues sur ses rivages;
niants n'eussent pas péri, et leur nom n'eût pas été eiïacé de
ma présence (1).
Vous avez délaissé la source de la sagesse, dit le prophète Baruch;
car, si vous aviez marché dans la voie de Dieu, vous auriez habité
dans une paix éternelle. Apprenez où est la prudence, où est la
force, où est l'intelligence, afin que vous sachiez en même temps où
est la longueur de la vie et l'abondance de la nourriture ; où est la
lumière des yeux et la paix (2). Remarquez ici six heureux effets de
l'obéissance à la loi de Dieu : le premier, une paix éternelle...; le
second, la prudence et la force... ; le troisième, l'intelligence...;
le quatrième, la longueur de la vie...; le cinquième, l'abondance de
toutes choses... ; le sixième, la lumière
Voici, dit le même prophète, voici le livre des commandements de
Dieu et la loi qui est pour l'éternité ; tous ceux qui gardent la loi
parviendront à la vie : Hic liber mandatoram Dei, et lex quœ est in
œternum ; omnes qui tenent eam pervenient ad vitam (iv. 1). Conver-
tissez-vous, ô Jacob! s'écrie-t-il encore, et embrassez la loi; mar-
chez dans le chemin qu'elle vous indique, à son éclat et à sa splen-
deur (iv. 2).
Les préceptes de J. G. sont des armes pour les chrétiens, dit saint
Ambroise : Prœcepta Christi arma sunt christianis (Lib. III de Offic).
Heureux l'homme qui médite jour et nuit la loi du Seigneur, dit Je r^beur
Roi-Prophète , il sera comme l'arbre planté le long des eaux fertil >s, dam l'obser-
qui donne des fruits en son temps , et dont les feuilles ne tombent ^jjJjjj^Je1*
point; ses rejetons s'étendront à son ombre (3).
semper : si enim hœc fecerft , ad ornnia valebit , quia lux Dei vestig-ram ejus c?
(t. 30. 31).
M Utinara attendisses mandata mea: fada fuisset sicut flumen pas tua, et justitif
lui sirut gurgiles maris; et fuisset quasi arena semen tuum et stirps uteri tui non
interisset, et non fuisset attritum nomen ejus a facie mea (Isai. xltiii. 18. 19).
Derelîquisti fontem sapientiœ. Nam si in via Dei ambulasses. habitasses utique.
in riice sempiterna. Disce ubi sit prudentia, ubi sit -rirtus , ubi sit intellectus; ut
miul ubi sit longiturnitas \itse et \ictus, ubi sit lumen oculorum et pax
(m. 12-14).
Bi atus vir qui in lege Domini meditabitur die ac nocte : erit tan uam lignun.
quoil plantatum est sectis decursus aquarum ; et folium ejus non defk.et, et omni?
Buœcuinque faciel prosnerabuntur ( i. 2. 3 ).
86 LOI DE DIVi.
Heureux les hommes qui demeurent sans tache <lans la voie qu'Us
suivent et qui observent la loi du Seigneur ! Beati immactUati in via
qui ambulant in lege Domini (Psal.CXVïil. \). Heureux ceux qui ol
Vent les commandements de Dieu; ils le cherchent de tout leur
cœur! Beati qui scrutanhtr testimonia ejus,in toto corde exquirunt eum
(cxviii. 2). Seigneur, je trouve mes délices dans l'accomplissement
de votre loi; c'est un trésor plus précieux pour moi que les plus
grandi s richesses : In via testimoniorum tuommdclectatussum, sicut
in omnithtt dicitiis ( cxvm. 1 \ ). J'ai l'ait de vos commandements mon
héritage éternel; car ils sont la joie de mon cœur : Ilœreditate acquis '.vl
testimonia tua in œternum , quia exsultatio cordis mei sunt (cxvm. 1 1 1 1.
Rien n'est plus doux que d'observer la loi du Seigneur, dit l'Ec
sias- tique : Piïhil dulcius quant respicère inmandatis Domini (xxiu. 37).
C'est en effet dans l'obéissance à la loi de Dieu que se trouvent tout
le bonheur de l'homme, son intérêt, la paix, les consolations , les
vrais plaisirs, la grâce , le saiut et la gloire....,
h est facile Djeïï, dit saint Augustin, n'ordonne pas l'impossible: matai en
* I fCT II
loi de Dieu, commandant, il nous avertit de faire ce que nous pouvons et de lui
demander la force de faire ce que nous ne pouvons pas ; puis il
nous aide à le faire : Deus impossibilia non jubet ; sedjubendo monet ,
et facere quod possis , et petere quod non possis , et adjuout ut possis
(InEpist. ad Rom. ).
Mon joug est doux, et mon fardeau léger , ait J. C. : Jutjum meum
suave est, et onus meum levé ( ijïatth. XI. 30 ). Tout précepte est léger
pour celui qui aime, dit saint Augustin; du moment que L'on aimai
le travail ne coûte plus rien : Omne prœceptum lue est amunù; ubi
amatur, non laboratur (Ut supra).
L'amour de Dieu, dit l'apôtre saint Jean, consiste à observe* n >
commandements, et ses commandements ne sont pas un fardeau :
jjœc est enim caritas Dei , ut mandata ejus custQdiamus ; et ma
ejus gravia non sunt (ï. v.3). Les commandements de Dieu
lacilor à observer même en ce qu'ils ont de plue pénible, prem
ment, parce que J. C. é les chrétiens du joug accablant des
nombreux préceptes cérémomeïs et judiciaires de l'ancidane loi'
ndement, parce qu'il n y a rien de pesant pour celui qui aime
Dieu...; troisièmement, parte que J. C. donne à L'homme d
qui sont comme des ailes avec I s [uelles nous a. ruinplissons facile-
ment la loi; loin qu'elle pèse sur nos épaules, elle nous soutient...:
quatrièmement, p-.. je que nous avons pour nous encourager le*
LOT DE DIEU. 87
exemples de J. C. et des saints, et la promesse de la gloire éter-
nelle
L'amour consiste à marcher selon les commandeme^'^ de J. C.p
dit l'apAtrc saint Jean : Hœc est carias, vt ambvle <ms serundiim man-
lata ejus ( II. 6 ). Celui qui observe la loi aime Dieu; or, en aimant
Dieu, la loi devient douce , aimable et très-facile
La loi que je te prescris aujourd'hui , dit le Seigneur au peu
d'Israël, n'est ni au-dessus de toi , ni loin de toi. Elle n'est point
dan? le ciel, de telle sorte que tu puisses dire : Qui de nous peut
monter au ciel , et nous l'apporter, afin que nous l'entendions et
que nous l'accomplissions par nos œuvres? Elle n'est point au delà
de la mer, de telle sorte que tu t'excuses en disant : Qui de nous
pourra passer la mer pour l'apporter jusqu'à nous ? mais elle est
près de toi , dans ta bouche et dans ton cœur, afin que tu l'accom-
plisses (Deuter. xxx. 11-14).
Les voies de Dieu sont douces et droites aux yeux des bons; mais
elles paraissent tortueuses et pénibles à ceux des impies. 1° La loi
de Dieu est simple et facile au jugement des bons, compliquée et
ile à celui des méchants...; 2° elle paraît juste et sainte aux
premiers, injuste et tyrannique aux seconds...; 3° elle rend ceux-là
heureux et les fait prospérer; elle cause le malheur et la ruine de
ceux-ci. Tout tourne en bien pour ceux qui aiment Dieu, dit le
grand Apôtre : Diligent ibus Deum omnia cooperantur in bonum (Rom.
vin. 28); mais tout tourne en mal pour les impies, parce qu'ils se
servent de leur volonté perverse pour abuser de tout
{ Voyez Joug de J. G. — § -Le joug de J. C. est facile et léger. )
(J .«jue ayant gardé toute la loi, la viole en un seul point, la Celui qui
viole tout entière, dit l'apôtre saint Jacques : Quicumque totam legem u'n F 0 i ; 1 1 . l'a
scrvaverit , offendat autem in uno, factus est omnium r eus (u. \0 ) . "vide tout
Riais, direz-vous, comment cela est-il possible? Comment ceux qui
ne Violent qu'un précepte, sont-ils coupables de la violation même
des préceptes auxquels ils sont restés fidèles? Voici comment doivent
être entendues ces paroles de l'apôtre saint Jacques. Celui qui
viole la loi sur un point est coupable comme s'il l'avait violée t ut
entière : 1° parce qu'il perd tous ses mérites comme s'il avait violé
toute la loi...; 2U parce qu'il blesse toutes les vertus qu'il avait
lioquises...; 3° parce qu'il encourt la peine du dam, c'est-à-dire la
privation de la grâce , de la charité et de la gloire, comme s'il avait
Violé tous les préceptes...; 4° parce que la loi entière oblige et doit
88 I.OI DE DIETT.
être observée...; 5° parce que celui qui viole un seul point de la loi,
méprise le législateur...; 6° parce que les préceptes divins forment
un tout, qui est le Décalogue. Yiolez-en un, la loi pour vous cesse
d'être la loi. C'est ainsi qu'en musique une voix discordante détruit
toute harmonie
Celui, dit saint Augustin, celui qui viole la loi en un seul point, est
coupable comme s'il lavait violée tout entière, parce qu'il agit contre
la charité, sur laquelle repose toute la loi : Qui in imo offendit , fit
omnium reus , quia contra curitatcm facit, undetota lexpendet ( Kpist.
xxix ). La charité est le fondement de toutes les lois et de toutes
les vertus. Tous les préceptes sont en germe dans la charité . dit saint
Grégoire : Omnia prœcepta sunt in radice caritatis (Pastoral.). Comme
un hérétique qui ne croit pas un article de foi, perd entièrement la
foi à tous les articles du Symbole, car il ne les croit plus d'uni
di\ ine, mais humaine; de même celui qui viole une loi perd la cha-
rité attachée à l'observation de toutes les lois.
Enfin celui qui viole un point de la loi, les viole tous, parce que
la \ inlation d'un précepte entraine à la violation d'un second, puis
d'un troisième, et enfin de tous
Combien est Celui qui n'observe pas la loi de Dieu, qui fait ce qu'elle défend et
de ceint quf q^ la méprise n'est pas un homme, mais une brute ; car il ne vit
méprisent et pas d'line manière raisonnable, ce qui est de la nature de l'homme ;
noient la loi l l 7
diTinc. mais il \ i t à la manière des bêtes. Orgueilleux, colère, cruel , rusé,
impudique, gourmand, etc., il imite la vie du lion, du tigre , du
renard, etc
Tous les crimes, tous les vices, tous les désordres, tous les
scandales, etc., viennent de la violation et du mépris de la loi de
Dieu
Châtiments Ceux qui violent la loi de Dieu ne marchent plus à sa Lumière . ce
menacéfeeux 1lH Mt un .-Tan'l malheur. Us deviennent 1rs ennemis de Dieu et
qui violent la T)(.ri|rI1( \r galut ; ce qui est le malheur suprême. Le salut est loin
•<>i de Dieu. r ... , . , ..
des pécheurs , parce qu ils n ont pas cherche a accomplir votre loi ,
Seigneur, dit le Psalmiste : Longe a peccatoribus salus, (juia ju$tificati-
ones tuas non Mit (CXVIII. 155).
U y a une prière exécrable, disent les Proverbes : c'est celle de
l'homme qui ferme l'oreille pour ne pas éc »uter la loi : Qui déclinai
cures suasne audiat legem, aratio ejus crit execrabilis \ wvm. Q ). Puis-
que! ne veui pas ^coiùer la loi, il est juste que le Seigneur ue prête
LOI DE DIEU. 89
pas non plus l'oreille à sa voix. Ceux qui violent la loi, abandonnent
iirce de la sagesse et de la paix, dit le prophète Baruch : Dereli-
quisti fontem sapientice : nom si in via Dei ambulasses , habitasses
utique in puce sempiterna ( in. 12. 13 ).
Lkomme qui résiste à la loi est ennemi de soi-même; car l'obser-
vation de la loi procure à l'homme toute espèce de biens; tandis que»
sa \ iolation est le principe de tous les maux
Voyez les châtiments qui sont tombés sur Adam et sur sa race ,
en punition de la première désobéissance : confusion, révolte des
sens, concupiscence, esclavage, expulsion du paradis, perte de
l'innocence , de la paix , du bonheur, de l'immortalité , pauvreté ,
misères, chagrins, maladies, travail, stérilité de la terre, mort,
enfer, etc
C'est la violation de la loi de Dieu crui a été la cause de tous les
grands désastres. . . , du déluge . . ., de la destruction de Sodôme, etc
Si tu ne veux point écouter la voix du Seigneur ton Dieu , ni
garder et accomplir tous ses commandements, dit Moïse au peuple,
tontes les malédictions contenues dans le livre de la loi tomberont
sur toi et te saisiront : tu seras maudit dans la ville, et maudit dans
les champs. Tes greniers seront maudits, ainsi que les fruits que tu
mettras en réserve. Maudits seront le fruit de tes entrailles et le fruit
de tes terres, tes troupeaux de bœufs, et tes troupeaux de brebis.
Tu seras maudit en entrant et maudit en sortant. Le Seigneurenverra
sur toi la détresse et la famine ; et il répandra sa malédiction sur
toutes les œuvres que tu feras , jusqu'à ce qu'il t'abatte et t'exter-
mine soudain. Le S.i:neur t'enverra la peste, jusqu'à ce qu'il t'ait
consumé. Le Seigneur te frappera par la misère , la lièvre , le
froid, les chaleurs brûlantes de l'été, la rouille et les souffles empoi-
sonnés; il te poursuivra jusqu'à ce que tu périsses. Le ciel qui est
au-dessus de toi sera d'airain, et la terre que tu foules aux pieds
sera de fer. Le Seigneur répandra sur tes champs de la poussière au
lieu de pluie , et la cendre tombera du ciel sur toi, jusqu'à ce que tu
sois desséché. Le Seigneur te livrera chancelant à tes ennemis; tu
sorties par un seul chemin pour aller à leur rencontre, et tu fuiras
par sept, et tu seras dispersé dans tous les royaumes de la terre. Ton
corps servira de pâture à tous les oiseaux du ciel et à toutes lesbètes
de la terre, et nul ne les chassera. Le Seigneur te frappera d'ulcères,
de lèpre et de corruption, comme autrefois l'Egypte. Le Seigneur
te frappera de délire, d'aveuglement et de fureur; et tu marcheras
à tâtons en plein midi , et tu ne prospéreras point en tes voies ; tu
50 LOI DE DIETJ.
supporteras en tout temps la calomnie, et l'outrage , et l'oppression^
et :u n ;mras [ er-un ,e | oui- t.- délivrer. Tu bâtiras une màisoil, et tu
ne t'habiteras point : tu planteras une vigne, et tu n'en recueilleras
pas le fruit. Tes fils et tes filles seront livrés à un peuple étranger ; tes
yeux les verront et se dessécheront à la vue de leur misère , et tes
mains n'auront aucune force. Tu seras opprimé tous les jours de ta
vie. Tu seras une nation perdue, et comme le jouet et Ja fable de
,ous les peuples. Tu confieras beaucoup de grains à la terre, et tu
en recueilleras peu , parce que les insectes dévoreront tout. Tu
planteras une vigne , et tu ne boiras pas de vin, et tu n'en recueil-
.eras rien. La rouille consumera tous les arbres et tousles fruits de ta
'.eue. Et toutes ces malédictions fondront sur toi, et te poursuivront;
elles te saisiront jusqu'à ce que tu périsses, parce que tu n'as poir.t
écouté la voix, du Seigneur ton Dieu, et que tu n'as point gardé s
commandements. Si tu ne gardes et n'accomplis toutes les parob s
de la loi écrites dans ce livre, et si tu ne crains le Seigneur tcn
Dieu, le Seigneur augmentera tes plaies et les plaies de ta frace, il
te couvrira de plaies longues et opiniîtres, il t'accablera de lan-
gueurs cruelles et incurables. Et il fera tomber sur loi tous les
fléaux qui ont frappé l'Egypte, fléaux que tu as redoutés, et ils s'at-
tacheront à toi. Et comme le Seigneur sVst réjoui auparavant en
vous comblant de biens et en vous multipliant; ainsi il se réjouira
en vous perdant, en vous terrassant, en vous exterminant {Dou-
ter, xxvm).
Ceux qui cherchent à ne pas observer la loi de Dieu, tombent sou-
les peines déterminées par cette loi : il arrive ainsi que pour n 'avoir
pas voulu l'accomplir par obéissance , ils l'accomplissent en en
supportant les châtiments
Maudits sont ceux qui ^éloignent âe V • re Loi, S rtgtiçur, dit le
ftttphèté n>yal : Maledicti qui déclinant a mania is (UÎS c\\ m. 21 ).
On ne viole pas impunément les lois de i' . e-t-'l dit dans le
3 l'inl ii\ i ■ des Macbabées : In leyp* divinas impie ayere in.pune non
redit [Dens) (iv. 17).
Les maux temporels sont des biens pour ies bons qtli observent la
loi de WeU : pOùf les pr d'anateurs, au contraire, îes biens île la
terre sont des châti r.enls
;\ ;ni a an I un 1 6.1 la l«»i de Dieti \" t à la mort , dit le pro-
ohèie Bartien : Qui èril quérunt eam , in mortem v. i).
LOI DE DIEU. 91
La défaillance s'est emparée de moi à la vue des pécheurs qu\ nban- n faut gémir
donnent votre loi, Seigneur, dit le Prophète royal : Defectio tenuit tls"^ dVia^ôi
■o peecatoribus derelinquentibus legem tuam (cxvm. 53). Mes yeux dWiue.
-ndent des torrents de larmes, parce qu'ils ont violé votre loi :
'us aquarum deduxerunt oculimei, quia non custodierunt legem tuam
(ïbid. 156). Nous devons imiter le samt roi David et nous affli-
ger d'avoir violé nous-mêmes la loi de Dieu si souvent, et delà voir
violer par les méchants.
J'ai observé vos commandements et votre loi, Seigneur, dit le Moyen*
Psalmiste, parce que toutes mes voies sont en votre présence : tofdTDiea*
Servavi mandata tua, quiaomnes viœmeœ in eonspectu tuo (cxvin. 168).
Le souvenir de la présence de Dieu est donc un excellent moyen pour
arriver à respecter et à observer la loi de Dieu
Un second moyen, c'est de ne pas oublier que la loi qui nous est
donnée est l'œuvre de Dieu : alors on la respecte , on l'aime, on h i
obéit
Un troisième moyen, c'est de l'étudier et de la méditer
Un quatrième moyen, c'< st de pri r ^x>Ur que le Seigneur nous
cn donne l'intelligence, et nous aide par a grâce à l'accomplir..*.
LUMIÈRES SPIRITUELLES.
Dieu est la Tf~\ ïeu est lumière , et il n'y a pas en lui de te'nèbres , dit l'apôtre
traie lumière. A ^^ jean . Qem }ux est ? ei tenebrœ in eo non sunt idlœ
H 7 (l.i.o). C'est ce que le même apôtre dit dans son Evangile :
Au commencement était le Verbe : en lui était la vie , et la vie était
la lumière des hommes : In prineipio erat Vcrbum. In ipso vita erat ,
et vita erat lux hominum[\. 1.4). Celui-ci était la vraie lumière qui
éclaire tout homme venant en ce monde ( Joann. t. 9 ).
C'est parce que J. C. était Ja lumière qu'il était la vie, dit saint
Grégoire : Qvia lux erat vita erat (Homil. in Evang. ).
L'apôtre saint Jacques appelle Dieu père des lumières (i. 17).
Comme Verbe et comme Dieu, J. C. est la lumière incréée; comme
homme, il est la lumière créée, étant plein de sagesse, de grâce et de
gloire. Il est aussi la lumière fondamentalement agissante, étant la
cause de toute sagesse , de la grâce et de notre gloire. Je suis la
lumière du monde, dit J. C. lui-même; celui qui me suit ne marche
point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de vie : Egosum lux
muudi ;qui sequitur me non aiubulat in tenebris,sed habebit lumen vitœ
(Joann. vin. 12). Il est la lumière qui éclaire toutes les nations, dit
le saint vieillard Siméon : Lumen ad revelationem rjenlium (Luc. h. 32).
Saint Augustin dit excellemment : J. C. est venu éclairer l'homme,
•jarce que le démon Pavait aveuglé : Idco venit Christus illuminât or %
/m'a diabolus fuerat excœcator (Lib. Civit. ).
J. C. communique sa lumière aux fidèles, et surtout aux homme»
stoliques ; tellement qu'ils sont eux-mêmes la lumière du monde.
Vous «'tes la lumière du inonde, dit J. C. à ses apôtres : Vos estislux
-/lundi (Matlh. v. H). Que votre lumière donc, continue J. C, luise
-.« \ .- l 1 1 1 les hommes, afin qu'ils voient vos bonnes œuvi . ei glori-
fient voire Père qui est dans les cieuz : Sic lurent lux vestra <■■
hominiOus, ut videant opéra vestra bona; et glorijicent Patremvestrum
In cœlisest (Matth. v. 10).
En vous , Seigneur, dit le Psalmisto, c=c le ^uu<î de la vie ; et
flans votre lumière nous verrons la lumière : Apud te est fons vitœ,
nt in luminc tuo videbimus : \v. 10).
Ecoutez saint Ambroise parlant de J. C. : J. C. est le soleil nou-
veau qui pénètre dans les lieux les plus cachés, qui découvre loul,'
LUMIERES SPIRITUELLES. 93
qui scrute les cœurs. C'est le soleil nouveau qui, par son esprit,
vi\ ilie ce qui était desséché, qui répare ce qui était corrompu , qui
ressuscite les morts, qui par sa chaleur purifie ce qui était impur,
qui fait épanouir les fleurs et consume les vices. Il est pleinement le
soleil de justice et de sagesse; il ne se montre pas sans discernement
aux bons et aux méchants , comme le soleil de ce monde ; mais par
un juste jugement, il brille pour les saints, et dérobe sa lumière
ain pécheurs ( Serm. ).
Dieu est le créateur de toute lumière spirituelle et physique. Lois
de la création de l'univers, il dit : Que la lumière soit , et la lumière:
fut : Fiat lux, et facta est lux (Gen. i. 3).
La lumière s'avance, dit Isaïe, la gloire du Seigneur brille en
tout son éclat : Venit lumen, et gloria Domini orta est (lx. 1).
Il y a de très-grandes et très-belles ressemblances entre Dieu, la Ressemblai!,
grâce divine et la lumière maièficiîè. La iumièrô qui nous ^i&it du existent entre
firmament et surtout du soleil, est de toutes les choses de la nature ^}j°3îi
la plus noble, la plus riche . la mieux douée de qualités : elle est lumière
., . -,i • m - -> i p naturelle.
très-agile , très-puissante , impassible; quoique melee a la lange,
elle demeure parfaitement pure et exempte de souillures; elle
répand la chaleur , l'éclat, la vie , la joie, la fécondité; par elle la
nature entière devient visible ; elle donne de la force à tout ce qui
existe. Tel est Dieu et sa grâce
Saint Denis trouve trente et un points de comparaison entre le
feu et la lumière, d'une part; Dieu et la grâce, de l'autre : 1° Le feu
et la lumière s'unissent à tous les corps et les pénètrent, sans se
confondre avec eux... ; 2° ils se séparent de toutes choses...; 3° le
feu brille tout entier en même temps... ; A0 par lui-même, il reste
caché et inconnu, à moins qu'on ne lui fournisse une matière sur
laquelle il exerce sa puissance et son action...; 5° on ne peut ni
l'arrêter, ni le vaincre... ; 6° il s'empare de tout par ses propres
forces... ; 7° il communique aux objets dont il s'empare sa puissance
et son action...; 8° il s'unit à tout ce qu'il touche...; 9° il renouvelle
tout par sa chaleur, qui ranime la vie... ; 10° il brille avec éclat...;
11° on ne peut le tenir...; 12° ni le mêler avec autre chose...; 13° il
a la ui~sance de détruire...; I 4° on ne peut le changer... ; 15° il
s'élève... ; 16° il est doué d'une grande agilité... ; 17° il est grand et
ne s te pas l'atteinte... ; 18° il est immobile...; 19° il se meut
par lui-même...; 20!) il met en mouvement...; 21° il saisit...; 2â? il
ne se laisse pas saisir, . . ; 23° il se suffit...; 24° ^ s'étend en secret... ;
9A LTJMîiKES SPIRITÏÏELLE5.'
25° il manifeste sa grandeur dans les objets qui lui conviennent...;
26' il a la force d'agir...; 27° il est très-puissant...-, 28* il est en
toutes choses sans qu'on J'aperçoive... ; 29° si on le néglige , il sem-
ble ne pas exister...; 30° si on le cherche, il parait soudain, et il
iisparait de telle sorte qu'on ne peut ni le prendre, ni le retenir... ;
Jl° en se communiquant à tout, il ne diminue pas, il ne se divise
na? Telles sent fa qualité* du pion deslumièresetdelagrâce
Excellence Lève-toi, dit fsaïe, sois éclairée. Jérusalem; parce que ta lumière vient
et avantages ' ...
des lumières et que la gloire du Seigneur a brillé sur toi : Surge, illuminare, Jeru-
spin ue es. sa[em. gUUl ceï.[t lumen iitum, et gloiia Domini super te or ta est (lx. 1).
Le Seigneur se lève sur toi et sa gloire éclatera dans tes murs; alors
les nations marcheront à ta lumière, et les rois à l'éclat de ton lever.
Alors tu verras et ton cœur admirera , et il sera inondé de joie :
videbiset afflues, et mirabitur, et deleclabitur cor tmau (M. lx. 8*5).
La lumière des yeux réjouit lame, disent les Proverbes : Luxocu-
'.orumlœtifieat anirnam (xv. 30). La lumière du Saint-Esprit et la
grâce donnent à l'âme une jouissance infiniment ; d te et pîus
précieuse
Il est dit dans l'Exode que des ténèbres horribles se répandh-cr. t sur
'oute la terre d'Egypte ; mais que partout où habitaient les enfants
d'Israël, la lumière brillait: Ubicumque habitabant filii Israël . lux
erat (x. 22. 23). Sur les enfants de Dieu, sur ses fidèles serviteurs
brille la lumière de la grâce; tandis que des ténèbres épaisccs enve-
loppent les pécheurs endurcis
Dieu, dit le Psabniste, conduisit Son peuple pendant le jour à
l'ombre d'une nuée, et pendant la nuità. la clarté de la flamme :
Deduxit eos in nube diei, et tota nocte in ilhmfaaSioile ignii | lvwii. 14).
Dieu agit encore de même avec les âmes pieu» - 1 1 saintes
Le soleil se lève, dit le Roi-Proplel ■ , les animaux sauvfeges ça
retirent et s'enfoncent dans leurs tanières: Orlits est sol ,et congre-
gati sunt. et in rubilibus suis adlocabuntur m. m. 22). L'homme sort
alors pour le travail du jour et pour cultiver ses champs jusqu'au
soir: Exxbit homn ad opus euuM, et ad opetatUmem tuam uique advespe-
ram (cm. 23). Telles sont les mer\ cilles qu'opèrent les lumières
spirituelles; elle- \ les animaux sauva es, qui sont les
démons, et l'âme s'occupe des travaiil de l'éternité*
Seigneur, «lit le Ps.ilmiste, vous m'avrz lait connaître léchera
le la vie; \<>us me i •■•.. plirez de joie en me montrant votre visage :
.Wa* mihi fecisti via$ mtœ. adimplebis me latitia cum mtlht tuo
LUMIÈRES SPIRITUELLES.' 95
( xv. 1 1 ). Le Seigneur est ma lumière et mon salul , qui p; urrais-je
craindre? Dominus illuminatio mea et salus mea, guem timebo?
(xx vi. I. )
A la lumière que vous répandez sur moi , Seigneur , je reconnais
mon iniquité , et mon crime est toujours devant moi : Quoniam ini-
quitatem meam ego cognosco , et peccalum meum contra me est semper
(L.5).
Seigneur , le peuple marchera à la lumière de votre visage :
Domine, in lumine vultus tui ambulabunt (Psal. lxxxviii. 16 ).
La lumière s'est levée sur le juste , et la joie est descendue sur
ceux qui ont le cœur droit : Lux orta estjusto , et redis corde lœtitia
(Psal. xcvi. 11). Les justes verront, et ils seront dans la joie : Vide-
bunt recti, et lœtqbuntyr ( Ibid, cvi. 42). Au milieu des ténèbres a paru
une lumière pour les cœurs droits, Dieu clément, juste et miséri-
cordieux : Exortumest in tenebris lumen rectis ,misericors} etmisera-
tor, et justus (lbid. cxi. 4 ).
Votre parole, Seigneur, est le flambeau qui guide mes pas, la
lumière qui éclaire le sentier où je marche : Lucerna pedibus mets
verbum tuum, et lumen semitis meis (Psal. cxvm. 105). L'explication
de votre loi répand la lumière; elle donne l'intelligence aux petits
enfants : Declaratio sermonum tuorum illuminât, et intellectum dat
parvul/s (Ibid. cxvm. 130). Le Seigneur éclaire les aveugles: Domi-
nus illuminât cœcos (Ibid. cxlv. 8).
Ah ! que le Prophète royal comprenait bien l'excellence et les
avantages des lumières spirituelles, et le besoin qu'il en avait,
lorsqu'il disait à Dieu : Seigneur, illuminez mes yeux , de peur que
je ne m'endorme un jour dans la mort ; de peur que mon ennemi ne
dise : J'ai prévalu contre lui : Illumina oculos meos , ne unquam
obdarmiam in morte; nequando dicat inimicus meus : Prœvalui adver-
sus eum (xn. 4. 5). Je bénirai le Seigneur qui m'a éclairé (Psal. xv. 7 ).
Mon Dieu, illuminez mes ténèbres : Deus meus , illumina tenebras
meas (lbid. xvn. 29). Envoyez votre lumière et votre vérité; elles
me conduiront à votre montagne sainte et m'introduiront dans vos
tabernacles : Emit te lucem tuam et veritatem tuam; ipsa me deduxerunt
et adduxerunt in montem sanctum tuum, et in tabernacula tua (lbid.
xlii. 3).
Je suis votre serviteur, donnez-moi l'intelligence , afin que je con-
naisse vos oracles : Servus tuus sum ego : da mihi intellectum, ut spam
testimoniatua (Psal. cxvm. 125). Donnez -moi l'intelligence, et je
\i\rai : Du mihi intellectum, et vivam (cxvm. 144). Faites-moi
96 LUMIÈRES SPIRITUELLES.
connaître le senfier où je dois marcher, parce que j'ai élevé mon àme
vers vous : Notam fac mîhi viam m quo ambulem, quia ad te levavi
animam mearn (Psal. cxlit. 8). Apprenez-moi à faire votre volonté,
parce que vous êtes mon Dieu : Doce me facere voluntatem tuam, quia
Deus meus es tu (cxlii. 40).
A l'aide des lumières spirituelles, on voit Dieu..., la loi de Dieu, le
chemin du salut, ce qu'on doit à Dieu, au prochain, à soi-même...,
d'où l'on vient, où l'on va, ce qu'on est, ce qu'on doit être
A l'aide des lumières spirituelles , on voit la laideur et l'énormité
du péché , les dangers que nous font courir les passions et les enne-
mis du salut..., les moyens de les éviter
A l'aide des lumières spirituelles, on voit la beauté et l'excellence
des vertus..., les richesses que nous procure la prière, les secours
que nous donnent les sacrements
A l'aide des lumières spirituelles, on voit la mort et on s'y pré-
pare..., le jugement et on le craint..., l'enfer et on l'évite..., le ciel
et l'on y va
Si nous marchons dans la lumière comme Dieu lui-même est dan3
la lumière, nous sommes en mutuelle communion, et le sang de
J. C. son Fils nous purifie de tuut péché, dit L'apôtre saint Jean : Si
in luce ambulamus, sicut et ipsccst in luce, socictatem holcmusad invi-
cem, et sanguis Cltristi Filii ejus mandat nos ab omni peccato (I. i. 7 ).
Si nous marchons à la lumière de la raison, de la foi et de la ui'àce,
nous serons unis à Dieu, et le sang de J. G. nous lavera de tous nos
péchés. Quels inestimables avantages !... Une grande lumière, Sei-
gneur, est sur vos saints, dit la Sagesse : Sanctis tuis maxima lux
(xvm. 1 ).
d'ob- LE premier moyen d'obtenir de Dieu les lumières spirituelles, c'est
les lumières de venir à lui. Approchez de Dieu, et soyez éclairé, dit le Psalmiste :
spirituelle*. ^,.,7V/,ye adeum, et illuminamini (xxxm. 6).
Le Becond moyen, c'est d'observer la loi de Dieu. J'ai surpassé eu
intelligence tous mes maîtres , parce crue j'ai médité votre loi, Sei-
gneur, dit le Prophète royal : Super omnesdocentesmeintettexi, quia
testimonia tua meditutio mca est (c.xviii. 99). Je l'ai emporté en pru-
dence sur les vieillards, parce que j'ai étudié vos commandements:
Super ienes intellexi, quia mandata tua exquisivi [< .un. l()0).
Le troisième moyen pour obtenir les Lumières spirituelles , c'est
de craindre et d'aimer Dieu. Vous qui craignez le Seigneur, dit
L'Ecclésiastique, aimez-le, et vus cuuurs seront remplis de lumières:
.omtf/af.s smiTn?xt!B« 97
Qui timetis Dominum, diligtte illum, et illuminabuntur corda vestra
(II. 10).
Le quatrième moyen, c'est de faire i aumône et de consoler les
affligés. Partagez votre pain avec celui qui a faim, dit Isaïe , et
recevez sous votre toit ceux qui n'ont point d'asile; lorsque vous
voyez uq homme nu, couvrez-le, et ne méprisez point la chair dont
vous êtes formés (lviii. 7). Alors votre lumière brillera comme
l'aurore;, et je vous rendrai la santé , et votre justice marchera
devant vous, et vous serez environnés de la gloire du Seigneur:
Tune erumpet quasi marie lumen tuwn, et sanilas tua citius orietur, et
anteibit faciemtuam juslitia tua; et gloria Domini colliget te (lviii. 8).
Si votre cœur s'attendrit à la vue du pauvre, et si vous soulagez
l'affligé, votre lumière brillera dans la nuit, et pour vous les ténè-
bres seront comme le jour à son midi : Cum effuderis esurienti animant
tuam, et animam affliclam repïeveris, orietur in tenebris lux tua, et
tcncl meridies (Tbid- lvïiï. 10).
MARIAGE.
1 (i'" ~W 7 oict ce nue nous trouvons à ce su;?t dans
-eulent entrer » /
lat du m/ zième du saint coucile de Trente : Le saint concile «
V
""îSts?1" ^ future époux & confes
préparer, s'approelii nentdu sacrement de l'eucharistie, avant qu'il6
contractent ensemble, ou au moins trois jours avant la cou
ïnationdn mariage (1).
Les parents transmettent une maison et des richesses, disent les
Proverbes; mais c'est vraiment Dieu qui donne l'épouse prudente :
Domus et divitiœ dantur a parentibus : a Domino autem proprie uxor
prudent (xix. U).
Mariez votre fille, dit le Seigneur dans l'Ecclésiastique, et vous
aurez l'ait une grande œuvre si vous la donne/ à un nom
le filiam,et gronde opus feceris, et homini sensat > <ia illam ( vi i .
Puisque c'est Dieu seul qui donne une épouse pruden
parent? ne font une bonne action qu'en donnant leur fille, à uu
nomme sage, il est donc nécessaire de se pr
vent de bons chrétiens, à entrer dans L'état du mariage
Au reste, le mariage des chrétiens a été élevé par J. C. au ra
de sacrement, et de sacrement des vivants...; ce sacrement e
une grande préparation. C'est de- dispositions que l'on y apporte que
dépend le bonheur ou le malheur des époux
On doit s'y préparer surtout par la prière, la prudence, la
modestie; il faut consulter son confesseur et ses parents, prendre
desrensei mements sur la personne que l'on a en vue . sur sa i
sa conduite, son honneur Mais comment, aujourd'hui, la plupart
des hommes se préparent-ils au mariage? hélas! par une i
crimes et de scandales; on profane ce grand sacrement; et an lieu
de mériter et de rece\oir la bénédiction, on ne mérite et on ne j
que la malédicti
On ne doit pas oublier que J. C, sa sainte mère, et se
assistèrent aux uuecs de Cana. Dans tous les mariages xi doit en
être ai:
(I) Sancta Bynodas conju ,,i.t »el Mltem trj-
diin .-mie matrimonii uiigeiiler cuiiiiteaiHur, et ad
eucharistiœ lacrameal i
MARIAGE. 99
Voici le triple but que l'on doit se proposer en se mariant dans But qu'on
l'amour et la crainte de Dieu : 1° de recevoir dignement le sacre- ser dans le
ment de mariage, et de ne jamais le profaner; 2° de conserver la mariage.
fidélité conjugale; 3° d'élever saintement les enfants que Dieu
donnera.
Ces devoirs sont sacrés; les époux sont rigoureusement obligés
de les remplir.
bénir un mariage , l'Eglise emprunte les expressions de la Quelle est \«
sainlo Ecriture. Elle use des paroles que Raguel employa pour unir dont r;:^;
Tobie et Sara : Que le Dieu d'Abraham , le Dieu d'Isaac et le Dieu de *° s0^" ^
Jacob, soit avec vous; que lui-môme vous unisse , et qu'il accom- mariage
plisse sa bénédiction en vous : Deus Abraham , et Deus Isaac, et Deus
Jacob vobiscum sit , et i/,se conjungat vos , impleatque benediciionem
snam in vobis ( Tob. vil. 13 ). Après avoir demandé aux futurs époux
leur consentement, l'Eglise^ par son ministre qui la représente, fait
Entendre cette formule solennelle : Je vous unis par le mariage, au
nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit
Le mariage est donc saint et très-saint. Malheur à qui le pro-
fane I.«.
Le mariage est digne d'honneur en toutes choses, ainsi que le lit Le î?*0"^.
sans tache, dit le grand Apôtre : Dieu jugera les fornicateurs et les respect,
adultères : Honorabile connubium in omnibus , et thorus immaculatus :
foraicalores enim, et ad ul ter os judicabit Deus ( Hebr. xm. 4).
Veillez sur vous, mon fils, préservez-vous de toute souillure, dit
le saint homme Tobie, et ne connaissez jamais d'autre femme que la
votre: Attende tibi, fil i mi, ab omni fornicatione 3 et prœter uxorem
tuam, nunquam patiaris crimen scire ( rv. 13 ).
Que personne, dit Platon lui-même, n'ose s'approcher d'une
femme étrangère; et que la fidélité dans le mariage soit sacrée :
Nemo audeat ullam attingeie , prœter legittmam suam uxorem (Lib.
de Legib.).
Faisons à Adam, dit le Seigneur, une aide semblable à lui : Faciamus 0»eiie union
• j ■ ••/•!•//-. ir.i T .i • *.. i doit exister
et adjuiorium siniae sibt ( Gen. u. 18). Le Seigneur Dieu envoya donc entra les
à Adora un profond Sommeil ; et pendantqu'il dormait, Dieu prit époux.
de la chair d'un de ses côtés, et il forma ainsi une femme d'une
côte d'Adam : Tulit unam de costis ejus; et œdificavit Dominus Devs
costam quam tulerat de Adam, in mulierem (Gen. u. 21. 22). Et
fOO ".ce
Adam dit : Voilà maintenant l'os de mes os, et la chair de ma chair :
Dixîtque Adam : Hue nunc os ex ossibus mets, et euro de carne uca
(Gen. ii. 23). C'estpourquoi l'homme 'quittera son père et sa mère
et s'attachera à sa femme, et lisseront deux dans une seule chair :
Quamobrem relinquet homo patrem suam et matrem; et adhœrebit uxori
suce, et erunt duo in carne una (Gen. n. 24). En vertu de cette ori-
gine, 1rs époux, dit J. C. lui-même, ne sont pas deux, mais une
seule chair. Que l'homme donc ne sépare point ce que Dieu a uni :
Itaquejam non sunt duo}sed una cai-o. Qiiodergo Deus conjunxit } homo
non separet (Matth. xix. 6).
Mon (-prit, dit l'Ecclésiastique, se plaît en trois choses qui Sunc
approuvées de Dieu et des hommes : la concorde entre les frères,'
l'amour entre les parents, un mari et une femme qui n'ont qu'un
cœur et qu'une âme (t).
Lesépouxsont tellement unispar le consentement qui précède leur
union, par le contrat et par le sacrement de mariage, par une habi-
tation et une table communes, par le lit nuptial, etc., qu'ils ne font
qu'une seule personne civile. C'est pourquoi ils sont appelés époux
(conjuges), qui veut dire unis sous m joug. S'ils vivent dans la paix,
la concorde, la fidélité, ils passent une vie agréable et sainte. Si , au
contraire, ils ne connaissent que la discorde, ils traînent une vie
pénible et diabolique. Quand deux bœufs ou deux chevaux placés
sous le même joug marchent de concert, ils avancent sans peine et
«ml beaucoup de force; mais s'ils ne s'accordent pas, ils souffrent
tous les eux, ressentent bien plus le poids du travail, et achè\eut
moins facilement leur tâche. Ainsi en est-il des époux
Le principe et la vie de l'union conjugale, c'est l'amour récipro-
que Pour qu'il existe une harmonie parfaite entre des époux, il
faut : 1° qu'il y ait parité de religion, de foi et de piété... ; 2° accord
de caractère...; 3° égalité de condition...; 4° attachement récipro-
que...; 5 " résolution île partager les joies de la vie et d'en supporter
mutuellement les adversités...; G0 la paix et la concorde au scinde
la famille Si les époux désirent jouir des biens dont nous venons
de parler, qu'ils prient Dieu et qu'ils le servent. S'ils s'unissent à
Dieu par la prière et par l'amour, ils seront unis entre eux; soit parce
que deux choses qui sont unies à une troisième, le sont également
ri) In Iribus placitum est spiritui meo, quœsunt prohata coram Deo et homini-
ou:- : cooeordia l'rulrum. et ainor pronuioruiu , et vir cl millier beuc sibi coiisan-
ticutes (xxv. 1-2).
MARIAGE. iOl
ensemble; soit parce que l'amour dont nous aimons Dieu et celui
dont nous aimons le prochain par rapport à Dieu, sont au fond, et
surtout entre époux , le môme amour.
L'épouse doit honorer, respecter, aimer son mari, lui être fidèle,
supporter ses défauts et l'assister.
1° L'honneur et le respect qu'une femme doit à son mari consis-
tent à De jamais parler de lui et à ne lui parler à lui-même qu'en des
termes respectueux, qui marquent l'estime qu'elle fait de sa per-
sonne; à ménager en tout sa réputation, nonobstant tous les déplai-
sirs secrets qu'il peut lui causer, et à garder un inviolable silence
sur ses défauts. Toutes les saintes femmes dont il est parlé dans
l'Ecriture ont observé cette règle et ont honoré leurs époux par les
termes respectueux dont elles se sont servi à leur égard. Sara ne
parlait à Abraham qu'en l'appelant son seigneur (Gen. xvnr. 12).
Rebecca donnait le même titre à Isaac, parce qu'elle envisageait
en sa personne la majesté de Dieu, et que l'honneur qu'elle lui
rendait rejaillissait sur elle-même. Anne, mère du prophète Samuel,
et la mère du jeune Tobie, se sont également fait remarquer par le*
témoignages de respect qu'elles ont donnés à leurs maris.
2° Une femme doit avoir pour son mari un amour constant et sans
partage, c'est-à-dire un amour placé sous l'égide de la chasteté con-
jugale, un amour spirituel et saint. Elle portera son mari à la piété
plus encore par ses exemples que par les paroles de douceur qu'elle
ne doit point épargner dans les occasions favorables, pour le retirer
du vice et de la débauche , s'il a le malheur de s'y abandonner.
Loin de se borner à ce qui est charnel et sensible , l'amour d'une
femme pour son mari doit avoir le salut de celui-ci pour objet prin-
cipal ; il doit l'engager à lui faire en temps et lieu convenables des
remontrances salutaires, avec les ménagements que la prudence
inspire. Il n'y a rien de plus efficace et de plus puissant sur l'esprit
d"un mari que la \oix d'une épouse vertueuse. Mais il. y a pour cela
des moments qu'il taut savoir prendre , et des mesures à garder.
Faire des remontrances à des maris quand leurs passions de colère
et autres sont encore enflammées, ou quand ils sont pris de vin ,
est une imprudence dont les conséquences sont souvent très-dan-
gereuses et très-funestes. Il faut que l'amour rende les épouses
ingénieuses à s'insinuer dans le cœur de leurs époux, avant de leur
dire ce qui naturellement ne doit pas leur plaire; et avant tout,
Exposé des
devoirs
des époux.
1° Devoirs
de l'épouse.
402 MARIAGE.
ell os doivent adresser au ciel des prières ferventes et continuelles
pour obtenir leur conversion et leur changement
3<> La femme doit être soumise à son mari, comme l'Eglise est
soumise à J. C, en tout ce qui est selon ur. C'est Dieu lui-
même qui a assujetti la femme à L'homme, en punition de sa déso-
-ance. Elle est donc obligée d'obéir» dès que les choses «ont selon
)ieu, c'est-à-dire dè^ qu'elles ne sont ni contre l'honneur de Dieu,
ni contre la charité du prochain. Mais si un mari exigeait de son
épouse quelque chose de contraire à la loi de Dieu , à la religion, à
la pudeur, à la modestie, en un mot, I ses devoirs sacrés, elle ne
lui doit point d'obéissance , puisqu'en lui rit elle désobéirait
à Dieu, à J. C. , à la religion , a la vertu, à sa conscience
Pour les choses indifférentes, où la religion n'est point intére-
et qui ne sont pas contraires à la droite raison, une femme doit
se rendre aux volontés de son mari ; de même s'il se produit quelque
diversité des sentiments, la femme doit céder et demeurer dans le
silence, de peur que la chaleur de la dispute n'altère l'union, la
Concorde et la charité qui doivent exister entre eux. Il imports à la
femme de conserver le calme et la tranquillité d'esprit nécessaires à
la piété et au service de Dieu, de ne pas donner un mauvais i xemple
aux enfants et aux domestiques, de ne pas leur apprendre à man-
quer de respect ni de soumission, à contester eux-n.êmes ou à
répliquer quand on leur parle. Même dans les circonstances où. un
mari pourrait avoir tort, la femme doit user d'une grande retenue,
surtout en présence des enfants ou des domestiques. Elle ne doit j as
relever sur-le-champ ce que le mari avance, lorsqu'il parle avec
vivacité et colère, de peur de l'aigrir, et que le remède ne devienne
pire que le tnaJ ; et qu'au lieu de le faire revenir, il ne s'afferm
par un esprit de contradiction dans son sentiment, et ne veuille le
soutenir avec hauteur, et remporter par autorité, malgré les bonnes
j >ns qu'on pourrait lui alléguer
parue que pas ces i
es pat- in prudence et la charité, quelles manquent au devoir
-- tiel que la religion leur in ; .ri, lors»
it sans raison de mauvais traitements.
Dan- astances désa . leur obéissance serait d'autant
I x le Dieu, que n'ayant rien d'humain, elle
ne serait fondée que sur la i « hrétienne. Mais, hélas! au heu
de \ irs maris par la douceur, combien n'y en a-t-il as qui
ripostent par mil! i un mot de dur et j qu'on
MATtïAGE. 103
El dit; qui , souvent môme, commencent par charger derepro-
. dHnvectives , d'imprécations et de malédictions un mari
abruti par ses débauches et hors d'état de comprendre qu'il
? de là les jurements, les blasphèmes, les cclf&téè, le? menaces,
'es scandales et le? '"qui, suivant l'expression
nt Jérôme , font de ces ménages tristes et maudits des images
s de l'enfer (Epist.).
11 n'est pas besoin de rappeler aux femmes qu'elles doivent
ilement la fidélité qu'elles ont jurée à leurs maris au
I des autels : quiconque a la moindre idée des principes du
'■anisme, ou écoutera seulement la raison, ne se tèth j imais
illusion sur des désordres dont, non-seulement les païens, mais les
nations môme les plus barbares , les Cafres brutaux, les Océaniens
liages, on irs eu plus d'horreur que certains pré-
chrétiens de ce siècle corrompu
doivent supporter avec patience et résignation leurs maris
et le s faiblesses, es infirmités, les défauts qu'ils peuvent avoir
G Elles doivent à leurs maris l'assistance : assistance corporelle...,
ance spirituelle
L'Ecriture nous dit que les parents de Sara l'exhortèrent à honorer
-] ère et sa belle-mère, à aimer son époux, à bien élever sa
famille, à bien gouverner sa maison, et à se montrer irrépréhen-
sible en tout : Monentes eam honoraresoceros, dil:geremaritum,reg . é
fuin liant , gttbernare cUmiim, et seipsam irreprehensibilem exhibere
( Tub. x. #3-). Qu'il serait à souhaiter que toutes les épouses, que
tentes les mères de famille imitassent Sara, et accomplissent les six
obligations dont nous venons de montrer la nécessité !...
Tels sontles devoirs sacrés des épousés (Doctrine caihol. de Genève).
sont les devoirs des époux? A quoi sont-ils tenus à r tur z» Dd^oirs
de I'
envers leurs 1 mines?
Ils eloivent le aimer, leur être fidèles, les entretenir, les suppor-
•
Un mari doit aimer son épouse : rien de plus juste, rien de plu?
ioux el l'épouse un devoir récif) ;ais
cela suffit- ? non. Pout .' ii ' chrétien et pour piaire à Dieu, il faut
» rapporté • '. ''ii' i
; ir ait les caractères ele clui de
J. C. pour - n Eglise. Si amour n'e ité goûf rien
devant Dieu, il n'a rien de chrétieH Les païe&s s'a:1 a..nt ïê la
■104 JÏAMÀGB.
sorte; et n'avoir que cela, c'est n'avoir rien de plus qu'un païen.
Pour un mari , aimer sa femme est quelque chose de bon et de In-
time ; mai? n'aimer que cela, c'est un crime. La raison en est que
dans ce cas, l'amour demeure dans la créature, comme dans sa
dernière fin, et ne porte alors que des fruits de corruption et de
mort
Afin donc qu'un mari aime son épouse chrétiennement , il doit,
dit saint Paul, l'aimer de la même manière que J. C. a aimé son
Eglise. Comme J. C. est devenu le chef de son Eglise par l'union
qu'il a bien voulu contracter avec elle , comme il n'a eu en vue que
le salut de cette épouse dont il s'est rendu le Sauveur ; de môme la
fin de l'alliance qu'un mari fait avec sa femme , doit être de se
sanctifier avec elle, et de contribuera son salut autant qu'il le
pourra. Il l'aimera comme lui-même, et comme on ne s'aime
véritablement soi-même qu'en aimant Dieu comme son vrai
bien , il commencera par aimer Dieu parfaitement , et apprendra
à son épouse à faire la même chose. Il aura pour elle toute la
complaisance qui ne sera point incorn natihle avec ce qu'il doit à
Dieu
Le mari doit se souvenir qu'il est le chef de la femme, m axé
comme J. C. l'est de l'Eglise, toujours dans le même esprit. Le Sau-
veur gouverne son Eglise , comme une épouse qu'il regarde comme
sa chair et ses os, qu'il traite toujours avec charité, et pour
laquelle il s'est livré à la mort; de même le mari doit regarder sa
femme comme une partie de lui-même, la gouverner avec une
autorité mêlée de douceur , de discrétion et de charité, la corriger ,
s'il est nécessaire , plus par persuasion que par commandement et
que par des airs impérieux ; car le mari n'a pas droit d'en user avec
sa femme comme un maître avec ses serviteurs. La femme n'a pas
été tirée de la tète de l'homme, comme si elle devait dominer ; elle
n'a pas non plus été tirée de ses pieds , comme si elle devait être son
esclave; mais de 800 côté, pour indiquer qu'elle doit être sa com-
pagne et, selon la parole de Dieu, une aide semblable à lui. Elle;: été
tirée du voisinage du cœur, pour que l'homme comprenne toute la
charité qu'il doit avoir pour elle. Le mari ne peut donc pas passer les
bornes, m traiter sa femme eu servante, ni lui commander avec un
empire despotique et avec hauteur, ni Ja maltraiter brutalement dans*
le cas même où elle aurait le grands torts, ni l'obligerde s'asservir à,
toutes ses volontés, à ses pas. n >n- ri à ses caprices. Ce ne serait point
agir en chrétien , en homme qui représente dans sa famille J, G,...,'
M ART AGE. 105
L'époux est entré en société avec son épouse par le mariage , afin de
vivre dans une parfaite communauté d'esprit, de cœur, d'intérêts,
de biens temporels et spirituels, de piété, de religion et de salut.
La femme est l'os de ses os , et la chair de sa chair. L'homme n'use
point de domination ni de hauteur envers sa propre chah'; il a soin
au contraire, de la nourrir et de l'entretenir. Il doit avoir les mêmes
égards pour son épouse
Un mari doit communiquer ses affaires à sa femme avec fran-
chise et de bonne amitié, et demander son aveu pour agir de concert.
11 faut pour le Lion de la paix que chacun cède de ses droits
Les autres devoirs des maris sont les mêmes que ceux des femmes;
nous en avons parlé. Ils doivent à leurs épouses une fidélité récipro-
que, les supporter, les assister dans leurs besoins temporels et
spirituels
Voici ce que dit le grand Apôtre dans sa première épître aux Corin- Le mariage
.1 • ti , ■ -m i •■ • tvtj»i V' - est inférieur à
thiens : Il est bon a Fhomme de ne point se marier. IN etes-vous lie a la virginité.
aucune femme ? n'en cherchez point. Cependant, si vous prenez une nbe^[,^„pa
femme, vous ne péchez pas ; et si une vierge se marie, elle ne pèche *e maux.
pas. Ceux-là , toutefois , auront les tribulations de la chair ; mais je
vous les épargne. Je vous dis donc ceci :Le temps est court; que
ceux qui ont des femmes, soient comme n'en ayant pas. Je veux
que vous soyez exempts de soucis : celui qui n'a point de femme a
souci de ce qui est du Seigneur , comment il plaira au Seigneur.
Celui qui a une femme , a souci de ce qui est du monde, comment
il plaira à sa femme ; et il est divisé. Et la femme non mariée , et la
vierge pense à ce qui est du Seigneur , pour être sainte de corps
et d'esprit ; mais celle qui est mariée pense à ce qui est du monde ,
comment elle plaira à son mari. Celui qui marie sa fille vierge fait
bien; et celui qui ne la marie pas fait mieux (vu).
Je voudrais , dit encore ce grand apôtre, que tous fussent comme,
moi (vécussent dans le célibat) ; mais chacun a de Dieu son don
propre, l'un ceci, l'autre cela. Je le dis à ceux qui ne sont pas
mariés et aux veufs : Il leur est bon de rester ainsi , comme moi-
mèm? ( I. Cor. vil. 7. 8 ).
Le mariage, dit saint Basile, ouvre un atelier de douleurs ( Con-
stat. Mnnast., c. n).
L'Apôtre appelle tribulations de la chair les épreuves inhérente?
au mariage, à la paternité , à la famille. Il opp )se tout cela aux
vains plaisirs dont se repait l'imagination d:s impjudeatg et des
106 MARIAGE.
aveugles; éar les febticfe, les ennui?, les embarras, les r
maladies, les dangers, la responsabilité que l'oi
mariage remportent comme à l'infini, sur les jouissances qi
trouve iQtie de souffrance^ , que de <1
qu'elle porte son enfant et lorsqu'elle le met ail monde ! Que di
vail pour nourrir, vêtir , élever une famille! Ou.
enfant? meurent !... Que d'embarras pour les placer , s'ils \
Que de larmes, s'ils se conduisent mal!... A cause de ces pçÎDi
d'autres semblables , saint Augustin , suivant en cela le sentiment
de saint Ambroise, ne voulut jamais conseiller le r.: — ^e à per-
sonne
Il y a trois états dans l'Eglise, dit saint AljhSme , évèque
Saxon? : la Virginité, le célibat et le mariage. Si vous voulez savoir
la différence qui existe entre eux , la voici : la virginité ésl l'or; le
célibat, l'argent; le mariage, le fer : la virginité est la richesse; le
célibat, l'aisance; le mariage, Ja pauvreté : la virginité est la paix; le
ité; le mariage, la captivité et l'esclavage : la virginité
est le soleil { le célibat, un flambeau ; le maria.;»1, ténèbres: la •
nité est un - Peine; le célibat, un maître; le mariage, un serviteur
(L'ihi. PatK, t. 111. — De Laud. Virg., c. ix).
Cependant que ceux qui ne peuvent pas garder la continence, se
marient, dit saint Paul; car il vaut mieux se marier, que de
la tentation (l. Cor. vu. 9). Qtland une jeune personn
er la continence, ou ne le veut pas, dit saint Jérôme ,
il vaut mieux qu'elle épouse un homme que le démon : Adolescentula.
quœ si non poteit Ûênttn&rê, vd non vult , muriium putius accïpiatq
Ira Jovin., lib. IV).
Le- lit le même Père, peuplent la terre; la virginité
peuple Le ciel : Vuptite terrain renient, bfrgini surn (Do
Virg. ).
La femme et un navire n'ont jamais assez d'ornements, dit Plaute*
que celui doue, qui \nit du travail, épouî rime, et qu'il
rlruise u, i ( Anton, in Meliss. ).
Le mariage, cet état digne d'honneur et qui a ses joies quandles
époux "ni l.i crainte de Dieu et [u'ils s ut ai '
le o i'ii.V.re a li i il . Si 11 te in
méchante . elle vous apportera
une ' ôtfl iéi i ce , sa langue est gluiv<
triste, pénible" et déplorable* qtie a ! - soit
un edvemire. Cependant, 6 homme! ai \ous n'avez pas été pieux, si
1TATUÀGE. 107
la (Vmme von? a blessé nnur l'avoir perdue vous-même, guérissez par
la patience le mal qu'elle vous fait. Qu'elle vous serve de chirurgien
et de médecin pour les plaies de votre âme. Avec vous, Dieu l'em-
ploie comme un fer tranchant; et quoique le fer entre Icg mains du
médecin no sache pas ce qu'il fait, ie médecin le sait; cela suffit.
Quoique une épouse persécutrice ne sache pas ce qu'elle fait, Dieu
le sait, et pourvu que vous ayez de la résignation, elle vous
sauvera.
La femme querelleuse , disent les Proverbes , ressemble à un toit
qui. par une froide journée, laisse transsuder la pluie. Essayer de
l'apaiser, c'est vouloir arrêter avec la main le souffle du vent :
Tectaperstillontia in die friyoris et litigiosa mulier comparantur : qui
"elinet eam quasi qui ventum teneat (xxvn. 15. 16).
Femme mauvaise, s'écrie saint Chrysostome, malle pire de tous les
taaux. Les dragons sont difficiles à dompter, les aspics sont redoutables
et funestes; la méchanceté d'une femme est plus à, craindre et plus
intraitable que les bêtes féroces elles-mêmes. Une mauvaise femme
ne s'adoucit jamais. Traitez-la durement, elle entre en fureur; flat-
tez-la, elle s'exalte et s'enorgueillit. Il est plus facile de fondre le
fer, que de corriger une femme vicieuse; celui qui est uni aune
femme sans pudeur et sans vertu, doit comprendre qu'il a reçu
la peine que méritaient ses péchés. Il n'est pas de monstre
qu'on puisse comparer à une mauvaise femme. Quel animal ^st
plus féroce que le lion? aucun, sinon une mauvaise femme. Quel
serpent est plus cruel que le dragon? aucun, sinon une mauvaise
femme (I).
L'homme qui l'a épousée est le plus malheureux des hommes
Une seule ressource lui reste, c'est la patience; mais cette patience
lui méritera le ciel
A propos de la femme vertueuse unie à un mari corrompu ,
pécheur, colère, ivrogne, libertin, on peut dire ce que nous disions
au sujet de l'homme qui a épousé une femme sans pudeur et sans
(1) 0 uialum quovis malo pejus , irulicrem improbam! Asperi surit dracones,
s mule(icft) j 8Bd mUlieris asper'rtas acerbior quant ferortim. Improba mulior,
punn nransuefocla, si durius tractetur furit; siblandius, tollitur et el ua est.
un coquerequam tiiulierein castigarc facilius. Oui Imbct uxorem nialam, suo-
r.mi se peccalorùm inerdederh accepisse Intelligat. Nulla in mundo bellua ost, qn*
cuui muliere improba coOl'cratur. (Juid leone mler quadrupèdes feroi-ius? Nilnl quani
mulier improba. Quid crudelius dracone in ter serpentin? Nihil quam muUer
improba {Uomil.).
Combien
le mariape est
profané.
108 UARTÀGB.
vertu. Quoi malheur est le sien d'être forcée d'habiter avec un pareil
être ! quel enfer ! Hélas '. qu'elle prie , qu'elle se résigne ; Dieu lui
réserve une belle et riche couronne.
Quand la femme est vicieuse, le mari est très-malheureux, et
réciproquement. Qu'est-ce donc, quand l'un et l'autre des époux
sont remplis de mauvaises qualités, qu'ils n'ont ni douceur, ni
patience, ni religion, ni chasteté? Alors il n'y a pas de paroi ei
capables d'exprimer les douleurs qui naissent de cette alliance
satanique et maudite
Il y a des époux, dit la Sagesse, qui ne respectent plus la vie mit
nait du mariage ni les noces chastes , se tuant spirituellement et
s'outragea nt les uns les autres par le crime : Neque vitam , negve
nuptias mundas jam custodiunt (xiv. 24).
Parmi certains hommes tout est confondu : le sang, le meurt rp;
levol ,1a fourberie, la corruption , l'infulélité, l'oubli de Dieu, L'in-
gratitude, la profanation des âmes, l'avortement, le désordre, les
dissolutions de l'adultère et de l'impureté [Sap. xiv. 2rï. 26).
Où sont tous les enfants que Dieu destinait à voir le jour? Refou-
ler dans le néant des êtres qui devaient avoir pour but la vie
éternelle, quel crime ! quel jugement les coupables n'auront-ils pas
à subir ?
Châtiments
réservés à
je 1 1 t qui pro-
fanent le
mariage.
Les fils dos adultères, dit la Sagesse, seront malheureux, et la race
du lit inique sera détruite : Ah iniquo thoro semen exterminobitur
(m. 16).
Onan , dit la G o? . liait obstacle à ce que la volonté de
Dieu s'accomplit; c'est pourquoi le Seigneur le frappa de mort,
parce qu'il commettait une action détestable : Idcirco percussit
euut Dominus, quod rem detestabïlem faceret (xxxvrn. 0. 10). Un
crime pareil viole la loi naturelle et la sainteté du mariage. Il est
comparé par Dieu lui-même à l'homicide, et l'Ecriture lui donne
le nom de détestable. Ouest- ce donc quand des chrétiens le
commettent?
Beaucoup do parents s-1 plaignent dos malheurs dont ils sont
accablés . des maladies qui s'emparent de leurs ''niants, de la mort
qui les leur enlève impitoyablement. Châtiments de Dieu. Epoux
criminels, ouvrez les yeux, reconnaissez que vous avez violé vos
devoirs les plus sacrés, convertisses- vous, et la justice de Dieu
cessera de vous frapper...,»
MARIAGE. 109
La chaste Sara épousa consécutivement sept hommes; mais un
démon, dit la sainte Ecriture , les tuait aussitôt, parce qu'ils étaient
corrompus (Tob. m. 8). L'ange dit au fils de Tobie : Il y a ici un
homme qui s'appelle Raguel , qui est de vos parents et de votre
tribu; il a une fille nommée Sara; tout son bien vous sera donné, si
\ ou? épousez cette fille. Tobie lui répondit: J'ai ouï dire qu'elle
avait déjà épousé sept maris, et qu'ils sont tous morts; et j'ai
appris qu'un démon les avait tués. Je crains donc que la même chose
ne m 'arrive. Alors l'ange Raphaël lui dit : Ecoutez-moi , et je vous
apprendrai qui sont ceux sur qui le démon a quelque pouvoir.
Ceux qui embrassent le mariage de manière à bannir Dieu de leur
cœur et de leur esprit, et qui ne pensent qu'à agir comme les
animaux c^.z h. ''r0ouo0j ie démon a pouvoir sur eux (Tob. Yi.
11-17).
Chez le? Juifs, l'adultère fut d'abord comtcnuié à être brûlé; sous
Moïse, on le lapidait [Levit. xx. 10).
Les Egyptiens appliquaient jusqu'à mille coups de verges aux
adultères; et les femmes qui commettaient ce crime avaient le nez
coupé, afin r^aa leur déshonneur ne cessât d'être public ( Diod., Bibl.
hist.).
Chez les Arabes , les Parthes , et d'autres nations encore, la peine
de mort était appliquée aux adultères; ils avaient la tête tranchée
(Ibid. ).
Le roi Ténédius porta une loi qui ordonnait de couper par le milieu
du corps les adultères, et il condamna à ce supplice son propre fils
(Maxim. Orat.).
Dans son neuvième livre des Lois, Platon édicté la peine de mort
contre le fomicateur; il permet au premier venu de tuer impunément
l'adultère.
Solon permettait de tuer celui qui était pris en flagrant délit
d'adultère (Plutarc).
Jules-César, Auguste, Tibère, Domitîen, Sévère, Aurélien,
décrétèrent de forts châtiments contre les adultères. Aurélien
faisait attacher les pieds de ces coupables à deux branches d'ar-
bres courbées de force qu'on laissait ensuite revenir à leur état
primitif, de telle sorte qu'ils étaient partagés en deux (C. /Elian.,
Var. hist. lib. X, c. Yl).
Opélius Macrinus, successeur de Caracalla, faisait brûler vifs les
adultères (Alex.).
Le» Saxons, encore païens, forçaient ia ièmme adultère à se
* 10 MARIAGE.
pendre, et l'on exposait son complice sur un bûcher auquel on mettait
le feu (S. Bonif., Epist.).
Mahomet lui-môme ordonna d'infliger à l'adultère la peine de
Cent coups do bâton.
Les Sonnâtes, au témoignage d'Osorius, tuaient les femmes adul-
tères, ou les vendaient comme esclaves.
MARIE.
Dis 1 éternité, 1 ai été choisie et sacrée, dès le commencement, I. Marie
i p* . a i 7- „ • a étéchoiï e et
avant que la terre lût : Ab œtcrno ordinata sum, et ex anti- p.
guis antequam terra fierct (Prov. vm.23). L'Eglise et les Jf^0^^
ts Pères appliquent à Marie ces paroles de l'Ecriture.
I" Marie a été choisie de toute éternité; parce qu'elle est une œuvre
te, l'œuvre non d'une heure , d'un mois, d'un an, d'un siècle,
ftiaisde tous les rèeles. Dieu l'a choisie de toute éternité; il annonce
cette Jeanne admirable, par des types, des figures, des faits prophé-
-. Ainsi, il prédit sa virginité par la virginité des anges, sa
charité par l'amour des séraphins, sa sagesse par celle qui éclate
dans les chérubins, sa pureté par celle du firmament, sa splen leur
par l'éclat di s étoiles, sa beauté par celle des prairies verdoyantes et
des fleurs, les fruits abon lants de ses sublimes vertus par ceux que
portent les arbres fruitiers. Toutes les vertus de tous les saints ne
se nt que les ombres des vertus deï'ïncornparable Marie; toutes leurs
perfections n'étaient qu'un faible essai, une esquisse que Dieu fai-
sait, pour arriver à la production de Marie. Voilà pourquoi sai„t
Bernard appelle cette Vierge bénie, la grande affaire de tous les
siècles : Negotium omnium seculorum (Serm. h de Pent.); veiià
pourquoi elle a été choisie et prédestinée de Dieu pour princesse et
reine du ciel et de la terre, des anges et des hommes
2° Marie a été choisie et prédestinée de toute éternité pour être le
prêtre mystique, qui offrirait à Dieu, par la rédemption , le prix lu
âalut de tout le genre humain, J. G. son fils, en holocauste et en
victime d'expiation
3° Marie a été choisie comme le modèle le plus parfait, le plus
beau, de toutes les pensées, de toutes les paroles, de toutes les
ections saintes.
4° Marie a été choisie pour disposer l'Eglise entière. C'est pour-
quoi elle est appelée dans les Cantiques une armée rangée en
bataille : Castrorum acies ordinata (vr. 9). Elle place et ordonne l'ar-
mée des saints, les instruisant à vaincre les démons, le monde . la
chair, les passions et tous les crimes
5° Marie a été choisie et prédestinée pour avoir île5 liens, de
parenté et de consanguinité avec la très-sainte Trinité; car elie a
€18 MARIE.
enfanté J. C*., Fils de Dieu le Père. De plus elle est l'épouse du Saint-
Esprit. Par l'action divine de cette troisième personne delà Trinité ,
sans l'intervention de l'homme, et en demeurant vierge, elle a
conçu et enfanté J. C. Elle est la fille du Père, 1 épouse du Saint-
Esprit , la mère du Fils
6° Marie a été choisie et prédestinée pour unir l'homme à Dieu,
soit en mettant au monde, J. G. Dieu et homme , soit en réconciliant,
par J. C, Dieu avec les hommes, et les hommes avec Dieu. D'où il
suit que tous les siècles , toutes les générations et tous les Etats, ont
désiré voir la conception immaculée et la nativité delà Vierge Marie.
Comme le dit saint Jean Damascène , les siècles se disputaient la
gloire de la voir paraître ( De Laud. Virg.).
G Vierge sans tache et très-sainte, vous avez donc été choisie et
prédestinée même avant la création de l'univers. L'homme écrasé
par sa faute, coupable de péché, incertain de son salut, noyé dans
l'affliction, et abandonné de tous, a élevé ses yeux et son espé-
rance vers vous, afin qu'en vous et par vous le criminel trouvât sa
grâce; l'affligé, la consolation; l'abandonné, un asile; l'insensé, la
sagesse; le pécheur, la justification; le juste, la persévérance. Marie
est la véritable ville de refuge, le port assuré des naufragés, le
secours de tous ceux qui mettent leur confiance en elle. Elle est la
source qui jaillit, de la plus haute montagne, source plus abondante
que toutes les fontaines des collines; parce que, pour arriver à
la conception du Verbe, elle a, dit saint Grégoire, élevé ses mérites
au-dessus de ceux de tous les chœurs des anges, et jusqu'au trône de
la divinité : Ut ad concept ionem Verbipertingeret, meritorum verticem
super omnes angelorum choros, usque ad solium deitatis, erexit (In lib.
Reg., c. i ). Voilà pourquoi elle a été conçue dans l'esprit de Dieu, et
prédestinée par lui de toute éternité, avant la naissance des monta-
gnes et des collines.
Quand Dieu préparait les cieux , fait dire l'Eglise à Marie, j'étais
présente: Quando prœparabat cœlos, aderam (Prov. vm. 27). La
sainte Vierge était devant Dieu lorsqu'il formait les cieux et disposait
les eaux du ciel; parce que tout ce que Dieu créait de beau dans le
firmament, il le destinait à figurer la bienheureuse Vierge Marie,
qui devait être le ciel vivant, où la plénit^.da de la divinité devait
corporellement habiter.
lui qui avait fait autrefois le firmament, et qui l'avait arrondi
dans les airs, aujourd'hui , dit saint Jean Damascène, a fait d'une
créature terrestre le ciel sur la terre ; Uodie ex terrenu natura cœhim
d MB. 113
in terra condidit die , qui olim firmamentum fînxeraf , atque ïn altum
extulerat. Et ceciel delà terre, ajoute-t-il, porte bien plus que l'autre
le cachet de la divinité; car celui-là même qui a créé le soleil et l'a,
placé dans le firmament, s'est levé soleil de justice dans le ciel d'ici-
bas : Acsane Ulo longe divinius est; nam qui in illo solem effecerat , in
liocjustitiœsolortus est (Orat. de Nativ. Virg.).
J étais avec Dieu dans la création : Cum eo eram cuncta compo-
nens (Prov. vm. 30 ). Et je me réjouissais , en jouant sur le globe
de l'univers : Et delectabar ludens in orbe terrarum (Prov. vm. 13).
Ces paroles s'appliquent encore à la très-sainte Vierge; car la sagesse
de Dieu s'est plu à nous l'annoncer en ligures, dans Eve, dans
J 'arche de Noé, dans l'arche d'alliance, dans le buisson ardent, dans
la verge d'Aaron qui avait reverdi, etc
Marie est la mère de l'éternelle Sagesse qui a pris corps en elle.
Jésus-Christ est la sagesse incarnée et descendue sur la terre : Marie
est la sagesse dans laquelle J. C. s'incarne, et de laquelle il nait.
C'est pourquoi, comme J. C. est appelé par saint Paul le premier né de
toute créature, Marie est aussi appelée celle qui est née la première,
parce qu'elle a été prédestinée de Dieu avant toutes les créa-
tures.
J. C. est le premier des prédestinés, ainsi que l'enseignent l'Ecri-
ture et la théologie; Marie est aussi la première prédestinée. J. C.
et son incarnation ont été arrêtés de toute éternité ; de même ,
de toute éternité ont été arrêtées la conception et la naissance de
Marie.
Je suis sortie de la bouche du Très-Haut , je suis née avant toutes
les créatures : Ego ex ore Altissimi prodivi , primogenita anie omnen\
creaturam (Eccli. xxiv. 5).
Ces paroles s'appliquent à Marie; car, 1° de toute éternité la
bienheureuse Vierge a été prédestinée à être la première des œuvres
de Dieu, c'est-à-dire de toutes les créatures 2° Elle a été le
modèle de sainteté sur lequel Dieu devait former les saints anges,
les apôtres , les martyrs , les confesseurs, les vierges, les religieux et
tous les fidèles. Comme Dieu a conçu et prédestiné dans son esprit la
bienheureuse Vierge, il prédestine par elle et d'après elle tous les
élus 3° De toute éternité, Dieu a décerné à Marie la principauté
de la grâce et de la gloire , de la sainteté et du commandement ; car
il l'a destinée à être la première des créatures, et à en devenir la
maîtresse et la reine & Dieu l'a faitecomme les prémices de ses
œuvres. G;: a*ait coutume d'offrir au Seigneur les prémices des
m, a
H 4 MARir..
fruits Je la terre comme le symbole de l'offrande et de la consécra-
tion qu'on lui it le cesl : it à
Dieu la bienheureuse Vierg
humaine , symbole de l'offrande, de la puriii
cation des h
Rupert m uclie de
de tiâîtrê
connue de lui. Il nVa choisie avanl i
être eu sa pr<
plus
omplaira-t-ïl en cette si ivante du it la mer.
de tous le» enfants des hommes? ( L. . . ) Voilà ; aussi
saint Jean Dan
Mire .(.byssuut, \ - ( Serm. i de Nativ. B.
Vu
n. Marie est \ cause de la sagesse, dit Onkélos, Dieu a créé le ciel et la terre J
^créatioB et c'est-à-dire il a bijéé le ciel et ia terre pour l'améjur du son
(i'' ''V divin Fils, à qui dans les chose iv at r e la sa
uumwiiUe. pour l'amour de l'immaculée Vierge qui est la sagesse du monde
{îhàrg., lib. VII, c. u).
Marie est la cause de la création de la lumière , du ILiviamcnt, da
la mer et de toul
La création a eu lieu et a été disposée pour la justification ejt la
gloriiieation J. C. , par Marie; car Tordre de la nature
a été fa I pour l'< . la grâce. Or, la très-sainte
Vierge étant la mère de J. C. , e^-l aussi le moyen de notre
tion, et de tout l'ordre de la grâce; elle est, par pient, lac
finale de la cj i lin de l'unh J. G. , sa
mère et les - Q <;ue
(es sa . iu o el de
la gloire par J. C. et par M i ,ue J. G. et sa bienheu-
reuse mère ne fo :nt q .Lie «le la el lui soient
postérieurs en tant que cai rielle, ils l'on en tant
que i île.
De là vient qu'il y a un rapport mutuel entre la création de Puni-
vers et la <le J. G. . .t ..
que J. G. et I re; et
pareillement il n'a [as v , ls J. C. et
la bienheureuse Vierge; ou plutôi, cestàCUUSa d;cux qu'il i a créé-
MAV.IE.
Mb
Il atout d ) que l'univers fût rapporté à J. G., à Mari
a l'ordre de la grâce, comme à son achèvement et à sa fin. J. G.
et Marie sont donc la cause finale de la création. Ils en sont aussi la
cause formelle, c'est-à-dire qu'ils en sont l'idée et le modèle; car
l'ordre de la grâce dans lequel J. C. et Marie tiennent la première
place, est ! >rès lesquels Dieu a créé et disposé
l'ordre de la nature.
Le monde n'a pas été seulement créé et orné pour l'amour de la
très-sainte "Vierge; il est encore soutenu et conservé par amour pour
elle. La terre aurait disparu à cause des crimes innombrables que
commettent les pécheurs, si, par sa clémence et sa bonté, la glô-
e Marie ne la préservait en priant pour nous. C'est à cause d'elle,
dit saint Bernard, que le monde a été fait; c'est par elle qu'il est
sauvé de sa ruine (De B. Virg.). Par votre protection, ô Vierge très-
sainte, s'écrie saint Bonaventure , le monde est conservé, ce monde
que vous avez créé dès le commencement de concert avec Dieu :
Dïs[iosittone tua, Viryo saactissima, persévérât mundus,quem et tucum
ùeo ub inilip fundasti (De Laud. Virg.). C'est pour J. C. et la bien-
heureuse Vierge que Dieu a fait le monde et qu'il le conserve ; car
Marie est beaucoup plus noble, plus grande, plus précieuse que
'univers entier; elle en fait l'honneur et la beauté
SisïGNxiuB f dit le prophète tiabacuc, achevez votre ouvrage au l^\^^.
milieu de nos années. Au milieu de nos années, vgus nous le ferez d'oeuvre
; litre : au temps de votre colère, vous vous souviendrez de votre
miséricorde : Domine, opus tuum in medio annorum vivifica illud ; in
medio annorum nolum faciès : cumiratus fueris , rnisericordiœ recor-
daberis (m. 2). Cet ouvrage, l'œuvre par excellence de Dieu, c'est
S. C. et Marie que le prophète conjure Dieu demaniiester au mon '.e.
Marie est tellement le chef-d'œuvre de Dieu, que, d'après saint
Augustin , Dieu a épuisé sa sagesse , sa puissance et ses richesses en
elle: Plus dare nescivir 3 plus dare w potuit^plus dare non habuit
(DeCivit.).
Dieu n'a qu'un Fils : il ne peut en avoir plusieurs, parce qu'h
b l, fin ayant toui donné. 11 en est ainsi
pour Marie : elle sera éternellement la seule mère de Dieu, qui ne
p ' avoir deux mères. Un seul fils, une seule mère. Dieu n'a jamais
fait et ne pourra jamais faire une aussi parfaite créature : Marie n'a
jamais eu et n'aura jamais rien qui l'égale. Dieu, dit saint Thomas,
M 6 MAREE.
ne peut rien faire de plus grand que la bienheureuse Vierge , parce
uu'elle e?t mère de Dieu ( 1. p. q. 23. art. 8).
En parlant de Marie , on peut dire à Dieu ce que Dieu lui-même
dit à I : Tu viendras -là, et tu n'iras pas .lus loin:
Usque laïc venins; et non procèdes amplius (Job. xxvni. 11 ).
Saint Bernardin appelle Marie la magnificence de Dieu: Dei magnifi-
centiam (Tom. I,concil. m, art. 6, cap. iv). Marie elle-même, dans
sa profonde humilité, est forcée de s'écrier : Celui qui est puissant
a fait en moi de grandes choses : Fecit mihi magna qui potens est
(Luc. i. 4lJ). Il a signalé la force de &on bras: Fecit potentiam m
brackio *uo (Id. i. .>! ).
Nous devons tout à Dieu , et Dieu ne nous doit rien. Il en est autre-
ment de Marie. Quoiqu'elle doive à Dieu, Dieu lui doit aussi; car
J. C. a reçu son humanité tout entière, de Marie; et tout ce qu'il a
comme homme, il le doit à sa mère. Par sa conception et par sa
naissance, Jésus-Christ, Dieu et homme, est devenu le débiteur de
Marie; il lui doit plus que les autres entants ne doivent à leur mère,
parce qu'elle réunit en elle la qualité de père et de mère. J. C. est
obligé d'accomplir à L'égard de sa mère le quatrième commande-
ment , Père et mère honoreras. C'est ce qu'il a l'ait à la lettre, rendant
même à saint Joseph les devoirs d'un fils ; car l'Evangile nous assure
qu'il lui était soumis, ainsi qu'à Marie : Erat subditus Mis (Luc. n.
51 ). Par la bouche de Salomon, J. C. promet à son auguste mère
de lui accorder tout ce qu'elle lui demandera, disant qu'il ne Lui est
permis de lui refuser quelque chose : Pete, mater mea; nequeenirn
fas est ut avertam faciem ( 111. Keg. II. 20).
iv. Marie Lbttrb apostolique de notre seigneur très-saint , Pie, Pape par la
n'^ee divine providence, neuvième du nom, sur la défin >gm*«
lion- tique de l'nuju-u^W» conception de la Vierge mère de Dieu (1J.
Pie évèque,
Serviteur des serviteurs de Dieu,
Pour qu'il en soit toujours mémoire.
Dieu qui est inellàble, dont les voies sont la miséricorde et la
(1) Je n'ui pas jugé à propos de placer dans ce recueil les preuves de l'immaculée
eraceplioo de Marie, que j'ai tn
al", fe. La lettre apostolique di e qui n'avait
été jusqu'alors qu'une pieuse ci e, met fin à toute ù-seusaiou à cet
égard. Cette lettre e>tcitecici eu ciiuer.
MARIE. \\ï
vérité, dont la volonté, est la toute-puissance même , dont la sagesse
atteint d'une extrémité jusqu'à l'autre irrésistiblement, et dispose
avec douceur toutes choses , voyant dans sa prescience , de toute
éternité , la ruine lamentable de tout le genre humain , suite de la
transgression d'Adam, et ayant, dans le mystère caché dès l'origine
des siècles, décrété que, par le sacrement plus mystérieux encore
de l'incarnation du Verbe, il accomplirait l'œuvre primitive de sa
b »nté, afin que l'homme, poussé dans le mal par la perfidie de l'ini-
quité diabolique , ne pérît pas contre le dessein de sa miséricorde,
et que ce qui devait tomber dans le premier Adam fût relevé dans
le second par un bonheur plus grand que cette infortune, choisit et
prépara, dès le commencement et avant les siècles, une mère à son
Fils unique, pour que d'elle fait chair il naquit dans l'heureuse plé-
nitude des temps; et il l'aima entre toutes les créatures d'un tel
amour, qu'il mit en elle seule, par une souveraine prédilection,
toutes ses complaisances. L'élevant incomparablement au-dessus de
tous les esprits angéliques et de tous les saints, il la combla de
l'abondance des dons célestes , pris au trésor de la divinité , d'une
manière si merveilleuse, que toujours et entièrement pure de toute
tache du péché, toute belle et toute parfaite, elle avait en elle la
plénitude d'innocence et de sainteté la plus grande que l'on puisse
concevoir au-dessous de Dieu, et telle que, sauf Dieu, personne ne
peut la comprendre. Et certes, il était tout à fait convenable qu'elle
brillât toujours des splendeurs de la sainteté la plus parfaite, et
qu'entièrement exempte de la tache même de la fa*ute originelle, elle
remportât le plus complet triomphe sur l'antique serpent, cette mère
si vénérable à qui Dieu le Père a voulu donner son Fils unique,
engendré de son cœur, égal à lui, et qu'il aime comme lui-même, et
le donner de telle sorte qu'il est naturellement un seul et même et
commun Fils de Dieu le Père et de la Vierge, elle que le Fils lui-
même a choisie pour être substantiellement sa mère, elle de laquelle
le Saint-Esprit a voulu que , par son opération, fût conçu et naquit
celui de qui lui-même procède.
Cette innocence originelle de l'auguste Vierge, si parfaitement en
harmonie avec son admirable sainteté et avec la dignité sublime de
mère de Dieu, l'Eglise catholique qui , toujours enseignée par le
Saint-Esprit , est la colonne et l'appui de la vérité, agissant comme
maîtresse de la doctrine divinement reçue et contenue dans le dépôt
de la révélation céleste, n'a jamais cessé de l'expliquer, de la pro-
poser, de la favoriser tous les jours de plus en plus par toutes les
H 8 urAftTB.
voies et par de? actes ^datants. Cette doctrine", en vigneur depuis
les temps les plus and mèrit gravée dans les âmes des
fidèles, et propagée d'une manière merveilleuse dans tout l'univers
catholique par les soins et les efforts des pontifes sacrés , cette doc-
trine, l'Eglise elle-même l'a en effet t. ès-clai rement en lors-
qu'elle n'a pas hésité à proposer la conception de la Vierge à la
vénération et au culte pu' >Iic des fidèles. Par cet acte ^ elle
l'a pré s entée pour être honorée comme extr », admirable,
pleinement différente des commencements du reste des hommes et
tout à fait sainte ; car l'Eglise ne célèbre par des jours de fête <j"
qui est saint. Et c'est pourquoi elle a coutume d'employer, soit «lan^
les offices ecclésiastiques , soit dans la liturgie sacrée, les termes
mêmes des divines Ecritures parlant de la Sagesse incréée, et r pré-
sentant ses origines éternelles, et d'en faire l'application aux r m-
mencements de cette Vierge qui, par un seul et môme décret,
furent déterminés avec l'incarnation de la Sagesse divine.
Toutes ces choses connues partout des fidèles m hvit suffisam-
ment avec quel soin l'Eglise romaine, mère et maîtresse de toutes
les Eglises, s'est appliquée à propager cette doctrine de l'imma-
culée conception de la Vierge; mais cette Eglise, centre de. la \
et de l'unité catholique, dans laquelle seule la reli
blemcnt gardée, et de laquelle il faut que toutes les autre
empruntent la tradition de la foi,a une dignité et une autorité 1
qu'ii convient d'en rappeler les actes en défait. Elle n'eut ja
rien plus à cuiir que de soutenir, de protéger, de promom
défendra par les voies les plus éclatantes l'immaculée conception de
la Vierge, son culte et sa doctrine. m'attestent et procla-
ment tant d'actes solennels des pontifes romains nos j buts,
à qui, dans la personne du prin eui .). G.
a lui-même divinement confié- la charge et le p<>
praire les agneaux et ! a, de confirmer leurs frères, de ié-ir
elle,
is prédécea firent gloire d'instituer dans l'Eglise
romaine, BD 1 -ur autorité apostolique, la fête delà Cor
ti . ■ • • t une ative
vition é lit affirmée d • la
manière il la pins nrça Lchèrentde plu
en plus à aerroitre l'-éclal d fêle et à . r par tous les
dulgeni es, soit
;i..ris-int les Mlles, les pro\ »e placer SOU8
MiRTË. J19
' 'ron.igc de la more de Dieu , honorée sons le titre de l'Imma-
■ Conception, soit en approuvant des confréries, des congréga-
tions, des communautés religieuses instituées en l'honneur de Ja
conception immaculée, soit en excitant par leurs louanges la piété
de ceux qui érigeaient des monastères, des hôpitaux, des autels, des
temples sous ce titre, ou qui s'engageaient sous la foi du serment 5
défendre énergii - ornent l'immaculée conception de la mère de Dieu.
Ils Jurer: surtout heureux d'ordonner que la fête de la Conception
ftrt célébrée dans toute l'Eglise comme celle de la Nativité; et ensuite
qu'on la célébrât avec un octave dans l'Eglise universelle, puis
qa'elle fût mise au rang des fêtes de précepte et saintement observée
partout; enfin, que chaque année, le jour consacré à la conception
Vierge, il y aurait chapelle pontificale dans notre basilique
patriarcale libérienne. Désirant inculquer chaque jour plus proi'on-
dé-nent dans les âmes des fidèles cette doctrine de l'immaculée
conception de la mère de Dieu, et exciter leur piété à honorer et à
. Vierge conçue sans péché, ce fut avec uns grande joie
qu'i.5 permirent de proclamer la conception immaculée de la Vierge
dans les litanies de Lorette et dansla préface même de la messe,
me pour établir la loi de la croyance parla loi de la prière,
Pour nous, marchant sur les traces d'un grand nombre de nof;
feesseurs, non-seulement nous avons reçu et approuvé ce qu'ils
ont s; nt et si pieusement établi, mais encore nous souve-
nant de l'institution de Sixte IV, nous avons revêtu de la sanction
de notre aub rite un office propre de l'Immaculée Conception et, à
la grande consolation de notre âme, nous en avons accordé l'usage
dise universelle.
Les choses qui appartiennent au culte tiennent étroitement et par
un lien intime à l'objet même du culte, et elles ne peuvent se main-
tenir détei et fixes, si cet objet demeure dans un état de doute
«t d'ambiguïté. C'est pourquoi nos prédécesseurs les pontifes
romains, en mettant tous leurs soins à accroître le culte de la con-
ception , s'appliquèrent avec sollicitude à en déclarer et à en incul-
ot la doctrine. Ils enseignèrent donc clairement et
•tement que la fête avait pour objet la conception de la Vierge,
proscrivirent comme fausse et contraire à l'esprit de l'Eglise ,
qui peu- .i aient que ce n'est point J a
Iglise honore. Ils ne crurent
r avec plus de m< 'it envers ceux nui, pour
rumer la doctrine de l'immaculée conception de la Vierge, avaient
120 MATITE.
imaginé une distinction entre le premier et le second instant rie la
conception, disant que l'Eglise, à la vérité, célèbre la conception,
mais qu'elle n'entend pas l'honorer dans son premier instant ou
premier moment. Nos prédécesseurs, en effet, regardèrent comme
'.eur devoir de protéger et de propager avec le plus grand zèle, non-
seulement la fête de la Conception de la bienheureuse Vierge, mais
encore la doctrine que la conception, dès le premier instant , est le
véritable objet de ce culte. De là ces paroles tout à fait décisives \ ar
.esquelles notre prédécesseur, Alexandre VIT, déclara la vérit. Me
intention de l'Eglise : «C'est l'ancienne et pieuse croyar.ee des fid( 1 s
chrétiens, que l'âme de la bienheureuse Vierge Marie , dès le pre-
mier instant de sa création et de son union au corps , a été' , par grâce
et privilège spécial de Dieu, et en vue des mérites de J. C, son Fils,
Rédempteur du 'genre humain, préservée et exempte du péché
originel, et c'est en ce sens qu'ils honorent et célèbrent avec polptr '*6
a fête de sa conception (1). »
Nos prédécesseurs s'attachèrent surtout avec un soin jaloux et -ne
vigilance extrême, à maintenir inviolable et à l'abri de toute attaque
^a doctrine de l'immaculée conception de la mère de Dieu. Non-seu-
lement ils ne souffrirent jamais que cette doctrine fut en aucune
façon censurée et outragée ; mais allant beaucoup plus loin, ils pro-
clamèrent , par des déclarations formelles et réitérées , que la doc-
trine en vertu de laquelle nous confessons l'immaculée conception
le la Vierge est pleinement en harmonie avec le culte ecclésiastique,
et que celte doctrine antique et universelle, telle que l'Eglise
romaine l'entend , la détend et la propage, est digne à tous ég
l'être formulée dans la sacrée liturgie elle-même et dans les solen-
nités de la prière. Non contents de cela, pour que cette doctrine de
.a conception immaculée de la Vierge demeurai inviolable . ils
défendirent, sous des peines sévères, de soutenir, soit publique-
ment, soit en particulier, la doctrine contraire, voulant, par Les
coups répétés portés .ri cette dernière^ La faire succomber. I
que ces déclarations éclatantes et réitérées ne parussent pas vaincs ,
ils les revêtirent d'une sanction. Notre prédécesseur Alexandre Vil ,
jue nous venons de citer , a rappelé toutes ces choses en es
'ermes :
« Considérant qu" la sainte Eglise romaine célèbre solemiellfti-W
.a le te de la Conception de Marie sans lâche et toujours vierge, et
\i) Alexandre YU , popiti S"'i"itu<io omnium t *>***»♦»»'« > a uo.^uiDre ir>v;
WAÏÏIE. 121
qu'autrefois elle avait ordonné un office propre sur ce mystère ,
selon la pieuse et dévote disposition de notre prédécesseur Sixte IV;
"voulant à notre tour favoriser cette louable dévotion , ainsi que la
1, le et le culte qui en est l'expression , lequel n'a jamais' changé
dans l'Eglise romaine depuis qu'il a été institué; et désirant , à
l'exemple des pontifes romains nos prédécesseurs, protéger et favo-
cette piété et cette dévotion qui consistent à honorer et célébrer
la bienheureuse Vierge comme ayant été, par l'action du Saint-
Esprit , préservée du péché originel ; enfin , pour conserver le trou-
peau du Christ dans l'unité d'esprit et dans le lien delà paix , pour
éteindre les dissensions et faire disparaître les scandales; sur les
instances et les prières des évêques susnommés , unis aux chapitres
de leurs églises, ainsi que sur les instances et les prières du roi Phi-
lippe et de ses royaumes , nous renouvelons les constitutions et
décrets que les pontifes romains , nos prédécesseurs, et spécialement
Sixte IV, Paul V et Grégoire XV, ont portés en faveur du sentiment
qui affirme que la bienheureuse Vierge Marie, dans sa création et
dans son union avec le corps , a été pourvue de la grâce du Saint-
Esprit , et préservée du péché originel; et aussi en faveur de la fête
et du culte de la conception de la même Vierge , mère de Dieu , les-
quels lui sont offerts comme il est dit plus haut dans le sens de
cette doctrine ; et nous commandons que l'on garde lesdites consti-
tutions et décrets sous les peines et censures qui y sont spécifiées.
« En outre , quant à tous et à chacun de ceux qui cherchent à
interpréter des constitutions et décrets de manière à diminuer la
faveur qui en résulte pour la doctrine en question , et pour la fête
ou le culte rendu dans le sens de cette doctrine , ou qui s'efforcent
de mettre en discussion cette doctrine ou ce culte , ou d'en faire les
objets de leurs attaques, soit directement, soit indirectement, même
sous le prétexte d'examiner si cette doctrine peut être définie , de
commenter ou d'interpréter l'Ecriture sacrée, ou les saints Pères,
ou les docteurs ; tous ceux , en un mot , qui auraient l'audace , par
quelque motif que ce puisse être et de quelque façon que ce soit, de
parler , de prêcher , de traiter , de disputer contre elle , par écrit ou
de vive voix, en déterminant ceci ou cela, en affirmant, en faisant
valoir des arguments, ou en laissant sans solution les argument;
, ou quel que puisse être le moyen employé dans le même
but : quant à tous ceux-là, outre les peines et censure contenue ;
dan- les constitutions de Sixte IV , auxquelles nous entendons les
soumettre et les soumettons par les présentes , nous voulons qu ■
122 haute.
par e^seal'foit et sans autre t privé*? du pouvoir
de prêcher, de lire en public ou '' • ^n?i
que de toute voix active ou pas
don::, ipso facto, et Fans autre déclaration, frappes à perpétuité
d'incapacité pour prêcher . lire e -prêter,
et ils il ■ • absous ' de ces peines que par
nous-] par nos successeurs ; et n as entendons les
in* ei autres peines que nous ou les pontifes romains nos
successeurs pourront leur infliger, comme nous les y soumettons
par les présent s . renouvelant les constitutions ou <!;'< sus
rappelés de Paul V et de Grégoire XV.
a Quant aux li\i - els la doctrine susdite , la fête ou le
culte rendu dans le sens de cette doctrine , se trouverai^ revo pée
en doute, ou dans lesquels, en quelque manière que ce soit, q
que chose serait t'erit contre elle, ou qui contiendraient des discours,
disputes ou traités destinée à la combattre, nous prohibons tous
ceux qui ont été publiés postérieure ne -t au té «le Paul V ,
ou qui seraient publiés à l'avenir; et cela, sous les peines et c<
res s- I l'index des livres prohibés ; e
voulons qu'ils soient tenus et considérés comme expieôsénient pre-
IiilxV ipsofaeto, et sans autre déclaration. »
Tout le monde sait avec, quel zèle cet.'
conception de la Vierge mère de Dieu a :, soutenue et
défendue par les ordres religieux les plus il
niies le théologie les plus célèbres, plus ver-
séidans la s :ience sacrée, fout le monde sait également co
évêques ont toujours été jaloux , et même dans les
«astiques, le déclarer ouvertement et publiquement
' • mère de Dieu, I
ipteur .i. G., n'a jamais été . mais
qu'elle a rement préservée delà , etde
te . rachel 5e d'ui e açonplus a '
int l'autorité la pi le do
; île- En Foj lécret dogmati '-
nei , où, conformément au
saints Pères et d et
ions les nom ne- irla faut lie; 1
a déclaré at qu'il n'était pas dans son inti
prendre dans ce décr
bienheureuse et imma m i..> \ . de Diee Par cette
MARIB. 423
r1 ' ' g Pères de Trente ont montré, autant que les temps et
les n inconstances le rendaient opportun , que la bienheureuse Vierge
Marie a été exempte de la tache originelle, et ils ont ainsi exprimé
clairement que rien 'ans les divines Lettres, rien dans la tradition
ni dans l'autorité des Pères, ne peut être valablement allégué qui,
en quelque manière que ce soit, porte atteinte à cette grande
prérogative delà Vierge.
Et rien n'est plus véritable : de célèbre!? monuments de la véné-
rable antiquité, tant de l'Eglise orientale que de l'Eglise occidentale,
prouvent en effet avec évidence que, cette doctrine de l'immaculée
conception de la très-bienheureuse Vierge Marie, qui a été dîme
manière s: éclatante expliquée , déclarée et confirmée chaque jour
davantage, qui s'est propagée d'une façon merveilleuse chez tous
les peuples et parmi toutes les nations du monde catholique, avec lo
lèrni^ assentiment de l'Eglise, par son enseignement, son zèle, sa
science et sa sagesse , a toujours été professée dans l'Eglise comme
nain en main de nos pères, et revêtue du caractère de
doctrine iv\ êléù. Car l'Eglise du Christ, vigilante gardienne et pro-
tectrice des dogmes qui iui sont confiés , n'y change rien , n'en
diminue rien, n'y ajoute rien; mais traitant avec une attention
scrupuleuse, avec fidélité et avec sagesse les choses anciennes , s'il
en est que l'antiquité ait ébauchées et que la foi des Pères ait indi-
quées, elle s'étudie à les dégager, à les mettre en lumière, de telle
sorte que ces antiques dogmes de la doctrine céleste prennent l'évi-
dence, l'éclat, lanetteté, touten gardantleur plénitude, leur intégrité,
leur propriété, et qu'ils se développent, mais seulement dans leur
propre nature , c'est-à-dire en conservant l'identité du dogme , du
sens , de la doctrine.
Les Pères et les écrivains de l'Eglise , instruits par les oracles
'es. n'ont rien eu plus à cœur, dans les livres qu'ils ont com-
pliquer les Ecritures, pour défendre les dogmes, pour
nire les fidèles , que de célébrer à l'envi et d'exalter de mille
manières admirables la souveraine sainteté de la Vierge, sa dignité,
intégrité de toute tache du péché, et son éclatante victoire sur
le cruel ennemi du genre humain. C'est pourquoi, lorsqu'ils rap-
p ent les paroles par lesquelles Dieu, dans les commencements du
t les remèdes préparés dans sa miséricorde pour
■r les mortels, confondit l'audace du serpent séducteur et
dleusement l'espérance de notre race, en disant : « Je
mettrai l'inimitié entre toi et la femme, entre ta race et la sienne, »
424 MARIE.
les Pères enseignent que, par cet oracle, a été" clairement et ouverte^
mont annoncé le miséricordieux Rédempteur du genre humain, le
Christ Jésus, Fils unique de Dieu, et que sa bienheureuse mère la
Vierge Marie y est aussi désignée, que l'inimitié du fils et delà
mère contre le démon y sont également et formellement exprim
C'est pourquoi, de même que le Christ médiateur de Dieu et des
hommes, ayant pris la nature humaine, efface le sceau de la sen-
tence qui était contre nous, et triomphant l'attache à la croix; de
même la très-sainte Vierge, unie à lui par un lien étroit et indisso-
luble, avec lui et par lui exerçant des hostilités éternelles contre le
serpent vénéneux et triomphant pleinement de cet ennemi, a écrasé
sa tête de son pied immaculé.
Ce triomphe unique et glorieux de la Vierge, son innocence très-
excellente, sa pureté, sa sainteté, son intégrité préservée de '.<
souillure du péché, son ineffable richesse de toutes les gi
célestes, de toutes les vertus, de tous les privilèges , sa grandeur , les
mêmes Pères en ont vu l'image, tantôt dans cette arche de Noé,
qui, après avoir été établie de Dieu, échappa pleinement saine et
saine au commun naufrage du monde entier; tantôt dans cette
échelle cjue Jacob vit s'élever de la terre au ciel; sur les cb
de laquelle les anges de Dieu montaient et descendaient, tandis que
Dieu lui-même s appuyait sur le sommet; tantôt dans ce buisson
que Moïse vit tout en feu dans le lieu saint, et qui , au milieu des
flammes pétillantes, loin de se consumer ou de souffrir la diminu-
tion même la plus légère, verdissait merveilleusement et se couvrait
de fleurs; tantôt dans cette tour inexpugnable enlace de l'ennemi,
à laquelle sont suspendus mille boucliers, et l'armure complète d< s
forts; tantôt dans le jardin fermé, qui ne saurait être violé, et où
aucune ruse ne peut introduire la corruption; tantôt dans •
éclatante cité de Dieu, qui a ses fondements dans les montagnes
saintes; tantôt dans ce très-auguste temple de Dieu, qui, brillant
des splendeurs divines, est plein de la gloire du S ignenr; tantôt
dans une foule d'autres symboles de même nature par lesquels, selon
la tradition d< . Ja dignité sublime de la Mère de Dieu, son
innocence sans tache, et sa sainteté préservée de toute atteinte»
il été a Imirablemenl Dgurées et prédites.
Pour décrire ce même ensemble, ou, pour ainsi parler, cette tota-
Le dons divins et cette intégrité originelle de la Vierge, de qui
-us, ces mêmes Pères, se servant des paroles des prophètes,
célébré l'auguste Vierge «dle-mômo comme la colombe pure,
MARTE. 425
la sainte Jérusalem, le trône sublime de Dieu, l'arche de sanctifi-
cation et la maison que la Sagesse éternelle s'est bâtie; comme cette
reine qui, remplie de délices et appuyée sur son bien-aimé, sortit
de la bouche du Très-Haut toute parfaite, toute belle, toute chère à
Dieu. Et considérant dans- leur cœur et leur esprit que la bienheu-
reuse Vierge Marie a été au nom de Dieu et par son ordre appelée
pleine de grâce par l'ange Gabriel lorsqu'il lui annonça son incom-
parable dignité de mère de Dieu; les Pères et les écrivains ecclésias-
tiques ont enseigné que par cette singulière et solennelle salutation
dont il n'y a pas d'autre exemple, il est déclaré que la mère de Dieu
est le siège de toutes les grâces, qu'elle a été ornée de tous les dons
du Saint-Esprit ; bien plus, qu'elle est comme le trésor infini et
l'abîme inépuisable de ces dons; de sorte qu'elle n'a jamais été
atteinte par la malédiction, et que participant, en union avec son
fils, à la bénédiction éternelle, elle a mérité d'entendre de la bou-
che d'Elisabeth , inspirée par le Saint-Esprit : Vous êtes bénie entre
toutes les femmes , et le fruit de vos entrailles est béni.
Aussi c'est leur sentiment, non moins clairement exprimé qu'una-
nime, que la glorieuse Vierge, en qui celui qui est puissant a fait
de grandes choses, a brillé d'un tel éclat de tous les dons célestes,
d'une telle plénitude de grâce, et d'une telle innocence , qu'elle a
été comme un miracle ineffable de Dieu, ou plutôt le comble de
tous les miracles, et en un mot digne mère de Dieu; et que rappro-
chée de Dieu autant qne le comporte la nature créée et plus que
toutes les créatures, elle s'élève à une hauteur que ne peuvent
atteindre les louanges ni des hommes, ni des anges. Pour attester
cet état d'innocence et de justice dans lequel a été créée la mère
de Dieu , non-seulement ils l'ont souvent comparée à Eve , vierge ,
innocente et pure, avant qu'elle lut tombée dans les embûches
mortelles de l'astucieux serpent, mais encore ils l'ont mise au-dessus
d'elle, trouvant mille manières admirables d'exprimer cette supé-
riorité. Eve, en effet , en obéissant misérablement au serpent, per-
dit l'innocence originelle et devint son esclave; mais la bienheureuse;
Vierge , augmentant sans cesse ses dons d'origine, loin de jamais
prêter l'oreille au serpent, détruisit entièrement, par la vertu
divine qu'elle avait reçue, sa force et sa puissance.
C'est pourquoi ils n'ont jamais ceesé d'appel r la rère de Pieu,
lis parmi les épines, terre entièrement intacte, virginale, sans
tache, immaculée, toujours bénie et libre de toute contagion u
péché , dont a été formé le nouvel Adam ; paradis tout brillant, tout
t20 MARIE.
agréable, terni parfait d'inhoc
établi par Dieu nJétrie et dé idù i les emhuches du
serpent vénéneux 3 bois incorruplibl* (jue le ver du péché n'a
jamais _ài<': foni irii I .■• ijoursclaire j scellée par la vertu de L'Es]
Saint; temple di\ in, trésor d'immoi aie «tu ique tille
de la mort, mal? de la vie; rejeton 'le grâce et n>
par une providence spéciale de Lieu, s'élevait verd l'une
racine mfe tée <• rrdmpuef; a toujours fleuri en dehors des lois
établies et communes. Et comme si ces choses, malgré les* 5]
deur, étaient insuffisantes, ils ont déclaré par des par
et précisée que, Icmqil'i] s'agit du péché, il ne saurait è're en
aucune façon question de ia sainte Vierge Marie, à qui a été donnée
une surabondance de grâces pour le vaincre entièrement. Ils ont pro-
que la très-glorieuse Vierge a été la ré] , t ice et
une source de vie pour le genre humain; qu'elle était élue avanl
siècles; que le Tout-Puissant se IViait préparée; que Dieti 1
prédite quand D dit au serpent : « Je mettrai l'inimitié entre i
lu femme ; » et que c'est elle , il n'en faut pa rasé
la tète venimeuse de ce môme serpent. C'est pourquoi ils on
que cette bienheureuse Vierge avait été . par grâce , exempt
tache du péché; et pure de toute contagion, et du corps, et de l'âme,
et de l'intelligence; que, toujours en Communication avec Dieu, et
unie à lui par une alliance éternelle, elle n'a jamais été dans les
ténèbres, mais toujours dans la lumière; et que c'est, pu
pour la grâce originelle qui était en elie et non pour l'étal de son
corps, qu'elle a été une demeure digne du Christ.
A tout ce que nous venons de dire, il faut joindre tes magnifique*
paroles par lesquelles, en parlant de la conception de la Viei ge , les
Pères ont rendu ce témoignage que Janati ottatii vàinctfô
par la grâce, s'était arrêtée tremblante et dans l'impur- n; dé
suivre sa marche; car il devait Èë faire que la Vi( rç*é mère de Diett
ne seraiteonçue d'Anne qu'après (pie lagrflCe aurait porté son
Cette conception, en effet, était celle de la femme p
qui de\ait être COhÇÙ le ''ivmicr-né de tOUl 'ations. llsont
déposé que la chair de la \ ierge prise d'Adan i .int reçu tes
souillures d'Adam; (]u'ainsi la bienheureuse Vi< i m temple
créé pat Dieu même, formé par le Saint-Esprit, enrichi mtdé
'pourpiv : de tout es (pie l'or I peut
donner d'éclat; qu'il faut à juste titre l'honorer comme leco I li-
vre propre de fa diviuii'1 • . .. e aux traits enflammât
MAREE. 12"
du malin esprit, comme une nature toute belle et sans aucune
tacli . tant sur le inonde, au moment de sa conception imma-
culée, tous les feux d'une brillante aurore. Il ne convenait pas, en
effet, que ce vase d'élection fût terni des souillures ordinaires, car
bien dînèrent de tous les autres, il est venu de la nature, sans venir
de la faute; bien plus, il était tout à fait convenable que, comme le
Fils unique a eu pour père dans les cieux celui que les séraphins
proclament trois fois saint , il eût aussi sur la terre une mère qui
n'eût jamais été privée de l'éclat de la sainteté. Et cette doctrine était
endée si avant dans les esprits et les pensées de nos pères, qu'elle
avait fait adopter parmi eux ce langage tout particulier et si éton-
nant, par lequel ils avaient coutume d'appeler la mère de Dieu:
immaculée et immaculée à tous égards, innocente et l'innocence
mêîne, intègre et d'une intégrité parfaite, sainte et exempte de toute
souillure de péché, toute pure, toute chaste, le type même de
la pureté et de l'innocence, plus belle que la beauté, d'une grâce
au-dessus de toute espèce de charme, plus sainte que la sainteté,
la seule sainte, très-pure d'âme et de corps, vierge qui a surpassé
toute chasteté et toute virginité, la seule qui ait été faite tout entière
le tabernacle de toutes les grâces du Saint-Esprit, celle qui , au-des-
sous de Dieu seul, est au-dessus de toutes les créatures, qui par nature
est plus belle, plus parfaite, plus sainte que les chérubins et leà
séraphins, que toute l'armée des anges, et dont, ni sur la terre,
ns le ciel, aucune langue ne peut dignement célébrer les louan-
ges. Ce langage, personne ne l'ignore, a passé tout naturellement
dans les monuments de la sainte liturgie et dans les offices ecclé-
siastiques; on l'y retrouve çà et là, il y règne et y domine : la mère
de Dieu y est invoquée et louée comme la seule colombe de beauté,
exempte de corruption ; comme la rose toujours dans l'éclat de
sa fleur; comme entièrement et parfaitement pure, et toujours
immaculée et toujours heureuse, et elle y est célébrée comme
l'innocence qui n'a souffert aucune atteinte, comme une autre Eve
qui a enfanté l'Emmanuel.
Il n'y a donc pas lieu vie s'étonner si cette doctrine de l'immaculée
conception de la Vierge mère de Dieu, consignée dans les divine?
écritures, au jugement des Pères, qui l'ont transmise par leurs
témoignages si exprès et en si grand nombre, doctrine qu'expriment
altent tant d'illustrés monuments de la vénérable antiquité, et
l'Eglise a proposée et confirmée par le plus grave jugement, il
n'y a pas Lea ue s'étonner si cette doctrine à excité tant de piété, de
128 tfÀME.
sentiments religieux et d'amour chez les pasteurs mêmes de l'Eglise
et chez les peuples fidèles, qu'ils se sont glorifiés d'une manière de
jour en jour plus éclatante, et que rien ne leur est plus doux et pins
cher que d'honorer, de vénérer, d'invoquer et célébrer partout, avec
une dévotion ardente, la Vierge mère de Dieu, conçue sans lâche
originelle. Aussi, dès les temps anciens, les pontifes, les membres
du clergé , les ordres religieux , les empereurs même et les rois ont
demandé instamment à ce siège apostolique de définir l'humai
conception de la très-sainte mire de Dieu comme dogme de la foi
cathulique. Ces demandes ont été renouvelées de nos jours; elles ont
été adressées surtout à notre prédécesseur Grégoire XVI, d'heureuse
mémoire, et à nous -même, soit parles évoques, soit par le cli
séculier, soit par les ordres religieux, soit par les souverains et par
les peuples fidèles.
Aussi, connaissant parfaitement toutes ces choses, y trouvant
pour nous -même les motifs de la plus grande joie, et en faisant
l'objet d'un sérieux examen , à peine avons-nous été, malgré notre
indignité, porté, par les desseins mystérieux de la divine providence,
sur cette chaire sublime de Pierre, pour prendre en main le gou-
vernail de toute l'Eglise, que dans le sentiment de vénération, de
piété et d'amour dont nous fûmes, dès notre enfance, pénétré pour
la très-sainte Vierge Marie, mère de Dieu, nous avons altac! Le
plus grand prix à faire tout ce que pouvait encor.' désirer L'Eglise
pour honorer davantage la bienheureuse Vierge et donner un nouvel
éclat à ses prérogatives. Mais voulant apporter à cela toute la matu-
rité p issible, m »us constituâmes une congrégation particulière formée
de plusieurs de nos vénérables frères les cardinaux de la sainte E Lise
romaine , distingués par leur piété , leur prudence et leur science
dans les choses divines. Nous choisîmes en outre, tant dans le clergé
dier que dans le clergé régulier, des hommes profondément
versés dai 3 les sciences théologiques, afin que tout ce qui concerne,
i immaculée conception de la Vierge fût examiné par eux ave- le
plus rand soin, et q - >sent leur propre Bentime t.
Etquoi '■ 1 1 •• ■" les qui non- avaient été adres
de définir enfin L'immaculée conception de la Vierge, nous fit v iir
clairement quel 'tait en ce point le sentiment de la plupart les pas-,
leurs nous <u à tous n >- vénérables frèn
évê [ucs du monde catholique une Lettre encyi lique donnée à
leSfévriei l 19 , pour leur demander d'i ! -■ r Dieu les prières.
et de nous faire ensuite savoir par é- rit quelle était la piété et U
MARTE. d29
dévotion de leurs fidèles envers la conception immaculée de la mère
de Dieu, et surtout ce qu'ils pensaient eux-mêmes de la définition à
porter, quel était sur ce point leur désir, afin de rendre notre juge-
ment suprême avec toute la solennité possible.
Ce n'a pas été, certes, une faible consolation pour nous, quand les
■ ponses de nos vénérables frères nous sont arrivées. Mettant à nous
écrire l'empressement d'une joie et d'un bonheur inexprimables,
non-seulement ils nous ont confirmé de nouveau leurs pieux senti-
ments et la pensée qui les anime, eux tout particulièrement, et
leur clergé, et le peuple fidèle envers la conception immaculée de la
bienheureuse Vierge, mais encore ils ont sollicité de nous, comme
par l'expression d'un vœu commun , que l'immaculée conception de
la Vierge fût définie par le suprême jugement de notre autorité. Nous
n'éprouvâmes pas moins de joie lorsque nos vénérables frères les
cardinaux de la sainte Eglise romaine , composant la congrégation
spéciale dont nous avons parlé , et les théologiens consulteurs choi-
sis par nous, après avoir mûrement examiné toutes choses , nous
demandèrent, avec le même zèle et le même empressement, cette
.1 éfinition de la conception immaculée de la mère de Dieu.
Suivant les traces glorieuses de nos prédécesseurs, et désirant
procéder conformément aux règles établies, nous avons ensuite
convoqué et tenu un consistoire où, après avoir parlé à nos véné-
rables frères les cardinaux de la sainte Eglise romaine , nous avons
i\i l'extrême joie de les entendre nous demander de vouloir bien
émettre une définition dogmatique au sujet de l'immaculée concep-
tion de la Vierge mère de Dieu.
Plein de confiance en Dieu, et persuadé que le moment opportun
était venu de définir l'immaculée conception de la très-sainte Vierge
mère de Dieu, qu'attestent et mettent merveilleusement en lumière
les oracles divins, la vénérable tradition , le sentiment permanent
de l'Eglise, l'accord admirable des pasteurs catholiques et des fidèles,
les actes éclatants et les constitutions de nos prédécesseurs; après
avoir examiné toutes choses avec le plus grand soin, et offert à Dieu
des prières assidues et ferventes, il nous a paru que nous ne devions
plus différer «ie sanctionner et de définir par notre jugement suprême
l'immaculée conception de la Vierge, et de satisfaire ainsi au très-
pieux désir du monde catholique et à notre propre dévotion envers
la très -sainte Vierge, afin d'honorer déplus en plus son fils unique
Notre-Seigneur J. C. , puisque tout ce qu'on rend d'honneur et de
louange à la mère retourne à la gloire du fils.
130 MARIE.
Ci , n'ayant ja m aia beseé J •! Vi-ir. dans l'humilité et le
jeûne, nos prières particulières et les prières publiques de l'Eglise
à Dieu le l'ère par son Fils, pour qu'il daignât diriger ot Tort t
notre àme par la vertu de l'Esprit-Saint, après avoir encore imploré
l'assistance de toute la cour céleste, et appelé par nos gémissements
L'Esprit cou; I > .t aujourd'hui sous son inspiration, pour
l'honneur de la sainte et indivisible Trinité , pour la g- i de
la Vierge mère de Dieu, pour l'exaltation de la foi catholique et pour
l'accroissement de la religion chrétienne, par l'autorité de N< tre-
Seigneur J. C, des bienheureux apôtres Pierre et Paul, et par la
uûtre,nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine
selon laquelle la bienheureuse Vierge Marie fut dès le pre
instant de sa conception , par une grâce et un privilège spécial de
Dieu tout-puissant, en vue des mérites de J. G., sauveur lu genre
humain , préservée et exempte de toute souillure de la faute 0
nelle, est révélée de Dieu, et que par conséqiv nt elle doit être crue
iermement et constamment par tous les fidèles. Si donc quelques-
uib, ce qu'à Dieu ne plaise, avaient la présomption de penser dans
leur cœur autrement qu'il n'a été défini par nous, qu'ils apprennent
et sachent que, condamnés par leur propre jugement, ils ont fait
naufrage hors de la foi et quitté l'unité de l'Eglise; et de plus que
si , par la parole, par l'écriture ou par toute autre voie extérieure,
ils osaient exprimer ces sentiments de leur cœur, ils encourraient
ipso facto les peines portées par le droit.
Ri - .us s'ouvrent ùans la joie et notre langue parle dans l'allj-
gre^- rendons et nous ne cesserons jamais de rendre les plus
humbles et les plus ardentes actions Je grâces au Christ Jésus Notre-
Seigneur qui, malgré notre indignité , nuus a fait la faveur singu-
lière d'oflïir et de décerner cet honneur, cette gloire et eettr fou
à sa très-sainte mère. Et nous nous reposons avec une confiance
entière et absolue dans la certitude de nos espérances, la bienheu-
reuse \ i e belle et immaculée, a brisé la tète vénéneuse
fttt cruel s»rpe il et a apporté le salut au monde; qui estla louange de:i
prophètes et d ê apôtres , l'honneur tles martyrs, la j* »ie et la cou-
ronne de its ; qui , refuge assuré et auxiliafrice invio-
lé de quiconque est en péril, médiatrice et conciliatrice toute-
; iv aupj lils unique, gloire, splendeur et
sauvej !■ la saint- i toujours détruit toutes les héré-
sies ; qui a arracb aux mau
toute espèce les peuules fidèles et les nation», et jui nous a duivié
MARTE. 131
même des périls sans nombre dont nous étions assailli, la
bienheureuse Vierge fera, par son puissant patronage, que, tous les
obstacles étant écartés , toutes les erreurs vaincues, la sainte Eglise
catholique notre mère se fortifie et fleurisse chaque jour davantage
! tous les peuples et dans toutes les contrées, qu'elle règne
ie mer à l'autre, des rives du fleuve aux extrémités de la terre,
qu'elle jouisse pleinement de la paix, de la tranquillité, de la liberté,
afin que les coupables obtiennent le pardon, les malades le remède,
les faibles la force de l'âme, les affligés la consolation, ceux qui
sont en péril le secours; afin que tous ceux qui errent, voyant se
dissiper les ténèbres de leur esprit, reviennent au sentier de la
Térité et de la justice, et qu'il n'y ait qu'un troupeau et qu'un
pasteur.
Queto\is nos bien-aimés fils de l'Eglise catholique entendent nob
paroles; qu'ils persévèrent, et avec une ardeur encore plus vive de
piété, de religion et d'amour, à honorer, invoquer et prier la bien-
heureuse Vierge Marie mère de Dieu, conçue sans tache originelle,
et qu'ils aient recours avec une entière confiance à cette douce mère
de grâce et de miséricorde dans tous leurs dangers, leurs angoisses,
jeurs nécessités, leurs craintes et leurs frayeurs. Il n'y a rien à
craindre; il n'y a jamais lieu de désespérer quand on marche sous
la conduite, sous les auspices, sous le patronage et sous la protec-
tion de celle qui , ayant pour -nous un cœur de mère , et se char-
geant de l'affaire de notre salut, étend sa sollicitude à tout le genre
humain. Etablie par le Seigneur reine du ciel et de la terre, exaltée
au-dessus de tous les chœurs des anges et de tous les ordres des
saints, assise à la droite de son fils unique Notre-Seigneur J. C, ses
prières maternelles ont une force toute-puissante; ce qu'elle veut,
elle l'obtient; elle ne peut demander en vain.
Enfin, pour que cette définition de l'immaculée conception de la
bienheureuse Vierge Marie parvienne à la connaissance de toute
ise, nous avons voulu publier cette lettre apostolique qui
en conservera à jamais la mémoire; ordonnant que les copies ou
exemplaires, même imprimés, de cette lettre , s'ils sont souscrits
par un notaire public ou munis du sceau d'une personne constituée
en dignité ecclésiastique , fassent foi pour tous, comme si l'original
même était produit.
Qu'il ne, soit donc permis à aucun homme d'enfreindre le texte
Je notre déclaration, décision et définition, ou par une audace
téméraiic ae le contredire et de s'y upuuser. si quelqu'un ne craint
132 MARIE.
pas de commettre cet attentat, qu'il sache qu'il encourra l'indigna-
tion de Dieu tout-puissant et de ses bienheureux apôtres Pierre et
Paul.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, l'an de l'Incarnation de Notre-
Seigneur mil huit cent cinquante-quatre, le six des ides de décembre
de l'année MDCCCLIV, de notre pontificat Tan neuvième.
PIUS IX, pape.
V. Marie n'a |\f auie conçue sans péché, immaculée dans sa conception , née sans
jamais pe< hé; _ , ,, ,, . .
elle tache , vécut sans tache ; jamais elle n'éprouva aucune révolte dans
impeccable. les 8en9J (lans la chair, dans l'âme, dans l'esprit et dans le cœur
Marie n'a jamais commis la moindre faute, le plus léger péché
véniel. C'est la ferme croyance et l'enseignement formel del'Egl'.se;
le saint concile de Trente l'a déclaré ( Sens. VI, can. x\ui).
A l'extérieur, Dieu éloignait de Marie les occasions du p€cft£;
à l'intérieur, il lui suggérait de saintes pensées et de sublimes
désirs. Elle ne s'occupait que de Dieu. Son intelligence était remplie
de lumières, sa volonté de célestes affections. Elle éprouvait une
horreur invincible pour le démon , pour le péché, et semblable aux
eaux d'un fleuve rapide , elle avançait constamment dans la voie de
ia plus sublime perfection. Jamais ses forces et son ard sur pour le
bien ne diminuèrent,, mais elles allèrent au contraire toujours en
augmentant.
Deux causes préservèrent Marie même de la faute la plus légère.
Èa première est la protection et la constante assistance de Dieu, qui
gouvernaient et réglaient tellement tout en elle, qu'elles préve-
naient mieux encore que dans Adam innocent tout mouvement ,
•m* me indélibéréf de la concupiscence. Telle fut la véritable cause de
'assoupissement , ou plutôt de L'extinction absolue du foyer de la
concupiscence et de l'absence de tout péché en Marie. La seconde
sause fut la parfaite correspondance qu'elle apporta à toutes les
grâces et son aident amour pour Dieu
Il faut avouer que, par sa dignité le mère de Dieu, Marie méritait
sett • resgue confirmée en grâce et comme impecca-
ble. Il était d'ailleurs tivs-c mvenable qu'il en fût ainsi, parce qu'elle
est l'avocate, La médiatrice et en quelque sorte la rédemptrice des
Oommes. Beaucoup de docteurs ont soutenu que Marie était absolu-
a . C'est le sentiment «le saint Bonaventure , de
Aichard le Saint- Victor , de Marsilius , d'Alniain, et de beaucoup
WÀME. 133
d'autres. La plupart croient que Marie était du moins moralement
impeccable, et par ceLte impeccabilité morale, ils entendent la cer-
titude infaillible où elle se trouvait qu'elle ne pécherait pas.
Celle qui avait été destinée par Dieu à écraser la tête du serpents
ne pouvait pas tomber dans les pièges de l'ennemi des hommes
Celle qui devait porter dans son sein le Sauveur du monde devait
être sans tache.
Cieux, versez votre rosée ; nuées, envoyez le juste comme une pluie; vl- Nativta
que la terre s'ouvre et qu'elle enfante le Sauveur : Borate, cœli, desu-
per , et nubes pluant justum ; aperiatur terra et germinet Salvatorem
(Isai. xlv. 8). Ces paroles prophétiques, admirable expression des
désirs d'Isaïe, s'appliquent à J. C, mais aussi àMarie, puisque sans
Marie le Verbe ne se serait pas incarné.
Une étoile sortira de Jacob, dit Balaam : Orietur Stella ex Jacob
(Nun. .\xrv. 17). Cette étoile c'est Marie; elle vient au monde
comme l'astre brillant de l'aurore qui annonce le lever du soleil de
l'éternité. Aussi l'Eglise invoque-t-elle Marie sous le nom d'Etoile
du matin : Stella matutina (Litan. ).
Un rejeton, dit Isaïe, naîtra de la tige de Jessé; une fleur s'élèvera
de sa racine : Fgredietur virga de radiée Jesse, et flos de radiée ejus
ascendet ( xi. 4 ). L'esprit du Seigneur reposera sur ce rejeton, l'esprit
de sagesse et d'intelligence , l'esprit de conseil et de force, l'esprit de
science et de piété, et il le remplira de la crainte du Seigneur : Et
reguiescet super eum spiritus Dowini ; spiritus sapientiœ et intellectus ,
tpiritus consilii et fortitudinis, spiritus scientiœ et pietatis, et replebit
mm spiritus tirnoris Domini (Ibid. 2.3). Voilà des prophéties qui se
sont accomplies en Marie lors de sa nativité.
Levez-vous, hâtez-vous, ma bien-aimée, ma colombe, vous qui êtes
belle à mes yeux, venez : Surge, propera, arnica mea, columba mea ,
formosa mea, et veni (Cant. il. 10). Avant la venue de J. C, le ciel
et la terre empruntaient à l'envi ces paroles pour exprimer combien
ils désiraient la naissance de celle qui devait être la mère du libéra-
teur promis. Accomplissant le serment que j'ai fait à Abraham ton
père, je te bénirai, dit le Seigneur à Isaac, et toutes les nations de
la terre seront bénies en ta postérité : Benedicam tibixcomplens jura-
mentum quod spopondi Abraham pat ri tuo : et benedicentur in semine
tuo omnes gentes terrœ (Gen. xxvi. 3. 4). Venez, ô libérât r du
genre humain; en vous comme en J. C, ou plutôt, en vous p ■ J . C,
toutes les nations de la terre seront bénies. Je vous salue, plc.ue de
134 MAKTE.
grâce, le Seigneur est avec vous; vous êtes bénie entre fouies les
femmes : Ave, gratia plena, Dominus tecum; benedicta tu in mulieribus
(Luc. i. 23).
A la naissance de cette incomparable Vierge , le? ancres s'écrient :
Quelle e=t celle-ci qui s'avance comme l'aurore naissante, bell
comme la lune, brillante comme le soleil, terrible comme une
armée rangée en bataille ? Quœ est ista quœ progreditur quasi nurora
consurgens, pulchra ut luna, electa ut sol, terribilis ut custrorum acies
ordinata? ( Cant. tt. 9.)
Ne pouvait-on pas dire à la naissance de Marie, ce que l'anse dit
aux bergers à la naissance de J. C. : Je vous annonce ce qui sera
une gran le joie pour tout le peuple? Il vous est né aujourd'hui un
sauveur. Gloire à Dieu, dans les hauteurs du ciel, et paix sur la
terre aux hommes de bonne volonté ( Luc. n. 10. il. 14).
En créant Marie , Dieu pensait à J. C; il ne travaillait que pour
lui, dit Tertullien : Christus cogitahatur [ De Resurrect. carnis, n 1 ).
Ainsi , ne vous étonnez pas, dit Bossuet , ni s'il l'a formée avec
tant de soin , ni s'il l'a fait naitre avec tant de grâces : c'est qu'il no
l'a formée qu'en vue du Sauveur. Pour la rendre digne de son Fils,
il la tire sur son Fils même, et devant nous do. mer bientôt ?< n
Verbe incarné, il nous fait déjà paraître aujourd'hui , on la oal
de Marie , un J. C. ébauché , si je puis parler de la sorte, un J. C.
commencé, par une expression vive et naturelle de &es penecùuiia
infinies (Serm. v sur fa Nativ. ).
Le Seigneur choisit Marie pour lui; jugez de quelle gtSfcmi et. ri»
quelles richesses il la combla dès sa naissance ! Je vois déjà briller en
elle l'innocence de J. G., qui couronne sa tète. A Ja naissance de
la Vierge, l'aurore du grand jour de J. C. se leva, dit saint Pierre
Damien : Ifùia Virgine sutrexit aurora ( Serm. xl in As-nmpt. ). La
ifé du matin est un gage de celle de la journée. Marie venant
enfin annoncer la lumière, nous a donné par Ha naissance le plus
pur et le plus brillant des matins, dit le même Père : Maria sero
prawià luminis , nativitate sua mane àlarissimuth serenavit ( Ut supra).
Que pensez-vous que sera cet enfant? disait-on à Ja naissance de
Jean-Baptiste : Qui tef iste erit? ( Lue. ft GH.) Que penser de
Marie naissante? que sera-t-elle? Mère de Dieu I Voilà comment il
faut mesurer sa grandeur File est le temple vivant où se repi
Jéhovah!... Avec elle arrivera notre salut Que sera cet enfant 1
La m les mortels
La nativité la terre; Vassomption la donne au
WAftTE. 135
ciel Dans sa natitîté, Marie reçoit tous les biens, et elle nous les
communique...
Marte veut dire docteur, maîtresse , guide sur la mer. Marie, dit vn. si-ni!i-
aint Isidore , signifie lumière ou étoile de la mer; car Marie a mis Je Marie,
au momie la lumière éternelle ( Lib. Vil Etymol., c. x).
■ie lit enten Ire ces paroles prophétiques : En vous invoquant,
ils invoqueront un grand nom : Nomen magnum invocabunt in te
(xi». 15).
Vous serez grande, est-il dit de Judith, et votre nom sera prononcé
dans toute la terre : Tu magna eris , et nomen tuum nominabitur in
universa terra (xi. 21 ). Or, Judith n'était que la figure de Marie.
Aujourd'hui le Seigneur a rendu votre nom si glorieux, que la
bouche des hommes ne cessera de vous louer : Hodie nomen tuum ita
<(lcavit,ut non recédât laus tua de ore horninum (Judith, xn. 15).
Le nom de Marie équivaut à une prophétie, dit saint Pi?rre
Chrysologue. Il signifie salut pour ceux qui renaissent, gloire de la
vertu , honneur de la pureté , arrivée de la chasteté, sacrifice d'un
Dieu, tendresse miséricordieuse qui ne repousse personne, réunion
de tout ce qu'il y a de saint. Le nom de la mère de J. G. est ajuste
titre un nom maternel (1).
Votre nom, ô mère de Dieu, est plein de bénédictions, dit Métko-
dius {Orat. in IJyp.).
Les ennemis que nos yeux peuvent voir , dit saint Bernard , crai-
gnent moins une nombreuse armée rangée en bataille, que les
puissances de l'air ne redoutent le nom de Marie; partout où elles
le trouvent souvent prononcé , dévotement invoqué, partout où
l'on imite les vertus de celle qui le porte, elles fondent et disparaÏE-
sent comme la cire devant le feu (2).
L'invocation du nom de Marie sauve quelquefois plus prompte-
ment que celle du nom de Jésus , dit saint Anselme; non pas que le
nom de Marie soit plus grand et plus puissant que celui de Jésus :
il ne lire point sa grandeur et sa puissance de Marie, mais de Jésus
(1) Nomen hoc | -rmanttm est; hoc renascentibus sahitare, ! oc virtutià
■. boc pudicilue decus, hoc in liciutn castitatis, hocDei sacrifîcium, hoc hospi-
t . Mi-tns, hoccollegium sanctitalis. Merito ergo matris Ghristi nonien hoc est
naternttm (Serm. cxlvi).
Son sic liment hostes visibiles castrorum aciem copiosam , sicut aereae
tes Marias vocabulum : flnunt et pereunt sicut cera a facie igojsj ubicumque
taviniunt crebrain hnjus nominis recordatiouem, devotain iuvocationem, soUicilam
iKJtUteooem ( Sjjeculi B. Virg.y c. ix ).
436 MARIE.
seul. Toutefois Jésus est le Seigneur et le juge universel ; il discerne
les mérites de chacun de nous. Lors donc qu'il n'exauce pas quand
on invoque son nom, il agit avec justice; mais lorsqu'on invoque le
nom de sa mère, si celui qui l'invoque ne mérite pas d'être exaucé,
les mérites de Marie intercèdent pour lui et font qu'il obtient ce qu'il
demande en son nom ( De Excell. Virg. , c. i ). Le nom de Marie est
le nom de la plus tendre des mères. Elle ne fait pas la fonction de
juge, mais d'avocate, de protectrice
Saint Léon qualifie de très-salutaire la bienheureuse Vierge : Salu~
tiferam ( Serm. de Annunt. ).
Comme la respiration , dit saint Germain, patriarche de Constan-
tinople , est non-seulement un signe de vie , mais encore la cause
même de la vie, ainsi la fréquente invocation du très-saint nom de
Marie est la preuve qu'on a la précieuse vie de la grâce ; et ce nom
la conserve, communiquant la joie et la force en toute occasion (Serm.
de Zona D. Virg. ).
Dieu, dit saint Paul, a élevé J. C, et lui a donné un nom qui est
au-dessus de tout nom, afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse,
au ciel, sur la terre et dans les enfers ( Philipp. n. 9. 10). Ainsi en
est-il du nom divin Me Marie. Le nom de Marie, c'est Marie elle-
même : ce nom, c'est sa renommée, sa gloire, sa grandeur, sa sain-
teté, ce qui la fait connaître. Après le nom de Jésus, il n'y a pas de
nom qui assure le salut comme le nom de Marie. Ce nom renferme
toute l'économie de l'incarnation et de la rédemption
0 nom béni, nom plein de douceur! Votre nom. ô Marie, est
l'huile de la consolation et de la force : Oleum e/fusum nomen tuum
(Cant. i. 3).
L'huile, dit saint Bernard , éclaire, entretient le feu, nourrit et
assouplit; elle fortifie le corps et calme la douleur ; c'est à la luis une
source de lumière, un aliment, un remède. De même, le nom de
Marie est une huile très-douce : prononce/.-lr , il éclaire; méditez-le,
il nourrit; invoquez-le, il adoucit et ferme les blessures. Le souvenir
du nom de Marie fortifie, il ranime , il aide à pratiquer la vertu, il
soutient les bonnes mœurs et protège la pureté. Sans la douceur,
sans le sel de ce nom chéri, toute nourriture est insipide. Le nom
de Marie donne la fui, L'espérance et l'amour; il ramène le pécheur,
il fait persévérer le juste, il écrase la tête du serpent , il ferme l'en-
fer, il donne entrée dans le séjour des élus. Ce nom est la clef du
ciel; on le prononce , et il tait céder la porte du paradis. Il met en
fuite la par^se , la tiédeur, la colère, l'orgueil, la luxure, et éiwnfc
MARIE. 137
les flamme? ries passions. Le nom de Marié me rappelle l'humilité,
la pureté, Ja patience, l'amour de la mère de Dieu; il m'engage à
limiter. Ce nom porte avec lui la paix, la vertu, l'ordre, l'harmo-
nie . la prospérité ( Serm. xv in Cant. ).
Le nom de Marie , d° calme la colère et toutes les passions... ; 2° il
apporte la grâce et la miséricorde...; 3° il soutient l'âme et lui com-
munique le feu de la charité...; 4° il protège l'honneur et la réputa-
tion...; 5° il console les affligés...; 6° il donne Ja victoire...; 7« il
enivre par de secrètes délices...; 8° il guérit tous les maux
Que ce nom divin de Marie soit dans votre coeur , dans votre
bouche ; qu'il soit votre force, votre consolation, votre joie ; ayez-le
sur vos lèvres, dans vos lectures, vos prières, vos méditations;
qu'il vous accompagne durant la vie, à la mort, et qu'il repose sur
votre tombeau comme un gage de résurrection.
Le nom de Jésus, dit saint Bernard, est doux comme le miel
dans la bouche; c'est une mélodie pour les oreilles, une joie pour
le cœur : Jésus est mel in ore , tnelos in aure , jubilus in corde ( Serm.
xv in Cant.).
Le nom de Marie produit les mêmes effets
Setgneïïk, je vous prie, envoyez celui que vous devez envoyer : Vin. Atmon-
Obsecro , Domine, mitte quem missurus es ( Verba Moysis ad Dom. etincarnation
Exod. iv. 13 ).
Les promesses faites aux patriarches vont s'accomplir.....
L'ange Gabriel , dit l'Evangile , fut envoyé de Dieu dans une ville
de Galilée , appelée Nazareth , à une vierge ; et Marie était le nom
de la vierge. Et l'ange étant entré où elle était, lui dit : Je vous
salue , pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous : vous êtes bénie
entre toutes les femmes (1).
Je vous salue, s'écrie saint Grégoire Thaumaturge, temple du
Dieu vivant ; vous enfanterez celai qui sera la supiême joie de l'uni-
vers; vous serez la gloire des vierges et le bonheur des mère^:
Ave, animatum Dei templum ,• quia summum toti mundo gaudium
paries; eris virginum gloriatio, et matrum jubilât io (Serm. il de
Àrmunt.).
Pleine de grâce : Gratia plena. Elle tes a reçues toutes. Marie est
(1) Missus est an?eius Gabriel a Deo in civitatem Gai leae, cui noincn ]Sazi'-eth,ad
virginem; et iiomeo virginis .Maria. Et fcfressus angélus ad eaiti . dixit : a vc gratis
plena, Loiumus tjcmn ; benedicta tu in mujieribus (Luc. 1.26-28),
438 statut:.
la bien-aimée de Dieu La grâce est descendue rar elle comme un
fleuve immense ; les saints n'en ont eu que des ruisseaux
Voilà, dit saint Pierre Chrysologue, voilà la grâce qui a douné au
ciel la gloire , un Dieu à la terre , la foi aux nations , la mort aux
vices, l'ordre à la vie, une règle aux mœurs : Bée *»î gratta qum dédit
cxlis gforiam, terris Deum, (idem gentibus, finem viàis, vilœ ordinem,
moribus discî/jlinom ( Serm. cxliii).
L'ange a apporté cette grâce, continue ce grand saint, et la Vierge
l'a reçue, elle qui devait procurer le satut à tous les siècles : Hanc
gratinm detulit angélus, acce^it Yirgo, salutem secvlis itddiiura
(Serm. cxliii ).
Une jeune Vierge conçoit un Dieu; elle le reçoit dans son
sein pour donner la paix à la terre, le triomphe au ciel, le
salut aux hommes, la vie aux morts; pour unir l'homme à Dieu,
pour abaisser Dieu jusqu'à l'homme, et de celui-ci faire presque
un Dieu.
Marie est remplie de grâces, dit saint Augustin , Eve est purifiée
de sa faute; la malédiction d'Eve se change en bénédiction «luis
Marie : Impleta est Maria gratia, et fcva vacuata est culpn ; maledictio
£vœ in benedictionem mutatur Moriœ (Serm. xvm de Sinctis ).
Le Seigneur est avec vous : Dominus tecum. Ces paroles de l'ange
expliquent la plénitude de grâces dont Marie a été enrichie : le Sei-
gneur l'assiste , il est avec elle d'une manière spéciale, pour opéivr
l'unique et divin ouvrage de l'incarnation du Verbe. Aussi saint
Augustin commentant ces paroles s'exprime ainsi : Le Si igneur , ô
Marie, est avec vous, il est dans votre âme, il est venu à votre
aide, il est dans votre sein : Tecum Dominus in mente, tecum in
au.vilii), tecum in ventre [Serm. ojusd. ).
(Ju'y a-t-il do surprenant , dit saint Bernard , si Marie était pleine
de grâce, puisque Dieu était avec elle? Quid mirum si gratta
trat, cum qua Dominus erat? (Serm. m super Mi iusest). Il faut
plutôt admirer, ajoute ce gran 1 docteur , comment celui qui avait
envoyé l'ange a été trouvé par lui présent en Marie : Sed potins hoc
mirandum , quomodo qui angelmn miserat al Virginem , ab an'jelo
inventus est esse cum \ i m. ejusd. ). t)ieu l'ut plus agile que
l'ange, il le prévint. A la vérité, l> ints; uns
il était spécialement avec Marie . à étroitement,
qu'il s'unit non-seulement sa volonl '.
sa su!)rdance et de celle de ia \ ormait un Christ qui -
'Mr.- entièrement l'cBUtre ou de Dieu , <>■■ , lût à la
MARIE. 439
de Dieu et tout de Marie; et ae fût pas deux fils, mais un seul fils de
l'un et de l'autre (1).
Saint Bernard enseigne ensuite que la sainte Trinité est avec Marie.
Dieu le Fils, que vous revêtez de votre chair, s'écrie-t-il, n'est pas seul
avec vous, ù Marie; mais encore Dieu l'Esprit-Saint par qui vous con-
cevez; et Dieu le Père qui a engendré celui que vous concevez : Ncc
tantum Dominus Filius tecum, quem carne tua induis; sed et Dominus
Spirttus Sonet us de quo concipis; et Dominus Pater, qui genuit quem con-
cipis (Serm. ni super Missus est ). Avec vous est Je Père qui a fait de
son Fils votre fils; avec vous est le Fils qui accomplit l'admirable
mystère de l'incarnation; avec vous est le Saint-Esprit qui, de
concert avec le Père et le Fils, sanctifie votre sein virginal (2).
Vous êtes bénie entre toutes les femmes : Benedicta tu in mulie-
ribus.
Soyez donc bénie, ô bienheureuse Vierge , s'écrie sainte Brigitte,
vous en qui le Tout-Puissant s'est fait enfant; vous dont le Seigneur
et tin i est devenu le fils dans le temps; vous en qui Dieu, le Créa-
teur invisible, s'est fait créature visible ! (Lib. III Revel. , c. xxix. )
Elle est vraiment bénie, dit saint Pierre Chrysologue, celle qui fut
plusélcéè que le ciel, plus puissante que la terre, plus étendue
que l'univers; car elle seule a contenu celui que le monde entier ne
peut contenir. Elle a porté celui qui porte le monde; elle a engendré
son Créateur; elle a nourri celui qui nourrit tout ce qui vit. Autre-
fois la bénédiction des patriarches fut dans la graisse de la terre.
Voici qu'à son tour notre terre, le sein de Marie, donne son fruit
di\in(3).
Marie, ayant entendu l'ange, fut troublée de ses paroles, et elle
pensait en elle-même quelle pouvait être cette salutation. Et l'ange
lui dit : Ne craignez point , Marie; vous avez trouvé grâce près du
Seigneur : Quœ cum audisset , turbala est in sermone ejus, et cogitabat
(1) Cnm Maria unque tanta ei consensio fuit, ut illius non solum voluntatem, sed
etiam lurnem sibi conjungeret, ac si de sua Virginisque substantia nnum Christum
efiiceret. Qui , etsi , nec totus de Dec- , nec totus de Virgine , totus tamen Dei , et
totus Virginis esset; uec duo iilii, sed unus utriusque filius ( Serm. m super Missus
est).
(2) Pater tecum qui filium suum facit et tuum; Filius tecum ad condendum mira-
bile sacramentum ; Spiritus Sanctus tecum, qui cum Pâtre et Filio , tuum sanctificat
uterura Serm. ni super Missus est).
(3) Vere benedicta quae fuit major cœlo , fortior terra , orbe latior. Nam Deum
quem munius non eapit, sola cœpit. Porlavit eum qui porta! orbem; genuit gein-
torem suum; nulrivit omnium viventium nutritnrcm.Fuit olim patriurebarum bene-
didio in pinguîdiue terrœ. Ecce terra nostra dédit fiu<<um suum (Serm. cxlv).
UO MARIE.
qitalis esspf i<:ta snîutntîo. Et ait angélus ei : Ne timeas , Maria, inve-
nisli enim gratiam apud Deum ( Luc. i. 29. 30 ).
Ne craignez pas , ô Marie , dit saint Bernard, ne vous étonnez pas
de l'arrivée de l'ange; celui qui est plus grand que l'ange vient
lui-même : Ne timeas, Maria : ne 77iireris anyelum venientem,et major
angelo venit (Situ, in Nativ. B. Virg. ).
Ne vous étonnez pas de ^'arrivée de l'ange, le Seigneur de l'ange
est avec vous ! Pourquoi ne verriez- vous pas un ange, vous qui vivez
d'une manière angélique? Pourquoi l'ange ne visiterait-il pas celle
qui imite sa vie? Car la -virginité est la vie même des anges : Ceux
qui restent vierges, dit l'Ecriture, seront comme les anges de
Dieu (1).
Venez, Seigneur Jésus, s'écrie le même saint Bernard, ôtez les
scandales de votre royaume qui est mon âme, et régnez seul en
elle (Sefm. super Missusest). "Venez, Seigneur Jésus, venez par
Marie nous sauver
Voilà, dit l'ange à Marie, voilà que vous concevrez dans votre sein,
et vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. 11
sera grand, et sera appelé le Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu
lui donnera le trône de David son père; et il régnera éternellement
sur la maison de Jacob, et son règne n'aura point de fin. Marie
dit à l'ange : Comment cela se léra-t-il? car je ne connais point
d'homme (Luc i. 31-34). Et l'ange lui répon lit : L'Esprit-Saint sur-
viendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son
ombre. C'est pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé
le Fils de Dieu : S/)iritus Sanctus superveniet in te, et virtus AIti s*mi
obumbrabit tibi. Ideo quod ex te nascetur sanctum, vocabitur Fiiiui
Dei (Luc. I. 35).
L'Esprit-Saint surviendra en vous; par conséquent la conception
de J. C. est sainte. Comme homme J. C. est saint, non-seulement en
vertu de son union hypostatique avec le Verbe, mais encore en
vertu de sa divine conception; puisqu'il n'est conçu ni d'un h > n oe,
ni d'un ai ,e, mais du Saint-Esprit. Par sa divine conception,
J. C. n'était point le fi' a , il ne pouvait tirer de lui le néclié
originel, et n heur; niais il était très-pur et Irès-saint.
Le Seigneur, dit saint Cyrille de Jérusalem , a voulu uaitre d'une
(1) Ne mireris àngelam Domini( et Dominas angeli tecum. Postremo quidni
videas angelum cum jam angelice vivas? Quidni visitel angélus vite soci&m? An -
tica plane rite virginita*, et qui non nubeut,neque nubentur, eruut sicut anjrcli
Pei ( Serin, in Nativ. B. Virg.),
UARIE. 141
Vierge, pour indiquer que ses membres naîtraient, selon le Saint-
Esprit, de l'Eglise qui est vierge : Dominas de virgine nasci volait,
ut sii/nif caret membra sua de virgine Ecclesia, secundum Spiritum
nascitura (Catecli. xit).
Dieu , dit saint Bernard , ne pouvait naître que d'une vierge:
et une vierge ne pouvait concevoir et enfanter qu'un Dieu (I).
F( la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre : Et virtut
A Itissimî obumbrabit tibi ( Luc. i. 33 ). C'est-à-dire, selon l'explication
de saint Grégoire, le Verbe de Dieu prendra en vous un corps qui
sera comme l'ombre de la divinité , qui la voilera et la cachera
comme une ombre ( Lib. XXXI11 Moral., c. n ).
Par le mot ombre , saint Ambroise entend la vie présente et mor-
telle que le Saint-Esprit a donnée à J. G. : c'est en effet comme l'om-
bre de la véritable vie de l'éternité {In Psal. cvm, serm. v). Saint
Ambroise, saint Augustin, et plusieurs autres Pères commentent ces
les de l'Evangile de la manière suivante: Ombre rafraîchissante,
la grâce du Saint-Esprit vous défendra, ô Vierge sainte, du feu de la
concupiscence charnelle , afin que vous conceviez J. C. sous la seule
impression d'un très-pur amour. Saint Augustin dit encore : La
vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre, c'est-à-dire s'atta-
chera à vous , se pliera à votre être comme l'ombre au corps, parce
que la faiblesse humaine ne pourrait supporter toute la force et tout
l'effet de cette vertu ( Lib. Vet. et Nov. Testam., c. lt ).
Saint Hilaire s'exprime à peu près de même : La vertu du Très-
Haut, dit-il, vous couvrira de son ombre, c'est-à-dire vous protégera
et vous fortifiera , pour que vous puissiez éprouver la force du
Saint-Esprit dans la grande et incomparable merveille de la concep-
tion du Fils de Dieu.
Le Saint-Esprit vous couvrira de son ombre, c'est-à-dire cachera
le secret des secrets , le mystère des mystères qui a lieu en vous ,
ô Marie ! Il voilera à tous les yeux le plus grand des miracles ; son
ombre opérera comme un nuage. Le nuage cache le soleil et produit
la pluie; il ombrage la terre et la féconde en l'arrosant : ainsi, en
vous abritant, ô Vierge sans tache , l'ombre du Saint-Esprit vous
rendra féconde, selon ces paroles dTsaïe : Cieux, versez votre rosée;
nuées, envoyez le juste comme une pluie; que la terre s'ouvre et
qu'elle enfante le Sauveur : Rorate cœli desuper , et nubes pluant
justum; aperiatur terra et germinet Salvatorem, (xlv. 8).
(1) Deum hujusmodi nativitas decebat, quia non nisi de virgine nasceretur; talis
congruebat virgioi partus, ut oon pareret nisi Deum {Homil. n super Missus est).
U2 MARIE.
Ecoulez maintenant saint Bernard : La merveilleuse incarnation du
Verbe était un mystère, et la Trinité seule a voulu opérer par elle-
même dans Marie seule et avec Marie seule. A la bienheureuse Vi
seule il a été donné de comprendre ce qu'elle seule de\ait éprouver.
Quand l'ange, lorsqu'elle lui demandait comment ce prodige aurait
lieu, répondit : Le Saint-Esprit vous couvrira de son o rej c'est
somme s'il eût dit : Pourquoi me demandez-vous ce que bientôt vous
trouverez en vous? Vous saurez de srence certaine, et vous saure7.a\ ec
un bonheur infini; mais ce que vous saurez, vnus l'apprendrez (Î6
^auteur du prodige : Sèieru scies, et féliciter scies; sed Mu doetore quo
et auctore. Je ne suis envoyé que pour vous annoncer votre concep-
tion virginale et divine ( Serm. iv super Missus est ).
C'est pourquoi le fruit saint qui naîtra de vous sera appelé le Fils
de Dieu : Ideoque quod ex te nascetur sanctum, vueubitur Filins Dei
(Luc. i. 35).
Usera saint par l'opération du Saint-Esprit et par son union
hypostatique avec le Verbe : il sera le Fils de Dieu par nature ; noua,
nous le sommes seulement par grâce , par adoption
Et voilà, continue l'ange, qu'Elisabeth, votre parente, a conçu,
elle aussi, un fils dans sa vieillesse; car rien n'est impossible à Dieu
(Luc. i. 36. 37). L'ange confirme ce miracle de l'incarnation par
un autre miracle : afin, dit saint Bernard , qu'un miracle s'ajouta ut
à un miracle, la joie s'augmentât et parvint à son comble : Ut d> m
mîraculum miraculo additur, gaudium gnudio cumuletur ( Serm. IV
super Mitsus est ).
Bien n'est impossible à Dieu : Quia non erit impossibile apud Df.m
omneverbum (Luc. i. 37). En Dieu, dit saint Bernard , la pan. le
n'est pas différente de l'intention , parce qu'il est la vérité ; ni l'action
de la parole, parce qu'il est la toute-puissance; ni la manière du tait,
parce qu'il est la sagesse (1).
L'ange s'arrête, se tait, attendant avec respect la réponse et le
consentement dé la Vin
Adam, dit saint Bernard, Abraham, David, tous les patriarches ^t
tes prophètes, désireux delà vomie du Ifetsie H du salut des hom-
mes, attendent ce consentement libérateur. L'univers, ô bienheu-
reuse Vierge ! l'attend prosterné à vos pieds : Hoc tolus uuiudus
(1) Siqii'dpm apml Deum , nec verbum dissidet ab intcnlione, quia TPritas r*t;
occ factuiu a verlw , quia urlus est; Dec uiodus a fado, quia bajncnlia est ( Serm,
If sih>* Mttott» «t)>
HAUTE. 443
itis genibus provolutus, exspectat (Serm. rv super Missus est). Et ce
n'est pas sans raison, puisque de votre bouche doit venir la consolation
des malheureux , la rédemption des cnptil's, la liberté des hommes
con damnés à l'enfer , enfin le salutde tous les enfants d'Adam, dt
tout le genre humain (I).
Donnez, ô incomparable Vierge, donnez une prompte et affirmative
réponse: Da, Virgo, responsum festinanter (Serm. ejusd.). O me
dame ! laissez tomber cette parole qu'attendent la terre, et les limbes,
et le ciel : O Domina, r es ponde verbum, quod terra, quod infcri, quod
exspectant et superi (Serm. ejusd.). Le Seigneur et le Roi de l'univers
lui-même désire votre réponse et votre consentement, avec autant
d'ardeur qu'il a désiré jouir de votre beauté ; car c'est par ce con-
sentement qu'il veut sauver le monde (2).
Cieux, limbes et terre, réjouissez-vous , Marie consent ! Marie dit :
Voici la servante du Seigneur; qu'il me soit fait selon votre parole;
Dixit autem Maria : Ecce ancilla Domini, fiât mihi secundum verbum
tuum ( Luc. 1. 38). Fiat, qu'il me soit fait, qu'il en soit ainsi. A ce
moment heureux et suprême le Verbe se lait chair : Et Verbum
caro y cfum est (Joann. i. 14 ). Dieu se faithomme, l'homme devient
D ciel s'abaisse, la terre s'élève ; Dieu a une mère, une vierge
a Dieu pour fils. Les anges admirent , la terre tressaille, l'enfer fré-
mit. Tout est sauvé !... Par un seul fiât le monde est tiré du néant ,
par un seul fiât de Marie le monde est racheté et sauvé. Que je
devienne mère , dit Marie , mais que je demeure vierge. Alors du
précieux sang de Marie le Saint-Esprit forme le corps de J. C. ; et
l'âme et la divinité s'unissent à ce corps sacré , aussi promptement
que l'hostie devient le corps et sang de J. C. à ces paroles de la con-
sécration : Hoc est corpus meum : Ceci est mon corps. Un fiât de Dieu
crée le monde , un fiât d'Adam le perd ; un fiât de Marie permet
l'incarnation du Verbe et sauve l'univers; un fiât du prêtre place
J. C. sur l'autel; un fiât du Tout-Puissant ressuscitera tous les
hommes et les transportera au lieu du jugement.
Qu'il me soit fait selon votre parole : Fiat mihi secundum verbum
tuum (Luc. L 38 ). Marie devient l'épouse de Dieu, et notre chah
(1) Nec immerito, quando ex ore tuo pendet consolatio miseromm , redemptic
captivorum , liberatio damnatorum , salus denique universorum filiorum Adam,
totius generis humain ( Serm. iv super Missus est).
Ipse quoque omnium Rex et Dominus , quantum concupivit dciorem tuum,
tantum desiderat et responsionis asseosuua, in quu iiimiruni proposait sahare ninu-
duui [Serm. ejusd. ).
i44 MARIE.
l'épouse du Verbe. Le Verbe s'est fait chair, dit saint Pierre Damien;
c'est là ce qu'admire la nature, ce que révère l'ange, ce que désire
l'homme, ce qui étonne le ciel, ce qui consule la terre, ce qui épju-
vante l'enfer ( Serm. de Annunt).
Un ange annonce , dit saint Bernard, la vertu d'en haut couvre
.Marie, le Saint-Esprit agit, la Vierge croit , elle conçoit, elle enfante,
elle reste vierge : Angélus nuntiat , virtus obumbrat , supervenit S/ji/ù-
„tjs, Virgo crédit, fideconcipit, virgo parturit , virgo permanet (Serin, i
ïU vigil. Nativ. ).
Et l'ange la quitta : Et discessit ah Ma angélus ( Luc. i. 38 ). L'ange
prit congé après avoir achevé sa mission, et obtenu le consentement
de Marie, par conséquent après l'incarnation du Verbe. On croit
qu'en se retirant, l'ange Gabriel se prosterna aux genoux de Marie,
soit pour vénérer la mère de Dieu, soit pour adorer le Verbe
divin incarné en elle. C'est à l'exemple de l'ange qu'à ces paroles de
Y Angélus : Et Verbum caro fuctum est, nous inclinons la tète et
plions le genou
Saint Bernard assure que la sainte Vierge , par l'acte de foi et
d'obéissance qu'elle fit en consentant, sur la parole de l'ange, à
l'incarnation du Verbe, se rendit digne d'être la mère de Dieu ; et
que ce seul acte fut plus méritoire que ne l'ont été tous les actes de
"vertu des anges et des saints (Concl. lxi, c. xu, art. i ).
Suarez explique ces paroles de saint Bernard en faisant observer
que par l'acte dont nous parlons Marie mérita la dignité de mère de
Dieu , dignité à laquelle la plus grande grâce et la plus grande gloire
étaient dues ( De B. Virg. ).
Le miracle de l'incarnation renferme beaucoup de miracles. Le
premier est qu'une vierge conçut en restant vierge...; le second fut
que le Saint-Esprit couvrit Marie de son ombre, forma aussitôt en
elle le corps de J. C. tout entier, et y plaça une âme parfaite... ; le
troisième , que le Verbe s'unit soudain à cette âme et à ce corps... ;
le quatrième, qu'il se fit homme... ; le cinquième , que l'homme
devint Dieu...; Le sixième, qu'à l'instant même de l'incarna n
Jésus enfant fut rempli de sagesse ei d'intelligence...; le septième,
qu'il fut conçu sans tache originelle et plein de grâce... ; le huitième,
que l'âme sainte de J. G., dès le mompnl de sa création, vil l'< -
île Dieu j et s'offrit à lui pour souffrir le supplice du Calvaire et
racheter les hommes
Eve, la première vierge, fut formée du corps du premier homme
vierpro
en devenant
mère.
MARIE. *45
vierge, Adam; J. G., au contraire, le second homme vierge, fut formé
du corps de la seconde vierge, la bienheureuse Marie
Jacob entendra Joseph époux de Marie, de laquelle est né Jésus qui K- Ma««
,. , ., r , . T , . est demeurée
est appelé Christ , dit 1 Evangile : Jacob autem genuit Joseph virum
Muriœ, de qua natus est Jésus qui vocatur Christus ( Matth. I. 16).
L'Evangile ne dit pas : Joseph engendra Jésus, comme il dit des ancê-
tres du Messie : Abraham engendra Isaac; Isaac engendra Jacob, etc.
L'Evangile ne dit pas non plus : Marie engendra Jésus , quoique
cela soit vrai; mais il dit : Marie, de laquelle est né Jésus. Par cette
manière de parler, il indique, 1* que Jésus est né de Marie, non par
une vertu naturelle, mais par une vertu surnaturelle, par la puissance
et l'opération du Saint-Esprit; 2° que Jésus n'a pas été engendré
par Joseph , mais qu'il est né de sa mère seule , et par conséquent
d'une vierge; 3° que l'incarnation s'est laite par le Saint-Esprit,
qui en est la principale cause. Marie en a été la cause secondaire,
activement par le consentement qu'elle a donné à l'ange, passive-
ment en fournissant son sang pour être la matière du corps de
J. C
Vous êtes bénie entre toutes les femmes, dit l'ange à Marie :
Bencdicta tu in mulieribus (Luc. i. 28). Les mêmes paroles ont été
prononcées sur Jahel qui tua Sisara, et sur Judith qui abattit Holo-
pherne ; mais elles s'appliquent à Marie d'une manière beaucoup
plus vraie et plus parfaite. Vous êtes, ô Marie, la seule spécialement
bénie entre toutes les femmes ; car en restant vierge , vous serez
mère ; et comme vous concevrez sans concupiscence, vous enfanterez
sans douleur le Fils unique de Dieu
Benedictu tu in mulieribus : Vous êtes bénie entre toutes les femmes.
L'ange salue ainsi Marie pour montrer qu'il y a en elle tout ce qui
existe de plus pariait dans les trois états de la femme; car une
femme est ou vierge, ou mariée, ou veuve. Dans la vierge on loue
l'intégrité , et non la stérilité; dans la veuve on loue la liberté, et
non la solitude; dans l'épouse, on loue la bonne éducation des
enfants , mais non la perte de la virginité. Seule, la bienheureuse
Vierge Marie est vierge sans stérilité , libre malgré son mariage à
saint Joseph, et, ce qui l'emporte sur tout cela, elle est féconde sans
avoir perdu son intégrité. Ainsi se trouve réuni en elle tout ce qu'il
y a de bon dans les trois états de la femme, et écarté tout ce qu'il
y a de défectueux. Voilà pourquoi l'ange la déclare bénie entre toutes
les femmes : Benedicta, tu in mulieribus.
m. lu
446 MARIE.
Vous êtes, ô Vierge sainte, cette femme bienheureuse dont i
cents ans auparavant avait parlé le prophète Isaïe, inspiré, étonné
et ravi : Ecce virgo concipiet, et poulet Filium : Voilà que la Vierge
concevra et enfantera un fils. Et vocabitvT Emmanuel : Et ce fils
appelé Emmanuel ( Isai. vu. 44). Il sera grand, il sera appelé le : ils
du Très-Haut ; il régnera éternellement sur la maison b->-èt
son règne n'aura point de fin (Luc. i. 32. 33); 11 régnera d
l'Eglise; il régnera ici-bas par sa grâce, et dans le olel par sa
gloire
Comment deviendrai-je mère, répondit Marie à Fange; car j'ai fait
vœu de virginité, et je veux être iidèleà mon vœu; je
et je veux rester vierge? 11 est vrai, Joseph est mon époux, mais c'est
un époux vierge, et lui aussi veut rester vierge Combien Mare
aimait la -virginité! Elle eût préféré cette vertu à Fhonneur infini
d*être mère de Dieu, s'il eût fallu la perdre pour jouir de ce
privilège.
Ecoutez la Vierge sans tache , dit saint Grégoire de Nj e : lange
lui annonce qu'elle sera mère ; mais elle s'attache à sa virginité , et
elle la préfère à tous les autres titres (1 ).
Marie est la première femme qui offrit à Dieu sa virginité , don
incomparable. Sans y être engagée par aucun précepte, aucun con-
seil, aucun exemple, elle consacra à Dieu sa virginité et devint la
mère de toutes les vierges qui, à son imitation, ont voulu \ i\ re dans
cet heureux et glorieux état. Elle désirait concevoir le Fils de ' ieu,
mais elle craignait de ne point conserver sa virgi ni lé. Ç'esl pour-
quoi elle obtint l'une et l'autre grâce, dit Tolet [Annot, xt.vn).
bille ne consentit à devenir mère que lorsque l'ange lui promit, de
.a part de Dieu , qu'elle concevrait par l'opération du sprit.
Alors seulement, elle dit : Voici la servante du Seigneur, qu'il
soit fait selon votre parole : Ecce ancilla Dwnlni, jlat rnild secundum
Wèum tuuut { Luc. i. 38).
Marie, dit saint Augustin , était l'épouse d'un homme juste, qui
lait uni Hou pour lui enlever sa -virginité, mais plutôt pour en
être le gardien, gainf Joseph eonnaiss&ii f wbu que Marié avait fait
avant de l'épouser; et il consenti! à ce qu'elle l'observât. Marie 00
(1) Audi pudicam Virginia vocem : angelua partum nuntiat :at illa virginitatl
inli;rret, et integri m angelicae derrioHàUalldnJ aoteponendaDl judicat (Orat. de
Nativ. Christi).
MARIE. 147
IfépooBa qu'a ïa condition formelle qu'elle resterait vierge et qu'elle
garderait son vœu (1).
T.a preuve incontestable que Joseph respecta le vœu de virginité
sait i'ait Marie , c'est qu'il eut dessein de la quitter lorsque, ne
connaissant pas encore le mystère de l'incarnation , il s'aperçut
le était grosse. Il fallut que l'ange lui dit: Joseph, iils de
David, ne crains point de recevoir Marie ton épouse ; car ce qu'elle
porte dans son sein est né du Saint-Esprit. Elle enfantera un fils, et
lu lui donneras le nom de Jésus ; car il sauvera son peuple de ses
péciiés. Joseph fit ce que l'ange du Seigneur lui avait commandé
et reçut son épouse. Et il ne la connut point jusqu'à ce quelle
eût enfanté son fils premier-né; et il lui donna le nom de Jésus
(Matth. 1.19-25).
Saint Joseph a vécu vierge, et il est mort vierge. Voilà pour-
quoi on le représente portant dans ses mains le lis, emblème de
la virginité.
Marie conçut et enfanta en demeurant vierge; J G. sortit du sein
de Marie en respectant son intégrité et comme 1* • rayons du soleil
traversent le verre. Ainsi l'assurent les saints Pères, les docteurs et
es théologiens; ainsi le déclare l'Eglise. Ecoutez Suarez : Après
la résurrection, dit-il, le corps du Seigneur pénétra dans l'apparte-
ment où se tenaient les disciples , quoique les portes en fussent fer:,
diées; la même chose arriva lors de la nativité; J. C. sortit du sein
le la bienheureuse Vierge Marie sans l'offenser en rien (De B. Virg.).
La virginité de Marie, dit saint Bernard, est au-dessus de la pureté
les anges : Mariœ virginitas major quam angelica puritas ( Serm.
le Nativ.).
Un homme ordinaire, dit Guillaume d'Auvergne, ne peut avoir
ane vierge pour mère; mais Dieu se faisant homme ne pouvait
aaitre que dune vierge ( De B. Virg.).
U convenait, dit saint Anselme, que la bienheureuse Vierge brillât
l'une pureté sans égale, puisque Dieu le Père voulait lui donner
pour fils son Fils unique qu'il avait engendré semblable à lui, et
aimait comme lui-même ( De Concept. Virg., c. xvin).
Qui est-ce qui aurait pu, dit saint Pierre Chrysologue, blesser la
pu .ouï et la virginité de Marie, puisque la divinité s'était unie à
(1) Desponsata estviro justo, non ablaturo, sed potius custodituro quod illa jam
roverat. SanctuS Joseph hoc votun. noverat anteqnam eam desponsaret, et ut illud
Obâemret consentit. Maria Joseph duxit sponsura ea condkione ut maneret virgo,
et custodiret suum votum {De Incarnat.),
448 MARIE.
cette Vierge qu'elle aimai i, puisqu'un ange lui-même fut près d'elle
l'interprète de Dieu, que la foi présida à cette union , que la cha? '
la vit s'accomplir, que la vertu y fut la dot, que la conscience
fut le lien et Dieu l'auteur, que la virginité conçut et enfanta, et
que mère , l'épouse demeura vierge? (1)
Je suis, dit .Marie, représentée par l'Epouse de? Crvntiqurs, je suis
la fleur des champs et le lis des vallées : Ego flos campi, et lilium
convallium (n. 1 ).
Marie, dit la Sagesse, est née de la vertu de Dieu; elle est une
pure émanation de la gloire du Tout-Puissant; aussi ne trouve-t-on
en elle rien de souillé : Vapor est virtutis Dei, et emanatio quœdam
estcUi.ritatis Omnipotentis Dei sincera; et ideo nikil inquinatum in eam
incurrit (vu. 25).
0 miracles, ô prodiges! s'écrie saint Augustii.LfQ Inïsrle la nature
sont changées; un Dieu se fait homme; une vierge conçoit en
demeurant vierge; la parole de Dieu rend mère celle qui ne connaît
pas d'homme; et cette mère, vierge et mère tout à la fois, n'en-
fante qu'en demeurant intacte et sans tache : une vierge qui n'a pas
connu d'homme a un fils, et quoique vierge elle est féconde (2).
Comme Marie, tout en demeurant vierge, conçoit et met au
monde J. C; ainsi, dit saint Grégoire, l'Eglise notre mère enfante à
Dieu des enfants, sans douleur et Bans cesser d'être vierge [Serm. de
-Xuliv. ).
Selon la commune tradition, les veis suivants de Virgile concer-
nent la Vierge immaculée et la naissance de l'Enfant -Di u : La
série des grands siècles commence; la Vierge revient et a\ec elle
l'âge d'or; une nouvelle génération descend des hauteurs du ciel;
Magnus ab integro secloruui nascitur ordo;
Jam redit et virgo ; redeuut saturnin régna :
Jam Dova progeuies cœlo deuiillitur allô.
L,e Seigneur, par la houche d'Isaïe, promet au roi Achaz un
prodige ; c'est qu'une vierge concevra et enfantera un iils : Dubit
(1) Quae ibi verecundia la?sio, ubi init deitas cum amica sibi semper mtegritata
consortium, ubi e&l in terpres angélus, fides pronuba , desponsatio ces ti tas, donatio
Tirtus, jugei conscientia, causa Deus, conceptus integritas, virgiuitas partus , virgo
mali CXLYllI.)
(2) ' <.o prodigia! nalune jura mut intiir; in homine Dcus nascitur;
lalur, firi n mo Dei marital; simul facta est mater
rifgo; i um, uescieui virum» semper
• lausa, sed uwn iuUccuuua [Strm, \*-d* \aliv. Du/h./,
MAfctE UO
Dominvs ipse vobis signum : Ecce virgo concîpiet, et pnrief filium
(vu. 14). Mais où serait Ja merveille, si cette vierge eût dû concevoir
et enfanter en perdant sa virginité? Cela n'arrive-t-il pas à toutes les
femmes qui deviennent mères ? Il faut donc qu'il y ait ici l'annonce
d'un miracle, c'est-à-dire la prophétie que Marie concevra et enfan-
tera tout en demeurant vierge ; autrement le passage que nous
venons de reproduire n'offrirait plus de sens raisonnable.
Marie, dit un poëte dans les chants de l'Eglise, a les joies d'uno
mère et l'honneur de la Virginité; elle n'a pas connu d'égale dans
le passé et n'en verra pas dans l'avenir :
GaucHa ffiatris "habenS cura virginltatis honore,
Kec priraam similem visa est, nec habere sequentem.
Saint Chrysostome, saint Basile, Prudence, saint Bernard, et
après eux Canisius, enseignent que, par sa virginité angélique et
d'âme et de corps, la bienheureuse Vierge a mérité de congruo, selon
le langage de l'école, d'être la mère de Dieu.
Les causes pour lesquelles Dieu est né d'une vierge sont celles-
ci : 1° Une naissance toute nouvelle, inaccoutumée et sublime,
convenait à un Dieu, dit saint Bernard : or telle est la naissance que
l'on reçoit d'une vierge {Serm. inCant.). 2° En se faisant homme,
celui qui donne l'incorruptibilité ne s'est pas revêtu de la corrup-
tion ; et l'auteur de l'incorruptibilité ne saurait rien souiller. 3° La
sainte Trinité est la première vierge , vierge incréée , vierge par
essence, comme le dit saint Grégoire de Nazianze. Le Père vierge
engendre le Verbe qui est vierge; et l'un et l'autre sont le principe
de l'acte de spiration ou d'amour qui produit le Saint-Esprit. Il fallait
donc que J. C. vînt sur la terre sans père , comme il est dans le ciel
sans mère, dans sa génération divine et éternelle, et que vierge lui-
même, soit au ciel, soit sur la terre , il naquit d'une vierge. Ayant
au ciel un père vierge, il devait avoir sur la terre une mère qui fût
vierge. 4° J. C. devait naître d'une vierge, parce qu'il fallait que
le vainqueur de la concupiscence et du péché fût conçu sans concu-
piscence et sans péché. Il convenait aussi que la conception de celui
qui venait purifier tous les hommes et en faire des anges, fût très-
pure. 5° J.C. a voulu naître d'une vierge, afin démontrer combien
la virginité lui plaît, ainsi qu'à Dieu
Ecce Virgo concîpiet : Voici que la Vierge concevra (Isai. vu. 14).
Voici : Ecce, Approchez-vous, patriarches et prophètes, Juifs et
150 MARTE.
nations de l'univers; è*eoutc4 , regardé* et soyez dans l'étonnement!
Voici un prodige nouveau , la plus grande merveille dont les siècles
seront témoins, le chef-d'œuvre de la main de Dieu : une vierge
concevra et enfantera (Jerem. xxxi. 22). Celte Vierge , qui est la
dlle, l'épouse et la mère de Dieu, sera la reine des anges. Elle unit
jieu à l'homme, le ciel à la terre, la maternité à la virginité, les
Bêcheurs ù la sainteté. Voilà pourquoi les esprits célestes la vénèrent;
Voilà pourquoi l'Eglise lui rend non pas le culte d'honneur ou de
dulie qu'elle rend aux saints, mais un culte spécial qui porte le nom
tfhyperdulie, et qui ne le cède qu'à celui qui convient b Dieu.
Marie concevra et enfantera. Voyez combien la virginité est
."éconde: elle conçoit et enfante Dieu créateur de toutes choses! Le
corps de la Vierge est le ciel de Dieu, dit saint Ambroise : Virginis
corpus cœlum est Dei ( De Nativ. ).
Eve, s'étant laissé corrompre, dit saint Fulgence, induisit en
erreur le premier homme : Marie, demeurée vierge et sans tache,
conçut le second homme. La méchanceté du démon déprava l'âme
je l'épouse d'Adam, qu'il avait séduite : la grâce de Dieu conserva
Darfaitement purs l'âme et le corps de la mère du nouvel Adam (h.
0 enfantement unique , qui eut lieu sans douleur! saint
Bernard; enfantement qui fut le seul pur, le seul exempt de péché,
*t qui, loin de souiller un sein virginal , l'a consacré comme un
iemple ! 0 naissance qui êtes au-dessus de la nature,, et parla gran-
deur !u miracle, et par la vertu du mystère! (Serm. i in vigil.
Xuliv. )
::. Mnr-n <"-t MarJJB de qui est né Jésus : Mnriœ de qua nntvs est Jésus (Mallli. i.
nèredePieu. ^ Ces paroles signifient que Marie est mère de Jésus fait nomme;
mais Jésus fait homme étant uni hypostatiquement à Dieu
homme-Dieu. Et comme il n'y a qu'une personne en J. C, qui est
la personne divine 4 Marie est vraiment mère de Dieu.
Le Verbe s'est fait chair, dit l'('\ an i: I '< \caro
factum est ( i. 14). Et le Verbe était Dieu : Et Ueus emt Ycvbun}'
[ Id. i, 1 ). Or, le iferl lans le sein de Marie à
Marie e6t nécessairement mère le Dieu. 0 ' i té sublime et uniqi
Marie mère de Jésus ! Saint Thoj Di
(1) Primuni hominem millier, rorrupta mente, decepit; scciinrlum Dominera
Virgo, Ipcorrapta virginlfate concepit, In primi hominis conjuge, nequitia i
scdurlnm ilcpravavit Mente m; in Bectmdl aotem hominis matre, gratta Dei, et nicn-
tem Intogram servavit et carnem (Episl.).
1MME. |*V|
rien faire de plus grand que l'incarnation du Verbe, et la maternité
cRvlirt rie la bienheureuse Vierge. En effet, l'incarnation unit
l'humanité' à la divinité par l'union hypostatique; et d'autre part, la
maternité divine est la consanguinité même avec Dieu. Par cette
maternité, Marie est à Dieu ce qu'une mère est à son fils et, s'il se
peut, davantage; car Marie est plus entièrement mère que les autres
pê3 : le? autres le sont de concert avec le père; Marie est à la fois
lé père et la mère de Jésus, puisque seule elle le conçut , seule elle
l'ai' rigendré, non pas naturellement, mais surnaturellement, ce
qui est bien plus parfait et plus intime ( Sum. theol. 1. p. q. Sra,
ait. G. ad 4 ).
la dignité de mère de Dieu découlent tous les dons et tous les
jfriviléges accordés à Marie, non-seulement sur les hommes, mais
sur les anges. Gomme l'humanité de J. C. , unie à la divinité , est
Dieu , Marie , par cette union , est devenue mère de Dieu, et a reçu
tous les dons divins au suprême degré.
Qu'une femme, dit saint Bernard, ait conçu et enfanté un Dieu,
cela a été le plus grand des miracles ; car il a fallu, si je puism'ex-
primer ainsi, que, par une infinité de perfections et de grâces,
cette femme fût élevée à une sorte d'égalité divine, égalité que
jamais créature n'avait reçue. Aussi , je ne crois pas que l'esprit
humain, ou même l'intelligence angélique, ait pu jamais pénétrer
l'abîme insondable de toutes les grâces que la bienheureuse Vierge
i reçues du Saint-Esprit à l'heure de la conception divine (1).
Saint Bernard fait remarquer que la dignité de mère de Dieu est
une dignité presque infinie, qui exige un degré de grâce propor-
tionné. De là , dit-il , on peut conclure que la bienheureuse Vierge ,
dans la conception du Fils de Dieu , a acquis par son consentement
un plus grand mérite que n'en ont acquis par tous leurs actes , tous
leurs mouvements et toutes leurs pensées, tous les anges et tous les
hommes. En effet, tous ceux qui méritent, n'ont pu mériter autre
chose que la gloire éternelle à différents degrés. Par son admirable
consentement, la Vierge, au contraire, a mérité l'extinc ion
entière de la r ence, la première place parmi les créatures,
^1) yu.nl ! t et pareret Deum, fuit miraculnm miraculorum. Opor-
loit enim, ul sic dicam, fertunam elevaii ad quamdam sequalitatem divinam per
quamdam quasi inflnitaterii pevfectionum e!. «raiiaruni ; quam œqualitalem créât ura.
nmuuiam etperta est; l'iule, ut credo, ail illum abyssum Imperscrutabilem omnitità
Cfaarismatum Spiritùs Sâncti, quae in B. Virfeinem <ie>cenilcrunt in luira <li inac
itionis, inU'llectus humaims, vel angelicus , minquam potuerunt attiu^ere
[Çnncl. i xi. c. xn ).
452 MÀKtl.
l'empire de l'univers , la plénitude de toutes les grâces , de toutes
les vertus , de tous les dons, de toutes les béatitudes, de tous les
fruits du Saint-Esprit, de toutes les sciences, l'intelligence des lan-
gues, le don de prophétie, la connaissance des esprits , et la science
des vertus. Elle a mérité d'être féconde en demeurant Vierge , et de
devenir la mère du Fils de Dieu. Elle a mérité d'être l'étoile de la
mer , la porte du ciel, et par-dessus tout d'être appelée la reine de
la miséricorde, et d'obtenir les effets d'un pareil nom. Aussi lui
applique-t-on à bon droit ces paroles des Proverbes : Beaucoup des
filles des hommes ont amassé de grands trésors; mais vous , vous
les avez toutes surpassées (1).
Saint Antonin croit que la bienheureuse Vierge , dans la concep-
tion du Verbe , a vu l'essence même de Dieu , puisqu'elle la rece-
vait en elle-même (Sum. theol., p. IV., tit. xv, c. xvn ).
Saint Augustin et saint Thomas disent que saint Paul vit l'essence
de Dieu lorsqu'il fut ravi jusqu'au troisième ciel. Mais si saint Paul
reçut cette grâce, combien, à plus forte raison, la bienheureuse
Vierge mère de Dieu? Ce sentiment est celui d'un grand nombre de
Pères , parmi lesquels il faut compter saint Bernard , et une foule
de grands théologiens. Saint Jean Damascène et saint Anselme ensei-
gnent que Marie , au moment où elle devint mère du Verbe , reçut
une claire révélation de sa prédestination et de sa future exalta-
tion au-dessus de tous les chœurs des anges (De Dormit. Deiparœ. —
De excellent. Virg., c. m et iv).
Heureux , ô Jésus , le ventre qui vous a porté , et les mamelles que
vous avez sucées! Deatus venter qui te portavit, et ubera quœ suecisli!
(Luc. xi. 21.) Ces paroles de l'Evangile font dire à MéthoJius :
Incomparable Vierge, vous contenez celui qui contient tout; vous
portez celui qui porte tout d'une seule parole; vous possédez celui
qui possède tout (Orat. in II y p. ).
(1) Dignitas Deimatris, est dignitas quasi infinitn , qunc exigit gratiam proportro-
natnm. Ex his colligi poteat vîrginem bcalam inconceplione Filii Dei . conaenau plus
meruissc, quam omnes creaturas , tam angelos quant boulines, in cunciis actibua ,
motibus , ac cogilatiombna suis. Nempe omnei qui meruerunt, nihil aliud potucrunt
mereri, nisi, secundum varios status et gradua , gloriam scmpiternain : lnee autem
\irgo, in illo admirando coiisensu, meruit totalem fomitis extinctionem, domiiiiuni
et primaturn totius orbis t plenitudinem oniniuin gratiarum , omnium virlutum,
omnium douorum, omniuni beatitudinum, omnium fructuum Spiritua , cunctarum
scienliarum, iutcrprclationcs aermonum, apiritua prophétise, discretionea apiriluum(
operationes virlutum. Meruit fuTUinlitatein iu firginitate, îuaternitatem Filii Dei.
Meruit quod sit stella maris , porta cœli , et super omuia , quod regina misericordia
■uucupatur, ac talis noiuiuis coiisequatur efTeclum. l'iule nierito in Proverbes ;
MulUt filiœ COOgregwerunt divitias, tu supergressa es universas ( Ut supra),
STAUTË. 153
Quel trône glorieux que le trône où se tient le Verne fait chair ,
quoi char royal que celui qui le porte ! s'écrie saint Grégoire de
JNicomédie : Tltronwnglorwsum et regium vekiculum, guo vectum Ver-
bum eum carne advenu ( Orat. de Prsesent. B. Virg. ).
Servir Dieu , dit saint Bernard , c'est re'gner ; le porter , n'est pas
un fardeau, mais un ornement. Vous , ô Marie, vous vêtez ce grand
Dieu , et il vous revêt; vous le vêtez de votre chair, et il vous revêt
de la gloire de sa majesté; vous prêtez un nuage au soleil, et lui
vous enveloppe de ses rayons (1).
L'Incompréhensible, dit saint Ambroise, opérait en sa mère d'une
manière incompréhensible : Incomprehensibilis incomprehensibiliter
operabatur in Maire ( Serm. de B. Virg. ).
Qu'y a-t-il de plus grand que la mère de Dieu, qui a renfermé
dans son sein la grandeur de la majesté suprême. Contemplez la
dignité des séraphins, ils sont au-dessous de Marie; Dieu seul est
au-dessus d'elle (Serm. de Nativ. B. Virg.).
Marie a été mère de Dieu selon la chair, dit saint Jean Damascène ;
son sein est le ciel dans lequel a habité celui qu'aucun lieu ne peut
contenir : Muter Dei secundum carnem fuit; eujus venter cœlumest,
in guo habitavit is gui nullo loco capi potest (De Laud. Virg. ).
Marie est la créature qui a acquis le plus de mérites; car, pour
arriver à concevoir le Verbe, dit saint Grégoire, elle a élevé ses
mérites au-dessus de ceux des anges, et jusqu'au trône de Dieu : Ut
ad concept ianem Verbi pertingeret, meritorum verticem super omnes
ingelorum choros , usgue ad solium deitatis erexit (Serm. de Nativ. )
Voilà pourquoi elle a été conçue de toute éternité dans l'intelligence
li\ine; le monde n'était pas, qu'elle existait déjà
Si quelqu'un , dit saint Bernard , considère à quoi , dans l'incar-
nation , devait aboutir le consentement de Marie , il comprendra
clairement que toute dignité et toute perfection, tant de l'âme que
iu corps , est renfermée dans le titre auguste de mère de Dieu. Marie
surpasse infiniment en mérites tout ce qu'on peut imaginer ou
exprimer au-dessous de Dieu. Pour que J. C, terme ineffable de
toutes choses, s'incarnât dans son sein virginal, il a fallu qu'il
trouvât en elle une perfection digne de lui ( Serm. li, art. ni, ex).
Le titre de mère de Dieu l'emporte sur toutes les dignités possi-
bles, comme l'or l'emporte sur le plomb et le ciel sur la terre. La
(1) Gui servire regnarc est; gestarc hune, non oneri est, sed ornari. Et vestis eum,
et Tesliris ab eo ; vestis eum substantif} carnis, et vestit ille te gloria majeslatis suae;
vestis solerc nube, et sole ipsa vestieris ( Ser???. vu in P$al. ).
454 MARTE.
maternité divine est une di o'mparable et inco
car , ainsi que nous I". I ' dit, cette materhi !tr i'e
consanguinité avec Dieu. Par elle , la bienheureuse Vierg " -
vée si haut, qu'elle devient de l'ordre divin , et qu'elle a poiir
consubstautiel en tant qu'il est homme , le même Dieu que le Père
a pour Fils consubstantiel en tant qu'il est Dieu. C'est pourquoi^
comme le Père dit au Verbe : Vous êtes m >n Fils ; je vous ai c.
àré aujourd'hui : Filins meus es tu, cqo kodiegenui te (Psal. n. 7);
Marie peut lui dire : Vous êtes mon fils ; je vous ai engendré
aujourd'hui.
Marie est supérieure à toutes les créatures ; elle est la mère , la
fille et l'épouse de Dieu, la mère du Verbe, la fille unique du Père,
l'épouse du Saint-Esprit.
Comme le Père, Marie a pouriils la seconde personne de l'auguste
Trinité. Le V rbe, qui a Dieu pour père, a Marie pour 1
Qu'est-ce donc que le titre de mère de Dieu? quelle est cette
dignité?
Être mère de Dieu , c'est être en quelque sorte supérieure à Dieu;
c'est concevoir et enfanter un Dieu; c'est lui donner l'essence
humaine, sa propre substance, son corps, sa chair et son sang- ; c'est
avoir sur lui les droits qu'une ne re a sur son entant, sur sa I
c'est le voir soumis comme un fils, tellement qu'il \
mère, vous respecte, vous honore, vous aime c mère et
vous obéisse. Dieu doit combler sa mère de dons el s comme
il coin ienl à une mère et à un fils, Dieu de toute éternité; car i"
nôur d'un fils est solidaire de celui de sa mère. Pour
de son fils, il faut que la mère d'un roi s if r ine; ainsi . p itir
digne de Dieu, il Ikul que sa mère sôifcmise avoir
et d'honneurs presque divins. Il serait h
une mère indigne de lui; il né conviendrai! point à un D'eu d'avoir
une mère qui ne serait pas ornée des verl I qui
con\i> Dieu
Emerveillé et comme hors de lui-même • l'hooneurde
la maternité divine , sain I B rnard et d'autre part, il
y a de quoi s'étonner et crier au
n'est-ce pas une numiliti de à
Dieu; n'est-ce pas une grandeur sa ■ pareil) i?(4)
(11 Utrftique slnpor, utrmque mireculum , et quod Dcus femin» obtemperet:
hiinn Itas abaque exempta; et quod Dco reruina principe. ur , subluuilas m>c st,ch
[Hem. n super Mis»Ub t»t ).
MARTE. 1^5
En dehors de l'union hypostatique du Verbe avec l'humanité , i.
n'y a pas d'union aussi étroite que l'est l'union du Verbe avec sa
par l'incarnation; et Dieu, dit saint Thomas , ne saurait en
établir une plus intime et plus sublime. On doit dire que l'humanité
de J. C, par cela qu'elle est unie à Dieu; et la bienheureuse Vierge,
par cela même qu'elle est mère de Dieu, ont une certaine dignité
infinie issue du bien infini, qui est Dieu; àUfsine peut-il rien
exister de meilleur qu'eux , comme il n'est rien de meilleur que
Dieu(l).
Concluons de là que la dignité de mère de Dieu, quoiqu'elle ait des?
bornes , lorsqu'on l'envisage sous le rapport de l'être qui la reçoit ,
parce que de sa nature cet être n'est pas infini, est cependant infini-e
quant à son on jet, qui est J. C, Fils de Dieu fait homme.
Sous Josué, le soleil s'arrêta; du temps d'Ezéchias, il rétrograda;
voici un prodige plus grand : une vierge devient mère de Dieu ;
l'éternel s deil de justice descend dans le sein de Marie. Sous Moïse,
parut un buisson qui brûlait sans se consumer et en conservant sa
verdure ; ici parait une femme qui conserve sa virginité tout en
devenant mère. Quoique desséchée, la verge d'Aaron fleurit; ici,
c'est la tige de Jessé qui donne le fruit désiré des nations. Pharaon
vit la verge de Moïse changée en serpent; ici nous voyons Dieu se
faire homme et devenir semblable aux pécheurs. Le peuple de Dieu
dans le désert vit la manne tomber du ciel chaque matin pendant
quarante ans; ici nous voyons le Verbe descendre du ciel et s'incar-
ner dans le sein de Marie. Elisée vit Elie s'élever dans les airs; ici
nous voyons la nature humaine s'élever jusqu'à la divinité et s'unir
au Verbe éternel. C'est donc à juste titre que l'Eglise fait entendre
lans ses chants sacrés ces paroles en l'honneur de la mère de Dieu:
Ayez pitié des pécheurs, vous qui avez enfanté votre Créateur au
ii de Pétonnement et de l'admiration de la nature entière : Tu
•niœ genwsti, natura mirante, tuum sanctum Genitorem peccato-
rvm miter ère (Hym. Aima Redemptoris) .
rie , mère de Dieu, est la merveille des siècles , l'étonnement
de la nature. , le prodige de l'univers. 0 miracle nouveau , inconnu,
qu'on n'avait jamais vu, et qu'on ne reverra jamais ! Une femme
est mère du Verbe , le géant de l'éternité. Ce grand Dieu ne se
(1) Diccndum qnod humanitas Christi, ex hoc quod est unita Deo; et B. Virgo , ex
hoc quod es! mater Dei, habent quamdam dignitatem infinitam ex bone inûiu'o,
quod est Deus : et ex hac parte, non potest aliquid fieri meiius eis, sicut uou potest
aliquid meiius esse Deo ( 1. p. q. 15. art. 6. ad 4).
456 MARIE.
déshonore pas en devenant le fils de Marie ; et Marie n'est pas con-
suma? par les rayons de la maje té divine. J. C. est l'œuvre par
excellence du Seigneur, la merveille qui éclate à tous les yeux : A
Domino faction est is/ud , et est mirabile in oculis nostris (Psal.
cxvu. 23). J. C. nait du Père dans les profondeurs du ciel : J. G
nait d'une mère sur la terre. 11 naît de 1 éternité du l'ère et de la
virginité de la mère ; il est engendré par le Père sans l'intermé liaire
d'une mère , et par la mère sans l'intermédiaire d'un père; il des-
cend d'un père qui ne connaît pas le temps , d'une mère qui ne
connaît pas d'homme; d'un père principe de la \ie , d'une mère
qui met fin à la mort ; d'un père qui règle l'ordre des jours , d'une
mère qui a rendu sacré le jour où un fils lui est né, où un frère
nous a été donné
Xi. La Après l'incarnation, Marie , se levant , s'en alla avec hâte ver? les
montagnes, en une ville de Juda : Exsurgens Maria, abiitin mon-
tana cvm festinatione in civitatem Juda (Luc. î. 39).
Marie s'en va, i° pour annoncer que le Fils de Dieu s'est incarné
en elle, et pour procurer à ses parents les faveurs du Verbe fuit
homme; car J. C. voulut commencer dès le moment île sa concep-
tion l'office de sauveur... ; 2° afin que le Verbe effaçât le pé he ori-
ginel contracté par saint Jean, qui était encore dans le sein île sa
mère, Elisabeth, et afin qu'il comblât l'un et l'autre des dons du
Saint-Esprit...; 3° afin de féliciter Elisabeth de la miraculeuse con-
cépti saint Jean...; 4° afin de donner aux siècles futurs un
mh'.i. ,. de exemple d'humilité et de charité; car devenue mère de
Dieu, reine du ciel et de l'univers , Marie rendit vis ibetb
son inférieure Cet acte de la très-sainte Vierge nous apprend à
i- i i I g pauvres, ceux qui nous sont inférieurs, etc......
Marie se dirige vers les montagnes , ad mont a na. Une âme pleine
de Dieu j comme l'était la sienne, s'élève au plus haut
us Marie pouvait dire avec le prophète Habacuc : Le
' ma loin-; \\ lonneraàmes pieds la vitesse des cerfs, il me
conduira victorieuse sur les hauteurs, où ,i ,]<•< hymnes
•i -a gloire : Dem Do ira < fortitudo me a : cl ponet pedes mecs quasi
ccwiii'in; et tuper excelsa mea dedued me victor in psalmis eanentem
(m.
Marie s'en va ave- hâte . cum ' te. La bienheureuse Vii r e
se hâte, pour ne pas pester longtemps -
dit saint Ami;- "i-. : apprenez, ô vierges, à ne f .muter sur
MARIE. 157
les places et dans les chemins, ainsi qu'à ne point y tenir de conver-
sai ion . Marie aime à séjourner dans sa maison; hors de chez elle,
elle se hâte (1).
Une âme remplie de l'Esprit-Saint ne dort pas , mais elle court
dans le chemin des commandements et de la perfection
Marie entre dans la maison de Zacharie : Et intravit in domum
Zachariœ ( Luc. i. 40 ). Cette maison est une maison sainte, puis-
qu'elle est la demeure de saint Zacharie , de sainte Elisabeth son
épouse , et de saint Jean-Baptiste leur tils Sachons ne fréquenter
que des maisons et des personnes irréprochables Fuyons les
demeures et les compagnies suspectes ou dangereuses
Marie salue Elisabeth : Et salutavit Elisabeth (Luc. I. 40).
Marie salue la première , dit saint Ambroise; car il convenait
qu'elle fût d'autant plus humble, qu'elle était plus pure et plus
favorisée de Dieu (In Eue. comm., lib. II, n° 19).
Nous devons imiter cet exemple et entretenir soigneusement eu
r.ous la belle vertu d'humilité
Et lorsque Elisabeth entendit la salutation de Marie, il arriva
que l'enfant tressaillit dans son sein ; et Elisabeth fut remplis
du Saint-Esprit (2). Par le tressaillement de son enfant, Elisabeth,
connut que Marie avait conçu le Verbe de Dieu. Ce tressaillement
de saint Jean-Baptiste fut surnaturel, ainsi que l'usage de la raison
qui lui fut alors donné par le Verbe présent dans le sein de Marie.
Voyez combien est utile et efficace la salutation des saints, la prière
qu'on leur adresse, et surtout celle qu'ils font pour nous; mais i.
n'est pas de dévotion comparable à la dévotion envers Marie, ni us
protection qui vaille la sienne.
Elisabeth , dit saint Ambroise , entendit la première la voix qu:
lui était adressée ; mais Jean sentit la grâce le premier. L'enfant
tressaillit, et la mère fut remplie elle-même de grâce. La mère ne
fut pas remplie de grâce avant son fils; mais le fils se trouvant:
rempli du Saint-Esprit, le communiqua à sa mère (3).
L'ange , saluant Marie , lui dit : Je vous salue, pleine de grâce ;
le Seigneur est avec vous : vous êtes bénie entre toutes les femmes
(1) DisritP, virgines, non dpmorari in platea, non aliquos in publico miscere ser-
mones. Maria in domo sera, festinat in publico (In Luc. comm., lib. II, n. 19).
(2) Et factura est, ut audivit salutationem Mariœ Elisabeth, exsultavit ini'aus in
utero ejus; et repleta est Spiritu Sancto Elisabeth (Luc. i. 41).
(3) Voccm prior Elisabeth audivit, sed Joannes prior gratiam sensit. Exsultavit
infuns, repleta est mater; non prius mater repleta quam fllius ; sed cum îilius esset
repletus Spiritu Sancto, replevit et matrem (Comm. in Luc, lib. II, n. 19).
1&8 MAfeTE.
( Lu6; i. 28). Elisabeth ajoute à la salutation do l'ange ces Croies,
qui achèvent VAvé Maria: Béni est le fruit de vofe entrailles : fiene-
dictus fructus ventris lui (Luc. I. 42). Et d'où me vient ce bonheur,
s'écrie Elisabeth , que la mère de mon Seigneur vienne à mol? Et
vu a hoc mihi, ut déniât mater Domini mei ad me? ( Luc. I. 43. ) Vous
ttes la l'emme choisie de toute éternité rJdur écrase! la tète du
serpent, pour donner naissance au Verbe divin4, pour procurer lo
salut du monde, pour ouvrir le ciel, pour fer.n -r l'enfer, etc
Vous êtes bénie entre toutes les femmes , et béni soit le fruit de v< s
entrailles» Elisabeth abprit, par une réudation surnaturelle,
-Marie était devenue mère de Dieu; et Zacharie, son époux, fut aussi
rempli du Saint-Esprit, et il prophétisa , disant : Béni soit lo Sei-
gneur Dieu d'Israël, parce qu'il a visité et racheté son peuple, et
parce qu'il nous a suscité un puissant sauveur, do la maison do son
serviteur David : Benedictus Dominus t)eus Israël quia vi fecit
redemptionem plebis sucé, et erexit cornu salutis nobis; in domo David
puerisui (Luc. i. G8. 69).
En Vous seule , dit saint Bernard , en vous seule , ô Marie , le R< i
de l'univers se cache et s'anéantit; le Très-Haut s'humilie, riramense
se l'ait petit. Le vrai Dieu, le Elis de Dieu s'est incarné; et pour-
quoi? Pour nous enrichir tous par sa pauvreté , pour nous relever et
nous élever par son humilité, pour nous rendre grands par son
anéantissement, pour nous attacher à Dieu par sou incarnation, et
pour que nous commencions à être un seul et même esprit avec lui
[Serm. super Missus est).
Nous devons reconnaître que le Sauveur est un Dieu caché, dont
la vertu agit sur les cœurs d'une manière secrète et impénétrable.
toi nous \ oyons , Jésus et Marie, Elisabeth et Jean. felisaWli sal e
Marie coiunie nirrc île Dion, et s'humilir; Jean ressent la présence
de J. G. , et se livre a la joie ; Marie rapporte tout à Dieu. Jésus est
le seul qui semble ne j^as agir; et pourtant c'est lui qui estle mobile
de Marie, d'Elisabeth et de Jean
Combien de fois Dieu nous visité-t-il secrètement 1... Combien plus
souvent encore ne non- \ isiferait-il pas . gj nous n'y meilioi;
obstacle!... En venant en nous. J. C. y excite . comm
beth , un sentiment de foi, de respeel . Va oour, d'adoration pour
sa majesté divine j il nous porte à nous humilier:.»; il nous pi
de saints désirs et de pieui transports sain! Jèan-Baptiste... ;
In, il nous porte à h ner entièrement à lui, à le bénir, aie
louer et a l'aime*' a 1 îinituuuii de Aiui'ie
WARIÏ. 459
L'embrassement deMarieet d'Elisabeth est l'emblème de l'union
de la loi ancienne et de la loi nouvelle,, qui se sont confondues lors
de l'avènement de J. C Elisabeth représente la loi ancienne;
Marie, la loi nouvelle Jean marque la fin des prophéties; il est
le dernier des prophètes Le Sauveur parait; le ministère de»
prophètes est terminé
Cest au moment de sa rencontre avec Elisabeth que Marie, dai.-
un transport d'amour et de reconnaissance, fit entendre le sublime
cantique Magnificat. Mon âme, dit-elle, glorifie le Seigneur, et mon
illi d'allégresse en Dieu mon Sauveur; parce qu'il a
regardé l'humilité de sa servante : et voilà que toutes les générations
m'appelleront heureuse; car celui qui est puissant a fait en moi de
grandes choses, et son nom est saint, et sa miséricorde se répauo
d'âge en âge sur ceux qui le craignent. Il a signalé la force de soi:
bras; il a dispersé les superbes par une pensée de son cœur; il a
précipité de leur trône les puissants, et il a élevé les petits. 11 a
rempli de biens les affamés, et renvoyé vides et pauvres les riches.
Se ressouvenant de sa miséricorde , il a : élevé Isr. ëi , son servit- :r,
gelon ce qu'il avait dit à nos pères, à Abraham et à sa race pour Uu-
jours (Luc. i. AQ-oo ).
Marte, avons-nous déjà dit, conçut et enfanta en demeurant vierge : X! I ■m^nc»
par conséquent , J. G. naquit sans violer l'intégrité du sein virginal
de Marie. Tel est l'enseignement des pères, des docteurs et des théo-
logien?
Quelle douleur pour Marie de ne trouver qu'une étable et une
crèche pour y mettre au monde son divin enfant! Mais elle se sou-
mit Ce fut dans la saison la plus rigoureuse de l'année, au milieu
de la nuit, sans avoir de secours et dans le plus grand dénùment,
qu'elle donna le jour à celui qui était le salut de l'univers, le Messie,
te Désiré des nations, le Verbe fait chair
Elle enfanta Jésus, l'enveloppa de langes, et le coucha dans une
crèche : Peperit Filium suum, et pannis eum involvit, et reclinavit
euru in prœsepio ( Luc. II. 7 ).
Qui racontera la joie, le bonheur, les transports de Marie, recevam
la première , et pour la première fois, le céleste enfant entre ses
bras?... Que de caresses elle lui prodigua! que de douces larmes
elle versa sur lui! que de doux baisers, que de tendres embrasse-
meute elle lui donna ! Combien rand .tait 1 amour du divin eniant
460 MARTE.
pour sa mère, et combien grand l'amour de Marie pour Jésus!...
Quels doux sourires d'une part : quelle ten liesse do l'autre !...
I » -oui enfantement sans douleur, seul pur, seul exempt de cor-
ruption . s'écrie saint Bernard ! 0 naissance surnaturelle ! qui racon-
tera tes merveilles'? ( Serin, t in vigit. Pfativ. )
Le dénombrement ordonné par l'empereur Auguste eut lieu au
moment où tout l'univers jouissait d'une paix profonde ; aussi ce
prince fit-il former le temple de Janus. Tout cela arriva par la
volonté de Dieu, qui voulait montrer que J. C. naissant allait; mettre
la paix entre le ciel et la terre. La Vierge-Mère apparut à César-
Auguste, auCapitole; elle portait son enfant entre ses bras. C'est
on mémoire de cet événement miraculeux qu'Auguste fit placer,
dans le Capitole même, un autel portant l'inscription suivante :
Autel du premier-né de Dieu : Ara primogenia Dei (Suid., îs'iceph.,
Baron. Lcx. IMst. et Annal. Eccl.). Plusieurs docteurs ont pensé que
des anges reçurent J. C. au moment de sa naissance, et le remirent
entre les bras de Marie.
Marie accueillit les bergers envoyés par les anges et elle conservait
soigneusement dans son cœur et méditait sur toutee qu'ils lui avaient
rapporté : Maria conservabat omnia verba hœc , conferens in corde suo
(Luc. il. 19).
La crèche où a été posé J. C. après sa naissance se trouve à Rome,
dans la basilique de Sain te -Marie -Majeure, où on la voit et la
vénère
( Voyez Jésus-Christ, n° 13, Nativité de J. C).
XIII. Prcsen- Marie et Joseph portèrent Jésus à Jérusalem pour le présenter au
a fication. Seigneur : Tulerunt illum in Jérusalem, ut sisterent eum Domino
(Luc. il. 2-2).
Quelle oiioissanee et quelle profonde humilité Marie manifesta
dans sa purification!... Elle qui est vierge et sans tache, se soumit
à prendre rang parmi les mères ordinaires
Ce fut le jour do la présentation que Mario apprit du saint vieil-
lard Biraéon qu'un glaive de douleur percerait son Ame: Et tuam
ipsius animant pertransibit (jladius (Luc. n. 3.")).
Mario offrit à Dieu son délaehement des choses de la terre, sa
soumission et sa pénitence. Par lacérémonie de la purifi :ation, elle
se soumit au joug de la loi ancienne, loi de ser\ itude dont elle était
formellement exemptée
l& 6ilence de Marie, qui taisait le grand mystère de sa maternité ,
nieru.
MARIE. 161
était une marque certaine d'une retenue extra ordinaire, et d'une
incomparable modestie. Sa présence au temple, l'offrande qu'elle
faisait, confirmait la créance qu'elle avait conçu comme les autres
femmes 0 ravissante humilité!
Siméon la loua et proclama sa gloire ; Anne laprophétesse annonça
ses grandeurs; elle seule garda le silence , adorant son Dieu Bile
est vierge; Dieu le sait, Jésus le sait, Joseph le sait; cela lui suffit
En allant au temple, Marie donna l'exemple de l'obéissance, de
l'humilité, de la résignation, etc
Ayant, du haut de la croix, vu Marie et, debout près d'elle, le XIV. Marm
disciple qu'il aimait, Jésus dit à sa mère : Femme , voilà votre fils.
Et ensuite au disciple : Voilà votre mère. Et depuis cette heure-là le
disciple la prit comme sa mère : Jésus dicit matri suœ : Mulier, ecce
filins tmts. Deinde dicit discipido : Ecce mater tua. Et exinde accepit
eam discipulus in swa (Joann. xix. 26. 27).
C'est avant de mourir pour le salut des hommes , que J. C. nous
a donné Marie pour mère dans la personne de saint Jean , apôtre et
évangéliste.
Marie notre mère nous a donné Jésus , son fils , pour nous rache-
ter ; elle nous l'a donné pour remède à nos maux , pour nourriture
et pour récompense, et avec lui elle nous a donné le royaume des
cieux et tous les biens
Saint Antonin et Albert le Grand enseignent que Marie est la
mère de tous les hommes pour quatre raisons : la première, c'est
qu'elle enfante tous les saints spirituellement...; la seconde, c'est
qu'elle prend soin de tous les hommes... ; la troisième, c'est qu'elle
est née avant toute créature et qu'elle est la plus excellente de
toutes...; la quatrième, c'est qu'elle a été prédestinée même avant
la naissance des siècles, pour être l'instrument d'une nouvelle
création
Marie est la mère de tous les fidèles; aussi les Pères la nomment»
ils la mère des vivants : Mater viventium; comme Eve est appela
par eux la mère des morts : Mater morientium.
Origène , commentant les paroles de J. C. sur la croix, s'exprima
ainsi : Lorsque J. C. dit : Femme , voilà votre fils, c'est comme s'il
eût dit , en montrant saint Jean : Celui-ci est Jésus que vous avez
enfanté. En effet, le chrétien parfait ne vit plus lui-même; mais
J. G. vit en lui , et de là vient qu'il est dit de lui à Marie : Voilà
votre fils J. C. ( Comm. inJoann, Praefat.,t. I.)
tu. il
i62 HAUTE.
Eu réparant tout par ses mérites , la b e mère de Dieu ,
dit saint Anselme , est devenue la mère de tous : Beata Dei genii,
suismeritis cuncta reparando , mater est (De Excell. Virg. , c. xi).
Par son consentement à l'incarnation, la bienheureuse vierge,
dit saint Bernard, a demandé du fond de son cœur et a procuré le
salut «le tous les élus. Depuis lors, elle les a tous portés dans son
sein, comme la meilleure des mères porte ses enfants (1).
Ecrions-nous donc avec l'Eglise : Marie, mère de grâce , m*re de
miséricorde , protégez-nous contre les tentations de l'ennemi , et
recevez-nous à l'heure de notre mort: Maria, mater gratiœ, mater
miswicordiœ, tu nos ab hoste protège, et hora mortis suu
. ^incarnant, J. C. est devenu notre frère; d'un au Ira côté, ?ainfc
Paul assure que nous sommes les membres de J. G. (ï. Cor. xii. 27)*
Marie est donc notre mère comme Dieu est notre père!... Oh! que
l'homme est heureux et grand!...
Avoir Marie pour mère! c'est un bonheur, une richesse, un
incomparable avantage Rendons-nous dignes elle...
d'autres J. C...; invoquons-la, honorons-la , imitons-la
Il est dit dans l'Evangile que Marie enfanta son fils premier-né:
Peperit filium suum primogenitum (Luc. n. 7). Son premier-né est
J. C; les autres lils qu'elle enfante sont tous les hommes
xv. Marie e«t Marie, dit saint Bonavenîure, est pleine de grâce; elle est l'océan
griew. des gl'âces. Gomme tous les fleuves se jettent dans la mer , i
toutes les grâces qu'ont eues les anges, les patriarches, les prop.
les apôtres, les martyrs, les confesseurs, les vierges, se sunt ren-
contrées dans Marie (2).
Marie est pleine de grâce, et parla très-aimée de Dieu
La grâce de Marie, dit saint Pierre Ghrysologue, a donné au ciel
la gloire , à la terre un Dieu, aux nations la foi, aux vices la mort, à
la vie l'ordre , aux mœurs une règle : Hœc est gratia quœ dédit
glo7~iam, terris Deum, fidemgcntibus, fine m vitiis, vitœ wdinent, mûri-
ôu6 disciplinant { Serm. cxliji ).
Je vous salue, pleine de grâce, lui dit l'ange, le Seigneur estaveo
vous : Ave, gratia plena, Douunus tecum (Luc. I. 28 J.
(1) Virgo, per c.msi.'iisum in irvnrnalinnem , omnium . , a galutem vi-rora-
tisrime expetiit et procuravit; et o\ tmir in suis viscer bus oi
Trerissiuia mater tilios suos (T. 111, sera, vi, art. 2, c. n).
(2) Maria fui) plcna gratia, îdeoque marc gratiarum. Quare sicut omnia flumina
intrant in mare, sic omnes omnioo gratis, quas habuerunt an i b
pliete, aposîoli, martyres, cnnfewores, virgiueayCOufluere m MariaiU (6//eci.à, c. UJ«
MARIE. 163
Marie, dit saint Jérôme, est vraiment pleine de grâce. Aux autres
créature? la grâce est donnée par gouttes ; mais clans l'âme de Marie
la plénitude 'les grâces a été répandue : Sane plena, quœ cœteris per
parte» prœstatur; Mariœ vero se tota infundit plenitudo gratiœ (De
Assumpt. ). La plénitude de grâce qui est en J. C, est descendue
en Marie, quoique d'une manière différente, dit le même docteur :
In Maria m tut lus gratiœ plenitudo quœ in Christo est , venit , quamvis
aliter ( Ut supra).
D'après les théologiens, Marie, dans le seul moment de son imma-
culée conception ,areçu une grâce plus grande que celle des plus éle\ es
d'entre les anges Et saint Grégoire dit que la première grâce de
Marie surpassa celles qu'ont reçues tous les saints ensemble; parce
que toutes les grâces accordées aux saints ne l'ont été que pour en
faire des saints, tandis que la première grâce accordée à Marie l'a
été pour procurer l'incarnation de J. C, le Saint des saints ( Serrn.
de iXativ. B. Virg.).
A chaque instant la grâce de Marie s'augmentait; or, cette bien-
■vuse ^ùerge a vécu soixante - douze ans, jugez quelle abon-
dance de grâces elle a reçue Marie est plus agréable elle seule à
J. C. , elle lui rend plus de gloire, que tous les anges et tous les
saints réunis.
Soyez louée , ô sainte mère de Dieu, s'écrie saint Cyrille; car
vous êtes la perle précieuse de l'univers, un flambeau qui ne peut
s'éteindre, la couronne de la virginité, le sceptre de la vraie
foi (1).
Je vous salue , s'écrie saint Chrysostome , ô mère , ô vous qui êtes
le ciel et le trône de Dieu, l'honneur de notre Eglise, sa gloire et sa
force: Ave, mater , cœlum, thronus, Ecclesiœ nostrœ decus , gloria,
fumameiitum (Serm. de Deipara).
Saint Ephrem salue Marie comme l'unique espérance des patriar-
ches, la gloire des prophètes, la voix des apôtres, l'honneur des
martyrs , la joie des saints , la lumière d'Abraham, d'Isaac et de
Jacob, la gloire d'Aaron, la splendeur de Moïse, la toison de
Gédéon , celle qui réunit en elle les saintes hiérarchies et qui est 1A
courunue des vierges par sa beauté et son incomparable éclat
(Serrn. de Laud. Virg.),
(1) Sit tibi caneta mater Dei, laus ; tu enim es pretiosa margarita orbis terrariim,
tulampas inexsunguibdis , corona \irginitatis , sceptrum orlhodoxœ fadei (Homil.
cunuu Jsestor.).
464 MARIE.
Je vous salue , -Marie, pleine de grâ< Le saint Bernard; vous
êtes agréable à Dieu , aux anges et aux hommes : aux homin s par
votre fécondité, aux anges par votre virginité, à Dieu par \otie
humilité (1).
L<- Très-Haut a sanctifié son tabernacle, dit lePsalmiste : Soncti-
ficavit tabernaculum suum Allissimus (xlv. 5). Marie est ce taberna-
cle Dieu s'est incarné en Marie; le corps de J. C. a été formé île
la substance de cette bienheureuse Vierge devenue mère de Dieu;
voilà des titres qui devaient nécessairement attirer sur Marie la
plénitude de toutes les grâces et en faire un océan presque sans
rivages, océan dont la profondeur est incommensurable En J.C.,
dit saint Paul, habite corporellement toute la plénitude de la divi-
nité : In ipso inhabitat omnis plénitude* divinitatis corporaliter (Coloss.
ii. 9). Mais le corps de J. C. appartient à Marie ; la plénitude de la
divinité est dune en quelque sorte en elle
Comme l'océan réunit toutes les eaux ; ainsi Marie réunit toutes
grâces, dit saint Donaventure : Sicut in mari aquarum, ita in Maria
sunt congregationes gratiarum (De Laud. Virg., c. vu ).
Les fleuves vont à l'Océan et y mêlent leurs eaux : Marie , fleuve
de grâces, s'unit à l'océan divin et s'y confond. Quelle est , s'écrient
les anges pleins d'étonnement, envoyant la plénitude des grâces
dont Marie a été enrichie; quelle est celle-ci qui s'élève du désert,
inondée de délices, appuyée sur son bien-aimé? Quœ est ista, quœ
ilit de deserto, deliciis afjluens , innixa super dilectum suum?
(Gant. vill. 5.)
La grâce , en Marie , est proportionnée à la dignité; or la dignité
je mère de Dieu est presque infinie
La grâce de la sainte Vierge est immense, dit saint Ephrem :
Gnitia sancta? Virginis est immensa (Orat. de Laud. Virg.).
Le sentiment manque et la langue fait défaut à relui qui désire
]i nsidéreret d'exprimer l'immensité de votre grâce et de votre
gloire, ô bienheureuse Vierge : fmmensitatem gratta fuœ et gloriœ
tuœ considerare cupienti, o Virgo, sensus de/icil , lingua faliscit (De
Excell. Virg. ).
La Vierge, dit saint Jean Damascène, est le trésor de la vie,
l'abîme incommensurable de la grâce : Virgo vitœ thésaurus, gratics
abysses immensa ( Orat. n de Dormit. Virg. ).
'1) Ave, Maria, grati o , ei angelis, ei jrata : honainibus
...... cm , Dco per huiuiliUieia ( 8trm> in inler
ai tu- ,.
La grâce dont Marie a été comblée rit inmuMwq , <Trr saint Bona-
venture; car un vase immense ne peut erre rempli, à moins que ce.
qui le remplit De soit immense : mais Marie a été un vase hors de
mesure, puisqu'elle a pu contenir celui qui est plus grand que le
ciel.OVierge presque infinie, vous surpassez l'étendue des cieux; cai
vous avez donné une demeure à celui que le ciel ne limite pas. Vous
êtes plus grande que le monde; car celui que l'univers ne saurait
contenir s'est incarné dans votre sein. Si donc le sein de Marie a été
si grand , combien plus l'est son âme ! Si sa capacité a dépassé
toute mesure , il a fallu que la grâce qui la remplie fût elle-même
sans mesure (1).
La plénitmle de la grâce est due à la mère de Dieu, dit saint
Cyprien : Matri Dei plenitudo grati'œ debetur (Serm. de Nativ.
Christi). Aux autres, dit Sophronius, la grâce est donnée avec
mesure; mais sur Marie, elle est répandue sans mesure (Serm. de
Assumpt. ).
La mesure de grâce qu'a reçue Marie, dit saint Laurent Justinien,
a certainement été grande et pleine; elle a débordé : Magna profecto
fuit Maria? gratta , exuberans atque compléta ( De B. Virg. ).
Tous les fleuves de grâce qu'ont reçus les saints et tout ce qui les
rend agréables à Dieu, se trouvent dans Marie, dit saint Bonaven-
ture : le fleuve de la grâce des anges est en elle, le fleuve delà grâce
desapùtres est en elle, etc. (2) (Le docteur séraphique parcourt ainsi
toute la sainte hiérarchie. )
Qu'y a-t-il d'étonnant que Marie possède dans le ciel une joie et
une gloire pleines et surabondantes, puisque, dit Sophronius, elle
a possédé dans l'exil une grâce entière et surabondante (Serm. de
Assumpt. ).
Tous les saints Pères enseignent que la bienheureuse Vierge sur-
passe de beaucoup en grâce et en gloire tous les saints, tous les élus,
tous les anges, les chérubins et les séraphins , et qu'aucune créature
(1) Tmmensa fuit gratia, qua Virgo fuit plena : immensum enlm vas non potest
esse plénum, nisi immensum sit illud quo est plénum. Maria; autem vas immensis-
simuin luit, ex quo illum, qui cœlo major fuit, eonlinere poluit. Tu ergo immensis-
sima. capacior es cœlo, quia quem cœli eapere non poterant, tu continuai. Ta
capacior es mumlo, quia quem tôt us non capit orbis, in tua se clausit viscera, factus
homo. Si ergo Maria tam capacissima fuit ventre, quanto magis mente! Et si capaci-
tas tam iminer.sa fuit, oportuit quidem ut illa gratia, qusc tantam implere poluit
latem, esset immensa [Speculi, c. v).
(2) Omnia flumina, omnia charismata sanctorum intrant in Mariam : flumenenim
gralia' angelorum , intrat in Mariam; flumen gratia; apostolorum, intrtt i»
||ari 'if fi m.)
466 MARIE.
ne lui est comparable. Seul, le Créateur e?t au-des?ns d'elle Vous
êtes, ô Marie , dit saint Ephrem, vous êtes supérieure à tout , Dieu
seul excepté : Solo Deo excepto, cunctis superior existis ( lu Orat. de
Land. Virg.).
Dieu, dit Albert le Grand, a donné le nom de mer à la réunion
des eaux; la réunion de toutes les grâces s'appelle Marie : Congre*
gationes aquarum vocavit Deus maria ; îocus autem omnium gratiarum
vocatur Maria ( Homil. super Missus est).
Marie, dit saint Bonaventure, est appelée mer, à cause do l'abon-
dance des grâces qu'elle a reçues. Marie estle rejeton de Jes^é. ilont
parle Isaïe. 11 sortira, dit ce prophète, un rejeton de la tige de J<
une fleur s'élèvera de ses racines. L'esprit du Seigneur reposera sur
lui; l'esprit de sagesse et d'intelligence , l'esprit de conseil et de
force, l'esprit de science et de piété, l'esprit de crainte de Dieu (xi.
1.2). Que Marie dise donc avec assurance : Je suis célèbre comme
le cèdre du Liban, comme le palmier de Cadès, et comme les rosier-
de Jéricho. J'ai grandi comme un bel olivier dans la campagne, et
comme le platane sur le bord des eaux. J'ai répandu l'odenr du cin-
namome et du baume, j'ai exhalé le parfum de la myrrhe; mon
parfum ressemble à celui du baume pur et sans mélange ( Eccli.
xxiv. 17-21). J'ai étendu mes rameaux comme le térébinthe , et
mes rameaux sont des rameaux d'honneur et de grâce. J'ai donné
des fleurs odorantes comme la vigne, et mes fleurs dépendront des
fruits de gloire et de chasteté : Ego quasi terebinthus extendi ramos
meos , et rami mei honoris et gratiœ. Ego quasi vitis fructifi
mavitatem odoris; et flores mei fructus honoris et honestatis ( Ibid.
2-2. 23). Je suis la mère du bel amour; en moi se trouve la voie de
tonte grâce et de toute vérité : Ego mater pulchrœ dilec/ionis. In me
gratia omnîs via? et veritatis (Ibid. 24. 25). Venez à moi, vous
tous qui me désirez avec ardeur, et rassàâiêz-vous '^ fruits que je
porte : Transite ad me omnes qui concupiscitis me, et a gencratio-
nibus meis implcmini (Ibid. 26). Ceux qui se nourrissent de moi
auront encore faim, et ceux qui se désaltèrent à mes eaux auront
encore soif: Qui edunt me, ad hue esurient ; et qui bibunt me , adhuc
titient (Ibid. 59). Celui qui mMcoutô ne sera point confondu, et
ceux qui agissent sous m m ne pécheront pas : Qui audit
me, non confundetur : et qui opnrantur in me , non peccabunt (
30). Ceux qui me trouvent auront la vie éternelle: Qui élucidant
me, vitam Œterr.mn habebunt (I . Voilà le livre de vie, l'al-
liance du Très -Haut et la connaissance de la vérité :
VARIE. 467 I
omnin liber vitœ , et testamentum Àltissimi , et agnitio verilatis
(Ibid. 32).
lT.\T amour ardent pour Dieu dévorait Marie Elle soupirait après XVI. Amoui
la rédemption des hommes et la venue du Messie. Elle ne cessait de
prier pour obtenir cette grâce des grâces; elle l'obtint
Vous avez trouvé, ô Marie , ce que vous cherchiez , dit saint Ber-
nard. Vous avez trouvé ce que personne avant vous n'avait pu trou-
ver, vous avez trouvé grâce auprès de Dieu; et quelle grâce? la
paix des hommes avec Dieu, la destruction de la mort, la répara-
tion de la vie ( Homil. ni super Missus est ).
Le Paint-Esprit s'unit à Marie comme le feu au fer, dit saint
Udefonse; il l'enflamme, la dévore, la transforme en son amour; tel-
lement qu'on ne voit en elle que les flammes ardentes de l'Esprit-
Saint, et qu'elle ne sent autre chose que le feu de l'amour de
Dieu (Serin, i de Assump t.) C'est à juste titre que l'Ecriture
appelle la très-sainte Vierge la mère du bel amour : Ego mater
pulchrœ dilectionis (Eccli. xxiv. 24). Aussi dit-elle dans les Can-
tiques : Mon bien-aimé est à moi, et je suis à lui : Dilectus meus
mi/ti , et ego Mi (n. 16).
L'amour de Marie surpasse l'amour de tous les anges, celui des
chérubins et des séraphins Son cœur est un océan d'amour et de
charité Jamais Dieu n'a aimé aucune créature, ni toutes les
créatures ensemble , comme il a aimé Marie; et jamais aucune créa-
ture, ni toutes les créatures réunies, n'ont aimé Dieu autant que
l'a aimé Marie. Marie ayant été à la fois le père et la mère de Jésus ,
Jésus l'a aimée sans partage. Jésus de son côté , appartenant tout
entier à Marie , celle-ci a eu pour lui un amour également sans
partage Son fils est tout à elle, elle est toute à son fils. De là,
un amour mutuel et parfait
ÈvE, séluitepar sa folie, se laissa entraîner à perdre le monde ; xvn. Sa
Marie, préservée par sa sagesse, mérita d'aider à le sauver Eve dc Marie.
fut une épine empoisonnée qui piqua Adam, causa sa mort, et fit
pénétrer le venin du péché au plus profond de la race humaine.
Marie, vierge très-prudente, est le siège de la sagesse, comme l'Eglise
I dans les litanies : Sedes sapientiœ. Eve nous a blessé d*un
aiguillon; Marie l'a arraché. E':e a écouté le serpe.;t et elle a intro-
duit la mort dans le monde; Marie a écouté l'ange, et elle nous a
donné la vie. Eve. en prêtant l'oreille à la voix du serpent, a donné
(>>C
468 MIME.
entrée au démon dans son cœur; Marie, en adhérant aux paroles rie
l'ange, a reçu J. C. dan? son sein. Eve a mangé le fruit de mort et
elle a communiqué la mort; Marie s'est nourrie du fruit de vie, et
par son entremise la vie a été rendue aux hommes. La folie d'Eve
a tout détruit; la sagesse de Marie a tout réparé
La malice ne triomphe pas de la sagesse, dit l'Ecriture : Sapienliam
non vincit malitia ( Sap. vu. 30 ).
Saint Bernard parlant d'Adam et d'Eve , de Jésus et de Marie , dit :
La malice du serpent vainquit Adam et Eve, qui étaient devenus
insensés; mais Jésus et Marie, par leur sagesse, ont arrêté les effets
de la folie de nos premiers parents et de la malice du serpent. Que
disiez-vous, Adam? La femme que vous m'avez donnée pour c m-
pagne m'a présenté du fruit de cet arbre, et j'en ai mangé. Ces
paroles sont des paroles de malice, qui augmentent votre faute, loin
de la diminuer. Eve est effacée par une autre femme. Eve est
insensée, celle-ci est prudente; Eve est orgueilleuse, celle-ci est
humble. Pleine de sagesse, elle vous présente, à la place du fruit e
mort, le fruit de vie; au lieu d'une nourriture amère et empoi-
sonnée, elle produit et vous offre la douceur du fruit éternel.
Changez donc, ô Adam, changez les paroles de votre criminelle
excuse en paroles d'actions de grâces, et dites : La femme que
vous m'avez donnée m'a présenté le fruit de l'arbre de vie ,
j'en ai mangé; et ce fruit a été plus agréable pour moi que le
miel, parce que, par lui, vous m'avez donné la vie (lloinil. m
super Missus est).
La malice du serpent, dit encore saint Bernard , a trompé Eve
l'insensée; mais, là même où cette malice a paru vaincre pour un
temps, elle a été vaincue pour l'éternité; car la sagesse de Marie agit
sur notre cœur et sur notre corps, afin qu'étant devenus insensés par
une femme, nous devinssions sages par une autre femme ( Homil. in
super Missus est).
Par la sagesse de Marie, les trésors de la grâce se sont ouverts ;
disent les Proverbes : Sapientia tflius eruperunt abyssi [gratiœ) (in. -<)).
Marie sera la vie el 1 1 grâce de notre âme : Et erit vita animœ tuœ
et gratia (Prov. m. 2Î. ) Celle qui devait être la mère de la
sagesse incréée, ne pouvait être que sagesse
\Wlï. Dieu seul est saint par essence Il n'y a de saint que celui qui \
Sainteté d* s'approche de Lieu et qui communique avec lui; et li siin'
fiugmeute à proportion qu'pn est plu I >ieu et plus uni à. lui.
MARTE. 469
Or, Marié étant de toutes les créatures la plus rapprochée rie Dieu et
la plus intimement unie à lui, il s'ensuit qu'elle est la plus sainte
de tontes. Jamais il n'y eut de rapprochement et d'union si intimes
avec Dieu que ceux qui résultent de la maternité divine. Cependant
cette proximité, cette parenté, cette consanguinité de Marie avec
Dieu, ne lui eût servi de rien , si elle n'eût porté J. C. dans son cœur
encore plus que dans son sein. Marie est plus heureuse d'avoir reçu
J. C. par la foi, que de l'avoir reçu par l'incarnation
Marie avait entendu et compris ces paroles de Zacharie : Nous
marcherons devant Dieu dans la sainteté et la justice tous les jours
de notre vie : In sanctitate etjustitia coram ipso, omnibus diehus nostris
^Luc. i. 7,') ).
La sainteté est un éloiguenient et une aversion pour le monde et
pour le péché, un attachement et une union à J. C. et à la vertu;
oi\ Marie a toujours évité le monde et le péché; elle n'a vécu que
pour J.C. et la vertu. La sainteté consiste à offrir son corps en hostie
vivante , sainte, agréable à Dieu, comme le dit Je grand Apôtre : Ut
sxhiU'Citis corpora vestra hostiam viventem , sanctam, Deo placentem
[Ro n. xii. 1 ). Or, Marie n'a-t-elle pas tenu cette conduite? Bien plus
que saint Paul elle a pudire : J. C. est ma vie: Mihi vivere Chrîstus
( Philipp. i. 21 ). Je vis; ce n'est plus moi qui vis, c'est J. C. qui vit
en moi : Vivo,jam non ego, vivit vero in me Christus (Gai. il. 20).
Marie a été sainte dans ses yeux, ses oreilles, sa langue, ses mains
et ses pieds; ellea été sainte dans ses pensées, ses désirs, son cœur,
son esprit et toute son âme; elle a été sainte dans tous ses mouve-
ments , toutes ses démarches et toutes ses actions. Plus parfaitement
qu'Hénoch, elle a marché avec Dieu : Ambulavit cum Deo ( Gen.
v. -2). Encore sur la terre, Marie était constamment au ciel Elle
a accompli à la lettre le précepte donné par le Seigneur dans leLévi-
tique : Soyez saints, parce que je suis saint, moi le Seigneur votre
Dieu : Sancîi estote , quia ego sancius sum, Dominus Deus vester
(xix. 2).
LoitsQTJE l'ange eut salué Marie commepleine de grâce, comme ayant X]X Humilité
le Seigneur avec elle , comme bénie entre toutes les femmes, et sur- de Marie.
tout comme devant être mère de Dieu; loin de s'enorgueillir de tant
d'honneur, de si grands titres et de grâces si extraordinaires, Marie
s'e.-t déclarée du fond de son âme la très-humble servante du Sei-
gneur : Ecce ancilla Domini ( Luc. 1.38). Reine du ciel et de la terre,
devant avoir puissance sur J, C, , elle a pris le titre de servante du
170 :jàrîe.
Seigneur i Ecreoncîïïa Dnmim. Saluée par ^ambassadeur de l'Eternel
comme la mère future de Dieu , elle ne voulut être que sa servante :
Ecce ancilla Ihmini. C'est à juste titre, dit saint Bernard, qu'elle est
devenue la maîtresse et la reine de tous les hommes, puisqu'elle se
regardait comme la servante de tous : Mvrito facta e n domina,
quœ se omnium exhibebat aniillam (Serm. in Apoe. ). Parce que le.
Seigneur a jeté les yeux sur l'humilité de s;i servante, dit-elle. ; voilà
que tontes les générations, à cause de cela, m'appelleront heureuse:
Quia respexit humilitatem ancillœ suœ; ecce enim ex hoc beatam me
dicent omnes generationes (Luc. T. 48 ).
C'est avec raison que Marie dit que le Seigneur a considéré et nimê"
l'humilité; car le salut que la nature humaine avait perdu par l'or-
gueil de nos premiers parents, elle l'a retrouvé en Marie par
l'humilité, dit saint Augustin (1).
Dieu regarde l'humilité de Marie, et il la comble de grâces
Poussées par une espèce d'orgueil, toutes les femmes juives désiraient
d'être mères du Messie; seule, Marie, tout en désirant plus que toute
autre la naissance du Rédempteur promis, n'a jamais eu même la
pensée qu'il lui serait doux d'eu être la mère, tant elle était humble;
et cette humilité a fait descendre dans son sein virginal le Verbe de
Dieu. La plus humble des créatures est devenue, par son humilité,
la plus grande et la plus élevée. Le Roi-Prophète dit : Du haut de son
trône, le Seigneur regarde les humbles, et il ne voit que de loin les
superbes : Excelsus Dominas, et kvmilia respiciï , et a! ta a longe
cognoscit ( cxxxvn. G ).
0 véritable humilité, s'écrie saint Augustin. A véritable humi
qui a enfanté un Dieu aux hommes, qui a donné la vie aux mortels,
qui a renouvelé les cieux , qui a purifié le monde, qui a ouvert le
paradis, et a délivré les âmes de l'esclavage ! (2)
L'humilité , dit saint Basile, est le plus sûr trésor de \
vertus; elle en est le principe et la base : Humilitas
virtutum uranium thesaunts, radix et fundamentnm (Constit. Monast.,
",. XVII).
(1) Bcnc Maria in humilitatem Dnmintim r^i.exisse testatur, quia divinilatia pro-
pitiationem quara humaaa naturo in <> .i rbiam perdidit , in
p< r huiniiii.ifnn recuperavil ( Sei
(2) 0 vera bumiliti .• p péri , vitam morlalibus cilidi!»
éœloa innovavit, mu ml purificavfl, paradisum aperuit, et hominum animas libé-
rant ! ( Si i fsuntpt.)
MARIE. 171
L'humilité, dit saint Chrysostome, est le plus grand des sacrifi-
ces : 'um maximum est humilitas ( Homil. n in Psal. l ).
Marie, dit saint Bernard, a plu infiniment à Dieu par sa virgi-
nité; mai.-, j'ose le dire, sans l'humilité dont elle était ornée, elle
n'eût i as été oisie pour être la, mère de J. C. : Sine humditute autem,
audeo dkere , nec viryinitas JMu/iœ plae uissec ( Homil. super Misas
est).
Comme Eve s'était laissé entraîner à désobéir à Dieu et à le fuir, dit Xî- 0i'«is-
sance de
sain, Irénée, Marie s'est laissé persuader de lui obéir, et ainsi, Marie.
Marie vierge est devenue l'avocate d'Eve vierge (I).
L'ange annonce à Marie la volonté de Dieu pour l'incarnation du
Yerhe; elle obéit : Je suis, dit-elle, la servante du Seigneur; qu'il
me soit fait selon votre parole : Ecce ancilla Dornini; fiât mihi secun-
dum verbum tuum ( Luc. i. 38 ).
L'obéissance de Marie sauve le monde : la désobéissance d'Eve en
avait causé la perte
Lange ordonne à Marie de faire le long et pénible voyage de
l'Egypte, et de porter avec elle son fils : elle part aussitôt
L' ^éissance de Marie est de tous les instants ; elle obéit dans toutes
les occasions , elle prévient Tordre 11 est dit deJ. C. qu'il fut
obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix : Factus obediens
usque od mortem, mortem autem crucis (Philipp. n. 8). On peut en dire
autan- Je Marie Marie ayant toujours fait la volonté du ciel, le ciel
fera éternellement la sienne
Mari." a toujours été vierge, et par conséquent toujours infini- XXI. Pureté
ment pure Il fallait, dit saint Anselme, que la Vierge Marie
eût une pureté qui fût la plus grande après celle de J. C. {De
Luud. Virg. ).
Marie est si pure qu'elle tremble à la vue même d'un ange ( Luc.
I. 29 ). Apprenez de là, vierges chrétiennes, à craindre et à vous tenir
sur vos gardes, afin de conserver la plus belle et la plus délicate
des vertus
L'ange annonce à Marie qu'elle sera mère de Dieu; mais elle est si
pure, elle tient tant à cette angélique vertu, dit saint Grégoire de
Nysse, qu'elle préfère la gardet ue L'etr. ui&'e de bièu , si ceue
(1) Sicut Eva seducta est ut fuçrerct Deum; sic Maria suasa est obedire Deo, ni
\irgiuis Evae \irgo Maria fn-ret advocata (De Laud. Virg.).
472 MAÏÏTB.
maternité doit porter atteinte à sa pureté «ans tache : Angélus parfum
nuuliat : at Ma virginùati inhœret, et integritatem ongelicœ démon-
ttmtioni endam judicat (Orat. de Nativ. Clir sti ).
L'Eglise, dans les litanie?,, appelle Marie très-pure, très-chaste, tou-
jours \ ierge : Mater purissima, mater castissima , mater inviolata
( Voyez il" IX : Marie est demeurée vierge en devenant mère. )
XXii. Bonté J]coi'TEZ =aint Bernard : Que celui-là, s'écrie-t-il, ô Vierge heureuse,
et miséricorde ... . . , ,., . .
de Marie. tai?e votre miséricorde, qui se souviendra q-u il vous a invoquée dans
ses ! que vous lui avez fait défaut! Qui pourrait, ô Vierge
bénie, découvrir la longueur, la largeur, la hauteur et la profon-
deur de votre miséricorde? ,1)
Marie est l'image de la bonté de Dieu, dit la Sagesse : Imago boni'
tatis il lins (TH. 2(3).
Jamais, dit saint Bernard, aucun siècle n'a ouï dire que celui qui
a Invoqué Marie, qui a eu recours à elle et qui l'a implorée, ait
été abandonné (Memorare, etc.).
Votre déification, ô Marie, dit saint Pierre Damien, votre sublime
élévation à la dignité de mère de Dieu, serait-elle un motif d'oublier
notre faible humanité? Nullement, ô notre reine! Vous savez dansquel
péril vous nous avez laissés, en montant au ciel, et combien vos ser-
viteurs sont exposés à tomber et à rester dans leur chute. Il ne con-
vient pas à une si grande miséricorde d'oublier une si grande
mi-ère : car si votre glorieux état vouséloigne de nous, votre, nature
en rapproche; et vous n'êtes pas devenue tellement impassi-
e , que vous ne puissiez compatir à nos maux (2).
Les délices de Marie, comme ceux de J. C, sont d'être avec le
enfants des hommes: Deliciœ meœ este cum filiis hominum (Ituv.
vin. 31 ).
Marie, dit saint Y>- r ard, D ouvert le scinde sa miséricorde à tous,
pdùr que tous reçussent de sa plénitude :1e pécheur le pardon, I»»
•e, l'ange la joie, la sainte Trinité la gloire (3).
(1) Silcnt misericordiam tnain, Virgo beata, si quia est qui, invocatam te in no'«j.v
; us --iii<, silii m miiucril di fuisse. Quia misericordiœ Une, <> benedicla, h>
iliuem, latïtudlnem, snbliniïlatcm cl profundum, qucat invesligare? [Berm.tYde
umquid , quia ita deificata , îdeo nostrs bumanitatis ohlita os? Nequa iuam ,
Domina Scia m quo discrimine nos rcliqueris , utl jaceant, quantum delin t
i ni. Non enim convenil Unie misericordiae lantam miserinm oblivisc : <|ii>a,
iria, revocat natura; neque ita es pa sibiiis, ut si.- incompaasibilii
I Sa m. ite '■'•;'■ I
tlaria omnibus iniscricnnli.'n sinum nperuit, ut de plenitudine ejus accipinnf
MARIE. 173
La bonté de Marie est pleine cle prévenances. Saint Paul appelle
Dieu le père des miséricordes et le Dieu de toute consolation :
Pater misericordiarum et Deus totius convoi adonis ( II. Cor. i. 3) ; on
peut appeler Marie la mère des miséricoçdes et la reine de toute
consolation. Ses sentiments d'amour et d'inefiable tendresse pour les
hommes sont comme autant d'ailes dont elle se sert pour voler sou-
dain au secours de. ceux qui l'invoquent. Voilà pourquoi saint
Anselme dit : Le salut est quelquefois plus prompt par l'invocation
du nom de Marie , que par l'invocation du nom du Seigneur Jésus;
parce qu'au Christ , comme à un juge, il appartient aussi de punir;
tandis qu'à Marie, comme aune protectrice, il n'appartieut que
d'avoir pitié (1).
J'ai couvert toute la terre comme une nuée , dit Marie par la bou-
che de l'auteur de l'Ecclésiastique : Sicut nebula texi ornnem terram
(xxiv. 6). Je me suis assise dans toutes les régions du globe, et
parmi tous les peuples ? 2Î7 in omni terra steti, et in omni populo
( Ibid. xxiv. 9 ).
La bienheureuse Vierge Marie couvre la terre comme une nuée :
car, 1° elle couvre de sa miséricorde et de sa protection l'homme
misérable et nu 2° Comme avec les nuées du printemps un
souffle tiède arrive , fait fondre la glace amoncelée, humecte la terre
et la dispose à porter des fruits ; ainsi, en présence de Marie, la glace
que le démon a jetée dans le cœur se fond, le repentir se produit,
les vertus germent et se développent.
Tous ceux qui le veulent , participent aux hontes de Marie, dit
saint Bernardin : Omnes qui volunt, 'participes fiunt gratiœ suœ ( De
Laud. B. Virg. ).
Par sa charité sans bornes, Marie, dit saint Bernard, s'est
constituée redevable env°rs les pécheurs comme envers les justes;
elle ouvre à tous ses entrailles de miséricorde [Homil. v super
JMissus est).
Marie, dit Bonaventure , est notre colonne de nuées; elle noif
protège contre les rayons brûlants de la colère divine , et contre lî
feu Ues tentations : Manu est nobis columna nuàis ; quia tanquam nubei
universi : peccator veniam, justus gratiam, angclus lœtitiara, tota Trinitas gloriam
(Sein' de Assumpt.).
(1; Vi'locioresl nonuunquam salus, memorato nomineejus, quam invocato nomine
Domini Jesu : quia ad Christum, tanquam ad judicem, pertinet eliam puuue : ad
Ttfgiflem, Uuquauj ad patronam, non oisi misereri [Lia. de Excell. Virg.).
474 MAME.
proterjit ab œstu divinœ inâiç , et ab œstu diabolicœ tentationis
(Speculi).
Il est dit dans l'Exode : Le Seigneur étant dan? la colonne de feu
et de nuée, regarda l'armée des Egyptîens et la fit périr ; il renversa
les roues des chars, qui furent ensevelis an fond de la mer (xlv.
24. 25). Dieu, présent en Marie, tient 1 . même conduite; il terrasse
tous les ennemis de l'homme : l'enfer , le mon te et la chair
J'ai étendu mes rameaux, et ce sont des rameaux de grâce . dit
Marie dans le livre de l'Ecclésiastique : Exteudi ramos mens . et I
meiqratiœ (xxiv. 22). Ces rameaux sont les bras miséricordieux
de Marie
Je me suis fait tout à tous , pour les sauver tous, dit saint Paul :
Omnibus omnia fuctus sum , ut omnes facerem salvos (I. Cor. IK. 22).
Ces belles paroles, inspirées par une immense charité , conviennent
plus encore à Marie qu'au grand apôtre. Marie, qui e.-d le itefuge des
pécheurs, la consolation des affligés, le secours des chrétiens, la
santé des malades, comme la nomment ses litanies , ouvre à tous
les hommes son cœur miséricordieux, afin que tous éprouvent les
effets de sa bonté. Par elle, le captif voit briser ses chaînes, linliiiue
reçoit la santé, celui qui est triste, la consolation, le pécheur, la
grâce de la réconciliation. J. C. tient d'elle sa substance corporelle ;
le Fils de Dieu, les anges, les hommes, le ciel et la terre ont tous
reçu quelque chose de Marie: quel est celui qui a pu se soustraire à
sa bonté et à sa charité? Personne ne se dérobe à la chaleur des
rayons du soleil, et à la tendresse de Marie: JSec est ç>h se abscondat
a calore ejus (Psal. xviii. 7).
Du haut de la croix, J. C. étend les bras avec amour et embrasse
le monde; Marie étend les siens avec une miséricordieuse bonté , et
elle presse sur son sein maternel tous les hommes qui n'y mettent
pas d'obstacle.
Quel est celui qui, parlant de cette admirable mère, ne peut
emprunter les expressions du Urre de la Sagesse : Tous les biens me
sont venus avec elle , d'immenses richesses sont tombées de ses mains
pour moi? Yenerunt gutem mihiomnia bona pariter cum Ma; et innume-
rabilis honestas per manu» illius ( vu. il). Elle est un trésor inépuisable
pour les hommes; ceux qui l'ont employée sont devenus les amis
de Dieu : In finit us enim thésaurus est , honunibus : quo qui usisunt , par-
ticipes factisunt amicitiœ Dei (Sap. vu. 14).
Il est dit de Joseph qu'il ouvrit tous les greniers de l'Egypte, qui
étaient oleiuâ de {ruinent, et que de toutes 1&> région» un veniùt y
MAftIE. VTb
ter de quoi se nourrir et adoucir les maux de la famine : Ape-
rvilque Joseph universa horrea; omncsque \ rovmciœ venicbont in
jE(ji/i>tum, ut emerent esc as } et mal ht inopiœ temLerarent (Gen. xu.
50. 57). Marie se conduit co . me le fils de Jacob; que dis-je? elle
l'ait infiniment plus, puisque ses soins s'étendent à tout l'univers et
à tous les siècles Comme Joseph, elle ne vend pas, mais elle
donne et donne abondamment; elle n'adoucit pas seulement la
disette, elle l'efl'ace entièrement; elle rassasie tous ceux qui oirl
faim
Empruntant les paroles d'Isaïe et les appliquant à Marie, noub
dirons : Vous tous qui avez soif, venez à la source des eaux vives ,
venez à Marie ; tous qui êtes dans l'indigence, hâtez-vous; achetez
et mangez; venez, il n'est pas besoin d'argent ni d'échange; pro-
curez-vous le vin et le lait : Omnes sitientes, venue ad aquas : el qui
non habctis argentum}propcrate} emite et comedite; venue, emite absque
argento, et absque ulla coummtatione vinum et lac ( lv. 1 ).
Voulez-vous J. C? elle est sa mère, elle vous le donnera. Voulez-
vous la grâce? elle est la mère de la divine grâce, comme le dit
l'Eglise dans les litanies: Muter divinœ gratiœ. Elle est le canal par
où descendent toutes les grâces. Voulez-vous votre salut et le ciel9
ils vous sont assurés par Marie et en Marie
Il est dit qu'à cause d'Esther, son épouse, Assuérus accorda le
repos à toutes ses provinces, et qu'il leur fit des largesses royales :
Dédit (rex) requiem univerm provinciis , ac doua largitus est , juxta
ma'jnificentiain principale?)* (Estker. ii> 48). Dieu donne tout ce qu'on
désire et tout ce qu'on demande par Marie.
Quel inappréciable bonheur n'est-ce pas pour les hommes si pau-
vres, es, si exposés, d'avoir en Marie un appui et de si
grandes richesses!...
(Voyez Signification du nom de Marie, n° VII; Marie est notre
mère , n° XIV; Marie est l'océan des grâces , n° XV. )
Dieu, dit saint Bonaventure, ne pourrait faire rien déplus grand que xxui. Gra»-
Marie : il pourrait taire un monde plus grand, il pourrait faire un Marie!*
ciel plus grand; mais il ne pourrait faire une mère plus grande que
lanière de Dieu (I).
(1) lpsa est, qua majorem Deus facere non posset : majorem mundum facere
posset : eus, majus cœl :m lacère posiet Deus ; majorem niahem quam mat rem Dei
uou yoiàat facere Deus ( Hpecuii).
d76 MARTE.
Marie est si grande que l'Homme-Dieu lui était soumis, dit l'Evan-
gile : Erat subditus Mi* | Luc. il. 51). Qu'une femme commande à
un Dieu, c'est une grandeur sans égale, dit saint Bernard : Quod
Deo femina principetur , sublimitas sine socia (Serm. i super M issus
est).
Marie est si grande qu'elle contient celui que le ciel et la terre ne
peuvent contenir, dit saint Bonaventure. Elle est plus grande que le
ciel : Capacior cœlo, plus grande que le monde : Capacior mundo.
Si son sein est si vaste qu'il a renfermé un Dieu, quelle est donc la
graodeur de son âme! Si Maria tam capacissima fuit ventre, quanto
magis mente! (Speculi. )
0 vierge bénie entre toutes les femmes, s'écrie saint Anselme,
vous l'emportez en pureté sur les anges, et en piété sur les saints!
0 benedicta super mulieirs , quœ angelos vincis jpuritate, sanctos superas
pietate! ( De Laud. B. Virg. )
Votre magnificence a été élevée au-dessus des cieux, Seigneur,
dit le Psalmiste : Elevata est mngnificcntia tua super cœlos (vin. 2).
Saint Bernardin de Sienne applique ces paroles à Marie. Cette magni-
ficence de Dieu , c'est la vierge Marie, dit-il : Magnificentia Dei dicta
est virgo Maria. Car dans la grandeur de Marie et même dans son
humilité, dans sa dévotion, dans ses actions de grâces, en un mot,
dans 1 usage qu'elle a fait de tous les biens de Dieu, Dieu a été plus
honoré qu'il ne l'est par toutes les créatures du ciel et de la terre
réunies ensemble. C'est donc à juste titre que Marie est élevée au-
dessus du ciel, c'est-à-dire au-dessus de tous les chœurs des anges
{DeB. Virg.).
11 n'est pas surprenant que Marie, dans son sublime cantique,
s'écrie : Celui qui est puissant a fait en moi de grandes choses : Fecit
mihi magna qui potens est (Luc. i. 49).
La grandeur de .Marie l'emporte sur toutes les grandeurs créées,
comme l'or l'emporte sur le fer, le ciel sur la terre, la lumière du
Boleil sur toutes les autres lumières. En présence de la grandeur de
.Marie, t<mtes 1rs autres grandeurs créées s'effacent et disparaisse) '
comme la lumière des (toiles, et les étoiles elles-mêmes au lever de
l'astre radieux du jour
I .;,;. •■ . i Augustin , si je vous donne le nom de ciel,
vous êtes plus élevée ; si je vous appelle la mère des nations , je ne
dis pas assez : Si cœlum te vocem, attior es; s,
prœccdis ( Serm. xxxv île Sanct.).
Marie a reçu toutes les qualités, toutes les grâces, toulos les vertus,
MARIE. 177
toutes les perfections qui ont brillé dans tous les saints pris ensem-
ble; e'e le- a réunies en elle comme l'Océan réunit toutes les eaux
qui arr ent la terre. Elle a reçu non-seulement la plénitude de
la grandeur de tous les saints et de tous les anges, mais la plénitude
de la gloire de tous les élus : Ma demeure , dit-elle, est dans la
plénitude de tous les saints : In pleniludine $anctorum detentio mea
(Eccli. xxi y. 16).
La bienheureuse Vierge , dit saint Bonaventure , habite non-seu-
lement dans la plénitude des saints, mais elle tient les saints dans sa
plénitude, afin que la leur ne diminue pas ; elle possède toutes les
vertus pour qu'elles ne s'enfuient pas; elle a tous les mérites pour
qu'ils ne se perdent pas ; elle arrête les démons pour qu'ils ne nuisent
pas; elle retient son fils, afin qu'il épargne les pécheurs (Speculi
D. Yirg., c. vn).
Là où se trouve la plénitude de la sainteté des hommes et des
anges, la bienheureuse Vierge a jeté les fondements de sa gran-
deur et de sa sainteté, dit saint Bernardin de Sienne (Serm. xi,
art. 3, c. i).
Pour faire l'univers, Dieu n'a employé qu'une parole; pour faire
Marie, il a mis en œuvre toute la puissance de son bras : Fecitpoten-
t'uiiu in brachiosuo (Luc. I. 5! ).
Les giands hommes de l'ancienne loi , Hénoch , Noé, Abraham,
Isaac , Joseph, Moïse, Aaron,Josué, Samuel, David, Salomon,
Gé éon, Samson, Elie, Isaïe, Jérémie, Daniel , etc. , ont été les
figures de la grandeur de J. G. Toutes les femmes mémorables de
l'Ancien Testament, Sara, Debbora, Jahel , Susanne, Judith,
Ësther, etc., ont été les figures de la grandeur de Marie. 11 est dit de
Judith qu'elle était partout très-célèbre : Erat in omnibus famosissima
( Julith. vin. 8). S'adressant à elle , Holopherne l'ait entendre ces
paroles : Vous serez grande, et votre nom sera célèbre par toute la
terre 'v Tu magna eris, et nomen tuum nominabitur in universa terra
(Judith, xi. 31). Sur son passage, le peuple de Béthulie s écrie:
Vous êtes la gloire de Jérusalem, vous êtes la joie d'Israël, vous êtes
l'honneur de notre peuple : Tu gloria Jérusalem , tu lœtitia Israël, tu
honorificentia populi nostri [ Judith, xv. 10). Ces beaux titres con-
viennent infiniment mieux à Marie; Judith n'était qu'une ombre,
une figure de l'auguste Vierge.
Enfin, Marie est au-dessus de tout; Dieu seul est au-dessus d'elle :
encore le trône où elle s'asseoit est-il çlacé à côté et a la droite de
celui uc sot fils
17R MARTE.
XXIV. Mahil nous exauce, dit saint .Jernard; J. C. exauce Marie; le Père
de Marie! exauce J. C. : voilà l'échelle des pécheurs, voilà ma plus grande
confiance, voilà toute mon espérance (Serm. de Aquœductu).
Par Marie, dit le même docteur, le ciel Si ii, cl l'enfer
conserve du vide: Per Mariant cœlum replc'umest, ttinfernus evacua-
ter(€enn. inCant. ).
En Marie, Dieu a placé le soleil et la lune, J. C. et son Ëfclîse :
In Maria Deus posait soient et lunam, Christian et Eccksium (Ljusd.
Serm. ).
IV i n'a été n'tahli sans Marie, comme rien n'a été fait sans Dieu.
Tout ce que Di u a voulu nous donner a passé par les main? de
Marie; sa volonté est que nous ayons tout par elle, dit encore saint
Bernard (1).
C'est de Marie qu'il est dit clans la Genèse : Elle écriera la tête du
serpent : Ipsacontei et capv.t tuum (in. 45). Eclairé \ ai-Esprit,
le Prophète royal , ayant vu Marie, lui adresse ces | :
avez I irisé le front de Léviathan, vous l'avez donné pour p I
aux peuples du désert : Tu confregisti capita dromnis : dedisti eum
escam po/julis jEthiopuin (lxxiii. 14).
Marie est la tour de David, couronnée de créneaux, où sont suspen-
dus mille boucliers et toutes les armes des forts : Sicut turris David,
q> œ œdificata est cum propagnaculis ; mille clypei pendent ex ea, om lis
armatura fortium (Cant. iv. 4). Aussi l'Eglise l'appel If» * file ainsi:
Turris David ica (Litan. ).
Quelle est celle qui s'avance, terrible comme une année rangée
en bataille hors de ses tentes? Quœest istaguœ progreditnr, ternùilis
ut casirorutn acies ordinata? (Cant. vi. 9. ) Cette femme c'est Marie
Les ennemis que nos yeux peuvent voir, dit saint Bernard, crai-
gnent moins une grande armée rangée en bataille, que les démons
ne i tient le nom, le patronage et l'exemple de Marie J partout
où ils trouvent le fréquent souvenir de ce nom, la fervente invoca-
tion et l'imitation fidèle de la bienheureuse Vierge, ils foulent et
dispare nme 1 > cire en présence du feu (2).
Seuie mère .1 ■ Diea, Marie peut tout, renouvelle tout, s'unit a
[\) Sine Maria Bib.il îvOctum est , siriit sine Doo niliil factura. Pcr Maria mua l*
transiit, quod Deus no« babere voluit ; sicut est vuiiuiUa ejm, qui toi uni nos habera
\oluit pcr Mariant ( Serm. de li.
(2) Non sic timent bostes vtstbfles castroruni aciera copiosam, Bieut nprpm pntpeta-
i aluni patrociniaix) ilnra : flnunt el ereunt sicut c
ign g, ubicumque inventant crebram bujus nomiais recordatiouein, devouui wvoca-
lionem, solUcUam UDllatioaem [Speculi ii. Viry.,c. ix).
MARTE. \ 79
toutes les âmes fidèles qui bah lent la terre; elle a formé les amis de
Dieu et les prophètes, dit la Sagesse : Et cum sit «na, omnia potest ;
(jtnnia innovât, et per nationes in animas sanctas se transfert ; amicos
Dei et prophètes construit (vu. 27).
Vous serez le premier dans ma maison, dit Pharaon à Joseph, et
tout le peuple obéira à l'ordre de votre bouche; je n'aurai de plus
que vous que de m "asseoir sur le trône royal. Voilà que je vous ai éta-
bli maitre sur toute la terre d'Egypte : Tu eris super domum meam,
et ad tui oris imperium cunctus populus obediet : uno tantum regni
soho te prœcedam. Ecce constitui te super universam terram JEgypii
(Gen. xli. 40. 41). Et Pharaon l'appela sauveur du monde-: Et
vocavit eum salvatorem mundi (Gen. xli. 45). Toutes ces paroles qui
indiquent et donnent la puissance, s'appliquent merveilleusement à
Marie Le peuple ayant faim, cria à Pharaon, demandant du
pain, et Pharaon leur répondit : Allez à Joseph, et faites ce qu'il
vous dira : Ite ad Joseph , et quidquid ipsevobis dixerit, facite (Gen.
xli. 53). 0 mortels! allez à Marie, et faites tout ce qu'elle vous
inspirera, et votre misère et votre faim disparaîtront. Comme Joseph,
elle ouvrira tous les greniers de la terre et surtout ceux du ciel :
Apenritque Joseph universa korrea (Gen. xli. 56).
Les forts d'Israël disparurent jusqu'au temps où se leva Debbora ,
dit l'Ecriture, jusqu'au temps où se leva une mère en Israël : Cessa-
nt fortes, donec surgeret Debbora, surgeret mater in Israël
( Judic. v. 7 ). Voilà Marie. Dans l'univers, pendant quarante siècles,
la faiblesse avait pris la place de la force. Marie parait, Marie, la
mère de tous les hommes , et la race humaine recouvre la vigueur.
Les démons sont liés, l'enfer est fermé, les vices sont détruits; où
le péché avait abondé, la grâce surabonde, le ciel s'ouvre: tout
était perdu , tout est sauvé ! ...
Bethsabée , mère de Salomon, alla le trouver afin de lui parler;
et ce roi se leva ; il vint au-devant d'elle, et se prosterna; puis
il s'assit sur son trône; et un trône fut apporté pour la mère du
roi, qui s'assit à sa droite. Et le roi lui dit: Demandez, ô ma
mère , car je ne dois point vous amener à détourner de moi votre
visage (1). Ce tableau renferme une image de la puissance qu'exerce
Marie sur son fils adorable, le Roi des rois
(1) Venit Iîeltisabee ad regem Salomonem, ut loqueretur ei : et surrexit rex in
occursum ejus, atloravitque eani, et sedit super thronum suum : positusque est
thronus matri régis , quae sedit ad dexteram ejus. Et dïfcif ei rex : Pete, mater ;i<ea;
neque euiin fus est ut averlam faciem tuain (111. heg. n. 19. âO).
"180 MARIE.
Le roi Salomon, dit encore l'Ecriture, donna à la reine de Saha
tout ce qu'elle voulut et tout ce qu'elle lui demanda : Rex Sel,, non
dédit reginœ Sabaomnia quœ voluit et petivit ab co (III. Reg. x. 13).
Telle est la conduite de Dieu envers Marie
Seigneur, dit Judith, ceci rendra votre nom mémorable, que la
main d'une femme ait renversé le fort : Erit enim hoc memoriale
nominis tui , cum manus f émince dejecerit eum (Judith, ix. 15).
Le Seigneur, dit encore Judith, a accompli par moi. sa servante,
la miséricorde qu'il avait promise à la maison d'Israël; il a fait
périr par ma main l'ennemi de son peuple : In me ancilla sua adim-
plevit misericordiam suam, guam promisit domui Israël ; et interfecit
in manu mea ftostem populi sut (xiii. 18). Voici la tète d'Holopherne;
le Seigneur, notre Dieu, l'a frappé par la main d'une femme:
Eccc caput Ilolofernis ; per maman feminœ percussit illum Dominas
Deus noster (xm. 19). Le Seigneur n'a pas permis que moi. sa
servante, j'aie été souillée; mais il m'a rappelé vers vous sans
aucune tache, pleine de joie de sa victoire, de mon salut et de
Autre délivrance. Vous tous donc, confessez le Seigneur, parce
qu'il est bon, et que sa miséricorde est éternelle Et tous
adorant Dieu, dirent à Judith : Le Seigneur vous a berne dans
sa force, et il a anéanti nos ennemis par vos mains. Or, le
prince du peuple, O/.ias , lui adressa ces paroles : Ma fdle, vous
' léniedu Se'gneur I ieu trè.-haut, plus que toutes les femmes de
Ja terre. Béai soit le Seigneur, qui a créé le ciel et la terre, et qui
vous a conduite pour frapper la tête du prince de nos ennemis. Car
aujourd'hui il a attaché tant de gloire à votre nom, que votre
louange ne cessera de sortir de la bouche des hommes qui se sou-
dront de la puissance du Seigneur; pour eux, en effet, vous
n'avez point épargné votre \ie, l'offrant atin de mettre fin aux
et aUX tribulations de votre peuple : vous vous êtes pré-
\anl Dieu pour préve dr notre ruine. Et tout le peuple dit:
. soit-il, ainsi suit-il (Judith, xm. 20-26 .
écit des merveilles exécutées par la main puissante de Judith,
était une fidèle prophétie de la part que .Marie devait prendre à
e la rédemption.
Le Seigneur tout-puissant, dit Judith, a frappé l'ennemi, il l'a
aux maint d'ui e femme, et elle l'a péri : Dominus omnipotent
nocuit curn, cl tradidit eum in manu» feminœ, <■( confoditeum (xvi. 7).
Marie a frappé l'ancien swnent; ainsi chaque joui elle
mon*.
MARIE. 481
Marie, dit saint Pierre Damien, est la verge puissante qui arrête
l'impétuosité des démons nos adversaires; elle est la verge d'Aaron
par laquelle s'opèrent des merveilles :' Hœc est virga , qua relun-
duntur impetus adversantium dœmoniorum; virga Aaron per guam
fiunt et mirabilia (De B. Virg.).
Lorsque le roi Assuérus vit paraître la reine Esther , nous dit
l'Ecriture, elle plut à ses yeux, et il étendit vers elle le sceptre
d'or qu'il avait à la main. Et le roi lui dit : Que voulez-vous , reine
Esther? que demandez-vous ? Quand vous me demanderiez la moitié
de mon empire, je vous la donnerais (1).
Dieu, roi du ciel, agit de la même manière envers Marie, reine de
l'univers Marie lui plait; il partage son sceptre avec elle; il ne
peut rien lui refuser. Marie est la plus puissante des créatures; Dieu
nous l'a donnée afin que nous obtenions de lui tout ce dont nous
avons besoin; elle nous ouvre les trésors de la clémence divine; elle
dispose de toutes les grâces; J. C, son divin fils, les répand toutes
par elle
Esther répondit au roi : Si j'ai trouvé grâce devant vos yeux, ô
roi , et s'il vous plait ainsi, accordez-moi, je vous en conjure, ma
propre vie et celle de mon peuple, pour qui j'implore votre clé-
mence : Si inveni gratiam in oculis tuis, o rex, et si tibi placet , dona
mihi animam rneam pro qua rogo , et populum meurn pro qvo obsecro
(Esther. vu. 3). Nous avons été livrés pour être foulés aux pieds,
égorgés et exterminés : Traditi sumus ut conteramur, jugulemur et
nereamus (Ibid. vu. A).
Esther obtient le salut do Mardochée, condamné par Amau à être
pendu; elle préserve delà mort son peuple près d'être immolé, et le
féroce Aman est pendu à la place du pieux Mardochée. Voilà ce que
fait Marie Plus orgueilleux , plus cruel qu'Aman, le démon a
résolu de nous fouler aux pieds, de nous égorger, de nous exter-.
miner ; Marie fait échouer ses desseins et mine sa puissance.
Tous les anges et les archanges , les trônes et les principautés
vous servent fidèlement, ô Marie, dit saint Bonaventure; toutes les
puissances et les vertus des cieux , toutes les dominations vous obéis-
sent ; tous les chœurs des chérubins et des séraphins vous assistent ,
forment votre cour, et sont vos ministres. Tous les anges ne cessent
( Cumquc vidisfet Esther, placuit oculis ejus , et extendit contra eara \ir?ara
aurcam, quam tenebat manu. Dixitque ad eam rex : Quid vis, Esther regina? qune est
petiiio tua? Etiamsi dimidiam partem regni petiens, dabitur tibi (Esther. v. 2-3 ),
-
i lie,
482 MARTE.
de crier : Sainte, sainte, sainte est la mère de Dieu, mère et vierge
(Speculi).
Toutes les créatures, dit saint Bernardin de Sienne, sont les ser-
vantes de Marie, comme de l'auguste Trinité; car, quelque rang
qu'elles tiennent, toutes les créatures, soit les créatures spirituelles
comme les anges, soit les créatures raisonnables comme les
hommes, soit les éléments comme les cieux, soit les élus, soit nn'me
!amnés et les ornons: tout ce qui est soumis à l'empire de Dieu,
est soumis à la puissance de la glorieuse vierge (1).
S'il n'est entièrement maudit, dit Marie à sainte Brigitte, per-
Bôûtto, quelque ennemi de Dieu qu'il soit , ne m'invoquera sans
fftl'il revienne à Dieu et obtienne miséricorde ( Révélât., lib. VI,
c. x).
Dieu révéla cette même puissance de la très-sainte Vierge à sainte
Catherine de Sienne : Ma bonté, lui dit -il, a accorâé 3 Marie,
ieuse mère de mon Fils unique, à cause de l'incarnation du
Verbe en elle, que tout pécheur qui l'invoque avec une pieuse
dévotion, Ce puisse être trompé et séduit par l'esprit infernal;
car je l'ai choisie, je l'ai préparée et placée comme un doux
hameçon pour prendre les hommes , et surtout le9 unies des
pécheurs ( In vita ejus).
Commentant ces paroles de l'Apocalypse : Un grand signe parut
dans le ciel : Siguum magnum apparuit in cœlo (xn. 4 ) , saint Ber-
î.ard dit que de crainte de périr comme la cire devant le l'eu, le
pécheur peut redouter de s'approcher de Dieu, qui est un l'eu
rant; mais , ajoutc-t-il, qui est-ce qui peut redouter de s'appro-
cher de Marie? Il n"y a rien de sévère en elle, rien de terrible ; elle
est toute douceur; elle offre à tous le lait et la laine : tout en elle est
-race; ses mains sont pleines de pardon et de miséricorde
(Serai, in illud : Signum magnum).
Si v la terre, ...tenait tout de son fils, que n'en obtient-
eL pas dans le ciel?...
a La reine votre épouse, dit ïePsalmiste, se tient à votre droite ,
revêtue d'or et de ti uf ce qu'.i y a de plus précieux : Astilit regina
a dextris tuis in vestitu déavrato >:i, varietatê (xiiv. 40). Lo
(1) Tôt creaturre serviunt gloriosne Virgini Maris, quot serviunt Trinitnti. Omncs
fiempe cri'aiur.i' qttémcumqoe graduai leneanl in creatis, m\o spi ri tuâtes ut angcli,
radondles uf faoroincs , 8ÎT0 Ut cœli eleraenta , sive damnati, siveheati : omeié
qu;r i -H <iM'f ■■' ■' ' grîorio e Vjr •■• t snbjecta (DeLuud. Vfrg.).
MARIE. ÎS3
roi sera épris do votre beauté : Concupiscet rex fleco-rm tuvm
[Psal. xi.iv. 12). Cette reine dont parie le prophète est Marie
Par sa maternité divine , Marie est devenue reine du ciel et de la
terre , des ftnges et des hommes. Tous les chrétiens la reconnaissent
comme étant de plein droit leur reine, lui sont soumis et se regar-
dent comme ses serviteurs : bien plus, ils désirent l'être réellement;
ils s'en l'ont gloire, et ils y trouvent leur souverain bonheur
La dignité de reine l'emporte sur toutes les dignités : elle est
supérieure à celles de seigneur et de prince ; parce que la dignité de
reine est de premier ordre, et se trouve au niveau de la dignité de
roi. La bienheureuse vierge Marie, étant la reine du ciel et de la
terre, l'emporte donc par la majesté de cette incomparable position,
sur les dignités dont peuvent être revêtus les hommes et les anges;
ils ne sont que ses sujets
Marie surpasse en grâce, en mérite , en dignité, non-seulement
chacun des hommes et des anges pris en particulier, mais tou&
ensemble ; et si, disent les docteurs de l'Eglise, on mettait dans le
plateau d'une balance toutes les grâces , tous les mérites, toutes les
ilignités, toute la gloire de tous les anges et de tous les hommes ,
et dans l'autre , les grâces, les mérites, les dignités et la gloire de
Marie , la balance pencherait du côté de la part de cette unique et
incomparable reine. D'où il suit qu'elle seule est plus aagréble à
Dieu , plus précieuse à ses yeux et plus aimée de lui que tous les
anges et les hommes réunis. C'est pourquoi ses prières ont plus de
poids auprès de Dieu que celles de tous les hommes et de tous les
anges prises ensemble. Elle est plus digne qu'eux d'être exaucée, et
la raison en est évidente : la dignité de mère lui assure ce droit. En
cette qualité , elle s'approche de Dieu , comme une mère s'approche
de son fils. Une mère ordinaire est plus élevée que tous les servi-
teurs et toutes les servantes, et même que ses enfants; elle leur
commande , elle est la maîtresse de la maison. Ainsi la bienheu-
reuse Vierge est placée par J. G., dont elle est la mère , à la tête de
Wic sa famille; et il faut qu'elle soit supérieure en dignité à tous
ses enfants, à tous les fidèles
Pourquoi , demande saint Irénée, le mystère de l'incarnation du
Verbe hô s'est-il pas acco pli sans le consentement de Marie? Parce
que Dieu a voulu, répond ce saint docteur, que Marie soit le prin
cipe de tous les biens : Quid est quod sine Mariœ consensu non perfi
citur incarnat ionis mysterium? Quia nempe vult illam Deus omnium
bcnorum esse principitm (DeB. Virg.).
484 MARIE.
Marie étant au premier rang dans le ciel , étant reme ponr l'éter-
nité, a une puissance égale à son titre. Elle peut tout ce qu'elle
veut Par conséquent, nous avons tout en Marie; nous trouvons
tout en elle. Elle veut notre bonheur et notre salut; rendons notre
volonté conforme à la sienne.
XXVI. Varie II est nécessaire , dit saint Bernard, d'avoir un médiateur auprès
de J. C. médiateur lui-même ; or, nous n'en avons point de compa-
rable à Marie: Opus est mcdiatore ad mediatorem istum [Chris tum) ;
nec aller nobis utilior quam Maria ( Serm. in illud Apoc. : Signum
magnum apparuit).
Marie a été établie de droit par J. C. médiatrice entre Dieu et les
hommes. C'est pourquoi elle a reçu des grâces spéciales, non-
seulement pour elle, mais pour tous les fidèles, comme étant leur
chef.
Qui peut, en y réfléchissant, dit saint Anselme, estimer de queF.e
louange est digne celle qui, seule de toutes les créatures, a dû
devenir la médiatrice de tant de faveurs? Quisista perpendens,œsti-
mare queat , qua lande digna sit , quœ tantorum beneficiorum sola prœ
cunctis efflci debuit mediatrix ? (Lib. de Excell. Virg., c. ix.)
Eve fut l'instrument de la perte d'Adam; car ce fut elle qui lui
présenta le fruit défendu; notre premier père le dit lui-même à.
Dieu : La femme que vous m'avez donnée pour compagne , m'a
présenté du fruit de cet arbre, et j'en ai mangé (Gen. m. 12).
Marie fut l'instrument du pardon, de la rédemption et de la résur-
rection de l'homme; c'est d'elle qu'est né J. C. le fruit de vie; c'est
elle qui l'a présenté au monde. Elle a été vraiment la médiatrice de
notre salut en consentant à devenir la mère du Sauveur. La race
humaine est tombée par Eve; elle s'est relevée par Marie. Sans Marie,
que devenait le monde? Il fallait un rédempteur; serait-il venu
sans elle? De toute éternité Dieu avait résolu de sauver l'homme par
le Verbe fait chair; mais de toute éternité il avait résolu de pren Ire
Marie pour mère du Verbe incarné, et par consé jnent, de l'employer
à notre salut. Marie a eu autant de part à la rédemption, quL\e
en avait eu ù la chute
C'est Marie qui a écrasé la tète du horpeiit : Jpsa cunceret cnput
tuum (Gen. m. i5).
La mort nous est venue par Adam, et la vie par J. C, dit sa ni
Chrysostomc; Je serpent a séduit Eve, Marie a donné son cou-'
ment à l'ange Gabriel : mais la séduction d'Eve a apporté la mort an
MARTE. \ $5
monde, tandi ne leconsen'ement de Marie lui à donné un sauveur.
Ce qni avait péri par Eve a été rétabli p r Marie: le Christ a racheta
la rarv Im . aine qu'Adam avait livrée à la captivité; l'ange Gabriel
est venu nous promettre le retour des biens que le démon nous avait
fait perdre sans espoir de .'es retrouver jamais (1).
Après le déluge , Dieu fit paraître l'arc-en-ciel comme le signe de
l'alliance qu'il faisait avec l'homme : Je placerai, dit-il, mon arc
dans la nue , comme signe d'alliance entre moi et la terre ; et je me
souviendrai de mon alliance avec vous, et il n'y aura plus désormais
de déluge pour détruire (-2). L'arc-en-ciel était la figure de Marie
que Dieu a placée entre le ciel et la terre, en signe de l'alliance qu'il
a faite avec les hommes, etc
Saint Bernard appelle Marie l'échelle de Jacob , le buisson ardent;
l'arche d'alliance, l'étoile du matin , la verge d'Aaron , la toison de
Gédéon , le lit nuptial , la porte du ciel , le jardin fermé, l'aurore du
salut : Est scaJa, rubus , arca, sidus, virga, vellus, thalamus , porta ,
hortv.s , av.rora (Serin, in Assumpt.).
J. C. ne peut rien refuser à sa mère; puisqu'il a voulu que tout
nous vint par Marie
La bienheureuse vierge a réconcilié Dieu avec l'homme. Par son
humilité et sa pureté , elle a appelé J. C. du ciel sur la terre; par
ses paroles, ses exemples et sa protection, elle nous a ouvert la
porte du ciel et elle nous en a montré le chemin. Voilà pourquoi
J. C. l'a mise au-dessus de tous les élus et a voulu que personne ne
fût sauvé et n'arrivât au ciel sans le consentement, le secours et la
direction de Marie. Celui qui désire être sauvé et assurer son salut,
doit donc être constamment le fidèle et fervent serviteur de Marie;
il doit s'efforcer de faire chaque jour des progrès dans l'amour et la
dévotion qu'il a pour elle.
Marie est notre mère. Or , les bras et le cœur d'une mère sont tou-
jours ouverts pour recevoir, excuser, défendre, caresser, embras-
ser et bénir ses enfants
(I) Mors per Adam, vita per Christum; Evam serpens seduxit , Maria Gnbricli
consensit ; sed seductio Ev;e attulit mortem, consensus Mariœ altulit seculo salvato-
rcm. Reslauratur per Mariam, quod per Evam perierat : per Christum redimitur
quod per Adam fuerat captivum ; per Gabrielera proruittitur, quod per diabolum
fuerut desueratum ( Serm. de Incarnat. Verbi).
(2 Dixilquc Deus : Arcum meum ponam in nubibus, et erit signum fœderis infer
me et inler terram. Et recordabor fœderis mei vobiscum; et non erunt ultra, aquas
diiuvii ad delendtun (Gen. u. 12-15).
486 MARIE.
Les mérites de Marie intercèdent toujours pour nous auprès de
Dieu; il? nous obtiennent toutes les grâces
Marie étant mère de Dieu et ayant coopère" activement à l'incar-
nation et par conséquent a la rédemption, saint Anselme et les autres
Pères l'appellent la médiatrice de toute L'Eglise et de tous les
fidèles
Par Marie, mère de la grande famille humaine, et médiatrice
entre J. C. et nous , Dieu donne aux martyrs la force , aux vierges la
chasteté, aux apôtres le zèle, aux confesseurs la patience, aux
anachorètes l'austérité, aux religieux l'humilité, la pauvreté* et
L'obéissance, aux époux la continence et la fidélité conjugale, à tous
les fidèles enlin, les dons, les vertus et les grâces qui leur con-
viennent
Ni les anges, ni les hommes, eussent-ils été réunis, n'auraient
pu mériter et obtenir la réhabilitation du monde. 11 a fallu J. C. , et
après lui et par lui la bienheureuse Vierge; il suit de là que Marie
peut plus auprès de Dieu, que tous les anges et tous les hommes
ensemble. D'où saint Anselme conclut que c'est par Marie que le
monde entier est sorti de ses ruines , s'est relevé et a été renouvelé
(Lib. de Excell. Virg.).
J. C, qui a choisi Marie pour se revêtir de notre nature, veut nous
recevoir par elle. Comme il s'est incarné et s'est fait, d'après saint
Paul, notre sagesse, notre justice, notre sanctification et •
rédemption (1); ainsi a-t-il accor lé à sa mère d'être, par sa coopé-
ration, notre sagesse, notre justice et notre sanctification. 1! a voulu
nous communiquer par elle, la grâce, la sagesse, la justice et la
rédemption dont il est le principe.
Dieu nous a donné Marie pour mère ; sa volonté est que , dans
les tentations, les difficultés, le manque de force
nous ayons recours à elle comme à la meilleure <\>'> mères; que
nous recevions de sa main tous les biens, et
en elli' et par elle, nous rendions constamment grâces au Seigneur
notre Dieu
Etant mère de J. G., la très-sainte Vierge est nécessairement le
.en de notre rédemption, et de tout l'ordre d 3 institué
par J. C
Usureuti Vierge, dit saint Pierre Ghrj . Heureuse Vi
qui , seule dans l'univers, a mérité paroles; Vous
(1) Factus est vobis sapicutia cl juslitiu, et sanctificatio, et redemptio ( I. Cor. 1. 30).
MARIE. 187
Avez trouvé grâce devant le Seigneur! Et quelle grâce? celle que
l'ange lui avait annoncée en commençant de la saluer, une grâce
abondante et parfaite : Ave gratiaplena. Oui, vraiment abondante, car
elle la répand sur toute la terre. Vous avez trouvé grâce auprès de
Dieu. Et après avoir parlé ainsi , l'ange lui-même admire à la fois
et une femme douée de tant de grandeur, et que tous les hommes
fussent redevables de la vie à une femme : Ipse anyelus miratur et
feminam tantam, et amies homines vitam meruisse per feminam
(Serin, cxli).
0 femme , qui avez reçu la plénitude et la surabondance de la
grâce , s'écrie saint Anselme , cette abondance a rejailli sur toute
Créature et Ta rendue à la vie ! 0 femina plena et super plena gratia,
de ciijus pleaUudinis abundantia respersa reviviscit omnis creatura!
(S. Donav., Speculi, c. vu. )
Marie, dit saint Bernard, Marie demande cette surabondance pour
le salut de l'univers : Petit superfluentiam ad salutem universitatis
(De Aquœductu). L Esprit-Saint viendra en vous, ô Marie, et il vous
comblera de tant de grâce , qu'elle débordera de toutes parts : elle
scia entière et parfaite pour vous, surabondante pour nous : Plena
tibi , superflua nobis. Le Dieu de toute bonté a mis la plénitude et la
surabondance de la grâce en Marie, afin que si nous espérons en elle,
ce débordement et ce déluge de grâce vienne en nous (Ejusd.
eod. loco).
Marie est une nuée pleine des eaux incorruptibles de la grâce, une
nuée qui arrose, vivifie et féconde les âmes, tempère l'ardeur du feu
des vengeances célestes , et éteint la flamme de la concupiscence-
Marie ressemble à la colonne qui précédait le peuple de Dieu; elle
p irte Dieu dans son cœur et elle conduit le peuple chrétien à travers
le désert de ce inonde
Je suis, dit Marie par la bouche de l'auteur de l'Ecclésiastique , je
suis la mère du bel amour, et de la crainte, et de la science, et de
la sainte espérance : Ego mater pulchrœ dilectionis, et timoris, et
agnitionis, et sanctœ spei (xxiv. 24).
Que par vous , s'écrie saint Bernard , que par vous, ô Marie, nous
ayons accès auprès de votre fils. O Vierge bénie, qui avez trouvé
grâce et qui avez enfanté la vie, mère du salut! que celui-là nous
reçoive par vous, qui nous a été donné par vous : Per te accessum
amus ad filiitm, o benedictainventrix gratiœ, genitrix vitœ, mater
salutis' per te suscipiat nos, guiper te datus est nobis (Serm.de
iinpt.).
488 MAME.
Mes enfants,d'saitlemême Père à ses religieux, Marie e?t l'échelle
des pécheurs, elle est ma plus grande confiance , elle est tout le
fondement de mon espérance : Hœc peccatorum scala. hœc mea maxima
fiduc a es', hœc tota ratio spei meœ (Serm. de Aquaeduetu).
Marie est apprlfc par saint Ephrem l'espoir «les désespérés, le
Becours des pécheurs, la consolation du momie, la porte des cieux :
Spes desperantium, peccantium adjutrix , mundi solalium , porta cœlo~
rum (De Laud. B. Virg. ).
Marie est unhameç >n doué de tant d'attrait qu'il prend tontes les
âmes droites Par vous, ô Marie, nous sommes réconciliés à
J. G. notre Dieu et votre iils , dit saint Ephrem; vous êtes la seule
avor-ate des pécheurs et des délaissés; vous êtes leur refuge et leur
appui; vous êtes un port très-sûr pour les naufragés, la consolation
du monde, la très-célèbre libératrice de ceux qui gémissent dam les
l'ers; vous recueillez les orphelins, vous rachetez les captifs, vous
guérissez les malades, vousètesle salut de tous les hommes, la sta-
bilité des moines et des solitaires , l'espoir des séculiers, la gloire
des vierges, leur couronne et leur joie; vous êtes le bonheur de la
tirre, ni tre refuge et notre pilote , ô pieuse auxiliatrice. Je vous
salue, soutien de ceux qui chancellent, douce liberté, source do
g: à • ■ et de consolation ; je vous salue, asile ouvert aux pécheurs; je
vous :-alue, repos de ceux qui travaillent; je vous salue, clef du
royaume céleste; je vous salue, vous qui êtes notre protection et la
gloire 'e l'univers {De Laud. B. Virg.).
Marie , dit saint Bernard , est la longueur , la largeur , la hauteur
et la profondeur sans mesure de la miséricorde. La longueur de
cette miséricorde va jusqu'au dernier jour pour secourir tous ceux
qui l'invoquent ; sa largeur remplit la terre; sa hauteur a réé lifié la
cité edeste; si profondeur a obtenu le salut de ceux qui étaient ense-
velis dans les ténèbres et les ombres de la mort {Serm. iv de
Assinnpt.).
Marie , dit saint Fulgence, est devenue l'échelle du ciel; par elle,
en eTet, Dieu est descendu sur la terre, afin que les hoiiiiiiôâ méri-
tent de monter par elle aux cieux (I).
XX" 'i. Marie pAU ]a sublimité de ses vertus, Marie , dit saint Anselme, a mérité
d'être la très-diurne réparatrice du genre humain tombé (De Laud,
ité
réparatrice du genre "
Virg.).
(1 Facta est Maria scala cœlestis; quia per ipsam Dous descendit ad terras, u\
per ipsam bemines asceudere mereantur ad cœlos (Senn. dp. Lawl. Maria).
MARIE. 189
L grâce de Marie, dit saint Laurent Justinien, a été si grande,
eîlea tellement surabondé, qu'elle a donné au ciel la gloire, la joie
aux anges, la paix au mon le, la fui aux nations, un terme aux
vices [Serin, de Annunt.).
Marie a mis Dieu sur la terre et l'homme clans le ciel
La malice du serpent a triomphé de la première femme devenue
insensée, dit saint Bernard; mais la malice du serpent qui vainquit
pour un temps, s'est trouvée vaincue pour l'éternité par Marie.
Défigurés par Eve, nous avons été rendus, par Marie, à notre res-
semblance primitive (Uomil. n super Missus est).
Une vierge, dit saint Pierre Chrysologue, reçoit un Dieu dans
son sein et elle procure la paix aux hommes, le salut aux pécheurs,
Ja vie aux morts; elle devient la mère des vivants et celle de la terre
et du ciel (Serm. cxli).
Marie est la réparatrice de l'univers , disent saint Anselme et saint
Jean Damascène. Par votre entremise, ô Marie, le monde persévère,
dit saint Bonaventure ( Speculi ).
Marie, dit saint Augustin, est remplie de grâces, et la faute
d'Eve disparait. La malédiction d'Eve devient la bénédiction de
Marie : Impleta est Maria gratia , et Eva vacuata est culÀa. Male-
dictio Evœ in benedictionem mutât ur Mariœ (Serm. xvin de Sanctis).
Soyez louée , ô sainte mère de Dieu, s'écrie saint Cyrille, vous
êtes la perle précieuse et la lumière du monde; vous êtes la cou-
ronne de la virginité, le sceptre de la foi (Homil. contra Aesto-
rium).
Dieu a tout créé, le serpent a tout empoisonné, Marie a tout
renouvelé et guéri
Je possède, dit Marie dans les Proverbes, je possède les richesses ,
la gloire et la justice ; Mecum sunt divitiœ , et gloria , et justiiii
(vin. 48).
Ecoutez saint Augustin : Vous êtes bénie entre toutes les femmes,
vous qui avez enfanté celui qui est notre vie. La mère du genre
humain a causé le malheur du monde; la mère de Notre-Sei^n îi r
nous a donné le salut. Eve est la cause du péché, Marie la cause du
mérite; Eve blesse, Marie guérit; Eve lue, Marie vivifie. L'obéis-
sance de Marie a réparé les maux causés par la désobéissance d'Eve
{Serm. xxxv de Sanctis ).
La véritable vie est venue au monde par Marie , afin qu'enfantant
la vie , elle soit la mère des vivants, dit saint Epiphane. Eve est la
mère des morts ; Marie, la mère des vivants. Le démon s'est s^rvi
190 MARTE.
d'une femme pour perdre le genre humain; Dieu s'est aussi servi
d'une femme pour le sauver (Serm. de Na'iv. ).
Dieu est notre roi avant les siècles; il a opéré notre salut au milieu
de la terre, dit le Psalmiste; c'est-à-dire dans le sein de Marie,
disent les commentateurs : Date rex noster ante secula , operutus est
salutem inmedio terrœ (lxxiii. 12).
Par Marie, nous a été donnée l'immortalité bien heureuse... ; par
elle nous devenons hons et forts, nous possédons la paix et la
joie
Je vous salue, dit saint Chrysostome , je vous salue, ô Marie,
qui êtes la mère , le ciel et le trône de notre Eglise, son honneur , sa
gloire et son appui : Ave, mater , cœlum, thronus Ecclesiœ nostrœ ;
decus, gloria et firmament u/i n (Serin, de Deipara).
IX vin. Pré- (Jn grand signe apparut dans le ciel , dit l'Apocalypse : une femme
Marie. revêtue du soleil, ayant la lune sous ses pieds, et sur sa tète une
couronne de douze étoiles : Signum magnum apportai incœlo : mulier
amicta sole, et luna subpedibus ejus , et in ca/dte ejus corona steilarum
duodecim (xn. 1). D'après les saints Pères et l'Eglise, cette femme
est Marie; et saint Bernard regarde les douzes étoiles qui forment sa
couronne comme la figure des douze prérogative dont elle jouit.
Ces douze prérogatives sont : 1° une splendeur singulière dans sa
conception sans tache...; 2° la salutation que l'ange lui adressa...;
3° la descente du Saint-Esprit en elle... ; 4° l'ineffable conception du
Fils de Dieu...; 5° d'avoir été la première et les prémices de*
vierges...; C° d'être devenue féconde en demeurant vierge...;
7° de n'avoir point éprouvé les fatigues de l;i ■ . . . ; 8 • d "a\ i iir
enfanté sans douleur... ; 9° d'être le modèle de la pudeur...; 10° d'être
le mu ièle de l'humilité... ; 11° d'avoir eu une foi magnanime...;
\-2 d'avoir été l'exemple et le modèle des martyrs de cœur ( Serm.
saper hœc verba Apec).
Le glorieux privilège de la gloire de Marie, dit saint bonaventure,
est d'être la plus élevée en gloire après Dieu. Le glorieux privilège
de la gloire de Marie, c'est que tout ce qu'il y a de plus beau, tout ce
qu'il y a de plus doux, tout ce qu'il y a de plus agréable dans la gloire,
après Dieu, est Marie, est en Marie et par Marie. Le très-glorieux
privilège de la gloire de Marie , c'est que notre plus grande gloire
et notre plus grande joie, après Dieu, nous viennent de Marie (1).
(1) Gloriosum gloria; Man«e pnvilegiurn est, quod ipsa in gluna guuiosisMiuia est
MARTI!. • 191
Voilà pourquoi saint Bernard s'écrie : Après jouir de la vue du
Seigneur, la gloire suprême, ô Marie, c'est de vous voir! Summa
gluria est, o Maria, post Dominum, tevidere (Serm. in Cant.)
Même dans l'élection divine, la mère n'a pas été séparée du fils,
dit Suarez (De B. Virg.).
La très-sainte Vierge a été prédestinée 1° à être la première et la
plus parfaite de toutes les œuvres de Dieu... ; 2° à être le modèle de
sainteté d'aj rès lequel Dieu formerait les saints anges, les apôtres,
les martyrs, les vierges, les confesseurs, les religieux et en général
tous les chrétiens : Dieu ayant prédestiné Marie, prédestine tous les
saints par elle et d'après elle...; 3° à posséder le privilège d'être la
plus élevée en grâce, en gloire, en sainteté et en puissance; car elle
est destinée, avant le commencement des siècles, à être la princesse,
la maîtresse et la reine de toutes les créatures...; 4° à devenir le»
prémices des œuvres de Dieu. Par les fruits choisis que l'on offrait
autrefois au Seigneur, tous les autres fruits étaient censés lui êfaçe
offerts et être sanctifiés : ainsi la terre offre Marie à Dieu comme
drémices de la nature humaine; afin que par cette bienheureuse
Vierge tous les hommes et la nature entière soient en quelque sorte
offerts , purifiés et sanctifiés
Beaucoup de femmes ont amassé des richesses ; mais vous , vous
les avez toutes surpassées, disent les Proverbes: Multœ fdiœ congre*
gaverunt divitias, tu supergressa es universas (xxxi. 29).
Marie, en effet, l'emporte sur toutes les créatures autant que la
lumière du soleil l'emporte sur les autres lumières. Lorsque le
soleil parait , tous les astres s'effacent comme pour lui rendre hom-
mage; sa splendeur éclipse tout. Ainsi en est-il de Marie Elle a
l'ait toutes ses actions de telle sorte , dit saint Grégoire de Nazianie,
et chacune d'elles dune manière si parfaite, qu'une seule suffirait
à sanctifier tous les hommes : Sic enim omnia prœstitit; sic autan al
summum singula , ut vel unuiu solum pro omnibus aùunde su//iceret,
/ Serm. de Nativ. ).
La très-sainte Vierge, dit saint Bernard , la très-sainte Vierge qrr.
conçut, enfanta et allaita le Sauveur , fut constamment à ses côtés;
elle accompagna presque tous ses pas , et plus que tout autre , elle
Deum. Gloricsum glorise Mariae privilegium est, quod quidquid post Deumpul-
cbrius, quidquid dulcius, quidquid jucundius in gloria est, hoc Maria , hoc in Maria,
hoc per Mariam est.GLoriosum orûniuo gl'orùe .\Iaiia; privilegium est, quod quidquid
posi Deum major gloria nostia, majus nostruui gaudiuiu est, de Maria est (S/*-
cuii, c. vi).
192 MARIE.
ne perdit aucune de ses parole?, ni de ses actions. Seule, elL com-
prenait les œuvre? insignes du Sauveur, les merveilles admirables
de sa prédication, se? paroles fortes et extraordinaires, sa sévérité
divine contre le monde corrompu et surtout orgueilleux, contre le
péché, et contre le prince des enfers; seule, elle fut un témoin
a-?idu de tous ces faits; elle les vit d'une manière spéciale; elle en
itudia plus attentivement le sens, le connut mieux, et le conserva
plus fidèlement dans sa mémoire; elle imprima profondément dans
l'esprit des apôtres et des disciples ce qu'elle savait et avait vu; elle
e leur communiqua avec une très-grande fidélité et les en pénétra
intimement. C'est ce qu'on lit dans l'Evangile: Marie, y est- il dit,
conservait toutes ces choses en elle-même , les repassant dans son
Cœur : Maria autem conservabat omnia verba hœc , conferens in corde
tuo (Luc. n. 49). Voilà pourquoi Salomon la loue en ces termes :
Beaucoup de femmes ont amassé des richesses; mais vous, vous les
avez toutes surpassées ( Prov. xxxi. 29). La mère du Fils de Dieu eut
plus que tout autre l'intelligence des paraboles, des énigmes, des
cérémonies légales, des actions miraculeuses et des paroles du Sau-
veur; elle en donna une explication plus exacte et plus intelligible,
elle eut une foi plus ferme [Serm. in Cant. ).
Dieu, dit saint Bonaventure , avait préparé à Marie, non-seule-
ment les biens du ciel les plus grands, mais la multitude et l'abon-
dance même de ces biens; en sorte qu'aucun ange ni aucun saint
n'a approché de l'abondance surabondante dont jouit Marie selon
ces paroles : Beaucoup ont amassé de grands trésors , mais vous les
avez tous surpassés. Ceux que la très-sainte Vierge a surpassés sont
les saintset les intelligences céleste.-. Marie n'a-t-elïe pas desricb
incomparables, puisqu'elle est la première et la plus parfaite des
vierges, le modèle des confesseurs, qu'elle brille parmi les martyrs,
comme la rose parmi les fleurs, qu'elle est le guide des apôl
l'oracle des prophètes, la fille des patriarches, la reine des ang s?
Quelles sont les richesses de tous ceux-ci qui lui ont manju'? Elle les
a toutes réunies en elle e1 lésa infiniment surpassées [Speculi,c. n).
Par son seul consentement à devenir la mère du Verbe, Marie, dit
gaint Bernard, a mérité L'extin îtion totale du foyer de la concupis-
cence et du péché ; elle a mérité l'empire de l'univers, la plénitude
de toutes les grâces, de toutes les vertus, de tous les dons, de t >utes
les béatitudes et de t u- les fruit? du Saint-Esprit, de:
sciences, l'intelligence des , le don de pro| hétie, la coauai»!
sauce des esprit? et la scieur* des vortug (Serai, ll).
MARIE. 193
Voici les sept grands privilèges que Dieu a accordés a Marie , et
que saint Bonaventure ^gnale (Speculi, c. vïet vu) : 1° Saint Cyrille
l7appelle la forme de Dieu : Forma Dei; 2J le même docteur lui donne
le titre de perle de l'univers : Margarita orbis terrarum (Homil.
contra Nestorium ) ; 3° saint Jean Uamascène la nomme la vivante
image de Dieu : Animatum Dei simulacrum ( Orat. i de Nativ. Virg. ) ;
4° saint Bernard, l'œuvre dont se sont occupés tous les siècles, et
\ ers laquelle tournaient leurs regards et les esprits célestes , et les
âmes détenues dans les limbes, et les fils des fils d'Adam et ceux
qui devaient naître d'eux : Negotium seculorum , ad quod respiciunt
et qui in cœlo habitant, et qui in inferno, et nati natorum, et qui
nascenturab illis (Serai, n de Pent. ); 5° saint Ignace, le céleste pro-
dige et le très-saint spectacle : Cœleste prodigium et sacratissimum
spectaculum (Epist. i ad Joann. Apost. ); 6° saint Chrysologue, la
réunion de tout ce qui constitue la sainteté : Collegium sanctitatis
(Serm. cxlvi); 7° enfin Hésichius, évêque de Jérusalem, l'appelle le
complément universel de la Trinité : Universum Trinitatis comple-
mentum; parce que le Saint-Esprit la couvrit de son ombre , que le
Père la combla de ses dons, et que le Fils habita dans son sein
(Homil. ii de S. Maria ).
Puisque Marie a tant de prérogatives et de privilèges, tant de
grandeur, de puissance et de bonté , pourquoi ne mettrions-nous
pas en elle toute notre confiance? pourquoi ne l'invoquerions-nous
pas souvent? Celui qu'elle protège ne peut périr
Marie, dit saint Bernard, est la violette de l'humilité, le lis de la XXix.. i>
pureté, la rose de la charité , l'honneur et la joie du ciel : Maria est Marie.
viola humilitatis, lilium castitatis , rosa caritatis, decus, gaudium cœli
(In Deprscat. ad B. Virg., p. 64).
Les Pères de l'Eglise célèbrent les perfections et les gloires de.
Marie par d'admirables louanges. Ecoutez saint André de Crète :
0 sainte, vous qui êtes plus sainte que tous les saints et le trésor
parfait de toute sainteté : 0 sancta, et sanctitatis sanctior , et omnis
satictitatis sanctissime thesaure ( In ejus vita ).
Voici maintenant les paroles de saint Ildefonse : Comme ce que
Marie a fait est d'une perfection incomparable , et qu'il est impos-
sible d'exprimer les dons qu'elle a reçus, sa récompense et sa
gloire sont au-dessus de toute appréciation et incompréhensibl s
( Serm. i de Assumpt. ).
Saint Clu: >;otome dit qu'elle est incomparablement plus élevée
iu. 13
104 MARIE.
en gloire que les sérapah:s : r morem quam
seraphim (Orat. deB. Virg. ).
Dieu lai a communiqué toute la sageses, toutes les vertus,
toutes les perfections qu'il pouvait lui donner, et Dieu peut
tout. Marie est un océan de beauté, d'humilité, de grâce et
de toutes vertus. Elle est un abime de m'uacl. s, dit saint Jean
Damascène : Abyssus miraculorui/t (Orat, I de Nativ. ). 0 Marie,
s'écrie saint lldeibnse , vous avez autant de perfections qu'il y a
d'astres au firmament :
Tôt tibi sont dotes, Virgo, quot sidéra cœlo.
(De Laucl. B. Virg.)
Marie, dit saint Bonaventure, n'est pas un seul ciel, mais elle les
réunit tous cinq (1) : elle est le ciel de l'air par ta pureté, le ciel du
feu par sa charité, le ciel des astres ou le firmament par la constance
et la force de sa patience, le ciel de glace par l'extinction de la con-
cupiscence, enfin l'empirée par l'éclat de son
( Serm. de Laud. Virg. , t. lil ).
Si vous considérez attentivement Marie, dit saint Jérôme, vous
ne trouverez rien en elle qui ne resplendisse de candeur , de vertu ,
de beauté et de gloire; et parce que le Seigneur , infiniment riche,
est avec elle avec toutes ses richesses, elle est la plus riche et la plus
brillante aprèsDieu; tellement qu'on peut dire qu'elle esten quelque
sorte infiniment au-dessus des anges et des saints, par sa nature,
par les grâces qu'elle a reçues, par ses perfections et par sa gloire
( A'jnst. ).
Marie, a possédé au plus haut degré la force héroïque des mart vis.
la pureté des vierges, le zèle des apôtres, la patience des confes-
seurs, l'austérité des anachorètes, l'humilité des religieux, leur
pauvreté et leur obéissance. Autant le ciel est élevé au-dessus d« la
terre, autant les divines perfections de Marie surpassent les perfec-
tions do tous lesangea et de tous les saints prises ensemble. Comme
la tête, siège du sentiment et de la raison, la tête qui communique
(1) Pour comprendre ce passage, il faut se rappeler que les anciens comptaient
généralement cinq cieux , supérieurs l'un à l'autre dans l'ordre que \<nci ,
à partir de la terr< : le c/< I aér en, ou la région de l'air; le ciel igné , la région du
feu, où se formait la foudre; le ciel étoile , autrement dit le firmament, où se trou-
vaient fixes les astre?: le ciel g/ucé, où rien ne pouvait vivre et qui était le boule*
tard de l'eropyrée; eufl ..our des bieubeureux el de la divinité.
(h'ote du traducteur/
MAïtfE. 195
le mouvement et Ja direction aux autres membres, est au-dessus
d'eux, et qu'elle seule vaut autant et plus que le reste du corps;
ainsi Marie surpasse les saints et les anges; elle est leur tête, elle
gouverne tout, instruit tout, soutient tout
Marie est le miroir où se voient toutes les perfections. Les saints
en ont eu beaucoup; mais nul d'entre eux ne les a toutes réunies ;
Lee perfections de l'un ne sont pas celles de l'autre. Marie, elle, les
possède toutes et comme à l'infini
Dès le moment même de son iminacule'e conception, Marie a été
plus parfaite que tous les saints ensemble, à la fin de leur carriènî
remplie de vertus. Ayant vécu soixante et douze ans, et ses per-
fections ayant doublé et triplé à chaque instant de son existence,
elle est parvenue à un degré de sainteté connu et apprécié de Dieu
seul
J. 0. est la perfection engendrée et incarnée; Marie est la perfec-
tion qui conçoit et enfante
Ma demeure, dit-elle par la bouche de l'auteur de l'Ecclésiastique,
ma demeure est dans la plénitude des perfections de tous les saints:
In plenitudine sanctorum detentio mea (xxrv. 46). Marie, en effet, a
eu 1° la foi des patriarches, l'inspiration des prophètes, le zèle des
aiotres,la constance des martyrs , la sobriété des confesseurs, la
chasteté des vierges, la fécondité des épouses, la pureté des anges, la
charité des séraphins. Marie possède toutes les qualités et toutes les
grâces que chaque saint et tous les saints ensemble ont possédées.
Elles sont en elle non comme un ou plusieurs fleuves , mais
comme un océan 2° Marie, ayant eu la plénitude des grâces et
des vertus de tous les saints, a la plénitude de leur gloire : la
gloire dont elle jouit est plus grande et plus éclatante que celle de
tous les saints réunis. Et non-seulement Marie a la plénitude de la
gloire de tous les saints, mais tous les saints sont dans sa plénitude,
dit saint Bonaventure (Speculi B. Virg.). Comme nous l'avons dit
ailleurs, la plénitude de la perfection de Marie commence au point
où atteint la plénitude de la perfection de tous les saints ; elle part de
ce point, grandit et ne s'arrête qu'à côté de Dieu. Là est l'infini !...
Marie est comparée , dans lEcriture, au cèdre du Liban (Eccli.
xxiv. 17). Or, 1° le cèdre aime les montagnes; Marie habite le
sommet de la perfection 2° Le cèdre s'élève parfaitement droit ,
jusqu'à une grande hauteur ; Marie va droit de la terre au ciel
■ cèdre est Port et vigoureux; Marie est la force et la vigueur
même 4" Le cèdre est incorruptible; Marie est immaculée, sans
196 MARTE.
tache et sans péché 5° Le c-dre est comme immortel ; Marie est
immortelle en tout 6° Le cèdre est odoriférant; Marie remplit la
terre et le ciel du doux parfum de toutes les vertu* 1° Le cèdre
sert de remède; Marie guérit toute espèce de maladie; elle rend
même la we aux morts
Marie est comparée à l'olivier ( Eccli. xxrv. 19 ). Or , 1° l'olivier est
toujours vert ; Marie est toujours revêtue des plus riches et des plus
beaux ornements de toutes les vertus. 2° L'olivier est le symbole
de la miséricorde; Marie est la miséricorde par excellence 3° L'oli-
vier est le symbole de la paix; la paix nous vient par Marie avec
l'abondance des eaux d'un fleuve ; quiconque possède Marie, possède
la paix 4° L'olivier est le signe de la victoire; par Marie nous
triomphons de tous nos ennemis 5° L'olivier est le symbole de la
douceur; Marie est la douceur même 6° L'olivier est le symbole
de la joie; Marie communique à l'âme la joie véritable 7u L'oli-
vier est le symbole de l'espérance; Marie est l'espérance du chré-
tien 8° L'olivier est le symbole de la force , de la sagesse et de la
chasteté; Marie possède toutes cps vertus à un degré presque infini,
et elle les procure à celui qui les lui demande
Marie est encore comparée, dans l'Ecriture, au cyprès, au pal-
mier, au platane, aux roses de Jéricho, au cinnamome, à la
myrrhe ( Eccli. xxrv). Le cyprès est l'emblème de la droiture; le
palmier, celui de la victoire; le platane fournit à l'homme la fraî-
cheur de son ombrage ; la rose signifie l'odeur des vertus ; le cinna-
mome, le parfum des bons exemples; la myrrhe, la pénitence et
la mortification Toutes ces comparaisons conviennent admira-
blement à Marie
Pour les créatures, les vertus de Marie sont sans nombre , sans
poids et sans mesure Dieu seul peut les compter, les peser, les
mesurer
XXX. Marie Jésus-Christ est le soleil du monde spirituel ; la Vierge Marie en et>t
la lune La lune répand une douce lumière; de Marie émane la
lumière la pi us douce et la pins convenable pour les yeux mala les
La lune éclaire pendant la nuit; Marie est la lumière qui dissipe les
ténèbres de l'idolâtrie, de I hérésie et de tous les péchés. Lorsque la
lune est dans son plein, elle brille d'un grand éclat; Marie, pleine de
grâces et de toute vertu, répand une clarté vraiment céleste Nos
pères regardaient la lune nou-seulemeut comme un emblème de
MARTE. 19?
pureté, mais comme un principe de fécondité; Marie, conçue sans
péché, a enfanté le Verbe de Dieu, sans cesser d'être vierge.
Marie est une émanation de la splendeur du Dieu tout-pu'.?sant ;
Emanatio (juœdam est claritatis omnipotentis Dei (Sap. yii. 25). Elle
est le pur éclat de la lumière étemelle, le miroir sans tache de la
majesté de Dieu : Candor est lucis œternœ, et spéculum sine macula
Dei majestatis ( Sap. vu. 26 ).
Un grand signe apparut dans le ciel , dit l'Apocalypse : une femme
revêtue du soleil, ayant la lune sous les pieds, et sur la tête une cou-
ronne de douze étoiles (xn. 1). C'est avec raison , dit saint Bernard,
«jue Marie est représentée revêtue du soleil ; car, plongée dans la
lumière inaccessible de Dieu, elle a pénétré , plus qu'on ne saurait
Je croire, l'abîme infiniment profond de la sagesse divine (1).
Marie est plus belle que le soleil et que toutes les constellations., dit
id Sagesse; si on la compare à la lumière, elle l'emporte sur elle :
£.'st enim hœc speciosior sole , et super omaem dispositionem stellarum;
luci comparât a invenitur prior (yii. 29).
Tobie avait prophétisé la splendeur qui devait environner la mère
de Dieu : Vous brillerez , dit-il, d'une lumière éclatante : Luce
spendida fulgebis (xin. 13).
Saint Cyrille d'Alexandrie qualifie Marie de flambeau dont on
ne peut éteindre la lumière : Dei mater lampas inexstinguibilis ( De
B.Virg.).
Marie, dit saint Bernard, est la noble étoile de Jacob, dont le rayon
éclaire l'univers, dont la splendeur brille dans les cieux et pénètre
jusqu'aux en'ers; enveloppant la terre et échauffant les âmes, elle
avive les verius et consume les vices (2).
Saint Jean Damascène appelle Marie la porte de la vie , la source
de la lumière : Portam vitœ , fontem lucis (Orat. i de Nativ. Virg. ).
Je vous salue, ô Vierge sainte, s'écrie saint Epiphane; je vous
salue , mère de l'éternelle lumière , de la lumière qui, dans le ciel ,
éclaire la multitude des anges, remplit l'œil incompréhensible des
>hins , donne au soleil ses feux splendiùes, dissipe les ténèbres
du monde , et lui inspire la foi à la Trinité ; je vous salue, mère de
(1) Jure Maria sole perhibetur amicta, quia profundissimam Dei sapientiae, uUro
quam credi polest, penetravit abyssum ; luci illi inaccessibiii immersa (Serin, super
Bignum magnum).
(-2 Ipsi est nobilis Stella Jacob , cujus radius universnm mundum illumi it t
cujus spteudor prœftilget iusupernis, et inferos pénétrât; terras etiam perlustrans,
et calelaciens meutes, fotet virtutes, et excoquit yitia ( Homil. u super Missus est ),
198 MARTE.
celui qui dit : Je suis la lumière du monde; et encore : Moi, cm? puis
la lumière, je suis venu au monde ; je vous salue, mère de la lumière
qui est montée au ciel, et qui éclaire le ciel et la terre. Marie a les
sept lumières du Saint-Esprit qui sont ses sept dons ( Serm. de Laud.
Virg. ).
Je vous salue , source de lumière, qui éclaire tous les hommpc; je
vous salue, aurore du soleil qui n'aura jamais de coucher (tiury-
sippus, Orat. Deiparam).
En langue hébraïque, dit saint Ildefonse, le nom de Marie signifie
étoile de la mer. Marie est l'étoile de laquelle est sorti le rayon qui
éclaire le monde entier. Approchez-vous donc de cette Vierge, louez-
la, et vous serez éclairé; car c'est par elle que la vraie lumière brille
6ur la mer de ce siècle ( Serm. i de Assumpt. ).
Je vous salue, étoile très-resplendissante de laquelle J. C. est sorti,
dit saint Ephrem; je vous salue , vous par qui le brillant soleil de
justice s'est levé pour nous éclairer : Ave, Stella fulgidissima , ex qui
C/iristus jwocessit ; ave, per quam clarissimus sol justifia? nobh illuxit
( Serm. de Laud. Virg. ). Le même Père appelle Marie l'étJle du
matin ( Ut supra), L'Eglise l'invoque sous ce titre dans les litanies:
Stella matutina.
Expliquant ces paroles du Cantique des cantiques : Electa ut sol :
Brillante comme le soleil ( vi. 9), saint Pierre Damien dit : Le soleil
est si lumineux qu'il absorbe la lu mi ère des astres et celle de la lune,
au point quils sont comme s'ils n'étaient pas , et qu'on ne peut les
voir ; de même Marie, aurore du véritable soleil qui est Dieu, brille
dans cette lumière inaccessible, et efface en quelque sorte la splen-
deur des esprits célestes; tellement qu'ils sont devant leur reine
comme s'ils n'étaient pas, et que , comparé à celui de Marie, leur
éclat n'est rien (Serm. de Asswnpt. ).
Marie est un soleil brillant de mérites^ et répandant partout la
lumière des sublimes exemples
Comme le soleil, Marie est une œuvre à part, dit saint Pierre
Damien : «oui, lo soleil éclaire le monlo; seule, Marie éclaire d'une
lumière bien autrement vi\e les an es l 1rs hommes : Elcctaut
sol ; quia sicut sol solus orbem illumina . sola solidiori lumine, et
anrjclos , et homincs illustrât ( Serm. do Assumpt. ).
Par l'enfantement du \Yi rie , dit saint Fulgence, est
devenue r i orne l'ouverture du ciel, ouverture par laquelle Dieu a
versé sur tous les siècles la vraie lumière : Exporta farta est Marin
MÀSTT, <™
fenestra cœli, quîaperipsam Deus verum fudit seculis lui en (Serm.
de Laud. Virg.J.
Ls roi sera épris de votre beauté, dit le Psalmiste : Concvpîscet rex XXXï.
decorem twm (xliv. 12 ). Si le Roi des rois est ravi de la beauté de ^Jrié*
>, cette beauté est donc unique, ineffable Paraissez dans votre
et dans votre beauté, marchez de triomphe en triomphe,
'.nez : Specie tua et pulchritudine tua intende, prospère procède ,
et régna (Psal. xliv. 5). A la vue de l'incomparable beauté de Marie,
le Roi du ciel l'invite à prendre le sceptre qu'il lui a préparé.
Marie possède toute beauté, celle de l'origine, du sang, du corps,
de l'esprit et du cœur, et surtout celle de la grâce et de la
vertu Cette beauté est si grande qu'elle a engagé Dieu le Père à la
choisir pour être sa fille, Dieu le Fils à la prendre pour mère, et
Dieu le Saint-Esprit à l'élire pour épouse
Je suis noire, mais je suis belle, dit l'Epouse des Cantiques : Nigra
sed formosa (i. 5). Ces paroles sont applicables à Marie et la
concernent. En effet, 1° Marie est noire, non pas en elle-même, mais
dam son père ; elle est noire, parce qu'elle est la fille d'un
pécheur; elle est belle par son immaculée conception quil'apré-
servée de la tache originelle, et par la plénitude de toutes les
s 2° Elle lut noire d'abord aux yeux de Joseph qui, la
t enceinte, et ignorant le grand mystère de l'incarnation du
Verbe éternel, voulut la quitter secrètement; mais, en réalité, elle
était belle , parce qu'elle avait conçu du Saint-Esprit et conservé
sa virginité 3° Elle fut noire, parce que sa profonde humilité la
rendit extérieurement semblable aux autres mères qui, concevant
et enfantant selon les lois de la nature humaine , étaient souillées
et obligées de se purifier au bout de quarante jours. Humble et
-an te , Marie alla au temple subir les cérémonies de la purifi-
cation, elle qui est la virginité même 4° Elle parait vile, mépri-
et, par conséquent, noire aux Juifs et aux infidèles; mais
elle est très-belle aux yeux des fidèles, à ceux de l'Eglise, des anges,
et surtout de Dieu qui voit tout, qui connaît tout, qui appi
tout 5° Marie fut noire au temps de la passion, parce qu'elle
La mère des douleurs; mais elle devint belle dans la résurrec-
tion de J. C, et da us sa s dennelle et triomphante assomption
Dieu lui-même dit à Marie : Vous êtes belle, ô ma bien-aimée;
vous êtes belle, vos yeux sont ceux de la colombe : Ecce tu oulchra
; ecçe tu pulchrues, oculi tut coin (Gant. I. 15 j.
200 MARIE.
Marie est appelée belle deux foi?, parce qu'elle est belle intérieure-
ment et extérieurement Elle est doublement belle aussi à un
autre point de vue : 4° sur la terre, par la grâce et la vertu;
2° dans le ciel, par la gloire
Comme s'il ne pouvait assez admirer la beauté de Marie ,1e Sei-
gneur lui dit de nouveau : Que vous êtes belle, ô ma bien-aimée!
que vous êtes belle ! Quam pulckra es , arnica mea , quam pulchra es!
vCant. rv. 1 ). Vous êtes toute belle, ma bien-aimée; il n'y a pas de
tache en vous : Tota pulchra est, arnica mea, et macula non est in te
(Cant. iv. 7). Dieu parle encore ailleurs de la beauté de Marie : Vous
êtes, lui dit-il, vous êtes belle, douce et ravissante, ô ma bien-
aimée : Pulchra es arnica mea, suavis et décora (Cant. vi. 3).
Le Seigneur, dit l'Ecriture, donna à Judith la splendeur; il aug-
menta sa beauté , afin qu'elle parût aux yeux de tous dans un éclat
incomparable : Cui Dominus contulit splendorem; Dominus in illam
pulchritudinem ampliavit, ut incomparabili décore omnium oculis appa-
reret (Judith, x. 4 ). Quand Ozias et les prêtres de la ville qui l'atten-
daient, l'aperçurent, ils lurent saisis de stupeur et admirèrent son
excessive beauté : Qui cum vidissent eam , stupentes mirati sunt nimis
pulchritudinem ejus (x. 6. 7). Lorsqu'elle pénétra dans le camp
ennemi , les soldats, considérant son visage, eurent les yeux éblouis
et admirèrent sa beauté : Considerabant faciem ejus, et erat in oculis
eorum stupor, quoniam pulchritudinem ejus rnwabantur nimis (x. 14).
Or, la beauté de Judith n'était qu'une faible image de celle de
Marie Judith était belle aux yeux des hommes, Marie l'est aux
yeux de Dieu
Holopherne, voyant Judith, fut séduit et captivé : Statim captus est
oculis suis H olofernes (x. 17 ). Dieu, contemplant la beauté de Marie,
en fut tellement ravi, qu'il choisit cette vierge sans tache pour s'in-
carner en elle
Judith fut l'ornement de sa nation; Marie est l'ornement delà
terre et du ciel
Esther aussi étail excessivement belle et son visage d'un rare
éclat, dit l'Ecriture: Esther pulchra nimis, et decor'a facie (n. 7). Pleine
d'harmonie et d'une incroyable beauté, elle paraissait aimable et
gracieuse à tous ceux qui la voyaient: Erat enim formosa valde , et
incredibili pulckritudine, omnium oculis gratiosa et amabilis videbatur
(n. 15). Esther était une autre ligure de Marie
Le roi l'aima [dus que toutes les femmes; plus qu'elles,"
Esther trouva grâce et faveur devant lui, et il mit sur sa tête sou
HAUTE. 2(K
diadème, et la fit récrier (1). La beauté de Marie plaît plus à Dieu
que celle de tous les anges et de tous les saints ensemble
Toutes les voies de Marie sont belles, disent les Proverbes ; Vies
tg'us, ricr /j'tlc/irœ ( III. 17 ).
Quelle est celle, disent les anges eux-mêmes, parlant de Marie,
quelle est celle qui s'avance comme l'aurore naissante, belle comme
la lune, brillante comme le soleil? Quœ est ista quœ progreditur
quasi aurora consurgms, pulchra ut luna, electa ut sol (Cant. yi. 9).
Quoi de plus doux, de plus beau, de plus merveilleux que la
mère Dieu? Elle est un monde de beauté. Elle ravit les créatures et
ie Créateur
Dieu, dit saint Bernard, amis dans Marie seule toute la beauté
de l'univers : Deus totius mimdi pulchritudinem posuit in Maria
jrSerm. ivde Assumpt. ).
Oh! quelle admirable union, s'écrie Hugues de Saint-Victor; celui
qui est la beauté incréée, s'unit à celle qui est toute beauté. Je suis
tout beauté , lui dit son Dieu, et vous êtes vous-même toute beauté,
ô vierge admirable, moi par nature, vous par grâce. Je suis tout
beauté, parce que tout ce qui est beau, est en moi: vous êtes toute
beauté, parce que rien de ce qui souille n'est en vous. Vous êtes
belle de corps et d'âme. L'intégrité de la virginité vous rend belle de
corps; la vertu d'humilité vous donne la beauté de l'âme. Vous êtes
d >nc toute belle, pure de corps comme la neige et d'âme sans tache.
Nulle autre que vous , ô Marie , ne convenait à Dieu; et tout autre
que Dieu ne pouvait vous convenir. O vierge digne de celui qui est
la dignité même , belle à côté de la beauté infinie , immaculée en
présence de celui qui n'a jamais connu la corruption , grande près
du Très-Haut, ô mère de Dieu, épouse du Roi éternel ! (2)
En Marie se trouve réuni comme à l'infini tout ce qu'il y a de
beau dans les anges , et dans les plus parfaits des hommes Marie
est l'honneur de la race humaine; elle est l'ornement de l'Eglise et
(1) Adaniavit eara rex plus quam omnes mulieres; habuitque gratiam et miseri-
coriliam coram eo super omnes mulieres; etposuit diadema regni in capite ejusï
fecitque eara regnare (u. 17).
<% O qualis societas! totus pulcher totam pulchram sibi socîat. Ego totus pulcher,
et tu tota pulchra. Ego per nauiram.et tu per gratiam. Ego totus pulcher, quia totura
quo.l pukhium est, in me est; tu, tota pulchra, quia nilùl quod turpe est in te est
pu! : ra in corpore, pulchra in mente. In corpore pulchrara te facit iotegritas virgi-
nitatis : in mente pulchram exhibet virtus humililati? Tota ergo pulch-a es, corpore
Bivea, mente sincera. Nec alia lalem decebat; nec alius tali inveniri poterat. O digna
d li.formosa pulchri, monda incorrupti , excelsa altissimi, mater Dei, sponsa
Régis eeterni {In Serm, u de Assumpt.),
202 wAr.re.
des siècles. Sa beauté rejaillit sur tous les saints, sur tous les a
et sur Dieu Jui-même
xxn. Marie L'arcïie sauva la famille deNoé et eu elle le genre "humain; Mario a
l'arcbede sauvé les hommes par J. C L'arche de Nbé était portée sur les
el à l'arche eaux qui couvraient la terre; Marie ne fut jamais souillée par les
d'alliauce. eaux corrompues de la concupiscence et du p'ché Ceux qui
entrèrent dans l'arche furent préservés des flots du déluge ; reux
qui vont à Marie, sont aussi présenés du déluge îles passions et du
pr h'- Le monde fut repeuplé par les habitants de l'arche; le
paradis est peuplé par les fidèles serviteurs de Marie
Le temple de Dieu fut ouvert dans le ciel , dit saint Jean dans
l'Apocalypse; et l'on vit dans ce temple l'arche de son alliance :
Apertum est templum Dei in cœlo , et visa est arca testamenti ejus in
templo ejus (xi. 19). L'arche d'alliance vue dans le temple du ciel,
c'est Marie Entre elle et l'arche d'alliance se trouvent les rapports
que voici : -1° L'arche d'alliance était faite d'un bois incorruptible;
M irie n'a jamais subi les atteintes de la corruption du péché
2° L'arche était couverte de lames d'or au dedans; Marie est toute
d'or pur intérieurement. Toute la gloire de la fille du roi vient de
son âme, dit le Psalmiste : ÔMtiis gîûria filiœ régis ùb intus
(xliv. H.) 3° L'arche était surmontée du propitiatoire; Marie est le
refuge de tous, elle est propice à tous ceux qui l'invoquent
4° Deux chérubins couvraient l'arche de leurs ailes; les chœurs «les
anges environnent Marie 5° Dans l'arche étaient les tables de la
loi; Maiie est la loi vivante 6° Dans l'arche était la verge d'Aaron
qui avait fleuri; Marie a produit le Sauveur du monde, cette fleur
incomparable 7° Dans l'arche était encore une mesure de manne;
Marie est la douceur et la clémence môme, et J. G. son fils est le
vrai pain dévie
Saint A mbroise compare admirablement la très-sainte Vier
l'arche d'alliance. L'arche, dit-il, contenait les tables de la Loi;
Marie a reeu dans son sein l'héritier du Testament L'arche
la loi ; Marie, l'Evangile. Dans l'arche se faisait entendre la voix de
Dieu; Marie nous a d une le Verbe de Dieu. L'arche brillait d'un or
très-pur; Marie brillait intérieurement et extérieurement de
la splendeur de la virginité. L'arche élail décorée d'un or tin
entrailles .le la terre; Marie l'est d'un or i éleste. C'est Jonc à ju ta
titre que l'Eglise invoque Marie sous le titre d'Arche d'alliance:
Fœderis (ara (Ilomil. xm).
MARIE. 203
Quand vous verrez l'arche d'alliance du Seigneur votre Dieu , dit
au peuple, levez-vous, et suivez-la : Quando videritis arcam
fœderis Damini Dei vestri, consurgite, et sequimini ( Josue. in. 3 ). A la
vue de Marie, nous devons nous lever, l'honorer, lui témoigner
notre respect, et marcher sur ses traces
A la vue de l'arche , la mer s'enfuit , le Jourdain recula , dit le
Psalmiste : Mare vidit et fugit , Jordanis conversus est retrorsum
(cxnr. 3); à la vue de Marie, l'enfer recule, les démons s'en-
fuient , etc A la vue de l'arche , les murs de Jéricho s'écroulent;
à la vue de Marie, les chaînes des pécheurs se brisent L'arche
rendait le peuple de Dieu vainqueur; Marie nous assure la victoire
sur tous nos ennemis Oza toucha imprudemment l'arche et fut
frappé de mort; quiconque attaque Marie, vit et meurt miséra-
blement Placée dans la maison d'Obédédom, l'arche l'enrichit;
celui qui accueille Marie, est comblé de grâces et défaveurs
La Inïpon de Gédéon est un svmbole de Marie; la rosée qui descendit XXXïli.Marie
. , , comparée a
sur cette toison signifiait la descente du Verbe dans le sein de la très- ia toison de
sainte Vierge; et que l'incarnation comme la rosée aurait lieu dans
le secret, au milieu du calme, qu'elle serait rafraîchissante et douce,
apportant avec elle la vie et la fécondité ; qu'elle se ferait par la
chaste opération du ciel, sans attaquer la virginité de Marie et sans
qu'il y ait de douleur d'enfantement. La toison de Gédéon est le sein
de Marie; l'humanité de J. C. , conçue dans ce sein virginal et à
laquelle la divinité est hypostatiquement unie, peut être comparée à
une rosée céleste. Voilà pourquoi saint Ambroise , saint Ephrem et
d'autres Pères, invoquent la bienheureuse Vierge sous le nom de
Toison de Gédéon : Vellus Gedeonis.
Ecoutez saint Ambroise : Marie , dit-il , est justement comparée à
la toison de Gédéon , puisqu'elle a conçu le Seigneur, de manière à
le recevoir comme une douce rosée dans tout son être , sans que sa
virginité souffrit aucune atteinte [Homil. xv).
Considérez le dessein de Dieu, dit saint Bernard; reconnaissez
le dessein de sa sagesse et de sa tendresse : devant arroser l'aire
entière, il commence par remplir de rosée la toison ; devant rache-
ter le genre humain, il a mis tout le prix de cette rédemption dans
Marie (Inlib. Judicum),
XXXIV.
J'ai dit : J'arroserai le jardin de mes plantations, et je rassasierai Marie compa-
0 . rée au paradis
l'herbe de ma prairie : Dixi: Rigabo hortum mewn plantahonum , et terrestre.
204 MARIE.
inebriabo prati mei fntctum (Eccli. xxiv. U1). Ce jardin c'est Marie... ;
celui qui arrose, c'est Dieu... ; l'eau dont il se sert, c'est la grâce, qui
a été répandue en Marie
Voici, dit l'abbé Rupert, voici un nouveau jardin, un nouveau
paradis, de nouvelles plantations faites par celui qui autrefois a
disposé le paradis terrestre. L'ancien paradis était terrestre ; Marie
est un paradis nouveau, un paradis céleste. Le jardinier est le même,
c'est Dieu. Dans l'ancien Paradis, il plaça l'homme qu'il avait crée;
dans le nouveau, il forme l'humanité de celui qui est auprès de lui
de toute éternité. Du sol du paradis terrestre, Dieu a l'ait sortir toute
espèce d'arbres beaux à la vue, et dont les fruits étaient excellents
au goût; il a aussi placé au centre de ce paradis l'arbre de vie ; il a
béni cette terre et ceux qui l'habitaient : Marie produit abondamment
les fruits délicieux de toutes les vertus ; elle est l'arbre de vie ; son
fruit est J. C. fait homme, en qui toutes les générations sont bénies.
Du paradis terrestre , qui était un séjour enchanteur, jaillissait un
fleuve qui se divisait en quatre branches et l'arrosait dans toute son
étendue; de Marie, le second paradis, est ne le fleuve dont parle le
Psalmiste, quand il dit : Un fleuve de joie a inondé la cité de Dieu
et le sanctuaire où réside le Très-Haut (xliv. h). Ce fleuve, c'est
J. C. qui inonde de délices Marie, vraie cité de Dieu, vrai sanc-
tuaire du Très-Haut. Ce fleuve se divise en quatre branches, afin
d'arroser, de féconder et de vivifier, par l'entrfcnise de Marie,
l'orient, l'occident, le septentrion et le midi. C'est donc avec raison
que la bienheureuse Vierge est appelée par saint Jérôme, saint
Pierre Damien et d'autres docteurs, et par l'Église elle-même, un
pannlis de dilues, que Dieu a rempli de toutes les richesses de la
grâce. Marie est un paradis dans lequel Dieu a placé les plus belles
fleurs et les fruits les plus délicieux de toutes les vertus (Lib. IV
m t 'ont. I. L'homme a perd» Le premier paradis et le ciel ; par Marie,
ce second paradis, l'homme rentre en possession de ce qu'il avait
perdu, surtout dans l'éternité
xxxv. Nul autant crue Marie n'a aimé, recherche et pratiqué la retraite et
i ir ilo
rte pour
retraite.
Amour <\o
Marte pour la la solitude
Elle s'occupe de travail, parle rarement el ne se montre jamais
en public ; elle fuit le momie el ne cherche que Dieu.
Elle ne connaît que le tenaple el sa maison, Dieu et ses
parents
Elle ne fait qu'une visite en sa vie: c'esl à sainte Elisabeth su
MARIE. 205
cousine, pour lui faire connaître le grand mystère delà venue
du Messie
L'ange, qui vient lui annoncer qu'elle est choisie pour être nure
de Dieu, la trouve dans la retraite
Nous ne la voyons quitter sa demeure que pour aller au temple...,
au Calvaire
L'Evangile ne dit pas que Marie ait parlé plus de quatre fois pen-
dant sa vie : 1° lorsque l'ange demanda son consentement à l'incar-
nation du Verbe en elle ; 2° lorsqu'elle s'éleva si haut en louanges
de Dieu et en humilité, dans le sublime cantique Magnificat;
3° lorsqu'elle retrouva son divin fils dans le temple; 4° aux noces
de Cana
Qui pourrait raconter tout ce qui se passa de merveilleux et de divin
dans le cœur sacré de Marie, au sein de la profonde retraite qu'elle
garda durant soixante-douze ans?... Que de prières ferventes!
Que d'actes de foi, d'espérance, de charité, d'humilité, d'obéis-
pance, de patience, de prudence, de modestie, de vigilance, de
puieté et de zèle!... Que de méditations, de contemplations et d'exta-
ses!... Quelle union intime avec Dieu!.,. Apprenons de Marie à
• imer et à rechercher le silence, la retraite et la solitude
Ma colombe est unique ; elle est parfaite , dit le Seigneur parlant de XXXVI.
Marie , dans le Cantique des cantiques. Les filles de Sion l'ont vue B°MarJe d*
et l'ont appelée bienheureuse; les reines l'ont célébrée: Unaest
columbamea, perfectamea. Viderunt eam filiœ, et beatissimam prœdi-
caverunt ; reginœ landaverunt eam (vi. 8).
Quelle est celle-ci qui s'élève du désert comblée de délices, appuyée
sur son bien-aimé? Quœ est ista quœ ascendit dedeserto, deliciis
affluens, innixa super dilectum suum? (Cant. vin. 5. )
Marie 1° a été prédestinée de toute éternité pour être la plus par-
faite de toutes les créatures...; 2° elle a été prédestinée pour être la
mère de Dieu...; 3° elle a été prédestinée à la gloire la plus grande...;
4° elle a été préservée du péché originel et est demeurée sans tache
dans sa conception...; 5° elle a été comblée de grâces...; 6° elle a
correspondu à toutes ces grâces...; 7° elle est toujours restée
vierge...; 8° elle a été vierge et mère...; 9° elle a reçu tous les
dons et tous les fruits du Saint-Esprit...; 10° elle est montée au
Triomphalement, en corps et en âme...; 11" elle porte la cou
ronne de reine du ciel et de la terre
Aussi Marie , comprenant son bonheur, s'est-elle écriée : Toutes
200 mura.
les générations m'appelleront bienheureuse : Beatam me dicent omnes
generationes (Luc. I. 48).
XXXVlf. Un glaive traversera votre âme : Tuam ipsius animom pertrantM
"rtSïta1 gladiu» (Luc. n. 35). C'est en ces termes que, le jour de la présen-
ce Marie, ^ion ; je samt vieillard' Siméon a prédit à Marie les grandes souf-
frances qu'elle devait éprouver.
Marie 1° a souffert des douleur3 de son divin fils , et ses souf-
frances ont été égales à son amour Chez les martyrs et les autres
saints , l'amour fut un grand adoucissement de la souffrance ; c'était
un baume divin qui cicatrisait leurs plaies profondes. Plus ils
aimaient Dieu , moins ils sentaient leurs douleurs Au contraire
plus Marie a aimé , plus elle a souffert ; et comme son amour était
presque infini, ses souffrances l'ont été aussi.
2° Marie a souffert par compassion...; toutes les souffrances de
U.C. sont les siennes
3° Elle a souffert en raison de sa dignité
4° Elle a souffert en raison de la grande durée de ses tourments
Dès son incarnation J. C. a vu et a enduré toute sa passion. Dès ce
moment aussi Marie a vu et a enduré toutes les souffrances de son
fils et de son Dieu
5° Marie a souffert par sollicitude Elle a vu J. C. souffrir seul ,
abandonné de ses apôtres et de ses amis, des hommes et des
anges.
6° Elle a souffert des calomnies et des blasphèmes horribles lancés
contre J. C
7° Elle a souffert par la vue et par la présence continuelle de son
cher fils crucifié
Voilà pourquoi les docteurs enseignent que la bienheureuse
Vierge a été martyre et plus que martyre. Le glaive n'a percé que le
cor us des martyrs ; le glaive de J. C. et de Marie a percé leur âme :
Et tuam ipsius animam pertransibit gladius ( Luc. u. 35 ). Comme
J. C. a infiniment plus souffert qu'aucun des martyrs, et que tous
pris ensemble; ainsi Marie a souffert de son côté plus que tous les
martyrs J. C. a été crucifié; sa mère l'a été également par les
douleurs indicibles qu'elle a éprouvées!... En persécutant J. C. , on
persécute sa divine et tendre mère. L'amour de Marie est plus fort
que la mort; car de la mort de J. C. elle a fait la sienne.
La douleur de la Vierge a été si grande, que si elle était #h vï*ée
entre lous les hommes, dit saint bernardin, ils en mourraient toiu>
MARIE- 207
Tantus fuit dolor\ Yirginis, qund si in omnes creaturas divi-
deretur, omnes subito interirent (T. H, serm. lxi).
Un glaive traversera votre âme , ô Marie , afin que les pensées de
beaucoup de cœurs soient révélées : Tuam ipsius onimam pertransibif
gladius, ut revelentw ex multis cordibv.s cogitationes (Luc. n. 35 ).
Vous verrez, ô Marie , la malignité , l'envie , la fureur, la haine , Le
ceux qui veulent persécuter et mettre à mort votre fils bien-aimé.
Quelle douleur pour la très-sainte Vierge lorsque saint Joseph vou-
lut ia quitter!... Quelle douleur pour elle de se voir rebutée des
hommes, et d'être forcée de donner lé jour à son divin enfant dans
une étable et de le déposer dans une crèche , entre deux animaux !...
Quelle douleur pour elle de voir déjà couler le sang de J. C. sous le
couteau delà circoncision!... Quelle douleur pour elle d'être obligée
de fuir en Egypte!... Quelle douleur lorsqu'elle perdit son fils pen-
dant trois jours! Quelle douleur lorsqu'elle l'entendit accuser de
ci immuniqûer avec Béelzébub, et de mille autres crimes, lui qui
était l'innocence incréée!... Quelle douleur lorsqu'elle connut la
trahison et l'hypocrite baiser de Judas , le reniement de Pierre , et
l'abandon des apôtres!... Quelle douleur en présence des calomnies
et des faux témoignages portés au tribunal du grand prêtre!...
Quelle douleur mortelle d'être témoin de l'agonie, des soufflets, des
crachats, des cris de rage, des mépris, des moqueries, de la flagella-
tion, de la présentation de Jésus au peuple, de sa condamnation ,
et de sa marche vers le lieu du supplice , les épaules chargées de la
croix, et arrosant de son sang les rues de Jérusalem !...
Voilà Jésus au Calvaire et Marie aussi ! Voilà Jésus sur la croix et
Marie à ses pieds!... Quelles inénarrables souffrances pour elle!
On a crucifié son fils et elle a été crucifiée avec lui; les clous qu'on
a enfoncés dans les mains et les pieds de J. C, on les a enfoncés
dans son cœur de mère; la robe qu'on a enlevée à J. G. en rouvrant
ses plaies, le fiel dont on l'a abreuvé, la lance dont on a percé son
côté, les blasphèmes, les imprécations, les mépris solennels qu'on
lui a prodigués , ont été autant de coups de glaive qui ont déchiré le
ir de Marie !... Quelle douleur pour elle, lorsque Jean lui fut
donné à la place de son fils!... Quelle suprême douleur enfin lors-
que J. C. expira sur la croix !...
Non, non, les martyrs n'ont rien souffert comparativement à
Marie Aussi saint Bernard dit : Aucune langue ne pourra rendre,
aucune intelligence ne pourra concevoir les inexprimables douleurs
dont les pieuses entraiiies de Marie étaient déchirées : Nec lingua
208 MAHIB.
poterit loqvi, née mens cogitare valebît, guanto dolore affîciebantur
pia viscera Mariœ. C'est maintenant, ô Vierge! que vous payez
avec usure le tri'out que la nature n'a pas exigé de vous lurs de
votre enfantement ! Nunc solvis, Virgo, cum usura, .. partu
non habuisti a natura. Vous n'avez pas éprouvé de douleur en met-
tant au monde votre fil?; mais vous l'avez sentie mille fois j lus
grande à sa mort : Dolorem pariendo filium non sensisti, quem mil-
lies rejjlicatnm, filio moriente, passa fuisti (Serm. xxixinCant. ).
Au pied de la croix, Marie était plongée dans un océan de dou-
leurs , dit saint Jean Ckrysostome iStabat doloribus immersu (Serm.
înPass.).
Sous le poids de tant de souffrances, Marie ne fit pas entendre une
seule plainte; elle se conforma avec une résignation entière à la
sainte volonté de Dieu
XXXVIII. M âme est en quelque sorte le centre du ciel et de la terre, de Dieu
de' tout. et de l'homme En elle et par elle, Dieu qui est la souveraine
grandeur et la fin de toutes les créatures, s'est uni à la terre et à
notre humanité, lorsque Marie a donné un corps au Verbe éternel et
l'a revêtu de sa chair. C'est là un admirable travail de la suprême
sagesse de Dieu : elle a si bien su mettre en rapport la divinité avec
l'humanité, que la dignité infinie de Dieu a pu s'unir à l'humanité
sans que la divinité perdit rien de sa gloire et de sa majesté.
La divinité unie à l'humanité en Marie et par Marie, est aussi le
centre où arrivent et se rencontrent toutes les perfections de toutes
les créatures, toutes les prérogatives et 'es qualités des anges et des
hommes, ainsi que les prières de ces derniers, leurs épreuves et
leurs tentations, afin que le Verbe incarr,é les soutienne, les soulage,
les soigne et les guérisse
( Voyez Marie médiatrice et réparatrice, n°* XXVI et XXVIL)
XXXîX. L'ange exalte Marie : Je vous salue, pleine de gr.lce, le Seigneur est
Maricrap- c vous voug ,•.(,.. i „', Jje entre toutes les femmes (Luc. i. 28).
porte loui ci v '
Diou. Marie rapporte aussitôt cet honneur à Dieu en se déclarant l'humble
servante du Seigneur (Luc. i 38). Elisabeth exalte Marie : Voua
êtes bénie entre toutes les femmes, eï béni est le fruit de votre sein.
Et d'où vient ceci que là mère de mon Seigneur vienne à moi?( Luc.
i. \'.\. ) Lu présence de tant d'honneur et de tant d'éloges, Marc ne
s'attrilme rien , elle rapporte tout à Dieu. Mon âme , dit-elle, gluifie
le Seigneur": Magnificat anima ?nea Dominum (Luc. i. -40). Mirie
MARTE. 209
rend à Dieu les louanges qu'elle reçoit , comme à la véritable source
de tout bien. Vous , ô Elisabeth, vous exaltez la mère du Seigneur;
mais mon âme exalte et glorifie Dieu.
Dieu exalte l'homme d'une manière , et l'homme exalte Dieu d'une
autre manière : Dieu exalte l'homme en l'élevant au-dessus des
autres hommes par les richesses, les honneurs, les grâces, les dons
signalés; mais l'homme ne peut pas ainsi exalter Dieu, puisqu'une
peut rien ajouter à la grandeur divine. Il exalte Dieu seulement en le
louant, en proclamant sa bonté, sa majesté, sa puissance, sa sainteté,
sa miséricorde, sa providence, sa science , sa gloire, son immensité,
son éternité , en un mot tous les attributs divins.
Mon âme glorifie le Seigneur. Dieu est glorifié lorsqu'on l'honore
et qu'on le sert par les vertus Il est glorifié lorsque nous nous
conformons à J. G., lorsque nous le prenons pour modèle
Tout homme, dit saint Augustin, peut concevoir le Verbe en
croyant en lui , l'enfanter en Fannonçant aux autres, l'exalter en
l'aimant; alors il peut dire avec Marie : Mon âme glorifie le Sei-
gneur ( Super Magnificat ).
Mon âme glorifie le Seigneur; elle le glorifie par l'usage qu'elle
fait des mains, des yeux, delà langue, du cœur, de la mémoire, de
la volonté, de l'intelligence
Mon âme, anima mea : Marie s'exprime de cette sorte parce que
i° elle possédait son âme tout entière; ce n'est pas nous qui la possé-
dons ainsi : le démon, le monde , la chair , la colère , l'orgueil , la
paresse, etc., nous tiennent souvent sous le joug. 2° Elle avait
donné sans réserve son âme à son fils; or, donner son âme à Dieu
sans réserve, c'est la posséder soi-même pleinement 3° Elle
aimait ardemment son Dieu; or, plus on aime Dieu et plus on pos„
sèdeson âme
Par ces paroles : Mon âme glorifie le Seigneur, Marie annonce et
proclame la bonté, la miséricorde, la puissance et la majesté de
Dieu. Par ces autres paroles : Et mon esprit a tressailli d'allégresse
en Dieu mon Sauveur : Et exsultavit spiritus meus in Deo salutari meo
(Luc. i. 47 ) , elle fait connaître la douceur et les délices qu'elle a
puisées en Dieu lors de la conception du Verbe. Elle imitait ainsi !es
anges, qui méditent la majesté incompréhensible de Dieu, et qui
jouissent en même temps de sa douceur. Ils admirent pour aimer et
pour exalter
Marie durant toute sa vie a glorifié Dieu et lui a tout rapporté ;
même dans sa mort , elle a proclamé la grandeur de Dieu, car elle
m. u
toutes les
■vierges.
210 MARIE.
est morte d'amour Celui oui est puissant a fait eu moi de glande;
choses, et ton nom est saint : Quia fecit mihimagna qui (totem est, et
sanctum nomen ejus ( Luc. I. 49 ). A Dieu seul I\lai'i«
grandes choses, et non pas à elle; elle béait le nom du
Dieu, dit-elle, m'a sanctiliée afin que je tussi
Puisque nous tenons tout de Lieu, le corps et lame . la vie , la
santé , les biens temporels et spirituels, nous devons . à
de Marie , tut attribuer à Dieu , lui rapporter tout , le réméré:
toutes choses. C'est le vrai moyen de lui plaire, et d'attiré* ^ur nous
'les donc toujours plus abondants
\i,. v.;: est L a reine se tient à la droite du roi , dit le Psalmistp, à ?a suite;
modèle de paraîtront une multitude de vierges: ô roi, les de
l'Epouse vous seront présentées. On les amènera avec joie >
allégresse; on les introduira dans le palais du roi. 0 Marie ip o
et vierge immaculée, pour remplacer vos aïeux, il vous est né des
enfants; vous les établirez princes sur toute la terre. Il* petry
ront le souvenir de votre nom dans toute la suite .s, et s
peuples vous gloritieront dans tous les siècles et dans l'éternité (I).
Par ces enfants auxquels est promis l'empire de la l
Prophète entend surtout les vierges j de l'un et de l'autre i-exe , i
tiennent le premier rang dans la hiérarchie des saints s et ni par
leur renonciation volontaire aux biens et aux joies qui passent,
Bout placés au-dessus de toutes les choses de la terre.
0 .Marie, s'écrie Tobie, vous vous réjouirez dans VOS entants,
parce qu'ils seront tous bénis, réunis autour du Seigneur ! Ta <
lœlaberis in filas luis , qaoniam omnês benedicentur , et eottgrtgabuftfw
ad Ùominuj/t { xut. 17 ).
Ici encore il s'agit surtout des vierges qui , réunis à l'ombre des
fèfl et des monastères, passent leur vie autour du divin taber-
uai le.
Saint Jérôme met dans tout son jour la dignité de ces enfants
bien-uiuiés 4e .Marie, quan I d dit : La mort est venue par K\e et la
vie par Marie. Marie a ne fa;nille nouvelle, une lii m!l> de
cœurs vierges, afin que Sun lils, qui était adoré dans le ciel par les
(1) Aslilit rtçîiïà a (JcXTVis tuis \ < . . 1 il- :-i 1 1 ht- i <-• i vilaines post cam ; proTÎm»
ejus aiTercntur Ubi. Aflercntur inltetitia et cxsultalionc , aihluccnlur i
Prq pauibus luis naii ian| Ubi ûlij eos princip
terrain. Me mores crunt nominis lui n , itjoue cl gencralioncm. IVo| t< r a
populi coulitebuutur Ubi iu Ktchfaui , Cl lu r-L-uuium seculi (Psal. XI.1V. 10. 15-18 J.
arg p h faVrp; ■ b r s tes vierges, des anges qui l'adorent
(Ad '.'us toehhon, de Custod, virgin. ).
Avant Marie, la virginité perpétuelle et volontaire était incr-i
nue Cette incomparable Vierge a produit les millions de vierges
de ti»ut rang, de tout âge et de toute condition qui ont paru dan-
tous les pays, et qui ont mené la vie dos anges Que dis-je? ils
remportent en mérite sur les esprits célestes; parce qu'être vierge
dans un corps Corrompu , c'est porter la vertu au degré le plus
héroïque et le plus méritoire Les vierges auront une double
couronne, celle de la virginité et celle du martyre; car, disent les
saints Pères, la conservation de la virginité est un long martyre qui.
recevra la même couronne que le martyre de sang Les vierges,
dit l'Apocalypse, suivent l'Agneau (et l'auguste Marie) partout où.
il va , car ils sont sans tache devant le trône de Dieu : IH sequuntur
Agnum quoeumque ierit. Sine macula enim sunt ante thronum Dei
(xiv. A. 5).
Quel triomphe pour Marie, quelle gloire, quelle couronne , et sur
la terre et dans ies cieux, que cette multitude innombrable d<?
vierges!..»
BeitvEux tous ceux qui vous aiment , o Marie , et qui se réjouissent xu. Bonheur
en votre paix! s'écrie Tobie dans un esprit prophétique : Beati opines de Marie.
quidiligunt te, et qui g au dent super p ace tua! (xiii. 18.)
Marie, disent les Proverbes, est l'arbre de vie pour ceux qui s'atta-
chent à elle; heureux celui qui ne la quitte point ! Lignum vitœ est
his qui opprehenderint eam; et qui tenuerit eam, beatusl ( ni. 18. ) Ello
sera 1a vie de votre âme et l'ornement de votre cœur : Et erit vit.i
animœ tuœ, et gratia faucièus tuis (Prov. m. 22).
Après jouir de la vue de Dieu, le suprême bonheur et la suprême
gloire, ô Marie ! c'est de vous voir, s'écrie saint Bernard : Surruna
gloria est, o Maria, post Dominum, te videre ( In Cant. ).
Heureux l'homme qui prête l'oreille à ma voix, dit Marie dans les
Proverbes, heureux celui qui passe les jours à l'entrée de ma mai
son et qui veille au seuil de ma porte ! Celui qui me trouve, trouve
la vie; son salut viendra du Seigneur (par moi) (1).
Marie, dit saint Bernard, est pleine de suavité; elle offre à tou'
[\] Beatus homo qui audit me, et qui vigilat ad fores meas quotidie, et observât
ail postes hoslii uici. Qui me iuvenerit inveuiet vitam, et hauriet salutem a Douiiuo
(nu* 34. j ).
212 WARIB.
le lait et la laine : Tota suavis est, omnibus offerens lac et lanam
(In Gant.). Marie est très-bonne et très-miséricord'euse
Il n'y a pas pour un enfant de bonheur plu? grand <;ue celui
d'être entre les bras de sa tendre mère. Or, quelle mère égalera
*amai? Marie !...
Voulant donner une idée de la douceur de la très-sainte Vierge et
des délices dont elle comble ses serviteurs, saint Ambrolse la com-
pare à la manne ( De B. Virg. ).
A Marie s'appliquent ces paroles de l'Ecclésiastique : Je suis la mère
du bel amour et de la sainte espérance. En moi se trouvent toute
la grâce de la voie et de la vérité, toute l'espérance de la vie et de la
vertu. Venez à moi, vous tous qui me désirez avec ardeur, et rassa-
siez-vous des fruits que je porte; car mon esprit est plus doux que le
suc recueilli par les abeilles, et mon héritage l'emporte sur le rayon
de miel le plus exquis. Ceux qui se nourr ssent de moi auront
encore faim, et ceux qui s'abreuvent à mes eaux auront encore soif.
Celui qui m'écoute ne sera pas confondu , et ceux qui agissent par
moi ne pécheront point. Ceux qui me font connaître auruiit la vie
éternelle (xxiv. 24-31 ).
Jamais fidèle serviteur de Marie n'a péri ; c'est donc un bon-
heur inappréciable d'honorer Marie, de Ja prier, de l'aimer et de
limiter
Le vrai serviteur de Marie reçoit par elle mille grâces, mille con-
solations, mille secours, et il assure son salut. Heureux, infini
heureux celui qui s'attache à elle et qui lui rend un culte fervent
àLU. La Le culte et la dévotion envers la mère de Dieu sont une marque
dévotion a certaine ,|e prédestination; comme le mépris pour Marie et la
Marie est une r i r
marque désobéissance envers elle sont tout à la fois une marque certaine et
union. une cause de réprobation. Nestorius, Helvidius, Constantin Copro-
nyme, Julien l'Apostat, etc., l'ont bien prouvé.
Celui qui sert, qui honore et qui prie Marie, prie, honore et sert
J. C. <',rlui qui, au contraire, méprise et outrage Marie, mépris et
outrage 'son (ils. Dans l'Eglise, J. C. est comme un père de famille
au milieu des siens; dans l'Eglise aussi, soit triomphante, soit mili-
tante, soit souffrante, la bienheureuse Vierge Marie, par don et
par volonté spéciale de J. C, a le pouvoir et la dignité de mère du
famille.
Aussi saint Germain, patriarche de Constantinople , dit -il t
Comme la respiration continuelle est non-seuieuiuaç un signe ,
ttAnns. 213
mais encore une cause de vie; de même l'invocation fréquente de
Marie, non - seulement prouve qu'on vit de la vie véritable, mais
encore donne cette vie et la conserve (Serm. de Zona B. Virg.).
La bienheureuse Vierge est le guide , la reine, la mère et la gar-
dienne des élus
Un grand nombre de théologiens enseignent qu'une marque
d'élection divine et de salut, c'est la sincère dévotion à la très-sainte
Vierge
S'il n'est entièrement maudit, dit Marie à sainte Brigitte, per-
sonne, quelque ennemi de Dieu qu'il soit, ne m'invoquera sans qu'il
revienne à Dieu et obtienne miséricorde (Révélât.).
Marie est si puissante et si bonne qu'elle ne refuse rien à ses
fidèles serviteurs, et J. C. à son tour aime tant sa divine mère, qu'i]
lui accorde tout ce qu'elle demande
Au reste , l'expérience prouve que le vrai serviteur de Marie est
toujours vertueux et qu'il déteste souverainement le péché; or, 1p
salut n'est qu'à ce prix
Lorsque J. C. du haut de la croix prononça ces douces paroles : lu a.
Tout est consommé : Consummatum est (Joann. xix. 30), paroles ladévotiou
qui furent les dernières qui sortirent de sa bouche divine , le monde envers Marie.
était racheté et sauvé , la colère céleste calmée , l'enfer fermé , les
démons abattus et nos chaînes brisées; l'esclavage du genre humain
avait pris fin , l'anathème porté contre nous était levé, nos droits au
céleste héritage nous étaient rendus, et le ciel se trouvait ouvert.
Tout est consommé : Consummatum est ; J. G. avait fait tout ce qu'il
fallait pour satisfaire à la justice de son Père , pour accomplir les
prophéties , et pour racheter les hommes.
Mais voici une remarque frappante qui prouve que la dévotion a
Marie est comme nécessaire au salut , et que J. C. a voulu que,
l'homme fût sauvé par elle : C'est du haut de la croix que J. C-
dit à sa mère, en lui montrant saint Jean, qui représentait alors tous
les hommes : Femme , voilà votre fils : Dixit matri suœ : Mulicr, ecce
filius tuus. Ensuite il dit à son disciple , en lui montrant Marie :
Voilà votre mère : Deinde dicit discipulo : Ecce mater tua ( Joann.
Xix. 26. 27). Après cela Jésus, sachant que tout était accompli,
c'eet- à-dire que tout était réglé avec le ciel et que le monde était
racheté , s'écria : Tout est consommé : Consummatum est.
Ce n'est qu'après que J. C. nous a donné Marie pour mère, qu'il
dit : iout est consommé. J. C. met donc les rapports maternels et
211 MARIE.
filiaux de Marie et des homme? au nombr^ ries choses nécessaire»
pour la rédemption et le Bilut; la dévotion envers Marie est donc
nécessaire pour être sauvé.
J. G- nous a donné Marie pour mère; mais un enfant doit à sa
mère amour, respect, obéissance; si nous voulons aller au ciel,
aimons. donc , respectons , servons Marie et obéissons-lui —
J. C. mot sa mère au-dessus de tous les élus : il veut que personne
ne monte au ciel sans le consentement, le secours et la direction
de sa mère. Celui qui désiro son salut et qui vont l'assurer, doit être
fervent serviteur de Marie ; il doit croitre chaque jour en dévotion
envers elle
Tontes les grâces passent par les mains de la très-sainte Vierge;
br, le salut est l'œuvre de la grâce; donc la dévotion à Marie est
nécessaire pour être sauvé
Saint Germain, patriarche de Constantinople, dit formellement que
nul n'est sauvé que par la très-sainte Vierge : Aemo salvatur, nifi per
te, ovirgosanctissima (Serm. deZonaB.Virg.). Saint Bouavonture dit
aussi :0 Marie, celui que vous voulez sauver, le sera; et celui dont vous
détournez votre visage subira l'éternelle mort : Quem vis , snhus eiit ;
et a quo avertis faciem tuam , ibit in interitum ( In Psaltorio Virgin - '.
Ce grand docteur ajoute : Celui qui servira dignement Maria, s ira
jiLiilié; et celui qui l'aura négligée, mourra dans son poché : Oui
digne coluerit illam , jusli/icabitur} et qui negie^erU uluin , uinrictur in
peccatis suis ( Ut supra ).
Voilà pourquoi saint Jean Damascène dit: De tons les dons, le
plus parlait est la Vierge Marie , qui seule est digne de son Créa-
teur; elle est un ciel vivant plus grand quelesrieuj eu\-m<'
Do. mm omnium donorum prœstantissimum est Maria vir/n , qm>
Creatore (ligna crat , vivum cœlum, cœlis iptis latius [ Grat. de Maliv.
-• )•
Sainte Agnès étant apparue à sainte Brigitte, lui fit connaître les
grandeur}* admirables de la mère de Dieu, les louanges qui lui é|
adressées et lui dit : Gomme le soleil éclaire et vi\i(ie le ciel et la
lorro; ainsi la douceur de Marie obtient le don de piété à tOUSCClU
qui la .-Tv Mo ( in lie» '«t. ).
Marie porle le titre de médiatrice et de réparatrice; il faut donc la
, ete
'\t Thomas pn-e"n:ne que la très- -inte Vierge est honor'e d'un
tuue q j oint accordé aux saints et an , et qui se
firâjrnç le cnïfe (V7 ! m, c'est-à-dire culte placé" au-dessus de
tout nuire, celui de Dieu excepté. Il en est ainsi , dit-il, parce que
Marie, par son opération et sa coopération, a approché plus près
qne qui que ce soit des confins de la divinité; car, dans l'incarnation
do J. C, elle a fait tout ce que pouvait faire la torde de la nature,
et quand celle-ci a fait défaut , la divinité est survenue afin d'ache-
ver seule la substance même de l'œuvre (I).
teurs de l'Eglise enseignent que la bienheureuse
Vierge gurpasse en grâce, en vertus, en perfection , en dignité,
en honneur, en puissance et en gloire, tous les anges et traies
hommes réunis. L'Eglise honore les saints du culte de dulie , c'est-
à-dire d'un culte ordinaire; mais elle rend à Marie le culte d'Ay-
pcrdulic, le plus rapproché du culto de latrie, qui n'appartient
qu'à Pieu, parce que c'est un culte d'adoration. Mettez ensemble
tous 1 -s honneurs qui sont dus et qui sont rendus à chaque ange et
à chaque saint, et à tous ensemble, ces honneurs ne constitueront
que le culte de dulie ; jamais, quelque grands qu'ils deviennent , ils
ne mériteront de porter le nom de culte d'hyper Julie, qui apparu
tient à Marie, et seulement à elle : ce culte est d'un ordre supérieur
au mérite de tous les anges et de tous les élus réunis. 11 est autant
au-dessus du culte dû aux saints et aux anges, que Marie par ses
vertus , sa puissance et sa dignité est au-dessus de tous les membres
de la cour céleste.
Marie se louera elle-même, elle s'honorera en Dieu et elle se glo*
ra au milieu de son peuple, dit l'Ecriture; elle ouvrira la bou-
che dans les assemblées du Très-Haut, et elle se glorifiera devant les
armées du Seigneur. Elle sera élevée au milieu de son peuple, et
elle sera admirée dans l'assemblée des saints. Elle recevra des
louanges au milieu de la multitude des élus, et elle scrabénie parmi
les bénis de Dieu (Eccli. xxiv. 1-4).
L'Eglise a placé dans l'office de la très-sainte Vierge , et elle
applique avec raison à Marie ces paroles que l'Ecriture met dans la
bouche de la Sagesse. En effet, par l'entremise de Marie s'est accom-
plie l'œuvre suprême de la divine Sagesse. Dans cette œuvre, c'est-
re dans la conception et la nativité de Marie, dans la génération
humaine du Verbe, élans la sanctification et la glorification, Dieu a
(1} Sua opérations fines dWinitatis propïnquius nUiçrit; in inrarnat'orrî enîm
ind extenderu se poiest vjs nalur.c , qua ikii- i-mlc, s*c-
lijtas , ut ipsujy substantiam oper.s deinde sola perScrct (2. 2. p. q, 103.
Ért. iv. ad 2).
216 MA ME.
montré une sagesse infinie et de beaucoup supérieure à celle qu'il a
employée dans la création du ciel et de la terre, et même dans celle
des anges et des hommes
Marie est mère, fille et épouse de Dieu ; elle a uni la divinité à
l'humanité, le ciel à la terre, la maternité à la virginité, les pécheurs
à la sainteté. A tous ces titres, le culte d'hyperdulie lui est dû
XLV. Dieu et Voila, dit Fauteur inspiré du Cantique des cantiques faisant parler
les hommes .
désiraient Marie , voilà mon bien-aimé qui me dit : Levez-vous, hatez-vous
'd* Marie!6 nia bien-aimée , ma colombe , vous qui êtes toute belle à mes yeux,
et venez : En dilectus meus loquitur mihi : surge, propera, arnica mea,
columba mea,formosa mea, et veni (il. 9. 10). Le bien-aimé qui parle
à Marie, c'est Dieu qui veut et qui désire sauver le monde par elle
Dieu témoigne le désir que Marie paraisse au monde; dès la chute
d'Adam , il la lui promet comme réparatrice de sa faute. ( Gen.
m. 15). Il la promet à Abraham, à Isaac, à Jacob, aux prophètes;
il la comble de grâces lorsqu'elle arrive; il lui envoie un ange pour
lui dire que le Tout-Puissant l'a choisie pour être sa mère
Marie , ainsi que le Sauveur du monde, est attendue pendant
quatre mille ans.
Seigneur, dit l'Ecclésiastique parlant de Marie, faites paraître de
nouveaux prodiges et changez vos merveilles. Glorifiez votrp main
et votre bras droit. Détruisez votre adversaire ( Satan) , et affligez
vetre ennemi ( par celle qui doit lui écraser la tête ). Hâtez le t -nips
et souvenez-vous du but, afin que les hommes racontent vos mer-
veilles (xxxvi. 6. 7. 9. 40).
Cieux , s'écrie Isaïe, ayant en vue Jésus et la très-sainte Vierge s
cieux, versez votre rosée, et que les nuées envoient le Juste
comme une pluie ; que la terre s'ouvre et qu'elle enfante le Sauveur :
Rorate cœli desuper, et nubes pluant justum; aperiatur terra et germinel
salvatorem (xlv. 8). La terre est stérile et desséchée; elle ne produit
que des ronces et des épines; le prophète désire une nouvelle terre,
le sein virginal de Marie qui produira un nouveau fruit, un huit
divin
La sainte Ecriture est remplie de témoignages de désirs, de cris
d'espérance, de prières ferventes adressées au Seigneur, afin qu'il
daigne envoyer et le Messie et celle dont il devait naître.
0 sagesse! qui êtes sort e de la bouche du Très-Haut, venez nous
enseigner la voie de la prudence {Eccli. xxry. — Isai. xi^, 0 Adonaï'.
de Marie.
MAME. 217
chef (]p la maison d'Israël , venez nous racheter en déployant la force
de votre bras ( Exod. vi. 15).
Les anges désiraient la venue de Marie, afin que par elle fussent
remplies les places que la chute des anges rebelles avaient rendues
vacantes
Dans les limbes, les âmes des jastes; sur la terre, toutes les
natiuiis souhaitaient aussi avec ardeur la venue de Marie
Parlant rie Marie , le Roi-Prophète dit : Les filles de Tyr viendront alvï.
, t . . L'univers aux
vous offrir des présents , et les grands de la terre imploreront vos pieds de Marie
regards : Filiœ Tyr lin muneribus ; vulium tuum deprecubuncur omnes PqJJer et Ta"
divi es nlebis (xliv. 12 ). F"er- Accom-
' x ' . . . plissement des
Ma colombe est unique, elle est parfaite, dit le Seigneur parlant prophéties qui
aussi de Marie dans le Cantique des cantiques; les jeunes filles l'ont glorification
vue et l'ont appelée bienheureuse; les reines et toutes les femmes
l'ont célébrée (vi. 8).
Il est dit de Joseph que toutes les provinces venaient à lui atiu
d'acheter du grain et d'apaiser leur faim (Gen. xli. 57). Voilà
l'image des nations aux pieds de Marie .
Vous êtes bénie du Seigneur, ma fille , dit Booz à Ruth; tout le
peuple sait que vous êtes une femme pleine de vertus : Benedicta es a
Domino, fiiia. Scit omnis populus muîierem te esse virtutis (Ruth.
ni. 10. 11). Ruth n'était que la figure de la sainte Vierge
Vous brillerez d'une lumière éclatante, dit Tobie, et tous les.
peuples de la terre vous vénéreront : Luce splendida fulgebis , et
omnes fines terrœ adorabunt te (xm. 13). Les nations viendront à
vous de loin avec des présents, et elles adoreront en vous le Seigneur,
et elles vous considéreront comme une terre sainte : Nationes ex lon-
ginquo ad te ventent, et munera déférentes, adorabunt in te Dominum ;
et terram tuam in sanctifteationem habebunt (Tob. xm. 14). Car elles
invoqueront en vous le grand nom du Seigneur : Nomen enim
magnum invocabunt in te [ Tob. xm. 15 ). Et vous vous réjouirez en
vos enfants, parce qu'ils seront tous bénis et réunis aux pieds du
Seigneur : Tu autem fœtaberis in filiis tuis ; quoniam omnes benedicen-
tur, et congregabuntur' ad Dominum (Tob. xm. 17). Toutes ces pro-
phéties s'app'iquent à Marie et s'accomplissent en elle
L'Ecriture dit que tous s'empressèrent autour de Judith , depuis
le plus petit jusqu'au plus grand : Et concurrerunt ad eam om?ies, a
min 'ii o i sqve ad maximum (xm. 15). Ce tableau est une faible image
de la piété et du zèle de toutes les générations envers Marie !...
2!8 BrAura.
Tous adorant le Soigneur dirent à Judith : Le Seigneur roue *
bénie en sa force; il a anéanti nos ennemis par vos mains. L>
grand prêtre lui dit : Ma fille, vous êtes bénie du Seigneur )
très-haut , plus que toutes les femmes de la terre; car il a tellement
glorifié aujourd'hui votre nom, que votre louange ne sortira pas de
la bouche des hommes qui se souviendront delà puissance du
Seigneur (1). Prosterné aux pieds de Marie, l'univers, depuis dix-
huit siècles, nous présente l'accomplissement de cette magnifique
promesse Vous êtes bénie de votre Dieu dans toutes les tentes de
Jacob; car le Dieu d'Israël sera glorifié en vous par tons les peuples
cjui entendront prononcer votre nom ( Judith, xm. 31 ). Tous d'une
voix la bénirent, disant : Vous êtes la gloire de Jérusalem, vous
êtes la joie d'Israël, vous êtes l'honneur de votre peuple : B
runt eam omnes una voce, dlcentcs : Tu qloria Jérusalem, tu la
Israël, tu honorif.centia populi nostri ( Judith. XV. 10 ).
Marie est louée, exaltée, honorée, par toutes les nations catho-
liques
Voilà, dit Marie dans son sublime cantique , voilà que tonte? ïes
générations m'appelleront bienheureuse : Ecce bentmn me dirent
omnes fjenerationcs (Luc. I. 48). Marie annonce et prédit sa grandeur
présente et future
Toutes les générations l'appelleront bienheureuse , parce que le
Seigneur l'a choisie pour y établir sa demeure : L'/egit eam in hablr
tatioiieiu sibi (Psul. cxxxi. 13). Elles l'appelleront bienheui
parce quQ le Verbe s'est incarné en elle: Verbùm caro faction est
(Ji ann. i. 1 1). Llles l'appelleront bienheureuse enfin, pai*ce qu'en
s'huiniliant, elle a mérité de devenir la mère de Dieu, et lé salut du
genre humain : Quia respexit humilitatem ancillœsuœ; ccceeuim ex hoc
bculamme diccnt omnes gencrationes ( Luc. I. 18).
Cette prophétie de Marie s'est accomplie merveilleusement dans
tous les siècles , et elle s'accomplira jusqu'à la fin du mon
pendant toute l'éternité. Les temples, les chapelles, les autels élevés
à xMarie, les honneurs qui lui sont rendus, les tableaux et les è.
qui lui sont offerts, les pèleri . I s chants, etc.,
qui, dans tous les lieux et dans tous les temps , ont eu pour but
(1) Univérsi adorantes Dominura dixerunt ad mm : Bonodixit le Pnminns in
viittilf sua, i|iii.i por te ad nihili:
Domino : • . prai orrinibua inutiei
luum ii.i magnificavit , ut non r«jceç\at Luis tua du ora hoiniuum , qui niemores l'uo-
riut virtutis Domiui (xm. 22. 23. 25).
MARIE. 219
ou de l'invoquer , ou de la remercier, sont autant de témoignages de
l'accomplissement des paroles de la très-sainte Vierge : Toutes les
générations m'appelleront bienheureuse : Deatam me dicent omnes
generationes. L'éternité s'unit au temps pour lui rendre cet hom-
mage. Dans le séjour de la gloire, tous les anges, tous les élus se
presseront éternellement autour d'elle pour l'honorer, la bénir, la
Jouer et la proclamer bienheureuse : Beatam me dicent omnes genera-
tiones. L'auguste Trinité elle-même joindra sa voix à celle de la
cour céleste
Voyez-vous s'élever de tous les points de la terre ces églises et ces
chapelles dédiées à Marie? Au sommet des montagnes, elles ont pour
objet décarter les tempêtes et la foudre, et d'attirer sur les plaines
et sur les vallons la pluie bienfaisante, image de la pluie céleste de
la grâce qui y descend dans les cœurs Au fond des vallées, elles
rappellent que Marie vient là pour bénir les faibles etles humbles
Au milieu des forêts, sombres solitudes, elles servent de phare au
,eur qui aperçoit de loin leurs tours élancées et qui entend la
cloche de Marie l'mter Y Angélus. Les peuples ne cessent de se diriger
vers ces monuments , afin de prier Marie et de la proclamer bien-
heureuse : Beatam me dicent omnes generationes.
11 n'est pas une Eglise dans le monde qui ne renferme une cha-
pelle dédiée à Marie ; partout l'autel et le culte de Dieu s'unissent à
l'autel et au culte de la Vierge bénie. N'est-il pas de la dernière
exaoiitude do dire que toutes les générations la proclament bien-
heureuse : Beatam me dicent omnes generationes.
La plupart des basiliques et des cathédrales des principales villes
de province et des capitales de royaume, sont consacrées à Marie ,
sous le nom de Notre-Dame , et la proclament bienheureuse : Beatam
me dicent omnes generationes
Jouet d'une tempête effrayante, placé à deux doigts de sa perte,
le marinier aperçoit du haut des vagues un point culminant; c'est
un sanctuaire consacré à Marie par d'autres navigateurs qui, quel-
ques siècles auparavant, ont été sauvés du naufrage par le vœu
d'élever à Marie ce modeste monument de leur reconnaissance. Le
marinier d'aujourd'hui tourne ses regards de ce côté ; il invoque
Marie, et elle l'arrache à une mort certaine. Des milliers de sanc-
tuaires sont ainsi construits en vue du rivage, pour glorifier et
remercier celle que l'Eglise invoque sous le nom à' Etoile de la mer.
On voit appendus à leurs murs un très-grand nombre de tableaux
qui indiquent et les vœux adressés et les secours obtenus. Là, comme
220 MARIE.
sur l'Océan, tous proclament Marie bienheureuse : Seatam me dicent
omnes gêner ationes.
Ouvrez les yeux, vow aperrtavrez ici Notre -Dame -du -Mont-
Carmel, là Notre-Dame-de-Lorette , ailleurs Notre-Dame-des-Neiges.
Cette chapelle est consacrée à Notre-Dame-de-la-Garde; cette autre,
plus loin, l'est à Notre-Dame-de-Bon-Sccours, etc. Sous les voûtes
de chacun de ces édifices, Marie est proclamée bienheureuse par des
flots de peuple : Beatamme dicent nmnes r merationes.
Tous les âges, tous les rangs , tous les siècles , toutes les langues,
prient Marie, l'honorent et la déclarent bienheureuse : Beatam me
dicent omnes generationes.
Toutes les nations Juifs convertis et gentil?, hommes et femmes,
riches et pauvres, en un mot, le ciel et la terre tiennent le même
langage : Beatam me dicent omnes generationes.
Les habitants du ciel, ceux du purgatoire et de la terre tournent
leurs regards vers Marie , dit saint Bernard : les premiers, afin que
les sièges demeurés vacants parmi eux soient occupés ; les seconds,
afin d'être délivrés; les troisièmes, afin d'obtenir leur réconciliation
avec Dieu (1).
0 Vierge sainte, dit le cardinal Hugues, toutes les générations
vous nomment bienheureuse, parce que vous avez enfanté pour
toutes la vie , la grâce et la gloire : vous avez procuré la vie aux
morts, la grâce aux pécheurs, la gloire aux malheureux (2). On
vous adresse les louanges accordées à Judith : Vous êtes la gloire de
Jérusalem, vous êtes la joie d'Israël , vous êtes l'honneur de notre
peuple, vous avez agi avec vigueur. La première parole vient des
anges, dont Marie a réparé la ruine; la seconde vient des hommes,
dont elle a changé la tristesse en joie; la troisième vient des femmes,
qu'elle a délivrées de l'infamie; la quatrième vient des morts, dont
elle a Fait cesser la capti\ité (3).
Voici que toutes les générations m'appelleront bienheureuse.
(1) Ad illam respiciunt , et qui habitant in cœlo, et qui habitant in p?irçr*i*orio, et
•jui habitant in raunrio. Prinii, ut resarciautur ; secundi, ut eripiautur; tertii, ut
:ecoDi iiientur ( Berm. n de Petit.),
(ï Ex hoc er£o beatam te ilinint omnes generationes, o beata Virgo; quia oinui-
.v s g ueralionibus vilam, gratiara et gloriam genuisti : mortuis vitam, peccatori-
i i.iin , mi se ris gloriam.
(3y l'riinuni est vox angelorum quorum ruina per ipsam reparata est : secundum
est mu bomioum, quorum tristilia peream Uetificata ust : Lertium est vox mulie-
rum , quarum infamia per ipsam deleta est : quurtum est vox mortuoruin, quorum
cautivitaï per cam reducta est [In lib, Judith.).
MARIE. 224
Voici : Ecce. Cet adverbe, 1° marque l'admiration. Voici une chose
nouvelle, inconnue à tous les siècles, merveilleuse, qu'une femme
soit bénie et heureuse; bien plus, très -heureuse, plu^ heureuse
que les hommes et même que les anges. Car jusqu'alors toutes 1rs
femmes avaient été humiliées par Dieu en la personne d'i^ve ; elles
étaient condamnées à subir trois peines : l'esclavage, la douleur et le
travail (Gen. m.) 2° Ecce: Voici, marque le commencement, le
principe. Ecce, voici que dès ce moment je suis déclarée heu-
reuse, et à l'avenir je continuerai de l'être par tous les sièc'es ....
3" Ecce /Voici, marque encore l'avertissement. Voici, faites atten-
tion, ô malheureux mortels gui désirez arriver au bonheur; apprenez
de moi qu'il ne se trouve que dans l'humilité, l'obéissance, la grâce
et la faveur de Dieu, et vous obtiendrez les unes et les autres par
mon entremise. Car je suis la première qui ait goûté le bonheur;
je suis celle par qui Dieu se propose de rendre heures* t >us lc9
hommes. Accourez donc à moi, implorez mon secours, afin d'é hap-
per au malheur et d'obtenir le bonheur
Toutes les générations m'appelleront bienheureuse Permettez-
moi, s'écrie le pieux Gerson, permettez-moi de vous louer, ô Vierga
sainte, vous qui êtes heureuse trois fois et plus. Car, i° vous êtes
heureuse d'avoir cru, vous dit sainte Elisabeth : Beata quœ crelidisti.
2° Vous êtes heureuse d'être pleine de grâce , ainsi que le témoigne
la salutation de l'ange Gabriel : Ave , gratta piena. 3° Vous êtes
heureuse, parce que vous êtes bénie , heureuse par le fruit de vo tie
sein qui est la bénédiction même : Benedictus fructus veniris tui.
4° Vous êtes heureuse , parce que celui qui est tout-puissant a fait
en vous de grandes choses : Fecit mihi magna qui potens est. 5° Vous
êtes heureuse d'être la mère du Seigneur. 6° Vous êtes heureuse
d'avoir uni la fécondité à la virginité. 7° Vous êtes heureuse, parce
que vous n'avez pas eu d'égale avant vous , et que vous n'en aurez
jamais. Oui, toutes les nations vous proclameront bienheureuse :
Beatam me dicent omnes generationes (Tract. IV, notul. i super
Magnif.).
Marie a prophétisé qu'elle serait proclamée bienheureuse, honorée,
et invoquée comme telle dans tous les lieux et par tous les siècles ?
et cette prophétie s'est accomplie jusqu'à la dernière évidence. Tout
en fait foi , les églises, les chapelles, les monuments, les autels, les
pèlerinages , les ordres religieux et les congrégations instituées en
son honneur, les prières, les supplications, les chants des fidèles.
Elle seule est plus invoquée et plus honorée que tous les anges et
223 MAftîBê
que touslessJnts ensemble. Àelleseuleoû rend If eultpd'pyr^rr'ln'tfcî
sur terri1 et sur nier, partout on s'adresse à elle,
sa gloire; jartouteten tout temps les chrétien B et 1 i tiffi
ont célébré et célébreront, ô Vierge augUBtel votre immaculée
conception (aujourd'hui surtout que c'est un article fie foi) . voire
virginité j \otre humilité , votre obéissance , votre patience, \
sainteté et toutes vos vertus, votre maternité divine, votre pi:s-
sance, votre bonté, votre miséricorde, les grâces que vous i
vos sen iteurs, les prodiges et les miracles que vous opérez : B&ktwn
me dicent omnes générât iones. Que votre culte prospère et
aussi longtemps que vivront les hommes el I - "t le Sauveur
lui-même; aussi longtemps que Dieu sera Dieu , pendai t lïdenrté
et au delà ! In. œternum et ultra (l£xn 1. iv. 18). Il en sera ai si .
m'en réjouis, ù ma mère ! parce que vous le méritez. Ojleuez-inoi
de vous bon ircr.de vous prier, de vous alrtiêt et de vous i
ici-bas, afin que je puisse jouir à jamais de votre vue dans le ciel!...
Si Marie eût été une femme ordinaire, si elle n'eût pas été réelle-
ment la mère de Dieu, comment aurait-elle pu annoncer qu'elle joui-
rait d'une telle grandeur et que la dévotion pour elle serait si
grande, si générale et si ftetista d >Y Si elle n'eût pas été la mère de
Dieu , ses prophéties se seraient-elles accomplies à la lettre , comme
l'atteste la voix unanime de dix-huit siècles? Dieu eût-il permis
qu'une pareille imposture régnât à toutes les épo p,.-- , t sur toute
L'Lglise,alin d awm-ler, d'Égarer et de séduire tôOâ 1<- ihé ■ -!,,_ ions,
tous les docteurs, tous les évèques, tons lés Pètôs . tous les c modes,
tous les souverains pontifes, tous les chrétiens et tous i«8 tamis, en
un mot, l'tglise entière, et toujours'.'...
Vive Marie ! vivent son nom, son culte et son amour! 11 est si doux
de la prier, de l'honorer, de l'aimer et de l'imiter! Seé lidèles servi-
teurs sont mis eu »n de tain | Ar tan! <fe
lll'll,,< «l11, ^'mo pour Marie et en :Maiie,alin de mourir uaus
ses bras maternels!...
XLVII. Marie, dit la b,; I ne s'obscurcit
qaerMaiïel jaikiall ; ceux qui L'aiment lu voient, cl ceux qui la cherchent, la
trOUvenl facilement.; Clara est, et qiuv nunquam marcessit : et facile
videtur ab Ms qui ililiautil cain, et invenitiir au Itis qui quevrunt iUam
(vi. 13). Elle devance ceux qui La désirent, pour se montrer à eux
la preim aeépat qui ta concupiscunt^ ut Mis se prior osieudal
(bap. vi. 14).
ilARiE. 223
Celui guj invoque Marie, la désire, la commît, l'aime et la trouve;
et désirer, connaître, aimer et trouver Marie, c'est pour Je chrétien
le trésor des trésors. Penser à elle, dit encore ia . est une
prudence consommée; veiller pour elle procure une prompte sécu-
rité : Cogitarede Ma, sensuse&t consummaius;et qut vigilaverit prou ter
illam , cito sccurus crit ( vi. 1G).
Si le vent des tentations souffle, dit saint Bernard ; si, pareilles à
pines, les tribulations vous déchirent, regardez votre étoile,
appelez Marie à votre secours : Respice stellam, voeu Mariam. Si la
colère, l'avarice, ou la volupté, font chanceler la frêle nacelle de
votre âme, tournez-vous vers Marie : Respice Mariam. Si le poids de
vos crimes vous accable, si le triste état de votre conscience vous
couvre de confusion , si vous commencez à vous troubler et à déses-
pérer à l'idée du terrible jugement de Dieu, pensez à Marie : Mariam
cogita. Dans les dangers, dans les angoisses, dans les ténèbres et le
doute, pensez à Marie, invoquez Marie; qu'elle ne cesse d'être dans
votre bouche et dans votre cœur : Mariam cogita , Mariam invoca ;
non recédât ab ore 3 non recédât a corde (Homil. n super Missus
est').
Toutes les fois que je soupire et que je respire , j'aspire à vous, t
Jésus, ù Marie, dit un saint : Quolies suspiro et respiro, ad te respiro,
Jesu, Maria. Celui qui cherche Marie et qui l'invoque, la trouve
aussitôt, et puise en elle, comme dans un océan, l'abondance de
tous les secours et de tous les biens H y a plus, comme le dit le
concile de Blois établissant la fête de la Visitation de la sainte Vierge,
elle n'exauce pas seulement ceux qui la supplient; mais elle prévient,
selon sa clémente coutume, les prières de ceux qui veulent s'adres-
ser à elle : Jpsa, non solum supplicantes exaudiet ; sed , sicut ex sua
clementia consuevit, etiam supplicare volentium preces prœveniet.
Comme nous l'avons déjà dit en parlant du nom de Marie , saint
Anselme explique admirablement pourquoi la miséricorde de la
très-sainte Vierge est si grande. Le secours, dit-il, arrive quelquefois
plus promptement par l'invocation du nom de Marie, que par l'in-
vocation du nom de Jésus, son fils unique; non qu'elle soit plus
grande et plus puissante que lui ; car J. C. ne tire pas sa grandeur et
sa puissance de Marie , c'est Marie qui doit la sienne à Jésus; mais je
dis ce que je pense : son fils est le Seigneur et le juge de tous, il
scrute les mérites de chacun. Quand donc il n'exauce pas celui qui
invoque son nom , il agit en juge et avec justice; au contraire, lors-
que quelqu'un invoque le nom de Marie, ses mérites fusscnt-Uâ
224 MARIE.
nuls, les mérites de Marie intercèdent pour lui. Elle agit en mère et
non en juge (Lib. I de Excell. Virg.).
XLvm. Marie prête l'oreille à tous ceux qui l'appellent à leur secours , et
accorde' 'd'insi- e^e ^es exauce. Voici, choisis entre mille autres, quelques exemples
gpes victoires frappants et vraiment miraculeux de la protection qu'elle étend sur
à ceux qui ri r ~±
l'ont invoquée, ses serviteurs.
En l'an 552 , Marie rendit victorieux desGoths, Narsès, général
de l'empereur Justinien. Après avoir invoqué Marie, il défit à la tète
l'une poignée d'hommes l'armée de ces barbares, très-nombreuse
et très-fortes, la tailla en pièces et délivra l'Italie de la cruelle oppres-
sion qui pesait sur elle (Evagrii Hist. Eccles. , part. I, lib. IV,
c. xxvi ).
Au moment où ses Etats, envahis par Cbosroès, roi des Perses, lui
échappaient, l'empereur Héraclius mit sa confiance en Marie, l'in-
voqua avec foi, et bientôt il battit l'ennemi et se lit rendre la vraie
croix, l'an 626 (Pauli diac. Longobard. Hist., lib. XVIII, et Theo-
phan. Chronogr.,\n Corp. hist. Bys.).
Pelage, roi des Asturies, ayant imploré le secours de la très-sainte
Vierge, reconquit, en 718, sa principauté occupée par les Maures,
et leur tua quatre-vingt mille hommes, y compris leur roi (Luc»
Tudensis, Marianœ, et alior. Hist. Ilisp. ).
L'an 867, Basile I, empereur de Constantinople, vainquit, avec le
recours de Marie, les Sarrasins qui insultaient J. C. et la très-sainte
Vierge , et il leur enleva presque toutes leurs conquêtes.
L'an 1099, les chrétiens, ayant à leur tête Godefroi de Bouillon,
enlevèrent la terre sainte aux infidèles. Il était ordonné à tous
ceux qui le pouvaient , de réciter chaque jour le petit office de
la très -sainte Vierge; leurs prières ni leurs vœux ne furent pas
Inutiles, et après plusieurs combats où ils demeurèrent victorieux ,
les croisés emportèrent d'assaut Jérusalem (Gulielmi Tyrii Belii
%acri Hist. — Baronii et alior. Hist. Eccles.).
L'an 1212, Alphonse VIII , roi de Castille, se mit à la tête d'une,
poignée de soldais et , précédé de la croix et d'un étendard sur
.equel était peinte l'image de Marie et de son fils, il pénétra dans
.e camp des Maures , et extermina près de deux cent mille d'entre
eux, sans perdre lui-même plus de vingt-cinq à trente hommes.
Les espagnols célèbrent encore chaque année cette vie: ir paï
jne fête qui a lieu le 16 de juillet, et qui porte le nom de iète du
Triomphe de la croix.
MARIE. 225
Le 7 octobre 1571 , sous le pontifi at de Pie V, une grande victoire
navale fut remportée sur les Turcs dans le golfe de Lépante, par
l'invocation et le secours de la très-sainte Vierge. Pour la remercier
de ce témoignage de sa protection et en perpétuer la mémoire, on
établit une fête qui se célèbre le jour anniversaire sous le nom de
Sai n te-Marie-des-Yictoires.
Marie étant la femme qui, d'après la promesse de Dieu, devait
écraser la tète du serpent infernal, on est toujours assuré de vaincre
avec son aide tous les efforts de l'enfer
Par Marie, on triomphe toujours du monde, de la concupiscence
et de la chair, de toutes les passions et de toutes les tentations. Rier
ne lui résiste , pas même J. G., son divin fils
Lorsque la fin de la vie de la bienheureuse Vierge, mère de Dieu, xux. Mort,
fut arrivée , tous les apôtres qui étaient dispersés dans les diverses et triompha
contrées du monde , se trouvèrent par une admirable providence de Marie-
réunis à Jérusalem , autour de son lit de mort. L'évèque Ju vénal,
saint Jean Damascène, et beaucoup d'autres, mentionnent formel-
lement ce fait.
La très-sainte Vierge trépassa l'an de J. C. 58, à l'âge de soixante-
douze ans , vingt-quatre ans après la passion du Sauveur.
Il est certain que Marie est morte ; mais quelle belle mort , granc
Dieu, après une vie si sainte, si parfaite, si sublime! Ce ne fut
qu'un doux sommeil. Marie mourut d'amour comme elle avait vécu
d'amour. L'amour , dit l'Esprit-Saint, est fort comme la mort :
Fortis est ut mors dilectîo (Cant. vm. 6).
Peu de temps après qu'elle fut ensevelie, la bienheureuse Vierge
ressuscita ; le ciel s'ouvrit , J. G. s'avança pour la recevoir et toute
la cour céleste vint au-devant de sa reine Le temple de Dieu
s'ouvrit dans le ciel, dit l'Apocalypse, et l'on vit l'arche d'alliance
dans son temple : Apertum est templum Dei in cœlo; et visa est arca
testamenti ejus in templo ejus (xi. 19). Cette arche d'alliance, c'est
Marie. Un grand signe parut dans le ciei, dit encore l'Apôtre : une
femme revêtue du soleil , ayant la lune sous ses pieds , et sur sa tête
une couronne dé douze étoiles (Apoc. xn. 1 ). Voilà Marie montant
au ciel , et prenant place dans les demeures éternelles.
La reine votre épouse , Seigneur, dit le Psalmiste, s'est assise à
votre droite, revêtue d'or et de toutes les richesses : Asti'Àt regina
a dextris tuis, in vestitu deaurato, circumdata varictate (xliv. 10). Le
roi du ciel, ô Vierge , est lui-même épris de votre beauté : Concupiscet
u.. 1»
2â6 MARIE.
rtx décorent twm (P??,i. tttv. 12). Présentez-vous dans votre •
et dans votre beauté, ô .V'arie; montez au ciel, asseyez-vous sur un
char de triomphe et régnez pour l'éternité (Psal. xliv. 5).
Etonnés, ravis d'admiration, les chœurs des anges s'écrient:
Quelle est celle-ci qui s'avance comme l'aurore naissante, belle
comme la lune, brillante comme le soleil? Quœ est ista guœ pçogre-
ditur quasi aurora consurgens , pulchra ut lima , electa ut
(Caut. vi. 9.) Quelle est celle qui s'élève du désert, comblée de
délices et appuyée sur son bien-aimé? Quœ est ista guœ ascendit de
deserto ydeticiis a/fluens , innixa super dilectum suum? (Cant. vin. 5. )
La gloire qui accueillit l'auguste reine sortant de ce monde , ne
connaît ni commencement , ni fin , dit saint Pierre Damien : Gloria
guœ eam ex hoc mundo transeuntem excepit, principium ignorât , nescit
finem (Serin, de Assumpt. Virg.).
Votre magnificence, ô Dieu, est gravée sur le diadème qui entoure
sa tète, dit la Sagesse : Mayni/icentia tua in diademate capilis Ulius
sculpta erat (xvm. 24).
<jue peut dire un mortel du triomphe et des gloires de Marie ! Ici
plus que jamais nous devons répéter avec le grand Apôtre : L'œil n'a
point \u, l'oreille n'a point entendu, le cœur de l'homme na pas
compris ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment : Oculus non
viditj nec auris audivit, nec in cor hotuinis ascendit, guœ prœporuit
Deus his gui diiigunt eum (T. Cor. n. 6). Comme Marie a plus aimé
Dieu, elle seule, que tous les anges et que tous les saints ensemble,
elle reçut une couronne plus riche et une gloire plus grande que
celles dont jouissent tous les anges et tous les élus Admirons et
disons-nous
L'Ecriture rapporte que le roi Salomon se leva, qu'il alla au-
devant de sa mère et qu'il s'assit sur son trôné , et que sa mère
s'assit à sa droite aussi sur un trône (III. Reg. n. 19). Alors le rd
lui dit : Ma mère , laites -moi connaître ce »jue vous désirez, il ne
convient pas que je vous amène à détourner de moi votre \ i
\Joul. n. 20 ). Ce récit nous donne une faible idée de la ivoeption
criomphale que J. C. lit à sa mèr
11 est dit d'Esther que le roi As-iu'rus l'aima plus qu'aucune 1< s
vierges qui s'étaient pi pour l'épouser; qu'elle trouva .-■
et faveur devant lui; qu'il m tète un diadème et qu'il la fît
réguer (Esther. n. 17). Cet autre récit n'est également qu'âne
mpari'aitr ira ce de \i ^nmption de Marie et des h<»n-
aeurs que le ciel lui a rén usl est aa moment de votre entrée
MARTE. 111
dans le ciel que votre fils, ô Marie ! vous a environnée d'une gloire
incomparable Vous pouvez vous appliquer avec vérité ces
paroles des Proverbes : L'opulence et la gloire «ont à moi : Mecum
sunt divitiœ et gloria (vm. 18).
Marie ayant été pleine de grâce; comment ne serait-elle pas com-
blée d'uonneurs et de gloire !... Ayant eu sur la terre plus de vertus
de perfections et de mérites que tous les anges et tous les saints pria
ensemble, elle jouit dans le ciel d'une gloire de beaucoup supé-
rieure à celle de tous les anges et de tous les saints.
Le Père la reçut et la couronna à titre de lille bien-aimée, deve-
nue le sanctuaire auguste et saint du Verbe éternel
Le Fils la reçut et lui donna la puissance à titre de mère
Le Saint-Esprit la reçut et la combla de gloire à titre d'épouse
sacrée.
Tous les chœurs des anges la reçurent, la vénérèrent et la célé-
brèrent comme leur maîtresse et leur reine. Tous se tinrent debout
autour d'elle, afin de lui faire la cour, de l'admirer et lui reridre gloire.
Le ciel et l'adorable Trinité la déclarèrent reine et reine à jamais
O triomphe unique de grandeur, de gloire et de majesté!
O Marie, ô notre mère, attirez-nous à tousj obtenez-nous la grâce
de vous imiter sur la terre, et d'aller vous contempler dans le
ciel!...
Ecoutez Tobie inspiré de Dieu et s'adressant à Marie : Ceux qui vous U Châtiments
mépriseront, dit-il, seront maudits; ceux qui vous blasphémeront d'eMarîe.1S
seront condamnés : Maledicti erunt qui contempserint te; et condem-
nati erunt omnes qui blasphemaverint te (xm. 16). Marie est la vérita-
ble arche d'alliance qui a renfermé dans son sein J. C. auteur du
nouveau testament, et qui l'a donné au monde. Celui qui touche ,
ou qui attaque, ou qui méprise cette arche sainte, est frappé de Dieu
comme l'imprudent Oza
L'impie Nestorius ayant osé nier la maternité divine de Marie ,; se
plaça sous le coup de la justice de Dieu; sa langue blasphématrice
fut rongée par les vers et tomba en pourriture ( Hist. Eccles. ).
Constantin Copronyme, ayant insulté la très-sainte Vierge, se
sentit dévoré par une chaleur intérieure si ardente , qu'il ne ces-
sait de s'écrier qu'il était livré vivant à un feu inextingui le , à
cause de ses attaques contre la mère de Dieu; et vaincu par le mal, il
prit des mesures destinées à ranimer la dévotion envers Marie
{Bi6ù. £ccles.x
228 MARIE.
Cajanus Minius, ayant blasphémé contre Marie , fat fortement
repris par elle durant son sommeil ; mais ne s'étant pas corrigé , i
trouva un matin, à son réveil, ses pieds et ses mains coupés ( Joann.
Mosch. Prat. Spirit. — Hist. Eccl .).
Combien de nombreux et terribles exemples pourrait-on citer de
châtiments célestes infligés aux ennemis de Marie , à ceux qui tour-
nent en ridicule son culte, ses images, ses temples, ses auteis, sa
virginité, sa maternité divine, etc. !...
Quiconque attaque la mère, attaque le fils Les gloires do V --
sont les gloires de J. C, qui est et qui sera toujours le vengeur des
droits et de l'honneur de sa sainte mère
Réciproquement, quiconque outrage J. C, outrage aussi Marie
Celui qui m'offense , dit Marie dans les Pïoverl .es, est le meur-
trier de son âme; tous ceux qui me haïssent, aiment la mort : Qui
in me peccaverit , lœdit animam suam ; omnes qui me odcrunt , diliyunt
mortem ( vm. 36 ).
Vous dites, Vierge sainte, vous dites par la bouche de l'auteur le
l'Ecclésiastique, que ceux qui s'appliquent à vous connaître et à vous
faire connaître , auront la vie éternelle : Qui élucidant me , vitam
œternam habebunt (xxiv. 31). Je ferai donc tous mes efforts pour
vous connaître, vous honorer, vous prier, vous aimer et m>us
imiter; et je ne négligerai rien pour manifester vos vertus, vos
mérites, vos prérogatives , votre miséricorde, les grâces dont on
vous sera redevable, vos perfections et votre gloire. Je m'applique-
rai à propager votre culte et à vous faire connaître , honorer, invo-
quer, aimer et imiter. Que ne m'est-il donné d'amener ù vos pieds le
monde entier!...
Je veux vivre et mourir dans vos bras , sur votre cœur de mère
Puisse ce petit travail l'ail à votre gloire vous ramener tous les
pécheurs , faire persévérer tous ceux qui vous servent , et m'obtenir
la grâce précieuse de vous servir moi-même avec ferveur jusqu'à
mon dernier soupir. Que ma dernière parole , eu quiuiui ia terre,
soit votre doux et divm nuiul..»
MARTYRE.
Plusieurs , dit Daniel , seront élus , purifiés et éprouvés comme Excentra
' * 7 r r du m
par le feu : Eligentur , et dealbabvntur , et quasi ignis proba-
buntur multi ( xn. 10 ). Ils tomberont sous le glaive , dans la
flamme, en captivité : Ruent in gladio, et flamma , et in captivitate
(Dan. xi. 33 . Ainsi frappés, ils seront soutenus Et ils seront
frappés , afin qu'ils soient renouvelés , mis à part et purifiés
jusqu'au temps marqué : Cumque corruerint , sublevabv.ntur Ruent
ut conflentur , et eligantur } et dealbentur usque ad tempus prœfinitum
(Dan. xi. 34-33).
Le martyre, dit saint Cyprien, est la fin des péchés, le terme des»
dangers, le guide du salut, le chemin de la patience, le maître du
ciel. La gloire du martyre ne saurait s'estimer assez; elle est d'un
prix inexprimable : c'est une victoire sans tache, un triomphe
qui n'aura pas de fin. En imitant J. C. , le martyr a l'honneur de
partager ses souffrances. Qu'elle est précieuse cette mort qui achète
l'immortalité par l'effusion du sang! Combien J. G. est joyeux;
comme il se plait à combattre et à vaincre dans de tels serviteurs I
Les supplices sont des ailes avec lesquelles on monte au ciel : Pœnce
sunt pennœ queis super astra vehor { Lib. de Laud. Martyr. ).
Quelles sont précieuses les blessures des martyrs, s'écrie =ainç
Eucher \ elles nous permettent de changer cette courte et triste \ ie
contre l'éternité. Autant le martyr reçoit de blessures , autant il
reçoit de palmes de la main même de Dieu ( Epist. de Martyr. ).
Tous les tourments, dit saint Léon, ont été inventés pour la gloire
des martyrs, puisque les instruments de leur supplice ont servi à
la pompe de leur triompiie : Omnia tormenta ad gloriam martyrum
reperta ; quando in honorem triumphi transierunt instrumenta supplia1
( Serm. ùe S. Laurent. ). Ils ont servi à la pompe de leur triomphe
même d'ici-bas, car ils sont devenus des miques.
Le sang des martyrs coule et il étouffe les feux de l'enfer.
Heureuse mort qui reçoit l'éternelle couronne d'une vie de
vertu !
C'est l'honneur même que ce genre de mort , dit Tertullien : Hoc
genus mortis décorum est (Apolog. f c. xxxixj.
230 ilARTYHE.
Le grand triomphe de J. G., dit Prudence, ce sont les souf-
frances des martyrs; souffrir, mourir dans les plus cruels suppli-
ée», et être plein de joie, voilà le triomphe des triomphes {In
Martyr.).
Celui, dit Clément d'Alexandrie, celui qui est condamné pour le
Dom de son Dieu, est un saint martyr; il est le frère de J. C, |e fils
du Très-Haut, le tabernacle du Saint-Esprit (Slrom., lib.U).
Le martyre , dit saint Cyprien , est un baptême qui communique
des grâces plus abondantes, qui est d'un ordre plus sublime , et qui
l'emporte en honneur sur le baptême d'eau : Martyrium est ùaptisma
in graiia mojus , in parte sublimius, in honore pretiosius. Ce sont les
tnges qui en sont les ministres; après l'avoir reçu on ne pèche plus;
il couronne la foi et unit à Dieu pour jamais ceux qu'il fait sortir de
ce monde (1) {Exhort. ad Martyr. ).
Par les persécutions et le martyre , les yeux se ferment pour la
terre, mais ils s'ouvrent pour le ciel, dit le même Père : l'Antéchrist
menace, mais le Christ protège et sauve; le martyr reçoit la mort,
mais l'immortalité la suit; il perd le monde, mais il gagne le para-
iis. G riche échange ! la vie temporelle et passagère s'éteint, mais
.a vie éternelle lui succède ( Exhort. ad Martyr. ).
Quel bonheur de sortir tranquille de ce monde dangereux , per-
vers, méchant, plein de misères et de déceptions; quel bonheur de
sortir glorieux du milieu des angoisses et des tourments, de ferme"
en un instant etpour jamais les yeux afin de ne [dus voir le monde
et 1rs hommes corrompus; et de les ouvrir aussitôt pour voir la
couronne et le trône de gloire qui est réservé au martyr, J. C. et
l'auguste Trinité !...
Ecoutez les martyrs eux-mêmes écrivant à saint Cyprien : Que
peut-il arriver de plus heureux et de plus glorieux à un homme ,
disent-ils, que de confesser J. C. au milieu des bourreaux et en ré-
• que de le confesser parmi les tourments 1rs plui
s pi us cruels, alors qu'on est tout déchiré, tout ensangla il ■',
i ai ; ' ', et cela volontairement et librement? Quoi V' plus
glorieux et de plus heureux que de Quitter le monde et d'aller au
(1) r.Y«M.i pepséa qu'exprima ', ton de Uaffoeup révolution de 1798, un saint
ax chartreux , qui fut condamné en Lang' doc à être guillotiné, ortaqtja
main à son cou: Vois, disait— il à - 1 œur, qui é il allée le visiter dans Bon cacbot,
d«ipaln m i(in le rêuteàa là, et mon àrne au
ciel El comme sa sœur fondai}? lar 5 : Quoi, ma sœur, aj ti-t-il.
mon éternel bonheur! Réjouis-toi avec moi; tu auras, dans le ciel, un frère qui t'y
. en une place ( I , tut).
MARTYRE. 231
ciel ; que de laisser les hommes et d'aller avec les anges ; que de
rompre tous les liens et d'être délivré des embarras du siècle ; que
d'acquérir la liberté et de se trouver devant la face de Dieu ? Qu'y
a-t-il qui rende plus riche, qui soit plus glorieux et d'un plus grand
prix que de devenir, en confessant le nom de J. C, le compagnon
de sa passion et le cohéritier de sa gloire ; que de conserver son âme
sans tache par la profession de foi ; que de refuser d'obéir à des lois
humaines injustes et sacrilèges qui détruisent la religion, et de ven-
ger les lois de Dieu par un témoignage public ; que de vaincre la
mort redoutée de tous et de recevoir par cette mort, qui ne dure
qu'un instant, la vie éternelle; que de triompher de tous les
bourreaux et de toutes les tortures ; que d'aimer les supplices ,
grâce aux enseignements de la foi ; que de mépriser et la vie
et la mort ? 0 noble et héroïque triomphe ! ( S. Cypr. Epùt. ,
lib. V, c. xii.)
De sa prison, le grand Apôtre écrivait aux Éphésiens : Ego Pnvlns
vmrius Ckrhti Jesu : Moi Paul prisonnier de J. C. (ru. 1.) Porter des
chaînes pour J. C. , dit saint Chrysostome, c'est quelque chose de plus
grand et de plus illustre que d'être apôtre, docteur, évangéliste. C'est
une dignité qui l'emporte sur toute royauté. Celui qui aime J. C. et
qui brûle de zèle pour lui, préfère être captif pour la gloire de son
nom, que d'être l'heureux habitant du ciel. Un riche diadème, brillant
de pierres précieuses, n'orne pas aussi bien une tête , qu'une chaîne
de fer portée pour J. C. Si j'avais le choix ou d'être avec les anges
autour du trône de Dieu, ou avec saint Paul dans la prison, je n'hé-
siterais pas et je préférerais la prison. Rien n'est comparable à cette
captivité ! Paul ravi au troisième ciel était moins heureux que dans
les chaînes ; j'aime mieux souffrir avec J. C. que de régner avec lui.
0 heureuses chaînes ! Pierre lui-même en fut chargé ; un ange les
brisa et le délivra de la prison. Si quelqu'un me disait : Choisissez :
voulez-vous être l'ange qui délivre Pierre, ou Pierre dans les liens î
J'aime mieux, répondrais-je, être Pierre; la chaîne qu'il a r
est un don plus grand que le don d'arrêter le 'soleil , d'imprimer le
mouvement au monde, ou de maîtriser les démons et de les chas-
ser. Le martyre est l'acte le plus parfait de foi, d'espérance, de i
rite, de religion et de force ; par conséquent, il procure la plus belle
couronne sur la terre et au ciel (Homil. vin).
Force
C'est, dit Tertullien, c'est une gloire pour nous de vaincre lorsque qu'ont'3
nous paraissons devant les tribunaux, et lorsqu'on nous condamne dmânyrs!e3
232 MARTYRE.
et qu'on nous frappe ; c'est un vêtement de palmes, c'est un char de
triomphe (Apolog. ).
Les martyrs sont invincibles : 1° parce qu'ils ont la foi et l'espé-
rance en J. G., par les mérites duquel Dieu leur accorde d'abon-
dantes grâces de courage et de constance; 2° parce qu'ils ont l'espé-
rance d'une meilleure vie et de la résurrection glorieuse , et qu'ils
savent que les membres qu'ils exposent ainsi aux. tourments leur
seront rendus par Dieu incorruptibles et glorieux...; 3° parce
qu'ils ont le sentiment que le supplice est peu de chose et de courte
durée, et que la récompense céleste est excessive et éternelle. Ces
pensées et ces réflexions animent les martyrs au milieu des plus
violentes et des plus cruelles tortures.
Tous les martyrs ont montré un courage extraordinaire et invin-
cible. Voyez les sept frères dont il est parlé dans le second livre des
Machabées; ils préfèrent subir la mort la plus cruelle plutôt que de
souiller leur âme en usant d'une nourriture défendue. Ils sont fidèles
à la loi de Dieu. Que cherchez-vous et que voulez- vous apprendre de
nous? disent-ils à leur féroce persécuteur. Nous sommes prêts à
mourir plutôt que de violer les lois qu'ont reçues nos pères Quelle
force héroïque dans leur sainte mère ! Mlle les encourage., elle les
voit mourir sous ses yeux et, martyre de sa foi , elle iwd elle-
même la vie
Le juge Asclépiade ayant ordonné que tous les membres de saint
Romain d'Anlioche fussent mis en lambeaux : Je vous rends grâces,
ô gouverneur, lui dit-il , d'ouvrir mon corps de toutes parts ; ces
blessures seront autant de bouches par lesquelles je pourrai louer
et prêcher J. C. ; autant de plaies, autant de voix qui béuiront et
glorifieront mon Dieu (In ejus vita ).
Saint Cyprien dit de saint Célérin martyr : 11 était chargé de
chaînes, mais son esprit resta libre; soumis à des tortures diverses,
il lut plus fort qu'elles; captif, il domina ceux qui le tenaient dans
les fers; étendu sur le bûcher, il parut plus grand que ceux qui
étaient debout; victime, il fut plus fort que ses vainqueurs; con-
damné, il l'emporta en noblesse sur ses juges; et quoiqu'il eùl es
pieds liés, il n'en terrassa pas moins le serpent, le vainquit et lui
brisa la tète [S. Cypr. Epis t., lib. IV, c. v).
Prudence dit de saint Vincent: Les tourments, la prison, les
Ongles de fer, les grils ardents, la mort, tout pour lui lut un jeu
(In Mart.),
Je n'ai jamais vu, s'écriait le préfet Bfodestus en parlant de saint
IfARTTÏlB. 233
Basile , là présent, je n'ai jamais vu un homme qui m'ait osé* parler
si hardiment. — C'est que vous n'avez jamais rencontré d'évèque,
lui répondit l'illustre pontife: Nunquam in episcopum incidisti ( Hist.
Eccles. ).
Injurie le Christ, disait le proconsul de Smyrne à saint Polycarpe,
et tu auras la vie sauve. — Il y a quatre-vingt-dix ans que je le sers,
pondit le saint évêque; il ne m'a jamais fait que du bien ; je lui
-erai fidèle jusqu'à la mort (In ejus vita ).
Je suis le froment de Dieu, écrivait saint Ignace, évêque d'An-
tioche; il faut que je sois moulu par la dent des bêtes, afin de
devenir un pain cligne d'être offert à J. C Que le feu me réduise
en cendres, qu'une croix me fasse périr d'une mort lente et
cruelle , qu'on lâche sur moi des tigres furieux et des lions affamés,
qu'on disperse mes os de tous côtés , qu'on meurtrisse mes mem-
bres, qu'on broie mon corps , que tous les démons épuisent sur moi
leur rage, je souffrirai tout avec joie , pourvu que j'arrive par là
à la possession de J. C. ( Epist. ad Rom. ).
Eu marchant au supplice, sainte Cécile disait : Mourir martyre ,
ce n'est pas sacrifier sa jeunesse , c'est l'échanger contre une meil-
leure ; c'est donner de la boue et recevoir de For; c'est donner une
maison vile, petite et tombant en ruine, et recevoir un grand et
riche palais , orné d'or et de pierres précieuses ; c'est donner une
chose périssable et en recevoir une qui échappe à la destruction et à
la mort (Act. S. Cecil. mart. ).
Sainte Agathe disait à Aphrodisius, envoyé du juge Quintien : Que
tardez-vous? qu'attendez-vous? Flagellez , déchirez, coupez, brûlez,
noyez, brisez mon corps, enlevez-moi la vie; plus vous me ferez
souffrir, plus vous me procurerez de biens, plus je serai comblée de
faveurs et de grâces par J. C. mon époux. Que Quintien excite les
lions , qu'il embrase les chaudières , qu'il prépare les lames de fer
rouge, qu'il ouvre , s'il le peut, les portes de l'enfer; qu'il emploie
contre moi toute la violence des supplices et les démons eux-mêmes;
je supporterai tout et je mourrai chrétienne et vierge. Je ne crains
aucune de ses menaces ni de ses cruautés, parce que Dieu, à qui j'ai
consacré mon âme et mon corps , me gardera. — Rendant compte à
Quintien ce qu'il avait vu et des effets qu'avaient eus sur Agathe
et les flatteries, et les promesses, et les menaces, Aphrodisius lui
die : Il serait plus facile de rendre les pierres les plus dures molles
comme la cire, ou de changer le fer en plomb , qu'il ne l'est d'enle-
ver à Agathr son amour pour J. G, et sa chasteté, Pour J. C. , elle
234 MARTYRE.
foule tout aux pieds, elle est au-dessus de tous les tourments : jour
et nuit, elle ne pense et elle n'aspire qu'à mourir pour lui ( L. Surii
Vit. Sonet. ).
Sainte Agnès, vierge et martyre, répondit au fils du préfet de
Rome qui la demandait en mariage, que J. C, son époux, était infi-
niment plus beau, plus noble, plus riche et plus grand que lui. Elle
ajouta : Retire-toi, foyer de péché , aliment de la mort; j'appartiens
à J. C. ; il m'a engagé sa foi par cet anneau ; sa générosité est plus
grande , ses pouvoirs sont plus étendus, son regard plus attrayant ,
son amour plus doux que tout ce que tu peux m'oflnr. Je suis
l'épouse de celui dont la mère est vierge et dont le père n'a pas
connu de femme : les anges le servent; sa splendeur fait l'admi-
ration du soleil et de tous les ast rs; le parfum divin qu'il exbaie
ressuscite les morts, son toucher guérit les malades, ses richesses
sont infinies et éternelles. A lui seul je conserve ma foi, à lui seul
je me confie : en l'aimant je suis chaste, en le touchant je suis sans
tache , en l'épousant je suis et reste vierge ( S. Ambros., Serm. xc).
Sainte Séraphie, vierge et martyre, répondit au proconsul qui lui
demandait où était te temple de ce J. C. qu'elle adorait , et quel
sacrifice elle lui olfrait: En pratiquant la chasteté , je suis le temple
de J.G.,àqui je m'offre moi-même en sacrifice. — Mais, répliqua le
proconsul, si on t'enlève la chasteté, tu cesseras donc d'élre le
temple de J. C. ?La vierge lui répondit par ces paroles de saint
Paul : Si quelqu'un viole le temple de Dieu , Dieu l'exterminera. Cet
impie et cruel magistrat ayant voulu l'outrager, Dieu la préserva
par un grand et visible miracle (Surius, inejus vita).
Tel est le courage et la, force qu'ont déployé tous les ■artyBp:
Leur vie est admirable ; mais leur mort 1 est [nus encore.
La force ^U *es martyrs ont- ils puisé tant de force et d'héroïsme? dans le
des martyrs secours de Dieu, lisse moquaient de leurs juges et de leurs bour-
vfent de Dira. ,;. * , * '
reaux, comme s us n eussent senti aucune douleur et comme s ils
eussent souffert dans un corps étranger , dit saint Ephrem. Ils
disaient: Si vous avez de plus grands tourments, employez-les; car
ceux que vous nous laites en lurer sont doux. Votre l'eu nous sem-
ble glucé, vos tortures sont faibles* vos coups légers, vos glaives
faits de bois vermoulu. Vous n*a\ez rien qui réponde à nos désirs et
à nos forces : nous sommes pi ris à endurer de plus longs et de plus
grands supplii.es. Ni les grils rpugis, ni la flamme ardente, ni les
cùuudirivs pleines de liquide^ brûlants , ni les lames embrasées, ni
MAUTTRE. 235
les dents de fer, ni les chevalets, ni le bûcher, ni les bêtes féroces
ne pouvaient effrayer ces courageux et fidèles soldats de J. C. : J. G.
souffrait en eux et adoucissait leurs tourments ( Encom. martyr.).
Voilà comment le bras de Dieu sait secourir ceux qui vivent,
combattent et meurent pour la foi. Il les inonde d'un torrent de
délices. Un grand nombre de martyrs ont attesté n'avoir pas même
senti les tourments qu'on cherchait à leur faire endurer. 0 miracle
touchant des heureux effets de la grâce et de la bonté de Dieu !...
Mais ce qu'il y a de plus frappant, de plus merveilleux dans les Les martyr*
martyrs, c'est qu'ils se réjouissaient au milieu des plus cruels sup- p°"xl ft'îa^oie
plices ; ils chantaient des cantiques d'actions de grâce. Ils disaient dans le*
avec le grand Apôtre : Comme les souffrances de J. C. abondent en
nous, ainsi par J. C. abonde aussi notre consolation : Sicut abundant
passiones Christi in nobis , ita et per Christum abundat çonsolatio
nostra (II. Cor. I. 5). Nous sommes remplis de consolation; nous
éprouvons une surabondance de joie dans toutes les tortures aux-
quelles nous sommes soumis : Repletus sum çonsolatione, superabundo
gaudio in omni tribulatione nostra (II. Cor. vu. i). Marchant sur les
traces de J. C, ils cherchaient comme lui leur bonheur et leur joie
dans la croix : Proposito sibi gaudio, sustinuit crucem (Hebr. xn. 2).
Ecoutez saint Vincent se moquant du tyran Dacien, et appelant
festin les plus horribles supplices : J'ai toujours désiré les festins, lui
disait ce grand martyr , et personne ne m'a jamais si bien servi que
vous (Surius, inejus vita).
Le bien que les martyrs attendaient, était si grand et si sûr, dit
saint Augustin ; la récompense qui leur était promise, si glorieuse, et
sa possession, si douce , que la lumière d'ici-bas ne leur était rien ,
qu'ils méprisaient le glaive, et que leur cœur nageait dans l'allé-
gresse. Ils allaient de la croix au ciel! ( De Martyr.)
La joie des martyrs dans les tourments est le triomphe de Dieu
même , dit saint Jérôme (Ad Hedibiam , quaest. xi ).
Non-seulement les martyrs se réjouissaient au milieu des supplices,
mais leur joie augmentait à mesure qu'on multipliait et qu'on
augmentait leurs tortures. Cette joie venait du ciel ; elle partait du
cœur de J. C. , et était un avant-goùt des joies éternelles
wi . p ... Triomphé
JN ors nous multiplions à mesure que votre faux nous moissonne, dit de la religion
Tertullien aux persécuteurs : Plures efficimur, quotiesmetimur a vobis. martyr*.
236 MARTYRS.
Le sang des chrétiens est une semence : Semen est sanguù christîa-
norum ( Apolog. , c. xxvn ). En effet, celui qui considère lapatience>
la force, la joie et la persévérance des martyrs, leur nombre incal-
culable, tous les genres de tourments inventés pour les vaincre et
épuisés sur eux, sans jamais les ébranler; celui qui contemple atten-
tivement la multitude d'hommes de tous les rangs, de vieillards,
de jeunes vierges et d'enfants qui ont couru avec bonheur au sup-
plice; celui-là se dit involontairement que la religion pour laquelle
on meurt ainsi es' divine et qu'elle est la seule vraie religion. Aussi
n'est-ce que dans l'Eglise catholique, apostolique et romaine qu'on
trouve des martyrs dignes de ce nom. Les martyrs répandaient
l'odeur céleste de la connaissance de Dieu et de sa loi; les nations
païennes en étaient frappées, émerveillées; et une sondai
secrète impulsion les portait à croire à la vérité de l'Evangile et à
J. C. C'est ainsi que la prédication du christianisme triompha parles
apôtres : la foi l'emporta sur l'infidélité ; la vérité, sur l'erreur; la
char' té, sur la haine; la patience, sur les supplices de tout genre- t
mort la plus cruelle. Souvent, à la vue du nombre, de la résignation
et de l'allégresse des martyrs, les juges et les i orreaux se conver-
tissaient, se faisaient chrétiens et devenaient martyrs à leur tour. Us
se trouvaient transformés de persécuteurs en apôtres , de lions en
agneaux, de grands pécheurs et de réprouvés en gran i- saints et en
tnts lu ciel
La vie a été manifestée, dit saint Jean, et nous l'avons vue, et
nous lui rendons témoignage , et nous vous annonçons la vie éter-
nelle, qui était dans le sein du Père , et qui nous a apparu. Nous
vous annonçons ce que nous avons vu et entendu (I. i. 1-3 |. Nous
vou l'annonçons par nos enseignements, notre vie, nos souf-
france , notre martyre et notre mort.
Noos tovvoni L récienx sort des martyrs est infiniment di ne d'envie. Or, nova
".','' pouvons tous l'être, chacun dans notre état; car il y a d'antres
car martyres que celui de sang, et i paiement le principe d'un
, rs gran l mente el d une riche récompen
res L'effusion du sai • la foi n'est pas seule un martyre , dit
saint Jérôme; la parfaite soumission de l'esprit à la volonté de Dieu
mérite aussi de porter ce nom ( Epitaph. S. Paulœ).
L'occasion d'être persécuté ne se présente pas toujours, dit saint
Grég tire, maie la paix même a son martyre : car celui qui n'a ;
courber, la tête sous le glaive du bourreau, peut du moins courbd
ifARTTRE. 237
sous le glaive spirituel les désirs charnels qui surgissent en lui
i Bomil. ni in Evang. ).
Soumettre la chair à l'esprit est une sorte de martyre , dit saint
Bernard; ce martyre effraie moins les yeux que celui qui a pour
instrument le fer et le feu , mais il est plus pénible par sa durée
(Serm. xxx in Cant. ).
Conserver intacte la pureté, c'est être martyr, dit de son côté
saint Jérôme : Habet pudicitia servata martyrium suum ( Epitaph.
S. Paulae).
Il y a trois martyres qui n'exigent pas l'effusion du sang et qui
néanmoins sont très-méritoires : être riche et vivre dans un détache-
ment complet des biens de la terre, comme Job et David; faire large-
ment l'aumône malgré la pauvreté, comme Tobie et la veuve de
l'Evangile; enfin, demeurer chaste dans la jeunesse, comme Joseph
en Egypte
La pauvreté volontaire est aussi un vrai martyre
S'ils sont exactement obsen es, les trois vœux de religion, qui sont :
le vœu de pauvreté, celui d'obéissance, et celui de chasteté, sont
un martyre continuel.
Voulez-vous apprendre , dit saint Pierre Damien , comment au
sein même de la paix de l'Eglise, vous pourrez subir le martyre?
montez au tribunal de votre raison, et infligez-vous la question.
Que la pensée accuse, que l'esprit juge , que la conscience repen-
tante lasse la fonction d'exécuteur et frappe, qu'un torrent de
larmes s'ouvre et coule. Par cette imitation du martyre, vous arrive-
rez à la dignité de ceux qui ont versé leur sang pour la foi ( Serm. de
S. Apollinari).
Un grand et sublime martyre, dit saint Laurent Justinien, c'est
d'exposer sa vie pour J. G. Les pieux missionnaires, les vénérables
religieuses qui quittent leurs maisons, leurs parents, leur amis,
leur patrie pour aller dans des contrées lointaines et barbares, arra-
cher à l'erreur, au crime et au démon, des âmes et les donner à
J. C; eux qui, héros et héroïnes de la foi, s'exposent à toutes les
privations , à mille dangers , à mille morts , dans un si noble but,
auront un mérite égal à celui des martyrs. Ecoutez ce que dit un
véritable martyr , qui fut aussi un martyr de la charité, saint Paul:
Mes frères, écrit-il aux Corinthiens , je meurs chaque jour pour votre
gloire en J. C. Notre-Seigneur : Quotldie morior per vestram yloriam ,
fratres, quam Uubeo la Chrùto Jesu Domino noitro ( I. x.v. 41. — berm.
de S. .tiartiao).
238 MARTYRE.
Que personne ne s'excuse en disant : Le? heureux temps du mar-
tyre sont passés; les persécuteurs ne sont plus, Néron , Dèce et Dio-
clétieù sont morts ; car chacun a des ennemis qui le perst -cutent. Il
n'est pas d'instant où quelque tyran ne s'attache à vospa?, ta l't
c'est le démon, tantôt le monde, et tantôt la chair : soin ml i
réunissent tous pour attaquer à la fois. Résistez fortement, c<>n^
la victoire et tous serez un vrai martyr. Si vous fuj ai oeua qui vous
porteraient au vice, si vous les repoussez énergiquement à l'imita-
tion du chaste Joseph, vous serez martyr de la pudeur. Si vdus
portez sans vous lasser les injures et les injustices, vous s
martyr de la patience. Si vous acceptez avec joie les opprobres et le
mépris, vous serez martyr de l'humilité. Si vous accomplissez
ponctuellement les ordres de votre supérieur, vous fussent-ils péni-
bles , vous serez martyr de l'obéissance. Qu'y a-t-il de plus consolant
et de plus encourageant? Y a-t-il martyre plus rigoureux que celui
qui résulte de la volonté d'endurer la faim au milieu des festins,
d'être pauvrement vêtu au milieu des richesses, et de préférer la pau-
vreté à l'abondance? Celui-là n'aura-t-il pas mérité la couronne de
martyr, qui ferme l'oreille aux promesses du monde, repousse les
tentations du démon et, ce qui est plus glorieux encore, triomphe de
soi -même et foule aux pieds la concupiscence qui se soulève?
Souvenez- vous , afin de vous animer, qu'une telle vie est un baptême
de sang et un martyre continuel. C'est un martyre et une espèce
d'effusion de sang, que d'affliger chaque jour son corps et de le
réduire en servitude : le confesseur qui a versé son sang pour
J. C. reçoit une couronne de roses; et le martyr de la pureté , une
couronne de lis. Saint Pacome ne l'ignorait pas; aussi dit- il sage-
ment à uù religieux qui voulait sortir de soù cloître j pour aller
chercher le martyre : Mon fils, livrez courageusement et avec
persévérance le combat du moine; si vous observez la règle et si
vous cherchez à plaire à J. C, vous aurez auprès de Dieu le mérite
fhi martyr ( Vit. Patr. ).
Une vie pieuse et sainte est un continuel et admirable mar-
tyre
Soigner les malades en temps de peste est également un mar*
tyre, surtout si l'on trouve la mort dans cet acte de charité.
Le Martyrologe romain du 28 février nous en offre un exemple
illustre. Nous y lisons : A Alexandrie, commémoraison des saint
prêtres , des saints diacres et autres fidèles en grand nombre, .tii,
du temps de l'empereur Valérien, au moment où sévissait une peste
MARTYRE. 239
errihle, portèrent secours aux malades et se dévourent volontaire-
ment à la mort : c'est pourquoi la piété des premiers chrétiens les
vénéra comme de véritables martyrs.....
Félicitons ceux qui ont sacrifié leur vie pour le nom de J. C... ,
envions leur bonheur et travaillons, puisqu'il y a plusieurs sortes de
martyrs, aie devenir nous-mêmes , afin de mériter et d'obtenir leui
brillante couronne
MAUVAISES COMPAGNIES.
Ravages
et cruauté des
mauvaises
compagnies.
Dangers
qu'elles font
courir à
l'innocence.
0
u Pierre a-t-il renié J. C. ? dit s tint Àmbroise : dan? le pre-
toire des Juifs, dans la société des impies : Ubi negavlt
Jesum Petrus? in prœtorio Jujœorun, in societate impiorum
(Luc. xxn ).
Combien nuisible est la conversation des impies l s'écrie le véné-
rable Bède. Pierre lui-même , se trouvant parmi les serviteurs du
grand prêtre, nie qu'il ait jamais connu l'homme que, parmi ses
compagnons, il a confessé être le Fils de Dieu (1).
Ne vous liez point avec les infidèles , dit le grand Apôtre ; car
qu'y a-t-il de commun entre la justice et l'iniquité, et comment la
lumière s'unirait-elle aux ténèbres? Quelle alliance le Christ peut-il
contracter avec Bélial, et quelle part le fidèle peut-il prendre aux
actes de l'infidèle? Quels rapports établir entre le temple de Dieu et les
idoles? Car vous êtes le temple du Dieu vivant , comme Dieu le dit :
J'habiterai en eux, et je marcherai parmi eux , et je serai leur Dieu,
et ils seront mon peuple. C'est pourquoi sortez d'au milieu des
infidèles, et séparez -vous, dit le Seigneur, et ne touchez point
l'impur. Et je vous recevrai, et je serai votre Père , et vous serez
.nés fils et mes iilles, dit le Seigneur tout-puissant (2).
Les discours des profanes et des impie.- pénètrent dans le cœur et
y gagnent comme un cancer, dit saint Paul à son disciple Tiuiothée :
Sermoeorum ut cancer serpit (IL il. M ).
Les hommes méchants et fascinateurs s'enfonceront de plus en
plus dans le mal, segarant et égarant les autres : Mali hoiuines et
(1) Quam nociva impiorum colloqnia! Petrus ipse inter ministros pnntifictim, vel
homitiein se nosse negavit, quem inter coudiscipulos, JUei Tiliuin fuerat content
{In Comment.).
(2) Nolite jugiira ducere cum infidelibus. Qua; enim participatio justitiac cum ini-
quitale? aut quac societas luci ad tenebrai? Que autein couventio Chiisti ad Beliall
aut qtUB pars lideli cum inlideh? Qui autein consensus tcmplo Dei cum idolis? Vos
enim olis templUIB Dei \ivi , sicut dicit Ueus : Quoniam inlialiit.tbo in illis , et inara*
bulalm Inter eost cl ero illorum Deus , et ipsi erunt niilii populos. Proptcr quod
etite de medio eorom, et separamini, dicit Domiuus, et immundum ne tetigeritis.
Et ego recipiam vos : et ero mina in patrem, et vos erilis iiiilu iu tilios et lilios, dicit
Dominua omnipotens (II. Cor. vi. 14-ls).
MAUVAISES rOMPAGNTES. 241
sednctores perfirient in pejus , errantes , et in errorem mittentes
(II. Tim. ni. 13).
Les impies, dit saint Léon, s'introduisent en rampant et sous le.
masque de l'humilité ; à l'aide de la flatterie , ils s'emparent de
ceux qui les écoutent, les lient doucement et leur donnent 'en secret
le coup de la mort : Humiliter irrepunt , blonde capiunt, molliter
lujont, Intenter occidunt (Serai, v de Jejun. ).
On se laisse facilement entraîner à suivre l'exemple des méchants,
dit saint Jérôme, et l'on imite promptement les vices de ceux aux
vertus desquels on ne saurait atteindre : Proclivis est malorum imi-
tatio; quorum virtutes assequi nequeas, cito imitaris vitia (Epist.
adLaetam.).
Ecoutez saint Cyprien : L'orgueil, dit -il, la colère et tous les
aulres vices d'un homme se reproduisent dans l'âme de ceux qui le
fréquentent; rien n'est plus facile; ils s'y développent non-seule-
ment sans qu'on le sache ou sans qu'on y consente , mais même
malgré la résistance qu'on leur oppose (1).
Celui qui fréquente les mauvaises compagnies, dit saint Augustin,
rougit bientôt de savoir rougir : Pudet non esse impudentem (Lin. II,
Confess.).
On peut appliquer à l'impie les paroles suivantes du Psalmiste :
Il brandira son glaive; son arc est tendu et il l'a préparé. 11 a
rempli son carquois d'instruments de mort; il fait pleuvoir des flè-
ches brûlantes. Voilà qu'il a été en travail de l'injustice ; il a conçu
la douleur et enfanté l'iniquité. Il a ouvert un précipice ; il l'a
creusé, et il est tombé dans le gouffre qu'il a préparé. Le mal qu'il
a fait retombera sur lui, et son iniquité pèsera sur sa tête (2).
Le gosier des méchants est un sépulcre ouvert, leur langue est un
instrument de séduction , leurs lèvres récèlent un venin comparable
à celui de l'aspic : Sepulcrum patens est guttur eorum : linguis suis
dolow agebant, venenum aspidum sublabiis eorum (Psal. xni. 4). Leur
bouche est pleine de malédiction et d'amer tume; te'jr* pieds se
(1) Nihil facilins, quam ut superbia superbiam, iracundia iracundiam , omne dem-
que vitium , sui generis vitium, in aliorum animis pariât: non modo nescientibuf
et non adverlentibus, sed saepe etiam invitis ( Lib. de Spectac).
[2) Gladium suum vibrabit : arcum suum tetendit, et paravit illum. Et in eo para-
■vit Tasa mortis , sagiltas suas ardeutibns effecit. Ecce parturiit injustitiam : concepit
•iolorem, et peperit iniquitatem. Lacuin aperuït, et effodit eura : et incid.t in foveam
quam fecit. Convertetur dolor ejus in caput ejus : et in verticem ipsius iniquitas ejus
descendet (vu. 13-17).
m. 16
Î42 MAUVAISE I OMPAGNIIS.
hâtant pour répandre le ^ar^g : Quorum os mnled>'ctione et am«ri-
tudine plénum est : veloces pe es vorum <ul cjfundendum scguinem
(Ibid. xiii. 5). La destruction et le malheur se. trouvent dans leurs
▼oies; ils n'ont pas connu les sentiers de la paix; la erain i
Seigneur n'est pas devant leurs yeux (xiii. 7). Ces ouvriers d'i i-
quité dévorent les serviteurs de Dieu cornue un mor eai de pain
(xiii. 4). Ils ont tendu des pièges sous mes pas, et il» ont i bé
mon Ame sous le poids de la douleur : ils ont creusé devàrit moi un
précipice , et ils y sont tombés eux-mèm s [Pscd. lvi. 7).
Voilà le portrait de ceux qui compose t les mauvaises compa-
gnies. Si vous les fréquentez , dit le Psalmiste , vous serez bientôt
perverti : Cumperverso perverteris (xvn. 27).
Si vous fréquentez les pervers, dit Sénèque , vous vous trou-
verez amené soit à les imiter, soit à les haïr : N>>ces<e est , mit iud-
teris , aut oderis ( Epist. civ ); mais si vous les haïssez, v< u-
éloignerez d'eux. Vous ne pourrez dégonfler Votre cœtii* tatit que
vous aimerez à vous trouver avec l'orgueilleux, vous dit encore
Sénèque; vous aurez du penchant pour l'avarice tant que vous vivrez
avec l'avare, et la fréquentation des adultères enflammera vos
passions (1).
Effrayés par les flambeaux que portaient les s..ldats de Qéâtêon,
les Madianites tournèrent leurs épées contre ëut-môn*
tuèrent : Mutua se cœde truncabant (Judic vu. 2-2). Ainsi agissent
ceux qui font partie de mauvaise- co pagrilès
La fréquentation des personnes scandaleuses dépose dans lame
un germe de corruption, dit saint < yprim : elle engendre les désirs
marnais, couvre d'ignominie, excite la colère, développe la
fureur, nourrit la luxure, amène des chutes et amoncelle des ruines ;
«lie se plait à perdre les âmes, elle favorise la mort, elle accable
bous le poids de la confusion , elle amasse l'opprobre comme un
Irésorj elle exagère les accusations et les rend plus vives, elle offre
rand nombre do pièges, détruit les ; impies et pures, et
change Les hommes en monstres (JDtSingularit. Clericorum).
Ce n'est pas une preuve médiocre de perfection, que d'être bon
'.-Mini les méchants, dit saint Bernard, et de conserver la ç/inileur
innocence au milieu de ceux qui se plaisent à faire Le mal:
Von medùjcris tUulw perfectœ virtutis , mter pravos vivere ùonum, et
\\) Hœfetot tibi tumor, quandid Cum - , erbi» conversaberis; hterehis «vai
<<«iandiu iivar» ixeris;incead< t , Uerorura soda! f.civ).
MAUVAISES COMPAGMBS. 243
inter malignrtnfes trtnontitke retinere C ndorem (Epist), Nous savons
qu'il est plus facile de gagner la méchanceté de ses compagnons
que de leur communiquer la vertu; car, dit saint Grégoire de
IW.'.anze, on contracte plus aisément une maladie qu'on ne la
guéffit : Scientes facilitts esss maHtiam a sociii or":ïpere , quarn virtutem
tts dore, cum et proclivius sit morbi participem fieri, quarn sanitatem
largiri (In Distich.) C -ui qui fréquente les hommes s rallié.--, se
souillera, dit Epictète : Qui cum contaminât is versatur, contaminatus
evadet (Ita Laertius).
Ne vous liez pas avec les pervers , mais seulement avec
bons, dit le poëte Théognis; de ceux-ci vous apprendrez
d'excellentes choses; au contraire , si vous vivez parmi les hommes
corrompus, vous serez bientôt corrompu vous-même :
Ne te conjungito pravis,
Sed conjunge bonis , et ab his bona plurima disces:
Cum pravis viveus, tu quoque pravus eris.
On ne s corrige pas facilement d'un vice que fomentent les
discours des méchants, dit saint Grégoire : Difficile emendatur pecca-
tum quoi lingiiis pravorum nutritur ( Lih. Moral ).
Les pièges peuvent conduire au crime; or, les mauvaises compa-
g- n e s'occupent que de tendre despiéges, et surtout de les tendre
secrètement. Le vice fuit la lumière et aime les ténèbres : dépouii-
l.mt Fhomme de ses vertus, il agit comme les voleurs.
Venez , disent les pécheurs , venez , dressons des embûches mor-
telles , tendons des pièges à l'innocent qui l'aura été en vain :
comme l'enfer, engioutissons-le tout entier et tout vivant : Deglu-
tiamus eum sicut infernus , viventem et integrum (Prov. i. 12).
Les impies peuvent être comparés aux loups Leur bouche, dit
saint Chrysostome, ressemble à la gueule des bêtes féroces, ou
plutôt elle est plus impitoyable encore : elle dévore avec plus d'avî-
dité, elle déchire plus cruellement, sa morsure est plus venimeuse :
Horum ora ferarum sunt , vel potius sœviora quarn ferarum : avidim
dévorant , crudelius laniant, virulentius mordent (In Psal.).
Les mauvaises compagnies boivent le sang de leurs victimes
Dévorons le juste, disent-elles; c'est-à-dire, dépouillons-le de sa
vertu, enlevons-lui l'amour de J. G., renversons-le, et rendons-le
semblable à nous, que comme nous, il ne goûte, ne cherche et
n'envie que ce qui est terrestre , charnel et infernal. Prenons-le
2-U MAUVAISES C01TPAGJHE8.
vivant et, comme l'enfer, forçons-le à connaître et à vouloir le mal
Car, que pensent, que disent que font autre chose les mauvaises
compagnies, que ce que pensent, disent, et l'ont les démons?... Nous
rechercherons les richesses de l'innocent, ajoutent ces impies, les
richesses que lui ont procurées son baptême, sa première commu-
. son éducation chrétienne, sa modestie et sa vertu, et nous
élirons nos maisons (l'enfer) de ses dépouilles : Omnem pre-
tiosam substantiam reperiemus , impfebimus domos nostras spoliis
(Prov. i. 13). Enlevons -lui ses mérites, le ciel qui doit être sa
récompense et Dieu; nous nous enrichirons pour l'enter Mettez,
disent-ils à ce jeune homme, à cette jeune fille , mettez votre héri-
tage en commun avec nous, et n'ayons tous qu'un même trésor :
Sortent, mitte nobiscurn , marsupium unum sit omnium nostrum
(Prov. i. 14.) Ce trésor c'est le trésor de la colère et de la vengeance
divine, la damnation éternelle. Ainsi les pécheurs s'excitent et
s'encouragent à commettre l'iniquité ! Ah ! malheur à celui qui fré-
quente les mauvaises compagnies; il est perdu!...
Les pervers ne dorment pas s'ils n'ont fait le mal , disent les Pro-
verbes, et le sommeil leur est ravi s'ils n'ont supplanté personne :
Non enim dormiunt nisi malefecerint ; et somnus rapitur abeis, nisi sup-
averint (iv. 1(5). Le pain dont ils se nourrissent est l'impiété;
le ^ in qu'ils boivent, l'iniquité : Comedunt panem impictatis, et vkium
iniguitatis bibunt (Prov. îv. 17). Ces paroles indiquent avec quelle
avidité les pécheurs recherchent le mal, avec quel soin ils préparent
le crime. Ils passent une partie de la nuit, souvent la nuit entière,
pour mettre à exécution leurs coupables projets . pour dresse* leurs
Is se font un festin de leur proie. On peut 1rs compare)' aux
serpents dont parle Pline, qui veillent durant tout l'été, temps où
leur venin a toute sa force, jusqu'à ce que l'ayant épuisé , ils su his-
sent l'influence du froid, s'engourdissent et dorment durant tout
l'hiver. On peut les comparer encore aux bêtes féroces, qui emploient
la nuit à rùder, cherchant une proie pour la dévorer. L aliment des
méchants , leur breuvage , c'est le mal , et ce festin est tellement de
leur goût, qu'ils n'en veulent pas d'autre. Leur soif de mal faire est
si grande qu'ils ne peuvent l'apaiser; et plus ils se li\reul au
crime, plus elle augmente; c'est la soif des démons et de* damnés.
Ceux qui sont ivres de pas-ions et de crimes, sont comme ceux
qui sont ivres de vin; ils veulent toujours boire.
- ! quiconque a le malheur de fréquenter les mauvaises com-
pagnies peut, en gémissant, emprunter ces paroles desProve)
MAUVAISE? C0""AGN7E3: 245
ïn un instant , j'ai été plongé dans un abime do maux, à la face de
tout le peuple assemblé : Fui in omni malo in medio synagogœ
( v. 14 ). Je me suis vu couvert de crimes par la fréquentation de ces
êtres dégradés Quand on est avec des libertins, on est avec des
êtres impurs et corrompus , qui n'exhalent que l'odeur fétide du
vice : ce sont des démons incarnes, vivants , mais qui ont déjà un
pied dans l'enfer.
Cela seul est un crime que de s'approcher des mauvaises compa
gnies, dit saint Cyprien ( Epist . xi). L'ami des insensés deviendra
semblable à eux, disent les Proverbes : Amicus stultorum similis effi-
cietur (xm. 20).
Une conversation fréquente influe insensiblement sur le juge-
ment, sur les affections et sur les mœurs de celui qui l'écoute.
L'homme qui se promène durant une chaude journée d'été, ou bien
pendant les rigueurs de l'hiver, est soumis, sans y trop penser, à
l'action du soleil, ou bien à celle du froid ; car l'air nous accompagne
partout , il pénètre nos entrailles par la respiration , et nous com-
munique le degré de chaleur qu'il possède. Ainsi en est-il de celui
qui prend place au milieu des mauvaises compagnies. Il se trouve
au sein d'une atmosphère empestée , sous l'influence de laquelle le
poison de l'iniquité pénètre dans son àme et dans son cœur.
Quand on fréquente un compagnon qui plaît , on adopte faci-
lement sa manière de voir, ses inclinations et ses affections; on
imite sa conduite. S'il est probe, on demeure tel; s'il est corrompu,
on le devient bientôt soi-même. Le mal se communique plutôt que
le bien; on s'y prête plus facilement et plus vite qu'à la vertu,
brebis galeuse infecte tout un troupeau; un fruit gâté, gâte tous ceux
avec lesquels il est mis en contact. Ainsi le gourmand, l'orgueilleux,
l'impudique , le médisant, le paresseux, l'impie, le voleur, rendent
semblables à eux ceux qui les fréquentent, surtout assidûment. Au
contraire , un grand nombre d'hommes chastes ou humbles auront
peine à ramener à ses devoirs un seul libertin , ou à rendre humble
un seul orgueilleux. Il en est de même pour les autres vertus. Une
goutte de fiel rend amer un vase rempli devin, ou de lait, ou de miel;
au contraire, un vase plein de miel ne peut faire disparaître entière-
ment l'amertume d'une seule goutte de tiel. Le vice est le fiel; la vertu
est le miel. C'est en partie de la société qu'on fréquente et des conver-
sations qu'on entend , que dépend l'habitude de la vertu ou celle
du vice; par conséquent, la vie ou la mort, le salut ou la dam-
nation .
246 MAUVAISES COMPAGNIES.
Voilà pourquoi les pasteur? , les parents, les maîtres, les précep-
teurs et les confesseurs, ne doivent rien négliger pour éloigner de
ceux qui sont à leur charge les mauvaises compagnies , et pour les
porter à la fréquentation des personnes édifiantes, car cette fréquen-
tation est un moyen puissaat de salut
La nuit ne marche pas avec le jour, ni le bon avec le méchant.
Voulez-vous être sage? voyez souvent le sage et liez-vous à lui
d'amitié. Le vice ne s'unit pas à la vertu, pas plus que la boue à
l'or. On ne joue pas sans dangers avec les serpents. Un peu de levain
fait fermenter une masse de pâte. On ne tire que du dommage d'une
mauvaise compagnie; et rien ne nous cause des pertes aussi
promptes et aussi funestes. Ce n'est pas la campagne qui rend bon
ni la ville mauvais, dit Cratès; mais la fréquentation des bons ou
des méchants : Non rus bonos reddit , negue w*bs malos 3 sed bonorum
et malorum commercia (Ita Maximus).
Celui qui commet l'iniquité, séduit son ami et le fait marcher
dans un chemin fatal , disent les Proverbes : Vir iniquus lac fat ami-
cum suum, et ducit eum per viam nonbonam{nm. 29). La voie deg
pervers est hérissée d'armes et de glaives, ditle môme livre : Arma
etgladii in via perversi ( Prov. xxn. 5).
Sache, dit l'Ecclésiastique , sache que tu vas entrer en commu-
nion avec la mort, parce que tu te prépares à l'avancer au milieu
des pièges, et que tu poseras le pie ! sur le tranchant «les armes de
ceux qui te trompent : Communîonem mortis scito: qubni tm in média
laqueorum ingredicris , et super dolent ium arma ambulabU ( îx. 20).
On a vu un effrayant exemple de cette communion avec la mort
dans le supplice qu'avait coutume d'infliger à ses -victimes le cruel
tyran "Nlézence. 11 faisait lier ensemble un vivant et un mort,
iinant que tous les membres de l'un correspondissent exacte-
ment à ceux de l'autre; afin que relui qui respirait encore fût tué
Codeur infecte du cadavre en putréfaction auquel il était atta-
ché, et )ong.'> par les vers qui le couvraient. Virgile nous a transmis
fe souvenir de cett»1 cruauté1 innuïp dans les vers suivants :
Mortua quin etiam jungebat corpora vivis;
Gomplexu in inisero longa sic niorle necabat.
Encvl. VIII.
Le même sort est réservé aux imprudents qui se mêlent aux
impies et aux per\ ers et qui vi\ ent avec eux.
JtAUVAMES co:iPAesn©. ->\1
Celui qui touche la poix en sera souillé , et celui qui fréquente
.•"dieux le deviendra lui-même, dit l'Ecriture : Qui tetignrit
picem, inquinabitur ab ea: et qui comrnunicaverit superbo, înâuet super-
biam { Eccli. xm. 1).
Les exemples du vice, dit saint Cyprien , s'emparent de l'âme, lui
donnent l'impulsion, la changent et la transforment; ce serait uii
prodige d'être au milieu des flammes et de ne pas être consumé, oif
du moins de ne pas sentir l'ardeur du feu : Vitiorum exempta oppi-
gnant animum , impellunt, immutant, transformant : miraculo eritinter
incendw vel non consumi, vel certe non incalescere (Lib. de Spectac. ).
Le pécheur pourra s'allier au juste quand on verra le loup s'unir
à l'agneau, dit l'Ecclésiastique : Si communicabit lupus agno ali-
quando : sic peccator justo ( xm. 21 ). Les rapports du méchant avec
l'homme de bien ressemblent à ceux du loup avec l'agneau. C'est
âVec raison que l'Ecriture compare le méchant au loup, à cause d->
sa rapacité et de sa cruauté; et le juste à l'agneau, à cause de sg
douceur, de son innocence et de la chasteté de ses mœurs, et parce
qu'il est semblable à J. C
Le feu (du crime ) s'allumera dans l'assemblée des pécheurs, dit
l'Ecriture : In synagoga peccantium exardebit ignis (Eccli. xvi. 7).
L'homme de bien devient vicieux dans l'assemblée des pervers; i\
finit par leur ressembler. Qui pourrait ne pas voir toutes ses vertus
faire naufrage et s'engloutir dans le fleuve redoutable et fangeux de
l'impureté dont les flots submergent les mauvaises compagnies? Les
conseils du pécheur, ses entretiens, son rire, ses regards, ses mou-
vements, ses actions, etc., tout communique la peste
Celui qui abandonne Dieu et la vertu, cesse d'être homme, ii
devient un animal sauvage et féroce. Si c'est une grande misère que
de vouloir le mal, c'en est une plus grande que de le pouvoir et de
le l'aire. Or, les mauvaises compagnies ont pour triste partage ces
trois facultés : vouloir, pouvoir et commettre le péché.
ils ont tendu leur langue comme un arc qui lance le mensonge,
dit Jérémie ; ils sont allés de mal en mal : Extenderunt hnguam
suant quasi arcum mendacii; de malo ad malum egressi sunt ( ix. 3).
Celui qui marchait parmi les lioiis est devenu lion lui-même; ii a
i?ôiê et à dévorer les homme- : Q à incedehat
. leo; et didtcit prœdam taper e, et hômines devorarè
Le- s ont consumé sa force , dit le prophète Osée : Corne-
, obûr ejus [ta. 9 ). Les étra géi . .ont parle le (i-opt&té
248 MAUVAISES COMPAGNIES.
sont les hommes qui composent les mauvaises compagnies, et qui
sont en effet étrangers à tout devoir et à toute bonne action , qui ne
connaissent que la licence et le mal, et qui ravissent à celui qui les
fréquente tous les biens spirituels, les seuls vrais biens.
Fussiez-vous de fer, dit saint Isidore , si vous vous trouvez au
milieu du feu, vous serez fondu; si vous vous exposez au danger
des mauvaises compagnies, vous ne resterez pas longtemps en
sûreté. La familiarité enchaîne et l'occasion conduit à des chute;.
A la longue, on s'habitue à ce qui révoltait d'abord la volonté. 11
vaut mieux s'attirer la haine des méchants que leur affection.
Comme la société des bons a de grands avantages, celle des méchants
produit de grands maux. La fréquentation des uns et des autres
exerce une puissante influence (Lib. II de Soliloq. ).
Dans une mauvaise compagnie, dit le prophète JMichée, celui
qui est le meilleur, ressemble au buisson épineux; le plus droit
est comme la ronce des haies : Qui optimus in eis est, quasi pâli urus t
et quirectus, quasi spina de sepe (vu. 4). Le meilleur pique et fait
couler le sang, comme le buisson épineux ; il blesse son prochain.
Comme la ronce enlève de la laine à la brebis et la déchire , ainsi
le plus droit, le moins pervers d'entre les méchants dépouille et
déchire l'homme juste et pieux.
Les exhalaisons qui s'élèvent des lieux pestilentiels sèment les
maladies; ainsi, par suite des fréquentations mauvaises, dit saint
Basile, on contracte l'habitude du mal, souvent même sans que l'on
s'en aperçoive : Sicut in pestilentibus lotis, sursum attractus aer, mor-
bum ivjicit, sic in prava conversatione mata hauriuntur, etiamsi statim
non sentiatur (Homil. ix).
Les mauvaises compagnies imitent les démons. Quelle est l'occu-
pation de ces esprits malins et cruels? Quels sont leurs désirs, quel
est leur bonheur? C'est de faire la guerre à Dieu..., de ravager l'hé-
ritage de J. C... , d'enlever aux âmes la vie de la grâce et de causer
leur perte éternelle. Les mauvaises compagnies tiennent la même
conduite.
Les matiTflîsss La voie que suivent les pervers est escarpée, bordée de précipices,
cunii'i h. t.'â ri»
toutauudites. plongée dans les ténèbres, et elle aboutit à l'abîme. Elle est pénible,
semée de chagrins, de déc ptions, de douleurs et d'angoisses. Les
méchants sont doublement punis «les actes infâmes qu'ils commet-
tent : 1° Ils sont environnés de désagréments et de peines comme
d'autant d'épines qui les piçjuent et les déchirent...; 2u ils y sout
MAUVAISES compagnies. 219
empêtrés de manière à ne pouvoir se délivrer Pour eux et pour
ceux qui les fréquentent, ils sont un glaive acéré.
Celui qui attire perfidement les justes dans une voie mauvaise,
disent les Proverbes, tombera lui-même et périra : Qui decipit justos
in via mala, in interitu suo corruet ( xxviii. 10 ).
Je les abandonnerai , dit le Seigneur par la bouche de Jérémie;
je me retirerai loin d'eux; parce qu'ils sont corrompus et forment
une assemblée de prévaricateurs : Derelinquam, et rccedam abeis,
quia adidteri sunt , cœtus prœvaricatorum ( ix. 2 ).
L'impie sera maudit de Dieu et des hommes; maudit pendant sa
vie, à sa mort et durant l'éternité par les démons et par les âmes
qu'il aura perdues
L'assemblée des méchants est comme un amas de paille, dit l'Ecri-
ture; ils seront consumés par la flamme : Stuppa collecta synagoga
peccantium; et consummatio illorum flamma ignis ( Eccli. xxi. 40).
Prenez note de cet excellent conseil de Sénèque : Si vous voulez être h faut rmr
exempt de vices, fuyez ceux qui donnent l'exemple du mal : Si vis compagnies.
vitiis exui , longe a vitiorum exemplis recedendurn est (Epist. civ).
Retirez-vous loin des tentes des impies, dit le Seigneur, et ne
touchez à rien qui leur appartienne , de peur que vous ne soyez
enveloppés clans leurs péchés : Recedite a tabernaculis hominum impio-
rum , et nolïte tangere quœ ad eos pertinent; ne involvamini inpeccatis
eorum ( Num. xvi. 20 ).
Ne mangez ni ne buvez avec les. pécheurs, dit Tobie à son fils :
]\oli manducare et bibere cum peccatoribus ( iv. 18).
Mon fils , dit le Seigneur dans les Proverbes , si les pécheurs cher-
chent à vous séduire, ne cédez pas à leurs caresses : Fili mi, si te
lactaverint peccatores , ne acquiesças eis ( 1. 10).
Les pécheurs, dit saint Grégoire , cherchent à séduire lorsqu'ils
flattent pour faire tomber dans le crime , et lorsqu'ils prodiguent
les éloges après qu'on l'a commis ( Lib. Moral.).
Mon lils, dit encore le Seigneur, ne marchez pas avec eux; détour-
nez vos pas de leurs sentiers : Fili mi , ne ambules cum eis : prohibe
pedem tuum asemitis eorum (Prov. i. 15). Car, 1° leur voie tend au
:e... ; 2» on se couvre de honte et d'infamie en les suivant... ;
3° on devient bientôt semblable à eux Gardez-vous de trouver
du charme dans les sentiers des impies , disent les Proverbes , et ne
vous plaisez pas dans la voie des méchants : Ne delccteris in semifis
impiorum; me tibi pluceat malorumvia (,iv. 14). Neyous plaisez pas
9TiO mattvat?t;< "^rr-AôvrES.
dan? la Voie des Méûh&tttf, flîï Hugiiea fie SairtKVicto* , caredîe de9
impu liquesest fangW*8, c< bandonnerit & la 6 ilèrë
est plongée dans 1 sténèbres, «11 • de* ai ,,f nés,
celle 'i?ants est semée y t
bordée de cavernes, et relie des orgueil ux. I P (1 : iVfe N"M
!<>rum , gw'fl l» "'li-
ais , spinow in avaris, pet, osa in detra torib.s . .a in simulato-
"ibi/s, montosa in superbis ( De Anima ).
Fuyez la voie des impies, dit encore l'Ecriture, ne la prenez ja*l I
mais détournez-vous et nhan ! ônnez+la: Fuge ab ea ( via ), nec trè
per illarn : déclina et desere eam | Prov. iv. 15).
Sortez i'au milieu d'eux (les hommes qui composent le s mau-
vaises compagnies) et séparez-vous , dit le S :_ u •ur, et n
-oas l'impur : Exite de medio eorum, et separummi, dicit Dominus , et
immundum ne teligeritis ( II. Cor. vi. 17 ),
Que nul, dit saint Paul, ne vous séduise par des paroles vaines;
car d'est pour cela que la colère de Die I sur les lil- de la
•élssance. IS'ayezdonc point de commerce avec .>u\ : Netnô vot
seducat iiumibus verbis : profiter litre venit ira Dei in fiiox di
JSolite ergo effici participes eorum ( Ephes. v. G. 7 ). Ne van
point aux œuvres stériles des ténèbres , ma
qui les l'ont : Nulite communb-are q
magis autem redaranite (Ephes. v. 11 ). Reprenez-les, condamnez-loi
par votre tristesse , par la rouge ir de \ >tre front, par \
par voire i'uite, par vos paroles et par .
Frères, écrit le grand le Apôtre au* ' . nous
i :is, au nom d leur .1. G., d
de tout frère, qui marche dans 1 ntiamus vobis s [ni-
tres, in nomine Do i, ut tuhtraha i
fratre am (II. m. G;.
i sooi '{>'• d insl lit e des
Actes des '.bus istis ( v. 38)»
H oi - »us du meurtrier, dit 1 ni est-ce
qui p
main ai-
La yoi les j ■: ' - <• : do glaii
Proverbes; erlui
d'eux : [rma <■> g
ab cis (xxu. 5).
Eloignez - vous de celui nui et les maux
MAUVAISES COMPAGNIES. 251
sVlni?nprori* d^ vous , dit l'Ecclésiastique ; Diseede ab iniqw, et défi-
cient iiuiùt aOs te (vu. 2). Ne vous plaisez point dans les assemblas
même les moins nombreuses, car les fautes y sont fréquentes {Eccli.
xvm. 32). Celui qui n'est jamais seul ne fut jamais bon Celui qui
fuit les occasions du péché fuit et évite le péché
Ne parlez pas beaucoup avec l'imprudent , et ne marchez pas avec
l'insensé! Gardez-vous de lui, afin de ne pas éprouver d'outrage et
vous ne vous souillerez pas par son péché. Détournez-vous de lui,
et \ous trouverez le repos, et vous n'aurez pas à gémir de sa folie
(Eccli. xxir. 14-IG). Ne prenez pas la voie de la ruine et ne pré-
parez pas à votre àme un sujet de chute : In via ruinœ non eas; ne
ponas ardi/iœ tuœ scandalum (Eccli. xxxn. 25).
Frappé du danger que l'on court dans les mauvaises compagnies,
saint Chrysostome exhortait les pères et les mères à en éloigner leurs
exilants. Assurément, leur disait-il, lorsque nous voyons un servi-
teur porter un flambeau dans ses mains , nous nous hàton6 de lui
défendre d'aller dans les lieux où il y a de la paille, du foin, ou toute
autre matière combustible , de peur que , sans y penser , il ne laisse
tomber une étincelle qui embrase toute la maison. Usons de la même
précaution en faveur de nos enfants; et ne permettons pas que leurs
yeux se tournent vers des assemblées dangereuses. Si les personnes
qui demeurent dans notre voisinage les fréquentent, défendons à
nos enfants de les voir et de converser avec elles : agissons ainsi,
afin d'empêcher que quelque étincelle d'un feu criminel ne porte
l'incendie dans leurs âmes et n'y cause un dommage irréparable,
par une destruction générale (Homil. ad pop.).
Vous serez saint avec les saints; vous serez .innocent avec l'innocent, Des bonne»
. . compagnies,
dit le Hoi-Prophete : Lum sancto sanctus eris; et cum viro innocente
innocens eris (xvii. 26).
Allez maintenant, dit Tobie à son fils, et cherchez quelque homme
fidèle qui puisse vous accompagner : Sed perge nunc , e: inquire tii
aliquem fidelem virum, qui eat tecum ( v. A).
Celui qui marche avec les sages acquerra la sagesse , disent le»
Proverbes : Qui cum sapientibus graditur, sapiens erit (xm. 20).
Mes yeux, dit le Roi-Prophète, cherchaient ceux qui, sur la terre,
étaient demeurés fidèles au Seigneur, afin de les faire asseoir près
de moi : celui qui marchait dans la voie du bien était appelé à me
seri ir : Oculi . des terra?, ut sedeant mecwn; ambulans in via
im.nuculutay hic mihi ministrabat (c. 6). L'orgueilleux sera banni de
2o2 MAUVAISES COMPAGNIES.
ma demeure; celui qui prononce des paroles d'iniquité D'est pas
resté en ma présence : Non habitabit in medio domus meœ qui facit
superbiam; qui loquitur iniqua , non direxit in conspectu oculorum
meoritm (c. 7).
Que pouvons-nous donner à cet homme saint qui vous a accom-
pagné, dit Tobie à son fils ? Celui-ci lui répondit : Mon père, quelle
récompense lui donnerons-nous, et qu'y a-t-il qui puisse payer ses
bienfaits? Il m'a conduit et ramené sain et sauf , il a reçu l'argent
deGabélus, il m'a fait avoir une épouse et il a chassé loin d'elle le
démon , il a rempli de joie ses parents, il m'a arraché au poisson qui
se préparait à me dévorer , il vous a fait voir la lumière du ciel et
il nous a comblés de tous les biens. Que pourrons-nous lui donner
qui soit digne de tant de services? (xn. 1-3.) Une bonne compagnie
procure une infinité de biens
Fréquentez assidûment l'homme vertueux et saint, dit l'Ecclé-
siastique; faites votre société de celui, quel qu'il M\t, qui conserve
la crainte de Dieu et dont l'âme est selon la vôtre : lorsque vous chan-
cellerez dans les ténèbres , il prendra part à votre peine : Cum viro
sancto assiduus esta, querncumque cognoveris oùservantem timorem Dei ,
cujus anima est secundum animam tuam : et qui cum titubuoens in
tenebris , condolebit tibi (xxxvn. t5. 1(5).
Un bon conseiller, un compagnon vertueux, dit Hugues de Saint-
Victor, est serviable pour tous et n'est à charge à personne; en
effet, celui qui a de la piété envers Dieu, est bon pour le prochain
et réservé cm ers le monde : il est le serviteur du Seigneur, l'ami
de ses frères , le maître de tous ceux qui le connaissent. Ses supé-
rieurs cherchent à lui faire plaisir, ses égaux aiment sa société, et
ses inférieurs le servent a\ ec bonheur ( De Anima, lib. III).
MÉDISANCE.
Celui qui médit en secret , est comme un serpent qui mord sans Ravage»,
faire de bruit , dit L'Ecclésiaste : Si mordeat serpens in silentio, ^|^ance*
nihil eo minus habet qui occulte de trahit ( x. 11 ).
Par son imprudence ou sa malveillance, le médisant blesse son
frère, trouble la paix , détruit la charité, rompt l'union, scandalise
ses auditeurs et fait naître des haines, des procès, des disputes, des
guerres, la colère et des désirs de vengeance
La langue du serpent a trois pointes et elle fait ainsi trois bles-
sures : le médisant, lui, avec sa langue, blesse sa propre conscience
en commettant un péché, il noircit la réputation du prochain, et
il offense les oreilles et l'âme de ceux quil'écoutent
Le médisant peut être comparé à la vipère : celle-ci distille son
venin dans la blessure qu'elle fait , celui-là fait aussi des morsures
envenimées; ce n'est même que pour répandre du venin qu'il mord ;
sa conduite rappelle les paroles suivantes du Psalmiste : Le venin
de L'aspic est sur leurs lèvres : Venenum aspidum sub labiis eorum
( cxxxix. 4 ). La piqûre de l'aspic rend le sang tout noir; la médi-
sance noircit la réputation du prochain
La médisance fait une plaie plus profonde que le serpent; sa mor-
sure est plus cachée , plus nuisible, plus douloureuse. Le serpent ne
blesse que le corps; la médisance blesse la réputation, le cœur et
L'intelligence. En mordant, le serpent ne se blesse pas lui-même;
le médisant fait l'un et l'autre
La médisance est un grand mal , dit saint Chrysostome ; c'est un
démon turbulent qui ne laisse jamais l'homme en paix. Par elle les
haines se multiplient, les querelles s'enflamment, les dissentiments
se produisent, les mauvais soupçons prennent naissance. D'un ami,
elle fait , sans motif, un ennemi; elle bouleverse de fond en comble
les maisons, elle fait courir aux armes des villes paisibles, elle
relâche les liens de la paix qui est si belle, elle brise le nœud puis-
sant de la charité. Celui qui se livre à la médisance devient l'esclave
du démon (I).
(1) Grave malum est detraetîo , turbulentus daemon, née unquam pacatum homv-
nem reddens. Ex ea odia pullulant, jurgia conflantur, dissidia ortum trahunt, suspi-
cions mal* orocreantur ; sine ulla causa hostem reddit nui paulo ante amicus erat t
254 Médisante;
La langue du médisant '. t-tlle pas une sorte de vipère? dit saint
Bernar 1. Oui, ettjsès-criiellè, car d'un seul souffle elle empoisonne
trois personnes (celle qui médit, celle qui l'écoute et celle dont on
médit). Cette langue n'est-elle pas une lance? Oui , et très-aiguë, car
d'un seul coup elle perce trois personnes. Leur langue, dit le Prophè te
royal, est un glaive acéré. C'est un glaive à deux tranchants, ou
plutôt à trois, et beaucoup plus funeste que la lance avec laquelle
on perça le côté du Seigneur. Une parole est une chose légère, car
elle vole avec rapidité, mais souvent elle Liesse grièvement; elle
£asse vite, mais elle brûle profondément; elle pénètre facilement
dans l'àme, mais elle n'en sort pas sans peine (I).
Dire du mal d'autrui , dit Cicéron, est chose plus contraire à la
nature que la mort, que la douleur, que tous les accidents fâcheux
qui peuvent arriver au corps ou à la fortune; car la médisance
détruit la bonne opinion des hommes et la société (2).
Ecoutez Horace : Celui qui déchire un ami absent, celui qui :jc
peut taire ce qu'il a vu , celui qui dévoile le secret qu'on lui a confié ,
celui-là est un mauvais citoyen; évite-le, ô Romain (3).
Le médisant est un pestiféré et un lépreux qui communique bon
mal aux autres, nous dit saint Bernard. La mort de l'homme, en
tant qu'être doué d'un corps , commence par la langue et elle gi
peu à peii le cœur; la mort de l'homme, en tant qu'être moral,
commence aussi par la langue, c'est-à-dire par les paroles , et elle
gagne insensiblement la volonté et le cœur. Le médisant et celui
qui l'écoute avec plaisir, ajoute le même docteur, portent tous deux
le démon dans leur sein : Detractor et libens auditor, uterque diaào-
luiu portât ( Serm. de De tract. ).
UaivqfBBS domos subvertit et paeata* orbes ad belluui exclut , pulclir* pa./is vincula
dissolvit, mag'nft caritalis noduiu iul'nugit. Qui detractioni studet, diabolo servit
(Ifoiutl. in RM/. C).
(1) Nui)n|iiid non vipera est linpua ista? Ferociisima plane, nimirum quai tara
letnaliler tre* iulici.it il.itu uno. Nunn|iùd non lancea est liugua istaf ProfeCto et
aculissima, quae très pénétrât ictu une bingnà eorum gladius Bcûttis. Qhtdlus qut-
,t.(|)-, uni! triceps, ot liugua detracions : une deterlor muernne quo Domini-
cuin latns confossum est. Lu\i> guidera ressormo, quia [éviter volai, sed graviter
vuliiiia! ; leviler transit, sed graviter uni; levite.r pénétrât aninuun, sed non tevtter
cxlt Serm. de Ttipi. custot.l.).
(2) Detrahere altcri, miçis est contra na tu ram, quam mors, quam dolor, quarn
caetera que postunt corpori accidere, aut rébus exierui.-. Nain loilunt convictum
honiinuLU et socielatein (Lib. de O/fic).
(|) Abseiiteni qui rodit nmicum,
Fingere ijui pou vjsa potest, coramissa tacere
Qui uequit : bic niger est, buue , tu, Romane, cr .Mo
MftTÏÏSÀNCB. 255
La médian™ défruit l'amitié; elle tue l'amour fraternel et la
chante; file peut causer la perte d'une famille, d'un monastère,
d'une ville et même d'une nation ; elle est l'ennemie jurée de
l'urd :
L'homme qui parle contre son prochain est comparable à un
jawdot, à un glaive, à une flèche aiguë, disent les Proverbes:
'um, et gladius , et sagitta acuta, homo qui loquitur contra proxi-
muntsman ( xxv. 18).
Le médisant vous découvre 1rs secrets des autres; mais il trahira
aussi votre confiance et vous vendra
Tout médisant, dit saint Bernard, commence par se trahir en mon-
trant que son cœur est vide de charité. Puis, que cherche- t-.il autre
chose par sa conduite, sinon à rendre celui dont il médit méprisable
ou odieux auprès de ceux qu'il prend pour confidents de ses
médisances (1).
En médisant, s'écrie saint Chrysostome, vous dévorez votre frère,
vous faites de profondes morsures à votre prochain. C'est ce qui fait
dire à saint Paul ces terribles paroles ? Si vous vous mordez et vous
dévorez les uns les autres, prenez garde que vous ne vous détruisiez
mutuellement ( Gai. v. 15 ). Vous n'avez pas enfoncé vos dents dans
la chair de votre frère ; mais vous avez maudit son âme, vous avez
ai i été su? lui un soupçon funeste , vous l'avez blessé à mort , vous
avez, attiré sur vous et sur plusieurs autres des maux innom-
brables (2).
Le médisant, dit l'Ecriture, souillera son âme, et il sera haï de
tous : Susurra cuinqninabit animam suam, et in omnibus odietur
(Ëeclî. xxi. 31 ). Si vous soufflez sur une étincelle, elle s'enflammera
et produira un brasier; si vous crachez dessus , elle s'étein ira : or,
l'un et l'autre sont l'œuvre de la bouche. La langue à trois tran-
chants a déplacé uu grand nombre d'hommes et les a dispersés de
peuple en peuple. Elle a détruit des villes riches et fortifiées, elle a
souvent renversé la maison des grands. Elle a détruit les vertus des
peuples , et a dissous les nations les plus fortes. La langue à trois
(1) Omnis qui detrahit, prircum quklem seîpsum prodit vacuum caritale. Deinde
quid aliud detrahendo intendit, ui.-i ut is cui detrahit, veniat in contemptun , tel
odium îpsis opud quos detrahit? [Serra, xxiv in Cant.)
ftelrahens, fraternas carnes comedisli, proximi carnetn momordisti. Unde et
Paulus terruit, dk-uns : Si au'om vosinvicein mor lotis et corneditis, videtc no ab
in\i:em coiisumamini. Non iufuisti dentés carni, sed anim» maledixisti , imp.
suspicionem inlixisti, vulnerasti, >nnumeris affecisti sualis teipsuoi, et aiios pîures
onM. mud pop. j.
2K6 MÉDISANCE.
tranchants a fait bannir de leur demeure des femmes d'un caractère
viril; elles les a privées du fruit de leurs travaux. Celui qui l'écoute,
n'aura pas fie tranquillité, ni un ami en qui il puisse se reposer. Le
coup de fouet produit une meurtrissure; mais le coup de langue
brise les os. Beaucoup sont tombés sous le tranchant du glaive ;
mais leur nombre n'est pas à comparer à celui des hommes qui ont
péri par leur propre langue. Heureux celui qui est à l'abri de la lan-
gue perfide, qui n'a pas été l'objet de sa colère , qui n'a pas subi son
joug, et n'a point été chargé de ses liens! car ce joug est un joug de
fer, et ces liens sont des liens d'airain. La mort qu'elle donne est une
mort terrible , et le tombeau vaut mieux qu'elle ( Eccli. xxtiit.
44-25). Voilà comment le Seigneur lui-même parle de la langue
qui médit et qui jette le trouble autour d'elle.
Le joug que fait peser sur le prochain la langue médisante est un
joug de fer et d'airain, un joug pesant, cruel, insupportable, qu'on
ne peut ni secouer, ni briser; c'est un joug qui donne la mort
L'Ecriture compare la langue médisante à un glaive , à un fouet,
à un joug, à la langue du serpent et de la vipère , au feu , au lion
et au léopard, à la mort et à l'enfer ; pour montrer combien elle est
dangereuse, combien elle cause de ravages et combien il faut la
craindre, la détester et se garder de ses coups.
Les médisants, s'écrie Jérémie, ont tendu leur langue comme
un arc , afin de lancer le mensonge; ils sont devenus forts sur la
terre , parce qu'ils vont de mal en mal, et ils ne m'ont plus connu,
dit le Seigneur : Extenderunt linguam suam quasi arcum vicndacii :
confortati sunt in terro , quia demalo ad maium egi^essi sunt , et me non
cognoverunt , dicit Dominus (ix. 3). Que chacun se garde de son
voisin et qu'il ne se fie pas à tous ses frères ; car il s'en trouvera qui
le supplanteront : Ùnusquisque se a proximo suo custodiat , et in ornai
fratre suo non habeat fiduciam : quia omnie f mter supplantant suppian-
tabit ( ix. 4 ). Leur langue est une flèche qui blesse ; elle a parlé pour
tromper ; ils ont eu dans la bouche des paroles de paix pour leurs
amis, et en secret ils leur ont tendu [les iéges : Sagitta ruinerons lin»
guaeorum,dulum locutaest:in ore suo pacem cum amico suoloquitur, et
occulte ponit ci insidias (ix. 8). Tous les traits du tableau que trace le
prophète ont une grande portée. 1° La langue nous a été donnée ]>ar
Dieu, pour être un arc mis au service de Ja vérité et de la béné lii -
tion; et le médisant L'emploie au mensonge et à la malédiction
2° Les médisants sont forts, parce qu'ils attirent la l'ouïe qui vient
à eux poussée ou par lu crainte, ou par la faiblesse, ou par le resj 1 1
rmm.rn , et qu'ils s'en font applaudir 3° Ils vont de mal en mal ,
du e médisance à une autre, d une première et légère calomnie, à
unr seconde, à une troisième, etc., toujours plus grave et plus cou-
pable 4° Us ne connaissent plus le Seigneur 5° Ils s'efforcent
de nuire à ceux qui les entourent et les supplantent 6° En votre
présence ils semblent être vos amis et ils vous comblent de louange ;
en votre absence , ils se font vos ennemis et vous déchirent 7° Ils
attaquent les personnes qui sont de mœurs douces et pures; ils s'en
moquent et les tournent en ridicule 8° Ils s'informent de tout,
ils eAaminent tout, ils veulent tout voir, tout entendre, tout savoir,
se mêler de tout et juger tout, afin de blâmer, de noircir, de sup-
planter, de se venger, de mettre en pièces et de détruire 9° Us
sont pleins de malignité, de détours, d'hypocrisie, de ruses, de
n en onges, d'injustice, et ils se servent de tous ces vices pour enve^
lopper leur victime, la saisir et l'exterminer
La langue médisante ne trouve rien de Lien. Etes-vous pauvre?
elle vous rend vil, abject et méprisable Etes-vous riche? elle vous
accuse de cupidité, d'avarice et d'ambition Etes-vous honnête,
affable? elle vous traite d'hypocrite , de traître et de débauché
Avez-vous du talent? vous êtes, dit -elle, un homme vain, un
orgueilleux Gardez-vous le silence? elle vous représente, comme
un être borné et inutile Parlez-vous? elle vous déclare bavard,
ennuyeux, maladroit, fatigant Jeûnez-vous et vous mortifiez-
vous? elle vous appelle faux dévot Mangez-vous? elle vous
qualifie de vorace, de gourmand, etc
La sainte Ecriture donne le nom de dent à la langue du médisant^
et avec raison ; car cette langue brise et met en pièces la réputation
du prochain, comme les dents concassent et broient les aliments.
Voila, dit le Psalmiste, voilà que les médisants ont tendu leur arc; Méchanceté
ils ont préparé leurs flèches, pour percer dans les ténèbres les cœurs Qesme 1S n *•
droits : Ecce peccatores intenderunt arcum, paraverunt sagittas suas, ut
sogittent in obscuro rectos corde (x. 2). Ta bouche, ô médisant, a été
féconde en malice, et ta langue a fait entendre des paroles trompeuses.
Os tuum abundovit malitia, et lingua tua concinnabat dolos (Psal. xlix.
49). Tranquillement assis, tu parlais contre ton frère, tu l'éri geais en
s andale : Sedens adversus fratrum tuum loquebaris, et ponebas scan-
dalum (Psal. xltx. 20). Les médisants sont contents des effets que
produit leur langue coupable. Ils se réjouissent, disent les Proverbes,
lorsqu'ils ont fait le mal, ils tressaiUent de joie dans les actes les
m, 17
menisuCce.
258 iiÎDISANCE.
plus iniques : Lœtanturcwnmalefecerint,et exsitltantin rébus pessimis
(ir. U). Le désir des médisants est de mortiiier, de blesser et de
nuire Il n'existe pas d'homme plus méchant et plus cruel qu'eux;
on pourrait sans hyperbole les nommer des anthropophages qui
vivent au milieu de nations civilisées.
deur du Au jugement des hommes prudents et savants . beaucoup de per-
sonnes se damnent par le péché de médisance et de calomnie. La
médisance est d'autant plus grave et plus dangereuse qu'on y
chit moins , qu'on la prend pour une bagatelle, ou qu'on cL\
même à l'excuser sous couleur de zèle
En jetant le trouble et la division au milieu d'une société do
frères, les médisants, dit le vénérable Bède, imitent Judas; ils
livrent J. C. : Cum societatem fraternitalis al/qua discordiœ
commaculant , Dominum produnô (In Prov.). Si, au jour du jugement,
nous devons rendre compte à Dieu, même d'une parole inutile, dit
saint Bernard , combien sévère ne sera pas le compte qu'il fan ira
rendre des mensonges et des paroles mordantes et injurieuses ! (i)
Tous ceux qui médisent, blessent la charité, qui est la reine des
vertus : or, sans la charité, tout le reste n'est rien
Que les médisants réfléchissent et voient combien ils font de péchés,
dit saint Grégoire ; ils affaiblissent, et souvent ils détruisent l'a
du prochain dans l'âme de ceux qui les écoutent; ils sont les amis
et les serviteurs du démon; ils attaquent Dieu( Homil. in iïcang.),
La médisance est d'ailleurs un mal presque irréparable.....
La gravité de la médisance se mesm-e, 1° sur la qualité de celui
qui médit...; 2° sur celle de la personne dont on médit...; 3" sur le
mal que l'on dit...; 4° sur le nombre des auditeurs...; 5° sur les effets
et 1rs suites de la médisance...; 0' sur l'intention que l'on a, et la
passion qui sert de mobile.
omHen On.i. est celui qui n'ait pas péché par sa langue? dit l'Ecclésiasli-
■ ■ i l' est . , . . , . _
lameuisance. 41"' : l/UM est ÇUl non aellÇUertt m llttgua sua (XIX. 17).
Heureux celui qui est à couvert d'une langue médisante, qui n'a
pas attiré sur lui si coli re, qui .'a pas subi son joug, et n'a point
été chargé de ses chaînes , lit encore l'Ecclésiastique (xxvm. 83)s
La médisance esjt un vice si généralement répandu, qu'on Je
(1) Si de verbo otioso Deoindie judirii rationemreddituri gninug; quanto districlius
de verbo meudaci, uiordaci, injorioio ! ( Serm. de Tripl. custod. )
MÉDISANCE. 2."0
ut Nul n'est à l'abri d s blessures produites par . s
langues méd'santes, et il est peu de langues qui ne soient plus
ou moins enclines à ce vice.
Nous imitons les rats , dit Plaute ; nous nous nourrissons presque
toujours de ce qui ne nous appartient pas (ïta Luertius).
Peu de personnes renoncent à la médisance , dit saint Jérôme;
cette passion, qui pousse l'homme à lancer sa langue sur les terres
d'autrui, est universelle. On se corrige de tous les défauts; mais rare-
ment de celui-là (Ad Celant iam).
La médisance s'exerce de cent manières : 1° en dévoilant le
mal...; 2° en l'exagérant...; 3° en dénaturant et en incriminai,
actions du prochain...; 4° en niant ses bonnes intentions...; o° en
diminuant les é loges que d'autres lui adressent. . . ; 6° en faisant naitre
le doute...; 7° en se taisant lorsqu'on devrait parler... ; 8a en louant
trop faiblement... ; 9° en gardant un malin silence...; 10° par des
lettres, des écrits, des libelles, des chansons, etc
Davtd avant commis un double crime, un adultère et un homicide, . Le médî?a;
fait son
le Seigneur lui envoya le prophète Nathan qui lui dit : Deux portrait.
hommes , l'un riche et l'autre pauvre, habitaient la même ville. Le
riche avait des brebis et des bœufs en grand nombre ; mais le pau-
vre n'avait rien qu'une petite brebis , qu'il avait achetée et nourrie,
et qui avait été élevée chez lui, avec ses enfants, mangeant le pain
de son maître, buvant dans sa coupe et dormant sur son sein; et il
l'aimait comme sa lille. Un étranger étant venu chez le riche, celui-
ci ne voulut point prendre ses brebis ni ses bc»ufs pour lui donner
un banquet; il enleva au pauvre sa brebis, et la fit servir de nourri-
ture à l'homme qui était venu chez lui Plein d'indignation contre
cet homme, David dit à Nathan : Vive le Seigneur! L'homme qui a
fait cela est un fils de péché. Pour avoir agi de la sorte et n'avoir
point épargné la brebis du pauvre , il lui en rendra quatre ( IL Reg.
xn). Nathan dit alors à David: C'est vous qui êtes cet homme:
vir (IL Reg. xn. 7). 0 David! vous condamnez le rirhe
,e prophète vient de vous parler; et c'est votre portrait qu'il
traçait : Vous êtes cet homme : Tu es Me vir. On adresserait avec
justice la même parole au médisant : Vous trouvez, pourrait-on lui
dire , vous trouvez des défauts à tout le monde; personne n'est par-
iix. L'êtes-vous plus que d'autres. Vous dites : Cette
nné n'a point de religion; prenez garde, vous parlez de vous :
Tues me vir; car l'apôtre suint Jacques assure que celui qui ne met
2G0 «fÉrtisANCE.
pas un frein à sa lanoue , n'a qu'une religion vaine : Si qnh putat
se religiosum esse, non refrœnans linguarn suam, fo/jus vana est religio
(i.26). Vous accusez votre prochain d'orgueil ; mais c'est l'orgueil
qui vous fait parler ainsi : Tu es ille vir; car, si vous étiez hum
vous ne jugeriez personne Vous dites que Pierre est imprudent ;
mais ne voyez-vous pas que vous manquez 'me de prudence
en l'attaquant? Tu es ille vir Paul est injuste, vous écriez-^
où est votre justice à vous qui le blâmez ainsi? Tu es ille vir. Jean se
livre à l'intempérance , dites-vous encore ; mais qu'y a-t-il de plus
intempérant qu'une mauvaise langue? Tu es ille vir. Vous accusez
cet homme ou cette femme d'être sans charité : arrêtez-vous , nul
n'en a moins que le médisant; vous faites votre portrait : Tu es ille
vir
Remarnu^z que le médisant attaque toutes les vertus, et qu'il n'en
alui-même aucune : il attaque la religion, l'humilité, la prudence,
la justice, la tempérance, la charité de ses frères ; c'est une pleine
évidente qu'il n'a lui-même ni religion, ni humilité, ni prudence ,
ni justice, ni tempérance, ni charité Ainsi, la langue qui Dagelle
les autres se flagelle cruellement la première. Vous laites le poi trait
de tous ceux que vous connaissez ; mais vous ne montrez que leurs
défauts réels ou non; c'est à peine si, pour les mieux faire ressortir,
vous laissez paraître de loin en loin quelques vertus, affaiblies
autant qu'il vous est possible, afin de former les ombres du tableau.
Ah! vous n'y pensez pas; ce portrait menteur reproduit en perfec-
tion votre physionomie; votre langue a surpassé le pinceau le plus
habile; voue êtes cet homme : Tu es ille vir.
Celui qui s'applique à se connaître, loue les autres, dit l'alLo
Jean : Sui inspector, proximi est laudator ( Vit. Patr. ).
En attaquant l'honneur et la réputation de son prochain , en l'ac-
cusant, le médisant s'accuse, se condamne et se comre d'opprobre;
<-.ar , qu'y a-t-il de plus honteux que d'être reconnu pour médisant ?
Vuus accusez les autres; êles-vous sans tarhe vous-même? Que ne
vous rappelez-vous ce que J. C. dit aux Juifs envieux et méchants,
qui lui amenèrent la femme adultère pour qu'il la jugent , afin de
Le juger lui-même à leur tour. Que celui de vous qui est sans péché
lui jette la première pierre : Qui sine peccato est vestrum , prim
illoan lapident miltat (Jeann. vnr. 7). Pourquoi , leur dit ailleurs le
eur, pourquoi voyez-vous un fétu dans l'œil de \ . et
itre œil? Ou3 t
pou\ez-\ous une à \utre frère : Frère, laissez-moi ôter ce lom de
MÉDISANCE. 261
votre œil, ne voyant pas vous-même une pnutre dans le vôtre?
! crite, ôtez premièrement la poutre de votre œil; après, vous
songerez ;i ôter le fétu de l'œil de votre frère (1).
Ce qu'il y a de souverainement injuste, c'est que le plus acharne
médisant, qui veut et prétend avoir droit d'attaquer, de dénigrer et
de déchirer le prochain , n'entend pas qu'on se permette de lancer
contre lui la moindre parole blessante. Il veut être à la fois pariai,
et inviolable. 0 aveuglement 1
Dieu hait celui qui sème la discorde parmi des frères, disent les Dieu détests
Proverbes : Odit Dominus eum qui seminat inter fratres discordias *médisaats,
(vi. 19). Or, qui est-ce qui sème plus de germes de discorde et de
désunion que le médisant?
Celui qui médit est maudit, dit l'auteur de l'Ecclésiastique ^
Susutro, maledictus (xxvin. 15).
Le médisant et celui qui l'écoute avec plaisir portent l'un et l'autre II ne faut
Satan dans leur cœur, dit saint Bernard : Detractor et libens auditor, dre parfuma
uterque diabolum portât (Serm. deDetract.). médisance,
Prendre part à la médisance, c'est se rendre aussi coupable que l'empêcher,
celui qui la l'ait
Il faut empêcher la médisance autant qu'on le peut Je punis-
sais celui qui disait secrètement du mal de son prochain, dit le Roi-
Prophète : Delrahentcm secreto proximo suo, hune persequebar (c. 6).
Saint Augustin avait fait écrire, en gros caractères, le distique
suivant sur le mur de sa salle à manger, afin que tous ses convives
pussent le lire : Que celui-là qui aime à déchirer les absents sache
que cette table lui est interdite •
Quisquis amat dictis absentum rodere vitam,
Hanc inensam vetitam noverit esse tibi.
(Possidon. Vit. S. Aug.,c. xxn.)
Le premier moyen d'empêcher la médisance, c'est de fuir celui qui Moyens
ivre. Le cœur dépravé ne s'est jamais attaché à moi, dit le P^al- d),'
miste; je ne connaissais point le médisant et le méchant; ils à\'
* * d en !•■
.
(1) Quid autem vides festucam in oculo Fratris tui , trabem autem , qiije in oeno
luo est, non considéras? Aut, quomodo potes dicere fratii tuo ; Frater, sine ejiguE»
265
m'évitaient : Non adhœsit rmhi cor pravum : declinantem a me mali-
gnum non cognosccbam ( i
Eloignez de vous la bouche méchante , disent les Proverbes, et
fuyez les lèvres médisantes : Remove a te os pravum, et detrakei
lohia sint procula te ( iv. "24 ). Ne fréquentez point les médisants, car
leur ruine sera soudaine : Cwn detractoribus ne commisceatii, quoniam.
repente consurget perditio eorum (Prov. xxiv. 21 . 2V2 ).
Environnez vos oreilles d'une haie d'épines, dit l'Ecclésiastique;
n'écoutez pas la langue perverse, et mettez ta votre bouche une
porte et des verroux : Scpi aures tuas spinis , et linguam nequatn noli
audire , et ori tuo facito ostia et seras ( xx\ m. 2S ).
Ne fréquentez ni les grands parleurs, ni les médisants, dit Socrate
{ Anton, in Meliss. ).
Le second moyen d'arrêter la médisance et de l'éviter, c'est d'user
d'une grande prudence dans la conversation. Fondez votre or et
votre argent, dit l'Ecclésiastique, et faites une balance pour vos
paroles et un frein solide pour votre bouche : Aurum tuum et argen-
tum tuum confia, et verbis tuis facito stateram, et frœnos ori tuo
rectos (xxvin. 29). Et soyez attentif à ne point pécher par la langue :
Et attende ne forte labaris in lingua (Ibid. xxvm. 30). Avez-vous
entendu une parole contre votre prochain? quelle meure en vous,
et soyez bien sûr qu'elle ne vous fera pas mourir : Audisti verbum
ad versus prnximum tuum? commoriatur in te, fidens auoniam non te
disrumpet (lbid. xix. 10).
Ne souillez pas votre bouche en racontant le mal qu'a fait autrui,
dit saint Ambroise; ne flétrissez jamais celui qui pèphe, mais [dai-
gnez-le : De malo alieno non coinquines os tuum; nunquam detrahe
peccanti , sed condole ( Lib. I Offic. ).
Le troisième moyen, c'est de parler avec du^^ui u colui qui
médit. Une douce réponse apaise la colère , disent les Prover
mollis frangit iram (xv. I ). De là saint Chrysostome conclut ,
qu'il est en notre pouvoir de calmer les méchants, pourvu que,
semblables à David, nous soyonshumbles et pleins de charité (JiomiL
ad pop. ).
Le quatrième moyen, c'est d'accueillir la médisance par une
profonde tristesse. Car si vous paraissez joyeux , dit le yen •.:.!•'.
■ , vous excitez le médisant à continuer; tandis que, si vous lui
festuram de omlo tuo; ipse in nnilo tOO tr&bem non vidons? Ilypocrita . ejice prî—
iiuim trabem do oculo tuo; et tune perspicies ut educas festuc&m de oculo fralr.t. lui
(Luc. vi. 41. 42).
MÉDISANCE. 263
manifestez de la tristesse, il cessera de dire avec plaisir ce qu'il sait
ne pas devoir être écouté de même (1).
[I y a plusieurs autres moyens d'empêcher et d'éviter la médi-
sance, c'est : 1° de faire ouvertement de l'opposition au médisant,
de le reprendre avec force et sans respect humain...; 2° de paraître
dormir ou ne pas faire attention à ce qu'il dit... ; 3° de changer la
conversation...; A0 de le punir, si l'on est son supérieur... ; 5° de
lui faire apercevoir sa faute 6° L'amour-propre est une des
sources de la médisance ; détruisons-le dans notre cœur, et nous ne
dirons de mal de personne 7° Nous ne voyons si clairement les
défauts des autres, que parce que nous nous aveuglons sur les
nôtres : ne l'oublions pas.
Du reste , pourvu que nous menions une sainte vie, gardons-nous
de nous inquiéter jamais de ce qu'on pourra dire de nous Pen
sez d'Augustin tout ce qu'il vous plaira, dit ce grand docteur, pourvu
que ma conscience ne me reproche rien devant Dieu, je ne m'in-
quiète ni de vos paroles ni de vos jugements : Senti de Augustino
quod libet : sola coram Deo comeientia me non accuset (Lib. contra
Second. Manich. , c. i).
En mettant ces moyens en œuvre ', on arrêtera et on préviendra ls
mé li^ance.
Mais comment réparer les suites qu'elle a eues? C'est difficile ,
pourtant ce n'est pas impossible. Il faut : 1° dire du bien de la
personne dont on a attaqué la réputation; 2° pallier et excuser sa
faute, ou justifier ses intentions... ; 3° dire qu'eUe n'avait pas assez
réfléchi...; 4° avouer nettement qu'on' a eu tort...; 5° surtout
réparer, autant qu'on le peut, les dommages qu'on lui a causés
(1) Si hilari vultu audiens detrahentem, tu illi das fomitera detrahendi ; si vero
tri?li vuUu hrre audieris discit non libenter dicere quod didicerit non libenter audit-
( In Seiuttki.'j.
MÉDITATION,
><w*nté rie /~\ ueique occupation qu'elle ait, une personne consacrée à Dieu
la médium»», à | ne (]((it jamajà omettre sa méditation; elle évitera ainsi la
\--^ tiédeur et renouvellera sa ferveur Mais tout le monde
doit méditer et réfléchir. Les affaires temporelles ne se font pas sans
y penser ; le salut et les affaires importantes du salut exigent rigou-
reusement qu'on y songe et qu'on s'en occupe
En voire présence, Seigneur, je repasserai par la pensée toutes
mes années dans l'amertume de mon âme, dit le roi Ezéchiàs :
liecofjitabo tibi ormes annns meos in amaritudine animas maœ (Isai.
xxxviii. 45). Voilà notre modèle.
Vous me demandez ce qu'il faut faire pour être vraiment pieux?
écrivait saint Bernard au pape Eugène; livrez-vous à la méditation :
Ouid sit pietatis quœris ? vacare considération} ( Lib. Consid.).
Si nous n'avons soin de méditer, dit saint Bonaventure, toute
notre piété sera aride, imparfaite et prompte à périr : Sine isto stu-
dio omnis nostra religin ar:./u p*t , ijni^-frrto, et ad ruifiam promptior
'Speculi ).
Comme on nourrit le corps d'aliments matériels, dit saint Augus-
tin, ainsi l'on nourrit et l'on entretient lame par les enseignements
divins, la méditation et la prière : Sicut ex carnalibus escis alitur
euro, ita ex divinis eloquiis et orationibus interior homo nutritur et
pascitur (De Ci vit. ).
L'oraison est à L'âme ce que l'eau est au poisson , dit saint Chry-
sostome : Orationem i>! esse animœ, quod pisci» est aqua (In PsaL).
Celui qui abandonne la méditation, dit sainte Térèse, n'a pas
besoin du démon pour aller en enfer, il y descend tout seul (In
Médit).
Comment connaître ses devoirs, travailler efficacement à son salut
et régler ses comptes avec Dieu, sans la méditation?...
J'ai rté frappé comme l'herbe fauché ■. dit le R ti-Prophète, et mon
exur s'est séché , parce que j'ai oublié de prendre ma nourriture
'c'est-à-dire de méditer) : Percussus sum ut fœnum,et uruit cor
•neum,qvia oOlitus sum comedere panem meum (ci. .1).
Toute la terre est remplie de désolation , dit Jérémie, parce 4ue
MÉDITATION. 265
personne ne réfléchit dans son cœur : Desolatione desolata est ornai?
terra, quia nul lus est qui recoijitet corde (xn. il).
Les ordre? que je te donne aujourd'hui seront dans ton cœur, di
le Seigneur au peuple d'Israël, lu les méditeras assis dans ta maison
et marchant dans Je chemin, et avant de dormir, et à ton lever. Et
tu les lieras comme un signe dans ta main, et tu les suspendras
devant tes yeux [Deut. yi. 0-8).
Jésus-Christ , dit saint Luc, se retirait sur les montagnes pour prier, Combien .. c.
, . et les saints
et il passait la nuit entière à prier et à méditer : Erat pernoctans in ont médité.
orat iu-ne Dei ( vi. 12). Les trente années de la vie cachée et intérieure
de J. C. lurent consacrées à la méditation
Seigneur, dit le Psalmiste, je me suis souvenu des jours anciens,
j'ai médité sur toutes vos œuvres : Memor fui dierum antiquorum;
méditât us sum in omnibus operibus tuis (cxlii. 5). J'ai pensé aux jours
anciens et j'ai reporté mon esprit vers les années éternelles : Cogitav
dies antiquos , et annos œternos in mente kabui (Psal. lxxvi. 5). Votre
loi, Seigneur, fait ma méditation , dit encore ce saint roi : Lex tue
meditatiomea est (Psal. cxviii).
La plupart des gens du monde regardent la méditation comme
une pratique de subrogation; mais les saints de tous les siècles en
ont jugé autrement. Elle leur a paru dune immense utilité et
même d'une obligation indispencr.V.j pour le salut. Aussi étaient-ils
très-exacts à ce pieux exercice; c'était pour s'y livrer avec plus de
liberté, de facilité et de fruit, qu'ils cherchaient la retraite, en se
dérobant , autant que les devoirs de leur état le permettaient, au
tumulte du siècle.
Saint Antoine se levait à minuit, priait à genoux, les mains éle-
vées au ciel; il méditait jusqu'au lever du soleil , et souvent jusqu'à
trois heures de l'après-midi. Quelquefois il se plaignait de ce que le
retour de l'aurore le rappelait à ses occupations journalières. Qu'ai-
je à faire de ta lumière , disait-il au soleil lorsqu'il commençait à
paraître ? Pourquoi viens-tu me distraire ? pourquoi ne parais-tu
que poui m'arracher à la clarté de la véritable lumière? (Cassian.,,
Collet. )
L'n religieux du monastère de saint Benoît avait pris l'habitude
de sortir au moment de la méditation. Saint Ben.it s'en aperçut;
mais il vit en même temps un enfant noir qui tirait le moine parle
bord de sa robe, et l'entraînait hors de l'église. C'était Je déiflôn
qui, comprenant la nécessité et les avantages delà méditation!
266 MÉDITATION.
détournait l'aveugle religieux de ce saint exercice (Surius, in ejus
vit a).
Saint Jean le Silenciaire était i aceoutumn à la méditation, qu'il
ne trouvai! que vide et amertume en toute autre o : ( Vit. Pair.).
Lisez la vie des saints, vous les verrez tous fidèle» à la médi-
tation
Il faiiMnoriitcr La méditation démon cœur sera ton j ours en votre présence. Sei-
souvcnt.
gneur , dit le Psalmiste : Meditatio cordis met m conspectu tuo semper
( xviii. 15). J'ai toujours mon Ame dans mes main?, et v Are loi n'est
pas sortie de mon souvenir: Anima mcain manibus meis semper ; et
legem tuamnonsum oblitus (Psal. Cxvnf. 109).
Je dors, mais mon cœur veille, dit l'Epouse des Cantiques : Ego
dormîo, etcormeumvigilat (v. 2).
Parle pain quotidien que nous demandons à Dieu dans le Pater ,
on doit entendre d'abord le pain de la grâce, de la prière et de la
méditation
C'est le matin J)IEtT ^q^ Dieu , s'écrie le Prophète roval , ie vous cherche dés
surtout qu'il i j j
fout se livrer l'aurore: Deus, Deus meus, ad te de luce vigifo (lxii.2). Je me suis
médiUuion souvenu de vous sur ma couche, et je méditerai vus merveilles aux
premières heures du matin : Memor fui tui super stratum mevrh , in
matutinis mcditaborinte ( Psal. lxii.7). Nous avo imblés lès
le matin de vos miséricordes: Repleti sumus mane misèricordia tua
(Psal. lxxxix. 1-t). Soigneur, dès le matin vous prêt*
ma voix; dès le matin je me présenterai devant vous et je a errai :
Domine, mane exaudies vocem meom; mane adslabo tibi et videbo
(I sal. v. 4. 5). Seigneur, j'ai poussé des cris vers vous; ma prière
vous préviendra avant l'aurore : Ego ad te, Domine, clamavi, et
m«ne orotio mca ; te (lxxxvii. il). Seigneur, l'ai devancé
l'aurore et j'ai tourné mes yeux vers vous, afin de médit< •
paroles: Prœvenernnt oculi ihei i te diîuculo , ut meditarer eloquia
tun (Pral. cxvm. U8). ElOVeï durant la nuit vos mains vers son
lanetuaire : In noçtHuQ extoiiite manus vestras in sancta (cxxxiTi. 2).
Le repo; de la nuit amène le silence, dit saint ; alors la
prière s'élève plus libre el plus pure : 1\ sopor inducit silen-
tium ; tune plane lécrior exit, puri > (Lib. Consid. ).
«'.«•lui qui, dès la mâtin > s'éveillera pour se tourner vers Dieu,
sagesse incréée , n'aura pas de igue à ; car il le trouvera
asrsisà sa porte, dit l'Ecriture {S p. vu 15). Ainsi, sainte Madeleine
MEDITATION. 26"?
étant allé"e au se'puVrs avant l'aurore, pnur y chercher J. C., mérita
ressuscité la première et avant les aj ôtres
Lofscjtié tout reposait dans le silence, dit la Sages-e , et que la
nuit était au milieu de sa course, votre parole to t^-puiss nte, Sei-
gneur, vint du ci 1, le séjour de votre gloire : Cum q ietypi sila
contincret omnia, etnox in s><o cursu médium iter haberii ', cmuipotens
o tuus de cœl> e regalibus sedibus prosilivit (xvm. 1-4. 15).
Gé-léon et ses soldats commencèrent à sonner de la trompette au
milieu de la nuit, en faisant le tour du camp de l'ennemi ; et brisant
1 ors vases, ils tinrent de la main gauche leurs lampes, et de la
droite leurs trompettes, et ils crièrent : lv criée du Seigneur et de
Gédéon! Alors tout le camp fut troublé, et poussant de grands cris,
les Madianites s'enfuirent. Et le Seigneur permit qu'ils tournassent
leurs épe'es contre eux-mêmes, et qu'ils s'entretuassent (Judic.
vu). Un semblable prodige s'opère en faveur de celui qui médite la
parole de Dieu au milieu de la nuit et dès le matin; tous ses ennemis
sont troublés, dispersés et abattus
Ceux qui pensent à moi le matin , me trouveront , dit le Seigneur
dans les Proverbes : Qui mime vigilant ad me, inventent me ( vin. 17).
Dès le matin, dit lePsalmiste, j'exterminais tous les impies : In
motutino inlerficiebam omnes peccatores terrœ (c. 8). C'est-à-dire, dès
le matin , je chassais par ma méditation les démons et les concu-
piscences
Il faut méditer chaque jour, mais principalement le matin. En
effet, 1° les prémices du jour et des pensées et des actions doivent
être consacrées à Dieu 2° Il convient que tous les actes de la
journée tirent leur principe de Dieu , qu'ils soient dirigés vers une
fin bonne et sainte, et qu'ils soient tous faits parfaitement. Or, si
vous faites précéder de l'oraison l'œuvre de votre journée, dit saint
Ephrem, et que, sortant de votre lit, vous tiriez d'elle le principe
de vos premières actions, le péché ne trouvera pas entrée«dans votre
âme : Si orationem operi prœmiseris , et surgens e lecto , primorum
motuum tuorum initia ab oratione duxeris , aditus peccato in animam
non patebit (Serm. ni.) 3° Les anges louent Dieu dès le matin;
le soleil, Jes oiseaux, les insectes et toutes les créatures font de même.
Qu'y a-t-il de plus convenable et de plus beau pour l'homme que
d'imiter sur la terre la conduite des anges, de faire oraison au lever
de l'aurore et de rendre hommage au Créateur par des prjt res , des
hymnes et des cantiques?... Ce serait une honte que les rayons du
soleil nous trouvassent endormis , dit saint Ambroise. Si vous
268 MÉDITATION.
prévenez son lever; si, quittant votre couche, vous allez à J. C, soleil
éternel, et que vous contempliez la vraie lumière donnée au monde,
il vous éclairera, il vous comblera de splendeur et de joie (De
Offic. , part. II , c. îv. ) A" Les saints et les sages ont toujours con-
sacré au Seigneur par l'oraison les moments qui ont suivi leur lever.
Excellence ]tf0If cœur ^it le Prophète roval , s'est échauffé au dedans de moi;
et avantages ' * J *
de l'oraison, et dans ma méditation, le feu en sortira : Concaluit cor meum intra
me, et in meditatione me a exardescet ignis (xxwiu. 4).
Richard de Saint-Victor dit que la méditation a sur le cœur les
mêmes effets que le feu sur le fer. De sa nature, le fer est froid et
noir; par la force du feu, il s'échauffe peu à peu, s'embrase , et
devient enfin du feu; tellement qu*il se fond , cesse d'être ce qu'il
était, et change de qualité. Ainsi en est-il de l'âme livrée au*
divines ardeurs de la méditation, et plongée dans la fournaise du
céleste amour: elle s'échauffe, s'embrase et enfin se fond en Dieu;
elle n'est plus ce qu'elle était ( De Homin. inter. lnstit. ).
Voilà les merveilles qu'opère la méditation
Saint Thomas enseigne que la vie d'oraison et de contemplation
l'emporte sur la vie active; il en donne huit raisons. La première
est que cette vie convient à ce que l'homme a en lui de plus parfait,
c'est-à-dire qu'elle est conforme aux besoins de son intelligence et
aux rapports qui existent entre lui et les choses spirituelles et iutel-
iles- La seconde est qu'elle peut se continuer plus facilement
que la vie active. La troisième est qu'elle procure plus de saintes
consolations; car, comme ledit saint Grégoire, Marthe se troublait
et Marie était assise à un festin délicieux : Martha ur, Maria
eputabatur (In Ezech.,lib. II). La quatrième est que L'homme a plus
d'aptitude pour la x ie contemplative, et qu'il s'y suffit mieux,
parcequ'elle n'exigeque pende chose. La cinquième est que la vie
contemplative a ses attraits en elle-même, tandis que la vie active
tire ses jouissances du dehors. La sixième es! qu'elle consiste dans la
tran< milité el la paix. La septième est qu'elle s'occupe entièrement
des choses divines, tandis que la vie active s'occupe des choses
humaines. La huitième est qu'elle est plus conforme à l'homme,
parce qu'elle es! une vie d'intelligence (2. p. q. art. 7 ).
Tant qu'ils ne se livrent pas aux œuvres extérieures de la vie
active, les hommes di plation, dit saint Grégoire, se trou-
\ it poui ainsi dire à la douce fraîcheur de l'ombre, parce qu'ils ne
peuvent sentir les auicms des tentations. Comme ils *c îvv . . . ai dam
JUÉDTTATIOtf. 569
Je désir des chose- du ciel , plus ils sont éloignés de l'amour du
monde, plus ils goûtent de paix à l'ombre des rafraîchissements
dh in? (1).
llien ne dmnp autant de force à l'âme que la méditation. Avec
son secours elle chasse les démons , dissipe les tentations et triomphe
de tout
Par la méditation , on aperçoit les dangers qui menacent, et on les
é\ife; 1rs ennemis du salut, et on les fuit: la laideur du péché, et
on s'en préserve; la beauté de. la vertu , et on la pratique; la mort,
et on s'y prépare; le jugement, et on le rend miséricordieux,
l'enfer, et on s'y soustrait; le ciel, eton le conquiert
La méditation purifie lame, dit saint Bernard; puis elle gouverne.
les affections, dirige les actes , corrige les excès, forme les mœurs,
rend la vie pure et bien ordonnée; enfin elle donne également la
science des choses divines et humaines. C'est elle qui éclaircit ce qui
est confus, qui réprime les désirs violents, qui réunit ce qui est
6[ ars , qui explore les replis secrets de L'âme, qui cherche la vérité ,
qui examine ce qui n'est que probable, qui met à nu ce qui est
faux et coloré d'apparences trompeuses. C'est elle qui règle d'avance
ce qu'il faut faire, qui passe en revue la conduite de la veille, afin
qu'il n'y ait dans l'âme rien qui ne soit convenable ou qui doive être
corrigé. C'est elle qui , dans les jours prospères, prévoit l'adversité
et, dans les jours difficiles, met l'homme au-dessus du malheur :
supporter celui-ci est l'œuvre de la force; le prévoir, est celle de la
prudence (2).
Mon Seigneur et mon Dieu , s'écrie sainte Térèse , vous qui faites
la joie des anges, je ne puis penser aux avantages de converser avec
vous par l'oraison, sans désirer de fondre comme la cire au feu de
votre divin amour. Ah! combien votre bonté est grande, puisque
vous supportez et que vous prévenez même de vos faveurs une
(1) Ilujns conrersationis viri, dum ad exteriora opéra activa; vitae non exeunt,
quasi in ambra sunt : quia incendia tentationum senlire non possunt. Quia enim in
cœlesti desiderio requiescunt, quo longius amoti sunt ab amore mundi, eo quietiores
manent in unibra refrigerii ( In Ezech., lib. II ).
(2) Mentent purificat consideratio; deinde régit affectus, dirigit actus, corrigit
eicessus, componit mores, vitam honestat et ordintft; postremo divinarum pariter et
humanarum rerum scientiam confert. Hpec estqua; confusa disterminat, biantia cpgit,
gparsa colligit, sécréta rimalur, \era vestigat, vcrisimilia examinât, ficta et fucatâ
explorai. H.ic est quae agenda praordinat, acta recogitat, ut nihil in mente resideat
aul incorrecluin, nul correctione eiren*. Hoc est qu« in prosperis adversa prasenlit,
in adversiâ quasi non sentit : quorum alterum ^"^Udiuis est, alterum prudeuliue
(Lib. Ide Cousid., c. vu).
270 SCêDITATTON.
créature aussi imparfaite et aus i coupable que l'homme. Vous lui
tenez compte des momeDts où il vous tén o '. ne de l'amour, et un
léger repentir vous fait oublier toutes ses fautes. Je l'ai éprouvé
moi-même, ô mon Dieu! Et je ne comprends pas comment tout le
monde ne s'approche pas de vous pour avoir part à votre amitié !
{In ejus vit a.)
Comme sainte Térèse fut principalement redevable de son salut
au saint exercice de l'oraison, elle emploie les plus touchantes
exhortations pour porter les autres à suivre la même voie. Elle les
conjure, au nom de Dieu, de ne pas se priver des grands avant
qu'ils trouveront dans la méditation , les assurant que , pourvu qu'ils
persévèrent, ils en éprouveront tut ou tard les heureux effets ( In suis
scriptis de Médit. ).
il laut vaincre g^i^i Bernard indique quatre obstacles à la méditation , mais qu'on
bbstacleg T . „, ,
qui s'opnosent peut vaincre. Le premier est d avoir la te*e soutirante; le second,
médttatiou. d'être plongé dans les soucis; le troisième, l'état de découragement
où se trouve souvent le pécheur ou le scrupuleux; le quatrième , les
illusions qui assiègent et fatiguent l'imagination ( Lih. de Coksid.)*
A ces quatre obstacles on peut ajouter les suivants: 1 o...*
2° la tiédeur...; 3° l'aveuglement...; 4° les vains prétextée : on n'a
pas le temps...; on ne sait pas méditer...; la méditation est le propre
personnes consacrées à Dieu...; le temps y dure trop...; on n'en
aie aucun profit
Tous ces obstacles peuvent être facilement surmontas
Sainte Térèse dit que rien ne doit faire renoncer à la méditation,
quelque dégoût que l'on puisse éprouver d'abord, quelques distrac-
tions que l'on ait et quel |ues fautes que l'on y commette. Celte illustre
amante de J. G. ne dissimule pas les aridités et les sécheresses qui
surviennent souvent dans la prière et la méditation. Pendant les
premières années où j'ai consacré une heure à l'oraison, dit-elle, il
m'est arrivé de souhaiter avec tant d'ardeur d'en voir arriver la iin,
que j'étais plus attentive à écouter quand l'horloge sonnerait, qu'à
I ursuivre le sujet de ma méditation; et il n'y a point de pénite
quelque rigoureuse qu'elle fût, que je n'eusse souvent p i
peine, que ié ressentais I r- ii il fallait mu retirer pour prie.
tristesse que j'éprouvais alors, en entrant dans l'oratoire, était si
grande , oùej'avais besoin, pour m'j résoudre, de tout le co
que Dieu m'a âà - euh \ , ,
après m'être luit cette violence, je nie trouvais uans un jjiu» grand
MÉDITATION. 271
calme, et dan? une jouissance plus douce et plus -rnis^lc. mio bien
is bà j'avais senti de l'attrait pour la prière. Que si Dieu m'a
soufferte pendant si longtemps , moi qui suis si imparfaite et si
coupable ; et s'il parait clairement que c'est par l'oraison qu'il a
remédié à tous mes maux, quelle autre créature, quelque méchante
qu'elle soit, pourra craindre d'en pratiquer les exercices, piùV j
je ne crois pas qu'il s'en trouve qui, après avoir reçu tant de grâces.
ait été aussi ingrate que je l'ai été.
UeJui, dit -elle, qui commence le saint exercice de l'oraison doit
s'imaginer qu'il entreprend de faire, dans une terre stérile et pleine
de ronces et d'épines, un jardin agréable à Dieu qui seul peut arra-
cher les mauvaises plantes, pour y en substituer de bonnes. Or, on
doit croire que cela est fait, quand après avoir bien résolu de prati-
quer l'oraison , on s'y exerce, et qu'à l'exemple des bons jar iiuiers,
on arrose ces nouvelles plantes pour les empêcher de mourir, et leur
faire produire des fleurs dont le parfum invite notre divin Maître à
venir souvent se promener dans le jardin , et prendre plaisir à en
considérer les fleurs, qui ne sont autre chose que les vertus dont nos
âmes sont parées. Reste à voir maintenant de quelle manière on peut
arroser ce jardin, comment on y doit travailler, si ce travail
édera point le profit que l'on a droit d'en attendre, et combien
de temps il doit durer. Un jardin peut être arrosé de quatre manières
différentes : ou en tirant de l'eau d'un puits, ce qui se l'ait avec beau-
coup de travail de notre part; ou en faisant venir par des conduits
l'eau qu'on a tirée avec une roue; ou en détournant l'eau d'une
rivière, ou d'un ruisseau, par le moyen de canaux, ce qui exige
moins de travail et arrose bien mieux tout le jardin ; ou enfin par
une bonne pluie , et alors c'est le maitre même qui arrose sans aucun
travail de notre part, ce qui vaut incomparablement mieux que
toutes les autres manières d'arroser (In ejus seriptis de Médit. ).
Le père Alvarez assigne quinze degrés à la méditation , ou contem- Quels ?ont Ex-
piation. Le premier est l'intuition de la vérité...; le second, la delà
retraite des forces dans l'intérieur de lame...; le troisième, le meauation-
silence spirituel...; le quatrième, la quiétude...; le cinquième,
l'union a\ec Dieu...; le sixième, l'audition du langage de Dieu...;
le septième, le sommeil spirituel...; le huitième, l'extase...; le
neuvième, Je ravissement... ; le dixième , l'apparition corporelle de
J. C. et des saints...; le onzième , l'apparition en esprit de J. C. et
des saints...; le douzième, la vision intellectuelle de Dieu...; le
272 MÉDITATION.
treizième , la vision rie Dieu accompagnée d'nne certaine obscurité.,.;
le quatorzième, la manifestation de Dieu à un degré admirable...;
le quinzième, la vision claire et intuitive de Dieu, qui , selon s.vnt
Augustin et d'autres docteurs, fut accordée à saint Paul, lorsqu'il se
trouva ravi jusqu'au troisième ciel ( De Medtt.).
il y a «rois Il y a trois principales sortes d'oraison : 1° l'oraison purgative, par
sortes laquelle on passe en revue ses pèches , on les déplore , on s'en repent
d'oraison. .., ,
etl on s en corrige
2 ' L'oraison illuminative , par laquelle on s'applique à comprendre
ce qu'est la vertu, sa beauté, son excellence et sa nécessité
3° L'oraison unitive, par laquelle on s'unit étroitement à Dieu dans
l'amour et le bonheur.
Pour arriver à l'oraison unitive, il faut passer par les deux
autres Les deux premières sont nécessaires; la troisième, qui
dépend entièrement de la volonté de Dieu , ne l'est pas....
Ce qu'il faut Pour bien méditer , il faut employer les trois facultés de l'âme r
rien méditer 1° la mémoire à se bien rappeler le sujet que l'on s'est proposé;
2° l'intelligence à l'approfondir. ..; 3u la volonté à pratiquer les
devoirs uu tei obligation qui en découlent.
MELANGE DES BOSS El DES MECHANTS-
V
ous avez entendu que l'antechrist vient, dit l'apôtre saint LeanoTii
Jean, mais il y a dès maintenant plusieurs antechrists. Us sont être uni 1 1
sortis d'au milieu de nous, mais ils n'étaient point desnôtres; avec les
car s'ils avaient été des nôtres, ils seraient demeurés avec nous;
mais cela est arrivé afin qu'il soit évident qu'ils n'étaient point des
nôtres [1).
L'amertume, dit saint Cyprien, ne peut s'unir à la douceur ; les
ténèbres, à la lumière; la pluie, au beau temps; la guerre, à la paix;
la stérilité, à la fécondité ; la sécheresse, à l'eau; la tempête, au calme
(Lib. I, epist. vm). Ainsi les méchants ne peuvent être unis aux
bons, les uns et les autres étant séparés de loi, d'espérance, d'aiiec-
tion, de mœurs, de langage et de conduite
Les bons et les méchants forment deux armées; celle-ci est
l'armée du démon , celle-là l'armée de Dieu. Cette séparation se fit
dès le commencement parmi les anges
Dans le corps de J. C, qui est l'Eglise, dit saint Augustin, les jJJ^Kmti
méchants se trouvent mêlés avec les bons , comme les mauvaises se trouvent-Us
humeurs le sont dans le corps de l'homme; lorsqu'il les rejette, lestons?
le corps se porte bien , et ne perd rien de ce qui lui appartient. De
même , lorsque les méchants se séparent du corps de J. C. , on
reconnaît quelle est la véritable Eglise , et quels sont les bons. Et
lorsqu'elle vomit les méchants et qu'elle les rejette de son sein,
l'Eglise dit : Ceux-ci sont sortis d'avec moi, mais ils n'étaient point
dos miens (Serin, ixxvni ).
Ne croyez pas , dit saint Augustin , que ce soit sans motif qu'il se D?0W9JUJel
trouve des méchants dans le monde , et que Dieu ne puisse en tuer qu'u y ait des
i • .,-!<•. • -5 - ~,. méchants ?
aucun bien : tout méchant vit , ou pour arriver a se corriger, ou A quoi ils
pour servir à éprouver les bons (2). servent.
(1) Audistis quia antichristus venit : et nunc antichristi multi factisunt Ex nobis
prodierunt, sed non erant ex nobis: nam, si fuissent ex nobis , permansissent uti-
que Bobiscum ; sed ut manifesti sint quoniam non sunt omnes ex nobis (I. u. 18-19).
(2) Non puitiis gratis malos esse in hoc mundo, et nihilboni de illis agere Deum:
oninis malus, aut ideo vivit ut corrigatur, aut ideo vivit ut per illura bonus exer-
eeatur [Serin. Lxxvnt).
m. 18
274 MÉLANGE DES BONS ET TES MÉCHANTS.
Etant la bonté même, Dieu, dit le même Père, ne permettrait
pas le mal, s'il n'était assez puissant pour en tirer du bien : Nec
sineret bonus ficri maie , nisi omnipotens et de malo facere posset bene
(Enchirid., c. c).
11 appartient, dit Boëce, il appartient à la puissance divine seule
de faire que les maux eux-mêmes deviennent des biens; car, s'en
servant d'une manière convenable , elle en tire un bon résultat : Sola
est diviaa vis, cui mala quoque bona sint ; cum eis competenter utendu,
alicujus boni elicit effectum (De Consolai, lib. IV).
Dieu permet le péché et la chute d'Adam. Sans la puissance et la
bonté du Créateur, tout était perdu pour l'homme; mais déployant
ces deux divins attributs, Dieu promet un rédempteur qui !
rera au centuple Finjure laite à la divinité par le péché ; et le mal-
aeur de l'homme tourne à son bonheur et à sa gloire. Ce qui l'ait
que l'Eglise, clans la bénédiction du cierge pascal, chante ces paroles:
0 felix culpa, quœ talem ac tantum meruit habere liedemptorem ! 0
heureuse faute, qui nous a valu un tel et si grand Uéilempteur I
11 n'y a jamais eu et il n'y aura jamais de crime plus grand que
\e crime des Juifs mettant à mort J. C. Or, de ce déicide, Dieu a tiré
le salut de l'univers et une gloire infinie Les tyrans et les bouff*
reaux qui ont tourmenté et brûlé vils les martyrs, ont commis des
crimes atroces; mais Dieu lésa l'ait tourner à sa gloire, au triomphe
sublime des martyrs et à leur récompense.
Dans la xxme homélie sur les Nombres. Ottgene dit textuelle-
ment : Ici-bas, les choses sont disposé*-* île manière qu'il n'y ait
i-iiii d'inutile pour Dieu, même le mal. Dien ne lait pas le mal,
cependant il ne t'empêche pas, bien que cela lui soft facile ; mais il
s'en sert, ainsi que de ses auteurs, pour des choses avantageuses.
Car, par les méchants, il éprenne et fait briller ceux qui se sont
proposé pour but d'arriver à la gloire incomparable dte la vertu.
Si la malice des uns était détruite, les vertus des autres ne
seraient pas aussi berniques ni aussi resplendissantes; si la vertu
n'était p^âS éprouvée, 'die ne serait pas aussi grande, aussi frap-
pante m aussi méritoire. Que dis-je? la vertu qui ûe fiasse pas
par le creuset n'est plus \ertu. Drij^ene ôi te Joseph à l'appui
qu'il enseigne. Otez, dit-il , la malice des frères de Joseph, ôtez leur
envie, ùtez tous les crimes par lesquels ils ont aijreuvé d'amer
leur bon vieux père; Bupp wz qu ils n'aient pas vendu l<
et voyez combien vous enlevez à Dieu d'actions qui ont signalé* la
puissance de son bras. Car alors il n'existe plus rien de tout ce que
MÉLANGE DES BONS ET DES MÉCHANTS. 275
I a fait de grand en Egypte, non-seulement par Joseph, mais
aussi par Moïse , afin de procurer le salut et la gloire de son peuple.
e et toutes les nations voisines auraient péri par la
famine; Israël lui-même eût subi le même sort. Les grandes et
miraculeuses plaies d'Egypte n'auraient pas eu lieu; la puissance
merveilleuse que Dieu a déployée par Moïse eî Aaron ne l'eût pas
été. Personne n'aurait passé. la mer Rouge à pied sec: personne no
serait entré dans la terre promise ; la manne, ce pain miraculeux 3
ne serait pas tombée du ciel; les rochers arides n'auraient pas laissé
échapper d'abondantes sources d'eau vive , et la loi n'eût pas été
donnée par Dieu aux hommes sur le mont Sinaï. Origène continue :
us ôtez la malice et la trahison de Judas , vous ôtez également
la passion et la croix de J. C. Or, la croix n'existant pas, les princi-
pautés et les puissances infernales ne sont pas dépouillées, elles ne
so. t pas abattues, il n'y a point de triomphe sur elles par l'arbre
sacré i!e la rédemption. Si J. G. n'était pas mort, sa résurrection et
la nôtre n'auraient pas eu lin. Otez le péché, ôtez la malice du
émon, vous nous ôtez le combat contre les pièges de l'enfer, et le
combat man ]uant, nous n'avons plus à attendre la couronne de la
victoire. Si nous n'avions point d'adversaires, il n'y aurait point de
persécuteurs, point de récompenses par conséquent pour les mar-
tyrs victorieux; le ciel ne serait pas préparé pour les vainqueurs , et
ce moment de tribulation dont parle saint Paul ne serait plus cou-
ronné d'un poids immense de gloire éternelle. C'est donc chose vrai-
ment et infiniment merveilleuse que Dieu se serve d'instruments
mauvais et réprouvés pour un ouvrage bon et parfait.
Le bien lutte contre le mal, la vie contre la mort, dit l'Ec-
clésiastique , et le pécheur contre le juste : Contra malnm bonum
est , et contra mortem vita ; sic et contra virum jvstum peccator
ai. lo).
Pourquoi parmi les hommes Dieu en choisit-il qu'il bénit et qu'il
sanctifie; pourquoi en laisse-t-il d'autres, les méchants, les impies,
du s un état de perdition, les maudissant et les renversant? Uieu
agit ainsi pour plusieurs raisons: 1° afin que les hommes pieux se
trouvent en opposition avec les impies, et que la piété soil victo-
rieuse de l'impiété...; 2> afin qu'à la vue du eléshonneur et de
l'infamie qui accompagnent l'impie et l'impiété, nous remarquions
mieux l'honneur, la, dignité, lu beauté* l'excellence et la gloire de
lli me vertueux et de la venu...; 3° afin de manifester dans
les bons et les saints les richesses de sa miséricorde et de sa grâce;
276 MÉLANGE DES BONS ET DES MECHANTS.
>-t dans les méchants et les réprouvés la puissance de sa sévérité, de
-i justice et de sa vengeance
Saint Augustin enseigne que les animaux nuisibles sont avanta-
geux à l'homme, soit pour le punir justement, soit pour l'exercer
d'une manière salutaire, soit pour l'éprouver utilement, soit pour
l'instruire sans le savoir : Ipsum, aut pœnaliter lœdunt, aut salubriter
exercent, aut utiliter probant , aut ignoranter docent ( De Civit. Dei ).
On peut en dire autant des méchants.
Le grand évêque d'Hippone est de l'avis d'Origène; il ensoigne
que le mal du péché tourne au bien de l'homme et de l'univers
soit parce que , comparée au vice , la vertu resplendit davan-
tage ; soit parce que le mal de la faute est le principe du châti-
ment qui est un bien ; soit parce que ce mal porte l'homme à faire
pénitence et Dieu à lui pardonner. Ainsi le venin guérit le mal qu'il
cause; le remède de la vipère est dans la vipère elle-même, qui perd
Bon venin lorsqu'on la tue et qui, en mourant, laisse à l'homme un
spécifique destiné à guérir Ips ravages qu'elle a produits (De lib. Arb.,
lib. III, c. ix. — De Civit. Dei, lib. XXII).
La mort de J. G. a été le remède de notre mort; car la mort de
J. C. a tué la mort de l'âme et nous a donné la vie éternelle. D'après
le môme principe, il faut chercher le remède de toute adversité
et de toute croix dans l'adversité et dans la croix; mais surtout dans
la croix de J. G
Dieu, dit saint Augustin, n'aurait pas créé, je ne dis pas un seul
auge , mais même un seul homme, qu'il eût prévu devoir être
mauvais et méchant, s'il n'eût pas su de quelle manière il s'en servi-
rait pour l'avantage des bons, et qu'il ferait ainsi de l'ordre des
siècles un hymne admirable à sa providence (I).
On voit combattre d'un côté la pudeur, dit saint Isidore , de l'au-
tre la fureur; d'un côté la pureté, de l'autre les vices impurs; d'un
cûu' l.i fidélité j de l'autre la fraude; d'un côté la vertu, de l'autre le
crime; d'un côté la constance, de l'autre la cruauté; d'un côté
l'honnêteté, de l'autre le déshonneur; d'un côté la continence, de
l'autre la lubricité la plus effrénée; ici l'équité, la justice, la tempé-
rance, l'héroïsme, la prudence et toutes les vertus; là l'iniquité,
.'injustice, les eïote, la lâcheté, la témérité et tous les vices. On
(1) Ncqne pnim L)eus ullum . non dico anfrrlnrnin , scd vel hominum crcaret,
qu&ni mal uns liiturinn esse presci - I , nisi pariter nosset, qu lui- <os bonoruiii uii-
bus Commodaret; atque ila ordiuem seculorum, tauquam uulcb.orriinuiu canueu ,
boncstaret (Lib. Il Civit., c. xvm ).
MELANGE Ï»ES BONS ET DES MÉCHANTS. 277
voit se heurter l'abondance et la pauvreté , le bon sens et la folie ,
l'espérance et le désespoir. Spectacle sublime que cette lutte des
bons contre les méchants! Spectacle honteux et cruel que ce combat
des méchants contre les bons! Les attaques des méchants donnent
aux bons des vertus fortes et persévérantes ; elles leur procurent une
mort qui les conduit au ciel, des mérites sans nombre, de riches
couronnes et une gloire intinie. Elles donnent aux bons Dieu lui»
même pour héritage éternel (Lib. II Origin., c. i).
Aimons à le répéter : s'il n'y avait pas eu des méchants, J. C. ne
serait pas mort...; s'il n'y avait pas eu des méchants, des millions
de martyrs n'auraient jamais eu l'honneur, la gloire et les récom-
penses qu'ils ont obtenues...; sans le péché, la virginité n'aurait
pas de mérite
Les maux tournent à l'avantage des bons ; et les biens au désavan-
tage des méchants. La croix sur laquelle Aman fut attaché fut
à la vérité un mal pour lui; mais elle fut le salut et la vie des
Hébreux, tant la providence de Dieu est industrieuse, puissante et
efficace. C'est ce qui a fait prononcer à saint Augustin ces admirables
paroles : Les œuvres du Seigneur sont grandes, elles répondent à
toutes ses volontés; tellement que par une manière merveilleuse et
ineffable, rien, même ce qui se fait contre la volonté de Dieu, ne
se fait en dehors de cette volonté : car cela n'arriverait pas, s'il ne
le permettait. Il ne laisse pas les événements se produire malgré
lui; ils se produisent parce qu'il le veut (1).
Dieu a réglé , disposé , ordonné toutes choses , de telle sorte que
les maux eux-mêmes sont utiles aux bons, et que les biens nuisent
aux méchants, parce qu'ils en abusent et en font sortir leur malheur
et leur ruine
Dans le livre des Sentences de saint Augustin , se trouve celle-ci
qui est admirable : La volonté de Dieu est la cause première et
buprème des mouvements de tous les êtres corporels et spirituels. Eu
elïet, dans l'immense et universelle république de tous les êtres créés,
rien ne se l'ait d'une manière visible et sensible, qui n'ait été décrété
ou permis au sein de la cour invisible et intelligible du souverain
maître, et cela conformément à l'ineffable justice des récompenses et
des c bâtiments, des grâces et des rétributions. La raison immuable,
(1) Magna opéra Domini, exquisita in omnes voluntates ejus, ut miro et ineffa-
lili modo non Bat prœter ejus voluntatem, quod etiam contra ejus fit voluntatem r
quia non fieret, si non sineret : nec utique nolens sinit, sed valons ( Lib. XXII de
Civit., c. \).
278 MÉLANGE DES BONS ET DES MÉCHANTS.
dû se trouve simultanément en dehors du temps oe qui arrive k
diverses époques tirs le temps, connaît et di : Ire de toutes
les chose? changeantes. Cependant , par les méchants , Dieu forme
et instruit les bons; par la puissance transitoire de ceux qui seront
condamnés au feu de renier, il exerce ceux qui doivent jouir de
l'éternelle délivrance (1) (Sentent, lvhi).
T> i ttrquoi Pourquoi Dieu laisse-t-il les méchants persécuter les bons?
' que! les Apprenons d'abord à ne pas scruter, mais à admirer le secret des
"sécuîent jugemonts par lesquels Dieu permet aux méchants d'atta uier les
is Lons. bons. Sans vouloir néanmoins pénétrer dans les conseils du Tout-
Puissant, on découvre plusieurs raisons qui expliquent comment il
tolère que les méchants poursuivent les bons, et les épreuves de
ceux-ci.
I" Dieu peTmet les iniquités des méchants afin de montrer sa
longanimité, son impassibilité et son élévation au-dessus des choses
de la terre, c'est-à-dire afin de montrer que les crimes des rnécl
ne peuvent ni le troubler, ni Fatleindre , ni le faire souffrir ; mais
qu'étant la très-douce et souveraine félicité, il est inlin'nnent
au-dessus dos injures, des injustice» et des péchés des mortels. Dieu
n'est pas plus souillé parles vices de ceux qu'il nourrit et fait vivre,
eue les rayons du soleil ne le sont en pénétrant dans un cloaque.
2e Dieu permet que les méchants per* tes bons, alin do
donner aux bons matière à la patience, à la constance, à la vertu
Saint Augustin dit excellemment ; Tout ce fjuje les justes endurent
de la part des méchants n'est pas le ph^timent du crime, niais
l'épreuve de la vertu. Du reste, fùt-il esclave . le bon est libre: el ,
fût-il roi, le méchant est esclave. Ce qu'il y a de plus terrible pour
cedeni er. e" Bl qu'il n'est pAS # lave d'un seul maître, mais d'au-
tant de tyrans qu'il est soumis à de passions ri).
(1) Voliintis Doi est prima et summa causa omnium corporalium spiritualiumquo
notionum. Niliil eaim lil mibiliter i : sansibiliter, quod non de invisibili et in
ili suinim imperalorb auia, aut jubeatur, aut permiitatur, secuudum ineflabilem
un prtemiorara ntqiK» pCBnarum, çrraliarum et rolributionum, in ist.i lulius
jrt'aliir.i' : nue n-puliiii m. Mutabiljuip. ompiuin disposi-
tion ni immulubilis ralio continet , ubi siiu1 te m porc simul sunt, quœ in teniporibus
non simul fiunt. lnlenlmn Deus per m ., et per teniporaleni poleii-
tiam damnandorum , i » iplinam liberao lorum.
(2) Jii&tis quidquid nialorum ab ipifmis doj ..îtur, non est pœna criminis,
6cd >irtut: . i'ioinde pe isi serviat liber est; malus autcH) , etsi
nius boni: ils, s I quod gravius est , tôt «loiuiiioruni
"itioram ( Lib. Civit .
MÉLANGE DES BONS ET DES MECHANTS. 279
Los impie; sont la verge ouïe fouet avec lequel Dieu, semblable à un
bon père, châtie et corrige les fautes de ses enfants , comme il punit
et châtia autrefois le monde par l'invasion des Aluns, des Vandales
et des Goths. Ainsi, d'après le témoignage d'Isaïe, la colère de Diè-
se servit de Sennachérib comme d'une verge pour frapper le peuple
prévaricateur : Virga furoris mei Assvr (x. v). Ainsi Nabuchodonosor
est appelé par Jérémie la verge vigilante de Dieu, ou la verge du
: qui veille : Virgam vigilantem (t. 2). Ainsi Attila lui-même
avait tellement conscience de sa mission, qu'il s'intitulait le fléau
de Dieu.
Qtotqtte ie vous interroge, Seigneur, vous êtes juste, dit le prophète DFwnp*
rnie ; cependant je vous dirai des choses sensées : Pourquoi les souvent que
impies prospèrent-ils dans leurs voies? tout vient à bien à ceux prospèrent,
(fui vivent dans les prévarications et l'iniquité. Vous les avez tandis que
r ^ souvent aussi
planlés, et ils ont jeté leur racine; ils croissent et se couvrent de il refuse^
fruits : vous êtes sur leurs lèvres et loin de leur cœur (1). Le pro- bons#
phOte voit la réponse et lui-même se la donne : Assemblez-les , dit-
ii , comme un troupeau destiné à être égorgé, préparez-les pour le
jour de l'immolation : Congrega eos quasi gregem ad victimam , et
snncli/lca eos in die occisionis ( xn. 3). Ainsi, Dieu paraît extérieu-
rement bénir les méchants; mais au fond il les maudit. Leur prospé-
rité apparente n'est qu'un rêve qui se dissipera au réveil; elle est
un châtiment , car elle les empêche de revenir à Dieu
Comme Jérémie, Job interroge Dieu sur la prospérité des méchant*
et sur l'affliction des bons : Pourquoi, dit-il, pourquoi donc vivent
npies? pourquoi sont-ils élevés et affermis dans l'abondance4.
Ah ! répond soudain le patriarche , ils passent leur vie environnés
iens; mais ils descendent en un instant dans les enfers. Ils ne
sont pas les maîtres des biens dont ils jouissent. Que de fois la vie
des impies s'éteindra- t-elle comme un flambeau; que de fois la ruine
i-t-elle sur eux et les submergera-t-elle; que de ibis les châti-
ments de la colère de Dieu deviendront-ils leur partage! Ils se
ne la paille en présence du vent, comme la ] que
un tourbillon. Leurs yeux verront leur r.iine, et ils boiront
le calice de la fureur du Tout-Puissant (xxi. 7-13. 20).
Justus quidera tues. Domine , si d>;putem îecum : vevumtamen jnsta loquaj
■.m cît on ", et
: eôs , et radicem misent:); ; proliciu&t et !um :
a ori eorum , et longe a renibus coruna (xii. 1. 2).
280 MÉLANGE DES B0N6 ET DES MKCHANTS.
Le langage de David ressemble à celui de Job et de Jérém'ie : Mes
pieds , dit-il, ont presque chancelé, mes pas se sont presque
parce que je me suis indigné contre les méchants , en voyant la paix
des pécheurs : Met autem pêne moti sunt pedes, pêne effusi sunt grei, us
mei; quia zelavisupe?* iniquos,pacem peccatorwn videns (lxxii. 2. 3 ). Ils
n'ont pas de langueurs qui les traînent à la mort; leur corps est plein
de vigueur : Non est respectus morti eorum; et fiçmamentum in plaga
eorum (lbid. lxxii. A). Ils ne portent ni le travail, ni les afflictions
de l'homme : Inlabore hominum non sunt, et cum hominibus non fla-
gellabuntur (lbid. lxxii. 5). Voilà pourquoi l'orgueil s'est emparé
d'eux; ils se couvrent de leur iniquité et de leur impiété comme
d'un vêtement : leur iniquité sort comme de leur graisse (lbid. lxxii.
5-7). Voilà que ces impies, ces heureux du siècle ont obtenu la
richesse ! Et j'ai dit : C'est donc en vain que j'ai purifié mon cœur,
et que j'ai lavé mes mains dans l'assemblée de ceux qui sont sans
tache Mais, Seigneur, vous les avez placés dans des lieux glis-
sants; vous les avez renversés tandis qu'ils s'élevaient. Comment
sont- ils devenus la proie de la désolation? Ils ont défailli tout à
coup; ils ont péri à cause de leur iniquité. Seigneur, vous anéan-
tirez leur image dans votre cité, vous l'effacerez comme s'effacent
les songes de ceux qui se lèvent (lbid. lxxii. 12. 13. 18-20). J'ai vu
l'impie glorifié et plus élevé que les cèdres du Liban; et j'ai passé, cl il
n'était déjà plus : je l'ai cherché, et sa place elle -même avait
disparu : Vidi impium supei'exaltatum, et elevatum sieut cedros Libani:
et transivi, et ecce nonerat; et quœsivi cum, et non inventus est locus
ejus (lbid. xxxvi. 35. 36). Regardez l'innocent et voyez le juste; son
dernier jour est la paix; mais le méchant périt avec les méchants;
son dernier jour est la ruine (lbid. XXXVI. 37).
L'impie prévaut contre le juste..., dit le prophète llabacuc ; mais son
esprit s'égarera, et il passera, et il tombera : fmpiusprœvafet adver-
susjustum...; mutabitur spiritus, et pertransibit eteorruet (i. 4. 1 lj.
Plusieurs, abattu s par les adversités que leur envoie la divine pro-
v h lence, abandonnent la foi et l'espérance , en voyant que, bien
qu'ils servent Dieu, la pauvreté et les afflictions les poursuive ii;
tandis que les méchants prospèrent, malgré leurs vices et leur
incrédulité. Ils imitent les païens qui, témoins du bonheur des
méchants et du malheur (1rs bons, étaie t tombés dans trois gros-
sières erreurs : 1° les uns niaient L'existence de Dieu...; 2° les a
disaient que Dieu existe, mais qu'il ne s'occupe point de L'homme, ni
des choses de la terre-.. ; 3° les derniers admettaient aussi l'existence
MÉLANGE DES BONS ET DES MÉCHANTS. 281
de Dieu; mais ils prête triaient qu'il ne s'occupe que dos grandes
clmscs, et qu'il néglige et méprise les petites. Erreurs monstrueuses,
que les philosophes anciens n'ont point tous partagées ! Sénèque ,
parlant de la Providence, enseigne que rien n'est l'œuvre du hasard;
mais que tout ce qui parait fortuit est dirigé secrètement par la
sagesse de Dieu (Anton, in Meliss.). Cicéron, de son côté, enseigne
que la divine providence a créé l'univers , et qu'elle gouverne tout
(De Natura Deor., lib. III).
La longue et divine patience de l'Eternel attend les impies à la
pénitence; mais jusque-là, elle les châtie par le remords, qui n'est
pas une faible punition de leurs iniquités. Car, comme le dit Pytha-
gore, le méchant souffre plus sous les coups de sa conscience, que
Kicmino qui est châtié seulement dans son corps, et qui est battu
de verges • Vir malus plus mali patitur, afflictus conscientia, quam Me
qui incorpore castigatur, et flagris cœditur (Anton, in Meliss.). On
frappe l'enfant désobéissant, afin qu'il se corrige; Dieu flagelle l'im-
pie par le remords, afin qu'il change de vie et qu'il réforme ses
mœurs dépravées. Que s'il ne veut pas se repentir et s'engager dans
Ja voie du bien, Dieu le punit tellement, qu'il compense parla gra-
vité du supplice, le retard qu'il a mis à le châtier. C'est avec raison
que Zonare dit : Quoique la Providence punisse tardivement les
outrages des impies, leur laissant le temps de faire pénitence; cepen-
dant, s'ils n'abandonnent la voie du mal, elle les suit à pas lents,
les atteint et les force à satisfaire (1).
Dieu accorde la prospérité aux méchants , pour montrer que les
richesses, les pompes et le bonheur de ce monde, doivent être
méprisés comme étant de peu de valeur et un véritable néant. Voilà
pourquoi il les donne souvent à ses ennemis, et les refuse à ses
amis Saint Augustin dit fort bien : Eussiez-vous la sagesse de
Salomon, la beauté d'Absalon, la force de Samson, la longévité
d'Hénoch, les richesses de Crésus, la félicité d'Auguste, de quoi vous
servirait tout cela, puisque enfin vous serez dévoré par les vers, et
tourmenté avec le mauvais riche dans les enfers, si vous damnez
votre âme? (Sentent.)
Constantin Mana. ses compare la prospérité à un plomb pesant:
Prosperitas est similis gravi plumbo (Lib. III). En effet, elie è fae
s.u> eut l'homme de .urnager au-dessus de l'océan du mal.
1' Etiamsi providentia tarde invadat injurias, concessu pœniteriti tio, tamen,
nisi a malitia discesserint, lento gradu eos assequitur, et pœnas exigit ( Ant»n. ia
(Meliss.).
282 MÉLANGE DES BONS ET DES MACHANTS.
Encore un peu de temps, dit le P almiste, et l'impie ^e sera
pins, et vous chercherez sa plaça, et vous ne la trouverez pa :
Ad/tuc jiusillum , et non erit peccator , et quœres locum illius , et non
învenies (xxxvi. 10).
Dieu permet la prospérité des méchants et il tolère leurs iniquités,
afin de les laisser libres et pour montrer combien est terri ble la
force de la concupiscence née de la chute originelle, force qui pousse
les hommes à tant de rapines, de violences et de crimes, infini-
ment plus nuisibles à l'homme qui les commet, qu'à Dieu r^tre
qui on les commet. Enfin cette conduite de la Providence a pour but
d'amener les hommes d'abord à reconnaître leur uiiblesse, leur
misère, leur aveuglement et leur folio; puis à chercher la grâce et
à recourir à la sagesse du Rédempteur
Dieu permet aux méchants d'agir librement pour montrer BttSfi
que le temps présent est le temps du mérite, ou du démérite, et que
l'éternité est destinée à la récompense et au châtiaient. C'est alors
que Dieu réformera les jugements pervers des lu mi mes; qu'il corri-
gera leurs erreurs et rétanlira l'équité, selon ces paroles du llui-
Pj phèfcé : Lorsque le moment sera venu, je jugerai les justices
de la terre : Cum accepero tempus, ego justifias judicabu (cxxiv. 3). \
pourquoi saint Augustin dit : Que personne ne félicita, l'homme qui
prospère dans sa voie, l'homme dont les péchés ne froment pas de
vengeur et qui est l'objet de la flatterie. C'est précisément 8>lors que
la colère du Seigneur est arrivée à son, plus haut degré. Il faut que
le péeheur ait bien irrité Dieu pour s'attirer le formidable châtiment
de n'être pas puni en ce monde (1).
Ecoutez saint Grégoire : Dieu, dit -il, punit certaines fautes et en
1 • d'autres impunies; car s'il ne frappai! personne, qui eroiiv.it
que Dieu s'occupe des choses humaines; et s'il frappait tout le monde,
à quoi ervirait le jugement dernier (2).
La gloire qui attend les justes et les saints est si gronde , qu'il est
surprenant que tous les démens, , tous les impies et les éléments
eux-mêmes ne se réunissent pas pottjr les accabler et les torturer,
alin de faire contre-poids à leur gloire future» Au contraire, le?
(1) Nemo pratnlotur homini qui prospsratur in via sua , nijus peccalis deest ullor,
et adesl ad jor bit ita Dnmlni es : Irrilavil enim Dominum peccator, ut
ista patiatur, id est, ut correctionii flagella non patiatur [Enchirid.).
|):'m- nonnulla percutjt , et ppnnulla i:u;lla dereliaquit; quia si nu Ha resecaret,
■ I , i ii lui i liumanas curare i Kt îu. us, si haie cunola pârouteret,
extnmum judicium unde restaret? [Hotnil. in Job.)
MTLAWT? T)V.S BQSTS ET DES MÉCHANTS. 283
torfurvsqui attendent les méchants et les impies , sont telles qu'i.
est rtnnnaut qu'ils no. soient pas constamment comblés de délices
sur latom-, c! (pe tout ne s'y change pas pour eux en miel et en
rosp&j aliu de cjmpenser en quelque sorte par quelques goutter
d'un certain bonheur, les peines éternelles qui leur sont réser-
: car, comme toutes les souiïrances et toutes les épreuves
d'ici-bas n'ont aucune proportion avec la gloire des saints; do
e, toutes les joies, toutes les richesses, toutes les voluptésde la
terre, ne sont rien , si on les compare aux douleurs qu'éprouveront
le- damnés. Plutôt que d'envier la félicité des méchants, l'homme
prudent et sage gémira donc sur la prospérité et l'impunité dont
ils jouissent.
Seigneur, dirent les serviteurs du p^re de famille de l'Evangile ,
n'aAez-vous pas semé de bonne semence dans votre champ? D'où
vient donc qu'il, s'y trouve de l'ivraie? Domine , nonne bonum semen
seminasti in agro tuo? Unde ergo habet zizania? ( Matth, xm. 27- ) Et
il leur répondit : C'est l'homme ennemi qui a fait cela : Inimicus
honto hoc fait (Ici. xm. 48). Les serviteurs lui dirent: Voulez -vous
que nous allions l'arracher? Et il leur répondit : Non, de peur que
peut-être, en arrachant l'ivraie, vous n'arrachiez aussi le froment
avec elle. Laissez l'un et l'autre croitre jusqu'à la moisson, et au
s de la moisson, je dirai aux moissonneurs : Cueillez d'abord
l'ivraie, et liez-la en gerbes pour la brûler; quant au froment,
amass^z-lc dans mon grenier ( l). On voit par ces paroles avec quelle
ace Dieu supporte l'ivraie, c'est-à-dire les méchants; mais
on voit aussi qu'il se prépare à exercer plus tard sur eux une rigou-
reuse justice
Expliquant ces paroles de l'Evangile, saint Augustin dit: Nous
savons qu'il y a dans l'Eglise des bons et des méchants, r ue nous appe-
lons froment et paille. Que personne n'abandonne l'aire avant le temps,
mais qu'il supporte la paille dans l'aire et sous le fléau, bien sûr de
n'a\eir pas à la supporter dans le grenier. Viendra le vanneur qui
era les mauvais des bons. Dès aujourd'hui il y a entre les uns
et les autres séparation spirituelle; un jour se fera aussi la sépara-
tion corporelle. Pour le moment , mettez votre prudence à n'avoir
aucun rapport de mœurs avec les impies; mais ne vous éloignez pa.
(1) Sinite utraque crescere usque ad messem, et in tempore niessis, dicam
.-: Culli-ite primum zizauiu, et alligate ea in fasciculgs ad comburendumj
01 autem congregate in horreum meum (Matth. xm. 28-3u;.
284 MÉLANGE DES BONS ET DES MÉCHANTS. y
de leur personne. Corrigez cependant ceux sur qui vous avez auto-
rité, en les avertissant, en les instruisant, en les exhortant. Le
méchant ne peut vous nuire si vous employez les deux moyens que
voici : 1° ne pas approuver sa conduite ; 2" le reprendre. Agir de la
sorte, c'est ne pas communiquer avec lui , ne pas l'approuver. Ne
prenez point de part aux œuvres stériles des ténèbres, dit saint Paul,
mais plutôt condamnez-les. Que veulent dire ces paroles? elles signi-
fient : N'aidez pas aux œuvres des méchants, ne les louez pas, ne les
approuvez pas, n'y prenez aucune part par votre assentiment, ne
soyez pas négligent à les blâmer , ni si orgueilleux que vous chan-
giez en injure votre blâme ( Serm. lxxviii ).
Que les méchants , les impies ne se réjouissent point de la prospé-
rité où iJs se trouvent, ni de l'espèce d'impunité dont ils jouissent;
Dieu les rétribuera selon leurs œuvres
comment on j£ (jeux choses fat ]e cardinal Bellarmin , qui font connaître
distingue les * J ' ' *
méchants ce qui se passe dans le cœur de l'homme : l'occasion d'agir en
secret , et le temps de l'adversité. Il y en a beaucoup qui sont
méchants au dedans, et qui néanmoins paraissent bons à l'extérieur.
S'ils ont l'occasion de faire le mal en secret, s'ils sont convaincus
qu'il n'existe pour eux aucun danger d'être découverts , alors leur
méchanceté éclate. Les bons, au contraire, sont les mêmes aussi
.bien en secret qu'en public. Durant la prospérité, on ne dislingue
guère les méchants des bons; mais lorsque le feu de la tribulation
et de la persécution se fait sentir, alors l'or brille, et la paille fume.
Des bons , le Psalmisle dit : Vous avez éprouvé mon cœur , et vous
m'avez visité pendant la nuit (c'est-à-dire lorsque j'avais l'occa-
sion de pécher en secret ) ; vous m'avez fait passer par le feu de la
tribulation; et .1 ne s'est pas trouvé d'iniquité en moi : Probasti
cor meum, et visitastinocte ; igné me examinasti , et non est inventa in
me iniquitas (xvi. 4). Le Seigneur a révélé au prophète Ezéchiel ce
qu'il en est de l'intérieur des méchants : Fils de l'homme, perce
la muraille : Fode panetem (vin. 8). Et lorsque j'eus percé la
muraille, dit le prophète, j'entrai, et je vis des images de
toutes sortes de reptiles et d'animaux, et l'abomination et les
idoles (I) (Bellarm. Comment, in PsaL).
On connaît un pilote au milieu de la tempête et le soldat sur le
(1) Et cum fodi.^em panetem, ingruMW >idi, et ecce omnis cirriilitudo reptilium,
et animalium, abouùnatio, fct utmersa idola [Psal. nu. 10 ).
MÉLANGE DES BONS ET DES MÉCHANTS. 285
champ rie bataille, dit saint Cyprien. L'arbre dont les racines s'en-
foncent profondément dans le sol, résiste à l'effort des vents; le
navire dont les flancs sont solidement construits est porté rar les
flots, mais il ne devient pas leur jouet (Serm. îv de Immcrlalit.).
Ainsi , dans les tribulationss , les justes sont patients, résignés à la
volonté de Dieu et grandissent en vertu; les méchants, au contraire,
murmurent, s'emportent, blasphèment, maudissent Dieu et tr:r
souvent cèdent aux funestes et terribles conseils du désespoir
MENSONGE.
Celui "M" e voleur vaut mieux que le menteur, dit la sainte Ecriture ;
TrutZl mais tous les deux auront la ruine pour héritage : Potinr fvr
d'opprobre. J[^J f/uam assiduilas viri mendacis; perditionem aulem atnbo hœredi-
tabunt (Eccli. XX. 27).
Remarquez que l'Ecriture compare le mensonge au vol, soit parce
que ces deux vices s'unissent ordinairement; de là le proverbe :
Montrez-moi un menteur, je vous montrerai un voleur; soit parce que
le mensonge est une espèce de vol : en effet, il enlevé toujours
la vérité aux hommes, souvent la réputation, la paix et la fortune, et
quelquefois la vie; soit parce que le mensonge et le vol sont igno-
minieux et infâmes l'un et l'autre
Le menteur est même pire que le voleur, car H°ie voleur ne
prend que de l'argent, tandis qu'il arrive au menteur de ravir la
réputation; or, la réputation est préférable à la fortune 2° Le
voleur prend souvent par besoin et sous l'impulsion de la faim ; le
menteur déguise la vérité par pétulance et effronterie 3° Le mén-
inge trouble des familles entières, des villes, une nation; il fait
Ziaitre des querelles, des guerres, des massacres, ce que ne fait
pas le vol 4° Le vol peut être plus coupable que le mensonge,
mais l'habitude de mentir est pire que le vol; car cette habitude
engendre beaucoup de fautes et dépêchés plus graves qu'un vol...
5° On joint souvent le mensonge au vol, afin de cacher celui-ci; c'est
Alors un double péché, mais le mensonge est le plus grand d(
ieux 6° L'argent excepté, vous pouvez confier au voleur tous les
autres biens; mais vous ne pouvez rien confier au menteur. Car
tout est en sûreté auprès de L'homme véridique , il n'y a rien d'assui
auprès du menteur, ni la fortune, ni l'honneur, ni l'amitié, ni tout
vitre chose
Quelle honte, quel opprobre d'être semblable au voleur, et même
•)ire que Jui !...
La vie des menteurs, dit l'Ecriture, est nue vie sau? gloire; et
confusion les accompagne toujours : Mores hominum mendacium sir
honore: et confxmo illjrum cum ipsis sine intermissione (Eccli. xx. 28).
Le menteur est donc déshonoré; il est couvert de honte et i
minie. Car y a-t-il flétrissure ^lus grande que d'être connu poi
MENSONGE. 28*7
monteur? Parmi les opprobres que s'attirent le? moteurs, ïl faut
mettre ea première ligne le mépris et la défiance des honnêtes
gens. Tous suspectent le menteur, même lorsqu'il dit la Vérité ; on
ne le croit plus, parce qu'il a perdu la confiance publique; on
doute de toutes ses autres vertus. Voilà pourquoi les Indiens, au
rapport de Diodore , imposaient un éternel silence à celui qui avait
menti trois fois. Xénophon raconte à peu près la même chose iL$
IVrses (Ita Laértius).
Cependant le nombre des menteurs est grand et les mensonges
sont fréquents. Si la peine que les Indiens et les Perses iniligeaient
aux menteurs était en vigueur parmi nous, combien de personnes
seraient réduites au silence !...
Le grand opprobre de l'homme est le mensonge, dit encore le
Saint-Esprit; et le mensonge sera continuellement dans la bouche
des hommes sans discipline : Opprobrium nequam in komine menda-
cium, et in ore indisciplinatorum assidue erit (Eccli. xx. 26 ). C'est un
grand et très-grand opprobre que le mensonge; cependant les hom-
mes sans discipline, c'est-à-dire sans éducation chrétienne, et livrés à
la dissolution, l'ont fréquemment à la bouche , parce qu'ils ne le
considèrent pas comme une honte et comme un péché, mais comme
quelque chose de peu d'importance.
Le faux témoin est un menteur, le calomniateur en est un aussi; Désordres
or, que de désordres, que de ravages produisent ces deux crimes !... q mea^>u*e. &
Le menteur peut être comparé à une fournaise qui lance des étin-
celles, des flammes et une épaisse fumée
Le menteur!0 ment facilement...; 2° il ment fréquemment...;
3° il a le cœur plein de ruse et de fausseté...; 4° il ment avec
audace et obstination...; 5° il est livré à la vanité : personne n'est
vain comme le menteur Il ressemble aux hommes qui s'occu-
pent d'enchantements et de maléfices; il aveugle, égare et séduit
Vous avez mangé le fruit du mensonge , dit le prophète Osée :
Comedistis frugem mendacii (x. 13). Ce fruit est la déception. Vous
n'aurez ni la paix, ni la prospérité, ni l'abondance de biens que
vous attendiez. Tous les gourmands, les avares, et les impudique?
mangent le fruit du mensonge. C'est pourquoi le Psalmiste s'écrie :
Enfants des hommes, pourquoi aimez-vous la vanité, et cherchez-
vous le mensonge? Filïi hominum , ut quid dïliyitis vanitatem e.
queeritis mendacium? (iv. 3.)
Dieu est l'éternelle vérité , et il déteste le mensonge. Dieu a et
288 MENSONGE.
abomination l'homme qui trompe , dit le Prophète royal : Virum
dolosum abominabitur Dominus (v. 7).
La vérité n'est point dans leur bouche , dit encore le même pro-
phète ; leur cœur est plein de vanité. Leur gosier est un sépulcre
ouvert et leur langue un instrument de fraude : Quoniam non est
in ore eorum veritas : coreorum vanum est. Sepulcrum patens est guttur
corum, linguis suis dolose agebant (vi. 10. M ).
Le mensonge attaque et outrage Dieu qui est la vérité même
i nuit au prochain, il bouleverse la société, il déshonore le
menteur.....
Le menons* Le démon est un infâme menteur. 11 s'est déçu lui-même en se
démon, et le croyant ce qu'il n'était pas; séduit par le mirage de l'orgueil, il est
menbaùiuUn,te tomDé- C'est lui qui a introduit le mensonge sur la terre Depuis
Adam, il n'a cessé de mentir et il continuera jusqu'à la fin du
monde. Jamais le démon n'a dit la vérité Malheur à celui qui
l'écoute Il ment à tous les voluptueux : illeurpromet le bonheur,
et il ne leur donne que l'opprobre , le malheur , les souffrances , la
mort et l'enfer Il ment aux amateurs du monde Il ment aux
avares Toutes les passions qui viennent du démon ne sont que
mensonge Comme Dieu le Père engendre son Fils qui est la
vérité, dit saint Augustin; ainsi le démon tombé du ciel engendre
le mensonge, comme son fils. Peut-être êtes-vous menteur, parce
qu'il vous est arrivé de mentir; mais vous n'êtes pas le père du
mensonge. Le mensonge que vous émettez , vous l'avez reçu du
iémori, en vous liant à lui (1).
Celui qui ment a donc le démon pour père, et il l'imite
Saint Thomas compare le mensonge à une fausse monnaie que
«out le monde méprise (Opusc. de Erudit. princip.).
La vraie monnaie est celle qui porte l'empreinte de Dieu , c'est la
vérité; la fausse monnaie est celle qui porte l'empreinte de Satan,
c'est le mensonge
Celui qui ment, dit saint Thomas, porte l'image et la ressem-
olance du démon; car celui-ci est menteur dès le commencement.
Vous qui mentez, vous émettez une pièce de monnaie; de qui
(\) Quotnodo DeW Pater genuit Piliorn vcritatem; sic diabolus lapsus çcnuit
quu>i lilium meinlaciiim. Nain forte tu mcndax es, quia raeadaciuni 1" |ueris : sed
mm e> paler i...- . . icii. Nain quod dicis mendacium, a diabolo accepisti, et iili crcJi-
disli (De mur. Eccl.).
MENSONGE. 289
porte-t-elle l'empreinte et l'inscription? du démon. Rendez donc au
démon ce qui est au démon ; cessez d'avoir la ressemblance et
l'image de votre mortel ennemi; cessez de mentir (Opusc. de E ru-
dit . princip. ).
Saint Basile dit que .le mensonge est le fruit de Satan ( Regvi*
ùrevior.,([. 76). Saint Césaire dit que tout menteur ne cesse d'être
avec le malin esprit, selon ces paroles de l'Ecriture : Seigneur , vous
perdrez tous ceux qui profèrent le mensonge : Omnis mendax sine
maligno spiritu esse non potest ; scriptura testis est ; Perdes omnes
qui loquuntur mendacium (Homil. inPsal.).
Il y a une triple vérité : la vérité intellectuelle , celle des paroles et 11 y a trou
celle des œuvres. La vérité intellectuelle existe quand la connais- mensonge,
sance de l'esprit est égale et conforme à son objet, c'est-à-dire
lorsque l'esprit connaît les choses telles qu'elles sont. La vérité des
paroles existe quand les paroles sont conformes à la connaissance
de l'esprit. La vérité des œuvres existe lorsqu'elles sont selon la
règle P c'est-à-dire conformes à la droite raison, au devoir et à la
loi.
Par opposition, il y à aussi un triple mensonge : le mensonge
intellectuel , celui des paroles et celui des œuvres. Le mensonge
intellectuel se produit quand l'esprit , jouet de l'erreur, n'a pas une
connaissance égale et conforme à son objet, c'est-à-dire quand il
juge les choses autres qu'elles ne sont. Le mensonge des paroles se
produit quand la bouche dit ce qui n'est pas dans l'esprit. Enfin, le
mensonge des œuvres a lieu quand, en agissant, l'horacuô ^'éloigne
de la droite raison, de son devoir et de la loi
Il y a aussi le mensonge joyeux , le mensonge officieux et le men-
songe pernicieux Le plus grave des trois est le mensonge
pernicieux
Chacun, l'homme sans foi et sans loi excepté, évite ordinairement
le mensonge pernicieux On est obligé en conscience de réparer
les torts qu'il cause
Mais il est peu de personnes qui ne se permettent le mensonge
joyeux et le mensonge officieux, sous prétexte que ce ne sont pas
des péchés graves Tout mensonge est un péché; et on doit éviter
avec soin, même le plus léger péché vénie:
Le huitième commandement de Dieu est formel : Faux témoignage
ne diras, ni mentiras aucunement.....
m. *»
ment pas.
290 MENSONGE.
i.e chrétien ne Le chrétien se souvient de ce précepte du Seigneur : Tu ne rece-
vras point la voix du mensonge : J\on suscijjies vocem mendacii
(Exod. xxm.2).
Tu fuiras le mensonge : Mendacium fugtes (xxm. 7 ).
Le témoin qui veut être fidèle ne ment pas , disent les Proverbes :
Vestià fideih n m mwiUur (xiv. 5 ). L;homme vertueux, conscien-
cieux ne ment pas, quelque prière qu'on lui fasse, quelque don
qu'on lui eifoa : les menaces, les promesses, les tourments ne peu-
vent lui luire abandonner la vérité. Il craint Dieu et respecte sa
W... : il déteste le mensonge et l'évite
MESSE
messe.
Quelques auteurs prétendent que le mot messe est tiré
missak, mot hébreu. Il est plus probable qu'il vient du lai in
rnissio, renvoi, parce qu'après les prières et les instructions
qui précèdent l'oblation des dons sacrés , on renvoyait les catéchu-
mènes et les pénitents : les fidèles seuls, que l'on supposait dignes
de participer au saint sacrifice , avaient le droit d'être témoins de la
célébration. L'étymologie donnée ici est celle qu'ont adoptée saint
Augustin, saint Avit de Vienne , et saint Isidore de S 'ville.
La messe est le sacrifice de la loi nouvelle. L'Eglise y offre à Dieu,
par les mains du prêtre, le corps et le sang de J. C., sous les espèces
du pain et du vin.
H est de foi que l'oblation faite à la messe est le sacrifice du corps
et du sang de J. G. D'où il faut conclure d'une
la messe n'est pas seulement un sacrement, mais aussi un gaçrifke.
il n'y a pas d'autre sacrifice qui soit offert dans tout l'univers
catholique.
Depuis le péché, il y a toujours eu des sacrifices Abel, Noé, Ilyatog**»
Abraham, Isaac, Jacob , Melchisédech, les Hébreux, soit en Egypte, sacrifices,
soit dans le désert t soit dans la terre promise, etc. , ont olïert à Dieu
des sacrifices
Les sacrifices sont nécessaires pour apaiser Dieu..., pour lui ren- Quel est le but
dre honneur et hommage..., pour expier les péchés..,, pour obtenir
des grâces..., pour remercier Dieu.
Il y avait dans l'ancienne loi trois espèces de sacrifices ; 1« le Combien y
sacrifice d'holocauste, offert uniquement pour louer et honorer Dieu, d'espèces de
et destiné à reconnaître son souverain domaine sur toutes choses ; fJj£Sùa%
aussi la victime y était-elle entièrement consumée et réduite en
cendres; 2° le sacrifice pacifique, ou salutaire, qui était offert pour
obtenir la paix, c'est-à-dire le propre salut de celui qui l'offrait, ou
bien le salut d'autrui, celui d'un simple particulier ou celui de
la nation; 3° le sacrifice d'expiation, qui avait pour but d'obtenir
292 MESSE.
le pardon des péchés ; il était aussi nommé le sacrifice de pi
pitiation
icrîBcM L'ancienne loi étant imparfaite, les sacrifices qui en faisaient partie
i étaient étaient également imparfaits
5JÏJ2 !V,,f ^ est impossible que le sang des taureaux et des boucs efface les
ure du péchés, dit saint Paul aux Hébreux : Impossibile est sanguine taurorum
loi nouvelle, et hircorum auferri peccata (x. 4). Pour apaiser Dieu et sanctifier
les hommes, il fallait un autre pontife que le grand prêtre et un.
autre sacrifice
Il fallait un sacrifice vraiment digue de Dieu et assez puissant pour
laver les péchés
Tous les anciens sacrifices n'étaient que la figure du sacrifice de la
loi nouvelle
Les victimes des anciens sacrifices devaient être sans défaut , pour
signifier la perfection de J. C. devenu victime
Les anciens sacrifices ne plaisaient à Dieu qu'en tant qu'ils annon-
çaient le sacrifice de la croix et celui de l'autel
Le Seigneur dit aux Juifs par la bouche du prophète Malachie, qui
lut le dernier des anciens prophètes et qui vivait à une.époque rap-
prochée de l'avènement de J. C. : Mes complaisances ne sont point
en vous, et je n'accepterai pas de présents de votre main : Non est
milii voluntas in vobis, et munus non suscipiam de manu vestra (i. 10).
Car, ajoute le Seigneur, depuis le lever du soleil jusqu'à son coucher,
mon nom est grand parmi les nations; et l'on sacrifie en tout lieu,
et une oblation pure est offerte à mon nom : Ab ortu enim solis
usque ad occasum, magnum est nomen meum in gentibus : et in omni
loco sacriftcatur, et offertur nomini meo oblatio munda (i. M). Ici le
prophète parle évidemment du sacrifice de la croix et de celui de
l'autel , puisque depuis J. C. il n'y en a point eu d'autre, et qu'en
effet ce sacrifice s'offre en tout lieu et à toute heure
J. C. venu , tous les autres sacrifices ont déplu à Dieu et ils ont
cessé. C'est pourquoi saint Paul , empruntant les paroles du Roi-
Prophète , dit aux Hébreux : Le Fils entrant dans le monde dit : "Vous
n'avez voulu (ù mon Père), ni d'hostie, ni d'oblation, mais vous
m'avez for-nu' un corps : le iau s tes pour le péché ne vous ont
point plu; alors j'ai dit : Voilà que je viens pour faire, ô Dieu,
votre volonté. Il ùte le premier sacrifice, pour établir le second
( Hébr. x. 5. 6. 9 ). Vous n'avez point voulu , c'est-à-dire vous n'avez
point accepté les victimes, les oblations, les holocaustes, les sacrifices
MBSSE. 293
qnî s'offrent selon la loi; me voici, moi le Messie, le Sauveur, le
Rédempteur, afin de faire, ômon Père, votre volonté; afin d'être
immolé d'abord sur le Calvaire et ensuite tous les jours sur l'autel,
pour perpétuer le souvenir et le sacrifice du Calvaire
Le sacrifice de J. C. remplace tous les sacrifices anciens; il estinfi- Excellence du
sdcrific6 de lu
niment au-dessus d'eux; ils étaient la figure, il est la réalité. Aussi messe. Avan-
ies nombreux sacrifices de la loi mosaïque ont-ils disparu avec leur l pleure!
temple et leurs prêtres , pour ne plus reparaître
J. C. est notre victime, notre sacrifice J. C, dit saint Paul aux
Ephésiens , s'est livré lui-même pour nous en oblation à Dieu et en
hostie de suave odeur : Christus tradidit semetipsum pro nobis obla-
tionem et kostiam Deo in odorem suavitatis (v. 2).
Le sacrifice de la messe est un holocauste, J. C. étant offert tout
entier à Dieu dans la consécration.
C'est un sacrifice pacifique; il calme la colère de Dieu et donne la
paix aux hommes
C'est un sacrifice de propitiation; il nous obtient le pardon de nos
péchés
C'est un sacrifice d'action de grâces; il rend à Dieu, et d'une
manière digne de lui , tout ce qui lui est dû ; puisque c'est un Dieu
qui est offert à un Dieu.
La messe est un sacrifice qui par lui-même nous procure la grâce
prévenante, au moyen de laquelle nous sommes excités à la foi, à la
pénitence et à recevoir les sacrements dont la vertu nous justifie.
Ici, vous devez remarquer qu'il appartient aux sacrements de
justifier; et qu'il est de la nature du sacrifice de rendre Dieu propice
ou favorable. Fléchi par lui, Dieu commence à avoir pitié des
pécheurs , et il leur accorde la grâce prévenante et excitante.
En tant que sacrifice , la messe nous obtient d'abord la grâce pré-
venante , puis la rémission de la peine due aux péchés , et le pardon
des fautes vénielles ; mais elle n'enlève ni n'efface point par elle-
même le péché mortel, à moins que celui qui la célèbre, ou qui
participe au sacrifice par la communion, n'ignore de bonne foi
l'état dans lequel il se trouve. Alors l'eucharistie rein et la faute
mortelle et confère la première grâce et la justice; mais elle opère
cela , non comme sacrifice , mais comme sacrement
Lorsque le prêtre célèbre la mesf e , dit Y Imitation de Jésus-Christ,
il honore Dieu, il réjouit les anges, il édifie l'Eglise , il aide les
294 MESSE.
vivants, il pleutre 1e repos aux morts, et il participe lui-même à
tous les biens (1).
Lorsque l'Agneau de Dieu est immolé, dit saint Chrysostome , les
séraphins sont présents , couvrant leur face de leurs 6Ïx ailes :
Agnus Dei immolatur , seraphim astant , sex alis faciem tegentia ( De
Sacerdot., lib. VI). Pendant que nous sommes en cette vie, ajoute-t-il,
ce sacrifice change pour nous la terre en ciel : Dum in hac vita sumus,
ut terra nobis cœlum sit, faat hoc mysterium (Ut supra).
La messe est le mémorial de la passion et de la mort de J. C. Le
Sauveur le dit lui-même à ses apôtres: Hoc facite in meam cornrne-
morationem: Faites ceci en mémoire de moi (Luc. xxn. 10). Bien
plus , c'est le même sacrifice que celui de la croix : sacrifice non
sanglant, à la vérité, mais ayant la même valeur et la même effioa-
cit<". G' est le même pontife qui l'offre, et la même victime qui est
offerte : sur la croix , J. C. fut à la fois prêtre et victime ; il l'est éga-
lement à l'autel H convenait, dit saint Paul aux Hébreux, il
convenait que nous eussions un tel pontife, saint, innocent, imma-
culé, séparé des pécheurs, et plus élevé que les cieux : un pontife
qui n'a pas besoin, comme les prêtres, d'offrir dos victime? pour ses
péchés premièrement , ensuite pour ceux du peuple ; car, il l'a fait
une fois en s'offrant lui-même (2). J. C, en s'offrant, a été BXàtlce4 à
cause de sa dignité et de la vénération qui lui est due , dit encore
saint Paul : Exauditus est pro sua reverentia (Hebr. v. 7).
Dieu , dans les inventions de son amour pour l'homme , a telle-
ment ordonné le divin sacrifice de la messe, que le pontife qui l'of-
fre pour nous réconcilier avec Dieu, est une même chose avec celui
à qui le sacrifice est offert, et se fait une même chose avec ceux pour
qui il est offert; afin que ce sacrifice soit pleinement Agréable et
efficace, la victime offerte se trouve dans les mêmes conditions.
\ h— i I '.i|i <'>tre saint Jean dit dans sa première épltre : J. G. est lui-
mêiiK! prupitiation pour nos péchés; non-seulement pour lesnôtres,
niais aussi pour ceux de tout le monde : Jpseest profritittiQ pro pec-
catis uodris; non pro nostris auttrni tantwn, eed etïum pro tolius
mundi (il. 2).
(1) Quando sacerdos célébrât, Deum honorât , angelos lœtificat , Ecclesiam rr-di-
ikat, viTos adjuvat, defanctia requiem pra:slat ,et sese omnium bonorum participera
effleit [Lib. IV. c. y).
(2) Talis ciiim decebat ut nobis esscl pontifex, sanctus , innocens, imprdlutus,
MgregatUS a peccalonbus, et excelsior cœlis foetus, qui non habet ncccssitatcin quo-
lidie, quer.iadmodum siccrdotcs, prius pro suis delictl tft-rre, deindc pro
populi : hoc euim fecit scmel, geipsum oflerendo [Hebr. vu. 26. 27).
MESSB.' 295
Le grand sacrifice de l'autel suffit pour satisfaire I Dieu : satisfac-
tion surabondante, parce qu'elle surpasse infiniment en valeur
tout le poids des iniquités de l'univers. Ce sacrifice est infiniment
plus agréable au Père, que notre iniquité ne lui est désagréable. Saint
Paul Je dit lui-même aux Romains : Où le péché avait abondé , la
grâce a surabondé : Ubi abundavit delictum , superabundavit et gratia
(v. 20).
Dans son infinie bonté, J. C. a voulu laisser à son épouse l'Eglise .
visible et indestructible, un sacrifice visible et permanent. Le sacri-
fice delà croix fut en réalité la première messe
Quel immense amour animait le Sauveur, puisqu'il a voulu per-
pétuer chaque jour, jusqu'à la fin du monde, le sacrifice de sor.
corps et de son sang!
Le sacrifice de l'autel est si grand, qu'il ne peut être offert qu'a
Dieu seul
On peut retirer de la sainte messe cinq fruits principaux : 4° une
augmentation de grâces...; 2" la rémission des peines dues au
péché...; 3° une obtention plus facile de ce que l'on demande...;
4° l'émission d'actes de foi, d'espérance , de charité et de religion...;
5° celui qui assiste au sacrifice, se trouvant en présence de J. G., ne
voit aucune de ses prières demeurer sans résultat.
La messe a trois parties principales : 1° l'offertoire ; 2° la consé-
cration; 3° Ja communion du prêtre.
La première partie, qui va de la confession à l'offertoire, est la
préparation au saint sacrifice.
Par le Conftteor on se dispose, à l'aide de l'humilité et delà contri-
tion, au grand acte qui va avoir lieu. Par le Kyrie, on invoque le
secours et la miséricorde de Dieu Par le Gloria in excelsis, on
chante ses louanges, on l'honore, on le glorifie PdrYOremus, tous
les assistants prient ensemble Par le Dominus vobiscum, le prêtre
li lèles se souhaitent les dons du Saint-Esprit. . . . VE pitre signifie
1 Le Graduel marque la pénitence que faisait le peu-
ple à la prédication de saint Jean-Baptiste V Alléluia est l'em-
blème de la joie du pécheur réconcilié V Evangile figure la
nouvelle loi , rappelle la doctrine et la morale que J. G. a prê-
c es Le signe de la croix sur le front indique qu'il ne faut
point rougir de la foi; sur la bouche, il indique que le chrétien
doit être prudent dans ses paroles, et qu'il doit parler souvent de la
cr. ix de J. C. ; sur la poitrine , il est le symbole de l'amour -ont le
cœur doit être embrasé pour Dieu; sur l'Evangile, il témoigne
596 MESSE.
qu'il faut annoncer et suivre J. C. crucifié....» Les cierges allumés
signifient la lumière que FEvangile a répandue dans le monde
On se lève, afin de montrer qu'on est prêt à obéir aux enseignements
|n Sauveur. Vient ensuite la profession de foi par le Credo
Les catéchumènes ne pouvaient entendre que cette partie de la
messe.
La seconde partie va de l'offertoire au Pater ; elle est la partie
principale, la plus sainte, la plus sacrée et la plus divine. C'est, à
proprement parler, le sacrifice, auquel les chrétiens seuls assistaient.
V Offertoire porte ce nom parce qu'alors on offre le pain et le vin
qui doivent être consacrés L'eau qu'on met dans le calice signifie
surtout celle qui sortit, mêlée de sang, du côté deJ. C. mis en
croix Le vin et l'eau sont présentés par ceux qui servent la
messe, afin d'indiquer que les fidèles ont part au sacrifice Le
pain, fait de plusieurs grains de froment, et le vin , composé de la
liqueur contenue dans plusieurs grappes de raisin, représentent
l'Eglise composée de plusieurs membres qui sont tirés de la masse
corrompue des hommes, afin d'être transformés en J. C, et de
n'avoir tous qu'un cœur et qu'une âme. Sous un autre point de vue,
comme c'est aussi le pain et le vin qui forment notre nourriture,
en offrant à Dieu ces deux produits , nous lui offrons notre vie
Le prêtre se lave les mains afin de montrer quelle pureté est
nécessaire pour offrir le saint sacrifice et pour y assister
A YOrate fralres, le célébrant se recommande aux prières des
fidèles, afin que le sacrifice qu'il offre en union avec eux soit reçu
de Dieu ; et les fidèles répondent qu'ils désirent que les intentions
du prêtre soient accomplies
Voici la Préface; ce mot veut dire prélude, action qui précède. La
préface, en effet, est destinée à préparer aux prières du canon, à
l'élévation surtout. Elle est un chant de triomphe et de gloire, une
invitation à s'élever jusqu'au ciel pour louer de concert avec les
neuf chœurs des anges le Dieu de l'univers.
Le Sanctus vient du ciel; Isaïe la entendu, ainsi que saint Jean
l'Evangélisle
Le mot Canon veut dire règle Comme Moïse, le prêtre élève
les mains afin d'élever la terre jusqu'au ciel et de faire descendre le
ciel sur la terre
Dans le Mémento des vivants le prêtre, au nom de toute l'Eglise,
prie pour tous les fidèles et principalement pour ceux qui assistent
au saint sacrifiée, et pour ceux en faveur desquels il l'offre,
MESSE. 291
Lo moment merveilleux et divin de la consécration arrive : l'assem-
blée se prosterne à la vue du miracle des miracles Un grand fiai
a lieu , et le Roi des rois est sur l'autel.
Le pain et le vin sont devenus le corps , le sang , l'âme et la
divinité de J. C
Les nombreux signes de croix faits par le prêtre sont destinés à
nous rappeler J. C. sur la croLx Ses fréquentes génuflexions
marquent l'adoration qu'on doit à Dieu , et le profond respect que
commande son auguste présence
Le Mémento des morts est un souvenir accordé aux âmes du purga-
toire, une prière adressée pour elles à Dieu.
Ensuite on récite la prière par excellence, le Pater.
Ici commence la troisième partie de la messe. Le prêtre divise la
sainte hostie, pour imiter J. C, qui prit du pain, le rompit et le
donna à ses apôtres en disant : Prenez et mangez, ceci est mon
corps (Matth. xxvi. 26). Le prêtre laisse tomber une partie de l'hostie
dans le calice , pour indiquer que la paix qu'il vient de souhaiter,
par le Pax Domini, est scellée du sang même de J. G
Le mélange de l'hostie avec le sang de J. G. désigne : 1° l'union
de Dieu et de l'homme dans l'incarnation...; 2° l'union de Dieu
avec l'homme dans la sainte communion... ; 3° l'union des élus avec
Dieu dans le ciel Mais pour jouir de cette paix si précieuse, de
cette union si désirable et si glorieuse, il faut être sans péché
Voilà pourquoi le prêtre prononce ÏAgnus Dei..., et ensuite le
Domine non sum dignus
Le prêtre communie... ; les fidèles se rangent autour de la table
mainte
Le reste de la messe est consacré à remercier Dieu
Tout dans la messe représente le sacrifice adorable de la croix, signification
L'amict représente le voile qui couvrait la face divine de J. G. orcements.
lorsqu'on lui donnait des soufflets...; l'aube, la robe blanche dont
Hérodele fit revêtir par dérision...; le cordon, les liens dont on le
garrotta au jardin des Oliviers, et les lanières qui servirent à la
flagellation...; le manipule, les chaînes avec lesquelles on l'attacha
à la colonne. On le met au bras gauche , qui est le plus rapproché
du cœur , pour marquer le grand amour de J. C
L'étole indique les trois liens avec lesquels on l'attacha à la croix j
elle indique aussi les pouvoirs du ministre consécrateur
La chasuble rappelle le mm*«au de pourpre dont on revêtit J, C,^
298 ifBSSfi.
et la tunique qu'on lui arracha et qu'on jêtâ au sort. La croix qui
s'y trouve figurée met sans cesse souS les yeux des iidèles l'instru-
ment du supplice du Sauveur.
Chaque ornement représente donc une circonstance de la passion
et delà mort de J. C. Tout porte les fidèles à méditer sérieusement
et à prier avec ferveur..... Tout leur inspire de la confiance.
ftut^t^ndre *• Les fidèles doivent avoir soin de s'unir d'intention au prêtre.
là messe Le saint sacrifice s'offre pour trois motifs principaux : 1° en action
de grâces des biens que Ion a reçus... ; 2° afin de satisi'aiiv pouf les
péchés que l'on a commis... ; 3° afin de demander les secours et les
grâces dont on a besoin.
II. Il faut s'offrir soi-même à Dieu
III. Pendant le saint sacrifice, il est bonde considérer principale-
ment quatre choses : 1° celui à qui on l'offre... ; 2° celui qui l'offre .
c'est-à-dire J. G...; 3° celui qui est offert...; 4" ce pourquoi il est
offert.
IV. Le saint sacrifice étant le mémorial de J'amour de J. C. pom-
mes hommes et , en quelque sorte , fa représentation de sa passion
ec de sa mort, il faut, pendant qu'on l'offre, méditer sur les souf-
frances du Sauveur et sur son amour. C'est le vrai moyen d'enten-
dre la messe avec beaucoup de fruit.
V. 11 faut assister à la messe avec le profond respect intérieur et
extérieur que doivent produire fa vue du lion saint, la présence de
pieu, celle des anges et celle des fidèles, enLxi la pensée du grand
mystère qui s'opère.
VI. Il faut entendre la messe avec foi, humilité, componction ,
uainte ci cuuliauce. etc
MIRACLES.
U
N miracle est un événement frappant , extraordinaire et qui ne Pu'e^"*e1v,
rr ^ quuniûjracl«
peut être l'effet d'une cause naturelle. C'est une dérogation
aux lois de la nature. Le miracle est au-dessus des forces de
l'homme; Dieu seul peut l'opérer; et les hommes ne peuvent en
faire que par lui
Qm peut douter que Dieu puisse faire des miracles? Le même Dieu Les miracles
qui depuis bientôt six mille ans fait lever le soleil à l'orient, ne possibles?
pourrait-il, s'il le voulait, le faire lever à l'occident? Pourtant cela
serait un vrai miracle Nier que Dieu puisse faire des miracles,
c'est nier que Dieu soit Dieu...; c'est lui ôter sa puissance et sa
liberté; c'est l'anéantir
Les plaies d'Egypte, le passage de la mer Rouge, la promulgation
de la loi de Dieu sur le mont Sinaï , l'envoi de la manne , l'eau qui
jaillit du rocher, les merveilles opérées par l'arche d'alliance , la
conservation des trois enfants dans la fournaise ardente, le châti-
ment d'Héliodore frappé de verges par des anges, la résurrection de
Lazare, la résurrection de J. C. , la conversion de l'univers païen à
la voix des douze apôtres , etc. : tous ces événements extraordinai-
res sont là pour attester qu'il y a eu des miracles, et de grands
miracles
L'éclat des œuvres de J. C, dit saint Cyrille, décidait toute question
sur sa divinité, auprès de ceux qui n'avaient pas l'esprit entièrement
perverti : Claritas operurn Christi omnern quœstîonem solvebai apud
eos qui non erant mentibus pervertis (Catech., lib. IT, c. v ).
Il est évident que les miracles de J. C. devaient le signaler aux
Juifs comme étant le Messie promis si souvent et si positivement dès
le commencement du monde. Car, \° J. C. faisait ses miracles dans
ce but... ; 2° il a fait tous les miracles que les prophètes avaient
prédit devoir être faits par le Messie...; 3° il a fait tous ses miracles en
son propre nom , par sa propre vertu , en ordonnant et en comman-
dant comme ayant autorité...; 4° il a fait des miracles visibles,
publics, incontestables et très-grands; il en a fait très-souvent,
partout et en tout genre, les opérant tout d'un coup, d'un seul
ï a-t-ii
eu des
miracles ?
Los r>
sont une
300 MTRACLES.
mot, etc Cette puissance absolue, cette vertu extraordinaire et
continuelle ne pouvaient appart nir qu'à J. C. seul
( Voyez Jésus-Christ , § Miracles de J. C.)
Les miracles opérés au nom de J. C. par les apôtres, par le? mar-
tyrs , par les saints de tous les lieux et de tous les siècles, ne prou-
vent-ils pas qu'il y a eu des miracles ?...
Saint Augustin a dit qu'il était retenu dans l'Eglise catholique, apos-
preuve cer- tolique et romaine, par l'autorité des miracles (De Civii. Dei).
vérité. Richard de Saint-Victor a dit de son côté : Seigneur, si ce que nous
croyons est une erreur, c'est vous qui nous avez trompés ; car notre
foi a été confirmée par des signes et par des prodiges qui n'ont pu
avoir que vous pour auteur (1).
Dieu, qui est la vérité, la sainteté et la justice même, ne peut
permettre un vrai miracle qu'en faveur de la vérité. Or, il n'y a
jamais eu de miracles que dans l'Eglise catholique , apostolique et
romaine ; elle est donc la seule véritable Eglise.
(Voyez Eglise.)
Un miracle Les miracles étant le sceau de la vérité, Dieu ne peut permettre
z s'est jamais ... , , , P i i> . i
opère en qu ils s opèrent en faveur de 1 erreur et du mensonge
terreur6 ^eu Perrne*; quelquefois que les méchants eux-mêmes fassent des
miracles, non pas en leur nom et par leurs mérites, mais au nom
de J. C. et pour l'utilité du prochain.
Mais ils ne peuvent en faire que pour la vérité, et jamais pour
l'erreur.
Il n'y a pas d'exemple de miracle opéré en faveur de l'erreur.
Le miracle, en effet, est le témoignage le plus authentique et le
plus incontestable de la bonne doctrine et de la vérité. Ceci est é\ i-
dent : car le miracle est l'œuvre propre et surnaturelle de Dieu; il
s'en sert afin de confirmer que ce qu'il dit ou fait, est la vérité et
digne de foi.
Il ne peut donc permettre des miracles en faveur de l'erreur;
autrement il en favoriserait le développement; il tromperait le?
hommes et leur enlèverait tout moyen de reconnaître l'erreur et de 1 \
discerner d'avec la vérité. Que dis-je? il les confirmerait dans les faus-
ses doctrines qu'ils aurait ni reçues; ce qui c-st i possible. L'avan-
cer serait un ter; :Me blasphème, et le penser, un crime énorme
(1) Domine, si error est qnod credimus, a te tiecepu sumiis : ista enim in nob s Vu
fignis et prgclijfiis conlirmata sunt, quœ non nisi a te fieri potuernnt (De Inst. haoï.).
MIRACLES. 301
Vous demandez comment Dieu a coutume de faire discerner les Comment on
miracles véritables des faux miracles? Le voici : Tbx'odoret signale ^'"mïr'u'îos
trois différences essentielles entre les miracles de Moïse et les pré- dcs fdUiï
tendus miracles des magiciens de Pharaon. 1° Les magiciens, dit-il,
changèrent à la vérité leurs verges en serpents, mais la verge
d'Aaron également changée en serpent dévora les leurs ; ils chan-
gèrent l'eau en sang, mais ils ne purent rendre à cette eau sa nature
première ; ils firent paraître des grenouilles, mais ils ne purent,
comme le fit Moïse , débarrasser les Egyptiens des incommodités
qu'elles leur causaient. Dieu ne permit donc aux magiciens d'opérer
de semblables prodiges, que pour châtier les Egyptiens eux-mêmes;
mais sans leur accorder le pouvoir de faire disparaître les plaies qu'ils
avaient faites. 2° Lorsque Dieu vit que le roi s'endurcissait davantage,
à cause des prétendus miracles des magiciens, il leur enleva la faculté
qu'il leur avait laissée : ceux qui avaient faitparaitre des grenouilles,
ne purent produire même des moucherons ; ils furent forcés de con-
fesser publiquement leur impuissance, et dédire : Le doigt de Dieu
est là : Digitus Dei est hic (Exod. vm. 19 ). 3° Moïse couvrit d'ulcères
les corps des magiciens eux-mêmes [Exod. ix.ll). Moïse, qui faisait
de vrais miracles en faveur de la vérité, fut-il jamais empêché
d'agir? Non; il en opérait tous les jours de nouveaux, de divers et de
très-éclatanls, à la cour de Pharaon, et en présence de toute l'Egypte.
Ses ordres et ses défenses avaient soudain des résultats miraculeux
(In Exod.).
Saint Augustin enseigne qu'on distingue les vrais miracles des faux
d'après l'autorité et le pouvoir qui les produisent. Les magiciens,
dit-il , font des choses étonnantes par leur commerce secret avec le
démon; mais les saints opèrent des miracles par l'action publique et
l'ordre de celui à qui toute créature est soumise. Les magiciens
agissent donc en vertu de contrats privés, et les saints en vertu d'un
droit évident (1).
Ajoutez que ceux qui font de vrais miracles sont des hommes
probes, pieux et ordinairement saints; tandis crue ceux qui en opè-
rent de faux , sont toujours des hommes vicieux et impies qui usent
de maléfices
Les prodiges des magiciens sont ordinairement fantastiques,
(1) Wagi mira faciunt per prtvata commercia cum daemone; sancti vero ea faciunt
publica ailministratione etjussu ejus oui omnis creatura subjecta est. Magi ergo per
privâtes contractas; sancti vero per publicam justitiam bac operantur (Quaest. lxhx
ni ter i.MMli;.
302 MRAC115S.
imaginaires et simulés; aussi ne durent-ils pas. On découvre bientôt
ce qu'ils ont de vain ou de faux; ou bien ils sont pleinement inutiles,
et même nuisibles. Mais les vrais miracles sont des actes véritables,
dont les effets ne s'évanouissent point, et qui n'ont lieu que pour une
grande utilité, ou pour délivrer les hommes de quelque nécessité
Pour opérer leurs prétendues merveilles, les magiciens se servent
de mensonges, de prestiges, de moyens propres à tromper les
hommes, de certains signes et de certaines figures, par exemple, de
lettres , de paroles qui ne signifient rien, ou qui n'ont qu'un sens
absurde ; ils se servent encore de pratiques superstitieuses; ils
mêlent le profane et le sacré,et ils souillent ainsi celui-ci. Les saints,
au contraire, font des miracles par leurs prières, leurs mortifications,
par le signe de la croix ou par d'autres choses ceintes et sacrées, et
toujours au nom de J. C
Les magiciens et les démons opèrent des prodiges dans une mau-
vaise lin, par exemple , pour obtenir quelque gain, par vaine osten-
tation, pour s'attirer de la gloire et des honneurs, pour se faire
rendre un culte divin, ou se créer un nom; ou bien afin de nuire
à la foi , et de faire adopter des erreurs ; ou bien encore pour com-
mettre ou faire commettre des crimes, comme vols, adultères, mort
d'hommes ou d'animaux, etc. Les saints, eux, font des miracles
dans le but d'honorer Dieu et de le glorifier, pour l'édification et la
gloire de l'Eglise, et afin de secourir les hommes, ou d'être utiles
soit à leur corps, soit surtout à leur âme
Les magiciens, dit saint Augustin, font dans l'intérêt de leur
gloire des choses qui paraissent être des miracles ; les saints font des
miracles véritables dans l'intérêt de la gloire de Dieu : Magi faciunt
quœ videntur miracula , quœrentes gloriam suam; sancti vero faciunt
miracula, quœrentes gloriam Dei (Quœst. lïxix inter Lxxxm).
c
MISÉRICORDE.
okite le propre de la lumière est d'éclairer, dit saint Nil , ainsi combien
. Diou est mise*
le propre de Dieu est d'avoir pitié de ses ouvrages ( Vit . Pair.). riCordicux.
La miséricorde est une vertu naturelle et divine : le Souverain
Bien est souverainement miséricordieux et bienfaisant. Voilà pour-
quoi le Prophète royal s'écrie : Miserationes ejus super omnia opéra
ejus : La miséricorde de Dieu s'étend sur tous ses ouvrages ( cxliv. 9).
L'Eglise ne dhVelle pas dans ses prières publiques : 0 Dieu dont le
propre est d'avoir toujours pitié et d'épargner, recevez favorable-
ment notre demande : Deus cui proprium est misereri semper et
parcere, suscipe deprecationem nostram ( Orat. pro pec. ).
Béni soit Dieu le Père de Notre-Seigneur J. C. , qui , selon sa
grande miséricorde , nous a régénérés dans la vive espérance, s'écrie
aint Pierre : Benedictus Deus et Pater JJomini nostri Jesu Ckristi ,
qui secundum misericordiam suam reqeneravit nos in spem vivamt
(I.i. 3.)
La miséricorde de Dieu est grande, elle e&t sans bornes : 1° par sa
cause efficiente, elle vient de Dieu, et de son amour immense pour
nous...; 2° par l'objet qu'elle nous présente; Dieu nous a donné son
Fils unique, afin de nous prouver qu'il répand , par lui, sur nous
l'abondance de ses miséricordes...; 3° par le sujet auquel elle s'ap-
plique : nous ne sommes que des vers de terre , pleins de péchés et
de misères; et il nous a appelés à lui ; il nous a rendus capables de
recevoir sa grâce et sa gloire. C'est ce qu'exprime le Psalmiste quand
il dit : L'abîme appelle l'abîme : Abyssus abyssurn invocat ( xli. 8 ).
L'abîme des misères humaines appelle l'abîme de la miséricorde
divine...; 4° par la multitude des dons qu'elle nous a accordés:
Dieu nous a comblé, et ne cesse de nous combler d'innombrables
grâces et faveurs. C'est ce qui a porté saint Augustin à dire à Dieu :
Seigneur, je tiens de votre miséricorde tout ce que je suis. Car,
qu'ai- je l'ait qui m'ait mérité de vivre? qu'ai-je fait qui m'ait mérité
de pouvoir vous invoquer? Nul ne vous est comparable en miséri-
corde; j'ai reçu l'être de vous, j'ai reçu de vous d'être bon, ô mon
Dieu et ma miséricorde (Concion. n in Psal. lytii). 5° La miséri-
corde de Dieu est grande par rapport aux lieux et aux temps ; car
elle s'étend sur tous les ho™«ies rie tous les lieux et de tous les
304 MISÉRICORDE.
temps , selon ces paroles du Roi-Prophète : La terre est remplie de
la miséricorde du Seigneur : Misericordia Domini plena est ten a
( xxxii. 5). Pour les saints, cette miséricorde dure éternellement
6° Elle est immense par la fin à laquelle elle tend; car elle s'efforce
de nous conduire au royaume de la gloire éternelle. Seigneur, s'écrie
lePsalmiste, vous avez multiplié votre miséricorde : Multiplicasii
misericordiam tuam (xxxv. 8. ) Que votre miséricorde est douce,
Seigneur, faites que je ne l'oublie jamais... ! 0 Dieu, ma miséricorde!
Jjeus meus misericordia mea (Psal. lviii. 18). A vous, Seigneur,
appartient la miséricorde : Tibi , Domine , misericordia { Psal.
lxi. 13). Que vos miséricordes se hâtent de nous prévenir, parce
que nous sommes devenus excessivement pauvres : Cito anticipent
nos misericordia? tuœ, quia pauperes factisumus nimis (Psal. lxxviii. 8)»
Nous avons été remplis de votre miséricorde : Repleti sumus mise-
ricordia tua (Psal. lxxxix. 14). Le Seigneur est doux , sa miséricorde
durera éternellement : Suavis est Dominus , in œternum misericordia
ejus ( xcix. 5 ). Le Seigneur a livré les hommes à ses miséricordes:
Dédit eos in misericordias ( Psal. cv. 46). La miséricorde de Dieu sur
nous s'est signalée : Confirmata est super nos misericordia ejus ( Psal.
cxvi. 2). Dans le Seigneur est la miséricorde et une abondante
rédemption : Apud Dominum- misericordia , et copiosa apud eum
redemptio (Psal. cxxrx. 7 ).
Entre le dernier raie d'un mourant et l'enfer, il y a un océan de
miséricorde à traverser , dit un auteur célèbre.
Seigneur, dit la Sagesse, vous avez pitié de tous les hommes,
parce que vous pouvez tout : Misereris omnium, quia omnia potes
( xi. 24). Vous êtes indulgent pour tous les hommes, parce que tout
est à vous, ô Dieu, qui aimez les âmes : Parcis autem omnibus
quoniam tua sunt , Domine, qui amas animas (Sap. XI. 27 ). L'approche
de votre miséricorde guérissait vos enfants : Misericordia tua advc-
niens, sanabat (Sap. xvi. 10).
Dieu est compatissant et miséricordieux, dit l'auteur de l'Ecclé-
siastique; au jour de la tribulation, il remettra les péchés; il est le
protecteur de tous ceux qui le cherchent dans la vérité (h. 13). Corn
bien est grande la miséricorde du Seigneur, et sa clémence pour ceu:
qui se tou rnent vers lui ! Quant magna misericordia Domini , et pr
pitiatio illius, convertenlibus ad se! (xvn. 28. )
Qn'est-cè que le péché , en présence delà miséricorde de Dieu?
dit saint Chrysostome. Une toile d'araignée qui disparait pour
toujours sous le souille du vent : Quid enim est peccatum ad
MISÉRICORDE. M05
misericordiam.? Tela araneœ quœ , vento fiante , nusquam comparei
(InPsaL).
Qui entreprendra c!e raconter la miséricorde de Dieu, dit l'auteur
de l'Ecclésiastique : Quis adjiciet enarrare misericordiam ejus
(xvm. 4). Aussi saint Paul donne-t-il à Dieu le titre de Père des
miséricordes : Pater misericordiarum (IL Cor. i. 3).
RieD , dit saint Fulgence, ne manque à celui qui possède la puis-
sance de la miséricorde, et la miséricorde toute-puissante. En Dieu,
la bonté de la toute-puissance, et la toute-puissance de la bonté sont
si grandes, qu'il n'est pas de péché qu'il ne puisse, ou qu'il ne veuille
remettre à l'homme qui se convertit. C'est un charitable et habila
médecin auquel nulle maladie ne résiste. U veut et il peut pardon-
ner tous les crimes. Sa bonté parfaite n'est jamais vaincue par le
péché; sa miséricorde a des remèdes pour tous les maux. S'ils
l'avaient voulu, Caïn, Antiochus, Judas auraient obtenu miséri-
c e , aussi bien que David , Madeleine, Pierre , Paul et Augustin.
[Fpist. vu ad Venant.).
Que l'impie abandonne sa voie, dit Isaïe, et l'homme inique
ses pensées ; qu'ils retournent au Seigneur et il aura pitié d'eux :
qu'ils reviennent à notro Lieu, parce qu'il est riche en miséri-
corde : Uerelinquat impius viam suam , et vir iniquus cogitationes
suas, et revert atur ad Dominum,et miserebitur ejus; et ad Deum
nostrum, quoniam multus est ad ignoscendum (lv. 7). Car, dit
le Seigneur, mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes voies
ne sont pas les vôtres : Non enim cogitationes meœ cogitationes
vestrœ , neque viœ vestrœ vice meœ, dicit Dominus (Ejusd. lv. 8).
Je sais les pensées que j'ai formées sur vous, pensées de paix,
et non de châtiment : 2r</0 enim scio cogitationes, quas ego cogito
super vos, cogitationes pacis et non afflictionis (Jerem. xxix. 11).
Ne vous défiez pas du pardon et de l'amitié de Dieu , disent saint
Cyrille et saint Thomas, ne vous effrayez pas de la multitude et d«
l'énormité de vos rechutes, ni de l'habitude du crime; la misera
corde que Dieu offre et prometà ceux qui se repentent, est infinimeii
plus grande que tous nos excès. Car Dieu offensé n'est pas comml
l'homme, qui ne lance que des menaces et ne respire que vengeance
contre celui qui Va outragé : Dieu est aussi loin de ces lispositionsque
le ciel l'est de la terre ; il ne désire que pardonner et faire grâce. C'est
pourquoi il combat nos Offenses avec l'arme de la clémence, de l'in-
dulgence ci .-• la miséricorde. Mille et mille fois il pardonne, dit Jéré-
mie; c'est-à-.-.re toujours lorsqu'on Je veut : Facis misericordiam
lu. 20
30(1 MISÊÏirCOWDE.
in mUHbus (xxxït. 18). Et n'est-ce pas ce qp'assjjre Notte-Sei-
gneur J. C. ? Pierre Rapprochant de lui, l'interrogea : Seigneur, lui
dit-il, ?i mon frère pèche contre moi, combien de fois lui
nerai-je? jusqu'à sept fois? Jésus lui répondit : Je ne vous dis pas
jusqu'à sept fois , mais jusqu'à sentante fuis sept lois (Ma ïù.. xyni.
21-22), c'est-à-dire toujours
Si nous n'avons pas disparu , dit Jérémie , c'est à la mi ' ' or Je
du Seigneur que nous le devons, c'est parce que sa compassio a
pas tari : Misericordiœ Jjomini quia non suma.s cpnsumpti ; 5 .. n
defecermtt miseraiiones ejus (Lament. m. 22).
Dieu est riche en miséricorde, dit !e grand Apôtre : Deus dives es'-
in ndsericordia (Ephes. 11. 4). Il n'y a pas de différence ent i
et le Grec , dit-il ailleurs; Dieu est le même Seigneur de tous , r
pour tous ceux qui l'invoquent : Non enim est disdnclo
Grœci : nain idem Dominus omnium , dives in omnes qui invocant illum
(Rom. x. 12).
Jamais ici-bas la colère de Dieu ne sévit tellement, cruelle ne si it
tempérée par sa miséricorde, dans le sein de laquelle il est permis
de se réfugier. C'est à la clémence infinie de Dieu que nous cl» \
tant de grâces. Malgré sa justice irritée par tant de péchés, sa misé-
ricorde ne cesse de nous attendre , de nous presser , de nous faire
du bien, de nous couvrir de sa protection. Aussi écoutez Jérémie :
Le Seigneur est mon partage, a dit mon âme : c'est pour fuoi je
l'attendrai : Pars mea Dominus, dixit anima mea : propterea exsoe-
ctabo cum (Lament. m. 24).
J'ai voulu la miséricorde, et non le sacrifice, dit Dieu parla
bouche d'Osée : Misericordiam volui , et non sacrinçium (vi. 0). J. G.
adresse ces mêmes paroles aux Juifs : Si vous compreniez , leui;
dit-il, cette parole : Je veux la. miséricorde et non le sacrifice, voul
n'auriez jamais condamné des innocents : Siautem sciretisquid est :
misericordiam volo et non sacri/icium , nunquam çondemnassptis i/mo-
cenles{ Matth. xn. 7).
Apprenez ici combien le Seigneur aime la miséricorde, puisqu'il
la préfère à tous les sacrifices. Oui , le propre de Dieu est de p„
ner, comme le propre île l'abeille est de faire du miel
N'est-ce pas la miséricorde de Dieu qui est la véritible cause
de l'incarnation et de la rédemption? Aussi J. G. dit : .1
pas venu appeler \<> justes, nuis les pécheurs : Non veni 1
iustos, sed peecatores (Mat th. ix. 13). Je vous dit qu'il y aura plus
de joie dans le ciel pour un pécheur qui fait pénitence, que pour
MISÉRICORDE. 307
.; -dix- neuf justes qui n'ont pas besoin de pénitence
ah. xv. 7).
J. C. n'ayant point été reçpj dans une ville de Samarie -, ses disci-
ples lui dirent : Seigneur , voulez- vous que nous commandions au
feu du riel de descendre et de les consumer? Mais se tournant vers
auveur lesgourmanda, en leur disant : Vous ne savez Je quel
■us êtes. Le Fils de l'homme n'est point venu pour perdre
.-.-, mais pour les sauver (Luc îx. 52-5G), Voilà la miséri-
corde I
Il est dit de J. C. qu'il n'achèvera point de rompre le roseau brisé,
et qu'il n' dra point la mèche encore fumante (Matth. xn. 20).
Voilà la miséricorde !...
J. C. nest-il pas ce bon pa?teur qui charge sur ses épaules la
arée, et qui l'apporte au bercail ? N'est-il pas ce miséricor-
dieux Samaritain qui verse l'huile et le vin dans nos-plaies,, et nous
conduit au ciel? N'est-il pas ce père qui gémit sur les égarements
de l'enfant prodigue, et qui, touché de compassion, court au-devant
de lui, l'embrasse, le serre sur son cœur , l'inonde de larmes, et de
caresses, le revêt d'ornements magnifiques, fait tuer le veau gras
iine un splentf le festin?... Madeleine s'agenouille à ses pie 1s;
•1 s 'empres.se de lui pardonner..... Pierre le renie; il lui jette un
regard de miséricorde, et oublie la triple faute dont il s "est rendu
coupable Le bon larron mis en croix lui demande grâce, et il
lui ouvre le ciel
Les païens eux-mêmes avaient une grande idée de la clémence et
de la bonté du Dieu suprême, puisqu'ils avaient donné le nom de
{imiter au maître des hommes et des dieux, àejuvans pater, père qui
aide, qui spcourt.
f. Etre miséricordieux, c'est être parfait; bien plus, c'est être Dieu, Excellence
car on remplit une fonction divine, dit saint Chrysostome : Pretiosus miséricorde.
v\r m>'sericors, imo misereri est Deus esse ( Hornil. iv in Epist. ad
Plnl.'pp. ). La miséricorde, ajoute ce grand docteur, est reine,
vraiment reine; elle rend les hommes semblables à Dieu : Miseri-
cordia regina est, vere regina, similes faciens homines Deo (Ut supra).
II. Les hommes qui s'abandonnent à la cruauté sont exposés à la
haine générale. A chaque pas, ils ont à craindre leur ruine, parce
que leur iniquité les suit; les hommes et Dieu lui-même les pour-
suivent de leur vengeance.. Le miséricordieux, au contraire, n'a à
iler ni injure, ni violence, ni .haine, parce que sa miséricorde,
308 MISÉRICORDE.
bouclier céleste, et la grâce de Dieu le protègent. Il est chéri de Dieu
et des hommes
III. Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde !
dit J. G. : Beati miséricordes , quoniam ipsi misericordiam conse-
quentur (Matth. v. 7). Faire miséricorde, c'est l'obtenir f>i-
même
Dieu accorde aux miséricordieux : 4° la grâce de la pénitence, et
par là le pardon de leurs péchés...; 2° d'abondantes faveurs La
miséricorde est promise aux miséricordieux; Dieu, qui est tout
miséricorde, l'exerce envers eux
IV. Le miséricordieux est bienfaisant pour son âme, disent les
Proverbes : Benefacit animœ suœ vir misericors (xi. 17).
V. En faisant du bien aux autres, le miséricordieux s'en fait à lui-
même. En effet, 4° il compte autant de protecteurs devant Dieu,
qu'il y a de personnes envers lesquelles il a exercé la miséricorde... ;
2° il rend Dieu lui-même son débiteur, puisque Dieu promet de faire
miséricorde aux miséricordieux Dieu, disent les Proverbes, bénit
l'homme de miséricorde : Qui pronus est ad misericordiam, ùenedi-
cetur (xxn. 9 ).
VI. La miséricorde accompagne l'homme après la mort, et elle
prend sa cause au tribunal de J. G. C'est elle qui le préserve de la
condamnation.
VII. La miséricorde procure la vie, la justice et la gloire, disent
encore les Proverbes : Qui sequitur misericordiam, inveniet vitam,
iustitiam et gloriam (xxi. 24).
Comment La miséricorde s'exerce, 4° en compatissant aux misères d'au-
lx trui...; 2' en le soulageant...; 3° en aidant une âme plongée dans
mi«ftncorde? 1 "ignorance, l'affliction ou le péché...; A" en recherchant ceux qui sont
dans le besoin et en prévenant leurs demandes... ; 5° en leur offrant
du secours... ; 6° en se sacrifiant et en donnant jusqu'à sa vie pour
les autres , comme ont fait J. C, les apôtres et tant de saints
Lorsque nou- rencontrons des pécheurs, dit saint Grégoire, nmis
devons pleurer d'abord nos péchés et ensuite les leurs; parce que
nous avons peut-être commis les mêmes fautes, ou que nous pou-
vons les commettre. Si les maîtres sont obligés de censurer et de
condamner le vice atin de le d.'truire, il est bon qu'ils s'attachent
toujours à le faire avec prudence, di eernement et sollicitude , se
s avenant qu'il faut à la fois sévir contre Je vice et compatir à la
nature humaine, qui est si faible. Si le pécheur doit être frappé, le
MISÉRICORDE. 309
prochain doit aussi être nourri : Si feriendus est peccator, nutriendus
est proximus (Pastor.).
N'ou! liions jamais ce que dit saint Augustin, qu'il n'y a pas df
péché commis par un homme, que tout autre ne puisse commettre
à Dieu l'abandonne
Dans notre conduite envers le prochain, nous devons nous atta-
cher à imiter le père de l'enfant prodigue.
Je partage votre douleur, mes frères, dit saint Cyprien ; avec vous
je trappe ma poitrine; il me semble que je suis tombé avec ceux
d'entre vous qui ont failli , et l'affection que je vous porte m'a pro-
sterné à côté de nos frères qui frappent la terre de leur front : Doleo,
fratres, vobîscum : cum singulis copulo pectus meum, cum jacentibus
jacere me credo, cum prnstratis fratribus et me prostravit affectas
(Serai, de Laps. ).
MODESTTE.
nécessité /~\ tiE dans ton? nn? mouvements , dit Paint Augustin , il n t
de la /'El • •
modestie. M ■ rien qui b regard de qui que ce soit, rien qui ne
\^, soit conforme à ia sainteté du chrétien : In omnibus motibus
noslris, ml fiât quod cujuspiam o/jendat at^ectum t sed quod nostram
deceat sanctitatem (Regul. 3).
Que votre modestie soit connue de tous les hommes , dit le grand
Apôtre : Modestia vestra nota sit omnibus ho minibus (l'hilipp. îv. •">).
Que tout ce qui est vrai, dit-il encore, tout ce qui est pur, tout ce
qui est juste , tout ce qui est saint , tout ce qui est aimable , tout ce
qui donne une bonne renommée, tout ce qui appartient à la vertu et
qui mérite la louange se trouve en vous : Quœcumque sunt vera,
quœcumque pudica, quœcumque justa, quœcumque sancta, quœcumque
amabilia, quœcumque bonœ famœ, si quavirtus, si qua laits disciplinœy
hœc cogitate ( Philipp. îv. 8 ).
Composez votre maintien, votre voix, votre visage, votre démar-
che de telle sorte que cela plaise à Dieu, vous honore, et édifie le
prochain, dit saint Ambroise : Sic habit um , vocem, vultam , gressum
comporte, ut deceat Deum , ut te omet, ut proximvm œdificet (De
Pudicit. )• H faut, dit ailleurs ce grand évéque, il faut gar
modestie , même dans les mouvements , ' .'À ures : Est
in ipso motu , gestu, incessu tenenda verecundia ( Lib. I OIB \, c. xxm).
L'impudicité d'une femme se lit dans la hardiesse de
dit la sainte Ecriture : Fornicatio mulieris in extollentia oculorum
li. xxvi. t2). 11 est donc indispensablement nécessaire de s'atta-
cher à acquérir et à conserver la modestie des yeux.
,stie Hugues de Sautc-Victor dit : Par l'attitude du corps on connaît I Yt.it
* de Lame ; les mouvements du corps sont donc en qu
qui manifeste les pensées et les affections de l'homme : IL
mentis in corporis statu cognoscitur; itaque vox quœdum anitm
motta (De Modestia).
La sa gessedel hom me éclatesur son visage, dit l'Ecolésiaste : Sapienï
ti homin Is lucet in viUtu ejut ( vin. I ). Or, cela arrive de trois manié-
. L° l'Ame, par une sympathie naturelle, se montre et imprima
<.c
HOVZàuL. 3U
ses passions et ses affections dans le maintien cm corps et surtout
dans les traits du visage...; 2» la sagesse, c'est-u-dire la prudence cv
ia modestie, donnent certaines habitudes , non-seulement à Fàme ,
jnais même au corps , et principalement au visage; elles lui impri-
ment un cachet de gravité, de piété, de sérénité et de beauté qu'on
ne peut s'empêcher de remarquer...; 3° la sagesse éclate sur le
', parce que le Saint-Esprit habitant l'âme et l'éclairant,
l lumière et sa beauté sur le visage et sur le corps entier;
ainsi que la lumière d'une lampe pénètre le verre qui l'enveloppé
et Resplendit au dehors.
On connaît un homme à sa tenue, et à l'aspect de son visage on
ne sa prudence, dit l'Ecclésiastique : Ex visu cognoscitur vir, et
ab occursu faciei cognoscitur sensatus (xix. 26).
Le vêtement et le rire de l'homme, ainsi que la manière dont il
se présente, font connaître ce qu'il est, dit encore l'Ecclésiastique :
Amictus corporis, et risus, et ingressus hominis cnuntiant de Mo
( xix. 27 ).
Le visage et les yeux sont le miroir de l'àme. Comme ils indiquent
la joie , la tristesse , l'amour ou la haine, ils marquent aussi la can-
deur , la modestie , la ruse et l'hypocrisie
Dans le maintien du corps se voit l'état de l'âme, dit saint
Ambroise; c'est par lui qu'on peut juger du plus ou du moins de
légèreté, d'orgueil, d'incontinence, ou au contraire du plus ou du
moius de gravité, de fermeté, de pureté et de maturité de l'homme
qui se cache au fond de notre cœur (1).
Toute affection et tout mouvement de l'àme , ditCicéron , a reçu
de la nature une expression de visage , un son de voix et une impres-
sion qui lui sont propres : le visage est l'image de l'âme : tfoéhis
motus animi, suum quemdam a nature, habet vultum, et sonum, et
Qvztum : animi imago vultus est ( Lib. 111 de Orat. ).
Voici les marques de la modestie, dit Aristote : la gravité des allure? Quelles sont
et des mouvements, la réserve et la prudence des paroles, un ton de les 3^ues
voi.v modéré exprimant la bonté et la douceur, l'œil content, modestie,
baissé , jamais trop ouvert ni trop ferme [Physio§H., c. Vf).
liabitus mentis in corporis statu cernitur. TTine honio cortlis nostri absconcîi-
tus, aut levier, au tjactantior, aut turbid!'1!-; aut e contru, ^ravior, et coustantior.
et purior, et .. timatur (Lib. I Oj/tc, c. xvhi
HODT'STIB.
Modèles L'autel'^ de ia vre <& saint Bernard (lib. ÏIÏ, c. i) fait îe portrait su;-
e modestie. YaQj. ^ ce grail(j homme et de ce grand saint : Une certaine grâce
toute spirituelle apparaissait dans sa personne; un doux éclat qui
n'avait rien de terrestre, mais qui venait du ciel, brillait sur son
visage; une pureté angéiique et une simplicité de colombe appa-
raissaient dans ses yeux. La beauté de son âme était si grande qu'elle
se manifestait au dehors par ries signes très-visibles ; et son extérieur
était abondamment pénétré de la plénitude de pureté et de grâce qui
l'inondait. ^
Saint Malacme, eveque v^mande, se distinguait par une admi-
rable modesLie. Il ne remuait aucun membre sans raison, dit t
Bernard, entre les bras duquel il mourut à Ciairvaux : Nullum mem-
trum sine ratione movebut ( In ejus vita ).
Saint Lucien, prêtre et martyr, convertit un grand nombre d'in-
fidèles uniquement par son aspect modeste, joyeux et pieux.
L'empereur Maximien ayant ouï lire que le visage de Lucien était si
modeste et inspirait tant de vénération, que s'il le voyait une
seule fois, il serait tenté de se faire chrétien, ordonna qu'on le
couvrit d'un voile avant de le faire comparaître en sa présence
'Baronius, Bist. Eccles.).
Dans tous les siècles et dans tou= ies jieux les justes et les saints s
font fait remarquer par une grande et constante modestie Que ne
les imitons-nous!...
Bmite, Qu'est-ce que la rose? c'est la pourpre du printemps. Qu'est-ce que
excellence et \à modestie? c'est ia pourpre des vertus
avantages de l l
la modestie. Euripide appelle la modestie le don le plus beau que [es dieux
aient fait aux hommes : Donum piUeherrimwn deorum (In Medea).
Le don le plus beau pour une femme, dit saint l .ne,
c'est le silence , la modestie et l'habitude de la tranquillité et de la
retraite : Feminœ pulcherrimum donum est silentium , et modestia, et
intus tranquille manere (Homil. ad pop. ).
La modestie est la fleur qui doit orner la jeunesse
La modestie ne cesse de régler les paroles, la démarche, le main-
tien , les mouvements et ,,
Socrate engageait ses disciplesà acquérir trois choses : 1° un espri
prudent; 2° une Lang Le amie du silence; ;:> un visage et un exlé^
rieur modestes (Anton, in Meliss. ).
La modestie est si belle, si ai i si précieuse, surtout <hn<=.
les femmes et dans la jeunesse, cru' - |
MODESTIE. 313
respect et l'affection de tous les hommes. On rend une e?rèce de
culte aux personnes vraiment et constamment modestes. La
modestie est la plus belle fleur de l'âme et du corps; c'est la rose et
le lis réunis ensemble; c'est un nouveau paradis terrestre. Une
femme modeste est chérie de Dieu, il la visite et la comble des
faveurs les plus signalées...; elle fait le bonheur de son mari et la
gloire de ses parents, de la société et de la religion
La modestie, dit saint Bernard , est la perle des mœurs, la vergs
de la discipline, la sœur de la continence , la lampe de l'âme chaste ;
elle fait disparaître le mal , elle propage la pureté; elle est la gloire
spéciale de la conscience, la gardienne de la réputation, l'honneur
de la vie, le siège de la force, les prémices des vertus, ce que la
nature a de plus louable, et Fornement de tout ce qui est honnête.
Si la pudeur vient à colorer les joues de son vermillon , quelle grâce
et quel charme ne répand-elle pas sur le visage! (1)
La modestie gouverne l'âme et le corps , dit encore ce grand doc-
teur; elle empêche le front de s'enorgueillir; elle détruit l'air
farouche, règle le visage, enchaîne les regards, arrête les trop
grands éclats de rires , modère la langue , met un frein à la bouche,
calme la colère et ordonne la démarche (De Modo bene vivendi, c. ix).
La modestie conduit à la crainte du Seigneur, à la richesse , à la
gloire et à la vie, disent les Proverbes : Finis modestiœ timor Domini,
divitiœ, gloria et vita (xxii. A).
voilà les magnifiques récompenses accordées à la modestie
La modestie doit soumettre à ses lois les yeux, les oreilles, les doit être
paroles, le visage, les pieds, les mains, le maintien, les mou- et'ëXtériéure.
vements, la marche , etc Elle doit régner sur l'âme, l'intelli-
gence, la volonté , l'esprit et Je cœur
La modestie purement extérieure ne suffit pas ; la modestie inté-
rieure seule ne suffit pas non plus : il faut que l'une accompagne
l'autre
Les moyens d'acquérir la modestie sont : 1° la présence de D:eu...; dï£,7Sr
2" la vigilance sur les sens , surtout sur les yeux. . . ; 3^ l'humiiité.. . ; l» modestie;
(1) Verecnndia est gemma morum, virga disciplina;, soror continents, lampas
pudieffi mentis, expuntrix maloruin et propagatrix puritatis, specialis gloria con-
acienti» et famae custos, vitae decus , virtutis sedes , virtulum primitiae, naturae
laus et insione totius honesti. Rubor ipse genarum , quem foi\e invexerit pudor,
quautum gratiue et decoris sulfuso afferra vuitui solet! i^emt. uuuyi in Cant.)
3t4 MODESTIE.
4° la pudeur... ; 5° la douceur : la première de ces vertus, c'est-à-
dire l'humilité, est la mère de la modestie, la seconde est sa iille,
et la troisième, sa soeur... ; 6° la fuite des dangers : fuyez la
compagnie des jeunes gens déréglés, dit saint Jérôme, ne vous
exposez pas en public; ne fréquentez que des personnes sages, pieu-
ses et chastes (FjÀst.)...; 7° éviter la vanité...; 8° prendre Marie
pour moièle
( Voyez Pureté , Bon exemple.)
MONDE.
M
oi, dit T. C. g ç-:- apôlr Si 'je prierai le Père, et il vous don- Le monda
L ° r est plein
nera le Paraclet (1) pour qu'il demeure avec vous toujours, d'erreurs et
l'Esprit de vérité que le monde ne peut recevoir, parce qu'il
ne le voit point et ne le connaît point. Mais vous, vous le connaîtrez,
parce qu'il demeurera en vous et sera en vous (2).
J; C. oppose le Saint-Esprit, qui est l'esprit de vérité, à l'esprit du
inonde, qui est l'esprit de mensonge J. C. dit que le monde ne
peut recevoir le Paraclet, parce qu'il ne le voit point et ne le con-
naît point. C'est déclarer que le monde est rempli d'erreurs et de
ténèbres. Or, J. C. est un juge qui ne se trompe pas
Saint Paul , écrivant aux Corinthiens, leur dit : Pour nous, nous
n'avons point reçii l'esprit du monde , mais l'esprit qui est de Dieu,
afin ons les dons que Dieu nous a fâàta : Nos, non
sjiïritum hu.jus mundi accepimus, sed spiritual qui ex Deo est, ut scia-
musquœaDeo donata sunt nobis (I. il. 43). L'esprit du monde nt-
connaît donc pas les dons de Dieu ; il est donc dans l'erreur
Le monde est tellement dans l'erreur, qu'il prend la vérité pom
le mensonge , le bonheur pour le malheur , les vraies richesses
pour la pauvreté, la mort pour la vie, et réciproquement. C'est ce
que dit saint Augustin : Tout ce que le inonde regarde comme une
croix, je le regarde moi-même comme quelque chose de délicieux;
et ce que le monde déclare délicieux, je le tiens pour une croix i
Qiift'cumque mundus reputat crucem, ego ddicias reputo ; et quœ mundus
delicio', ego reputo crucem (Lib. de Civit.).
Ils ont erré dans la solitude, dit le Psalmiste, dans une terre sans
eau , et ils n'ont point trouvé le chemin de la cité habitai >!«• : .'.Y/'a-
solituditle, in inaquoso : viam civitotis habitaculi non inveuerunt
.ht).
Livré à son jugement pervers, le monde, dit saint Ci-cgouv
(1) Ce mot signifie consolateur.
ibo Patrem, et alium Paraeletum <labit vobis, ut maneat vobiscura
veritatis, quein mundus non potest accipere, quia nou J Met
cuin. nec set eum. Vos autena cognoscetis eum, quiu apud vos nianebit, et in vobis
crit ^Joann. Xiv. lu. 17).
de mensonge3
316 MONDE.
préfère le trouble à la tranquillité , ce qui est dur à ce qui est doux,
ce qui est pénible à ce qui est facile, ce qui passe à ce qui est éternel,
ce qui est suspect à ce qui est sur : Perversijudicio, perturbata iran-
quillis, dura lenibus , aspera mitibus , transitoria œtemis, suspecta
securis , anteponunt (Lib. Moral.).
Tout ce que le monde loue mérite le blâme ; ce qu'il blâme est
digne de louange; ce à quoi il pense est vanité; ce qu'il oublie
est excellent; ce qu'il dit est faux; ce qu'il condamne est bon ;
ce qu'il approuve est mauvais; ce qu'il vante et glorifie est
infâme
Jl n'y a sur la terre , dit le prophète Osée, ni vérité, ni miséri-
corde , ni science de Dieu : Non est veritas, et non est misericordia , et
non est scient ia Dei in terra ( rv. 4 ).
La vie du monde , dit saint Augustin, est une vie misérable,
ténébreuse, pleine dépêchés et d'orgueil (Médît., c. xix).
0 monde, ô traître, s'écrie un célèbre auteur, tu promets tous les
biens, et tu ne donnes que maux ; tn promets la vie, et tu donnes la
mort; tu promets la joie, et tu fais naître le chagrin; tu promets le
repos, et tu n'engendres que trouble; tu promets des fleurs, mais
elles se fanent soudain ; tu promets la solidité , mais ta chancelles et
tu tombes! Malheur à celui qui se fie à toi; heureux celui qui te
résiste ; plus heureux encore celui qui te quitte sans blessure ! Que
tous les hommes prennent la parole; que le vieux père Adam se
lève avec sa nombreuse famille , et que tous disent s'ils ont eu, dans
ce monde de déception, quelque joie sans tristesse, la paix sans la
discorde, le repos sans la crainte, la santé sans la maladie, la lumière
sans les ténèbres, le pain sans le travail , le rire sans les larmes.
O monde impur ! habiter avec toi et n'être pas trompé, abreuvé
d'amertume, c'est impossible; espérer en toi et ne pas trembler,
c'est folie; t'aimer et ne pas périr, c'est ce qui ne s'est jamais vu I
Et ce monde qui passe, qui nous leurre, qui nous agite, nous l'ai-
mons; il nous fait défaut, et nous l'appelons fidèle; il nous tue,
:"d est lui-même la mort , et nous le désirons comme la vie. O monda
iéducteur, ton miel et ta douceur n'est que fiel, que joie trompeuse,
/jue douleur certaine , que travail accablant, que rep ■ inqu 1 1; tu
es plein de misères, tu n'as pas de bonheu •■ à faire espérer (Auctor..
terni, ad frat. in ère t no, serin, xxxi).
Ainsi les erreurs et les mensonges abondent dans le monde ; ou
plutôt, lemonde n'est qu'erreur et mensonge
MONDE. 317
Dans le Verbe était la "rie, dit l'évangéliste saint Jean, et la vie
était la lumière des hommes; et la lumière luit dans les ténèbres,
et les ténèbres ne l'ont point comprise : In ipso vita erat , et vita erat
lux hominum ; et lux in tenebris lucet, et tenebrœ eam non comprehende-
runt (i. 4. 5). Il était la vraie lumière qui éclaire tout homme venant
en ce monde. Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui,
ii le ne l'a point connu. II. est venu chez soi, et les siens ne
l'ont point reçu (l).
J. C. s'adressant à son Père , dit : Père saint, le monde ne vous
a pas connu : Pâte?1 sancte, mundus te non cognovit (Joann. xvn. 25).
L'homme animal, dit le grand Apôtre, ne perçoit point ce qui est
de l'esprit de Dieu; pour lui c'est folie, et il ne le peut comprendre,
parce qu'on en juge par l'esprit : Animalis homo non percipit ea quœ
sunt spiritus Dei , stultitia enim est illi , et non potest intelligere , quia
spiritualiter examinatur (I.Cor. n. i&). N'aimez pas le monde, ni ce
qui est dans le monde, dit saint Jean : Nolite diligere mundum, neque
eaquœ in m ndo sunt (I. n. 15). Ceux qui aiment le monde sont
aveugles et insensés; ils préfèrent ce qui passe à ce qui est stable,
ce qui périt à ce qui est éternel , la terre au ciel, l'homme à Dieu,
le créé à l'incréé. C'est pourquoi , ils passent eux-mêmes avec les
iagatelles auxquelles ils se sont attachés ; ils meurent et devien-
nent la proie de l'enfer
Que préférez-vous, dit saint Augustin, ou d'aimer les choses
temporelles et de asser avec le temps , ou de ne pas aimer le
monde, et de vivre éternellement avec Dieu : Quid vis, utrum
omare temporalia, et transire cum tempore ; an mundum non amare , et
in œternum vivere cum Deo (Epist. xxxvi).
Celui qui est plus grand que le monde, ne peut rien demander au
monde, dit saint Cyprien : Nihil appetere de seculo potest , qui seculo
major est (Serm. in Orat. Dom.).
L'amour du monde , dit saint Augustin , mène à tous les péchés :
Ad omne peccatum amorducit mundi (Epist. xxxvi). C'est une grande
ignorance et un grand aveuglement que de s'attacher au monde, qu.
n'est que ténèbres et ignorance
Considérez la vie des mortels qui aiment le monde , dit sais
Paulin j vous le; verrez tout semblables à la bête de somme qui, le
Le monde
n'est qu'er-
reurs, parca
qu'il est
plongé dans
l'ignorante
et l'aveugle
ment.
(1) Erat lux vera quœ illuminât omnem hominem venientem in hune muni
In mundo erat, et mundus per ipsum factus est, et mundus eum non cognovit. In
propria venit, et sui eum non receperunt (Joann. i. 9-11).
31 S motte.
\.
à l'erreur de I urs sens . aya t les yeux vie l'esprit v< l'irn-
pureté de leur vie, ils tournent sans cesse tr înant un écr
fardeau, et après une douloureuse existence, ils finissant par une
mort malheureuse (Ê 'st. Sever.).
Le monde, dit saintBernard, a
Que dis-je le mou ]c a ses nui
et se trouve constamment plongé dans les ténèl. . t mundys
noctes suas, et non paucas. Quid dico. quia noctcs h
eum pêne totus ipse sa nox , et tnf.us semner versetur in tènebris?
(Serm. lxxv. )
La terre les a dévorés, dit l'Ecriture : Dévorant nos tara (Exod.
xv. 12). La terre, dit OïL .' "nui les mon-
dains impies, ces hommes qui ne pensent qu'à la terre,
n'agissent que pour la terre, qui ne parlent que de la terre , qui
s'arrachent les biens de la terre, qui ne désirent que I, I
qui mettent en elle leur (espérance. Ils ne lèvent jamais Jeu:
vers le ciel, ils ne songent point aux choses futures, ils ne c t
pas les jugements de Dieu, et ne désirent point le. bonheur l
nous a promis. Si vous voyez un de ces hommes, dites : L i
déu.ré : Devoravit eum terra. Si vous apercevez quelqu'un qui se
livre à l'impureté et aux voluptés du corps, quel jtfun sur ! :
l'esprit n'ait pas d'empire, mais qui soit devenu le
passions, dites : La terre l'a dévoré : Devoravit eum ierra ( t
la mort et l'enfer les dévoreront à leur touir Le Prophète I I
a bien caractérisé le monde aveugle, en l'appelant mie terre d'oubli:
Terra oblimohis (lxxxvii. 13). Tout e : effet y est oublié : Dieu, sa toi,
la religion, les bonnes œuvres, le salut, la fin île l'homme, la vie,
la mort, l'éternité Tout y est oublié, excepté le mal
Dangers Je crains, dit saint Paul aux Corinthiens , je crarûs que comme li>
du mc.ude. gj^ent Séduisit Eve pab* son astuce, alns ofe settorrom-
t et ne s*( i -implicite qui est dans le. Christ (H. u. 3).
ifluence du monde. J'ai et
voyage souvent, ■ ii t ai l leurs Je grand Apôtre, dans les périls de fleu\ i s,
fl) I'iipio« ethip hfldfê Wra derorat : qui iéatpee de terra contint, terrfna
fariunt, de terra toquuutur, 'i'1- ul> tcrram desiderant e! in ea gpi muni,
ad cœlum non ré'spiciunt, futura non c citant, judii um Dei non tnetuont, no
missa ejus desÀderant; talcm eu i quem
Tideris luxurisc et yoluplal lihil aniinus valut, 6ed
intumlibid ■ nonsi^ • ii.uu. : Pevorayit eum terra [Comment, in Exod.).
MONDE. 349
périls de voleur?, périls fie la part de ma nation , périls de la p
des gentils, périls dans la ville, périls dans le désert, périls sur mer,
périls parmi les faux frères : In itineribus sçepe, periculis fluminum ,
periculis latronum, periculis ex génère , periculis ex gentibus, periculis
incivitate , periculis in solititdine, periculis in mare, periculis in falsis
fratribus (II. Cor. xi. 26). Voilà le portrait et l'emblème des dangers
du monde
Tout dans le monde , dit saint Léon , est plein de dangers et de
: Jes passions excitent, l'attrait des plaisirs tend des embû-
ches, les gains flattent, les pertes abattent, les langues sont amères :
Plena omnia periculis , plena lequeis: incitant cupvlitates , insidiantur
illecebrœ, blond iuntur lucra, damna déterrent, amorce sunt obloquen-
tiumlinguœ (Serm. vi. de Nativ. Christi). Heureux, dit saint Ber-
nard, heureux l'homme qui ne poursuit pas les biens du monde, qui
sont un fardeau pour celui qui les possède, qui souillent ceux qui
Jes aiment et dont la perte déchire : Beatus qui post Ma non abiit,
quœ possessa onerant , amata viquirxmt, amissa cruciant (Epist. cm).
L'apôtre saint Jean peint en quelques mots, etavec des couleurs
hien vives, les dangers du monde : Tout ce qui est dans le monde,
dit-il, n'est que convoitise de la chair, convoitise des yeux et orgueil
de la vie : Omne quod est in mundo, concupiscentia carnis est, et concu-
niscentia oculorum , et superbia vitœ (I. n. 12).
Personne, dit saint Jérôme , ne met le pied avec sécurité parmi
les serpents et les scorpions; et vous, vous croyez rencontrer la paix
dans le monde, sur cette terre qui se couvre de ronces et d'épines,
et dont le serpent qui séduisit Eve fait sa nourriture : Nemo inter
ter pentes et scorpiones securus ingreditur : tu pacem arbitraris in terra
quœ tribulos générât et spinas et qvam serpens comedit l (Gen. m. 44.
— Epist. )
Le mon le est le séjour des douleurs, une école de vanité, une
j)lace publique où circulent des imposteurs Toutes les fois que
Démocrite sortait de sa maison et allait parmi les hommes, il riait;
en pareille circonstance, Heraclite pleurait. Ou leur demanda pour-
quoi ils se conduisaient ainsi? ils répondirent, l'un qu'il riait, l'autre
qu'il pleurait à cause de la vanité, des frivoles occupations, des soi7
cis et des recherches des hommes (Plutarch.).
Toutes les fois que j'ai été parmi les hommes, j'en suis revenu
moins homme , dit l'auteur de l'Imitation de J. C. : Quoties inter
bomines fui, minor homo redii{c. xx).
Ecoutez Sénèque parlant à Lucilius : Vous itir demandez ce que
320 MONDE.
vous devez éviter? Ja foule. Vous De vous abandonnerez jai
impunément à elle. Quant à moi, j'avoue ma faiblesse, je n'en sur:
jamais avec les bonnes habitudes que j'y ai portées. Je reviens plus
avare, plus ambitieux, plus enclin au luxe et aux plaisirs; le
dira:s-je ? plus cruel et plus inhumain, et tout cela parce que je me
suis trouvé au milieu des hommes (1).
Nul d'entre vous, dit Sénèque, ne peut résister au mouvement
impétueux des vices qui arrivent avec un si terrible et si nombreux
cortège. Un familier habile énerve et amollit peu à peu; un voisin
riche irrite la convoitise ; un mauvais compagnon communique ses
vices même au plus candide (Epist. ad Lucil. ).
Quelques personnes me suffisent, dit Démocrite; une est assez, et
il ne me déplait pas d'être seul : Satis mihi sunt pauci; salis est
vnus, satis est nullus ( Plutarch. ).
tmsse nvcm ^ sagesse de ce monde est folie devant Dieu, dit le grand Apôtre :
Sapienlia hujus mundi stultitia est apud Deum (I. Cor. ni. 19 ).
•T La sagesse du monde est folie; car avec sa prétendue
sagesse , le monde ne goûte pas les vérités du salut et les choses
divines
2" Elle est folie; car Dieu n'a pas voulu s'en servir pour annoncer
/Evangile et le faire triompher; mais il a pris pour apôtres des
hommes qui y étaient complètement étrangers. C'est ce quo dit saint
Paul : Il est écrit : Je perdrai la sagesse des sages, et je réprouverai
la prudence des prudents. Où est le sage? où est le docteur? où est le
conquérant de ce siècle? Dieu n'a-t-il pas changé en folie la sagesse
de ce monde? Parce que dans la sagesse de Dieu, le monde n'a point
connu Dieu par la sagesse , il a plu à Dieu de sauver par la folie de
la prédication ceux qui croiraient en lui. Les Juifs demandent des
prodiges et les Grecs cherchent la sagesse. Quant à nous, nous prê-
chons le Christ crucifié, le Christ scandale pour les Juifs, folie pour
les Grecs ; mais pour les élus, Juifs et Grecs, la vertu et la sagesse
de Di m ; parce que la folie de Dieu est plus sage et sa faiblesse plus
forte que les hommes. Car voyez, frères, ceux qui sont appelés parmi
vous : il y a peu de sages selon la chair, wu de puissants, peu de
(1) Qni.l lihi rifandum pr.Tcipuf r\i«timem, qurcris? turbam. Nnmquam illi tnto
te commù ' " certe conflteor imbecillitatrm mcam, nnnqi m mores qaos
txtnli, rciVrn. Avarior redeo, ambHiosior, luxuriosior; imo vero crudelior et ..îhw
manior, quia iiiter homines fui [Epist.).
MONDE. 321
s; mais Dieu a choisi ce que le monde a de simple pour con-
i ii iv 1rs sages; ce qu'il y a de faible, pour confondre les forts; ce
qu'il a de bas, de méprisable, et ce qui n'est pas, pour détruire ce
qui est (I. Cor. i. 19. 28).
3> La sagesse du monde est folie; car souvent cette sagesse
est opposée aux dogmes, à la morale et aux œuvres de la foi. Vou-
lant tout comprendre et tout expliquer par les seules lumières de la
faible et aveugle raison, elle nie la révélation, l'incarnation, la
rédemption , et plusieurs autres points delà doctrine chrétienne?...
Dieu a parlé, elle nie ce fait Dieu a ordonné de croire à tel et tel
mystère, elle le nie encore Elle vajusqu'à nier Dieu Et quelle
est ia sagesse du monde appliquée à la morale et à la conduite? Le
monde n'enseigne-t-il pas une morale contraire à la morale de J.C.?
J. C. dit : Heureux les pauvres; heureux ceux qui pleurent; heu-
re ux ceux qui ont le cœur pur; heureux ceux qui souffrent! (Matth.
v. ) Le monde dit : Heureux les riches; heureux ceux qui rient;
heureux ceux qui se plongent dans les plaisirs impurs; heureux ceux
qui iront rien à souffrir J Voilà deux morales bien contraires. Qui
est-ce qui se trompe, de J. G. ou du monde? Ah! Ton connaît l'arbre
à ses fruits. Voyez quelle différence existe entre le sage selon J. G.,
et le sage selon le monde
Tous les philosophes, qui se sont vantés de connaître seuls le&
principes de la sagesse et qui ont voulu les enseigner , n'ont fait
que des dupes et des malheureux; ils ont entassé des ruines. Leur
sagesse n'a été qu'une dangereuse folie et un fléau public. Se disant
sages , ils sont devenus insensés , dit le grand Apôtre : Dtcentàs se
esse sapientes, stulti f'acti sunt (ïk>m. I. 22;.
Je vous laisse la paix, dit J. C. à ses apôtres , je vous donne ma paix; n n'y a pas
je vous la donne non comme le monde la donne : Paeem relinquo ^/mon'ia"'"
voiis , pacem rneam do voôis : non quo/uodu mundus dat, ego do vobis
( Joann. xtv. 27).
Jamais le monde n'aura la véritable paix de l'âme; car 1° il fuit
ce qui la lui donnerait : la pratique du bien, l'obéissance à la loi de
Dieu... ; 2° il cherche ce qui la détruit : les richesses , les honneurs ,
la volupté, la satisiaction de sa volonté qu'il met à la place de cetUe
de Dieu.
Le Seigneur ne se trouve pas dans l'agitation et le tumulte , dit
l'Ecriture : Non m coinmoiione JJominus (III. Keg. xix. il j. Or, le
m. 21
322 MONDE.
monde ne cesse d'être dans cet état; il n'a donc point la paix, ni le
Dieu de la paL\
Il n'y a pas de paix pour les impies, dit le Seigneur : Non est pax
tmpiis (Isai. xlviii. 22). Or, se rencontre-t-il des hommes pieux
engagés dans les rangs du monde?
Vie criminelle Égoutez saintPaul :
et corrompue ■i-'1- -^ *■■"»■
uu monde. Plusieurs, je vous l'ai dit souvent, et je vous le relis en pleurant,
plusieurs marchent en ennemis de la croix du Christ ; leur fin
B3ra la perdition; ils se sont fait un Dieu de leur ventre ; ils se glo-
rifient dans leur propre honte, et ils n'ont de goût que pour les
choses de la terre : Mulii ambulant quos sœpe dicebam vobis nunc autem
et ftens dico , inimicos crucis Christi : quorum finis inleritus ; quorum
Deus venter est, et gloria in confusione ipsorum, qui terrena sapiunt
(Philipp. m. 18. 19).
Le monde est adultère, et celui qui aime le monde l'est aussi ; car,
en donnant son àme au monde, il l'enlève à J. C. dont elle devrait
être l'épouse Au lieu de s'appliquer à connaître, à aimer et à
servir Dieu, les mondains s'efforcent de connaître, d'aimer et de
servir le monde. Pour lui plaire , ils méprisent la loi de Dieu et
Dieu lui-même
Sodôme a été le type du monde; et comme Lot s'éloigna de cette
ville, nous devons nous éloigner du monde, si nous ne voulons être
compris dans ses châtiments.
Comment le monde ne serait-il pas corrompu, puisque, d'après
l'apôtre saint Jean , tout ce qui est dans le monde est convoitise Je
la chair, convoitise des yeux, et orgueil de la vie (I. n. 16). Le
monde, dit encore cet apôtre, gît tout entier dans le mauvais:
Mundus totus in maligno positus est (I. v. 49).
l"Le monde, les mondains, appartiennent nu mauvais; ils sont
opprimés par le misérable et tyrannique pouvoir du démon ; courbés
sous son sceptre , ils mènent une vie impure , souillée, criminelle,
icandaleuse et diabolique. 2° Ils appartiennent au mauvais, parce
qu'ils se trouvent livrés à la malice du péché et sont la proie de la brû-
lante concupiscence, qui les sollicite et les porte à tous les crimes
3° Le monde appartient au mauvais, parce que tous les hommes nais-
sent dans le péché 4° Il appartient au mauvais, c'est-à-dire aux
ténèbres, aux écueils; il occupe un lieu étroit, dangereux, semé de
pré ipices Cette expression signifie aussi que les mondains ont
i n cœur mauvais, stérile , semblable à un terrain couvert de pieoes
MONTE. 323
et de ronces, qui ne produit aucun bon fruit et que la culture
}, Ils ont un cœur mauvais , c'est-à-dire dur, morose,
avare, qui ne se donne jamais à Dieu, qui ne fait rien pour l'attirer
recevoir; un cœur ennemi de la justice, astucieux, animé de
its diaboliques Le monde, dit le Prophète royal, s'est
.'ans la murt qu'il a préparée : Infiscœ suni gentes in interitu
fecerunt (ix. 16).
mour du monde mène à tous les vices, à tous 'es excès
Celui-là se trompe, qui croit pouvoir connaître ]a vérité, tandis
qu'il vit dans l'iniquité, dit saint Augustin; or, vivre dans l'ini-
quité, c'est aimer le monde, c'est attacher un grand prix à ce qui
naitetqui passe, c'est le désirer, travaillera se le procurer, se
n'j uir de l'avoir en abondance, craindre de le perdre et s'affliger
Vil est perdu (1).
La terre que nous avons parcourue dévore ses habitants, dirent
avoyés de Moïse à ce chef du peuple de Dieu : nous y avons
vu des monstres : Terra guam lustravimus dévorât habitores suos; ibv
vide mus monstra (Num. xm. 33-3-4). Ainsi pourraient parler à bien
plus juste raison ceux qui ont étudié le monde et qui savent ce qui
s'y passe.
Saint Bernard appelle le monde : une étable, le chemin que sui-
vent les pécheurs , une prison , la demeure de Satan , une nuit
épaisse , un champ d'épines , une croix; il ajoute qu'on ne peut s'y
fier ; que le monde aime le néant; qu'il est mu par le souffle de la
vanité, et qu'il est l'ennemi de Dieu (2).
Le monde est tellement porté au crime qu'il dénature tout, qu'il
fc tout. 11 attaque les dogmes sacrés de la religion par ses
[ ses négations 11 corrompt la morale par ses enseigne*.
i. ;ontraires à la vertu et aux mœurs Il foule aux pieds '«
en le méprisant^ et un jae donnant aucun signe de foi et de
pi
Le blaspnème, le mensonge, l'homicide, le vol, l'adultère, ont
inonde ia terre, et le sang s'y est mêlé au sang, dit le prophète
Errât quisquis putat veritatem se posse cognoscere, cum adhuc nequiter vivat,
itia autem est îmindum istum diligere , et ea quac narcuntnr et transeu.it pro
o babere, et ea coiicupiscere, et pro his laborare ut acquirantur , et ' .m
i d. et timene ne pereaut, et contristari cum pereunt ( De Mûrib.);
cerem, atrium diaboli, noctem, plenui
le vanilatis impuisum, inimicam Deo
324 MCOT)E.
Osée : Malediclum, et mendacium, et homicfàitm, et furtum, et adulte-
rlum inundaverunt, et sanrjuis sanguinem tetigit (rv. 2).<
Les mondains, dit la Sagesse, ont immolé leurs enfants, ils se sont
li\rés à des sacrifices ténébreux, ils ont des veilles pleines de folie.
Ils ne respectent plus la vie de ceux qui sont à naître, ni la sainteté
du lit nuptial; ils se tuent par jalousie ou se contristent par l'adul-
tère. Tout est mêlé et confondu, le sang, le meurtre, le vol, la four-
1. ri.-, la corruption, l'infidélité, le trouble, le parjure, la persécution
«les justes, l'oubli de Dieu, la souillure des âme*, l'avorteraent, le
rdre dans le mariage, et les dissolutions de l'adultère et de l'im-
pudicité. Leurs joies sont de la folie; ils émettent des pré iictions
que l'événement ne confirmera jamais; ils vivent dans l'injustice et
se butent de se parjurer Mais la peine du péché accompagne tou-
jours la prévarication des méchants (I).
tvnut Anselme étant un jour ravi en extase , vil; un fleuve
immense, d'une rapidité sans exemple, dans lequel roulaient toutes
les immondices de la terre; tellement qu'il était impossible de
trouver rien d'aussi fétide, d'aussi empoisonné, d'aussi dégoûtant.
e lieu\e était plein d'hommes, de femmes, de riches, de pau-
. que ses eaux noires et bourbeuses avaient surpris, saisis, et
qu'elles faisaient rouler comme des pierres; et tous se nourrissaient
de cette fange infecte, et buvaient de cette eau de cloaque, à satiété,
lient. Le saint ayant demandé quels étaient cet abomi-
nable fleuve et ceux qui le re nplissaient, il lui fut dit que ce fl uve
était le mon Le, et que ceux qui s'y trouvaient plongés étaient les
amateurs et les adorateurs du monde ( Surius, in ejus vita).
!| le Lï monde , dit saint Cy/prien , sourit pour sévir, il flatte pourtrom-
pi i . m caresse pour tuer, il élève pour abaisser; comme s'il voulait
ci cruel. recueillir une sorte de bénéfice de ^exercice du mal , il prélève en
tourments sur les siens une usure d'autant plus forte qu'ils ont reçu
plus d'honneurs et de dignités (2).
(1) Filios snos sacrificantes , aut obscurs saerifiria facîentes , aut irisante ploti.is
vigiuaa inl.ni . n que vitam, neque naptiasmundasjam custodiunt; sedalius alium
per invid ûm occi lit , aut adultérant contristat t et omnia commiBta nuit , sanguis,
hooiicidium, furtum et ftctio,corruptioe1 infidélités, turbatio et perjurium, tumultus
inmemoralio, anùnarum toquinatio, oalivitatis immulatio, nupUaruro
inconstantia, inordinalio uiœchiœ et impudicitiœ Dum lstantur, insaniunt: aul
' ■ > i.inU'ilo Sed peccauliuiu nœu?
mper iajuslorum prsvari Sap. xiv,38-S8. 31).
ci iu uu Jus ut bdi\iat, blauu.luc ut (allât, illicit ut occidat, eitollit ut
MONDE. 323
Tout, dans l'amour du monde, est nuisible, dit saint Léon : m
dilectione mundicuncta sunt noxia (Serm. y de Jejun.).
Le monde est tout plongé dans la malce des trahisons et deâ
cruautés, dit saint Jeau (I. v. 49). 11 trahit par les biens, par les
honneurs, par les plaisirs qu'il procure, par ses promesses, ses
éloges, ses flatteries , et même par ses menaces Il n'a jama's
fait que des dupes, des malheureux , des victimes Le monde,
c'est la sirène qui chante, qui attire et qui endort, afin de conduire
à l'écueil Il s'arme d'appâts et de hameçons empoisonnés pour
taire goûter au crime et exterminer
De deux choses l'une, dit saint Augustin, ou le monde se joue
de nous, ou nous nous jouons de lui ; ou il nous méprise, ou nous
le méprisons : Iste mundus, aut ridet nos, aut irridetur a nobis; aut
despicimur , aut contemnimus (Serm. LvdeTemp.).
Le monde est le séjour des imposteurs et des traîtres
0 siècle méchant et cruel, s'écrie saint Bernard, ô siècle qui ne
sait rendre heureux ses sectateurs qu'en en faisant des ennemis
jurés de Dieu ! O seculum nequam, quod solos tuos sic soles beare ami-
cos, ut Dei facias inimicos! (Epist. cvn. )
Ta demeure , ô mondain , est au milieu de la ruse , dit Jérémie :
Habitatio tua in medio doli (ix. 6).
La grandeur , la richesse , la caressante volupté , voilà la trinifé
que reconnaît le monde , dit un poëte :
Ambitiosus honos, et opes, et blanda voluptas,
Haec tria pro trino nuraine mum'.us habet.
Considérez l'usage affreux du monde. Il enrichit ceux-ci pour
dépouiller ceux-là; s'il donne à l'un, il plonge l'autre dans la
misère. Celui-ci ne peut être dans l'abondance qu'autant que celui-
là meurt de faim ; ainsi le dernier porte envie au premier et le
maudit. Le soleil n'éclaire un hémisphère, qu'après avoir plongé
l'autre dans les ténèbres; une pompe n'élève une certaine quantité
d'eau, qu'en en refoulant une autre : ainsi, dans le monde , nul ne
brille sans qu'un autre rentre dans l'obscurité; nul ne s'élève
sans qu'un autre ne soit abaissé
Au contraire, Dieu est riche pour tous les homme-. Aussi
Psalmiste dit-il du juste qui le sert : La gloire et les iche c-
déprimât : frenore quorlam nocendi, quam fuit amplior summa dignitatis et hono-»
rum, tam major exintur et usura pœaarum (Epist, ad Donat.),
326 movto.
abondent dan? cn mar?on: sa justice subsistera dans tons ïftè
sa force sera couronnée de gloire : Gloria et o domo ejus; et
justifia ejv.smanet in seculum seculi Cornu ejus exoltabltur in gloria
(cxr. 3. 9). Et ailleurs : Espérez dans le Seigneur, et faites le bien;
habitez la terre , et nourrissez- vous de ses richesses. Mettez vos
délices dans le Seigneur, et il remplira les désirs de votre cœur.
Appelez les regards du Seigneur sur la voie que vous suivez, et
espérez en lui, et il agira lui-même; et il fera briller votre justice
comme un flambeau, et votre innocence comme le jour à sod
midi (1).
La sagesse de ce monde, dit saint Grégoire, consiste a cacher -par
mille inventions ce que l'on a dans le cœur, à voiler ses sentiments
sous des mots, à faire passer pour vrai ce qui est faux, et pour faux
ce qui est vrai. Le monde nomme urbanité 'la perversité de ^esprit.
Il invite à chercher le faite des honneurs, à se réjouir du vain éclat
de la gloire qui passe, à rendre avec usure le mal que l'on a reçu
des autres, à ne jamais céder à quiconque résiste. Au contraire, la
sagesse des justes consiste à ne rien cacher sous de faux dehors, à
se servir de la parole pour manifester sa pensée, à aimer ce qui est
vrai tel qu'il est , à éviter la fausseté, à faire le bien sans espoir de
récompense, à supporter le mal plutôt que de le commettre, à ne
jamais chercher à se venger d'une injure et à regarder comme un
gain les affronts endurés pour la vérité. Mais on tourne en ridicule
cette simplicité des bons, parce que les sages du monde re gardent la
pureté de vie comme une folie. Ils ne manquent pas de nommer
sottise toute action faite avec une intention droite (2).
Que de trahisons et de cruautés s'exercent dans le monde par la
peu ir, par la parole, par les regards, les actions et
!es(
(1) Spera in Domino et fac bonitatem, et inbabita terram , et pasceris in divitiis
ej':.:. Uelcctarc in Domino, et daliit tibi petitiones çordia tui. Révéla Domino \iani
tnam, ctspcra i;. l quasi lumen justitiam tuam, et judi-
cium lnuin tain; em 'l'ail. XXXVI. 8 ).
(2) IIuji! ror nmchinalionibuG tecrere, sensum verbis velare,
, trarfc. Menti
urbanitas vocatur. Prscipit bonorura culmina qtuerere, adepta temporalis
vanilate gandere, ab nliis m la >re, nnllia n
ccJero. At eonixa sapientia justorum est, nihil per ostentionem fingera, sensum
P> "' a ml d rnala liben-
tlus tolérai :re, nullara , pro veritatc
liam lucrum pnl loi-um sini] r, quia ab hujus inund
sapieptibua pin: enim quod îunocentor agitu
; icul dubio stultum putalur (Lil>- . c xxvu).
MONDB. 327
Comment le monde ne serait-il pas traître et cruel? Il promet le
bonheur à tous ses sujets, et l'on ne voit parmi eux que des
larmes , etc. Qu'a~t-il fait, depuis six mille ans, de ceux qui l'ont
aimé? quelles récompenses îeura-t-iî accordées? une vie misérable,
une mort dans le désespoir, l'enfer dont les tourments sont éternels.
Jamais le monde n'a sauvé une seule âme. 0 trahison î ô cruauté !...
Dans le monde , tous cherchent leurs intérêts, et non les intérêts de Egoïsmt
J. C. (qui sont aussi ceux du prochain), dit le grand Apôtre : Omnes
quœ sua sunt quœrunt , non quœ sunt Jesu Christi (Philipp. n. 21 ).
Le monde agit toujours dans son intérêt; il ne voit que cela. La
charité est entièrement morte en lui L'égoïsme règne partout
On ne rencontre pas de désintéressement On voit peu d'aumônes
et peu de secours accordés au prochain Un service rendu est
souvent reproché Les riches eux-mêmes prêtent à usure, et la
confiance n'existe pas
O soucis des hommes, s'écrie saint Jérôme, ô quel néant est au fond Soucis
des choses! Une seule pensée donne le bonheur, c'est dépensera i^hommesdu
Dieu: O cv.ras hominum , o quantum est in rébus inane! Una cogitai io monde.
felix est, cogitare de Domino (In Psal. xcni).
Le monde court de désir en désir , dit Cassioclore ; voilà le cercle
que les impies sont condamnés à parcourir : De desiderio in deside-
rium mundus currit : hic est circuitus impiorum (Tract, de Amicit.),
Mon Dieu , dit le Psalmiste , infligez aux princes du monde le sort
d'une roue : Deus meus, poneillos ut rotam (lxxxii. 14 ).
Je crois , dit saint Augustin, je crois qu'on a comparé le monde à
un moulin , parce qu'il est emporté par la roue du temps et qu'il
broie ceux qui l'aiment : Molendinorum puto dictum mundum, quia
rota quadam temporum volvitur, et amatores suos conterit (In Psnl.
xxxvi, conc. î).
Dans ce monde, on va, on vient, on avance , on recule; on est
toujours agité; on achète, on vend , on fait des perles; on s'afflige,
on se désespère. Le monde est un marché continuel dont le démon
la place : on lui vend son âme, il donne l'enfer en échange :
tous les hommes se vendent, l'un à l'avarice, l'autre à l'orgueil, un
:meà l'impureté; celui-ci se fait le serf de tel ou tel état, cet
autre du négoce, plusieurs du barreau, un grand nombre des travaux
de la terre. Tous . 's par les soucis. Soucis pour le. cap.-;,
pour l'âme; soucis pour le temps, oubli pour l'éternité; soucis
328 MONDE.
pour un néant, oubli pour des devoirs sacrés et pour la seule chose
nécessaire, qui est le salut
Misère Les liens du monde, dit saint Augustin, nous procurent une
souffrance réelle et une joie qui trompe, une douleur certaine et un
plaisir incertain , une crainte accablante et un repos inquiet, la
plénitude de la misère et un vain espoir de bonheur. Et c'est dans
ces fers que vous introduisez vos pieds et vos mains! Les biens tem-
porels que nous attendons ne cessent d'enflammer nos désirs, ceux
qui nous arrivent nous corrompent, ceux qui passent et nous échap-
pent nous torturent. Quand, on les désire, ils brûlent; quand on les
possède, ils perdent leur prix; quand on les perd, il n'en reste
rien (l).
Comparée à la vie éternelle, la vie présente mérite le nom de
mort plutôt que celui de vie, dit saint Grégoire : Temporalis vita3
œternœ vitœ comparata, morsest potius dicenda quam vita ilïoiuil. XXXVII
in Evang.). Cette vie n'est autre chose qu'une longue mort
Dans ce monde, partout la mort , partout des larmes , partout la
désolation, dit le môme Père: Ubique mors, ubique luctus , ubique
desolatio. Nous recevons de toutes parts des blessures , ajoute-t-il; de
toutes parts nous sommes abreuvés et rassasiés d'amertume: et
cependant notre âme, aveuglée par la convoitise de Ja chair , s'atta-
che aux faux biens du monde; nous les poursuivons lorsqu'ils -
gnent; lorsqu'ils menacent de disparaître » nous nous attachons à
eux plus fortement. Et ne pouvant retenir ce. qui non- échappe,
nous tombons et disparaissons avec eux, lorsque 1 temps nous l'ait
aussi défaut (JSomil. xxvm m Evang. }.
Dai K'3 morts, dit saint Augustin, on ne trouve que
travail, douleur, crainte, Iribulai . iissements, soupirs :In
regione mortuorum, labor, lolor, timor, tribulatio, gemitus, suspirium
(In Epist. S. Jacohi). Dans le monde, dit en rand docteur,
on n'a que des jours mauvais; avec Dieu, ils sont tons 'unis:
Souper l in seculo , so/' iu Deo (Ut supra).
Le mont le. est une terre inculte , sans roule H sans eau, dit le
Psalmiste : Terra déserta, invia çtinaquosa (i.xir. 3).
(1) Yincula liujus mundi BSfleritatein habent veram , jucunditatem falsam; corMini
dolorem , incertain voluptatem; durum limorcm, timidam quielcm; rem plenam
riae, epem beatitudiois inanem. His , tu nianus cl i iralia
bona non cessant nos inflaoïmare veulur i, coi i umpere ven cnlia, lorquere Ira
tia; concupit-.i îi adejfU) Yilescunt, ara uni (Epist. .\i..
MOWDB.
32H
Dites aux hommes du monde de prier, de penser à leur salut ;
ils n'ont pas le temps, répondent-ils. 0 misère et esclavage!...
Lorsqu'il a été dit au démon : Tu mangeras la terre, il a été dit au
pécheur : Tu es terre, et tu retourneras en terre, dit saint Laurent
Justinien. Ainsi le pécheur a été donné en nourriture au démon. Ne
soyons pas terre, si nous ne voulons devenir la nourriture du
serpent (I).
Saint Bernard appelle le monde la demeure du démon : Atrium
diabtli (Serm. in Psal. ).
J. G. appelle le démon le prince de ce monde : Princeps hujub
mundi ( Joann. xn. 3). Saint Paul le nomme le dieu de ce siècle :
JDeus hujus scculi{ll. Cor. iv. i).
Le monde est sous l'empire du mauvais, dit l'apôtre saint Jean
(I. v. 19). Il est sous sa cruelle et tyrannique domination....
Le monde a pour roi, pour père, pour guide le démon; mais ii
l'aura aussi pour rémunérateur. En récompense de la fidélité avec
laquelle les mondains ont prêté l'oreille à ses paroles , lui ont obéi,
et l'ont servi, le démon leur donnera le désespoir, les flammes éter-
nels et les grincements de dents
Le démon est
le roi cl le
tyran
du monde.
Aimez-vous Dieu, dit saint Augustin, vous marchez sur les eaux;
la crainte que connaît le monde est sous vos pieds. Aimez-vous le
monde, ii vous engloutira; car il sait dévorer ceux qui l'aiment et
non les porter (2).
Tous les jours du monde sont voués au malheur, dit encore samt
Augustin (Serm. xuide verbis Dom. ).
Malheur au monde, dit J. C. ! Vœ mundo! ( Matth. xvin. 1. )
A mesure que les souffrances et les épreuves endurées pour J. C.
augmentent, les consolations augmentent aussi. Au contraire, les
soufi'rances et les épreuves endurées pour le monde sont du fiel sans
une goutte de miel ; plus elles deviennent fortes et nombreuses,
plus les chagrins, les angoisses, les malheurs se multiplient et
do'N i nnent accablants.
0 aveuglement 1 le monde ne donne que des souffrances et des
(1) Quandn dirtnm est diabolo : Terram manducahis. diotum est peccatori : Terre
es, et in terrain ibis. Datus est ergo in cibiitn diabolo peccator. Non simus terra, s.
neiumus manducari a serpente ' Lib. de Ligno vttœ).
(2) Amas Deum, ambulas super mare; sub pedibus tuis est limor sceuli. Amas
seculum , absorbebit te; amatores suos vorare novit, non portare (Serm xiu dt
yarlis Dom< w Matth.),
Malheurs qui
sont le par-
tage du
monde.
330 MONDE.'
maux, et on l'aime; Dieu De donne que des consolations et des biens,
et on L'oublie, on le hait !...
Malheur, malheur, malheur aux habitants de la terre, dit le
Seigneur dan? l'Apocalypse! Vœ, va), vœ habitant ibus in terra!
(mi. 13) '-"- lire malheur aux hommes moulai ns et charnels
qui s'attachent de cœur et d'àme à la terre et aux créatures !...
Gardez-vous , dit Eusèbe , gardez-vous de croire qu'il faille atten-
dre quelque félicité dans l'arène du monde, où nous avons été voyés
pour combattre : Cavete ne in arena mundl, in qna ad subeundos atjdnes
missi sumus . aliquam felicitatemexspectandam putetis ( In Chronic. ).
La terre pleurera; tout ce qui l'habite languira, dit le proj '
Osée : Lvgebit terra, et infirmabitur omnis qui habitat in ea [ iv. 3 ). 11
est inutile de dire que le prophète parle ici du monde et de ceux qui
ont voulu s'y prépares une demeure.
( Voyez la fin du § Le monde est plein d'erreurs et de mensonges,
p. 315. )
ïi n'y a .(ne Si le monde vous plaît, dit saint Augustin, c'est que vous v
toujours vivre dans l'impureté; s'il ne vous plait pas, puisse celui
qui purifie habiter en vous, et vous deviendrez pur : mais si vous
êtes pur, vous ne demeurerez pas dans le monde (1).
Aimer ce qui souille et ce qui rend vicieux, c'est être souill
corrompu. Le monde invite a satisfaire toutes les concupiscences et
toutes les passions; il pousse à tous les excès i
êelui qui l'aime et qui l'écoute est donc mille, plongé
dans la l'ange cl la boue
Ceux qui II y a une grande différence entre sortir du monde et sortir do la voie
le monde du bien (2) : autre chose est d'aller à un père; autre chose, d',
Dériront. ]vnnemi. Les Egyptiens sortirent, car en poursuivant Je peuple de
Dieu, ils ne demeurèrent pas en Egypte : cependant ils ne passèi ut
(1Ï Pi (Mertat te iriundus, sempor vis esse îmnrandns : pi antem jam non te dcle
:tat Me muadui, hnbitet in te qui mandat, et cris mnnd wn fuerismundus,
non maoebis in mi kviii).
(?) Ici saint Au acceptions binn différentes du mot latin
mand par notre substantif
peut
io du
bien, ne a retenu
iteoant il . retrouva
employé que dans son né
.. .itions nous ont semblé nécessaires pour bien faire comj-,
innné ici.
MONDB. 331
pas de la mer à la ferre promise; mais lis pas=èrent de la mer à l'ex-
termination (Tract, xxxvm). C'est ce qui arrive aux mondains, ils
passent du monde à la mort éternelle Ils ont le sort des habitants
de Sodôme. Leurs passions et leurs crimes retombent sur eux comme
une pluie de feu et de soufre, leur enlevant la vie spirituelle et le3
ensevelissant dans le lac enflammé que leur a préparé la colère
de Dieu.
La croix est la voie de la vie; le monde, la voie de la ruine, de
la perdition et de la mort : celui qui le méprise arrive à la vie
Le monde écrase ceux qui l'aiment, dit saint Augustin* Amatores
suos content ( Tract, xxxyiii ).
Je ne prie pas pour le monde, dit J. C. à son Père : Non pro mundo Dieu a maudit
rogo (Joann. xvn. 9). J. C. abandonne donc le monde à son sens l'abandonne!
réprouvé : or, que fera le monde sans Dieu?...
Ne savez-vous pas , dit l'apôtre saint Jacques , que l'amour de ce
monde est ennemi de Dieu? Quiconque veut être ami de ce monde,
se fait donc ennemi de Dieu : Nescitis quia amicitia kujus mundi
inimica est Dei? Quicumque ergo voluerit amicus esse seculi kujus, ini-
micus Dei constituitur ( iv. A ).
Dieu et le monde sont ennemis. Le monde abandonne Dieu , Dieu
l'abandonne Le monde outrage Dieu, Dieu le maudit
N'aimez point le monde, dit l'apôtre saint Jean, ni ce nui est dans
le monde. Si quelqu'un aime le monde , l'amour du Père n'est point;
en lui : Nolite diligere mundum , neqve ea quœ in mundo sunt. Si quis
diligit mundum, non est caritas Patris in eo ( I. n. 15 ).
Nul, dit J. C, ne peut servir deux maîtres; car, ou il aimera l'un On ne peui
et haïra l'autre , ou il sera docile à l'un et méprisera l'autre : Nemo cïïe monde.
potest duobus dominis servire; mit enim unum odio habehit , et aiterum
diliget ; aut unum sustinebit, et aiterum contemnet (Matth. yt. 24).
Nul ne peut en même temps embrasser Dieu et le siècle, dit
pire : Nemo potest Deum simul amplecti et seculum ( Homil.
xxxvn in Evang.). Aussi saint Paul recommande-t-ilcle ne pas vivre
selon le siècle : No7ite conformait huic seculo ( Rom. xn. 2 ). Si je plai-
sais encore aux hommes, dit ce grand apôtre, je ne serais point 1
serviteur du Christ : Si adhv.c hominibus placerem , CJiristi servus
non essem (Gai. i. 40). Ce qui m'était un gain, d it- il encore 3
l'ai regardé comme une perte à cause du Ch si. Et même j'estime
que tout est perte , près de la science suréminente de J. C. mou
332 HONTE.
Seigneur , pour qui je me puis dépouillé de toutes choses, et les
regarde comme du fumier, afin de gagner le Christ (t).
Deux amours ont fait deux cités, dit saint Augustin : l'amour de
•Jieu jusqu'au mépris de soi-même, a fait la cité de Jérusalem;
famour de soi jusqu'au mépris de Dieu, a fait la cité de Baby-
Jone (2).
L'amour du monde et l'amour de Dieu , dit le môme docteur, ne
peuvent habiter ensemble dans un cœur; de même que les mêmes
yeux ne peuvent en même temps se lever vers le ciel et s'abaisser
vers la terre (3) .
L'amour du monde engendre et fait naître la haine de Dieu
Dieu ne répand le parfum de ses grâces que dans une âme libre,
pure, qui évite avec soin les souillures du monde, et qui s'attache à
lui seul
Méprisons, dit saint Cyprien, méprisons tout ce qui est sous le ciel,
comme léger, trompeur, vain et indigne de notre amour : Quidquid
quod sub cœlo est, tanquam levé, fallax, inane, et amore nostro indi-
gnum, despiciamus (Lib. I de Hab. Virg. ).
Qu'importe la terre à celui qui possède le ciel! dit saint Pierre
ChrysoJogue. Qu'importent les choses humaines à celui qui a goûté
aux choses divines! à moins qu'il n'y ait du charme à gémir, que
le travail et la peine ne soient à choisir, que les dangers n'aient de
l'attrait, qu'une mort très-mauvaise ne fasse plaisir et qu'endurée
le mal ne suit plus agréable que jouir du bien! (4)
La patrie de l'homme est partout et nulle part sur la terre , dit
saint Grégoire de Nazianze : Nobis omnis terra, et nul/a terra, patria
e#(Orat. x). Un grand principe de vertu, dit Hugues de Saint-Victor,
c'est que l'âme exercée peu à peu, méprise d'abord tout ce qui est
visible et transitoire , alin de pouvoir l'abandonner ensuite. Celui
(1) Qiuc milii fuerunt lucra , bec 'arbitratus buid propter Christum détriments.
Verumtamen existimo omnia detrimentum esse, propter eminenlem scientiara Jesu
Cluisti Domini moi ; propter qoem omnia detrimentum Feci, et arbitror ut Btercora,
ul Christum lucrif.uiam (PBUipp. m. 7.8).
(2) Feccrunt civilates duaa amores duo, civitatem Jérusalem amor Dei usque ad
enntemptum sui; ci\itatem Babjlonem amnr sni usque ad contemptum Dei (Lib. XIV
' . C. XXVIll).
(3) Mundi ainor et DiVi pariter in un<> corde cohabitara non possunt , quemndmo-
duiu iidem oculi cœlum pariter et terrain nequaquam aspiciunt [Gradu. vu. lib.
de Duodecim Abusion.).
(*; Quid ergo cum terra illi qui poaaidct cœlum? Quid i'.li cum ha mania qui
adepîus est jam divioa? Nis, forte placent gemitus, eliguntur labores, placent peri-
mIj, pessima mors détectât, et lllala mala bonis snnt graliora roilatis [$erm, vu ).
MONDE. 333
à qui son pays pîait est encore faible; celui à qui toute contrée
convient est fort ; mais celui pour qui le monde est un exil , est
parfuit. Le premier a encore son cœur clans le monde; le second
lui donne une certaine impulsion; le troisième l'a tué au dedans de
lui-même (Instit. Monast., c. vin).
Si vous le voulez , dit saint Augustin, vous serez le ciel. Si vous
voulez être le ciel , chassez de votre cœur tout ce qui appartient à la
terre. Si vous ne vous abandonnez pas aux convoitises de la terre,
et que ce ne soit pas en vain que vous répondiez que vous avez
élevé votre cœur, vous serez le ciel. Si vous êtes ressuscité avec le
Christ, cherchez ce qui appartient à la région supérieure oùleChrist
est assis à la droite de Dieu; ayez du goût pour les choses du ciel,
et non pour celles de la terre. Vous avez, dites-vous, commencé à
préférer les choses du ciel à celles de la terre ; en ce cas , n'êtes-vous
pas devenu le ciel? Vous portez le fardeau de votre corps, mais
votre cœur est plus haut,, vous êtes le ciel; car votre vie sera dans
les cieux (1).
Tous les chrétiens doivent être morts au monde et crucifiés avec
J. C; ils doivent être morts aux pompes et aux œuvres du monde,
afin que le christianisme soit l'image de la croix, et que le chrétien
ressemble à J. C. attaché sur cet arbre sacré. Tous nous avons
promis cela au saint baptême ; nous devons être comme saint Paul
qui dit : Pour moi, à Dieu ne plaise que je me glorifie, si ce n'est
dans la croix de Notre-Seigneur J. G. , par qui le monde m'est cru-
cifié , et moi au monde : Mihi autem absit glonari , nisi in cruce
Domini nostri Jesu Christi ; per quem mihi mundus crucifixus est , et
ego mundo (Gai. vi. 14).
Prêtez l'oreille aux paroles de saint Grégoire : Il vivait, dit-il, mais
non de la vie du monde, ie grand apôtre qui parlait ainsi : Je vis;
ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi : Vivebat, sed
non mundi vit a , qui dicebat : Vivo , jarn non ego , vivit vero in me
Christus (In Epkt. ad Gai.).
Oh! que la terre me parait vile lorsque je regarde le ciel, s'écriait
(1) Tu, si vis, cœlum eris. Si vis esse cœlum, purga de corde tuo terram. Si terre-
nas concupiscenlias non habueris, et non frustra responderis sursum te Labere cor,
cœlum eris. Si resurrexistis cum Ghristo , quœ sursum sunt quœrite, ubi Christus est
in dextera Dei sedens; quce sursum sunt sapite,non quœ super terram. Cœpisti sapere
qua) sursum sunt, et non quse super terram. nonne factus es cœlum? Carnem portas,
et cor jam supra, cœlum es. Gonversatio enim tua in cœlis erit {In Psal. xcvij.
but fuir
«e iiiuiiue.
334 MONDE.
•Liât Ignace de Loyola! Quant sordet mihi terra, cum cœlum aspicio!
( tibàdéri. , in ejw vSfà.
S aimez ni le monde ni ce qui est dans le monde, dit l'apôtre
saint Jean (I. n. 15).
Vous aimez la terre, dit saint Augustin, vous serez terre. Vous
a, vous serez Dieu. Si donc vous voulez être des dieux et
=-Haut, n'aimez pas le monde, ni ce qu'il y a dau» le
mon le ^1).
'iuut ce qui est né de Dieu vainc le monde, dit saint Jean ; et la
ù vainc le monde est notre foi : Omne quod natum est ex
Ueo, vincit mundam ; et kœc est Victoria quai vincit inuiidum, /ides
nostra (I. v. A).
Celui qui a passé sur la terre en vrai chrétien, dit saint Augustin,
a méprisé les caresses du monde ; il a résisté à ses persécuti :
i pourquoi, victorieux, il s'est approché de Dieu : Blandicutem
mundum ûûnfeïtipsif, sœvienti non cessit ; ideo victor ad Deum accessit •
(Enchirid.). Ayant suivi l'Agneau, il a vaincu le lion, ajoute-t-il.
Le lion iVémissait, mais le chrétien levant ses yeux au ciel
i'Auneau, foulait ici-bas le lion aux pieds. Il savait pour quelle vie
il méprisait la vie présente; il savait pour quelle félicité il suppor-
tait des maux passagers, et pour quelles récompenses il passait par-
dessus les dommages qu'il lui fallait endurer (2).
Levez-vous, dit le prophète Michée, allez; il n'y a point ici de
rcp«.s pour vous, à cause de l'impureté qui remplit la terre : Sur-
git?, et ite;quianon habetishic requiem, propter immunditiam (n. 10).
Fuyez du milieu de Babylone, dit le Seigneur, et que chacun
sauve son âme : Fugiie de média Babylonù, et salvet unusquisgue
animant suam ( Jerem. li. G).
Lè\ e-ti >i. dirent les anges à Lot, sauve ta vie; ne regarde point der-
rière toi , et ne fanvtc point ' ilivo; mais sauve-
toi dans la montagne, de peur que tu no périsses avec les autres
((Jeu. xix. 15-17).
Fuyez le inonde, dit saint Augustin , 6i vous voulez être pur.
(\) Terrain diligis, terra cris. Deum dtligis, Deus cris. Pi orio wiltis esse dii et
Clii alHssinti, nolite diligeremumlum, neq. lit mundo sont {Tract, il in
nn.).
p | .piia Apnns*
batu ie"
baut pro q ausitoriam tofelWLtateni { flro qUJ il i»ia
«lamua conteraneicut [Encâcrid. ).
MONDE. 335
Fuyez les créatures, si vous vouiez pqssé Vr le Créateur. Que toute
créature vous semble vile, afin que le Créateur devienne les délices
de votre cœur (i).
Le culte pur et sans tache devant Dieu notre père , le voici , dit
/apôtre saint Jacques : se préserver des souillures de ce siècle :
Religio munda et immacuiata apud Deum et patrem, hœc est : imiua-
culatum se custodire ab hoc seculo (i. 27).
Ecoutez saint Thomas d'Angleterre : Le monde, dit-il, n'est pas
pur, car il corrompt ceux qui le sont; comment donc pourra être
pur celui qui reste au milieu du monde ?
Mundus non mundus, quia mundos polluit; ergo,
Qui munet in mundo, quoinodo mundus crit ?
(Ita Surius.)
Si l'on est forcé de vivre dans le monde, il faut : 4° se regarde!' fa^esif'],uoti;ie1st
comme étranger et voyageur forcé de vivre
Nos pères, dit saint Paul aux Hébreux, n'avaient point reçu les ieQiïnde?
promesses; ils les voyaient et les saluaient de loin, et confessaient
qu'ils étaient étrangers et voyageurs sur la terre : Confiantes quia
mregrini et hospites sunt super terram ( xi. 13).
Bien-aimés, dit l'apôtre saint Pierre, je vous exhorte, comme
étrangers et voyageurs, à vous abstenir des désirs charnels qui
combattent contre l'esprit : Charissimi, obsecro vos tanquam advenas
et peregrinos, abstinere vos a camalibus desideriis quœ militant adver-
i,us animam (1. n. 11).
Rien ne doit nous intéresser en ce monde, dit Tertullien, si ce
n'est d'en sortir au plus tôt : la hoc mundo nihil nostra interest, nisi
ut quamprimum ex eo excedamus (Epist. ad Mart. ).
Quiconque appartient à la cité céleste est étranger au monde , dit
saint Augustin ; tant qu'il se sert de la vie, il est dans un pays qui
n'est pas sa patrie, et où, parmi beaucoup de séductions et de trom-
peries, il n'y a que le petit nombre qui connaisse et qui aime
Dieu (2).
2° Il faut gémir et des iniquités du monde, et d'être obligé de res-
ter dans le monde. U faut imiter le peuple de Dieu captif. Près des
(1) Fuçre mundum, si vis esseimmdus. Fnge creaturas, si vishabere creatorem.
Onin -.s creatura vilescat, ut Creator in corde dulcescat (In Médit.).
(2) Omnis qui ad supernam pertinet civilatem, peregrinus estmundi; et dam
irali utitur vita, in patria vivit aliéna, ubi inter iiulta ilkcebroia et multa fal-
lacu Deum uosse et amare paucorum est (Sentent, xyu).
336 MONDE.
fleuves de Babylone, disaient-ils en gémissant, nous nous sommes
assis, et nous avons pleuré en nous souvenant de Sion. Aux saules de
leurs rivages nous avons suspendu nos harpes. Là, ceux qui nous
ont emmené en capthité nous ont demandé le chant de nos hymnes.
Ceux qui nous ont traînés captifs nous ont dit : Chantez-nous un fies
cantiques de Sion. Comment chanterons-nous les cantiques du Sei-
gneur dans une terre étrangère? Si je t'oublie, Jérusalem, que ma
droite s'oublie elle-même! Que ma langue s'attache à mon palais,
si je ne me souviens pas de toi ( Psal. cxxxvi ).
3" 11 faut mettre en pratique les excellentes leçons du grand Apô-
tre aux Corinthiens : Je vous dis ceci, frères : Le temps est court;
que ceux donc qui ont des femmes, soient comme n'en ayant pas; et
ceux qui pleurent, comme s'ils ne pleuraient pas; et ceux qui se
réjouissent, comme s'ils ne se réjouissaient pas; et ceux qui achè-
tent, comme s'ils ne possédaient pas; et ceux qui usent de ce monde,
comme s'ils n'en usaient pas; car la iigure de ce monde passe
(I. vu. 29-31).
4° Il ne faut suivre ni les maximes, ni la morale, ni les exemples
du monde; mais suivre en tout la loi de Dieu
MORT.
Il est décrété que tous les hommes meurent une fois , dit saint ^jjj*^
Paul : Statutum est hominibus semel mori (Hebr. ix. 27). Les
impies et les libertins doutent quelquefois des grandes vérités
de la religion, parce que la voix des passions et de l'endurcissement
spirituel crie si fort , qu'ils n'entendent plus la voix de Dieu et les
cris de leur conscience; mais aucun n'a mis en doute, même durant
une minute, la certitude de sa mort
La mort n'est pas pour l'homme la condition de sa nature . mais la D'ouest venue
peine du péché, comme le dit saint Paul : Stipendia peccati mors
(Rom. vi. 23).
Par l'envie de Satan , dit la Sagesse, la mort est entrée dans l'unir
vers : Invidia diaboli mors introivit in orbem terrarum (n. 24).
Ce n'est qu'après la chute d'Adam que Dieu lui dit : Tu es pous-
sière, et tu retourneras en poussière : Pulvis es, et in puiverem rever-
teris (Gen. ni. 19).
L'homme, dit saint Augustin, avait été créé immortel : il a voulu
être Dieu; il n'a pas perdu sa qualité d'homme, mais il a perdu l'im-
mortalité, et de l'orgueil de la désobéissance est venue la peine de la
nature (1).
L'homme n'était pas destiné à mourir: cependantce n'est pas Dieu
qui est l'auteur de la mort, mais l'homme seul; en péchant , il a de
sa propre volonté donné naissance à la mort. Le Seigneur avait
prévenu Adam. Le Seigneur, dit la Genèse, fit à l'homme un com-
mandement etluidit : Tu peux manger de tous les fruits du jardin;
mais ne mange pas du fruit de l'arbre de la science du bien et
du mal; car, au jour où tu en mangeras, tu mourras de mort
(n. 16. 17). Adam voulut manger du fruit défendu, et la mort
suivit cette grave désobéissance. Il voulut le péché qui est la mort de
l'àme, il lui fallut se soumettre à la mort du corps qui est ia puni-
tion de la mort de l'àme, ou plutôt la punition du péché, principe
(1) IJomo factus erat immortalis : Deus esSe Votait; non perdidit quod homo erat,
sert perdidit quod iinmortalis ont; e^de inobedientiœ superbia contracta est pifcia
llaiiKo: ^iiùtiul.,.
IH. **
338 MORT.
de cette mort Voilà ce que produit le pécii ■! Stipendia peccati
mors (Rom. vi. 23).
11 y a II y a trois morts, dit le cardinal Hugon : ce" i qui vient do la
rois m . nature^ cejle ^ vient du péché, et celle qui vient de la grâce.
Dans la première, le corps meurt; dans la seconde, l'âme; dans
la troisièm t . tout l'homme. La première sépare l'âme du corps; la
seconde sépare l'âme de la grâce; la troisième sépare l'homme tout
entier des embarras du siècle. La première mort est pour tous; la
seconde est le partage des pécheurs; la troisième , celui des bons.
Par la première, on est enseveli dans la terre; par la seconde, on est
j> igé da s l'enfer; par la troisième, nn s'envole au ciel. De la
première, il ( lit dans Yïl ?clésiastique (xli) : 0 mort, que ton sou-
venir est amer ! 0 mors quam amra est memoria tua! De la sec
le Koi-Prophètc dit : La ort des pécheurs est très-mauvais : Mars
peccatorum pessima (xxxiit. 22 Et voici la troisième : Que mon
âme meure de îa mort des justes : jJoriatur anima mea morte justo-
rum (Num. xxm. 10. — Tract, de Morte).
La mort La, mort est une puissante dominatrice qui commande à ton- les
ici-bas. hommes, et qui sait se fairp obéir. Elle veut qu'on se prépare à
l'attendre; elle désire que, dans son chemin, elle puisse trouver
les hommes prêts et disposés à la recevoir. Mais ollo-mêmo n'attend
personne; au temps marqué, elle appelle pour partir, et il faut la
suivre sans délai Que le pécheur, ttàcréd Vie essaient de
lui résister et de lui désobéir, eux qui résistent et désobéissent h
Dieu! Insensés, ils ne peuvent résister I la mort, qui n'est que "'urêt
de la respiration, et ils résistent à Dieu, étemel, infini, tout-puissant 1
0 hommes aveugles et pervers !.. .
[neertituda La certitude de la mort n'est pas effrayante ; tous savent qu'il faut
lo quant au mourir, et ils s'y soumettent. Mais c'est son incertitude qui est
temps. terrible!
Dieu, dit saint Augustin, vous promet que, le jour où vous revien-
drez à lui , il oubliera les péchés que vous aurez commis; mais il ne
vous a jamais promis de lendemain. Le dernier jour est caché pour
faire sanctifier tous les jours (1 ) .
(1) Promisit tibi Deus, qnoniam quo die conYersnn ftims , nbliviscitur mal* tua
praeterita; sed nunquam vitnm crastini diei prtmUit tibi. Lalet ultimus dies, ut
ebserventur omnes (lies (Ilomil.).
MORT. 3" 9
Tenez-vous prêts, dit J. C. ; parce qu'à l'heure à laqui '
no pensez pas, le Fils de l'homme viendra : Et vos estote varati; quia,
qua hora non putatis, Filins hominis véniel (Luc. XII. hO).
Le jour du Seigneur viendra comme le voleur dans la nuit, dit
saint Paul : Dics Domini sicut fur in nocte, ita veniet (I. Thess, v. 2).
'-Seigneur, dit saint G ire, a voulu que la dernière heure
nous fût cachée, afin que nous nous en méfiions toujours; et que
ne pouvant la prévenir, nous nous y préparions sans relâche (1).
Conservez dans votre mémoire cette belle sentence de Sénèque :
Vous ignorez en quel lieu la mort vous attend ; attendez-la donc
vous-même en tout lieu (Epist. X3 \).
Hier est à moi, et aujourd'hui, à toi : Mihi heri, tibi hodie (Eccli.
xxxvni. 23). Remarquez, dit Hugues de Saint-Victor, que l'Écri-
ture ne dit pas : Demain est à toi, mais aujourd'hui, et cela,
soit parce que l'on meurt chaque jour, soit parce que nul n'est
certain de vivre demain (Lib. de Anima).
Dieu , dit saint Ghrvsostome , a voulu que nous fussions incertains
de la durée de notre vie , afin que, dans cette incertitude, nous ne
nous séparions jamais de la vertu : Idcirco incerium voluit Deus esse
quanto tempore duraturi simus 3 ut exspectatione incerta, virtutem
amplexemur semper (Homil. xxill in Act. apost.).
Comme nous ignorons complètement l'année, le mois, la semaine,
le jour, l'heure et l'instant de notre mort, il faut, sous peine d'être
fous, que nous employions les instants, les heures, les jours, les
semaines, les mois et les années, à nous préparer à la mort
Nouveau-nés , combien y en a-t-il parmi vous qui passeront du lncci.nn,f!r< (^
berceau au tombeau ! Enfants et jeunes gens, verrez-vous les autres la : ; - .
d ° 7 2° quant a
. vous l'ignorez. Votre enfance, votre jeunesse, voilà peut-être ràgo.
quel sera pour vous, comme pour tant d'autres, le dernier âge. Ce
y a de certain, c'est que la mort aime à immoler les jeunes
victimes; elle a tant frappé depui * bientôt six mille ans, >que son
glaive est comme usé, elle préfère ia chair tendre
Et vous qui êtes dans 1 âge viril, quand mourrez-vous ? Dans vingt
ans, dans dix ans, dans un an, demain, peut-être dans une heure
Et vous, vieillards, faui-'l ar.s?i vous demander quand vous mour-
rez? Ah ! vous savez bien ,;ae la mort n'est pas éloignée de vous;
(1] Horan ^nmimi* no=!cr idcirco voluit nobis esse inco^nitam, tl\
1 ; ut ilum illam praevidere non possumus, ad illam sin«
iuterunssioui; piifijaicniu.' [Homil. xm in Evang.).
340 MORT.
mais vous n'y pensez pas. Cependant vos cheveux blancs, les rides
de votre visage, vos pas chancelants, le bâton qui vous soutient ,
cette solitude dans laquelle vous vous voyez, car vous êtes clair-
semés parmi les hommes, vous disent assez haut et assez souvent :
Vieillards, pensez à la mort. Elle ne rencontre presque pas de
victime qui ait l'âge de la décrépitude. Sur mille personnes, c'est
à peine si l'on trouve encore un octogénaire Tous les trente ans,
les générations se renouvellent à peu près en entier
ndc de Ocelle sera la malalie qui sera le précurseur de notre mort? Sera-
is mort, v i
...lia t-el le longue ou de courte durée? Amènera-t-el le une mort violente
le corps. °11 douce? Mourrons-nous d'une fièvre lente, intermittente ou per-
nicieuse? Mourrons-nous le matin ou le soir, de jour ou de nuit?
Mourrons-nous dans notre lit, où déjà peut-être tant d'autres sont
morts; dans notre maison, dans notre terre , en franchissant le seuil
do notre porte, en voyage, éveillés ou endormis, seuls et sans secours,
ou bien entourés des nôtres? Mourrons-nous de mort prévue ou
subite? Mourrons-nous par le feu, par l'eau, par la foudre, sous
l'écroulement d'un édifice, à la suite de quelque chute ou par tout
autre accident? Mourrons-nous de la main d'un voleur ou de celle
d'un assassin? Mourrons-nous d'un mal de tête, de cœur, d'entrailles,
de poitrine, ou comme tant d'autres d'une attaque d'apoplexie fou-
droyante? Mourrons-nous à table, au jeu, durant une soirée, à un
bal, dans les plaisirs ou dans l'ivresse? Ne sera-ce point aussitôt
après le premier péché que nous commettrons? Voilà de formidables
questions auxquelles nul homme ne saurait répondre autrement
que par ces mots : Je l'ignore
Casimir II, roi de Pologne, mourut dans un grand festin. Ladislas,
roi de Hongrie et de Bohême, succomba au milieu des préparatifs
de son mariage avec Madeleine, fille de Charles, roi de France.
L'arrêt de mort porté contre Balthasar lui fut signifié durant une
f>rgie sacrilège . et fut exécuté la même nuit.
Il arrive quelquefois que le jour d'une noce, avant que le soleil
ait disparu, l'un des époux est déjà veuf
udede Si c'est une chose terrible de ne pas savoir de quelle mort notre
ilo corps sera frappé, il est infiniment plus terrible d'ignorer en quel
'' état sera notre unie au moment de son passage du temps à
Lé !
Aurons-nouj le loisir de nous préparer à la mort i 1er n^s
ilORT. 341
comptes avec Dieu?... Aurons-nous la force et l'intelligence néces-
saires pour faire une bonne confession? Aurons-nous les moyens de
mettre ordre à notre conscience; et si nous les avons, aurons-nous
la volonté de les employer?... Aurons-nous un repentir suffisant?...
Obtiendrons-nous le pardon de nos péchés?... Mourrons-nous en
état de grâce? Effrayantes questions qui nous forcent de rester
muets, et de ne répondre que par un tremblement et le silence !...
Et en présence de ces doutes, de ces questions que nul ne saurait
résoudre, nous rions..., nous nous amusons..,, nous perdons notre
temps..., nous ne pensons pas à la mort!... Nous oublions notre
Créateur, nous ne le prions pas, nous dormons tranquilles, nous
négligeons nos devoirs, nous offensons Dieu, nous no nous pré-
parons aucunement à mourir en chrétien!...
Où sont les sages? Hélas ! nous sommes tous aveugles et insensés!...
Je vais d'un tombeau à un tombeau, dit saint Grégoire de Nazianze La mon
(Distich.). C'est-à-dire : Du sein de ma mère où j'ai été enfermé estPr°che
neuf mois comme dans un véritable tombeau , je vais à la mort et
au sépulcre.
Le berceau ressemble à une bière ; il annonce à l'enfant qu'il est
dans sa destinée de mourir.
Notre vie, dit saint Grégoire pape, est semblable à une naviga-
tion. Celui qui vogue sur la mer se tient debout, s'asseoit ou se
couche ; mais il ne cesse d'avancer , entraîné qu'il est par la marche
du navire. Telle est notre vie : que nous veillions ou que nous dor-
mions, que nous parlions ou que nous gardions le silence, que nous
marchions ou que nous nous reposions sur notre lit , de gré ou de
force, nous ne cessons chaque jour et à chaque instant de nous
approcher du terme où nous attend la mort (Lib. VI, epist. xxvi).
Vous avez vingt ans , trente ans , cinquante ans , dites-vous ; vous
vous trompez; ces années sont à la mort, elle les a conquises sur
vous.
Tous , nous pouvons dire avec saint Pierre : Je sais que je plierai
bientôt ma tente : Certus quod velox e?t depositio tabernaculi mei
(II. i. 14). Le temps se précipite; et tandis que nous n'y pensons
pas , nous périssons L'homme passe au milieu d'un songe; il
s'agite en vain; il amasse des trésors et il ne sait qui les recueillera :
In imagine pertransit homo , sed et frustra conturbatur ; thesaurizat,
et ignorât cui co t ea (Psal. xxxyiii. 7). J'ai disparu eomma
l'ombre qui décline ; Sicut umbra > cum déclinât , ablatvs smn (Psal..
312 MC'
cviu. 23). Mes jours ont décliné comme l'ombre, et j'ai séché
comme l'herbe coupée : Dlèk ..icisicut ambra décline ce, v.nt, et ego sicut
fœnumarui (Psal. et. 12).
L'Ecriture compare la vie de l'homme et sa rapidité au passage
d'une floche, au vol de l'oiseau, au vaisseau qui vogue à pleines
voiles, à une ombre, au vent, à l'éclair, à la foudre
Demandez aux vieillards de quatre-vingts ans, à ces débris d'un
autre âge, si peu nombreux, si la vie leur a paru longue? Il leur
semble qu'ils ne sont nés que d'hier. D'ailleurs . nie cent
ans, puisqu'il faut mourir? Qu'est-ce que cent ans, lorsqu'on les a
atteints? Qu'est-ce même que la vie d'aujourd'hui comparée à celle
des hommes d'avant le déluge? À peine sortaient-ils de l'enfance à
l'époque où les vieillards actuels sont déjà réduits en cendres, eux et
les vers qui les ont dévorés
Voilà pourquoi, autrefois, quand on couronnait un empereur d'Al-
lemagne, quatre sculpteurs lui présentaient des marbres de diverses
couleurs , alin qu'il choisit celle qu'il préférait pour son tombeau. Ils
l'avertissaient ainsi que, malgré la pompe dont il allait être entouré,
il lui faudrait mourir.
Le pape Etienne IT siéga seulement quatre jours; Célestin IV,
dix-sept jours; Boniface VI, quinze jours; Sisinnius, vingt jours;
D;unase H, vingt-trois jours; Die III, vingt-six jours; Marcellin H,
Ain.:) el un jours; Urbain Yll, sept jours; Léon XI, \ in- t-sept jours.
I ! lui qui en mourant disait S Oh ! combien je serais plus heureux
si, au lieu desclefs du ciel, j'eusse tenu celles d'un mona.-tèiv ! Qûdto
du I m < mihi fret, si monasterii , quam si cœli , claves tenuissemf
(llist. Eccleë*)
Ainsi i h e-t-il , dans toutes les conditions, pour la brièveté et la
rapidité le la vie
Souvonez-A nus donc, vous dirai-je avec l'Ecclésiastique, Bblttêtlez-
\ousque la mort no tarde pas, et que le décret par lequel vôii's
condanu odre dans les profondeurs de la terre, vous a été.
communiqué ; le décret porté sur le taon le : 11 mourra de mort :
Meinor estu qwmimn mors non tardât ; et lestamentum inferorum qui.,
demonstratumest tibi; testament um enim hujus mundi : Morte moi idur
moment (XIV. 12).
re Doisc
. ! i mort
; ,qJJJJJ Le temps, dit saint Augustin, n'est autre chose qu'une cour
u»lea li mort : chaque jour nous mourons; e.ir cliaque jour la mort îlous
liose, cnl'.voune partie de nutre vie [De Civil., lib. XIII, c. t).
MORT. 313
A mesure que nous croi3sonsen âge, notre vie décroît, ditSénèque;
et le jour même que voici , nous l'avons déjà partagé avec la mort ••
Cum crescunus , vita decrescit ; hum quem agimus diern , cum mor%
dividimus (Lib. III, c. xxiv).
A notre entrée dans la vie, nous avons commencé de marcher à 1|
mort et de sortir de la vie Nous sommes nés, et soudain nod
avons cessé d'être , dit la Sagesse : Nos nati , continuo desivimus esst
(v. 13).
La nourriture avec laquelle nous réparons nos forces, prouve que
,r la mort nous enlève toujours quelque chose ; le sommeil nous prend
un tiers de la vie ; pendant nos six premières années , nous n'avons
pas l'usage delà raison; le travail abrège la vie , les plaisirs l'altè-
rent, les chagrins la rongent, les maladies la dévorent, etc. Otez
tout cela, que reste-t-il de notre existence? presque rien. Laissez
tout cela, quelle est sa durée? à peine un demi-siècle qui disparaît
comme une vapeur légère.
La figure de ce monde passe, dit le grand Apôtre î Prœterit figura La mort
hujus mundi (I. Cor. vu. 31). Remarquez que l'Apôtre n'appelle la néant et le
vie qu'une figure, une ombre passagère. Certes , voilà la vraie défi- ce îui exiSte.
nition de la vie humaine!...
Le jour que voici s'en va, dit un poëte ; nous ignorons si demain
naitra pour nous, et s'il nous apportera du travail ou du repos.
Ainsi s'évanouit la gloire du monde :
Prœterit ista dies, nescitur origo secundi;
An labor, an requies ? Sic transit gloria mundi.
Voulez-vous, dit Juste Lipse, voulez-vous que je vous parle à voix
intelligible? Toutes les choses humaines ne sont qu'une fumée , une
ombre , quelque chose de vain et qui ressemble à une pièce de
théâtre; en un mot, rien :
Vis altiore voce me tecum loqui?
Humana cuncta fumus, umbra, vanitas,
Et scenae imago, et, verbo ut absolvam, nibil.
(Inejus vita.)
Le monde , en effet, est un théâtre sur lequel se joue la pièce de
la vie ; les hommes sont les acteuis ; ils entrent et ils sortent. Le lieu
qu'occupe ce théâtre est la terre. Une génération passe, dit l'Ecclé-
siastique , une autre prend sa place. Il y a deux portes sur la scène ,
344 MORT.
la naissance pour ceux qui entrent, la mort pour ceux qui sortent.
Chacun revêt un costume : celui qui joue le rôle de roi, n'emportera
pas sa pourpre avec lui.
La pièce finit vite
Ville, maison, argent, dites -moi, combien avez-vous eu de
maîtres? Ville et maison, combien aurez-vous encore d'habitants
qui se succéderont? Où est Samson , l'hercule de l'univers? où est
Absalon, qui était si beau ? où est Salomon , le plus sage des rois? où
sont l'éloquent Cicéron et le savant Aristote , etc. ? Où sont tant
d'hommes fameux, tant de conquérants, tant de princes, tant de
/ches? En un clin d'œil ils ont disparu. Où les trouver aujourd'hui?
Cette vie n'est autre chose qu'une lente mort Je ne sais, dit
saint Augustin, si j'appellerai cette vie une mort qui vit, ou bien
une vie qui meurt ( De Civit., lib. XIII).
Ecoutez le poëte lyrique :
Pulvis et umbra sumus : pulvis nihil est, nisi fumus;
At uihil est fumus : nos nihil crgo sumus.
Nous sommes ombre et poussière; or, la poussière n'est rien
qu'une sorte de fumée; mais la fumée elle-même n'est rien : nous
ne sommes donc rien.
Qui fut plus connu, plus honoré, plus célèbre et plus victorieux
qu'Alexandre le Grand, roi de Macédoine ? Ecoutez le portrait qu'en
fait la sainte Ecriture : Il régna premièrement dans la Grèce, et sorti
de la terre de Cethim, il vaincmit DarâÙ3>T0i "des Perses et dos
Mèdes. 11 livra beaucoup de batailles; il prit les a illes les plus fortes,
et il mit à mort les rois de la terre. Il alla jus ju'aux extrémités du
monde; il reçut les dépouilles d'une multitude de nations, et toute
la terre se tut devant lui : S Huit terra in conspectu ejus. Il assembla
ses forces et une armée excessivement puissante, et son cœur
s'éleva et s'enfla. Et il se rendit maître des peuples et des rois ; et ils
devinrent ses tributaires. Après cela, il tomba sur un lit..., et il
mourut : Et post Iiœc decidit in leclum..., et mortw l. Machab. I.
1-8). Hier, l'univers entier ne lui suffisait pas; aujourd'hui,
six pieds de terre lui suffisent. Hier, il opprimait la terre; aujour-
d'hui, la terre pèse sur lui et le couvre. Mue dis-j ? il e-ul pi
obtenir ce qui est accordé aux moin 1res des morti 1s, la sépulture:
car, par suite des di ui s'élevèrent entre ses successeurs,
gonça lavro doni nseveli.
MORT. 348
C'est ainsi que la mort prouve le néant Je l'homme....-;
Je suis sorti nu du sein de ma mère , dit Job , et j'y retournerai nu : En «piel état
Audus egressus sum de utero matris meœ , nudus revcrtar Mue (i. 21 ). nwuiiae '
Job donne le nom de mère à la terre, parce qu'elle lui fournira un
tombeau qui lui rappelle le sein de sa mère.
0 pâture des vers, ô masse informe de poussière et de corruption,
ô goutte de rosée, ô vanité, pourquoi t'enorgueillir tant! Que
cherches-tu ici-bas? qu'ambitiomies-tu?... Etre cendre sur la terre
pour être cendre clans la terre : voilà l'homme !...
Sur le point de mourir, Saladin, roi d'Egypte et de Syrie, ordonna
qu'on portât, partout où campait son armée, son drapeau enveloppé
d'un drap mortuaire, et qu'un héraut criât : De tout ce qu'il pos-
sède, voici le seul objet que le dominateur delà Syrie et de l'Egypte
emportera avec lui! {In ejus vita.)
O homme, tu es poussière, et tu retourneras en poussière:
Pulvis es , et in pidverem reverteris (Gen. ni. 19).
Voyez ce malheureux pécheur qui avait constamment oublié Dieu
pendant sa vie, et qui n'avait jamais pensé à la mort pour s'y pré-
parer. Hier, il se portait bien; aujourd'hui, il est étendu sur un lit
de douleur. Le mal augmente, la fièvre redouble. Trois personnes
sont appelées, le prêtre, le médecin, le notaire. Que d'affaires à
régler! Et cela presse , car le médecin déclare que la mort est au
chevet du lit. Tous , au reste , s'en aperçoivent : ses yeux s'obscur-
cirent, il devient sourd , sa langue se paralyse, ses joues sont pâles
et creuses, son intelligence le quitte. Prêtre, médecin, notaire,
hâtez-vous, la mort va vous devancer. Chacun, en effet, s'empresse
de remplir son devoir, au milieu d'une famille éplorée. La mort
arrive et frappe. On n'a plus qu'un cadavre. La première personne
qu'on avertit, c'est le fossoyeur. Tandis qu'on ouvre la fosse, ou
s'empresse d'envelopper d'un débris de linge ce débris de la mort.
Déjà une odeur infecte se fait sentir : tout le monde fuit; seuls, la
putréfaction et les vers approchent. On le jette sous six pieds de
terre, et la fosse est fermée. Le corps est abandonné, et l'âme jugée
pour l'éternité
Sur cette tombe il faut une épitaphe, une inscription; le prophète
royal s'est chargé de la faire pour tout le genre humain ; la voici :
La mort se repaîtra d'eux : Mors depascet eos (xiviii. 15).
O mortels, vous foulez aux pieds la t?iie; vous régnez sur elle:
mais, tirés de la terre, vous redeviendrez terre.
34G mort.
Après la mort les vers, dit un poète; après les vers l'odeur infecte
et l'horreur: ainsi tout homme est changé en quelque chose qui n'a
rien de l'homme :
Post hominem vermis, post vermem fœtor et horror:
Sic iii non hominem vertitur oranis homo.
Nous naissons sur la terre, dit saint Bernard, nous mourons sur
la terre , retournant là d'où nous avons été tirés : In terra orimur ,
in terra morimur , rêver lentes in eam unde sumus assumpti (Serm. in
Psal.).
Ecoutez Job : J'ai dit à la pourriture , vous êtes mon père ; aux
ver? , vous êtes ma mère et ma sœur : Putredini dixi : Pater meus es;
mater mea et soror mea vermibus (xvii. 44).
Quelque grande qu'elle soit, la beauté humaine se change en
quelque chose d'horrible; elle devient la pâture des vers et la proie
de la mort
Quand l'homme mourra, dit l'Ecclésiastique , il aura pour héri-
tage les reptiles, et les bêtes, et les vers : Cum morietur homo hœredi-
tahit serpentes , et bestias , et vermes (x. 13).
Qu'est-ce que l'homme ? dit saint Ephrem : peu de chose. Qu'est-re
que l'homme? quelques vers. Qu'est-ce que l'homme ? un peu
cendre et de poussière. Qu'est-ce que l'homme? un songe. Qu'est-ce
que l'homme?, une ombre. Il a passé, il a cessé de paraître : Ecce
trûnsivit, ecce cessavit. Ce lion invincible , ce tyran si fort, si puis-
sant , si orgueilleux , que tout le monde redoutait, a vu sa lin; il est
étendu sur sa couche fiinèJbre. Celui qui paraissait plus grand que
totlS li- h nimescst réduit à l'impuissance ; celui qui maîtrisait le.,
autres est maîtrisé ; celui qui les garrottait de chaînes est garrotté
(De iis qui in Cnristà dormicrunt).
Et la chair de Jezabel, dit l'Ecriture , sera comme le fumier sur la
face de la t.'iro - et tous ceux qui pass mit, diront : Est-ce là cette
.li'zaliel? Bt Witnî cwies Jezabel sic ut stercus super faciem ternn , ita
ut prœtereuntcs dJcn.it : Ilœccine est Ma Jezabel IV. Reg. ix. 37).
Ayant été chargé de conduire au tombeau des rois le corps d'Isa h I lo
de \ Quint , saint François de Borgia, duc
: è, iiï ; menttrâppé fie voir ce cadavre devenu difforme,
i td coûtant qu'il >nnut pas, et qu'il n'osa ce.
.; :- ' l'imbérafa igards,
n g iiu : Est-ce là Isabelle, 1 impératrice du monde? est-ce là
MORT. 34*
cette sage et pieuse Isabelle, la joie de l'Espagne, l'honneur de
l'empire, l'espérance de l'univers? Où est la beauté de son visage?
où est l'éclat de ses yeux ? où est la majesté du pouvoir royal?
Grand Dieu! sa chair s'est changée en pourriture , sa beauté en
infection., sa splendeur en quelque chose d'horrible. Alors, éclairé
par la grâce , et considérant attentivement quelle était la vanité
des rois, des royaumes et de tous les biens du monde, il résolut
de renoncer à tout et de servir Dieu seul : ce qu'il exécuta. Il vécut
et mourut en grand saint (In ejusvita).
Mais le cadavre descendu dans le tombeau restera-t-il au moins 6
l'état de cadavre? Non. Il devient, dit Bossue t, un je ne sais quoi qui
n'a point de nom dans aucune langue. C'est ce que dit le prophète
Ezéchiel : Je te réduirai à rien , et tu ne seras pas, et on te cher-
chera, et on ne te trouvera plus jamais, dit le Seigneur Dieu : In
nihilum rectigam te, et non eris, et requisita non invenieris ultra in
sempiternum dicit Dominas Deus (xxvi. 21).
Il existe une épitaphe pleine de «^u«i faite pour un roi de France, et
citée par Delrio; la voici :
J'ai ri, et je pleure. J'ai été, et je ne suis plus. J'ai eu mes préoc-
cupations, et je me repose. J'ai joué, et il n'y a plus de jeux pour
moi. J'ai chanté, et je suis muet. J'ai nourri mon corps, maintenant
j'alimente les vers. J'ai veillé, et je dors. J'ai souhaité la bienvenue,
et je dis adieu. J'ai pris, et je suis pris. J'ai été vainqueur > je suis
vaincu. J'ai combattu, la paix est mon partage. J'ai vécu confor-
mément aux lois de la nature , conformément à ces lois je meurs*
Je ne résiste pas : résister me serait impossible. J'ai commencé par
être terre, je suis redevenu ce que j'étais.Mon pouvoir s'est évanoui.
Monde périssable, adieu; et vous, vers, je vous salue. Je suis étendu
sur ma couche dernière.
Risi , ploro. Fui , non sum. Studui, requiesco.
Lusi, non ludo. Cecini, nunc mutio. Pavi
Corpus, alo vernies. Vigilavi, dormio. Dixi :
Salve, dico :vale. Rapui, rapior. Superavi,
Vint-or. Certavi, pace utor. Jure fegd viiî ,
Jure igitur morior. Non obsto, obstare nequirem.
Terra fui quondam, rursus sum terra. Niliil sum.
Terra caduca,vale; vernies salvete, recumbo.
Bientôt cette épitaphe sera celle de chacun de nous.
348 MORT.
e pas penser Lorsque le jour de notre mort arrivera, dit Paint Grégoire, que nous
'un "folie?* servira ce que nous aurons poursuivi avec tant de soin et de peine,
ce que nous aurons amassé avec tant de sollicitude? Il ne faut
rechercher ni les honneurs , ni les richesses , puisqu'il faudra les
abandonner. Si nous voulons des biens, cherchons et aimons ceux
que nous posséderons toujours; si nous craignons des maux, crai-
gnons ceux que les réprouvés endurent et qui n'auront pas de fin
(Lib. IV Epist. ad Andrœam ).
L'homme thésaurise , et il ne sait pour qui il amasse, dit le Psal-
mistc : Thesaurizat et ignorât cui congregabit ea (xxxvm. 7). L'im-
prudent et l'insensé périront ensemble , et leurs richesses passeront
à des étrangers : le sépulcre sera leur demeure : Simul insipiens et
stullus peribunt : et relinquent divitias suas , et sepulcra eorum domus
illorum{?sa\. xlvih. 11. 12). A leur dernier instant, les avares et tous
ceux qui aiment le monde ne pourraient-ils pas prononcer ces paroles
d'Agag : Ainsi donc une mort pleine d'amertume va me séparer de
tout! Siccine séparât amara mo?'s (l. Reg. xv. 32). Allez donc, aveu-
gles enfants d'Adam, fils de la terre, désirez de la posséder comme la
possèdent les reptiles; ajoutez domaine à domaine, maison à mai-
son, entreprise à entreprise, amusement à amusement; il vous
faudra mourir demain, et peut-être dès aujourd'hui!...
0 soins des hommes, oh! quel vide est au fond des choses! 0
ruras hominum, o quantum est in rébus inanef
Combien, à la mort, l'avare ne sera-t-il pas désolé d'avoir loujours
travaillé pour les autres qui l'oublieront si vite, et de n'avoir rien
l'ait pour lui-même ! Quelle désespérante pensée que celle-ci : de
tous les biens, de tous les plaisirs, de toutes les créatures qui étaient
à ma disposition, il ne me reste que le sépulcre ! Solum mihi super-
est sepulcrum (Job. xvn. 1 ).
La pensée de Celui qui a toujours sa dernière heure devant les yeux, méprise faci-
[,JJ. lement toutes CÛOBe*, dit saint JéiV.me : Facile conlemnit omnia, gui
BeuSfl ! semper cogitât se esse moriiurum ( Epist. cm ).
L'homme ira dans la maison de son éternité, dit l'Ecclésiaste :
Jbit homo in domum œternitatis suœ (xu. 5). Voilà ce à quoi nous
devons penser
Méditer sur la mort, c'est être philosophe, dit Platon : Philoso-
phia est, meditatio mords ( De LegibllS ).
Lorsqu'on se sent épris de la beauté humaine, dit saint Grégoire,
il faut se demander ce que sera le corps quand la vie l'aura quitté :
MORT. 349
on comprendra alors ce que l'on aime. Il n'y a rien qui soit plus
puissant pour dompter l'appétit des sens, que de méditer sur ce que
sera après la mort la personne que l'on aime vivante (1).
Un solitaire se trouvait tenté de se livrer à une affection coupable
pour une personne dont l'image ne le quittait pas , lorsqu'il apprit
qu'elle venait de mourir. Aussitôt il se rendit à son tombeau, leva la
pierre, et plongea le manteau qu'il portait dans le dégoûtant
mélange de pourriture et de vers dont le cercueil était rempli. La
tentation se représentant à lui après son retour au désert, il con-
templa le manteau souillé, infect, en s' écriant : Eh bien, mon
coprs, tu as ce que tu cherchais, rassasie-toi ! Et il se mortifia ainsi
jusqu'à ce que la tentation se fût évanouie ( Vit. Patr. )
Pensons à la mort, et nous serons toujours vainqueurs du démon,
du monde, et des convoitises de la chair
Vivez avec la pensée de la mort , dit saint Jérôme; l'heure fuit,
l'instant même où je vous parle est déjà loin : Vive memor lethi,
fugit hora, hoc quod loquor, inde est (Epist. xvi ad Principiam ).
Là où n'est pas la pensée de la mort et sa crainte, se trouvent
une vie dissolue et l'abondance des péchés ; et où ces mœurs déplo-
rable? existent, là est la perte de l'âme. Pour sauver son âme, il
faut donc penser à la mort.
Retenez ces belles et précieuses paroles du même saint Jérôme :
Soit que je mange , dit-il, soit que je boive , soit que j'étudie , soit
que je fasse autre chose, la trompette dernière sonne toujours à
mes oreilles : Levez- vous, ô morts, venez au jugement : Sive comedo,
sive bibo , sive studio , sive quid aliud ago ; semper ultima Ma tubi
insonat auribus meis ; Surgite, mortui, venue ad judicium! (Epist
ad Heliod. )
Omort, s'écrie l'Ecclésiastique, que ton souvenir est amer 4
l'homme qui vit en paix au milieu de ses biens! O mors, quam amari.
est memoria tua homini pacem habenti in substantiis suis/ (xn. 1. ) O
moit, ton arrêt est doux pour l'homme pauvre et vertueux ! O mors,
bonwn est judicium tuum homini indigenli! (xli. 3.)
lîien, dit Sénèque, rien ne vous sera plus utile pour acquérir la
tempérance en toutes choses, que la fréquente pensée de la briè-
veté du temps et de son incertitude. Quoi que vous fassiez, tournez
vos regards vers la mort : Nihil œque tibi profuerit ad temperantiam
1) Carocum concupiscitur pensetur quod sit exanimis , intelligeturquid ametur;
ailquippe bic ud domandwm desideriorum carnalium appetitum valet , quam ut
quiàque hoc quod i ivura ddigit, qualc sit mortuum penset ( Moral- )•
ccli»
350 MORT.
rerum omnium , quam (roquons çogitatio brevis ccvi, et hujus incerti.
Quidquid faciès, resjpice ad mortem (Epist. xm). C'est un païen qui
parle si bien !...
Disons-nous souvent à n-ms-mc ...es : Je mourrai : pourquoi donc
m'attacher si fort aux Liens, à la fortune , aux honneurs, aux plai-
sirs, aux créatures, à la vie, à mon corps?... Je mourrai : pourquoi
ne pas travailler à m' assurer u»e bonne et sainte mort , par la fuite
du péché et la pratique de toutes les vertus?... Combien sage est
celui qui méprise des biens périssables, et qui ne s'occupe que des
choses éternelles!...
[1 rant se (]0MMP: nous ignorons l'heure où la mort se présentera à nous, et
préparer a la l
mort; qu apn-s la mort il est impossible de rien faire , dit saint Grégoire,
prendre pour il ne nous reste qu'un parti à prendre, savoir : saisir pour le mettre
à profit le temps que Dieu nous accorde. Si nous la redoutons avant
qu'elle se présente, elle ne se présentera que pour se trouver
vaincue (1).
Quoi que vous lassiez, regardez la mort, dit saint Jérôme : Quidquid
faciès, retpice mortem (Epist. ad Heliod. ).
Mourez souvent de votre vivant, afin de vivre après votre mort.
Pour éviter la mort éternelle , il faut prévenir la mort par la pensée
de la mort :
Vivens ergo sœpe morere, ut mortuns vivas :
Ne moriare, opus est morte in pra>currere morte.
(Epicarmi.)
Vivez comme si chaque jour vous deviez mourir, dit saint Jérôme:
Sic vive tanguant quotidie moriturus . Epist. xvi ).
Chaque jour doit être employé comme s'il était le dernier , Hit
Sénèque : Omnis dies, velui utitinus ordinandus est (lu Prov*.1)'.
Méprisez pendant votre vie, dit saint CUnsostome, ce que vous
ne pourrez pas avoir après votiv riiort : Contemne vivens , quœ^ust
mortem kaberenon poteris ( Homil. ad pop. ).
Vous pouvez mourir à toute et chacune de vos actions
peut être la dernière Conduisez-vous comme vous désirerez
l'avoir fait à la mort et an jugement de Dieu.
(1) Quia et ventura1 mortis tempos ignoramus, et po«t mortem orf- *r\y\ r.nssu-
mus; superest, ut ante mortem lenipora indulta rapi.imus; sic enim iu»ia VJa cura
mènent, vincetur, si pnusquam reniât, semper timeatur [Moral.).
XTORT. 351
Que la pensée de la mort accompagne toutes vos actions et vos
démarches
Mettez ordre à vos affaires, dit Isaïe au roi Ezéchias; car vous
mourrez et vous ne vivrez pas : Dispone domui tuœ ; quia morieris
tu, et non vives (xxxvni. 1 ). C'est à nous tous que ces paroles
s'adressent
Il faut prévenir le jour de la mort qui a l'habitude de nous préve-
nir , dit saint Augutin : Prœveniendus est dies qui prevenire consuevit
(Lib.Civit.)-
La mort vous attend partout , dit saint Bernard; si vous êtes sage,
vous l'attendrez vous-même partout : U bique te mors exspectat; si
sapiens fueris , ubique eam exspectabis ( Serm. in Caut. ).
Voyons toutes les choses au flambeau de la mort Examinons
notre vocation, et prenons toutes nos résolutions en vue de notre
dernier moment. Asseyons-nous par la pensée sur le tombeau, afin
de connaître ce que nous sommes, ce que nous devons faire, et
comment nous devons le faire
MORT DU JUSTE.
fctfoeéur
d'une bonne
mort
IN
ous devons, dit saint Ckrysostome, quitter notre corps avec la
même facilité qu'un habit; il faut imiter Joseph, abandon-
nant son manteau à l'Egyptienne : Eadcm facilitate corpus
exuere debemus, qua veslem; uti Joseph pallium religuit SEgyptiœ[\n.
Epist. ad Philipp. ).
Les justes , dit saint Augustin, s'arment de patience pour vivre,
et ils trouvent des délices dans la mort : Cum patientia vivunt, et
delectabiliter moriuntur (Epist. ad Philipp.).
Les âmes des justes sont dans la main de Dieu , dit la Sagesse , et
les horreurs de la mort ne les atteindront pas : Justorum animœ in
manu Del sunt, et non tanget illos tormentum mortis ( m. 1 ). Aux ) eux
des insensés, les justes ont semblé mourir, et leur fin a été estimée
une affliction, et leur sortie d'au milieu de nous l'anéantissement :
mais ils sont en paix: Visi sunt ocuiis insipientium mori. et a stimula
est ajflictio exitus illorum ; et quod a nobis est iler, cxlerminium : Mi
autem sunt in pace (Ibid. ni. 2). Môme quand il mourra d'une
manière soudaine , le juste sera dans le lieu du rafraîchissement et
du repos : Justus , si morte prœoccupatus fuerit, in refrigerio ait
(Ibid. iv. 7).
Il est dit de Tobie qu'ayant beaucoup avancé dans la crainte de
Dieu, il mourut en paix : Cum bono profectu timoris Dei, perrcj.it in
pace (xiv. 4). Commandez, Seigneur, disait-il, que mon âme soit
reçue en paix, parce qu'il vaut mieux pour moi mourir que de
vivre plus longtemps : Prœcipe in [>ace rccipi npirttum meum- expedit
tnim mihimori mugis quam civere (m. G).
La mort de celui qui craint Dieu sera douce, dit l'Ecclésiastique :
Timenti Duminumbene erit in extremis ( 1. 13).
Pour le juste, la splendeur du midi se lève vers le soir, dit saint
Grégoire; en effet, au moment même où sa vie s'éteiut, il recon-
naît quelle clarté l'attend : Justo meridianus fulgor ad vesperwn sur'
gît ; quia quanta claritas maneat, cuuijam occumbere cœperit, agnoscit
( Lib. JUoral., c.xnj.
La mort Ceux qui dorment dans la poussière de la terre s'éveilleront , dit
'•emmoû.0 i->umel : Qui dormiunt m tarçs pulvere, coigdabuut (xil< 2). Parlant
MORT DTT JUSTE. 353
fie Ja mort de Lazare, J. C. l'appelle un sommeil : Notre ami Lazare
dort, dit-il, Lazarus amicus noster dormit Dixerat autem Jésus
de morte ejus ( Joann. xt. 11-13).
Pendant que les Juifs le lapidaient, saint Etienne priait pour ses
bourreaux, et, après sa prière, il s'endormit dans le Seigneur,
disent les Actes des apntres: Et cum hoc dixisset, obdorrnivit in
Domino (vu. 60). Heureux sommeil, s'écrie saint Pierre Damienî
heureux sommeil! il était accompagné du repos, le repos l'était du
bonheur, et le bonheur, de l'éternité : Félix somnus cum requie .
requies cum voluptate, voluptas cum œternitatel ( In Epist. )
Ma chair, dit le Psalmiste, a reposé dans l'espérance ; car, Sei-
gneur, vous n'abandonnerez pas mon âme dans le tombeau; vous
ne permettrez pas que votre saint voie la corruption (xv. 10. 11).
Ce que le prophète dit de J. G., on peut le dire de la mort des justes
considérée comme un court sommeil
Non, dit le même prophète, je ne mourrai point, mais je vivrai;
et je raconterai les merveilles du Seigneur : Non moriar, sed vivam;
et narrabo opéra Domini (Psal. cxvii. 17).
Aux yeux des insensés, les amis de Dieu semblent mourir , dit
saint Bernard ; mais aux yeux des sages, leur mort n'est qu'un som-
meil, selon ces paroles du saint roi David : Lorsque le Seigneur aura
envoyé le sommeil à ceux qu'il chérit, voilà que l'héritage du Sei-
gneur leur arrivera (I).
Si vous vous endormez du sommeil de la mort, vous serez sans
crainte, disent les Proverbes ; vous reposerez, et votre sommeil sera
délicieux: Si dormieris , non timebis; quiesces, et suavis erit somnus
tuus (m. 24). Que ne suis-je mort! disait Job à ses amis. Je dormi-
rais dans le silence, et je me reposerais dans mon sommeil: JSunc
enim dormiens silerem,et somno meo requiescerem (m. 13). Les morts
crue vous pleurez vivront, dit le Seigneur par la bouche d'Isaïe ,
ceux qui ont été immolés pour moi ressusciteront; réveillez-vous,
faites entendre des louanges, vous qui habitez dans la poussière:
Vivent mortui tui, interfecti mei résurgent : expergiscimini, et Laudate
qui habitat is in pulvere (xxvi. 19). Va, mon peuple, entre dans le
lieu de ton repos, ferme la porte sur toi, dérobe -toi pour un
moment, jusqu'à ce que l'indignation du Seigneur soit passée. Voici
que le Seigneur sortira de son sanctuaire, afin de visiter Jes crimes
(1) AmVi Dci mori ^identur oculis insipientium, sed in oculis sapientum judi-
cantur potius obdormioa : Cum dederit delectis suis somnuin ecce haeredi»^
Domini Çfjerm. lu in Çant.).
nu M
334 MORT DTJ 3VÏTE.
que Jes habitants de la terre ont commis contre lui (xxvi. 2l>. 2i ).
C'est la voix du Seigneur à ses saints, à ceux qui meurent dans son
amour. Allez, ô justes! entrez pour un peu de temps dans vos tom-
beaux ; là, dormez et reposez-vous ; car bientôt, c'est-à-dire au jonr
du jugement, je vous ressusciterai, afin de vous faire jouir de la
récompense que vous avez méritée. Reposez-vous de vos travaux ! La
mort, en effet, n'est pas pénible pour le juste; mais elle est douce.
nparé à ietoinité, le temps que Ton passe dans le tombeau n'est
ee qu est une nuit de somuieil coin Dorée à la vie entière de
l'homme.
Le sépulcre est un lit. Aussi les cimetières sont-ils appelés en lan-
gue grecque des dortoirs, des lieux de sommeil.
Je les délivrerai des mains de la mort , dit le Seigneur par la
bouche du prophète Osée; je les rachèterai de la mort. 0 mo
serai ta mort : De manu mortis liberabo eos , de morte redimam eos .'
ero mors tua, o mors (xm. 14).
1 iuste, Jk désire ma dissolution pour être avec J. C. , dit le grand Apôtre
. le. aux Phihppiens : Cupiens dissolvi , et esse cum Christo (i. 23). Celui
qui désire de mourir pour être avec J. C. , dit saint Augustin, ne
nieurtpas dans la souffrance; mais il vit dans la souffrance et meurt
avec délices : Qui desiderat dissolvi, et esse cum Christo, non patienter
moritur, sed patienter vivit , et delectabiliter morilur (In Epist. ad
Philipp. ). Celui qui est animé de l'esprit de Dieu , foule aux pieds
les choses terrestres et ne désire que les biens célestes et éternels ; la
mort qui les lui procure est un gain pour lui , comme le dit saint
Paul : Morilucrum (Philipp. i. 21 ).
Malheur à moi , s'écrie le Prophète royal, car mon exil a été
prolongé! //eu milii , quia incolatus meus prolongatus est! (exix. î>.)
0 ii \ r./., Seigneur, déli\rez mon âme de prison, afin que je glorifie
votre nom; les justes attendent que vous m'accordiez ma récom-
pense : Educ de custodia animam meam ad confilcndum nouùai tuo;
me exspeetant justi, donec rétribuas mihi (Psaï. cxli. 8).
Les justes désirent une vie m ue celle de ce inonde
les Je n'ai pojnt couru en vain, je n'ai point travaillé en vain, dit saint
mort. Paul : Mon in vacuum cucurri , negue in vacuum laboravi (Philipp.
H. 10).
Je ne Veux pu.-, fri i iez ce qui concerne ceu* qui
doraient, afin que vous ue soyez pus contristés comme les autres qui
mot;t du jttste. 33$
n'ont point d'espérance, écrit cet apôtre aux Tliessaloni tiens :
Nolumus vos ignorare, fratres , de dormientibus , ut non coniristeminl
sicut et cœteri qui spern non kabent (I. iv. 12 ). Le temps de ma disso-
lution approche , écrit-il à son cher disciple Timothée. J'ai com-
lattu le bon combat, j'ai achevé ma course, j'ai gardé la foi. Du
reste, m'est réservée la couronne de justice, que le Seigneur, juste
juge, me rendra en ce jour; et non-seulement à moi, mais encore
à ceux qui aiment son avènement (1).
De même que l'impiété redoute la venue du grand Dieu , dit saint
Jérôme, ainsi la piété, pleine de sécurité dans ses œuvres, la désire :
Sicut impietas magni Deireformidat adventwn, ita secura de opère suo
vietas, illum prœstolatur ( Comment, in Epist. ad Tirn. ).
Mon corps reposera dans l'espérance, dit le Psalmiste : Caro mea
reguiescet in spe (xv. 19).
Le juste espère dans sa mort, disent les Proverbes : Speratjustus
ta morte sua (xiv. 32).
Qd'il s'agisse de ce qu'il quitte, ou de ce qu'il trouve, les avantages d^J"{"*^"
que le juste tire de la mort sont nombreux mort : i* Dans
Quant à ce qu'il quitte, ils peuvent se résumer en quatre prin- CCqquitte.°U
cipaux :
Premier avantage : le juste quitte son corps. Pendant que nous
sommes dans la tente de nos corps , dit saint Paul , nous gémissons
sous le poids : Nam et qui sumus in hoc tabernaculo ingemiscimus
gravati (II. Cor. v. 4) ; sachant que pendant que nous sommes dans
le corps , nous voyageons loin du Seigneur : Scientes quoniam dum
sumus incorpore, peregrinamur a Domino (II. Cor. v. 6).
L'Ecriture sainte nomme le corps une tente ; car : 1° de même
qu'on n'habite que peu de temps sous une tente ; ainsi le séjour de
l'âme dans le corps est de peu de durée 2° L'homme réside dans
sa maison et il y jouit du repos , mais il sort de sa tente et part ; ainsi
l'âme ne se repose pas dans le corps, mais elle est toujours en mou-
vement, elle va, elle court à la mort; et par la mort, à l'immorta-
lité. Car, dit saint Paul aux Hébreux, nous n'avons point ici une
cité permanente, mais nous cherchons la cité future : Non habemus
hic manentem civitatem, sed futuram inquirimus (xin. 14.) 3° Le
^1) Egujamdelibor, et tempus re=olutionis me* iustat. Bonum certamen certavi,
eursum consuramavi, fidem servavi. lu reliquo reposita est nnlii corona jusliti?,
quam reddet mihi Dominus iu illa die, justus judex. .Non solum autem mini, scd .-
ks quidiliguut adventum ejus (XI. îy. G-sj.
356 MORT DU JUSTE.'
nom de tente indique que nous sommes étrangers sur la terre
4° Comme le soldat loge dans une tente , ainsi les fidèles soldats de
J. C. demeurent dans leurs corps. Ils ont à soutenir un combat assidu
contre leur chair Quitter ce corps de péché, soumis à la concupis-
cence, à une foule de besoins, aux maladies et aux douleurs, ce corps
qui deviendra la proie de la corruption, etc.; c'est se décharger d'un
écrasant fardeau!... Quitter ce corps, véritable et obscure prison
pour 1 ame, ce corps qui lui sert de chaîne et la tient dans l'escla-
vage, quel bonheur ravissant! Dépouille-toi, Jérusalem, dit te pro-
phète Baruch, dépouille-toi, âme fidèle, de la robe de deuil et
d'affliction, et revêts-toi de l'éclat et de l'honneur delà gloire éter-
nelle , qui te vient de Dieu : Exue te , Jérusalem stola luctus et vexa-
tionis tuœ; et indue te décore et honore ejus , quœ a Deo tibiest,
sempiternœ gloriœ (V. i).
La conservation du corps, dit saint Grégoire , est de nulle valeur
pour J ame qui est percée des flèches de l'amour divin : Vilis ei fit
ipaa salus corporis, quia transfixa est vulnere amoris (Homil. xv in
Ezech. )
Voulez-vous, dit Sénèque, n'être point sous le joug de votre corps?
habitez-le comme devant en sortir; songez que vous ignorez quand
vous le laisserez, et vous serez fort alors quil faudra vous en séparer
(Prov.).
Second avantage : le juste dit adieu au monde, au monde son
ennemi juré Il abandonne la terre, couverte de dangers et de
scandales, etc. ( I oyez Monde et Néant du monde.)
Troisième avantage : le juste est délivré des biens d'ici-bas ; car que
sont ces biens, sinon «i s pièges ei des maux?.., {Voyez Richesses.)
Quatrième avantage : il quitte cette misérable vie.
Comparée à la vie éternelle , la vie présente, dit saint Grégoire,
doit plutôt être appela' une mort qu'une vie : Temporalls vita,
CPternœ vitir comparata , mors est potius dicenda . i/uam vita
(Homil. xxxvn in Evan
La vie présente resseï on hiver rigoureux et continuel
La vie éternelle est un printemps, un été et un automne ravis-
sants
a porté saint Paul et les autres saints à
rer la mort : c'est la co isidération des trois liens qni nous tien-
nent enchaînés ici-bas el i ent fortement. Le prei •• estle
lien cond . le et
des péchés; le troisième, le heu de la t i:r< et les choses de la
MORT BU JUSTE. 357
terre. La mort brise tous ces Jieiis; elle nous rend impassibles,
impeccables, célestes et divins.
L'homme , dit saint Bernard , a un triple motif de se féliciter de la
mort : il est délivré de tout travail , de tout péché, de tout danger :
Triplex in morte congratulatio est, homines ab omni labore , peccato et
periculo liberari (Transitu S. Machiee.)
La vie présente n'est autre chose qu'une lente mort.
Sénèque enseigne que la mort n'est autre chose que la fin des
maux (Prov.).
Trois choses, dit saint Bernard, rendent précieuse la mort du
juste : le repos après le travail de la vie , la joie causée par le spec-
tacle nouveau qui s'offre à lui, la certitude de ne jamais perdre la
bienheureuse éternité : Tria sunt quœ mortern sanctorum faciunt pre-
tiosam : quies a labore , gaudium de novitate, securitas de œternitate
(Serin, xxv inter Parvos).
Pour l'âme, la mort n'est autre chose qu'une sortie de prison , la
fin de son exil et de ses souffrances, l'entrée au port, le terme de
son voyage, la décharge du fardeau qui l'accablait, la satisfaction
de pouvoir quitter un cheval furieux et une maison qui tombait en
ruine, le terme de tous les chagrins, l'éloignement de tous les dan_
gers, la fin de tous les maux, la rupture de toutes les chaînes, le
solde de la dette qu'elle avait contractée envers la nature
Celui qui plaisait à Dieu, dit la Sagesse, est devenu son bien-
aimé : vivant parmi les pécheurs , il a été transféré dans un autre
séjour ; il a été enlevé de peur que le mal ne changeât son cœur ,
et que l'illusion ne déçût son âme. Ayant vécu peu de temps, il a
rempli une longue carrière. Son âme était agréable à Dieu; voilà
pourquoi le Seigneur s'est hâté de le retirer du milieu des ini-
quités (1).
Quand on donne le nom de mort à la fin de cette vie, on n'y pense
pas , dit l'évêque saint Maxime; il faut plutôt la nommer l'éloigne-
ment de la mort , la séparation de l'âme d'avec la corruption , la
disparition des ténèbres; en un mot, la cessation de tous les maux
(Surius, in e jus vita).
En vivant, dit saint Ambroise, nous altérons souvent notre inno-
nce; en mourant, nous cessons de pouvoir suivre la voie de
(1) Placens Deo factus est dilectus : et vivons inter peccatores , tran>la»us est.
Raptus est, ne malitia mutaret intellecttim ejus ; aut ne fictio deciperet animam illius.
Consummatus in brevi, explevit tempora multa. Placita erat Deo anima illius; pro-
pter quod properavit educere illura de medio iniquitatuua ( .*: ap. IV. 10-1 v .
358 MORT DU JOSTE.
Terreur. La mort nous procure donc un gain ; tandis que par l'usage
de la vie, semblables aux malheureux débiteurs d'un usurier de
profession, nous augmentons la dette de nos fautes (1).
Celui qui meurt voit arriver la fin des pénibles et continuels tra-
vaux de la vie; il est délivré des embarras, des douleurs, des angoisses
et des persécutions qui forment le cortège de l'homme sur la terre;
il se trouve à l'abri des coups des ennemis avec lesquels il était en
guerre; il n'a plus à craindre ni les tentations , ni les embûches du
démon
Le Seigneur, dit le Psalmiste, protège les âmes des saints; il les
délivrera de la main des méchants (par une sainte mort ) : Custodit
Dominus animas sanctorum suorum ; de manu peccatoris liber abit eos
(xcvi. 10). En mourant, le juste peut dire avec le prophète : Le
Seigneur a délivré mon âme de la mort, mes yeux des larmes, et
mes pieds de la chute; je marcherai en la présence du Seigneur dans
la terre des vivants : Eripuit animam meam de morte, oculos meus a
lacrymis, pedes meos a lapsu. Placebo Domino in ?rgione vivorum
(Psal. cxrv. 8. 9).
Ah ! mourir c'est vivre; et vivre ici-bas , c'est mourir!...
Je ne sais, dit saint Grégoire de Nazianze, si l'on ne devrait pas
appeler notre vie une mort ; et au contraire donner à la mort le nom
de vio : llaud scio an hœc vita nostra mors potins dicenda sit} et morse
contra vitœ nomme nuncupunda (Oratde Vita humana).
»• Dans ce VpKONS mninfonnnt aux avantages que le juste tire de sa mort, au
'}' ' l'" ri >int de vue de ce qu'il trouve.
trouve. I 1
ir lui, la mort est une flèche d'or; elle l'enrichit en io
|i : ant
Qu'est-ce que la mort du juste, sinon la fin de ses travaux, le
commencement du repos etde la paix , la fuite de |a tristesse, J'ai"
ii la joie , le calme après la tempête, le terme d'une périlleuse
xia\i :,ilinii. L'entrée au port du salut, une sortie d'esclavage et
d'exil , le retour dans la patrie?...
Au lit de la mort, le juste , dit saint Bernard, considère les dan-
gers auxquels il a échappé, les travaux qu'il a suppprl s, les
combats dans lesquels il a été vainqueur; et à la suite d'une vie
(1) Vivendo damna contraliimus innorrnfine ; morte fincm errons rulipi i.
Liirriim crpo morte acquiritur ; vita; autem usu, tanquam miseris dcbitoribus usu-
rarii nominis, ad realum frenus augetur ; Lil). Il de O/fic, c. v).
-'OBT Vu ;-ste. 3^)9
sa' te, il n'fon ] av^ une confiance pleine fle ? 'ourité la bienheu-
reuse espérance et la venue de la gloire du grand Dieu. Oh! combien
sont heureux ceux qui meurent dans le Seigneur! fis entendent ces
consolantes paroles du Saint-Esprit : Heureux ceux qui meurent
dans lo Seigneur. Oui, dit l'Esprit, ils se reposeront de leurs tra-
vaux; car leurs œuvres les suivront : Beati mortui qui in Domino
moriuntur. Amodo jam dicit Spiritus ut requiescant a laboribus suis :
opéra enim illorum scquuntur illos ( Apoc. xiv. 13). Ils n'entrent pa-
seulement en possession du repos, mais de la joie qui résulte d i
spectacle nouveau qui s'offre à eux et de la certitude de ne jamais
perdre la bienheureuse éternité. Bonne mort que la mort du juste,
à cause du repos; meilleure à cause de la nouveauté qu'il découvre;
parfaite, à cause de l'éternité" qui lui est assurée ! Au contraire, la
mort du pécheur est très-mauvaise. Pourquoi? Elle est mauvaise
parce qu'il se trouve séparé du monde; plus mauvaise, parce qu'il
éparé de son corps; très-mauvaise, parce qu'il est condamné au
ver rongeur et au feu de l'enfer (Serm. in Cant. ).
La mort de ses saints est précieuse aux yeux du Seigneur, dit le
Prophète royal : Pretiosa in conspectu Domini mors sanctorum ejus
(cxv. 15).
Au moment suprême de la mort , Dieu apparaît à l'âme du juste :
Lève-toi , lui dit-il , lève-toi, Jérusalem (âme fidèle) , toi qui as bu
de la main du Seigneur le calice de ses épreuves ; tu as bu jusqu'au
fond de ce calice, tu l'as épuisé jusqu'à la lie : Elevare , elevare,
consurge , Jérusalem , quœ bibisti de manu Domini calicem irœ ejus :
usque ad fundum calicis bibisti, et potasti usque ad fœces ( Isai. li. M).
Je t'ai ôté ce calice , le calice de mes épreuves; tu ne le boiras plus
désormais! Ecce tuli de manu tua calicem, fundum calicis indigna*
iionis rneœ , non adjicies ut bibas illum ultra (ïbid. li. 22 ). Lève-toi,
lève-toi, revêts-toi de ta force , ô Sion; reprends les vêtements de ta
gloire, Jérusalem, cité du saint: l'incirconcis et l'impur ne passe-
ront plus au milieu de toi. Sors de la poussière , lève-toi, Jérusalem ;
monte sur le trône que je t'ai préparé; romps les fers qui entourent
ton cou, fille de Sion naguère captive (1). Tes angoisses d'autrefoi
sont livrées à l'oubli, je les ai fait disparaître pour jamais : Oblivioni
(1) Cônsur^o, cossqrge, induere fortitudine tua, o Sion, induere vestimentis glo-
rise tus, Jérusalem, civitas sancti : quia non adjiciet ultra ut pertranseat per te
incirr.umcisus et immundus. Excuterc de pulvere, consurge, sede Jérusalem ; ?o!v<j
,,, l Sion (Isai. lu. 1. 2).
360 MORT DU JUSTE.
traditœ svnt ongustiœ priores , et absconr/itœ sunt ab ooidis met
(ïbid. lxv. 16).
J'entendis, dit l'apôtre saint Jean dan? l'Apocalypse, j'entei i-
une voix du ciel qui nie disait : Ecris : Heureux les morts qui meu-
rent dans le Seigneur! Audivi vocem de cœlo dicentem milti: Scribe :
Beati mortui qui in Domino moriuntur ! ( xiv. 13. )
(Au : ornent < le la mort) la lumière s'est levée sur le juste, dit
le Psilmiste , et la joie est descendue sur ceux qui ont ie coeur dr >ii :
Lux or ta est justo , et rectis corde lœtitia (xcvi. \\). Justes, réjoui
vous dans le Seigneur : Lœtaminijusti in Domino (Ibid. xcvi. 12).
La mort, dit saint Bernard, n'a plus d'aiguillon; elle apporte
l'allégresse : Morsjam non est stimulus, sed jubilus (Serai, xxvi in
Gant.).
La mort met
le juste en
possession
du bonheur
éternel.
P'.'iR les justes, la mort est le commencement de la vie. Elle est leur
départ pour le ciel
Nous savons, dit saint Paul, que si cette demeure terrestre où nous
habitons vient à se dissoudre, nous en avons une autre laite de la
main de Dieu, et non de celle des hommes, et qui subsistera éter-
nellement dans les cieux. C'est pour cela que nous gémissons,
ajoute l'Apôtre, désirant d'être revêtus de notre habitation qui est du
ciel. Si cependant nous sommes trouvés vêtus, et non pas nus (1).
Ou, comme le dit saint Paulin, si, dépouillés du corps , ni m- no
sommes pas nus de la grâce : Si, dispuliatus a corpore, mm inveaiarii
nudus ab opère ( Epi st. ).
Pour moi, \ I posséder le Christ, et mourir est un gain,
dit saint Paul : Mihi vivere Christus est , et mori lucrum ( Philipp. i
21 ). La mort est l'achat de J. C. et de la béatitude qu'il nous a pré*
; c'est l'acquisition de la vie éternelle.....
La mort est l'entrée dans la patrie et dans la gloire
Par la mort, dit saint Cvprien, nous passons à l'immortalité. On
ne peut arriver à La vie éternelle, sans sortir de la vie d'ici-bas; la
mort n'est pas une mort, mais un passage : Ad innnortalitatem morte
transnredimur. A un succedere , nisi hinc contiyerit
emigrarè; non est exi us . wd transitus (De Mortal.).
Ici-bas, dit saint Bernard, le juste meurt plein de jours, et il
(1) Scimus enim quoniaia si toi us nostra hnjus babitationts dissMvn-
tur, adilkalioncm es Dco habemus, ilomum non manu fa< » i a ternam in cœlis.
Nam et in hoc i tionem nostram, qu.i ■ . superioduj
CQjpieol 'i vcbtiti, non:) • . \ -i).
HOiiT DU JUSTE. J61
reparait là où se trouve la plénitude des jours : Hic moritur
jus tus plenus dierum; et illic oritur in plenitudine dierum (Serai,1
inSap.).
La lumière (du juste mourant) brillera comme l'aurore, ditïsaïe;
la justice marchera devant lui , et il sera environné de la gloire du
Seigneur (lyiti. 8). Votre lumière, ô juste! brillera dans les ténè-
bres de la mort, et ces ténèbres seront pour vous comme le soleil.
Le Seigneur vous donnera un repos éternel; il environnera votre
âme de sa splendeur; il ranimera vos ossements ; vous serez comme
un jardin toujours arror^S, comme une source dont les eaux ne
tarissent jamais: Requiem tibi dabit Dominus semper , et implebit
splendoribus animam tuam , et ossa tua liberabit ; et eris quasi hortus
irriguus, et sicut fons aquarum, cujus non deficiunt aquœ (Ibid.
Lvm. 10. 41). La cendre dont ils couvraient leur tête sera changée en
une couronne , leurs pleurs en joie, leurs vêtements lugubres en
vêtements de gloire : Et darem eis coronam pro cinere, oleum gaudii
pro luctu, pallium laudispro spiritu mœroris (Isai. lxi. 3).
Comme saint Etienne, le juste mourant lève les yeux au ciel , et il
voit la gloire de Dieu et les cieux ouverts (Act. vu. 55). Il voit
l'échelle de Jacob, les anges qui descendent et qui viennent le cher-
cher, et, au sommet de l'échelle, Dieu qui lui dit : Bon et fidèle
seniteur, parce que vous avez été fidèle en peu de chose, je vous
donnerai beaucoup; entrez dans la joie de votre maître : Serve boae
et fidclis, quia super pauca fuisti fidelis, supra multa te constituam:
intra in gaudium Domini £mj (Matth. xxv. 21 ). Venez, béni de mon
Père, lui dit J. C. ; possédez le royaume préparé pour vous dès l'ori-
gine du monde : Yenite , benedicti Patris mei, possidete paratamvobis
regnum a constitutione mundi ( Matth. xxv. 34 ). Et ce juste va dans la
vie éternelle : Ibuntjusti in vitam œternam ( Matth. xxv. 46).
Les païens eux-mêmes avaient conservé quelque chose de la
croyance , reçue par tradition , que , pour ceux qui avaient
observé les lois de la justice, la mort était le passage à une vie
meilleure.
Ce que les hommes appellent la mort, dit un philosophe, est le
commencement de l'immortalité , et l'acte qui crée pour eux la vie
future : Hoc quod mortem komines vocant, idipsum est immort alitaiis
initium , et futurœ vitœ procre'Uio ( Maxim . Tyr. , serm. xx ).
La mort, dit Cicéron , nous sépare des maux , et non des biens :
elle n'est pas une destruction qui enlève tout et qui elï'ac i tout
mais une sorte d'émigration et d ? changement !e vie, qui, pour les
302 MORT PU JUSTE.
grands hommes et les femmes illustres, est d'ordinaire la voie du
ciel (l).
Blessé à mort dans un combat acharné , Epaminondas , général
Thébain, demanda s'il était victorieux de l'ennemi? Gomme on lui
répondit affirmativement, il dit : Ma vie touche à sa fin; mais une
vie meilleure et d'un ordre supérieur va commencer pour moi.
Mourant comme il meurt, c'est maintenant qu'Epaminondas nait:
Nunc finis vitœ meœ, sed. melius et altius initium advenit : nunc Epa-
minondas nascitur, quia sic moritur (Plutarc).
Si nous en croyons Strabon , les Brachmanes affirmaient que la
mort est une nativité à la vie véritable et heureuse.
L'âme, dit Pallade, s'échappe du corps comme d'une prison de
mort et s'enfuit vers le Dieu immortel : Anima e corpore , ianquam e
carceribusmoiiis, fugit ad Deum immortalem (Anton, in Mol
Le jour de la mort que l'homme redoute tant, dit Sénèque, est
la naissance du jour éternel (Prov. ).
txmplestirés JE chanterai éternellement les miséricordes du Seigneur, dit le Roi-
tle la mort °
des saints. Prophète : Misericordias Domini in œternum cantabo ( lxx.wih. \ ).
Le juste meurt en chantant , dit saint Bernard , et en mourant il
chante : 0 mort ! mère du chagrin, tu sers à la joie : enne
gloire, tu sers à la gloire; porte de l'enfer, tu sors d'entrée au n
royaume; abîme de perdition, tu sers à faire trou tt; ô
mort! tu ouvres aux fidèles qui traversent tes domaines une largo
et joyeuse sortie pour arrivera la vie (2).
Ainsi, par la grâce de J. C. et sa force, saint Laurent, saint Vin-
cent et tous les martyrs se moquaient des bourreaux, des tourments
et de la mort. Ainsi les confesseurs, les anachorèti -. etc.,ae réjouis»
salent à leur dernière heure. Ceux qui imitenl leurs vertu* se réjoui-
r§nt comme eux, parce qu'ils seront vain [u urs de la mort \
nuit même, et passeront de la vie présente à la vie éternelle.
La mort est un jeu pour les vrais ebrétiens; la vie leur est h
charge , la mort fait l'objet de leurs désirs et leur b<
ne leur est pas enlevée, elle est changée en une existence meilleure.
(1) A malis mors abducit, non a )>onis, rt murs non est inforitus omnia tollons
atqup deleos, sed qaœdam quasi mlgratio c iramutalioque vitac, qtiœ in Claris viris et
femmis <lu\ in co>liim solct Mie ( Tusauiart. 1 .
(2) Jam canlan i> îimiiin: et njoriendo rnntat : TTsurparis ad lJBtil
mater mœroris : usurp - gloria; inimii'i ; isurparis ad introitum i
porta tnfori ; el rovea perdltionis , ad inventionpm < aedium
tui Hdelipiia 1 .. ; m ■) lr.Unnuii.>' i-\i." >d viUin [Scn/i. in Vaut.).
srôïtï pp juste. 303
Par la mort, ils cessent de mourir, et commencent de vivre d'une
vie qui n'aura point de fin
En entendant la sentence de mort portée contre lui, saint Cyprien
s'écria : Je rends grâces au Dieu tout-puissant qui daigne me déli-
vrer des chaînes du corps (Inejus vita).
Notre adversaire , dit ce grand saint, a compris que les soldats
de J. C. sont invincibles, et que, par cela môme qu'ils ne craignent
pas de mourir, ils ne seront jamais vaincus: Intellexit adversarius
milites Christ i vinci non posse, et hoc ipso invictos esse, quia mori non
timent (Ejilst ad Cornet.).
Les méchants, dit saint Bernard, appellent mort le passage à la
vie; mais je juste regarde la mort comme la pàque la plus pré-
cieuse (1); car il meurt au monde pour vivre parfaitement de Dieu;
il entre dans la demeure admirable du Seigneur; il pénètre dans
fon sanctuaire (De Nat. et Dignit. div. amor., c. xv).
Au moment de sa mort, saint Etienne , qui ne voyait rien de ce
qui se passait autour de lui, voyait J. C, dit saint Grégoire de
Nazianze : Eo tempore quo cœtera non videbat, Jesum videbat (In
Act. apost. ).
Saint Nicolas mourant s'écriait : Seigneur, je remets mon âme
entre vos mains (Surius, in ejus vita).
Saint Martin disait : Permettez que je regarde le ciel plutôt que
la terre, afin que mon âme, prenant le chemin qu'elle doit suivre,
se dirige vers le Seigneur (Hist. Eccles. ).
Ecoutez saint Ambroise : Je n'ai pas vécu pour craindre la mort; jt
ne la crains pas, car le Seigneur est bon (Possidon. Vit. S. August.) .
Hélas! s'écriait saint Jérôme, que mon pèlerinage a été prolongé !
Comme le cerf qui court à une source d'eau vive, ainsi, mon Dieu,
mon âme vous désire (Hist. Eccles. ).
Seigneur, disait sainte Marie Egyptienne , vous laisserez partir
votre servante en paix , selon votre parole (In ejus vita).
Le vénérable Bède répétait : Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-
Esprit (Surius, in ejus vita).
Sainte Gorgonie disait : Je dormirai et je me reposerai en paix
(Ribaden. Vit. Sonet.).
Et saint François d'Assise : Tirez, Seigneur, tirez mon âme de sa
(1) Pour bien comprendre ces paroles de saint Bernard et l'allusion qu'elles renfer-
ment; il faut se rappeler que le mot pàque a un double sens : par son étymologie d«
î'hébreu phasv ou phase, il signifie passage: et pnKsqn seps historique et religieuv ,
■plpnqffé, fête, Min, union avec Dieu, etc.
364 MORT DF JUSTE.
prison, afin qu'elle loue votre nom; les justes attendent que je
reçoive ma récompense (S. Bonav. ).
Voici ce que dit saint Pierre d'Alcantara : Je me réjouis de ce que
Ton vient de m'annoncer; j'irai dans la maison de Dieu (Surius, in
ejus vita).
Sainte Marie de Belgique s'écria : 0 Seigneur notre roi, que vous
êtes beau! Louez Dieu : Alléluia! (Ribaden. Vit. Sonet.)
Prêtez l'oreille aux paroles de saint Antoine : Lorsque le jour de la
résurrection sera venu, je recevrai de la main de J. G. ce corps que je
vais abandonner, et il sera incorruptible. Puis s 'adressant à ses reli-
gieux : Adieu, mes enfants, dit-il, adieu, Antoine s'en \a(Vit. Pair.).
Saint Bernard entendit une voix qui lui disait : Venez, on vous
attend ( In ejus vita ).
Saint Jean Clirysostome quitta ses habits, en prit de blancs,
comme pour se préparer aux noces célestes de l'Agneau; il commu-
nia et dit: Dieu soit glorifié de tout. Ainsi soit-il (Surius, in ejus
vita).
Je vais entrer aujourd'hui en possession d'un royaume que J. C.
veut bien partager avec moi, dit saint Philéas martyr (Surius, in
ejus vita ).
Saint Aelred mourut en prononçant ces paroles : Seigneur, mon
Dieu, je chanterai éternellement votre miséricorde, votre miséri-
corde , votre miséricorde ! (Godesc, in ejus vita.)
Tandis mie les amisde saint Laurent Justinien pleuraient autour de
lui, il s'écriait dans des ravissements de joie : Voilà l'Epoux; allons
au-devant de lui. Seigneur Jésus, je vais à vous (Surius, m ejus vita).
Sainte Maure, vierge àTroyes, mourut en prononçant ces paroles
de L'Oraison dominicale : Que votre règne arrive (Godesc).
Saint Edouard, roi d'Angleterre, voyant la reine . ndant en lar-
mes . lui dit : Ne pleurez pas; je ne mourrai point, mais je vivrai ;
j'espère , en quittant cette terre de mort, entrer dans la terre des
vivante pour y jouir du bonheur des saints (Godesc.).
<» mon Seigneur et mon époux, s'éçriail sainte Térèse, la voilà
donc arrivée cette heure que je désirais si ardemment ! Je touche au
moment de ma délivrance. Que votre volonté soit laite. L'heure est
enlin venue où je sortirai de mon exil, et où mon âme trouvera
dans votre présence le bonheur après lequel elle soupire depuis si
Longtemps (Godesc).
Saint François Xavier ayant les yeux bai-nés de pleurs et tendr*-
ment attaché sur son crucilix , prononça ces paroles : Seigneur, i*ai
MORT DU JUSTE. 36*
mis en vous mon espérance, je ne serai jamais confondu; et en même
temps, transporté d'une joie céleste qui parut sur son vieage, il
rendit doucement l'esprit (Godesc).
Après avoir dit qu'il voyait la sainte Vierge accompagnée d'une
troupe d'anges, saint Stanislas de Kostka expira tranquillement
(Godesc).
Saint Louis de Gonzague remercia Dieu de ce que sa fin était
proche , et pria un des pères de la compagnie de réciter le Te Dewn
avec lui. Il dit à un autre : Mon père, nous nous en allons, et nous
nous en allons avec joie (Godesc).
Ah! quel bonheur! s'écriait saint François Régis; que je meurs
content! Je vois Jésus et Marie qui daignent venir au-devant de moi
pour me conduire dans le séjour des saints ( Godesc).
Le bienheureux Bernard de Corléon contemplait avec transport les
approches du trépas : Passons, mon âme, disait-il, passons de
cette misérable vie à la félicité éternelle! Passons de la souffrance à
la joie ! Passons de la corruption du monde aux divins embrassements
de Dieu! (Godesc)
Le bienheureux Nicolas de Longobard , recueillant son dernier
souffle, s'écria avec une sainte joie : Au paradis! au paradis! et il
expira (Godesc).
Tous ceux qui assistèrent à la mort du vénérable Paul de La Croix,
se disaient, après qu'il eut fermé les yeux : Aujourd'hui nous avons
vu comment meurent les saints (Godesc).
Ces exemples touchants de la mort de quelques saints s'appli-
quent à tous.
On peut dire de chaque juste mourant ce que l'Ecclésiastique dit
d'Ezéchias : Il vit ses derniers instants avec un grand cœur : Spiritu
magno vidit ultima (xlviii. 27 ).
Le preneur Pierre, dit saint Chrysostome, resplendit, même après
sa mort , d'une lumière plus éclatante que le soleil : Piscator Petrus, la mort du
etiampost mortem, resplendet , sole clarius (De S Petro).
juste et sa
mémoire sont
On pourrait placer sur le tombeau de tons les saints l'inscription enhon"eur et
r r r en vénération.
si glorieuse qu'on lit dans l'église de Sainte-Marie-des-Anges , à
Rome, sur le tombeau du cardinal Alciati : Virtute vixit, memoria
vivit. gloria vivet : Il a vécu dans la vertu, il vit dans la mémoire des
hommes, il vivra clans la gloire.
L'Eglise appelle le joui1 de la mort des saints, le jour de leur
366 -MORT DU JUSTE.
naissance. Leur précieuse mort, en effet, les fait naitre à la vie,
à la possession de la félicité éternelle.
Le Psalmiste a fait en deux mots Tépitaphe de tous les justes : La
mémo]ix-du\m{ene-])C'r\ra}amai\s:Inmeinoriaœternaeritjustus(c}ii.'"i).
Après avoir vécu quatre-vingt-dix-neuf ans, Tobie, dit l'Ecriture,
mourut dans la crainte du Seigneur, et ses enfants l'ensevelirent
avec une sainte joie (xiv. 16).
Bénédiction du Seigneur sur la tête du juste, disent les Proverbes.
La mémoire du juste est un parfum qui s'exhale dans l'avenir; mâîs
le nom de l'impie répandra l'infection : Benedictio Domini super Captif
justi Memoria justi cum laudibus; et nomen impiorum putrescet (x#
6. 7). Le souvenir du juste est agréable et doux; sa mémoire est
honorée, tellement que Dieu et les hommes le bénissent, le lôtiënt,
le célèbrent. Ainsi sont glorifiés Abraham, Moïse, Jean-Baptiste, les
apôtres, etc
La maison de l'impie sera arrachée de ses fondements, dit l'Ecri-
ture; mais les tentes des justes subsisteront à jamais : Domns impio-
rum delebitur; tabernacula vero justorum gerrninabunt (Pn>\ . m •, . 1 1).
Celui qui craint le Seigneur jouira d'une ineifable tranquillii é à
ses derniers instants; il sera béni au jour de sa mort, dit l'Eolé-
siastique : Timenti Dominum bene erit in extremis , et in die defun-
ctionis suce benedicetur (i. 13). Sa mémoire ne s'effacera pas , et son
nom sera transmis de génération en génération : Non recède t mémo-
ria ejus , et nomen ejus requiretur a generatione in generationem
(Ibid. xxxix. 13). Les peuples raconteront sa sagesse, et l'assem-
blée des fidèles célébrera ses louanges : Sapientiam ejus enarrabunt
génies, et laudem ejus enuntiabit ecclesia (Ibid. xxxix. 14). Biches en
vertu, dit encore l'Ecclésiastique, aimant la véritable beauté et
vivant en paix dans leurs maisons, les justes, nos pères, ont obtenu
la gloire, chacun parmi les fils de sa nation : ils ont été loués pendant
leur vie j et ceux qui sont née d'eux ont laissé un nom qui a raconté
leurs louanges. Au contraire, il est des hommes dont la mémoire
n'existe pas : ils ont péri comme s'ils n'avaient jamais été; ils sont
nés, et c'est comme s'ils étaient demeurés dans le néant , eux et
leQrs enfants avec eux. Mais nos pères ont été miséricordieux, et
leur piété n'a jamais défailli. Tous les biens seront le partage de
leur postérité Leurs corps ont été ensevelis en paix, et leur
nom vit de génération en génération, nue les peuples racontent leur
sagesse, et que l'assemblée des fidèles célèbre leurs louanges (uiv.
6-11. 14.15).
ifOBT DU JUSTE. 367
1° Us sont eD paix ; car ils sont morts après avoir bien employé
leurs jours et chargés de saintes œuvres; ils sont morts dans une
bonne vieillesse; et môme quand ils ont été enlevés à la fleur de
l'âge, ils avaient une longue vie, parles vertus, le mérite, la
sainteté. 2° Ils ont été ensevelis en paix; parce que la pomp? dont
on a environné leurs funérailles leur était bien due, ils ont reçu un
large tribut de regrets et de prières, etc. Si déjà ils ne sont pas
ujssession de la gloire, ils participent à toutes les prières, à toutes
iumùnes, à tous les sacrifices de l'Eglise. 3° Ils sont en paix ;
car ils ont été ensevelis par leurs amis au milieu de ceux qu'ils
avaient connus et avec lesquels ils avaient vécu en paix , en charité.
4° Us sont en paix ; car ils attendent la résurrection glorieuse. 5° ils
sont en paix , c'est-à-dire honorés d'une excellente réputation et
d'une glorieuse mémoire.
Leur nom vit de génération en génération : Et nomen eorum vitoit
in generationem et generationem (Eccli. xuv. 44). Il vit tant au ciel,
auprès de Dieu, des anges et des bienheureux, que sur la terre,
auprès des hommes de tous les lieux et de tous les temps. Pendant
que leur âhie est revêtue des splendeurs de la gloire étemelle,
qu'elle voit Dieu face à face et le possède tout entier , leurs corps
sont exposés à la vénération publique sur nos autels
Or, la source et le principe de ce souvenir, de cet honneur, de
cette gloire qui leur sont accordés, c'est une vertu parfaite ; car la
vertu fait le nom et la mémoire , et la mémoire engendre la gloire
dans le temps et dans l'éternité. Les justes sont loués, ils le seront
dans tous les temps ; car, dit saint Antoine , la mémoire des saints
est le chemin qui conduit à la vertu ; c'est un stimulant de sancti-
fication (Vit Patr.).
Que leur mémoire , s'écrie l'Ecclésiastique, soit en bénédiction;
que leurs os se raniment dans leurs sépulcres; que leur nom
demeure éternellement, et qu'il passe couvert de gloire à leur posté-
rité !(xlvi. 44. 15.)
Le Seigneur, ô yuste, te revêtira du manteau de justice, dit le
prophète Baruch ; il mettra sur ta tête un diadème d'éternel hon-
neur : Circumdabit te Deus diploidejustitiœ, et imponet mitram capiti
honoris œterni (v. 2). Dieu fera voir en toi sa splendeur à tout ce qui
est sous le ciel : Deus enim ostendet splendorem suum in te , omni qui
sub cœlo est (Id. v. 3). Car voici le nom dont Dieu te gratifiera
pour jamais : La paix de la justice , et l'honneur de la piété : Nomir
nabitur tiùi nomen tuum a Dec in sempiternam : Paxjustitiœ, et honor
368 MORT DU JUSTE.
pietatis (Id: v.' A). Le Seigneur conduira les justes, portés avec
honneur comme fils du roi : Adducet illos Dominus portatos in
honore sicat filiosregni (Id. v. 6).
Voyez les nombreux pèlerins de toutes les nations , de tous les
lieux , de tous les temps , appartenant à toutes les conditions et à
tous les âges , qui sont venus s'agenouiller auprès des tombeaux des
saints apôtres, et d'une multitude d'autres saints. Comptez les tem-
ples, les chapelles et les autels élevés à la gloire de ces amis de
Dieu. Prêtez l'oreille aux prières et aux offices publics célébrés en
lem honneur. Toutes les paroisses catholiques de l'univers ont choisi
parmi les saints , chacune son patron; et combien de paroisses por-
tent le nom d'un même protecteur ! Quand un enfant est baptisé,
ne lui donne-t-on pas le nom d'un saint , sous la sauvegarde duquel
il se trouve placé?... Et les merveilles, les miracles [ ar lesquels
Dieu se plaît à honorer les saints, à exalter leur puissance et leur
gloire, que nous disent- ils?...
C'est ainsi que Dieu se plaît à récompenser la vertu , le mérite
La bonne vie Nous gémissons, dit saint Paul, désirant d'être revêtus de notre
fuit la °
îumuemort. habitation qui est du ciel; si cependant nous sommes trouvés vêtus,
et non pas nus : Nam et in hoc ingemiscimus , habilationem nostram,
guœ de cœlo est, superindui cupientes : si tamen vestiti, non nudi inve-
niamur (l\. Cor. v. 2. 3).
Nous voulons aller habiter avec le Seigneur, ajoute ce grand
apôtre; c'est pourquoi, soit [résents, soit absents, o Corintb
nous nous efforçons de lui plaire : Bonam voluntatem haberma pne-
sentes esse ad Dominum : et ideo contendimus, sive absentes, sive
prœsentes, placere illi (11. v. 8. 9).
Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur. Oui, dit l'Esprit,
ils se reposeront de leurs travaux; car leurs œuvres les sui\» ni :
Bcati mortui , qui in Domino moriuntur. Amodojam dicit Spiritm ut
requiescant a laboribus suis; opéra enim illorum sequuntur illos
(Apoc. xiv. 43).
Une bonne mort , dit saint Augustin, suit presque toujours une
bonne vie; et une mamaise mort, une mauvaise vie : Fere bonam
vitam, bona mors; et malam i mors sequitur (Lib. Civit. ).
De même que celui qui n'a pas vécu à Rome , qui n'y a jamais
été et qui n'y va pas, n'y peut pas mourir; ainsi celui qui ne vit pas
de Dieu et pour Dieu, peut-il mourir en D < .' L'homme, au con-
traire, qui \il nui à son Créateur, se repose en lui à la mort.
jronT fon juste. 369
La mort est l'écho de la vie. Si la vie est un concert de vertu , de
charité, de bonnes œuvres, la mort, écho iidèle, dit: Vertu, cha-
rité, bonnes œuvres. Mais si, de la vie, s'élève un bruit de blasphèmes,
de haine, d'impureté, de colère , d'impiété , de scandales , la mort
le répète et dit à l'éternité : Blasphèmes, haine, impureté, colère ,
impiété , scandales. Le ciel entend cet horrible écho , et l'ange de la
céleste justice en interdit l'entrée au pécheur.
Les bons chrétiens meurent de la mort des justes; pourquoi? LePrc*
phète royal en donne la raison : Leurs jours sont pleins, dit-il : Dies
pleni invenientur in eis (lxxii. 10). Lors même que la mort le frappe
dans sa jeunesse, le juste a rempli une longue carrière par ses vertus,
dit la Sagesse : Coasummatus in brevi, explevit temporamulta (iv. 4 3).
Le juste meurt plein de jours, dit saint Bernard, et il renaît dans
la plénitude des jours. Il est comblé de toutes parts : ici-bas, de
grâce; dans le ciel, de gloire; cai* le Seigneur donnera la grâce
et la gloire (1).
Abraham , dit la sainte Ecriture , mourut dans une bonne vieil-
lesse et plein de jours (Gen. xxv. 8). Le saint vieillard Eléazar quitta
la vie, laissant non- seulement aux jeunes gens, mais à toute sa
nation , le souvenir de sa mort, comme un exemple de courage et de
force, dit encore la sainte Ecriture (II. Machab. vi. 31 ).
Les justes sont riches en vertu; voilà pourquoi ils meurent dans
le Seigneur
Avant de quitter la terre, les justes sont morts au monde; ils
vivent de privations, de jeûnes, de pénitence, de patience; ils
vivent sur la croix ; mais après la mort, ils jouissent dune vie qui
sera éternellement glorieuse.
Voulons-nous mourir de la mort des justes? vivons de leur vie
Vivre en pécheur et vouloir mourir en juste , c'est vouloir l'impos-
sible , à moins que n'intervienne un incontestable miracle que Dieu
ne doit pas et que très-probablement il ne fera pas , car il ne l'opère
que rarement
(1) Hic moritur justus plenus dierum ; et illic oritur inplenitudine dior.: .... Ltro-
bique plenus, et hic gratia, et illio gloria : quiagratiam et gloriam dabit iJoitinus
( Serm. inSap.).
24
ilORT DU PÉCHEUR.
Tous les maux "■" e Prophète royal peint en quelques lignes les maux qui lon-
à k^is^ur le dent sur le pécheur mourant : Les douleurs de la mort m'ont
L
pécheur B A environné, dit-il, et les torrents d'iniquité m'ont rempli de
trouble. Les douleurs de l'enfer m/ont investi , les rets de la mort
m'ont enveloppé : Lircumdederunt me dolores mortis, et torrentes ini-
quitatisconturbaverunt me. Dolores infemicircumdederunt me, prœoccu-
paverunt me laquei mortis (xvn. 5. 6). Vos traits, Seigneur, me
pénètrent de toutes parts , et votre main est descendue sur moi.
Votre indignation ne laisse rien de sain en mon corps, et mes pi'chés
m'ont inquiété jusque dans mes os. Mes iniquités se font élevées
au-dessus de ma tête; elles sont devenues un poids qui m'accable.
Mes plaies se sont corrompues et gangrenées à cause de mes é
ments (1). Incliné , courbé vers la terre, je marche dans la douleur.
Mes entrailles sont pleines d'un l'eu qui les dévore; tout mon corps
n'est plus qu'une plaie : Miser factus sum et curvatus sum usque in
finem : conlristatus ingrediebar. Lumbi met impleti sunt illusionibus : et
non est sanitas in carne mea (Psal. xxxvu. 7. 8). Je suis languissant
et brisé; je rugis dans les frémissements de mon cœur Mon
cœur est dans le trouble, ma force m'abandonne : la lumière de
mes yeux s éteint; elle n'est plus en moi (xxxvu. 9. 1 1 ). La terreur
de la mort a fondu sur moi : Formido mortis cecitlit super me
(itv. 5 ). La crainte et la terreur m'ont saisi , et de toutes parts je
suis dans les ténèbres : Timor et tremor venerunt super me, et con»
texerunt metenebrœ[ liv. 6). Que la mort surprenne les méchants,
ajoute le Prophète royal, qu'ils descendent tout vivants dans l'enfer :
Veniat mors super illos , et descendant in infernum vi ventes (liv. 16).
Ils sont revêtus de leur iniquité et de leur impiété comme d'un
vêtement: Operti sunt iniquitate etimpietatesua (lxxii. 6). A l'heure
de la mort, les maux investiront L'homme qui a commis l'injustice:
Virum injustum mata captent in interitu (cxxxix. 12).
N'ayant semé que de l'ivraie, n'ayant planté que des arbres
(1) Sapittœ tua? inflxap sunt mihi: et confirmasti super me manum tunm. Non est
sanitas in carne mea a facie ira; tusc : non est pax ossibus meis a facie peccatorum
meorum. Iniquitates mea; supergressae suut caput raeum: et sicut onus brrûve» gra-
vatic sunt super me. Putruerunt, et corrupU sunt cicatrices mec, a facie insipientiae
meœ (.xxxvu. 3-6).
moat du eéchbpbJ 371
sauvages, à îa mort les pécheurs mangeront les fruits amers qu'ils
se sont préparés : ils ont médité le mal et ont conçu l'iniquité; ils se
rassasieront de leurs conseils, disent les Proverbes: Comedent fructus
vice sitœ , suisque consiliis saturabuntur (i. 31).
Je ferai, dit le Seigneur par la bouche du prophète Amos , je
ferai des derniers instants du pécheur un jour plein d'amertume :
Ponam novissima ejus diem amaritm ( vm. 10 ).
Mes jours ont passé , dit le pécheur mourant empruntant les
paroles de Job, mes pensées se sont dissipées en torturant n
cœur : Dies mei transierunt, cogitationes meœ dissipâtes sunt , torquenL*
cor meum (xvn. 11).
De toutes parts, dit saint Chrysostome, des supplices affreux , la
crainte de l'avenir , les souffrances du présent, le remords du passé :
Acerba undique svpplîcia , metus fulurorum, labor prœsentium, dolor
prœteritorum (Homil. ad pop.).
Les souvenirs de ses crimes, de ses scandales, de ses impiétés,
fondent à la fois sur le pécheur mourant. Pendant sa vie , il s'était
efforcé de les tenir à l'écart et il y avait presque réussi ; mais à sa
mort, ils se présentent tous ensemble comme une armée ennemie,
et lui disent : Nous connais-tu maintenant? nous sommes tes
œuvres Dans le présent, il voit le monde qui s'enfuit et qui le
méprise, les richesses, les honneurs et les plaisirs qui s'éva-
nouissent...; son corps qu'il adorait, et qui, accablé de douleurs,
commence à se corrompre et à se dissoudre... ; les démons qui l'en-
vironnent, qui le saisissent , qui l'accusent...; le juste jugement de
Dieu qui l'attend..., l'enfer..., le désespoir éternel... : tous les
maux fondent à la fois sur lui
Le pécheur mourant verra , dit le Psalmiste , il s'irritera , il grin-
cera des dents et il séchera de rage; le désir des pécheurs périra :
Peccator videbit, et irascetur , dentibits suis f remet et tabescet : deside-
rium peccatorum peribit (cxi. 10). Le pécheur tremble au souvenir de
sa vie infâme et à la vue de ses accusateurs...; il est accablé sous le
poids de ses souffrances et à la pensée de se séparer de son corps, du
monde , des biens, des plaisirs... ; il a en perspective la mort , les
jugements terribles de Dieu, les horreurs de i'eni'er , et une éternité
de supplices....,
PABCEqueje vous ai appelés, dit le Seigneur aux pécheurs s et Dieu
que vous vous êtes éloignés; par ai étendu la main , et que ^^.[ït
vous n'avez point été attentifs ; parce que vous avez dédaigné mes
372 MORT DU PÉCHEUR.
conseils, et négligé ma menace : moi, je rirai au jour de votre mort;
je vous raillerai quand ce que vous craignez sera arrivé ; lorsque le
malheur fondra tout à coup sur vous, quand la mort vous envahira
comme la tempête et que la détresse et l'angoisse vous inonderont.
Alors ils m "invoqueront, et je ne les exaucerai pas ; ils se lèveront
dès le matin pour me chercher, et ils ne me trouveront point (1).
Dieu traitera les pécheurs comme ils l'ont traité ; il leur rendra à
la mort ce qu'en bonne santé ils lui ont prodigué : le rire, l'ironie ,
la dérision, le mépris et l'abandoD Lorsque, semblables aux
vierges folles dont parle l'Evangile, ils frapperont à la porte du
pardon et de la grâce, à la porte du ciel, en disant : Seigneur,
Seigneur, ouvrez-nous : Domine, Domine, aperi wo£w(Matth. xxv.
\i ) , le grand Dieu leur répondra : En vérité, je vous le dis , je ne
vous connais point : Amen dico vobis , nescio vos (Matth. xxv. 12).
Vous n'êtes pas de mes brebis
Dieu se rit du pécheur mourant, et il le tourne en dérision, 4° en
Ae punissant comme son ennemi, mais avec justice , à cause de ses
crimes... ; 2° en l'exposant à la risée et aux railleries du ciel, de la
terre et de l'enfer... ; 3° en lui reprochant ses iniquités, comme il le
fera de nouveau au jugement universel... ; A° en se réjouissant de sa
juste peine; en faisant que les anges et les saints s'en réjouissent,
comme ils se réjouiront , d'après l'Apocalypse , du renversement de
la criminelle Babylone qui représente les pécheurs. Elle est tombée,
elle est tombée cette Babylone! elle est devenue la demeure des
démons, le refuge de tout esprit immonde , et le repaire de tout ce
qui est impur et haïssable : Cecidit, cecidit Babijlon ; et fada. est habi-
tatio dœmoniorum, et custodia omnis spiritus immundi , et custodia
ornais volucris immundœet odibilis (xviu. 2). Triomphez d'elle, ciel,
et saints apôtres, et prophètes, parce que Dieu a jugé : i.'xsulta
super eamcœlum, et sandi upostoli, et prophetœi} quoniam judïcavit
Deus ( Apoc. xviii. 20). 5u Dieu se rit du pécheur mourant, en le
livrant à ses ennemis et surtout aux démous, qui l'accablent d'ironie
en le tourmentant , le torturant et l'immolant
Alors , dit le Seigneur, ils m'invoqueront, et je ne les exaucerai
pas : Tune invocabunt me. et non exaudiam ( Frov.i. 28). Maintenant,
(1) Quia vocavi, et renuistis: ezteodi manuin meam, et non fuit qui aspicerct.
Dcspevislis nmne coiisilium meum , et Lncrepationes meas neglexistis. Ego quoque
fninteritu vestro rîdebo , et subsanuabo, cum vobis id quod timebalis, advencrit.
«'.uni ii. u rit repent ia calamitas, cl iiitoilus (jiiusi tein pestas ingruerit; quundo
veneril super vos tribulatioet angustia. Tune invocabunt me, et non uxaudiam :
nnsurgeut, et non invenient me (Prov. 1.24-28).
MORT DU PË HEUR. 373
ils ne veulent pas écouter ma voix qui les appelle; à la mort, lorsque
de toutes parts les angoisses fondront sur eux, je ne prêterai pas
l'oreille à leur voix qui implorera mon secours. Vous êtes sourds,
pécheurs, vous me trouverez sourd. La douleur alors vous ouvrira
les yeux, ces yeux que vos impuretés et vos passions tiennent main-
tenant fermés. Mais je ne vous exaucerai pas; parce que pendant
votre vie vous avez détesté la discipline ; et que vous n'avez pas
voulu me craindre : Eo qaod exosamhabuerint disciplinam, et tirnorem
Domini non susceperint (Prov. i. 29 ) ; parce que vous n'avez point
acquiescé à mon conseil et que vous avez accusé toutes mes correc-
tions : Nec acquieverïnt consilio meo, et deiraxerint universœ correptioni
meœ (Prov. i. 30).
La raison pour laquelle le pécheur mourant n'est d'ordinaire pas
exaucé par le Dieu qu'il invoque, c'est qu'il a persévéré dans les
quatre crimes dont viennent de nous parler les Proverbes, crimes
qui renferment quatre graves injures faites à la sagesse divine, et
cela par gradation : la première , en détestant la discipline, et par
conséquent la sagesse de Dieu ; la seconde , en ne recevant point sa
crainte ; la troisième , en refusant d'aquiescer à son conseil , qui
l'aurait porté au bien; la quatrième, en accusant et en blâmant
toutes les corrections de la Providence
Au jour de la mort , toutes les pensées des pécheurs périront, dit le Le pecnem
Psalmiste : In Ma die peribunt omnes cogitationes eorum (cxlv. A. ) tonVbe^Vans le
Leur espérance a disparu , dit la Sagesse : Evacuata est spes illorum désespoir.
(in. U).
La plaie du pécheur est désespérée , dit le prophète Michée :
Desperata est plaga ejus (i. 9). Combien y en a-t-il qui, à leur der-
nière heure, imitent Caïn et disent : Mon iniquité est trop grande
pour que j'obtienne grâce : Major est iniquitas mea quam itt veniam
merear (Gen. iv. 13).
Loin de se jeter dans les bras de la miséricorde de Dieu, ils ne voient
que sa justice
Loin de considérer les mérites du sang de J. C. , ils ne voient que
les nombreux et énormes crimes dont ils se sont rendus coupables.....
( Voyez Désespoir. )
Vous n'avez pas besoin, frères, dit saint Paul, que nous vous écri- La mon
vions au sujet des temps et des moments; car vous savez très-bien jeteurs.
vous-mêmes que le jour du Seigneur viendra comme le voleur dans
371 mort dt; pécheur.
la nuit. Lorsque les pécheur? diront : Paix et sécurité, alors viendra
sur eux une soudaine ruine, et ils n'échapperont pas : Tune repen-
Hnus eis superveniet interitus et non effuyient (I. Thess. v. 1-3. ) Ils
avaient compté sur le temps, il leur manquera. La mort leur appa-
raîtra formidable et prompte, dit la Sagesse : Hor rende et cito
apparebit vobis (yi. G).
Le malheur fondra tout à coup sur eux, disent les Proverbes; la
mort les envahira comme la tempête (i. 27). Leur sort sera sem-
blable à celui d'une maison qui est renversée par un puissant trem-
blement de terre , à celui d'un navire qui fait naufrage, coulé par
la tempête, ou mis er pièces par un invisible écueil
Voilà commer-v Lieu frappe et châtie les impies qui méprisent ses
lois
Us sont en danger et ils espèrent encore guérir ; la mort est là et
ils pensent à la vie; le temps leur échappe et ils ne s'occupent pas
de l'éternité. Ni leurs parents, ni leurs amis n'osent les avertir que
la mort est proche. Ils veulent se tromper et ils se trompent; ils veu-
lent être trompés et on les trompe A demain, disent-Us, à demain
les affaires Et le lendemain ne les trouve plus; ils sont entrés
dans la maison de leur éternité !...
Les pécheurs Si vous ne voulez faire pénitence qu'au moment où vous ne pourrez
l'trtipéhitenca; plus pécher, dit saint Augustin , ce sera le péché qui vous quittera,
et non vous qui quitterez le péché: Si vis ngere pœnitcntiam tune ,
guando peccare non potes; peccata le dimùerunt , non tu Ma ( Homil. xli
inter l). A la mort, les pécheurs périront* dit le l'sdmiste : Pecca-
torcs peribunt (xxxvi. 20).
lis périront, parce que OlOT les abandonner;!
Mais en ce cas, direz-vous, l'invocation de bieil et la pénitence du
péclieuràla mort, sont donc inutiles et trop tardives? .!<■ réponds:
L'mvocâtïorl de Dieu et la pénitence , Si elles sofal liiicèrës, ne sont
jamais inutiles laus cette vie, quoi [i 'elles puissent être tai lires;
mai- LU si .iit tardives, sont rar më t sincèri -. Ûar,â là ; I6rt,
de, impie ; t m durci, peut invoquer Dieu ;
mais i[ii • invocation? Elle a p ur I .ut ordinairement de
demander laréni la peine, et non le pardon de la faute. Le.
Ipper à la mort . et \oih pourquoi il
n'est pas e.\a:; ' : -on pé.dié ne lui est pa remis, parce qu'il rie
le,. ■ lors il e-Hmpénitent. Ne deitiaftdant
ilORT liU PÉCHEUR. 375
fan r^misslon de sa taute , il n'a ni celle de la peine , ni celle de la
le; et il meurt en réprouvé
D'ailleurs invoque-t-il Dieu du fond de son âme?... se repent-ii
de tout son cœur?... a-t-il la volonté, s'il revient à la vie , de ne
plus offenser Dieu comme il Ta fait jusqu'au moment de la maladie?
Ordinairement tout cela lui manque; et ces conditions essentielles
de la contrition faisant défaut , l'impénitence est réelle.
Le pécheur mourra dans l'iniquité qu'il a commise , dit le pro-
phète Ezéchiel : In injustitia, quant operatus est, morietur (xvin. 2G).
C'est-à-dire, le pécheur endurci et sans repentir mourra dans son
péché et sera réprouvé
L'endurcissement et la damnation doivent être attribués au
pécheur , et non à Dieu. Le prophète Osée le proclame : Ta perte , ô
Israël, vient de toi-même; c'est ton propre ouvrage : Perdilio tua
ex te, Israël (xni. 9 ). Ce n'est point Dieu, mais toi-même, ô pécheur,
qui mets obstacle à ce que tu premies le chemin du salut; car, d'une
part, tu fais, et tu veux faire ce que Dieu défend et déteste; de l'au-
tre, tu ne fais pas et tu ne veux pas faire ce qu'il aime et commande.
Situ ne faisais pas ce que Dieu hait, il viendrait à toi. La justice qui
inflige les peines ne procède pas le crime ou le péché, elle le suit et
le suppose
Pécheur, tu mourras dans une terre souillée, dit le prophète
Amos : In terra polluta morieris (vu. 17), c'est-à-dire dans tor
corps souillé par le péché et par le vice.
Vous me chercherez , dit J. C. , et vous ne me trouverez point ;
vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché : Quœretis
me , et non invenietis ; quœretis me , et in peccato vestro moriemini
(Joann. vu. 34. vm. 21).
Vous me chercherez mal , c'est pourquoi vous ne me trouverez
pas; et ne me trouvant pas , vous mourrez dans votre péché.
Les pécheurs , dit saint Grégoire , auraient voulu , s'ils l'avaient
pu, toujours vivre , alin de toujours pécher; ils montrent en effet
qu'ils désirent toujours vivre dans le péché , puisqu'ils ne cessent
de le commettre tant qu'ils vivent (1). Si , à leur dernier instant, ils
cessent de pécher, ce n'est pas leur volonté qui met obstacle à cp
qu'ils persévèrent dans le mal , mais la mort seule
(1) Voluisscnt si potuissent , sine fine tiv ère, ut potuissent sine fine pecr^e,
ostendunt enim quia in peccalo semper vivere cupiunt , qui nunquam desinunt peo-
taro dum vivant ( HomiL).
370 MORT DO PKCHEnt.
r.ii mon .lu La mortdu pécheur est très-mau\aise, dit le Prophète royal : Mors
pécheur est . . nr. .
très-mauvaise, peccatorum pessima (xxxm. 22).
La mort (du pécheur) est une mort terrible , dit l'Ecclésiastique,
et le tombeau vaut mieux qu'elle : Mors illius mors nequissima , et
util i s potins infernus qvam illa (xxvm. 25 ).
La mort du pécheur est très-mauvaise ; car il est abandonné de
Dieu, des anges, des hommes, et condamné par sa raison et sa
conscience , etc. 11 est écrasé sous le poids de ses péchés; il devient
la proie de la douleur, du désespoir et des démons.
Sa mort est très-mauvaise; car il voit déjà, pour ainsi dire, les
Uammes de l'enfer prêtes à l'envelopper A la mort, dit le grand
Apùtre , les pécheurs subiront les peines de l'éternelle perdition :
Qui pœnas dabunt in interitu œternas (II. ïhess. i. 9).
Le Seigneur, dit le Psalmiste, rendra aux impies leurs iniquité?,
et il les perdra dans leur malice : Reddet Mis iniquitatem ipsorum , et
in malitia eorum disperdet eos (xcm. 23).
ïïTompies Le Seigneur, dit l'Ecriture , frappa l'impie Antiochus d'une plaie
îles méchants* "^curable et invisible; une douleur cruelle et d'affreux tourments
déchiraient ses entrailles : Apprehendit eum dolor dirus viscerwn,
et amara internorum tormenta (II. Machab. ix. 5). Des mis sor-
taient du corps de cet impie comme d'une source ; et il vivait au
milieu de ces grandes douleurs, et toute sa chair tombait peu à peu
avec une infection que son armée ne pouvait soutenir (Ibid. îx. 9).
C'est ainsi que mourut Antiochus, maudit de Dieu et des hommes.
Remarquez quelle fut la mort de Pharaon, l'endurci; celle dû
l'impie Balthasar , et celle des Juifs déicidw
Judas se pendit (Act. i. 18).
Hérode Ascalonite, qui lit massacrer les saints Innocents et qui fut
le persécuteur de J. G. , mourut au milieu de souffrances semblables
à relies d'Antiochus. Son neveu, Hérode Agrippa, eut le même sort.,
ainsi qu'Huilerie , roi des Vandales ( Hist. ''(des.).
Néron, ayant perdu le pouvoir etsetr tuvant réduit à L'extremk'l ,
voulut se donner la mort; mais il n'en \intàbout qu'avec L'aida
d'Epaphrodite , son secrétaire | Ibid. ).
Domitien fui massacré par un'affranchi (Ibid.).
Septûi chrétiens , mourut de ehaTrra,
1 -untun fils qui avait voulu lui ôter la vie et qui depuis tua son
propre frère. Toute sa famille périt misérablement (Ibid. ),
Maximien fut immolé par sesnropres soldats ( Ibid.).
MORT DU PÉCHEUR. 377
Dèce périt dans un marais ( Hist. Eccles. ).
Gallus fut tué un an après qu'il eut allumé le feu de la persécution
(Ibid.).
Valérien et Aurélien moururent de mort violente [Ibid. ).
L'empereur Carus, qui avait osé prendre le titre de Dieu , fut tue
par la foudre [Ibid.). Numérien, son fils, fut tué par Aper son oncle.
Le second fils de Carus fut tué par Dioclétien ( Ibid. ).
Dioclétien termina par le poison une vie qui lui était à charge et
qu'il avait souillée de crimes atroces [Ibid. ).
Maximien Hercule fut forcé de s'étrangler lui-même [Ibid.).
Galère fut attaqué d'une horrible maladie. Comme Antiochus,il
vit sa chair se remplir de vers et tomber en lambeaux [Ibid.).
Maximin Daia mourut dans des douleurs affreuses [Ibid.).
Maxence , ayant été défait par Constantin , tomba dans le Tibre et
se noya [Ibid.).
Licinius fut mis à mort ( Ibid. ).
Chacun sait comment périt Julien l'Apostat [Ibid.).
La plupart des hérésiarques sont morts promptement et d'une
mort infâme.
S'étant élevé dans les airs avec l'aide du démon , Simon le Magi-
cien fut privé de son point d'appui par les prières de saint Pierre; il
tomba , se brisa les jambes et expira dans de vives douleurs [Ibid.).
Manès eut les entrailles arrachées par ordre du roi des Perses
(Ibid,).
Montan se pendit ( Ibid. ).
Quelques donatistes ayant jeté la sainte eucharistie aux chiens,
furent mis en pièces par ces animaux ( Ibid. ).
Arius, au moment même où il se rendait à l'église des catholi-
ques, afin de s'en emparer et de la livrer à ses sectateurs, fut saisi
de douleurs intolérables et il expira en déchirant ses entrailles
(Ibid. ).
Priscillien eut la tête tranchée par ordre du tyran Maxime (Ibid.)
Léon l'Arménien, iconoclaste, fut assassiné dans l'église (Ibid.)
L'empereur Heraclite , qui avait embrassé l'hérésie des monothé-
Vites, mourut d'une mort subite et dégoûtante ( Ibid. ).
Valens , sectateur d'Arius, fut vaincu par les Gotbs, et brûlé par
eux (Ibid.).
Les vers dévorèrent la langue du blasphémateur Nestorius (Ibid.):
L'empereur Anastase, sectateur d'Eutichès, périt parla foudre
(Ibid.).
périra.
378 MORT DU PÉCHEUR.
A la suite d'un souper splendide , Luther mourut étouffé* dans son
lit. Un historien contemporain raconte qu'une multitude de démons,
sous la figure de corbeaux, volèrent autour de son cadavre en faisant
entendre d'horribles croassements , et l'accompagnèrent jusqu'à la
tombe.
Zwingle fut tué. Carlostad fut enlevé par un démon et disparut.
Calvin fut dévoré par les vers ; il expira en blasphémant. Henri VIII,
roi d'Angleterre , mourut en désespéré (Hist. de leur vie).
Combien horrible a été en général , dans tous les siècles, la fin de
lousles grands pécheurs!...
Le pécheur Leur mémoire s'est éteinte avec le bruit qu'ils ont fait , dit le Psal-
laisse une . . „ ... • „ .; ,„ ^;
mémoire miste : Pemt memonaeorum cum sonitu (ix. / ).
Baa ÏÏ!"1 qui Pécheur obstiné, le Tout-Puissant te détruira pour toujours; il
'/arrachera de ta demeure et t'enlèvera ; il te déracinera de la terre
ies vivants, dit le même prophète : Deus destrv.et te in finem: evellet
te, et emigrabit te de tabernaculo tuo, et radicem tuam de terra viven-
tium (Psal. il. 7).
Le Seigneur, dit la Sagesse , se rira des impies (à leur mort ). Ils
x>mberont sans honneur et ils deviendront à jamais un ol\j.-t d'op-
probre entre les morts. Le Seigneur les brisera dans leur orgueil
devenu muet , et il les arrachera de leur base ; ils seront accablés de
maux et ils gémiront , et leur mémoire périra (1).
La mémoire du juste vivra au milieu des louanges , disent les
Proverbes , mais le nom de l'impie tombera en pourriture : AfemoHa
jUsti cum laudibas; et nomen impiorum jmtrescet (x. 7). Le nom
impies, leur réputation et leur gloire répandent une odeur de mort :
e mépris et l'oubli seront leur partage. Leur nom tombera en
pourriture, c'est-à-dire il sera foulé aux pieds, et disparaîtra comme
farbre desséché et vermoulu que la tempête a couché le long du
chemin. Manquant du sel de la vertu et de la divine sagesse, leur
réputation se corrompt. Elle sentira mauvais comme un cadavre
dévoré par les vers, et par suite elle sera vouëe à l'exécration et
1 la malédiction. La gloire temporelle des impies s affaiblit et dispa-
rait: en sorte que ies hommes, lorsqu'ils se souviennent d'eux,
■es déchirent , les blâment , les ont en horreur
(1) Illos Dominas irriuVbit. Et crunt post hvr dëcldehleS sine honore, et in ronln-
nclia inter Udttdèl in pr-rpetiiiim : djio iam disrumpet illos inflal
commovebit illos a fundamentis . 1 1 usque ad supremum desolabuntur; et erunl
cémentes, et niemnria illoroin peribit ( iv. 18. li» ).
MORT Î)U l-ECHETJR, 379
Ils sont de ceux dont on ne conserve aucun souvenir , dit l'Ecclé-
siastique; ils ont péri comme s'ils n'avaient jamais existé; ils sont
nés, et c'est coritme s'ils ne l'étaient pas., et les fils des impies parta-
gent le sort de leurs pères : Et sunt quorum non est memoria; perierunt
quasi non fuerint ; et nati sunt , quasi non nati; et filii impiorum cum
ipsis (xliv. 9;.
Détestés de leur vivant , ils le sont à la mort , et même après
leur sépulture
Souvent je vous l'ai dit ; écrit saint Paul aux Philippiens , et pieu- celai qm m
rant ie vous le dis encore, plusieurs marchent en ennemis de la sai,sl'ieu,
d ' * meurt en
croix du Christ, plusieurs dont la fin sera la perdition, et qui ont réprouvé,
pour Dieu le ventre; ils mettent leur gloire dans leur propre honte5
et ils n'ont de goût que pour les choses de la terre (1).
Si vous ne craignez pas le péché , dit saint Augustin , craignez la
mort; car lorsqu'il est consommé, le péché engendre la mort.
Vous ne craignez pas encore le péché , craignez ses suites , craignez
Fahime où il conduit. Le péché est doux , mais la mort dans le
jJéché est amère. Tel est le malheur des hommes , qu'en mourant
ils quittent les objets pour la possession desquels ils s'étaient aban-
donnés au péché, et n'emportent que leur péché, qui les brûlera
durant toute l'éternité (2).
Quelle est l'illusion des pécheurs ! Ils ne pensent point que le plai-
sir du péché, dont ils voudraient toujours jouir, leur échappe vite>
et que le châtiment du péché, auquel ils voudraient pouvoir se sous-
traire, ne cessera de s'attacher à eux !...
Les nations , dit le Psalmiste, ont été englouties dans la mort qui
est leur ouvrage; leur pied a été pris dans les filets qu'elles avaient
tendus : Infixœ sunt gentes in interitu, quem fecerunt. In laqueo isto
quem absconde^unt, comprehensus est pes eorum (ix. 46). Que les
impies, s'écrie-t-il encore , soient précipités dans l'enfer , ainsi que
toutes les nations qui ont abandonné Dieu : Convertantur peccatores in
infernum, omnes gentes quœ obliviscuntur Deum ( Psal. ix. 18).
(i) Multi ambulant, quos saupe dicelmui «oins, îmuo cmtein et tiens dico, mimico
crucis Christi : quorum Unis intentas : quorum Deus venter est; et gloria in confu-
sione ipsorum, qui tcrrena sapiunt (ni. 18. 19).
(2) Mortem time , si peccatum non times : peccatum enira cum consummatum
fuerit , générât mortem. Nondum times peccatum, time quo perducit peccatum.
Duke est peccatum , sed amara est mors. Ipsa est infelicitas hominum, propter quod
peccant, inorientes hic dimittunt ; et ipsum peccatum suuin portant , ut comburatin
omnem aeteraitatem ( Hornil. ad n«?».).
380 MORT DU PÉCFEÏÏR.
La vengeance divine, dit saint Augustin, punit le pécheur en per-
mettant qu'ayant oublié Dieu pendant sa vie , il s'oublie lui-même
à la mort : Percutitur hac animadversione peccator, ut moriens obli-
vîscatur sui, qui , dum viveret, oblitus est Dei ( Homil. ad pop. ).
Seigneur } s'écrie le Psalmiste , vous les conduirez à l'abime de
la perdition : Deduces eos inputeum interitus (nv. 2i).
Voilà , dit ailleurs le même prophète , voilà que ceux qui s'éloi-
gnent de vous périront : Ecce qui elongant se a te, peribunt
(Psal. lxxii. 27).
Pendant notre vie, disent les pécheurs dans le livre de la Sagesse,
nous n'avons voulu donner aucune marque de vertu , et nous avons
été engloutis dans notre perversité : Virtutis quidem nullum signum
voluimus ostendere; in malignitate nostra consumpti sumus ( v. 13).
I faut se pré- Précaîjtionnez-vous contre le jour mauvais, dit l'Ecclésiaste :
server de la "
mort Malum diemprœcave (vu. 45). Il faut se précautionner contre lui ,
en évitant le mal et en faisant le bien , comme le dit le Prophète
royal : Déclina a malo et fac bonum (xxxvi. 27 ).
11 ne faut pas imiter le pécheur aveugle dont le même prophète
dit : 11 n'a pas voulu comprendre, alin de ne pas s'appliquer aux
bonnes œuvres : Noluit intelligere , ut bene ageret ( xxxv. 4).
server
mo
Au pécheur.
M
NÉANT DE L'HOMME.
éditons sur les questions suivantes : I. Qu'est-ce que quS?') homme
lhomme au point de vue 1° de son corps ou de sa sub- généralement
^ r parlant.'
stance...; 2" de son étendue...; 3" de sa qualité...; 4° de
son origine... ; il est fils d'Adam pécheur3etil est pécheur lui-
même... ; 5° de ses actions... ; 6° de ses infirmités?...
II. Où est l'homme ? 1° sur la terre , entre le ciel et l'enfer...;
2° quand est-il né ?... 3° comment est-il né?... 4° combien de temps
vit-il? 5° quelle est sa vie?... 6° quand mourra-t-il?... 7° commens
mourra-t-il?...
III. Quel est son état? Il est tantôt bien, tantôt mal...; tantôt,
couché, tantôt debout, tantôt assis; tantôt mangeant, tantôt dor-
mant ; tantôt riant, tantôt pleurant , etc
IV. 1° Quel est son vêtement?... 2° quelle est sa nourriture?..;
Qu'est-ce que lhomme? le jouet de l'infortune , l'image de l'm-
constance, un être où se voient toutes les corruptions, une victime
pie le temps se plaît à dépouiller , un voyageur, un étranger qu:
passe, la pâture de la mort, le but de l'envie et des calamités
A quoi l'homme ressemble-t-il? au roseau, à une girouette expo-
sée aux vents Combien a-t-il de compagnons? quatre : la chaleur
et le froid, la sécheresse et la pluie
Six choses le tiennent continuellement en haleine : la faim et la
nourriture , le repos et le travail, les veilles et le sommeil
Ecoutez Sénèque : Qu'est-ce que l'homme? un vase brisé et fra-
gile , un être nu , qui a besoin de secours étrangers et qui est exposé
à tous les assauts de la fortune, la pâture des animaux féroces, la
victime de tout. L'odorat, le goût, les veilles, le sommeil, les ali-
ments , toutes choses dont il ne saurait se passer, deviennent un
poison pour lui ( Consolât, ad Martiam, c. xi).
L'homme , dit Hippocrate, est exposé à toutes les maladies dès sa
naissance. Et qu'est-ce que la maladie , sinon la voie qui conduit h
la mort, un acheminement vers elle? L'homme, ajoute-t-i . est
inutile pendant qu'il s'instruit et qu'il implore un secours étian^r;
pendant qu'il croît, il est faible et dénué de sagesse; dans la
vigueur de l'âge , il est audacieusement imprudent; dans e décours
de la vie, il est misérable (Ita Maxim.).
382 NÉANT DE L'HOMME.
Sachez, dit saint Augustin , que vous êtes homme, homme dont
la conception est une faute; la naissance, une misère; la vie, une
peine, et pour lequel mourir est une nécessité. Réfléchissez donc
avec soin sur ce que vous faites , et sur ce que vous avez à faire :
Scito quoniam homo es, çujus conceptio culpa, nasci miseria,vivere pœna,
necesse mori. Attende er go sollicite quid agas, vel quid agere debeas
( Lih. de Spiritu et Anima, n. 51 ).
ÇU'iertc"orpsqUe ^E corPs doit vous apprendre lui-même ce qu'il est , dit saint Pierre
de l'homme? Damien; ce qu'il offre après la mort, il le montre déjà pendant la
vie : Quid sitcaro, doceat ipsa caro; quodque perhibet mortua , testetur
etviva (Epi st. ).
L'homme est de tous les êtres le plus misérable, le plus infirme,
ie plus dégoûtant, le plus chargé de souffrances et de malad'n -. le
plus corrompu dans ses penchants, celui qui répand le plus d'infec-
tion et pendant la vie, et surtout après la mort Aussi saint
Bernard dit : 0 homme , si tu considères ce qui sort de ta bouche , de
tes narines, et de toutes les ouvertures de ton corps, tu n'auras
jamais rencontré un aussi vil fumier : 0 homo , si considères , quid
per os, quid per nares , cœterosque meatus corporis , egrediatur; nun-
quam vilius sterquilinium invenisti ( Médit., c. m).
Qu'avez-vous été? dit le même Père; qu'ètes-vous? que BflMf-
vous ? Ce que vous avez été ? un vil néant ; ce que vous êtes ? un
vase plein de corruption ; ce que vous serez? la pâture des vers:
Quid fuisti? quid es? quid eris? Quid fuisti? sperma fœtidum; quid
es? vas stercorum ; quid eris? esca vermium ( Formul. Vitae honestae).
Solon, l'un des sept sages de la Grèce, dit : L'homme , à sa nais-
sance, est la faiblesse même; pendant la vie, il a les instincts de
/animal; lorsqu'il meurt, les vers le mangent (Teste Laertio).
Le corps, ditTrismégisle, est un lieu de corruption, une mort
qui vit, un cadavre qui a l'usage de ses sens, un sépulcre qui se
meut, un voile opaque (Anton, in Meliss. ).
Qu'est-ce que le corps, sinon de la pourriture et des vers? dit
saint Grégoire. Et quiconque est dévoré de désirs charnels, qu'aime-
t-il autre chose qu'un amas de vers? Car le tombeau témoigne de ce
qu'est la substance du corps. Quel est le parent, quel est l'ami
fidèle qui peut toucher le cadavre fourmillant de vers de son ami,
quelque cher que celui-ci lui ait été (1).
(1) Quid caro, nisi putredo ne venais est? Et quisquis carnalibus desideriis anbe-
At, quid oli ud quaui vermem aiuat? Quai enkn sit curai* subslantia , testantuf
NÉAXT DE LHOMME. 383
Ma chair, dit Job, est couverte de poussière et de pourriture , ma
peau s'est desséchée et s'est contractée : Indutaestcaro mea putredine
et sordibus pulveris, cutis mea aruit, et contracta est ( vn. 5). J'ai dit
à la pourriture : Tu es mon père ; et aux vers : Vous êtes ma m^re
et ma sœur : Putredini dixi : Pacer meus es ; mater mea, et soror mea,
vermibus (Job. xvn. 14).
Saint Grégoire de Nazianze dit avec raison : Je ne comprends pas
le mélange qui est en moi; je suis l'image de Dieu, et par mon
corps, je suis dans la boue. Mon corps jouit-il de la santé? il me
fait une guerre à mort; je ne puis le vaincre qu'en lui faisant la
guerre à mon tour, et alors il m'accable de tristesse. Je l'aime comme
un serviteur et un compagnon , et je le hais comme un ennemi. Je
le fuis comme mie chaîne pesante, et je le crains parce qu'il adhère
à mon être. Si je m'applique à l'affaiblir et à l'épuiser, je ne saii
plus à qui avoir recours pour les grandes actions : si, au contraire,
je le ménage comme un aide et un compagnon, il ne laisse passer
aucune circonstance sans se ruer sur moi et sans m'éloigner de
Dieu; il me jette à terre, il m'y attache, il me foule aux pieds. Cest
un ennemi candide et doux en apparence , et un ami qui à chaque
pas me tend des pièges effrayants et très-dangereux. Union et désu-
nion étonnante! 0 miram conjunctionem et alienalionem ! J'embrasse
ce dont j'ai peur, et je redoute ce que j'aime : Quod metuo, amplector;
quod amo, pertimesco. Si je ne lui fais pas la guerre, il m'aime, et
en m'aimant il me tue : je me méfie de lui, et je n'aurai la paix que
lorsqu'il mourra ( Orat. xvi ).
Jamais homme n'a parlé d'une manière plus sensée que Cratès,
lorsqu'il disait à un jeune homme qui prenait grand soin de bien
vêtir et de bien nourrir son corps : Malheureux , cesse de fortifier à
ton détriment la prison où tu es renfermé ! 0 miser, desine adversus
temetipsum carcerem munir e ! ( Ita Maxim. )
Le corps qui se corrompt appesantit l'âme , dit la Sagesse ; et
cette habitation terrestre abat l'esprit : Corpus quod corrumpitur,
aggravât animam; et terrena habitatio deprimit sensum (rx. 15). Le
Roi-Prophète avait bien compris cette vérité , lorsqu'il disait : Sei-
gneur, mon être est devant vous comme le néant : Substantia mea
tanquam nihilum ante te (xxxvm. 6).
Dieu, dit la Genèse, forma l'homme du limon de la terre:
Formavit Dominus Deus hominem de limo terra? (ii. 7). Le corps se
sepulera. Qui* parentum, quis amicorum fidelium, qnarolibet dilecti sui , tangere
carnem scaturientem vermibus potest? {Moral., lib. XVI).
384 NÉANT DE L'HOMME.
ressent toujours de son origine; tiré de la boue , il voudrait s'y vau-
trer constamment
Celui qui habite sous une tente , éprouve beaucoup de misères ,
d'incommodités et de besoins, il manque de lit et de siège et souvent
de couverture et de rafraîchissements L'âme subit les mêmes
épreuves sous l'abri du corps, qui n'est qu'une tente, selon l'expres-
sion de l'Ecriture. Et comme une tente est exposée à la pluie , aux
vents , aux injures de l'air , aux accidents du voyage et du combat,
ainsi en est-il de notre corps
Le tyran Mézenze faisait lier à des personnes vivantes des cada-
vres déjà corrompus, afin de leur infliger un horrible supplice.
Voilà à peu près quelle est la triste position de l'àme vis-à-vis du
corps
n'e.'/ que Ecoute , ô mon âme, ce que tu es, dit Hugues de Saint-Victor ; tu es
misère et que chargée de péchés, les filets du vice t'arrêtent, t'enveloppent; séduite
par les caresses des sens, tues attachée, enchaînée aux membn s de
ton corps , déchirée de soucis , tirée en sens contraire par les affaires,
pressée par la crainte, accablée de douleurs, livrée à l'erreur,
tourmentée par les soupçons, fatiguée par les sollicitudes, étrangère
sur une terre ennemie et souillée par tes relatious avec des morts
(De Spiritu et Anima ).
Je comptais autrefois sur ma force, dit saint Augustin, et' je
n'étais que faiblesse : lorsque j'ai voulu courir, m'en croyant capa-
ble, c'est alors que je suis tombé le plus promptemenx. Plus j'ai cru
pouvoir par moi-même , moins j'ai toujours pu : Quod maçjis credïdi
passe per me, minus semper potui. Je disais : Je ferai cela, j'achèverai
cette affaire, et je ne faisais ni l'un ni l'autre. Avais-je la volonté,
je n'avais pas le pouvoir d'agir; et lorsque j 'avais ce pouvoir, la
^Olonté me manquait , parce que je me confiais à mes forces :
A'derat voluntas, nonerat fncultas; aderat facilitas, non erat voluntas :
quia de meis viribus con/idebam. Maintenant, je le confesse, ô mon
Dieu , l'homme ne doit pas s'appuyer sur ses forces qui ne sont que
faiblesse; car il ne lui appartient pas de vouloir ce qu'il peut, ni de
pouvoir ce qu'il veut, ni même de connaître ce qu'il veut et ce qu'il
peut. Vous seul, ô Seigneur, savez diriger ses pas. C'est par vos
forces, et non par les nôtres, que nous pouvons vaincre nos ennemis.
ïaaouffranca La douleur naît avec nous, et elle nous accompagne jusqu'au tom-
d* mimiiie. beau, lit Ménandré (Stob., serm. lxxxix).
NÉANT DE ï/H CIME. 385
La vie d'ici-bas est pleine de tant de maux que, mise en regard,
la mort paraît plutôt un remède qu'un châtiment, dit saint
Àmbroise {De Offlc).
Salomon, ce grand roi qui avait en abondance tous les biens que
l'on peut trouver sur la terre, dit dans le livre de la Sagesse : Et moi
aussi je suis homme mortel semblable à tous , et de la race de celui
qui le premier naquit de la terre. A ma naissance , j'ai respiré l'air
commun à tous, j'ai été déposé sur une terre où je devais trouver
d'égales douleurs; et comme il arrive à tous les enfants , mes pre-
miers accents ont été des pleurs : Primam vocem , similis omnibus,
emisi , plorans (vu. J-3).
L'enfant , dit saint Augustin, pressent , et sans le savoir prophé-
tise les mille tribulations qui l'attendent, et déjà il les déplore :
In fans pressentit , quasi inscius, et prophetat mille vitœ œrumnas sibi
subeundas , quas déplorât (Lib. de Spiritu et Anima). Voilà pourquoi
Jérémie s'est écrié : Maudit soit l'homme qui est venu dire à mon
père : Un fils vous est né, et qui l'a comblé de joie ! Maudit soit le
jour de ma naissance ! Qu'aucune bénédiction ne tombe sur le jour
où ma mère m'a enfanté ! (xx. 1-4. 15.)
Pour avoir une juste idée des souffrances auxquelles l'homme est
sujet, il faut visiter les hôpitaux» les prisons, etc
L'entrée et la sortie de la vie sont les mêmes pour tous, dit la „Comb!e",
r ' l'orgueil de
Sagesse : Unus introitus est omnibus ad vitam, et similis exitus ( vu. C>). l'homme est
Vous brillez par les richesses, dit saint Augustin, et vous vous suVtoiiWi'ia
vantez de la noblesse de vos ancêtres; vous vous enorgueillissez de vumolrct la
votre patrie, de la beauté de votre corps, des honneurs que les
hommes vous rendent : regardez-vous vous-même; vous êtes mor-
tel, formé de terre, et vous retournerez à la terre. Considérez ceux
qui, avant vous, ont joui des mêmes prérogatives que vous. Où sont
les hommes dont on enviait la prétendue grandeur? Où sont les
empereurs invincibles? où sont ceux qui composaient les assemblées
de la noblesse et qui donnaient des fêtes? Où sont les chevaliers intré-
pides, les généraux d'armée, les gouverneurs de province ? Mai; te-
nant tout cela est poussière et cendre : leur mémoire est en ou1 li.
Ouvrez les tombeaux, et voyez quel est le servi; : et q
maître, quel est le pau\ ré et piel est le riche? Distinguez, si vous le
pouvez, le roi du Le foi le, l'homme doué de beau!
nain et du crétin. Souvenez-vous donc de votre pour ne
jamais vou.- e . i gueillir ; et ce néant vous ne l'oublierez plis si
m. **
386 NÉaxt TE i/ii iMMBi.
vous considérez attentivement vous-même {Sentent., sentent, ult.).
Mes- jours, dit le Roi-Prophète, ont décliné comme l'ombre, et moi
/ai séché comme l'herbe : Dies mei sicut umbra dedinaverunt, et ego
sicut fœnv.m arui (ci. 12).
Nous sommes un peu de poussière, une ombre, un nuage qui
passe; nous ne sommes rien Tu es poussière, et tu retourneras
en poussière, dit le Seigneur à Adam coupable, et dans sa personne,
à tous ses descendants : Pulvis es, et in puluerem reverteris (Gen. m.
19). Tous les hommes ne sont que terre et cendre, dit l'Ecclérias-
tique : Omnes hommes terra et cinis (xvn. 31 ). La poussière ou la
terre signifie l'origine de l'homme, et la cendre, sa fin Il ne nous
reste ici-bas que le tombeau, pouvons-nous dire avec Job : Sohun
mild superest sepulcrum (xvn. \ ).
Que notre vanité grandisse donc à la vue de notre néant ; pensons
et persuadons-nous que nous sommes quelque chose de. grandi
Si nous voulons vivre d'erreur, nous pouvons nous nourrir d'or-
gueil!...
: homme est Si l'homme, dit saint Bernard, échappe à une tentation, uno an
■ :,■ "tcuutions. l'assaille. La vanité l'attaque, la curiosité le conduit, la convoitise
sollicite, la volupté le séduit, la luxure le souille. L'envie le tour-
mente, la colère l'agite, la tristessele déchire. Ainsi, par des chutes
déplorables, il se plonge dans tousles vice-. El cela pourquoi? parce
qu'il a abandonné Dieu, qui seul pouvait lui suffire : Quoniam unum
Deum, qui ei sufficcre poterat, dimisit. Il s'occupe de mille choses ; il
cherche çà et là de quoi se reposer et ne trouve rien qui puisse le
satisfaire, jusqu'à ce qu'il retourne à Dieu. Il va de pensée en pen-
sée, pour trouver la paix; il varie selon ses occupations, ses alléc-
tions et ses tentations; mais la paix lui échappe , parce qu'il ne la
cherche pas où elle est. Le démon le tente le monde l'aveugle, la
concupiscence le presse. Au dehors des combats, au dedans des
craintes (De Tentât.).
Toutes ces tentations ne sont-elles pas l'indice de la miscro et du
néant de l'homme ?
De son fonds Nous ne sommes point suffisants, dit saint Paul, pour produire par
' !'•' "i'è""ecii6. nous-mêmes et comme de nous-mêmes quoi que ce soit en notre
esprit ; mais notre sullisance est de Dieu : Non sumus sufflcientes cogir
tare aliquid a nobis quasi ex nobis; sed sufficientia nostra ex Deo est
Ul. Cor. m. 5).
NÉANT DE L'HOMME.' 387
Sans moi, dit J. C, vous ne pouvez rien faire : Sine me nihil pote-
ttisfacere (Joann. xv. 5). Voila la mesure de nos forcespour le b;en
Mais l'homme qui ne peut faire le bien par lui-même, peut faire le
mal, et le fait souvent. C'est même de son propre fonds seul que sort
le mal; car c'est sa volonté qui engendre tous les péchés. Le mal er|
l'œuvre de l'homme; il lui appartient
Personne, dit saint Augustin, n'a de son propre fonds autre chosa
que le péché et l'erreur : Ncmo habet de suo, nisi peccatum et menda-
cium (Sentent., num. cccxxxn).
Pour que l'homme puisse faire le bien, il faut que Dieu soit avec
lui ; mais il fait le mal tout seul ; et c'est parce qu'il est seul et qu'il
n'est pas avec Dieu, qu'il fait le mal
0 homme, dit saint Bernard, si tu te voyais, tu ne te complairais
pas en toi-même, et tu plairais à Dieu; mais parce que tu ne te vois
pas, tu te complais en toi-même, et tu déplais à Dieu. Viendra le
temps où tu ne plairas ni à Dieu ni à toi; tu ne plairas pas à Dieu,
parce que tu as péché ; tu te déplairas à toi-même, parce que tu seras
plongé dans les flammes éternelles (1).
Si quelqu'un pense être quelque chose, tandis qu'il n'est rien, il L'homme
s'abuse lui-même, dit saint Paul : Si quis existimat se aliquid esse, n'es't riejl;
cum nihil sit,ipse se seducit (Gai. vi. 3).
Vanité des vanités, tout est vanité, dit l'Ecclésiastique : Vanitas
vanitatum, et omnia vanitas ( i. 2 ).
L'homme, dit Sophocle, est un fantôme et une ombre légère :
Est simulacrum et tenuis timbra (Anton, in Meliss. ). L'homme est le
rêve d'une ombre, dit Pindare (Anton, in Meliss. ).
L'homme, selon l'expression. d'Isaïe, est une goutte de rosée, un.
brin d'herbe, une fleur, le grain de sable qui suffit pour faire pen-
cher la balance, un néant. C'est la réunion de toutes les vanités, dit
le Psalmiste : Universa vanitas omnis homo vivens (xxxvin. 6).
L'homme disparait avec la rapidité du courrier qui porte une
nouvelle, du navire dont le vent gonfle les voiles, de l'oiseau qui
vole, de la ïièche lancée au but. Telles sont les comparaisons dont
se sert l'Ecriture pour peindre le peu de durée des choses de la terre
la vie de l'homme ( Sap. v. 9-13). Il est poussière et o< n e
dit la Genèse (xvm. 27).
(]) O homo, si te videres, tibi displiceres, etmihi placerps; sed quia te non vides
libi places, et mihi displices. Veuiet tempns, cum ;iee mihi, nec tibi ulacebis : mihi
quia ueccasti; tibi, ^uia iu sternum aivebis ( 6er,n. in Cant.).
388 NEANT DE i/HOMME.
Comme le nom de Dieu est l'être : Je suis, dit-il, celui qui suis;
c'est mon nom dès l'éternité : Ego sum qui sum ; hoc nomen mihi est
in œternum (Exod. in. 44. 45) ; le nom des créatures est le non-être,
le néant. Si la terre, l'homme et l'ange étaient interrogés, et qu'on
leur demandât: Qui êtes- vous ? comment vous appelez-vous? Ils
pourraient et devraient répondre : Nous sommes néant, notre nom
est néant. Pourquoi? parce que, 1° toute chose créée , avant de
l'avoir été , était néant ; 2° parce que si elle est corruptible et péris-
sable, elle sera de nouveau néant; et que si elle est incorruptible,
comme l'ange, elle peut néanmoins être rendue au néant. En
effet, son être est au pouvoir de Dieu, qui le lui conserve libre-
ment , et qui peut à tout instant le lui ôter; 3» parce que, tandis
qu'elle existe, elle est variable et changeante, et, par conséquent,
mêlée avec le néant; car tout changement renferme une sorte de
négation d'être; 4° parce que tout ce qui est créé tient plus du
néant que de l'être. Par exemple, l'homme a seulement l'être
d'homme ; mais considéré comme terre, ciel, ange, etc. , il est
néant, c'est-à-dire que son être est étranger à celui des créatures
dont nous venons de parler et de toutes les autres créatures.
L'homme a donc un seul mode d'existence et un grand nombre de
non-être.
Combien est sage celui qui sait que son être ne lui appartient pas!
Saint Jean-Baptiste avait cette précieuse connaissance ; car lorsqu'un
lui demanda : Etes-vous le Christ? êtes-vous un prophète? Non,
répondit-il; je ne suis qu'une voix qui crie dans le désert (Joann. i.
20. 21.23).
Vantez-vous, hommes orgueilleux , répétez : Je suis ceci, je suis
cela Vous mentez, vous n'êtes rien
Nous pouvons tous dire avec vérité: De moi-même je ne suis
rien, je ne sais rien, je ne puis rien, je ne vaux rien Voilà ce
que vous êtes. Venus du néant, vos œuvres sont stériles, dit Isaïe :
Ecce vos estis ex nihilo, et opus vcstrum ex eo quod non est ( xli. 24 ).
Lève-toi, dit le Seigneur à Jérémie, et descends dans la maison
d'un potier, et là tu entendras mes paroles. Et je descendis, et le.
potier faisait un vase d'argile sur sa roue, et le vase se brisa dans
sa main (xvin. 2-4. ) Dieu nous ordonne à tous de descendre
dans la maison du potier, afin de voir quelle a été notre origine et
quel est notre néant
Parce que nous avons livré une fois notre esprit à l'orgueil, dit
saint Grégoire, nous portons chaque joui- une boue inii d^jj va:
chose.
NÉANT DE i/HOMME. 3S0
Quia elatwn semé! sumpsimus spiritum, ccce defluens quotidie portamm
lutum (Lib. Moral.).
On? celui-là qui comprend son néant dompte sa chair par les jeûnes Ce qu'il i.-.i,
~ r . faire pont-
et les mortifications; qu'il imite samt Paul : Je chahe mon corps, être quelqu
dit cet apôtre, et je le réduis en servitude : Castigo corpus meum, et
in servitutem redigo (T. Cor. ix. 27). Qu'il humilie son esprit, en se
rappelant que, selon le témoignage du prophète Michée, il porte
en lui tous les motifs d humiliation : Humiliatio tua in medio tui
(vi. 1-i).
Rien, dit saint Grégoire, n'est aussi capable de vaincre la chair et
le péché, que de considérer l'état auquel la mort réduit ce que nouï
aimons plein de vie. L'Ecriture dit avec raison que le voluptueux,
en aimant la volupté, aime les vers ; car celui qui brûle de désirf
impurs, brûle pour un amas de pourriture infecte (Lib. XVT Moral.).
Le tombeau , la poussière et les vers , voilà ce qui attend
l'homme, ce néant révolté; voilà ce qui peut lui servir de remède
et l'aider à devenir quelque chose. Que l'homme travaille, dit Bos-
su et, à s'accroître, à se multiplier dans ses titres, ses possessions, ses
vanités, il ne faut toujours pour l'abattre qu'une seule mort. Mais
il n'y pense pas, et dans sa vanité il ne s'avise jamais de se mesurer
à son cercueil, qui seul néanmoins le mesure au juste.
A Fane, dit l'Ecriture, l'herbe, la verge et le fardeau; à l'esclave
le pain, la punition et le travail : Cibaria, et virga, et onus asino;
panis, et disciplina, et opus servo ( Eccli. xxxin. 25). La bête de somme
et l'esclave de l'âme c'est le corps, auquel on doit, par conséquent,
trois choses : une nourriture ordinaire, la flagellation, et une occu-
pation continuelle et pénible
NEa:>t ur TtfONDE.
••,. --'e.'
monde eri "W Tors métrez votre espoir clans l'argent, von» vous livrez à la
%/ vanité , » lit saint Augustin; vous mettez votre espoir dans
T l'honneur, vous vous livrez à la vanité; vous mettez votre
espoir dans quelque ami puissant , vous vous livrez à la vanité.
Pendant que vous espérez en toutes ces choses , ou vous mourez et
vous les laissez ici-bas; ou, si vous vivez, elles périssent et vous
défaillez dans votre espoir. Isaïe rappelle cette vanité , quand il dit :
Toute chair est comme l'herbe , et toute sa gloire comme la fleur
des champs : l'herbe s'est séchée et la fleur est tombée (I).
Ecoutez saint Grégoire de Nazianze : Que suis-je? où étais-je avant
de naître? que deviendrai-je? Le chemin de cette vie est semé d'af-
flictions; il n'y a parmi les hommes aucun bien réel et solide; tout
est plein d'imperfections. Les richesses sont un piège; le faste d.'s
grandeurs et la pompe des trônes les plus élevés sont une sorte de
v.'\e. Etre forcé de se soumettre à un autre est pénible; la pauvreté
rend esclave, la beauté ne dure qu'un jour et disparait comme
l'éclair. La jeunesse n'est rien; la vieillesse est le triste déclin de la
vie. Les paroles passent et s'évanouissent ; 1 < -t une fumée;
la noblesse, un sang vieilli; laforce nous est commune avec le pan-
; le mariage est un esclavage ; les places publiques sont L'école
; le repos, une marque de faiblesse; le travail, une peine;
une partie des navigateurs périt, et la patrie elle-même peut devenir
un gouffre. Dans le monde, tout est embarras, vanité, indigence,
fausseté. Tout est crainte, joie menteuse, ombre, rosée, souille qui
■ ', course rapide, vapeur qui se dissipe, rêve, flot inconstant,
navire entraîné par le vent, vestige qui s'efface, poussière. Qu'il
oie, qu'il se lève, qu'il aille, qu'il \ienne, qu'il tourne, qu'il
tombe, tout homn i ichainé au temps qui s'envole; il e
jouet du jour, de la nuit, des travaux, des chagrins, des maladies,
des calamités et de la mort ( De Vitœ itiner. ).
(1) Spcrasin peennia, observas vnnilatem ; speras in honore, observas vanitatom;
i polcnlc, «!> . In lus omnibus, cuin speras, aut
tu expiras, ete&hic dimittis: aut, cum vivis, omnia pereunt, et in spe tua de
Islam \anitatcm commémorât Isaiat . dicen : Omnis naro fœnum , et omnis gloria
«ius quasi Dos agri ; aruit [ioentUB, et ilos ejus ilccidit (Lia. Civit. ).
NÉANT DC MONDE. 391
0 homme , que dites-vous? s'écrie saint Chrysostome. Appelé au
royaume du Fils de Dieu , vous demeurez dans la torpeur ! Nous
partageons le sort des oiselets paresseux qui veulent toujours reste»
dans leur nid; plus ils y demeurent, plus ils deviennent faibles; car
la vie présente est une sorte de nid fait de brins de paille et de boue.
El si vous me montrez de magnifiques édifices, et même les pair'-
des rois qui resplendissent d'or et de pierres précieuses, je ne mettrai
aucune différence entre eux et les nids d'hirondelles. L'hiver venu ,
tous tombent également d'eux-mêmes (1).
Toutes les félicités du siècle, dit saint Augustin, ressemblent
aux rêves qu'on fait pendant le sommeil. Celui qui compte ses trésors
en songe, se croit riche; mais à son réveil il ferra fa pauvreté:
ainsi en sera-t-il des hommes qui se réjouissent des vanités du siècle.
S'ils ne s'éveillent pas maintenant que ce réveil leur serait utile , ils
se réveilleront un jour malgré eux. Réveillez-vous donc, secouez le
sommeil qui s'est emparé de vous (2).
Voilà que ce monde tant aimé s'enfuit, dit saint Grégoire; voilà
qu'il sèche en lui-même, et cependant il fleurit encore dans no?
cœurs! Ecce mundus qui diligitur, fugit ; ecce jam mundus in seip.o
cruit, et adhuc in cordibus noslris floret ! ( Homil. xxxvn in Evang. )
Tous ceux qui aiment le monde sont des chercheurs de bagatelles,
dit le vénérable Bède : Omnes amatores mundi , omnes inquisitores
nugarum (Collectan. ).
Vanité des vanités, dit l'Ecclésiaste; vanité des vanités, et tout est
vanité : Vanitas vonitatinn, et omnia vanitas (i. 2). Qu'est-ce que
l'homme a de plus de tout le travail qu'il accomplit sous le soleil ?
Qvid habet amplius homo de universo labore suo, quo laborat sub sole?
(i. 3. ) Cette sentence, qui paraît vraie pendant la vie, plus vraie
au dernier moment, devient incontestable après la mort. L'impie,
le mondain, se consument dans la peine sous le soleil, et ils
(1) Quîs dicis, homo? Adregnum vocatus Filii Dei , torpes? Nunc vero idem pati-
mur quod evpnit et aviutii pullis pigrescentibus. semperque in nido manere cupien-
tibus. Illœ qvianto diutius ha?serint,tantoredduntur imbecilliores.Nidiis enimq i
est pressens hacc vila ex festucis et luto compactus. Et si magnificas milii ostendero
a-dos. etiam ipsas regias auro multo et lapidibas pretiosis splendidas; nihil lamen illas
ab liirundinum nidis differre putabo. Ingrueniecnim hieme cadunt omnia sponte sn»
(2) Omnes islae félicitâtes qure videntur seculi, somnia sunt dormientium. Et quo-
modo qui videt thésaurus in somnis, dormions, dives est ; sed evigilabit , et pauper
erit : sic omnia ista vana Inijus seculi. de quihus homines gaudent.in somno gandent.
Evigilabun! quando noient, si non modo vigilant, nuando utile est. Evigila , excute
somnum {In Psal. cxxxi).
392 NÉANT DU MONDE.
se préparent rie? tourment? éternels. L'homme sage et pieux, au
contraire, travaille clans une région supérieure à celle qu'occupe le
roi des astres; car amassant dos bonnes œuvres et les mérites des
vertus, il place son trésor dans le ciel, vit de Dieu, et reçoit de lui
la vie éternelle.
Il y a, dit le vénérable Bède, sept choses qu'on ne trouve pas dans
le monde, ce qui prouve sa pauvreté et son néant : la vie sans la
mort, la jeunesse sans la vieillesse, la lumière sans les ténèbres, la
joie sans la tristesse, la paix sans la discorde, la volonté sans la résis-
tance, un royaume sans changement (1).
Or, ôtez du milieu du monde la certitude de la vie, la jeunesse,
la lumière, la joie et la paix sans altération, la possibilité de faire sa
volonté, la stabilité de l'ordre, que reste-t-il? rien, sinon le trouble
«t le malheur.
Je regarde, dit Barlaam, les années pendant lesquelles j'ai servi le
monde, comme des années passées dans la mort plutôt que dans la
vie : Reliquos quibus servivi mundo annos, non vitœ, sed mortis com-
puto (Anton, in Meliss.).
Oh! que le Prophète royal jugeait sagement du monde, lorsqu'il
disait : Seigneur, détournez mes yeux pour qu'ils ne s'arrêtent pas
à la vanité : Averte oculos meos, ne videant vanitatem (cxvin. 37).
Vanité des vanités, tout est vanité : Yanilas vanitatum, et omnia
vanitas (Eccle. i. 2).
Si les riches et les puissants pesaient cette sentence, dit saint Chry-
sostome, ils l'écriraient sur tous les murs, sur Leurs vêtements, dans
la place publique, dans leur maison et sur les porte ; car il y a beau-
coup de faces à toutes choses et beaucoup de fausses apparences qui
trompent ceux qui ne sont pas sur leurs gardes. Il faut donc chaque
jour s'incliner devant ce vers; il faut que dans les repas et dans
les réunions chacun dise à son voisin : Vanité des vanités, et tout o.-t
vanité (2).
Vanité, c'est-à-dire ombre fugitive, chos • qui no rassasie pas le
désir, qui est de nui prix, et pleine de néant. Tout ce qu'il y a dans
(l) Septem sunt quœ non invoniuntur in hoc mundo: vita sine morte, juventits
sine scncclute, ln\ sine tenebris, gaudium Bine Iristi ia, pax sine discordia, roi tas
sine injuria, regnum sine commulalione ( ('
(i, ilunc versiculum qui in potentia rersantur, in parielibus omnibus,
et in vci-tibus sui . in doino , in ingrassibus;
muluB sunt rerum faciès, multse imagines falsœ, quaî decipiui or-
tel nuotiJw Balutarecarm.cn, et in prandiis, et in conventu, unumquem pie proximq
•uo ca ici'' • quia vanitas vauilii' | | înni.i \anitas {Para/net. ad Euttop. )■
neà>:t du monde. 393
le monde est de peu de. durée, de peu de valeur, futile, changeant,
sujet à la corruption, faux et séduisant.
Tout ce qu'il y a dans le monde est appelé par l'Ecriture vanité,
des vanités, pour trois raisons principales : 1° parce que toute créa-
ture comparée à Dieu, au Créateur, qui est l'océan de l'être et de
toute perfection, est comme un néant... ; 2° parce qu'aucune chost
créée ne peut rendre l'homme heureux, ni rassasier ses désirs qui
sont immenses... ; 3° parce que l'homme, dans sa folie, ahuse de
toutes les choses créées pour la vanité , c'est-à-dire s'en sert pour
satisfaire ses vaines concupiscences, qui le conduisent rapidement â
la mort temporelle et étemelle
Les riches du monde ont dormi leur sommeil, dit le Psalmiste, eJ
tous, au réveil (au réveil de la mort), n'ont rien trouvé dans leurs
mains : Dormierunt somnum suum, et nihil invenerunt omnes viridivi.
tiarum inmanibus suis (lxxv. 6).
Les pensées des mortels, dit Phi Ion, ressemhlent aux rêves ; eliei
vont, elles viennent, elles se présentent, elles s'éloignent ; on vem
les saisir, elles ont fui (Lib. I de Joseph.).
Ne vous mettez pas à la poursuite des choses vaines, dit l'Ecriture :
Nolite declinare post vana (I. Reg. xn. 21 ). En comparaison des bien?
éternels, tout est vain, dit saint Grégoire, même les biens temporels;
car tout ce qu'il y a d'heureux, d'agréable, de grand, de prospère
dans le siècle, est certainement vain, puisqu'on se Je procure diffici-
lement, et qu'on le perd vite. Les grandeurs du monde s'écroulent
soudain, ses beautés passent, son bonheur et sa prospérité s'éva-
nouissent. Au moment où l'on voit le monde entouré de toutes ses
fleurs prodiguer ses caresses, un accident soudain le jette dans le
trouble, ou la mort rapide le renverse et l'enferme dans le tombeau.
Les joies du monde sont donc vaines, elles qui flattent ceux qui les.
aiment en leur promettant de durer, et qui les plongent dans la
déception en passant rapidement (1).
Voulez-vous savoir quelles sont les vanités et les faussetés qu-
existent dans toutes les choses créées, et quel est leur nombre? or
(1) In coniparatione œternorum bonorum , vana sunt orania, etiam bona tempo
ralia. Quidquid enira in hoc seculo laetura , delectabile , sublime , aut prosperum
cernitnr, vanuni profecto est; quia difficile habetur , et cito amiltitur. Repente qui-
dem alta seculi corruunt, pulchra transeunt, lseta et prospéra evanescunt. Nam cum
in his Qoribus suis mundus blandiens cernitur, repentina fortuna turbatur, aut
feslina deluibante morte concluditur. Vana ergo sunt gaudia seculi, quœ quasi manen-
iia bî and iuntur , sed araatores suos cito transeundo decipiunt ( Lib. V in I Reg. ,
59-i NÉANT DU W03SBE.
ne saurait les compter. Cependant il y en a douze qui dominent toute*
les autres et qui sont contraires à autant de vérités et de biens réels
qui sont en Dieu et au ciel : la première, c'est la pauvreté de toute
créature...; la seconde, c'est son inutilité, ce qui signifie que toute
créature est bone et néant... ; la troisième, c'est son insatiabilité... •
la quatrième, sa courte durée...; la cinquième, son instabilité...;
la sixième, sa fausseté...; la septième, son insensibilité...; la
huitième, son infidélité: en effet, tout nous trompe, et le champ, et
la vigne, et l'arbre, etc.; la neuvième, l'incertitude qui l'accom-
pagne...; la dixième, sa faiblesse...; la onzième, le dégoût et le vide
qu'elle laisse...; la douzième, son terme, la mort. En un clin d'oeil et
d'un seul coup, tout prend fin, tout disparait. Ainsi ceux qui aiment
le monde ont reçu leur récompense, dit saint Augustin; pleins de
vanité, ils n'ont eu que des chj&es vaines : Aecepenmt mercedem
suam, vani, vanam (De Civit. ).
Ce monde est une comédie qui finira par tin dénonemefirt tragi-
que Tout dans le monde est ténèbres et rêve; quand le grand
jour de Dieu paraîtra, tout s'évanouira
< l'était une ombre, dit saint Chrysostome, et elle a passé; une
fumée, et elle s'est dissipée ; une toile d'araignée, et elle a été déchi-
rée : Umbra erat, et pertransiit ; fumus, et dissolu tus est; araneœ telœ,
etdiscissœ surit (ïn Psal.).
Où est aujourd'hui le fastedeNemrod?Où estla puissance d'Assué-
:'us, qui commandait à cent vingfcsépt provinces? Qu'est devenue la
gloire queCyrus s'était préparée par tant de peines? Que sont il
nus les trésors de Crésus? Où est le règne brillant de Darius ? ( >ù
les innombrables armées rie Xorxès ? Où se trouvent le vaste empire
d'Alexan Ire, et l'immense puissance de Pompée, et la fortune Invin-
cible de César, et la gramle monarchie d'Auguste? Que sont deve-
nues les dégoûtantes voluptés de Callgula, et le faste du cru I
Vanité des vanités, tout est passé, tout est retombé dans le néant
Où sont l'orguefl et la merveilleuse puissance de Sémiramis, la fatale,
beauté d'il '' ■ "■ I ces volu| I mheur !
Livie, les parures d'Agrippine? Vanité des \ anitS.
Qu'est devenue La BUperbe Babylon©, l'immense Mempliis, Car!
la terreur de l'epipire, Argos si illusl ille Corinthe, I
riche, Rome la ville des triomphes et la . Jérusar
lei.i la sainte? Vanité des vanités, tout
temples les plus fameux, les palais les plus
meiiis les plus durables? Ce ne sont partout que des ruines. Va.uit(î
NÉANT DU MONDE. 393
des vanités, tout est vanité : Vanitas vanitatum, etomnia vanitas. 1]
faut donc renoncer à tout ce qui est dans le monde, et s'attacher à
l'ieu seul.
Vous aimez le siècle, dit saint Augustin, il vous engloutira : Amai
seculum, absorbebit te (In Psal. ).
La volupté ment ; ce n'est pas un plaisir, mais une douleur et uu
tourment. L'abondance des richesses ment; ce n'est pas une abon-
dance, mais une privation des vraies richesses qui sont au ciel.
Les honneurs mentent; ce ne sont pas des honneurs, mais un fardeau
et le jouet du siècle
Le vrai bonheur, dit saint Eucher, consiste à mépriser le bon heui
du monde et à rechercher avec ardeur les choses divines, en négli-
geant celles de la terre : Vera beatitudo est seculi beatitudinem sper-
nere,neglectisque terrenis, in divina flagrare (Epist. ad Valerian. ).
Sortons d'ici, dit saint Grégoire de Nazianze ; devenons hommes,
renonçons aux songes, allons au delà des ombres. Disons adieu aux
trônes, aux grandeurs, aux richesses, à l'éclat ; tout cela n'est que
vile et méprisable gloriole, que jeux du grand théâtre du monde «
que bagatelles et comédie (1).
J'ai vu que le rire est trompeur, dit l'Ecclésiaste, et j'ai dit à la
joie : Pourquoi me séduis-tu vainement? Risum reputavi errorem, et
gaudio dixi : Quid frustra deceperis? (n. 2. )
Ceux qui pleurent pour des vanités pleurent en vain, dit saini
Augustin; et ceux qui rient des vanités rient de leur propre mal-
heur ; ils sont dans l'erreur, parce qu'ils se réjouissent où il faudrait
s'affliger, et qu'ils rient où ils devraient pleurer. Ils ressemblent
aux enfants qui jouent et rient même pendant que leurs parents
meurent (2).
Néant du monde ! L'homme, dit l'Ecclésiaste, est sorti nu du sein
de sa mère , et il s'en retournera nu, n'emportant rien de ce que lu;
aura procuré son travail : Sicut egressus est nudus de utero matris suce,
sic rêver titur, et nihil aufert secum de labore suo (v. 14). 0 misère
profonde ! comme il est venu, il s'en ira. Et que lui reviendra-t-il
d'avoir tant travaillé pour du vent? ( lbid. v. 15. )
(!) Migremus hinc, \iri efficiamur, somnia projiciamus, urabras praetereenius.
Valeant Ihroni, principatns, opes, splendores; vilis haec et despicabilis gloriola , ac
deniq'ic macnoe hujus scenœ ludicra, nnsrœque theairicœ (Epist. i,YU).
(2) Qui ploranlde rébus vanis, inaniter plorant; et qui raient de rébus vani», de
malo suo rident. Errant ; quia gaudentubi dole-.-e. rident ubi flero deberent. S: pt
infantes ludiint et rident eiiam dum parentes eortroi ivorhuilnr (In
i çcles. ).
396 lfÉA!TT Dïï MONDE.
Les royaumes les plus florissants, avec leurs richesses et leur
gloire, ne sont que du vent;-ils s'attaquent, luttent les uns contre
es autres et passent comme les vents; ils sont terribles comme les
.empotes , et soudain ils disparaissent en poussière d'orage
Tous les biens de ce monde sont trompeurs; ils ont l'apparence
et non la réalité ; ils excitent la faim et la soif, mais ils ne peinent
l'apaiser; ils sont l'amusement des yeux et non la nourriture de
/âme. La raison en est que lame a été créée à l'image de Dieu , et
que par là elle est devenue capable de jouir d'un bien infini, c'est-à-
dire de Dieu ; elle a été faite pour Dieu, elle ne peut donc être satis-
faite ni remplie par aucun bien fini, ombre et néant comme toutes
Aes choses de la terre. Aussi à peine jouit-elle d'une chose, qu'elle
en cherche une autre pour étanchor sa soif. L'âme terrestre et char-
nelle ressemble au chien, qui, en dévorant le morceau de pain qu'on
:ui a jeté, en considère et en convoite un autre. Dieu seul est le vrai
repos et le rassasiement de l'âme
Voyez, ô homme misérable , dit saint Bernard , voyez que tout ce
|ue vous faites en ce monde est vanité, folie, démence, excepté cela
seul que vous laites en Dieu, pour Dieu, et en l'honneur de Dieu. Et
vous aimez le monde, et vous abandonnez Dieu! Celui qui aime le
monde est toujours dans la détresse : vivre pour le monde, c'est la
mort; seule l'âme qui est morte au monde vivra. Tandis que vous
vivez dans votre corps, mourez au monde, afin qu'après la mort
du corps , vous commenciez à vivre de Dieu (l).
Le pécheur qui cherche sa joie et son bonheur dans les créatures
>l non dans le Créateur, le place dans une ombre, dans un néant;
mais que les ombres des créatures, dans les ténèbres de cette vie,
paraissent grandes à l'homme aveugle! Au coucher du soleil, les
ombres qui descendent des montagnes s'allongent et deviennent
colossales; ainsi, quand Dieu disparait, les ombres que projettent
.es vanités dfi la terre s'étendent, et le mondain admire et recher-
che ces grandes ombres, qui cependant ne sont pas moins insai-
sissables que l'ombre ordinaire. Il imite le chien d'Esope, qui,
voyant se refléter dans l'eau le morceau de viande qu'il portait à la
gueule, l'abandonna pour saisir ce qui n'en était que l'ombre, et
(l) Vide, miser Lomo, quiatotum estvanitas, lotum stultitia, totum demontia
laidquid ficis in boc mande, preterid solnm qnod in Deum,et propter Dcum, et
ad honorent Dei i'acis. El innndiuii <lili;j;is, el Deum rdinquis ! Mnndum qui diligit,
semper est in angOStia • tmindo \iverc, mors est ; mundo anima mortua, vivet. Dutn
vivis in carne, moricre mundo, ut post mortem enrnis, Deo vivere incipias [Serm,
le Mi serin. humuna).
NÉANT DU MONDE. 397
perdit l'un et l'autre. Voilà à la lettre ce qui arrive aux mondains;
ils abandonnent la suprême vérité, le suprême bonheur qui est Dieu,
pour saisir l'ombre, et ils n'ont ni Dieu ni l'ombre : tout leur
échappe
L'étable de Bethléem crie, la crèche crie, les larmes de Jésus
naissant crient., les langes crient, la croix crie, le sang de J. C. crie;
et que disent-ils? ils prêchent l'humilité, la pauvreté, la pénitence,
l'austérité de la vie et le mépris des richesses, des plaisirs et des
grandeurs du monde. Voilà ce que J. G. n'a cessé de recommander
depuis la crèche jusqu'au Calvaire, et non-seulement de bouche,
mais surtout d'action.
Enfants des hommes, s'écrie le Prophète royal, jusques à quand
aurez- vous le cœur appesanti; pourquoi aimez-vous la vanité et
cherchez- vous le mensonge? Filii hominum, usquequo gravi corde;
ut quid diligitis vanitatem, et quœritis mendacium? (iv. 3.) Les
richesses du monde, ses pompes , ses plaisirs , ses honneurs, ses
promesses sont vanité, néant : méprisez-les et ambitionnez les seules
choses qui soient solides et désirables. Les richesses, les pompes, le?
délices, les honneurs, la gloire, le bonheur véritables sont au ciel,
en Dieu; et non sur la terre, dans des créatures
La terre n'est qu'un exil
Paul Orose, ami de saint Augustin , disait : J'use momentané- Le moIlde esl
. ., .. , un exil , un
ment de la terre comme d un exil; car la vraie patrie, la patrie que instant , une
j'aime, n'est nulle part ici-bas. Je n'ai rien perdu là où. je n'ai rien c° mort! 6
aimé; et j'ai tout, quand celui que j'aime est avec moi. Il est le
même envers tous ; c'est lui qui m'éclaire et m'unit à lui ( Teste
S. Augustino ).
0 homme , s'écrie saint Chrysostome , pourquoi cherchez-vous ici-
bas des joies solides et durables ? Tout ce que vous voyez est péris-
sable et de peu de durée : Quid , o homo, longa hic, quid solida gaudiu
quœris? brève est et caducum quidquid hic vides (In Epist. ad Rom.).
Dans son chemin, il boira de l'eau du torrent, dit le Psalmiste :
De torrente in via bibet ( x. 7 ). Un torrent, dit saint Augustin, repré-
sente le passage de la race humaine soumise à ia mort. Comme un
torrent se l'orme des eaux de pluie , se gonfle, fait fracas, court, et
en courant passe, c'est-à-dire achève sa course, ainsi va le cours
de la vie. Les hommes naissent, ils vivent, ils meurent; et tandis
que les uns meurent , les autres naissent. Qu'y a-t-il ici-bas qu'on
■cuisse rendre stable? qu'y a-t-il qui ne décline avec rapidité et qui
398 NÉANT DU MONDE.
ne se rende dan? l'abîme, comme la réunion des eaux de la pluie se
rend dans la mer? (1)
L'homme passe comme la fleur de la prairie , dit l'apôtre saint
Jacques (i. 10).
J'ai vu l'impie élevé au-dessus des cèdres du Liban, dit le Psal-
miste; j'ai passé, et il n'était plus; je l'ai cherché, et je n'ai même
pas trouvé sa place : Vidi impium superexaltatum , et elevutum sicut
cedros Libani; et transivi , et ecce non erat; et quœsivi eum, et non est
inventus locus ejus ( xxxvi. 35. 30 ).
Que l'homme donc, Seigneur, vive pendant un matin, comme
l'herbe; qu'il fleurisse au matin, et qu'il accomplisse sa destinée;
que le soir il tombe, durcisse et se dessèche : Mane sicut herba
transeat , mane floreat , et transeat; veapere décidât, iuduret et arescat
( Ps. lxxxix. 6 ). L'homme est semblable au néant; ses jours décli-
nent comme l'ombre : Homo vanitati similis factus est ; dies ejus
sicut umbra prœtereunt (Psal. ex lui. 4).
uansiernonde Dans le monde tout change ; Dieu seul est celui qui est : Ego sum
qui sum (Exod. m. 14); c'est-à-dire, Dieu seul est immuable : Je
suis le Seigneur, et je ne change pas, dit-il : Ego Dominus , et non
mutor ( Malach. ni. 6 ). Vous, Seigneur, vous êtes éternellement le
même, dit le Psalmiste : Tu idem ipse es (ci. 28).
Au contraire , le titre que pourrait porter l'homme , le monde et
toute créature , est celui-ci : Je suis créé , et je change; je change de
corps, je change d'esprit, je change de volonté, je change de
désirs et d'affection ; enfin , je suis dans un mouvement et un chan-
gement continuels. Etant dépendante, faible, imparfaite, altérée,
mobile, la nature créée change constamment. Voilà pourquoi ceux
qui mettent leur espérance et leur amour dans l'homme , ou dans
quelque créature que ce soit, sont pressés d'une faim et d'une soif
qu'ils ne peuvent apaiser; ils se trouvent assaillis de désirs et de
craintes; ils passent d'un sentiment et d'une alternative à l'autre,
selon ces paroles de Jérémie : Jérusalem s'est enfuncée dans son
péché ; aussi a-t-elle perdu toute stabilité : Peccatum peccauit Jéru-
salem , propterea instabilis facta est (Lanieut. i. 8).
(1) Torrens profluxio mortalitatis humuute est; sicut emm torretis pluvial i bus
aquis colligitur, redundat, perstrepit, currit, et currendo decurrit , td est, cm-sum
Suit; sicut otimis isle cursus mortalitatis. Mascunlur liomines, vivunt, moriuiitur,
et aliis monenlibus, alii nascunlur. Quid Lie tenetur ? quid hic non decurrit? quid,
«an quasi de jpluvia coilectuju est in mare, iu abjssum? (In hoc versic. Puai.)
NÉANT Di MONDE. 399
Voulez-vous, malgré votre faiblesse, être constant et immuable t
attachez-vous à la nature immuable et au bien solide, qui est Dieu.
Dieu ue change jamais; les créatures, elles, changent toujours;
elles veulent, et bientôt elles ne veulent plus; elles aiment, et bien-
tôt elles haïssent; elles plaisent le matin, et déplaisent le soir.
Aujourd'hui elles vous protègent, demain elles vous persécuteront
et ^ ous renverseront; aujourd'hui elles veulent, mais elles ne peuvent
pas; demain elles pourront, mais elles ne voudront pas. Aujourd'hui
elles sont élevées au comble de la fortune et des honneurs, demain
elles seront dans la disette et au dernier rang; à l'heure présente
elles vivent, dans un instant elles seront mortes
Les nations sont troublées et les royaumes penchent vers leur ruine, Dans Le monde
tout UlSUUl'411.
dit le Prophète royal : Conturbatœ sunt gentes, et inchnata sunt régna
/xiv. 7).
L'arrêt de mort du genre humain a été prononcé par l'Eternel,
depuis bientôt six mille ans : Tu es poussière , et tu retourneras en
poussière : Pulvis es, et in pulverem reverteris (Gen. m. 19 ).
Une voix m'a ordonné de crier, dit Isaïe; et j'ai répondu : Que
crierai-je ? Toute chair est comme l'herbe , et toute sa gloire comme
la fleur des champs. L'herbe s'est desséchée et la fleur est tombée :
Vox dicentis : Clama. Et dixi : Quid clamabo ? Omnis caro fœnum, et
ymnis gloria ejus quasi flos agri. Exsiccatum est fœnum et cecidit flos
(xl. G. 7).
Méditées avec humilité , ces paroles rendent facile tout ce qui est
le et ardu; elles détruisent tous les vices, font pratiquer toutes
les vertus, et a tirent toutes les grâces de Dieu
Remarquez en passant combien peu de chose est le corps de
l'homme , puisque le Saint-Esprit le compare à l'herbe et à la fleur
Jes champs, qui ne durent que quelques jours.
Toute la splendeur du genre humain, honneurs, pouvoirs
richesses, est une fleur des prairies, dit saint Augustin: Totu
splendor g <ener is humani , honores , potestates , divitiœ , flos fœni est.
(InPsal. cix). Cette maison fleurit, ajoute ce grand docteur; elle
devient une grande maison; cette famille fleurit; combien d'années
vivent-elles? Tout ce qui est en vigueur, tout ce qui brille, tout ce
qui est beau ici-bas, ne dure pas (1).
(1) Floret illa domus, et magna domus; floret illa familia; quam multis annis
vivunt? Quidquid ibi viget, quidquid ibi caudet, quidquid ibiuukhrum est, non
perennat [lu Psal. cixj.
-400 NÉANT DU MONDE.
Que sont, sur la terre, les hommes les plus remarquables, dit
saint Grégoire, sinon des fleurs des champs ? La vie présente est une
fleur (Lib. XI Moral., c. xxvi).
L'homme est une bulle de savon et la vie une pièce de théâtre
Les damnés comprennent cela, mais trop tard. A quoi nous a servi
l'orgueil, disent-ils? que nous a procuré la vanité des richesses?
Tout cela a passé comme une ombre , comme un navire qu'emporte
le vent, comme un oiseau qui fend l'air , comme l'éclair. Oh ! qu'il
voit juste celui qui , pendant la vie, s'occupe de pareilles pensées l
Pourquoi , malheureux et aveugle mortel, convoitez- vous la posi-
tion élevée de tel ou tel homme, puisque vous devez mourir demain,
et peut-être aujourd'hui? Pourquoi la beauté de cette personne
éveille-t-elle vos passions? Vous désirez une fleur des champs qui
dans quelques heures sera fanée ; car, ne l'oubliez pas , omnis caro
fœnum. Pourquoi faire charger cette table de mets délicats? Pour-
quoi prendre tant de soin de votre chair? Omnis caro fœnum.
0 homme, souviens-toi que tu es terre , et que tu retourneras eu
terre : Mémento homo quia puîvis es, et in pulverem reverteris,
0 enfants des hommes , pourquoi aimez-vous la vanité et vous
attachez-vous au mensonge ( Psal. iv. 4). Pourquoi obéissez-vous
aux convoitises de cette chair qui n'est que de l'herbe et de la
cendre?...
Saint Jérôme dit excellemment : 0 misérable condition del'homme,
tout le temps que nous vivons sans J. C. est un temps perdu! 0
miserabilis humana conditio ; et sine Christo vanum omne quod vivimus l
(Epitaph. Nepotiani. )
Faites attention, le monde s'en va, dit saint Augustin; faites
attention , le monde tombe ; et si vous voyez cela, prenez garde , car
il entraine tout avec lui : Attende, quia finit (mundus); attende , quia
labitur : et si attendas , quia {luit et labitur , cave quia trahit (In
Psal. cix).
Vaincs (3 mon Dieu, dit le Psalmiste, qu'ils soient comme une roue, ^mme
°(ju n'ioudc. ta paille que le vont emporte : Deus meus pone illos ut rotam; et sicut
Stipulant ante faciem veiiti (lxxxii. \\).
Ils se confient au néant, ditlsaïe, et ne disent que des choses
vaines; ils ont conçu le mal et enfanté L'iniquité; ils ont ourdi des
toiles d'araignée : Conjidunt in ni/iilo , et loquuntur vanitates : couce-
perunt laborem , et peperemnt xniquitatern ; lelas araneœ texuerant
(lix. 4. 5).
\
NÉANT DU MONDE. 401
Ourdir des toiles d'araignée, dit saint Grégoire, c'est faire quoi
que ce soit sous l'empire de la convoitise de ce monde : ces œuvres
d'ayant aucune solidité, le vent de la vie mortelle ne manque pas
de les emporter (1). Nous voyons l'araignée s'appliquer à travailler,
à ourdir, à s'arracher les entrailles; mais qu'ourdit-elle? une toile
dégoûtante et sans consistance. Ainsi les hommes charnels et mon-
dains travaillent constamment pour le monde, ils se fatiguent,
s'exténuent, abrègent leurs jours; et que font-ils? des toiles d'arai-
gnée, c'est-à-dire quelque chose de frivole, de vain, de périssable, que
le moindre accident détruira : Telas araneœ texuerunt. 0 marchands
et ourdisseurs, qui travaillez sur le néant, sur ce qui passe en
un clin d'œil; qui ourdissez des vices, et qui échangez des biens
infiniment précieux et éternels contre des bagatelles et contre le
fruit du péché; vous qui donnez le ciel pour la terre , l'âme pour le
corps, la vertu pour le vice, le Créateur pour la créature, la liberté
pour l'esclavage, le bonheur pour le malheur , la vie pour la mort;
quel est votre déplorable aveuglement, votre stupidité et votre
folie!...
Au lieu d'imiter l'araignée, que ne prenez-vous pour modèle le ver
à soie , dont l'œuvre est belle, utile et durable !...
Vous avez semé beaucoup , dit le prophète Aggée , et vous avez
peu recueilli ; vous avez mangé, et vous n'avez pas été rassasiés;
vousavez bu, et vous n'avez pas été désaltérés; vous vous êtes vêtus,
et vous ne vous êtes pas réchauffés : celui qui ramassé de l'argent,
l'a mis dans un sac percé (2).
0 vaines occupations des mondains ! oh! si placés sur une haute
montagne , nous pouvions voir la terre entière sous nos pieds, dit
saint Jérôme, je vous montrerais des ruines sans nombre, les nations
se heurtant contre les nations et les royaumes s'écrasant tour à tour :
vous verriez ceux-ci torturés , ceux-là mis à mort ; ceux-ci engloutis
dans les flots, ceux-là traînés en esclavage; ici des noces et de la
joie , là le deuil et les gémissements : vous verriez les uns naître,
les autres mourir; les uns comblés de biens, les autres dans la plus
affreuse pauvreté et mendiant leur pain; et les armées, et tous les
hommes qui habitent la terre et qui sont maintenant pleins de vie,
(1) Telas araneœ texere, est pro hi'jus mundi concupiseentia, temporalia qu;i!ibet
operari; quae dum uulla stabililate jolidata suiit, ea procul dubio ventus vit£ mor-
talis rapit ( Lib. XV Moral., c. is .
[■i Seinioaslis multum, et intulistis parurn ; comedistis, et non estis satiati ; bibi-
stis, et non e?t:s inebriati; operuistis vos, et non eslis calefacti; et qui mercedes
congregavit, misit eas in sacculuw pertusuoi (i, 6 ).
m. 26
408 XÏANT DU MOXDE.
destinés a mourir dans an court espace le temps {Epist. r
Heliod.).
Le monde est dans un mouvement perpétuel : ses enfants vont et
viennent , montent et descendent. Le travail des nains, le négoce,
les voyages, les procès, les accusations, les défenses, les jugements^
les querelles, les haines, les vengeances, etc.: voilà quelles sont leurs
occupations. Ils construisent, démolissent, entassent projets sur
projets , etc. Et au milieu de toutes aions , aucun d'eux ne
pense à Dieu, aucun ne se prendre à ia mort
Le monde Ils ont péri , dit le Prophète royal, et leurs cadavres ont engraissé
f jîou tousses* *a terre : Oispericrunt , facti sunt ut stercus terrœ (lxxxii. -H ).
ices que insensés qui ne voulez pas servir Dieu , vous poursuivez ce monde
i on fait pour ?. J „ . .
lui. volage, méchant , cruel, ingrat, et il vous mit. vous vous sa'
pour lui, et il vous oublie; vous le flattez, vous le louez, et il vous
méprise; vous l'embrassez, et il vous immole
jJà comment le monde récompense les siens. Vous lui donnez
votre corps, votre âme, votre conscience, votre affection, le ci»! et
Dieu; il vous rend en échange des douleurs, des hlimlliali <n> , des
déceptions, des chagrins, des larmes, -le déshonneur, une mort
affreuse, et enfin l'enfer éternel. 11 n'a jamais donné, il ne peut
donner autre chose à ses aveugles adorateurs !...
On trouve le service de Dieu trop pénible; mais les sacrifices qu'il
demande sont-ils comparables à ceux qi.
si le service de Dieu coûte quelque chose, la as et la gloire
dans le ciel, ne sont elles pas d'amples dé lomma
au contraire les compensations qu'accorde le monde? Hélas! en
échange des tortures qu il inflige à ses créatures en cette vie, il leur
assure, en l'autre, des tortures inexprimables et qui n'auront pas de
fin
Combien La. vie de ce monde est laborieuse, dit saint Grégoire ; elle est plus
;, ",;1,"1l'i^ vaine que les fables, plus rap uncouràerii se sur
"in- l'instabilité, s'appuie sur la fai i n'a aucune f- . Ile est
i vie qu'il une suite de résolutions inconstante.-, d'agitations s .do
UiCl,c' travaux sans relâche. Quel est celui une la douleur ne déchire pas,
que les sollicitude pas, que la r/ i ite ne ter;
pas? Les larmes suis eut les rires , la tristes- ae la joie,
une satiété pénible et tans ch,,, et la irfm, à
la satiété. Durant la nuit, on désire le jourj ^^uauitlb joujou
NÉANT DU MONDE. 403
goupire après la nuit; s'il fait froid, on voudrait de la chaleur; s'il
fait chaud, on demande de la fraîcheur. Appétit et désir avant le
repas; après, troubie, gêne, engourdissement. L'indignation , la
colère et une l'oule de passions tyranniques ne cessent d'agiter les
hommes (Lib. VI Moral.).
11 n'y a ni véritable courage, ni héroïsme parmi les mondain?. La
vertu les effraie; ils n'ont d'ardeur que pour le désordre et la
crime
Q fest-ce que l'homme , môme le plus fort, le plus riche , le plus
puisant, s'il abandonne la vertu, la religion et Dieu; et s' Dieu, la
religion et la vertu l'abandonnent? 11 n'est qu'un composé de fai-
blesses, l'image de la folie, la proie des convoitises, des vices,
chutes, des rechutes, des tentations, des démons , du monde, de la
chair , de la mort , de l'enfer , en un mot de toutes les misères tem-
porelles et éternelles
Les jours sont mauvais, ditle grand Apôtre : Dies rnalisnntCEph.es. v. Le monde en
46). C'est-à-dire, les jours de cette vie sont pleins d'angoisses, de se?
de douleurs , de tourments, de chagrins, de soucis , d'ennuis , de e,1, d%
° ■ ' malheurs.
tristesse, de gémissements, de pleurs, de tentations, de dangers,
de malaises de tout genre
Cette vie est si misérable, elle est exposée à tant de souffrances et
de malheurs, que beaucoup de personnes préfèrent la mort à la vie :
même quand celle-ci est très-courte , elle leur parait encore bien
longue. La mort est un refuge contre les innombrables afflictions
d'ici-bas. Si l'on a vécu en bon chrétien, il ne faut pas redouter
son arrivée, mais plutôt la désirer. Ceux qui aspirent à voir leur vie
se prolonger devraient plutôt pleurer sur leurs années écoulées;
La terre est dans la tristesse et elle languit, dit Isaïe ; elle est cou-
verte de souillures : Luxit et elanguit terra, obsordu.it (xxxiii. 9).
Que nous crie le monde, qui nous cause chaque jour tant de dou-
leurs, sinon de ne pas l'aimer? dit saint Grégoire : Mundus qui tôt
nobis quotidie dolores ingeminat , quid uobis aliudquamnediligatur ,
clamât? (Lib. VI Moral.)
La vie présente, dit saint Augustin, est un pèlerinage fatigant;
elle est fugitive , incertaine , laborieuse; elle expose à toutes les
souillures; elle traîne à sa suite tous les maux; elle est la reine des
orgueilleux ; pleine de misères et d'erreurs. On ne doit pas l'appe-
ler vie, mais mort. En effet, l'homme meurt à cha-ue instant, et uo
cesse de chanoer que pour subir divers genres de mort.
404 NÉANT DU MONDE.
Pouvons-nous appeler vie le temps que nous passons en ce
inonde? Qu'est-ce qu'une vie que les humeurs altèrent, que les dou-
leurs épuisent, que les chaleurs dessèchent, qu'un souffle empoi-
sonne, que les plaisirs dissolvent, que le chagrin consume, que
l'inquiétude abrège, et dont le sentiment s'émousse par la sécurité?
Les aliments nous gonflent, les jeûnes nous exténuent, les richesses
nous portent à la jactance et à l'ostentation, la pauvreté nous humi-
lie, la jeunesse nous enorgueillit, la vieillesse nous courbe, la
maladie nous brise, la tristesse nous accable. A tous ces maux
succède l'implacable mort, et elle met tellement fin à toutes les
joies de cette misérable vie, que lorsque celle-ci a cessé, on s'ima-
ginerait volontiers qu'elle n'a jamais existé. Cette mort est vraiment
la vie, et la vie une espèce de mort (Médit., c. xxi).
Je ne sais quel nom donner à cette triste vie. dit ailleurs le même
Père , et s'il faut l'appeler une via uni «a«urt ou bien une mort
qui ^ it.
Ici-bas , la chair, le monde , le démon nous tentent tour à tour et
souvent en même temps. Tantôt on est poursuivi par les scrupules ;
tantôt on est victime de soupçons mal fondés et injurieux, de médi-
sances, de calomnies, d'affronts, de reproches, de railleries et de
haines, etc
Méprisons donc la terre, dit saint Grégoire, et oubliant ou foulant
aux pieds toutes les choses du temps, achetons les biens éternels :
Despiciamus quœ terrena sunt ; relictis temporalibus, merccmur œterna
(Homil. in Evang. ).
Tout ce qu'ont désiré mes yeux, je le leur ai donné, dit Salomon
iaus i'Ecclésiaste, et je n'ai pas défendu à mon cœur de goûter les
plaisirs et de se complaire dans tout ce que j'avais prépars, et j'ai
cru que ma part était de jouir du fruit de mes sueurs; et lorsque
je me suis tourné vers les ouvrages de mes mains, vers les travaux
où je m'étais fatigué vainement, en tout cela j'ai vu vanité et afflic-
tion d'esprit (1).
La couronne des rois eux-mêmes est pesante et épineuse ; elle est
faite de travail, do soucis, d'inquiétude, d'embarras, d'insomnies,
de jalousie, de dangers, de tourments de toute sorte. Aussi le roi
(1) Omnia quœ rum oCuli mci, non neguvi eis : nec prohibui cor meum
quiu omni voluptate frueretur , et oblcctaret se in his quac prxparavcram : et liane
ralussura partent meam, ai uterer labore meo. Guuique me convertisscm ad uni-
versaoperâ, quœ fecerunt manùs meœ, et ud labores, in qinbuslrustrajjuu'aYCJuui ,
vidi ia omnibus vaaiiateni et aftlictiouem Mirai (u, 10. 11).
NÉANT DU MONDE. 405
Anfrâfone disait-il à son fils : Ne savez-vous pas , mon fils, que notre
pouvoir n'est qu'un noble esclavage? An non novisti, fili, nostrum
regnum essenobilem servitutem? (Anton, in Meliss. )
Les logions romaines pressant Saturnin de prendre la pourpre
impériale, ce général leur répondit : Vous ignorez, ô soldats ! com-
bien régner est pénible et dangereux. Le glaive menace les têtes
couronnées; elles n'aperçoivent que lances et que flèches. Les gardes
eux-mêmes sont, à redouter, et les amis sont à craindre. Celui qui
règne ne prend pas sa nourriture quand il veut, il ne va pas où il
veut, il ne fait ni la guerre ni Ja paix selon qu'il le désire; et com-
bien vite tombent les royaumes et les roisf Anton, in Meliss.).
Le cardinal Bellarmin disait, en parlant de son élévation : Vous
ne savez pas combien de longues épines sont cachées sous cette
pourpre : Nescitis quantœ sub hac purpura lateant spince ! ( Tn
ejusvita.)
La terre, dit saint Augustin, est la région des scandales, des tenta- Le monde es*
tions et de tous les maux, afin que nous gémissions ici-bas pour a iniquités-
mériter de nous réjouir dans le ciel. Ici-bas les tribulations, dans le
ciel les consolations. Ici-bas, dans cette région des morts, la douleur,
la crainte, les gémissements et les soupirs (I).
Maudit soit , dit Jérémie , maudit soit l'homme qui se confie en
l'homme (c'est-à-dire au monde), qui s'appuie sur un bras de chair,
et dont le cœur s'éloigne de l'Eternel! Il sera comme la bruyère du
désert; il ne verra pas venir de rafraîchissement; mais il habitera au
milieu de l'aridité des lieux incultes et solitaires, sur une terre cou-
verte de sel et inhabitable (2).
Que les hommes cessent de mettre leur espoir dans les choses qui n faut s'éloi-
passent et de les aimer, dit saint Augustin : Desinant sperare et dili- mog"e,r du.
gère temporalia (Lib de Civit.). Pas two
Malheur à moi, s'écrie le Prophète royal, car mon exil est pro-
longé ! Heu mihi, quia incola tus meus prolongatus est! (cxix. 5. )
Ne descendons point au milieu du monde, mais cherchons le ciel,
(1) Utique regio ista scandalorum est, et tentationura , et omnium malorum; ut
gemamus hic, et mereamur gaudere ibi ; hïc tribulari, et consolari ibi. la régions
mortuorum dolor, timor, gemitus et suspirium ( Lib. Civit. |.
(2) Maledictus homo qui confidit in homine, et ponit carnem brachium suum , et
a Domino recedit cor. Eril enim quasi mricae in descrto, et non videbit cum venerit
bonum : sed habitabit in siccitate in dcserto, in terra salsuginis et inhabitaLili
(xvii. 5.61
406 .VÉANT DU MOXDE.
dit saint Chrysostome. Tant que les oiseaux se tiennent dans les
airs, on ne les prend pas facilement ; tant que l'homme contemple
le ciel et qu'il s'y élève, ses ennemis ne peuvent le prendre i'acile-
ment dans leurs filets ni dans leur* pièges. Le démon et le monde
sont des chasseurs; plaçons-nous au-dessus d'eux pour ne pas être
arrêtés ni misa mort par eux. Celui qui s'élève vers Dieu , n'admire
rien sur la terre. Vues du haut d'une montagne, las villei el les
maisons paraissent petites, et les hommes semblables à des fourmi.-;
vues du haut des choses divines, les choses de la terre perdent de
leur fausse grandeur; elles semblent petites et viles. De là. riches
gloire, puissance, honneur, créatures, tout deviendra méprisable à
nos yeux (flomil xv ad pop. ).
jeunesse.
NÉCESSITÉ DE SERVIR DIEU DÈS LA JEUNESSE.
T% Toïïs voyons une foule de jeunes gens farw frr? <re sens que Combien est
^ les vieillards, dit saint Bernard, et représenter un grand âge ceS'™?1^,.,
J_ ^j par leurs bonnes mœurs; ils devancent le temps par leurs Djeu dès 1»
mérites, et compensent par leurs vertus ce qui manque à leurs
années (I).
Celui qui plaît à Dieu (dès la jeunesse) devient son bien-aimé,
dit la Sagesse : Placens Deofactusest dilectus (iv. 40).
Quoique ïobie , dit l'Ecriture , fût le plus jeune de toute la tribu
de Nephtali , sa jeunesse ne parut dans aucune de ses actions : Clini-
que essèt junior omnihus, nihil tamcn puérile <je>sit in opère (i. A). Saint
Bernard l'ait le même éloge de saint JMalachie , évoque irlandais :
Quoique bien jeune, JMalachie, dit-il, agissait avec la gravité et les
mœurs des vieillards; il n'avait rien de la pétulance de l'enfance :
Agebut smexa morilms, annis puer, exspers iasciviœ puerilis (In ejus
morte).
Voici une maxime de saint Augustin, qui mériterait d'être écrite
en lettres d'or : Que votre vieillesse tienne de l'enfance, et votre
enfance de la vieillesse ; c'est-à-dire, que votre sagesse soit dépourvue
d'orgueil , et votre humilité accompagnée de sagesse, afin que vous
louiez le Seigneur maintenant et jusque dans l'éternité (2).
Ayant toujours craint Dieu ers son enfance, et gardé tous ses
commandements , ïobie , dit encore l'Ecriture, ne s'attrista point et
ne murmura point parce que Dieu l'avait affligé de la perte de la
vue; mais il demeura ferme dans la crainte de Dieu, lui rendant
grâce tous les jours de sa vie (3).
Voyez , dans le second livre des Machabées , l'exemple des sept
itères qui, dès leur jeunesse, donnèrent leur vie pour Dieu, et
(1) Multos juniorum videmqs super scnos intelligcre , et moribus antiquare dics,
prsevt et quod a-tali deest , compensais viïlutibus ( Serm. in
i
(2) Sit senectus vesira puerilis, et sit pucrilia scnilis ; id est, ut nec snpicniia vestra
sil cum superbia, nec humilitas sine sapientia, ut laudclis Dominum ex hoc mine et
usque in seculum (Senient.).
(3 Nam cum ab adolescenlia sua semper Deum timuerit, et mandata cjns eusto-
diciit, .ou esl coufrjstatus contrai ium, quod plaga ca?cilatis evenerit ci; sed
i«imobi|is in J 'ci timoré pftcmansit , agéns gratias Deo omnibus diebus \itae sua»
(il. 13. 14).
":UÛÏS3C.
408 'nécessité de servi:, DIEU DÈS LA JEUNESSE.
subirent un douloureux martyre (vu. ) Comb;en d'anfres ont
tenu la même conduite !... Quoi de plus doux et de plus b^au aux
yeux de Dieu , des anges et des hommes, que la vue d'un jeune
homme ou d'une jeune personne qui passent cet âge dans la modes-
tie, la pureté, la sagesse, la prudence, l'obéissance, l'humilité, la
prière et la piété? 0 spectacle ravissant, d'autant plus doux qu'il
est aujourd'hui plus rare!...
H est fccnc L'époque et les circonstances les plus favorables pour la greffe sont
de servir Dieu . l x . . ,
dès la le printemps et le vent chaud du midi. La greffe spirituelle réussit
merveilleusement au printemps de la vie, à l'âge où les sentiments
sont dans leur fleur, et quand le Saint-Esprit fait sentir le souffle
biùlant et sacré de son amour; car la jeunesse ressemble à un
jeune tronc : elle est flexible et reçoit facilement la g] divine
qui, nourrie de la sève de Ja grâce, forme un arbre fertile, l'arbre de
vie. Jeunes gens, une voix , qui est la voix du Seigneur, vous dit :
Ecoutez-moi, sujets divins, et fructifiez comme le rosier planté
au bord des ruisseaux ; répandez une odeur parfumée comme
le Liban. Donnez vos fleurs comme le lis , exhalez une douce odeur ,
parez-vous d'un vert feuillage, faites entendre un cantique de
louange et bénissez le Seigneur dans ses œuvres. Glorifiez son nom
et ren lez-lui témoignage par les paroles de vos lèvres (I).
Lorsque j'étais encore jeune, dit l'Ecclésiastique, j'ai recherché
la sagesse par mes prières; je la demandais à Dieu dans le temple,
et je disais : Je la chercherai jusqu'à la fin de ma vie; et elle a fleuri
en moi comme une vigne qui produit des fruits précoces , et mon
cœur s'est réjoui en elle. Mes pieds ont marché dans la voie droite.
Je l'ai trouvée dès ma jeunesse; j'ai incliné un peu 1 oreille, et
je l'ai reçue (-2).
La jeunesse est plus rapprochée de l'âge de l'innocence que toute
autre époque de la vie ; elle est plus apte à recevoir les bonnes im;
prompte à faire une bonne action. C'est l'âge chéri de
l ïn voce dieit : 0!>.iti<i;> me , divirii froctus, et qnasi rosa plantain snper rivos
aqnanim, iructifkate. Quasi Libanas «• orem raavitatis habele. Florete Hures,
lilium, et data odor im . i ; frondete in . rati n,el ollaudate canticum , t-l benedicito
Domiuumin openbus suis. Date im qjus magniGcentiam, et coniitemini iUi voce
lobiorum ( Eçcli. ax\ •.. !T-
Cum adhuc junior essom , quœshri gapientiam palam in oratione mca. Aota
templuui poslulabam prailla, et usque in novissimis inquiram eaui. :
taïujiiam pr i col uva ; lœlatojn est cor raeum in ea. Ambulavit pes meus iter rectum,
a juvénilité iuvesligabaiq eam. Inclinavi niodice aurciu nieain, et exr.epi illam
lU.t-1
tfftŒSSrÏjS DE SERVIR MET! DÈS 1A JEUNESSE.' 409
Dieu : Laissez venir à moi les enfants, disait J. C. : Sinîte parvidoss
et no 'ite eos prohibere ad me venire ( Matth. xjx. 14).
Saint Benoit recevait dans son ordre surtout les jeunes gens, afin
que de bonne heure ils s'accoutumassent à l'austérité et à la discipline
monastiques.
Autrefois on disposait les enfants , les jeunes et tendres vierges i
aux tourments et au martyre. La mère dont il est parlé dans le
second livre des Machabées et sainte Félicité en fournissent de
beaux exemples. L'une et l'autre élevèrent saintement leurs
enfants, et les conduisirent au supplice. Ainsi agit, sous le tyran
Dunaan, roi d'Arabie, une pieuse mère qui avait instruit et pré-
paré au martyre son enfant encore ta la mamelle. Cette femme
héroïque fut enlevée à son nourrisson et condamnée à être brûlée
vive. Ayant déjà le désir du martyre , l'enfant, qui avait cinq ans,
pleurait en regrettant sa mère. Dunaan lui ayant demandé lequel il
aimait mieux ou d'être avec lui dans un palais, ou d'être avec sa mère
dans une chaudière embrasée , il repondit : Je préfère être avec ma
mère , afin qu'elle me prenne pour me mener avec elle au martyre;
car elle n'a cessé de m'exhortera donner ma vie pour J. C. Et Dunaan
lui demandant ce que c'était que le martyre, cet enfant répondit :
C'est mourir pour J. C. afin de vivre de nouveau. — Qu'est-ce que J. C?
répliqua le tyran. — Venez à l'église, lui dit l'enfant, et je vous le
montrerai. Dunaan cherchant de nouveau à le gagner par des flatte-
ries et des promesses, cet admirable enfant lui dit : Arrêtez-vous, ô
monstre, je cherche, je veux ma mère et non pas vous. Réuni à sa
mère, il l'embrassa et reçut avec elle la couronne du martyre {Hist.
Eccles. ).
Ccrx qui me cherchent de bonne heure , dès le matin de leur vie, Avantages que
me trouveront, dit le Seigneur : Qui marie vigilant ad me , inventent \0el^ox^^
me ( Prov. vin. 17 ). . dès la
Jeunesse.
Lorsqu'on est arrivé à une bonne vieillesse , on goûte les fruits
recueillis pendant la jeunesse : la joie , la sagesse , l'autorité, le
droit de conseil , l'honneur et l'espoir de la bienheureuse éternité.
On a des fils et des petits-fils sages, prudents , graves et honorés
Au contraire, si la jeunesse a été mal employée, on recueille
plus tard les chagrins, la tristesse, le mépris, le déshonneur et le
désespoir, soit par suite de la vie criminelle qu'on a menée,
Eoit par l'inconduite des enfants et des petits -enfants Mon
, dit le Seigneur, si ton jeune esprit est sage, mon cœur su
410 NÉCESSITÉ DE PERVT?. ÏMBETJ DÈS LA JETTTESSE.
réjouira avec toi : FM toi, si sapiens fuerit animus tmis, gavdehit
tecum cormeum ( Prov. xxin. lo). Mon fils, dès ta jeunesse, r.
l'instruction, et tu obtiendras la sagesse jusque dans tes derniers
jours : FM, a javentute tua excipe docirinam, et usque ad canos inve-
rties sapientiam (Eccli. vi. 18). Approche-toi de la sagesse comme
celui qui laboure et qui sème, et qui attend en paix sa moisson ;
dans ce travail, il y a peu de fatigue , et tu te nourriras bientôt de
ses fruits: Quasi is qui arat , et stnr.no t , accède ad eom , et sasline
lonns fruclu$illius;in opère enim ipsius cziguum laborabh, eteilo edes
de qenerationibus illius (Ibid. vi. 19. 20).
Cherchez la vertu durant votre jeunesse, dit l'Esprit-Saint, et
vous la trouverez comme, un fruit précoce ; vous serez comblé de
bonheur {Eccli. li. 18-20).
Je me suis souvenu de vous, dit le Seigneur par la bouche de
Jérémie; j'ai eu pitié de votre jeunesse et de mon amour pour votre
âme, qui est mon épouse : Record a tus sum lui, miserons ^dolesccnliam
tuam , et caritatem desponsationis tuœ (n. 2). Je me suis souvenu,
âme infidèle, et je vous ai rappelé votre premier âge, pendant
lequel, moi votre Dieu, non point à cause de votre beauté , de \
sagesse , de vos richesses, ou de votre mérite, mais par pure m'séri-
corde, je vous ai prise pour épouse, vous faible, pauvre et m
je vous ai attirée à moi, je vous ai protégée, je vous ai donné ou dut
le baptême, la science chrétienne, la grâce , etc. Je vous ai' "<
d'habits très-riches et très-précieux, d'ornements resplendissants,
afin que vous me gardiez la fidélité que les épouses doivent à leurs
époux
Tl est bon à l'homme de porterie joug du Seigneur dès l'adoles-
cence, dit encore Jérémie : Bonum est vira cum portaverit fugum
Domini ah adolcscentia sua (Lament. in. 27 ). Porter le joug du
gneur, c'est obéir à sa loi , à ses commandements; c'est se courber
BOus les obligations qu'impose le service de Dieu, être humble,
doux et patient dans les adversités, etc
I n rase, dit saint Jérôme, conserve longtemps l'odeur et la
sapeur de la première li fueur qu'on y a versée : Testa iiui
n el et odt.rem ; quo prhnuth imbuta est ( Epist. ).
Celui, dit saint Ambroiso. relui qui a porté le joug du S ùgneu*
•sprrm: 'es et qui a Fourni ■ :> l'unù
sage modération . sera merveilleusem ;
il possédera la tranquillité et la paix; ;1 dominera ses -eus et
les convoitise? de la chair; il saura combattra les diverses
NÉCESSITÉ DE SERYTT, DIEU DÈS LA JEUNESSE. i\\
passions qui pourraient naître dans son cœur. Le joug puissant et
aimable du Seigneur porte à désirer Dieu et à le chercher : quand,
on captive sous ce joug la jeunesse, qui est presque indomptable,
tout devient délices ( In Psal. cxyiii., serm. xix ).
Eest par le joug de son service que Dieu dompte les jeunes
gens, qu'il les maintient debout, les préserve des chutes dan-
gereuses, les rend doux, les l'orme au bien et enfin les perfectionne.
11 a coutume de l'alléger et d'y faire trouver la vraie félicité en
comblant ceux qui le portent de grâces et de consolations spiri-
tuelles. J. C. le dit lui-même : Mon joug est doux, et mon fardeau,
léger : Jugum meum suave etonus meum levé ( Matth. xi. 30).
Combien sage et généreuse est l'âme qui s'est instruite de bonne
heure et qui a voulu se conserver vraiment libre, en s'astreignant
au joug divin, ou qui gémit d'avoir passé quelques jours soustraite
à cette discipline et à cet esclavage , principe de vie et de force ! Elle
veut, cett; àme héroïque, se soumettre et s'appliquer jusqu'à la mort
au service du Seigneur , dans le silence , la patience , la résignation;
ne secouant jamais ce joug, et évitant tout murmure; car lame
qui cherche à s'en débarrasser ne le porte qu'avec peine; elle le
traîne et le déteste; il l'écrase alors, et elle perd tout mérite
Tl est très-utile et très-avantageux de s'accoutumer dès la jeunes?*.-
à la discipline, à la mortification, à l'austérité, à la patience, à la
pratique de la vertu, en un mot, au service de Dieu. C'est ainsi qu'on
assure son salut et qu'on devient un grand saint. Dès leur jeunesse,
Samson et Samuel s'abstinrent de vin et de bière et furent consacrée
Nazaréens. A peine âgé de deux ans, saint Jean-Baptiste se retira
dans le désert, se revêtit d'un cilice, vécut de sauterelles et mérita
d'être le précurseur et le martyr de J. C. Ce divin Sauveur com-
mença dès la crèche à pratiquer la pauvreté et l'obéissance, à mener
une vie pénible, et à se préparer à la croix. Aussi dit-il, par la
Louche de son prophète : J'ai été pauvre et dans le travail dès ma
jeunesse : Pauper sum ego, et in laboribus a juventute mea (Psal.
lxxxvit. 16).
J. C. aime l'enfance, qui le sert, dit saint Léon, cette enfance qu'il
pnt dans son âme et dans son corps. J. C. aime l'enfance, qui est un
rao . d'humilité, d'innocence et de douceur. J.C. aime l'enfance,
s Ion laquelle il forme les mœurs, à laquelle il ramène la vieille-se,
et u'il donne pour exemple à ceux qu'il appelle à entrer dans le
royaume des cieax (/n Epiphan., n. 7).
Où trouver des avantages semblables à ceux qu'on rencontre dan*-
412 NiCÉSSITÉ DE SETITTR DTET7 DÈS 1A TÊtOTSSE.
le service de Dieu accepté dès la jeunesse? Servir Dieu dès la jeunesse,
c'est conserver son innocence, sa pureté ; c'est plaire à Dieu ; c'est
garder en soi Dieu, sa grâce, toutes ses faveurs et toutes ses bénédic-
tions; c'est ne jamais perdre les précieux trésors du saint baptême,
et demeurer fidèle aux engagements sacrés qu'on y a contractés;
c'est aller de vertu en vertu, et augmenter chaque jour et chaque
année ses mérites et sa couronne; c'est garder la paix du cœur, et se
préparerdes consolations inexprimables; c'est assurer sonsalut; c'est
rester le temple du Saint-Esprit, orné de tous ses dons; c'est se mon-
trer un digne membre de J. G.; c'est être maître et vainqueur de
l'enfer, du inonde et de soi-même; c'est commencer sur la terre la
vie des anges, et avoir un avant-goût des délices ineffables de la cité
céleste; c'est faire la consolation du Père, du Fils, du Saint-Esprit, de
Marie, des anges, des saints, de l'Eglise, de la société et de sa propre
famille; c'est porter partout la bonne o leur de J. C, et engager les
autres, par son exemple, à en faire autant, à éviter le péché, à prati-
quer la vertu et à se sanctifier.
Heureuse, mille fois heureuse et pour le temps et pour l'éternité,
la jeunesse qui sert le Seigneur de tout son cœur, de toute son âme,
de toutes ses forces, et qui a le bonheur de persévérer dans ce doux
et salutaire service !...
il faut servir QuEST-cE que la jeunesse? un âge qui passe comme la fleur, éclose le
jeunesse? car matiu et fanée le soir; c'est une vapeur légère, un songe, une
goutte de rosée au lever du soleil, le vol d'un oiseau, un éclair
Que sont tous Jes âges pris séparément ? qu'est même la vie entière
surtout si on la compare à l'éternité?
Et combien de personnes dont la jeunesse est le dernier âge! Com-
bien qui seront forcées dédire avecEzéchias, roi de Juda : Au milieu
de mes jours, je descends aux portes du tombeau...; ma vie a été
roulée tout à coup comme une tente de berger ; elle a été coupée
comme la trame du tisserand. Tandis que je croissais encore, votre
main, Seigneur, ma retranché; du matin au soir vous m'avez pré-
senté ma fin. J'espérais \ivre jusqu'à l'aurore, mais le mal a brisé
mes os comme L'eu! lait un lion (Isai. xxxvnr. 10-13).
On peut dire de plus d'un homme ce que Jérémie disait du peupîf)
de Jérusalem : Le soleil a disparu pour lui, dus le milieu du jour .
Ocadit ci sol, cum adkuc csset dies (xv. 9).
Pourquoi la morta-t-elle frappé prématurément ce jeune homme
vertueux? En voici la raison : Celui qui plaii à Dieu, dit la Sagesse,
1° cet âge
passe \ite.
NÉCESSITÉ DE SERVIR DIEU DÈS LA JEUNESSE.' 443
devient son bien-aimé; vivant au milieu des pécheurs, il a été trans-
porté dans un lieu meilleur : Placens Deo factus est dilectus , et
vivens inter peccatores translatas est ( ïv. 40 ). Il a été enlevé, de peur
que le mal ne changeât son intelligence, et que l'illusion ne déçût
son cœur : Raptus est ne malitia mutaret intellectum ejus, aut ne fictio
deciperet animam illius (Id. ïv. 14). Car la fascination qu'exercent les
frivolités obscurcit les biens, et l'inconstance des désirs égare
l'homme sans malice {Id. ïv. 42). Consommé en peu de jours, il a
rempli une longue carrière : Consummatus in brevi, explevit tempora
multa (Id. ïv. 43). Son âme était agréable à Dieu ; c'est pourquoi il
s'est hâté de le retirer du milieu des iniquités. Mais les peuples
voient et ne comprennent pas; ils ne mettent point en leur cœur
cette pensée : Que la grâce et la miséricorde du Seigneur descendent
sur ses saints, et son regard sur ses élus. Le juste mort condamne
les impies vivants; et une jeunesse rapidement accomplie, la lon-
gue vie du méchant {Id. ïv. 44-46).
Pourquoi la mortfrappe-t-elle non moins prématurément ce jeune
homme corrompu et impie ? Dieu a ses secrets insondables ; il faut
les adorer en silence Mais cependant il est permis de dire qu'il
est abattu à la fleur de l'âge : 4° en punition de sa vie criminelle... ;
2° pour qu'il n'allonge pas davantage la chaîne de ses iniquités, et
qu'il n'augmente pas le terrible compte qu'il a déjà à rendre à
Dieu...; 3° pour mettre fin aux scandales qu'il donne...; 4° pour
servir d'exemple à ceux de son âge : aux sages, afin qu'ils persévè-
rent; aux coupables, afin qu'ils se convertissent...; 5° parce qu'il
était mûr pour l'enfer!...
La brièveté de la jeunesse dit à haute voix aux jeunes gens qu'il
y a nécessité pour eux de consacrer cet âge au service de Dieu
Votre vieillesse sera semblable aux années de votre jeunesse, dit le H fam servir
Seigneur: Sicut dies juventutis tuœ, ita et senectus tua (Deuter. jeuifeLV-Yu-,
XXXII1.25). 2o telle la'
jeunesse, tels
L'adolescent, disent les Proverbes, suivra la voie dans laquelle il sont les âges
s'est engagé, et il n'en sortira pas même lorsqu'il sera devenu vieux :
Adolescens juxta viam suam, etiam cum senuerit, non recède t ab ea
(xxu. 6).
Les os de l'impie, dit Job, seront pénétrés des vices de la jeunesse
et ils dormiront avec lui dans la poussière du tombeau : Ossa ejus
implebuntur vitiis adolescent iœ ejus, et cum eo in puivere dormient
(xx. U).
qui la suivent.
41-4 NÉCESSITÉ DE SERVIR DIEU DÈS LA JE'^'E .
Le vieux Vase, lit un poëte, conserve l'odeur de la ligueur qu'il a
reçue étant neuf :
Quod nova testa bibit, inveteratî sapit.
Il faut servir j jeunegse dit saint Basile, est très-légère et elle incline facilement
Lieu «les la J ' ' °
jeunesse ; yers le mal : elle est exposée aux convoitises indomptées et sans frein,
s° cet âge est aux colères cruelles et féroces , à l'incontinence de la langue, à l'in-
Pn'ia|l qucles" solence qui outrage, à l'arrogance, et au faste qui nait de l'orgueil.
autres âges. j)es eScaims je vices innombrables se pressent autour d'elle et lui
l'ont cortège (1).
La jeunesse est un âge plein d'ignorance, d'inexpérience, de fai-
blesse et de présomption» Le démon fait à la jeunesse une guerre
plus vive qu'aux autres âges, pour quatre raisons principales : la
première est qu'il sait que Dieu aime d'un amour privilégié les jeunes
gens pieux; c'est pourquoi il met tout en œuvre pour enlèvera
Dieu la ravissante fleur de l'âge et de la vertu... ; la seconde est que
par ce moyen il engage dans la voie du crime tous les autres â ges... ;
la troisième est que les jeunes gens sont plus faciles à séduire, et
qu'une fois pris dans ses filets, ils ne peuvent presque plus les bri-
ser et en sortir...; la quatrième est que, lorsqu'ils pèchent, ils
pèchent immodérément
Le monde et la chair font aussi à la jeunesse une guerre plus
cruelle qu'aux autres âges
Puisque la jeunesse est exposée à tant de dangers, de passions, de
tentations et d'ennuis, et qu'elle a d'ailleurs fort peu d'expérience,
n'y a-t-il pas nécessité absolue de la consacrer au service de Dieu,
afin de ne pas faire un irréparable naufrage?...
ti faut servir Tous les âges appartiennent au souverain maître de toutes choses;
Dieu dès la . . ° ** - .. ■ ±.i ...
jeunesse ; mais la jeunesse surtout doit cire a Dieu. Les jours de la jeunesse
^ceUge sont ^cs PrL'm'ce? (lp 'a v'e î nr> les prémices ont toujours été offertes
apartient au Seigneur Les belles fleurs du printemps, et surtout les pre-
spécialement . , , , .„ ,
■ Dieu. mières, sont toujours les plus agréables, les plus odoriférantes, celles
qu'on préfère et qu'on choisit pour les offrir à celui que l'on aime.
La jeunesse est la plus belle fleur du jardin du Seigneur; elle doit
donc lui être consacrée.
(1) Adolescentia levisslma est, et ad flagitia mobilis; reti surit iiidomitre et efTrœ-
ncs concupiscente, belluina! rt iamanca irai, lingua incontiuentia, conlumeli.e,
arrogantia, fastus ex animi elatione. Examina innumerabiliuni viliorum se agglomé-
rant et adjiuuguût juventuti [liomil. in l'sul.).
NÉCESSITÉ DE SERVI!. DIEU DÈS LA JEUNESSE. 4t5
C'est à la fleur de l'âge que J. G. a donné sa vie pour le salut du
monde ; il convient d'employer cette époque de la vie au service
deJ. 0
Notre jeunesse n'est pas à nous ', la ravir à J. C, c'est un vol que
nous lui faisons
La. plupart do? jeunes cens s'engagent dans une voie fausse; ils Combien il «?l
L •' ° ° . honteux île
disent : Je donnerai ma jeunesse au plaisir, et ma vieillesse à la péc i- çerdre sa
unce; ma jeunesse au repos et aux passions, et ma vieillesse au tra- Jeuness
vail du salut et à la vertu; ma jeunesse à la chair, au monde, au
démon, et ma vieillesse à mon âme et à Dieu Quoi de plus dan-
; de plus honteux que de do mer au démon la fleur et le
Irait de la vie, et à Dieu ses derniers débris! Quoi de plus insensé
que de consacrer à l'oisiveté, à la mollesse une jeunesse apte au tra-
vail, et d'astreindre à un labeur inaccoutumé une vieillesse faite,
pour le repos! Comment se conduit l'homme prudent qui vit selon
le siècle? il dit: U faut que, dans la force de l'âge, je travaille à me
procurer des ressources afin de passer tranquillement mes vieux
i pourquoi ne pas faire de même quand il s'agit de 1 aine ?...
le danger que de s'abandonner au désordre, sous la
vaine et incertaine espérance d'une longue vie d'abord, puis du
- nécessaire à la pénitence !... Il appartient à la jeunesse de pré-
parer, à la vieillesse de jouir, dit Séneque : Juveni pamadurn, seni
utendam (Prov.). Offenser Dieu dans ia jeunesse, l'abandonner
et l'oublier : c'est une grave imprudence et une noire ingratitude.
Quoi, s'écrie Jérémie, vous avez abandonné le Seigneur votre Dieu
au jour où il vous guidait dans la route! Vous avez abandonné la
source d'eau vive pour boire une eau dégoûtante, l'eau trouble du
flem e du monde et des passions ! Votre malice vous accusera, et votre
haine s'élèvera contre vous. Comprenez et voyez combien il
funeste et amer d'avoir abandonné Je Seigneur votre Dieu, et de
n'avoir plus sa crainte près de vous, dit le Seigneur Dieu des armée9.
Dès le commencement vous avez brisé mon joug, vous avez rompu
mes liens, qê tous avez dit : Je n'obéirai pas (J).
(1) Dereliquisti Dotr.innm"Deum tuum eo tempore, (juo dncehat te perviamîEt
mine qu'ici libi vis in via ^Egypli, ut bibas aquam turbitlam, aqviam fuuiiiuis? Arguct
te malilia tua , et aversio tua increpabit te. Scilo, el vide, quia malum et araarum
est reiiquissa te Doininmii Deum tuum , et non esse timorcm mei apud te. dicit
Douiinus Deus cxercituuni. Çonfjrégisti jugum meum, ;uuisli viucula mea, et dixisti:
Nou servidin ^Jeieru. n. 17-20 j.
410 NÉCESSITÉ DE SERVIR DIEU DÈS LA JEUNESSE.
C"omh?ewxnl ^E feu des passions a dévoré les jeunes gens, dit lePsalrniste : Juve-
ceux qui Per- nés comedit ignis (lxxvii. 63). Ils se sont égarés dès leur naissance;
jeunesse. dès le sein de leur mère, ils se sont complu dans l'erreur * Alknati
sunt peccatores a vulva, erraverunt ub utero (Psal. lvii. A).
La plupart des jeunes gens ont vu la lumière, dit le prophète
Baruch, et ils ont vécu d'une vie charnelle; ils ont ignoré la voie de
la sagesse, ils n'ont pas connu ses sentiers et ils ne l'ont pas reçue*
elle s'en est allée (1).
Enfants, dit le Seigneur, jusqu'à quand aimerez-vous l'enfance?
Jusqu'à quand les insensés désireront-ils ce qui leur est nuisible, et
les imprudents haïront- ils la science? Usquequo parvuli diligitis
infantiam, et stulti ea, quœ sibi sunt noxia, cupient, et imprudentes odi-
bunt scientiam ? (Prov. i. 22. ) Jusqu'à quand détesterez-vous la science
de la vertu et du salut, et chérirez-vous les frivolités, les jeux, la
perte du temps, le péché et la mort?... Ce que vous n'avez pas
amassé dans votre jeunesse, dit l'Ecclésiastique, comment le trouve-
rez-vous dans votre vieillesse? Quœ injuventute tua non congregasti,
quomodo in senectute tua invenies? ( xxv. 5. )
Hélas ! où sont les jeunes gens qui ont conservé leur innocence?
où sont les jeunes gens humbles, modestes, chastes, dociles, sages et
édifiants? Combien le nombre en est petit, et combien est grand, au
contraire , le nombre de ceux qui ont perdu ces trésors et ces belles
vertus!...
Châtiments Réjouissez-vous dans votre adolescence, jeune homme, dit l'Ecclé-
ceuxqnine siaste, marchez dans les voies que préfère votre cœur et selon le
ryrven}. Pa.s regard de vos yeux pervers, et sachez que pour toutes ces choses
jeunesse. Dieu vous appellera eu jugement : Lœlare, juvenis, in adolescentia
tua, ambula in viis cordis tui, et in intuitu oculorum tuorum: et scito
quod pro omnibus his adducet te Deus injudicium (xi. 9).
Les enfants, dit Jérémie, ont été entraînés en captivité devant la
face du dominateur : Parvuli ducli sunt in captivitatem, ante faciem
tribulantis (Lament. i. 5); c'est-à-dire devant la face du démon,
selon que l'expliquent les interprètes*
Ils n'ont point abordé (dans leur jeunesse) la voie de la sagesse;
c'est pourquoi ils ont péri, dit le prophète Baruch : iXeque viam
disciplinée invenerunt : propterea perierunt (m. 27).
(i) Juvenes viderunt lumen, et habitaverunt super terram : viam disciplinée îgno-
raverunt, ueque intellexerunt seimtas ejus, neçiue susceperunt eam; a facie eoruui
longe, facta est (m. 20. 21 ).
NÉCESSITÉ DE SERVIR DIEU DES LA JEUNESSE. 417
Voici comment le Saint-Esprit peint, parla bouche de Job, les
châtiments qui suivent une jeunesse coupable : Seigneur, vous
m'avez pénétré d'amertumes; vous voulez me consumer par les
péchés de ma jeunesse: Scribis contra me amaritudines, et consu-
mere me vis peccatis adolescentiœ meœ (xm. 26). Vous avez placé
mes pieds dans des entraves, vous avez observé tous mes sentiers,
et je serai dévoré comme le corps que dévore la gangrène, comme
le w'tement qui est rongé par les vers (Jd. xm. 27. 28).
Tar ce qui précède, on voit que Dieu menace de cinq malheurs et
châtiments la jeunesse désobéissante et impie : 1° du pire des escla-
vage, celui du démon... ; 2° de l'amertume du remords... ; 3° d'une
ruine totale...; 4° d'une mort affreuse...; 5° d'un jugement for-
midable
Quel horrible malheur que de perdre l'innocence, le bel âge, la
vertu, son âme et Dieu!... Quel formidable châtiment que d'être
vendu au vice et au démon !
Il y a plusieurs moyens à prendre pour servir Dieu dès la jeunesse Moyens a
prendre pour
et se corriger de ses défauts : servir Dieu
Premier moyen, l'observance de la loi de Dieu. Gomment, Seigneur, jeunesSse)aet se
dit le Prophète royal, comment la jeunesse redresse - 1 - elle ses corriger da ses
voies? en gardant vos préceptes : In quocorrigit adolescentior viam
suam? in custodiendo sermones tuos (cxvin. 9j.
Second moyen , le souvenir de Dieu. Souvenez - vous de votre»
Créateur, aux jours de votre jeunesse , dit l'Ecciésiaste : Mémento
Créât: ris tui in diebus juventutis tua? (xn. 1).
Troisième moyen, la crainte de Dieu. Tobie apprit à son fils à crain-
i re Dieu dès l'enfance , et à s'abstenir de tout péché : Filium ak
infant/, timere Deum docuit , et abstinere ab ornni peccato (i. 10)
Quatrième moyen, la prudence. Sortez de l'enfance et vivez, et
liez dans le voies <!e la prudence, disent les Proverb : Relin-
quite infantiam , et vivite ; et ambulate per vias prudentiœ (ix. 6).
Cinquième moyen, l'instruction chrétienne. Mon fils, dit l'Ecclésias-
■ ue, recevez l'instruction dès votre jeunesse, et vo trouverez la
;se jusqu'à l'âge où les cheveux deviennent blancs : Fili mi , in
juvénilité tua, exe pe doctrinam, et usque ad canos invenies sapientiam
(vi. 18).
Sixième moyen, mettre Dieu au-dessus de tout, et se rappeler que
1' ' est le trésor le plus précieux qui ait été confie' à l'homme
Sep ème moyen, aimer la ienheureuse Vierge Marie de tout s n
m. S7
4i8 nécessité de servir dieu dès la ïËtfNïssE;
cœur, comme la mère du Fils de Dieu ; se recommander à elle tous
les jours, et n'en pas passer un seul sans l'honorer par quelque pra-
tique spéciale.
Huitième moyen, ne jamais garder sur sa conscience un péché mor-
tel; mais se repentir chaque jour des fautes que l'on a commises,
et les confesser au plus tôt
Neuvième moyen, penser souvent à la mort; penser qu'apr
mort, si on a été sage dès sa jeunesse, on sera éternellement àyec
Dieu et ses anges; qu'au contraire, si on oublie Dieu à l'aurore de la
vie, on est très -exposé à brûler éternellement avec les démons
dans l'enfer
Dixième moyen, se respecter soi-même, soit en public, soit en par-
ticulier
Onzième moyen, faire toutes ses actions comme si l'on était sous
ies yeux de personnes respectables.....
NOM DE JÉSUS.
Le nom de Jésus veut dire sauveur et rédempteur. Eu lajoguo ^J
hébraïque , dit saint Epiphane, Jésus signifie, celui qui guérit Jésus?
ou médecin et sauveur : Jésus, hebrœa lingua, curator appella-
tur , aut meclicm et salvator ( De Christo ).
IAnge Gabriel donne lui-même ce sens au nom de Jésus, quand
il dit à Joseph : Joseph, fils de David , ne craignez point de prendre
Marie pour votre épouse, car ce qui est né en elle est du Saint-Esprit.
Elle enfantera un lils, et vous lui donnerez le nom de Jésus ; parce
que lui-même délivrera son peuple de ses péchés : Vocabis nomen
ejusJesum; ipse enim salvum faciet populum suum a peccatis corum
(Matth. i. 20.21).
Il n'y a pas de salut en aucun autre que J. C. de Nazareth, dit
l'apôtre saint Pierre, ni sous le ciel aucun autre nom donné airs
hommes , par lequel nous devions être sauvés : Et non est in alio
aliquo salus, nec enim aliud nomen est sub cœlo datum hominibus , in
qao oporteat nos salvos fieri ( Act. iv. 12).
Mon nom est nouveau, dit J. C. dans l'Apocalypse : Nomen meum
novum (m. 42 ). Le nom dont il s'agit ici est celui de Jésus; c'est ce
nom qu'il remt à la circoncision.
Seigneur, disait Jacob mourant, j'attendrai votre salut : Saluiare Ce nom dWm
tuum exspectabo , Domine (Gen. xlix. 18). Je me réjouirai dans le am^ncé pat-
Seigneur, dit le prophète Habacuc, je tressaillirai de joie dans Jésus les Pr°Phetes-
le Dieu de mon salut : Ego autem in Domino gaudebo 3 et exsultabo in
DeoJesu meo (in. 18).
Ecoutez maintenant Isaïe : Cieux , s'écrie-t-îl , versez votre rosée;
que les nuées envoient le juste comme une pluie bienfaisante; que
la terre s'ouvre et qu'elle enfante le Sauveur : lîorate cœ(i desuper,
et nubes pluant justum; aperiatur terra et germinet Salvatorem (xlv. 8).
Dieu a élevé le Christ, dit le grand Apôtre, et il lui a donné un nom Combien le
qui est au-dessus de tout nom : afin qu'au nom de Jésus tout genou n°ést^aml*US
fléchis?.; au ciel, sur la terre et dans les enfers : Exaltavit illum fœpMtabJe et
7 adorée.
et aouavU illi nomen quod es: .,-«;■« ut in nuiuiuc Jesu omne
420 NOM DE JJÉSCJS.
genu flectatur , cœlestium , terrestrium , et infernorum ( Philipp. Il»
9. 40).
Le Père éternel a donné au Christ 4° le nom de Dieu et de Fils de
Dieu : or, Je nom se prend pour la chose qu'il signifie; le nom de
Dieu, c'est donc Dieu lui-même, c'est la divinité. 2° Dieu a donné
au Christ le nom de Jésus, c'est-à-dire la renommée et la glorifica-
tion de ce nom, afin qu'en qualité de Messie et de Sauveur, Jésus
fût connu, nommé en tous lieux et à jamais , et célébré sur la terre ,
au ciel et jusque dans les enfers. 3° Par son humilité et son obéis-
sance jusqu'à la mort, le Christ a mérité le nom sublime de Jésus,
qui est le titre de sauveur et de rédempteur ; et par la mort de la
croix, il est en effet devenu le sauveur et le rédempteur du monde.
Le nom de Jésus est un nom au-dessus de tous les noms. Il n'y a
pas sous le ciel un autre nom donné aux hommes , par lequel nous
devions être sauvés (Act. iv. 12). La raison en est que le nom
de Jésus est le nom propre du Verbe incarné. Ainsi le nom de
Jésus signifie toute l'économie de l'incarnation du Christ et de la
rédemption dans lesquelles , plus que dans aucune des autres
œuvres de Dieu, brillent et s'unissent la sagesse de Dieu, sa puis-
sance , sa bonté, sa majesté , et tous ses ùi\ ins attributs. Qu'est-ce en
effet que J. C, sinon la suprême majesté, le suprême amour par
lequel nous arrivent et nous sont donnés le salut, la grâce, la gloire,
tous les biens du corps et de l'âme , tant en cette vie que dans la vie
future et bienheureuse, durant toute l'éternité? 11 suit de là que le
nom de Jésus est d'une manière absolue plus grand, plus saint,
plus vénérable , que ne l'est le nom de Dieu lui-même , le nom de
Jéhovah. En voici la raison fondamentale : Jéhovah signifie Dieu
comme créateur et seigneur; mais Jésus signifie Dieu comme sauveur
et rédempteur. Et comme le bienfait et l'œuvre de la rédemption sont
une œuvre et un bienfait plus grands que la création , ainsi le nom
de Jésus ou de sauveur est plus grand, plus saint, plus vénérable
que ne l'est le nom sacré de Jéhovah ou de créateur. Ce qui fait dire à
i'Eglise, d'après saint Grégoire : La naissance de l'homme n'était rien
sanslarédemiitii.ii : Nihil nasci profuit, nisi redemi profuisset (Exsultet
j.uii, etc., in benedict. ccreipaschalis). Ajoutez que le nom de Dieu
rédempteur renferme le nom de Dieu créateur, tandis que le nom do
Dieu créateur ne renferme pas le nom de i-ieu rédempteur; car la
Lppose la création, et la création ne présuppose pas la
ion. Voulez-vous mieux comprendre celle merveille! Ecou-
tez ; Le nom de Jéhovah signifie celui Qui est; il est en réalité et par
NOM DE JÉSTJS. 421
essence le même que celui que s'est donnéDieu (Ttland il a dit à Mo'ise :
Je suis celui qui suis : Ego sum qui sum (Exod. ni. 14 ); Jésus signifie
celui qui crée et qui sauve ceux qui sont perdus, qui les vivifie, les
justifie, les béatifie, les déifie. Jéhovah est la source et le principe do
l'être ; Jésus est la source et le principe de la grâce , du salut et de
la gloire. Jéhovah est le vainqueur, le dominateur de Pharaon et de
l'Egypte; Jésus est le vainqueur, le dominateur du démon et de
l'enfer. Jéhovah est le législateur des Juifs , l'auteur de l'Ancien
Testament; Jésus est le législateur de tous les chrétiens, l'auteur
du Nouveau Testament. Jéhovah conduit à travers la mer Rouge les
Hébreux dans la terre de Chanaan; Jésus, à travers les flots de son.
sang, dans lequel nous sommes baptisés et lavés, nous conduit
au ciel.
Voilà pourquoi les pieux fidèles inclinent la tête ou font la génu»
flexion au nom de Jésus , ce qu'ils ne font pas en prononçant ou en
entendant prononcer le nom de Jéhovah. Celui qui insulte et blas-
phème le nom de Jésus, pèche plus grièvement que celui qui insulte
et blasphème le nom de Dieu.
Comme le nom de Jésus est le propre nom du Verbe incarné, il
renferme et surpasse tous les autres noms du Christ; tellement
qu'il est le nom au-dessus de tous les noms : Nomen quod est super
omne nomen (Philipp. n. 9). Il faut donc qu'au nom de Jésus tout
genou fléchisse au ciel, sur la terre, et dans les enfers : Ut in nomme
Jesu, omne genu flectatur, cœlestium, terrestrium, et infernorum
(Philipp. il. 10).
Tout genou doit fléchir au nom de Jésus, c'est-à-dire tous les êtres
doués d'intelligence doivent adorer ce saint nom
Le ciel révère et adore le nom de Jésus, parce que c'est en ce nom
que les anges ont été confirmés en grâce et en gloire. La terre le
révère et l'adore, parce que c'est en ce nom qu'elle a été rachetée et
sauvée L'enfer frémit en l'entendant "prononcer, et il le respecte,
parce que celui qui le porte est le vengeur des lois divines, le juge et
le maître des démons et des réprouvés.
Que toute langue, dit le grand Apôtre, confesse que le Seigneur
J. G. est dans la gloire de Dieu le Père : Omnis liagua confiteatur quia
.Dominus Jésus Chrislus in gloria est Dei Patris (Philipp. n. lt )•
Ces paroles signifient que , comme Dieu , Jésus a l'essence , la
gloire, la majesté et la puissance de son Père, et que, comme homme,
il a été élevé à la droite de son Père et placé a j-dessus de tous les
hommes et de tous les anges ; qu'il participe de si près et à un si
422 NOM Î)E JÉ-US.
haut degré à la gloire de son Père, qu'on nont dire en réalité'
qu'il est dans la même gloire, et iniinimenl plus que tous les anges et
tous les saints, qui, chacun a leur manière, sont aussi dans la gloire
de Dieu le Père.
Que le nom de Notre-Seigneur J. C, dît saint Paul, soit glorifié en
vous , et vous en lui , par la grâce de notre Dieu et du Seigneur J. C. :
Cl<:rificetur ûoiiwn Dàmmi nostri Jesu Christi in rubis , et vos in Mo,
secunduni gratium bel nostri , et Domini Jesu Christi ( ÎI. Thess.
I. 12 ).
Combien le Q nom béni, s'éc rie saint Bernard, huile précieuse répandue en
i nom de ,.,*,- i • i / » ii »i
Jésus est pré- tous lieux! Depuis combien de temps ce nom n est-il pas vénéré an
ï,X oSant ciel, en Judée, et de là par toute la terre ! L'Eglise élève la vota
et avantageux (1-ur)e extrémité à î autre de l'univers, et dit : Votre nom , ô Jésus,
eu tout. '
est une huile douce et suave répandue partout et pleinement rép i -
due; elle ne remplit pas seulement le ciel et la terre, mais elle
pénètre jusque dans les enfers; tellement qu'au, nom de Jésus tout
»u lléchit au ciel, sur la terre et dansles enfers. Que Unité langue
confesse et dise : Votre nom est une huile délicieuse versée abondam-
ment en tous lieux (Se?-m. xv in Cant. ).
huile, continue le même Père, éclaire, nourrit, adoucit; elle
entretient le feu, nourrit le corps, adoucit la douleur; c'est à !a
fois une lumière, un aliment et iïnfemède. Voyez les mêmes i
merveilleux produits par le nom de Jésus. Annoncé, ce nom divin
éclaire ; médité, il nourrit; invoqué, il adoucit et guérit. Etudions
en détail chaque merveille : d'où pensez-vous qù ait pu sortir, pour
s'étendre sur l'univers, la lumière de la foi, si grande et si sou-
de Jésus annoncé, prêché', proclamé? N'est-ce pas par
la lumière de ce nom que Dieu nous a appelés à son admirable
lumière? Nous éclairant, ii afaii brille] à lumière dans
fe lumière <jue répandait le nom de Jésus? Paul dit avec raison:
Autrefois vous étiez ténèbres , maintenant vous êtes 1 m nièce dans le
Seigneur; Le nom de Jésus n'es! pas seulement une lumière, il est
encore une nourriture. N'êtes-vous pas . M que fois que vous
rappelez dans votre mémoire ce pi jieiii n m? Qu'est-ce qui
me soutient autant qu'une pareil] .' q Li ranime
aussi bien mes sens abattus par l'exercice et lé îravail? qu'.
qui affermit autant les vertu t-ce qui donne autai
vigueur aux mœurs I mî ■< ?
autant les chastes afiectionsi loute noùrtitûi ne est sèche et
NOM DE JÉSUS. 423
insipide . si ^lle n'est arrosée et pénétrée de cette huile si douce ; elle
est fade, si elle n'est assaisonnée de ce sel céleste. Je ne goûte pas
vos écrits , si je n'y lis pas le nom de Jésus. Je ne puis supporter vos
raisonnements, ni vos entretiens, ni vos discours, si le nom de
Jésus n'y retentit pas. Jésus est du miel dans la bouche , une mélo-
die pour l'oreille, un tressaillement de joie pour le cœur : Jésus, mel
inore, in aure rndos , in corde jubilus. Enfin , le nom de Jésus est
un remède. Quelqu'un d'entre vous est-il triste, affligé, souffrant?
qu'il se jette dans le sein de Jésus, qu'il pénètre dans son cœur sacré,
qu'il ait son nom sur la langue; et à l'apparition de cette lumière, de
ce nom resplendissant , tout nuage s'évanouira , et l'air redeviendra
serein. Quelqu'un tombe-t-il dans le crime, court-il se suspendre à la
corde du désespoir ? le souffle de la vie lui sera rendu aussitôt qu'il
aura invoqué ce nom vivifiant. Est-ce que jamais la dureté de cœur,
la torpeur , née de la lâcheté , la corruption de i'âme, la langueur
de la paresse, ont résisté à ce nom salutaire? Rien ne calme la vio-
lence de la colère et ne dissipe l'enflure de l'orgueil aussi bien que
lui. Il guérit la plaie de l'envie, arrête i'épanchement de la luxure ,
éteint le l'eu de la passion infâme , étanche la soif de l'avarice et
apaise l'excitation de tous les mauvais instincts qui pourraient
enlever l'honneur. Car, lorsque je nomme Jésus, ma pensée se
porte sur un homme doux et humble de cœur, bon, sobre, chaste,
miséricordieux , en un mot , remarquable par toute pureté et toute
sainteté. Je nomme le même Dieu tout-puissant qui, par son exem-
ple et son secours incomparable, guérit et fortifie. Toutes ces mer-
veilles sonnent à la fois pour moi, dans l'audition du nom de Jésus.
Qu'il soit toujours dans votre cœur, toujours dans votre main; que
par ce précieux nom tous vos sentiments et toutes vos actions se
dirigent vers Jésus , qu'elles l'aient pour principe et pour terme. Ne
vous y invite-t-ii pas lui-même , quand il dit dans le Cantique des
cantiques : Mettez-moi sur votre cœur comme un sceau, comme un
sceau sur votre bras : Pone me ut signaculum super cor tuum, ut signa-
culum super èrachium tuant (vin. 6. — Serm. xv in Cant. ).
Redisons avec saint Pierre : Il n'y a pas de salut en aucun autre
que J. C. de Nazareth., ni sous le ciel aucun autre nom donné aux
hommes , par lequel nous devions être sauvés : Jïon est in alio ali-
quo salus , nec ehim aliud nomen est sub cœlo datum hominiens j in guo
tettt nos salvos fieri ( Act. iv. 12). Mais par ce nom auguste, tous
peuvent l'être
Si vuus invoquez Jésus, dit saint Chrysostome, le démon s'enfuit
42 \ NOM DE JÉSUS.
soudain : Si Jesum invoces, repente dijfugit dœmon (Homil. ad
pop.).
Les démons redoutent ce nom qui les fait trembler , dit samt
Justin; encore aujourd'hui, ils nous obéissent lorsque nous les
ad jurons au nom de J. C. crucifié : Ejus nominis potentiam dœmones
tremunt et reformidant : hodie qwq *e illiper nomen Jesu Christi cru-
ci jixi adjurati, nobis parent ( Homil. vin in Epist. ad Rom. ). Quel-
que part que soit le nom du Seigneur , ajoute ce même Père, tout y
prospérera : Ubicumque fuerit nomen Domini, ibi prospéra erunt
oui m'a (Ut supra).
11 n'y a que deux noms qui portent avec eux la paix, l'ordre;
l'harmonie, la vertu et le bonheur ; ce sont les doux et puissants
noms de Jésus et de Marie
Le saint nom de Jésus , i° calme les tempêtes et apaise toutes les
passions...; 2° il lait plus, il répand la grâce et la miséricorde... ;
3° il nourrit lame et l'embrase d'un amour et d'une ardeur c
tes...; A° il apporte des consolations ineffables et divines...; 5° il
procure une bonne réputation... ; 0° il fait disparaître la tristesse et
réjouit le cœur...; 7° il fortifie les martyrs et tous les fidèles qui
combattent pour la foi ; il les fait triompher généreusement et avec
joie de toutes les épreuves, de tous les obstacles, de toutes les souf-
frances, de toutes les persécutions, et de la mort même la plu:,
cruelle; ce nom sacré couronne les vainqueurs...; 8° il guérit t(
les plaies, toutes les maladies et infirmités de l'âme et du corps...;
9° il enchaîne le démon, le monde etla concupiscence do la chair
Le nom de Jésus et la puissance de la croix sont pour nous dos
enchantements spirituels, dit saint Chrysostome. Non-seulement ils
chassent le dragon de sa caverne et le précipitent dans le feu, mais
il- Lruérissent encore les blessures qu'il a faites à notre âme. Le nom
de Jésus est terrible aux émons, et salutaire pour calmer nos agi-
tations et nous rendre la santé. Qu'il devienne donc notre orne-
ment et qu'il nous protège comme un mur (1).
il y a dans le nom de Jésus, dit Origène, une si grande force
contre les démons, qu'en le prononçant on obtient l'effet que l'on
désire. C'est ce qu'enseignait J. C. quand il disait : Plusieurs, au
(1) Sunt nobis incantationes spirituales, tum ipsum nomen Domini nostri Jesu
Christi, tum ipsiii* miris potentia. Hujnsniodi incantatio, non solum draconi
BpelOOCU .il.ijit, atqucila in ignem con.jicit; sed et vulneribus quofjue medetur. Hoc
monibus terribile est, et perturbationibus et œ^ritudinibu • salulare. Hoc i^itur
ornemur ipsi: hoc, tanquam muro, muniamur (//«..
NOM DE JÉSTÎS. 4-25
jour du jugement, me diront : Nous avons chassé les démons en votre
nom (I).
Il nous suffit de prononcer le nom de Jésus pour nous faire res-
pecter au plus haut point par notre adversaire , dit Théodoret : Suf-
ficit nobis nominîs mentio , ad efficiendum ut revereatur vel maxime
adversarius (Epist. ad Philemon. ).
Nous savons, dit un auteur de poids, qu'il est ordonné sérieu-
sement aux magiciens , et à ceux qui se vouent de propos délibéré
au démon , que, dans leurs assemblées nocturnes , ils s'abstiennent
absolument , eussent-ils abjuré J. C. , de prononcer même une seule
fois son nom. Nous savons que le démon et toute sa légion dispa-
raissent soudain, lorsque quelqu'un de la compagnie , même sans
en avoir l'intention, prononce le nom de Jésus (Tyreus. De Dœmon.,
c. xlii, n° 22 ).
Saint Ignace de Loyola voulut que sa congrégation ne portât pas
son nom, mais celui de Jésus, afin que ce nom fut un stimulant qui
la portât toujours à agir avec énergie , et à braver les supplices et la
mort. C'est parce que cette admirable société porte ce divin nom ,
qu'elle s'est toujours maintenue, qu'elle a fait tant de bien, et qu'elle
se maintiendrait continuera d'en faire, malgré les efforts satani-
ques des méchants. Elle ne cessera d'être l'un des principaux soutiens
et ornements de l'Eglise de J. C
Le nom du Seigneur ( et surtout celui de Jésus ) est une tour très-
forte, disent les Proverbes; le juste aura recours à lui et il sera élevé :
Turrié fortissima nomen Domini; ad Ipsum curritjustus , et exaltabitur
( xvm. 10).
J. C, dit saint Augustin, s'est fait notre forteresse en présence do
Tennemi; prenez garde d'être blessé par le démon; réfugiez-vous
dans la forteresse. Les traits de Satan ne vous y ont jamais atteint ;
vous y serez protégé et en sûreté (2).
Par l'invocation du nom de Jésus, on obtient toute ea protection ;
et tous les secours désirables
Et il sera ainsi, dit le prophète Joël : quiconque invoquer. U
n m du Seigneur, sera sauvé : Et erit : omnis qui invocaverit nomen.
Domni, salvus erit (il. 32).
(1) Tanfa -vis nomini Jesu inest contra daemones , ut a nobis nominatum; sit ifii-
cax.Quod docens Jésus, dicebat : Multi milii dicent in die Ula: In nomine fuû
dxmo iaejecitnus {Contra Cels.).
Christ s factus est nobis turris a facie inimici : cave ne feriaris a diabolo; fuj;
ad turrim. Nunqtiam te ad iliam turrim diabolica jacula secuta sunt ; ibi stub;^
înui.itus et ûxus ( In Psal. ),
426 NOM Dfe JÉ3TJS.
Le Roi-Prophète dit de même : Je louerai et i 'invoquerai le nom
du. Seigneur , et je serai délivré de mes ennemis : Laudans ùwocabo
Domiiwin, et ab inimicis meis salvus cro (xvn. A).
Je me réjouirai dan.- I ieiir, dit le prophète. Iïabacuc; je
tressaillirai de joie dans Jésus le Dieu de mon salut : Eyo autcm in
JJomino fjaudebo ; et exsultabo in Deo Jesu meo (m. 18).
Ces prophètes nous apprennent combien est aimable et précieu?
le nom de JeViis . alin que nous nous réjouissions et que nous le
prenions toujours pour protection et pour guide.
Le nom de Jésus signifie, 1° que tous les biens nous sont donnés
par lui ; car le salut que nous a apporté le Sauveur renferme tous
1< - - le Dieu et tous les biens. Comme les eaux sortent de leur
source, comme les rayons du soleil émanent de cet astre et que les
bras de mer tiennent à l'Océan; ainsi toute vertu, toute grâce, t
saintet-, dans leur principe, leur moyen et leur lin, viennent 'e
Jési; sus qui par son sang efface toutes les souillures de nos
péchés; c'est lui qui calme les ardeurs de la concupiscence, qui
rompt les chaînes de6 mauvaises habitudes, qui dompte la fureur des
ni nous soustrait au joug et à la tyrannie du démon; c'est
lui qui rend la liberté à l'esprit, qui orne lame par sa grâce, et en fait
la fille, l'épouse et le temple de Dieu; c'est lui qui tranquillise et
rend sereine la conscience, qui vi\ ifie nos sentiments et notre esprit,
qui éclairé noire intelligence par la connaissance des choses divines,
qui enflamme notre volonté pour nous porter à les rechercher, qui
fortifie notre faiblesse et qui nous* donne là victoire dans les tenta-
tions, et le triomphe dans le combat
Si vous êtes dans la désolation, invoquez Jésus; vous éprouverez
le prompl et puissant secours de ce consolateur. Si les craintes, les
scrupul s, les anxiétés vous pressent de toutes parts, invoquiez Ji
jl élargira votre coeur , le délivrera et le rendra libre et joyeu
la uèvre des souffrances corporelles où des passions vous brûle et
vous dévore, invoquez le fiel de sa passion, le miel de
sa mis iseront et la feront
disparaître. Si la pài là maladie, les tribulations, les
ennemis du sa lui ipitent sur voilé, invoquez Jésus avec
confiance el | r- ipérieur à toutes les épreu-
\ ,\ Hl triomp! tmt. et1 nrouné des mains
mômes de Jésus Voilà pourq ont conti-
I •■ment à la boucle les doux noms de Jésus et
• nie, et y recourent saoi cesse. De tous ceux qui, à toutes les
N'031 DE rèsUS. i:>7
époques, ont invoqué les noms do Jésus et de Marie , personne n'a
péri et n'apU péril-, dit saint Bernard (Serm. xv in Cent. ).
2" Le nom de Jésus ne signifie pas seulement le Sauveur et le salut
qu'il nous a donné; mais encore la manière dont il nous a sauvés.
qui est excellente et admirable. Car il ne nous a pas réparés parune
parole, comme lors de la création, mais il a pris sur lui nos infirmi-
tés, afin de nous en guérir; il a pris sur lui nos péchés, et les a
expiés par des peines très-dures du corps et de l'âme , afin de les
détruire en nous. Il a accepté la mort à laquelle nous étions condam-
ifm de tuer notre mort et de nous rendre à la vie de la grâce et
de la gloire. Lors donc que nous prononçons le nom de Jésus, nous
exprimons que le Verbe s'est fait chair, que Dieu s'est fait homme
pour nous, qu'il est né dans une étable, s'est couché dans la crèche,a
été circoncis , a travaillé, sué et pleuré; qu'il a enduré la faim, la
soif, la chaleur et le froid; qu'il a été pris pour nous, flagellé, cons-
pué, fouetté, tourné en dérision, couronné d'épines, abreuvé de fiel,
cloué à la croix et mis à mort. Le nom de Jésus rappelle tout cela.
C'est pourquoi il est infiniment aimable, vénérable, adorable pour
les hommes et pour les anges; il est aussi infiniment redoutable
aux démons, tellement que lorsqu'ils l'entendent, ils frémissent,
tremblent et prennent la fuite
Que Jésus soit toujours dans votre cœur, dit saint Bernard, et que q faut i„«,-
iainais l'image du crucifié ne sorte de votre esprit. Que Jésus soit quersouvent
0 " i ^ ■J"" ie saint nom
votre nourriture et votre breuvage, votre douceur et votre conso- de Jésus.
lation, votre miel, l'obj et de vos désirs, votre lecture et votre médi-
tation, votre prière et votre contemplation, votre vie, votre mort et
votre résurrection. Jésus est du miel dans la bouche , une mélodie
aux oreilles, un sujet d'allégresse pour le cœur (1).
Que Jésus soit notre amour et le centre de nos affections. Qu'il
soit notre respiration et le sujet de nos entretiens. Qu'il soit notre
âme et notre vie. Qu'ainsi que nous sommes, que nous vivons, que
nous agissons en lui et par lui; de même nous ne servions que lui,
nous ne cherchions à plaire qu'à lui, nous ne parlions que de lui et
à lui seul: que nous l'ayons sans cesse sous nos yeux, que nous
(1) Sit tibi Jésus semper in corde , et nunquam imago crucilixi ab animo tuo
recédât. Hic tibi sit cibus et potus, dulcedo et consolatio tua, me! tuum et des.de-
rium tuum, lectio tua et meditatio tua, oratio et contemplatio tua, \ila, mors et
resurrectio tua. Jésus est mel in ore, melos in aure, . jubilus in corde ( Serm. xv in
Çuid.,.
428 NOM BI JÉSUS.
marchions en sa présence, que nous travaillions et souffrions pour
lui , que nous soyons prêts à lui faire tous les sacrifices, quelque
difficiles et pénibles qu'ils soient : que nous mourions enfin par lui ,
en lui et pour lui , afin que nous régnions éternellement avec lui
dans le séjour du bonheur et de la gloire
OBÉISSANCE.
J
rsus -Christ, dit l'Évangile, était soumis à Joseph et à Marie : j, c.
Erat subditus Mis (Luc. n. 51 ). Par trente ans de soumission M modèle
. dobeissanca
à ses parents , J. C. a voulu nous enseigner que la perfection
de la vertu et de la religion consiste principalement dans l'obéis-
sance. J. C, dit saint Paul, a préféré perdre la vie plutôt que de
manquer à l'obéissance : Factus obediens usque ad mortem, mortem
autem cmcis (Philipp. n. 8).
Ma nourriture , dit J. C. aux Juifs, est de faire la volonté de celu,
qui m'a envoyé , et d'accomplir son œuvre : Meus cibus est ut faciam
voluntatem ejus qui misit me , ut perficiam opus ejus (Joann. iv. 34).
Je suis descendu du ciel, non pour faire ma volonté, mais la volonté
de celui qui m'a envoyé : Descendi de cœlo , non ut faciam volunta-
tem meam , scd voluntatem ejus qui misit me (Joann. vi. 38). Je ne
cherche point ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé :
Non quœro voluntatem meam, sed voluntatem ejus qui misit me
(Joann. v. 30). Se trouvant au jardin des Oliviers et plongé dans
une profonde agonie , que dit ce grand Dieu à la vue des souffran-
ces qui l'attendaient : Père, si vous le voulez, éloignez de moi ce calice;
cependant que votre volonté se fasse, et non la mienne : Pater , si
vis, transfer calicem istum a me : verumtamen non mea voluntas , sed
tua fiât ( Luc. xxn. 42 ).
Parlant par la bouche de David son prophète, J. C. dit à son Père :
Me voici! Il a été écrit en tête du livre que je ferai votre volonté;
>ron Dieu, je l'ai voulu ; Ecce venio. In capite libri scriptum est de me
ut facerem voluntatem tuam : Deusmeus, volui (Psal. xxxrx. 8).
Quoique Fils de Dieu, dit saint Paul , J. C. apprit, par ce qu'il souf-
frit , l'obéissance : Et quidem , cum esset Filius Dei, didicit exiis quœ
passus est, obedientiam (Hebr. v. 8).
J. C. a fait et dit de grandes choses pendant les trente premières
années de sa vie , et l'Évangile les renferme toutes dans ces deux
paroles : Il leur était soumis : Erat subditus illis (Luc. u. 51).
J. C. faisait tout par obéissance : l'obéissance est donc d'un mérite
infini
De même que l'obéissance du second homme, dit saint Augustin,
430 OBÉT^A^CE.
est d'autant pin? louable, qu'il s'est fait obéissant jusqu'àla mort;
ainsi la désobéissance du premier homme est d'autant plus détesta-
ble, qu'il a été désobéissant jusqu'à la mort (1).
A l'exemple de J. C. , les saints de tous les siècles ont pratiqué
l'obéissance
L'obéissance Oj'a j-^ j# ç par ?on obéissance , dit saint Ambroise , si ce n'est
est nécessaire. ^
accomplir le devoir de la piété ? ( Lib. III O/flc, c. v. ) Qu'a l'ait J. C. au
milieu de nous, dit le vénérable Bède , sinon obéir pour nous mon-
trer la nécessité de uice ? ( Collectan. ) J. C. a l'ait un précepte
de l'obéissance . lorsqu'il a dit à ses apôtres : Celui qui vous écoute,
m'écoute; et celui qui vous méprise, me mémife : Qui vos audit, me
audit; et qui vos spevnit , me spernit (Luc. x. 16).
Si vous obéissez, dit Clément d'Alexandrie , vous aurez la
lumière éternelle ; si vous n'obéissez pas, vous aurez l'enfer : Si obe-
dieris , lucem ; si non obedieris , ignem ( habebis) ( Lib. III Strom. ).
Enfants , obéissez à vos parents dans le Seigneur , dit saint Paul :
Filii, obedite parentibus vestris in Domino (Epbcs. vr. 1). Esclaves,
obéissez à vos maîtres : Servi, obedite dominis (Ivphes. vi. 5). Si -
Paul, dit saint Chrysostome , ordonne ainsi aux enfants d'obtir à
'^urs parents , et aux serviteur? d'obéir à leurs maîtres, considérez
avec quel soin nous devons obéir à Dieu, qui nous a tirés du néant.
qui nous nourrit , qui nous revêt, qui nous conserve à tout instant
^ qui nous a rachetés ( Homil. ad pop. in Epist. ad Ephes. ).
Avertissez-les d'être soumis aux princes et aux puissants, dit
saint Paul , d'obéir à la parole , d'être prêts à toute bonne œuvre :
Admone illos principibus et potestatibus subdïtos esse,dicto obedire , ad
omne opus bonum paratos esse ( Tit. ni. 1 ).
Ce passage de la lettre du grand Apôtre uTite, son disciple,
ordonne l'obéissance à regard de tous les supérieurs spirituels et
temporels
11 est nécessaire que dans tons ses mouvements l'homme soit
contenu par les prescriptions de la règle, qu'il obéisse çç
bête de somme maintenue par la bride et le harnais , et qu'il vive
conformément au lois éternelles, dit saint (irégoire (-2).
(1) Sicut obediontia senindi bominia eo pr-pdirabilior est, quo foetus est o
nsque ad mortcin; ita ninludi' uti.i primi lioniinis eo drlesUldUor, •[iio fac tus est
Inobediens usqac ad roortern De < u^t., lib. XIV, c. xv .
(2) Ncccs<c es! ut n'éihfl in canctis suis aiotibùs, sud dlspositiorte iscfplidai rcli-
getur, ci laoqaam domcsticum animal loris vinctum serviat, atque ojterois disposilio»
uibus restnctuiii vivat Lib Moral.}.
OBÉISSANCE. 431
Il faut obéir à Ta volonté de Dieu comme l'argile obéit au potier,
dit saint Justin, martyr : Cedendum est voluntati Dei, sicut lutum
obsequitur suo figulo (Epist. ).
Comme on ne doit pas s'attendre à remporter la victoire sans êti-é
conduit par un chef et qu'on n'arrive pas au port sans pilote; ainsi,
sans l'obéissance, dit saint Laurent Justinien, il est impossible
(l'échapper aux dange rs de l'océan de la vie (1).
Es.-oe que Dieu veut des holocaustes et des victimes, dit Samue.
au roi Saiil; ne préfère-t-il pas qu'on obéisse à sa voix? L'obéissance
vaut mieux que tous les sacrifices : Numquid vv.lt Dominns holo-
causta et victimas; et non potius ut obediatur voci Domini? Melior est
enfin obedientia quam victimœ (I. Reg. xv. 22).
Ecoutez, mon fils, dit le Seigneur dans les Proverbes, écoutez les
remontrances Je votre père, et ne méprisez pas les commandements
de votre mère : Audi, fili mi^ disciplinant patris tui} et ne dimiltas
legem matris tuœ (i. 8).
Lorsque Dieu fait entendre sa voix, dit saint Augustin, il faut
obéir et non raisonner : Divino intonante prœcento, obediendum est,
non disputandum (Lib. Ci vit.).
Les inférieurs doivent voir dans leurs supérieurs la personne même il faut obéir
.... surtout à ses
de J. C, et se conformer à leurs ordres , comme s ils émanaient supérieurs.
de la bouche même du Sauveur Que ce soit Dieu ou l'homme
son représentant qui nous transmette un ordre quelconque , dit
saint Bernard, il faut obéir avec le même soin et le même res-
pect. Dans tout ce qui n'est pas visiblement contre Dieu, nous
devons écouter comme Dieu lui-même celui qui pour nous tient
la place dé Dieu (2).
Le même Père dit excellemment : Si l'âme désire de régner sur la
chair, il est nécessaire qu'elle soit soumise elle-même à son supé-
rieur ; parce qu'elle trouvera son inférieur tel qu'elle se sera montrée
vis-à-vis .ie son supérieur; car la créature s'arme pour venger l'in-
jure de son Créateur. Que rame donc qui trouve la chair rebelle
(1) Slent sine duce non confiditur de -Victoria, ac sine gubernatore Don pervenitar
ad pnrtum: ila et absque obedientia impossibile est in vitae liujus pelago nonpericli-
tari (1(6. de Ligno vitœ, c. m ).
(2) Sive Deus, sive homo vicarius Dei , mandatum quodeumque tradiderit, pari
p recto obsequendum est cura, pari reverentia référendum. Ipsum quem pro Deo
babemus, tanquam Deum , in his quse apert non sunt contra Deuai, audire
ttebeinus (Senn. in F*--t. omtu Sanct.).
432 OBÉISSANCE.
sache qu'elle n'est point assez soumise elle-même aux puissances
supérieures (l).
L'àme raisonnable, dit saint Augustin, est la maîtresse de son
corps ; mais elle ne saura pas commander à cet inférieur, si elle ne
sert pas Dieu son maître avec toute la soumission de la charité :
Rationalis anima est domina corporis sui, quœ inferiori non bene impe-
rabit, nisi superiori se Deo tota caritatis subjectione, servierit (Enchirid.).
Obéissez à ceux qui sont placés à votre tête, dit le grand Apôtre,
et soyez-leur soumis; afin que, veillant comme devant rendre
compte de vos âmes, ils le lassent avec joie et non en gémissant;
car cela ne vous est point expédient (2).
Soyez soumis à Dieu, dit l'apôtre saint Jacques : Subditi estote Deo
(xm. 47 ); et à vos supérieurs, comme tenant à votre égard la place
de Dieu.
Soyez assuré , dit saint Jérôme, que tout ce que commande un
supérieur de monastère est salutaire ; ne jugez pas ses ordres : votre
devoir est d'obéir, d'accomplir ce qui est ordonné et d'observer ce
que dit Moïse : Israël, écoute et tais-toi : Audi Israël, et tace (Epist.
ad Rustic).
Les moines d'Egypte, dit Cassien, recevaient les ordres de leurs,
supérieurs comme s'ils fussent venus directement de Dieu; et ils
s'empressaient de s'y conformer sans aucune discussion (Vit. Patr.).
Celui qui a bien appris à obéir, dit saint Grégoire, ne sait ni discu-
ter ni juger : Nescit judicare quisquis perfecte didicit obedire ( Lib. II
in I Reg. ).
Réponse Mais, dira-t-on, il est trop difficile d'obéir. Votre obéissance
a celle ■
objection : a-t-elle été éprouvée comme Dieu éprouva celle d'Abraham? Vous
difficile <To- a_t-°n ordonné des choses aussi pénibles et aussi dures? K
b(i'ir- l'Ecriture : Dieu éprouva Abraham et lui dit : Abraham, Abraham.
Abraham répondit : i\le voici. Et Dieu lui dit : Prends ton fils unique
que tu chéris, lsaac, et va dans la terre de vision ; et lu tu l'offriras
en holocauste sur une des montagnes que j e t'aurai munir
(4) Aiiima, si regnare desiderot super membre sua , necesse est ut sit ip<'
rio:-i uo subjecU; quoniam talem inveniel ioferius suum , qualcm se. exhib i ■'
siu criori. Arinatiii- fiiiin < ri itui.i ad ulcisceodam sui injuriam creatoris. Et icjeo
noverit anima, quœ rebellem sibi invenit carnem suam, se quoque minus quam
teat superioribus potestal bus i — sui jectam [Serm. i in Fest. omn. Sanct. )■
(2) Obcdite prœpositis résilia, 1 1 subjacete eu. [psi enim pervigilant quasi ralio-
iici.'i pro animabus veatris reddiluri . ut cum gaudio hoc faciant , ci i-o
hoi- enim dou expedit vobis \llel»-. xm. 17).
(2) Tentavit Deus Abraham, cl clixit ad eu>n : Abraham, Abraliam. Al Ûlfl
OBÉISSANCE. 43S
Remarquez l'obéissance prompte et entière du saint patriarche.
Dieu l'appelle; il répond aussitôt : Me voici : Adsum. Dieu lui fait
connaître sa volonté, mais chacune de ses paroles est un coup de poi-
gnard : 1° Prends, non pas un étranger, mais ton fils... ; 2° ton fils
unique... ; 3° ton fils que tu chéris et que tu dois chérir en effet... ;
4° ton Tsaac, ta joie 5° Va dans la terre de vision, et là tu l'offri-
ras. Le Seigneur ne dit pas : Tu le feras immoler par une main
étrangère, mais tu l'offriras toi-même; toi qui es son père, tu rem-
pliras les fonctions de sacrificateur 6<> Tu me l'offriras
Seigneur, pouvait-il répondre, où sont vos promesses?... Mais il ne
dit pas un mot 7° Tu l'offriras en holocauste, afin que ni soc
corps, ni aucune partie de son corps ne te reste à toi son père; mais
que ton Isaac unique, chéri, seul objet de toutes tes espérances, soit
réduit en cendres tout entier 8° Toile, prends-le maintenant, de
suite, point de retard dans l'exécution 9° Supporte les fatigues
d'un long voyage et d'une pénible ascension sur une montagne
escarpée
Notre obéissance est - elle soumise aux mômes épreuves que ie
lut celle de Job.. ., celle de Tobie..., celle de la mère des Mâchâ-
mes?*..
avons-nous à obéir à des ordres aussi terribles que ceux auxquels
J. G. se soumit, comme un agneau conduit à la boucherie, sans faire
entendre un cri? Et Marie, et les apôtres, n'eurent-ils rien de diffi-
cile à accomplir? Courbant la tête, les apôtres, dit saint Basile,
subirent le joug de l'obéissance et ils affrontèrent joyeusement les
places publiques, les affronts, les lapidations, les ignominies, les
sroix et divers genres de mort (1).
Qu'exige-t-on de vous ?...
La désobéissance d'Adam a perdu tous les hommes, l'obéissance de
J. C les a tous sauvés.
Le pape Jean XXII dit : La pauvreté est un grand bien, la chasteté
est un plus grand bien, mais l'obéissance est le plus grand de tous:
respondit: Adsum. Ait illi : Toile filium tuum unigenitum, quem diligis, Isaac, et vaJe
in lerram visionis : atque ibi offeres euin in bolocaustum super unumrnontiumquein
monstravero tibi (Ge«. xxu. 1. 2).
(1) Apostoli, submissa mentis cervi:e , obedientiae jugum subierunt alaciique
animo in fora , in contumelias , in lapklationes, iû iguominias, in cruces, in varia?
nece> procescere ^.lOmil.in Act. Apost.).
m. 28
Excel'uic*
l'obéissance.
43 \ t-\\ce.
car la pauvreté ne règne que bu \térieures etde peu de
valeur; la chasteté, que sur la chair; tandis que l'obéissance règne
sur l'esprit et sur le cœur {Ilist.
L'obéissance est si excellente qu'elle soumet, 1° l'homme à Dieu,
et, par un étonnant retour, Dieu à l'homme 2° L'obéissance
i amole à Dieu , en holocauste , les plus nobles facultés de l'homme,
snçe et sa i < >lonté, auxquelles il renonce et qu'il
consacre à Dieu dans la personne de ses supérieurs. De là vient
qu'expliquant ces paroles de Samuel à Salïl : L'obéissance vaut
mieux que les sacrifices, saint Grégoire dit : Le prophète s'exprime
ainsi , parce que le sacrifice des victimes est l'immolation d'une
chair étrangère , tandis que l'obéissance est l'immolation de la
volonté propre : Quia per victimas, aliéna caro, per obedientiam vol/ta-
tas propria mactatur (Lib. XXX v- . c. x ). 3° Tout ce qu'on l'ait
par obéissance acquiert nn.mérite infini et procure une foule do
biens. Parlant de saint François d'Assise, saint Bonaventure dit :
Ce grand saint assurait que l'obéissance obtient des récompens i
ali niantes que ceux qui la pratiquent ne passent pas un instant
sans recevoir quelque grâce 4° L'obéissance est la mère des ver-
tus. C'est ce qui fait dire à saint Grégoire : L'obéissance est la seule
vertu qui sème les autres vertus dans l'âme, et qui, les ayant
semées, les conserve : Sola virtus est obedientia, qvœ virtutes ca
menti inscrit , iusertasque cusiadit (Lib. XXXV Moral., c. Xj.
guide d'une manière certaine et assurée celui qui se soumet à ses
supérieurs, et il le conduit diiv. au port du salut. Ecoutez
saint Jean Climaque : L'obi dit-il, est une parfaite abné-
gation de l'âme et dû corps; c'est une mort volontaire, une vie
sans inquiétude , une navigali jers, la sépulture e la
volonté, une vie d'humilité; ell i! laides à nu hoirimo
qui , tout en dormant , marcherait et avancerait vers le but de son
voyage* Vivre dans F
fardeau sur les épaules d'autrui , nager avec le soutien d'une main
étrangère, être porté sur 1< - pas se noyer, ettra
ser sans danger, par la \<>ie, la plus courte et la plus commode, io
grand et périlleux < . iv).
L ;e est si excell unie nous l'avons déjà
dit, api 11 s'est fait obéissant jusqu'à la
tnoi't, et la mort do la croix , Paul. Mais voyez la récom-
pen >'• ■ pourquoi, ajoute 1 A]
des nations , Dieti l'a exalté el lui a donné un nom au-dessus de tout
OBÉISSANCE. 435
îiom , afin qu'au nom de Jésus tout genoux lléchisse au ciel, sur la
et dans les enfers (I).
L'obéissance, dit saint Jean Climaque, est une vie qui ne sacrifie
rien à la curiosité, et qui esta l'abri du danger, une excuse immé-
diate auprès de Dieu, une marche sûre, If déposition d'un juge-
ment qui souvent égare ; elle met sur autrui toute sa responsabiliff
devant Dieu et devant les hommes; elle est le renoncement à tout
désir dangereux. Comme les arbres qui sont agités par le vent se
soutiennent par de solides et profondes racines; ainsi ceux qui prati-
quent l'obéi-sance et qui y sont exercés et éprouvés, maintiennent
leur âme forte et inébranlable (Grad. iv).
Celui qui obéit volontiers, est chéri de ses compagnons; il aime
à être utile à tous et à n'être à charge à personne; il est pieux envers
Dieu , bon envers ses semblables , réservé envers le monde ; il est le
serviteur fidèle de Dieu, l'ami du prochain, le maître de soi-même
et du monde
L'obéissance vaut mieux que les sacrifices : -1° parce que l'obéis-
sance , nous l'avons déjà dit, est l'immolation de la volonté, et que
la volonté de l'homme a une valeur supérieure à celle de tous les
troupeaux. L'homme, dit saint Bernard, plaît à Dieu d'autant plus
promptement qu'il s'immole avec le glaive du précepte , après avoir
réprimé l'orgueil de sa liberté : Tanto quisque Deo citius placeat,
quan'o oculis ejus, repressa arbitra suppi'bia, gladio prœcepti se immolât
(Epist. ).
2° Parce que l'obéissance rend notre volonté conforme à la volonté
de Dieu , qui est très-sainte , et la forme et la règle de toute vertu
et de toute sainteté. On peut appliquer à la volonté humaine ainsi
transformée les paroles du Seigneur dans ïsaïe : Vocaberis voluntas
mea : Tu seras appelée ma volonté ( lxii. 4).
3° Parce que l'obéissance fait de la volonté un sacrifice vivant et
continuel offert à Dieu; tandis que les anciens sacrifices ne se compo-
saient que de la chair des animaux immolés et ne duraient i ue
quelques instants. L'obéissance est un holocauste , mystique à la
vérité, mais très-noble, ^ui dévoue l'homme entier à son Créateur.
Dans ce sacrifice , la volonté est immolée comme une victime; elle
meurt et cependant elle vit; elle meurt à elle-même, et elle vit en
Dieu et dans la volonté divine.
(1) Proptcr qimd et Peus exaltavit illum , et donavit illi nomen quod est super
onuic nomen : ut in nomme Jesu omne genuflcctatur, cœlestiuin , terreslrium et
injfeniorum {PIulit p- m S).
436 OBÉISSANCE.
li j a l)eaucoup plus de mérite, dit saint Grégoire , h soumettre
sa propre volonté à la volonté d'autrui , qu'à macérer son corps par
de longs jeûnes, ou à s'immoler par un sacrifice secret sous l'inspi-
ration de la componction. Celui qui a appris à faire parfaitement la
volonté de ses supérieurs , surpasse en mérites et en gloire dans le
ciel ceux qui jeûnent et ceux qui pleurent (1).
Celui qui obéit avec simplicité et modestie , est digne de com-
mander. Se commander et se vaincre , c'est le plus grand des
empires, c'est la plus belle et la plus précieuse des royautés.
Ecoutez , ô mon fils, dit le Seigneur dans les Proverbes, écoutez
les remontrances de votre père, et ne méprisez pas les ordres de votre
mère ; afin que vous receviez une couronne pour votre tête, et un
collier pour votre cou : Audi, fili mi, disciplinam pat?*is tui , et ne
dimittas legem matris tv.œ ; ut addatur gratia capiti tuo , et torques
colla tuo ( i. 8.9). Cette couronne, ce collier, récompenses de
l'obéissance, sont l'emblème de la parure que cette vertu apporte à
l'âme; elle l'orne comme une couronne d'or, comme un collier de
perles ou de diamants ornent la tète et le cou. Plusieurs couronnes,
principe de grâce et de beauté, sont promises à l'obéissance.
La première , c'est la couronne de l'amour de Dieu et de»
hommes
La seconde, la couronne de toutes les vertus; car l'obéissance les
rend obligatoires ou les conseille. Elle commande des actes tantôt de
religion, tantôt de sobriété, tantôt de mortification, tantôt de péni-
tence, tantôt de modestie, tantôt d'humilité, tantôt d'aumône, tantôt
é, tantôt de toute autre vertu. Voilà comment celui qui s'ap-
plique à l'obéissance dans l'exercice de toutes les vertus , se forme
une belle et riche couronne, et se prépare un magnifique collier.
Le collier signifie aussi la pratique constante des vertus, leur
union hab luelle; et la couronne, leur valeur
L'abbé Jean, au lit de la mort, répondit à ses religieux qui lui
, an laient comment il était parvenu à une si haute perfection
Je n'ai jamais fait ma propre volonté, et je n'ai jamais rien ordonné
que je oe l'aie tait à-mème le premier ( Cassian. de
Instit. monach., lib. V, c. xxvm ).
e couronne de l'obéissance, c'est l'abondance et l?
(1) Longe altioris est priam voluataem alie.iœ semper voluiUati subji»
cerc, quain magnis jejun.is corpus atli r ,■,-.■ , aut per compuïictionem se in secretioil
ificio roac'tare : qui perfette volunlatera pr ceproris implere didicit. iacttlesU
regno, et abslineutibus et fleuUbus excella ( . ...,.
OBÉISSANCE. IX
plénitude des jgrâcésj que Dieu, rémunérateur de Vobéissapce'j
accorde à l'homme qui pratique exactement cette sublime vertu. Le
Seigneur a coutume de combler de toute espèce de biens, de grâces
|t de faveurs l'homme obéissant
La quatrième couronne , c'est celle du triomphe et du royaume
îéleste
L'obéissance est le salut de tous les fidèles Elle est la mère
de tous les saints; par elle ils sont engendrés, mis au monde,
allaités, nourris, vêtus; par elle ils croissent, se fortifient, mar-
chent, montent et arrivent à la perfection. L'obéissance montre à
l'homme le royaume des cieux , elle le lui ouvre , l'y fait entrer et
le place sur un trône Il est juste que la tète qui s'est courbée
ici-bas sous un joug volontaire, soit relevée et couronnée de gloire; il
est juste que le collier de l'honneur entoure le cou de celui qui a
enchaîné sa volonté pour l'amour de Dieu !
IjE premier avantage de l'obéissance , c'est qu'elle nous rend vie- Avanies ,>
torieux : L'homme obéissant racontera ses victoires, disent les Premier'"'. ri-
Proverbes : Vir obediens loquetur victorias (xxi. 28 ). tage,la
Voulez-vous que tout vous soit soumis, dit Sénèque, soumettez-
vous à la raison : Si vis tibi omnia subjicere , subjice te rationi ( Epist.
xxxvii ). Soumettez-vous à la raison, et avant tout à Dieu, qui est la
raison suprême
L'homme obéissant racontera ses victoires. Car, dit saint Bernard,
lorsque nous nous soumettons humblement à une voix étrangère ,
nous nous domptons nous-mêmes au fond du cœur : Quia dum aliénée
voci hurniliter subdimur , nosmetipsos in corde superarnus (Serm.de
Virt. obed. ). Si par votre obéissance vous vous soumettez pleinement
à Dieu , à sa loi et à sa volonté , afin de lui plaire en tout , il arrivera
que vos sens , vos appétits , votre corps, vos pensées, les tentations,
la concupiscence se soumettront à votre esprit et à votre volonté ;
vous les calmerez facilement , vous les dominerez, comme Adam les
domina dans le paradis, tant qu'il obéit à Dieu. Mais dès qu'il
désobéit, il sentit soudain sa chair se révolter , et la concupiscence
s'empara de lui. C'est la juste peine du taiion. Si vous vous soumet-
tez à votre supérieur, tout ce qui nous est inférieur vous sera soumis.
Au contraire, si vous vous révoltez contre lui, tout ce qui est
au-dessous de vous se révoltera contre vous.
Il était injuste, dit saint Augustin, parlant d'Adam désobéissant,
il était injuste que son serviteur , c'est-à-dire son corps lui obéit, q
438 OBÉTSSAXCE.
lui qui n'avait pas obéi à son Seigneur. Dan le châtiment de ce
péché, quelle peine a été infligée à la dé.- obéissance , tinonune
autre désobéissance ? (1)
L'homme obéissant racontera ses victoires : Vit ohediens loquctur
victorias. L'obéissance seule tient la palme , dit saint Au.ii-ti ; et
la désobéissance seule trouve punition : Sola obedientia tenet palmain;
sola inobedientia invertit pœnam (In Psal. lxxui ).
J. C, obéissant à son Père, et même à Pilate, à Anne, àCaïphe
et à ses bourreaux, jusqu'à la mort de la croix , triompha de tottJ ,
du péché, de la mort et de l'enfer. La croix l'ut le char triomphal et
le trône du Sauveur; c'est sur la croix, où il monta par obéissance,
qu'il fut déclaré roi; c'est là qu'il remporta la victoire sur tous ses
ennemis
L'homme obéissant racontera ses victoires, 1° sur le démon et sur
toutes ses légions Lorsque nous nous soumettons aux hommes
en vue de Dieu, dit saint Grégoire, nous domptons les esprits super-
bes. Par les autres vertus, i! est vrai, nous combattons les démons;
mais par l'obéissance nous remportons sur eux la victoire. Oux
\vlï obéissent sont donc des vainqueurs; car en soumettant parfai-
tement leur propre volonté aux autres, ils dominent les anges tom-
bés par désobéissance (2).
Une des principales raisons pour lesquelles l'obéissance donne la
victoire sur les démons, c'est qu'à l'aide de cette j tç£cieu,se \orlu
lions découvrons leurs ruses et leurs fourbei-irs. \\n\h p mrquui
paint Antoine disait : 11 faut que le religieux fasse connaître a.uant
que possible tous ses pas et toutes ses démarches à ses supérieurs,
afin qu'il suive toujours la voie droite {Vil. J'clr.).
L'homme obéissant racontera ses victoires, 2° sur le moud",
ml jamais sa volonté, mais toujours c U i de Dieu, le '
de ses supérieur», il ne fera, par là même, jamais pelle du
qui est opposée à celle de Dieu, à celle de l'Eglise et à celle de ses
Wipérieurs
L'homme obéissant racontera ses victoires, 3° sur un ennemi
très-dangereux, le plus dangereux de tous : sur soi-nn'nic Aussi
(t) ïiijiistiiiTi enim ernt :it ohtemprrnrplur n srrvn sur», i<1 est. a corporp ?<in , t»i
qui non obtemperaverat Domino suo. lu illius peccati pœna,quicl inob< i
inobedientia retributa < . vin in Epist. S.
(1 Dam pro Deo lu > 1 1 j 1 1 1 1 i > ;i • Miiijinmur, superbos spirjtqs supcranpus : ci
quiilom virtutibus, daemones impugnamus , \ er obc-dienliam vincimus. Viclores er fo
sunt qui obediunt; quia, >iuni volautalern suam aliis perfeetc subjiciunt , ipsi lapsia
per inobedientiam uu0cii:> domioaatur t. Lil>. IV in I Heg.,c. v).
CBÈIS3ANCÏ. 439
est-il dit dans VJmftation de J. C. ; Celui qui ce se soumet pas volon-
tiers et spontanément à son supérieur, l'ait voir que sa chair ne lui
est pas encore parfaitement assujettie, mais que souvent elle mur-
mure et se révolte (Lib. III, c. xm, n. 1 ).
Par l'obéissance l'homme se vainc et dompte sa volonté et son
propre jugement. Se servir de sa volonté, c'est chose très-dange-
reuse ; s'en servir comme il faut, c'est chose très-difficile et presque
impossible; en triompher par l'obéissance,, c'est la plus glorieuse et
la plus avantageuse des victoires.
En vérité, dit Alvarez, se vaincre soi-même, c'est la principale vic-
toire de l'obéissance. En se domptant, l'homme qui vainc tout le
reste, se montre très-puissant ; et il tire plus de gloire de cette
grande action que de toute autre victoire. Par l'obéissance, l'homme
triomphe de lui-même; car il lie son jugement, il enchaîne sa
volonté, il préserve d'une trompeuse liberté son corps et tous ses
dangereux penchants; et il met toutes ses facultés au service de
Dieu. 11 triomphe de lui-même; car il fait violence à ses désirs, et
pour l'amour de Dieu se soumet volontairement à la volonté d'au-
trui ( Tract, d lent.):
L'homme obéissant proclamera donc et célébrera ses victoires,
victoires remportées sur l'enfer, sur le monde, sur lui-même ; il
recevra de J. C. d'immenses récompenses, selon ces paroles de l' Apo-
calypse : Au vainqueur je donnerai à manger de l'arbre de vie ejui
est dans le paradis de mon Dieu : Vincenti dabo edere de ligno vitœ,
quod est in paradiso Dei mei (n. 7). Celui qui vaincra ne sera point
blessé par la seconde mort : Qui vicerit non Icedetur a morte secundo,
(n. 11). Au vainqueur je donnerai une manne cachée, et je lui don-
nerai une pierre blanche; et sur la pierre sera écrit un nom nou-
veau, que nul ne connaît que celui qui le reçoit : Vincenti dabo manna
ahsconditum, et daboilli calculum co.ndidum ; et in calculo nomennovum
tum, quod nemosci', nisi qui accipit (n. 17). A celui qui aura
vaincu et persévéré jusqu'à la fin dans mes oeuvres je donnerai
puissance sur les nations : Qui vicerit, et custodierit usque in fînem
opéra, mea, dabo illi potestatem super qentes (n. 26). Celui qui aura
vaincu sera vêtu de vêtements blancs, et je n'effacerai point son nom
du livre de vie, et je confesserai son nom devant mon Père et
devant ses anges: Qui vicerit, vestietur vestimentis albis, et non delebo
'e libro vitœ, et confitebor nomen ejus coram Pâtre meo,
t angelis ejus (m. 5). Je ferai de celui qui aura vaincu une
colonne pour le temple de mon Dieu, et il n'en sortira plus; et j'écrirai
-440 OBÉISSANCE.
sur lui le nom rie mon Dieu, et le nom de la ville de mon Dieu,
de la nouvelle Jérusalem, qui, de mon Dieu, descend du ciel, et mon
nom nouveau : Qui viccrit faciam illum columnam in templo Dei mei,
et foras non egredietur anvplius : et scribam super eum nomen Dei mei,
et nomen civilatis Dei mei novœ Jérusalem, quœ descendit de cœlo a Deo
meo, et nomen meum novum (m. 12). A celui qui aura vaincu, je don-
nerai de s'asseoir avec moi sur mon trône : Qui vicerit, dabo eisedere
mecum in throno meo ( ni. 21 ). Celui qui vaincra, possédera ces choses ;
et je serai son Dieu, et il sera mon fils : Qui vicerit, possidebit hœc ; et
ero illi Deus, et ille erit mihi filius (xxi. 7).
Jamais on n'a entendu de promesses aussi belles et aussi avanta-
geuses ! Or J. C. les accomplira toutes en faveur de celui qui aura pra-
tiqué l'obéissance; car c'est celui-là seul qui remporte les véritables
victoires
4° L'homme obéissant sera vainqueur de tous les ennemis qui lui
font la guerre; car l'obéissance d'une année fait sa force Il sera
vainqueur des païens, des hérétiques, et en général de tous les
hommes, quelque impies qu'ils soient
5° Voulez-vous que Dieu vous exauce, obéissez-lui. Si vous lui
obéissez, il soumettra à vos ordres tout ce qu'il a créé ; il vous
communiquera sa tonte- puissance, car il est écrit : Le Sei-nour
fera la volonté de ceux qui lui obéissent et qui le craignent :
Voluntatem timentium se faciet (Psal. cxliv. 19). Saint Domii:
disait que par son obéissance, il obtenait tout ce qu'il demandait
à Dieu (In ejus vita). Tous les saints, dans tous les temps, ont
fait la même expérience. Dieu leur obéissait, parce qu'ils lui obéis-
saient
L'obéissance nous rend victorieux de la terre, des animaux, de la
mer, du feu, du soleil, du ciel et de l'enfer. Tout ce qui est entrepris
par obéissance esl ordinairement couronné d'un heureux succès,
parla vertu lu Dieu auquel en est soi-même soumis. En obéissant à.
Dieu, Moïse triomphe de la mer Rouge; Josué dix iso le Jourdain et
commando au soleil (x. ! trois enfants jetés dans la four-
naise sont préservés du feu, etc. ( Daniel, m. ). En obéissant à J. C,
Tierre marche impunéme ! gur . mv. 29 ). La terre
entière est soumise à l'homme i ' ivent de grands saints
ont arrêté des tremblemenl faux.
Enfin, pour nous r. ■ lliommo obéis-
sant, et l'enfer lui-même est !.. .. ù celui qui obéit
M
ouÉissANcr.' 441
Le second avantage de l'obéissance, c'est qu'elle est une excellente
nourriture pour l'âme. Ma nourriture , dit J. C, est de faire la
volonté de celui qui m'a envoyé : Meus cibus est, ut faciam volunta.
tem ejus misitme ( Joann. iv. 34).
Que les chrétiens sachent que leur aliment spirituel doit être
l'obéissance; car 1° elle nourrit lame... ; 2° elle la fortifie, comme
le pain fortifie le corps...; 3° de même que la nourriture ordi-
naire fait croître les enfants et les transforme en hommes, ainsi
l'obéissance fait arriver les chrétiens à Yàge viril du Saint-Esprit
et de la vertu
Second
Avantage de
l'obéissance,
elle nourrit
i'àrae.
Le troisième avantage de l'obéissance c'est qu'elle purifie l'âme et
la guérit, et quelquefois le corps lui-même. Elie ordonne à Naam an
le Syrien d'aller se laver sept fois dans les eaux du Jourdain : il obéit,
et la lèpre qui couvrait tout son corps disparaît aussitôt ( IV. Reçj. v).
Les dix lépreux reçurent de J. G. l'ordre d'aller se montrer aux prê-
tres; ils obéirent, et en y allant ils furent guéris : îte, ostendite vos
sacprdotîbus; et dum irent , mundati sunt ( Luc. xvi ).
Troisièmfc
avantage de
l'obéissance,
elle est ua
remède.
Le quatrième avantage de l'obéissance c'est qu'elle élève l'homme,
le fait croître en dignité et l'ennoblit. Moïse obéit à Dieu , il devient
le chef du peuple de Dieu ; il opère de nombreux et éclatants pro-
diges; il fait pâlir l'Egypte et son roi criminel et endurci. Les apôtres
obéissent à J. G., et ils deviennent par leur obéissance les fondateurs
de la chrétienté, les princes de l'Eglise militante et triomphante
Quatrième
avantage de
l'obéissance,
elle élève
l'homme.
Dieu répand ses bénédictions les plus abondantes sur ceux qui lui cinquième
Obéirent. avantage de
1 obéissance,
Par son obéissance, Abraham mérite cette grande promesse et elle attire les
bénédiction de Dieu : Je te mettrai à la tête d'une grande nation, je de Dieu.
te bénirai, j'exalterai ton nom, et tu seras béni. Je bénirai ceux qui
te béniront, je maudirai ceux qui te maudiront; et en toi toutes les
nations de la terre seront bénies (1).
Dans les paroles de Dieu à Abraham, le cardinal Cajétan remar-
que sept bénédictions, récompenses de l'obéissance. La première est
que le saint patriarche se trouve établi le prince ou le père d'une
(i) Faciam le in gentem magnam, et benedicamtibi, et magnificabonomen tuum,
erisque benedictus. Benedicam benedicentibus libi , et maledicam malediceutibu.3
tibi ; at iiue io. te ^epâdicentur univeiw «osrnntîonea terrse ( Gc?i. xn. 2.3),
44,2 OBÉISSANCE.
grande nation..... La seconde est une bénédiction fie richesses et de
fruits signifiée par ces mots : Je te bénirai I* troisième est la
célébrité et la gloire promises à son nom i,u quatrième est a
réunion de toutes les bénédictions et de tous les bieas, signifiée par
ces mots : Et tu seras béni La cinquième est la promesse de bénir
ceux qui le béniront La sixième est celle d'être son gardien et
son vengeur La septième est la déclaration que toutes les nations
de la terre seront bénies en lui : Parce que tu m'as obéi} lui dit le
Seigneur, et que pour moi tu n'as pas épargné ton fils unique, toutes
les nations de la terre seront bénies en toi ( Gcn. xxu- 10-18. —
Delrii Comment, in Gcn.).
A cause de son obéissance, Abraham est comblé de bénédictions
temporelles et spirituelles; et il contribue à la grande bénédiction
de l'univers , résultant de l'incarnation du Verbe
Après avoir transmis les tables de la loi aux Israélites, Moïse leur
dit: Je mets aujourd'hui devant vous la bénédiction et la malé \\c-
tion : la bénédiction, si vous obéissez aux commandements du Sei-
gneur votre Dieu; la malédiction, si vous-: / r. xr.
20-28 ). La voix intérieure de Dieu fait entendre à chacun de nous lu
môme promesse et la même menace.
Sixième
av,ui(.i'-i' dp
l'obéissance ,
<■ le est la
première des
a ■ ois ci des
pratiques de
la \ie
chrétienne.
Quatre religieux vinrent trouver saint Pamhon et lui demander S
vivre sous sa direction. Le vénérable abbé n'en voulant recevoir
qu'un seul, s'informa de la manière dont ils comprenaient la perfec-
tion monastique. Le premier jeûnait constamment ; le second prati-
quait la pauvreté ; le troisième, la charité; le quatrième, l'obéissance.
Saint Pambon préféra ce dernier. Les trois autres, dit -il, tiennent
de leur propre volonté la vertu qu'ils possèdent; tandis que celui-ci,
brisant la sienne, se fait le serviteur d'une volonté étrangère, et
peut arriver ainsi h tentes les vertus.
La conduite et les paroles de saint Pambon montrent combien
l'flbéissance est avantageuse et désirable
Jésus-Chmst dit a Simon : Avancez en mer, et jetez vos filets pour
bt. Simon lui répondit : Maître, :
nuit sans rien pr>
L'ayant jeté, ils prirent tua uahtité de poissons, go» leur
surtout e filet se rompait (1). Voilà les fruits sance
spirituelle.
Septième
avantage île
l'obéissance ,
cil' est ua
principe de
prospérité
(1) Dixit ad Simonem : Duc in al' ..i , et [axate relia vestra in capturam. El
OBÉISSAffCB. 4i3
Combien d'hommes obérants les apôtres, prôc!:nr.' au nom do
J. CL, ont-iJs tirés de l'abîme et conduits au ciel !
Lors. |up saint François Xavier partit pour les Indes, ses amis cher-
chaient à l'en ''(.'tourner en lui peignant les dangers que lui feraient
courir l'extrême chaleur , la difficulté' de subvenir à ses besoins, la
barbarie des habitants, qui employaient le fer et le poison, même
contre les leurs; le grand missionnaire leur répondit : Je me crée-
rais des dangers bien plus redoutables, si je n'obéissais à Dieu qui
m'appelle. Il partit donc; et dans la seule ville de Tolo, il convertit
!-cinq mille indigènes dont il fit de fervents chrétiens. Voilà le
fruit de l'obéissance (In ejus vita).
L'QEfassÀNCE procure le vrai bonheur. Le prophète Samuel mettait Huitième
.,. i-i avantage de
ra joie et son bonheur à obéir à Héli. Et par cette obéissance, ait v>0béissance,
raint Hphrem, il mérita d'entendre la vpjx de Dieu (Serm. ni). elle v™CUT&
Heureux ceux qui pratiquent l'obéissance, qui supportent le frein, vrai bonheur,
qui font tout ce que Dieu veut et qui prennent pour rênes ses pré-
ceptes, dit Origène : ils ne marchent pas selon leur volonté, mais en
tout ils sont menés et ramenés par la volonté de Dieu; ce qui est la
source du plus grand bonheur (Homil. i in Cant. ).
Quel bonheur est comparable à celui d'être assuré de faire con-
stamment et en toutes choses la sainte volonté de Dieu ! Quel plus
grand avantage !...
I/oEÉissAittnB est la marque la plus certaine de la prédestination.
Obéir à Dieu , c'est le sceau unique et évident du salut. Au contraire,
désobéir à Dieu, c'est la marque et la cause de l'abandon de Dieu
et de la réprobation; car on désobéit à Dieu pour suivre ses propres
inclinations, ses volontés, ses passions, ses cupidités perverses et
corrompues. J. G. dit aux Juifs : Mes brebis écoutent ma voix; je les
connais, et elles me suivent; et je leur donne la vie éternelle, et
elles ne périront jamais , et nul ne les ravira de ma main (1). Vola
pourquoi celui qui réfléchit et qui a son salut à coeur , doit désirer
toujours et demander cette seule chose, savoir : que Dieu le dirige
Neuvième
avantage de
l'obéissance,
elle est une
marque de
P,v les-
tination.
répondons Simon, dixit illi : Pr ceptor, per totam u< c ni Lai o antes , r.ihsl copi-
mus : in verbo autem tuo laxabo rete. Et cuni hoc f'ecissent, conciuserunt piscium
m Uilndiuem copiosam, rumpebatur auteru :ete eorum (Luc. v. :-6),
(1) Oves meœ vocera meam audiunt , et ego çognosco e:s , et sequunt'ir me; et
crr<\ vitan ; lernam do eis, et non peribunt in ceternum, e non rapiet easquisqunm
de il u»unica(x. t"i. 1i).
m OBÉISSANCE.'
dans ses occupations, ses affaires, ses actions , et que lui-même ait
\a volonté de le suivre, de lui obéir, et de n'obéir qu'à lui. Car les
roies préparées par Dieu sont sûres et certaines, et ne pas les quitter,
t'est la prédestination même. Ceux qui sont ainsi conduits et qui se
montrent dociles, sont à l'abri du danger de pécher et de compro-
mettre leur salut , danger auquel sont exposés les autres hommes
qui, voulant passer pour sages et intelligents, ne prennent pas
Dieu pour guide, mais se choisissent eux-mêmes leurs voies.
Jonas, fuyant Dieu, le mécontenta , perdit sa patrie, l'usage du
temple et presque la vie, essuya les dangers de la mer, et n'eut pour
autel sacré que la terre profane de Tharse. Ainsi, les désobéissants se
précipitent dans Jes dangers les plus terribles, perdent J. C. le vrai
pilote, et font naufrage; tandis que ceux qui obéissent et qui sont
dirigés par J. C, voguent impunément sur la mer du momie; la
traversent sans naufrage, et arrivent heureusement au port du
salut.
Comment mon âme ne serait-elle pas soumise au Seigneur, dit le
Psalmiste, n'est-ce pas de lui seul que vient mon salut? Nonne Deo
Hubjecta erit anima mea ? ab ipsn enim salut are meum. ( lxi. 1).
Dixième Saint Jérôme écrivant à Eustochie au sujet de la mort de sainte
avantage de d
l'obéissance, Paule , lui dit : Votre mère a reçu la couronne d'un long martyre.
et la gloire du Car ce n'est pas seulement l'effusion du sang qui est réputée confes-
martyre. sion de la foi; mais la servitude sans tache d'une âme pieuse est
elle-même un martyre quotidien (1).
Onzième I/HOMME obéissant meurt dans la paix du Seigneur. Se trouvant sur
avantage dû , . . , . . .
l'obéissance, le poinl d expirer, 1 abbe Jean était plein dejoie:Je meurs content,
elle Picore ^j^jt-il, parce que je n'ai jamais fait ma volonté ( Vit. Patr.).
bonne mort. Par l'obéissance, en effet, on accomplit ce que dit le Prophète
royal : Eloignez-vous du mal et faites le bien : Déclina a malo , et [ne
bonum (xxxvi. 11). Or , comment celui qui n'a pas fait le mal , mais
qui a vécu dan* la pratique de la vertu et qui ne s'est jamais chargé
d'aucune ahilité, serait-il inquiet sur son lit de mort?
Obéir, \<>ilà donc le secret d'entendre sans trembler sonner la
dernière heure.
M) Mater tua lonçrn martyrio coronataest. Non solum enim effila sanguinis in
confenione reputatur; $al devottu quoque mentis servitus immaculata quulidianu.ni
rtyrium est ( Epist.).
OBÉISSANCE. 445
Que la volonté propre cesse , dit saint Bernard , et il n'y aura plus Dotrzième
, . /. .. / r. i avantage de
d'enfer: Cesset voluntas propria, et infernus non erit (Serai, ni de l'obéissance,
Resurrect. ). Mais, seul, l'obéissant renonce à sa volonté; seul donc P^ÎJ35«
il n'est pas exposé à la damnation. Au contraire, il est assuré d'ar- le ciel,
river au ciel , selon ces paroles de J. C. : Courage, bon et fidèle ser-
viteur, parce que vous avez été fidèle en chose de peu , entrez dans
la joie de votre Seigneur : Euge, serve bone, et fidelis , quia super pauca
fuisti fidelis, intra in gaudium Domini tui (Matth. xxv. 21); c'est-à-
dire entrez en possession de la vie éternelle.
Comment faut-il obéir? Saint Paul le dit : Faites tout sans murmures Comment
ni disputes; afin que vous soyez irréprochables et purs, enfants de
Dieu, sans reproche : Omnia facite sine murmurationïbus et hœsita-
tionibus; ut sitis sine querela,et sirnplices , filii Dei ,sine reprehensione
(Philipp. ii. 14. 15).
Voyez Saul abattu sur le chemin de Damas. Tombant à terre, il
entend une voix qui lui dit : Saul, Saul , pourquoi me persécutes-
tu? Qui êtes- vous, Seigneur? dit-il. Je suis Jésus que tu persécutes
(Act. ix. 3-5). Aussitôt Saul dit : Seigneur, que voulez-vous que je
fasse? Domine, guid me vis facere? (Act. ix. 6.) Et immédiatement il
exécute les ordres qui lui sont donnés. Voilà comment on obéit.
Celui qui auparavant persécutait les fidèles et sévissait contre eux.
déjà se prépare à obéir, dit saint Augustin. Déjà de persécuteur il est
devenu apôtre; de loup, agneau; d'ennemi, soldat de J. C. : Jam
parât se ad obediendum, qui prius sœviebat ad persequendum. Jam
formatur ex persecutore prœdicator, ex lupo ovis, ex hoste miles
(Serm. cclxxix : de Paulo Apost.).
L'homme vraiment obéissant , dit saint Bernard, tient ses oreilles
prêtes à entendre, sa langue prête à répondre , ses mains prêtes au
travail, ses pieds prêts à partir; il se recueille ainsi tout entier en
lui-même, afin d'obéir aussitôt aux ordres qui lui seront donnés (' ; •
L'homme vraiment obéissant, dit saint Grégoire , ne discute pai
l'intention de celui qui lui donne des ordres; il ne discerne pas entrj
es diverses choses qui lui sont prescrites : parce que celui quia
soumis la direction de toute sa vie à son supérieur, ne connaît pas
d'autre joie que de faire exactement ce qui lui est commandé; seule
l'obéissance lui parait un bien (2).
(1) Verus obediens parât aures auditui, linguam voci, manus operi , pedes itiueri
et sic se totura intra se colligit, ut mandatum peragat imperantis [Iract.de Prœcepto
. t Dï<//ensat. ).
(2j Verus obediens, necprœceptorum intentionem discutit, nec prscepta ùisceruit ;
446 obéissance.
Voyez ce qui arrive à Eve, qui hésite à obéir et qui discute. Dieu
affirme que si Adam et elle touchent au fruit défendu, ils mourront :
Àloriemini. Mais Eve doute; le serpent la tente; Eve lui répond : Nous
ne devons pas , car nous pourrions mourir : Ne forte monamur La
serpent nie : Xeqiwquom vioriemini. Et pour avoir hésite à suivre les
ordres du Seigneur, elle perd l'innocence et entraine ses fils dans sa
ruine (Gca. m).
Les supérieurs ordonnent, les inférieurs balancent, discutent; le
démon arrive , nie l'obligation d'obéir , et on a le sort d'Adam et
d'Eve
Comment faut-il obéir? Comme Abraham. Sors, lui dit le Sei-
gneur, sors de la terre qui t'a vu naitre, du milieu de ta parenté, et
delà maison de ton père, et viens dans la terre que je te montrerai.
Et Abraham s'en alla, ainsi que le Seigneur le lui avait commandé:
Egredere de terra tua, de cognatione tua, et de domo patris tui; et ceni
in terram quam monstrabo tibi. Egressus est itaque Abraham sicut prœ-
ceperat ei Dominus (Gen. xn. 1-4).
Etudiez dans la conduite d'Abraham les conditions et les qualités
d'une parfaite obéissance.
La première qualité, c'est d'obéir promptement et volontairement;
Abraham ne résiste pas un seul instant
La seconde, c'est d'obéir avec simplicité : ce qui arrive lorsque
nous soumettons notre jugement à celui de nos supérieurs. Abraham
part sans savoir où il irait. Appelés par J. C, Pierre et André le sui-
vent aussitôt sans s'inquiéter de la manière dont ils vivront; sans
examiner comment, pécheurs ignorants, ils deviendront pécheurs
d'hommes. Ayant' tout abandonné, ils suivirent J. C, dit levangé-
liste : Relictis omnibus, secutisunt eum (Luc. v. 1 1 ).
Soyez certain que tout ce qu'ordonne un supérieur est salutaire,
dit saint Jérôme; ne jugez pas (Epist. ad Jiust.). Celui qui sait bien
obéir, ne sait pas juger, dit saint Grégoire {In Samuel.).
La troisième qualité, nécessaire pour que l'obéissance soit par-
faite, c'est d'obéir avec joie. Les apôtres se sont conduits ainsi au
sein des plus cruelles épreuves, des persécutions et de la mort
La quatrième, cVest o obéir avec humilité
La cinquième, c'est d'obéir avec courage et constance. Coi;, Vz-
vous constamment à Dieu, dit saint Augustin; abandonnez tout à
quia quî omnis vitre sure judicium majori subdidit , in lioc solo g-.indet, si quod sîbl
praccipitur , operatur; quia hoc tantuin bouum uutat , si pncccpiii obediat (In
Samueie).
OBÉISSANCE. 447
fui, autant que vous le pouvez : il ne cessera de vous soulever jus-
qu'à lui et il ne permettra pa^ qu'il vous arrive rien qui ne vous soit
avantageux^ même à votre insu (1).
La sixième qualité, c'est d'obéir indifféremment. Peu importait a
Abraham le lieu où Dieu l'appelait; il se reposait entièrement sur
lui Ju soin de son avenir.
Nous ne pouvons, dit saint Augustin, offrir à Dieu rien de plus agréa-
ile de lui dire avec Isaïe : Possédez-nous : ISihil gmfim Deopossh-
mus offerre , quant ut dlcamus ei cura Isaia : Posside nos (InP.-al.cxxxi.)
La septième qualité, c'est d'obéir avec persévérance Ainsi
J. C. obéit jusqu'à la mort
Celui qui obéit fidèlement ne sait pas user de délai, dit saint B -
nard; il fuit le lendemain, il ignore le retard, il prévient celui qui
commande : Fidelis obediens nescit moras, fugit cras iaum, igaorat tardi-
tatem, prœripit prœcipientem (Serai, de Virtut. obedient. ). Celui ^ui
est vraiment obéissant, dit ailleurs ce Père, ren.nce à se servir de
son désir ou cîe sa résistance, afin de pouvoir dire : Mon cœur est
prêt, ô mon Dieu : prêt à faire tout ce que vous ordonnerez, prêt à
obéir aussitôt au moindre signe, prêt à s'occuper de vous, à servir le
prochain, à me garder moi-même, et à se reposer dans la contem-
plation des choses célestes (2).
Samuel est un véritable modèle d'obéissance : appelé à diverse»
reprises, il obéit constamment (1. Reg. m).
Humblement soumis à Héli, et soutenu par l'obéissance, cei
enfant, dit saint Grégoire, est appelé, et il vient; il est renvoyé, et n
part; et cela jusqu'à trois fois consécutives. Qui de nous, dans une
semblable épreuve, s'abstiendrait de murmurer? Qui contiendrait son
impatience, si, appelé souvent, il recevait pour réponse qu'on ne l'a
pas appelé? ( la Samuel. )
Après avoir reçu les dernières instructions de son père, Tobie lui
répondit : Sîon père, je ferai tout ce que vous m'avez ordonné :
Ouiitia quœcumque prœcepisti inihi faciam, pater (v. -1).
L'esprit du juste médite l'obéissance, disent les Proverbes : Mens
justi meditatur obedientiam (xv. 28). Il réfléchit sur les motifs qui
(O Conslanter Deo crede, cique totum commîtte, quanium potes : ita enim ipse
te ad se Bublcvare non desinet; nihilque tibi evenire permittet, nisiquod tibi prosit,
etiarosi nesc as ( Lib, l Soliloq., c. xv).
{%) Bonus obediens dat suuni velle et suum nolle, ut possit dicerc : Parât uni cor
meum, Deus; para uni, quodemnque praeceperis, facere; pâràtum ad nu t uni cilius
obedire; paratura tibi vaeare, proxnnis mipistrare, meipsum cuatodive , et in cœle-
sliuna coutcmplaliôné requiescere ( In Serm. de Epiph.).
M8 OBÉISSANCE.
l'engagent à obéir, il s'efforce d'amoindrir la rigueur des ordres qu'il
présume lui avoir été donnés; afin qu'au moment même où son supé-
rieur l'appellera et lui commandera quelque chose de pénible, il dise
avec Samuel : Me voici : Ecce ego (I. Reg. m); et avec saint Paul :
Seigneur, que voulez-vous que je fasse : Domine, qu'ai me vis facere?
(Act. ix. 6.) ïl médite surtout l'obéissance de J. C, qui s'est fait
obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix, pour nous appren-
dre à obéir et pour nous sauver par l'exemple de son obéissance,
nous qui étions perdus par la désobéissance d'Adam. C'est dans ce
sens qu'il est dit : Regardez, et faites d'après l'exemplaire qui vous
a été montré sur le Calvaire : Inspice, et fac secundum exemplar quod
tihiin monte monstratum est (Exod.'xxv. 40).
Le juste médite sur les divers degrés de l'obéissance, afin de les
atteindre peu à peu. Ces degrés sont au nombre de trois : le premier,
le moins parfait, c'est de faire ce qui est ordonné Le second,
c'est de vouloir le travail prescrit, de l'aimer et de s'en acquitter
volontiers, promptement et avec courage Le troisième, c'est
non-seulement de vouloir ce qui est prescrit, mais de le juger meil-
leur que tout ce que l'on voudrait soi-même; dételle sorte que,
non-seulement on soumette sa volonté à son supérieur, mais encore
son jugement, et qu'on croie que ce que 1g supérieur ordonne vaut
mieux que ce que l'e^nrit particulier eu toute autre personne
suggèrent
Le juste se propose, comme le dit l'Apôtre, d'obéir avec joie et
non avec tristesse ou par nécessité : Cum gaudio,ct non gementesj hoc
enim non expedit (Hebr. xm. 47). La sérénité sur le visage et la dou-
ceur dans les paroles donnent une belle attitude à l'obéissance.
Quelle place a cette vertu là où se trouve l'aigreur de la tristesse?
Les signes extérieurs indiquent la disposition de l'âme; et il est
difficile que ceux qui ont mauvaise volonté ne le montrent pas sur
leurs traits
L'obéissance parfaite ignore quels motifs dirigent celui qui com-
mande : elle n'est point arrêtée par des ordres durs, ou donnés dure-
ment, ni par les rudes épreuves auxquelles elle peut être soumise*
mais elle s'appuie sur une large volonté, et s'élèv e à la hauteur de la
charité. Armée d'un courage actif, d'une résolution prompte, d'une
abnégation entière, elle embrasse tout ce qui lui est commandé
Joignez à l'obéissance la charité qui est sa sœur; elles doivent être
unies et associées; l'une perfectionne l'autre. Les parfaits 1" obéissent
en aimant, et ils aiment en obéissant : l'amour de L'obéissance porte
OBÉISSANCE. 449
à aimer les supérieurs comme ses propres parents...; S^ils aiment
ce qui leur est ordonné... ; 3° ils aiment leur obéissance, et cet amour
la rend facile et parfaite. Car, comme le dit saint Léon, l'amour de
l'obéissance adoucit l'ordre d'obéir; on n'obéit plus par une dure
nécessité, dès qu'on aime ce qui est prescrit (Serm. iv deJejun.).
Commentant ces paroles du Psalmiste (cxviii): Levavi manus meas
ad mandata tua quœ dilexi : Seigneur, j'ai tendu mes mains vers vos
préceptes et j en es ai aimés , saint Ambroise dit : David aimait les
commandements du Seigneur, afin de les accomplir volontiers. Car
celui qui aime fait volontairement ce qui lui est commandé : au
contraire, celui qui craint n'obéit que par nécessité : Legem diligebat,
ut legem libenter impleret. Qui enim diligit, ex voluntate facit quœ sibi
sunt imperata; qui timet, ex necessitate (Serm. xm).
Il y a une triple obéissance, dit saint Bonaventure : l'obéissance
par nécessité, l'obéissance par cupidité, et l'obéissance par charité.
Seule l'obéissance par charité est grande (Procès, vi Religios., c. xl).
Il n'appartient qu'à la charité de rendre l'obéissance agréable et
acceptable à Dieu, dit saint Bernard : Sola est darîtcts quœ obedientiam
qratam facit et acceytabilem Deo (Serm. in Fe^î. omn. rfanct.).
m.
L
ORDilE OU RÈGLE.
yu'est-ce que "H~ >ordre est le commun bien de tout l'univers, et conséquem-
l'urtlrc '!
ment de toutes ses parties L'ordre, dit saint Bernard, est
une disposition de parties telle que chaqut^chose est à sa
place {Libi Consid.).
L'ordre dans les animaux, c'est le repos réglé des appétits. L'ordre
dans le corps humain, c'est la proportion réglée des diverses parties
et leur position
L'ordre dans l'homme raisonnable, c'est l'accord de la pensée et
de l'action avec la conscience. L'ordre du corps et de l'âme, c'est
une vie disciplinée, c'est la soumission de la chair à la raison. L'ordie
entre Dieu et l'homme, c'est, du coté de Dieu , prendre soin de
l'homme, et du côté de l'homme, obéir à Dieu. L'ordre dans une
maison, c'est le commandement et l'autorité dans les parents, la
dépendance et l'obéissance dans les enfants. L'ordre dans une ville ,
dans une nation, est du même genre. L'ordre dans la société, c'est la
concorde. L'ordre dans la cité céleste, c'est la société très-réglée,
très-unie de tous les élus , jouissant et vivant de Dieu
Il existe deux ordres : l'ordre physique..., l'ordre moral
îsécessité de L'ordre est nécessaire en tout lieu, en tout temps, en toutes choses.
toutes choses. Dans la nature , l'ordre est nécessaire. Il faut de l'ordre dans le
soleil, la lune, les étoiles, la terre, les mers, les montagnes et les
vallées; dans l'air, le feu, le froid, la chaleur; dans les plantes, les
arbres, les édifices, les travaux, les instruments de travail; dans Jea
animaux; dans la pluie, le beau temps, les saisons, etc
Si l'ordre général de l'univers était violé, ce. serait la fin de la
création et le chaos Si l'ordre des parties de l'univers était violé,]
ce serait encore, le désordre el le chaos
Dans l'ordre moral , il faut la vertu et les moyens de la prati-
quer Il faut la - h au Créateur et l'obéissance à ses lois....;
11 faut L'obéissance aux puissances établies de Dieu Il faut dans
les supérieurs, la conscience, la bout '•, la fermeté, la charité, l'intel-
ligence, etc Dans une armée , l'ordre est nécessaire ; c'est lui qvL
la. rend forte et invincible. Ainsi en est-il dans l'E la
•h société, dans la famille Afin de contribuer à l'ordre, chacun.
ORDRE OU RÈGLE- 4al
doit être discret, modéré, réglé, dévoué; tout ce qui est inconstant ,
confus, immodéré, déréglé, égoïste est contraire à Tordre, ou parti-
culier , ou général, et déplaît à Dieu qui est l'auteur de Tordre et
qui l'aime
Il faut de Tordre jusque dans l'enfer; il y est; c'est la justice de
Dieu quiPy maintient
On doit commencer par mettre de Tordre en soi-même. Il faut
apprendre à se dominer et à se conduire. Montrez-vous discret,
modéré et ordonné en toutes choses, dit saint Bernard ; toi
e9t dénué de modération et de stabilité, toute confusion et tout
désordre déplaisent à Dieu : Discretum , modération, et ordinatum, te
in omnibus exltibeas ; quia Deo nunquam plaçait aliquid immodtraiwn,
bile, confusion, inordinalum (De Consid.).
Vous serez roi, si vous savez vous imposer Tordre et la règle
Je me réjouis en voyant Tordre qui est parmi vous, et votre fer- Con
meté à le maintenir, dit saint Paul aux Colossiens : Gaudens etvidens
ordinem vestrum et firmamentum ejus (h. 5).
De Tordre naît la paix, Tunion, Tamour et la concorde; non-
lement dans l'homme, mais avec Dieu, avec les anges, avec les
autres hommes et toutes les créatures; comme cela existait en
Adam dans l'heureux état d'innocence , lorsque le corps était sou-
mis à l'esprit, l'esprit à la raison, la raison à Tàme et l'âme à Dieu.
On sent combien sont grands et précieux les avantages de Tordre
en les étudiant : d° dans la hiérarchie des esprits célestes...;
2° dans la disposition et le mouvement régulier des cieux, des astres,
des éléments et de toutes les créatures...; 3° dans les membres du
corps humain...; 4° dans la famille...; o° dans un royaume ou
dans une république
Seigneur, dit la Sagesse, vous avez disposé toutes choses avec
nombre, jaoids et mesure : Omnia in inensura, et numéro , et pon.crt
disposuistt (xi. 21 ).
ù<
ORGUEIL.
"orgueil*" ' 'orgueil est une estime déréglée de soi-même. Avoir de
et comment l'orgueil, c'est se mettre au-dessus des autres; c'est s'attribuer
rcconnait-on? JL^ce qui nous vient de Dieu
On reconnaît l'orgueil à quatre marques : 1° l'orgueilleux croit
tenir de lui-même ce qu'il possède... ; 2° il croit ne le devoir qu'à
son propre mérite... ; 3° il se vante d'avoir ce qu'il n'a pas... ; -4° il
méprise les autres et désire que chacun sache qu'il a beaucoup
Si nous disons que nous n'avons point de péché , dit l'apôtre saint
séduction.
l.V-.;neil D'est
iigîe-
mentet jean } I10us n0us trompons nous-mêmes , et la a érit nt en
nous : Si dixerimus quoniam peccatum non habemus, ipsi nos sedvei-
mus, et vd'itas in noiisnon est (ï. H. 8).
Si quelqu un , dit le grand Apôtre , estime être quelque chose
tandis qu'il n'est rien, il s'abuse lui-même : Si quis existimat se ali-
quid esse, cum nihil sit , ipse se seducit (Gai. vi. 3).
Les orgueilleux se complaisent en eux-mêmes, ils y mettent leur
confiance; ils se persuadent qu'ils sont vertueux, et ils vivent dans
une aveugle sécurité, comme ne manquant de rien et n'ayant rien
à craindre
Homme inintelligent! tu dis : Je suis riche en mérites et n'ai besoin
de personne; et tu ne sais pas que tu es à plaindre, et misérable,
et pauvre, et aveugle, et nu, dit l'Apocalypse : Dicis , quia dives
sum, et nul lias egeo; et nescis quia tu es miser, et miserabilis, et pau-
i et , et cœcus, et nudus (m. 17 ).
L'orgueilleux croit savoir même ce qu'il ignore...; il ne veut
receveur ni Leçons , ni conseils...; il est entêté... : voilà pourquoi il y
a peu d'espoir de le voir se convertir Tels étaient les scribes et
les pharisiens, qui, pleins d'eux-mêmes, méconnurent J. C, Je vra^
docteur, et ne voulurent recevoir de lui aucune lumière ni aucune
instruction Tels sonl les Juifs Tels sont encore tous les héré-
tiques obstinés..* ; ils ne veulent pas s'instruire ni voir la vérité, et
ils veulent enseigner Que savez-vous, orgueilleux, si vou> ne
connaissez pas? et si vous vous connaissez, comment, cendre
et poussière, vous enorgueillissez-vous ?...
L'orgueil est la plus l'orte et la plus dangereuse séduction à laquelle
0BGUE1L. 153
l'homme puisse céder; elle le plonge clans les ténèbres les plu?
étranges
L'orgueilleux voit mal toutes choses, soit en lui-même, soit dan*
les autres.... Il voit où il n'y a rien à voir , et il ne voit rien où il fau-
drait voir quelque chose Toujours aveuglé et séduit, il est con-
vaincu de sa clairvoyance et de son impartialité
Saint Chrysostome assure que l'orgueil est la suprême folie ; qu'il f ol"ie
n'y a pas d'insensé comparable à l'orgueilleux. Qu'y a-t-il en effet
de plus insensé que de résister à Dieu , et de vouloir lui faire la
guerre? Qu'y a-t-il de plus insensé que de se priver et de se dépouiller
volontairement de la faveur , de la grâce et du secours de Dieu, de
qui tout dépend et à qui tout appartient ? Qu'y a-t-il de plus insensé
que d'avoir pour antagoniste et pour ennemi , non pas un homme,
non pas un ange , non pas même le démon ; mais Dieu en personne,
et d'oser le provoquer comme à un duel? {Homil. ad pop.)
L'orgueilleux étant un insensé et l'orgueil une insigne folie, ils
sont souverainement méprisables et souverainement méprisés
Se disant sages , ils sont devenus fous , dit saint Paul : Dicentes se
esse sa pientes , stulti facti sunt (Rom. i. 22).
Avez-vous vu un homme qui s'estime sage? disent les Proverbes;
il y a plus à espérer de l'insensé que de lui : Vidisti komînem sapien-
temsibi vider i? Magisillo spera habebit insipiens (xxvi. 12). Celui qui
se croit sage , est souverainement insensé , dit un proverbe accré-
dité : Qui sibi sapit , summe desipit. Ceux qui se croient sages, sont
trompés facilement par le démon, et ils se perdent. Celui au con-
traire qui reconnaît son peu de sagesse, cherche un guide éclairé;
il marche ainsi en sûreté et se sauve facilement
L'orgueil nait de la démence , dit saint Chrysostome. 11 ne peut
pas exister d'orgueilleux qui ne soit insensé; l'orgueilleux est pleki
de folie : Ex amentia hoc vit htm nascitur. Non potest esse superbus qui
f'atuus non sit ; stultitia plenus est superbus ( Homil. ad pop.).
L'humilité est la sagesse de l'âme , l'orgueil en est la folie ; car
l'humilité repose sur la vérité; l'orgueil, lui, n'est que vanité, men-
songe , erreur
Pourquoi s'enorgueillissent la terre et la cendre? dit l'Ecclésiasti-
que: Quid superbit terra et cinis? (x. 9.) 0 homme, terre et cendre,
pourquoi t'enorgueillis-tu, dit saint Bernard , toi dont la conception
est une faute, la naissance une misère , la vie une peine et la mort
line angoisse; pourquoi est-tu pétri d'orgueil ? Quid superbis^ ierru e*
454 oa«rm.
cinis , cujus conceptvs culpa , nascimiseria , vfverepœna, morî angwtià?
(Serai. inCant.)
L'orgneilleut La réprimande, qui rend meilleurs les humble, est intolérable aux
êtrSrÏÏf orgueilleux , dit saint Cyrille : Redargutio quœ mansuetôê transfert in
melius , superbis intoltrabiU tolei b.n. A).
Combien est misérable la conscience qui, blâmée par la parole de
Dieu, se persuui eeoaik un aifron . dit la vénérable Bède
( Collcct. ).
Seigneur, dit le Psnlmiste, ne lairsez pi> mon cœur se tourner
vers les paroles de malice , afin de trouver lèse touses < mes péchés:
Non déclines cor meum in verba maliii>e, ad excmanda» excmationes in
'peccalis (cxl. 4).
Vovez l'orgueilleux ; on a droit de le reprendre , il le mérite. Que
de plaintes il fait entendre, que d'excuses il apporte, que de fausses
raisons il allègue! On ne me connaît pas...; on invente...; on,
exagère...; on n'a point de charité...; on est plein de fiel De quoi
se mèle-t-on?... Je sais me conduire... ; je ne fais point de. mal...
L'orgueilleux ne veut jamais avoir tort Touchez les monta-
gnes volcaniques , et elles fumeront , dit le Prophète royal : Tange
montes, et fumigabunt (cxliii. 5). Chez les orgueilleux, dont ces
montagnes sont l'emblème, il y a fumée noire, grondements sourds,
coups de tonnerre. Il s'en échappe des laves de Sarcasmes , d'ironies
tantes et d'injures qui oeuvrerai l'homme charitable, aussitôt
il se permet de les avertir et de chercher à les ramener
Comme la désobéissance a l'orgueil pour racine, les désobéissants
outume de prêter l'oreille à celui qui fait ressortir l'énormité
ur faute, mais non pas de la réparer en la confessant hnmble-
l paraître très-grands, ils ne s'occupent point de I
voir leurs chutes. En conséquence, tandis qu'ils mettent en avant
ils pré tendent avoir eu raison au fond, car ils rougis-
fc-cif. de paraître pécheurs (1).
Parlant de la chute. d'Adam causée par l'orgueil, ot do IVmise
que . t; •■• premierpère a présentée à Dieu, excuse inspire aussi par
l'orgueil , saint Bernard montre combien l'apologie du mal est grave,
(1) Quia pt radicp niperbisc, ipsa rulpn innnrdirntire nascitur, «oient inobedien'cs
re.itns s ii i mi fnitndinem audire, sed non humiliter co i ?
sulilimcs videri appetunt, lapstu suoa ostead re dedignantur. Et id.'o, du m
■ationes prol'erunt , justitiaiu frœteadunt, quia apparere peccatorei cru!'
( Moral. ).
ORGUEIL. 4o5
et combien Dieu la déteste. On croit, dit-il, que cette antique et s.
fameuse et si nuisible prévarication eût trouvé facilement indul-
gence, si un humble aveu et non une apologie l'eût suivie. Car,
bien que faite après délibération, la transgression n'a pas autant nui
que l'obstination avec laquelle une excuse préméditée lui a étt'
adjointe (1).
L'orgueilleux ressemble au hérisson. Voyez courir ce quadrupède
von? apercevez ses pattes, ses oreilles, son museau; mais si vous
l'a prêchez, si vous voulez le saisir, ce n'est plus qu'une boule
hérissée de pointes qui vous ensanglantent les mains. De quelque
manière, par quelque côté que vous preniez l'orgueilleux, c'est ur
hérisson qui picmeet qui blesse
Mis au-dessus de toutes les créatures lors de sa création, le d4mr>n, Différence
notre mortel ennemi, dit saint Grégoire, voulut, plein d'orgueil , et l'bumiiite.
qu'on le considérât comme supérieur à tout. Au contraire, notre
Rédempteur, si grand et qui est infiniment au-dessus de tout, a dai-
gné se faire petit en tout. L'auteur de la mort dit : Je monterai
au ciel; l'auteur de la vie dit : Mon âme est remplie de misères, elle
en est comme anéantie. Satan dit : Je placerai mon trône par dtlà
les astres du ciel; J. G. dit au genre humain : Voici que je viens pour
habiter au milieu des hommes. Satan dit : Je m'assiérai sur la
montagne de l'alliance, à côté de l'aquilon; J. C. dit : Je suis un
ver, et non un homme , je suis l'opprobre des hommes et l'abjection
du peuple. Satan dit : Je monterai sur la hauteur des nuées, et je
serai semblable au Très-Haut; et J. C. s'est anéanti en prenant la
l'orme d'esclave (Lib. XXXIV Moral, c. xxi).
Le péché avec l'humilité est moins mauvais que l'innocence avec enormiu
l'< >rgueil, dit saint Optât, évêque de Milève ( Contra Parmen. ). ',(i l'or?uei1-
Tout orgueilleux se met au-dessus de Dieu, dit saint Bernard ;
Dieu veut qu'on fasse sa volonté , et l'orgueilleux veut qu'on fasse la
sienne : Omnis superbus extollitur supra Deum : vv.lt Leus fieri volunta-
tem suam; sapo-bus vult fieri suam (Serai, iv in Vigil. nativ. ). Celui
qui s'efforce de faire tourner vos dons à sa gloire et non à la vôt-e
(1) Antiqna illa tam nota et tain noxia prœvaricatio , facile, ut creditur, indui-
gentiam consequeretur, dummodo confetfyo, et non defensio sequeretur. Neque euin
tanluui nocuit , qu&mvis ex deliberatione transgressio , quanl JJfiaaju
tioniscum prameditatione ob.-tiuatio ( Tract, de Prœcepto et Dispensât,).
48t$ ORôtfm.
ô Seigneur, est un voleur et un larron, dit saint Augustin; il est
semblable au démon qui a voulu voler votre gloire (1).
J'ose dire, ajoute le même Père, j'ose dire aux orgueilleux demeu-
rés chastes, qu'il est avantageux pour eux de tomber. J'ose dire aux
ovirueilleux qu'il leur est utile de tomber dans quelque faute ouverte
et manifeste, qui les porte à se déplaire , eux gui sont tombés en se
complaisant en eux-mêmes (2).
D'après ce saint docteur, Dieu aurait permis aux barbares , qui
venaient de ravager Rome et d'autres villes , de violer des vierges
chrétiennes , ou parce qu'elles étaient orgueilleuses ; ou parce qu'il
y avait danger qu'elles ne tombassent dans l'orgueil, en devenant
vaines de leur chasteté {De Civit } lib. I, c. xxvm).
Le Prophète royal disait donc avec raison : Seigneur, préser-
vez-moi de la venue de l'orgueil : Non veniat mihi pes superbiœ
( xxxv. 12).
Quel qu'il soit, l'homme hautain est en abomination au Seigneur,
disent les Proverbes : Abominatio Dornini est omnis arrogans (xvi. 5).
La raison en est que l'orgueilleux est l'émule et l'antagoniste de Dieu ;
nouveau Lucifer, il veut s'égaler à lui, et mettre sa propre volonté
à la place de celle du Tout-Puissant.
L'orgueil est un grand mal, car il attaque Dieu comme par des
reproches et des moqueries ; il le soufflette, il le couvre de crachats .
il le provoque au combat malgré lui
Le crime de l'orgueil est très-grand, dit saint Chrysostome; il vaut
mieux être fou qu'orgueilleux ; la folie n'est que l'empêchement de
l'action de l'âme, tandis que l'orgueil est une folie volontaire. Le fou
garde pour lui seul son malheur; mais l'orgueilleux fait le malheur
des autres ( Homil. xxxix ad pop. ).
L'orgueil fait sa propre volonté; l'humilité fait la volonté de Dieu,'
dit saint Augustin : Superbia facit voluntatem suam, humilitas facit
voluntalcm Dei (De Civit.).
L'orgueil de l'homme débute par apostasier Dieu, dit l'Ecclésias-
tique; en effet, le cœur de l'orgueilleux se retire loin de celui qui ! a
fait, et l'orgueil est le commencement de tout péché : lnitium superbiœ
latro, ct budiIu est diabolo, qui volait rarari floriam tuara (De Civit]
J?„n ,de°i,IiCm' STCrl:iS conlU,wUbu8. «Peflit cadere. Audeo dicere , superbi,
au. fua Mb; piacendo cecidcrapt U> t.. «'-pucex.it.
ORGUEIL. 457
homir.is, apostatare a Deo: quoniam ab eo, qui fecit iîlum , récessif cor
ejus : quoniam initium omnis peccati est supe?,bia (x. 1-4-15).
Aussi Dieu , dit l'apôtre saint Jacques , résiste aux superbes : Deu*
superbis resistit (rv. 6).
Le commencement de tout péché est l'orgueil, dit l'Ecclésiastique : j^f^ua
Initium omnis peccati est superbia ( x. 15). cause de lous
ês m*nix
L'orgueil est la source de tous les maux, dit saint Chrysostome :
Superbia omnium malorum fons est (Homil. xv in Matth.). Par l'or-
gueil on secoue le joug et la loi de Dieu L'orgueil les a saisis; ils
sont couverts d'iniquité et d'impiété , dit le Psalmiste : Tenuit eos
superbia ; operti sunt iniquitate et impietate (lxxii. 6). Avant que je
n'eusse été humilié, je n'ai cessé de pécher , dit-il ailleurs : Prius-
quam humiliarer , ego deliqui ( cxvni. 67).
L'humilité, dit saint Bernard, rend les hommes semblables aux
anges, et des anges l'orgueil fait des démons. L'orgueil, comme je le
démontrerai, est le commencement, la fin et la cause de tous les
péchés; car non-seulement l'orgueil, pris en lui-même, est un
péché , mais aucun péché n'a pu, ne peut et ne pourra exister sans
l'orgueil (1).
Aussi Tobie disait-il à son fils : Ne laissez jamais l'orgueil domi-
ner dans vos pensées ou dans vos paroles; car c'est par l'orgueil que
commence toute perdition : Superbiam nunquam in tuo sensu, aut in
tuo verbo, dominari permittas : in ipsa enim initium sumpsiû omnis per-
ditio (iv. 14).
11 n'y a point de péché sans orgueil, dit saint Prosper ; car qui-
conque pèche, se préfère et préfère son appétit à Dieu et à sa loi , ce
qui est véritable orgueil (De Vit. contempl. , c. xxv).
L'orgueil est le commencement de tout péché, dit saint Chryso-
stome. De l'orgueil naît le mépris des pauvres, la convoitise de l'ar-
gent, l'amour de la domination, le désir de la gloire. L'orgueilleux
ne peut supporter aucune épreuve de quelque part qu'elle vienne,
soit de ses supérieurs, soit de ses inférieurs [Homil. ad pop. ).
Comme la racine des arbres est cachée, mais nourrit le tronc et
les branches , ainsi, dit saint Grégoire , l'orgueil se cache au fond du
cœur et alimente des vices manifestes et nombreux. 11 n'y aurait
(1) Humilitas homines simile angelis facit ; et superbia ex angelis daemones^ facit.
Et ut evidenter ostendam, ipsa omnium peccatorum initium, finis et causa : qu a
non solum peccatum est ipsa superbia. sed etiam nullum peccatum potuit,aut pottst
dut poterit esse sine superbia ( Epist.)<
4!58 ORGUEIL.
aucun péché* public, si l'orgueil ne possédait l'âme en secret
[ Moral., \\b. XXXIV, c. xvn).
L'orgueil produit les disputes, les dissensions, les haines, les
médisances , les calomnies, les procès, les guerre?, les schismes, les
hérésies, etc L'humilité, au contraire, est la mère de la paix, de
la concorde, de l'union, de la charité, etc
On ne tombe dans le mal que par orgueil, par orgueil secret du
moins Pour n'avoir pas voulu se faire les disciples de la vérité ,
les orgueilleux, dit saint Augustin, sont devenus dos maîtres
d'erreur : Superbi magistri erroris existant , quiaveritatis discipuli esse
noluemint (De Pelag.).
L'orgueil précède les impies, en portant une torche devant eux;
afin de les conduire au crime
L'orgueil est le père de tous les maux et de toutes les maladies;
car les unes et les autres viennent du péché. Il n'y a pas de péché
sans l'orgueil , car le péché n'est autre chose qu'une révolte contro
Dieu, que le mépris de sa loi; or, la rébellion et le mépris viennent
directement de l'orgueil L'orgueil est. le péché de Lucil'er ,
d'Adam, etc
Comme l'orgueil , dit saint Bernard , est le principe de tous les
crimes; il est aussi la ruine de toutes les vertus. L'orgueil est le pre-
mier dans la voie du péché, et le dernier dans celle du repentir (I).
La superbe (8) est la bjum îles vices, dit saint Grégoire : Vitiorum
regina superbia (Lih. III Moral., c. xvtii).
Saint Bernard dit énergiquement : La superbe a conçu la dou-
leur dans le ciel, et elle a enfanté l'iniquité <Uins le paradis terrestre;
la douleur, tille du péché ; l'iniquité, mère de la mort et de toutes les
calamités : In cœlo concept t dolorem, et inparadisopeperit iniquitatem,
prolemmalitiœ, mat rem mortis et œrumnarnm omnium, prima parents
superbi a (Serm. xvn in Gant.).
(1) Superbia, ricut ori^o est omnium rriminum , ita est ruina omni m virtut-.T,,
Ipsa enim in peccato prima, ipsa in coniuctu postrema (Tract, de inter.Qomo.
C. XLl).
Nous nous srniivn de ■ mot dans la traduction d« qu'-lqnes passades {les
iVn's afin île demeurer fidèles à l'image qu'ils ont voulu produire, Au reste , quoi-
que vieilli, de terme n'esl point deve lu étranger à notre langue, qui s'appauvrirait et
le pi'iïlant. En ell'et, (M • B if plus qu'. ! I ■(■ uperli" emporte.
avec elle une idée de faste, d'arrogance, de dédain , d'insolence. L'orgueilleux est
pkuu de lui-même , le superbe en esl b >uffi. L'abbé Roubaud regrette que ce mot
nesoit.pas plus employé, a II plaisait tant à l'ore: lit-il, il renchérit
si visiblement stlr celui d'orgweiJ? il imprime ire re si dislinctif, cjuâ
la langue séttibld le réclamer cdi . ,r, présent,
C e-t au il, ■ . :hlc
ORGUEIL. 4"! 3
Comme l'orgueil est le principe de tous les péchés , ainsi l'humi-
lité est la source de toutes les vertus, dit saint Ghrysostome (Ilomil
ad pop. ).
L'orgueil est 1° le péché des démons...; 2* un péché dont on ne s^
corrige presque jamais...; 3° un péché source de tous les désor-
dres...; 4° il est la cause des hérésies
Le seul orgueil s'élève contre toutes les vertus, dit saint Bernard;
comme un venin général, il les corrompt toutes : Sola superbia con-
tra cunctas animi virtutes se erigit, et quasi gener'alis et pestifer morbus
ontnes corrumpit (Serm. xvn in Cant. ).
L'orgueil engendre surtout la curiosité, la jactance, l'hypocrisie.
les querelles, l'entêtement, la discorde et la haine
Saint Chrysostome compare l'orgueil aux tempêtes de la mer. Ce
crime, dit-il, aveugle l'esprit; il n'est point de mal qui l'égale; il fait
de 1 homme un démon, un insulteur, un blasphémateur, un par-
jure : Exœcat mentis intuitum, nullum malum par elationi, hominem
reddit dœnwem, contumeliatorem, blasphemum, perjurum (Homil.
ad pop.).
L'orgueil, dit saint Grégoire, empêche de juger avec équité. Il fait
élever la voix; il inspire un silence amer, une gaieté dissolue , une
tristesse furieuse , des actes impudents , une démarche altière , des
réponses aigres. Lame des orgueilleux est toujours forte pour infli-
ger un affront et faible pour le supporter; elle est paresseuse à
obéir, importune à harceler autrui, lente à faire ce qu'elle doit, et
prête à fane ce qu'elle ne doit pas. Aucune exhortation ne peut l'in-
cliner vers ce dont elle ne se soucie pas, et au contraire elle cherche
à être contrainte de faire ce quelle désire (1).
Quiconque pèche est un orgueilleux, dit saint Isidore; car en
péchant il méprise les divins préceptes. Les orgueilleux se nourrissent
d e vent. L'orgueil est le plus grand de tous les crimes ; il cause la
niort de l'âme, tant en détruisant toutes les vertus, qu'en engen-
di a:.t tous les vices ( Epist. de forma bene vivendi).
A/orgueil est partout, il se mêle à tout : on doit le craindre même
dar.'S les bonnes actions, dit saint Augustin : Superbia etiam in recie
foctiS tunmdu est (Jn Médit. ). C'est un poison qui corrompt les
(1) Judicii sequitatem perdit. Clamorio locutione, amaritudo in silcntio, dissolutio
in hihwdale, furor in tmtitia, inhouestas in actione. , erectio in incessa , raneor in
• usioue; horuin mens scfnper est ad irrogandas contumelias valida, ad lolerau-
«las infirma, ad obediendum pigra, ad lacessandos alios importuna, ad ea quœ facere
débet, igwava; ad ea auleui quai t'acere hou débet patata: quod non appétit , nulla
exhoitatio.iie ilectitur; quod desiderat, quairit UtCOgatOf ' Lib. Moral.).
160 ORGUEIL.
prières, les confessions, les communions, le chant, le talent , la
beauté, l'esprit, l'âme, le cœur, etc. Mal suprême, il change en
mal le bien même
Il y a l'orgueil du cœur, dit saint Bernard, l'orgueil de la langue,
l'orgueil des œuvres, l'orgueil des manières et du vêtement : Est
superbia cordis, superbia oris, superbia operis, superbia habitas (Serai,
in Cant. ).
Rien ne rend l'homme plus étranger à l'amour divin, dit saint
Chrysostome, rien ne le précipite aussi facilement dans l'enfer, que
la folie de l'orgueil. Ce vice souille toute notre vie, quelque remar-
quable qu'elle soit par la pudeur, la virginité', le jeûne, les prières,
l'aumône, enfin par la vertu (1).
L'orgueil est répandu sur toute la face de la terre; il se trouve
dans le cœur de presque tous les hommes Comme c'est ce vice
qui a perdu les mauvais anges, ils s'en servent de préférence, pour
perdre la race humaine
L'orgueil, dit le pape Innocent III, a renversé la tour de Babel , a
confondu les langues , a défait Goliath, a dressé le gibet d'Aman, a
fait mourir Nicanor, a frappé Antiochus, a submergé Pharaon, a tué
Sennachérib. Hélas! d'où vient ce faste de l'homme; de l'homme
dont la vie se déroule sous le coup qui lui impose le travail comme
un châtiment; de l'homme que rend au repos la nécessité de
mourir, châtiment plus grand encore; de l'homme dont l'exis-
tence compte à peine un instant, et pour lequel la vie est un nau-
frage et le monde un exil; de l'homme, enfin, que la mort ou saisit,
ou menace de saisir (2).
C'est l'orgueil qui a poussé les anges à se révolter dans le ciel; c'est
l'orgueil qui en a fait des démons ; c'est lui qui a creusé' l'enfer , et
qui les y a précipités; c'est lui qui a changé en supplices éter-
nels les délices dont ils devaient jouir
C'est l'orgueil qui l'ait tomber Adam; c'est lui qui l'a chasse du
séjour du bonheur et qui l'a livré au travail, aux soucis, au chagrin,'
(1) Nihil tam alienum a divino ainorc hominem reddit, nihil tam facile in gehf;n-
nam intrudit , quain raperbis utsanià; sub qua oinnis noslra vita immunda rjst,
quaiii vis pudicitia, virgioitate, jejanio , oralionibus, eleemosyna; quamvis dc;n iqne.
virtiite prestemos Homil. ad pop. ).
(2) Superbia turrim Babel avertit, linguam confudit, prostravit Goliath , snsjiendit
Aman, internait Nicanorem , peremit Antiochum , Pharaonein submenit, Sentit'
rlierib interemit. Beu! undfi iste hominis fastus? cujus vilam laboriosa devolTil
pœnalitas, CUjtu pSBntlUttem pœnalior nmrtis concludit neces.-it.is ; - i esse raomen-
timi , mi.i naufragiuin , mondai exilium est; cui mors, aut ir.slat, an» minatur
•nstantiam fL>l>. I île Yilit. hovànit)
ORGUEIL. 461
à la nudité, à l'aveuglement, aux douleurs, aux maladies, à la
mort et à la pourriture
Qu'y a-t-il de plus détestable et déplus digne de sévères châtiments, L'orgueil est
u -ii >m i i • ^i i) tv • > „t. uu vice detes-
que 1 orgueilleux s élevant sur la terre, a la vue d un Dieu qui s est lal)le#
fait homme ! C'est une intolérable impudence que là où s'est
anéantie la suprême majesté , un petit ver s'enfle et s'enor-
gueillisse! Intolerabilis impudent ia est, ut vbi se exinanivit maj estas,
vermiculus infletur et intumescat ( Serm. i de Nativ. ).
Tous les deux, c'est-à-dire le démon et l'homme, ont désiré avec
ardeur la grandeur ; celui-là de la puissance, celui-ci de la science,
dit le même Père : Ambo, sciticet diaboluset horno, affectarunt altitudi-
nem; Me potentiœ, iste scient iœ (Ut supra). Le démon a trouvé la
suprême dégradation , et l'homme la suprême ignorance
Seigneur, dit l'Ecriture, dès le commencement les superbes voub
ont déplu : Nec superbi ab initio placuerunt tibi (Judith, ix. 16).
L'orgueilleux méprise souverainement les autres ; il les tourne en
ridicule , il les insulte, il s'élève au-dessus d'eux par le mépris et le
sarcasme. Malheur à vous qui méprisez ! dit le Seigneur; ne serez-
vous pas méprisés à votre tour? Vœ qui spernis ! nonne et tu sperne-
ris? ( Isai. xxxm. 1.) L'orgueilleux se prépare donc le mépris et ici:
humiliations.
L orgueilleux est méprisé de tout 3e monde ; chacun le craint, lf
fuit ef le maudit. Dieu le déteste; le ciel, la terre, l'enfer, les angeC
les ho'iimes et les démons le détestent également.
Il y a toujours des débats parmi les orgueilleux, disent les Pro-
verbes : Inter superbos semper jurgia sunt (xm. 10). Voilà pourquoi
nous voyons parmi les hérétiques autant de sectes et d'opinions
différentes qae d'individus Les orgueilleux se haïssent les ims
.es autres Rien n'est sacré pour les orgueilleux; mais ils préten-
dent être sacrés eux-mêmes. 0 conduite souverainement injuste J
détestable !...
L'orgueil est le chemin de l'ignominie Lorsque l'orgueil morûù
et croit, l'homme décroit et descend jusque dans la boue
Dieu et les hommes ont en horreur l'orgueil, dit l'Ecriture : Odi-
bilis coram Deo est et hominibus superbia (Eccli. X. 7).
Parler avec dédain et arrogance, et agir par orgueil, c'est se rendre
semblable au démon, dit saint Basile : Fastidio et arrogantiaejuri,
et lutuimuusse gerere, est diabolo similem se facere (In Psal.).
465 oRGrm.
Dieu humilie Seignecb, dit le Psalmiste, il est bon que vous m'ayez humilié:
: «rffueiUeux. Bonum mihi, quia humiliasti me (cxvm. 71 ).
Voyez quelles armées Dieu lève et lance contre les orgueilleux
Egyptiens, pour combattre en faveur d'Isarël et remporter la vic-
toire ! ce sont des grenouilles, des sauterelles, des moucherons. Le
roi Pharaon. si puisant et si fort, est vaincu par une sauterelle. Lui
qui avait osé lever son Iront contre Dieu, est forcé de le baisser bous
Un moucheron
Les humiliations de la chair accompagnent toujours l'orgueil de.
l'esprit Dieu change en bête l'orgueilleux Nabuchodonosor, qui
se glorifie dans sa grande ville de Babylone. Dieu abat le dédaigneux
Balthasar, fils de Nabuchodonosor ; il ne se sert pour l'humilier et le
laire pâlir que d'une main, et même que de l'ombre d une ma m
(Daniel, v). L'arrogant Antiochus est dévoré vivant par des vers.....
Fier de ses forces, plein de son importance superbe, Goliath,
dit saint Augustin, commence par placer en lui seul la victohv de
tout son parti. Et parce que tout orgueil a l'impudence du front, il
reçut une pierre au milieu même du front et fut terrassé. Le Iront
qui avait l'impudence de son orgueil a élé brisé ; et le front qui a\ ait
l'humilité de la croix du Christ est demeuré vainqueur (1).
Seigneur, dit Judith, vous n'abandonnez pas ceux qui se confient
en vous; mais vous humiliez ceux qui se confient en eux-mêmes, et
qui se glorifient de leur force : Non derelmquis prœsumenles de te: et
prœsumentes de se, et de sua virtute glorùm/c>s, humilias (vi. 15).
L'orgueilleux Aman est humilié jusqu'à mourir sur une* potence
haute de cinquante coudées, élevée par lui pour y pendre l'humble
Mardochée. Voyez comment cet orgueilleux est humilié; Irrité de ce
que Mardochée ne fléchissait pas le genou devant lui, blessé de cet
affront prétendu, il jure la mort des Juifs et fait dresser une potence
pour Mardochée. Mais tout àcoup les ch< «ôsi 'diangentd'une manière
frappante : Mardochée, destiné à une mort ignominieuse, est revêtu
du manteau royal par Aman lui-même, son mortel ennemi, qui se
trouve contraint «l'agir ainsi. Les douleurs les plus vives, les humi-
liations les plus amèresetles plus accablantes fondent sur l'àrfègfent
favori d'Assuérus : car, 1° l'honneur immense qu'il s'était préparé
(1) Goliath de viribus suis superbus, elatus, inflatus , primo totam victoriam uni-
vers* partis suœ in se uno constituit. Et quia orauis Buperbia habei impucU»Uam
frontis, in ipsà frttote, lapide vebiénte, dejectus est. Evacuata estfronsquœ babebat
tmpudeptUa superbiai suœ; «t vicit frous quae habebat humilitatem crue» Chri»t|
{tiomil. xu i j.
ORGUEIL. 403
dans son cœnr superbe, lai est enlevé ; 2° cet honneur est accordé à
l'humble Mardochée; 3° c'est Aman lui-même qui est l'instrument
du triomphe de Mardochée; 4° lui qui auparavant se faisait adorer
par tous les Perses comme un Dieu, n'est plus que l'écuyer, le héraut
d'un vil juif qu'il déteste; 5° ces affronts, ces humiliations fou-
droyantes et inattendues tombent soudain et toutes à la fois sur lui,
car le Très-Haut terrasse et brise les superbes ; 6° Aman est con-
damné à être pendu au même gibet qu'il avait fait dresser pour
Mardochée (Lib. Esther).
Dieu, dit la très-sainte Vierge, a déployé la force de son bras; iï
a dispersé les superbes. Il a renversé de leur trône les puissants, et
il a élevé les petits : Fecit potentiam in brachio suo : dispersa super-
bos Déposait potentos de sede, et exaltavit humiles (Luc. i. 51. 52).
Dieu, dit l'apotre saint Jacques , résiste aux superbes, et il donne
6a grâce aux humbles : Deus superbis resistit, hurnilibus autem dot
graliam ( iv. 6 ).
Quiconque s'élève sera abaissé, dit J. G., et celui qui s'abaisse sera
élevé : Uiuïiis qui se exaltât huouluibitur , et qui se humiliât exaltabi-
tur (Luc. xyiil. 14).
Partout où entre l'orgueil , l'ignominie suit de près , disent les
Proverbes : (Jbi fuerit superbia, ibi erit et contumelia (xi. 2). L'arro-
gance précède l'humiliation , et l'orgueil , la ruine , disent encore
les Proverbes : Contrit ionem prœcedit superbia, et ante ruinant exalta-
tur spiritus (xvi. 18).
En pleurant et en s'humiliant, Pierre, dit saint Augustin, se con-
damnait et se sauvait; quand, satisfait de lui-même , il se fia à ses
propres forces, il se perdit (In Psal. xxxvn ). C'est la pensée qu'expri-
mait le Psalmiste quand il s'écriait : Seigneur , couvrez-les d'ignomi-
nie, et ils chercheront votre nom : Impie faciès eorum ignoiiiinia ? et
quœrent nomen tuum, Domine ( lxxxii. 17 ).
Que l'orgueil de l'impie , dit Job , s'élève jusqu'aux cieux; que sa
tète touche les nues : il n'en finira pas moins par périr comme un
objet souillé, et ceux qui l'avaient vu diront : Où est-il? S/ ■'■•co-
dent usque ad cœlos superbia ejus , et caput ejus nubes tetigerit : qunsi
sterquilinium in fine perdetur; et qui eum videront , dicent : (Jbi est?
( xx. 6. T. ) Les orgueilleux s'élèvent pour un peu de temps , dit
encore Job, mais ils ne subsisteront pas; ils seront renversés, ils
seront foulés comme des épis murs: Elevati sunt , et non subsi-
stent, et humiliabuntur , et auferentur, et sicut summitates spi *um
conlerentur (xxiv. 24).
464 ORGUEIL
Voilà comment Dieu traite les superbes.
Châtiments rES humiliations que Dieu fait pleuvoir sur les orgueilleux sont
infligés
& l'orgueil, déjà un terrible châtiment; mais il leur en réserve d'autres , dans les
trésors de sa colère.
4° Dieu se détourne de l'orgueilleux. L'homme, dit le Psalmiste,
montera au faîte de son cœur : Dieu s'élèvera davantage : Accedet
homo ad cor altum: et exaltabitur Deus ( LXin. 7. 8). Du haut de son
trône, le Seigneur regarde les humbles; il rejette loin de lui les
superbes : Excelsus Dominus, et humilia respicit: et alla a longe cognoscit
(Psal. cxxxvn. 6).
2" Dieu résiste à l'orgueilleux et le combat
3° Un Dieu vengeur s'attache aux pas de l'orgueilleux, dit Sénè-
que : Sequitur superbos ultor a tercjo Deus ( In Hercule).
4° Dieu châtie l'orgueilleux en le livrant à lui-môme. Méprisé et
détesté par les autres, l'orgueilleux s'afflige du mépris qu'on fait de
lui; il s'en offense, il en est torturé. Si vous êtes orgueilleux, dit saint
Augustin , vous serez puni et abattu. Dieu ne manque pas de poids
qui vous fasse descendre. Ce poids sera celui de vos pécbés ; il vous
les jettera à la face, et vous serez anéanti {HomiL). L'orgueil est un
bourreau qui persécute les orgueilleux
5° Dieu a renversé le trône où voulaient s'asseoir les superbes , dit
l'Ecclésiastique : Sedes superborum destruxit Deus (x. 47). Lucifer
et ses anges, Adam, etc., altestent cette vérité Dieu a fait
sécher les nations superbes jusqu'à la racine, dit encore l'Ecclésias-
tique : Radiées gentium superbarum arefecit Deus (x. 48). Ainsi,
Dieu a chassé de la terre sainte et a complètement détruit sept
nations de Chananéens, à cause de leur orgueil, et il les a rem-
placés par le peuple hébreu. Ainsi, Dieu a enlevé toute foi,
toute grâce et toute gloire aux Juifs orgueilleux, qui repoussaient
J. G. humilié
6° Dieu a effacé le souvenir des superbes , dit l'Ecclésiastique:
tfllemoriarii superborum perdidit Deus (x. 21 ). Tous les orgueilleux
seront comme la paille, dit le prophète Malachie; et l'avenir les
saisira comme la llanime , ot il ne leur laissera ni germe , ni racine :
Erunt omnes superbi stipula : et infiammabit eos dies veniem , quœ non
derelinquel gtg rudice>n et germen ( îv. 1 ).
7° Si Dieu n'a pas épargné les anges orgueilleux, dit saint Ber-
nard, combien moins vous épargnera-t-il, vous qui êtes poussière et
Termisseauî L'ange n'a pas agi, il n'a en qu'une prns'.'o 'l'orgueil;
ORGUEIL. *65
et on un instant , en un clin d'oeil , il a été précipité sans
retour. Fuyez l'orgueil, frères, je vous en conjure; myez-le de
toute? vos forces, cet orgueil qui a si promptement plongé dans les
res Lucifer, plus brillant que tous les astres; cet orgueil qui a
changé un ange, et le premier de tous les anges, en démon ( Serm. i
de Adventu).
8° L'orgueil a produit la mort. L'homme, dit saint Augustin,
avait été lait immortel; il a voulu être Dieu; il n'a pas perdu la
qualité d'homme, mais il a perdu l'immortalité; par suite de
l'orgueil de sa désobéissance, il a été condamné aux maladies, à
toutes les souffrances, et à la mort. Ainsi la mort introduite sur la
terre par l'orgueil, est elle-même le châtiment de l'orgueil
(Sentent, cglx ).
9° Voulant le plus grand bien de tous les hommes, Dieu tout-puis-
sant et souverainement bon , dit Raban-Maur . a été forcé , en quel-
que sorte, de placer sous la domination des anges orgueilleux les
hommes superbes; afin que , persécutés par eux, ils apprissent la
différence infinie qui existe entra le servira de Dieu et celui du démon
(De Adept. virtut. ).
L'orgueilleux qui refuse de se soumettre à Dieu, devient l'esclave
de Satan , des convoitises de la chair et de toutes les passions; ce qui
est un effroyable châtiment
10° L'orgueil tarit la source des grâces. Seigneur, dit le Psalmiste,
vous envoyez des fontaines dans les vallons; leurs eaux couleront
entre les montagnes: Emittis fontes in convallibus , intër médium
montium pertransibunt oquœ (cm. 10). Ces vallons arrosés sont les
humbles qui reçoivent les grâces du ciel , et les montagnes qui ne
profitent pas des eaux, signifient les orgueilleux, devenus semblables
à des rochers desséchés et arides
Cum plena fuissent vosa, stetit oleum : Les vases étant pleins,
l'huile s'arrêta (Lib. IV Reg. iv. b). L'orgueilleux, plein de lui-
même, ne laisse aucune place à la grâce La privation de la
grâce est une preuve de l'existence de l'orgueil , comme L'abon-
dance des grâces est une preuve de l'existence de l'humilité.
Si donc vous êtes privé de la grâce et des dons de Dieu, sachez-
le, c'est que vous êtes orgueilleux. L'orgueil dissipe toutes les
grâces. Or, il n'y a pas de pire punition que d'être privé de la
grâce
•Il" L'oi g; eil attire tous les châtiments : l'aveuglement spirituel,
l 'endurcissement du cœur, l'impénitence finale, une mort funeste,
in. ao
466 ORGUEIL.
un jugement form i fiable , une condamnation I
éternel
De tous les péché? , celui que Dieu déleste et punit le
ment, c neil. Dieu seul est grand , et tout or atta-
quant cette grandeur n'obtient presque jamais miséricorde.
dlement les chutes de faiblesse ; mais a\ec dif-
ficulté les chutes d'orgueil
nvertement, dit saint Grégoire,
est la marque la plus évidente de la réprobation, et l'humil
signe des prédestinés. Apen "imus, quod évident issimum repro-
borum signum est superbia : e contra , humùitas , electorum (M<
lib.XXXJV, q. xtiii). Cette manière de voir est celle de tous les l
et de tous les théologiens; c'est l'enseignement de l'Eglise et cei
la sainte Ecriture
rs degrés fiy a sept degrés d'orgueil : 4° ne pas porterie- autres à nous re
01guu ' (1er comme peu de chose... ; 2° ne pas être satisfait de se voir mépri-
ser...; 3° no pas avouer qu'on mérite de l'être... ; 4° ne pas endurer
le mépris avec égalité d'humeur...; 5° ne pas supporter patiem-
ment un auront...; 0° s'irriter des humiliations...; 7° se refuser à
reconnaître qu'on n'a nulle valeur....
Motibque Voici neuf principaux motifs qui doivent nous engager à fuir
! on a fie se
erverde l'orgueil: 1° l'orgueil est odieux à Dieu et aux homrai
orguei . ^ cause d'injustices, Je rapines , de tro m i -
3° Fùt-il très-puissant, fùt-il môme roi. L'homme de sa natur
très-peu de chose -i° Ton; est très-peu de chose, âne
considérer même que la brièveté et la vanité de la vie ■>
mort, l'homme devient la pâture des vers 0° L
abandon que upus faisons de Dieu , 7" L'orgueilest
•e [ rii ci e . la racine tous i is
8° L'orgueilleux cesse en [uelque de Dieu,
pour devenir celle du démon,..; U° il s'attire une iouio de châti-
ments
n( Il est dit dans l'I ue David, march;
gjj sit dans un ! il il se servit
■ i es de
torrcnlc (I. Reg. xvn. 40), i i
cinq moyens par lesquels uous n iversons Goliath, c'est-à-dire
ORGUEIL. 467
l'orgueil : 1° la menace des peines...; 2° la promesse des récom-
penses...; 3" l'amour de Dieu...; 4° l'imitation des saints...;
5° l'oraison (Serm. super Missus est).
i, se connaître soi-même : voilà un remùle infailli-
ble contre l'orgue'!
11 faut pratiquer, autant qu'il est nous, la belle et sublime vertu
i Un 'l'orgueil
OFBtl DE DIEU.
%s
te de personne- dans le mon^ aux n lie? on peni a
"accablant et honteux reproche que saint J a l-
r sait aux Juifs aveu les : Tl y en a un au milieu de vous que
vous ne connaissez pas : Médius vestrum stetit quem vos 7iescitis
(Joann. i. 20).
La lumière, dit saint Jean parlant de J. C, luit dans les té lèbi
et le? ténèbres (c'est-à-dire le monde) ne l'ont point comprise : Lux
in tenebris lucet, et tenebrœ eam non comprehenderitnt (i. 5). 11 était
dans le monde, et le monde a e'té fait par lui, et le monde ne l'a
U : In mundo erat, et mundus yer ipsuin factus est , et mun-
eum non cognovit (Id. 1. 10).
J. C. se plaignait à son Père que le monde eût oublié Dieu : Père
juste, dit-il, le monde ne vous a point connu : Pater juste, mu
non te cognovit (Joann. xvn. 25 ).
Lorsque saint Paul se leva au milieu de l'Aréopage d s, il
dit : Athéniens j je vous vois en tout i jusqu'à
int et voyant vos simulacres , j'ai trouvé un autel
où il est écril : Au Dieu inconnu : Ignoto Deo (Act. xv;i. 22-27).
Hélas! combien y a-t-il aujour l'hui <!e pers unes dans le monde
pour ijai lJieu est inconnu ! Quelle innombrable multitude se pres-
autour d'un pareil autel, si tous ceux qui ont oublié Dieu s'y
réunissaient !...
Oh! que le Prophète royal a bien caractéri 'int le monde
en l'appelant une terre d' >ubli : Terra oblivionis! Vos merveilles,
Seigneur, dit-il, seront-elles connues dans les ténèbres, et votre jus-
ii dans la terre de l'oubli? Numquid i-ognoscenlur in tenebris mira*
bilia tua, ctjusliUa tua in terra oblivi ni. 13.)
L'oubli de Dieu dans le monde tient les parents, les enfants, l'ado
QCe, la jeunesse, I . viril, la vieillesse, les hommes et le?
. les riche- <t . p livres: on \<> rencontre da ls le négoce,
u .dais la famille, dans l'administra-
t .;.-, dans la Bociété. Partout on pourrait dresser l'autel
d'Athènes a\ec son inscription : Au utcu inconnu
OCBLI DE DTEÏÏ. 46^
Le Prophète royal découvre lui-môme la cause pour latpiell le dlfp"^:,..t
monde oublie Dieu : Le monde, dit-il , n'a pas voulu comprendre, volontaire,
de peur de faire le bien : Noluit intelligere ut bene ageret (xxxv. A). Ils
n'ont pas gardé l'alliance du Seigneur, dit-il ailleurs; ils n'ont pas
voulu marcher dans sa loi : Non custodierunt testamentum Dei, et in
lege ejus noluerunt ambulare(LXXVU. 10 ).
Tous, écrit saint Paul aux Romains, tous n'obéissent pas à l'Evan-
gile; car Isaïe dit : Seigneur, qui a cru à ce qu'il a ouï de nous? I\ 'on,
omnes obediunt Evangelio ; Isaias enim dicit : Domine , guis credidit
auditui nostro? (Rom. x. 46. )
Excusera-t-on cet oubli de Dieu en disant qu'on n'a pas été
instruit? Mais nous pouvons répondre avec le grand Apôtre ,
employant les paroles du Psalmiste : La voix des œuvres de Dieu a
retenti par toute la terre et jusqu'aux extrémités du mor.de : In
omnem terrant exivit sonus eorum, et in fines orbis terrœ verba eorum
(Rom. x. 18. — Psal. xvm. 5).
La première cause de l'oubli de Dieu, c'est la volonté perverse de Cause* de
l'homme, comme nous l'avons déjà dit de Dieu
La seconde cause, c'est l'ignorance. On ne connaît pas assez Dieu,
sa bonté, son amour et tous ses divins attributs
La troisième cause, c'est la corruption du cœur et l'amour du
monde.
La quatrième cause, c'est l'influence qu'exercent le scandale, le
inonde, ses erreurs, ses fausses maximes, sa morale complaisante,
et criminelle
La cinquième cause, c'est la perte de la foi.....
C'est un crime énorme d'oublier celui qu'on ne peut ignorer, dit Voxl
Tertullien : Hœc est summa delicti nolentîum recognoscere quem igno- un cri e.
rare non possunt (De Resurrect. ).
Tout parle de Dieu dan; l'univers, sur la terre et au ciel Tout
rappelle Dieu: le soleil, la Lune elles astres qui forment leur cor-
tège; les éléments, les éclairs et la foudre; la terre et ses produc-
tions j les animaux, les montagnes et les vallées, avec l'Océan, son
étendue et ses abimes Un seul être, le seul ici-bas qui ait été
créé à L'image dé Dieu et racheté de son sang, le seul qui se it capa-
ble de le connaître, de l'aimer et de le servir, l'oublie! Dieu est
visible en tout lieu par ses œuvr irables et sa providence; et
on ne ie voit p:^' Au Dieu inconnu: Ignoto Deo!
470 • OUBLT DE DIEU.
L'homme qui oublie le vrai Dieu pense pans ce??* èXtt (WêTix
étrangers qu'il s'est fait : l'avarice, l'ambition, l'impureté, l'or-
gueil, etc. Quel crime !...
L'oubli de \i£ ont oublié les bienfaits de Dieu, dit le Psalmlste, et les merveille
iTun'wîlne qu'il a manifestées : Obliti sunt benefactorum cjus, et mirabiluan tjv*
iLngratiiude. qil(l> 0^cndit eis [ixwu. \\). Ils oublièrent vite ses prodiges, et ne
supportèrent point ses conseils : Citô obliti Simtoperum ejus, et non
sustinuerunt consilium cjus ( cv. 13). Ils oublièrent le Dieu qui les a
sauvés , le Dieu qui a fait de grandes choyés, des dhoses a huirables
et terribles: Obliti sunt Deum qui salvaviù cas, qui fecit magnolia t
mirabilia, terribilia (cv. 21. 2-2).
Tu as abandonné le Dieu qui t'a engendré, tu as oublié le Dieu ton
créateur, dit l'Écriture : Ùeum qui te genuit, ripreliquiiti; et ohfifM
es Domini créât oris tui (Deuter. xxxil. 18).
S'adressant aux chrétiens infidèles : Vous avez irise1 mon joug, dit
le Seigneur par la bouche de Jérémie, vous avez rompu mes liens
d'amour, et vous avez dit : Je n'obéirai pas : Confregiilijugum meum.
dirupisti vincuia mea , et dixisti : Non serviam (n. 20). Je vous ai
dé comme une vigne choisie ; comment ètes-vous devenu |
i i une vigne étrangère, qiiî porte des fruits amers? Ego pla<
te vineam e'ectam : quomodo ergo conversa es inilii in pracum , vinpa
aliéna? (Id. ri. 21.)
Il n'y a pas de crime qui indique plus l'ingratitude que l'oubli de
Di Oublier son créateur, son rédeîtîpteur, son père, son ami,
lence , son guide, son bienfaiteur, son appui , sa vie : fut-il
i titude plus o lieuse? Né s'Odctiper que dés ennemis de
Dieu , que du monde, que de soi-même , n'est-ce pas porter l'in
titn I ' ' esl renouveler l'acte infâme par lequel
l'érèrent BarrabasàJ. G
J)iei n'es! pasdevanl les yeux du pécheur, dit te r : s.-.s
en tout temj s : Nt n est Deusin consjfctu ejv*
.
L'oubli de Dieu en ; de : i ,-■• e1 de \â
spirituelle ( ' \ ; la conçu ; el rie l/t Ann-
uités
Qmcon L, s'abandonn | s'en
.r..it de9 idoles Parlantdes rdsquiatte tèrem
à Ja chasteté de Suzanne, l'Ecriture dit: Ils bi
■
Dieu
OUBLI DE DIEU. 471
corrompus , ils troubleront leur raison, et ils détournèrent les yeux
afin de ne pas voir le ciel , et de ne point se souvenir des justes
jugements : Exarserunt in concupiscentiam : et everlerunt scnsum
twnm, et declinovcrunt oculos suos ut non vidèrent cœlum , neque recor-
darenturjudiciorumjustorum (Dan. xjii.8. 9).
Par l'oubli de Dieu, on s'éloigne de sa loi, dit ' Psalmiste : A
loge tua longe facti sunt(cxxm. 150). Le salut est loin des pécheurs,
parce qu'ils n'ont pas cherché vos ordonnances : Longe a peccatori'jux
s"hi$ , quiajustificaliones tuas non exquisierunt (Psal. cxviii. 155).
us avez oublié et abandonné le Seigneur votre Dieu, afin de
• des eaux fangeuses, les eaux du fleuve de Babylone, dit
i'e : Dercliauisti Dominwn Deum tuum, utbibas aquam turbidam
utôibas aquam fluminîs (Babylonis) (h. 17. 18).
Le démon , le mon le, la concupiscence, les passions, les vices,
tous les excès n'oublient pas celui qui oublie Dieu Il va d'erreur
en erreur, d'abîme en abime, jusqu'à ce qu'il s'arrête à jamais au
■os gouffres de l'enfer
Celui qui oublie Dieu, oublie le prochain et s'oublie soi-même :
i l'océan de tous les désordres , la mer où se pressent tous les
vices : Hoc mare magnum : illic reptilia quorum non est munerus
(Psal. cm. 25).
L'homme qui oublie Dieu, néglige de travailler à son saïut, et Malheurs ei
il l'expose. Car, dit saint Augustin , Dieu qui a promis le pardon à qUfsuivent
criai qui se repen t , n'a point promis le lendemain à celui qui diffère dr °rjbl1
convertir : Qui pœnitenti promisit indulgentiam ; dissimulanli ,
diem crastinam non spopondit (Lib. Confess. ).
Vous qui avez abandonné le Seigneur et oublié sa montaene
sainte , dit îsaïe, vous serez comptés et livrés au glaive : parce
je von i es, et que vousn'avez pas ré pondu ; j'ai parlé , et vous
prêté l'oreille ( lxv. 11 . 12). C'est pourquoi , voici ce que
neur : Vous aurez faim et vous aurez soif, et vous serez
confond ierez dans la douleur du cœur, et vous gémirez
c , hœc dicit Dominus Deus : E
et clamabitis prœ dolore cordis, et prœ contritione
. i3. 14).
J'oublierai ceux qui m'oublient, dit le ' par la bouche
r 'à le plus grand cl. aux pécheurs;
v. - e de leur impénitence et de leur réprobation. Dieu
Oubli ur, et très-justement, parce que lui-même oublie Dieu;
472 OUBLI DE LIEU.
c'est la peine du talion. Celui qui oublie Dieu méY:te que Dieu
l'oublie. Voulez -vous qu'il en soit autrement, voulez -vous que le
Seigneur se souvienne constamment de vous? ne l'oubliez pas;
ayez -le toujours présent devant vos yeux, à votre esprit et à
votre cœur
Comblé de faveurs, de préférences, heureux, riche, honoré, le
peuple juif perd, pour avoir oublié Dieu, toute cette gloire, tout ce
jionheur, tous ces privilèges et même sa patrie
Seigneur , dit Jérémie , tous ceux qui vous ont oublié seront con-
fondus; les noms de ceux qui s'éloignent de vous seront écrits sur
la poussière, parce qu'ils ont abandonné la source des eaux vives,
le Seigneur : Domine, omnes qui te derelinquunt , confundentur . recé-
dantes a te , in terra scribentur ; quoniam dereliquerunt venamaQiia'i&n
vivent ium Dominum (xvn. 13).
La mort de celui qui oublie Dieu est semblable à sa vie. En puni
tion de ce que ses années se sont écoulées dans l'oubli de Dieu , Dieu
l'oublie à la dernière heure; et lui-même ne se préoccupe point du
sort qui l'attend Il est juste , dit saint Augustin , il est juste que
celui qui a vécu dans l'oubli de Dieu, meure en s'oubliant lui-même :
Juste moriens obliviscitur sui, qui vivens oblitus est Dei ( Homil. ).
Je t'accuserai, pécheur, dit le Seigneur par la bouche du Psalmiste,
^e t'exposerai à tes propres yeux. Comprenez maintenant, vous qui
oubliez Dieu, de peur que je ne vous saisisse, et qu'il ne se trom i
sonne qui vous délivre : Arguant te, et statuam contra faciem tuam.
Intelligite hœc qui obliviscimini Deum : nequando rapiat, et non sit qui
triplât (xlix. 21. 22).
n font gémir Seigneur, dit le Prophète royal, l'ardeur de mon zèle me consume,
Dieu, et de le parce que mes ennemis ont oublié vos paroles : Tabescere me fecit
voir oublie. ze^m meus . qUia 0(jHti sunt verba tua inimici mei (cxviu. 130).
Comprenez, dit Jérémie, et voyez combien il est funeste et amer
l'avoir oublié et abandonné le Seigneur votre Dieu : Scito et vide,
quia malumet amarum est reliqidsse te Dominum Deum tuum (il. 19).
Avoir oublié Dieu, l'être par excellence, la source de tous les biens
et la grandeur même, quel aveuglement, quel malheur, que!
le larmes et de regrets! S'être attaché au néant!... Ah! que do
•notifs de se repentir et de déplorer un criminel passé !...
PAIX.
D
ieu, la paix même, dit saint Bernard , met la paix partout D'eu seni est
- i i i -i i i • , », ■ . . l'auteur de la
ou il habite : le contempler , c est être au sein de la paix : paix véritable;
TronquiUus Deus tranquillitat omnia ; et quietum aspicere,
donne.
quiesccre est (Serm. xxmin Gant.).
Isaïe appelle J. C. fait homme, le Prince de la paix : Princept
pacis(ix. 6).
Que le Seigneur de la paix vous donne lui-même la paix toujours
et en tout lieu, dit saint Paul aux Thessaloniciens : Ipse autem Dorai*
nus pacis, det vobis pacem sempiternam in omni loco (IL m. 16).
J'ai créé la paix , le fruit de mes paroles , pour celui qui est près
comme pour celui qui est éloigné , dit le Seigneur par la bouche
d'Isate : Creavi fructum labiorum pacem, pacem ei qui longe est, et qui
<? (lvii. 19).
Parlant du Messie, le prophète Michée dit : Celui-ci sera la paix :
Erit istepax (v. 5). J. C. , ainsi que nous l'avons dit, porte le nom
de Prince de la paix, voilà pourquoi Satomon, qui en fut la figure,
est appelé Pioi de la paix.
Les prophètes ont nommé J. C. Prince de la paix :
1° Parce qu'il l'a donnée au inonde et qu'il la lai a léguée dans sou
testament, en mourant : Je vous laisse la paix, dit-il , je vous donne
ma paix : je vous la donne, non comme le monde la donne : Pacem
relinquo vobis, pacem meam do vobis : non quomndn round us dat, cijo io
vobis (Joann. xiv. 27).
2° Parce qu'en mourant, J. G. a détruit le mur de sépara ci o • i
existait entre Dieu et l'homme ; il a uni l'homme à Dieu, le ciel à
la terre , la suprême grandeur à la suprême misère
En venant au monde, J. C., dit saint Paul, nous a apporté la
bonne nouvelle de la paix Tous par lui nous avons ace js en un
même Esprit près du Père ( E plies, n. 17. 18).
Lorsque nous étions ennemis, dit cet apôtre, nous avons .' '
réconciliés à Dieu par la mort de son Fils : Cum inimici essemus ,
réconciliait sumus Deo per mortem Filiiejus (Rom. v. 10). Aussi saint
Léon dit-il avec piété et énergie : Le jour de la naissance du Seigneur
est le jour delà naissance de fa , aix : que tous les fidèles offrent donc.
474 patx-
auPèreîa 5 enfants parques : A7 " P rnl rthtWt
est pacis : ergo singu s obérant Patri pacij orum concordictm
fliorum (Serm. deNativ.).
J. C. est apj clé le Prince de la paix :
3« Parce qu'il a apporté dans le monde, et au ciel, une paix
éternelle
X" Parce que J. C. c:t l'auteur de la paix intérieure dont jouit la
conscience des justes
Son empire se multipliera, dit Tsa'ie, et la paix n'aura pas de
terme : Mulliplicabitur ejus imperium , ei pacis non i\. 7).
Ce prophète avait dit que l'enfant qui devait naître serait le prince
de la paix, lien donne la raison en ajoutant que la paix destinée à
agrandir et à conserver son immense royaume n'aura pas de terme :
El pacis non erit finis (ix. 7).
Il faut entendre par ce royaume, par cotte paix , la p:."- ^"ri-
tuelle, qui consiste tans la tranquillité et la consolation i
de rame. Voilà pourquoi saint Paul dit : Le royaume de Dieu n'est
ni le manger ni le boire , mais justice, et paix, et joie dans l'Esprit-
Saint : Aon est regnum Dei esca et porus,sed justifia et pax et gain
in Spiritu Sonclo (Rom. xiv. 17 ).
Par ies paroles du Pater, nous demandons tous les jours que
royaume nous arrive : Adveniat regnum tuum (Luc. xi. 2).
demandons pas d'aller aussitôt au ciel; mais que le royaum
démon et du péché soit détruit, et qu'à sa place succè le le roya
de J. C; que ce divin Sauveur régie en nous et i\;\.^ h us les C
par sa grâ ;è. C'est de ce règne que parle J. C. en saint Luc. lors [u'i!
affirme que le royaume de Dieu est au dedans de nous : Regnum Dei
intra vos est (xvn. 21 ).
Le r cette paix dans l'âme des justes n'a pas de fin, comrrio
il sai ; Basile, saint Cyrille, ei surtout saint Chrysoslome,
dans l'homélie In his Verbis : Quando venit regnum Dei , où il expli-
cette paix de quatre manières : l°J. C, dit-il, nousaei
sôum l'esprit; par ce moyen, la guerre cesse dans
i il de la paix; - ' il non- iliés avec
et u nous a il a uni i
.1 le licné
grâc
i- aix n'aura point de Gn . ; ar
cert . ■ s u Père . « ' ■• r • ■ le niain-
t " 11 î : ei 1 perpétuer 1 vous laisse la paix, a- t-iî
PAIX. Alt
dit. je von? donne ma paix : je vous la donne, non comme lemor.de
la donne. Que votre cœur ne se trouble point et ne s'effraie point
(Joann. xiv. 27).
Justifiés par la foi, écrit saint Paul aux Romains, ayons la paix
avec Dieu, par Notre-Seigneur J. G. : Justiftcati ex fide, pacem habea~
mus ad Deum, per Dominutn nostrum Jesum Christian ( v. 1 ) : par qui,
continue l'Apôtre , nous avons, au moyen de la foi , accès à cette
grâce (de la paix) dans laquelle Hotte sommes établis, et nous tin nâ
notre gloire de l'espérance de la gloire des enfants de Dieu : Par
qiïetn et habemus accessum per fidem, ingràtlatiï islam, in qv.a sta.itus
et gloriamur in spe çjloriœ fiUorum Dei (Ici. v. 2).
La paix admirable dont il est question clans ce passage de sain
Paul, est la paix que J. C. a apportée du ciel sur la terre. Voilà
pourquoi les anges, à la naissance du Sauveur, entonnent ce sublime
Ci ntique d'allé presse : Gloire à Dieu dans les hauteurs , et paix sur
la terre aux hommes de bonne volonté : Gloria in altissimis Deo , et
in terra pax hominibus bonœ voluntatis (Luc. n. 14).
Dieu, dit l'apôtre saint Pierre, a envoyé la prédication aux iils
d'Israël, annonçant la paix par J. G., qui est îe Seigneur de tous :
Ycrbum misit D eus fil Us Israël ; annuniians pacem per Jesum Christum;
hic est omnium Dominns ( Act. X. 30).
Commentant ces paroles du Seigneur danslsaïe : Je ne donnerai
pas ma gloire à un autre : Gloriam meam alteri non dalo (xlii. 8),
saint Bernard dit : Que nous donnerez- vous donc, Seigneur, que
nous donnerez-vous? Je vous donne la paix, dit-il , je vous laisse ma
paix. Cela me suffit, Seigneur : je reçois avec reconnaissance ce que
s me laissez; et je laisse ce que vous vous réservez. Cela vousp'ait
ainsi; je ne doute pas que ce ne soit dans mes intérêts. Je pr
contre la gloire, je la refuse ; de crainte que si j'usurpais ce qu'il ne
m'est pas accordé déposséder, je ne perdisse à juste titre ce qii
m'est offert. Je veux la paix, je désire la paix , et rien de plus. A
celui à qui la paix ne suffit pas, vous ne suffisez pas vous-même :
car vous êtes notre paix. Que votre gloire, Seigneur, vous reste
i .'..;cte. J'ai tout ce qu'il me faut si je possède la paix (l).Quvl
(1) Gloriam moam alteri non dabo. Quid ergo dabis nobis, Domine ; quid dabis
nobis? Pacem, inquit, do vobis , pareil! vobis. SufQcit mibi. Gratulanier
suscipio quod relinquis, et relinquo quod rétine;;. Sic placet , sic mea intéresse non
dubito. Aiijuro gloriam prorsus , ne forte si usurpavero non coucessum , per.lam.
merito et oblalum. Pacem vi >ro , et nihil amplius. ' non sufficit
pax, non sufhcis tu : tu es enim pax nostra. Tibi, Domine, tibi glor
îllibula. Mecuuibcue agitur, si paccin habueio (Serm. xm in Vaut.).
476 paix.
ravissant langage, et comme, il est plein de vérité! Quel trésor
que la paix véritable que Dieu seul peut donner !
r.xcellence La paix est si précieuse , si excellente, que c'est Ja première chose
de la paix, que J. C. souhaita à ses apôtres après sa résurrection. Ils étaient
réunis ensemble, lorsque J. C. parut au milieu d*eux et leur dit :
La paix soit avec vous : Pax vobis (Joann. xx. 19). S'il y eût
eu quelque souhait plus riche et plus parfait, il le leur eût
adressé.,..*
Le grand Apôtre estime tellement la paix, qu'écrivant aux Philip-
piens, il s'exprime ainsi : Que la paix de Dieu, qui surpasse tout
sentiment, garde vos cœurs et vos esprits en J. C. : Pax Dei quœ
exsuper at omnem sensum, custodiat corda vestra et intelligentias vestras
in Christo Jesu (iv. 7). Si la paix de Dieu surpasse toute pensée, tout
sentiment, comme l'affirme l'Apôtre, elle est donc une chose excel-
lente, et d'un prix infini
La paix de Dieu, c'est Dieu lui-même; sa nature est la paix , dit
saint Ambroise ( De Jacob. ). La paix de Dieu, c'est Dieu possédé par
Ja grâce ici-bas et par la gloire dans le ciel
Ecoutez Isaïe s'écriant : Qu'ils sont beaux sur les montagnes les
pieds de celui qui annonce et quiprèchelapaix, de celui qui anno ice
le bien , qui prêche le salut et qui dit à Sion : Ton Dieu va régner !
Quam pulchri super montes pedes annuntiantis et prœdicanlis pacem;
annunliuatis bonum , prœdicantis salut em , diccntis Sion: Regnabit
Deus tuusf (vn. 7.)
La paix que J. C. souhaite renferme, 1° l'amitié de Dion...; 2° la
tranquillité et la sérénité de l'âme dans les tentations et les persé-
cutions...; 3° la concorde avec tous les hommes Je ne vous donne
pas la paix comme If monde la donne, dit le Sauveur : Non quo-
modo mundus dut, ego do vobis (Joann. xiv. 27). En effet, loin tic
renfermer l'amitié d< ûx du monde nous fait ses ennemis ;
loin de oous tranquilliser dans les tentations et les persécutions, elle
nous abandonne) <>u nous fait murmurer, blasphé ner, succomber;
loin d'établir la concorde entre les hommes, elle y sème la ha'
la désunion
La paix de Dieu es! la réconciliation de Dieu avec les hommes,
et l'union de l'àme sainte avec ieu
La paix véritable es! un imp bouclier qui protège le
tien contre les attaques de la chair, du monde et desd<
1 - démons, qui. connais paix de Dieu et ses avanfci
ml-. 477
s'efforcent de nous l'enlever en nous sollicitant au péché, ou de la
troubler par îles scrupules, par la défiance, les chagrins, les ennuis,
les tentations de désespoir : eux qui n'ont point la paix et qui ne
l'auront jamais, sont jaloux et furieux de la paix de l'âme fidèle ; ils
font tous leurs efforts pour la troubler et la faire perdre." On leur
résiste par cela seul qu'on la conserve.
La paix de Dieu , 1° met le calme dans l'âme... ; 2° elle fait, naître
en elle la joie...; 3° elle lui inspire une confiance inaltérable...;
4° elle la rend magnanime
Que la paix du Chris! tressaille dans vos cœurs, dit saint Paul aux
Colossiens, la paix en laquelle vous avez été appelés à former un
seul corps : Pax Christi exsultetin cordioua vestris, in qua et vucuii estis
in uno cor pore (m. \o).
La paix, dit saint Augustin, est sérénité d'âme , tranquillité d'es-
prit, simplicité de cœur , un lien d'amour, l'inséparable compagne
de la charité. Elle empêche les rivalités , arrête les guerres, com-
prime les emportements, foule aux pieds les orgueilleux, aime les
humbles, apaise ceux qui sont en désaccord et réconcilie les enne-
mis; elle est douce pour tous; elle ne convoite pas le bien d'autrui
et ne défend pas aigrement le sien; elle enseigne à aimer, elle qui
ne sait pas haïr ; elle ignore l'orgueil et ne connaît pas l'entêtement.
Que celui donc qui la possède la conserve avec soin ; que celui qui
ne l'a plus la redemande; que celui qui l'a perdue la cherche; car
celui qui ne sera pas trouvé en sa compagnie , sera méconnu par le
Père, c.éshérité par le Fils et regardé comme étranger par le Saint-
Esprit (i).
La vraie paix produit l'humilité
Le fruit de la justice , dit l'apôtre saint Jacques , est semé dans la
paix par ceux qui l'ont les œuvres de la paix : Fructus autern justi-
fies in pace seminatur , facientibus paccm (m. 48).
Remarquez combien sont grands et nombreux les avantages de la
paix : 1° elle est très-agréable à Dieu , puisqu'il s'appelle Dieu de la
paix et de la charité 2° Elle nous conduit au ciel et nous dorme un
(1) Pax est serenitas mentis, tranquillitas anirai , simplicitas cordis, amoris vincu-
luni, consortium cantatis. Hruc est qnœ siniuUates tollit, bella compescit, comprimit
iras, superbos calcat, humiles amat, discordes sedat, inimic s concordat ; cunctis est
placida; non quœrit alienum , nihil disputât suum ; docet amare, quae odisse non
novit; nescit extolli , nescit instari. Hanc ergo qui accepit, tepeat; qui perdujit»
répétât; qui ami.-it, cxquirat: quoniam qui in eadera non fuerit inventus, alulicatur
a Pâtre, ejferedaUur a F dio, a Spiritu Sancto *3ienus eûicitur {Serai, txxv de ver-
bis Dominij.
478 TATK.
avant-g« ait de la vie céleste ; car le ciel est la patrie fie la -
et éternelle paix 3- Elle est l'image de D ai et de la t.
Trinité 4° C/esf pour apporter aux homro
avec eux-mêmes que J. C. est descendu du cl
vie douce et heureuse
Ecoutez saint Basile : 1" Celui quiaccueille lf la
paix et qui lui donne place dans son âme, prépare une dero .n à
J. C. ;car J. G. est la paix, et il dé.-irese reposer dans la paix;
l'homme envieux et turbulent est détestable à fous les points de
vue 2° L'homme pacifique a tquj< urs le pgeur tran ni i lie et con-
tent; mais l'homme turbulent et envieux est semblable à un na
agité parlesjtempêtesde la mer 3 ' L'homme paci fi j: i
âme avec sécurité; il est à l'abri de toutes pai\? i' Le paci
ressemble à une vigne qui porte en abondance des fruits délicie ;
mais l'en\ieux et le turbulent est plongé dans l'indigence et la
misère: autant le premier, inondé delà joie du Seigneur, est heu-
reux, autant le second est accablé de douleur et de maux 5° Le
pacifique se fait reconnaître à la douce joie qui le remplit; le turbu-
lent se distingue par son visage pâle et plein de fureur G' Le
pacifique mérite de participer à la société des anges; l'envieux et le
turbulent partage le sort des démons 7° La paix éclaircit les
mystères de lame; l'envie, pleine de fureur, appelle les ténèbres sur
les secrets du cœur 8° La paix chasse la discorde et la fa
raitre; la jalousie turbulente augmente la haine et les désirs de ven-
geance 9° En présence de la splendeur de la paix, toutes les
ténèbres s'évanouissent; là où se trouve l'envie tracassière, il n'y a
qu'obscurité, ténèbres intérieures et extérieures. Pratiquez donc la
paix, ô mon iils! et méritez le nom désirable de pacifique, afin que
vous puissiez jouir des fruits de la paix. Détestez l'envie, amie des
querelles, afin de ne pae éprouver tous les maux ( Fpist. ).
11 a établi sa demeure dans la paix, dit le Psalmiste; et là il a
détruitla puissance de l'arc, le bouclier, le glaive et la guerre : Foetus
est in pace locus cjus ; ibi confregU patentiez arcuum, scutum, glailima
et belluni (LXXV. 3. 4).
Ceux qui aiment votre loi, Seigneur, jouissent d'une paix pro-
fonde, dit le même prophète; rien n'ébranlera leur fidélité : Pax
mulla dilùjenlibus legem tuant, et non est Mis scandalum (cxvm. \(Jo).
Que la paix soit dans vos forteresses et l'abondance dans vos tours :
Fiat pax in virtutc tua, et a a in turribui tuis (Psal. cxxi. 7).
Pour l'avantage de mes frères et de mes amis, je demandais toujours,
PAIX. i"29
6 Jérusalem ! que tu fusses en paix : Propter fraîrcs meos et vroxir
mos mcot, loqvchnr pacem de te ( Psal. cxxi. 8).
0 paix , s'écrie saint Ephrem, échelle céleste ! ô paix, voie du
royaume des cieux ! ô paix, mère de la componction! ô paix, conci-
liai r:ce de Ja pénitence ! ôpaix, miroir des pécheurs , qui faites voy
à l'homme ses fautes î ô paix, qui faites couler de délicieuses larmes;
ô paix , mère de la mansuétude ! ô paix, compagne inséparable de
l'humilité! ù paix, sécurité de l'àme ! ô paix, joug aimable et fardeau
F, qui fortifiez lame et qui soutenez celui qui vous porte ! ô
paix , joie de l'àme et du cœur ! ô paix, frein des yeux, des oreilles
et de la langue ! ôpaix, qui abattez l'effronterie et quiètes l'ennemie
de l'impudence ! ù paix, source féconde de piété et de religion ! ô paix,
prison des passions! ôpaix, guide de la vertu! ô paix, qui don-
nez lhospitalité et qui aimez la pauvreté volontaire! ôpaix, champ
de J, G., pr Luisant d'abondants et délicieux fruits ! ô paix, insépa-
rable de la divine crainte, rempart et forteresse de ceux qui désirent
combattre pour le royaume des cieux ! [De Patientia et Consummat.
seculi. )
Si l'on demande qu'est-ce qui procure la paix, saint Augustin Qhw-,v C(ul
répond: La paix du corps, c'est le tempérament bien ordonné de la, paix?
ses parties^ la paix de l'âme irraisohnable , le repos bien ordonné de
ses appétits ; la paix de l'àme raisonnable, l'accord bien ordonné de
la connaissance et de l'action; Ja paix du corps et de lame, la vie et
la santé bien ordonnées île l'être animé; la paix de l'homme mortel
et de Dieu , l'obéissance bien ordonnée dans la foi sous la loi éter-
nelle. La paix des hommes, c'est l'union dans l'ordre; la paix
domestique , c'est , entre les hôtes du même foyer, l'union et l'ordre
du commandement et de l'obéissance; la paix sociale, c'est, entre les
citoyens, l'union et L'ordre de l'autorité et de la soumission ; la paix
de la cité céleste, c'est l'or :re parfait, c'est l'union suprême dans la
jouissance de Dieu, dans la jouissance mutuelle de tous en Dieu;
la paix de toutes choses, c'est l'ordre et la tranquillité {De Civit..
liit. XIX, c. xiii ).
Qu'est-ce qui procure la paix? le témoignage d'une bonne con-
:e Qu'est-ce qui procure la paix? la fuite du mal et la pra-
s du bien Qu'est-ce qui procure la paix? c'est de quitter le
péché et de persévérer dans la grâce et la vertu Qu'est-ce qui
•ure la paix? c'est d'être bien avec Dieu.
En faisant ce qu'on peut pour plane ù Dieu, il faut conserver la
480 paix.
paix et ne pas craindre la vengeance divine ni la condamnation; il
faut, puisque Ton est bien avec Dieu, avoir l'esprit libre et dégagé
des terreurs d'une conscience erronée. La paix de la conscience n'a
pas besoin, comme le veulent les protestants, d'être assise sur une
certitude de foi divine, par laquelle on soit assuré que les péchés que
l'on a commis sont pardonnes; mais il surfit qu'elle repose sur cer-
taines marques et conjectures qui donnent une sorte de certitude
morale que l'on se trouve en état de grâce. Lorsque la conscience
rend témoignage qu'on a fait du mieux possible sa confession, qu'on
a reçu l'absolution, et accompli la pénitence imposée, qu'on s'appli-
que à ne pas retomber, et qu'on observe les commandements de Dieu
et de l'Eglise, il faut se garder de se troubler et demeurer fermement
en paix. Cette assurance suffit : les péchés sont pardonnes, on est
l'ami de Dieu
Ce qui procure la paix, dit saint Léon, c'est de vouloir ce que Dieu
commande, et de ne vouloir pas ce qu'il défend. Car comment avoir
la paix, si on voulait ce que Dieu ne veut pas, et si on ne voulait pas
ce qu'il veut? (Serm. i de Quadrag. )
La parfaite conformité de notre volonté a la volonté de Dieu : voilà
ce qui procure la véritable et solide paix
L'homme, dit le même Père, a la paix et la vraie liberté, lorsque
la chair est gouvernée par lame raisonnable, et que l'âme est gou-
vernée par Dieu, et qu'elle lui obéit : Pax hominis et vera liber tas ,
quando caro, animojudice, regitur; et animus, Deo prœside, guberna-
tur (Serm. i de Quadrag.).
Il faut vivre en paix avec tout le monde, dit saint Paul : Pacem
sequimini cum omnibus (Hebr. xn. 14).
* #
lu a une 1L y a une triple paix : la paix avec Dieu, la paix avec le prochain,
triple paix. et [a jiajx avec soi_mème J. C. donne cette triple paix. Vuulez-
vous la posséder? allez à lui, demandez-la-lui : il est notre paix, la
vraie et divine paix. Faites en sorte que J. C. habite dans votre cœur,
cl la paix y descendra avec lui. Cumin»' le :-oleil ne peut être sans
lumière, le feu sanschal ur, un roi sans royaume ; ainsi J. C. ne peut
être sans la paix, car tout en lui est paix
Moyens d'ac- 1° Pour acquérir la paix, il faut la désirer Que la grâce et
quérir la u Dajx fle yieu soient en vous, dit saint Paul : Grati <
paix. v
a ucu ^uuluss. î. 2). Aou& nuub exhortons, dit ce grand apôtre, à
FAIX. AM
rechercher la paix, vous occupant de ce qui peut vous la procure»1
(I. Thess. iy. dO. 11).
Que la paix s'accomplisse en vous, dit l'Apôtre saint Pierre : Vobis
pax adimpleatur (IL i. 2). Que la paix soit avec vous, dit l'apôtre
saint Jean : Sit vobis pax (II. 3).
2° Se conformer à cette recommandation de saint Antoine : Fuyez
la gourmandise et la luxure, l'esclavage du siècle et l'ambition, et
vous aurez la paix ( Vit. Pair. ).
3° Faire la guerre à ses passions.....
4° Pratiquer la douceur. Ceux qui sont pleins de mansuétude,
he'ri feront de la terre, dit le Psalmiste; et ils se réjouiront dans
l'abondance et la paix (xxxvi. 41 ).
5° Ecouter la voix de Dieu. J'écouterai, dit le même prophète,
j 'écouterai ce que Dieu me dira au fond du cœur, parce que ses paroles
sont des paroles de paix : Audiam quid loquatur in me Dominus Deusy
quoniam loquetur pacem (lxxxiv. 9).
6° Obéir à la loi divine : Que n'avez-vous été attentif à mes pré-
ceptes, dit le Seigneur par la bouche d'Isaïe; votre paix eût été
comme un fleuve : Utinam attendisses mandata mea; facta fuisset sicut
/lumen pax tua (xlviii. 18).
Si vous aviez marché dans la voie de Dieu, dit le prophète Baruch,
vous habiteriez au sein d'une éternelle paix : Si in via Dei ambulas-
ses, habitasses utique in pace sempiterna (m. -13).
11 n'y a point de paix pour lïmpie, dit Isaïe : Non est pax impiis
(lvii. 21). Si l'on veut la paix, il faut donc fuir et détester l'im-
piété
La paix grande, solide et durable, n'est qu'au ciel Si nous vou-
lons en jouir un j ur. travaillons constamment et uniquement en vue
drt l'éternité.
si
PARABOLE
DE 1,'lIOMME QUI TOMBE ENTRE LES MAINS DES VOLEURS
(Luc. XXX - XXXVII ).
tfion
rarabole.
L
'homme qui tombe entre les mains des yojeurs sur le chemin
de Jéricho, c'est Adam et en sa personne le genre humain... ;
les voleurs sont les démons...; le prêtre et \e lévite sont
l'ancienne loi, qui a été impuissante pour guérir la chute d'Adam... ;
le charitable samaritain, c'est J. C... ; l'hôtellerie, c'est l'Eglis "...;
le vin versé dans les plaies, c'est le sang de J. C... ; l'huile, c'est Ja
miséricorde, la clémence et la douceur do J. C...; le maître d'hùlrl,
c'est saint Pierre et les papes ses successeurs...; les deniers sont la
eroix, les sacrements , les grâces
Origène complète l'explication de cette parabole : L'homme
dépouillé par les voleurs, couvert de blessures et laissé à demi mort,
c'est Adam... ; Jérusalem, d'où il vient, est le paradis... ; Jéricho, où
il se rend, est le monde... ; le prêtre qui passe outre , signifie la loi
impuissante à guérir l'homme... ; le lévite signifie les prophètes qui
ne pouvaient non plus conférer la grâce... ; le charitable samaritain,
c'est J. C....; les blessures sont l'emblème de. la désobéissance de
l'homme ( Comment. inEvang.).
PARADIS TERRESTRE*
]e Seigneur, dit Ja Genèse, avait planté, dès le commence-
ment, un jardin de délices: il y avait placé l'homme qu'L
.Savait formé (n. 8). Et le Seigneur fit sortir- le la terre une
multitude d'arbres beaux à voir et dont les fruits étaient doux à
manger. Au milieu du jardin étaient l'arbre de la vie, et l'arbre
de la science du bien et du mal (Ibid. n. 9. ) De ce lieu de délices
coulait un fleuve qui arrosait le jardin et se divisait en quatre
canaux {Ibid. n. 10).
Saint Augustin et saint Ambroise disent rm'allégoriquement le
paradis terrestre est l'Eglise; que les qatre fleuves sont les quatre
Evangiles; que les arbres à fruits sont les saints; que les fruits sont
les œuvres des saint? ; que l'arbre de vie est J. G., le Saint des saints;
que l'arbre de la science du bien et du mal est le libre arbitre (In
Gènes.).
Au milieu du jardin était l'arbre de vie (Gen. n. 9). Il est de
foi que cet arbre de vie était un arbre véritable. Il est appelé o.rbre
de vie , c'est-à-dire vivifiant, chassant les maladies et la mort, con-
servant les forces, donnant l'immortalité Adam ne goûta pas du
fruit de cet arbre merveilleux
Dans le sens allégorique, l'arbre de vie c'est J. C., sa croix, l'eu^
charistie
Dans le sens tropologique , l'arbre de vie c'est la bienheureuse
vierge Marie, de laquelle est née la Yie C'est aussi le juste qui
produit des œuvres saintes , principe de la vie de la grâce et de la
gloire ; selon les paroles suivantes des Proverbes : Fructus justi
ligvmn vitce : Le fruit du juste est l'arbre de vie (xi. 30 ),
Dans le sens anagogique, l'arbre de vie est la béatitude et la vision
de Dieu Je donnerai à manger de l'arbre de vie à celui qui aura
vaincu , dit le Seigneur dans l'Apocalypse : Vinceati dabo edere de
ligno vitœ. (il. 7.
On n'a jamais pu savoir positivement où était placé le paradis
terrestre. Il est probable qu'il a été détruit, ou tellement changé
qu'un n'a jamais pu le reconnaître. S'il existe encore tel qu'il était au
484 PARADIS TERRESTRE.
lendemain de la création, le Seigneur n?a pas permis à l'homme de
le retrouver et d'y pénétrer.
Saint Justin, Tertullien, saint Epiphane , saint Augustin,
laint Jean Damascène, saint Thomas et d'autres docteurs et
Pères de l'Eglise disent qu'Hénoch et Elie habitent le paradifc
terrestre.
PARDON DES INJURES.
D
ieu a fait aux chrétiens une obligation non-seulement de Obligation
, i • • ,-i • i i .de pardonner.
pardonner les injures qu ils auraient reçues, de ne pas haïr
leurs ennemis et de ne pas chercher à s'en venger; mais
même de les aimer et de leur faire du bien.
Ecoutez J. C. : Vous avez entendu qu'il a été dit : Vous aimerez,
votre prochain et vous haïrez votre ennemi; moi je vous dis : Aimez
vos ennemis , faites du bien à ceux qui vous haïssent , et priez pour
ceux qui vous persécutent et vous calomnient : Audistîs quia didum
est : Diliges proximum tuum et odio habebis inimicum tuum. Ego autem
dico vobis : Diligite inimicos vestros , benefacite his qui oderunt vos, et
orate pro persequentibus et calumniantibus vos ( Matth. v. 4-4). Saint
Luc rapporte les paroles suivantes du Sauveur : Je vous le dis, aimez
vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. Bénissez ceux
qui vous maudissent, et priez pour ceux qui vous calomnient. A celui
qui vous frappe sur une joue , présentez encore l'autre (1).
Vous aimerez, dit aussi J. G. } vous aimerez le Seigneur votre Dieu,
de tout votre cœur, de toute votre âme et de tout votre esprit. C'est
là le premier et le plus grand commandement. Le second lui est
semblable : Vous aimerez votre prochain comme vous-même. Ces
deux commandements renferment toute la loi et les prophètes (2).
Et encore : Je vous commande ceci , de vous aimer les uns les
autres : Hœc mando vobis, ut diligatis invicem (Joann. xv. 17).
Prenez garde , écrit le grand Apôtre aux Thessaloniciens , prenez
garde que nul ne rende à autrui le mal pour le mal; mais cherchez
toujours le bien les uns des autres, et de tous : Videte ne quis malum
pro malo alicui reddat : sed semper quod bonum est sectamini in invi-
cem et in omnes ( I. v. 15).
Nous avons ce commandement de Dieu , que celui qui aimt*
(i) Vobis dico: Diligite inimicos vestros, benefaciie bis qui oderunt vcs. Benedicitc
malalicenlibus vobis, et orate pro calumniantibus vos. Et qui te percutit in maxil-
lam, prœbe et alterain (vi. 27-29).
(2) Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et in tota anima tua, et in
tota meule tua. Hoc est maximum et primum mandaium. Secundum autem simila
est huic : Diliges proxinumi tuum sicut teipsom. In his cluobus mar.datis universa
lexpenùetet propbet.i1 (Mattb. xxn. 37-40),
485 PAHD0X DES INJURES.
Dieu, aime aussi ?on frère, dit l'apôtrè saint Jean : Hoc man-
dalum habemus a Deo , ut qui diligit Deum, diligat et f rat rem suum
(I. iv. 21 ).
Si tu vois lane de ton ennemi gisant sous Le fardeau, dit le Sei-
gneur dans I"E.\ode , tu ne passeras pas au del? ; mais tu le relèveras
avec lui : Si I :mmi odientis te jacere sud oncre, non pertrunsi-
bis , sed subtevabis cum eo (xxni. 5).
Suppoilix vos ennemis, dit saint Grégoire; mais aimez comme
des frères ceux que vous supportez : Tolerate adversarios vestros , sed
ut fratres diligite quos ideratis ( Moral. ).
j. c. nous a j)n ]aau^ t]e ia crojx Jésus disait : Mon Père, pardonnez-leur , car
donne I •■xem- ' \ *
plede l'amour ils ne savent pas ce qu'ils font : Jésus autan dicebat : Pater , dimitte
des ennemis. ^.^ ^^ ^.^ sciunt j^y fodunt (Luc. xx. 31). Se pressant autour
de lui , ses ennemis, transportés de fureur et animés d'une haine
implacable, criaient : Cruciiiez-le ! J. C. dit à son Père : Pardonnez-
leur
Isaïe avait prédit que le Sauveur prierait pour ses persécutons-
Pro transyressoiibus rorjavit ( lui. 12).
J. C. met sur tout le mystère de sa passion le Sceau ub Sd . insi-
gne et admirable amour. Oubliant en quelque sorte ses cru ! -
douleurs, et s'oubliant lui-même, il prie pour ses ennemis et pour
ceux qui le crucilient. J. C. nous apprend ainsi à triompher du mal
en iaisant le bien , à rendre de bons offices en échange des torts que
I s cause, à aimer nos ennemis et à les \ ancre si héroï^nc-
îni: tl qu'ils dr\ inm.'iit îms amis et les amis de Dieu
J. G. est un miroir vivant de miséricorde^ et son exemple est le
plus puissant aiguillon qui puisse nous porter a pardonner. Par les
- de Sa i ;': ni <n-de, il s'est levé dans les hauteurs du
ciel afin de nous visiter : Per visecra miscricrû'diœ vhilavit nos
vi ims ex alto (Luc. i. 78). Il est venu afin de soulager et de guérir
nos misères qui étaient très-nombreuses et très-gi nie?. Quoique
Hou- iw--i n- - - ennemis, il a répandu sur non- :s «le
sa bonté, soit dans l'incarnation , soit durant sa vie, soit sui
sur la croix. Voulez-vous avoir une vive image de la tendresse , de
la miséricorde et de la charité de J. C? contemplez-le sur la croix,
où il est tout misère, douleur et blessures , parce qu'il est tout
charité,! et . Non-seulement il indus
sur nous, ces trésors, dans son in : . durant sa vie et à sa
mort, mais après sa résurrection; et il noua les prodiguera dlirânl;
T»AHDON DES ..nJUBES.' 487
toute l'éternité : il a été , il est et il sera tout charité, tout misé-
ricorde. Comme le dit saint Thomas dans une des belles hymnes de
l'office du saint sacrement : J. C. par sa naissance s'est fait notre
.aie, notre compagnon; vers la fin de sa vie, il s'est fait notre
nourriture ; à sa mort, il a été le prix de notre liberté ; dans le ciel ,
où il règne , il se donne à nous en récompense :
Se nascens dédit socium,
Convescens in edulium,
Se moriens in pretium,
Se regnans dat in prœmium.
Ecoutez saint Bernard : J. C. est frappé de verges, couronne
d'épines; lia les mains et les pieds percés de clous; il est attaché à
la croix, rassasié d'opprobres, et cependant, oubliant toutes ses dou-
leur? , il s'écrie : Mon Père , pardonnez-leur , car ils ne savent ce
qu'ils l'ont. Oh ! qu'il est prompt à oublier les outrages et à les par-
dunner! 0 Seigneur, que vos miséricordes sont grandes et multi-
pliées! Oh! que vos pensées sont éloignées des nôtres ! Oh ! comme
vous avez pitié de l'impie ! Chose frappante ! J. C. s'écrie : Par-
donnez-leur; et les Juifs : Crucifiez-le : llle clamât : Ignosce; Judœi:
Crucifuje. 0 Juifs, vous avez des cœurs de rocher; vous frappez la
miséricorde incarnée d'où sort l'huile de la charité. De quelles
délices, ô Seigneur! n'enivrez-vous pas vos amis dans le ciel , vous
qui répandez l'huile de votre miséricorde sur ceux qui vous cruci-
fient en vous maudissant! (Serm. de Pass. Dom.)
La charité, dit saint Chrysostome, ignore ce qui est un opprobre
et un deshonneur; elle couvre de ses ailes d'or les vices de tous ceux
qu'éiîe embrasse : Probrum et dedecus quid sit, ignorât caritas ; dis
nureis omnium qilos comnlectitur, vitia tegit (In Catena).
Lr.s saints n'ont-ils pas été de beaux modèles de la manière dont il , os saint3
faut ries injures? Voyez le chaste et charitable Joseph, l'ont imité.
On doit , dit saint Ambroise . on doit, ajuste titre, admirer Joseph
qui, avant la prédication de l'Evangile, s'est conduit comme il suit:
blessé, il ne s'est pas vengé; attaqué, il a pardonné; vendu, il n'a
pas appliqué la peine du talion, mais a rendu bienfait pour outrage.
Tous, par la prédication de l'Evangile, nous avons appris à nous
conduire de même, et nous ne pouvons y parvenir!(l).
{]) Jure mirandus Joseph, qui hoc ferit anle Evangehum, ut lapsus, parceret; appe-
lilus , iguuscerei ; n , non referret iujuHam : seJ graliam pro contuuielia
488 PARD0X DES IXJUBES.
Les Juifs, pleins d'une aveug'e fureur, lapident saint Etienne, qui
tombe à genoux et s'écrie : 'eigneur, np leur im[>utez point: ce
péché : Positis genibus , clamvvît voce magna, dicens : Domine, ne sta-
tuas Mis hoc peccatum '(Act. vu. 58. 59).
Nous sommes maudits, et nous bénissons, dit le grand Apôtre ;
nous sommes persécutés, et nous le supportons ; injuriés , et nous
prions : Maledicimur , et benedicimus ; persecutionem patimur, et susli-
nemus; blasphemamur , et obsecramus ( I. Cor. rv. 42. 13 ).
Saint Ambroise rendait toujours le bien pour le mal, et ne se ven-
geait des injures que par des bienfaits ( Ita Augustinus).
Avant de livrer bataille contre Eugène, l'empereur Théodose
publia un édit par lequel il pardonnait toutes les injures qu'on avait
pu commettre contre sa personne, soit en paroles, soit en actions. Si
c'est, disait-il, par une légèreté indiscrète, que quelqu'un a parlé
contre nous, nous ne devons pas y faire attention; si c'est par folie;
nous devons avoir pitié de lui; si c'est de propos délibéré, nous vou-
lons lui pardonner. (Socrat., Hist. eccles., lib. Vif, <•. xxn ).
S'étant révoltés à l'occasion d'un nouvel imrôt que l'empereur
Théodose avait établi, pour faire la guerre au tyran Maxime, le?
habitants d'Antioche portèrent l'insolence jusqu'aux derniers excès :
ils traînèrent ignominieusement dans les rues la statue de l'empe-
reur, ainsi que celles de son frère, de ses deux fils et de l'impératrice,
et les brisèrent. Théodose résolut de châtier sévèremei t cette \ ille
coupable. De son côté Flavien , évoque d'Antioche, tenta d'apaiser
l'empereur irrité. Il alla le trouver et lui dit entre autres choses : Il
est vrai que les habitants d'Antioche m'ont député vers vous afin de
tâcher d'obtenir nue grâce dont ils se jugenl tout à fait indignes;
mais je viens encore de la part du souverain Seigneur des auges et
des hommes, pour vous déclarer en son Dom, que si vous pardon-
nez les fautes commises contre vous, il vous pardonnera relies dont
vous vous êtes rendu coupable envers lui. Bien différent des autres
députés, qui paraissent devant vous avec de riches présents, je n'v
parais, moi, qu'avec la loi de Dieu, et que pour vous exhorter à
imiter l'exemple qui vous a été donne par le Sauveur expirant sur
la croix. L'empereur, attendri jusqu'aux larmes, ne répondit que
•h de mots : si .f. <:., notre souverain Seigneur, a pardonne a >■ s
bourreaux, et a mente prie pour eux, dois-je balancer de pardonner
•olvereL Qimd post Evangelium omnes diJiciinus, et servare non possiTius! (Lib. II
Offre, c. vu.)
PARDON DES INJURES? 489
à ceux qui m'ont offensé, moi qui ne suis qu'un hmr\me morte,
comme eux, et serviteur du même maître? ( Socrat., Hist. eccles.j
lib.VII, c. xxn).
On ne peut , disait saint Pœmen , chasser le mal par le mal :
quand donc quelqu'un vous fait du mal, faites-lui du bien; afin que
vous puissiez vaincre le mal par le bien ( Vit. Patr. ).
Qu'elles sont belles les paroles prononcées par saint Léon martyr
au moment où on le faisait le plus souffrir : Seigneur, qui ne vou-
lez point la mort, mais la conversion des pécheurs, s'écria-t-il, faites
que les auteurs de ma mort vous connaissent, et obtiennent le par-
don de leurs crimes , par les mérites de votre Fils unique J. C. notre
Sauveur; et il expira ( In ejus vita ). *>
Des moines égarés par la haine mirent du poison dans la coupe
de saint Benoit. Au moment où il se préparait à boire, le saint ayant,
selon sa coutume , formé le signe de la croix sur le vase, celui-ci se
brisa aussitôt. Le célèbre abbé reconnut à ce prodige que le verre
contenait un breuvage mortel; mais, loin de paraître étonné, il dit
avec douceur à ces monstres : Que Dieu vous le pardonne (Surius ,
in ejus vita ).
Saint An tonin pardonna généreusement à un assassin qui lui avait
porté un coup de poignard ( Surius, in ejus vita ).
Saint Ubald fut renversé à terre par un liomme furieux. Le peuple,
indigné , menaça le coupable d'un châtiment terrible. Alors il se
jeta aux pieds du saint qui, pour toute punition, se contenta de l'em-
brasser et de le préserver du châtiment ( Surius, in ejus vita).
Le frère de Jean Gualbert , issu d'une riche famille de Florence ~,
ayant été assassiné dans des temps de trouble par un de ses ennemis,
Jean résolut de tenter l'impossible pour venger sa mort. L'occasion
s'en présenta bientôt. Le jour même du vendredi saint, il rencontra
son ennemi dans un passage si étroit, que ni l'un ni l'autre ne pou-
vaient s'éviter. Jean met l'épée à la main , et il se prépare à la lui
passer au travers du corps. Le meurtrier, se voyant perdu, se jette à
ses pieds, et les bras étendus en croix Je conjure, par la passion de
J. C, de ne pas lui ùter la vie. Gualbert, touché de ce spectacle, lui
dit : Je ne puis vous, refuser ce que vous me demandez au nom de
L G. : je vous accorde non-seulement la vie, mais encore mon ami-
tié; et il l'embrassa. Béni de Dieu, surtout pour cette généreuse
action, Jean Gualbert devint un grand saint et le fondateur d'un
ordre célèbre dans l'Eglise , sous le nom de congrégation de Vallom-
breuse In ejus vita).
400 PARDON LES IXJTIŒS.
Oh pourrait cit ruué infinité d'exemples aussi remarquables du
pardon des injures
eu y-mêmes Da\s le douzième livre I s -Histoires diverses. F.lien raconte que
C" à'ciirs"116 P^ôcioDj général athénien, fut condamné à m turir par le poison,
ennem is. qU0i mqi |ut innocent. Au moment oii le bourreau lui présentait la
coupe fatale, on lui demanda s'il n'avait rien à faire dire à son fils,
il répondit: Je lui recommande d'oublier le breuvage que les Athé-
niens m'ont présenté et que je bois : Mando ei ut cLUviscatur potus
h'jus. quem nunc ab Atheniensibiis ablation bibo.
Le roi Antigone avait coutume de dire que le pardon était plus
puissant que la vengeance (Anton, in Meliss. ).
César-Auguste pardonna à China, qui avait tramé sa mort. 111e fit
venir et lui dit : Cinna , je vous laisse la vie , quoique vous ayez été
d'abord mon ennemi, et puis un conspirateur et un parricide. L'em-
pereur lui offrit même le consulat. Voulez-vous connaître le résultat
de ce généreux pardon? Tant de générosité toucha China ai point
qu'il fut depuis très-attaché à Auguste qui, en mourant, lui I
une partie de sa fortune privée [Senec. de Clementia).
Démosthène ayant été insulté par un de ses rivaux , lui dit : Je ne
veux pas engager avec vous un combatdans lequel il vaut mieux être
vaincu que vainqueur (Plutarc, Vit. illust. vir.).
Quelqu'un ayant injurié Arisiipps de Cyrène, c3 philosophe lui
répon lit : Vous avez le pouvoir de ih'oùtrager, mais j'ai ce.ai de
vous écouter avec calme (Plutarc. , ibid.).
Le pardon «les Qicéron dit de Jules-César : Il n'a coutume d'oublier que les injures :
injures est ,
une marque JSihil oblivisci solet nisi injurias ^Orat. pro Marcello).
de (rraniiuur T ,. . , , , , ...
d'àme, une Le sage , dit Séneque , est au-d e 1 injure : sapiens injuria
victoire et on maerior est (De Clementia).
triomphe. * \ '
Les mondains estiment vil ei honteux de pardonner une injure;
ils se trompent, car il esl saisir l'occasion <1
cer un acte de vertu héroïque, comme l'est l'acte de pardonner, de
se réconcilier, d'aimer son ennemi. Voilà pourquoi L'Hômmeqoi sait
oublier et pardonner une onens I - aucun doute un homme
supérieur. Maître 'I sa tolère et d ion de la vengeance, il
mérite gloire et e.-ii
De rien, dit E rripide,! hngue imprudente fait mttrë dé grai
altercations, de proi ondes ha es ei le déplora! .les luttes; Uldis
l'homme sa-'e se gar le bi n d'exciter des querelles et de provoquer
PAUDON DES INJdRES. 491
des offenses: par sa magnanimité, il calme les liâmes les plus ter-
ribles (Plutarc., Vit illust. vir.).
Il vaut mieux, il est plus digne d'un grand cœur de pardonner
une injure que de demeurer vainqueur dans un différend, dit Muso-
nius : Satins est, et excelso viro dignius 3 injuriam vincere quam litem
(Anton, in Meliss. ).
Pittacus j l'un des sept sages de la Grèce, rencontrant l'occasion dt
se venger d'une injure, s'abstint d'en profiter et dit : Le pardon
vaut mieux que la vengeance: celui-là est le propre d'un caractère
doux; celle-ci ne plait qu'à un esprit féroce : Venia idtione melior
est : Ma namque mitis est ingenii, hœc ferini f Ita Laertius ).
Pythagore dit : Regardez comme une grande habileté de pouvoir
supporter l'inexpérience des autres : Magnam peritiam existimato.
qu.fi ferre potes aliorum imperidam (Plutarc, Vit. illust. vir.).
Celui qui se venge à son détriment d'un ennemi, dit Théophraste,
se punit plutôt qu'il ne le châtie; ne tirez pas de vos ennemis une
vengeance telle que vous nuisiez plus à vous qu'à eux-mêmes : Qui
inimicum suo cum malo vindicat, dat potiuspœnam, quam ab illo sumat ;
non aulem ita inimicos ulciscaris 3 ut tibi magis quam illis, obsis (Plu-
tarc, ibid.).
Garder le silence lorsqu'on est insulté, ditPlutarque , est un acte
si grand , qu'il tient de Socrate et d'Hercule ; car l'un et l'autre
méprisaient, comme le bourdonnement d'un insecte, les paroles
injurieuses ( Anton, in Meliss. ).
Se taire en présence de quelqu'un qui vous insulte, et no ri n
répondre à celui qui vous provoque, est une victoire complète, dit
Valère-AIaxime : Plena Victoria est ad clcmantem tacere 3 nec respon-
dere provocanti { Plutarc. ).
En effet, l'homme qui agit ainsi trouve sa récompense et sa gloire
clans sa patience et dans la guérison du prochain. Comme il n'y a
rien de plus insensé que de répondre à ceux qui sont furieux , il n'y
a rien de plusbeau, de plus utile que de garder le silence lor;: u'on
est provoqué ; l'homme sage et prudent ne s'émeut point de > arole-
injurieuses qu'on lui adresse : il se rappelle cette sentence d S;_'nè-
que : Le blâme des méchants est une louange : A raalis vitupéra .
laudari est (De Clementia).
Saint Chrysostome parle admirablement de cette grandeur d'ânâe ,
dp c-tte victoire qui pardonne les injures. Il enseigne qu'.l fauî
a acre son ennemi, non par la vengeance ; mais par la pat ; nce , le
mépris des outrages et des railleries. Dans les combats olympiques,
492 PARDON' DES INJURES.
consacrés au démon , la loi est de vaincre en faisant du mal à son
adversaire ; mais dans la Lice ouverte par J. C. , elle est bien diffé-
rente. Ici, ce n'est pas celui qui frappe qui doit être couronné,
mais celui qui est frappé. Si nous étions pleins de mansuétude, nous
serions invincibles, et aucune offense ne nous atteindrait. Demandez
à votre ennemi s'il ne souffre pas et s'il ne se regarde pas comn.e
vaincu , lorsque vous riez et que vous méprisez ses insultes (4).
On demandait à Théodose le Jeune pourquoi il ne punissait pas
sévèrement, et même de la peine capitale, ceux qui l'outrageaient;
Plût à Dieu , dit-il , qu'il me fût permis de rappeler les morts à la
vie, loin de mettre à mort les vivants! (Socrat., FTist. eccles., lib.YII,
c.xxii).
L'âme où règne la charité et la clémence ressemble au ciel. Comme
le ciel très-spacieux embrasse la terre , l'échauffé par les rayons du
soleil, la féconde, l'arrose de pluies bienfaisantes , la rafraîchit par
de douces rosées ; ainsi une âme élevée embrasse dans sa générosité,
sa douceur et sa charité, les habitants de toute la terre, les bar-
bares, et ses ennemis eux-mêmes; elle l'ait du bien à tous ceux à
qui elle peut en faire; elle arrose de sa miséricorde, comme d'une
pluie céleste, les lieux les plus arides et les plus affreux, les déserts
remplis de ronces et d'épines, c'est-à-dire les cœurs pleins do haine
et de vices; et elle en fait le champ fertile de J. C. Puis , comme le
firmament et tous les astres conservent toujours leur pureté, leur
éclat et leur splendeur, comme les m plus noirs, les vents ,
les tempêtes, le tonnerre et la foudre, ne peuvent les atteindre;
ainsi une âme grande et charitable est au-! sssus de toute offense et
de toute irritation; rien de tout cela n'arrive jusqu'à elle
Sachez que rien n'est plus grand, plus noble, plus glorieux que
d'oublier un outrage
Lorsqu'on vous frappe et qu'on vous outrage , dit saint Ignace de
Loyola, tenez-vous ferme comme une enclume: il est d'un géné-
reux athlète d'être fraj pé et <ie vaincre : Firmiter durit asà
quasi incus stato; gencrosi athlelœ est cœdiet vincerc (In ejus vit i).
Les offerte? son! r la vei tu . dit saint Grégoire de
Nazianzc ; les adversités la font ressortir et l'embellissent. Il n'y a
(1) In olympiis certaminibus diabolo congecratis lex est, malcfaciondo vincere; in
sUdio Christ i, omnitio lex est contraria: hic enim, non eum qui percutit , sed qui
• rentitar coroaari décrétant f st. Si mansuetudinem exl i eremus, essemusoinniboi
uuuperabiles; ner alla ad nos injuria perveniret. Roga inimicuua an non doleat, an
non censcat se viclum, cum rides, cum contemnis rjus injurias? {îhm.ii. ad .
PARDON DES INJURES. 493
rien de plus fort que ceux qui sont prêts à tout supporter : Virtutis
materia est moiestia, et adversis ornatior redditur. Nih.il est fortius Us
gui ferre omnla parati sunt ( Distich. ).
Bien ne rend digne de respect comme de savoir supporter une
injure, dit saint Chrysostome : Nulla res œque facit venerab'des ,
atque injuriam sustinere (Moral.).
Dire qu'il faut se venger en pardonnant et en aimant , est regardé
par le monde aveugle comme un paradoxe, comme une opinion
folle et extraordinaire; cependant c'est la plus belle des vengeances,
c'est une vengeance glorieuse et divine. Voilà comment J. C. s'est
vengé du genre humain coupable; et comment, à leur tour, se sont
vengés tous les saints.
Il n'y a pas de cœur aussi grand, aussi noble, aussi respecta-
ble que celui qui est assez large pour donner toujours place au
pardon. 11 n'y a pas de cœur plus vil , plus étroit , plus digne de
mépris, que celui qui n'a jamais su pardonner.
Prêtez l'oreille aux paroles de J. C. : Si vous remettez aux hommes Avantage» qne
leurs offenses, dit-il, votre Père céleste vous remettra les vôtres ; . r°n,J h'°"\e
7 * ' dans le pat «ou
mais si vous ne remettez pas aux autres leurs offenses, votre Père des injures,
céleste ne vous remettra pas non plus les vôtres (1).
L'abbé Jean disait: Supporter les injures, c'est s'ouvrir la porte du
ciel : Porta cœli est injuriarum perpessio (Vit. Patr.,lib. VH^ c.iv).
Celui qui vous insulte , vous met dans le cas d'exercé]* un acte de
granc' vertu et de grand mérite ; il vous fournit l'occasion de rem-
porter une victoire et de cueillir une couronne : ce n'est donc pas
un mal qu'il vous fait; mais un bien qu'il vous procure , si toutefois
vous savez prendre patience. Voilà pourquoi cet homme ne doit pas
rencontrer haine et vengeance; mais plutôt amour, reconnaissance
et remerciements. Ceux qui nous attaquent de parole et de fait , ne
sont pas des ennemis, des tortionnaires, mais des tresseurs de
couronnes ; loin de nous nuire , ils nous servent
Ceux qui supportent une offense avec résignation , demeurent vic-
torieux du démon , qui a fait naître l'insulte et qui les pousse à la
colère et à la vengeance; de lïnsulteur, qui voit son attaque inutile;
d'eux-mêmes, qui auraient pu céder à l'envie de châtier leur adver-
saire. Us triomphent devant Dieu, qui les récompense par de
(1) Si dimiseritis hominibus peccata eorum , dimittet et vobis Pater vester
cœlestis delicta vestra ; si autem non dimiseritis hominibus , nec Pater vester
dimittet vobis peccata vestra (Matth. vi. 14. 15J.
404- PARDOX BES TNJrRES.
très-gran les grâces et en leur destinant la gloire éternelle; entin,
devant les auditeurs et les témoins, qui admirent leur prudence, leur
patience, leur bonté, leur charité, et qui se sentent portés à les
imiter
Nous devons tout souffrir pour Dieu, afin qu'il nous tolère lui-
même. Supportons-nous les uns les autres avec patience, afin que
Dieu nous supporte tous avec douceur, indulgence et miséricorde
Il est, dit saint Grégoire de Nazianze, il est utile et avantageux
d'enchaîner l'audace par la mansuétude et de rendre meilleurs ceux
qui nous offensent en supportant patiemment ce qu'ils nous font
endurer: Utile est audaciam mansuetudine vinciri, et meliorcs reddere
injuriant facienlcj , quœ nobis in feruntur patienter ferendo ( Distieh. ).
Lorsque quelqu'un vous insulte, dit saint Chrysostomc, ne laites
pas attention à lui, mais au démon qui le pousse, et faites retom-
ber sur ce dernier toute votre colère ; quant au malheureux qui
suit l'impulsion du démon, ayez-en pitié (I).
Si je prends patience dans les injures, ditTertullien, je ne souffri-
rai pas; et ne souffrant pas, je ne désirerai pas de me venger : Si
patîentîœ incubnbo, non dolebo; si non dolebo, ulcjsçi non desiderabo
(De Patient., c. ix).
Dieu, ajoute ce grave auteur, se charge de garder ce que lui cpii-
fîe la patience. Si vous lui donnez en dépôt l'offense qu'on vous a
faite, il en sera le vengeur; si le préjudice qu'on vous a porté, il
le réparera; si la douleur qu'on vous a causée, il la guérira, si Ja
mort soufferte sans plainte, il vous ressuscitera (2).
Vous retirez trois grands avantages de la patience que vous mon-
trez à ceux qui vous insultent et du pardon que vous leur accordez :
vous remportez la victoire sur votre ennemi , vous édifiez le pro-
chain et vous méritez les récompenses du Seigneur votre Dieu. Ainsi
Saiil, touché d'un bienfait de David, reconnut ses torts et lui dit :
Tous êtes meilleur que moi; car vous m'avez fait du bien, et moi
je vous ai payé d'ingratitude Si vous avez de bons procédés
envers votre ennemi , vous confondez et vous torturez le démon ,
qu -' l'auteur de toute l'inimitié que vous porte votre adversaire.
H) Cujn quis te uileu.i.l , aolj ad i|»>um nspicere , sed ad daemonem iippellentcm ,
et iram totam in illum elTuudito; illius uuU-in miserere, qui a cfsmone impellitur
(Homil. ad pop. ).
(2) Sequcstcr palientiac est Deus; si injuriam deposucris pencs eum. ullor est;
fii damnum, restitutor est; si dolorem , medicus est; si mortera , resuscitator est
{De Patient., c. xc).
PARDON DES VNJ.RES. ':°iû
Car noire charité et notre patim" ! oarmentent le démon, qui est
dévoré d'envie, de malice etdehain
La misérî :orde est reine, dit saint Chrysostome, vraiment reine;
elle ren 1 \e$ hommes semblables à Dieu : Misericordia regina est ,
vere regina, similea faciens homines Deo (Moral.).
Les hommes cruels et sans pitié sont exposés à la vengeance dç
chacun; à chaque pas ils ont à craindre leur ruine, parce que leur
iniquité les précède, et que la haine de Dieu et des hommes les pour-
suit; au contraire, les hommes de miséricorde, ceux qui savent
I mner, n'ont à craindre ni injure ni violence, parce que leur
douceur, la grâce de Dieu et l'amitié du prochain les précèdent,
les accompagnent et les suivent
I' utez J. G. : Moi je vous dis : Aimez vos ennemis, faites du bien
à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous persécutent et
vous calomnient ; afin que vous soyez les enfants de votre Père qui
pst dans les cieux. qui fait lever son soleil sur les bons et sur les
m ' ihanfô, et descendre la pluie sur les justes et sur les injustes :
car si vous n'aimez que ceux qui vous aiment, quelle récompense
en aurez-wus? Les publicains aussi ne le font-ils pas? Et si vous ne
>z que vos frères, que faites-vous de plus que tous les hommes?
Les païens ne le font-ils pas? Soyez donc parfaits, comme votre Père
g cieux (--.a'.1 11. y, 44-48).
hje haie son frère est ho mie H e, dit l'apôtre saint Jean : Omnis Ne Tioint nar-
gui odit frairem suum, homicida est (I. ni. -15). Il le tue dans son cœur 011^rime. uu
en i en expulsant, et en lui souhaitant du mal
La haine du prochain ne peut habiter avec l'amour de Dieu : Si
quelqu'un dit : J'aime Dieu, et qu'il haïsse son frère, ajoute le même
apôtre, il est menteur; car s'il n'aime point son frère qu'il voit,
comment peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas? (1)
L'homme haineux est très-coupable, dit saint Basile (HomiL).
Ne point pardonner est un péché tel, que si nous ne pardonnons pas, rjjeu agjra à
Dieu ne nous pardonnera pas. Et pardonner est un acte si méritoire notre e?ard
1 ri comme bous
qu'en l'accomplissant nous sommes sûrs du pardon. Dieu agit à notre aurons agi
. . . . , envers le
egar l comme nous agissons envers notre prochain : lorsque nous prochain.
pardonnons, Dieu nous pardonne; lorsque nous nous vengeons. Dieu
(1) Si quis dixerit quoniam diligit Deum, et fratrem suum oderit , mendax est.
Qui enim non diligit fratrem suum quem videt, Deum queni non videt quomodo
potest diligere? (I.iv. 20.)
496 PARDON DES 1XJUBES.
se venge. Dieu nous a ainsi laissé le choix du jugement qui devait
nous être appliqué : doux, si nous pardonnons; inexorable, si nous
conservons de la haine contre nos ennemis
J. C. le dit expressément : Si vous remettez aux hommes leurs
offenses, votre Père céleste vous remettra les vôtres; mais si vous ne
remettez pas aux autres leurs offenses, votre Père céleste ne vous
remettra pas non plus les vôtres (Matth. vi. 44. 15).
Méchant serviteur, dit dans l'Evangile le maître, ou plutôt J. C,
méchant serviteur, je t'ai remis toute ta dette, parce que tu m'en as
prié. Comme j'ai eu pitié de toi, ne devais-tu pas avoir pitié de ton
compagnon? Et le maître irrité le livra aux exécuteurs, jusqu'à ce
qu'il payât toute sa dette. Ainsi vous fera mon Père céleste, conclut
J. C, si chacun de vous ne remet de cœur à son frère ce que son frère
lui doit ; Sic et Pater meus cœlestis faciet vobis, si non remiseritis
unusquisque fratri suo decordibus vestris (Matth. xvm. 34. 35).
On vous mesurera avec la mesure dont vous vous serez servi envers
les autres, dit J. G. : In qua mensura rnensi fueritis, remetietur vobis
(Matth. vu. 2).
Tn jugement sans miséricorde attend celui qui n'a point fait misé-
ricorde, dit l'apôtre saint Jacques : Judicium sine miseiicordia illiqui
non fecit miserieordiam (n. 13).
Celui qui veut se venger, dit l'Ecclésiastique, rencontrera la ven-
geance du Seigneur qui tiendra en réserve les péchés qu'il aura com-
mis: Qui vindicari vult, a Domino inveniet vindictam ; et peccataillius
servans servabit (xxvm. 4 ).
Pardonne à ton procnain qui te nuit, dit encore l'Ecclésiastique, et
quand tu prieras tes péchés te seront remis : Relinque proximo
nocenti te; et tune deprecanti tibi peccata solverttur (xxvm. 2).
Dieu ne pardonne pas à celui qui ne pardonne pas à s^n prochain :
la haine est donc un crime
Celui qui ne Si nous conservons de la haine, nous prononçons notre condamna-
pard0mfamn? tluu ^ans *e ^ater (Sae nous récitons tous les jours. Seigneur,
Uù-mtae. disons-nous , pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardon-
nons à ceux qui nous ont offensés : D'uni '/te nobis débita nostra, sicut
et nos dimitttmus debitoribus nostris (Mattii. vi. 12). Si donc nous ne
pardonnons point, Seigneur, ne nous pardonnez pas. Serviteur
méchant, je te juge par ta propre bouche, dit J. C. : Ex ore tvn t§
judico, serve nequam (Matth. \vm. 32 i.
Qiifi personne, exerçant ses mi .àtié*, n'ait a*st;z d'auiaco iwu*
PARDON DES INJURES. 497
s'approcher de Dieu afin de le prier, dit saint Chrysostome : Nemo
adeo audax sit ut , inimicitias exercens } ad Leum pergat orandum
(Moral.).
L'homme , dit l'Ecclésiastique, garde sa colère contre l'homme ,
et il demande à Dieu sa guérison. Il n'a pas pitié d'un homme sem-
blable à lui, et il intercède pour ses propres péchés. Lui qui n'est ,
que chair garde sa colère , et il implore la clémence de Dieu. Qui
priera pour les péchés qu'il a commis ? (1)
La haine est à juste titre comparée à l'abeille qui, pour se venger,
enfonce son aiguillon dans le corps de celui qu'elle poursuit, et qui,
ne pouvant le retirer, perd son aiguillon et la vie. Ainsi celui qui se
refuse à pardonner, murmure, fait du bruit, s'agite et, pour se ven-
ger et blesser son prochain, se blesse lui-même le premier, donnant
la mort à son âme par le péché mortel. Le Prophète royal avait en
vue cette ressemblance lorsqu'il disait : Ils se sont jetés sur moi
comme un essaim d'abeilles : Circumdederunt me sicut apes (gxyii. 12).
Combien est éloigné de la vertu mère du pardon, le vulgaire des Aveuglement
1 méchaiicel
ie celai qui
se refuse à
pardonner.
hommes! disait le bienheureux Thomas Morus. La plupart d'entre ^JJÏÏÏiïï*
eux inscrivent les bienfaits sur le sable, et gravent les offenses sur fl^f^f
le marbre! Quam longe ab hac virtute abest vidgus hominum ; bénéficia
mdecri, rnalefïcia marmori insculpunt! ( In ejus vita. )
Celui qui dit être dans la lumière (delà raison, deTEvangue, ae
la foi, de la grâce), et qui hait son frère, est encore dans les ténè-
bres, dit l'apôtre saint Jean. Celui qui aime son frère (et qui lui par-
donne ses offenses), demeure dans la lumière, et il n'y a point de
sujet de chute en lui. Mais celui qui hait son frère, est dans les
ténèbres et il marche dans les ténèbres, et il ne sait où il va, parce
que les ténèbres ont aveuglé ses yeux (2).
Si vous avez commencé à être un homme de lumière , dit sain
Cyprien, conduisez-vous comme il appartient à un disciple du Chrisl ,
car le Christ est lumière et jour. Pourquoi, vous abandonnant à
l'aveuglement de la haine, éteignez-vous en vous toute lumière de
(1) Homo homini réservât iram, et a Deo quœrit medelam? In hominem similem
sibi non habet raisericordiam , et de peccalis suis deprecatur? Ipse cum caro fit.
réservât iram, et propitiationem petit a Deo? quis exorabit pro delictrè illius*
lixrm. 3-5. )
(2) Qui dicit se in luce esse , etfratrem suum odit , in tenebris est usque aJhuc.
Qui diligit fratrera suum , in lamine îuanet, et scandalumin eo non es'. Qui aulem
Odit fràtrcni suum, in tenebris e; . et in tenebris ambulat , et nescit u..o eat ; quia,
tenei . uit ooulos ejus ( I. il. 9-11).
m. sa
4,y* PARDON DES INTCBES.
paix et de charité? Pourquoi retournez-vous au démon auquel vous
aviez renoncé? Pourquoi ressemblez-vous à Caïn? (1)
Comme celui qui a la charité a Dieu en lui, ainsi celui qui a la
haine a le démon en lui, dit saint Basile : Sicut qui caritaiem Imbet,
Dev.m in se habet; ita qui odium habet, dœmonium in se continet (Homil.
inEpist. S. Joann.).
Celui qui hait son frère marche dans les ténèbres, et il ne sait où
il va. Car, dit encore saint Cyprien, sans le savoir, il va dans l'enfer.
Ignorant et aveugle, il court au châtiment; et cela parce qu'il s'éloi-
gne de la lumière du Christ qui l'avertit et qui lui dit : Je suis la
lumière du monde; celui qui me suit ne marche point dans les té.iè-
àres, mais il aura la lumière de vie (2).
Il est certain qu"il n'y a pas de vice qui égare Ja raison et qui rende
l'homme méchant, comme la colère, la jalousie et la haine
C'est l'aveuglement spirituel et la méchanceté du cœur qui sont
les vraies causes des injures que l'on l'ait, et du refus de pardonner
celles que Ton a reçues.
Ut a honte et Ecoutez Aristote : Comme il est d'un estomac faible, dit-il, de ne
à ne point pouvoir digérer des aliments plus lourds que ceux au u l est
pardonner et accoutUmé; ainsi il est d'un esprit faible et bas de ne pouvoir sup-
porter une parole un peu dure : Sicut enim debilis stomac/ti est,
cibum duriorem non posse concoquerc : ita pusillanimi est, verbum
duriusculum non passe suslinere (Lib. IV, c. m).
Quoi! dit saint Augustin, tant d'hommes, de femmes, d'enfants,
de nobles et délicates vierges, ont supporté avec égalité d'âme d'être
jetés dans le feu ou exposés aux bêtes, et nous disons que nous ne
pouvons supporter les injures des hommes. Je ne puis comprei dre
de quel front, avec quelle nce nous désirons avoir part, en
c .inpagnie de tous les saints, à l'éternelle béatitude, nous qui nous
«•efusons à imiter leurs exemples dans les moindres choses (3) .
(1) Si homo lucisesse crepisti, qu-e sunt Chri?ti, ;rerc : quia lux et dies Christus
est. Quid imiili i meti exslinguis? Qnid ad dia-
bolum cui renuntiaveras, redis ? Quid Caln similis existis? [De Unit. Ec
(2) Illc enim ii hennam, ignarus et cœcus in pœnam, recédées prilirct
a Cbrisli lumine, monentis : I i sum lux mundi ; qui sequitur me, qod
ambulat in tenebris, sed habebit lumen vit;c ( De
(3) Tôt \iri, lot mu . liante el ara del i al c puella?, flnmmas , et iernes,
etbeslias œquanimiler pertulerunt ; et nos hominum con\icii dicimus toléra i
pos«e. Undc, di inte, nec qna conscient», cum omnibus sani I
nabealitndine habere dcsidcranius , quorum excmpla sequiiu rébus uiiuiuiiJ
aou acquiescuuus 1 ( Scrm. lxi de Temp.)
faucon1 des rxjrnrs. 499
Être fort pour nuire , c'est avoir la puissance de la peste , dit
Sénèque : Pestifera vis est vale?*e ad nocendum (Lib. I de Clément. ).
En voulant montrer qu'il ne mérite pas une injure, celui qui ro
laisse promptoment émouvoir par elle prouve qu'il la mérite, dit saint
Ambrpise. Celui donc qui méprise une injure, est plus estimable que
celui oui s'en plaint. Car celui qui -la méprise , la dédaigne comme
s'il ne la sentait pas; tandis que celui qui s'en plaint montre par là
qu'elle fait son tourment (1).
Dans les injures et les outrages, le vainqueur est plus faible et
plus misera1 (loque le vaincu, dit saint Basile; car il sort de la lutte
plus chargé de péchés (lie gui. Brevior. clxxvi).
11 vaut mieux, dit saint Grégoire de Nazianze, être vaincu en con-
servant la décence, que de vaincre avec danger et injustice. Ceux
qui aiment les disputes cherchent leur gloire dans une chose évi-
demment mauvaise, et ils se glorifient de leur déshonneur (2).
L'homme impatient, haineux, vindicatif, est si faible, qu'il est
vaincu, 1° par une injure... ; 2" par celui qui la lui adresse...; 3° par
la colère... ; 4° par le démon...; 5° parles témoins de sa lâcheté, qui
le blâment et le condamnent...; 6° par Dieu, qui l'abandonne et
qui le destine à subir des peines éternelles
Nul n'est plus fort que celui qui est résolu de tout souffrir, dit
saint Grégoire de Nazianze. Mais aussi, nul n'est plus faible , plus
lâche que celui qui ne peut rien supporter, pas même une parole
(Jjislich.).
Si vous vous emportez contre celui qui vous injurie, dit saint
Basile, vous prouvez que vous méritez l'outrage qui vous est fait.
Car qu'y a-t-il de plus insensé que la colère ? Mais si vous demeurez
calme, vous couvrez de honte celui qui vous insulte (3).
Oh! qu'insulté , Dieu se conduit bien autrement que les hommes !
L'homme prépave la vengeance; Dieu prépare le pardon etlarécon-
ciliation. L'homme sévit pour perdre; Dieu, pour corriger et sauvée
L'homme obéit à la passion, à la colère, à la haine; Dieu agit sans
émotion et par raison. L'homme se venge; Dieu exerce sa justice, sa
(1) ls qui cifo injuria movetur, facitso dignum videri contumelia, dum vult ea
indignus probari. Melior est itaque qui contenmit injuriant quam qui dolet : qui enim
conlemnit, quasi non sentiat , ita despicitj qui autem dolet, quasi seuserit, torque -
tur (Lib. I Offic, c xxvi ).
(2) Procstat honeste vir.ci , quam periculose et injuslc vincere. Qui ingenio simt
bèllicoso , gloriam suam ex publico malo \cnantur, et dedecore suo gloriantur {In,
Distich.).
(3) Si irasceris convicianti, convicia approbasli. Quid enim ira ins;pienti;.
•vero b9h1 moveris ùrajn, injuriait! fauetiUnipudoieaùccisti ^InReyul. ùiev.cixxvi).
500 PARDON DES INJURES.
clémence, sa douceur. L'homme agit promptement et en aveugle;
Dieu agit lentement et avec intelligence. L'homme ne pèse ni ce
quïl dit., ni ce qu'il fait; Dieu opère avec poids et mesure.
puoi "et mal- LES Posées de l'homme haineux et irrité ressemblent aux petits de
heureux est ja vjpère, qui rongent les entrailles de leur mère, dit saint Jérôme : v
I homme qui r *
ne pardonne Irati hominiscogitationes ï^artus sunt viperœ, visccramatriscorrodentcs
ra'" (Epist.).
L'homme qui insulte , et celui qui ne peut supporter l'outrage,
sont l'un et l'autre torturés par l'injure, la colère, la jalousie, la
haine, les projets de vengeance, enfin par le démon; ils sont détestés
de Dieu et des hommes
Méprisant l'humilité, les hommes haineux, dit saint Augustin ,
veulent se venger, comme si le mal d'autrui pouvait être utile à qui
que ce soit. Celui qui a été lésé , offensé, veut se venger; il cherche
un adoucissement à sa peine dans le mal d'autrui, et s'attire un
grand tourment. Vous pensez que c'est beaucoup que de vous venger
de votre ennemi; mais si vous voulez absolument vous venger d'un
ennemi , tournez-vous du côté de votre colère; car elle est vraiment
votre ennemie, elle qui tue votre âme. Voilà pourquoi vous devez
prier Dieu, afin qu'il fasse périr non votre ennemi, mais votre
inimitié: agir ainsi est une sainte vengeance (1).
Se venger en se donnant un plaisir cruel, c'est imiter les démons,
qui nous l'ont du mal autant qu'ils peuvent par pure méchanceté.
Mais comme le vain plaisir qu'ils trouvent à nous persécuter et à
nous rendre malheureux n'adoucit pas leurs supplices; de même
le plaisir que l'homme vindicatif puise dans la haine et dans Ja ven-
geance n'adoucit pas ses maux et ses tourments; au contraire, il
ne fait que les augmenter
Il n'est pas d'hommes aussi malheureux que ceux qui ne veulent
pas pardonner. La vue de leur ennemi les torture; penser à lui est
un supplice. Si quelqu'un loue cet ennemi , ou l'estime, ou l'aide ,
cela les rend malades d'envie et de fureur; s'il prospère, sa prospé-
rité les tue. ils n'ont jamais de repos : leur conscience les fatigue,
(1) Caru humiliari dedignantur , vindicari volunt, quasi pœna cuique pro
possit aliéna: lœsus , injuriant passas , vindicari vult ; de aliéna pœna sibi g
m idicamenlum, et acquirit grande tormentum. Magnum aliqui i pulas, si te de loi-
mico tno vindicas; sol site vis vindicare de inimico tuo,ad ipsam iram le con verte;
qaoniam ipsa est initnica tua. qv e occi litanimam tuam. Quarc orandus i
occidat, non iuiiiiieuin, sed inimicitiam : l'^c enim estsancta vindicta ( ■
PARDON DES ÏKJÏÏRES. r>0 ï
leurs crimes sont toujours présents à leurs yeux, la justice de Dieu
les poursuit, l'image de leur ennemi les accompagnera haine et l'in-
dignation publiques s'attachent à eux; ils se harcèlent eux-mêmes
comme s'ils se détestaient, les démons les entourent; en un mot, ils
trouvent l'enfer dès ici-bas
Celui qui cherche à l'aire du mal à son prochain ne lui nuit
en rien, dit saint Chrysostome; mais il se prépare un trésor de
tourments qui ne finiront jamais. Les frères de Joseph, en le per-
sécutant , l'ont couvert de gloire , et se sont accablés eux-mêmes
d'ignominie (1).
Ne vous vengez point vous-mêmes , bien-aimés , dit le grand n faut laisse?
Apôtre aux Romains, mais laissez agir la coière de Dieu; car il est leJ^lenous
écrit : A moi la vengeance , et je l'accomplirai, dit le Seigneur : venger.
Non vos defendentes , carissimi , sed date locum irœ; scriptum est
enim : Mihi v indicta , ego rétribuant , dicit Dominus (xii. 19). Mais^
continue l'Apôtre, si votre ennemi a faim, donnez-lui à manger;
s'il a soif, donnez-lui à boire; car en faisant cela, vous amasserez
des charbons de feu sur sa tête : Sed si esurierit inimicus tuus, ciba
illum; si sitit , potumdailli : hoc enim faciens, carbones ignis congères
super caput ejus (Rom. xii. 20 ). Laissez agir la colère de Dieu, c'est-
à-dire gardez le silence , cédez à .l'homme emporté , souffrez
patiemment ses offenses, pardonnez -lui, dilatez votre cœur pour
y faire entrer la charité , et si votre ennemi ne profite pas de l'exemple
que vous lui donnez , il aura à répondre à Dieu de sa conduite.
C'est à moi qu'appartient la vengeance, et je l'accomplirai, dit le
Seigneur : Mea est ultio ; et ego retribuam (Deuter. xxxn. 35).
Quoi que vous ayez souffert , dit Platon, vous ne devez jamais
user d'insultes ni vous venger : Nullo modo injuriandum est , neque
ulciscendum, quidcumque ipse passus fueris (De Legibus).
Ne dites point, je me vengerai; mais attendez le Seigneur, et il
vous délivrera, disent les Proverbes : Ne dicas : Reddam malum;
ezspecta Dominum, et liber abit te (xx. 22). Ne dites point ni de
| 'e ni de vive voix: Je me vengerai; car, rendre le mal pour
I al, ce n'est pas un acte de justice, mais de vengeance ; acte
défendu par le droit et par toutes les lois. Il faut repousser l'injure
(1) Qui proximum affligera tentât, illi qu'idem nihil tiocet; sibi r.r.'rm immortalia
iormenta thesaurizai. Fralrcs persequendo Joseph , ipsum £ seipsos ignominis
aflecenmt ( In Psal. ).
502 PAltDON DES HS'JTIVES.
avec le bouclier de la patience , et non par le trait de la ven-
geance
Attendez le Seigneur, et il vous délivrera. Cela signifie que l'offensé
doit désirer sa délivrance, mais non le châtiment du provocaîeur.
Cela veut dire aus?i que l'homme insulté, blessé, doit recourir,
non à ses amis, ni à lui-même, ni à des gens armés , mais à Dieu ; ne
voir que Dieu, mettre en lui seul sa confiance, et attendre de lui sa
délivrance. Il doit embrasser la croix de tout son cœur , et l'appliquer
sur ses blessures comme un remède très-efficace. J. C. est toujours
prêt à venir au secours de celui qui est affligé, et qui l'invoque
conformément aux paroles du Psalmiste : Comme le serviteur tient
les yeux attachés sur son maître, une servante sur sa maiti
ainsi mes regards sont fixés sur le Seigneur notre Dieu, jusqu'à co
qu'il ait pitié de nous (1).
Voyez avec quelle attention et quelle persévérance le chien regarde
son maitre et se tient près de lui, lorsqu'il est à table, attendant
patiemment que celui-ci lui donne à manger; regardez aussi Jésus,
ne le quittez pas , et il vous accordera toutes les grâces
Quand votre ennemi tombe, disent les Proverbes, ne vous réjouis-
sez pas de sa ruine et que votre cœur ne tressaille pas de joie. Ne
dites pas : Je lui ferai comme il ma fait; moi le Seigneur, je rendrai
à chacun selon ses œuvres (2).
Il font Pierke s'approchant de Jésus , lui dit : Seigneur , si mon frère pèche
toujoursTet contre moi, combien de fois lui pardonnerai-je? jusqu'à sept i'
nonseu"oment ^é5US lui ^ '' Je ne vous ^S PaS JUSlIu'a seljt ioii > m;us jttflJU'à
"- septante fois sept fois (3).
remml, mais AT * . , , . ... . , , ,, ...
de cœur. I>e soyez pas vaincu par le mal , dit le grand Apôtre, mais triom-
phez du mal par le Licrî : NoK vinci a molo , sed vince in iono malum
( lîom. xu. 21 ). Il ne triomphe pas du mal par le bien celui qui n'est
bon qu'en apparence, dit saint Augustin, et qui est mauvais au fond;
celui qui épargne d'action, et qui gévit de cœur; celui qui a la main
(I) Sicut oruli servorum in manions clominonim suorum , sicut oculi ftacillffi in
mauibus domina: sua;; ita oculi nosiri ad DoininumDcum îioslrum, doiiociniscrealur
nostri (cxxn. 2).
(2, Cum cccidcrit inimirus tnus, ne gaudeas ; et in ruina pjusne cxsnltnt cor tuum.
Ne dieu : Qaomodo fecit mihi, sic faciam ci : reddam uniquique secundam opus
suum (xxiv. 17. 29).
(3) Accodens Pclrus ad cnm, dixit : Domine, qnolies peccabit in me ïr
■tdimitlam .i? Dsque septies? Dicit itli Jésus : Non dico tibi usque I
Usquc leptaagies Beptici (.MovUh. xviii. 21. 21).
PARDON DES INJURES. 503
douce, et la volonté cruelle (1). Tel est l'homme qui cache par hypo-
crisie sa haine et ses désirs de vengeance. Le pardon qui ne part pa3
du cœur ne vaut rien, pas plus que le repentir qui n'existe que sur
les lèvres
Le pardon doit à la fois exister dans le cœur , et se manifester à
l'i .'rieur par la réconciliation. Le pardon extérieur est nécessaire
l'édification du prochain; et le pardon intérieur pour satisfaire
à Dieu qui sonde les reins et les cœurs. Dieu exige l'un et l'autre.
Pardonner intérieurement, sans vouloir pardonner extérieurement,
c'est scandale ; pardonner extérieurement, sans pardonner de cœur,
c'est hypocrisie.
Celui qui cache dans son cœur le souvenir des injures , dit saint
Ephrem , ressemble à celui qui nourrit un serpent dans son sein; il
se fait plus de mal qu'il n'en fait aux autres (2).
11 va, dit saint Augustin , plusieurs espèces d'oeuvres de miséri-
corde qui, employées, nous sont d'un grand secours pour obtenir
le pardon de nos péchés ; mais il n'y en a pas de plus grande que de
pardonner de tout son cœur les offenses reçues (3).
AccoiiDEZ-vors promptement avec votre adversaire, pendant que nnef*»it pus
vous cheminez avec lui ; de peur que votre adversaire ne vous livre j différer
' u -1 de paruoancr.
au juge, que le juge ne vous livre à l'appariteur, et que vous iis
soyez jeté en prison, dit J. C. Je vous le déclare en vérité, vous n'en
sortirez point que vous n'ayez rendu jusqu'au dernier quadrant (i).
Que le soleil ne se couche point sur votre colère, dit saint Paul :
Sol non occidat super iraeundiam vestram (Ephes. iv. 26). Ces paroles
signifient qu'il faut promptement réprimer sa colère, et que le par-
don des offenses ne doit pas se faire attendre. Que le soleil ne se
couche pas, c'est-à-dire que J. G. , qui est le vrai soleil, ne dispa-
8 pas avant crue vous ayez pardonné
I Augustin : Que le soleil, dit-il, ne se couche pas sur
votre colère, de peur que J. G. n'abandonne votre âme; car J. C. ne
(4] Non \incit in bono malum , qui in superficie bonus est, et in alto malus; opère
parcens, eorde saeviens; manu mitis, roluntate crudelis [Sentent, ccxlvii).
Qui inemoriana irijuriarum abscondit in corde suo , similis est ei qui in sinu
suo serpentera nutrit; inique sihi magis quam alii- nociturum ( D<; Tint. I
ulta sunt gênera miscrationum, quœ cura facimus, adjuvamur ut dimilfantur
nobis uo.-tra peccata; sed eanihilest uiajus qua ci corde dimitlimus quae quisquo.
pecciMi ( .- U Temp.).
(4, li'sto consentions adversario tuo cilo dnm ps in via cum eo ; ne forte (radat te
adversarius judici, et judex tradat ministro, et incarcerem mitlaris. Amen dico libi,
non exics iiule, donec reddas novissinium quadrantem ( Matth. v. 23. 26).
$04 PARDON DES INJURES.
veut pas habiter avec la colère et la haine. Chassez-les de votre cœur,
avant que la lumière visible disparaisse, de peur que J. C,
lumière invisible, ne vous abandonne (1).
Ti faut faire gr offrant votre don à l'autel, dit J. C. , vous vous souvenez que
les premières . , , . . , .
'marches de votre irère a quelque chose contre vous, laissez votre don devant
réconciliation. j'autel, et allez d'abord vous réconcilier avec votre frère; et après
vous viendrez offrir votre don (2). J. C. ne dit pas : Si vous avez de la
haine, déposez-la; mais si votre frère a lui-même quelque haine
contre vous, allez le premier le conjurer de renoncer à sa haine.
Aitez-y avant de faire l'offrande de votre cœur et de vos prières à
Dieu, avant d'entrer dans le lieu saint, avant de vous confesser ou
de communier
C'est un aveuglement et un malheur de ne pas chercher à se
réconcilier, et même de ne pas faire soi-même les premières
démarches.
Plongés dans les ténèbres de l'erreur, les mondains regardent
comme quelque chose de honteux et de dégradant de faire des
avances : mais ils se trompent; car il n'y a rien de plus honorable
que d'accomplir un acte d'héroïque vertu, tel que celui dont il est
ici question. Voilà pourquoi, fût-il le moins coupable des deux , ne
le fut-il même pas, celui qui prévient son adversaire et qui l'invite
à la paix, est, sans aucun doute , estimable, généreux, noble et
magnanime. Vainqueur de la colère et de la haine , il mérite éloges ,
gloire et récompense; car il met à néant les pensées et les projets
hostiles qui existaient soit en lui-même , soit dans ses ennemis. 11
imite la divinité. Dieu infiniment grand et à qui tout honneur et
toute gloire sont dus, ne prévient-il pas par sa grâce les pécheurs ,
qui sont ses ennemis? Ne les avertit-il pas, ne les presse-t-il pas de
vouloir bien se réconcilier avec lui et d'accepter son pardon? N'a-t-il
pas envoyé dans ce but sur la terre, J. C. son Fils unique, selon ces
paroles de l'Apôtre: Dieu était dans le Christ, se réconciliant le
monde? Deuserat in Christo mund innreconcilians sibi (II. Cor. v. 19).
Ainsi, par son exemple. Dieu a honoré et glorifié l'acte de se
(1) Fol non occidat super iracundiam vestram , ne Christusde?erat mentem tuam :
quia non \ult Christus babitare cum iracundia. Ejice iram de corde, antequam occi-
dat lux isla risibilis, ne te dcseral lux illa in\ isi!>;li> In Psal. XXVI . .
(2) Si olïers mumis tuum ail altare, <•[ >l.\ i ueris quia (Valcr Unis hanei
ali., m le; relinque ibi tnun is l tum anlc ail ire, et vade i uiliari
fralri luo ; ettiinç Teni nynus tuuip '..'uitli. v. 23 24},
îA'ntlON MES INJCT.ÈS. "OS
réconcilier avec ?on ennemi, et de faire les premières démarches.
J. C. n'alla-t-il pas le premier au-devant de Judas qui venait ù lui
pour le trahir et le livrer aux bourreaux? Ne lui donna-t-il pas le
nom d'ami? Qui oserait estimer déshonorant ce que Dieu a regardé
comme très-honorable, môme pour lui?...
Les hommes stupides qui n'ont ni religion ni charité se figurent
que la grandeur d'âme, que l'honneur, que le caractère consistent
à se montrer intraitables en présence des offenses reçues. C'est là lire
pensée et une conduite dignes du démon, une imitation de ses acl .-.
C'est par suite de l'orgueilleuse opiniâtreté qui se refuse à faire des
avances, que les inimitiés, les haines, les vengeances se perpét
parmi les pécheurs du monde, ni l'un ni l'autre des deux coupables
ne consentant à commencer de se réconcilier, encore moins à deman-
der pardon, fùt-il le premier agresseur. C'est même ordinairement
le plus coupable qui met le plus d'entêtement à éviter une démai*-
che si belle, si édifiante, si honorable, si digne déloges. Que mon
saire fasse les premiers pas. dites-vous; et si votre advers
on dit autant, vous mourrez donc l'un et l'autre sans vous être ni
/.ciliés, ni parlé, ni même vus; vous quitterez la terre avec la
haine dans le cœur, laissant pour tout souvenir un scandale affreux;
et vous paraîtrez ainsi au tribunal de Dieu! Ah! vous êtes déjà
jugés et condamnés ! Ces', alors que vous ne sortirez pas des mains
du Juge souverain des vivants et des morts, avant ;d'avoir payé
jusqu'à la dernière obole. Mais n'ayant plus de quoi payer et ne le
pouvant plus , vous serez à jamais détenus dans le lieu de la haine
éternelle
Celui qui se réconcilie le premier fait preuve d'une âme libérale,
maitresse delà colère et de la haine, d'une âme douce et généreuse;
je dirai plus, d'une âme céleste et divine.
Saint Chrysostome montre admirablement combien il est honora-
ble et méritoire de prévenir son ennemi, et de l'inviter ù la réconci-
liation, en ce que cette démarche est un acte de vertu héroïque, et
un très-grand bien pour tous les deux. Or, l'auteur de ce grand bien
t pas celui qui est prévenu et prié, mais celui qui prévient et
qui prie son adversaire de se réconcilier et de pardonner. Celui qui
lait les avances, dit ce saint docteur, a tout le mérite et la récom-
pense de l'action. Car, si vous n'abandonnez la haine et la vengeance
îue parce qu'on vous en a prié et qu'on s'est humilié devant vous,
«uel mérite avez-vous? Il appartient tout à celui qui vous a ainsi
prévenu et supplié. Ce n'est pas en obéissant à Dieu que vous avez
506 PARDON DES INJURES.
accompli la loi [du pardon, mais en faisant orgueilleusement
grâce (l).
J. C. n'est-il pas dc-à:::idu !e premier vers nous, afin de nous
appeler à lui, de nous réconcilier et de nous pardonner; cependant
il était innocent, et nous étions coupables et très-coupables. Celui-là
seul donc est chrétien et de la suite de J. C, qui imite le Sauveur et
qui fait les premières démarches
Il n'appartient qu'à une âme petite et étroite d'entretenir les ini-
mitiés; au contraire, les faire disparaître est d'une âme grande et
élevée. Voilà pourquoi Moïse, demandant à Dieu qu'il voulût bien
pardonner aux Juifs révoltés, fit entendre ces remarquables parules :
Que la force du Seigneur apparaisse dans t ute sa gloire, comme
vous l'avez juré lorsque vous avez dit : Le Seigneur est patient et
riche en miséricorde; il enlève les iniquités et les crimes. Pardon-
nez, je vous prie, le péché de ce peuple, selon la grandeur de votre
miséricorde (2).
Motifs Premier motif. Nous avons outragé Dieu mille fois plus qu'on ne
qui oli'.igent , , ,
,ic. nous a outrages; nous avons donc un besoin immense que eu
pardonner. nous parJ0nne Mais Dieu ne nous pardonnera qu'à la condition
que nous pardonnerons nous- mè mes; nous devons donc par-
donner
Second motif. Notre faiblesse. Il n'y a pas de crimf* commis par un
homme que tout autre homme ne puisse commettre, si Dieu, qui
nous a créés et qui nous dirige, 1 ne, dit saint Augustin:
JNullum est peccatum quod fecit homo , quod non possit facere aller
homo , si desit Hector a quo factus est homo (Soliloq., c. xv). Soyons
donc indulgents envers ceux qui nous offensent
Troisième motif. Notre parenté en Adam et en J. C. n.irmolons-
nous que nous sommes membres les uns des autres, dit saint Paul :
Sumns invicem membra (Ephes. iv. 25).
Autres motifs. Nous sommes tous 1° créés à l'image
2° enfants de Dieu... , 3" rachetés j de J. C... , i° membres
de J. C... , .'i° enfants de la '..., 6° frères en di
J. C. et en l'Eglise..., 7" d i ciel..., 8° issus da la même
(1) Qui enim prinr venit , is iotum lucrum anticipât. Si enim ab alio exoratn«,
iram relinquis, illi unputetur, cujus precibus impclratum c.-;!.
permis, sed illi gratifl i adimplct o . .
(i) Magnificelu iljuiasli, d cens : Dominus patieps, et
wuli iniquilalcm c! era ; dimitte , ob i ccalurr
populi bajusècoodum i is rnîtiidinem u ■ tuui [Kum. xiv. n-iy).
pàrïiON des muites. 507
son rli e etfnus mortels; sous ces deux rapports nous sommes par-
faitement égaux 0° Nous avons tous besoin d'indulgence, étant
tous faibles et pécheurs 10° Le précepte de Dieu, qui est eifo;-
mel , n'excepte personne 11° Notre salut et notre bonheur éter-
nel sont à ce prix
Nous supportons facilement les injures, lorsque nous passons en
revue au fond de notre conscience les péchés que nous avons corn-
mi?, et que nous voyons que nous en avons mérité de plus grandes,
dit saint Grégoire : Tune Mata convicia hene tale-wmw, cum in secreto
mentis ad ma la perpétrât a recurrimus, et mt^^^nos meritos videmus
(Moral., lib. XXXI, c. xvn).
Il faut se dire avec un cœur contrit et humilié : J'ai offensé Dieu
mortellement; j'ai mérité de brûler durant toute l'éternité dans
l'enfer et d'être insulté, bafoué, méprisé, tourmenté par les démons,
et je ne supporterais pas avec résignation cette parole, cette légère
insulte d'un de mes semblables?... Mais si l'on savait combien en
effet je suis coupable, on m'en dirait et on m'en ferait bien davan-
tage Cette injure, cet affront n'est pas la millième partie de ce
crue je mérite
Toutes les injures qu'on peut nous adresser ne sont rien, si nous les
comparons à ce que nous méritons, dit encore saint Grégoire : de là
vient qu'elles méritent plutôt de la reconnaissance que de la colère (I).
Voici encore deux puissants motifs qui nous engagent à pardon-
ner : le premier , c'est le sort de l'homme qui ne pardonne pas : il
est tourmenté au dedans de lui-même; il est détesté de Dieu et des
iiommes , maudit du ciel et de la terre... ; le second , c'est le bonheur
que goûte celui qui sait pardonner généreusement : il a la paix du
cœur, la tranquillité de la conscience; il est aimé et honoré , béni
de Dieu et des hommes; il passe une vie heureuse, meurt de la
mort des justes, et s'assure le ciel
Que toute amertume, et colère, et indignation, et clameur, et II faut Fe
pardonner
détraction soit ùtée de vous , avec toute malice, dit saint Paul aux mutueiie-
Ephésiens. Soyez bons et miséricordieux les uns envers les autres;
\ous pardonnant les uns aux autres, comme Dieu vous a pardonné
enJ.Ç. (2)
(1) Levé quippe videtur qnod injuria perculimur, ihim in actione nostra per?pi-
cimus. quipejus est quod meremur : sicquefit ut conlumcliis gratia magis quam ira
debeatur (Moral., lib. XXXI, c. xvn).
(2) Omuis amariludo, et ira, et indignalio , et clamor , et blaspbemia toilatur u,
meut.
508 rMDO!J BËS njtfRE^
0 sublime et divine morale t que l'univers serait heureux, si elle
était observée !
Soyez donc les imitateurs de Dieu, comme ses enfants bien- aimés,
continue le grand Apôtre; et marchez dans l'amour, à la suite
du Christ qui nous a aimés , et s'est livré lui-même pour nous en
oblation à Dieu et en hostie de suave odeur (1).
Ayez une charité abondante, écrit-il aux Thessaloniciens ; con-
servez la paix entre vous. Nous vous en prions, reprenez les turbu-
lent*, consolez les affaissés , soutenez les faibles, soyez patients avec
tous. Prenez garde que nul ne rende à autrui le mal pour le mal;
mais cherchez toujours le bien les uns des autres, et de tous. Je
vous adjure , par le Seigneur , que cette lettre soit lue à tous les
frères. La grâce de Notre-Seigneur J. C. soit avec vous (2).
Pourquoi nous offenser les uns les autres? dit saint Chrysostome.'
Pourquoi nous faire la guerre? Ne nous est-il pas ordonné de nous
aimer tous , et même nos ennemis les plus mortels ? ( Moral. )
Prétextes i<> JE ne veux pas pardonner... ; 2° je ne le peux pas... ; 3° c'estmoi
qu'on allègue .'•'»•■ r ■ t> • *>
pour ne pas qui ai ete insulte...; 4° je n avais pas lourni d occasion... ; ou mon
paine point ** nonneur serait compromis... ; 6° on se rirait de moi... ; 7° l'injure
se réconcilier, est trop forte... ; 8° mon adversaire est un méchant homme... ; 9° si
je pardonne, il recommencera...; 10° il a cherché à me ravir ce que
je possède... ; 11° il a attaqué ma réputation... ; 12° il a attenté à ma
vie... ; 13° qu'il fasse du moins les premières démarches... ; 44° je
lui pardonne, mais je ne veux ni le voir ni lui parler...; 15° je lui
parlerai, mais je garderai ma rancune
Toutes ces plaintes, tous ces prétextes, tous ces accommodements
tombent devant ce que nous avons dit plus haut.
Quelle, est la \\yy.z vos ennemis, dit J. C, faites du bien à ceux qui vous haïss
vraie manière . 1 • * n;-
«le m venger et priez pour ceux qui vous persécutent et vous calomnient : Dui-
rictorieuse^ 0l(c inimicos vestros ; bene facile his gui oderunt vos , et orate pro
Tient et sain-
temen . vobis, rum omui nrirtilia. Estotc autem invieem benïgni , miséricordes , donantos
invieem, sicut et Dcus iu Chrislo dona*. it vobis (IV. SI. 33 ).
(1) Estote ergo iinilatorcs Dui , sicut lilii carissimi. Et ambnlatc in dilectiono
sîcut et Christus dilexit nos, et tradidit semetipsum pro nobis oblationcm et hostiain
Deo in odorem suavitatis [Ephes. v. 1. 2).
(2)Rogamusvosuthabcalis illofl in cantate...; pacem babetc cum eis Rogamus
vos, corripite inquietos, consolamini pusillanimes, suscipi te infirmos, pat:
admîmes. Videte ne quis malom pro malo alicui reddat: sed semper quo :
uniniin invieem, cl in omnes. Adjuro vos per Dominum, ut legatur episl
omnibus fratribus. Gratia Domini nostri JcsuChristi vobiscum ( 1. v
PARDON DES INJURES. 509
pcrsequentibuset calurnniantibus vos (Maith. v. 44). Voilà comment
J. C. s'est vengé. Oh ! Ja belle, la sublime, la divine vengeance !...
Si votre ennemi a faim, donnez-lui à manger, dit saint Paul; s'il
a soif, donnez-lui à boire; car en faisant cela vous amasserez des
charbons de feu sur sa tète : Si esurierit inimicus tuus, ciba illum; si
sitit, potum da ïlli. Hoc enim fociens, carbones ignis congères super coput
ejus (Rom. xii. 20). Votre ennemi sera confondu, il rougira de sa
conduite et en changera. Vous amasserez des charbons de feu sur sa
tête, c'est-à-dire vous amasserez sur sa tête le feu de la charité et de
l'amour !...
Celui qui obéit à la haine et qui se venge, n'est pas vainqueur de
son ennemi; il est vaincu. Car, dit Tertullien, celui qui vous blesse
vous blesse pour vous faire souffrir; le fruit qu'il veut recueillir est
votre douleur. Lors donc que vous trompez son attente en ne faisant
entendre aucune plainte, c'est lui qui nécessairement en vient à
souffrir d'avoir manqué son but. Ainsi, non-seulement vous vous
retirerez sans blessure, mais encore avec le plaisir d'avoir trompé
l'attente de votre adversaire, et de vous être préservé de toute souf-
france (1).
Comme le feu éteint l'eau; ainsi la patience et la bonté apaisent
la haine et la soif de la vengeance.
Comme un boulet de canon perd de sa force en frappant un
sac plein de laine; ainsi les injures s'arrêtent devant la mansué-
tude.
Si vous voulez vivre heureux, et vous venger noblement de votre
ennemi, dit l'abbé Agathon, devenez semblable à une statue qui, si
on l'insulte, ne s'irrite pas; et si on la loue, ne s'enorgueillit pas
( Vit. Pair., lib. VII., c. xltii).
L'écho , dit saint Basile, ne renvoie pas mieux un cri à celui qui
l'a jeté, que l'injure ne retombe sur son auteur, lorsqu'on prend
patience (Serm. contra Irascent.).
Lorsqu'on essuie un outrage, il faut s'armer de patience, de
calme, de douceur, de résignation , d'espérance en Dieu : par ces
moyens on triomphe de l'injure, de son auteur, de soi-même, du
démon , et en quelque sorte de Dieu auquel on ravit les céleste*
récompenses
(1) Idcirco qui te lœsit, utdoleas; qui fructus ltedentis in dolore laesi est. Ergo,
cuin fructum ejus everteris non dolendo, ipse doleat necesse est, amissione fructus
sui. Tune tu, non modo illœsus abibis, sed insuper et adversarii tui frustrations
UelecUUus, et dolore dei'ensus {De Patient., c. vmj.
510 PARDON DES INJURES.
Les injures et les affronts s'arrêtent devant la douceur ^ dit saiDt
Grégoire de Nysse (Serm. x^ti ).
On doit prier Dieu de détruire, non pas celui qui nous insulte,
mais le pè"ché qui résulte de ses offenses et de sa Laine
La haine se dompte par les armes de la charité. Heureuse et sûre
victoire!...
On demandait à saint Dorothée quel moyen il fallait prendre pour
se mettre au-dessus des injures, et ne pas s'en irriter? Si vous vous
mépri.-ez vous-même, répondit ce pieux cénobite, vous n'éprouverez
aucun trouble : Si tcipsum contempscris, non periùrbaèeris (Vit. Pair.).
Vous a-t-on injurié, vous a-t-on blâmé? fermez la bouche , dit
saint Chrysostome : si vous l'ouvrez, vous exciterez bien davan-
tage cette sorte de vent. Vous voyez ce qui se passe dans un édifice ,
quand deux portes opposées sont ouvertes, et qu'un violent courant
d'air s'est établi. Si vous fermez une des portes, vous ôtez toute force
au souille qui se faisait sentir. Ici aussi il y a deux portes : votre
bouche et celle de celui qui vous insulte (1).
Enuroératioh' Dans l'amour des ennemis, saint Chrysostome indique neut
d'amour des* degrés : le premier consiste à ne pas chercher à leur nuire...; le
ennemis, qui seoond? à ne pas repousser par l'injure, l'injure qu'ils adressent...;
de moyens de le troisième, à demeurer calme...; le quatrième, à ne pas se
dérober aux affronts...; le cinquième, à accepter volontiers un
outrage plus grand que celui qui est fait...; le sixième , à ne point
haïr celui qui injurie...; le septième, à l'aimer...; le huitième-
à le combler avec plaisir de bienfaits...; le neuvième, à prier Dieu
pour lui ( IJomil. xvm).
(1) Conviciatus est quisquam? vihipernvif ? Tu clarido os fuum : si enîm illud
apteriieris, concflâbM migfà fèrilnm h'tinc. Nunc v dès In rcdibûs, qu.imlo direele duae
japtue oppôsitœ sunt, et ilalus véhément imierit ; si i Ltciam claaseris, nihil valeat
efRcere flalus. Ua et bic dua: suut jauua:, os tuuni , et os illius ( Uomil. u in I ad
Zhess.).
PARESSE,
Tn pore de famille, dit J. C, sortit de grand matin, afin de louer Le paresseux
r ' 9 ° ' est un cire
des ouvriers pour sa vigne. Et vers la troisième heure étant »ul-
H_J sorti de nouveau, il fn vit d'autres qui étaient oisil's dans la
place. Il sortit encore vers la sixième heure et la neuvième. Enfin,
étant sorti vers la onzième heure, il en trouva d'autres qui étaient
là oisifs, et il leur dit : Pourquoi êtes-vous ici tout le jour sans rien
faire? Quid hic status tota die oliosi? (Matth. xxi. 1-3. 5. 6. ) Voilà le
portrait des paresseux qui passent toutes leurs années dans l'inac-
tion.
Salomon peint en quelques mots la vie du paresseux : Vous dor-
mirez un peu, lui dit-il , vous sommeillerez un peu, vous croiserez
un peu les bras pour dormir : Paululum dormies , paululum dormi-
tabis, ■paululum conseres manus ut dormias. Le paresseux veut et no
veut pas, dit-il ailleurs : Vult et non vult pigev (xm. A).
Il y a trois manière 3 de ne rien faire : 1° demeurer oisif... ; 2° ne
pas faire ce qu'on d :vrait faire , ou faire ce qu'on ne devrait pas
faire... ; 3° faire nui ce qu'on fait
La vie du paresseux ne sert à rien; il est un être inutile , par con-
séquent, il mériterait de ne pas exister
Les paresseux sont des arbres sauvages, stériles et desséchés, qui
occupent inutilement la terre On peut comparer une vie oisive à
un arbre sans racines. Les paresseux ne sont bons à rien ; ce sont des
monstres dans la société.
L'oisiveté, dit Thémistocle, est l'ensevelissement de l'homme tout
vivant : Otium est vivi hominis sepultura (Plutarch. Vit. illust. vir. ).
Sénèque exprime la même pensée (Prov.). Démétrius qualilie de
mer morte la vie oisive : Vita otiosa mare mortuum (Epist. lxyti).
Au lieu de faire valoir le talent qu'il avait reçu, le serviteur pares-
seux dont parle l'Evangile le cacha dans la terre. Son maître , qui
lui en demandait compte , lui dit : Serviteur mauvais et paresseux,
tu devais tirer profit de ce talent. Puis, s'adressant à ses autres ser-
viteurs : Reprenez-le-lui donc, a jouta-t-il, et donnez-le à celui qui
a dix talents; car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abon-
dance; mais à celui qui n'a pas . on ôtera même ce qu'il semble avoir
Le paresseux
est pauvre,
il n'a rien.
512 PARESSE.
( Matth. xxv). On ôtera à celui qui n'a pas, c'est-à-dire à celui qui
ne se sert pas de son talent.....
Celui gui maintenant, par lâcheté d'âme et par paresse , néglige
de bien agir, dit saint Grégoire, mendiera la vie éternelle , lorsque
le Soleil de justice se lèvera dans toute sa splendeur pour juger;
mais elle lui sera refusée : Qui nunc propter pavorem mentis atque
torporem, bene operari negligit; cum Sol justitiœ injudicio clamer it ,
mendicabit vita.111 , sed non accipiet ( Moral. ).
S'il est comblé des biens d'ici -bas, le paresseux ressemble à
l'homme dont il est parlé dans l'Apocalypse, et à qui le Seigneur
adresse ces paroles : Vous dites : Je suis riche et opulent, et n'ai
besoin de personne; et vous ne savez pas que vous êtes misérable et
à plaindre, et pauvre , et aveugle , et nu : Dicis : Quod d'wes sum, et
locupletatus , et nullius egeo : et nescis quia tu es miser, et miserabilis ,
et pauper , et cœcus, et nudus ( m. 17 ). Vous êtes misérable , pauvre
et nu , car vous n'avez rien des vraies richesses, des richesses de
l'âme; aussi, je vous le déclare, vous êtes à plaindre.
»,a paresse L'oisiveté a enseigné tout vice , toute perversité, dit la sainte Ecri-
ft iu mère tic tare '• Mullammalitiam docuit otiositas (Eccli. xxxin. 29 ).
L'oisiveté, dit le prophète Ezéchiel, a été l'iniquité de Soclôme :
Hœc fuit iniquitas Sodomœ, otium ( xvi. 49). Elle a été la cause de
toutes ses abominations.
Comme une terre qui n'a été ni semée , ni plantée , produit toute
espèce de mauvaises herbes, dit saint Chrysostome ; ainsi l'âme,
toutes les fois qu'elle n'a rien à faire, s'abandonne aux actes de
dépravation (1).
Sa m son lit la guerre aux Philistins, il fut invincible, et conserva
ses forces merveilleuses; mais lorsqu'il se livra à l'oisiveté dans la
maison de Dalila, il perdit sa chevelure et ses forces, fut pris, et eut
les yeux crevés: l'inaction lui ota la \uede l'âme, et Dieu se retira de
lui. Tant que David se trous a au milieu des adversités et accablé par
les travaux d'un pénible commencement de règne, il fut à l'abri des
tentations de la chair; mais lorsqu'il s'abandonna à un repos trop
prolongé, il devint adultère et homicide. Tant que Saloirion fut
occupé à la construction du temple, il demeura victorieux de ses
ions; mais quand ii obéit à la séduction de loisirs énervants, il se
(1) Sicut terra non occupata semeote, aui consitione, quamlibel herbnin produ*
eit; sic el aaima, quolies non babel quod agut, pravis actionibus se tradit [HomiL
»•!. in II aà Cor.).
tous les
crimes.
PARESSE. 513
plongea dans les voluptés, et courba le genou devant des idoles. Le
travail avait maintenu chastes ces trois grands hommes; l'oisiveté
les corrompit.
Vous demandez, dit Ovide lui-même, vous demandez pourquoi
Egisthe devint adultère ? La réponse n'est pas difficile : il était livré à
l'oisiveté :
Quœritur jEgisthus quare sit factus adulter?
la promptu causa est : desidiosus crat.
{Fabul.)
La paresse enfante les railleries, les calomnies, les médisances,
l'amour du jeu, le vol, l'intempérance, le libertinage; elle nourrit
tous les vices et porte à tous les excès
Comme les vers s'engendrent et se multiplient dans les bois tei-.-
dres et mous, dit saint Basile; ainsi toutes les impiétés de l'esprit
prennent naissance dans les âmes trop molles : Sicut venues in lignis
mollioribus nascuntur ; ita animi impietates in mollioribus hominum men
tibus oriuniur (Homil. de Grat. agend. ).
Il n'y a point de vertu, quelque facile qu'elle soit, que la paresso
ne rende très-pénible et presque impossible à pratiquer, dit saint
Chrysostome (Anton, in Meliss., c. xlv).
Saint Chrysostome enseigne que c'est l'oisiveté d'Adam qui fut ïa KavaSfa «i
cause de sa chute; si Adam eût été occupé, il n'aurait pas écouté le l'oisiveté.
serpent {Homil. xv in Gènes. ).
La paresse donne asile au démon ; elle est la source de toutes les
pensées mauvaises et de tout péché Plongés dans la torpeur de
l'oisiveté, les paresseux, dit saint Bernard, sucent le crime {Da
Acedia).
Qu'est-ce que l'oisiveté, dit saint Cyrille, sinon la perte de l'heure
qui passe et qui ne revient plus, l'effusion de la vie, le retour en
arrière de celui qui avance dans son voyage? L'oisiveté produit la
mollesse de la chair, engendre l'orgueil, enflamme la volupté, délie
la langue, entretient l'indigence et amène le vol. L'eau qui ne coule
pas se corrompt; l'épée qui ne sert pas se couvre de rouille ; le pied
qui ne s'exerce pas s'engourdit , et la teigne impitoyable dévore les
vêtements que l'on a quittés (■]).
(1) Quid enitn est olium, nisi perdit;.) irrevocabilis horae, effusio vita?, reli'c :ida-
tio proficicwis? Hinc gigait carnis d&iJiam, parit superbiam, acceudit luxunau»
111. 83
514 PARESSE.
Celui qui demeure oisif sera plonaé dans Fin 'iarence, disent
Proverbes : Qui sectatur otium replcbitur egestate (xxvnr. 19). Le
paresseux, dit Cassien, sera accablé par la pauvreté visible ou invi-
sible, corporelle ou spirituelle, etlrès-souventpar l'une et l'autre à la
fois; il ne peut éviter d'être la proie d'une foule de vices; il éprouve
de 1 eloignement pour la pensée et la contemplation de Dieu, et est
dénué de richesses spirituelles [De Instit. monach., lib. X, c. n).
Le paresseux étouffe sa conscience; il laisse se perdre ses richesses,
sa santé, sa réputation et sa vie. Les oisifs sont ordinairement grands
parleurs : conservant leurs mains inactiyes, ils font tra\ ailler leur
langue.
Saint Bernard dit que la vie oiseuse est la mère des bagatelles", et
la marâtre des vertus : Otiosa vita mater est nuyarum, novcrcu virtvr,
tum (De Consid., c. xm).
Les oisifs sont curieux, médisants et menteurs. Ne faisant rien, ils
s'occupent a examiner, à peser et à juger les actions d 'autrui,
censurer, à recueillir les faits, à se moquer et à railler ; il-
senties censeursde tous les hommes et se croient plus habiles qu'au-
cun d'eux. C'est ce qu'écrit le grand Apôtre aux Thessuloniciens :
Nous avons appris que parmi vous plusieurs marchent sans .
travaillant point, mais prenant pour mobiles de leurs actes la curio-
sité : Awlivimus inîer vos quosdam ambulare inquiète, nihil opérantes,
sed curiose arjentes (II. m. 11). C'est-à-dire, comme l'explique
Maxime, que ne faisant rien eux-mêmes, ils ne s'occupaient ;u a
scruter avec curiosité les œuvres des autres : Nihil ope/ is ipsi facien-
tes, sed in aliéna opéra curiose inq\ Anton, in IVTeliss.). Le pro-
pre de ceux qui ne l'ont rien, die Théophilacte, est de s'enquérir de
là vie des autres : Eorum qui nihil agunt, proprium est aliénas scisci-
tari vi/as (Anton, in Meliss. ).
Baint Bernard décrit comme il suit les tristes effets et les affreux
ravages de la paresse : Lorsque le froid de la paresse s'est une fois
emparé de lame, elle s'engourdit et son activité se ralentit ; elle feint
de n'avoir plus de forces; elle aperçoit ce que. les austérités ont de
rebutant; elle se trouve envahie par la crainte de la pauvreté et
ni étroite; la grâce lui esl soustraite, le temps lui parait I
la raison s'assoupit, l'intel1: teint, la première ferveur dimi-
nue, la tiédeur et ses ennuis ai; - . , t , la charité fraternelle se
suivit lingnam, nutrit indigentiam, et introducit rapinam. Aqua putrescit immobilis
• quietus obstupescit, et vestem deposi-
tamdirus tiaeieden* • orfodit ^Cutectt., lib. II, c. i?j.
PARESSE. 515
rcfr. idit, la volup'é fait sentir ses caresses, la sécurité où l'on est
trompe, l'habitude entraine. Pourquoi m'étendrais-je davantage? La
loi est méconnue, le droit et la règle sont mis de côté, le devoir est
proscrit, la crainte du Seigneur abandonnée. Enfin on cède àl'im-
; et ce téméraire qui court à sa perte, cet homme couvert de
honte, plein d'ignominie et de confusion, devient présomptueux.
Alors il tombe des hauteurs de la vertu dans l'abîme du vice, d'un
chemin propre et bien pavé dans une boue infecte, du trône dans un
cloaque , da ciel sur la terre, du cloître dans le monde , du paradis
dans l'enfer (1).
Le paresseux , disent les Proverbes, n'a point voulu labourer à
cause du froid; il mendiera aux jours de la moisson et il ne lui sera
rien donné : Propter frigus piger arare noluit : mendicoMt œstate , et
non dabitur Mi (xx. A). Tout paresseux est toujours dans l'indigence,
disent encore les Proverbes : Omnis piger semper in egestate est
(xxi. o). J'ai passé par le champ du paresseux et par sa vigne, et
voilà qu'ils étaient pleins d'orties; les épines en couvraient la surface,
et l'enceinte de pierres qui les protégeait était tombée : Per agrum
hominis pigri transivi, et ecce totum repleverant urticœ , et operuerant
super fteiem ejus spinœ, et maceria lapidum destructa erat (Prov. xxiv.
30. 31)
Autant une fournaise "ardente lance d'étincelles, autant une âme
oiseuse a de désirs divers. Celui qui veut se soustraire aux funestes
convoitées , doit donc fuir le repos, et s'adonner au travail
La paresse corrompt la vertu, et le sentiment du devoir s'efface
dans une aine oiseuse, dit Démocrite (Anton, in Meliss. , c. xlv).
La mollesse, une faiblesse féminine, la torpeur, l'amour de la vie,
sont les compagnes inséparables de l'oisiveté, dit Aristote : Comitatur
ignaviam mollities, cffëminatio, torpor, vitœ cupiditas (Plutarch. ).
Comme l'eau pénètre par une fente dans la cale d'un navire, sans
qu'on s'en aperçoive, et s'y amasse, jusqu'à ce que , par l'incurie des
matelots, il coule à fond; ainsi, par l'oisiveté et la paresse, dit sain:
Pigritiae frigus, si semel animum pervaserit, subit quidam animi rigor, e'.
\i_rnr lente?cit : languor fingitur virium , horror austeritalis intenditur, limor
citât pauperlatis, cou trahi tur auimus , sublrahitur gratia , protrahitur Iongitudo
\it;e, sopitur ratio, spiritus exstinguitur, defervescit novitius fervor,iugravc-cit Upor
fastidiosus, rcfrrgi suit fratcriia caritas , blanditur voluptas, fallit securitas , revocat
consuetudo. Quid plura? dissimulatur lex, abdicatur jus , fas proscribitur, derelin-
quitur timor Domini. Dantur postremo impudentiœ mânus; prxsumitur ille teme-
rarius, ille perdeudus , ille turpissimus , ille plenus ignominia et confusione : sallus
de excelso in abyssum, de pavimeolo in Bterquilinium, de solio in cloacam, de cœlo
iu scaviain, de claustio iu seculuui, de paradiso iu iui'eruum [Serai, lxui in Gant.).
516 PARESSE.
Bernard, les pensées mauvaises et les convoitises se multiplient clans
le cœur, jusqu'à ce que, succombant sous le poids, cette faible
nacelle s'enfonce dans l'abîme du péché (1).
On place dans un endroit obscur les oiseaux qu'on veut engraisser
pour les manger, et on les y garde sans mouvement : ainsi, plongés
dans les ténèbres du vice , et livrés à l'inaction, les oisifs vont à une
mort prématurée, dit Sénèque ( Prov.).
Comme l'eau qui croupit dans un marais se corrompt, devient
impropre aux usages de la vie, et se remplit d'animalcules et de rep-
tiles venimeux : ainsi le corps du paresseux contracte des souillures
et se trouve livré aux convoitises charnelles, qui font perdre à l'âme
le sentiment du juste et de l'honnête, dit saint Laurent Justinicn
(De Inter. conflictu).
La paresse paralyse et les forces de l'âme et celles du corps
Voyez une maison qu'on néglige d'entretenir..., un jardin ou
une terre qu'on laisse sans culture L'oisiveté nuit non-seule:
dans les choses spirituelles, mais même dans les choses temporelles,
Celui qui s'aban lonne à l'oisiveté est très-insensé, dit l'Ecriture .*
Qui sectatur otium stultissimusest (Prov. xn. U ). Pourquoi le parés»
seux est-il très-insensé? 1° Parce que la paresse amène la pauvreté.
Jusqu'à quand dormirez-vous, paresseux? dit l'auteur des Proverbes.
Quand sortirez-vous de votre sommeil? Vous dormirez un peu, vous
sommeillerez un peu, vous croiserez un peu vos bras pour dormir;
et l'indigence vous arrivera comme un voyageur; la pauvreté fondra
sur vous comme un homme armé : Usquequo piger dormies? Quando
consurges e somno tuo? Paululum dormies , paululum dormit abis , pau-
ItUum conseres manus ut dormias : et veniet tibi quasi viator egestas et
pauperies quasi vir armatus (vi. 9-H.) 2° Parce que la paresse
rend lame faible , lui enlève le courage et i'hébète. Celui qui est
volontairement oisif, dit saint Chrysostome, parle et agit très-souvent
témérité ; il ne fait rien durant tout le jour, son âme est pleine
de langueur et de souillures : Qui est otiosus, et multa temere loquitur,
et mtdla agit temere; et tota die nihil operutur ; torpore et veterne
mentent repletam liabct ( Homil. v in I ad Cor. ).
La paresse, dit ailleurs le môme Père, amène l'ignorance et un
dé! le pa ées mauvaises. Elle chasse les bannes pensées,
M, Sicul per rimaiH tenter intrat , et excrescit , donec navis per
rura incuriam fleoiergalur ; ila ex otioatque ignavia cogitationes pravœ eteon-
muUiplicantur, douce uaws cordis eis succumbciis , iupeccatO peïictf-
UllU (burin. Lxm i/J Cant.).
PÀftESSE. 317
les bons désirs, les lumières, la grâce, la vertu, et tout bien
(Homil. xv in Gènes. ).
Par la paresse , l'homme , dit saint Pierre Chrysologue, rend inu-
tiles les dons de la nature , les facultés de l'âme, le bienfait de la
raison , la supériorité de son intelligence , le jugement de son esprit;
son aptitude aux arts, le bien de l'éducation; il refuse à son Créateur
le fruit que devraient porter toutes ces choses et la reconnaissance
qui devrait les suivre. ïl mérite, comme un arbre stérile, d'être
coupé et jeté au feu. S'il est un homme public, il nuit essentiellement
à la société (Serm. cvi).
L'oisiveté tue le corps , et l'indolence tue l'âme , dit saint Chryso-
stome; l'exercice embellit admirablement l'un et l'autre : Oiium
corpus, mentem necat socordia; exercitatio utrumque pulcherrimum facit
(Homil. lit).
C'est un grand mal que la paresse; elle paralyse tout, dit le même
saint docteur ( Ibid. ) .
Il faut craindre et éviter le repos dans le repos, dit saint Ber-
nard : Cavendum est oiium in otio (De Consid.); c'est-à-dire, il
faut régler le repos dont on a besoin , ne pas trop s'y abandonner,
l'offrir à Dieu , et le changer en vertu , comme les repas , le som-
meil, etc
La paresse est une peste pour les mortels, dit Platon : Pesiis mor-
talibusest ignavia (De Republ. ).
Ne faire attention à rien, c'est être insensé; ne rien faire, c'est
être mort quoique vivant, dit Sénèque (Prov.).
L'homme vertueux abhorre l'oisiveté, dit Valère Maxime ( Lib. IL
c. vu).
En ne faisant rien , nous apprenons à mal faire, dit Caton : Nihil
agendo, maie agere discimus (InDesid.).
Rome , dit saint Augustin , a péri par l'oisiveté , et Carthage a été
détruite par ce même vice ( Lib. I de Civit.).
L'homme qui travaille n'est attaqué que par un démon , dit Cassien; La paressa
mais le paresseux est la proie de légions d'esprits infernaux : Ope- le^fôutâtioi??
rantem dœmone uno pulsari ; otiosum vero ab innumeris spiritibus
devastari ( De Instit. monach., lib. X, c. vu).
Il est dit dans l'Apocalypse que le dragon se tint sur le sable du
rivage de la mer ; Stelit draco supra arenam ma)is (xir. -18). Ces
paroles signifient que le démon prévaut sur les paresseux, qu'il les
. agitent pf emportent je «nble \
518 PARESSE.
ell<s signifient aussi que le paresseux, cpii , semblable au sable des
rives de l'Océan, ne produit rien, est la demeure du démon
L'oisiveté fait courir des dangers à ceux que les guerres n'avaient
pu dompter, dit saiut Ambroise : Tentant otia quos bella non frege-
rant (Serin, n in Psal. cxyiii).
La paresse, dit saint Bernard, est la mère de toutes les tenta-
tions : PUjritia mater est omnium tentât ionum (Ad fratres de Monte
Bei).
La paresse, dit saint Thomas, est l'hameçon avec lequel le démon
prend les âmes : Otium est hamus diaholi ( De Peccat. ).
Comment le démon ne vaincrait-il pas le paresseux, puisqu'il le
trouve sans armes, sans défense, sans précautions?... C'est une
maison ouverte à tous les voleurs de l'enfer
Vc quelle S'abandon^er au luxe et à l'oisiveté est le propre des esclaves, dit
le pa- Alexandre le Grand : Servile est otio et luxui vacare ( Plutarch. , Vit.
;:»,'',T"ilIu,t.vir.).
esclave Allez à la fourmi , paresseux, dit l'Ecriture, considérez ses voies,
sable. r .
et devenez sage : Vade ad formicam, o piger , et considéra vias ejus , et
disce sopientiam (Prov. vi. 6). Elle prépare sa nourriture pendant
Vête} elle rassemble sa provision durant la moisson : Parât in œstate
cibum saum, et congregat in messe quod comedat ( Ibid. vi. 8).
0 paresseux impudent! s'écrie saint Bernard; mille millions
d'anges servent Dieu, et dix mille millions se tiennent prêta à exé-
cuter ses ordres; et toi tu prétends te reposer ! ( De Acedia).
Voici de quoi humilier le paresseux , voici qui prouve combien il
est méprisable. Le paresseux, dit l'Ecriture, a été lapidé avec une
poignée de boue; tous parleront du mépris qui lui a été infligé : In
le hrfeo lapidatus est piger ; et omnes loquenur super aspernationem
illius (Eccli. xxii. i). Le paresseux a été lapidé avec de la Jiente de
bœuf; quiconque le touchera, secouera ses mains : De stercore
boum lapidatus est piger ; et omnis qui letigerit cum excutiet manus
(Ibid. xxn. 2).
La paresse est tellement odieuse et coupable que les hommes
regarderont celui qui s'y abandonne comme digne d'être lapidé;
mais le mépris qu'ils éprouveront pour lui sera si grand, qu'au lieu
de pierres, ils se serviront de boue et de fiente de bœuf. Ensuite,
tous s'éloigneront de lui comme d'un èlre vil, tous le repousseront,
et celui qui l'aura touché secouera ses mains mouillées et se hâtera do
l«'s laver Ces paroles delà sainte Ecriture montrent aussi que le
PARESSE. M 0
parp??eux est la faiblesse irtême , puisque un peu de boue et de
fumier suffît pour l'accabler et l'abattre
De quelle honte ne devrait pas être couvert le paresseux, lui c m
ne l'ait rien tandis que tout est actif dans l'univers! Depuis la créa-
tion , le soleil, la lune et les étoiles, ne remplissent -ils pas la fonction
i a été confiée ? La terre et l'Océan ont-ils cessé de produire?
animaux , les oiseaux, les insectes ne suivent-ils pas la voie qui
leur a été tracée? De tous ces êtres dépourvus d'intelligence, il n'en
est aucun qui ne travaille à sa manière ; seul, le paresseux ne
rien! 11 ressemble aux poteaux placés le long des grands chemins,
poteaux qui voient passer les voyageurs et qui restent eux-mêmes
toujours à la même place, jusqu'à ce qu'ils pourrissent, qu'ils tom-
bent, et qu'on les jette au feu. Que dis-je? ces poteaux immobiles
indiquent au moins aux voyageurs la direction qu'ils doivent pren-
dre, tandis que, loin de montrer la bonne voie, le paresseux, par
exemple , entraîne dans l'abîme ceux qui ont le malheur de
l'imiter
>:e des paresseux est hérissée d'épines, disent les Proverbes : Combien ie
r. • • • / in\ r% ' • paresseux est
lier pigrorum quasi sepes spinarum (xv. 19). Ces épines que rencon- malh
iront les paresseux sont les désirs mauvais qui les assiègent, les
convoitises qui les environnent comme une tempête furieuse, les
tentations qui les assaillent, les passions qui les dévorent, la pauvreté
qui les presse, les maladies qui ruinent leur santé, et qui leur pré-
parent une mort précoce
La paresse, dit saint Bernard, est la mère du chagrin, de l'ennui,
de la pusillanimité et du désespoir : Pigritia mater est mœroris 3
tœdu.pusiUanimitatis, desperationis ( De Àcedia ).
Semblable à Caïn, le paresseux est errant et vagabond; il esl
accablé de reproches bien mérités..,..
Détesté de Dieu et des hommes, poursuivi par les remords de sa
conscience, flagellé par l'exemple de tous ceux qui l'entourent e:
qu'il voit travailler, tourmenté par les passions, comment le pares-
seux pourrait-il être heureux?... Jamais il ne prospérera ; et celui
qui ne prospère pas est malheureux
Votant un figuier sur le bord du chemin, J. C. s'en approcha ; mais Combien i&
il n'y trouva que des feuilles et il dit : Que ja
i -de toi; à l'instant, le % lier sécha (iMattJ
seuxest ce figuier stérile, il aura le même sort.
il n'y trouva que des feuilles et il dit : Que jamais aucun fr dtne paressiVx
^ J puni.
naisse de toi; à l'instant, le % lier sécha (iMatth. xxi. 19). Le pares-
520 PAMÏSSE.
Voilà trois an?, dit le maitre de la vigne dont parle l'Evangile,
voilà trois ans que je viens chercher du fruit dans cet arbre, et je
n'en trouve point : coupez-le donc ; à quoi bon occupe-t-il la terre :
Ecce anni très sunt ex quo venio quœrens fructum in ficulnea hac, et
non invenîo : succide ergo illam : ut quid etiam terram occupât? (Luc.
xiii. 7.)
Déjà la cognée a été mise à la racine de l'arbre, dit saint Jean-
Baptiste. Tout arbre donc qui ne porte pas de bon fruit sera coupé
et jeté au feu : Jam securis ad radicem orborum posita est. Omnis ergo
arbor quœ non facit fructum bonum, excidetur, et in ignem mittetur
(Luc. m. 9).
Dieu, dit J. C, est comme un homme qui, partant pour un long
voyage, appela ses serviteurs et leur remit ses biens. A l'un il donna
cinq talents, à un autre, deux, à un autre, un, à chacun selon sa capa-
cité, et aussitôt après il partit. Celui qui avait reçu cinq talents les fit
valoir, et en gagna cinq autres. Et pareillement celui qui en avait
reçu deux, en gagna deux autres. Mais celui qui n'en avait reçu
qu'un s'en alla creuser la terre, et y cacha l'argent de son maitre.
Longtemps après, le maitre de ces serviteurs revint, et leur fit ren-
dre compte. Celui qui avait reçu cinq talents s'approcha, et lui en
présenta cinq autres, disant : Seigneur, vous m'aviez remis cinq
talents, en voilà de plus cinq autres que j'ai gagnés. Son maitre lui
dit : Bien, serviteur bon et fidèle ; parce que vous avez été fidèle en
chose de peu, je vous confierai beaucoup : entrez dans la joie de
votre maitre. Celui qui avait reçu deux talents vint aussi, et dit:
Seigneur, vous m'aviez remis deux talents ; en voilà deux autres quo
j'ai gagnés. Son maitre lui dit : Bien, serviteur bon et fidèle ; parce
que vous a\ez été fidèle en chose de peu, je vous confierai beau-
coup : entrez dans la joie de votre maitre. S'approchant après, celui
qui n'avait reçu qu'un talent dit : Seigneur, je sais que vous êtes un
homme dur; vous moissonnez où vous n'avez point semé, et
recueillez où vous n'avez point répandu de semence. Craignant donc,
je m'en suis allé, et j'ai caché votre talent dans la terre : le voici, je
vous rends ce qui est à vous. Son maitre lui répondit: Serviteur
mauvais et paresseux, tu Bavais que je moissonne où je n'ai point
semé, et que je recueille où je n'ai point répan lu de semence : il
fallait donc remettre mon argent aux banquiers, afin qu'à mon
retour je reçusse avec usure ce qui est à moi. Reprenez-lui donc le
talent, et jet^z ce serviteur inutile dan? les ténèbres extérieures : là
ont les pleurs et le grincement de dents ; Toll<,n itaque tf
PARESSE. 521
talentum, et inutitem servum ejicite in tenebras exferiores : illic erit
letus et stridor dentium (Mat th. xxv. 1 1-30). Cette parabole nous
apprend quel sera le sort du serviteur laborieux, et combien le servi-
teur oisif sera sévèrement puni. Ce qui lui avait été donné lui sera
ôté, et Dieu lui retirant ses grâces, il se trouvera plongé dans les
ténèbres extérieures de l'aveuglement spirituel , puis clans les
ténèbres de l'enfer : là seront les pleurs et le grincement de
dents.
Serviteur paresseux et inutile, secouez donc votre paresse, et faites
valoir le talent que le Seigneur vous a confié; faites valoir vos yeux,
vos oreilles, votre langue, vos mains et vos pieds, votre intelligence,
votre mémoire et votre volonté; le temps, la grâce, les dons tempo-
rels et spirituels qui vous ont été accordés; consacrez tout cela au
service de votre Créateur. Mais si vous demeurez inactif, si vous abu-
sez de tout, prenez garde; vous serez dépouillé de tout et livré à des
supplices qui ne finiront jamais.
Le paresseux imite les vierges folles dont parle l'Evangile, il rece-
vra le même châtiment. Lix vierges, dit J. C, ayant pris leurs lam-
pes, allèrent au-devant Je l'époux et de l'épouse. Cinq d'entre elles
étaient folles, et cinq sages. Les cinq folles, ayant pris les lampes, ne
se pourvurent point d'huile. Mais les sages prirent de l'huile dans
leurs vases avec les lampes. Or, l'époux tardant à venir, toutes s'as-
soupirent et s'endormirent. Mais au milieu de la nuit, un cri s'éleva :
Voici l'époux qui vient, allez au-devant de lui. Lors toutes ces vierges
se levèrent et préparèrent leurs lampes. Et les folles dirent aux
sages : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s'éteignent. Les
sages répondirent : De peur qu'il n'y en ait pas assez pour nous e';
pour vous, allez plutôt à ceux qui en vendent et achetez-en. Or,
pendant qu'elles allaient en acheter, l'époux vint; et les sag^s qui
étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte
lut fermée. Enfin les autres vierges vinrent aussi, disant : Seigneur,
Seigneur, ouvrez-nous. Mais il leur répondit : En vérité, je vous le
dis, je ne vous connais point (Matth. xxv. d-12).
Les vierges sages qui se tinrent prêtes et entrèrent avec l'époux
dans la salle du festin des noces, sont les hommes vigilants et labo-
rieux. Les vierges folles représentent les paresseux qui dorment, qui
Vont point l'huile de la foi et des bonnes œuvres, et qui par consé-
Ijuent ne seront point admis dans le ciel au festin deTEpoux : la porte
JL-ur sera fermée. Comme les vierges folles, les paresseux à la mort
prieront: Seigneur, Seigneur, ouvrez-nous; m,ais le souverain juge^
525 PAKESSE.
qui rend à chacun selon ses œuvres, leur dira : En vérité, je ne vous
cornais pas
Les paresseux font partie de ces blessée de 7a mort, dont parle le
pgalmiste, qui dorment dans le sépulcre, éfffecés du souvenir du Sei-
gneur et retranchée par sa main du livre de vie : Sicut vulnerati dor-
•nrientes in sepulcris, quorum non es mentor amplius ; etipside manu tua
repnhi sunt (lxxxuï. Q)^
Le rovaume de Dieu ne sera pas donné aux oisifs, dit saint Ber-
nard : Ifcgnum Dei non dabitur otiosis (De modo bene vivendi, c. • t).
Si les riches de la terre méprisent le domestique paresseux, ne lui
donnent point de gage et le renvoient avec justice; comment Dieu
récompenserait-il l'homme qui le bèrt avec négligence, com:
plutôt ne le punirait-il pas avec sévérité?...
L'oisif Esatl perdit la bénédiction attachée au droit d'aineçse,
dit saint Ambroise : Otiosus Esau amisit primatus bcnidictionem
(Serm. xi in Psal. cxvm ).
Malheur à vous qui vous perdez dans des pensées et des projets
inutiles ! dit le prophète ÎMichée : Yœ qui cogitatis inutile! (n. \.)
Ne vous y trompez pas, dit le grand Apôtre aux Galates, on ri
rit point de Dieu. L'homme recueillera ce qu'il aura semé : Nolite
errare, Deus non ùriuetur. Quœ enim seminuuerù ktmi, hœc et mctct
(vi. 7.8).
Une terre qui boit la pluie dont elle est souvent arrosée, et qui
produit une herbe utile à ceux qui la cultivent, reçoit la bénédic-
tion de Dieu; mais celle qui produit des épines et des ro
méprisée et comme maudite, et à la fin livrée! u i. 7.8). La
bonne terre est l'emblème de l'homme laborieux ; la mauvaise i
qui ne produit que des ronces et qui est maudite et livrée au feu,
représente l'homme paresseux et lâche
Remèdes Ox doit secouer la par" -se..... Et maintenant, qu'a'!
k i> 'resse. tœ> dft Ànanie à Saul : Etnunc,quid mor urge{kct.
Il faut que le paresseux ne resl ans son triste état; il faut
qu'il se lève et qu'il change de vie
Le vrai remède contre la paresse , C'est l'amour
rite, dit saint Grégoire, donne des forces : Vires caritas sut
(Pa-tor.).
Ne fuyez pas le travail, afin de ne pas perdre îa couronne, 'it
saint Ephrem : Nefugias lobèrent, u non .. y).
Dieu nous a donné des mains et des forces pour tr; Le
PARESSE. 893
temps prient est le temps du travail; le temps à venir ou l'éternité
sera 1 "époque de la récompense et du repos
Saint Antoine entendit une voix qui lui disait : Antoine, voulez-
vous plaire à Dieu? priez; lorsque vous ne pourrez pas prier, tra-
vaillez des mains et faites toujours quelque chose : Ora , et dum
orare non poteris, manibus labora, et semper aliquid facito (Vit. Pair. ).
Quelle est la meilleure eau , dit saint Chrysostome, de celle qui
coule ou de celle qui croupit? Le fer vaut-il mieux en se reposant
qu'en travaillant? (Homil. xxxv in Act. Apost.)
Faites toujours quelque chose, afin que le démon vous trouve
toujours occupé, dit saint Jérôme : Facito aliquid operis, ut te semper
diabolus inventât occupation (Epist. iv ad Rustic); car l'oisif est
dévoré de mauvais désirs.
Si vous vous privez de loisirs , vous aurez hrisé l'arc de Cupidon,
le dieu de l'amour impur, dit Ovide : Otia si tollas, periere Cupidinis
arcus (Fabul. ).
Un travail assidu, dit Virgile, vient à bout des choses les plus
difficiles : Lobor improbus omniavincit.
Travailler est le propre des rois, dit Alexandre le Grand : Regium
est laborare (Pastor.) .
Je ne suis jamais moins seul, dit saint Ambroise, que lorsque je
parais l'être; et jamais je ne suis moins oisif, que lorsque je me
repose : Nunquam minus sum solus, çuarn cum solus esse videor ; nec
minus otiosus, quam cum otiosus (Serm.).
Travaillez dans la jeunesse pour avoir de quoi vivre dans votre
vieillesse ; amassez des mérites sur la terre , afin qu'ils vous procu-
rent la béatitude céleste
Vous ne pouvez trop méditer ces paroles de saint François
d'Assise : Un peu de travail et une gloire immense ; un peu do plai-
sir et un châtiment éternel : Modicus lahor, gloria immensa;mi
voluplas. pœna œterna (S. Bonav., in ejus vita)
Le travail tue la volupté, dit >aint Isidore : Ceeîdit libido operibus
(Sentent. ).
PAROLE DE DIEU.
Véracité et
autorité de la 1% /H~0N discours ct raa prédication , dit le grand Apôtre aux
M
'PïvIe W ■ Corinthiens, consistent non dans les paroles persuasives de
la sagesse humaine , mais dans la manifestation de l'esprit
et de la puissance; afin que votre foi repose non sur la sagesse des
hommes, mais sur la vertu de Dieu Pour nous, nous n'avons
point reçu l'esprit de ce monde, mais l'esprit qui est de Dieu, afin
que nous connaissions les dons de Dieu, que nous annonçons, non
avec les doctes paroles de la sagesse humaine , mais selon la doc-
trine de l'Esprit-Saint. Nous, nous avons l'esprit du Christ (I).
Si nous-mêmes, écrit cet apôtre aux Galates, nous vous évangé-
lisions, ou si un ange du ciel vous évangélisait autrement que nous
vous avons évangélisés, anathème sur le coupable. Comme nous
l'avons dit, ainsi derechef je le dis : Si quelqu'un vous annonce
un autre Evangile que celui que vous avez reçu, qu'il soit ana-
thème. Car je vous déclare , frères, que l'Evangile que je vous ai
prêché n'est point selon l'homme. Ce n'est point d'un homme que
je l'ai reçu ni appris , mais par la révélation de J. C. (2).
Vous avez été instruits en J. C. selon la vérité de la doctrine,
écrit-il aux Ephésiens : In ipso edocti estis sicut est ve7'itas in Jesu
(iv. 21).
Annoncez la parole, dit-il à son disciple Timothée; insistez a
temps et à contre- temps, reprenez, suppliez, gourmandez, en
toute longanimité et doctrine: Pradica verbum , insta opportune,
importune ; argue , obsecra, increpa in omnipotentia et doctrina (II.
iv. 1).
(1) Sermo meus et predicatio mea, non in penuasibilibus hiimanre sapicnliœ Terbis,
sed in ostensione spiritus et virlutis; ul fldes vestra non sit in sapientta hominum,
sed in virlute Dei. Nus aulera non ipiritum bujus mundi accepimus, sed spiriturn
qui ex Deo est, ut sciamui qu;e a Deo donalo sunt nohis; quœ et loquimor, non in
doctis humanx sapienthn verbis , sed in doctrina Spiritus. Nos autein sensum Cbristi
habemiis (I. u. 4. 5. 12. 13. 16 .
(2) Sed licet nos, eut angélus de cœlo, evancrolizet vobis prrrlorquam quod evan-
gelizavimus vobis, analbema sit. Sicut prœdiximus , et nunc iterum dico : Si quis
vobia evangelizaverit pneter i>l quod accepistis, anathema sit. Nolum enim vobis
facio, (ratres, Evangelium quod evangeliratum est a me, quia non est secondum
hominem : neque enim ego ab homiue accepi illud ne.|ue didici, sed per revclulio-
" lesn, ("!iri !i 'l. S. 9, 11. 12)
PAROLE DE DIKLT. 525
Il est rapporté dans les Actes des apôtres que le Seigneur dit en
vision à saint Paul : Gardez -vous de craindre, mais parlez et ne
"vous taisez point; car je suis avec vous : Dixit autem Dominus per
visionem Paulo : Noli timere, sed loqucre , et ne taceas: propter quod
ego sum tecum ( xvm. 9. -10).
Parole de Dieu! combien grand et majestueux est ce titre! Quelle
véracité et quelle autorité il indique! quel respect il impose? C'est
la voix de Dieu, dit le Psalmiste : Vox Domini (xxvm. A ).
La vérité du Seigneur demeure éternellement, dit le Prophète
royal: Veritas Domini manet in œternum (Psal. cxvi. 2). Or, la
parole de Dieu est la vérité même.
La parole du Seigneur demeure éternellement , dit à son tour
Isaïe. Vous qui évangélisez Sion, montez sur le sommet des
montagnes; élevez la voix avec force et autorité, vous qui évan-
gélisez Jérusalem; élevez la voix, et ne craignez point. Dites aux
villes de Juda : Voici votre Dieu (1). La bouche des apôtres du Sei-
gneur est comme un glaive aigu, dit ailleurs le même prophète; ils
sont des llèches choisies tenues en réserve dans son carquois : Domi-
nus posuit os meum quasi gladium acutum; posuit me sicut sagittam
electam,in pharetra sua abscondit me ( xlix. 2 ).
Le Seigneur étendit sa main, dit Jérémie; il toucha ma bouche,
et me dit : Voilà que j'ai mis ma parole dans votre bouche; voilà
qu'en ce jour je vous ai établi sur les nations et sur les royaumes,
pour arracher et pour détruire, pour perdre et pour dissiper, pour
édiiier et pour planter (2).
Le prêtre est un autre Elie, un homme de Dieu, et la parole du
Seigneur est véritable en sa bouche : Vir Dei es tu, et verbum Domini
in ore tuo verumest (III. Reg. xvn. 24).
Le ciel et la terre passeront , mais mes paroles ne passeront point,
dit J. G. : Cœlum et terra transibunt , verba autem mea non prœteribunt
( Matth. xxiv. 35 ). Je vous le dis en vérité : Le ciel et la terre ne
passeront point que toute la loi ne soit accomplie , jusqu'à la der-
nière lettre et au dernier point : Amen quippe dico vobis: donec
transeat cœlum et terra , iota unnm aut unus apex non prœteribit a lege,
donec omnia fiant ( jSIatth. v. 18 ).
(1) Verbum Domini manet in reternum. Super montera excelsum ascencie tu, qui
êvangelizas Sion : exalta in fortiti: !ine vocem tuam,qui evangelizas Jérusalem :
exalta, noli timere. Die civitatibus Juda : Ecce Deus vesler ( xl. 8. 9).
(2) Ecce cledi verba mea in oie tuo : ecce constilui te hodie super gentes, et super
régna, ut evellus, et destiuas, et dispeidas, et dissipes, et édifices, et plantes
(i. 9. 10).
526 PAROLE I>E DIEÏÏ.
Excellence La parole de Dieu est si excellente , que le prophète ïsaïo va jusqu'à
fe dSml* célébrer les pieds de ceux qui l'annoncent : Qu'ils sont beaux, s'écrie-
t-il, qu'ils sont beaux sur les montagnes, les pieds de celui qui
annonce et qui prêche la paix, qui annonce le bien, qui prêche le
salut, et qui ditàSion : Ton Dieu va régner! Quam pulchri super
montes ped es annuntiantis et prœdicantis pacem ; anm/nHuntis bonum,
prœdicantis salutem, dicentis Sion : Iiegnabit Deus tuus! (lu. 7.)
La parole de Dieu, dit saint Paul , est vivante et efficace, et plus
pénétrante qu'un glaive à deux tranchants; elle atteint jusqu'à la
division de lame et de l'esprit, des jointures et des moelles; et elle
discerne les pensées et les mouvements du cœur. Aucune créature
n'est invisible devant elle ; mais tout est à nu et à découvert aux
yeux de celui de qui nous parlons (1).
La parole de Dieu est vivante, afin que vous croyiez, dit llucrues
de Saint-Victor ; elle est efficace, afin que vous espériez; el! I
pénétrante, afin que vous craigniez. Elle est vivante dans ses pré-
ceptes et dans ses prohibitions, efficace dans ses promesses et i Unis
ses menaces, pénétrante dans ses jugements et dans ses condam-
nations. De ce que la parole de Dieu est vivante, nous devons croire
que ce qu'elle promet est la vérité; de ce qu'elle est elïicace, nous
devons croire qu'elle accomplira ses promesses; de ce qu'elle est
pénétrante et quelle ne peut être induite en erreur, nous devons
nous repentir de l'avoir offensé , et à l'avenir nous garder de l'of-
fenser de nouveau (2).
La parole de Dieu est le miroir du chrétien. Comme le miroir, dit
Clément d'Alexandrie, n'est pas l'ennemi de l'homme difforme,
par cela qu'il le montre tel qu'il est: comme le médecin n'est pas
cruel pour son malade , par cela qu'il lui annonce la fièvre; car le
mé leciii b'est pas la cause de la fièvre ; il se borne à l'accuser lors-
qu'elle existe : ainsi la parole de Dieu, qui reprend et condamne celui
;i) Vivus est scrmo Dei, et efBcaz, et penctrabilior nmni gladio ancipiti, et per-o
tingens usque ad divisi<>ne:n anfrnal ftC Bplfitus, compagum qunquc ac medullarUtti,
et discretor MgîtaUoontii ci inlcuiioiiuiii cordia. Et non est ulla ereatura iaviabilis
in conspectu (jus : omnia aulem nuda et aperta suut ouulis cjus ad guem nobis
)ernio Jlebr. iv. 12. 13).
(2) Vivus est senne- Dei ut rredas, effirax ut speres, penctrabilis ut timras. Vivus
est in prsceptis ël prôhibilionibus ; cflicai in proraissis el comminalionibus; pene-
trabilis in jddiciis et daniûalionibus. Quia igitur \ ivus est sernio Dei, credendum est
eum vcia protoittere ; quia efficax, credendum est euni promissa perficere; quia
pcnetrabilis est et lalli non polesl , cuiu oÛeudisse lugendurn est; et de ta;tero offen-
dere, c&vendum est {In Joël., c. lu).
PAROLE LE DIEU. 52"
dont l'âme est malade, n'ei • s elle lui montre
les péchés qu'il a commis, afin qu'il s'en corrige (I).
Jean dit du Verbe de Dieu fait homme, qu'en lui e-t ,o - ; },
et que la vie est la lainière des hommes; qui] est la vraie lumière
qui éclaire tout homme venant en ce monde : In ipso vita erat, et vita
num. Erat lux vera quœ illuminât omnem kominem venien-
i c . ndum (i. 4-9). Voilà aussi ce qui fait l'excellence de la
de Dieu; comme J. C, elle a la vie en elle, et elle est la vraie
ièie qui éclaire le mon,le et dissipe les ténèbres où il était
p!oi'.
Entre la parole de Dieu et la lumière, il y a d'admirables rap-
ports : le solei lu à l'immense voûte des cieux, est ce qu'il
y a de plus noble et de plus beau dans la nature; sa lumiè; e est très-
pure , très-pénétrante , très-active, impassible; quoiqu'elle pénètre
dans des Unix sales et infects, elle ne peut être souillée; elle est
très-belle j elle embrasse une vaste étendue et dure depuis le com-
mencement du monde. Le soleil nous apporte la clarté, la '.leur,
la fécondité, la joie et le bonheur ; il nous fait voir toutes chose?; il
ressuscite ce qui semblait mort et donne la vie et la force à tous les
êtres. La parole de Dieu vient de Dieu même; elle est tiès-pure;
elle éclaire et pénètre les intelligences; elle est très-active et impas-
sible ; elle descend dans les âmes les plus souillées, sans en rien f oul-
frir; elle s'étend à tout et embrasse le ciel, la terre, tous les siècles
et l'éternité, Elle porte avrec elle la clarté, la chaleur, la fécondité,
la paix, la joie et le bonheur; elle ressuscite ceux qui étaient morts
à la grâce; elle fait voir toutes choses sous leur véritable aspect;
enfin, elle donne la vie et la force à tous les cœurs et à tous les
esprits
La parole de Dieu , dit David , est une parole chaste , un argen
qui a été mis au creuset, éprouvé par le feu et purifié jusqu'à sept
fois: Eloquia Domini, eloquia casta ; argentum igné examinatum,pn,-
balum, purgatum septuplum (xi. 7). Purifié jusqu'à sept fois, c'est
à-dire pénétré des sept dons du Saint-Esprit
Seigneur , dit le même prophète , vous m'avez montré , par votre
parole, le chemin de la vie; vous me comblerez de joie en me
(1) Sicut spéculum non est malum defonr.i, quod ipsum ostendat qualis sit; et sicut
medicus non est œgrolo malus, quod ci febiem annuntiet; non enim medicus est
causa febris; sed ipse febrim aiguit : ita nec is qui reprehendit, ei maie vult qui Libé-
ral animo, sed ea quoe adsuut -jeccata ostendit, ad boc ut averlatur ab hujusmodi
studiis [Pedag., lib. I, c. uj.
528 PAROLE DE DIEU.
dévoilant votre face : Notas mihi fecisti vias vitœ, adimplebis me lœti-
tia cum vultu tuo ( xv. M).
La parole du Seigneur est droite, elle réjouit les cceurs; les pré-
ceptes du Seigneur sont lumineux , ils éclairent : Justifia? Domini
recta', lœtificantes corda; prœceptum Domini lucidum , illuminans ocu-
los (Psal. xviii. 9).
Les cieux, dit encore le Psalmiste, racontent la gloire du Sei-
gneur, et le firmament annonce l'œuvre de ses mains. Le jour parle
au jour, et la nuit à la nuit. 11 n'est point de langue, point d'idiome
dans lequel on n'entende cette voix. Son éclat a parcouru toute la
terre, et les paroles qu'elle a fait entendre ont retenti jusqu'aux
extrémités du monde. Dieu a placé le pavillon du soleil au milieu des
cieux, et semblable à un nouvel époux qui sort du lit nuptial, cet
astre s'élance comme un géant, afin de parcourir sa carrière. 11
part des extrémités de l'aurore, il s'abaisse aux bornes du couchant;
et personne ne peut se dérober à la chaleur de ses rayons. Telle est
la loi du Seigneur, belle, pure et convertissant les âmes : la parole
de Dieu est iidèle, elle donne la sagesse aux petits : Lex Domini
immaculata, convertens animas : testimonium Domini /idele,sapientiam
prœstans parvulis (xviii. 1-8).
La parole de Dieu, dit saint Augustin , n'est pas moins excellent
que le corps de J. C. : aussi devons-nous apporter autant de sollici-
tude à ne pas laisser sortir de notre cœur , en nous livrant à d'autres
pensées, la parole de Dieu qu'il reçoit, que nous en apportons à ne
pas laisser tomber à terre la moindre parcelle du corps de J. C. .
lorsqu'on uous le distribue (1).
n"ïa" «u''îa Dieu parle, et l'univers est tiré du néant Il parle, et le soleil,
pa^ie de ia lune, les étoiles disent : Nous voici Il parle, et , se formant,
l'immense Océan respectera les limites qui lui ont été assignées
Dieu parle , et la terre, devenue féconde , produit toute espèce de
fruits 11 parle, et crée a son image l'homme, roi de l'univers,
qui pieu 1 plaie à la tête de la création Dieu parle, et les eaux
du déluge couvrent la terre Il parle, et la mer Rouge, ainsi qi u e
Jourdain, donn aux Israélites Il parle, et la manne
tom l "te ans; les rochers arides laissent
(1) Non est minas \ qu&m corpus Chi isli : et ideo quanta sollicitudinc
observatnus quando nobis Cbristi corpus minislratur, ut nihil ex ipso iu terrain
cadat; tanta solli-iludine observanduin est ne verbum Dei quod nobis erogatur, data
aliquid cogilamus, de corda uoslro pereat ( Lib. Ciuit.j.
PAROLE DE DIEU. 829
échapper des sources d'eau vive; les murs de Jéricho s'écrou-
lent. 11 parle, et le Verbe éternel se fait chair et sauve le monde
Dieu parle, et douze hommes, sans lettres, sans fortune, san3
appui et sans défense , armés de la seule parole , surmontent tous
les obstacles, renversent les idoles et les temples païens, dissi-
pent les ténèbres qui depuis quarante siècles couvraient la face delà
terre et répandent partout la lumière du jour même de l'éternité;
L'univers païen se convertit et se prosterne au pied de la croix de
J. C Dieu parle, et les nuages, la pluie, la grêle, les tempêtes
et la foudre se tiennent prêts à exécuter ses ordres Il parle, et
le jour serein reparait. A la fin du monde, il fera entendre ces
paroles : Levez- vous , ô morts , venez au jugement; et soudain tous
les morts ressusciteront, et se trouveront réunis au pied du tribu-
nal du juge suprême
Nous marchons dans la chair, dit le grand Apôtre , mais nous ne
combattons point selon la chair. Les armes de notre milice ne sont
point charnelles , mais elles consistent dans la puissance de Dieu
pour la destruction des remparts. Nous allons détruisant les raison-
nements et toute hauteur qui s'élève contre la science de Dieu , et
réduisant en captivité toute intelligence, sous l'obéissance du Christ,
prêts à punir toute désobéissance (l).
Les armes si puissantes , si efficaces , si victorieuses , dont parlo
saint Paul, et dont il se sert, sont la parole de Dieu, accompagnée du
Saint-Esprit
La force et l'efficacité de la parole de Dieu brille non-seulement
dans cette parole prise en elle-même, mais encore dans la prédi-
cation que l'on en fait. Elles brillent en ce que i° un petit nombre
d'apôtres, pauvres pêcheurs, sans études , obscurs , juifs , rebutés
de tout le monde, ont soumis à la croix le monde entier. 2J En ce
qu'ils ont vaincu, renversé, converti leurs plus mortels ennemis, et
surmonté les démons, le péché, la mort, l'enfer, les princes, les
rois , les philosophes, les orateurs , les Grecs , les Romains , les bar-
bares, les lois, les coutumes, les jugements , les religions les plus
anciennes et les plus commodes pour les passions, les préjugés, les
vices, les ténèbres, l'ignorance et toutes les erreurs de tant de
(1) In carne enim ambulantes, non socundum carnem militamus. Nam armn
militire nostrac, non carnalia sunt, sed polenlia Deo aJ destructionem inunttionum,
consilia destruentes, et omnem altiliidinem cstollenlem se adversus scientiam D. .
et in captivitalem redigentes omnem intellcctum in obsequium r 'îristi, e' >
piomptu habemes ulcisci omnem iaobedientiara (II. Cor. x. 8-6).
ni. &4
530 PAROLE DE DIET".
siècles 3° En ce qu'ils ont persuadé, convaincu et fait croire, non
par la force des armes , ou de la sagesse , ou de l'éloquence , ou do
l4or; mais par la simple prédication delà croix 4-° En ce que Si
promptement et en si peu de temps ils ont répandu et établi la foi de
J. C. dans tout l'univers 5° En ce que , par la parole de Dieu ,
accompagnée de la grâce de J. C. , ils ont triomphé des menaces et
deâ coups, de tourments au-dessus des forces de la nature , des
chaînes, des prisons et de mille genres de morts G" En ce qu'ils
ont fait recevoir et pratiquer la doctrine, non d'un Dieu plein de
gloire, mais d'un crucifié; obligeant, par la simple parole de Dieu, le
monde à croire que ce crucifié est le Sauveur du monde J amenant
les hommes à l'adorer et faisant admettre et pratiquer la loi de J.C.,
opposée à la nature et à la chair 7° En ce que les loups [
devenus des agneaux , les persécuteurs des modèles de douceur et
leé plus ardents défenseurs de la religion (De S. Paulo).
Oh! que le célèbre et grave Tertullien fait bien ressortir la puis-
sance et l'efficacité de la parole de Dieu! Salomon, dit-il, régna ,
mais seulement dans la Judée, depuis Dan jusqu'à Bersabée. Darius
régna sur la Babylonie et le pays des Parthes, mais non ailleurs.
Pharaon régna sur les seuls Egyptiens. Nabuchodonosorvit la Judée
et l'Ethiopie former les limites de son empire. Le grand Alexandre
ne posséda jamais l'Asie entière; souvent les contrées auxquelles il
imposait son joug lui échappaient aussitôt par la révolte. 11 en fut
de même des Germains, des Bretons, des Mauritaniens. Les Romains
eux-mêmes ont connu des bornes. Mais, par la puissance de la par» .le
de Dieu, le nom et le royaume de J. C. s'étenient dans toutes les
Contrées de la terre; tous les peuples croient en lui, toutes les
nations le servent; il règne partout, il est adoré partout; il accueille
également tous les hommes; il est le roi, le juge, le mai tre et le
Dieu de l'univers (Apolog.).
Reprenez les pécheurs en présence de tous les fidèles , afin que
tous aient la crainte, dit l'Apôtre h son disciple Timothée : Pcccantes
cm oui omnibus argue, ut et cœleri timorem habeant ( I. v. 20).
Voix du Seigneur dans la puissance. , dit le Prophète royal ; voix
du Seigneur dans la magnificence: Vox Domini in virtute:vnx D ,
inmognificcntia (xxvm. 4). Voix du Seigneur qui brise les cèdres :
Vox Domini confringentis cedros (Ibil. xxviu. 5). Le S bri-
sera les cèdres du Liban; il les fera bondir comme I ; il
i a trembler comme le faon du da du qui
entrouvre lea mers, et eu fuit sortir L . voix ùu Sf*ujpieur
TAIK'LE DE DTE'1. 531
i ni ébranlq la solitude^ el cpii jette l'épouvante d?.ns les .léscrts
de Cadès {Ibid. xx.vnr. G. 7 ) .
Le Seigneur donnera une voix pleine de puissance à ceux qui évam
ut;, dit le Psalmiste : Dominas dabit verbum evangrlizondbu?
viriute multa (lxvii. 13). Voici qu'il donnera à sa voix l'éloquence
de .a force : Ecce dabit voci suœ vocem virtutis (Psal. lxvii. 34).
En ce temps-là , dit lsaie, on entendra la trompette de la psi- I
de Dieu et ses bruyants éclats; et ceux qui avaient été perdus sur
la terre viendront et ils adoreront, le Seigneur sur la montagne
rainte : In die Ma clangetur in tuba magna, et venient qui perditi fue-
rant de (erra, et adorobunt Domiuum in monte sancto (xxvn. f3).
Mes paroles ne sont-elles pas comme le ieu, et comme le marteau
qui brise la pierre? dit le Seigneur par la bouche de Jérémie : Num-
quid non verba mea suni quasi lynis, et quasi malleus contèrent fietrètm?
(xxin. 29.)
Toute écriture inspirée de Dieu, dit saint Paul à son disciple T imo- Heun
thée, est utile pour enseigner, pour reprendre, pour redresser, pour j1.^.,
instruire dans la justice, afin une l'homme de Dieu soit pariait , et Dieu et avan-
, t. in-
apte à toute œuvre bonne (1). mahi ■■ \ \ ei
La parole de Dieu, dit saint Ambroise, est un feu qui brûle, alir eeowen .
de purifier la conscience du pécheur, mais non pour le perdre :
Urit sertno diviuus ut corriyut conscient iam peccatoris , non exurit ut
perdat (In Psal. cxvui, serm. xvni).
A garder la parole de J. C. consiste l'amour parfait de Dieu,
dit saint Jean ; en cela nous connaissons que nous sommes en lui :
Quiautem sénat verbum cjus , vere in hoc caritas Dei perfecta est : et
in hoc scimus quoniam in ipso sumus (I. il. 5).
Seigneur, dit le Psalmiste, j'annoncerai votre parole auxméchants,
et les impies se convertiront à vous : Docebo iniguos vias tuas, et irrtpii
ad le converlenlur (l. 15).
J'écouterai ce que le Seigneur dira au dedans de moi ; parce qii'il
me fera entendre des paroles de paix sur son peuple et sur si
et sur ceux qui sont convertis de cœur : Àudiam quia loquatur in me
Dorninus Deus ; quoniam loquetur pacem in pleberti svam , et super san-
ctos suos } et m eos qui convertuntur ad cor (Psal. lxxxiv. 9).
(1) Omnis scriptura divinitr.s ïnspirata utilis est ad docendum, ad argnrndum, ad
corripieuduni, ad crudiei.dum in jusliliu : ut perfectus sit homo L>t;, ad oume opus
Luuuui îastructui ^ II- ni. L6i
532 PAROLE DE DIEU.
La parole de Dieu enflamme , dit le Prophète royal : Eloquium
Domini inflammavit eum (civ. 19).
L'âme vertueuse, dit saint Bernard, cherche cette parole qui cor-
rige, qui instruit et qui éclaire, qui fortifie la vertu, qui véî
mœurs et prépare à la sagesse, qui orne le cœur , qui unit l'âme à
Dieu et la rend féconde en bonnes œuvres, qui comble de bonheur
(Serm. lxxiv).
Ils étaient attaqués en haine de votre parole, Seigneur, dit la
Sagesse; et ils étaient sauvés soudain : In memoria sermonum tuorum
examinabantur, et velociter salvabantur (xvi. H). Car votre parole con-
serve ceux qui croient en vous : Sermo tuus hos qui in te crediderint ,
conservât (Ibid. xvi. 26).
Tu as entendu la voix de Dieu, et tu as vécu , dit Moïse au peu-
ple d'Israël : Audisti, et vixisti (Deuter. iv. 33). Nous avons entendu
la voix du Seigneur notre Dieu, dit le peuple; et nous avons éprouvé
que Dieu parle à l'homme sans que celui-ci perJe la vie : Vocem cjus
audivimus, et probavimus quod, loquente Deo cum homme, vixerit liomo
(Deuter. v. 24).
Le Seigneur, dit Moïse au peuple, vous a donné pour nourriture
la manne qui était inconnue à vous et à vos pères , afin de vous faire
voir que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole
qui sort de la bouche de Dieu : Dédit tibicibum munna, quod ignorabas
tu et patres tui; ut ostenderet tibiquod non in solo pane vivnt homo, sed
in omni verbo quod egreditur de ore Dei (Deuter. vin. 3). C'est ce que
répondit J. C. au tentateur qui lui disait : Si tu es le Fils de Dieu ,
ordonne que ces pierres deviennent des pains. Il est écrit , dit le
Sauveur : L'homme ne vit pas seulement de pain , mais de toute
parole qui sort de la bouche de Dieu (Mattli. iv. 3. -4).
La parole de Dieu tue tous les ennemis de l'Ame Celui qui
écoute ma parole reposera sans crainte , dit le Seigneur dans les
Proverbes; délivré de l'appréhension des maux, il jouira de L'abon-
dance : Qui me audierit , absque terrore requicscet , et abundantia per-
fruetur, timoré malorum sublato ( i. 33 ).
Mon fils, si vous recevez mes paroles, si vous gardez mes préceptes
dans votre caur, alors vous comprendrez la crainte du Seigneur et
vous trouverez la science de Dieu : FM mi, sisusceperi
meos , et mandata mea absconderis pênes te; tune intelliijcs timorem
Domini, et scientiam Dei inventes (Prov. II. 4-5).
Mon fils, recevez m* îoments, inclinez votre oreille à
voix; mes paroles sont la vie pour tous ceux qui les - : , et la
PAROLE I)E PIEU. 533
guérison de toute chair : Fili mi, osculta sermones meos, et ad eloquia
inclina aurem (uam; viia enim sunt invenientibus ea, et universœ carni
sanitas (Prov. iv. 20. 22),
Si votre cœur est endurci, dit saint Bernard, souvenez-vous de
l'Ecriture qui dit : Dieu fera entendre sa parole et il amollira leur
cœur {Psal. cxlvii.). Et encore : Sitôt que mon bien-aimé me parla,
mon âme fut attendrie ( Cant. v). Si vous êtes tiède, et que vous
trembliez d'être rejeté, ne cessez de méditer la parole du Seigneur,
et elle vous embrasera , parce qu'elle est tout de feu (1).
Les paroles sages et à bien plus forte raison la parole de Dieu sont
comparables à un rayon de miel, disent les Proverbes; elles sont la
joie de l'àme et la santé du corps ( xvi. 24). Le miel nourrit, adou-
cit et guérit; tels sont aussi les effets qu'opère la parole de Dieu
Le miel guérit . la parole de Dieu, pleine de suavité, corrige les
mauvaises mœurs; elle adoucit les chagrins et les fait disparaître,
ainsi que les ennuis, les amertumes, la colère et l'envie qui torturent
l'âme, la rongent et la consument. Le miel nourrit: la parole de
Dieu est un pain vivifiant auquel on peut appliquer ce que J. C. dit
de la divine eucharistie : Celui qui mange ce pain, vivra éternelle-
ment : Qui manducat hune panem vivet in œternum ( Joann. vi. 52).
Le miel fortifie : la parole de Dieu augmente les forces de l'âme,
l'aide à agir et à soutenir de grands et pénibles travaux
Toute parole de Dieu est une flamme et un bouclier, disent les
Proverbes : Omnis sermo Dei ignitus, clypeus est ( xxx. 5).
La parole de Dieu, dit saint Ambroise , est un feu bienfaisant qui
réchauffe et qui ne sait brûler que les vices. Ce feu purifie l'âme et
consume l'erreur (2). Le même Père dit que le feu dé la parole de
Dieu a trois merveilleux effets : il purifie, il éclaire, il enflamme
( In Psal. cxviii , serm. xvm ).
Saint Jérôme dit que la parole de Dieu est appelée feu, parce
qu'elle rend l'âme qui la reçoit semblable à l'or purifié dans la iuui-
naise ( In Psal. xvii ).
La parole de Dieu est un feu; car elle consume et détruit la rouille
et les immondices du péché, des passions et des vices
La parole de Dieu est aussi appelée une flèche, parce qu'elle
(1) Si cor tuum induratum est, mémento Scripturœ dicentis : Emittet verbura
suum, et liquefaciet ea Anima mea liquefacta est ut dilectus meus loculus est. Si
tepidus es, et evomi jam formidas, non discedas ab eloquio Domini : et inflammabit
te, quia eloquium ejus iguitum valde [Setin. lxxiv).
(2) Bonus ignis qui calefacere novit , nescit exurere nisi sola peccata. Maudat ergo
bjç ignis animam, consumit errorem ( in Psal, cxvm, serm. xvm),
534 parole de dieu.
frappe et WesSa mortellement l'esprit orgueilleux et le cœur cor-
rompu. Expliquant ces paroles du Palmiste : Vps flèches, Seigneur,
se sont enfonce'es en moi : Sanittœ tuœ infixœ simt mihi ( xxxvn. 3 ),
OrLèiie dit : Celui qui prêche la parole de Dieu lance des flèches;
et lorsqu'en l'employant il châtie et corrige, il pénètre d'un trait
céleste le cœur de son auditeur ( In Psal. xxxvn ).
A propos de ces autres paroles du Psalmiste : Snrp/tœ patent h
acutœ , cum carlonibus desolatoriis (cxix. 4) :Les flèches de celui qui
est puissant sont aiguës, elles dévorent comme des charhons ardents,
saint Augustin dit dune manière admirable : Les flèches aiguës de
celui qui est puissant sont les paroles de Dieu. Voici que ces flèches
sont lancées et qu'elles percent les cœurs; mais lorsque les cœurs
sont percés des flèches de la parole du Seigneur, l'amour y nait
et la mort s'en éloigne. Le Seigneur, sait lancer des flèches pour
se faire aimer, et personne n'atteint ce but mieux que lui (I).
Tout ce qu'opère le feu sur une matière qui lui convient, la parole
de Dieu l'opère sur l'esprit et le cœur. Considère/ donc quelles sont
les qualités du feu et quels effets il produit principalement sur les
métauxeomme l'or, l'argent et le fer, et attribuez-les mystiquement
à la parole de Dieu, c'est-à-dire à la sainte Ecriture, ù la loi, aux
inspirations et aux promesses divines. C'est ainsi que l'a\<
Didyme déclare que la parole de Dieu est comparée au feu, parce
qu'elle embrase tellement lame, qu'elle consume comme de la paille
les pensées et l'amour des choses terrestres : ElogwQ Dci dicunt>ir
imita, ffda ita mentem siicecndunt , ut terrenarum rerum et coyilado-
nttm pakas abswnant ( In Psal. xvn ).
La parole de Dieu est de feu , dit l'auteur de la Chaîne des Grecs;
elle est de feu, car elle dévore toutes les épines et les ronces qui
naissent dans l'âme ; elle dégage ro quelle y trouve de pur et pro-
cure le salut L'assimilation de la parole de Dieu au feu indique
1'efilcacilé et la force de pénétration de la parole de Dieu qui va jus-
qu'au fond même de J'àme, la purifie, l'éelaire, l'embrase, la
d'ninise. En t'iisant fondro l'or et l'argent , le feu les dégage ainsi
d • toute scorie et les rend très-brillants : en embrasant lame,
la parole de Dieu la débarrasse des affections mauvaises et met
à la place des affections très-précieuses aux yeux de Dieu et des
(1) Sagitte poteqlia açut$, verba D,m snnt. Ecce jaciuotur et transfl<pint corda;
ecd cum transffca fuerint corda sagillis verbi Domini, amor cxcitalnr, non interitm
comparalur : tiovit Dominus sagillâre ad amorem, et nemo pulchri
amorem (In Psn/. vu).
PAÏ101E DE PTEU. 33$
chréUeua, dos affections célestes qui transforment l'homme terres-
tre et charnel en saint. Voilà ce qu'expriment les paroles du pro-
phète .Malachie, qui dit en parlant de J. C. : C'est un l'eu qui dévore;
i! sera açsis, Tondant et épurant l'argent; et il puriûera les entants de
Lévi, comme l'or et l'argent passés par le l'eu; et ils offriront au
Seigneur es salifiées de justice (I).
i.a parole de Dieu, dit Solonius, est appelée par l'Ecriture feu et
bouclier, parce qu'elle embrase du l'eu de la charité les cœurs des
snt leur espérance en Dieu, et qu'elle les éclaire de la
oqe de la vérité; parce qu'elle consume la rouille des vices qu'elle
trouve en eux et les en purifie; enfin, parce qu'elle les protège contre
es, les embûches de leurs ennemis et contre toutes les adver-
sités (2).
(La parole de Dieu) le nourrira du pain de vie et d'intelligence, dit
l'Ecclésiastique; elle l'abreuvera de l'eau de la sagesse et du salut;
elle prendra racine en lui, et il ne sera plus ébranlé. Elle le soutien-
dra, et il ne sera point confondu; elle le mettra en honneur parmi
roches, et il ouvrira la bouche au milieu de l'assemblée; elle
le remplira de l'esprit de sagesse et d'intelligence , et elle le couvrira
d'un vêtement de gloire. Elle lui amassera des trésors de joie et d'al-
légresse, et elle le rendra possesseur d'un nom éternel. Les hommes
insensés ne comprendront point cette parole vivifiante, mais les
hommes prudents iront à sa rencontre Les menteurs ne se sou-
viendront pas d'elle, mais les hommes sincères s'en entoureront, et
marcheront heureusement jusqu'à la vue de Dieu (xv. 3-8).
Que mes enseignements se pressent comme la pluie, que ma parole
descende comme la rosée, comme la pluie sur l'herbe, comme les
gouttes d'eau sur le gazon : Concrescat ut pluvia doctrina mea, fluat
ut ros eloquium meum} quasi imber super herbam, et quasi stillœ super
gramina (Deuter. xxxn. 2).
L'assimilation de la parole de Dieu à la pluie et à la rosée indique
4° l'abondance de sagesse qui se trouve dans la parole de Dieu... ;
2° sa suavité... ; 3° sa fécondité...; 4° son origine : elle vient du ciel
(1) Tp"o enim quasi ignîs eonflans; et sedebit conflans, et emundans argentum; et
.;, et cn'abit eos quasi aurum et quasi argentum; et crunt Domino
i - ■ in juftiiia (m. 2. 3).
(2) Sermo divins auçtorjlatis, iJcirco igneus et clypeus dicitur, quia corda electo-
rum qui spem suam in Deo ponunt, et igné caritatis accendit? et scientia veritatis
illuminât, et sordes vitiorum quas in eis reperit, consumitet pàrgat; ac ab insidiis
hostiuœ cunctisque défendit adversilatibus (InEpitt. ad Ephes.).
53ft PAROLE DE DIEU:
et non de la terre. C'est pour cela que saint Gfrè'froirc appelle les doc-
teurs et les prédicateurs hyades, c'est-à-dire étoiles de la pluie (7a
PsnL). Le Seigneur, dit l'Ecclésiastique, dirigera les conseils et les
instructions du sage; et il méditera les secrets de Dieu : Et ipse
diriget consilium ej us , etdisciplinam, et in absconditis suis consiliabitur
(xxxix. 10). Le Seigneur donne à l'apôtre fidèle l'esprit d'intelligence,
afin qu'il sache quand, où et comment il doit annoncer la parole
divine; il dirige les projets de sa bonne volonté et la prudence de
ses enseignements; il le fortifie en l'inondant de consolations inté-
rieures, afin que, parmi les adversités et les contradictions du monde,
il remplisse ses fonctions sans crainte, avec zèle et énergie
En répandant la divine parole comme une bienfaisante pluie, Je
chrétien produit trois fruits insignes : 1° il loue Dieu avec sagesse ;
2° il se conduit lui-même prudemment, selon le conseil et la direc-
tion de Dieu ; 3° il instruit et sauve son prochain.
Le Seigneur dirigera les conseils et les enseignements de l'apôtre,"
et celui-ci conduira ses auditeurs de l'expression de sa pensre à des
œuvres qui seront droites, intègres, solides, persévérantes; tellement
que ses disciples ne seront ébranlés ni par la violence de leurs enne-
mis, ni par les tentations, ni par les épreuves Il manifestera la
règle de conduite qui ressort de sa doctrine, dit l'Ecclésiastique, t
il se glorifiera dans la loi de l'alliance du Seigneur : Ipse palam faciet
disciplinam doctrinœ suœ , et in lege testamenti Domini gloriabitur
(xxxix. 11 ). La multitude louera sa sagesse qui ne tombera jamais
dans l'oubli : son souvenir ne s'effacera pas de la mémoire des
hommes, et son nom sera transmis de génération en génération.
Les nations raconteront sa sagesse, et l'assemblée des vieillards célé-
brera ses louanges. Tant qu'il vivra son nom sera plus connu que
celui de mille autres, et quand il reposera, il sera heureux (EcclL
xxxix. 12-15).
La parole de Dieu, dit Isaïe, est un glaive aigu, une flèche choisie :
Posuit osmeum quasi gladium acutum; et posuit me sicut sagittam ele-
ctam (xlix. 2).
La parole de Dieu perce et tue les péchés et les vices, afin qu" la
chair, c'est-à-dire la vie animale, périsse, et que l'esprit vive. La
pré lication de l'Evangile trappe les crimes, les passions, Jes convoi-
tises et les démons. C'est ce qu'exprimait J. C. lorsqu'il disait : Ne
pensez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis
pas venu apporter la paix, mais le glaive : Nolite arbitrari quia pncem
venerim mittere in terrain : i» cem mittere, sed gladium (JVJalth,
PAROLE DE DÏETT. 537
x. 34). C'est-à-dire, ma parole fera la guerre au démon, au monde
pervers, aux passions abrutissantes De sa bouche, dit l'Apoca-
lypse, sortait une épée à deux tranchants : De are cju.s yladius utraque
parte acutus exilât (t. 16). La parole de Dieu est en effet une arme qui
sert à deux fins : elle détruit les vices et protège les vertus
Le grand Apôtre entre dans cet ordre de vérités, lorsqu'il dit :
Munissez-vous de l'armure de Dieu, afin que vous puissiez résister
au jour mauvais, et demeurez fermes. Soyez fermes, ceignant vos
reins avec la vérité, revêtant la cuirasse de la justice, et tenant vos
pieds prêts à porter partout l'Evangile de paix. En toutes choses pre-
nez le bouclier delà foi, afin que vous puissiez éteindre tous les traits
enflammés du Mauvais ; prenez aussi le casque du salut, et le glaive
de l'esprit, qui est la parole de Dieu (Ephes. vi. 13-17). Voilà com-
ment doit être le soldat de J. C. annonçant l'Evangile.
Toutes les armes dont il est parlé ici sont données au chrétien
qui écoute, médite et pratique la parole de Dieu. Tous les passages
de la sainte Ecriture, dont il vient d'être fait mention, décrivent
l'efficacité, la force, les fruits et les avantages de cette admirable
parole.
J. C. est le glaive du Père, une flèche brillante et choisie dont se
sont servis les apôtres et les autres saints; flèche d'amour cachée dans
le carquois de son humanité. Le Verbe envoie cette flèche où il veut;
il Fenfonce par sa parole , par l'adversité , par les afflictions ; avec
elle il Messe, ouvre, pénètre les âmes des fidèles et détruit leurs
vices et leurs imperfections. Ainsi parlent saint Jérôme, saint Chry-
sostome, saint Cyrille. Frappé par cette flèche, Jérémie disait : J'ai
trouvé le repos en vous prenant pour pasteur : Non sum turbatus, te
pastorem seqùens (xvn. 16). Et David : Mon âme s'est attachée à
vous : Adhœsit anima mea post te (lxti. 9). Et saint Pierre : Sei-
gneur, vous savez que je vous aime : Domine , tu scis quia amo te
(Joann. xx. 15). Et saint Paul : Qui nous séparera de l'amour de
J. C? Quis nos separabit a caritate Christi? (Rom. vin. 3o. ) Et
l'Epouse des Cantiques: Je languis d'amour : Amorelanguco (il 5).
L'amour de Dieu et de J. C, voilà la flèche qui vivifie en donnant la
mort; qui vivifie la vertu et donne la mort au péché, dit saint
Ambroise (In Pso.L cxvm).
Qu'on est heureux d'être blessî et abattu par cette flèche,'
s'écrie Origône (In Psal. xxxvn). Elle a été enfoncée dans le cœur
de Madeleine, de Pierre, de Saul, d'Augustin, et de tous les
pécheurs convertis. Et qui l'envoie'? la parole de Dieu, blessés*
o38 PAUOtr T)E TÏÏET7.
par cette arme céVste , les apôtres et ton? les faints l'ont lancée &
leur tour en faisant entendre les enseignements de la divine parole,
et >'n priant avec ferveur. Ils ont éti eux-mêmes des flèches qui ont
frappe le monde pervers et l'ont guéri
Et j'entendis un des quatre animaux, et sa voix était semblable au
bruit du tonnerre, et il dit : Venez et voyez. Et je \ is, dit saint Jean
dans l'Apocalypse : et voilà qu'un cheval blanc parut, et celui nui
était dessus avait un arc; et une couronne lui fut donnée, et il par-
tit vainqueur afin de vaincre (encore) : Et audivi unum de quatuor
animaliùus diceim, tanquam vocem fonitrui : Veni , et vide. Et vidi :
et ecce equus albus; et qui sedebat super illum habebat arcum, et data ci
rorona, et exivït vincens ut vinceret (vi. t. 2 ). Ce cheval blanc est la
iigure des apôtres, des docteurs et des pasteurs de tom Les séries.
Celui qui est dessus, c'est J. C; l'arc et les flèches sont la préilication
de l'Evangile; la couronne signilie la victoire que remporte la parole
de Dieu, la conversion des pécheurs et le triomphe qui en est la
suif<\
Le Seigneur, dit Isaïe, m'a donné une langue éloquente, afin
de soutenir 'par ma parole celui qui est affligé et [accablé : Dorn
dédit ïni'n linguam eruditam , ut sciam sustentare cum qui lassus est
verbo (l. A).
Les prédicateurs annoncent et font connaître trois choses: J. C,
le bonheur, et le salut éternel de lame et du corps
Prêtez l'oreille et venez à moi, dit le Seigneur par la bouche
d'Isaï"-; écoutez, et votre âme vivra; et j avec vous 1 <
nelle alliance de miséricorde promise à mon serviteur David : Jnrll-
nate aurem ves'ram,et venue ad me : audite, et vivet anima vesfra ;
et feriam vobisçum pactum sempitcnw.m, misericordias David fidèles
(LT.3).
Comme la neige et la pluie descendent du ciel^ et n'y retournent
plus, mais pénètrent la terre, la fécpnd,en{ et font gernaer la semence
espoir du laboureur, dit le Seigneur par la bouche du même pro-
phète; ainsi ma parole ne reviendra pas à
accomplira ce que j'ai voulu, et pr
auxquels je l'ai em >yé?e. Vous sortirez dans lajoie, et vous marphe-
rez dans la paix; i i le Si igoeur sera connu sous un nom éternel que
rien n'effacera ( lv. 1 (.)- 1 3 ) .
Ecoutez ma parole, dit le S igneur par la I
je serai votre Dieu, et vous serez mon peuple- et maniiez 'ans la
voie que je vous ai prescrit de suivre 3 afin que vous vous en
trouviez bien : Audit e vocem meamy et ero vohis Beug, et vos eritis
mild populus : et ambulate in via quom mandavi vobis, ut bene sic
vobis (vit. 23).
J'ai trouvé vos enseignement?, Seigneur, ditJérémie, et je m'en
suis iMuri i ; et votre parole est devenue la joie et les délices de mon
cœur : Inventi sunt sermones lui, et comedi eos ; et faction est mihi ver-
bum tuum in gaudium et in lœtitiam cordis rnei (xv. 16 ).
La parole de Dieu, dit saint Bernard, est vivante et efficace; cIjs
qu'elle entre dans l'âme, elle la tire de son sommeil; elle émeut,
amollit et blesse le cœur, ce cœur endurci, ce cœur de pierre et to:ié
malade. Elle commence aussi à arracher et à détruire, à édifier et à
planter, à arroser ce qui était aride, à éclairer ce qui était dai:s 1^'.
ténèbres, à ouvrir ce qui était fermé, à embraser ce qui était glacé,
à redresser ce qui était tortueux, à aplanir les chemins raboteux;
tellement qu'alors l'âme bénit le Seigneur, et que toutes ses facul-
tés Jouent son saint nom (■!).
Voici sur les montagnes les pieds de celui qui évangélise, de celui
qui annonce la paix, dit le prophète Nahum. Juda, célèbre les solen-
nités, accomplis tes vœux, parce que Bélial ne passera plus au
milieu de toi, il a péri tout entier (2).
S'ils écoutent et observent la parole du Seigneur, dit Job, ils pas-
seront leurs jours dans le bonheur, et leurs années dans la gloire :
Si auttierinl et observaverint, complebunt dies suos in bono, et annos suos
in gloria (xxxvi. 11).
Heureux, dit J. C, heureux ceux qui écoutent la parole de
Dieu, et qui la mettent en pratique : Beati qui audiunt verban Dci,
et cuslodiun't illud (Luc. xi. 28). Le monde aveugle ignore où est le
bonheur; il le place dans les richesses, les honneurs, les plaisirs:
il se trompe. Seul, J. C. sait où se trouve le vrai bonheur et il le dit :
Hemeux ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la mettent en
pratique.
Le titre de mère, dit saint Bernard, n'eût servi de rien à Marie, si
{') Vh um et efficax est Dci verbum; moiqueut intus venit, expenrefeeït dormien-
lem animam; raovit, et mollivit, et vulneravit cor, quoniam durum lapideumque
■t malc samiin. CœpU quoque evellere, et destruere, et eedifleare, et plantare;
arida, tepebrosa ilUiminare, clausa reseràrl, frigida inflammare; nec non et
■fi prava in directa, et a>pera in vias planas : ita ut benedicat anima Domino.
lia q:!te inlra J'int, nomini sancto ejus (Serm. lxxiv).
(2) Eccc super montes pedes evangelizantis et annuntiantis pacem : célébra, Jtida,
festivitates tuas, et redde vola tua : quia non adjiciet ultra, ut pertranseat in to
Belial, universus interiit (i. 15).
!U0 PAROLE LE DIEU?
elle n'eût pas eu le honneur de porter J. C. dans son cœur plutôt
que dans son sein. Marie est donc plus heureuse d'avoir reçu la foi
du Christ, que de lui avoir donné un cor )s (i).
Ecoutez J. G. : En vérit : , en vériti , je vous le dis : Si quelqu'un
garde ma parole, il ne verra jamais la mort : Amen , amen dico
vobis : Siqnis sermonem meum servaverit, non gustabit mortem in œter-
raim (Joann. vin. 51). Si quelqu'un m'aime, dil-il encore, il gardera
ma parole, et mon Père l'aimera , et nous viendrons ù lui , et nous
demeurerons en lui : Si quis diligit me , sermonem meum servabit ; et
Pater meus diliget eum; et ad eum veniemus , et mansionem apud facic-
rnus (Joann. xiv. 23). 0 pre'cieuse promesse ! Elle nous apprend
comment on trouve Dieu, comment on le possède! L'auguste Tri-
nité vient à nous, lorsque nous allons à elle, dit saint Augustin ;
elle vient à nous pour nous aider, nous éclairer, nous remnj r e
grâce; nous allons à elle en obéissant, en considérant, en sa. s s-
sant : Veniunt ad nos, dum venimus ad eos ; veniunt subveniendo, illu-
minando,implendo; venimus obediendo,intuendo, capiendo (Tract, lxxvi
in Joann.).
La foi vient de l'ouïr, dit saint Paul aux Romains , et l'ouïr par la
parole du Christ : F ides ex auditu , audilus autem per verbum Dei
(x. 17). La parole de Dieu procure donc le don sublime de la 1'
non-seulement de la foi, mais de toutes les vertus
Les écrivains inspirés ont consigné dans les saints livres la doc-
trine de la sagesse et de la science. Heureux celui qui s'occupe sans
cesse de ces utiles enseignements ! dit l'Ecck'siasti jue. Celui qui les
conserve dans son cœur , sera toujours sage : s'il les met en pra-
ti jue . il sera propre à toutes choses, parce que la lumière de Dieu
conduira ses pas (2).
Quels avantages inestimables procure la parole de Dieu! quels
heureux effets , quels fruits abondants elle produit, lorsqu'un est
bien disposé à la recevoir et à en profiter 1...
U pnmiode La parole de Dieu est une semence, dit Job : Semen est verliv.m Dn
*" (Luc. vin. M).
ui.c sentence.
(i) Maferna propinquitai nîliîl Maris profuisset , nisi frlicius Christum corde
qaamcaru BeaMor Wgo Maria pcrcij endo lidcm iu;sti, q am con î-
picinlo carneii) Clirisli [Serm. i.wi. ).
(2) Doctrinam sapienlitB et disciplinas scripsit. Bcalus qui in istis vcrsaturl
qui (.«i;, a illa in corde suo, sapient cril cuira hxc fecerit, ad omoia
lui: quia lux Dj au tjus csl ( i.. 2U-3J ),
PAKCLE DE DfEïï. 54.4
Entre la semence et la parole de Dieu se trouvent les rapports sui-
vants : i» Comme la semence est jetée dans la terre; de même la
parole de Dieu est jetée dans les âmes, qui sont le champ du Sei-
gneur 2o La semence confiée à la terre y germe ; la parole de Dieu
doit germer dans nos cœurs 3° Les semences contiennent en
germe tous les végétaux; la parole de Dieu est le principe de toutes
les vertus et de toutes les grâces 4° Sans les semences qu'on
confie à la terre, elle ne produirait que des épines et de mauvaises
herbes; sans la parole de Dieu , nos cœurs ne produiraient que des
péchés et aucune vertu 5° Pour fructifier, la semence demande
une bonne terre; pour donner naissance à des vertus, la parole de
Dieu veut des âmes dociles et bien disposées 6° Avant de pro-
duire, la terre doit être cultivée; pour que la parole de Dieu soit
ieconde, nos cœurs doivent être cultivés par la charrue de la péni-
tence 7° La semence a besoin de pluie et de soleil; 1 ame a besoin
que la parole de Dieu répande sur elle la pluie de la grâce, la lumière
des bonnes inspirations et les rayons de la charité 8° Pour se
multiplier, la semence doit se dépouiller de son enveloppe et mourir;
pour que la semence de la parole de Dieu multiplie en nous ses
effets, il faut que notre âme se dépouille des affections terrestres et
qu'elle meure à elle-même 9° La semence doit germer, se déve-
lopper, fleurir et mûrir; la parole de Dieu doit suivre la même
marche dans nos cœurs 10J Toute la puissance de la plante et
de ses fleurs, de l'arbre et de ses fruits est dans la semence; toutes
les vertus sont dans la parole de Dieu 11° Chaque semence pro-
duit un végétal; chacune des sentences de l'Evangile produit son
fruit : la foi, l'espérance, la charité, l'humilité, l'obéissance , la
soumission , la pureté, etc 12° Il faut l'union de la semence et
de la terre pour que la semence se développe et fructifie ; il faut que
l'âme s'unisse à la parole de Dieu pour que cette parole produise au
centuple 43° La terre produit en raison de sa bonté et de sa cul-
ture; la parole de Dieu agit dans un cœur selon ses dispositions
Si j'évangélise, dit le grand Apôtre, la gloire n'en est pas à moi ; ce Nécessité pour
m'est une nécessité : malheur à moi si je n'évangélise ! Si evan- d'iimww"'^
aelizavero, non est mihi qloria; nécessitas enim mi/ri incumbit: vœ enim la 'êritabla
J u parole dû
milù est, si non evangelizavero! (I. Cor. IX. 16.) Dieu.
11 faut bien se garder de corron:. ._ j la parole de Dieu. Nous ne
sommes pas comme plusieurs, dit le même apôtre, qui adultèrent
la parole de Dieu; mais nous, parlons dans le Christ, avec sincérité,
542 PARLE DE DIEU.
comme venant de Dieu, et devant Dieu : Non surnns sicut plurimi ,
adultérantes verbum Dei; sed ex sinecritate , sed sicut ex Deo , coram
Deo, in Christo loquimur ( U. Cor. n. 17).
Comme les eaux d'une fontaine coulent toujours, lors même que
personne n'y va puiser , ou qu'on y va rarement , dit saint Chry^w-
stome ; de même le prédicateur doit toujours remplit son devoir, et
annoncer la parole de Dieu , lors même que peu de personnes l'écou-
tent et se convertissent ( Homil. i de Lazaro ).
Ayez pour modèle, dit saint Paul à Tirnothée, les saines paroles
que vous avez entendues de moi dans la foi et l'amour qui sont en
J. C. : Formam habe sanorum verborum quœ a me audisti in fuie et in
dilectione in Christo Jesu {\\. i. 13 ). Conservez , par 1 Esprit- Saint
qui habite en nous, le bon dépôt que je vous ai coolie : Bonum Hepo-
situm custodi, per Spiritum Sanctum qui habitat in nobis [Ibid.il. i. 1-4).
Endurez la peine comme un bon soldat du Christ : Labora sicut
bonus miles Christi (Ibid. II. n. 3). Ayez grand souci d'être aux
yeux de Dieu fidèle dispensateur de la parole de vérité. Evitez les
discours profanes et vains : Sollicite cura te ipsum exhibere Deo recie
tractantem verbum veritatis. Profana et vaniloquia devita (Ibid. II.
il. 15. 16). Annoncez la parole; insistez à temps et à contre-temps;
reprenez, suppliez, gourmandez en toute longanimité et doctrine :
Prœdica verbum; insta opportune, importune ; argue, uùscc/'u, merepa,
in omnipotentia et doctrina (Ibid. II. IV. 2).
Pour vous, écrit cet apôtre à Tile son disciple, répandez la saine
doctrine : Tu aulem loquere sanam dcclrinam (il. 1 ).
Si quelqu'un parle, dit l'apôtre saint Pierre, que sa parole soit ,
comme de Dieu : Si quis loquitur, quasi sermones Dei (I. iv. 11 ).
Soyez vigilant, dit dans l'Apocalypse le Seigneur à le\èque de
Sardes; souvenez-vous de ce que vous avez reçu et entendu, et gar-
dez-le : Esto vigilans: in mente habe qualiter acceperis, et audiens, et
serva ( m. 2. 3).
Il n'est pas permis à celui qui a été établi dispensateur de la
parole de Dieu, de négliger la fonction sacrée de la prédication; en
effet, il lui est ordonné de nourrir le troupeau de J. C. : Paissez mes
brebis , dit J. C. à Pierre : Pasce oves mcas (Joann. xxi. 17). Paissez
le troupeau qui vous est confié , dit l'apôtre saint Pierre, veillant et
vous faisant le modèle du troupeau: Puscite qui in vobis est gregem
Dei, /jrovidentes ; fomia factigregis ex animo (1. v. 2. 3).
Les lèvres, des sages répandiont la science, disent les Proverbes;
Labia supicnlum dUsemtnabuiU scientiam (xv. 7).
PAROLE DE DIEtf. 543
Les préîicateurs doivent imiter le laboureur qui sèmfe le grain.
4° Le laboureur nettoie sa semence et la débarrasse de la zizanie; le
icateur doit séparer la parole de Dieu de toute erreur ± Lt
laboureur porte avec lui le grain qu'il jette en terre; celui qui
cœurs la divine semence, doit commencer parla
posséder en lui-même, au moyen de l'étude et de la piété 3° Le
labouivur répand là semence volontiers et avec libéralité, dans
l'espoir d'une abondante moisson ; le prédicateur doit répandre avec
bonheur, et abondamment la parole de Dieu dans les âmes, espérant
une abondante moisson , pour lui et pour ses auditeurs en cette vie,
et surtout dans l'éternité
I\ ajoutez pas aux paroles du Seigneur, disent les Proverbes, de
peur que vous ne soyez repris et trouvé menteur : Ne addas quidquara
verùts iiliits, et arguaris inveniarisque mendax (xxx. G). '
Je l'ai dit : Malheur à moi, parce que je me suis tù! ditlsaïe : Et
di'i : Yen mihi , quia tacuil (vi. 5. )
Montez sur le sommet de la montagne, vous qui évangélisez Sion;
élevez la voix avec force , dit le Seigneur par la bouche du même
prophète (xl. 9.) Criez et ne vous lassez point; faites retentir
votre voix comme les éclats de la trompette; annoncez à mon peuple
ses crimes, à la maison de Jacob ses prévarications : Clama, ne cesses,
quasi tuba exalta vocem tuam; et annuntia populo meo scelera eorum,
et donna Jacob peccata bofufn (tsai. lviii. 1 ).
Que celui qui a ma parole, l'exprime fidèlement, dit encore le
Seigneur par la bouche deJérémie : Quihabet sermonem meurn, loquo-
tur sermonem meum vere (xxm. 28). Fils de l'homme, dit -il au
prophète Ezéchiel, je vous ai établi sentinelle dans la mvson
d'Israël; vous entendrez la parole de ma bouche, et vous leur
parlerez en mon nom : Fili hominis , speculatorem dedi te donna
i ci; et audies de ore meo verbum , et annuntiabis eis ex me ( ni. 17).
Si, quand je dis à l'impie : Tu mourras de mort, vous ne le lui
annoncez pas, si vous ne lui parlez pas pour qu'il se retire de
sa voie impie, et qu'il vive, l'impie mourra dans son iniquité;
mais je vous demanderai compte de son sang : Sanguinem autem
ejus de manu tua requirarn (Ibid. m. 48). Que si vous l'annoncez à
l'impie, et qu'il ne se retire pas de son impiété et de sa voie crimi-
nelle , il mourra dans son iniquité; mais vous vous avez sauvé votre
ânv : Tu antenLonimam tuam liberasti (Ibid. m. 49).
I essité pour celui qui a charge d'âme, d'annoncer la
parole de Dieu; mais il y a nécessité aussi pour le fidèle d'écouter
S44 PAROLE DE DIEU.
cette parole..... Si vous ne m'écoutez pas, disait saint Augustin à son
peuple, je ne me tairai pas pour cela, et je sauverai mon âme; mais
je ne veux pas me sauver sans vous. Vous qui ne voulez pas m'en-
ten Ire, vous êtes l'ennemi du médecin, et moi je ?uis l'ennemi de
votre maladie; vous haïssez le zèle que je mets à vous avertir, et
moi j'en veux à la peste qui vous tue (1).
1] y a obligation, 1° d'annoncer la parole de Dieu...; 2° de l'an-
noncer souvent et de ne pas se lasser... ; 3° d'annoncer la véritable
parole dj D'eu, et non des idées profanes ou des erreurs...; A" de
prêcher avec force , prudence , science , et de ne craindre personne,
si ce n'est Dieu seul , à qui le pasteur aura à rendre compte du trou-
peau qui lui a été confié
Mais le troupeau, de son côté, est obligé , 4° d'écouter la parole do
Dieu , et de ne pas se lasser de l'entendre... ; 2° de mettre en prati-
que ce que le Seigneur ordonne... ; 3° de se dire qu'il de\ra renlre
compte de l'abus qu'il aura fait de la divine parole. Nous reviendrons
sur ce sujet
Au résumé, les prédicateurs et les fidèles doivent remplir les obli-
gations que Dieu leur impose
^quùmîo"1"' Ij0RSQUE vous enseignez dans l'Eglise , dit saint Jérôme, faites naître
convonabio- les gémissements du peuple et non ses applaudissements; que les
ment la parole , , ,. , r, . f , xl n /,'■■
de Dieu. larmes de repentir de vos auditeurs soient votre éloge : Doccnt, te in
Ecclesia, non clamorpopuli, sed gemitus susciietur; lacrymœ auditomm
laudes tuœ sint (Ad Nepotianum).
Que vos discours, dit saint Paul, soient toujours assaisonnés du
gel de la grâce, de sorte que vous sachiez comment vous devez
répondre à chacun : Sermo vester semper in gratia sale sit conditus, ut
scialis quomodo oportcat vos unicuique respondere (Goloss. IV. G).
Les instructions d'une médiocre longueur sont plus agréables et
mieux goûtées. Exposez clairement et brièvement ce que le Seigneur
ordonne, afin que les âmes dociles le sachent et s'en souviennent
Y eùt-il dans un discours d'amples recherches, et un esprit prer
fond, et de l'éloquence, et l'intelligence de la situation, si l'Esprit-
Saint, qui donne la force aux paroles, est absent, dit saint Jérù ne,
tout est inutile et perte de temps (2).
(1) Si me non audierilis, ot tamen ego non tacucro, libernbo oniraam mcam ; scJ
nolo salvus c.-sc sine vobis. Tu iniinicua es modico, c^'o niorboj tu diligeulùe :::cx,
ego peslilcr.tiœ lucc [Ho7)iil. xxvm inter l).
(2) Licet sit ample sermonis supellcx, et nions proHinda, et cloquenlia , et int.ili-
genlia; si non aUsiiSnirilus qui vira suppeilitat, otiosa suntomoio (Ad Isepolut
PAROLE DE DIEU. 545
11 est dit dans les Actes des apôtres, qu'Hérode, revêtu du manteaiL
royal , s'assit fur son trône, et harangua si bien les députés deo
Tyriens et des Sidoniens , que le peuple s'écria : C'est la voix d'un
Dieu, et non celle d'un homme. En ce moment, un ange du Seigneur
le frappa, parce quil n'avait pas rendu gloire à Dieu; et il mouru*
il' par les vers (xn. 21-23). Les prédicateurs ne doivent jamais
perdre de vue ce fait, qui leur est d'un grand enseignement.
Celui qui n'écoute pas la parole de Dieu dans le fond de son £me ,
la fait retentir en vain au dehors, dit saint Augustin : Verbi Dei ina-
nis est forinsecus prœdicator, qui non est intus audit or (Epist. cxxxn).
L'action est plus puissante que la parole, dit saint Grégoire de
Nazianze : Opus sermone fortius est (Orat. xxvn). Prêcher d'exemple,
voilà la meilleure des prédications. En effet, possédassiez-vous la terre
entière, si vous la laissez inculte, quel fruit en retirer ez-vous?...
Saint Vincent deLérins disait : Ne prêchez pas des nouveautés,
ïnais dites les choses d'une manière nouvelle ; c'est-à-dire, parlez de
manière à captiver l'attention de vos auditeurs : Non dicas nova, sed
nove (In ejus vila).
Celui qui a la sages^ du cœnv sera éloquent, dit l'Ecritura
(Prov. xvi. 21).
Pour qu'un discours soit éloquent, il faut : i° qu'il soit plein de
sagesse et de prudence...; 2° qu'il convienne à la circonstance et aux
auditeurs ; que toutes ses parties se trouvent disposées aveo oi-ure;
qu'il soit clair, solide et facile à comprendre... ; 3° qu'il plaise...;
4° enfin et surtout, qu'il parte d'un cœur «ixleùx de foi, de douceur,
de bonté et de charité
Ce n'est pas sans raison que la sainte Ecriture compare un discours
à un rayon de miel ; car, 1° comme le miel est doux , ainsi l'orateur
doit être plein de douceur dans ses paroles 2° Le miel est le déli-
cieux résultat du travail des abeilles, qui sont elles-mêmes le modela
et le symbole de la prudence et de la chasteté; le discours doit partir
d'une âme prudente et pure 3° Les abeilles composent leur miel
du suc des fleurs et des herbes odoriférantes; il convient qu'où
sage prédicateur compose ses discours à l'aide des fleurs parfumée»
de la sainte Ecriture et des Pères 4° L'orateur a trois effets à pro-
duire : instruire, plaire et toucher; le miel a trois propriétés ana-
logues à ces trois effets : il fortifie, adoucit et guérit..... Ecoutez saint
Augustin, qui a tant étudié et qui possédait si bien tous les secrets
de L'art oratoire : Un homme éloquent a dit, et il a dit vîw, que
pou,' être éloquent, il fallait instruire , plaire et toucher. Insîi . ,
nu * • 85
546 PAROLE DE CffiU.
c'est nécessité; plaire, c'est suavité; toucher, c'est remporter la
victoire (Epist. cxxxn. ) 5° Les abeilles font leur miel avec un art
admirable; l'orateur doit disposer son discours avec prudence, ordre
et méthode ; ce qui donne à ses paroles un charme puissant et une
douce efficacité
Appliquez-vous, dit saint Ambroise , à tirer de la parole de Dieu,
qui est tout feu, trois effets qui sont de purifier, d'éclairer, d'em-
braser. Pour procurer aux auditeurs ces trois biens , il faut avoir la
parole de Dieu dans la bouche, dans le cœur et clans les œuvres, La
parole de Dieu doit éclairer l'esprit, stimuler la volonté et orner ld
mémoire (In Psal. cxvm).
Dans un discours, dit saint Augustin, il faut aimer la vérité et
non la grâce de l'élocution : In verbis verum nmare ? non verba (In
Psal. vu).
Un discours limé et fait avec art, enlève de leur force et de leur
relief aux vérités que l'on émet, dit saint Prosper; les pensées ne
sont pas établies pour les paroles, mais les paroles pour rendre les
pensées : Sententiarum vivacitatem sermo ex industria caltus énervât :
fion res pro verbis , sed pro rébus enuntiandis verba sunt insiituta ( In
Sentent.).
Un même discours ne convient pas à tous ; parce que tous n'ont
pas le même âge , la même intelligence, le m£me caractère, la
même condition, la même piété , les mêmes mœurs. Il y a des
choses qui nuisent aux uns, et qui sont utiles aux autres ; comme il
y a des herbes qui nourrissent certains animaux et qui en ment
d'autres. Un léger sifflement calme le cheval et irrite le lion; le
remède qui diminue une maladie, eu aggra\ e une autre; le pain qui
fortifie l'homme tuerait le malade ou Pépiant à la mamelle. Il faut
donc préparer ses enseignements et les distribuer avec discernement,
alin de donner à chacun ce qui lui convient, sans s'écarter cependant
des règles générales
Méditez les recommandations admirables que saint François d'As-
sise fait aux prédicateurs de son ordre : Je veux, mes très-chers
frères, dit-il , que les ministres de la parole de Dieu soient tels, q-^e
s'appliquant aux études spirituelles, ils ne s'inquiètent pas du reste;
car vous êtes choisis par le grand Roi pour annoncer ses oracles aux
peuples. Le prédicateur 4onç doit puiser dans des prières sec
-entiments qu'ensuite il manifestera dans ses discours sacrés; il
qu'avant de parler, il soit embrasé d'amour de Dieu; carie
ministère de la parole est vénérable, et doit être vénéré. Les
PATI OLE DE DTEU.
prédicateurs sont le? adversaires des démons e!. pe du monde.
Ceux d'entre eux qui s'appliquent à eux-mêmes et qui pratiquent les
premiers ce qu'ils enseignent aux autres, méritent d'être loués; mais
ceux qui donnent tout à la prédication , et rien ù la dévotion , sont
de mauvais ouvriers; et l'on ne saurait trop pleurer le triste fort de
peux qui, pour une vaine louange,*vendent au démon leurs travaux.
L'office de la prédication est agréable au Père des miséricordes, sur-
tout lorsqu'on s'y livre uniquement par esprit de ciiuriié, et qu'on
emploie l'exemple, plutôt que les paroles; les prières ferve;
plutôt que les phrases éloquentes et multipliées. Il faudrait g'
sur l'orateur qui chercherait des éloges plutôt que le salut des âmes,
ainsi que sur celui qui détruirait par une vie déréglée l'autorité de
ses enseignements: un simple prédicateur, de peu de talents, mais
de beaucoup de vertu, est préférable et fait infiniment plus de bien.
Le prédicateur qui sacrifie à la vaine gloire, est stérile : qu'il se garde
de se glorifier de produire du fruit; s'il en produit, il est perdu pour
lui. Mais ordinairement il est stérile pour les autres comme pour
lui-môme; parce que Dieu ne bénit ni lui ni son ministère (Ojpusc.
collât, xvn ).
Saint Bonaventure dit de saint François d'Assise : Sa parole était
un feu ardent, qui pénétrait le fond des cœurs, et remplissait ses
auditeurs d'admiration. Dans ses instructions, l'on ne sentait pas
l'action de l'art humain ; mais le souffle des inspirations et des révé-
lations divines. Il prêchait la vérité avec une coniiance impertur-
bable; il ne savait pas épargner les vices ; il les attaquait avec fermeté
et ne flattait pas les pécheurs, mais les poursuivait vivement pour
les terrasser , et en faire des saints ( In ejus vita).
La force des orateurs sacrés retentit et brûle, dit saint Grégoire:
elle brûle par le désir du bien qu'elle communique ; elle retentit par
la parole qu'elle fait entendre. Lue prédication animée ressemble donc
à l'airain embrasé : Vis pvœdicantium et sonat et ardet : ardet desi-
derio , sonat verbo : œs ergo cundens est prœdicalio accensa ( Homil, m
ie Ezech.),
>ux qui annoncent TEvangilepar manière d'acquit,avec mollesse,
ou avec cramte; ceux qui cherchent dans la prédicaiit :i un autre
fruit que la conversion des hommes et leurs progrès spirituels, ne
comprennent ni ce qu'est la parole de Dieu, ni la dignité de ministre
de J. C. , ni la responsabilité qui pèse sur eux. Les ap' ires qui méri-
tent vraiment ce nom , portent Lieu avec eux; ils l'éliront, ils le
donnent : que peut-on comparer à cette subliaio , .?...
548 PAROLE DE DIEU.
Saint Bernard enseigne que les prédicateurs doivent se retirer sur
la montagne avec J. C. , c'est-à-dire tendre au ciel par les désirs de
'/âme et par une sainte vie, et s'efforcer d'atteindre le sommet des
vertus {Serm. inPsal. ).
Les prédicateurs de la parole de Dieu doivent 4° être envoyés de
Dieu, et lui servir d'instruments... ; 2J être unis à Dieu par l'oraison
et par une obéissance parfaite...; 3° être actifs et zélés...; 4° être
pleins de force et d'onction... ; 5° être exempts de vices et resplen-
dissants de vertus, afin de devenir , comme saint Jean-Baptiste, des
lampes ardentes et brillantes...; 6° ils doivent lancer leurs flèches
directement au but, c'est-à-dire frapper le cœur, le pénétrer de
crainte et d'amour de Dieu , et ne pas s'arrêter à frapper simple-
ment les oreilles
Enfin , il faut que le prédicateur qui mérite ce nom , soit une
flèche , et par ses exemples et par ses paroles ; c'est ainsi qu'il péné-
trera sûrement dans le cœur de ses auditeurs : sa vie entière doit
être une prédication continuelle.
Qu'il vous plaise, ù divin Jésus, que nous soyons des flèches arden-
tes, des traits puissants et pénétrants pour les pécheurs, afin qu'ils
puissent dire avec l'Epouse des Cantiques : Vous avez blessé mon
cœur; je languis d'amour pour Dieu: Vuînerasti cor meum ; amore
langiteo (iv. 9. n. 5).
C'est un don inestimable qu'une langue sage et éloquente; il faut
prier tous les jours, afin que le Seigneur nous le conserve, et dire
avec le Psalmiste : Souverain Maître, vous ouvrirez mes lèvres, et ma
bouche annoncera vos louanges : Domine , labia rnea aperies , et os
meum annuntiabît laudem tuam (l. 17).
Dieu, dit saint Grégoire , ouvre les lèvres de celui qui réfléchit
non-seulement à ce qu'il dira; mais quand, où et à quelles personnes
il le dira. Que tous nos discours soient donc pesés à la balance de la
justice, afin qu'ils soient pleins de gravité, dans le sens, dans les
paroles, et dans la manière de l'orateur. Ne parlons que lorsque cela
est utile : examinons si nous devons ou non passer sous silence telle
ou telle chose; si le moment est favorable pour nous en occuper;
enfin , si nous ne sortons sous aucun rapport des règles de la pru-
dence, de la sagesse, de la modestie et de la charité (In Psal. l).
Un médecin habile et compatissant, qui désire guérir une cruelle
blessure, n'épargne pas dans le seul but d'épargner; il n'a pas pitié
du patient uniquement afin d'en avoir pitié : voilà comment doit agir
le prédicateur (In Psal. xvn).
PAROLE DE BIEïï. ÎUÔ
Saint Bernard énumère sept degrés que doit franchir quiconque
désire être digne d'annoncer la parole de Dieu, sept vertus qu'il doit
posséder; ce sont : 4e la contrition...; 2° la dévotion...; 3° la péni-
tence...; 4° exercer les œuvres de piété... ; 5° l'amour de l'oraison...;
6° l'habitude de la contemplation...; 7° la plénitude de l'amour de
Dieu
Enseigner et ne pas faire , c'est non- seulement ne rien gagner,
mais nuire au grand nombre. Une condamnation terrible est réservée
à celui qui s'occupe de l'agencement de ses discours , mais qui
néglige de les corroborer par ses œuvres. L'apôtre doit s'attacher à\
montrer l'excellence des principes qu'il s'efforce d'inculquer aux
autres. Il n'aura pas de famille spirituelle, s'il tue par ses exemples
ceux à qui ses paroles auront donné la vie : il fera mourir par la
négligence de sa conduite celui que la vigilance de sa langue avait
enfanté (1).
Aristote lui-même déclare que ceux qui s'inquiètent peu de rendre
leurs actes conformes à leurs paroles détruisent la vérité ( Anton:
in Meliss. ).
Personne, à mon avis, dit Sénèque, ne nuit davantage aux hommes
et n'est plus digne de châtiment que ceux qui vivent autrement
qu'ils ne le recommandent : Nullos pejus mereri de omnibus mortali-
bus judico, quam qui aliter vivunt quam vivendum esse prœcipiunt (In
Proverb. ).
Les exemples de ceux qui agissent ainsi détruisent l'effet qu'ont
pu produire leurs enseignements : apôtres de l'humilité, ils sont
guidés par l'orgueil; ne cessant de représenter l'obéissance, la
résignation, la pureté, la charité, etc., comme des vertus utiles,
nécessaires, admirables et faciles, ils inculquent plus fortement
encore le contraire par leurs scandales, et condamnent tantôt leurs
œuvres par leurs paroles, tantôt leurs paroles par leurs œuvres.
Ainsi, de l'ensemble de leur vie ressort une sentence de réproba-
tion; et au jour du jugement ils seront condamnés autant de fois
par leur propre bouche, qu'ils auront exhorté leur prochain à la
pratique d'une vertu qui leur a été étrangère....
Et maintenant, dit le prophète Aggée, voici ce que dit le Seigneur
(1) Doccre et non facere, non solum nibil lucri, sed etiam damni plurimum
affert. Grandis enim condemnatio est componenti quidem sermonem suum, sed opère
négligent!. Doclor ipse prior débet bonum ostendere quod alios contenait edo.:ere.
Doctoris progenies eradicatur, quando is qui por verbum nascitur, per cxemphim
necatur; quia quera lingua vigllans gignit. viiee negligentia qçcidit (Lib. X Moral.),
550 FAHOT.E DE DIEU.
des armées : Appliquez vos cœurs à vos voies : vous avez semé
beaucoup, et vous avez peu récolté Celui d'entre vous quia
amassé un trésor la mis dans une bourse percée (i. 5. 6),
F.a croix
esl un excel-
lent prédica-
teur.
La parole de la croix,, dit le grand Apôtre, est folie à ceux gui
périssent; mais à ceux qui sont sauvés, à nous, elle est la vérin
de Dieu: Ycrbum crucis pereuntibus stultitla est; his autem qui salvi
fiunt, id est nobis, Dei virtus est ( I. Cor, 1. 18). Nous prêchons,
nous, le Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les
Grecs; mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, la vertu
et la sagesse de Dieu : parce que la folie de Dieu est plus sage que
les hommes et la faiblesse de Dieu plus forte qu'eux ( I. Cor. i.
23-25).
Que nous dit la croix, que nous prêche la croix? L'amour infini de
Dieu... , la chute de l'homme..., ses crimes..., ses misères... , ses
châtiments..., sa résurrection...; le prix et la nécessité de la péni-
tence, des souffrances, de la résignation, du détachement et de la
pauvreté ; le néant du monde et de la vie... , la laideur du péché...,
la beauté de la vertu..., la valeur de lame et la nécessité du salut
Elle nous montre le chemin du ciel et nous enseigne ce qu'il faut
faire pour le conquérir et y arriver
Nécessité Heureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettait en
llteDieu pratique, &* J» C. : Deati qui audiunt verbum Dd ,
<t de la mettre /luc, xi# 28). L'homme est fait pour lebonheur, il Je lui faut: or.
cupratiqae. v * ' '
d'après J. C, le bonheur est dans l'audition de la parole de Dieu , et
dans la conformité de notre conduite à cette parole; nous dei
donc, sous peine d'être malheureux, l'écouter et la metlro en
pratique.
Ceux qui écoutent la loi , ne sont pas justes devant Dieu , dit saint
Paul aux Romains; mais ceux-là seulement seront justifiés j qui
accomplissent la loi : Non enim ovdi'orcs legisjusti sunt apud Dcum.
sed factures leqis justificabuntur ( n. 13 ).
Tous ceux qui ni ont : Seigneur, Seigneur, n'entreront pas âans
le royaume des cieux; mais celui qui fait la volonté de mon l'ère qui
est dans les cieux , celui-là entrera dans le royaume des cieuï, dit
J. C. : Non omnisqui tiicitthiki, Domine. Domii e, intrabitin regnum
cœlorum; sccl gui facit voluntaiem Pat ris meiqui incœlis est, ipse intra-
bitin regnum cœlorum (Matth. vu. 21 ). Et qui est-ce qui fait la
PAROLE I>E METS gg|
volonté de Dieu, sinon l' homme qui se conforme à ses enseigne-
ments?...
Gardez-vous de rejeter celui qui vous parle du ciel , dit saint Paul
(Ifelr.xu.2o).
Mettez la parole en pratique, dit l'apôtre saint Jacques , et ne vous
bornez pas à i'écouter, vous trompant vous-mêmes : Estote factures
verbi , et non auditoires tantum , f attentes vosmetipsos { i. 22 ).
Cueillez le fruit , évitez l'épine, dit saint Augustin; en écoutant
celui qui vous dit de bonnes choses , n'imitez pas celui qui fait le
mal : Botrum carpe , spinam cave; cum audis bona dicentem, ne imiteris
mala facientem (Tract. xiviinJoann. ).
Est-ce qu'on méprise l'or par qu'il est entouré de terre? jdit saint
Chrysostome. Non; mais on choisit l'or et on laisse la terre : ainsi
vous-mêmes, recevez la doctrine, et laissez les mauvaises mœurs
Les abeilles sucent les fleurs et ne s'inquiètent point de leurs tiges :
ainsi vous-mêmes, cueillez les fleurs de la saine doctrine, et ne vous
in juiétez pas du reste (Moral.).
Celui qui dit : Je connais J. C, et qui ne garde point sa parole, est
un menteur , et la vérité n'est point en lui , dit l'apôtre saint Jean :
Çv.l dicit senosse eum,et mandata cj us non custodit , mendaxest, et
vcritas in eo non est ( T. n. 4 ).
Sans la connaissance de son Créateur, l'homme est une brute, dit
saint Jérôme : Absque notifia creatoris sui homo pecus (Comment, in
Joann. ). Or, c'est la parole de Dieu qui découvre Dieu à l'homme
et qui le lui fait connaître ; l'homme doit donc l'écouter et s'y con-
former , sous peine de ressembler à la brute et de vivre comme
elle
Si vous entendez aujourd'hui la voix de Dieu, n'endurcissez pas
vos cœurs, dit le Psalmiste : Hodie, si vocem ejus audieritis, nolite
(hdnrare corda vcstra(xciv. 8 ). Je méditerai votre parole, Seigneur,
je ne l'oublierai jamais, dit le même prophète : Jnjmtificatiombn-
neditabor , non obliviscar sermones tuos ( cxvm. 10 ).
Veillez sur vos pas en entrant dans la maison de Dieu, dit l'EccI ■'-
skste, et approchez pour écouter sa parole : Custodi pedem tuum
ingrediens domum Dei , et appropinqua ut av.dias ( iv. 17 ).
Gardez dans votre esprit la parole de Dieu que vous recevez de la
bouche du prédicateur, dit saint Grégoire; car la parole de Dieu est
l'aliment de lame. Cependant, comme l'estomac malade rejette la
.nturequil a prise, ainsi la mémoire qu ' 's ne conserve
pas les ensc - =;iis û faut ceitaint aeat
552 PAROLE DE DIEU.
désespérer de la "vie de quiconque De peut supporter d'ali-
ments (1).
Nous devons aimer la parole de Dieu. Désirez mes paroles, dit le
Seigneur, aimez-les, et vous aurez la sagesse : Concupiscite sernwnes
mcos, diligite illos, eihabebitis disciplinam (Sap. vi. 12).
CcmbiMi il T)jEU dit saint Augustin, n'ordonne pas l'impossible ; mais en
est facile de ' .
mettre en pra- ordonnant, il vous avertit de faire ce que vous pouvez, et de deman-
tiq'deDieu™le der la force d'accomplir ce que vous ne pouvez pas, puis il vous
aide à agir : Deus impossibilia non jubet ; sed jubenio monet, et faccre
guod possis, et petere quod non possis, et adjuvat ut possis ( In Epict.
ad Rom. ).
Mon joug est doux, et mon fardeau, léger, dit J. C. : Jugummeum
suave est, et onusmeum levé (Matth. xi. 30).
Outre que la parole de Dieu est douce et qu'elle n'impose rien que
de facile, la grâce l'accompagne toujours dans le cœur de celui qui
la reçoit. Or, on peut tout avec la grâce
Tous enten- La foi vient de l'ouïr, et l'ouïr par la parole de Dieu, dit le p -,
Clde Dieu™ Apôtre aux Romains : F ides ex auditu, auditus per verbum Dei
(x. 17). Mais je dis : Est-ce qu'ils n'ont point ouï ? Leur voix, certes,
a retenti par toute la terre, et jusqu'aux extrémités du monde : Sed
dico : Numquid non audierunt ? E t quidem in omnem terrante ïirit
sonus eorum, et in fines orbis terrœ verba eorum ( Ibid. x. 18 ).
Allez donc, dit J. C, et enseignez toutes les nations : Euntes ergo
docete omnes gentes ( Matth. xxvin. 19). Vous recevrez la vertu fie
l'Esprit-Saint qui surviendra en vous, dit-il à ses apôtres, et vous
me serez témoins à Jérusalem, dans toute la Juiée, et dans la Sama-
rie, et jusqu'aux extrémités de la terre : Accipietis virtvtem superve-
nientis Spiritus Sancti in vos ; et critis mihi testes in Jérusalem, et in
omni Judœa, et Samaria, et usque ad ultimum terrœ (Act. i. 8).
Votre foi est annoncée dans tout l'univers, disait déjà saint Paul
aux Romains : Fidcs vestra annuntialur in universo mundo (i. 8).
Depuis les apôtres jusqu'à nos jours, L'Evangile a été annoncé
dans le monde entier. Les persécutions le prouvent
Dieu est mort pour le salut de tous, dit le grand Apôtre : Pro
(1) Verba Domini qure ore percipitu, mente retinete. Cihus enim mentis est sermo
Dei ; et quasi acceptas cibus, stomacbo languente, r jicilur, quan lo auditus sermo in
centre mémorise non tenetur. Sed quisquis alimenta non retinct, hujus profeçto vita
desperatur (ftemil xui in Ew>>--
<
PAROLE DE DIEU. 553
omnibus mortuusest Christus (IL Cor. v. 14 ). Pieu veut, dit-il ailleurs,
que tous les hommes soient sauvés, et viennent à la connaissance ch
la vérité : Vult omnes homines salvos fieri, et ad agnilionem veritatis
venire (I. Tim. n. 4).
Ce Jésus que vous avez crucifié, dit saint Pierre aux Juifs, est la
pierre qui, rejetée par vous, architectes, est devenue le sommet de
l'angle. Et il n'y a de salut en aucun autre, ni sous le ciel aucun
autre nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sau-
vés : Et non est in alio aliijuo salus ; nec enim aliud nomen est sub cœlo
dation hominibus, in quo oporteat nos salvos fieri (Act. iv. 11. 12 ).
Puisque J. C. est mort pour tous les hommes, qu'il veut les sauver
tous, et qu'il n'y a de salut en aucun autre nom, J. C. leur donne
donc à tous les moyens suffisants pour le connaître, l'aimer et le
senir. Mais les démons, les passions, les préjugés, l'exemple et les
paroles des incrédules et des impies, sont des obstacles au salut
Comment tous les hommes n'entendraient-ils pas la parole de
Dieu ? Tout dans l'univers est une voix qui nous parle de lui ; le
soleil n'est-il pas un grand et excellent orateur, qui s'est adressé
à tous les lieux, à tous les siècles, à toutes les générations? La lune
et son cortège, les étoiles brillantes de beauté n'annoncent-elles pas
qu'elles sont l'œuvre de Dieu? La terre, l'Océan, les montagnes et les
vallées, les arbres et les fleurs, les oiseaux et les insectes ne
pu! ilient-ils passa puissance et sa bonté? Oui, l'univers et ses mer-
veilles témoignent de l'existence de Dieu, de sa providence et de
ses attributs; ils pressenties hommes de l'adorer, de le craindre, de
le servir et de l'aimer La loi naturelle ne fait-elle pas entendre
la parole divine?... Et la révélation, soitde l'Ancien Testament, soit
du Xouveau, n'est-elle pas une voix irrésistible, la voix publique de
Dieu?...
La parole de Dieu , qui réprimande et rend les bons meilleurs, est combla
insupportable aux orgueilleux, dit saint Cyrille: Redargutio quœ s0"('l"pv^'!ï;'st's
mansuetos transfert in melius, superbis intolerabilis essesoiet ( Homil.). etmalhcùrcni
, . -'iii ceux qui
Combien, s'écrie le vénérable BèJe, combien est misérable la n'écoutent pas
conscience qui, après avoir entendu la parole de Dieu, se croit ^Dieuï
outragée ! Quam misera conscientia quœ, audito Dei verbo, contume- ';e la
* a metient pnsctB
liam sibi fieri putat ! (In Evang. ) pratique.
Les Juifs non plus, dit saint Paul, ne pouvaient, ou plutôt ne
voulaient pas porter cette divine parole : Non enim portabant qwd
qui
554 tÀHOLE DE DIE'/.
De nos jours on compterait beaucoup d'orateurs sacrés* qui prê-
chent dans le désert, ou parce qu'on ne va pas les entendre, ou parce
qU'on ne veut pas profiter de leurs enseignements : Vox clamantisin
désert o (Isai. XL. 3).
Oh ! qu'ils sont à plaindre, aVeugles et malheureux les chrétiens
qui ne tirent aucun fruit de la prédication ! Celui, dit J. G.j celui qui
me méprise et qui ne reçoit pas ma parole, a un jtigèi La parole que
j'ai fait entendre le jugera elle-même au dernier jour : Qui spernit
me, et nonaccipit verbamea, habet quijudicet eum : sermoquem locutus
sum, ille jndicabit eum in novissimo die (Joann. xn. 48).
Le saint vieillard Sinléon dit de J. C. : Celui-ci est venu pourlaruine
et la résurrection de plusieurs : Positus est hic in ruinant et in resur-
rectionem multorum (Luc. n. 34). il en est de même de sa divine
parole : elle est le salut de ceux qui 1 écoutent et qui la mettent en
pratique ; mais elle est la ruine des indifférents, des incrédules, des
impies, qui la fuient et qui la méprisent. Comme la lumière du soleil
réjouit et fortifie les yeux sains tandis qu'elle blesse les yeux lai I des
et malades, comme le feu purifie l'or et consume la paille : ainsi la
parole de Dieu plaît à l'âme saine, lui donne des forces et la purifie;
tandis qu'elle ennuie, fatigue et rend plus coupable encore l'âme
malade, criminelle, gangrenée, infâme et maudite
Ma parole ne reviendra pas à moi saris fruit, dit le Seigneur par la
bouche d'Isaïe; mais elle accomplira mes desseins : Verbum meum
non revertetur ad me vacuum, sed faciet quœcumque volui (lv. 11).
Elle fait naître des fruits de bénédiction dans la nie de ceux qui sont
bien disposés, qui l'écoutent et qui la mettent en pratique ; et des
fruits de malédiction dans le cœur de ceux qui en abusent
Pourquoi Celui qui ne m'aime point, dit J. C, ne garde point mes paroles :
l'on n'écoute ^ ..... .
fias la parole Qui non diligit me, sermones meos non servat (Joann. xiv. 24). On
rojrçàè" (on rt'aimô t*& Dileu> Voilà pourquoi on foule au\ pieds sa parole
n'en pvoiiie Celui qui est de Dieu, écoute la paroi- de Dieu, dit encore J. C.
Vbûs n'émule?, point, pain- ,]iie vous nï'tes point de Dieu : Qui ex
Deo est, rerhn Ù i audit; ^ropterea vos non auditis, quia ex Deo non
eslis (Joann. vin. 47).
Quechai iA⧧ demandé s'il reçoit dans son coeUr la parole de Dieu ;
et il comprendra de qui il est, dit saint Grégoire. J. C. déclare que la
marqua de la pré leetittattdti diVIûti ésl d'eiiten Ire la parole de Dieu
et d'obéir à ses saintes inspirations; mais que la rejeter est le signe
de la réprobation {Honni, xvin in Joann.).
PAROLE DE DIEU. 535
Je suisse bon pasteur, dit J. G., et je connais mes brebis, et elles
me c.uinaissent : Ego sum pastor bonus ; et cognosco meas , et cogno-
scunt me meœ (Joann. x. 14). Vous ne croyez point parce que vous
n'êtes pas de mes brebis. Mes brebis écoutent ma voix ; je les connais,
et elles me suivent ; et je leur donne la vie éternelle, et elles ne péri
ront jamais , et nul ne les ravira de ma main (l)k
Nous, nous sommes de Dieu, dit l'apôtre saint Jean. Celui qui
connait Dieu, nous écoute; celui qui n'est pas de Dieu, ne nou.0
écoute point: à ce signe, nous connaissons l'esprit de vérité ei,
l'esprit d'erreur : Nos ex Deo sumus. Qui novit Deum, audit nos ; qui
non est ex Deo, non audit nos : in hoc cognoscimus spiritum veritatis, et
spiritum erroris (I. iv. G).
Je suis né, et je suis venu dans le monde pour rendre témoignagt
à la vérité, dit J. G. à Pilate : quiconque appartient à la vérité, écoute
ma voix : Ego in hoc natus sum et ad hoc veni in mundum ut testimonium
•perhibeam veritati:omnisqui est ex veritate, audit vocem meam (Joann.
xviii. 37). Pilate lui dit : Qu'est-ce que la vérité? Et après ces paroles
il sortit... : Dixit ci Pilatus : Quid est veritas? Et quum hoc dixiswt)
exivit (ïd. xviii. 38.) Remarquez l'ignorance de Pilate et son indif-
férence; il ne sait ce qu'est la vérité; il le demande et il s'en va sans
attendre la réponse de J. C. Oh! combien Pilate a d'imitateurs qui
se dérobent à la lumière, à l'onction et à la puissance de la parole de
vérité!...
Les fils d'Israël, s'écrie le Seigneur par la bouche d'Isaïe, les fils
d'Israël disent aux prophètes : Ne voyez pas ; et à ceux qui sont
attentifs à mes paroles : N'écoutez pas ces paroles sévères : parlez-
nous un langage qui nousplaise : Loquimini nobis placent ia (xxx. 10).
Dites-nous des choses qui flattent nos passions et nos caprices : Loqui-
mini nobis placentia. Voilà le langage que font encore entendre les
avares, les ambitieux, les orgueilleux, les voluptueux, les partisans
du monde et de la vanité Ils trouvent la morale évangélique trop
sévère, trop gênante; ce qui signifie qu'ils sont la faiblesse et Ja
lâcheté mêmes
Ainsi les causes qui nous empêchent d'écouter la parole de Dieu
ou de la mettre en pratique sont : 1° l'absence d'amour de Dieu:
2° ne pas se rattacher au bercail de J. G. , mais au parti du démon
(I) Vos non crédita, quia non estis ex ovibus mois. Oves meœ vocem meau.
KadUmt ; et ego cognosco eas, et scquunlur me; et ego vitam œternam do eis ; et
mm penbuut in «Bleui um, et non. vapiet eas iiuisiiuain de manu mea (Joann. x. 26«28).
836 PAROLE DE DIEU.
3° le défaut de connaissance de Dieu ; 4° le manque de foi ; 5° l'aver-
sion ou l'indifférence pour la vérité ; 6° la corruption du cœur, les
passions, les mauvaises habitudes
Châtiments Ceux qui résistent à la voix de Dieu, dit Job, seront livrés au glaive,
ceux qui et mourront dans leur aveuglement : Si non audierint, transibunt per
"la^aroiede8 #^<"m> et censumentur in stultitia (xxxv'i. 12).
Dieu et qui uc si quelqu'un entend ma parole et ne la garde point, ie ne le juge
M mettent pas i . * . l . & • i i
eu pratique, pas, moi, dit J. C; car je ne suis pas venu pour juger le monde,
mais pour le sauver. Celui qui me méprise et qui ne reçoit pas ma
parole a un juge. La parole que j'ai l'ait entendre le jugera elle-
même au dernier jour (1).
Mon peuple n'a point écouté ma voix, dit le Seigneur par la
bouche du Psalmiste; Israël n'a pas voulu de moi ; et je les ai livrés
aux désirs de leurs cœurs, ils s'enfonceront dans leurs inventions
erronées (2). Si mon peuple m'avait écouté, si Israël avait marché
dans mes voies, j'aurais humilié et réduit à rien ses ennemis; mon
bras se serait appesanti sur ceux qui l'ont foulé aux pieds. Les enne-
mis du Seigneur auraient été contraints de lui rendre hommage, et
son bonheur aurait eu la durée des siècles; je l'aurais nourri du plus
pur froment; j'aurais fait couler pour lui le miel du rocher. ( Psal.
ixxx. 42-15). Mais parce qu'il a méprisé ma parole, ses ennemis
triompheront; je le frapperai et il sera malheureux, et il souffrira
de la faim ; et au lieu de miel, il aura du fiel
Je me vengerai, dit le Seigneur dans le Deutéronome, je me ven-
gerai de celui qui ne voudra pas écouter les paroles de l'envoyé qui
parlera en mon nom : Qui verba ejus, quœ loquetur in nomine meo ,
audirenoluerit, ego ullor existam ( xvnt. 19).
Si vous n'écoutez point la voix du Seigneur, dit Samuel au peuple
d'Israël, et si vous irritez sa parole, la main du Seigneur sera sur
vous, comme elle a été sur vos pères : Sinon audieritis vocem Domini,
sed exasperaveritis sermones ejus, erit manus Domini super vos,et super
paires vestros ( I. Reg. xn. i5). Le même Sûmuel ne dit-il pas à
Saùl : Parce que vous avez rejeté la parole du Seigneur, le Seigneui
(1) Si quisaudierit verba mea, et non custodieiit , ego non judico oum: non enim
\eni atjadicem mandant, sed ut salvificcm mundum. Qui spernit me, et non accipit
verba mea, habet qui judiect eiun : scrino quein locutussum, illc judicabit cum in
novissimo die (Joann. xti. 17-48).
(2) Non audivit populus meus voeem meam, et Israël non lnlendit mini : et dimisi
sos secuuduw desideiia cordjs eoruin, ibuiit in adiijventiooibus suis ( l*xx. 12 m
PAROLE DE DIEU. loi
vous a rejeté à son tour? Quia projecisti sermonem Domini, pro-
jecit te Dominus (ï. Reg. xv. 26 ).
Parce que vous n'avez pas voulu entendre la voix du Seigneur,
voici qu'un lion vous tuera , dit un fils de prophète au roi Achab :
Quia noluisti audire vocem Domini, ecce percutiet te leo (III. Reg.
xx. 36). Le Seigneur adresse la même menace à quiconque ferme
l'oreille à sa parole sainte. Le lion, c'est le démon qui rôde autour
des hommes, et qui se tient prêt à les dévorer.
Il faut : 1° estimer beaucoup la parole de Dieu... ; 2° la respec- Dispositions
,, ,,,,,. ,• nécessaires et
ter...; 3* se préparer à 1 entendre... ; 4° 1 écouter avec attention moyens
5° Quelle que soit la bouche qui l'annonce , et de quelque manière pêu^protuer
qu'elle s'en acquitte, avec éloquence ou simplement, on doit la dedianp.arol(î
recevoir et ne s'occuper que de la parole de Dieu prise en elle-
même 6° Il faut la méditer...; 7° y appliquer sa mémoire, son
intelligence et surtout sa volonté... ; 8° en faire la règle de sa con-
duite...; 9° ne pas l'oublier; 10° remercier Dieu du bienfait qu'il
nous a accordé en nous faisant entendre ses enseignements.
PASSION DE JÉSUS-CHRIST,
Nous devons V T ous devez à J. C. votre vie tout entière , dit saint Bernard , car
tout a j. c. %/ ^ a donne- sa vie pour la vôtre , et il a souffert les plus cruels
Y tourments pour vous préserver des tourments éternels. Lors
donc que je lui aurai donné tout ce que je suis et tout ce que je puis,
cela comparé à ce qu'il a fait pour moi ne sera-t-il pas ce qu'une
étoile est au soleil , une goutte d'eau à un fleuve , une pierre
à une montagne. Si je me dois tout à lui parce qu'il m'a créé ,
que lui donnerai-je pour m'avoir racheté, et pour m'avoir racheté
comme il l'a fait? Car je n'ai pas été réparé aussi facilement que j'ai
été créé : celui qui m'a créé en un instant et d'un seul mot, a pour
me réparer fait entendre bien des paroles , a opéré d'incomparables
merveilles et a supporté des traitements pénibles ; et non-seulement
pénibles, mais indignes. Dans le premier œuvre , il m'a donné moi-
même à moi-même; dans le second, c'est lui qui s'est donné; et en
se donnant, il m'a rendu à moi-même. Mis et remis en possession
de moi-même, je me dois en retour et je me dois deux fois. Mais que
rendrai- je au Seigneur pour le don qu'il m'a fait de lui-même?
Quand je pourrais me donner mille fois, que suis-je auprès de
Dieu? (1)
J. C, dit le grand Apôtre, J. C. qui s'est soumis â la malédiction
pour nous, nous a rachetés de la malédiction de la loi, selon qu'il
est écrit : Maudit celui qui est pendu au bois : Christus nos redemit de
maledicto leyis, factuspro nobis maledictum; quia scriptum est : Male-
dictus omnis qui pendet in Hgno (Gai. m. 13).
Les outrages de J. G. sont notre gloire , dit saint Jérôme. Il est
mort pour nous rendre à la vie ; il est descendu du ciel pour nous y
(1) Christo Jcsu dcbes omtii-m vilam tuam , quia ipse \itam suam posuit pro tua ,
et cruciatus amaros suslinuit , ne tu perpetuos sustineres. Cum ergo ei donavero
quidquid sum, qnidqaid poMam, nonne istud e?t siait est Stella ad solem , gutta ad
fluvium, lapis ad monlem? Si totum me deboo pro me facto , quid addam jam pro
refecto, et refecto hoc modo? Ncc enim lam facile refectus quam factus ; nam qui
scmel et lantum dicendo fecit, in reficiendo profecto, etdixit mulla, et gessit mira,
et pertulit dura; ncc lantum dura, sed et Indigna. In primo opère, me mihi dédit; in
secundo, se : et ubi se dédit, me mihi reddidit. Datus ergo et redditus, me pro me
debco, et bis debeo. Quid Deo relribuam pro se? Nam etiamsi nulliesme rependero
posscm, quid sum ego ad Deum? ( Serm. de Quadrupl. Debitor. )
PASSION DE JÉSUS-CHRIST. 659
faire monter. Il s'est fait folie, pour nous rendre sages; il a été sus-
pendu à l'arbre de la croix , afin d'effacer ainsi le péché que nous
avions commis par l'arbre de la science du bien et du mal (I).
Comprenons si nous le pouvons quelle est la largeur , et la lon-
gueur, et la hauteur, et la profondeur de l'amour de J. G. et des
douleurs qu'il a souffertes pour nous.
Quelle est la largeur de la passion? J. C. a souffert dans tous ses
membres, dans toutes les puissances de son âme, de la part de toute
espèce d'hommes, et même de celle des anges , et de Dieu son Père,
dont il a été comme abandonné. Il a enduré tous les genres de tour-
ments. Il a été dépouillé de tous les biens de la fortune, de la répu-
tation, de l'honneur et delà vie
Quelle est la longueur de la passion ? Pendant trente-trois ans qu'i.
a vécu, J. G. a ressenti dans son corps, dans son âme, dans son
esprit et dans son cœur, les douleurs qui devaient terminer sa vie et
le supplice de la croix : il voyait tout cela constamment
Quelle est la hauteur de la passion? Durant toute sa vie, J. C. a été
cruellement affligé et torturé par une claire considération, et par une
parfaite connaissance, soit de la grandeur de Dieu offensé , soit de la
gravité du péché, soit des douleurs auxquelles devait être soumise sa
personne sacrée, soit des peines passées, présentes et à venir, qui
fondaient à la fois sur lui , soit de la multitude des réprouvés à qui
ses souffrances seraient inutiles
Quelle est la profondeur de la passion? Qui dira l'intensité des
douleurs et le poids des ignominies qui ont été le partage de Jésus
crucifié?...
J. C. est venu en ce monde pour sauver les pécheurs, desquels je
suis le premier , dit saint Paul à Timothée : Christus Jésus venit in
hune mundum peccatores salvos facere , quorum primus ego sum (I. Cor.
I. la).
Un grand médecin est venu du ciel, dit saint Augustin , parce
qu'un grand malade gisait sur la terre : Magnus de cœlo venit médi-
ats, quia magnus per totum orbem lerrœjacebat œgrotus (In Passione).
Pour nous aimer de toute éternité , Dieu n'a eu besoin que
d'une pensée...; pour nous créer, il a suffi d'une parole...: mais pour
nous racheter, il a fallu l'incarnation, l'anéantissement, toutes les
(1) Domini injuria nostra est gloria. Ille mortuus est, ut nos viveremus; ille des-
cendit , ut nos ascenderemus in cœlum. Ille factus est stultitia , ut nos sapientia
fieremus. Ille pedendit in ligno, ut peccatum quod commiseramus in ligno scientiae.
ligno deleret qpuensus [In Marcwn).
560 PASSION DE JÉSUS-CHRIST.
humiliations, les douleurs et les ignominies, le corps, le sang,
1 arae et la divinité de J. C. ; enfin, sa mort sur une croix.
Abîmes Dans la passion, s'offrent de toutes parts d'innombrables abîmes
d'amour et de r
douleurs; que nul ne saurait mesurer.
fin^tiuide Du côté de J. C. , abîme d'amour, de douleurs , de patience , de
ctdecruauiés. miséricorde, de mansuétude, océan de biens
Du côté de Dieu le Père, abîme de justice
Du cùté de l'homme, abîme de misères, d'aveuglement, d'ingra-
titude , de crimes, de fureur, de cruautés
La Cène. Jésus dit à ses disciples : Vous savez que la pâque se fera dans deux
jours, et que le Fils de l'homme sera livré pour être crucifié
(Matth. xxvi. 1.2). Allez donc dans la ville, chez un tel, et dites
lui : Le Maître dit : Mon temps est proche, je ferai chez vous la pàque
avec me? disciples (Id. xxvi. 18).
Considérons que 1° ce Dieu d'amour se donne la veille de sa mort:
In qua nocte tradebatur (I. Cor. xi. 23.) 2° 11 presse ses disciples de
préparer la pâque : Allez mon temps est proche : Ite tempus
meum propeest (Matth. xxvr. 18.) 3° Il établit l'auguste sacrement
de nos autels, et se donne à ses disciples au moment môme où
l'on conspire sa perte et où Judas le met à prix : Que voulez-vous
me donner, et je vous le livrerai? Quid vultis mild dare , et ego eum
vobis tradam? (Matth. xxvi. 15.) Vends ton maître, ô Judas, cela t'est
facile; tu vas le recevoir ; il va se donner à toi par la communion!...
4° J. C. voit la trahison et le baiser de Judas, la fuite de ses disciples,
son agonie , sa sueur de sang , les chaînes , les fouets, les crachats,
les soufflets ; il entend le reniement de Pierre , les railleries, les faux
témoignages, les blasphèmes , sa condamnation à mort; il pressent
la couronne d'épines, la croix, les clous, l'abandon de son Père et
des hommes. Et c'est ce moment qu'il choisit pour laisser à son
Eglise l'admirable monument de son éternel amour!... 5° Il établit
le sacrement de l'eucharistie pour se donner à ceux mômes qui vont
le vendre, le renier, l'abandonner, le crucifier. Rien ne l'arrête, son
amour franchit tout G » Les outrages, les moqueries , les mépris ,
les profanations , l'hypocrisie, les sacrilèges, les persécutions dont
cet auguste sacrement sera l'objet jusqu à la fin du monde, sont
devant ses yeux , et il passe outre.
Mes chers disciples, dit-il à ^es apôt:vs, mes amis, je vais vous
quitter, je vais mourir pour voui et pour le salut du monde; mais
PASSION DE JÉSUS-CHRIST. 561
auparavant prenez et mangez : Ceci est mon corps : Hoc est corpus
rrieum (Matth. xxvi. 26). Buvez, car ceci est mon sang, le sang du
nouveau testament qui sera répandu pour plusieurs (pour tous) , en
rémission des péchés (Matth. xxvi. 27. 28). Sur la croix, ce sang
v us unira à mon Père ; dans l'eucharistie, il vous unira à moi. J'ai
-vivement désiré de manger cette pâque avec vous, avant de
souffrir ! Desiderio desideravi hoc pascha manducare vobiscum, ante-
quampatiar ! (Luc. xxn. 15. ) Voici mon testament : Je vous prépare
Je royaume , comme mon Père me l'a préparé ; afin que vous man-
giez et buviez à ma table dans mon royaume, et que vous siégiez
sur des trônes pour juger les douze tribus d'Israël : Ego dispono
vobis, sicut disposuit mihi Pater meus regnum, ut edaliset bibatis super
mensam meam in regno meo; et sedeatis super thronos 3 judicant es duo-
decim tribus Israël (Luc. xxn. 29. 30).
0 amour infini d'un Dieu !
Judas était présent; il s'était mis à table avec J. C. etles apôtres, et
il communia sacrilégement!...
Aussitôt après avoir communié, Judas sortit. Et il était nuit. Exivit Ji>d*sven!*so-
■" divin Maître.
continuo. Erat autem nox ( Joann. xm. 30). Où va ce monstre? Poussé
par l'avarice et par le démon qui s'était emparé de lui pendant la
crue, et surtout au moment de son indigne communion : Postbuccel-
lam, introiuit in eumSatanas (Joann. xm. 27), il va trouver les enne-
mis déclarés du Sauveur. Que voulez-vous me donner, leur dit-il, et
je vous le livrerai? Quid vv.ltis mihi dare , et ego eum vobis tradam?
(Matth. xxvi. 15.) Arrête, infâme!... Et que pourra-t-on te donner
qui puisse remplacer ton Dieu ! Que te manquait-il avec lui ? Il
t'avait pris pour disciple , et élevé à la dignité d'apôtre; il n'avait
cessé de te combler de ses faveurs ; tu avais été l'heureux témoin de
sa vie céleste , de ses bienfaits , de ses miracles, de ses promesses !...
Et vous, pécheurs, qui pour un vil plaisir, une misérable passion,
abandonnez J. C. et Je vendez au démon, n'imitez-vous pas Judas?
N'ètes-vous pas aussi des traîtres? Ne dites-vous pas : Satan, pas-
sio.;s, que voulez-vous me donner, et je vous livrerai mon Dieu; je
vous sacrifierai mon salut, ma couronne, mon trône, mon bonheur,
;Vnon âme? Chair pleine de convoitises, donne- moi cette misérable
\ Vlupté , ce plaisir qui m'est commun avec les animaux immondes;
e\ t oi , Satan, prends J. C, je te le livre , je te l'immole ; je neveux
poj it de lui : je piends pour divinité ma volonté, ma chair, la
u: ire , L'avarice , la gourmandise , la haine , la paresse : Quid vultis
86
562 PASSION DE JÉSUS-CIfRIST.
mi/ti dare, et ego eum vobis tradam? Judas sortit donc. \\ sortait, dit
saint Amur îse; il sortait de la loi; il sortait de rassemblée et du
rang des apôtres; il sortait du festin du Christ, pour gagner le repaire
du démon; il sortait de la grâce de la sanctification, pour prendre le
lacet de la mort; il sortait dehors, lui qui laissait les mj stères de la
vie intérieure (1).
Lorsque Judas sortit, il était nuit, dit l'Evangile : Érat autem nox
(Joann. xiii. 30). Oui, pour Judas, ii était nuit! 11 venait d'abandon-
ner celui qu'il avait reçu indignement, celui qui éclaire tout homme
venant en ce monde, celui qui est la vraie lumière ; et il se trouvait
plongé dans les ténèbres mêmes de l'enfer. Aussi ne savait-il où il
allait quand il dirigeait ses pas déicides vers la demeure des princes
des prêtres, aiîn de leur vendre son maître. 11 ne voyait pas qu'il
commettait le plus grand des forfaits, et qu'il se livrait à l'avancé
qui le conduirait au désespoir, à la corde et à renier 11 étiit
nuit : Erat autem nox.
Hélas! tous les pécheurs ne sont-ils pas eux-mêmes plongés dans
une nuit épaisse. Si la lumière ne les avait pas abandonnés, iraient-
ils en riant se précipiter dans un océan de malheurs, pour saisir une
ombre de satisfaction criminelle? Les ténèbres qui enveloppaient
Judas, enveloppent encore la conscience des pécheurs endurcis
Judas vend son mailre trente deniers ! Que voulez-vous me donner,
dit-il aux princes des prêtres, et je vous le livrerai? Ceux-ci lui pro-
mirent trente pièces d'argent. Et dès cet instant Judas cherchait
l'occasion de le livrer : At ilti constituerunt ci ti iginta argenlcos. Et
èxxnde quœrebat oitporturtitatem ut eum tradfret (Mattk. xxvi. 15-16),
Otraitre, s'écrie saint Ambroise, tu estimes à trois cents deniers lo
parfum que Madeleine répand sur J. C, en mémoire de sa passion,
et tu vends sa passion elle-même trente deniers ! Tu es riche
s dans ton estimation, et tu es vil dans ton crime : lu vends ton
Dieu au taux des esclaves. J. C. ne veut pas qu'un le prise aavantage,
afin que toué puissent Cacheter, et qu'aucun pauvre ne soit effraye"
lu prix (2>
(1) Exivit rontinuo ! (Joann. xiii. 30. ilur igitur Judas; egrediebalur otj
Gdc; egreilicbalur de concilie» et nura dftnrivfyo
Cbrisliad latrociii;uin di.ibm lalurdegral rniiiii ino-r-
tis; egrcdicbalur foras, qui vilse intern e mj eri i relinquebat In
(2; 0 Jtula prodilor, unguentum passionis cjus Ireccntis denarirs teslimas , et pas»
s.oiiiin cjus Iriginla orgenteis vendis ! i imaliuiic, vil ts in scclcrc. Tdi i vili
auctione vult œsliinari se Uirislus, ul ab omnibus cmalur, ne quis louper deUuca-
iur ^Lib. 1U de S^int. Saact.,c. xvm etc. vu Luc.;.
piséroN DE JÉSUS-CHRIST. SG3
-r-i t6 e "n no somme si modique, J. C. devient le prix de
us 1rs pédhëurs et de tout l'univers. Judas, pour
avoir vendti le Sauveur trente deniers, et les Juifs, pour l'a\ ir,
acheté, sont les uns et les autres frappés par t)ieu de trente»]
énumérées par le Prophète royal dans le psaume cvm : ir
r, dit-il, placez mon ennemi sous le joug de l'impie. 2?
Sa'an se tienne debout à sa droite, o2 Lors [u'oh le traJuira èii .
ment, qu'il sorte condamné. 4e Que sa prière se chaîne en êché.
5e Que ses jours soient abrégés. Ge Qu'un autrj reçoive sa îh:£ : n.
ants deviennent orphelins, 8e Et sa femme, veuve.
9e Que ses fils soient vagabonds et transférés parmi les nations élr. -
: qu'ils mendient leur pain. iC8 Que l'usure dévore c 1
.11* Que les étrangers s'approprient le fruit de son travail.
j2« Que personne ne lui vienne en aide. 13e Que personne n'ait
• Qls orphelins. 44e Que sa race soit dévouée à la mort. 15e Que
son nom s'éteigne après une seule génération. iG': Que l'iniquité !e
ses pères revienne dans la mémoire du Seigneur. \T Que le péché
de sa mère ne soit point effacé. 48e Que ses fils soient toujours les
ennemis du Seigneur. 19e Que leur souvenir périsse sur la terre.
20e II a aimé la malédiction, elle lui arrivera. 21e II n'a pas voulu la
bénédiction, elle s'éloignera de lui. 22e II s'est revêtu de la malé lic-
tion comme d'un manteau. 23e Elle est entrée clans ses entrailles
comme l'eau. 24e Elle a pénétré dans ses os, comme l'huile. 25° Qu'elle
soit à jamais son vêtement. 26s Qu'elle forme la ceinture qui presse
ses reins. 27e Qu'il disparaisse comme l'ombre qui décline. 28e Qu'il
soit chassé comme la sauterelle. 29e Qu'il soit accablé de honte.
30tf Qu'il se trouve livré à' l'ignominie.
Après la cène, J. C. se dirigea vers le jardin des Oliviers : 1° pour J. U.
prier, car c'était un lieu solitaire... ; 2° pour prouver qu'il ne fuyait Jo.i \e ■
pas là mort, mais qu'il la désirait; car cet endroit était connu de
Ju las...; 3° pour aborder sa passion...; 4" pour montrer sa miséri-
corde et sa douceur
Adam nous a perdus dans un jardin; c'est dans un jardin que J. C.
nous sauvera Adam nous a perdus dans un jardin de délices;
c'est dans un jardin de douleur que J. C. commencera la rédemption
du monde Adam sort du paradis terrestre enqor ant la mort
pour lui et toute sa race ; J. G. sort du Jardin des Oliviers, afin de
nous ren Ire la vie à tous
Arrivé dans ce lieu, J. G. se prosionjtj la face contre terre: Procidit
56-i PASSION DE JÉSUS-CimTST.
in faciem suam (Matth. xxvt. 39). Par cet acte d'humilité, il
montre 1 « l'affliction qui le remplit...; 2° le profond anéantissement
où il setrouve...; 3° il témoigne à Dieusonpère un respect infini...;
-4° il indique combien est accablant le fardeau de nos péchés qn il
a voulu prendre sur lui...; 5° il se met à notre place et, pénitent, il
s'offre en victime d'expiation à son père, demandant à être seul châ-
tié pour les péchés dos hommes.
J. C. commença, dit l'Ecriture , à tomber en grande peine et
tristesse. Alors il dit à ses apôtres : Mon âme r?t triste jusqu'à la
mort Et s'étant éloigné un peu, il se prosterna la lace contre
terre, priant et disant: Mon Père, s'il est possible, faites que ce
calice passe loin de moi! Cependant qu'il n'en soit pas comme je
veux, mais comme vous voulez (Matth. xxvi. 37-39). Il prie trois
fois : ce n'est qu'à la troisième fois qu'un ange vient afin de le for-
tifier. Apprenons par cet exemple à ne pas nous décourager dans la
prière, mais à persévérer, surtout dans les temps d'épreuve.
J. C. prie trois fois pour nous apprendre à prier et à demander :
1° grâce pour nos péchés passés...; 2° secours afin de ne par*
:omber présentement...; 3° d'être préservés des maux luturs
j. C. prie trois fois afin de nous enseigner aussi que toutes nos
prières doivent être dirigées vers l'auguste Trinité, Père, Fils et
Saint-Esprit, et afin d'obtenir le salut ri* ****** esprit, de notre cjeur
et de notre corps
J. C. prie, et quelle est sa prière : Mon Père, s'il est possible,
t'aitfs que ce calice passe loin de moi : Pater, si possibileest , transeai
a me calix iste (Matth. xxvi. 39 ). Oui , mon Jésus, ce calice est
amer, car il renferme la justice de votre Père et toutes nos ini-
quités ; mais , si vous ne le buvez, tout est perdu pour nous ! Il le
boira, car il ajoute : Cependant, qu'il n'en soit pas comme je veux,
mais comme vous voulez : Venant amen non sicut ego volo , sed %icut
tu ( Matth. xxvi. 39 ). Cette parole de notre chef, dit saint Léot , a
été le salut du corps entier : elle a formé tous les fi lèles, elle a
enflammé de zèle tous les confesseurs, elle a couronné tous les
oarlyrs (Serai, vu de Passione).
A la vue du calice d'amertume qui lui est réservé, J. C. entre
dans une profonde tristesse : Mon âme est triste jusqu'à la mort,
s'écric-t-il : Tn'stisest anima mea usque admortem (Matth. xxvi. 33).
Par cette tristesse le Sauveur expie les coupables joies d'Adam etde
lès pécheurs. Il est triste en voyant ia trahison de Judas, le
reniement de Pierre, l'abandon de ses apôtres, toutes les douleurs
PASSION DE JÉSUS-CHRIST. 5G5
et toutes les ignominies :. - -nt fondre sur lui. Il est triste
parce qu'il porte tous les crimes passés, présents et futurs de toutes
Jes générations. Il est triste parce qu'il aperçoit dans l'avenir les
supplices qui attendent ses apôtres et les martyrs, les épreuves
réservées à son Eglise, l'ingratitude des hommes et la damnatim
d'un grand nombre de pécheurs, malgré la valeur infinie du sang
qu'il va répandre pour eux. Il est triste enfin de la tristesse profond*
de sa tendre et divine mère.
La tristesse de J. C. est libre, volontaire; c'est une tristesse
d'amour, et par conséquent une tristesse très-méritoire L'ado-
rable Sauveur est accablé de tristesse, afin de nous rendre la mor
douce
Vous gémissez , Seigneur, non sur vos souffrances et vos douleurs,
mais sur nos blessures; non sur votre mort, mais sur notre faiblesse,
dit saint Ambroise : Doles, Domine , non tua, sed mea vulnera; non
tuam mortem , sed nostram infirmitatem ( In Luc. xxn. 44 ).
Jésus se troubla en son esprit : Turbatus est spiritu (Joamù
xm. 21).
J. C., dit saint Augustin , s'est troublé par puissance, et non pai
faiblesse : Christus jMestate, non infirmitate turbavit seipsum ( Jr
Passione ).
Voyez, dit saint Bernard, voyez, si vous y faites attention, la joie
qui satiriste, la confiance qui tremble, la santé qui souffre, la vie
qui meurt, la force qui s'affaisse ; mais cette tristes^ .-«^nit. cette
crainte réconforte , cette mort vivifie (I).
J. C. se lève , il vient à ses apôtres, et les trouve endormis : inve
nit eos dormientes (Matth. xxvi. 40). Veillez et priez, leur dit-il:
Vigilaie et orale ( Id. xxvi. 41 ). 11 les réveille pour prouver que sa
passion est le réveil de ceux qui dorment dans le péché, dit sain
Iréuée; car, qui pourrait dormir dans le péché en voyant J. G. souf-
frir tous les tourments pour expier le péché? (flist. Eccles.)
De ses apôtres, il retourne à la prière; toujours plongé dans un
océau de tristesse, il tombe en agonie, et prie plus longuemeni
encore : Et factus in agonia, prolixius or abat ( Luc. xxn. 43). Il a une
sueur, comme de gouttes de sang qui tombent à terre : Et factus es
sudor cjus, sicut guttœ sanguinis decurrentis in terrain (Luc. xxn. 44).
J. G. , dit saint Bernard , ne s'est pas contenté des larmes qui
(1) Videas, si attendas, tristari laetitiam , pavere fîduciam , salutem patî , vitam
mori, fortiludinem infirmait : sed est haec Uistitia lœtificans, pavor confoi'tans, mor%
vivilicaos (Homil. u super ilissus est j.
"6G passion de jÉsus-ramisT.
tombent des yeux, mais il a voulu pleurer et laver nos péchés avec
des larmes de sang qui coulaient de lout son corps : Christm non
contentus fuit lacrijmis oculorum, ?ed totius corporis sanguîneis lacrymis,
peccala nostra flcre et lavare voluit (Homil. super Missus est ).
Cependant le traître Judas approche : Voici Judas l'un des douze :
Ecce Judas unus de duodecim ( Mallh. xxvi. 47). Fcce : voici une
abomination nouvelle et inconnue, un forfait dont aucun siècle
n'avait entendu parler. Judas, l'un des apùtres, est devenu non-
seulement un voleur, mais il a vendu son auguste et divin maitre;
il s'est fait le chef des traitres, des bourreaux , des assassins , qui ont
tué J. C. C'est pourquoi saint Luc dit qup Judas marchait devant. Il
vint, dit saint Matthieu , et à sa suite une troupe nombreuse armée
d'épées et de bâtons. 11 mène avec lui une cohorte en fureur; il la
précède, comme le chef et le guide des scélérats : Anlecedcùat eos
(xxii. 47).
Consi lérez la folie et l'aveuglement de Judas et des Juifs. Judas
savait que J. C. était le grand prophète, le Messie, le Fils de Dieu,
qui ne pouvait ni être pris ni être vaincu; les princes des prêtns
le taxaient aussi par expérience : mais, poussés par l'avarice, le res-
sentiment et la haine, possédas du démon, ils s'avancent. Oh!
Ju las, prétends-tu lier Dieu, et être plus fort que lui? Et vous Juifs,
voulez-vous combattre contre votre Créateur, votre bienfaiteur,
celui que vous attendez depuis si longtemps, le désiré des nations?
Hélas ! les pécheurs n'imitent-ils pas Judas et les Juifs?...
C'est l'avarice de Ju las qui l'a porté à un tel excès, dit saint
Chrysostome. L'avarice rend cruels et barbares tous ceux qt,
de : Avarilia enim illi furorem immistt. Avarilia omnes qui
ierviunt, crwidesefflcit atque atroces (In Passione).
Celui qui l'a trahi leur avait donné un signe : Celui que je baie-
rai, c'est lui; saisissez-vous-en : Qui ' autem tradidit cum, dédit il/h
m : Qucmcumque osculatus fuero, ipse est, ienete cum (xxvi. 48).
Tremblant de perdre ses (rente deniers, car il nelesavait pasencoro
reçus, Judas craignait que J. C. ne lui échappât.
Levez- vous , allons, dit J. C. à ses apôtres; voici qu'approche
celui qui me livrera : Suri iropinguavit qui me tra-
i ( Matth. xxvi. 4l>). Jusqu'à ce moment, la tristesse, la sueur et.
avaient accablé le Sauveur, parce qu'il le voulait a
mais le voilà qui reprend ses forces divines; il va lui-même
\ assuré droit à ses ennei i -• ; cherchez-vous? leur dit-il. —
relh. — | ; : Quem quœritis? — Jewm .V^zar,
PASSION DE JÉSUS-CHRIST. !"G7
— Ego sum (Joann. xviri. 4. 5). Aussitôt dono rnj'il leur eut
ait : C'est moi, ils furent renversés et tombèrent à terre : Ut ergo
di.rit cis : E<;o swn ; abierunt retrorsum, et ceciderunt in terrain (Id.
Xviii. G). A la voix de J. C, dit saint Léon, la troupe impie est ren-
versée , et elle ne se rélève que lorsqu'il le veut. Qup ne pourra pas
sa majesté venant pour juger le monde, puisque son humilité prête
à être jugée a pu de si grandes choses? Ad vocem ejus, turba proster-
n'dur impiorum. Quid jampoterit majestas ejus judicatura, en jus hoc
potirit hitmilùus judicanda ? ( Serm. I. ) C'est moi, dit-il, c'est moi
qui suis le Jésus que vous cherchez; c'est moi qui suis l'Eternel, et
voilà pourquoi je vous fais sentir ma puissance : un seul mot de ma
bouche vous a renversés
Le renversement de Judas et des siens était la figure de l'irrépa-
rable destruction des Juifs. Parlant dp ce miracle, saint Cyrille dit :
Ce renversement est la figure de ce qui attend tous ceux qui font la
guerre à J. C. ; le même sort est réservé à tous ses ennemis dans
tous les siècles {In xvm Joann.).
Où est maintenant la cohorte des soldats? s'écrie saint Augustin;
où est la terreur et la force des armes ? 11 n'est pas besoin de trait;
un seul mot a frappé, repoussé, renversé une troupe que la haine
rendait féroce et ses armes terribles. C'est que Dieu était caché sous
les dehors de l'homme. Que fera donc, lorsqu'il viendra juger, celui
qui , près de comparaître devant un tribunal , a manifesté ainsi sa,
puissance? (I)
Les envoyés des princes des prêtres n'auraient pu se relever, si
J. C. ne le leur eût permis. La miséricorde dont il fit preuve envers
eux aurait dû les toucher et les convertir, surtout Ju las; mais vendu
à Satan, l'apôtre infidèle avait résolu, de livrer son Dieu par un bai-
ser, et il exécuta son infâme projet. S'approchant aussitôt de Jésus,
il dit : Salut, maitre. Et il le baisa : Et confeslim accedens ad Jesum,
duil : Ave, Rabbi. Et oscuUdns est eum (Matth. xxvi. 49). Et Jésus
lui dit : Mon ami, qu'ètes-vous venu faire? Dixit ci Jésus : Amke,
ad quid venisU? (Matth. xxvi. 50. ) Judas, trahissez-vous le Fils de
une par un baiser? Juda, osculo Filium hoministradis? (Luc.
xxn. 48. ) Le nom d'ami que lui donnait J. C, le touchant et ter
re ■ »che qu'il lui adressait, auraient dû briser le cœur de Jmla?.,
M) Ubi nunc militum cohors? Obi terror et munimen nrmnrum? Una vox turtam
odiis furocein, ar.n is lerribilcm, sine telo uilo percussit , repalit , stravrt : Deus erân
latebat ia cumo. Quul judicalunis i'aàet , qui judicandus hoc .tat?(/n jpm
Joann. )
3G8 PASSION L£ JÉSUS-CHRIST.
comme bientôt un regard brisera le cœur de Pierre, qui aura eu la
faiblesse de renier le Sauveur.
Quoique J. C. sentit vivement la trahison do Judas exécutée par
un baiser, il ne le repoussa pas, i° afin de souffrir pour nous...;
> afin de toucher et de changer le cœur du traitrc... ; 3^ afin de
nous apprendre à ne pas haïr nos ennemis,;mais à leur pardonner et
à les aimer.
Après avoir miraculeusement abattu ses ennemis, J. C. opéra un
second prodige, en ne permettant pas qu'ils s'emparassent de ses
apôtres, et surtout de Pierre, qui avait blessé l'un d'eux. Il fit un
troisième prodige, en replaçant l'oreille de celui à qui Pierre l'avait
coupée. Voyez l'aveuglement de ces criminels émissaires. Les
miracles auraient dû leur ouvrir les yeux; mais non, il en
fut autrement, rien ne les éclaira, rien ne les toucha, rien ne les
arrêta
Ils se jetèrent sur J. C. et l'enchaînèrent : Manus injerenau m
Jesum ettenuemnt (Matth. xxvi. 50).'
Qui pourrait peindre la barbarie avec laquelle les Juifs se saisi-
rent du Sauveur?... 1° Ils portèrent la main sur lui comme sur un
voleur ; et J. C. est l'innocence et la bonté même, le Saint des saints.
le Verbe éternel, le Fils de Dieu et Dieu lui-même 2° Les ennemis
de J. C. étaient vils et cruels, tous ennemis jurés les uns des autres;
car les scribes détestaient les pharisiens , et réciproquement. D'où
nous pouvons juger avec quelle inhumanité et quelle barbarie ils le
traitèrent, le garrottant, l'insultant et le frappant à l'envi 3" Us
saisirent J. C. abandonné de ses apôtres et demeuré seul, agneau
sans tache au milieu de loups furieux.
Par ses chaînes, J. C. a voulu : 1° briser la chaîne dont Adam
avait chargé le genre humain, la chaîne du péché originel... :
2° rompre les chaines dont le démon et le péché ont accablé chacun
de nous...; 3° sanctifier les chaines que les martyrs, les confes-
seurs et tous les persécutés devaient porter pour la gloire de son
nom...; 4° nous lier des chaînes de son amour, comme il l'avait
annoncé par la bouche du prophète Osée, disant : In funiculis trahcun,
eos, in vinculis caritatis : Je les attirerai par les liens qui séduisent
les hommes, par les liens de l'amour...; 5° enfin accomplir f'S pro-
phéties de l'Ancien Testament, et remplacer les figures parla réalité.
lsaac, figure de J. C, axait été lié'
Les chaines du Sauveur ont été d'autant plus lourdes et plus
dures, que celles des pécheurs sont plus redouta! îles et plus pesantes^
TASSION DE JÉSUS-CHRTST. 569
Le Christ, le Seigneur a été enveloppé de nos péchés, dit Jérémie:
Christus Dominas captas est in peccatis nostris (Lament. iv. 20).
En diverses occasions, J. C, sur le point d'être pris par ses ennemis
et ses persécuteurs, passa inaperçu au milieu d'eux ( Luc. iv ). Car,
dit saint Âmbroise, il se laisse prendre quand il veut, il s'échappe
quand il veut, et il est mis à mort seulement lorsqu'il y consent :
auparavant, son heure n'était pas encore venue : Etenim quando
vuii capitur , quando vult elabitur , quando vult occiditur ; quia
nondum venerat hora ejus ( In Luc. xxn ).
J.C. appelle sa passion un calice, parce qu'il Fa soufferte très-
volontairement et l'a désirée ardemment : il l'a désirée comme un
homme dévoré d'une soif ardente soupire après une coupe pleine
d'eau fraîche et bienfaisante.
11 a été sacrifié parce qu'il l'a voulu, dit Isaïe : Oblatus est quia ipse
voluit ( lv. 7 ). Contemplons, dit saint Paul, contemplons l'auteur et
le consommateur de la foi, Jésus, qui, à cause delà joie qui lui était
proposée, a souffert la croix, méprisant la honte : Asto/< imites in
auctorem fidei , et consummatorcm Jesv.m, qui , propcsito sibi gaudio ,
sustinuit crucem , confusione contempta ( Hebr. xn. 2 ). Il m'a aimé , et
il s'est livré pour moi, dit encore le grand Apôtre : Dilexit me , eu
tradidit semelipjsum pro me (Gai. n. 20).
J. C. le déclare lui-même : Mon Père m'aime, parce que je donne
ma vie , afin de la prendre une seconde fois. Personne ne me la
ravit; mais je la dorme moi-même, et j 'ai le pouvoir de la donner
et le pouvoir de la reprendre (1).
Les prophètes ont prédit les outrages faits à Notre-Seigneur ; et ce Ce que J. c. a
qu'il a enduré jusqu'au moment où on l'a tramé à Jérusalem. souffert jus-
* . . qu u. si sortie
Ea\id a prédit la trahison de Judas : L'homme de ma paix, de ma cl". Ja,tli" des
confiance, dit-il, celui qui mangeait à ma table, s'élève insolem- prédit par les
ment contre moi : Etenim homo pacis meœ, in quo speravi , qui Proi,iletes-
edebat panes rneos, magnificavit super me supplantât ionem ( xl. 10 ).
Le même prophète annonce l'agonie de J. C. et son abandon par les
apôtres : Mon cœur a attendu l'outrage et la souffrance; j'ai espéré
quelqu'un qui prit part à ma tristesse, mais en vain; quelqu'un qui
me consolât, et je ne i'ai pas trouvé iLnproperium exspectavit cor meum
(1) Me dili git Pater : quia ego pono animam meam, ut iterum sumam eam. Nenio
tollit eam a me : sed ego pono eam a meipso , et potestatem fiabeo ponendi eam; et
pote
ouatera habeo iterum sumendi eam (Joanu. x, 17« **':-.
570 rASSTON DE JÉSUS-CTïHIST.
et miserî-am : et mslinui qui s'mul contris'.arelur t et non fuit; e! çvi
consolaretvr , et non inveni ( lxviii. 21 ).
Le prophète Zaeharie prédit que J. C. sera vendu trente deniers :
Appenderunt mercedem meam triginta argenfeos (xi, 12 ).
Jérémie voit Judas et sa cohorte qui s'avanc nt pour saisir J. C, :
J'ai entendu les outrages d'un grand nombre d'hommes, et autour de
moi régnait la terreur. Poursuivez-le, et nous le poursuivrons; tels
étaient les cris de ceux qui se tenaient à mes côtés; ayons puissance
contre lui , et vengeons-nous (I).
O -"» «onffre ()N ne peut douter que dans le trajet du jardin des Oliviers chez
Jéiiiiaipm. Caïphe, J. G. chargé de chaînes n'ait été abreuvé d'outrages et
<• Ctiez Anne, ,.. ,,
fou-n» ■-.. de d insultes
Ca^he. lc tribun, sa cohorte et les satellites des Juifs conduisirent Jésus
d'abord chez Anne , parce qu'il était le beau-père de Caïphe, lequel
était grand prêtre cette année-là ( Joann. xvm. -12. 13). Le grand
prêtre interrogea Jésus touchant ses disciples et sa doctrine {Id. xvm.
19). Jésus lui répondit : J'ai parlé publiquement au monde; j'ai
toujours enseigné dans la synagogue et dans le temple, où tous les
Juifs s'assemblent, et je n'ai rien dit en secret. Pourquoi m'inter-
rogez-vous? Interrogez ceux qui ont entendu ce que je leur ai dit :
ceux-ci savent ce que j'ai dit (2).
Qu'avait-il enseigné, en effet? les huit béatitudes, etc.... Qu'avait-
il fait? 11 avait guéri les malades, rendu la vue aux aveugles, l'ouïe
aux sourds, la parole aux muets, l'usage de leurs pfeds aux paralyti-
ques, la vie aux morts; il avait multiplié les pains, chassé les
démons , calmé les tempêtes; en un mot, il avait passé en faisant le
nien Qui pouvait être trompé? Mais voulant être regardés comme
des juges intègres, Caïphe et ceux qui avaient juré la mort du Messie
l'interrogeaient et se faisaient ses accusateurs
Sur les paroles de J. C. : Pourquoi m'iutemgez-vons? un des
satellites lui donna un soufflet, en di ainsi que tu
réponds au grand prêtre? Jésus lui dit ; JSi j'ai mal parlé,
(1) Audivi enim contunielias innltornm et lerrnrem in eîrcnifn : Perpoquimini et
parcequnmur emn ; ab omnibus \nis custodlentcs laïus nicuin...; ptMvaleamiu
advenus eu m , et cousequamur ultioncm ex co (xx. 10).
(2) Respondit ei Jésus : K?o palam loculus sum mundo ; e.^n çemper dicui in
! in templo quo oinncs Juilai conwniuut ; et in occulta Imu! \s sum
p;hl. (juid me interrogasî Intcrroga eos qui auclicrunt yyj I iocutu. sùn ii^Jî; ecca
h>i sciunt qux- dixcrini ego ( Joann. yvm. 20. 21).
PASSION DE JÉSUSrCIfllïST. 571
rçndez témoignage du mal que j'ai dit; mais si j'ai Lien parlé, pour*
quoi me frappez-vous? (Joann. xyiii. 22. 23. )
Or, les princes des i Vè 1res et toute l'assemblée cherchaient un faux
témoignage contre Jésus, pour je faire mourir ( Matth. xxvi. 50 ),
Ils étaient résolus de le crucifier; mais quoiqu'ils fussent nombreu?: .
rusés, méchants et pleins de haine, ils ne trouvaient aucun chef
d'accusation contre lui, tant sa vie et sa morale étaient irréprocha-
Voilà pourquoi ils avaient besoin de faux témoins. Enfin,
il en vint deux qui dirent : Celui-ci a dit : Je puis détruire le temple
de Dieu, et le rebâtir après trois jours. Et le prince des prêtres se
levant dit à Jésus : Vous ne répondez rien à ce que ceux-ci témoi-
gnent contre vous ( Matth. xxvi. 60-62 ). Mais Jésus se taisait : Jésus
autem tocebot { Ici. xxvi. 63).
Jésus se taisait; car I" l'accusation était nulle... ; 2° il savait, dit
saint Jérôme, que quoi qu'il répondit, on incriminerait ses paroles
(Iri Evang. Matth. . Et, comme le dit saint Chrysostome, il n'y
avait là qu'une ombre de jugement; dans la réalité, c'était une
attaque de brigands : Nam figura ibi duntaxat judicii erat , re autem
ipsa , lalronum im petits ( In Passione)... ; 3° Jésus se taisait, attendu
qu'il se soumettait tout entier à la condamnation et à la mort décré-
tées par son Père...; &° le silence du Christ a expié les excuses
d'Adam, dit saint Jérôme : Taciturnitas Christi apologiam Adœ absolvit
(In Marcum, c. xiv).
Cependant le prince des prêtres dit au Sauveur : Je vous adjure
par le Dieu vivant de nous dire si vous êtes le Christ Fils de Dieu :
Adjuro te per Deum vivum ut dicas nobis si tu es Chrislus Fdius Dci
(Matth. xxvi. 63). Caïphe parlait ainsi , non pour arriver à la con-
naissance de la vérité , mais pour acquérir les éléments d'une
condamnation. Jésus lui répondit : Vous l'avez dit : cependant je vous
le déclare , vous verrez un jour le Fils de l'homme assis à la droite
de .a puissance de Dieu, et venant dans les nuées du ciel : Tu dixisti:
verumtamen dico vobis. Amodo videbitis Filium hominis sedentem a dex-
tris virtutis Dci, et venientem in nubibus cœli (Matth. xxvi. 6i). Alors
le prince des prêtres déchira ses vêtements, disant : Il a blasphémé;
qu'avons-nous encore besoin de témoins? Vous venez d'entendre le
blasphème : Tune princeps sacerdotum scidit vestimenta sua , dicons :
Blasphemavit : quid adhuc egemus testibus ? Ecce nunc audistis blas-
pkemïam (Matth. xxvi. 65). Voilà cet hypocrite pontife qui se fait
accusateur. 11 s'adresse aux ennemis de J. C. , à ceux qui le lui ont
amené pour le juger, et il les invite à formuler une sentence. Tous
572 PASSION DE JÉSTJS-CFRi;7
répondent : Il mérité la mort : Reus est mortis (Matth. xxvi. G6 ). Ce
sont, dit saint Chrysostome, ce sont les mêmes individus qui accu-
sent, qui discutent qui prononcent la sentence : Iosi accusant, ipsi
discutiunt , ipsi sentent iam prof erunt (In Passione).
[[s condamnent J. C. à mort, parce qu'il avait dit qu'il était le
Messie. Et ne l'avait-il pas prouvé durant toute sa vie ? 11 dit la vérité,
et ils le condamnent comme un blasphémateur. Ce sont eux qui
bravent et insultent Dieu. Mais le Sauveur avait pris sur lui la sen-
tence de mort portée contre Adam
Aussitôt on lui cracha au visage, on le frappa à coups de poing,
on le souffleta, disant: Christ, prophétise-nous qui est celui qui
t'a frappé? (1)
Ciel , terre , et vous êtres qui peuplez l'univers , soyez saisis d'hor-
reur en voyant comment on traite la face du divin Sauveur : cette
face , dit saint Chrysostome, en présence de laquelle les flots de la
mer se sont calmés, et que le soleil a vénérée en voilant ses rayons,
lorsqu'elle s'est inclinée sous le poids de la mort {In Luc. xxn).
Pourquoi de tels outrages envers un condamné? Pourquoi tant d'in-
sultes? Les mœurs féroces des ennemis de l'Homme-Dieu se mon-
traient en tout
J. C. est accusé comme un impie, il est souffleté comme un inso-
lent, couvert de crachats comme le plus vil et le plus méprisable
des hommes, frappé à coups de poing, comme un voleur 0
Dieu ! qu'est-ce donc que l'homme obéissant en aveugle à l'impulsion
Je ses passions et du démon!... J. C. parle avec la dignité et la puis-
sance de seigneur et de maître; il se tait comme un innocent; il est
condamné comme un sacrilège. Sa face divine, qui est la pureté
même et la beauté du paradis, est souillée par les crachats! On
frappe avec le poing celui qui de sa main mesure l'Océan , et qui
d'un doigt pèse les cieux ! On outrage par des soufflets le visage qui
est la splendeur et la gloire du Père ! On voile les yeux de celui qui
voit tout et qui scrute tout! 0 Juifs, plongés dans les ténèbres de
l'enfer , c'est vous qui vous frappez vous-mêmes , qui vous désho-
norez, et qui vous voilez les yeux : vous ne verrez plus la face de
Dieu; vous ne serez plus son peuple. Celui qui tue Dieu n'en a
olus !...
(1) Tune expuerunt in faciem ejus, et colaphis ciun ceeidertint; alii mitern pnliWU
in Faciem ejus dedcrunl : diceulo : l'mphcliza nobis, Çhriste , quis est qui le. per.
cussitï [ Maltu. xxvi. o7. Ci. I
PASSION DE JÉSUS-CHRIST. 573
Adam et Eve avaient péché par les yeux et par la bouche ; en r~r-
metlant qu'on lui voilât les yeux et qu'on le frappât à la bouche,
J. C. obtenait miséricorde pour ce crime.
Afin de tout expier, J. C, dit saint Augustin, a souffert par toi*
les membres par lesquels l'homme a péché , et pèche encore :
Christuspassusestin omnibus membris , quibus peccavit et peccat homo .
ut omnia expiant (In Passione ).
Comme J. C. n'a été que douceur, dit saint Chrysostome, se»
bourreaux n'ont été qu'outrage et impiété; en actions, en paroles
et en désirs, ils ont épuisé sur lui toute leur rage (In Passion.).
J. C. a voulu souffrir toutes les insultes et tous les affronts : l°afin
de satisfaire pour toutes les offenses dont on se rend coupable envers
Dieu; car, autant qu'il est en lui , le pécheur crache sur Dieu, le
soufiiette et le frappe , en le méprisant et en lui préférant la créa-
ture. 11 le dépouille de l'honneur qui lui est dû et presque de la
divinité en se donnant d'autres dieux : l'avare, l'or et l'argent: l'im-
pudique, les plus vils plaisirs; l'ivrogne, quelque liqueur, etc., ou
plutôt les passions et les démons. 2° Afin de nous préserver de l'op-
probre, nous qui l'avions mérité : ses opprobres ont effacé le nôtre, dit
saint Jérôme : Opprobria ejus nostrum abstulere opprobrium (In c. xxv:
Matth.). 3° Afin d'honorer Dieu et de satisfaire à sa justice. La pas-
sion du Sauveur honore infiniment plus Dieu , que la chute d'Adam
ne l'a outragé. Où le péché avait abondé, la grâce a surabondé, ditsaint
Paul: Ubi abundavit delictum , superabundavit gratia (Rom. v. 20). 0
péché d'Adam, certainement nécessaire, s'écrie l'Eglise ! 0 heureuse
faute qui nous a valu un tel Rédempteur ! 0 certe necessariumAdœ pec-
catumi 0 fclix culpa, quœ talem ac tantwn meruit habere Redemptorem !
( Exultet. in bened. Cerei pasch. ) . 4° Afin de montrer sa suprême
patience et de nous servir d'exemple — Dans la passion, dit saint
Bernard, il convient déconsidérer surtout trois choses : l'œuvre,
la manière et la cause. Dans l'œuvre éclate la patience; dans la
manière, l'humilité; dans la cause, la charité (i). 5° Afin d'animer
et enflammer tous les martyrs et tous les chrétiens, et de les porte.
à ne craindre ni obstacles, ni menaces, ni supplices; mais à triom-
pher de tout pour assurer leur salut
Parles outrages qu'ils ont adressés à J. C, les Juifs ont mérité de
(1) In hac passione tria specialiter convenit intueri : opus , modum, cansam
Nain in opère, patientia; in modo, huniilitas; in causa, caritas eominendatur (Serm.
in *ë>m sexta hebdomadis pœnosœ).
***& ÎASSIÔN DE JÉSUS-CHRIST.
subir toutép les humiliât!»., humiliations è"tèrheîles. 11s ont
donné à J.-C. des soufflets, dit Origène , et ils ont reçu un soufflet
qm ne s'effacera jamais : Receperunt ùlàpâfn œternam ( In Evan . .
Ceux qui ont osé combattre l'incorruptible, se sont corrompus,
dit saint Bernard; ceux qui ont outragé l'immortel, sont morts
(Serm. de Cruce).
Pendant toute la nuit du jeudi an veildredi, J. C. est abreuvé
d'outrages et d 'affronts de toute espèce.
lieue reuie C'est dans cette nuit si cruelle que, pour comble de douleurs. I
a renié trois,fois son divin Maître, et J. G. a tout enduré avec uno
sublime résignation
Où Pierre renie-t-ilJésus? dit saint Ambroise: dans le prétoire des
Juifs, dans la société des impies (In xxu Luc). Oh! combien sont
nuisibles, dit le vénérable Bède, les entretiens et la compagnie des
méchants! Pierre, au milieu des impies, renie J. G. même comme
homme, lui qui l'avait confessé comme Fils du Dieu vivant, lors-
qu'il était avec ses collègues (In Marc. Fvang.,c. xiv). Vraiment,
réduit à ses propres forces, l'homme est bien faible! Sans leSa'mt-
Esprit, Pierre pâlit, tremble, et renie son Maître à la voix d'une
simple servante; avec le Saint-Esprit, il ne cède ni aux princes, ni
aux rois, ni aux Juifs, ni aux gentils; il brave les chaînes , les pri-
sons , les tourments et la mort. Toutes les menaces et tous les sup-
plices ne sont qu'un jeu pour lui. Il dit hardiment à ceux qui , sous
les peines les plus terribles, lui défendent de prêcher J. C. : Il faut
obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes : Obedire oportet Deomagis quam
Aoiiiinibus (Act. v. 29).
Pierre tombe pour plusieurs causes : Premièrement , parce qu'il
se fie trop à lui-même. Quand J. C. lui disait : Je vous le dis en
Vérité , cette nuit même, avant que le coq chante , vous me renierez
trois fois, Pierre lui dit: Quand il me faudrait mourir avec vous, je
ne vous renierai point ( Matth. xxvi. 34. 35). Secondement, parce
que connaissant sa faiblesse et sa crainte, il se jette imprudemment
au milieu d'une multitude impie Troisièmement, part* qu'il
suit J. C. de loin , tiède qu'il est : Sequebalur eum a longe (Matth. xxvi
58). Quatrièmement, pane qu'il avait déjà oublié sa promesse
Cinquièmement, Dieu permit cette chute afin que Pierre, qui devait
être le souverain pasteur de l'Eglise, fût compatissant et plein d'in-
dulgence Sixièmement, Dieu la permit afin de donner aux
oécheurs un grand exemple de repentir et de pénitence. Car, tftutit
PASSroN DE JSSUS-CHRIBT»
sorti, Pierre pleura anièremâat : Egrmus foraë , flcvit am
(Matth. xxvi. 73). Les larmes des pénitents sont le vin des anges,
(lit saint Bernard : Lacrymœ pœnitcntium viaum sunt antyelohtm
(Serin, xxx in Cant.) Les larmes effacent le péché, dit saint Ambroise;
elles ne demandent pas le pardon , elles le méritent : Lacrymœ
lavant delictum ; lacrymœ veniam non postulant, sed merentur (In xxiï
Luc. ).
Saint Clément, qui fut le disciple et le successeur de saint Pierre,
assure que cet apôtre se repentit tellement, que tant qu'il vécut, la
nuit, au chant du coq, il se prosterna et versa des larmes amères
et abondantes. Aussi ses yeux étaient toujours rouges (IJcst.
Eccles. ).
Le matin venu , tous les princes des prêtres et les anciens du peu- T C.
pie tinrent conseil contre Jésus pour le l'aire mourir : Marie ttutëttt
facto consilium inierunt omnes principes sacerdolum, et seniores populi
adversus Jesum, ut eum morti tradereni (i-iatth. xxvii. I ).
Le matin venu, remarquez, dit saint Jérôme, leur empressement
pour le mal ; selon la parole du Roi-Prophète , leurs pieds se hâtent
pour répandre le sang {Psal.xui. G. — De Judœi>).Loi haine, la fureur,
le démon les excitent et les pressent Caïphe avait réuni chez lui
tout le conseil des Juifs pour condamner J. C, afin qu'ensuite Pilate
ne put l'absoudre C'est ce matin-là, Juils, s'écrie saint Léon, c'est
ce matin-là que Dieu renversa votre temple et vos autels; qu'il vous
enleva votre loi et vos prophètes, votre royaume et votre sacerdoce;
et qu'il changea vos fêtes en larmes éternelles (Serm. m de
Passione).
Ayant lié Jésus , ils l'emmenèrent, et le livrèrent au gouverneur
Ponce-Pi late : Et vinctum adduxerunt eum, et tràdiderunt Pontio
Pilato prœsidi (Matth. xxyii. 2). Ils le conduisirent à Pilate , afin
que celui-ci prononçât la sentence de mort. Ils l'auraient fait eux-
mêmes mille fois, s'ils en eussent eu le pouvoir; car ce désir déicide
les dévorait; mais les Romains leur avaient enlevé le droit de justice
souveraine. Ils le proclament eux-mème.. En effet, lorsque Pilate
leur dit: Prenez-le , et le jugez selon vo» ,yloi. Ils répondirent : Il
ne nous est pas permis de mettre personne* à mort : Nobis non licet
inlerficere quemquam (Joann. xvm. 31). Et si plusieurs fois, pendant
la vie de J.C., ils avaient tenté de le lapider; si plus tard ils lapidèrent
saint Etienne, ils ne le tirent pas parce qu'ils en avaient le droit,
mais comme des assassins qui obéissent à la haine et à la fureur
576 PASSTON DE JÉSUS-cmïST.
Ils livrèrent donc ie Sauveur à Pilate, afin que celui-ci le condam-
nât à mort. Mais ils avaient plusieurs motifs d'en agir ainsi :
4» Ils voulaient ne pas prendre sur eux l'infamie de !a mort de
J. C., quoiqu'ils l'eussent tout entière, puisqu'ils le livraient à
Pilate par envie et l'accusaient en le calomniant. Us se proposaient
aussi par là de faire croire au peuple que J. C. avait mérité la mort,
puisque Pilate, qui n'était pas Juif etqui passait pour unhommej uste,
l'avait condamné»
2° Ils voulaient détruire l'honneur et la gloire de J. C, et prouver
qu'il n'était pas le Christ, mais un faux prophète ; car pour leur
plaire Pilate devait le placer dans la catégorie des hommes dange-
reux et le condamner soit comme malfaiteur, soit comme rebelle à
César
3° Le jour où avaient lieu les événements que nous venons de
rappeler, les prêtres devaient se trouver dans le temple, et s'abstenir
du sang Ils n'attendirent pas que la fête de Pâques fût passée pour
livrer J. C. à Pilate, persuadés que la flétrissure du supplice qui lui
était réservé serait en rapport avec la multitude accourue de tous les
points de la Judée à Jérusalem, afin de célébrer la principale solen-
nité de la loi.
4° Enfin ils voulaient qu'en exerçant ses fonctions déjuge, malgré
la sainteté du jour, Pilate fût regardé comme un profanateur.
Or, Dieu infligea aux Juifs déicides la peine du talion. Comme ils
avaient livré J. C. à Pilate proconsul romain, afin que celui-ci le
condamnât, Dieu les livra aux empereurs romains Tite et Vespasien,
qui les battirent, détruisirent Jérusalem et anéantirent la natioua-
Uté juive
Les ennemis du Sauveur n'enirèrent point dans le prétoire, afin
de ne se point souiller : Et ipsi non intj'oienint in ■prœtoi^um m non
cont amincirent ur (Joann. xvm. 28).
0 hypocrisie! o folie et aveuglement de l'impiété! s'écrie saint
Augustin. Ils n'entrent pas dans le prétoire afin de ne se point
souiller par le contact d'étrangers, et ils se comrent d'une lâche
étemelle par leur propre forfait! ( De Passione. )
Voilà Jésus de\a.:t ie président Pilate : Stetit Jésus anlc président,
(Maltb. XXVII. H). Pilate interrogea les accusateurs : Quelle accusa-
tion portez-vous contre celhomme? leur ùemanda-t-il : Quam accusa-
tioncm afferlis at/cersus homim m lium- ? lig répi w liront avec orgueil : Si
ce n'était pas un malfaiteur, nous ne vous l'aurions point aminé :
-Si no» esset lac maie faclur, non tïbi Irudidissemus eum? (Juami.xvnr.
PASSION DE JÉSUS-CHUIST. 577
29-30.) Juifs calomniateur?, expliquez-vous, quel est son crime? Alors
Pilate leur dit : Prenez-le vous-mêmes, et le jugez selon votre loi:
Accijiitc eum vos, et secundwn legem vestram judicate (Joann. xvin.
31 ). Pilate ne voulait pas s'en mêler; il apercevait déjà l'iniquité des
Juifs et l'innocence de J. C. En effet, il savait qu'ils l'avaient livré
par envie : Sciebut enim quod per invidiam tradidissent eum (Matth,
xxvii. 18).
Alors, craignant que Pilate ne le renvoyât, les ennemis du Sau-
veur ne l'accusèrent plus de blasphème, comme auparavant, parce
que la connaissance de ce crime n'était pas du ressort de Pilate : les
blasphémateurs n'attaquaient que la loi juive et ne pouvaient être
que lapidés; mais à ce supplice n'était pas attachée une note d'infa-
mie comme au supplice de la croix. La croix était le supplice des
séditieux, des voleurs, des assassins; supplice par conséquent très-
ignominieux ; et voilà pourquoi J. C. y fut condamné. Afin de
réussir dans leurs mauvais desseins , ils prirent le parti d'accu-
ser Jésus de trois crimes dignes de la croix : 1° Nous avons,
dirent-ils, trouvé celui-ci pervertissant notre nation: Hune invenimus
subvertentem gentem nostram (Luc. xxm. 2.), c'est-à-dire l'excitant à
la révolte : ce qui attaquait directement les Romains maîtres de la
Judée. 2° Il défend de payer le tribut à César : Et prohibentem tribuia
darc Cœsari (Id. xxm. 2). 3° Il se dit le Christ-Roi : Et dicentemse
Christum regem esse (ld. xxm. 2).
Pilate méprisa ces accusations qu'il savait fort bien être dénuées de
fondement, et , s'adressant à Jésus lui-même, il dit : Votre nation ei
vos prêtres vous ont livré à moi ; qu'avez- vous l'ait? Gens tua et
ponti fiées tradiderunt le mihi; quid fecisti? (Joann. xvm. 35. ) Etes-
fous le roi des Juifs? Tues rex Judœorum? (Id. xvm. 33.) Jésus
répondit : Mon royaume n'est pas de ce monde : si mon royaume était
de ce monde, mes serviteurs combattraient pour que je ne fusse point
livré aux Juifs; mais mon royaume n'est pas maintenant d'ici (1).
Pilaie lui dit : Vous êtes donc roi? Ergo rex es tu? (Id. xvm. 37.)
Jésus répondit : Vous le dites, je suis roi. Je suis né et je suis venu
dans le monde, afin de rendre témoignage à la vérité : Tu dicis, quia
rex sum ego. Ego in hoc natus sum, et ad hoc vent in mundvtn ut testimo-
nium perhibeam veritati (ld. xvin. 37). Je suis venu pour prêcher la
vérité évangélique, qui consiste principalement en trois choses :
(1) Responclil Jésus : Reijnum meum non est de hoc mundo; si ex hoc mundo
esset regnum nieum, ministri mei utique decertarent ut non traderer Judieis; nunc
dutem regnum meum non est lune (Joann. xvm. 36 1.
III. 87
578 ci* DE JÉSCS-C3RTST.
!• 'ans la vraie connaissance de Dieu j 2* dans la connaissance de
l'incarnation ; 3° dans la connaissance de la vraie béat'tude C'est
alors qu'avec une coupable indifférence, Pilate répliqua : Qu'esl-ce
que Za vérité? Quid est veritas? Et ayant dit cela (sans attendre la
réponse), il sortit, alla aux Juifs et leur dit : Je ne trouve en lui
aucun crime : Ecjo nullam invenio in eo causam (Joann. xyiii. 38).
princes des prêtres insistèrent dans leurs accusations; Jésus ne
répondit rien:£7 cum accusarctur a princ'pibus sacerdolum ni/til respon-
dit (Matin, xxvn. 42). Car 1° tout ce qu'on lui reprochait était faux... ;
z . savait que ses réponses seraient inutiles...; 3° il se taisait afin ce
re pas renvoyé par Pilate, mais d'être Condamné par lu:...;
I se taisait afin, comme nous l'avons déjà dit, d'expier par sen
silence les mensonges, les parjures, les médisances, les calomnies,,
tes blasphèmes, en un mot tous les crimes que les hommes avaient
commis par la parole.
Pilate, reprenant son interrogatoire, dit à Jésus : Yentendcz-vous
pas combien de choses ils disent contre vous? Non midis quanta adver-
sum te dicunt testimonial (Matin, xxvn. 4 3.) Mais Jésus ne r
dit rien, de sorte que le gouverneur s'étonnait grandement : Et non
respondit ci ad ullum verbum, ila ut mirarelur prœses velicn t
(Matin, xxvn. 14-). Pilate admirait l'innocence, la douceur, la
patience, la résignation, la force de cet accusé. Voilà, dit saint Àtha-
nase, voilà dans le Sauveur quelque chose de bien grand et de bien
admirable : en se taisant, il persuadait si efficacement son jug*, que
malgré les trames et les conspirations ourdies contre lui, celui-ci le
reconnaissait et le déclarait innocent (t).
. J-,9- t Déstreux de sauver J. C, Pilate prit le parti de l'envoyer à ïïérode
(Lucxxm.7).Hérode, voyant Jésus, en eut une car depuis
longtemps il désirait le voir, parce qu'il avait entendu dire beaucoup
de choses de lui, et qu'il espérait le soir opérer quelque prodige. 11
. ; :r arrogea donc longuement; mais Jésus ne lui rép mdihien (1 ■l.xxiu.
3.0). C'est ainsi que ce grand Dieu agit vis-à-vis des curieux, des
orgueilleux, des impies, clc. : il se tait. La voix de sa grâce, de ses
u.piati n- . du rémords , etc., ne se fait plus entendre à eux : At
.pse n Uni illi r es pond '
Démarque^ l'acharnement C^ Juifs à poursuivre .T. C. Or, dit
(1) Majrnum id certs et ni'iT-ificunc in Salvuiuie, qui Uiàulft, t<nn effîrnx crat in
[ttrsuadendo, ut judex ultro ficlioncs conspiralioncsquo adversus cimi i.i>'.as , et
IjiDsccret cl cooillGi'Clur (Sa-m. de Pqssione ci Cruce).
PASSION DE JÉSUS-CUT'.' 570
saint Luc, les princes des prêtres et les scribes là présents l'aecu-
I ;ivec opiniâtreté : Stabant aufem principes sacerdotum et scribœ.
'nier accusantes eum ( xxui. 10).
Mais Hérode et sa cour le méprisèrent; et l'ayant par moquerie
revêtu d'une robe blanche , ce roi le renvoya à Pilate : S prévit àutèm
Herodes cum exercitu suo; et illusit indutvm veste albn, et remisit
ad Pilatum (Luc. xxm. \ 1 ). Ali! loin d'être l'indice de la folie, ce
vêtement blanc était la marque de l'innocence, delà pureté, de l'im-
mortalité et de la gloire de J. C, l'insigne de sa victoire.
On le voit, parmi les Juifs, il y a unité de conspiration, de mépri*
et d'outrages contre l'Homme-Dieu.
Pilate ayant convoqué les princes des prêtres, et les magistrats, et le t. c. »vî*n'i
peuple, leur dit : Vous m'avez présenté cet homme comme souleva», t nt PUah?
le peuple; et voilà que, l'interrogeant devant vous, je n'ai rien
trouvé en lui de ce dont vous l'accusez . Hérode non plus, car je
vous ai renvoyés à lui , et on ne l'a convaincu de rien qui
mérite la mort. Je le renverrai donc après l'avoir fait châtier (I).
ant que Pilate siégeait sur son tribunal, sa femme lui envoya
dire : Ne vous mêlez point de ce qui touche ce juste; car j'ai été
aujourd'hui étrangement tourmentée en songe à cause de lui
(Matth. xxvn. 19). A la naissance du monde, dit saint Augustin,
use conduisit son époux à la mort; lors de la passion de J. C,
l'épouse pressa son époux de se sauver: In nativilate mundi, uxor
duiit virum admortem; in passions Chrisli, uxor provocat ad salutem
(In Serai, cxxi de Temp.).
Dans tous les siècles , c'est la femme chrétienne qui a commencé
le bien , qui a invité les hommes à l'accomplir , et qui s'est mise à
la tête de toutes les œuvres de chanté, de compassion, de bien-
mee
Pilate, de concert avec son épouse, reconnaît l'innocence de Jésus;
il est trop faible Hélas ! que de personnes imitent la lâcneté
de Pilate!...
Ce juge injuste emploie un odieux moyen pour délivrer le Sau-
„. A la solennité de Pâques, le gouverneur avait coutume de
(!) Obtiilislis milii h-nc hominem, quasi avertentem populum , et eccc ego coram
. null.mi causdin inveni in domine isto ex lii> in quibus cum accu-
rmjuc Herodes: nam remisi vos ai illum.et eccc mhil dignuin u.orlo
actum est ci. EmcuJaluiu ergo illum dimiUuiu ^Luc. vx;u. io-auj
580 PASSION DE JÉSTJS-CÏTRÏST.
mettre en liberté* un prisonnier, celui que le peuple voulait. Or, il y
avait alors dans la prison un insigne voleur nommé Barrabas (Matin,
xwir. 15. 16), lequel, à cause d'une sédition qui s'était faite dans la
ville et d'un meurtre, avait été mis en prison (Luc. xxm. 19).
Pilate, s'adressant aux Juifs, leur fit cette proposition : Lequel des
deux voulez-vous que je vous délivre , Barrabas ou Jésus , appelé
Christ? Qucm vullis dimittam vnbis, Barrabam an Jesum, qui dicitur
C/tn'.ilus? (Mattli. xxvit. 17. ) Mais les princ?s des prêtres et les
anciens persuadèrent au peuple de demander Barra! ias, et de faire
périr Jésus (Mattli. xxvn. 20). Le gouverneur donc dit de nouveau :
Le juel des deux voulez-vous que je vous délivre? lis lui répondi-
rent : Barrabas. Pilate répliqua : Que ferai-je donc de Jésus, appelé
Christ? Quid igitur faciam de Jesu qui vocatur Cltristus? (Matth.
xxvn. 21 . 22. ) Tous dirent : Faites mourir celui-ci, et remettez-nous
Barrabas ( Luc. xxm. 18). Que Jésus soit crucifié : Dicunt omnes :
Crucifigatur (Matth. xxvn. 23). Le gouverneur leur dit : Quel mal
a-t-il fait? Mais ils criaient encore plus haut, disant : Qu'il soit cru-
cifié ! Ait illis presses : Quid enim mali fecit? Al illi nvgis cîamabunt,
dicenles : Crucifigatur! (Id. xxvn. 23.) Pilate leur dit pour la troi-
sième fois : 11 est innocent; je ne trouve rien en lui qui mérite la
mort. Mais ils insistaient avec de grands cris, et leur voix s'éle> lit
de plus en plus: Crucifiez-le, crucifiez-le: Al illi instabant vocibus
magnis, et invalescebant voces eorum: Crucifige, crucifige eum (Luc.
xxm. 23.21).
Quelle in ligne préférence! quelle fureur! quel crime!... Les
Juifs deman lent L'élargissement de Barrabas et la condamnation de
J. C. : Non hune, sed Barrabam (Joann. xvm. 40). Aveugles et mal-
heureux pécheurs, nous renouvelons le même choix busqué nous
péchons mortellement! Nous préférons Barrabas à J. C Que
dis-jeî nous faisons pis que les Juifs; car bien que très-criminel ,
Barrabas était un homme; mais celui que par le péché nous ;
rons à J. C. , celui que nous choisissons pour maître, quel
est-il?
La demanile que les Juifs ont obtenue avec tant de peine s'est atta-
chée à eux depuis lors jusqu'à nos jours, dit le vénérable B
it la liberté du choix et aya un voleur, à leur
Sauveur un meurtrier, à celui qui donne la vie celui qui avait
donné la mort, ils ont perdu très-justement le salut et la vie; il»
ont été tellement entraînés au pillage et aux séditions, qu'ils ont
perdu leur royaume et leur patrie; pour n'avoir pas voul la
PASSION DE J*STTS-CnitTST. 581
liberté que J. C. leur offrait, ils ont vendu à jamais leur liberté cor-
porelle etsp:rituelle (In Marc, c. xv).
Voyant qu'il ne gagnait rien, mais que le tumulte allait croîs*
sant, Pilate prit de l'eau, et, se lavant les mains devant le peuple, il
dit : Je suis innocent du sang de ce juste; à vous d'en répondre
( Matlh. xxvii. 24 ). Tu peux laver tes mains, juge lâche et inique,
tu ne laveras ni ta conscience, ni ton honneur, ni ta mémoire. Tu
te déclares innocent du sang du Juste , et c'est toi qui prononces
l'arrêt de sa mort!...
Tout le peuple répondit : Que son sang soit sur nous et sur nos
enfants ! Et respondens universus populus, dixit : Sanyuis ejus swper nos}
et super fdios nostros (Matth. xxvii. 25).
Alors Pilate leur délivra Barrabas, et après avoir fait flageller
Jésus, il le leur livra pour être crucifié : Tune dimisit illis Barra-
bain : Jesum autem flagellatum tradidit eis ut cruci figer etur ( Matth.
(xxvii. 26^.
Cependant Judas, celui qui trahit Jésus, voyant qu'il était condamné, Judas renfI les
, t , • i . t trenletleniers,
se repentit , et reporta les trente pièces d argent aux princes des et, plein de
prêtres et aux anciens, disant : J'ai péché, en livrant le sang inno- u^Snd're.
cent. Mais ils lui dirent : Que nous importe? c'est ton affaire. Sur
quoi , ayant jeté l'argent dans le temple, il se retira et s'alla pendre
(Matth. xxvii. 3-5).
Judas l'ut touché de repentir ; mais non d'un repentir véritable et
sincère; car le repentir véritable renferme l'espérance du pardon,
et le pardon lui-même : mais le repentir de Judas était contraint et
plein de désespoir , comme est le repentir né dans la conscience
tourmentée et déchirée des damnés, que dévorent les flammes de
l'enfer.
Judas reporta les trente pièces d'argent et les jeta dans le temple.
Quoique le repentir de Judas fût faux et nul, ce traître, dit saint
Ambroise, éprouva cependant une espèce de honte et de pudeur en
reconnaissant son crime, et quoiqu'il n'ait pas été absous, l'impu-
dence des Juifs s'est trouvée dévoilée. En effet, la même démarche
qui révélait et dénonçait la trahison de Judas prouvait que les Juifs
avaient fait avec lui un contrat odieux et coupable {In Luc. xxu).
Mais les princes des prêtres lui dirent : Que nous importe? c'est
ton affaire (Matth. xxvn. 4). Ils refusent l'argent, de peur d'être
obligés de rompre le contrat, et de renvoyer Jésus. Judas j tte l'ar-
gent dans le temple , en présence de tout 'e peuple, Ain-i chacun
382 PASSION DE JÉSUS-CUIUST.
put voir que Jésus avait étô trahi, venin, livré in 'ustoment et qu'il
était innocent.....
Si Judas eût demandé grâce, et n'eût pas désespéré, il aurait
obtenu son pardon Hais, dit saint Léon, c'a dressant à lui :
Homme endurci, esprit allant au mal, et n'en revenant pas, tu as
suivi la rage de ton cœur. Tu avais le démon à ta droite, et tu as l'ait
retomber sur ta tête l'iniquité que tu avais commise conlrc le Saint-
Esprit. Comme ton crime avait dépassé toute mesure de haine et de
vengeance, ton impiété t'a constitué ton propre juge, et ton repentir
Valait ton propre bourreau; tu t'es pendu de tes mains (Serm. ni
de Passione).
Plusieurs docteurs disent que Judas s'ett pendu à un arbre de
l'espèce de celui dont Adam avait mangé le fruit
Ecoutez, écoutez, avares, s'écrie saint Ghrysostoma : Méditez sur
ie sort de Judas : il a perdu son argent , il a commis un crime et
n'a pu s'en débarrasser, il a perdu son âme. Voilà ce que l'atroce
tyrannie de l'avarice a coutume de produire. Judas ne s'est pas servi
de l'argent, ni de la vie qu'il avait reçus; et il ne jouira pas de la
vie future : il a tout perdu à la fois. Après avoir donné une mauvaise
opinion de lui-même ù ceux ù qui il avait livré son Dieu, et en
général ù tous les hommes, il a mis fin par une corde à sa triste et
infâme existence {De Avaritia).
Judas, dit le vénérable Bède , a trouvé un châthflant digne de son
crime. Le gosier d'où était sortie la voix de la trahison a été serré
par un:) corde; celui qui avait livré à la mort le Beignet» des hom-
meset des anges, a péri suspendu dans l'air entre le ciel et la h-rre
qui le repoussaient; les entrailles qui avaient conçu la perfldi
Ja trahison se sont rompues, et elles se sont répandues suri
(/ni AJ.).
Le ventre de Jndas , cet associé des pu' Viennes, dit swlnl
Bernard, se rompit au milieu ^esairp, de telle sorte que le ciel ne
reçût pas et que la terre ne supportât point celui qui avait trahi
Jésus, vrai Dieu et vrai homme descendu du ciel sur la terre p< -y
opérer le salut du monde (t).
Le ciel ni la terre ne. veulent pas de Judas qu'ils e*éd : L'iùr
l'a également en horreur,, et lui fait djfaut
\)) Juùasin acre crcpuH meelîo, aemrur.i collegn potesîatum; ntpMr» r^rn vr.vï
Doi et hominis , qui de cœlo venisset operalurus sali cm in nicilio ten
inquam, prjditorem MO cœlum rccipciit , nec (erra sustineiei (Ser:,t. \.
JW. xcx).
PASSION DE JÉST7c-CTmiST. 583
Ce rn-te Judas fit à son corps, dit saint Augustin, eut lieu aussi
pour son âme. Comme ceux qui s'étranglent se tuent, parce
! air n'arrive plus à leur poitrine; de même ceux qui déses-
pèrent de la miséricorde de Dieu mettent obstacle à la respira-
tion de leur âme, quj le souffle de l'Esprit-Saint ne peut plus
vis ter (I).
Tari aveu de sa faute etparson désespoir, Judas rendit un double e
frappant témoignage de l'innocence de J. C, témoignage qui aurai
dû an èter les Juifs engagés dans la voie du déicide, s'ils eussent eu
un reste de conscience ou de pudeur; mais tout était mort en eux;
excepté la haine et la volonté de commettre le crime.
Voyez la ruse et la méchanceté du démon , et déjouez-le : il con-
duit Judas, 1° à l'avarice; 2° au sacrilège, par une communion
indigne; 3° à vendre son maître ; 4° à le trahir par un baiser; 5° à
s "abandonner lui-même au désespoir ; C° à se pendre; 7° enfin, à
l'enfer. Voilà comment de degré en degré il fait passer l'homme par
tous les crimes, et le précipite dans l'abîme d'où l'on ne sort pas.
Méfions-nous de son ingénieuse perfidie.
Aïaiic pris l'argent jeté dans le temple par Judas, les princes des
prêtres dirent : Il n'est pas permis de le mettre dans le trésor, parce
que c'est le prix du sang (Mal th. xxvn. 6). Quelle hypocrisie! ils
feignent de la délicatesse, du zèle pour la religion , des principes de
justice, et ne permettent pas qu'on place dans le trésor des obligations
le prix du sang de J. C, parce que, selon eux, ce sang est impur;
mais, par une étrange contradiction, ne l'avaient-ils point tiré, cet
argent, du trésor pieux où ils ne voulaient pas le replacer? Refuser
de le reprendre , c'était reconnaître implicitement qu'en se servant
de sommes destinées à de bonnes œuvres , pour payer le traître qui
avait remis J. C. entre leurs mains, ils avaient commis une préva-
rication. S'étant donc consultés entre eux , ils en achetèrent le champ
d"un potier pour la sépulture des étrangers (Matth. xxvn. 7). Nou-
infamie ; ils savaient que J. C. était né parmi eux et ils le re-
gardaient comme un étranger... C'est pourquoi ce champ est encore
aujourd'hui appelé IJoceldama , c'est-à-dire le champ du sang. Alors
fut accompli ce qu'avait dit le prophète Jérémie : Ils ont reçu tr
pièces d'argent, prix de celui mis à prix, suivant l'appréciation des
(1) Qiiod in rnrporc sno fecit (Judas), Tioc fàcfum est in anima ipsius. Quomoc'f
qui sibi colium ligunt , indc se occulunt, quia non ad eus inliat <piritus acris huju^
sic illi qui desperant de îndulgcntia Uei , ipsa desptraiione intus se suffocant , ut cos
Spirilus Suuclus visitare nonpossit (Lib. L, Homil. xxvn).
58-4 passion de rfsts-eflftïsîî
enfants d'Israël ; et ils les ont données pour le champ d'un poher
(Matth. xxvii. 8-10).
Le nom donné à ce lieu, dit saint Chrysostome, proclame plus
haut que le son de la trompette l'horrible cruauté que déployèrent
les Juifs en faisant mourir J. G. S'ils avaient mis cet argent dans le
trésor des offrandes, d'où ils l'avaient tiré, leur infamie n'aurait pets
été si manifeste; mais en achetant le champ d'un potier, et en lui
donnant le nom de Champ du sang , ils ont transmis la mémoire de
leur ignominie à toutes les races jusqu'à la fin du monde. Ce lieu
sera le champ du sang jusqu'au dernier jour. 11 ne cessera de porter
ce nom, et toujours pèsera sur leur tète criminelle la malédiction
appelée par eux lorsqu'ils se sont écriés : Que son sang tombe sur
nous et sur nos enfants ( De Avaritia ).
J. C. permit que le champ payé avec les trente deniers de Judas
fut mis à l'usage des étrangers parce qu'il est mort pour tous, et que
son sang devait être le salut des nations. Les Juifs ont acheté ce
champ pour les étrangers , ils ont traité J. C. comme un étranger ;
eh bien! J. C. le leur deviendra, il ne les connaîtra plus, ils ne seront
plus son peuple : le sang du Sauveur sera leur ruine et leur con-
damnation pour le temps et pour L'éternité
châtiments Les Juifs aveuglés s'écrient : Que son sang retombe sur nous et sur
dévides. nos enfants : Sanguis ejus super nos et super fdios nostros (.\la!th.
xxvii. 25 ).
Voilà bientôt deux mille ans que le sang de J. C, répandu pour le
salut du monde, imprime sur le front des Juifs l'opprobre et la malé-
diction. Jérusalem est détruite : la nation juive est sans roi et sans ca [ i-
tale; elle n'a plus ni loi , ni temple , ni sacrifices, ni prophètes, ni
pontifes, ni lévites; ses enfants sont errants dans tout l'univers,
esclaves de toutes les nations, maudits de tous les peuples et dans
toutes les langues; ils portent partout et toujours le sceau de Caïn;
ils courbent la tète sous la réprobation de Dieu et sous les reproches
des hommes; ils ressemblent à un corps disloqué , mis en pièces,
dont tous les membres sont dispersés. Ils font voir à toutes les
familles de la race humaine et à tous les siècles leur déicide, le
châtiment qui en a été la suite , et la vengeance qu& Lieu a Urée de
y\ mort de ^n Fils.
0 Juifs, écriez-vous : Que son sang retombe sur nous et sur nos
«niants! V s souhaits, inspirés par une fureur infernale, s'accom-
plissent
PASSION de je'stts-chrïst. S8ÏS
Au siège de Jérusalem , les Juifs, pressés par la famine, s'échap-
paient d'une ville qui devenait leur tombeau ; afin de les y retenir et
de les forcer ainsi à se soumettre , Tite en fit crucifier plus de
cinq cents chaque jour : de telle sorte, dit l'historien Josèphe,
que les Romains manquèrent à la fois et de croix et d'espace pour
les dresser. Est-il possible de ne pas reconnaître dans ce fait une
juste punition du crucifiement de J. C?
0 déicides, écriez-vous : Que son sang retombe sur nous et sur nos
enfants!...
Qu'es-tu devenu, peuple qui autrefois étais le peuple de Dieu, la
nation sainte; toi du sein duquel étaient sortis les patriarches et les
prophètes ; toi qui vis tant de miracles et qui possédas les tables de
la loi , l'arche d'alliance et le temple du vrai Dieu; toi dans le seiu
duquel prirent naissance Marie, J. C. et les apôtres? Où es-tu? Vois
i'énormité de ton crime, et l'expiation qui t'a été imposée'...
Ecoute , malheureux , ce que David, l'un de tes rois, a prédit:
Que leurs yeux s'obscurcissent, afin qu'ils ne voient pas; Seigneur,
courbez leur dos sous la servitude : Oùscurentur oculieorum ne videant,
et dorsum eorum semper incurva ( lxviii. 24 ). Répandez sur eux votre
colère, que le feu de votre courroux les saisisse; que leur demeure
soit déserte, et que personne n'habite sous leurs tentes : Effunde
super eos iram tuam; et furor ira? tua? comprehendat eos. Fiat habita-
tio eorum déserta , et in tabernaculis eorum non sit qui inhabitet
( lxviii. 23. 2(5 ). Parce qu'ils ont persécuté celui que vous avez
frappé, et qu'ils ont ajouté à là douleur de mes plaies : Quoniam
quem lu percussisli persecuti sunt , et super dolorem vulnerum meorum
addtderunt ( lxviii. 27 ). Permettez qu'ils entassent iniquité sur
iniquité , et faites qu'ils ne deviennent jamais justes à vos yeux :
Apporte iniquitalem super wiquitatem eorum , et non intrent in justi-
tiam tuam (lxviii. 28). Que leurs noms soient effacés du livre de
vie, et qu'ils ne prennent point place parmi ceux des justes : Delean-
tur de libro vioentiwn, et cumjustts non scribantùr ( lxviii. 29).
0 déicides, écriez-vous : Que son sang retombe sur nous et sur
nos enfants '...
Peuple endurci , prête l'oreille aux paroles de Daniel, l'un de tes
plus grands prophètes : Le Christ sera mis à mort, dit-il, et le
peuple qui doitle renier ne sera plus son peuple. Un peuple viendra,
cou luit par un chef de guerre, et il détruira la ville et le sanctuaire,
et il terminera son œuvre par la dévastation , et après la guerre aura
lieu la désolation qui a été décrétée L'oblation et le sacrifice
S8G TAS3T0N DE JÉ^S-CTTRIST.
cesseront; et l'annnvnation de la d.'solation sera dans le temple , et
elle persévérera jusqu'à la consommation et à la fia (ix. 2G.27 ).
Ecoute maintenant Os.'e, qui a pris place aussi parmi les pro-
phètes î Les enfanté d'Israël, dit-il, seront dorant do longs jours saoa
roi et sans prince, et sans sacrifice et sans autel, et sans éphod et
sans théraphim ( in. 4). Mon Dieu lec rejettera, parce qu'ils ne l'oit
pas écouté , et ils seront dispersés parmi les nations : Ahjkiet ces
Deus meus, quia non audierunt cum : et crunt vagi in nalioniim
(Kl. îx. -17).
Ecoute le Sauveur lui-même : Comme J. C. approchait, dit saint
Luc , voyant la ville de Jérusalem, il pleura sur elle en disant : Si,
du moins aujourd'hui, tu connaissais ce qui ferait ta paix! Mais
maintenant ces choses sont cachées à tes yeux. Des jours viendront
sur toi , où tes ennemis t'environneront de tranchées , et t'enlérme-
rout et te serreront de toutes parts , et te jetteront à terre aii.si que
tes enfants, qui sont au milieu de toi , et ils ne laisseront pas en toi
pierre sur pierre, parce que tu n'as point connu le temos où tu es
été visitée ( xix. 44-44).
0 déicides, écriez-vous : Qu<t*nn*»*»g rftwmbe «u? nouait sur BCI
enfants!...
Hugues de Saint-Victor met dans la bouche du peuple juif les
paroles que voici : Nous avons vu J. C. et nous n'avons pas voulu le
reconnaître; nous l'avons vu, et nous ne l'avons pas reçu. Noua
l'avons entendu, et nous l'avons méprisa. Il ne nous a fait que du
bien, et pendant qu'il priait pour nous, nous l'avons crucifié. >
avons ouï ses paroles, nous avons été comblés de ses bienfaits; nous
avons été témoins des grands et nombreux prodiges qu'il a 0]
publiquement : mais nous avons foulé aux pieds ses avertissements,
nous avons été ingrats pour ses bienfaits, nous avons tourné en rid-
eule ses miracles, et nous n'y avons pas cru. Nous l'avons entendu,
alors qu'il nous instruisait sur la moi t i_n -. mais nous avons |
en fermant Tortille; de là viennent les maux que nous endu-
pons- .nous l'avons vu nourrir la foule qui ait, mais nous
l'avons tourné en ridicule; de là notre \v\Ae état. Nous l'avons vu
attaché à la croix, mais nous l'a\ons blasphémé et mandltj île là
notre terreur et notre ruine. Nous avons entendu sa doctrine nnous
saums qu'il nous apportait la \ie, niais nous avons choisi la n rt.
Ses instructions dissipaient nos tel mail nous n'. vous pas
I 11 les prendre pour guide. Il nous offrait Je salut et la vie, mais
non» avoi.s rei'usé l'un et l'autre. Sa mort a ressuscité les gentils,
PASSION DE J ' rs-:.ITTl1ST.
ïflaïs nous qui formions autrefois son peuple, cette mort, note
i oas a frappé de réprobation [De Anima).
Oui, dit saint Jérôme, oui, l'imprécation : Que son sang retombe
Burnous et sur nos enfants, a eu son effet jusqu'à ce jour, et elle
Paura jusqu'à la fin. Le sang du Seigneur sera toujours sur eux. Ce
sang, comme le dit le Roi-Prophète, fait peser sur eux un éternel
opprobre : Opprobriumsempilernum dédit Mis (ïn Daniel.).
Ce NTTxrONS la sanglante histoire de la passion du Sauveur Jésus. Ce Fîtjellation.
gran.l bien est attaché à une colonne pour être flagellé. La flagella-
tion était chez les Romains le châtiment des esclaves. C'était donc
infliger ù J. C. une nouvelle humiliation, en même temps qu'un nou-
veau supplice; c'était le mettre au rang des esclaves, et des esclaves
révoltés, lui qui est le roi du ciel et de la terre ! Les bourreaux frap-
pent son corps sacré avec des cordes pleines de nœuds, à coups
redoublés et avec acharnement. Le sang ruisselle de toutes parts;
bientôt les chairs se détachent et tombent en lambeaux. Isaïe, qui
lavait contemplé dans ce trkle état, s'écrie : 11 n'a ni éclat ni
lea.U'; et nous l'avons vu, et i était méconnaissable : Non est spe-
cies ci, ncqucdcccr; et vidimus c .m, et non erat aspectus (lui. 2). Nous
l'avons vu méprisé, devenu le dernier des hommes, un homme de
douleurs, et connaissant la faiblesse. Son visage était comme caché
sous les marques du mépris; et nous l'avons compté pour rien :
Despectum et novissimum v'.rorum, virum dolorum et scientem in/irinita-
tem; et quasi aùsconditus vid'^sejus, et despectus, unde nec reput avimus
eum (lui. 3 ).
Le Roi-Prophète Ta vu ai: si, et il a déclaré que les bourreaux en
ont compta tous les os : Dinumcrayervnt omnia ossa me a (xxi. -18).
Cependant l'Agneau sans tache ne fit entendre aucune plainte
C'est dans l'affreux état dont nous venons de parler que Pilate pré* tste
scnla J. C. au peuple, espérant exciter sa commisération. "Voilà
l'homme, dit-il : Ecce homo (Joann. xix. 5). Juifs barbares, -\
l'état où. vous avez réduit le Verbe fait chair ; voilà votre ouvrage :
Ecce homo. Blasphémateurs, impudiques, ivrognes, pécheurs de toute
sorte, voilà aussi le résultat de votre conduite : Ecce homo
En condamnant le Sauveur à mort, Pilate commettait une triple
injustice : 1° il usurpait sur J. C. un pouvoir et une juridiction qu'il
n'avait pas...; 2' il renversait les règles de la justice, car il fléchissait
ôeva! ' es Juifs, et condamnait J . C. non comme coupable,
588 PASSION DE JÉSUS-CHUtST.
mais à cause des cris de ses ennemis...; 3° il violait le droit et la loi;
car il condamnait un innocent, de peur de passer pour ennemi de
César.
- • C. entre les Voici de nouveaux outrages et de nouvelles souffrances pour J. C.
mains
oes soldats. Après qu'il fut condamné, les soldats du gouverneur 1 amenèrent
clans le prétoire, assemblèrent autour de lui toute la cohorte, le
dépouillèrent de ses vêtements, le couvrirent d'une chlamyde ou
manteau militaire, couleur d'écarlate, et courbant des branches épi-
neuses, ils en formèrent une couronne, la posèrent sur sa iète et
mirent un roseau dans sa main droite. Puis fléchissant le genou
devant lui, ils le raillaient en disant : Salut, roi des Juifs. Et cra-
chant sur lui, ils prenaient le roseau et en frappaient sa tète (Matth.
xx vu. 29-30).
Toute la cohorte se réunit pour faire du Sauveur une sorte de roi
;ie théâtre, et pour se moquer de lui.....
Parlant de la manière dont les membres de l'Eglise doivent sup-
porter les souffrances, saint Bernard dit : Il ne convient pas qu'un
corps dont la tète est couronnée d'épines, ait des membres délicats :
non decet sub capite spinis coronato, membra esse delicata (Serm. de
i'assione).
Saint Agapit, martyrisé à l'âge de quinze an?, fut soumis par ses
bourreaux à diverses tortures ; entre autres, ils lui mirent sur la tête
des charbons ardents. Le saint enfant se souvenant de la couronne
u épines de Notre-Seigneur, s'écria : Il importe peu qu'une tête qui
doit être couronnée dans le ciel, soit entourée de feu et brûlée sur
la terre. Oh! qu'une tête couronnée de souffrances et blessée pour
j. C, sera ornée d'une belle et riche couronne de gloire ! (Surius.
.,, rjus vit a.)
Quoiqu'ils eussent couronné J.C. par dérision, les soldats romains.
cfit saint Bernard, confessèrent sa royauté. Ils le déclarèrent roi sans
se douter qu'il l'était en effet ( In Passionc)*
Elu roi de Jérusalem, Godefroid de Bouillon refusa de mettre sur
sa tête la couronne royale, en disant qu'il ne convenait pas qu'un roi
chrétien portât une couronne d'or, dans la ville où J. C. avait été
couronné d'épines [Uist. des Croisades)»
J. C. a été couronné d'épines pour nous mériter le céleste dia-
ie. La couronne il'épinei qu'a portée le Sauveur était la figure de,
006 péchés
PASSION DE JE US-CHRIST. 589
Fléchissant le genou devant lui, les soldats le raillaient et
disaient : Salut, roi des Juifs : Ave, rex Judœorum ( Matth. xxvn. 29).
Toute langu:-, dit saint Paul,, confessera que le Seigneur Jésus est
dans la gloire de Dieu le Père [Philipp. il. M ). Ils fléchissaient le
genou devant lui : Au nom de Jésus, dit encore le grand Apôtre,
tout genou doit fléchir clans le ciel, sur la terre et dans les enfers
(Philipp. h. 10). Salut, roi des Juifs : J. C. est effectivement roi; il
règne au ciel par sa gloire, sur la terre par sa croix et par sa
grâce, dans l'enfer par sa justice. Il est le Roi des rois, le Seigneur
des seigneurs : Rcx regum, Dominus dominantium (Apoc. xix. 16).
J. C. a enduré les dérisions dont il a été l'objet dans le prétoire,
1° afin de nous faire connaître la vanité du monde et des honneurs...;
2° atin de nous apprendre que pour régner avec lui, il faut fouler aux
pieJs les honneurs et les voluptés, et nous mépriser nous-mêmes...;
3° parce que les humiliations devaient être les armes de sa victoire
sur Lucifer
Il est impossible de savoir, de comprendre et de décrire toutes les
atrocités que les soldats romains, animés par les démons, ont fait
endurer à J. C, depuis le moment où Pilate le leur livra, jusqu'à
celui où on le chargea de sa croix. Dans cet intervalle, l'enfer tout
entier fut déchainé, et les hommes qui devinrent ses instruments
accomplirent à la lettre ces prophéties de la Sagesse : Foulons aux
pieds le juste..., entourons-le de pièges, parce qu'il nous est inutile
et qu'il est contraire à nos œuvres, parce qu'il nous reproche nos
fautes contre la loi, et qu'il tourne contre nous les mauvais résultats
de nos doctrines. 11 se vante d'avoir la science de Dieu, et il se
nomme le Fils de Dieu. Il a manifesté nos pensées. Il nous est odieux
même à voir; car sa vie est différente de la vie des autres, et ses
voies ne sont pas les nôtres. 11 nous regarde comme livrés à la fri-
volité; il s'abstient de suivre nos traces comme on se préserve d'une
souillure ; il préfère la mort des justes, et se vante d'avoir Dieu pour
père. Voyons si ses paroles sont véritables, éprouvons ce qui lui
arrivera, et nous saurons quelle sera sa fin : car s'il est vraiment le
Fils de Dieu, Dieu le soutiendra et le délivrera des mains de ses
ennemis. Interrogeons-le par l'outrage et par le supplice, afin que
nous connaissions sa douceur et que nous éprouvions sa patience.
Condamnons-le à la mort la plus infâme (n. 10-20).
Remarquez les douze raisons par lesquelles les impies motivent
leur haine et leurs persécutions contre J. G. : La lre, c'est qu'il leur
est inutile, c'est-à-dire contraire. La 2% c'est qu'il attaque leurs
590 PASSION DE JÉSrS-CTITlIST.
œuvres. La 3?,c'estqu'il leur reproche la violation V la 1 '. Lai- .
qu'il se dit le Fils de Dieu, et soutient qu'il enseigne la science et
'a doctrine divines. La oe, c'est qu'il révèle leurs mauvaises pe
et les condamne. La Ce, c'est que sa gravité, sa modestie, sa sainteté,
ses vertus blessent leurs yeux. La 7e, c'est que sa \ ie n*est pas comme
la leur. La 83, c'est que ses voies et ses pauvres sont parfaites. 1
c'est qu'il les regarde comme ne s'occupant que de frivolité» et de
bagatelles. La 10e, c'est qu'il s'éloigne d'eux comme d'hommes Cor-
rompus. La \ Ie, c'est qu'il préfère la fin du juste à la leur. La 1-2 ,
c'est qu'il se glorifie d'avoir Lieu pour père
j. c. est Après avoir fait à Jésus toute espèce d'outrages , on chargea d'une
chargé de sa , , .
evoiï. lourde croix ses épaules ensanglantées.
J. C. était accablé d'une lassitu le mortelle et entièrement brisé. Il
avait passé une partie de la nuit au jardin des douleurs, où il avait
clé trahi, livré et chargé de liens. De là on l'avait entraîné chez Anne
et Caïphe, ensuite chez Pilate, qui l'avait envoyé à H 'rôle; celui-ci
l'avait renvoyé à Pilate. Et dans tous ces lieux, pour lui comparables
à l'enfer plein de démons, il avait été en butte à la haine, à la fureur,
aux calomnies, aux insultes, à des outrage? inouïs. Pilate l'avait fait
attachera une colonne et battre de verges. Puis les sol lais lui avaient
mis une couronne d'épines sur la tôle, un manteau de pourpre sur
les épaules, un sceptre de roseau à la ma n, et le gouverneur de la
Judée l'avait présenté en cet état au peuple comme un jotiet. Après
YEcce Aomo,le Sauveur était retombé entre les mains des soldats, qui
l'avait de nouveau maltraité. Et, sauf lui donner un instant de repos,
on l'avait chargé de la croix , alin qu'il la portât jusqu'au moment
où, cloué sur elle, il y expirerait.
D'après la tradition, la croix avait cinq mètres de longueur, et ses
bras trois mètres. Elle était d'une grosseur proportionnée. J. C. fut
contraint de la porter sur ses épaules meurtries et ensanglaut- 1 s.
C'était l'habitude que le condamné portât L'instrument de son sup-
plice. Epuisé, ù demi mort, le divin Uédempteur tomba trois fois
dans le long trajet qu'il avait à faire, et trois fois on le releva à coups
de fouets et de bâtons. 11 alla pieds nus, laissant sur son passage une
j-ace de sang
Voyant néanmoins que J. C. ne pouvait seul porter sa croix, le»
bourreaux forcèrent un habitant de Cyrônej nommé Simon, à lui.
donner de l'aide. Ce n'était point par pitié ni par charité qu'ils en
agissaient ain&i, mais ils craignaient que J. C. ne mourût en chemin.
-siox le jÉsus-cimisT. 591
et ils voulaient le traîner jnsyu'au Calvaire, afin de racorihlcr de dou-
leurs plus cruelles encore et de l'abreuver à leur aise d'opj robrcs et
d'humiliations. Ils désiraient; ussi qu'il aKàt plus vite, afin depouvoir
le crucifier de meilleure heure el s'en retourner doucement prendre
du repos dans leurs familles.
Simon est appelé à porter la croix, pour que nous sachions bien
que la croix n'était pas due à J. C, u ais à l'homme coupable; et
afin que nous apprenions à la porter à !a suite du Sauveur, sekn
ces paroles de J. C. lui-même : Celui qi.i ne prend pas sa croix et
ne me suit pas, n'est pas digue de moi. Qui non accipit crucem suam,
et sequitur me, non est me dignus (Matth. x. 38).
Sur le chemin du Calvaire, J. C. rencontra quelques femmes
pieuses qui fondaient en larmes. 11 leur jeta un regard détendre
charité, et leur dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez point sur moi,
mais sur vous-mêmes et sur vos enfants ( Luc. xxin. 28 ). Misérables
pécheurs que nous sommes, pleurons nos péchés qui sont la cause
des souffrances et de la mort du Fils de Dieu.
E^FTBr, J. C. arriva sur le Calvaire Calvaire.
TçriulJjen, Origène, saint Cyprien, saint Athanase, saint Cyrille,
saint Ambroise, saint Augustin et plusieurs autres Pères disent
qu'Adam a été enseveli sur le Calvaire. On attribue le nom que
porte la montagne du crucifiement à la présence de la tête du pre-
mier homme; et c'est pour se conformer à cette tradition que Iff
peintres mettent une tête de mort au bas de la croix. Ainsi, le sang
de J. C. aurait coulé sur les derniers restes du père de la race
humaine. 0 toi qui dors dans ton repentir depuis des siècles , Adam,
lève-toi , sors d'entre les morts, ton Dieu meurt pour te ressusciter.
Le Calvaire était le lieu du supplice des plus grands scélérats; et
en y expirant , Jésus-Christ expiait par une humiliation plus pro-
fonde les abominables iniquités du monde. C'est là que le Sauveur a
rendu les souffrances honorables et méritoires ; c'est là qu'il les a
sai.ctifites.
Saint Jérôme, saint Augustin, le vénérable Bèdc , etc., ensei-
gnent que le Calvaire est la montagne sur laquelle Dieu avait
î-rdonné à Abraham de lui sacrifier Isaac. Il s'ensuit que l'Agneau
«ans tache , J. C, aurait été immolé à l'endroit môme où Abraham
vit, embarrassé par les cornes dans des épines, un agneau qu'il
eûrit à la place de son fils. Figure admirable et ravissante de J. C.
couronné d'éoines et immolé sur le Cahairu
«92 PASSION DE IÉSTJS-CHIUST.
Parlant du Sauveur chargé de la croix et gravissant la montagne
du Calvaire , saint Augustin s'écrie : Grand spectacle ! si L'impiété
y jette les yeux, elle y aperçoit une immense et cruelle dérision; si
la piété le contemple , (lie y découvre un profond et sublime mys-
tère. Si l'impiété y jette les yeux , elle y trouve une grande leçon
d'ignominie; si la piété le contemple, elle y voit un grand monu-
ment de la foi. Si l'impiété y jette les yeux, elle se rit du roi qui ,
pour tout sceptre de commandement, porte le bois de son supplice;
si la piété le contemple , elle reconnaît son roi qui porte le bois sur
lequel il doit être attaché , bois qui plus tard fera l'ornement du
diadème des souverains , la croix que les impies méprisent et que
les saints trouvent glorieuse ( Tract, cxvn in Joann. ).
David, gravissant le Calvaire, pieds nus , pleurant et fuyant ses
ennemis, est aussi la figure de J. C. (11. Reg. xv. 30 ).
Crucifiement. Arrivés au sommet du Calvaire, les bourreaux se hâtèrent de dépouil-
ler J. C. de sa tunique, et ils la jetèrent au sort. En lui enlevant sans
pitié un vêtement qui était collé à sa chair, ils rouvrirent toutes ses
plaies, et le sang ruissela en abondance de chaque partie de son
corps. Puis, ils étendirent sur la croix l'innocente victime, et se
préparèrent à l'immoler. Dieu tout-puissant, vous qui arrêtâtes la
main d'Abraham près de frapper Isaac, laisserez-vous mettre à
mort votre Fils unique , Dieu avec vous et comme vous? Arrêtez,
Père céleste , arrêtez le bras des bourreaux ! Mais non : infiniment
outragé par les hommes qui ne peuvent expier leurs offenses , Dieu
veut pour victime un Dieu qui efface les forfaits des hommes. Le
sang d'Isaac n'aurait pas lavé la terre , le déluge lui-même ne l'a
pas lavée; seul , le sang de J. C. la rendra nette et pure
Divin Agneau, laissez- vous donc élever en croix; mourez, 6
Jésus, mourez pour racheter l'univers coupable Puisque c'e.-t
ainsi que vous devez calmer la colère de votre Père , satisfaire à sa
justice, déchirer l'arrêt de mort porté contre l'homme, ouvrir le
ciel, fermer l'enfer, abattre la mort, vaincre et lier Satan, mou-
rez! Voyez comment les bourreaux, monstres sans entrailles, s'em-
pressent d'étendre le Sauveur sur la croix! Voyez-les à l'œuvre,
clouant ses mains et ses pied- avec d'énormes clous! Considérez
avec quelle rage ils s'empressent de le suspendre entre le ciel et la
terre !
J. C. en croix endura di t irment- principaux: : Premier tour-
ment, ses mains et ses pi ds étaient déchirés par les clous
TASSION DE JÉSUS-CHRIST. 503
Second tourment, tout Je poids de son corps se trouvait supporté
par ses mains et ses pieds cloués Troisième tourment, il
demeura suspendu à la croix durant trois heures Quatrième
tourment , ses membres étaient tellement disloqués, qu'on pouvait
compter tous ses os Cinquième tourment, il fut placé entre
deux larrons, comme s'il eût été leur chef Sixième tourment,
il était dépouillé de tous ses vêtements Septième tourment, il
éprouva une soif dévorante Huitième tourment, il n'eut que du
fiel pour l'apaiser Neuvième tourment, il entendit les blas-
phèmes éclater de toutes parts contre lui Dixième tourment, ses
regards tombaient sur sa sainte mère, qui souffrait à ses pieds
0 vous tous qui passez par le chemin , regardez et voyez s'il
est une douleur comparable à la mienne, s'écrie l'Homme -Dieu
par la bouche de Jérémie : 0 vos omnes qui transitis per viam, atten-
dite et videle, si est dolor sicut dolor meus ( Lament. i. 12).
Il a été sacrifié , parce qu'il l'a voulu , dit Isaïe, et il n'a pas ouvert Uonceui
la bouche : il sera conduit à la mort comme une brebis , il sera muet P'yie£cc
comme un agneau devant celui qui le tond : Oblatus est quia ipse
voluit, et non aperuit os suum : sicut ovis ad occisionem ducetur, et
yuasi agnus coram tondente se obmutescet, et non aperiet os suum (lui. 7).
Ce n'est pas un peu de laine qu'on enlève à cet agneau divin,
c'est son corps que l'on déchire , son sang et sa vie qu'on lui arra-
che ; et il ne se plaint pas, il ne résiste pas ; mais il supporte tout
avec la plus douce et la plus entière patience
Saint Jean-Daptiste faisait allusion aux paroles d'Isaïe que nous
venons de citer quand il disait aux Juifs, en montrant J. C. : Vcilà
{'Agneau de Dieu : Ecec Agnus Del (Joann. 1. 36); c'est-à-dire,
voilà l'agneau préJil par ïsaïe, figuré par l'agneau pascal, et par
l'agneau pris par les cornes dans un buisson d'épines et immolé par
Abraham
Au temps de Noé , Dieu s'est montré comme un lion et il a tiré
.■ance des péchés qui couvraient la terre en ensevelissant les
hommes sous les flots du déluge; J. C, lui, est venu les expier avec
la douceur d'un agneau. Les eaux du déluge ont tué les hommes , et
non les péchés; le sang de l'agneau tue les péchés et ressuscite les
hommes.
Je suis, dit le divin Sauveur par la bouche de Jérémie, je suis
comme un agneau paisi.^e qu'on porte à l'autel : Ego quasi agnus
mansuetus qui portatur ad victmam ( xi. 19).
1U. 88
894 PASSION DE JÉSUS-CHRIST.
Comme l'agneau qu'on tond perd sat< ison, dit saint Jérôme; ainsi
J. C. a donné son corps et a gardé sa divinité ( De Judœis).
J. C. a été Pilate écrivit une inscription en hébreu , en grec el en latin, et il la
deClacroix.SUr nt mettre au haut de la croix; elle était ainsi conçue : Celui-ci est
Jésus roi des Juifs : Hic est Jésus rex Judœorum ( Matth. xxvn. 37 ).
Beaucoup de Juifs lurent cette inscription, et les princes des prêtres
dirent à Pilate : N'écrivez point : lloi des Juifs; mais qu'il a dit : Je
suis le roi des Juifs. Pilate répondit : Ce qui est écrit, est écrit :
Éespondit Pilatus : Quod scripsi, scrip&i { Joann. 23X. 20-22). Juifs
déicides, vous ne le voulez pas pour roi ; il sera le roi des nations
J. C. est le roi et le prince des douleurs; il triomphe royalement
de toutes par sa patience et sa charité divines. Régnez donc, ô Jésus,
dans le palais du Calvaire, sur le troue de la croix , sous la pourpre
de votre sang, avec le sceptre de vos clous et votre couronne
d'épines. Vous portez ce titre : Roi des Juifs , "c'est-à-dire roi des
hommes les plus injustes et des ennemis les plus cruels. Pour
courtisans, vous avez des accusateurs; pour gardes d'honneur, des
larrons; au lieu d'une armée prête à vous défendre, des bourreaux
acharnés à vous faire souffrir. Sur le Calvaire , vous êtes dans votre
empire, dans toute la pompe et l'appareil de la royauté, vous
triomphez. 0 roi de douleurs , votre table est servie de fiel et de
vinaigre; vous avez pour parfums l'odeur des crimes; pour feux de
joie, des ténèbres épaisses; pour symplionie, les blasphèmes et le
tremblement de terre; pour tapis, des ossements de suppliciés; pour
collier d'or et pour bracelets, la plaie brillante de votre cœur.
le ciel que nous comprenions ce que nous devons être sous un tel
roi et dans un tel royaume !
Mais si Jésus-Christ est déclaré roi sur la croix, ce n'est pas sans
motif; c'est par la royauté de sa croix qu'il devient roi de tous les
cœurs ; qu'il triomphe du péché , de la mort, des démons et de
l'enfer
ea Les passants le blasphémaient nrard- et lisant : Toi r.n
co e . . (]^ruis ]e temple ,|e liUu, cl le rebâtis en trois jours, que ne
te sauves-tu toi-même? Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix.
Les prin uvs aussi, et les scribes , et les anciens, disaient
avec moquerie: li a sauvé les autres, et il ne peut se sauver lui-
môme : s'il est le roi d'Israël, qu'il descende maintenant de la croix,
et nous croirons en lui. Il se aaQ$6 en Dieu; que Dieu le délivre., s'il
PASSION EE JÉSUS-CRUTST. 595
i : car il a dit : Je suis le Fils de Dieu. Les voleurs qu'on avait
crucifiés avec lui , lui adressaient les mûmes reproches (Matth.
xxvi r. 39. 44).
0 blasphémateurs ! il descendrait s'il le voulait , mais le mon le no
; pas sauvé ; il ne quittera le trône où vous l'avez placé que
il aura accompli son œuvre
Jésus dit : J'ai soif j on l'abreuva de fiel et de vinaigre ( Joann.
xix. 29).
Un des voleurs suspendus en croix blasphémait J. C, disant : Si Boutait'
tu es le Christ, sauve-toi, et sauve-nous. Mais l'autre le reprenait,
disant : Ne crains-tu point Dieu, toi non plus, qui subis la même
condamnation? Pour nous c'est justement, car nous recevons ce que
nos actions méritent; mais celui-ci n'a rien fait de mal ( Luc. xxui.
39-41 ). Au milieu de la multitude d'ignorants, d'aveugles et de
blasphémateurs qui couvraient le sommet du Calvaire, ce voleur tout
à coup ce sentit pris du repentir de ses crimes; il confessa l'inno-
cence et la divinité de J. C, il tourna vers lui ses yeux pleins de
larmes et lui adressa cette prière : Seigneur, souvenez-vous de moi
quand vous arriverez dans votre royaume. Et Jésus lui répon lit : En.
vérité, je vous le dis, aujourd'hui vous serez avec moi dans 11
paradis ( Luc. xxm. 42. 43).
Réfléchissez , dit saint Ambroise , et vous verrez que la croix est
un tribunal. Suspendu à ses bras, est le juge; le larron qui croit
est sauvé ; celui qui insuite est condamné. Déjà J. C. montrait ce
qu'il ferait au jour des vivants et des morts , lorsqu'il placerait les
uns à sa droite et les autres à sa gauche? ( Comment, in Luc. xxm. )
Que dites -vous, ô Jésus? s'écrie saint Chrysostome. Vous êtes
attaché à la croix par des clous, et vous promettez le paradis! —
Oui, je le promets, afin que tu apprennes la vertu de ma croix
{Homii. de Cruce et Lazaru).
PêHDàKT que J. C. versait son sang pour le salut du monde, Marie se Mario au pied
tenait au pied de la croix: Stabat autem juxta crucem Jesu mater de la croix.
ejus (Joann. xix. 25 ). C'est là surtout que s'accomplit la terrible
Drophélie qu'avait fait entendre le saint vieillard Siméon, lorsque
Jésus enfant fut présenté au temple par sa divine mère : Un glaive
de douleur, lui dit-il, percera votre âme : Tuant ipsius animam per-
tramibit gladius (Luc. n. 35). La très -sainte Vierge sou'l'rit 1° des
horribles souffrances de son fils chéri et adorable; elle les partagea:
50G PASSION DE JÉSUS-CHIUST.
l'amour de Marie est la mesure de sa douleur; et comme jamais
mère n'a autant aimé un fils , jamais mère n'a éprouvé une do r
comparable à celle de Marie. Chez les martyrs et les autres sainte,
l'amour était un adoucissement à leurs souffrances , un baume
divin; plus ils aimaient, moins ils ressentaient les tortures qu'en
leur taisait subir. En Marie , c'est le contraire ; plus elle aime , plus
elle souffre; et comme elle aime infiniment, elle souffre infini-
ment Ajoutez que les souffrances de Marie augmentent celles de
son adorable fils
Quel spectacle pour la plus tendre des mères, devoir son fils uni-
que, son fils bien-aimé , son Dieu couvert de sang et de plaies* les
membres brisés, les pieds et les mains percés, suspendu à une croix,
accablé de blasphèmes, abandonné de Dieu et des hommes et près
d'expirer ! Quel spectacle pour Jésus d'apercevoir à ses pie Is . arr»
sée de son sang, sa mère toute sainte, qu'il aimait d'un amour divin
et mille fois plus que tous les anges et tous les hommes réuni- !..,
2° Marie souffrit par compassion; toutes les douleurs de son Gis
étaient les siennes
3° Elle souffrit en raison de ladignitéde son fils et de la sienne
4° Elle soutint en raison de la longueur des tourments
5° Elle souffrit par sollicitude; elle voyait J. C. souffrir seul, aban-
donné de ses apùtres, de ceux qu'il avait soulagés et guéris, des
hommes, des anges et de son Père lui-même
6° Elle souffrit des horribles calomnies, des blasphèmes, des
imprécations, des malédictions dont on accablait son fils
7° Elle souffrit de l'avoir continuellement sous les yeux et d'ètra
le témoin de chacune de ses douleurs
Il n'y a rien d'étonnant si les saints Pères et tous les docteurs
enseignent que la bienheureuse vierge Marie mère de Dieu, fut mar-
tyre et plus que martyre, le glaive de douleur ayant seulement
déchiré le corps des martyrs, tandis qu'il a percé l'âme de J. C. et
de Marie : Et tuam ipsius animam pertransibit gladius (Luc. il. 3r>).
Comme J. C. a infiniment plus souffert que tous les martyrs réunis.
ainsi Marie a plus souffert aussi que tous les martyrs pris ensemble ;
Marie a connu toutes les douleurs du crucifié. Chacune des torturci
subies par le Sauveur l'a été par elle. Ses souffrances furent in lie -
Lies L'amour de Mario est plus fuit que la mort; r Ile fait sa
mort de la mort de J. C.
La très-sainte Vierge aussi pouvait emprunter ces paroles de Jéré*
mie : U \ous tous qui passez par ie chemin, regardez et voyez s'il esL
PASPIO:: DE JESUS-CHRbT. 507
une douleur pareille à la mienne : Ovos omnes qui ' trânsitis per viarn,
attendite et videte si est dolor sicut dolor meus (i. 12.
Saint Bernardin de Sienne dit :La douleur d ; Marie fut ri grande,
que si elle était partagée entre tous les hommes, ils mourraient
soudain : Tantus fuit dolor Virginis, quod si in omnes creatur as divi-
derctur, omnes subito interirent (T. II, serm.LXi).
La langue, dit saint Bernard, ne pourra jamais exprimer, ni
l'intelligence comprendre de quelle douleur le cœur pieux de Marie
était déchiré : Nec lingua poterit loqui , nec mens cogitare valebit,
quanto dolore afficiebantur pia viscera Mariœ (Serm. xxix in Cant. ).
Maintenant, continue saint Bernard, maintenant, ô tendre mère,
vous payez avec usure les souffrances que vous a épargnées la nature
lors de votre enfantement. Vous n'avez pzs ressenti de douleur en
mettant au monde votre fils, mais à sa mort vous êtes percée de mille
glaives {Ut supra).
Marie était plongée dans les plus cruelles douleurs, dit saint Chry-
sostome : Stabat doloribus immersa (De Cruce).
Au milieu d'une si cruelle épreuve , la bienheureuse vierge ne se
pVignit pas; elle partagea la douceur, la patience, la résignation de
son divin fils... , résignation entière à la volonté de Dieu
Combien la douleur de Marie augmenta, lorsqu'à sa place Jésus
lui laissa saint Jean pour fils ! Dixit matri sua? : Mulier, ecce filius tuus
( Joann. xix. 26). O mon fils, quel échange ! eût-elle pu dire. Est-C2
qu'un des enfants des hommes peut me dédommager de la perte que
je fais?...
Du haut de la croix, J. C. s'écria : J'ai soif: Sitio (Joann. xix. 28). Sitio.
Les cruelles et longues douleurs que le Sauveur avait endurées lui
avaient donné une soif brûlante. Ma langue s'est attachée à mon
palais , dit-il par la bouche de son Prophète : Et lingua mea adhœsit
faucibus meis (Psal. xxi. 16).
Mais par ce mot sitio il voulait exprimer une soif bien plus péné-
trante que celle qui accable le corps : la soif du salut des âmes , la
soif d'être aimé des hommes C'est son amour pour nous qui le
dévorait
Dieu, dit saint Paul, a manifesté l'amour qu'il nous porte, en ce
que, dans le temps même où nous étions pécheurs, le Christ est
mort pour nous : Commendat carita'.em suam Deus in nobis ; quoniam
cum ad hue peccatores essemus, Chrislus pro nobis morluus est ( Rom. v.
i> 9). Aussi, dit cet incomparable apôtre , pour lui témoigner mon
508 PASSION de ït$vfc«k[St2
amour et ma reconnaissance, je me suis cloué à la croîs du Christ.
Et je vis , non plus moi , mais le Christ vit en moi. Je vis pour lui
qui m'a aimé , et qui s'est lui-môme livré pour moi : Çhristo confi-
xus sum ervei. Viuo autem, jam non ego; viuit vero in me Christ us ,
qui dilexit me, et tradidit seipswn pro me (Gai. n. 19. 20). Marchez,
écrit-il aux Ephésiens, marchez dans l'amour, comme le Christ
nous a aimés , et s'est livré lui-même pour nous en oblation à Dieu,
et en hostie de suave odeur : Ambulate in dilectione , sicut et Christus
dilexit nos , et tradidit sometipsum pro nobis, oblalionem et hostiam in
odorern suavitatis ( v. 2).
Sitio : J'ai soif. J. C. nous a aimés tendrement et efficacement,
non en paroles, mais en action; car par amour pour nous, il a
livré volontairement et très-librement, non ses richesses, non ses
frères et ses amis, non ses anges, mais lui-même tont entier. Pour
nous pécheurs et ses ennemis, pour l'expiation de nos fautes, ; '
livré, non pas en oblation verbale et peu coûteuse, mais en oblation
sanglante et vivifiante
Il a vraiment lui-même porté nos infirmités, dit Tsaïe; il s'es"
chargé de nos douleurs : Y ère languores nosiros ipse tulii,, et dUora
nostros ipse port avit (lui. 4).
Le Prophète dit nos infirmités, nos douleurs, parce que la tache
du péché était notre fait, et que la peine, par conséquent, ne devait
tomber que sur nous.
Des châtiments nous étaient réservés ; l'obligation de soulîrir s'était
attachée à nous; nous avions mérité les douleurs du temps et de
l'éternité. Dans la soif ardente de son amour pour noue, J. C. s'est
chargé de toutes nos dettes.
U a porté nos péchés dans son corps sur le bois , dit l'apôtre saint
Pierre, afin que, morts au péché, nous vivions à la in st lui
qui, par ses plaies, nous a guéris : Peccata nostra ipse pcrlulit in coi*-
pore suo super lignum ; ut peccalis mortui , justitiœ viuamus ; cujuslivorc
sanati eslis (l. u. 2 i). Effaçant l'obligation que non* a\ ions sou
et qui était contre nous, il l'a prise et l'a clouée àla croix, dit saint
Paul aux Colossiens : Delens qund adversus nos erat chirogrophum
decreti, quod erat contrarium nobis , et ipsum tulit de medio , af/igen$
illud cruti (n. 14).
T,r*sept Jésus-Christ crucifié prononça ces paroles pleines de sagesse* do
Psm''u croix.* bonté, d'amour, de miséricorde, de puissance :
i" Mon Père, pardon nez -leur, car ils ne savent ce qu'ils tant :
ÏASSÏON DE JÉSUS-CHMSÏ. §09
Pater, dimitte illis; non enfin sciunt quid faciunt (Luc. îxïïi. 34).
Écoutez saint Bernard : J. G. a été flagellé, couronné d'épines, percé
de clous , attaché au gibet , rassasié d'opprobres ; et oubliant tant
d outrages et de douleurs : Pardonnez-leur, dit-il, car ils ne savent
ce qu'ils font. 0 Seigneur, que vous êtes riche en miséricorde !
Combien votre douceur abonde! Que vos pensées sont au-dessus de?
nôtres.! Que votre clémence va loin à l'égard des plus grands
pécheurs et des impies! Chose admirable! ce Dieu d'amour crie :
Mon Père, pardonnez-leur ; et les Juifs : Crucifiez-le : Mira res! Me
clamât : Iynosce ; Judœi :Crucifige. De quel torrent de délices n'abreu-
verez-vous pas. Seigneur, ceux qui vous désirent, vous qui versez si
abondamment l'huile de votre miséricorde sur ceux qui vous cruci-
fient ! Qaomodo potabis, Domine, desiderantes te, torrente voluptatistuœ,
qui sic perfundis cruci/igentes te oleo misericordiœ tuœ!{Serm. de Pass.).
L'homme qui se sent tenté d'obéir à la haine et à la vengeance
doit toujours avoir présents à l'esprit cette prière et l'amour que le
Sauveur a témoignés à ses ennemis
La seconde parole de J. C. sur la croix fut adressée au bon larron
qui implorait sa bonté : Aujourd'hui, lui dit-il, tu seras avec moi
dans le paradis : Hodie mecum eris in paradiso (Luc. xxiu. 43). Il
parla, et c'était pour promettre sa gloire. Ne mourait-il pas en effet
pour ouvrir le ciel aux pécheurs ?
La troisième parole de Jésus-Christ fat adressée à sa mère ; lui
montrant saint Jean, il dit : Femme, voilà votre fils. Et ensuite au
disciple : Voilà votre mère : Dicit matri suœ : Mulier , ecce fdius tuus.
Deinde dicit discipido : Ecce mater tua (Joann. xrx. 2G. 27). Nouveau
témoignage d amour; le Sauveur donnait sa propre mère pour
mère à tous les hommes dans la personne de saint Jean
La quatrième parole de Jésus-Christ fut un appel à son Père : Mon
Dieu , mon Dieu, s'éciia-t-il, pourquoi m'avez-vous délaissé ? Deus
meus, Deus meus, ut quid dereliquisti me? (Matth. xxvii. 46.)
Prise dans le sens de la croix et de la mort , cette sorte de plainte
signifie non pas que J. C. était abandonné, mais que son père
voulait qu'il mourût. A plus forte raison ne signifie-t-elle pas
que J. C. se désespérait, comme le prétend l'infâme blasphémateur
Calvin
La cinquième parole de J. C. crucifié fut celle-ci : J'ai soif : Sitio
(Joann. xix. 28).
La sixième déclara que tout était ce; -ommé : Consummatum est
(Joann. xix. 30).
COO PASSTON DE JÊSUS-CHIIIST.
La septième fut la parole suprême du mourant : Père, je remets
mon esprit entre vos maius : Pater, in manus tuus commendo spiritum
meiim (Luc. xxm. 46).
Et baissant la tète, il rendit l'esprit : Et inclinato capite , tradidit
Spiritum (Joann. xix. 30). Tout est vraiment consommé; notre Dieu
est mort, nos péchés l'ont immolé
ré- çsttfJ.C. Pourquoi J. C. est-il mort, et surtout pourquoi a-t-il enduré une
uàub.ime telle . „ , _ . . ,, . . . . . „ „ . v, ■ .
mort. mort à la fois si cruelle et si ignominieuse? Nos crimes , dit saint
Athanase, nos crimes étaient exécrables; voilà pourquoi J. C, afin
de les expier, a enduré le supplice le plus infâme : Scelera nostra
crant exsecrabilia ; itoque Christus ad eu expianda, passus est supplicium
cxsecrabilius (Serm. de Pass. et Cruce).
Celui qui est suspendu au bois est maudit, dit le Seigneur au
Deutéronome : Exsecrabilis quicumque in ligno pendet (xxi. 23.)
Devenu malédiction pour nous, J. C, dit le grand Apôtre, nous a
rachetés de la malédiction de la loi, selon qu'il est écrit : Maudit
celui qui est pendu au bois! afin que sur les nations descendit la
bénédiction d'Abraham en Jésus-Christ, et que nous reçussions par
la foi l'Esprit qui avait été promis (1).
Le Sauveur, dit saint Anselme , a choisi une mort aussi pénible
afin de tuer toutes les morts : Tarn pessirnam mort cm Salvator elegit ,
ut omnem mortem occideret (In Epist. ad Puilipp., c. w.) J. C, dit
saint Augustin , a voulu mourir ainsi afin que ses disciples , non-
seulement ne redoutassent pas la mort en elle-même, mais n'eussent
en horreur aucun genre de mort. Ne craignez pas les affronté, et les
croix, et la mort; car si ces choses nuisaient à l'homme , il n'aurait
pas à les endurer, lui que le Eils de Dieu a racheté (2).
Du côté des Juifs, la cause de la mort de J. C. sur une croix a été
la haine qu'ils lui avaient vouée, haine implacable et aveugle qui
les conduisit à choisir le crucifiement comme le supplice le plus
infâme et le plus cruel. Du côté d'Adam et du genre humain, la cause
de ce genre de mort a été qu'Adam ayant péché par le bois en man-
quant du fruit défendu, il était convenable que J. C. expiât par le
(i) Christus nos redemit de maledicto lc^is, factus pro nobis mnlcdiclnm : qui.\
scriplum c:>t : MdlcJictus omms qui pendet in ligno : ut in gentibus benedictio
Abrabs fieret in Christo Jcsu, ut pollicilationcm Spiritus accipiamus per (idem
{Cal. lit. 13. 14).
(i) Ut et discipuU eius mortem non modo non timerent , sed nec gor.us mortis
borrescerent Nolite timoré contunelias, et crnces, et mortem; quia si nocereul
hvuifli» non ÇA jwtoretur bowo, quew lufcepit Fil.us Dei [In l'sal. çxl).
*ÀS3ïô:ï IE ^SUS-CHRIST. G01
boï? cette désobéissance et en réparât les suites; C'est ce "qu'exprime
l'Eglise dans la préface de» l'êtes de la sainte cro'x : Il est, dit-elle,
véritablement juste et raisonnable de vous rendre grâces, o Père éter-
nel, qui avez attaché le salut du genre humain à l'arbre de la croix,'
afin que ce qui ava't causé la mort de l'homme devint pour lui la
source d'un j nouvelle vie, et que le démon, qui s'était servi d'un
arbre pour tromper l'homme et le subjuguer, fût aussi vaincu sur un
arbre par J. C. (I). Du côté de Dieu offensé , la cause de la mort de
J. C. sur une croix fut l'amour de la justice : par un tel supplice la
gravité de la faute d'Adam et de sa race devenait visible à tous les
: l'expiation était immense, parce que la faute avait été très-
grande. Du côté de J. C, la cause de cette mort a été l'immensité
de son amour pour les hommes, et le désir d'af prendre à ses disci-
ples à tout supporter
Si elle est conforme à l'Evangile , toute la vie de l'homme est
une croix et un martyre, dit saint Augustin : Tota vila hominis, si
secundum E 'vangelwm vivalur , crux est ai que martyrium (In Psal. cxl).
Le péché est un bien grand mal, puisqu'il a coûté tant à un Dieu!...
PoiTYEZ-Yors boire Je calice que ie dois boire? dit J. C. aux deux' fils ,
1 ° La passion
deZébé'ée : Potestisb ibère calicem quem ego bibiiurus sum? (Malth. xx de J. c. est
22.) On n'arrive au ciel que par la passion et la croix, sachons-le
bien
Comme un médecin compatissant et digne de louanges , J. C. , dit
saint Bernard, a goûté le premier le breuvage qu'il préparait aux
siens; c'est-à-dire , il a enduré la passion et la mort, et est entré
ainsi en possession de l'immortalité et de l'impassibilité, enseignant
aux siens à prendre avec confiance le breuvage qui engendre la santé
et la vie (2).
J. C. appelle sa passion un calice, une coupe, parce qu'il l'a
recherchée et l'a désirée Il la nomme ailleurs un baptême , parce
qu'il s'y est plongé par la mort; et parce que ses souffrances nous
ont lavés, purifiés, sanctifiés
(1) Vcre dignum est et justum est tibigratias agere œterne Dcus, qui salutem
humuni generis in liyno crucis constituisli , ut unde mors oiiebaiur, inde vitaiesur-
"■cret cl *] ii î in ligno vincebat, in ligne- quoque vinecretur per Christian
(2) Ipso, tanqisam pius et laudabilis medicus, prius bibit polionem quam parafât
suis; id est, passionem et mortein sustinuit, et sic sanilatein immortalilalis accepit
et impassibilitdlis; docens suosut conlidejiter biberent potionem quœ générât sanj«=
latejneUUtuu [Servi, xi ex Pan,
602 PASSION DE JÉSU.^CHBTST.
Nous nous sommes tous éiarés comme des brebis, clitïsale : cha-
cun de nous a suivi sa voie; et le Sei neur a fiit tomber sur lui
(sur J. C.) l'iniquité de nous tous : Omnes nos quasi >-ves erravimus ,
unusquisque in viam suam declinavit ; et posuit Dominus in eo iniqui-
tatem omnium nostrum (lui. 6).
Nos péchés ont entouré le Sauveur; ils se sont précipités sur lui :
mais en expirant, J. C. leur a porté un coup mortel. Considérez ici
que vos péchés et les miens ont fait partie de l'armée qui a saisi
l'Homme-Dieu et qui l'a crucifié
Le Seigneur s'est chargé de nos iniquités; il a voulu que , pesant
sur lui seul, elles le signalassent au juge suprême comme le seul
coupable et le seul qui dût être puni et sacrifié. La croix la plus
lourde qu'ait eu à porter J. C, l'innocence même et l'ennemi né «lu
péché, a été le poids de nos fautes. Cette croix l'a accablé mille
plus que la comparution devant Caïphe, Pilate, Hérode et le peuple
juif; elle lui a causé de plus vives douleurs que la flagellation, le
couronnement d'épines et le crucifiement. Mais ces péchés, il
laissés cloués à l'instrument de son supplice
Vous êtes , dit saint Pierre, vous êtes appelés à faire le men et à
souffrir avec patience, parce que J. C. a souffert pour nous, vont;
laissant un exemple, afin que vous suiviez ses traces : In hoc çnim
vocati estis, quia et Christus passus est pro nobis, vobis rd&çucaa
exemplum, ut sequamini vestigia ejus (I. Cor. n. 21).
J. C, continue le même apôtre, a porté nos péchés clans son
corps sur le bois, afin que morts au péché , nous vivions à la jus-
tice : Peccata noslra ipse pertulit in cor pore suo super lignwn, ut pec-
çatis mortui , justiliœ vivamus ( I. Cor. n. 24).
ba passion est II a été blessé à cause de nos iniquités, dit ïsaïe, il a été frappé
ouvrage. Pour nos cnmes : le châtiment qui doit nous procurer la pai.\ s'est
appesanti sur lui, et nous avons été guéris par ses meurtrissures :
Ipse aident vulneratus est propler iniquitates notlras , attritus est pro-
pter scclcra noslra : disciplina pacis noslrœ super eum , et livorc ejus
sanati mmxu (lui. 5).
Ton amour pour la bonne chère, ô gourmand, a abreuvé J. C. de
fiel et de vinaigre; ton orgueil, ô ambitieux, l'a crucifié entre dèui
voleurs; ta vanité , ô mondain , l'a couronné d'épines ; tes plaisirs,
ô impudique , l'ont flagellé et < ni ensanglanté tout son corps, ils ont
percé sespieds et ses mains et l'ont attaché au gibet;ton insensibilité,
o homme sans entrailles, a percé son cœur sacré ■ tes malédiction*
passion de jéstts-cïïtust. 603
et tes blasphème*; ô impie, ont couvert de crachats et de
souffleta la foce, divine que les anges ne regardent qu'avec respect et
n'adorent qu'avec amour; ton avarice , ô insatiable des biens de la
terre, l'a contraint à n'avoir aucun lieu où il pût reposer sa tète.
Désires-tu, pécheur, désires-tu avoir une vive image de ton àme
criminelle? regarde J. G. accablé d'outrages, battu de verges, raillé,
frappé, couronné d'épines et crucifié. Considère ce corps sanglant,
livide, qui n'est qu'une plaie; contemple ton Sauveur défiguré et
devenu semblable à un lépreux: voilà ton âme dont J. C. a reçu la
ressemblance en lui-même, ressemblance qu'expriment ses plaies et
son triste état. Fcce homo , voilà l'Homme-Dieu tel que l'ont fait tes
fautes. Fcce hemo, voilà ton àme, tel le que l'ont faite ces mêmes fautes.
Prie le Sauveur miséricordieux, frappé par toi, de guérir les bles-
sures de ton àme par les siennes
Oh ! somle et admire de nouveau l'abîme de l'amour de J. G. , qui a
voulu satisfaire pour toi à la justice de son Père, qui a souffert pour
toi tant et de si cruels tourments, qui pour toi et pour tes crimes s'est
fait victime et holocauste. Autant il y a de blessures et de stigmates
sur ce corps sacré , autant tu as de marques et de preuves de l'amour
infini que le Sauveur t'a témoigné. 'Vois, pécheur, sa tendresse
pour toi est écrite sur tout son corps; qnedis-je? elle y est gravée en
traits ineffaçables. O amour, amour, combien vous nous avez aimés!
Avec quelle douleur, ou plutôt avec quel amour vous nous avez
enfantés à la vie 1 La mesure de la douleur, c'est l'amour; mais la
mesure de l'amour n'est pas la douleur; et quoique, ô Jésus, votre
douleur ait été immense, votre amour l'a surpassée : votre affection
pour nous a absorbé votre douleur, comme l'Océan absorbe les eaux
des fleuves. Aimable Jésus, faites que je vous aime, que je dise avec
saint Ignace : Amor meus cruxifixus est : Mon amour est crucifié ( In
ejw vit a); et avec saint François d'Assise : O mon Seigneur, que je
meure d'amour pour vous qui avez daigné mourir d'amour pour
moi (S. Bonav., in e jus vit a). Faites que nous ne nous séparions
ïamais de vous; que nous mourions pleinement au monde et à la
chair; que nous vivions pour vous; que nous demeurions dans vos
blessures ; qu'ici-bas, par votre grâce, et dans le ciel, par votre gloire,
nous nagions dans l'océan de votre amour. Inspirez-nous les senti-
ments de votre vierge sainte Itale, qui, brûlante et enivrée d'amour,
vous contemplait sur la croix, en s'écriant : O Dieu, ô amour, ô
ivresse de l'amour; donnez-moi une voix si puissante, qu'elle soit
entendue de l'orient à l'occident, du ciel à l'enfer, pour criera
604 PASSION DE JiSUS-OIRÏSTV
toutes les créatures : Aimez Dieu. 0 amour , que vous êtes peu
connu, que vous êtes peu aimé ! Ames créées pour cela, aimez votre
amour qui -vous a tant aimées sur la croix ! ( In ejus vita. )
Lors de la création , dit saint Bernard , Dieu dit, et tout fut fait :
mais lors de la rédemption , ses paroles rencontrèrent des contradic-
teurs ; ses actions, des persécuteurs ; ses tourments et sa mort, des
railleurs et des blasphémateurs ( De diligenclo Deo ).
J. C. , dit saint. Thomas, a souffert dans ses amis, qui l'ont aban-
donné; dans sa réputation, par les calomnies qu'on inventa contre lui ;
dans son honneur et sa gloire, par les moqueries et les affronts dont
on l'accabla; dans ses biens, puisqu'il a été dépouillé de ses vête-
ments; dans son âme, par la tristesse, l'ennui et la crainte; dans son.
corps, par les blessures et les coups. Il a souffert dans sa tête, de la
couronne d'épines qu'il a portée; dans ses mains et ses pieds, des
clous qu'on y a enfoncés; sur son visage, des soufflets et des crachats
qu'il a reçus; dans tout son corps, de la flagellation qu'on lui a
infligée. 11 a souffert par tous ses sens : par le tact, ayant été flagellé
et percé de clous; par le goût, ayant été abreuvé de fiel et de vinai-
gre; par l'odorat, ayant été mis en croix dans un lieu que les
cadavres rendaient fétide et qu'on appelait le Calvaire; par l'ouïe ,
ayant été attaqué par les paroles de ceux qui le blasphémaient et qui
s?e moquaient de lui ; par la vue, en voyant pleurer sa mère et le
disciple qu'il aimait (De Peccatis ).
Voilà notre ouvrage, pécheurs! voilà le fruit de nos fautes!...
0 homme, s'écrie saint Augustin, apprends ce que tu vaux et ce
que tu dois; et en considérant la grande dignité à laquelle t'élève la
rédemption, rougis de tes péchés. Voici qu'au Jieu de l'impie, c'est
la piété qui est battue de verges; au lieu de l'insensé, c'est la sagesee
qui est tournée en ridicule; au lieu du menteur, c'est la vérité que
L'on immole; au lieu de l'inique, c'est la justice qui est condamnée;
au lieu du cruel, c'est la miséricorde qui est frappée ; au lieu du
misérable, c'est la pureté que l'on abreuve de vinaigre et la dou-
ceur que l'on enivre de fiel; au lieu du coupable, c'est l'inno-
cence qui est punie; au lieu du mort spirituel, c'est la vie qui
meurt. La nature entière s'effraie du crime des hommes, et la terre
tremblante, le soleil fugitif, attestent que celui-là est Je maître du
monde et le roi du ciel que la créature révoltée méconnaît (I).
(1) Agnosce,liomo quantum valeas, cl quantum debcas, et dum tantam rerf.>i.i-
ptioiiLS tua: perspicis digniialcm, ipse tibi iudicito peccaudi pudoreu). Fcce prq mipiç
TASSION DE JÉSÏÏS-CïirJST. CÔ5
Fsaïc appelle J. C. le mépris des hommes, le dernier de tous,
l'homme des douleurs, qui a connu la faiblesse, dont le visage est
comme obscurci, et, ajoute-t-il, nous ne l'avons pas reconnu:
Bespectum, et novissimum virorum, virum dolorum , et scientem iufr-
miiatcm, et quasi absconditus vul tus ej us; unde nec rejiutaoimus ejus
(LUI. 3).
Despectum : il est méprisé, non-seulement à l'époque de sa pas-
sion, mais durant toute sa vie. Il nait dans une étable, parce qu'il
n'y a pas de place pour lui dans les hôtelleries ; le monde le rejette
déjà. La circoncision lui apporte une nouvelle et profonde humilia-
tion ; elle le met au rang des pécheurs. 11 passe pour le fils de
Joseph, pour un enfant ordinaire. Il travaille et verse ses sueurs
comme le vulgaire. Nicodème vient le trouver de nuit de peur d'être
en butte aux sarcasmes des docteurs de la loi (Joann. xix. 39).
Aucun des chefs de la nation j uive et des pharisiens ne croyait en lui;
ils blâmaient la foule qui le suivait, et déclaraient ses disciples mau-
dits. Quand, guéri, l'aveugle-né osa exprimer la pensée que le
Sauveur était un prophète, ils le jetèrent hors de la synagogue
(Joann. ix. 3-4). Plusieurs personnages considérables ayant cru en
lui, n'osèrent lui rendre témoignage à cause des pharisiens, et
pour ne pas être chassés de la synagogue (Joann. xn. 42). Les
princes des prêtres le méprisaient, l'excommuniaient, le chassaient
des synagogues et lui dressaient des embûches. Voilà le fruit de nos
péchés !...
Nov issimum virorum : pourquoi J. C. a-t-il voulu devenir le der-
nier des hommes? parce que Lucifer ainsi qu'Adam avaient voulu
devenir des dieux et s'élever au-dessus du Tout-Puissant. Lucifer
ne prétendait-il pas détrôner l'Eternel et prendre sa place? J. G. a
voulu frapper leur criminel orgueil. Si donc la superbe veut s'em-
parer de vous, regardez J. C. se faisant le dernier des hommes et
l'abjection du peuple. Si l'on vous méprise, réjouissez -vous,
car vous avez l'honneur insigne et le bonheur de ressembler
à J. C
0 le dernier et le premier ! s'écrie saint Bernard; ô vous qui êtes
pietas flagellatar; pro slulto sapientia illuditur; pro mendace veritas necatur; dam-
nalur justilia pro iniquo; misericordia affligitur pro crudeli ; pro misero replelu?
smecritas aceto ; incbrialur felle dulcedo; addicitur innocentia pro reo; morilur vita
pro mortuo. Expavit scelus hominum natura rerum ; et quem creatura rcbellis non
agnoscil, eum mundi dominum tremens terra teslatur, et cœh re0feiii sol fugieas
coalitetur (Serm. ouv de Temp.j.
3C6 5ASSI0N DE JÉSUS- CHRIST.
îiumble et sublime, l'opprobre des hommes etiâ gloire des anges!
personne ne vous égale en grandeur et en humilité (1).
Virum dolorum: l'homme des douleurs, c'est-à-dire celui qui a
été assiégé par toutes les douleurs et qui les a toutes éprouvées , de
sorte qu'il n'était que douleurs, si l'on peut s'exprimer ainsi.
I. J. G. a connu toutes les douleurs de Fume : Mon âme, dit-il
dans le jardin des Oliviers, mon âme est triste jusqu'à la mort : Tristis
est anima n:ea usque ad mortem (Matth. xxvi. 38). Cette tristesse
s'est manifestée par des larmes et une sueur de sang. Si l'on
demande d'où venaient les souffrances que J. G. a endurées dans
son âme , les Pères et les docteurs de l'Eglise répondent que :
1° J. C. avait présents à l'esprit tous les péchés des hommes qui
ont été, qui sont et qui seront; tous les horribles forfaits commis
dans le cours des siècles, blasphèmes, sacrilèges, adultères, meur-
tres, etc. ; il était affligé de tous et de chacun d'eux, comme s'il les
eût commis lui-même; il s'en était chargé, afin de les expier et de
satisfaire à la justice de son Père par cette sujième douleur et con-
trition. 2° Du premier instant de sa conception jusqu'à son dernier
soupir, J. C. vit et contempla constamment les travaux et les souf-
frances qu'il devait endurer pendant sa vie et surtout à sa mort; il
se les représentait à toute époque de sa vie avec une vivacité et iine
force qui équivalait à la réalité, de sorte que sa vie entière a été une
passion et une mort continuelles 3° 11 ne cessa d'a\ it les
yeux les tourments des martyrs, les insultes et les injustices faites à
ses serviteurs, les jeûnes, les mortllications et les pénitences des
saints, les combats héroïques des vierges, et il souffrait de tout cela
en lui-même 4" Il savait combien serait grand le nombre de
ceux qui ne tiendraient pas compte de ses souffrances, de ceux à qui
elles seraient inutiles, et qui, flattant leur volonté perverse, so
damneraient malgré sa mort, et quoique une seule goutte de son
sang fût suffisante pour racheter tous les pécheurs, et même puur
les tirer de l'enfer , si cette goutte pouvait y pénétrer 5° L'amour
iniini de J. C. pour les hommes rendait ses douleurs inlinies et ses
tourments inexprimables
11. J. G. a connu toutes les douleurs du corps. Chacun de ses
membres et chacun de ses sens avait sa douleur propre, qui était
(1) 0 nnvissimum et alti^imum! o huniilmi pt suhlimem ! o opprobrium hotni-
uuin et gloriain augclorumi neino tllo silblimior , uemo humilior (De Passione
Domùti }»
PASSION DE JÉSUS-CHRIST. 60"
des plus vives. En J. C, le toucher et les autres sens étaient très-
délicats et très-parfaits; aussi sentait- il plus vivement que tout
autre toutes les douleurs. Sa vue, son ouïe, son odorat, sa langnp,
ses mains et ses pieds ont eu leurs souffrances spéciales, et ils les unt
eues toutes en même temps J. C. a souffert sans consolation
11 a souffert de la part d'hommes de toute espèce, de tout état, de
toute condition : Juifs, gentils, peuple, princes, prêtres, laïques; de
la part d'Anne, de Caïphe, de Pilate et d'Hérode; enfin, de la part
de ses apôtres eux-mêmes. L'homme, en général, sent seulement ses
propres douleurs ; J. C. a ressenti celles de tous les hommes
Et quasi absconditus vultus ejua; Son visage était comme obscurci.
En effet, 1° la splendeur et la divine puissance de J. C. étaient
cachées sous le voile de son corps, dit saint Jérôme ( In Isai.). 2° Son
visage n'était pas reconnaissable; il ressemblait à celui d'un lépreux;
il était tellement déchiré, couvert de sang et de crachats, que les
passants ne pouvaient en reconnaître les traits.
J'ai vu, dit saint Jean dans l'Apocalypse, j'ai vu dans la droite de
celui qui était assis sur le trône, un livre écrit, scellé de sept
sceaux (v. 1). Par ces sept sceaux, les docteurs entendent sept
mystères de la passion de J. C. Le premier est la suprême impuis-
sance du Tout - Puissant; le second, la suprême souffrance de
l'Impassible; le troisième, l'immense folie dont parut faire preuve
aux yeux des hommes J. G., la sagesse divine; le quatrième,
L'extrême pauvreté qu'endura le Dieu des richesses; le cinquième,
l'incomparable ignominie que subit ia majesté suprême ; le sixième,
le complet abandon par Dieu le Père de celui qui lui est uni de
la manière la plus intime ; le septième , l'extrême sévérité du
Père coexistant avec l'amour infini qu'il a pour son Fils
Usera rassasié d'opprobres, dit Jérérnie : Saturabitur opprobriis
(Lament. ni. 30). Pensez à ces paroles, méditez-les, chrétiens, lors-
que vous avez à supporter des railleries, des affronts, des calomnies.
J. C. s'est sacrifié tout entier pour vous à la justice de Dieu; pour
vous il s'est livré à ses ennemis et aux bourreaux. A votre tour,
donnez-vous au Sauveur sans réserve; offrez-vous à lui tout entier,
:etez-vous dans ses bras, afin qu'il fasse de vous et de tout ce qui
vous appartient ce qu'il lui plaira. Abandonnez-lui votre corps pour
être la proie des maladies, des souffrances, des supplices et de la
mort; abandonnez-lui votre âme pour le servir, l'aimer et le bénir :
c'est ainsi qu'ont fait les apôtres, les martyrs et tous les saint
C08 rASSTON DE JÉSUS-CHRIST.
J- C*. Les victoires mie J. C. a remportées par sa croix et par sa mort
a triomphe par " ,.,, • i i t ■ i
?a passion sont vraiment admirables, mervei.leuscs et di\ nés !
etpar saïuort. L'Komme-Dieu meurt; et voilà que le voile du temple se trouve
déchiré en deux, depuis le haut jusqu'en bas : Et cece vélum icmp'i
scissum est in duas partes a summo usque deorsum ( Matth. xxvn. 51 ).
Le voile qui cachait le saint des saints fut miraculeusement
déchiré, pour montrer que le règne de l'ancienne loi cessait, que
Dieu s'était retiré du temple de Jérusalem, et que ce n'était plus
qu'un lieu profane.
Dans le sens mystique, le voile déchire" et le saint des saints mis à
découvert signifient que la chair de J. C, déchirée dans sa passion,
nous a ouvert le ciel
La tunique de J. C. ne fut pas partagée, pour montrer que l'Evan-
gile restait entier
La grande, la véritable victime a rris la pla~e des anciennes, qui
n'en étaient que la ligure; la réalité est venue, les omjres s'en
sont allées
Ce qui restait des vêtements de J. C, dit saint Athanase, fut divisé
en quatre parts, pour montrer que J. C. sauvait également l'Orient
et l'Occident, le Septentrion et le Midi [Serm. de Cruce).
11 était environ la sixième heure , et les ténèbres couvrirent toute
la terre jusqu'à la neuvième heure. Et le soleil s'obscurcit : Erat
aulem fere liora sexta, et tenebrœ factœ sunt in uniuersam terram usque
in horam nonam. Et obscuratus est sol. (Luc. xxni. 44. 45). Il est prouvé
que cet obscurcissement du soleil ne venait point d'une éclipse , une
éclipse étant impossible à l'époque de la mort de J. C. La terre fut
couverte d'épaisses ténèbres ; mais pour les disciples du Sauveur,
cette nuit, ces ténèbres se changèrent en lumière Le soleil s'at-
trista; il refusa sa lumière aux déicides; il annonça à l'univers entier
la mort de son créateur. Les ténèbres alors furent si épaisses, si
extraordinaires, que Denis i'Aréopagite s'écria : Ou le Dieu de la
nature souffre, ou la machine du monde se dissout : Aut Deusnaturœ
patiiur, aut mundi machina dissolvitur (Epist. ad Apoll. ).
11 y eut un terrible et universel tremblement de terre, les rochers
se brisèrent : Terra -muta est, et petrœ scissœ sunt (Matth. xxvn. 51 ).
Les sépulcres s'ouvrirent, et plusieurs corps des saints qui étaient
rndormis se levèrent; et sortant de leurs tombeaux, vinrent dans la
cité sainte , et furent vus de plusieurs ( IMattu. xxvn. 52. 53).
Le centurion et ceux qui étaient avec lui, gardant Jésus, vovant
îa tremblement de terre et iuui ce gui te passait, furent saisis d une
PASSION DE Jicr=-CHMST. 600
grande crainte, et dirent : Celui-ci était vraiment le Fils de Dieu;
Vcre Filcus Dei erat iste (Malth. xxvn. Si ).
Votre croix, ô Jésus, s'écrie saint Léon, est la source de toutes
les bénédictions et la cause de toutes les grâces : par elle les
croyants, de faibles deviennent forts; ils tirent leur gloire de l'op-
probre de J. C, et leur vie de sa mort (Serm. de Cruce ).
Adam etEvese perdent en levant leurs mains vers l'arbre défendu j
J.C. efface leur péché en étendant ses bras sur l'arbre de la croix
Nous étions tombés au pied de l'arbre de vie, nous avons été relevés
par l'arbre d'ignominie, dit saint Grégoire de Nazianze : Ad vitœ
lignum exciderumus , per ignominiœ lignum revocati sumus (Orat. de
seipso ad Arianos). La mort nous est venue par un arbre et la vie
par la croix , dit saint Ambroise : Mors per arborem, vita percrucerr
(Comment in Luc.,c. îv).
La prédication de la croix, dit le grand Apôtre, est une folie pour
ceux qui périssent; mais pour ceux qui sont sauvés, pour nous, elle
est la vertu de Dieu. Pour nous, dit-il encore, nous anuonçons le
Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les Grecs; mais
pour ceux qui sont appelés Juifs et Grecs , la vertu et la sagesse de
Dieu (I).
J. C. est suspendu entre le ciel et la terre, pour réconcilier î&
terre avec le ciel Effaçant, dit saint Paul, la sentence de con-
damnation portée contre nous, l'abolissant, l'attachant à la croix , et
dépouillant les principautés et les puissances (de l'enfer), il les a
menées captives, triomphant d'elles hautement en lui-même (2).
J. C, dit saint Ambroise, étendit ses mains sur la croix, afin
d'attiier tout à lui : M anus in cruce extendit , quo omnia ad se tralteret
(In Luc, c. iv ). J. C. l'avait prédit : Et moi, dit-il, quand je serai
élevé de terre (crucilié) , j'attirerai tout à moi : Et ego, si exaltatus
fuero c terra, omnia traham ad meipsum (Joann. xn. 32).
ôatan, dit saint Basile, a été crucifié par celui qu'il espérait cruci-
fier; il a été frappé de mort par celui qu'il croyait anéantir à. l'ait!
(1) Vcrbum crucis, pereuntibus quicl -m stnltitia est : iis autem qui salvi tibint, id
estnobis, Dei virtus est N03 autem pfœdfcàmus Christunr crucitixùm : Jiulei;
i scandai um , genlibus autem stultitiam , ip-is autem vocalis Judceis atijue
gracis C rislum Dei virtutem, et Dei sapientiam (I. Cor. 1. 18-24).
(2) Delens quod ndversus nos erat chîrographura decreti, quod erat contrarinm
nobis, et ipsum lulit de medio, afllgcns i.lu i ci; et ex-poliuns principattis .. t
polcslates traduxit coaûdenter , piUiu tiium^Liana ilios ia semcUpso ( Coloss
14.15).
III. »
Ô1Û PASSION DE JÉsc?-:,.]rj?T.
de la mort : Diaholus in eo cruel fixas est, qv.em se ûruàitîxv^Utn ; et in
eo mortuus, quemmorte se extincturum speraverat (Honiil. de Htlinilit.).
Dieu a établi son règne par le bois de la croix, chante l'Eglise
dans l'hymne de la Passion : Begaavit a l'ujno Deus. J. C, dit saiflt
Augustin, a triomphé du monde, non parle glaive, mais parle bois :
Christus dornkii brbeih, non ferra, sed li<jno (De Cri
L'homme a été créé le sixième jour, dltThéophilacte ; à la sixième
neure il a mangé du fruit de .l'arbre détendu. Or, à l'heure même
où Dieu a créé l'homme, à l'heure où l'homme est tombé, Dieu l'a
guéri et l'a sauvé. C'est le sixième jour, à la fttàètne heure, que .). < .
a été attaché à la croix. Le sixième jour, un vendredi, jour consacré
h Vénus, il est mort pour tuer l'adoration de la chair; et il est mort
vers la lin du sixième âge du monde ( Gomm nt. in Evaug. ).
Dans sa passion, J. C, dit Lactance, a étendu sur la croix ses
mains qui ont mesuré la terre, pour signifier que de l'orient à l'occi-
dent un grand peuple, parlant toutes les langues et formé de toutes
1er, nations, se réunirait, viendrait ^uus sa \ lui&e&Bti pro-
tection, et qu'il recevrait le signe de la croix sur le iront, comme le
plus grand et le plus sublime des signes (De Inslit. divin., li'o. IV,
c. xxvi ).
La justice de Dieu irriié, le monde , le péché, la mort et l'enfer
combattaient contre J. C. au moment de su passion; maispaj
souffrances et par sa mort il a triomphé de son Père, du monde,
du péché, de la mort et des légions infernales, comme Moïse avait
triomphé de Pharaon et de l'armée égj ptiennej lors du miraculeux
passage de la mer Rouge. Le sang de J. C, figuré par la m
sauve un peuple d'élus et en perd les ennemis, lieu, dit Moïse,
a jeté dans la mer les chars de Pharaon et son armée : Cursus Pha-
ravnis et exercitum ejus projecit in mare (Exod. xv. A). Les abîmes
les ont couverts; ils sont descendus dans les profondeurs comme Ja
pierre; ils se sont enfoncés comme le plomb dans les eaux qui se
précipitaient avec violence : Submersi suât quasi plumbwrn in aqms
vehement.ibus (Exod. xv. 5. 6. 10).
La mort de J. C. est la fin de ma mort, dit saint Basile : Mors ejus,
mords meœest extinctio (Homil. de Humilit. ). Le saûg de J. C. est la
clef du paradis, dit saint Jérôme : Ùanguis Ch/istiest clavis puradtsi
xIn Evang. ).
Lacroix de J. C. a fait disparaître de la porte du paradis l'ange
ftV6G un glaive flamboya, i dou^ a amenants, engaiwui
6e pour que peraonne n y péoâtBflfti
PASSION DT: JÊSÔS-OTRÎST. CM
La pûssion de J. C. est notre vie. voila pourquoi Jérémic a pro-
noncé ces paroles : Le Christ, le Seigneur a été enveloppe clans nos-
péchés; nous lui avons dit : Nous vivrons sous voire ombre : C,'/ri~
stus Domihus captus est in peccatis nosti'is: cui diximus: In timbra tua
vivemus (Lameut. iv. 20); c'est-à-dire, nous vivrons à l'ombre Jr
Votre croix et de votre passion.
La mort de J. G. est la vie, dit saint Ambroise, ses blessures sou
la vie, son sang est la vie, sa sépulture est là vie, sa résurrection est
la vie de tous : Ipsius mors vita est , ipsius vulnus vita est, ipsius san-
guis vita est, ipsius sepuïiura vita est, ipsius resurrectio vita est univer-
sorum (In Luc.,c. xxin). Voulez-vous savoir comment sa mort est la
vie? ajoute le même Pore. Nous sommes baptisés dans sa mort, dit
le grand Apôtre, afin que nous marchions avec lui dans une nouvelle
\ te. Et J. C. lui-même a dit : Si le grain de froment qui tombe sur
la terre ne meurt, il demeure seul; mais s'il meurt, il porte beau-
coup de fruit ( Joann. xu. 24. 23). Ainsi la mort de J. C. est le iruit
dévie (Ut supra).
J. C. faisait trembler la terre, dit encore saizxt Ambroise, et il étai
attaché à la croix ; il était anéanti, et il remplissait tout ; ses plaies
étaient ouvertes, et il en sortait la guérison du monde entier : Terram
movebat, et hœrebat licjno ; exinanitus erat, et reptebat omnia; vulnus
inflictum erat, et flucbat iingucntum (Ut supra).
La passion de J. C. soutient le ciel, gouverne le monde, ouvre les
limbes : par elle les anges sont confirmés en grâce, les hommes sont
rachetés, les démons sont abattus et dépouillés de leur puissance ; ce
qui existe est consolidé, ce qui respire est vivifié et réconforté, lefc
corps sont glorifiés, les âmes sont éclairées et divinisées (Raban., de
Laude crucis).
ÎJieu permet que J. C. soit mis à mort, lui dont le trésor de divi
nité est renfermé dans la nature humaine, comme en un vase ira
gile, en un vase de terre ; il le permet afin que ce vase étant brisé, la
splendeur de la divinité brille et terrasse les démons, comme autre-
fois, lorsque les vases de terre des soldats de Gédéon furent brisés,
les lampes qu'ils renfermaient épouvantèrent les Madianites et cau-
sèrent leur perte.
Dans sa passion J. C. est inébranlable et invincible. H faut qu
nous-mêmes nous nous montrions tels pour lui et pour notre foi , e
qu'au milieu de toutes les souffrances, les angoisses, les persécutions
et même en présence de la mort, nous demeurions fermes comme m
rocJUer^ èunpoi'taat courageusement l'épreuve à laide du secours dt
6i2 PASSION DE JESïïS-CmiîST.
Dieu, de notre espérance en lui, et de l'amour que nous lui portons.
De cette manière, nous sentirons moins les croix : notre courage tt
notre constance les feront presque disparaître.
Au commencement le peuple admira les miracles, la doctrine et
la vie de J. G. ; mais bientôt le voyant sans gloire, c'est-à-dire vendu,
trahi, pris, condamné, battu de verges, raillé, couvert de crachats et
de plaies, défiguré et crucifié, il le méprisa, et de la même bouche
avec laquelle, peu auparavant, il avait crié : Hosanca au fils de
David : béni soit cslui qui vient au nom du Seigneur : Hosanna sur
les hauts lieux (Matth. xxi. 9 ), il criera : Qu'il meure, qu'il meure,
crucifiez-le! Toile, toile, crucî/îge eum! (Joann. xix. 15.) Tous les
nommes sont changeants ! Faisons donc comme J. C, détachons-
nous du monde.
Suspendu à la croix, J. C. paraît difforme, et comme un prodige
de souffrances ; il est exposé aux railleries et aux mépris ; mais par
cette même croix, il est devenu le plus beau des enfants des hommes.
Les chrétiens, les princes, les rois, contemplent avec bonheur sa
divine face meurtrie et ensanglantée; aucune autre no leur parait
aussi belle, aussi pleine d'attraits. Rien n'orne une poitrine, un dia-
dème, un monument comme le fait une croix J.C.,dit Isaïe,
arrosera de son sangles nations et il les purifiera; devant lui les rois
garderont un respectueux silence; ils l'ont contemplé avec admira-
tion : Iste asperget génies multas, super ipsum continebunt reges os
suum: contemplati sunt ( lu. ! "i ).
Qui est-ce qui a cru aux choses qu'il nous a entendu annoncer?
dit le môme prophète. A qui le bras de Dieu a-t-il été révélé? Quis
credidit. nuditui nostro? Et brachium Domini cui revclalum est? (lui.
4.) Qui est-ce qui a cru que le crucifié dont je parle, serait le Fils de
Dieu, le Messie promis? Qui est-ce qui a cru que le monde entier
Fadorerait comme son créateur et son sauveur? Le bras de Dieu,
disent Tertullien, saint Cyrille et saint Augustin, est le Christ Fils de
Dieu, qui procède du Père comme le bras procède du corps, et qui
lui est consubstantiel ; le bras de Dieu c'est la puissance que Dieu a
montrée en J. C.,etla force qu'il lui a communiquée pour supporter
•uffrances et la mort. Les douleurs et les opprobres auxquels le
Sauveur s'est soumis, la mort qu'il a endurée paraissent aux mon-
dains aveugles les signes d'une faiblesse et d'une impuissance
suprêmes ; mais Dieu leur fera voir que là est son bras et la force
par laquelle il soumettra l'univers à la croix? N'est-ce pas ce dont
nous sommes va intenant témoins? Le crucifié a conquis le monde
PASSION DE JÉSUS-CHRIST. 613
par 1'..,. u Qment de son supplice; il s'est fait adorer des rois, des
empereurs et de l'univers entier? Saint Paul parlait de ces mer-
veilles lorsqu'il nommait J. C. et sa croix la vertu et la sagesse de
Dieu : Prœdicarnus Jesum cruci/ixum, Dei virtutem et Dei sapientiam
(I. i. 23).
Il existe trois sources de pe'chés et de maux, que saint Jean signale
ainsi : Tout ce qui est dans le monde est convoitise de la chair, et
convoitise des yeux, et orgueil de la vie : cela n'est point du Père :
Omne quod est in mundo, concupiscentia carnis est, et concupiscent ia
oculorum, et supcrhia vitœ; quœ non est ex Pâtre (I. n. 4G). J. C. a
détruit l'effet de ces trois sources empoisonnées par trois préservatus
infaillibles : car, 1° pour guérir l'orgueil de la vie, il s'est humilié,
exposé au mépris, et s'est fait Je dernier de tous : Novissimum viro-
rum (Isai. lui. 3.) 2° Pour guérir la concupiscence des yeux, il s'est
réduit à la pauvreté et à un dépouillement complet 3° Pour gué-
rir la concupiscence de la chair, la gourmandise et la volupté, il est
devenu l'homme des douleurs Dans la mise en usage de ces trois
préservatifs se trouve la patience et la vertu parfaites, la victoire
sur le monde elles vices, la sainteté et l'amour de Dieu porté au der-
nier degré.
Le souvenir de la passion de J. C. adoucit toutes les tribulations,
comme le bois jeté par Moïse dans les eaux de Mara les rendit bonnes
à boire, d'amères qu'elles étaient (Bxod. xv). Quelles qu'elles soient,
les adversités et les souffrances semblent peu de chose si l'on pen.-e
à ce que le Sauveur a souffert dans sa passion : alors ce qui avait
l'amertume du fiel semble doux comme le miel. Par cette pensée,
en effet, la foi s'éclaire, l'espérance se fortifie, la patience est excitée,
la charité s'enflamme , l'humilité prend naissance , ia pureté
règne, etc Saint Grégoire l'avait bien senti : 11 n'y a, dit-il, rien
de pénible qu'on ne souffre avec résignation, si l'on se remet en
mémoire la passion de J. C. : Nihil adeo grave est, quod non œquani-
miter toleretur , si Christi po.ssio ad memoriam revocetur (Homil. in
Evang.). Avec quelle facilité, dit le même Père, ne supportons-nous
pas de petites peines, si nous nous rappelons combien de paroles
cruelles, combien de coups plus cruels encore et de supplices d'une
uté sans égale J. C. a endurés pour nous, lui quia porté sur la
tête une couronne d'épines et qui a eu les yeux couveits d'un ban-
ii, les oreilles blessées par les insultes , la bouche abreuvée de
fiel et de vinaigre, la face couverte de crachats et meurtrie par les
soufflets, les épaules chargées d'une croix, le cœur rempli de
6|4 PAssTûïj fip 3f^T's-rmiTST.
tristesse , les entrailles déchirées , les mains et Tps pff^â tierces. En
un mot, de }a plante des pieds au sommet de Ja tête , il a spuffert de
douleurs et de blessures sans nombre (1).
Et ce doux Sauveur, cet innocept Agneau a tout supporté avec
prudence, humilité, patience, force, constance, etc. Voilà notre
modèle; imitons-le.....
Le cluipiinent qui devait; nous procurer la paix s'est appesanti sur
lui, dit Isaïe; nous avons été guéris par ses meurtrissures : Disci-
plina pacis nostrçs super eum; et livore ejus sanati sumus (lui. 5).
La. passion est une pharmacie qui renferme des remèdes pour
tous les maux, un arsenal où l'on trouve les armes nécessaires pour
vaincre tous les ennemis
Parmi les visions que raconte saint Jean dans l'Apocalypse, se
trouve celle-ci ; L'a des vieillards me dit: Ne pleurez pas; voici que
le lion de la tribu de Juda a vaincu Et je vis un agneau debout,
qui paraissait pomme immolé... : Unus de senioribus dixit mihi: Ne
fleverjs; çcce vicit leç> de tribu Juda Et vidi agnum stantem çiinai
occiswn (v. G. 7.)
Remarquons l'admirable victoire qu'a remportée ce très-doux
Agneau et la force de lion qu'il a déployée. Il a dompté le monde.
qui n'était qu"un immense troupeau de loups allâmes et furieux. Il
en a triomphé, non pas avec le fer, mais avec sa croix; non pas en
frappant, mais en souffrant; non pas en menaçant, mais en mourant.
Cet Agneau est le lion de la tribu de Juda : 1° garce qu'il a vaincu
Je péché, la chair, le monde, le démon et renier; 2<> parce que
d'une part il est doux dans cette vie pour ses serviteurs, et qu'il le
sera au tjour du jugement pour ses élus; tandis que de l'autre il
se montrera terrible comme un lion aux réprouvés, qui , Fra
d'épouvante, diront aux rochers et aux m : Tombez sur
nous, et dérobez-nous à la vue de celui qui est assis sur le traie
et à la colère de l'Agneau : Et dicent montibus et pétris : Çadite
nos et abscondite nos a faci" sedentis super thrQ^\im, et ab ira
(Anoc. vi. 10); 3^ parce que cet Agneau change les li
loups en agneaux. Aussi, parlant de la convi rsion de saint Paul, le
(1) Ut parva enim toleramus, si recordemur quani dura vorha, durinra vorbera,
duri>sima Mipplit-ia pro nopis ille passussit; qui in capite tujif cprqnam , in q
Telamen, in auribus convicia, in on: fel el acelum,in facie sputa et alapas, in humerii
Crucem, incorde mœrorem,in visceribus concussioncm, in manih isper«
fbssioqeoa. Deniqne a capite ad pedum plantas usque imminent sustinuit vu
el Uolorcs (Iloi,' • ■/.).
gran^1 rVque dTïippone dit : J. G», agneau mis à mort par Tes loups,
a fait un agneau de Paul, qui était un loup: Occisus [Ch/istus) a
lupis, et fecit (Paulum) agnum de lîtpo (De S. Paulo).
L'Agneau est venu, dit encore saint Augustin; et quel Agneau?
celuj que les loups craignent. Quel Agneau? celui qui, mis à mort,
a tué le lion. Car le démon a été appelé lion? qui tourne autour de
nou| en rugjssanf: et en cherchant quelqu'un à dévorer. Ce lion a été
vaincu par le sang de l'Agneau. Voici le spectacle des chrétiens :
notre Roi a triomphé du démon par sa douceur. L'un déployait sa
rage, l'autre la supportait; celui qui déployait sa rage a été vaincu,
et celui qui la supportait a remporté la victoire. C'est par cette dou-
ceur que l'Église triomphe de. ses ennemis (l).
J. C. a vaincu par la douceur; les martyrs et tous les chrétiens ont
triomphé et triompheront aussi par Ja dpuceur. Le divin Agneau.
aime les agneaux; il aime les doux et les purs, les vierges, les mar-
tyrs et Jes pénitents. Voici, a-t-il dit à ses plus chers amis, voici
que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups : Ecce
ego r.xitto vos sicut agnos inter lupos (Luc. x. 3).
Qui racontera sa génération, dit Isaïe : Generationem ejus guis
enorrolit? (o3. 8.) Ces paroles peuvent s'entendre de l'immense
fécondité de Ja croix de J. C, qui a engendré, dans tous les siècles et
dans tous les lieux, et qui engendrera ius-Tii'à la fin du monde, des
millions de saints, de martyrs, de viefgp§, d'élus Elles s'acepr-
dpnt avec les autres paroles du même p-'^hète : Parce qu'il adonné
sa vie pour expier le péché, il aura iu> ■ Viice immortelle : Siposuerit
pro peccato animant suam, videbit semen i^ngœvum (lui. 10). '
Mais, dans ce passage, il s'agit ici surtout de la génération divine
et Je la génération humaine de J. C, Contemplant les opprobres et
les douleurs du Messie, et considérant; en même temps sa personnes
et sa dignité, Isaïe, ravi hors de lui-même, s'écrie plein d'admira-
tion : Generationem ejus guis enarrobit? Qui racontera sa gépération?
Q juifs, comment osez-vous Je crucifier ? comment osez-vous infliger
au Christ de si cruels tourments, lui dont l'àgp. la génération et la
vie sont ineffables? Si vous le considérez comme Dieu, son à-;e est
(1) Venit Agnns; qualis Agiras est? qnem lupi liment. Oualis a?mis est9 qu> leonem
tecisus occidit. Dicius est cuuii diabolo leo circumier.s et rugie.is , qtiserens quem
iDevoret : sanguine Agni vietns est leo. Ecce spectaculum christianornm : Rex noster
tnansuetudine vicit diabolum. Sacvieb il il le. iste sufferebat. V ictus est qui s;e\iebat,
likit qui sufierébat, lu isia inansuetudine Bccléria mincit iuimicos kSerta. vdeCott-
vers S. Pauli).
616 PÀSSTCW DE JÉSl^-OTATST.
l'éternité. Le Père l'a engendré avant tous 1rs temps, semblable et
égal à lui ; il est donc coéternel au Père. Lui-même vous l'a fait cou*
naiire : Moi et mon Père, vous a-t-il dit, nous sommes un : Ego et
Pater union sumvs (Joann. x. 30). Si vous le consi !érez comme
homme, sa génération est miraculeuse, divine, ineffable; elle vient
du Saint-Esprit. Sa naissance est nouvelle et admirable; il est né
d'une vierge. Conçue par une opération divine, l'humanité du Christ
est unie hypostatiquement à la divinité, au Verbe de Dieu; et cette
union est indissoluble, éternelle : de l'homme elle l'ait un Dieu.
Et c'est ce Dieu l'ait homme que vous osez renier, outrager,
crucifier !...
11 distribuera les dépouilles des forts, dit encore ïsnïe : Fortium
dividet spolia (lui. \1). Les dépouilles des forts sont celles des
démons, des rois et des puissants, etc. 11 les enlèvera par sa c ,
par les enseignements de ses apôtres, etc Il les enlèvera en
dépouillant les hommes du péché et en les révélant de la grâce,
de la vertu et de la gloire éternelle
Jéhovah, dit le prophète Zacliarie, sortira et combattra contre h s
nations. Et ses pieds reposeront en ce jour-là sur la montagne qui
est vis-à-vis de Jérusalem; et la montagne sera fendue en \
parts, de l'orient à l'occident (xiv. 3. A). En ce jour, des eaux v ves
jailliront de Jérusalem. Jéhovah deviendra le roi de tout? la terre :
il sera le Dieu unique ; il n'y aura plus que son nom : Et erit i e
Ma : Exibunt aqvœ vivœ de Jérusalem. Et erit Dominus rex
omnem terrain : in die Ma erit Dominus unus , et erit nomen ejus vnom
(Id. xiv. 8).
Isaïe, dans le chapitre Line de ses prophéties, annonce la passion
de J. C. avec tant de clarté, de précision et de détails, qu'il parle en
évangéliste plutôt qu'en prophète. 11 semble qu'il ne pré lit pas
l'avenir, mais qu'il est au temps de la passion, qu'il en est témoin;
qu'il la voit tout entière. Aussi ce chapilra pourrait-il être intitulé :
Passion de J. C. selon haïe. Il décrit d'une manière si frappante
l'état où se trouvera J. C, les coups qu'il recevra, les plaies qui le
couvriront, les douleurs et les humiliations dont il sera abreuvé, sa
patience, son sacrifice volontaire, sa mort, sa mise au rang dc3
scélérats, sa sépulture, la cause et le? résultats de la passion, quo
les Juifs ne peuvent rien objecter ni répondre. ( Voyez cechapilrp.\
Sépuitnre de Un décurïon nommé Joseph d'Arimathie, homme bon et juste . alla
trouver Pilate, et lui demanda le corps de Jésus. Et, l'ayant uéteoha
PASSTON DE réSÏÏS-CHMST. 61*?
cîe la ^ro;: . il l'enveloppa d'un linceul, et le mit rla:i- un sépulcre
taillé dans le roc, où personne n'avait encore été mis (Luc. xxiu.
50. 53). Comme avant J. C. ni après lui, personne n'a été conçu clans
le sein d'une femme demeurée vierge ; ainsi personne n'avait été mis
ni ne l'ut placé depuis dans le tombeau de J. G Le prophète lsaïe
a prédit la gloire qui dc\ait environner ce tombeau : En ce jour- à,
dit-il, le rejeton de Jessé sera élevé comme un étendard à la vue des
peuples; toutes les nations l'invoqueront , et son sépulcre sera glo-
rieux : In die Ma radis Jesse , qui sfat in sîgnum pnpulorum, ipsum
génies dcprccabinitur, et erit sepulcrumejus gloriosum('Ki. -10).
Le tombeau de Jésus-Christ a été environné de glcire, car 1° le
séjour qu'y lit le Sauveur fut précédé d'un tremblement de terre
incomparable, et d? la résurrection de plusieurs saints personnages
( Matth. xxvn. 51-53 ). 2u L'impératrice sainte Hélène enferma ce
tombeau dans un temple magnifique 3° A toutes les époques, et
même depuis que les Ottomans ont conquis la terre sainte, de tous
les points de la terre de pieux pèlerins sont venus en grand nombre
le visiter et y prier. 4° 11 s'y est fait et il s'y fait encore de grands et
de nombreux miracles : les pécheurs s'y convertissent, les démons y
sont mis en fuite, les malades sont guéris 5° Chaque année, le
samedi saint, il s'y célèbre une fête solennelle. On y dresse un tom-
beau commémoratif, très-orné et resplendissant. (5° Enfin, le tom-
beau de J. C. a éi ' r n lu glorieux par le miracle de la résurrection
du Sauveur.
PASSIONS (LE8). (Voyez Concupiscence.)
Pn'ordrM ""■" 'homme qui s'abandonne aux passions est semblable aux bètes
passions. qui se laissent mouvoir par l'impétuosité de leurs penchants,
M-^M et qui ne sont point conduites par le jugement de la raison.
Quedis-je? il est pire qu'une bête : car les animaux de même espèce ne
s'attaquent pas les uns les autres, tandis que l'homme qui suit ses
passions attaque l'homme. A lui seul il réunit la jalousie du chien,
la voracité du loup, l'orgueil du lion, la férocité du tigre, la paresse
de l'âne, la méchanceté du serpent, la ruse du renard, etc.
0 homme qui obéis à tes passions dévorantes, où vas-tu? que.
deviendras-tu?...
Vous ne pouvez pas, dit un grave auteur, vous ne pouvez p;u>
continuer de mettre au rang des hommes celui que vous ypyej;
métamorphosé par les passions ; l'apparence humaine qui ]\\\ reste
prouve quïl était autrefois un homme; mais il ne l'est plus. L'ava-
rice qui le dévore le pousse-t-elle à ravir violemment le bien d'autrui ?
rangez-le parmi les loups. Cédant à ses emportements et à ses agi-
tations, se livre-t-il à des cris, à des injures, à des querelles? rang
parmi les chiens. Se réjouit-il d'avoir trompé son prochain par d
ruses secrètes? égalez-le aux renards. La colère et la fureur le pos-
sèdent-elles? croyez qu'il a un cœur de lion. Timide et peureux ,
s'enfuit-il, même quand il ne court aucun danger? comparez-le au
cerf. Se montre-t-il paresseux et stupide? mettez sa vie au niveau
de celle de l'âne ? Fait-il preuve de légèreté et d'inconstance? vous
le comparerez justement aux oiseaux et surtout aux papillons. Se
plonge-t-il dans les sales et dégoûtantes voluptés de la chair? placez-
le entre un porc et un bouc, et tous trois seront dignes l'un de
l'autre. Ainsi l'hoiv c qui abandonne Dieu, la justice et la vertu se.
change en bète i.umonde ou cruelle (Boethius, de Consolatione ,
lib. IV).
Toutes le? voluptés et toutes les passions enivrent l'âme, c'est-à-
dire la maîtrisent, l'aveuglent, l'énervent, l'hébètent, lajettenthors
d'elle, à peu près de la même manière que l'ivresse du vin maîtrise
le cor s, trouble la tête et enlève le bon sens. Comme la sobriété
est, si jepnis m'exprimer de In sorte, la sagesse et la vertu du corps:
passions (ms). 619
ainsi fout yic$, toute passion est l'ivresse pf; la foliçde l'Ame , ivresse
et folie produite par le vin du mal tiré du raisin de la passion;, que
le démon, sinistre hôtelier,, lui présente pt lui l'ait boirp Ivres
de passion, les mondains, dit saint Grégoire , ne sep tent plus les
péchés horribles qu'ils commettent et qu'ils font commettre [Lib.
in Luc).
L'iniquité dévore les hommes qui s'y abandonnent, pomme le fer
dévore la paille.
Elevé en honneur, l'homme, dit le Roi-Prophète, n'a pas compris
sa destinée; il s'est mis au rang des animaux qui n'ont pas l'intel-
ligence, et il leur est devenu semblable ; Homo, eu-w in honore esset,
non intcllexit ; comparatifs est jument is insipientibus, pt similis factus
est il lis (xpvni. 13). Voilà le portrait de l'homme qui prête l'oreille à
ses passions
Vous tous, s'écrie Isaïe, vous tous qui avez allumé dans votre cœur
le feu des passions et qui êtes entourés de flânâmes, marchez à la
lueur de votre feu, au sein des flammes que vous avez excitées : Ecce
vos omnes accendentes ignem, accincti flammis, ambulate in lumine ignis
Vt itris et in flammis quas succendistis (l. 11 ). Vous avez laissé se déve-
lopper en vous des passions dévorantes, vous en serez ki victime;
l'incendie que vous n'avez pas arrêté vous consumera 3 vous et ceux
qui se trouveront autour de vous.
Les passions sont les étincelles du feu de l'enfer
David se souille de deux crimes; éco^tez-le décrivant s# situ^vtiqn : conit>ieu
Le sentiment de mes fautes, dit-il, s'élève chaque jour coptre moi; ^êSn?
et la confusion qui est montée à mon visage m'a couvert tout entier: rh<wme i -; 1g
co livrent
Tota die verecundia mea contra me est, et çonfusio faciei meœ cooperuit de confusion.
me (xliii. 16).
L'apôtre saint Jude trace ainsi le portrait des hommes conduits
par les passions : Ils blaspbènient, dit-il, tout ce qu'ils ignorent, et
se corrompent dans tout ce qu'ils savent naturellement comme les
animaux muets..... Ils fpnt tache dans leurs repas, se gorgpant sans
retenue et prenant leur pâture : nuées, ^ans eau, emportées çà et là
par les vents ; arbres d'autpmne, flétrjs, stériles, dpux fpis morts,
déracinés; flots d'une mer furjeusp, rejetant l'écume de leurs hontes;
astres errants, une tempête de ténèbres J eur est réservée pour l'étpr-
nité. Us sont murmurateurs et se plaignant sans e:sse: ils marchent
selon leurs convoitises, et leur bouche articule des paroles, pleines de
620 TASSIONS (les).
faste Ils se séparent de Dieu : hommes de vie animale qui n'ont
plus en eux le Saint-Esprit (x. 12. 13. 16. 19.)
Les désordres de toute sorte , l'ignominie , l'esclavage , la dégra-
dation sont la famille des passions qui s'emportent et que l'on ne
refrène point
Adam et Eve péchèrent; aussitôt les yeux de l'un et de l'autre
furent ouverts, et la honte devint leur partage. Et ils entendirent la
voix du Seigneur qui s'avançait dans le jardin, et pour éviter la i ré-
gence de Dieu, ils se cachèrent parmi les arbres couverts de feuillage.
Mais le Seigneur Dieu appela Adam, et lui dit: Où es-tu? Adam
répondit : J'ai entendu votre voix , et comme j'étais nu, j'ai été
saisi de crainte et de honte, et je me suis caché {Gcn. m. 7-10).
Nous dormirons dans notre confusion, dit Jérémie, et notre igno-
minie nous couvrira tout entiers, parce que nous avons péché con-
tre le Seigneur notre Dieu : Dormiemus in confusione nostra, et operiet
nos ignoiuinia nostra, quoniam Domino nostro peccavimus (m. 2> .
Les hommes qui s'abandonnent à leurs passions , dit le même
propliète , seront profondément confondus, parce, qu'ils n'ont pas
compris l'opprobre éternel , que rien ne peut effacer : Confundenttir
véhément er , quia non intellexerunt opprobrium sempitemum, quod uun-
quam delcbilur ( xx. 1 1 ).
Us tomberont sans honneur, dit la Sagesse, en opprobre S jamais
entre les morts : Et crunt post hœc decidentes sine honore et in con-
tumelia inter mortuos in perpetumn ( iv. 19 ).
Combien ]\ous nous sommes lassés dansla voie de l'iniquité et de la perdition;
rendent0' <ii:ient les hommes qui satisfont leurs désirs déréglés; nous avons
coi.pnbiesct marché dans des voies difficiles et nous avons ignoré la voie du Sei-
mauicuieux. ~
gneur . Lassai i sumus in va iniquilatis et perdit ionis, et ombulavimus
vias difficiles; viam autem Domïni ignoravimus (Sap. v. 7).
Us se sont pervertis, dit le Psalmiste , et ils se sont rendus abomi-
nables : Corrupti sunt , et abominabiles facti sunt (xill. 2). Ils Se
e"c rtés du droit chemin, ils se sont mutuellement pervertis : Omnes
declinaverunt , simul inutiles facti sunt (Ibid. xm. 3).
La douleur et !<i malheur les suivent; ils n'ont pas connu le che-
min de la paix, dit encore le Psilmiste : C ntritio ci in félicitas in viis
eorum, et viam pacis non cognoverunt ( xm. 3).
Ou peut appliquer à la tyrannie que les, passions exercent sur
J'ame ce que Jérémie dit de l'oppression que les ennemis de Ja lille
de Sion laisaient peser sur (;lle. Tous ses persécuteurs l'ont saisie et;
PASSIONS (LES); 621
plonrrée flans l'angoisse : Omnes persécutons ejus opprehcndcnmt CQïïl
inter augvstias (Lament. i. 3).
On peut encore lui appliquer la sentence du prophète Michée :
L'homme a rencontré ses ennemis au seuil de sa propre maison :
Inimici kominis domestici ejus (vu. 6); c'est-à-dire ici dans son âme,
au fond de son cœur.
Agésilas, roi des Lacédémoniens, disait qu'il préférait vaincre
ses passions plutôt qu'une année ennemie, tant les passions sont
funestes (Ita Laertius).
Etqu'on ne prétende pas qu'on ne saurait vaincre : vouloir c'est
pouvoir. Avec la grâce de Dieu et une ferme volonté, rien n'est
impossible. Si vos passions sont si vives et si fortes, c'est vous qui en
avez été la cause, par vos imprudences , par votre peu de vigilance,
de pieté et de crainte de Dieu
Toutes les passions mauvaises, dit saint Augustin, sont les portes Diendptpste
d^ l'enter : Oinnes pravœ cupiditates sunt portos mferi ( oen- les passons,
tent. cxxxvi).
Ayant en horreur les hommes qui se livrent à leurs passions, Dieu
les punit en celte vie par la privation de ses grâces, par l'aveugle-
. ment et par l'endurcissement; à la mort, par lïmpénitence finale;
dans L'éternité . par le* flammes de l'enfjr
- ....«
PATER (LE).
«ïience du ~W~ e Pater ou le Notre père est la prière la plu? pirfaite , la plus
Pater.
L
Piihlime, la plus sainte, la plus avantageuse de toute? ,
deux raisons majeures : la première est que le Pater est une
prière composée par un Dieu; la seconde est que dette prière ren-
ferme tout ce que Dieu demande de noUs , et tout ce que nous
avons à demander à Dieu pour nos besoins, quels qu'ils soient......
Le Pater ren- \L y a sept demandes dans le Pater. Les trois premières : Que votre
ferme sept .
îemaodes. nom soit sanctifié , Que votre règne arrive, Que votre volonté soit
faite sur la terre comme au ciel, concernent l'hoaneur, le service,
l'amour , l'adoration dus à Dieu. Les quatre dernières : Donnez-nous
aujourd'hui notre pain de chaque jour, Pardonnez-nous nos offenses
comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés^ Ne nous lais-
sez pas succomber à la tentation , Mais délivrez-nous du mal , con-
cernent notre utilité et embrassent tous nos besoins
Notre Père! Le mot pater , père, s'adresse principalement à la première per-
sonne de la très-sainte Trinité, qui est le Père ; mais ce mot s'a lresse
également au Fils unique et au Saint-Esprit; il s'adresse à l'auguste
Trinité tout entière.
Dieu est notre père, 1° parce qu'il nous a créés...; 2° parce qu'il
nous a rachetés...; 3° parce qu'il nous a régénérés dans les eaux
du baptême...; 4° parce qu'il nous a adoptés pour enfants...;
5° parce que sa providence veille sur nous...; 6° parce qu'il nous a
appelés à l'héritage céleste , nous ayant établis les cohéritiers de
J. C. Que ne donnera pas à ses fils celui qui leur a donné d'être sr>s
fils? dit saint Augustin: Quid enim non det filiis, qui dédit ut /i,'li
essent ? (Serm. m.) Quelle dignité, quelle gloire et quel bonlnur
pour nous de pouvoir appeler Dieu notre père : Pater noster! et qu'il
le soit en effet!... Quel honneur que nous puissions appeler Dieu
notre père , s'écrie saint Cyprien, et que de même que J. C. est le
Fils de Dieu, nous soyons aussi nommés fils de Dieu , fils auxquels
l'éternité est promise 1 Nous ne devons pas oublier que si nous
appelons Dieu notre père, nous devons agir en fils de Di ,
afin que, connue nous sommes heureux d'avoir pour ^cre uûDieuj
?ATER (LE). 623
il soit satisfait de nous avoir pour iils. Conduisons-nous comme
étant les temples vivants de Dieu, afin qu'il devienne évident que
Dieu habite en nous (1).
Notre père , Pater noster..., père de tous les hommes, qui par con-
séquent sont frères Nous sommes donc tenus de prier les uns
pour les autres , de nous aimer comme des frères , de nous secourir
nous entr'aider Saint Ambroise dit: Chacun prie pour tous,
et tous pour chacun. 11 en résulte ce grand avantage, qu'à chacune
des prières de chaque lidèle sont acquis les suffrages de tout le
peuple [c2j.
J. C.j dit saint Cyprien, veut que chacun prie pour tous , comme
lui-même nous a portés tous en lui : Or are unum pro omnibus volait,
quomodo in uno ornnes ipse portavit (De Orat. tract. ).
Priant pour tous, nous avons part à la prière de tous
Vous m'appellerez père, dit le Seigneur par la Louche de Jéré-
mie : Patrem vocabis me (ni. 49).
Dieu, dit saint Thomas, est appelé père: 1° parce qu'il est le
créateur de l'univers, selon ces paroles de J. C. : Je vous rends
gloire, mon Père, Seigneur du ciel et de la terre : Confiteor tibi,
Paler, Domine cœli et terrœ (Matth. xi. 25) ; 2° parce qu'il nous a
adoptés, selon ces paroles de saint Paul aux Romains : Vous avez
reçu l'esprit d'adoption des fds de Dieu, esprit en qui nous crions :
Père , Père : Accepistis spiritum adoptionis filiorum Dei, in quo cla-
rnamus : Abba, Paler ( vin. 15) ; 2° parce qu'il nous a instruits, selon
ces paroles d'Isaïe : Le père fera connaitre à ses enfants la vérité :
Pater fdiis notam faciet ver itatem (xxxm. 19); 4° parce qu'il nous
corrige, selon ces paroles des Proverbes : Le Seigneur châtie
celui qu'il aime , et il se compîait en lui comme dans son fils :
Quem enim ddujit Dominas, corripit ; et quasi pater in filio complacet
sibi (m. xn. — 1.5. art. 7).
(Notre pèr^ aui êtes aux cieux : Qui es in cœlis. Ces paroles signifient Qui êtes aux
ciôux
1° la touie-^uissance de Dieu... ; 2° que Dieu notre père habite le
(1 ) Quantus honor ut Deum pal rem vocemus , et ut est Chrislus Dei Filius , sic et
nos Dei filios nUhcapemiis, quibus :eîernitas repromittitur. Meminisse debemus, quia
quamlo patrem Deum dicimus, quasi filii Dei agere debemus; ut quomodo nos nobis
placemus de Deo paire, sic sibi placeat et de nobis. Converaemur quasi Dei templa,
ut Deum in nobis constet habitare (De Orat. dont.),
(2) Singuli orant pro omnibus, et c-mues pro singulis. Tta magna remuneratio est,
ut oralionibus gingulorum acquiraulur singulis totius plebis sufTragia (JDe Cain.
621 ÏATER (LE).
plus haut des cieux, et que le ciel e?t notre patrie, notre héritage... ;
3° la nécessité d'élever notre âme au-dessus des choses de la terre... ;
4° qu'il ne faut demander et désirer que ce qui conduit au fi A... ;
5° que nous devons nous regarder comme étrangers sur la terre et
mépriser le monde, ses biens, ses plaisirs, ses honneurs et ses pro-
messes... ; 6° que nous devons éviter l'enfer et par conséquent le
péché qui y conduit, et résister au démon qui voudrait devenir notre
père, afin de nous tuer pour l'éternité
Premif»-* de- Qce votre nom soit sancti fié : Sanctificetur nomen tvum. Par ccsparoles
nous demandons d'abord la conservation des grâces que nous avons
reçues au baptême... ; 2° notre sanctification quotidienne... ; 3° que
tous les hommes arrivent à la sainteté... ; 4° que Dieu soit adoré,
servi, aimé par toutes les créatures... ; 5° que tous les divins attri-
buts de Dieu soient célébrés et sa gloire répandue d'un pôle à
l'autre.
Que votre nom soit sanctifié : Sanctificetw nomen tuum. C'est-à-
dire, Seigneur, que votre majesté, votre grandeur, votre puissance,
votre bonté, votre miséricorde, votre justice, votre providence, etc.,
snt connues, bé ies, glorifiées en tous temps et en tous lieux, et
à jamais Que chacun vous loue, vous aime, vous remercie et
vous craigne
becondede- Que votre règne arrive : Âdveniat regnurn tuum. Dans la première
demande, nous témoignons le désir que Dieu soit connu, aimé, servi,
adoré par toutes les créatures, et que nous-mêmes arrivions à la sain-
teté. Dans la seconde, nous exprimons le souhait rie voir rétablir le
règne de Dieu
Il y a quatre règnes de Dieu : le premier est le règne de Dieu su/
toutes les créatures. Votre règne, Seigneur, dit le Prophète royal,
est un règne qui embrasse tous les siècles; et votre empire s'étend
des générations aux générations : llerjnum tuum, regnum omnium secu~
lorum;et dominatio tua in omni générât ionc et generattonem (cxliv. 13).
Le second est un règne mystique, le règne de Dieu dans les âmes
par la foi et par la grâce. Il nous soustrait à la tyrannie du péché,
du démon , du monde et de la chair; et fait naître en nous toutes les
vertus
Le troisième est le règne de Dieu dans le ciel. Quand nous disons:
Que votre règne arrive , nous deman '.ions donc de voir s'ouvrir pouf
nous le règne de Dieu, rémunérateur des saints.
PATER (LE). G23
Le quatrième est le règne de Dieu tel qu'il aura lieu au jugement
universel, règne qui sera le prélude du règne éternel
Qr-E votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel : Fiat voîuntas TroWc-m- de-r
twi sicul in cœlo et in terra. Il y a deux volontés en Dieu : la volonté milude»
absolue et la volonté de désir.
La volonté absolue est celle par laquelle Dieu veut définitivement
une chose; par exemple, la création. A cette volonté, rien ne peut
résister
La volonté de désir est celle d'après laquelle Dieu nous instruit de
ce qu'il veut que nous observions dans sa loi. C'est de cette volonté
qu'il est question dans les paroles du Pater : Que votre volonté soiî
faite : Fiat voîuntas tua. Par ces mots, nous nous souhaitons à nous-
mêmes tous les biens; car les élus qui font pleinement la volonté
de Dieu, sont pleinement heureux et comblés de toutes les richesses
de la divinité
Que votre volonté soit laite. Or , dit saint Paul , la volonté de Dieu
est votre sanctification : II œc est voîuntas Dei , sanctificatio vestra
(I. ïhess. iv. 3).
Quiconque, dit J. C. , fait la volonté de mon Père qui est dans les
cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère : Quicumque
fecerit voluntalem Patris mei qui in cœlis est , ipse meus frater et soror
et mater est (Matth. xn. 50).
Je suis descendudu ciel non pour faire ma volonté, mais la volonté
de celui qui m'a envoyé, dit encore le Sauveur. Or, ceci estL
volonté du Père qui m'a envoyé, que de tout ce qu'il m'a donné,
rien ne se perde; mais que je le ressuscite au dernier jour. Ceci est
la volonté du Père qui m'a envoyé, que quiconque voit le Fils, et
croit en lui, ait la vie éternelle; et moi je le ressusciterai au dernier
jour (Joann. iv. 38-40).
La volonté de Dieu que J. C. a faite et qu'il a enseignée , dit saint
Cyprien , c'est L'humilité dans la conduite , la stabilité dans la foi, la
modestie dans les paroles , la justice dans les actes, la miséricorde
dans les œuvres, la discipline et la sagesse dans les mœurs; c'est ne
pas savoir faire une injure, et pouvoir supporter l'injure reçue;
c'est avoir la paix avec tous et aimer Dieu de tout son cœur, l'aimer
en tant que père et le craindre en tant que Dieu; préférer J. C. à
tout, car il nous a préféré lui-même à tout; adhérer inséparablement
à son amour; s'attacher fortement et avec confiance à la croix; et
quand il est question de son nom et de son honneur, montrer de la
m. *o
626 PATER (LE).
fermeté à lui rendre témoignage dan? no? paroles, delà constance à
combattre pour lui, et de la patience à la mort, afin d'être couronné.
En agissant ainsi , on devient le cohéritier de J. C. ; on accomplit le
précepte du Seigneur; on fait parfaitement la volonté du Père
céleste (De Orat. dom.).
Nous devons conformer notre volonté à celle de Dieu : \° dans
notre conduite, c'est-à-dire vouloir ce qu'il veut, obéir à sa loi...;
2° dans nos pensées, nos projets, nos aspirations. Ici, comme dans
nos actes, notre volonté doit avoir celle de Dieu pour objet, c'est-à-
dire lavoir en vue et ne voir qu'elle : par conséquent elle doit ne
vouloir que des choses bonnes, conformes à la droite raison, à la
conscience éclairée; et même dans ces conditions, ne les vouloir
qu'autant qu'elles pourraient plaire à Dieu.
Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Les élus
dans le ciel font et feront éternellement la volonté de Dieu d'une
manière admirable et parfaite ; ce sera leur bonheur. Il faut, autant
qu'il est en nous, prendre les élus pour modèles. Oh! que les
hommes seraient heureux s'ils ne cherchaient que la sainte volonté
de Dieu! Dieu ferait lui-même la volonté des hommes, qui seraient
tous des saints; et la terre se changerait en paradis !
Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Par lo
mot terre on entend aussi le corps; et par le mot ciel, l'esprit.
Dans ce sens, en récitant ces paroles du Pater , l'homme i
que son corps fasse la volonté de Dieu, aussi bien que son esprit;
ou, comme le dit saint Cyprien, que le corps soit soumis à l'esprit
comme l'esprit l'est à Dieu (De Orat. dom. ).
D'autres, par le mot terre, entendant les pécheurs; et par le mot
eicl, les justes. Selon cette explicati m , le passage du Pater dont il
question, contiendrait le souhait que les pécheurs lissent la
volonté de Dieu comme la font les ju
far le ciel, saint Augustin entend J. C. ; et par la terre , l'Église
fpflUS ce qui donne la demande : Que l'Église, ô mon
Di.îii, accomplisse votre volonté comme J. C, l'a accomplie (De Orat.
dom. ).
La paix, le repos, la joie, la sainteté, la perfection du chrétien
consistent à faire abnégation de sa volonté pour se conformer à celle
de Dieu. is la prospérité , soitdans L' dversîtéj soit da la
fanté, soit dans les maladies ; soitdans la vie, soit dans la n
Qu'est-ce que Dieu déteste et punit , sinon la volonté propre? dit
saint Dernui J. Que cette vol -e, et L n'y aura plus d'enfer :
PATER (LE). fi27
Q.'.'JmJ'' rnhttcm? Cesseû voïvnfaa pnopvia , et
infernus noti crit (Sera}, de iNvorrcet. ).
Une entière conformité à la volonté divine, dit le même Père, unit
l'âme au Verbe comme l'épouse l'est à son époux : falis enim con-
iVerttQ($èer t. xxvui in Cant;).
iritable épouse , une épouse digne de ce nom , ne
veut que ce qui plait à son époux; et que , de son côté ,■ l'époux ne
fait rien qui puisse déplaire à sxi épouse : ainsi lame qui veut être
le J. C, ne veut que ce qui plait à J. G.; et celui-ci ne fait
ai Un déplaise. 0 riche use union
La volonté de Dieu étantex 't parfaite, il n'.y. a rien d'auss:
avantageux quedes'y sou:*.; froment. Agir ainsi, c'est aller
à une ha.. ■'.[ c'e^t i'a\oir atteinte, car toute la
perfection est là, et elle n'est que là
Dieu sait très-bien ce qui nous convient, ce qu'il nous faut et tout
(â qui peut nous rendre heureux , soit pour le temps, soit pour
l'éternité, tandis que nous l'ign; . lus sommes d; . :
aveugles et ennemis de nous-mêmes , quand nous m otre
vol n,é à la place de celle de Dieu. Quarrive-t-il aku no
La volonté de Dieu , ni la nôtre Pharaon -■> e sa
dé et il résiste à celle de Die.:; tiil aboutit Moïse
fait en tout la volonté de Dieu; admirez comment cà son tour Dieu
fait celle de Moïse, en Egypte, au bord de la mer Rouge, et .".ans le
désert. Les anges rebelles refusent de faire la volonté de Dieu , que
deviennent-ils?... Adam suit ia même voie, quel est son so:v? ..
Donnez -nous aujourd'hui notre pain de chaque jour : Panem Quatrième
noslrum quoi idianum da nobis hodie. Par cette qu demande 1Mll<Je'
nous prions Dieu de nous accorder tout ce qui e: à la
vie de notre âme et à celle de notre corps
Nous demandons ce qui e. a ::. autres
Les rois aussi bien que 'es der ' ' leurs sujets sont les m -
diants de Dieu. Le mendiant vous; demande l'aucvàne, dit saint
Augustin ; et vous êtes voi ant de Dieu : Petit a te
licus, et tu es Uei .. . Que vous demande le men liant?
du pain; et vous que d - s à Lieu, :i ion J. C, qui dit :
Je suis le pain vivant descendu du ciel? Quid a te petit mendiai*?
m; et tu , quid pelis a Dco , nisi Christian, qui di.at : Ego sum
vfvus qui de cœlo de^cendt'/ (Serm-
th..)
G28 PATER (LE).
Donnez-nous notre pain : Panem nostrum. Le prûn , dit saint Gré-
goire, est un don de Dieu; il est à nous, parce que Dieu nous le
donne, et que nous l'acceptons (Ilomil. in Evang.)*
Donnez-nous notre pain, panem ; nous ne demanderas pas autre
chose ; car le pain seul suffit... :1e pain du corps..., le pain de 1
Nous le demandons pour nous et pour les autres : Donnez-n us;
et non donnez-moi : Da nobis. Donnez-nous notre pain de chaque:
jour, guotidianum. Nous ne demandons pas le pain du lendemain;
car le lendemain n'est pas à nous. Par là, Dieu nous enseigne à ne
pas amasser sous l'inspiration de l'avarice et à ne pas nousinqu
de l'avenir
Le mot pain renferme la santé, le vêtement, le logement, été
Donnez-nous aujourd'hui , hodiè ; il nous est nécessaire, et néces-
saire présentement.
Nous demandons le pain matériel...; mais nous demandons sur-
tout le pain spirituel de l'âme : la grâce..., l'eucharistie..., lo
salut..., la gloire éternelle
de- Pakdonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui
nous ont offensés : Dimitte nobis débita nostra, sicut et nos dimittimus
debiioribus nostris Dans les quatre premières demandes nous s 1-
licitons des biens; dans les trois dernières, nous demandons l'éloi-
gné m ont des maux
Pardonnez-nous : Dimitte nobis; car nous sommes tous plus ou
moins coupables De peur, dit saint Cyprien , de peur que
quelqu'un ne se complaise en lui-même, s 'imaginant être innocent,
et qu'il ne s'épargne, enivré d'orgueil , la voix divine lui apprend,
lui révèle qu'il pèche chaque jour, puisqu'il lui est ordonné d'im-
plorer chaque jour le pardon de ses péchés : Ne guis sibi quasi innocens
placent, et se exlollendo plus parcat , instruilur et docelur peccare se
yuotidie, dum quotidie pro peccatis orare jubetur (De Orat. don.).
Pardonnez-nous nos péchés : Débita nostra. Le péché est le prin-
cipe de la plus grande dette que l'homme puisse contracter ei
Dieu, à cause de l'injure infinie qu'il fait à Dieu Celte injuiv est.
si grande, que ni l'homme . ni l'ange, ni aucune créature n'a pu la
réparer Il a fallu pour cela q uc 1 e ■ fil homme et répandit
son sang sur la croix
Pardonnez-nous comme nous pardonnons à ceux qui nous ont
offensés : Sicut et nos dimittimus debiioribus nostris. Voilà la < i
le Dieu attache notre pardon. Si nous voulons qu'il
PATER (LE). G23
pardonne, nous devons pardonner Il résulte de là qu'en pronon-
çant res paroles du Pater, ce!ui qui conserve de la haine ou des
désirs do vengeance dans son cœur, et qui refuse de les rejeter, pro-
nonce son jugement et sa condamnation. Car, dit J. C, si vous
remettez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous remet-
tra les vôtres; mais si vous ne remettez pas les leurs aux autres,
votre Père céleste ne vous remettra pas non plus les vôtres (1). Par-
donnez, et vous serez pardonné : Dimittite et dimit ternira (Luc. vi. 37).
Car on usera pour vous de la même mesure dont vous aurez usé pour
les autres : Eadem quippe mensura qua mensi fueritis, remetietur vobit
(Luc. vi. 38).
Et ne nous laissez pas succomber à la tentatioD : Et ne nos inducas sixième m.-
in tentationem. Remarquez qu'il n'est pas dit : Délivrez-nous de la maudj'
tentation; car, par elle-même, la tentation n'est pas un péché;
autrement J. C. n'aurait pas permis au démon de la lui faire subir.
L'unique mal qui puisse se trouver dans la tentation, c'est d'y con-
sentir. Le mal vient de la volonté de l'homme qui s'abandonne aux
sollicitations de la chair et du démon; la tentation est un bien : elle
éprouve, elle excite la vigilance, elle porte à se défier de soi-même
et à fuir le danger; elle est la cause de grands mérites pour ceux
qui la combattent. Aussi les grands saints ont été ordinairement les
plus tentés. Succomber à la tentation , c'est se perdre : y résister ,
c'est plaire à Dieu qui aide à vaincre; c'est orner sa couronne,
accroître sa récompense, s'assurer le salut, aller au ciel Les
apôtres enseignaient que par beaucoup de tentations il nous faut
entrer dans le royaume de Dieu : Per multas tribulationes oportet nos
intrare in regnum Dei ( Act. xiv. 21 . )
Ne nous laissez pas succomber a la tentation; c'est-à-dire : Sei-
gneur, je ne vous demande pas de m'en délivrer, si telle n'est pas
votre volonté; mais faites-moi la grâce d'y résister, de vaincre, de
sortir triomphant du combat Ces paroles nous indiquent qu'il
faut craindre, et ne pas nous lier à nos forces Elles nous avertis-
sent du besoin constant que nous avons de la prière et de la grâce de
Dieu pour ne pas prêter l'oreille à la tentation et y succomber
Sans moi, dit J. C, vous ne pouvez rien faire : Sine me nihil pote-
stis facere (Joann. xv. 5). Je puis tout, dit le grand Apôtre, en celui
(11 Si enim flimi?eritis bominibus peccala corum, dimiltet et vobis Pater veste*
is delicta vestra. Si autem non dimiseritis bominibus, née P;iler Tester di
G30 PATER (LE).
qui me fortifie : Omnia possum in co qui me confortât ( Philipp. rv. 43).
Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous? dit encore l'Apôtre :
Si Deux pro nabis , guis contra /?o.;.v ( Rom. vin. 31.)
Ne nous laissa pas succomber à la tentation : 1° du démon}*,.
2° du moule;... 3° de la chair;... 4° des misères de cette vie;...
5° du péché
Septième de- MAft délivrez-nous du mal : Sed libéra nos a malo , c'est-à-dire du
mande. r/fafoé ici oieu nous ordonne de demander notre entière déli-
vrance du péché.; parce que, de sa nature, le péché est mauvais,
tan lis que la tentation ne l'est pas
Par ces paroles, nous demandons aussi detre préservés des maux
du corps, de la maladie, etc.; mais nous ne demandons c
qucconditionnellement, si c'est le bon vouloir de Dieu; car les maux
du corps ne sont pas des péchés. Il en est autrement dos maux de
l'Ame, qui 66 ré. luisent au péché, parce qu'il n'y a que le péché qui
puisse lui nuire et ta souiller; aussi demandons-nous que le Bel»
ur nous en délivre.
Muu-.i iimon.
Aixpi soit-il : Amen. Ce souhait qui termine le Pater est une courte
et brûlante prière qui demande l'accomplissement de tout ce
renferme le Notre père. Que votre nom soit sanctilié; ainsi soit-il.
Que votre règne arrive; ainsi soit-il. Que votre Volonté soit l'ail.
la terre comme au ciel; ainsi soit-il. Donnez-nous aujourd'hui notre
pain de cha ne jour; ainsi soit-il. Par tonnez-nous comme nous
donnons; ainsi suit-il. Ne nous laissez pas succomber à la tentation;
ainsi soit-il. Délivrez-nous du mal; ainsi soit-il;
Remarquez que, dans le Pater, il n'est pas nominativement qui -:-
tion de génie, dosante, de adgesse humaine, de force,
d'épouse, d'enfants* d •, d'honneur, de gloire et d
biens de la nature, parce :;. ela est in lii érent, et qu'on ne
g choses ou quelqu'un qu'autant
qu'elle- ; utiles à la gloire de Dieu, i ', au
salut et à la sac îtification ; i
Le Pater, dil avec ferveur, est un a vertus. On fait
un acte de foi par ces paroles : - a lui. On fait
un . ;:ce en dii :
mt: n fait uu
>"
i re comme auc • a dcr<
pateh (le). 631
Donnez-nous notre pain de chaque jour; un acte de charité frater-
nelle en disant : Pardonnez-nous comme nous pardonnons; un acte
tinte de Dieu et de défiance de soi-même par ces paroles : Ne
lions laissez pas succomber à la tentation. Enfin, on fait un acte de
contrition et de détestation du péché en disant : Délivrez - nous du
mal. Le Pater ou Notre père renferme donc les vertus de foi, d'espé-
rance, d'amour de Dieu et du prochain, d'obéissance, d'humilité,
de crainte de Dieu , de pureté , de contrition Heureux par consé-
quent celui qui fait souvent, avec attention et ferveur, cette admirable
et précieuse prière !...
Y orcï le Pater de sain t François d'Assise qu'il récitait à chaque heure Pater
de la journée : Très-saint notre père , notre créateur, notre rédemp- François d'As,
teur, notre sauveur , notre consolateur ; qui êtes aux cieux, dans *'***
les anges, dans les saints; les éclairant afin qu'ils vous connaissent,
parce que , Seigneur , vous êtes lumière ; les enflammant de votra
divin amour, parce que, Seigneur, vous êtes amour; habitant en
eux j et les remplissant de bonheur", parce que, Seigneur, vous êtes
i ien suprême et éternel, de qui viennent tous les biens et sans
lequel il n'y a aucun bien véritable. Que votre nom soit sanctifié;
faites- vous connaître à nous, afin que nous n'ignorions pas la lar-
geur de vos bienfaits, la longue étendue de vos promesses, la hauteur
de votre majesté, et la profondeur de vos jugements. Que votre règne
arrive , afin que vous régniez en nous par votre grâce , et que vous
nous fassiez parvenir à votre royaume, où se trouvent la claire
vision, le parfait amour, la bienheureuse société et l'éternelle pos-
session de vous-même. Que votre volonté soit faite sur la terre comme
au ciel , afin que nous vous aimions de tout notre cœur , pensant
constamment à vous; de toute notre âme, vous désirant sans cesse;
de tout notre esprit, dirigeant vers vous toutes nos intentions et
cherchant votre honneur en toute chose; de toutes nos forces,
appliquant toute notre énergie et toutes les facultés de notre âme et
de notre corps à l'exercice de votre amour et non ailleurs; afin ;
que nous aimions notre prochain comme noi > l'excitant de
ton', notre zèle à vous aimer, nous réjouissant du bonheir* des autres
comme du nôtre , compatissant à leurs maux et n'offensant personne.
Donnez -nous aujourd'hui notre pain quotidien : donnez -nous
aujourd'hui Notre-Seigneur J. G. voire Fils, en nous portant à rap-
peler ire . à c mprendre et à honorer l'amour qu'il
nous a témoigné, ainsi que tout ce qu'il a fait, dit et enduré ; ur
632 PATER (LE).
nous. Pardonnez-nous nos offenses, par votre miséricorde, et l'ineffa-
ble vertu de la passion de votre Fils bien-aimé Notre-Seigneur J. G. , et
par [es mérites et l'intercession de la bienheureuse vierge Marie, et
de tous les saints. Pardonnez-nous comme nous pardonnons à ceux qui
nous ont offensés. Et parce que nous ne pardonnons jamais assez, fai-
tes, Seigneur, que nous pardonnions entièrement, que nous aimions
nos ennemis pour l'amour de vous, et que nous intercédions dévote-
ment pour eux ; faites que nous ne rendions à personne le mal pour le
ma!, et qu'avec votre aide nous puissions leur être utiles en toutes
choses. Ne noos laissez pas succomber à la tentation, soit cachée, soit
évidente, soit soudaine et passagère, soit persévérante et importune;
mais délivrez-nous du mal, passé, présent et futur. Ain-i scit-il,
selon votre volonté, Seigneur, et comme il vous sera agréable
[BMolh. SS. Patrum , t. V ).
PATIENCE.
a patience, dit le grand Apôtre aux Hébreux, vous est nécoç- Ncce?sii
saire, afin que, Taisant la volonté Je Dieu, vous remportiez le PaUeucc«
JE A prix promis : Patienlia vobis necessaria est, ut voluntatem Dci
facientes. reportetis promissionem (x. 3G).
Si vous supportez patiemment les épreuves en faisant le bien,
c'est une grâce près de Dieu, dit l'apôtre saint Pierre. A cela vous
a\ez été a} pelés, [arec nue le Christ a souffert pour vous, vous lais-
sant un exemple , afin que vous suiviez ses traces (1).
Soyez patients avec tous, dit saint Paul : Patientes estote ad omnc$
(I. Thess. v. U). Nous avons tous constamment besoin de patience ;
car tout ici-bas l'exerce. Comme le grand Apôtre, nous sommes
éprouvés et en péril dans les voyages, sur les fleuves, du côté des
voleurs, parmi les nôtres , dans les villes, dans la solitude, du eut:.'
des faux-frères (I. Cor. xi. 26. 27 ). Que de travaux, de chagrins, de
veilles, de privations, da souffrances, de déceptions! A combien
d'attaques de la part de l'envie, de la jalousie, de la médisance, Ù3
la calomnie, de la haine ne sommes-nous pas exposés ? Le démon, la
mon te, la concupiscence ne cessent de nous taire la guerre. Sans la
patience, que deviendrions-nous?
Si notre patience est exercée, si elle nous est nécessaire, ce n'est
pas chose nouvelle. Par suite de la chute d'Adam, tous les homme^
ont à souffrir.
Le monde est un lieu d'exil; c'est une terre étrangère, maudite,
couverte de ronces et d'épines, qu'habitent les pleurs, et toutes les
misères, les maladies et la mort. Tous les enfants d'Adam sont appe-
lés à subir mille afflictions diverses. A tous, sans exception, il faut
donc la patience : Patientia vobis necessaria est ( Hebr. x. 36 ).
Qu'y a-t-il de plus doux et de plus patient que les brebis et l'agneau? Exempts
Quelque mal que vous leur tassiez, jamais ils ne se plaignent. Or, donné?'1-™
les prophètes comparent le Sauveur à ces deux emblèmes de *mC\1'}
patience et de douceur. Il a été sacrifié parce qu'il l'a voulu, dit
(1) Si benc facientes patienter suslinetis, haec est gratia apud Deum. In hoc enira
•vocali eslis : quia etClu-istus passus est pro nobis , vobis relinqucns exe;nplum, u<
sequaaiinj vestigia ejus (I. u. 20, il ).
saints.
534 PATIENCE.
Isaïe parlant de J. C. , et il n'a pas ouvert la bouche; il sera conduit
à la mort comme une brebis ; il sera muet comme l'agneau entre les
mains de celui qui le tond : Oblatus est quia ij,sc coluit , et non ape-
ruit os suum : slcut ovis ad occisionem ducetur, et quasi agnus coram
tondenle se obmutescet (lui. 7).
El moi, dit J. C. par la bouche de Jérémie, j'ai été comme un
doux agneau qu'on porte à l'autel : Et ego quasi agnus mansuetus
gui port atur ad victimam (m. 19).
Seigneur, s'écrie Isaïe parlant du Messie, envoyez l'Agneau qui
régnera sur la terre : Ernitte Agnum domînalorêm terrœ (xvi. 1 ).
Saint Jean-Baptiste voyant venir à lui J. C, s'écrie : Voici l'Agneau
'Je Dieu : Ecce Agnus Dei ( Joann. i. 20).
Voyez quelle admirable et constante patience J. C. a montrée, sur-
tout durant sa passion Si ce diun pasteur a été immolé comme
un agneau, sans faire entendre de plainte, que le troupeau Sache
marcher sur ses traces.
Job sur son fumier, Abraham tant éprouvé, Joseph vendu par ses
frères, David persécuté, Tobie devenu aveugle, Daniel dans la fosse
aux lions, Suzanne calomniée, Lazare couvert d'ulcères, etc., sont
des modèles d'une patience inaltérable
Etudiez la vie et la mort des apôtres, contemplez les millions
de martyrs qui ont enduré tous les tourments avec une patience
d'agneau
L'abbé Etienne était si patient, que celui qui l'insultait ne pon-
dait S'empêcher de voir et de croire que ce saint l'aimait. 11 poussait
la vertu jusqu'à remercier ceux qui le faisaient souffrir (Surius,
in cjus vit a).
L'empereur Théodose donna un bel exemple de patience quand il
porta ledit suivant : Si quelqu'un s'échappe jusqu'à diii'amer notre
nom, notre gouvernement ou notre conduite, nous ne voulons |
qu il toit sujet à la peine ordinaire portée par les Lois, ou que nos
officiers lui fassent Souffrir aucun traitement rigoureux ; car si
par légèreté qu'il ait mal parlé de i it le mépriser; si c'est
par une aveugle folie, il e.-! digne aë compassion; et si c'est par
malice , il faut lui pardonner {iiist. Ecoles.).
La vie des saints est rétablie impies de la plus gubli
patience
L APOTRE saint Paul énumère douze motifs qui doivent non
n cmlre - . .. .
a pratiquer la patience : Le premier, c nous soin
PATIENCE. 635
héritiers cîe Dieu et ftôMrîllêrê de J. C, si toutefois nous prenons
patien le avec lui et à son exemple : Hœredes Dei, cohœredes autem
Christi, si tamen compatimur (Rom. tiii. 17). Le second, c'est qu.D
si nous prenons patience, nous ,'orifiés : Si compatimur, ut
ctconglorificcmvr (Rom. vin. 17). Le troisième, c'est que les souf-
frances de ce temps ne sont pas en proportion de la gloire futurs
qui sera révélée en nous : Non sunt condignœ passiones hujus temporis
ad futùram gloriarri quœ rcvelabitur in nobis (Rom. vin. 18 ). Avec la
patience dans les épreuves et les afflictions, on acquiert la gloire
i'lle; c'est, infiniment plus que si l'on achetait le mond:
entier avec une obole. Le quatrième, c'est que, supportées avec;
ice, les tribulations momentanées et légères dïci-bas opèrent
en nous, au-dessus de toute mesure, un éternel poids de gloire :
Id etlim quod in pressenti est momentaneum et levé tribulationis nostrœ,
supra modum in sullimltate œtermtm gloriœ pondus opère tur in nobL
(Iï. Cor. iv. il). Le cinquième, c'est que les créatures ont l'assu-
■ rj'être délivrées de la servitude de la corruption : Quia et
ip creatura liberabitur a servitute corruptionis (Rom. vm. 21).
Cette certitude doit nous encourager à la patience. Le sixième, cYs-
que de la servitude delà corruption, nous passerons à la liberté de
la gloire des enfants de Dieu : A servitute corruptionis in libertatem
gloriœ 'filiorum Dei (Rom. vin. 21). Le septième, c'est que toute
créature gémit et souffre : Scimus enim quod omnis creatura ingemi-
scit et parturit usquè o.dhuc (Rom. vm. 22). Depuis le commence-
ment du monde, les créatures ont connu la douleur ; l'homme qui
n'a que peu de temps à souffrir doit donc prendre patience e! h
pas chercher une exemption de maux qui n'atteindrait quel n. Le
huitième, c'est que nous attendons la rédemption de notre co • ? :
L\j:<..ectantes redemptionem corporis nostri (Rom. vin. 23 ). Par la
patience, ce corps chargé d'infirmités deviendra impassible et glo-
rieux. Souffrons donc avec joie. Le neuvième, c'est que notre salut
vient de l'espérance : Spe enim salvi fâcti sitmns ( Rom. vm. ù'. .
Puisque nous devons avoir le ferme espoir d'être bientôt délivrés et
sauvés, nous devons aussi ne pas nous impatienter ni nous décou-
rager. Le dixième, c'est que l' Esprit-Saint aide notre faiblesse et
demande lui-môme pour nous avec des gémissements ineffables:
itus adjuvaî infirmitatemnostram ; ipse S piritus postulat pro nobis
gcmiiibus inenarrabilvjus (Rom. vm.2o). Comment, avec un tel aide,
pouvons-nous murmurer et nous plaindre ! Le onzième, c'est que
nous savons que pour ceux qui aiment Dieu, tout coopère au bien :
036 PATTENCE.
Scimus autem quoniam diligentibns Deum, omnia cooperantar in bonum
^Rom. Tiir. 28). Ainsi les opprobres, l'indigence, les maladies, les
persécutions et tous les maux tournent à notre avantage, si nous les
acceptons avec re'signation pour l'amour de Dieu. Le douzième, c'est
que ceux qui sont patients par amour de Dieu sont prédestinés
(Rom. vin. 20. 30). La patience assure donc notre salut et notre
bonheur éternel
Tout païen qu'il était, Bion disait que c'était un grand mal do
n'avoir pas la patience dans les maux; car sans la patience, il n'y a
pas de moment heureux dans la vie (Diog. Laert. de Vit.PIdL, lib.
IV, c. vu).
Lassez par votre patience la méchanceté d'autrui, dit Tertullien :
Fatigetur aliéna improbitas patientia tua (De Palientia, c. vm). Pour
moi, ajoute-t-il, je serai patient en toutes choses; autrement mon
impatience serait mon bourreau: In omnibus patiens ero, alioquin
cruciabor in impiatientia mea.
Parlant des cruels tourments que le tyran Dacien fit souffrir à
saint Vincent, diacre et martyr, saint Augustin dit : Tout est passé,
et la colère de Dacien, et les souffrances de Vincent. Mais mainte-
nant les tourments sont pour Dacien, et la couronne pour Vincent :
Jam illa omnia transierunt, et ira Daciani, et pœna Vincent ii. Nunc
autem pœna Daciano, corona vero manet Vincentio (Serm. cclxxiv iu
S.Vincent.).
Envoyé en exil et voyant les chrétiens pleurer sur son passage,
saint Athanase dit : Courage, mes enfants, c'est un léger nuage qui
bientôt disparaitra (Ilist. Eccles.).
Attendez patiemment le Seigneur, et il vous délivrera, dis "it le.;
Proverbes : Exspecta Dominum, et liber ab'U te (xx. 22).
fTcf-npin-e j\ous sommes maudits, et nous bénissons; persécutés, et nous le sup-
m^rtS?' portons; injuriés, et nous prions, dit saint Paul: Maledicimur, et
qu'elle opère, bçnedicimus ; persecutioncm patimur, et suslinemus; blasphemamur, et
obsecramus (l. Cor. iv. 12-13). En tout, dit encore le grand Apôtre,
nous sommes froissés, mais non brisés; retardés, mais non arrêtés;
persécutés, mais non délaissés; abattus, mais sans périr : In omnibus
tribulationem patimur, sed non angusliamur; nporiamur, sednon destin
tuimur; persecutionem pâli mur, sed non derclinquimur ; dejicimur,sed
nonperimus (IL Cor. iv. 8. 0). Voilà les services que rend la pratique
de la patience et les merveilles qu'elle opère !... Lorsqu'elle rencon-
trera la patience, toute injure, faite soit avec la langue, soit avec la
PATTÈNCE. 621
main , aura le sort du trait lancé contre la pierre la plus dure, dit
Tertullien (i).
Une once de patience vaut mieux qu'une livre de victoire, dit le
cardinal Bellarmin (Comment. inPsal.).
Germon dit excellemment : Comme l'arche de Noé s'élevait à
mesure que Jes eaux du déluge croissaient; ainsi l'àme pleine do
patience s'élève à mesure que les tribulations grandissent (2).
Celui dont la patience ne peut être vaincue prouve qu'il est par-
fait, dit le vénérable Bède : Cvjus patieniia vinci non potest, Me per-
fectus esse probalur (In S. Jac. Comment. ).
Portée au plus haut degré, la patience désire les insultes et les
souffrances, de quelque manière qu'elles viennent, et quelques
graves qu'elles soient
L "épreuve de la foi engendre la patience, dit l'apôtre saint Jacques .
la patience produit une œuvre parfaite ; de telle sorte que vous soyez
accomplis, juîtes, et ne manquant de rien : Probatio fulei patient iam
operatur; patientia autem opus perfectum habet, ut sitis perfecti , et
integri, in nitllo déficientes (i. 3. A ).
La patience rend parfait de plusieurs manières :
Premièrement, supportant tout, et persévérant jusqu'à la fin , la
patience doue l'homme de vertus consommées, et elle les lui con-
serve. La patience peut se comparer au toit des édifices qui garantit
de la chaleur et du froid leurs habitants; aux sacs pleins de laine
qui amortissent le coup des boulets, etc Sans la patience , il n'y
a point de vertu; car toutes les vertus sont le résultat d'épremes
subies; or, la patience est nécessaire pour supporter quelque
épreuve que ce soit
Secondement, la patience aide l'homme à achever sa course et ù
atteindre l'extrémité de la lice ; elle lui met sur la tète une riche et
divine couronne. La patience dont parle l'apôtre saint Jacques est
la persévérance dans les souffrances; c'est cette patience qui produit
un e œuvre pariai te
Troisièmement, la patience est un bouclier et un casque qui
repousse et brise tous les traits des ennemis du salut et des passions.
ijuria,seu lingna, scu manu incuba , cum pntienliam oflendcrlt,
Lu dispangetur, quo telum aliquod in pelra: constaulissimae duriîiem libra-
tum {Lib. de Patientia, c. Ylll).
(2) Ut arca Noe, quo niagis abundarent aqune diluviî , tanto allias ferebalur; si -
ipansuelus atumus , qao majores erunt tribjlxiionis aquas , taulo erit excelsiof
(Part. II, Serm. de Omnibus sanctis ).
638 patience.'
Elle éloigne tous les maux, unit des bl-:-.soppor
Il en résulte pour l'âme une douce et précieuse paix. L'hotume
patient est maître de lui-même et de ses affections; il leur commande
en roi. Un tel homme n'est -il pas parfait? C'est ce qu'exprima
J. C. quand il dit : Vous posséderez ves : In
patientia vestra passidebitis animas vestras ( x\i. 10). Et
Heureux les patients et les doux, parce qu'il- rout la t
Beati mites, quoniamipsi possidebunt tara/m ( Malth. T. A).
Il est dit, fait remarquer saint Thomas, il est dit que l'homme
possédera son âme par la patience ; parce que coite vertu détruit entiè-
rementlespassionsquirendentmalheureux: par e la 'ri-
ia colère, l'envie, la vengeance, etc., passions qui kule versent
l'âme (2. 2. q. 136. art. 2).
Sans la patience, les vertus ressemblent ù une muraille sans
ciment, qui ne tarde pas à s'écrouler
Quatrièmement, rien ne manque à celui qui alapaiience : elle
supplée à tout ce qui lui fait défaut, et le conduit in.
un haut degré de sainteté; ce. qui fait dire à saine Grégoire : La
patience est la racine et la gardienne de toutes les m tIlis : Patientia
est radix et custos omnium vïrtutum (Homil. xxxv). Elle est lava
et la gardienne de toutes les vertus, d'abord, parce que les adw\
que supporte merveilleusement la patience, él l'ai m air-
propre, cause de toute imperfection et de tout mal; puis, parce
que la patience produit six œuvres parfaites: l°elle subjugue la colère,
la jalousie et les autres passions...; 2> elle éprouve l'homme et ses
vertus...; 3° elle s'éprouve elle-même...; 4U elle procure la joie de
l'esprit...; 5° elle gouverne toutes les actions de l'homme, de telle
sorte qu'en chacune il soit modéré et circonspect...; 0° elle a
la vie étemelle.....
Cinquièmement, la patience rend parfait, ut sitisperfecti, intenri,
in nullo déficientes , parce que , semblable au tronc de l'arbre qui
porte les branches, les feuilles, les lieu rs et les fruits , elle porte
tout le poids de l'homme et de ses vertus, tout ce qu'il y a de péni-
ble et de lourd dans la vie : les contradictions, les peines, les
souffrances, les humiliations, les privations, etc. ; elle lui cous* rve
un esprit, une parole , un visage calmes et paisibles. Aussi Cl
d'Alexandrie assurc-t-il que la patience nous procure tout bien:
Omnc bonum patientai /.éditât ( Ilomil., t. 1 j.
Sixièmement, la patience a Dieu pour guide et, - rpre?s;oit
de Tertuliien, pour dépositaire. Dieu, dit ce grave auteur, devient
PATIENCE. 639
pour la patience un admirable dépositaire; si vous remettez entre
ses mains une injure qu'on vous aura faite, il en sera le vengeur;
si un dommage, il le réparera; si une douleur, il la guérira; si
votre dernier soupir , il vous ressuscitera. Autant que la patience le
veuf. Dieu se fait son débiteur (1).
Saint Augustin compare la patience à une harpe, dont les tribula-
tions seraient les cordes harmonieuse?. En effet, dit-il, tout acte île
patience e?t un hymne agréable à Dieu; que si vous vous laissez
abattre dans les tribulations, vous avez brisé votre harpe : Omnis
enim paticntia didcis est Deo; si av.tem in ipsis tribulationibus defece/is ,
citharam fregisti (In Psal. xlîi ).
Septièmement, la patience produit une œuvre parfaite : Pattentia
opns perfection habct; car son œuvre par excellence c'est l'acceptation du
martyre , c'est-à-dire l'acte le plus noble et le plus beau que l'homme
puisse accomplir avec l'aide de Dieu. La patience enfante les confes-
seurs de la foi et elle les couronne. Sa vie elle-même est un martyre.
La patience triomp'ie de tout, même de Dieu
Huitièmement, la patience nous rend très-semblables à J. C.,qui
est la patience par excellence
Neuvièmement, celui qui souffre les maux avec patience, les
change en biens; il sort de cette épreuve victorieux, purifié et
très-bon.
La patience est un remède à tous les maux; car par elle nous
nous unissons à Dieu qui est tout bien.
Montrer de la patience, surtout dans les injures, les oublier, par-
donner, combler de biens ceux qui exercent notre longanimité en
nous faisant du mal, c'est une œuvre vraiment royale, ou plutôt
divine.
Il appartient, dit Sénèque, il appartient à un grand cœur d'être
calme, tranquille, et de mépriser les injures et les offenses. Se livrer
aux emportements de la colère est le propre d'une femme : M/ifjni
anima est propriv.m, placidum esse, tranquillum ; et injurias atque
offensiones despicere. Mv.liebre est furere in ira (In Prov.). Voilà de
quelle manière les païens eux-mêmes considéraient la patience.
Le juste ne s'attriste d'aucun événement, disent les Proverbes :
A'on contrisfobit jnsfum quidquid ei acciderit (xn. 21 ). L'Ecriture ne
(1) Adeo satis kloneus patientiae sequester Deus : si injuriait! deposueris , pênes
eum ultor est ; si damnum , restitutor est; si dolorem , meJicus est; si mortem ,
resuscitator est. Quantum patientiae licet , ut Deum habeat debitoreui [Lib. de
Pattentia , c. xvj.
C40 PATIENCE.
dit pas qu'il n'arrive aucun mal au juste qui se fait remarquer par sa
pat'ence. Nous voyons souvent le contraire : ainsi Job, Joseph,
David, Tobic, Daniel, etc., ont été soumis aile grandes tribulations.
Mais l'Ecriture dit : La patience et l'égalité d'âme du juste sont
au-dessus de toute épreuve; il supporte avec résignation, joie, éner-
gie, toutes les tribulations qui lui viennent soit de Dieu, soit des
hommes, soit du démon, soit de toute autre créature, soit même de
son propre fonds. Aucune affliction ne le trouble, aucun chagrin ne
l'abat ni ne s'empare de lui; mais au milieu de toutes les adversités,
il reste debout, ferme, inébranlable, patient et plein de dou-
ceur; caria patience est le vrai remède des maux de la vie. Préparez
votre âme aux épreuves, et vous serez heureux; le persécuteur no
peut vous enlever le bonheur que procure la patience et que Dieu lui
a promis.
Saint Thomas enseigne que, dans J. C. et dans les justes, la tris-
tesse a consisté à prévoir et à ressentir les maux, mais non à s'en
troubler (2. 2. q. 136. art. 2).
Les causes pour lesquelles le juste ne se trouble ni ne s'afflige de
rien , sont :
Premièrement, le pou de cas quïl fait de toutes les choses de co
monde; il ne s'y attache point, mais les méprise : voilà pourquoi,
lorsqu'elles lui sont ravies, il ne s'abandonne point au chagrin
Songez, dit Isocrate, songez que rien de ce qui appartient à l'homme
n'est stable : ainsi, dans la prospérité, vous ne vous lh rerezpas à une
joie outrée; ni, dans l'adversité, à une tristesse excessive : Ejuistima
nihil ftumanum esse stabile ; sic enim neque fortunutus cris prœter moUum
lœlus ; ncque m for tuna'us prœter modvm tristis (PI utarc. ).
Secondement, le soin avec lequel il met un l'rein à ses passions,
source de péchés, et par conséquent de troubles et d'agitations, selon
ces paroles de Jérémie : Jérusalem a péché, et par suite elle a perdu
la stabilité : Peccatum peecavit Jérusalem, propter ca instaùtlis / acto
est (Lament. I. 8).
Renonçons volontiers aux biens de la terre, dit Tcrtullien, mais
détenions ceux qui nous viennent du ciel. Que m'importe que le
monde périsse, pourvu que j'acquière la patience : Libcntcr lerrena
amillamus, cœlestia tueamur. Tulum licel tcculuui pereat, dum patierfr
tiamlucrlfaciam (Lib. de Pa tien lia ).
Troisièmement, la préférence qu'il accorde à la paix sur toutautre
bien. Quoi qu'il lui en coûte, il s'attache à la patience
Quatrièmement, la conviction où il est que lui-même et tout ce
PATIENCE.' 641
rpril possède est enîre les mains de Dieu, et sous la garde de la Pro-
vidence. Il se repose sur la bonté et la vigilance du père commun
des hommes. Le? enfants des dieux sont invulnérables, dit Pindarc :
frwvlneral/iles filii deorum (Anton, in Meliss.).
Cinquièmement, l'union de son Ame avec Dieu, union si étroite
viue cette âme ne fait, si je puis m'exprimer ainsi, qu'un avec lui.
Et comme Dieu est immuable, impassible, il rend tels les hommes
patients et les justes unis à lui
Il n'y a rien d'aussi funeste que d'avoir Dieu pour adversaire, dit
saint Çhrysostome. S'il vient à notre aide, ni le malheur, ni les embû-
ches, ni toute autre chose, ne pourront nous nuire; mais de même
qu'un charbon enflammé s'éteint si on le plonge clans l'eau; ainsi,
quelque grande que soit la tristesse qui fond sur une âme, elle se
diss'peraet s'évanouira facilement, si elle tombe sur une conscience
sans reproche. On n'est blessé que par soi-même (!).
Vous mL:ii'erez d'être maître de tout, lorsque vous pourrez vous
gouverner vous-même, dit Claudien : Tune omnia jure tendis, cum
po.'ei is rexesse lui (Anton, in Meliss.).
La victoire qui ren I maître des villes est moms grande que celle
qu'on remporte sur soi-mtme par ia patience, dit saint Grégoire; en
effet, dans le premier cas, on soumet une puissance extérieure, tan*
dis ^ue, dans le second, l'àmese dompte et se subjugue elle-même (2).
Il faut plus de force pour endurer patiemment les adversités, qui
pour faire ces actions d'éclat ; et cela pour trois raisons, dit saint
Thomas : î° parce que les adversités qui fondent sur nous, nous
semblent plus fortes que nous; tandis que c^ui qui fait une act:on
héroïque, la fait comme ayant puissance, comme étant plus fort
qu'elle; or, il est plus difficile de combattre contre quelqu'un qui
vous est supérieur en force que contre un inférieur; 2° parce que
celui qui résiste patiemment aux adversités sent les dangers de la
lutte; tandis que celui qui attaque une ville, regarde les dangers
comme étant encore éloignés : or, il est plus difficile de n'être pas
impressionné par des maux présents que par des maux ù venir j
(1 wîhil alind fam molestum est quam Deum hnbere ofTensiim. Si arfsit.ncn
affliii.it, non ms.tli.c, uou aiia res ulla r.:ole»liuiii a (Terre potest : seJ queuiadmodum
scintillait), si in prufuiulam aquam inunergas, exs inxer:r,; ita, quamvis rragna animi
dcject.o, si in bonain inciciit conscientkwn, périt, Cac le.jue evauescit, Neuiu Le-ilur
nbi a seipso ( Homil. vi in Act.).
(?) Uinor enim est Victoria urbium, qma extra sunt qiwe subigttuntar ; vaîdô
autcia majus est quod per patientiam viuciiur, qui.-. \n~c a se auimus supcralur, et
semetiiisum sibimelipsi subjicit {Homil. ixxv in Evaug.)-
nu 4i
642 PATIENCE.
i)° parce que, dans les tribulations., le combat n'a pas de trêve; tandis
qu'une attaciue à main armée a lieu subitement, et d'ordinaire ne
dure pas sans relâche (2. 2. q. 13G. art. 3 ).
Rien n'égale la force de la patience: celui qui a cette vertu nepcut
jamais souffrir extrêmement; car son âme est comme impassible
Ne pas se venger, c'est être semblable à Dieu, dit saint Jean Chry-
sostome : Non ulcisci, Deo facit œqualem (Ilomil. vi in Act.).
Vous faites preuve d'une grande vertu si vous ne répondez pas ù
une offense par une autre offense, dit saint Isilore; vous montrez
une grande force d'âme si, étant offensé, vous parlonnez; vous
acquérez une grande gloire, si vous épargnez un ennemi auquel
vous pouviez nuire : Magna est virtus si non lœclas eum a quo Imsus
es; maqna est fortitudo, si etiam lœsus , remittos; magna est gloria
si, cui potuisti nocere , varcas (Lib. Sentent.). La patience fait tout
cela. Le propre d'une âme forte est de m priser les injures, dit
Sénèque; le propre d'un homme faible, vil, misérable, es-tcle rip &■
ter à celui qui l'a offensé. Il imite les rats et les fourmis, qui ouvrent
une bouche impuissante, et qui se croient blessés si on les touche
[Epist. lxxvii).
La patience, dans quelque événement que ce soit, est le signe
caiactéristicue d'une grande âme. La partie supérieure du mon le,
la plus belle, la plus riche, la mieux ordonnée, c'est le firmament.
Or, elle n'est ni plongée dans les brouillards, ni sillonnée parles
tempêtes, ni sujette aux tourbillons de vents et à la poussière : elle
ne connait pas l'agitation et le trouble; la fondre se forme dans des
régions inférieures. De même l'homme patient ne perd jamais la
paix; il se met au-dessus de ce qui le troublerait, s'attire le respect
et acquiert de grands mérites. L'âme qui sait souffrir avec m<> lé-
ration et douceur, et sans murmurer, est belle, grande, élevée et
parfaitement ordonnée; elle se tient près de L'éolataal Soleil de l'éter-
nité
La patience est une vraie puissance. Dieu est tout-puissant parce
qu il est très-patient. La colère et l'impatience sont une maraafi
d'impuissance, de faiblesse et de pusillanimité
Le chrétien, dit saint Maxime, souffre avec résignation pour
mériter la récompense qui lui a été promise, et pour donner l'exem-
ple à ses co:. citoyens : il souffre en patience pour s'assurer le repos,
et pour procurer le salut de son prochain : Sibi patilur ad prœmium,
civiuus ad exemplum ; siùi patdur ad requiem, ciutùus ad sulutcm (la.
ejus \ila).
PATIENCE. 643
Ijifnïïeïïtieïïx 1rs doux, lès patients, dit J. C, car ils posséderont la Av-mbcesde
terre : Beaiî mites, quoniam ipsi possidebunt terrain (Mattn. v. 4). I's
posséderont la terre, c'est-à-dire même les richesses d'ici-bas, car
personne ne songe à leur susciter des ennuis et des obstacles. Pais
celui qui a la douceur et la patience, ss contente du peu qu'il pos-
sède, ce qui équivaut à une fortune. Mais la terre qui leur est pro-
mise est surtout la terre des vivants, le ciel. Par la terre que doivent
posséder les hommes doux, saint Bernard entend le corps et lame
qu'ils gouvernent dans la patience, régnant sur tous les mouvements
du coeur et des sens (fn Ikpc verba Malt h.).
La patience, dit Terîullien, protège la foi, gouverne la paix, cùde
ia charité, fait grandir l'humilité, attend le repentir, marque le
moment convenable pour la confession publique, maîtrise les sens,
garde l'espiit, met un frein à la langue, retient la main, foule aux
pieds les tentations , éloigne les scandales, consomme le martyre,
console le pauvre, modère le riche, soulage le faible, n'épuise pas
le fort, réjouit le fidèle, attire le pa'ien, recommanlc le serviteur au
maître et le maître à Dieu, orne la femme, rend l'homme digne
d'estime, plaît dans l'enfant, mérite les louanges dans le jeune
homme, est admirée dans le vieillard; enfin elle est belle dans tous
les sexes et dans tous les âges. La patience a le visage tranquille et
calme, un front pur, sur lequel la tristesse ni la colère n'ont im-
primé de rides ; tes yux sont baissés sous le sentiment de l'humilité
et non du malheur; sa bouche fermée rend hommage à l'habitude
du silence (I).
Ecoutez saine Cyprlen : La patience, dit-il, nous recommande et
cous conserve a Dieu. C'est elle qui tempère ta colère, met un frein
à la langue, gouverne 1 "âme, conserve la paix., règle la discipline,
arrête 1 élan de la volupté, comprime l'explosion de l'orgueil, éteint
le feu de la haine; elle met des bornes à la puissance des ri 'lies,
au secours des pauvres, protège la bienheureuse intégrité des
vierges, ia chasteté laborieuse ces veuves, l'amour et l'union des
r1) PaÏ,Cïï\A fi.icm munit , T'^'in glrtiefhat , (iiteMîonpni arij fat , numililatem
instruit, ptfcniletitiam exspeciat , exomolo jnat,carricrii re.^it, spirilum ser-
val, linguaifl t'ncnat, maïuim coulinct, têiitatfohûs iticulcat, scandala pellit. mariyria
consummat; pauperem consolatur, divitein temporal, infirmum non exlendit. vaten-
nm m>n cu.i.-umif, (il tat, genlilcm invitât, sèrvum Dôuilrio, domt'iiura
Doo commendat; feminam exornat. viruin approbat; dmatur ifl pliero, Iaudalur in
..>. su>picilur in sene ; in omni sexu , in omni relaie formosa est. Vultus illi
tianqir.lliis et pladdus, fions pura , niilla mœroris aul ira nt.^viUlc Contracta;
nculis liunûliinl . ■ wrfe iiga«**tt (*#. a'e
¥aUenlia,Çt uj«
644 PATIENCE.
époux ; elle rend humbles ceux qui prospèrent , forts ceux rpi) - nt
dans le malheur, doux ceux qui essuient des injures et des affronts;
elle enseigne à pardonner aussitôt à ceux qui ne remplissent pas
leurs devoirs , et à prier beaucoup et longtemps lorsque cela nous
arrive à nous-mêmes; elle surmonte les tentations, supporte les
persécutions., conduit à la victoire par les souffrances et le mar-
tyre (1).
Mon fils, dit saint Basile, dans l'Avertissement à son fils spirituel,
mon fils, efforcez-vous d'acquérir la patience , parce quelle ont la
plus grande vertu de l'âme; saisissez-la, afin d'arriver promptemei t
au sommet de la perfection. La patience est le souverain remède .e
l'âme; mais l'impatience e?t le poison du cœur (2).
Personne ne peut nuire à la vraie patience : l'attaquer, c'est la
rendre plus belle et la couronner. Tous les bien? qu'o:i 1 i r vit,
tous les maux qu'on lui fait , elle les place dans 1. s trésor e Dieu,
qui la dédommagera au centuple
La sagesse et la gloire de l'homme patient consistent à pouvoir
dire sans mensonge : Je vis de l'amour de Dieu et du désir du ciel
Dieu , ce fleuve de vie, apaise ma soif; Dieu, ce pain vivant, est ma
nourriture; la pauvreté m'enrichit; je méprise la mort; j'ai lesLici.s
réel*, rien ne me manque
L'abbé Jean aimait à répéter à ses disciples : La patience, surtout
à l'égard des injures, est la porte du ciel ( Vit. Pntr. ).
Parce que tu as gardé ma parole de patience, dit le Seigneur 'ans
l'Apocalypse à l'ange de Philadelphie, moi aussi jeté garderai à
l'heure de l'épreuve : Quoniam servasti verbum put<enliœ mua:, cjo
servabo te ab hora t entai imis (m. 40).
Rien n'est plus doux , plus agréable , ni plus digne de FhommD ,
:me d'opposer la patience à toutes les offenses
La patience, disent les Proverbes, est une grande sagesse; l'homme
i, Patientia est , qnx nos Deo et cm; servat. Ipsa est qnœ iram :
perat, qutc lingnam Crœnat , qnm raentem gnbernat , pacem cusio lit , dise pli ïam
libidinis impetum (rangi! , tumoris viulentiara comprimit , iueeniiium siiuul-
taiis exsliuguit , coercet potentiam divitura, inopiani pauperum reCovel, tuetur in
virginibus beatam iotegrilalem, in viJuis laborio; un caslitalem , in cunjunctis in li-
« in caritatem • racit bannies in prosperis, in ad ver sis fortes, rouira injurias 1 1
conturaelias mileB, docet deliuqu e; si ipse delioquas, diu et
mulium roj expngnat, persecutiones tolérât, passwntt et ourijua
m mat ( Lib. de Dono patient tœ).
patienlîam arripe , qnia tnaxima est virtus a », al loc'^r ad subli-
; ossis ascendere. talienlia grandis est inedelu anima: : iuipa-
- autan est pénuries cordis.
PATIENCE. 64K
emporté proclame ea folie : Qui paliens est , mvîto gubernatur prw-
dentii : qui autem impatiens est, exaltât stui'iiiam suam (x -.29).
L'homme emporté proclame sa folie à hau!c voix par ses cris , par
les mouvements de ses mains et de ses bras : il ne diminue pas son
mal ; il l'augmente, il le double, il le triple
L'homme patient, dit saiDt Ephrem , se laisse diriger par unb
grande prudence. Qu'y a-t-il de plus avantageux et de plus admi-
rable? Il est toujours joyeux, il a son espérance en Dieu, il est étran-
ger à tout accès de colère, il supporte tout; il ne s'irrite pas, il
n'insulte personne, il ne prononce aucune parole qui puisse nuire.
L'offense-t-on?il ne s'en aigrit point; il ne lutte pas contre ceux qui
sont d'un avis contraire au sien ; dans toutes les occasions, il se
montre constant et fort; il se réjouit des épreuves et supporte les
envieux. On lui donne un ordre, il obéit; on le blâme, il ne sî plaint
point ; il s'exerce sans cesse à persévérer dans la patience ( Serm. v ).
La prudence de l'homme qui a de la patience et l'imprudence de
celui qui en manque, se manifestent, 1° en ce que l'homme patient
se me ntre le martre de la colère, et que l'impatient laisse voir qu'il en
est l'esclave. Le patient domine ses affections et se domine lui-même;
voilà pourquoi il est dans une paix constante et parfaite: l'impatient,
au contraire, est toujours travaillé par ses passions; aussi ne cesse-
t— il d'être dans l'agitation et dans le trouble. 2° En se taisant et en
demeurant calme, l'homme patient est vainqueur non-seulement
de sa propre colère , mais de la colère d'autrui ; tandis que f'im -
tient est esclave de l'une et de l'autre. 3° Par la douceur et la modé-
ration , l'homme patient convertit souvent l'homme emporté, il lui
communique sa patience; l'homme emporté, au contraire, trans-
forme quelquefois l'homme patient en un véritable furieux. Le
premier ressemble à un fiévreux; et le second, à un médecin qui
modère les accès de la fièvre et qui rend le bon sens à ceux qu'il
soigne , en l:s replaçant dans des habitudes de patience
Ecoutez saint Pierre Chrysologue : N'est-il pas vrai , dit-il , que
toutes les fuis qu'une fièvre brûlante s'empare d'un malheur
elle lui donne le. délire et le rend furieux? Les sens du malade
sont tro b es, son esprit n'y est plus, la férocité le domine, l'hu-
manité lui est inconnue ; il grince des dents, il frappe ceux qui
l'approchent et mord. Alors , à la louange de la charité , à la gloire
de l'art, à l'honneur de son savoir et de son humanité, le médecin
s'arme de patience; il méprise les injures du liévreux, sup
ses coups, ses morsures, les fatigues et les ennuis., aiin de. Je guérir
646 PATIENCE.'
ou du moins de diminuer ses souffrances : il l'adoucit en employant
l'huile de la patience; il l'environne de soins et lui fait pren Ire les
remèdes convenables, assure qu'il est que le malade , revenu à lui-
même et à la santé , sera plein de reconnaissance, et paiera large-
ment les peines qu'il se sera données ( Serin, m ). L'homme emporté
peut être comparé à ce fiévreux, et celui qui est doué de patience,
au médecin charitable. Soyons des médecins spirituels, sauvons
l'âme de nos frères et la nôtre; travaillons à les guérir île tout
emportement par notre patience et notre charité; et quand ils seront
guéris , ils nous remercieront et nous aimeront
L'homme emporté provoque les querelles; l'homme patient calme
celles qui se sont élevées , disent les Proverbes : Vir iracundus pro-
vocal rixas ; qui patiens est mitigat ntscitalas (xv. 18.).
La colère enlève à l'homme trois trésors inappréciables : la gra-
vité, la sagesse et la paix
Laissez, dit Sénèque, laissez à autrui l'initiative des querelles, et
prenez toujours celle de la réconciliation : Semper dissenaio ab aho
incipiot , a te reconciliatio ( Epist. lxxxvii).
Personne, dit saint Grégoire de Nazianze, n'arrête un persécuteur
aussi facilement que celui qui a de la patience : Nihil persecu/orem
ita svp,crat , ut patiens ( Orat. xix).
Le fer embrasé plongé dans l'eau , dit saint Chrysostome , ne perd
pas plus promptement sa chaleur, que l'homme emporté sa colère ,
quand il a affaire à une âme pleine de longanimité. Si nous sommes
patients et doux, nous seront forts et puissants (l).
Ecoutez un poète : La force remporte bien des victoires, mais la
patience en remporte davantage. Voulez-vous être impeccable?
Boyez patient, sachez vous contenir. Le meilleur moyen de punir ceux
qui outragent, c'est de leur témoigner de la patience. Cette vertu
vous aidera à supporter ce que vous ne pourrez corriger. La patience
est la reine du monde.
|Iulta tropTa vis cripit, plura sed patienlia.
Impcccibilis essequacris? Sis palieus, sis conlinens.
Nil sic conlumcliosos urit , ni prient a.
Quidquid emcnclare non est , lenias palienlia.
Regina rerum omnium patientia.
(1) Nequc Tcrrum ignitnm nqin inlinefum illico coclorem nmiltit, sicut si incidat
in animais longanimem vir iracua '.us. Si simus letie^ o; pntirn'"<;, eiimu<; fortes et
[Homtl. vi in Act.).
PATIENCE. 647
L'homme patient vaut mieux que le guerrier plein de courage;
C'-lui c;ui maitrve son cœur l'emporte sur celui qui a pris d'assaut
dis villes, disent les Proverbes : Melior est paliens viro [uni : et Qui
dominntur animo suo, cxpugnalore urèium (xvi. 32).
Celui qui sait se vaincre lui-même, dit un poëte, est plus fort que
le capitaine qui a soumis les villes les mieux défendues; la lorca
ne peut aller au delà :
Fortior est qui se , quam qui fortissiraa vinci»
Oppida ; nec virtus altius ire potest.
Se mettre au-dessus des outrages par la patience est la pins bellb
dfs victjires, dit saint Chrysostome. Dieu nous a donné des forces
pour vaincre, non pas à main armée, mais par la patience. On célèbre
partout le triomphe de Joseph, qui a supporté l'adversité avec tant
de courage. Par sa patience, il est sorti victorieux des embûches que
lui avaient tendues ses frères et la femme impudique. Job, par sa
patience, est demeuré vainqueur des efforts du démon, des insultes
de son épouse, des outrages de ses amis, de la pauvreté, de la maladie
et de mille souffrances ; par sa patience, il a été plus fort que Samson,
qui a battu si souvent les Philistins. En souffrant avec résignation
et patience la haine de ses frères, l'exil, la calomnie, la prison, Joseph
s'est maîtrisé lui-même; il s'est assuré la faveur de Pharaon et est
devenu le maître et le sauveur de l'Egypte. David a montré plus de
furce en triomphant de Saûl par sa patience, qu'en abattant le géant
Coliath ( Homil. vi in Act. ).
La patience triomphe même des démons pleins d'orgueil et de
rage
La patience est la fille de l'humilité; avec son aide l'homme sup-
porte sans se plaindre les persécutions, les attaques des calomnia-
teurs, les maladies et toutes les adversités; il triomphe de toutes les
épreuves.
Le sage comprend que, dans cette vie malheureuse et misérable,
l'homme doit s'attendre à une multitude d'afflictions : voilà pourquoi
il se prépare à les recevoir et à les endurer avec patience; car il
n'ignore pas que s'il les recevait avec impatience et emportement,
il augmenterait le mal et la douleur qu'il lui cause. En effet, il se ait
alors torturé et par le mal et par le ressentiment né de sa colère;
tandis que, grâce à la patience, il n'éprouve que le mal inséparable
de la nature déchue; encore est-il tellement amoindri par Japatience,
648 PATIENCE.
qu'il ne le sent presque pas. Ajoutez que, s'il s'emportait et serévoV
tait, il offenserait Dieu, et s'attirerait en punition de sa colère des
peines nouvelles et plusredoutables.il souffrirait par conséquent
beaucoup plus, perdrait tout le mérite qui pourrait résulter de s~s
maux et encourrait les peines éternelles. Celui qui mé lite ces vérités
et qui les goûte se met en garde contre l'impatience, et s'applique
à tout supporter avec résignation.
D'ailleurs , le sage sait que le véritable bien de son âme ici-bas,
c'est la paix; mais il sait aussi que la paix ne vient que de la
patience. Voilà pourquoi, dans toutes les adversités, il s'attache à
pratiquer cette vertu, afin de se procurer un bien aussi désirajJo
pour son âme que l'est la paix.
L'homme patient ne s'inquiète ni des outrages ni des afflictions;
supérieur au monde, il fixe son âme eu Dieu et ne s'occupe que du
ciel , qui doit être son héritage.
Les tribulations nous pressent, dit Senèque; si elles sont faible?,
supportons- les, et la patience. les adoucira; si elles sont gran-
des, supportons - les encore, et notre gloire ne se pourra mesurer
( Epist. ).
Qualités II faut être patient envers tous les hommes. Supportez-vous pitiem-
<ine duii avoir . , • . , , . .,, •... . . n , . , ,
la patience ment les uns les autres dans la cnarite, dit saint Paul aux Lphe lens:
pour être Cum patienlia supportantes invicem in caritate ( iv. 2). Nous vous en
prions, frères, soyez patients avec tous: Rogamus vos fratres, pa-
tientes estole ad orunes (I. Thess. V. I i).
La patience produit une œuvre parfaite, dit l'apôtre saint Jacques:
Patienlia o^us perfection liabct ( I. 4). Or, pour produire une œuvre
parfaite, la patience doit : 1° supporter les maux avec force et per-
sévérance; 2° être parfaite dans sa fin, c'ei..-à-dire tout endurer pour
la foi de J. C, pour la justice et pour la vertu; 3° êtreaccoinpa&u'd
des autres vertus.
Voici les principaux devoirs que doit accomplir la patience pour.
devenir parfaite et méritoire: 1° pardonner à celui qui oTense... J
£« lui faire du bien (ians l'occasion... ; 3° recevoir l'épreuvo
comme un excellent remède...; 4° se mettre au-dessus d.çj
injures
Il y a trois degrés dans !a patience : le premier consiste à souffrir
avec résignation...; le seçoiid, à souffrir volontiers...; le troisième^
à souffrir a\ec joie
Pourquoi iaut-il se réjouir dans les afflictions?
PATIENCE. 049
i°Pnrre que les afflictions nous détachent du siecK Pieu, dit
saint Grégoire, nous les envoie (!e peur que nous ne nous plaisions
trop dans le chemin, et que nous ne ie préférions à notre patrie
qui est le ciel : Ne v'win pro pntrin diligamus ( Moral., c. xxni ).
Les tribulations, dit à son tour saint Augustin, ne cessent de peser
sur l'homme de peur que, voyageur vers la patrie, il ne préfère une
pauvre étable a la maison qui l'attend : Ne vintor tendens ad patriam.
stuèulum pro dumo diUgat (In Sentent, clxxxyi).
2- Parce que les afflictions sont la marqua de l'élection et delà
prédestination divines
Il faut, dit saint Thomas, supporter avoc patienea et. a-"»c joie les
coups de Dieu, à cause, 1° de l'affection que nous porte celui ou:
nous frappe, selon ces paroles des Proverbes: Mon fils, ne t'aigris
point contre les ('preuves du Seigneur, car le Seigneur châtie celui
qu'il aime et il se complait en lui comme le père dans son (ils : Disd-
plinam Dominij flinu, ne abjictas : quem enim diligit Do m'nvs, corri-
pit ; et quasi puter in filio complacet sibi (ni. 11. 1-2) ; 2° à cause de
la conscience de notre culpabilité. Je porterai la colère du Seigneur,
parce que je l'ai offensé, dit le prophète Michée : Iram Domîni por.
teibo quantum peccavi ci (vu. 9); 3° à car se de l'espérance de la récom-
pense. Heureux l'homme qui supporta les épreuves avec patience,
dit saint Jacques; car après a\oir été éprouvé, il recevra la
couronne de vie que Dieu a promis à ceux qui l'aiment : Uejtus v'r
qui suffert tenlationem; quoniam cum probatus fuerlt , ac>:i/jiet coronam
vitŒs quam repromisil Deus diligentibus se (i. 12) ; 4() à cause de l'inu-
tilité des murmures, selon ces paroles de Jérémie : Pourqu »i donc
murmure l'homme vivant, l'homme puni pour ses péchés? Quid
murmuravit homo vivens, vir pro peccatts suis? (Lanient. ni. 30.)
Kn vgt-S défendez pas, mais faites place à la colère, dit saint Paul : , Moyens
, , , , , • /n . „ . „ , , apremlrpi-.oiït
Non vosmetipsos defendentes, sed dute loium irœ (Rom. xn. !y). L est- ar,.iUT n .,
à-dire, laissez à Dieu le soin de vos intérêts, et quant à vous, fuyez, pr^J£^J l*
gardez le silence, cédez à celui qui est en colère Souffiezavec
résignation
Lorsque votre patience est exercée par quelque épreuve, dites : Si
j'ai mérité cette croix, je la porterai, afin de satisfaire pour mes
péchéj. Si je ne l'ai pas méritée, je la supporterai également, à
1 temple de J. C. et de sa très-sainte mère j ma couronne en sera
plus belle,
650 PATIENT.
Enfin il faut penser à la passion de J. 0. Il n*y a rien de tellement
accablant, qu'on ne supporte avec pat:n e, i l'on se souvient
4e la passion de J. C, dit s tint Grégoire : N hil a Vo gr *ve est, quod
fi,on (.eqnrni miter toleretur, si Christi passio ad memoriam adducatur
(Tract, deCoûflict. virtul. çt vit.)
PAUL (SATNT).
.U:\T Paul était Juif et de famille noble. La première richesse et rr-n'^t.
prérogative de saint Paul , c'est son caractère Pourquoi n^^ti»eSe
Paul est-il appelé un vase d'élection? dit saint Jérôme : parce saiut pauIî
qu'il était une arche précieuse de la loi et des saintes Ecritures : Cur caraaèroj
dicitu.r Paulus vas clcclionis? quia legiset sanclarum Scripturarum erat
armorium (Ad Paulin.].
Saint Paul était d'un caractère élevé , magnanime , héroïque......
Qui l'a égalé? qui a autant travaillé que lui? qui a été aussi souvent
emprisonné ? qui a enduré des souffrances plus gran les et plus nom-
breuses? qui a déployé autant d'intrépidité dans les dangers? qui a
jamais été aussi hardi, aussi persévérant dans ses entreprises? qui
a opéré tant et de si grandes merveilles? En toute circonstance son
caractère est demeuré le même, doux, aimant, ferme, généreux,
sublime, inébranlable
La vocation de saint Paul est remarquable en ce qu'il a été appelé* Deuxième
du haut du ciel par J. C. immortel et glorieux, tandis que les autres prérogative de
apôtres ont été choisis et appelés par J. C. vivant sur la terre. Elle a fift £™
cela d'extraordinaire encore que J. G. a triomphé de cet apôtre au
moment même où sa haine contre les chrétiens était plus exaltée.
Eespirant les menaces et le meurtre contre les disciples du Seigneur,
Saul, disent les Actes des apôtres, alla trouver le prince des prêtres :
Saidus spirans rninarum et cœdis in discipulos Domini accessit ad princi-
pem sacerdoium (ix. 1 ), et il lui demanda des lettres pour les syna-
gogues de Damas, afin que s'il y trouvait des hommes et des fem-
mes engagés dans la voie chrétienne , il les conduisit enchaînés à
Jérusalem : Ut si quos invenisset hujus viœ viros ac mulieres, vinct03
verduceret in Jérusalem (Act. ix. \. 2).
Comme il était en chemin, et qu'il approchait de Damas, tout à
coup une lumière du ciel brilla autour de lui. Et tombant à terre,
il entendit une voix qui lui disait : Saul , Saul , pourquoi me persc-
cutes-tu? Saule, Saule, quid me persequeris? Il dit : Qui êtes- vous,
Seigneur ? Et le Seigneur dit : Je suis Jésus que tu persécutes ; il t'est
dur de regimber contre l'aiguillon : Quidixit ; Quisest, Domine? Et
sa vocation.
C52 PAUL (sauyt).
Ule : Ego sum Jésus qucm tu persequerb; durum est ttbi contra sti-«
mulum calcitrare. Plein de stupeur et de tremblement. Paul reprit :
Seigneur, que voulez-vous que je lasse? Et tremcnset stupens, dixit :
Domine, quid n:evis facere? (Act. ix. 3-G.)
Quelle vocation miraculeuse! et quelle grâce efficace! Elle;;
changent soudain un persécuteur : d'un loup vorace , d'un lion
furieux et rugissant elles font un agneau; d'un grand pécheur
endurci elles l'ont le plus admirable des pénitents, le premier des
apôtres, le pins glorieux des saints! Quelle bonne volonté! quelle
prompte correspondance à la giâce!...
Quel est le pécheur ou le pénitent qui désespérerait du pirrlon
en voyant la subite conversion de saint Paul par l'infinie bonté le
Dieu? Combien grande fut la grâce par laquelle J. C. fit de Saul le
docteur des nations, le précepteur de l'univers! Mais aussi comme
Sanl correspondit merveilleusementà la grâce !...UétaitsemJ >Ui baux
démons,ne respirant queles persécutions et Jesangdeslidè)es;changé
en apôtre, il devint le modèle de toutes les vertus, ne respirant que
la gloire de Dieu, ne cherchant qu'elle et le salut des nations
Celui qui, peu auparavant, combattait J. C. et exterminait les
chrétiens, désire de mourir pour eux; il leur donne sa vie tout
entière; il ne cesse de s'exposer aux fatigues des voyages , à l'acca-
blement du travail , aux persécutions , à la faim, à la soi!', à l'em-
prisonnement,-aux flagellations, aux naufrages, aux menaces, aux
tourments, à mille morts, pour l'aire connaître le nom de J. C. et
conquérir des enfants à l'Eglise ; tellement qu'il était tout à t »us, et
comme transformé enJ. C. Aussi dit-il :Le Christ est ma sie : Mihi
vivere Christus (Philipp. i. 21 ). Je \is, ce n'est plus moi qui vis,
mais J. C. vit en moi : Vioo, jam non ego, vioit vero in me Christus
(Gai. n.20).
Par la vertu de l'Agneau qui a donné sa vie pour ses brebis, Paul
est transformé de loup en agneau , dit saint Augustin : Au agno pro
ovibus mortuOf fit ovis de lupo ( Serin, xiv de ^anctis).
Qui ètes-vous, Seigneur? s'écrie cet apôtre à peine converti. Je
suis Jésus que tu persécutes. Seigneur, que voulez-vous qi eje fasse?
Déjà , dit saint Augustin , déjà se prépare à ol éir celui qui aupara-
vant exerçait toutes les rigueurs de la persécution. Le persécuteur
changé en apôtre; le luup, en brebis; l'ennemi déclaré, en fil, b
et inlrépi le soldât : J nn parât se ad obediendum, quiprius sœviebat ad
perscqumdimi. Jam fmniatur ex persecutore prœdicalor , ex lupo ovis, ex
huste mile» ( Serin, xiv de Sanctis).
PAUL (saïst). 653
Le voilà devenu un vase choisi par J. C. : Vas de t'onîs est mihi
Mte(Act. ix. 13). Levoiià com U de j aie au milieu de toutes les
tribulations : Superabundo gaudio in omni trib lat one nostra (II. Cor.
vu. \ . Le voilà ravi jusqu'au troisième ciel : Rrptum usque ad ter-
tium cœlum (11. Cor. xu. 2)..
Saint Augustin et saint Thomas enseignent que dans ce ravisse-
ment, saint Paul vit l'essence même de Dieu (De S. Paulo ).
Su.xt Paul traite des «choses les plus merveilleuses et les plus Troisième
sublimes, et il en parle divinement prérogative de
Moïse reçut communication de la loi de Dieu sur la montagne du sainl p,Ml!; „
p sa sa^essoetsa
Sinaï : Paul alla puiser dans le ciel les mystères de l'Eternel : Je science,
sais, dit-il en parlant de lui-même , je sais que cet homme fut ravi
dans le paradis, et entendit des paroles secrètes, qu'il n'est pas per-
mis à l'homme de proférer : Audivit arcana quœ non licet homini
loqui (II. Cor. xu. 4). Non, s'écrie- t-il encore, non, l'œil do
l'homme n'a point vu , son oreille n'a point enten lu , son cœur n'a
point compris ce que Dieu a préparé pour ceux qui l'aiment : Oarfus
non vidit , nec auris audivit , nec in cor kominis ascendit , quœ prœpa~
ravit L'eus iis qui diligunt eum (I. Cor. il. 9 ).
Saint Denis l'Aréopagite appelle saint Paul le soleil des intel-
ligences (De S. Paulo).
Paul , dit saint Chrysostome, est un ciel où brille le soleil de jus-
tice ; il est l'océan très-pur et très-profond de la sagesse : Paulus est
cœli<m , solem hobens justitiœ ; ipse mare sapimliœ pvriss'nvna et pro-
fundissimum ( Homil. iv Laud. S. Pauli). Paul est l'abîme sans fond
de la sagesse divine U est l'archétype de tous les biens , ajoute
le même Père ; Dieu lui a confié toute la prédication , les intérêts de
l'univers, tous les mystères et la dispensation universel!* des
lumières et des grâces : Paulus archetypus bonorum , cui omnem prœ-
dicationem, res orbis , mysteria cuncta, universamque dispensalionem,
Deus concessit (Homil. iv de Laud. S. Pauli).
Paul, dit saint Jérôme , est un vase d'élection, la trompette de
l'Evangile , le rugissement du lion , le fleuve de l'éloquence chré-
tienne : Paulus, vas elec/ionis, tuba Evangelii , rugitus leonis , flumci
sloquentiœ chrUUanœ ( Epist. lxi ad Pammachum).
Saint Paul est le modèle de toutes les vertus. Il instruit les nations QiwîriMie^
. richesse i* ii) é-
par ses paroles et par ses œuvres Comme Jean-Baptiste, il est rogativeîta
une lampe ardente et qui projette une vive lumière : Erat lucerna ^"vertus.'
654 PAFL (SArNT).
ardens etlucens { Joann. v. 33). Sa vie est un éclair; sa prédication,
un toancrre.
Comme le fer ptoiigè* dans la fourhà'sé ue\ient tout feu , dit saint
Chrvsostome, ainsi Paul, embrasé d'amour , est tout charité. Aussi,
tantôt par ses lettres, tantôt par ses exhortation?, tantôt par ses
priereê, tantôt par se$ menaces, tantôt par lui-même , tantôt par
les siens , s'eff >roait-il avec un soin parfait d'encourager ceux qui
travaillaient, d'affermir ceux qui persévéraient, de relever ceux
qui étaient tombés, de guérir ceux qui étaient blessés et meurtris ,
de ranimer les tièdes, d 'abattre- les ennemis : comme un chef excel-
lent, comme un grand capitaine et un habile médecin, il prenait
tous les rôles et toutes les fonctions (1).
Nous sommes, écrit-il aux Corinthiens, nous sommes la bonne
odeur de J. C. : Christ i bnnus odor sumus (II. il. 13). Paul ,
dit saint Bernard, est un vase choisi; en effet, il renferme le
parfum le plus pénétrant et répand la plus douce odeur : Paulus, vas
electionis; rêvera, vas aromaticum, Vas odoriferum (De S. Paulo ).
Semblables aux plantes aromatiques qui laissent échapper une
odeur d'autant plus suave qu'on les froisse plus rudement, J. C,
les apôtres, les martyrs, et tous les saints, ont exhalé d'autant
mieux la délicieuse odeur des plus sublimes vertus, qu'ils ont élj
comme brisés et broyés par les tribulations et les persécutions. Or,
les épreuves de saint Paul ont surpassé celles de tous les apôtres , do
tous les martyrs , de tous les saints
Paul est le plus parfait modèle de foi, d'espérance, d'amour,
de charité, d'humilité, d'obéissance, de zèle, d'abnégation, do
patience , etc
Paul , dit saint Augustin , a été constitué le docteur des nations,
Le molèle des martyrs, la terreur des démons, le juge indulgent
des coupables, la source de toutes les vertus : Paulus magister factus
est gentium , forma martgrum, formldo dœmonum, indultur criminum,
fonsque virtutum ( In Serm. i de apost. Petro et Paulo).
Paul, dit saint Cbrysostome, est un habitant du ciel, la colonne
de toutes les Eglises, un ange terrestre, un homme céleste : /'.
(I) Sicut ferrum missum in ignem , totnm ip;nis cTficitnr, sic Paulus raritnfe nie.
census, tolus faclus esl cariius. L'u>le uunc per episloJas, mine \>ov exhortait»!
nuiie per preces, mute per minas, nunc per se, nunc persuos, omui studio conntalm
erigéVc lalioraiik'S slnules lirmaie, liimii jaeeulesallnllere. satui CColltritos, lorp
aiumarc, bAlea relueolerfe; more opium uuns, mililis et inedici, omnium olucioiuai
peisouos cliuunia unuà ipse subibat / Uomii. m de Luudiù. $, PumU).
PAtJL (SAfflT). #55
cceti tfVîSÎ I~ccl<'sîn)'itm eolumfiù, ungelus tencstr's , àœlni'.i homo
(H 'iv.il. i deLnud. S. Pauli ).
Lortqitfe chaque jour il voyait les tentatinns et le« épreuve- Rftft.
dr ■ sur lui-môme comme des avalanches , Paul , dil le mîm \ Père ,
se réjouissait et se conduisait comme s'il se lût tro'ivé au milieu du
paradis : f'aulus , rum vidcret quasi Mvïi cumulos, tenfah'onvs q>m'idie
ingruentes ; nm aliter quam si in medio pafodisi vixùsct, ila gaudcbut
gestiebatque (Hnmil. i in II ad Cor.), Je surabonlc de joie dans
toutes nos tribulations, s'éCriait-il : Supcrabundo gattdio in omni tri-
bulatiune vomira ( II. Cor. tti. A). Pour moi , écrit-il aux Galates, à
Dieu ne plaise que je me glorifle , si ce n'est dans la croix de Norîr-
Seigneur J. C, par qui le monde m'est crucifié, et par qui je sus
crucifié au monde : Mihi aUtem absit gloriari , ttiii in cruce ùvtirini
nostri Jcsu Chrisli ; per qaerti toihi mandas crvrifi.cus est, et ego
inundo ( vr; -14 ).
Chaque jour, frères, je nieci-s pour la gloire que j'ai eu vrttfë, curas
le Glirist iNutre-Sei.neur , écrit-il aux Corinthiens : Quolidie mbrior,
per vesfram gl riam , f, aires > quam lutbeo in Christo Jcsu ( I. XV. 31 ).
Je suis dans le travail et dans les soucis, dans les veilles nombreuses,
daiir la faim et la soif, dans les jeûnes fréquents, dans lé froid et la
nudité; et cure ces épreuves du dehors, j'ai les soins de chaque
jour, la sollicitude de toutes les Eglises. Qui est faible, sans qu: je
sois faible? Qui est scandalisé, sans que je brûle? (I)
Son zèle le porte à dire aux Romains : Je désirais ardemment
d'être moi-même par le Christ anathème pour mes frères : Vptabam
ego ipse anaihema esse a Christo pro frainbusmeis (îx. 3).
Saint Chrysostome lisait assidûment saint Paul et développait ses C'mmème
enseignements, ce qui le lit appeler bouche d'or : Xpuco; t-toua. richesse^ pre-
Plein de zèle, de science, de charité, saint Paul parcourt le inonde f;1"'.1 R"'' »
* le licuciie et
entier et le convertit les fruits
Ecoutez saint Chrysostome : Comme au lever du soleil, dit-il, les "abon.ian.s
ténèbres sont mises en fuite , les animaux sauvages se cachent, les apostolat
voleurs se retirent; ainsi devant l'éclatante prédication de saint
Paul qui répandait la bonne nouvelle, l'erreur était mise en fuite et
ia vérité re\enait: l'idolâtrie, l'ivresse, l'amour de la bonne chère,,
(1) Inlaborc et aerumna, in tigiliis multis, in fane et sili, in jejuniis mullis,ia
frigore et nmlitaie : praeter illa quœ cxlrinsccus sunt, instunliu mea quolidi.uia, solii*
eitiulo omnium Eccli'siarum. Quis inlirma ur. et ego non infimior? Quis scanda»
lisatur, et ego non uror? ^11. Cor. xi. 27-29.)
$56 *AÏÏL (SAINT).
la débauche, l'adultère et les autres crimes dont il ne convient pas
de prononcer le nom disparaissaient et s'évanouissaient comme la
cire qui se fond à la chaleur du feu, et comme la paille dévorée par
les flammes d'un incendie (I).
Enchaînez, si vous le pouvez, les rayons du soleil ouïe soleil lui-
même, dit encore l'éloquent archevêque de Comtantinople; arrêtez
sa course : que si vous ne le pouvez pas, vous ne pourrez pas davan-
tage mettre des limites à l'action de Paul qui, comme le soleil, habite
le ciel et répand sur la terre les rayons de sa lumière et de sa doc-
trine : Injice radiis solis, aut soli ipsi vincula ; siste cursum ejus, si
potes : si non potes, nec Poulum, qui quasi sol in cœlo convertitur, lucis-
que et doctrinœ suce radios in terra dispergit (Homil. x).
Arrachant les épines et semant partout la parole de la piété,
Paul , dit-il ailleurs, dissipe les erreurs , ramène la vérité , et trans-
forme les hommes en anges; je dirai plus, des hommes qui étaient
de vrais démons , il fait des esprits célestes (2).
A beaucoup plus juste titre que Jules-César, saint Paul pouvait
s'appliquer ces trois mots : Vcni, vidi } vici : Je suis venu , j'ai va ,
j'ai vaincu.
Laissons encore parler saint Jean Bouche-d'or : Paul, dit-il, cou-
rait le monde entier; il se hâtait de faire de tous les hommes de
fidèles sujets de Dieu, en instruisant , en promettant, en méditant,
en priant, en suppliant, en effrayant, en mettant en fuite les démons
corrupteurs des âmes; tantôt par ses lettres, tantôt par sa présence;
ici par ses discours, là par ses actes (3).
Dans la même homélie se trouve le passage suivant :
Comme des épines auxquelles on m 't le feu sont peu â peu con-
sumées , ce lent aux flammes et finissent par être dévorées ; ainsi , à
la voix de Paul qui retentit et se précipite , plus puissante que l'n-
^endie , tout cédait; le culte des démons mis en fuite disparaissait,
(1) Sicut radiis solis orientibus. ftlganlur tenebrœ, fera; Imitant, rccednnt se
Aires : sic prsediratione fulgenle, et Evangelium disséminante Paulo, fugabaMir error,
Verîtasque remeubal : idololatrin, ebi ielas, cornes aliones, stupre, aduilci .. , alinque
dictu l'ieda defererdnl, ntque consumpla snnt, instar cerne iguis vapnre pereuntis; et
instar palearum, quu: subito creinanlur iucendio [Homil. iv de Laudib, S. Pauli).
(2 Paulus spinas evellens, et verbum seminans ubique piutalis, fugans errores,
eritatem reducens, ex hominibns angelos lacions; quiniino ipsos bomiues ex d.uno-
nibus in angclos provehens [ Ibid.).
(3) L'nivcrsum munduni currebut; omnes in regnum Dei feslinabat indneere,
docendi), pollicendo, incditando, orando, supplicando, icncndo, d aumônes animarutn
cormptorcs i guado, uliquaudo epistoli», atiquaudo unesenlia, noue sermouc, nunr
rebus {Ibid.).
paui C saint). 65^
et les mœurs nationales , et les fureurs des peuples , et les menaces
des tyrans, et les embûches domestiques, et les malignes manœu-
vres des faux apùlres. Gomme au lever du soleil tout devient visible,
la terre, la mer, les montagnes, les villes, la vaste étendue de?
campagnes; ainsi, à l'arrivée de Paul, tout s'éclaire, etc. (1).
Entouré de difficultés, Paul, dit saint Cyprien, se montre plus
fort qu'elles ; prisonnier, il fut supérieur à ceux qui le tenaient
captif; gisant à terre, il fut plus grand que ceux qui étaient
debout; chargé de chaînes, il fut plus ferme que ceux qui
l'avaient enchaîné; jugé, il fit pâlir ses juges par sa majesté (2).
Ne nous lassons pas de citer saint Chrysostome, et étudions l'ad-
mirable portrait qu'il nous trace de l'apôtre qui porte à si juste titre
le nom de grand. Paul , dit-il, fut un vase d'élection , le temple de
Dieu, la bouche du Christ, la lyre du Saint-Esprit, le docteur de
l'univers; il parcourut la terre et la mer, il arracha les épines des
péchés et répandit les semences de la religion. Lui qui fut plus
opulent que les rois, plus puissant que les riches, plus philosophe
que les philosophes eux-mêmes, et plus éloquent que les orateurs;
lui qui n'avait rien, et qui possédait tout; dont l'ombre ressuscitait
les morts, dont les vêtements mettaient en fuite les maladies , qui
érigea des trophées sur les flots, qui fut ravi jusqu'au troisième ciel
et entra dans le paradis, qui fut l'apôtre par excellence de la divinité
de J. C, il dit : Quoique je ne me reproche rien, je ne suis pas pou?
iela justifié (1. Cor. îv. 4). Vivant sur la terre, il se conduisait en
toutes choses comme s'il eût joui de la société des anges; car encore
captif dans un corps soumis à la souffrance et à la mort, il avait leur
perfection ; sujet à tant de fragilités, il s'efforçait de ne se montrer
inférieur en rien aux vertus célestes. Comme s'il eût eu des ailes, il
parcourut le monde entier répandant partout ses enseignements;
comme s'il eût été incorporel , il brava toutes les fatigues et tous
le.* dangers; comme s'il eût déjà possédé le bonheur céleste, il foula
aux pieds toutes les choses de la terre; comme s'il eût vécu parmi
(1) Sicut igne succenso, paulatim spinœ consumantur, et cedunt, flammisquo
guperantur ; sic eliam insonunle Pauli liugua, et omni igné vebementius ir mente,
cedebant omnia, fugiebant dasmonum cultus, mores patrii, populoru.n furores, lyran-
norum mime, iusidia; domcslicorum, pscudoapostolorum opcraliones maligiue. i:cut
radiis solis orientibus, lucida efliciuiitur omnia, terra, pelagus, inoutes, urbes ,
regioncs : sic eliam Paulo, etc. (Homil. de Laudib. S. Pauli).
(2) Jacuit ialer pœnas, peenis suis fortior ; incluses includenlibus major; jaceni
ttantibus celsior; -vincentibus hrmior vinctus; sublimior judicautibus judicalui
[Epist. ad Martyr. ).
m. 43
Ô3fl PAUL (SAINT).
les pures intelligences, il eut la vigilance d'une âme maltresse
d'elle-même par l'intention. A la vérité, le soin des diverses nations
a été remis aux anges; nais aucun d'eux n'a exercé sur le peuple
placé sous sa garde une domination pareille à celle que Paul a
exercée sur l'univers. La nation juive a été confiée à l'archange
(Michel; mais les terres et les mers, ainsi que tous les lieux habités
)3 l'ont M à Paul. Comment ne pas admirer et ne p»
s'étonner en voyant une parole sortie d'une bouche mortelle met-
tre la mort en fuite, détruire les péchés, dissiper les ténèbres de
l'aveuglement , et par un changement merveilleux l'aire de la terre
le ciel? (1)
Sixième
j ichesseelpré-
ogative de
.1 i ri t Paul,
ses miracles.
Saint Paul brilla par de très- grands , très-publics et très-nombreux
miracles. Dieu, disent les Actes des apôtres, opérait par la main de
Paul des vertus non communes : de sorte même que l'on mettait
sur les malades les linges et les vêtements qui avaient touché son
corps, et ils étaient guéris de leurs langueurs, et les esprits mauvais
sortaient (2).
Saint Chrysostome atteste que, l'ombre de saint Paul,comm^
celle de saint Pierre, non -seulement guérissait tout à cou^t j<js
malades , mais uu'ali^ ressuscitait les morts (Ilumil. x)«
(1) Paulus apostolus, vas electionis, Dei templum, os Cîiristi, l\ia Ppiritus, rW;,.i
orbis terrarum ; qui terrain et mare peragra\it, qui pcccàtorum Spinas révulsif, qui
religionis seiniiia jactavil. I lie reu'ibus opulcntior, ille divitibus poleulior, ilie magis
philosophas quam ipsi pliilosoplii , ille diserlior oratonbus ; qui nihil habebat, et
omnia possidebat ; qui morteni timbra sua solvebat; qui niorbos suis vestimentis
fugabat;qui tropœa erexit in mari; qui ad lertium usqirc cœlufn raplus est, et in
paradisum ingressus; qui i lnistum Deum pra'dkavit : ille dicit : Nihil niihi coi
sum , sed non in hoc justificatus su m. Paulus in terra gradiens, sic se agebat in
cunctis, quasi angclorum soeielale frtieretur. N.im passihili adhuc c'olligatns corporï,
illoruiii perfeciione gaudebat, tantsque fragililalibus suhuitus , in iiuilo inLi inr
supernis virtutibus apparere certabat. Nam et tanquam pciinalus f totuin dnecudo
pcrvolavit oihem, et velut incorporons, faborés omnes periculaquccontempsit ; et
quasi jain cœluin possidens , cuncta prorsus terrena despexit ; et tanquam cum ipsis
incorporels degerei, ila jugi mentis inteqlione vigilavit. El augelis quideai sape
di\«rsarum genlium cura commissa est , sed nultus eoi uni ila creditum sibi guber-
navit populum, ut Paulus iumvi-um irubernavit oihem. Mfichael gens COlBinissà.est
Ji: l.i'onim; Paulo vero terra? ac maria, atque univers) orbis habiïatio. Ouoniodo non
admirabile hoc alqtio iirnrovisum videtuV, ( nui ex (errena lingua sermo prosiliens,
modem fugat. prcrala dis-olvit, téttebras c.ecitatis illuminât, et mutationc mirihea,
terrain convertit in cœlum? ( Homil. xviu. )
{% Virtules non quaslibet faciebat Deus per ir.anum Pauli : ita ut etiam super
.an_,ui.l,>s (' •!' nvntm n corpore ejus sudana <■> semicinctià, et recedebant ab eis
languor.s, et spirit»", nequain egredieba., |r xix. 11. 12 J.
paul (satnt). 0r>9
Saint Paul eut à un degré parfait le don des langues et celui de
prophétie Il fut ravi jusqu'au troisième ciel Il ne cessa de
faire des miracles , et , à elle seule, sa vie était un très-grand et con-
tinuel prodige Sa conversion fut unique dans les fastes do
l'Eglise, et il convertit des millions d'infidèles Sa mort fut la
plus belle des morts: il mourut martyr Enfin, depuis le témoi-
gnage qu'il a rendu à J. C. au prix de son sang, il a opéré beaucoup
de miracles éclatants et il en opère encore
Le martyre de saint Paul fut très-glorieux; car il fut mis à mort, SetWèw
1° sous Néron, le plus cruel des hommes; 2° à Rome, capitale du rosaiivc '
monde; 3° pour la cause de la chasteté; parce qu'il reprochait à ^"^artyi
Néron, ce monstre couronné, sa vie impure. 4° Lorsque sa tète lut
coupée, il ne jaillit pas du sang, mais du lait, symbole d innocence
et de charité. 5° 11 convertit ses bourreaux. 6° Sa tête en tombant
toucha trois fois la terre , comme par bonds , et là , trois fontaines
jaillirent. Le lieu où elles se trouvent est très-célèbre à Rome.
7° Son tombeau attire une immense affluence de peuple. 8° Au Meu
où il fut martyrisé, beaucoup de saints ont prié pour obtenir le
martyre et ont été exaucés.
J. C. avait dit à Ananie : Je lui montrerai combien il faut qu'il souf-
fre pour mon nom : F go ostendam illi, quanta oporteat eum pro nomine
meopati (Act. ix. 46). Celui qui avait voulu eifacer le nom de J. G.
de la surface de la terre , dut souffrir pour le faire connaître et le
rendre glorieux, dit saint Augustin. Omiséiïcor lieuse rigueur! Qui
faciebot contra nomen, paliatur pro nomine. 0 sœviiia misericors (Serm.
xiv de Sanct.) La vie entière de saint Paul, depuis sa conversion
miraculeuse, n'a été qu'un long et précieux martyre , qu'il a con-
sommé en laissant pour Jésus-Christ sa vie sous le glaive, comme
il avait vécu pour J. C. par la croix
On peu' avoir une idée de la renommée et de la gloire de saint Huitième
■ - i . ~ . , • i • l -L' i ricbessëel
Paul, si Ion pense, 1° a toutes les louanges qui lui ont ete don- rogative de
nées...; 2° que, comme Moïse a été appelé le législateur, le guide et g^^ire <5 sa
le chef du peuple juif, Paul a été nommé le législateur et le guide renommée.
de toutes les nations...; 3° que saint Pierre et saint Paul ont tou-
jours été, aux yeux des nations catholiques, les deux princes de
l'Église...; 4° que de toutes parts et dans tous les siècles on s'est
rendu à Rome pour honorer les reliques et ±e co^iueau de cet
660 PAUL (saint).
apôtre...; 5" que l'empereur Constantin lui a élevé une célèbre basi-
lique , et qu'en mille lieux on a construit et on construit encore des
temples en son honneur et à sa gloire
Saint Paul en mourant a légué son àme au ciel , sa renommée et
sa gloire à l'éternité , des fidèles à l'Eglise, son corps et son sang p
Home, sa loi à tout l'univers
PAUVRETÉ.
Dieu ne se trompe jamais; il ne peut se tromper. Or, il déclare Le bonheur
que les riches sont voués au malheur; car il dit : Malheur à est ^eTa1'"8
vous, riches ! Vœ vobis, divitibusl (Luc. yt. 24.) Au contraire, pauvreté,
il commence son discours sur la montagne par les paroles suivantes:
Heureux les pauvres ; car le royaume des cieux est à eux : Beati
pauperes; quoniam ipsorum est regnum cœlorum (Matth. v. 3).
La Vérité parle, dit saint Bernard, cette vérité qui ne peut ni se,
tromper, ni être induite en erreur; et elle dit : Heureux les pauvres!
Enfants insensés d'Adam, vous cherchez les richesses, vous les
désirez; tandis que le bonheur des pauvres est proclamé par Dieu,
annoncé au monde , et cru par les hommes sur lesquels descendent
les lumières de la grâce. Que le païen cherche les richesses, lui qui
vit sans Dieu; que le juif les cherche aussi , lui qui a reçu les pro-
messes terrestres, cela se conçoit; mais comment le chrétien ose-t-il
les chercher ou les désirer, après que J. C. a déclaré les pauvres
heureux? (Serm. in Fest. omn. Sanct. )
L'or et les richesses sont un lourd fardeau qui accable ceux qui
le portent.
Heureux les pauvres desprit : Beati pauperes spiritu (Matth. v. 3;;
c'est-à-dire, selon l'interprétation de saint Jérôme, de saint Basile et
de saint Bernard : Heureux les pauvres qui le sont par une volonté
inspirée du Saint-Esprit. L'expression, pauvre desprit, indique le
but de la pauvreté; elle signifie que l'esprit doit mépriser les
richesses , n'aimer que les biens spirituels , et ne chercher qu'à
saisir ces derniers.
Lazare le mendiant mourut, et il fut porté parles anges dans le
sein d'Abraham , dit J. G. Le riche mourut aussi, et il fut enseveli
dans les enfers : Factura est ut mnreretur mendicus, et pnrtaretur
ab cnt.elis in sinum Abrahœ. Mortuus est autem et dives, et sepullus est
in in fer no (Luc. xvi. 22).
Vous avez vu Lazare dans le vestibule du riche, dit sain!;
Ghrysustorne; voyez-le aujourd'hui dans le sein d'Abraham; vous
l'a\cz vu lorsque les chiens léchaient ses plaies, voyez-le entouré
par le* ansr?s; vous l'avez vu dan? sa grande pauvi ■!'•, voyez-J^
662 PAUVRETÉ.
comblé de biens ; vous l'avez vu langui ssa i voyez-le pTi
dans les délices; vous l'avez vu dans le combat , voyez-le portant la
couronne de vainqueur; von-- ! : \ '■:: vu travaillant, voyez-le récom-
pensé. Parce que Lazare a été t*è»-pauvre et très-méprisé sur la
terre , il est très-riche et très-honoré dans le ciel ( Concion. n de
Lazaro ).
Le riche mourut , et il fut enseveli dans les enfers , dit J. C. (Luc.
xvi. 22). Où se trouve le vrai bonheur?... Le pauvre, dit saint
Augustin, a acheté le bonheur en mendiant; et le riche , un éternel
supplice en possédant : Pauper beatitudinem émit mendicitate, etdives
sùjpplicium facv.lt ate (Serm. ccxxvn ).
Riches, voulez-vous être heureux? écoutez le Prophète royal :
Heureux, dit-il, heureux celui qui compatit aux maux et qui les
soulage ! 11 ne sera jamais ébranlé : Jacundus homo qui miseretur et
commodat ; in œternum non commovebitur (cxi. 5). Il a répandu ses
dons sur le pauvre; sa justice subsistera dans tous les siècles; sa
force sera couronnée de gloire : Dispersit, dédit pauperibus : jutitt'a
ejus manet in secvlum seculi, cornu ejus exaltabitur in gloria (cxi. '.)).
Voilà la voie que doivent suivre les riches pour arriver au bonheur.
Ils ne seront heureux que par les pauvres
Consolez-vous, pauvres, dit saint Augustin, vous qui mendiez et
qui vivez d'aumônes, consolez- vous; votre tribulation sera changée
en joie, et votre douleur, en allégresse. Ne regardez point Mtre
pauvreté comme un malheur et ne murmurez jamais contre Dieu ;
car le Seigneur est juste et miséricordieux dans toutes ses œuvres.
11 a fait les pauvres, afin que, supportant une indigence de peu de
• , ils pussent acquérir la vie éternelle; il a fait les riches afin
de distribuer d'abondantes aumônes , et d'obtenir parce moyen le
m de leurs péchés. C'est pourquoi soyez patients, etattenleis
! • -Lueur (Serai, vu ).
Le pauvre ne boit que gou4te à goutte le calice d'amertume qui
lui cA yersé ; il boira largement et éternellement au ileuve de vie.
uvretése changera en une opulence éternelle
A la pla^c de la joie qu'éprouve le riche d'avoir des terres, des
maisons, de l'or, le pauvre, dit Cassien, recevra même dès ici-
bas des biens qui la surpassent au centi ». lopté comme enfant
de iîieu, il possédera tout ce que p aour,
en force: à l'imitation de J. . Dieu, il pourra
.n'aie Père i moi : Omnia guœ habet Pater, m-a s/m'
(Jo ■ ISt.PJein d'ail do sécurité ;' aur •
mêmes de Dieu , que l'apôtre énumère quand il dit î TojgÉ est h
tous , soit le monde , soit la vie , soit la mort t soit les choses pré»
sentes, soit les choses futures : tout est à vous; et vous êtes au
Christ, et le Christ à Dieu : Omnia vesfra sunt , sive mundus, sive
vita , sive mors , sive prœsentia , sive futura : omnia vestra sunt .* vol
autem Christi, Christus autem Dei (I. Cor. m. 22. 23. — Collât. ).
Le pauvre qui est soumis à la volonté de Dieu est vraiment
heureux
Ceux qui n'ont ni terre , ni maison, ni pièces d'or et d'argent, sont Richesse de \*
pauvres aux yeux du monde aveugle; mais , aux yeux de Dieu, ils pauTr
sont riches Ils sont pauvres des biens du siècle; mais ils sont
riches de ceux de J. C
Les vraies richesses ne se composent pas des biens de ce monde... ;
piles consistent dans la grâce, la vertu, l'amitié de Dieu
Quel est celui qui est pauvre ? C'est, dit saint Grégoire, celui qui
a besoin de ce qu'il n'a pas ; car celui-là est riche qui, n'ayant rien,
ne désire rien. La pauvreté consiste dans l'indigence de l'âme, et
non dans la somme de richesses qui fait défaut. En effet, celui qui
se trouve bien dans la pauvreté, ne peut être appelé pauvre (1).
Le pauvre qui a la foi et les œuvres est très-riche; au contraire,
le riche qui se conduit mal, qui est avare, impie, scandaleux, est très-
pauvre
De tous les biens, de toutes les richesses de la terre, J. C. n'a pris Exemples
que deux choses, une crèche à sa naissance et une croix à sa mort !... saints.
Il naît pauvre dans une étable en ruines , et passe sa vie entière dans
le dénùment le plus absolu. Lui - même le fait remarquer : Les
renards, dit-il, ont leurs terriers, et les oiseaux du ciel, leurs nid s:
mais le Fils de l'homme n'a pas où reposer sa tête : Vulpés foveas
liaient, et voluavs cœli nidos ; Filius autem hominis non habet ubi caput
rcclinet (Luc. ix. 58). Marie sa très- sainte mère est pauvre; la
demeure qu'il habite est chétive , et il ne veut pas de riches pour
apùlres. Ce que la mon le a d'insens :, d't saint Paul, Dieu l'a choisi
pour confondre les sages; et ce que le monde a de faible, pour con*
foudre les forte; et ce que le monde a de bas, de méprisable, et ca
(V Ille paupnr est qui ea;et eo «on : non babet; nam et qui non habens MVre non
gppetit, dises es . tas quippe i., inopia mentis est , non in quantita e po *e**,
Sumisji eu l ,îit,non est pauper ;Lib. XVI,epist. cxc).
66-ï PAUVRETÉ.
qui n'est pas, pour détruire ce qui est; afin que nulle chair ne se
glorifie devant lui ( I. Cor. 1.27-29).
J. C, les apùtres et les premiers chrétiens pratiquaient à la lettre
la pauvreté. Lorsque nous avons la nourriture et le vêtement,
soyons satisfaits, écrit saint Paul à son disciple Timothée : Habentcs
alimenta, et quibus tegamur, his conterai sirnus (I. VI. 8).
Parlant des premiers lidèles, les Actes des apôtres s'expriment
ainsi : Nul ne disait d'aucune chose qu'il possédait qu'elle lut sienne;
mais tout leur était commun : JScc quisquam, eorum quœ possidebat ,
ilïquid suum esse dicebat, sed erant Mis omnia communia (Act. 17. 32 ).
Voyez les princes de la sainteté , saint Antoine, saint François
d'Assise, saint François deBorgia, saint igftace de Loyola, sainte
Elisabeth de Hongrie, etc Quelle estime ils font de la pauvreté,
et comme ils la préfèrent à tous les biens de la terre.
Voyez les ordres religieux à leur naissance ; se peut-il indigence
plus absolue que la leur? Lorsque, par la permission de Dieu, quel-
ques-uns d'entre eux sont tombés dans le relâchement, c'est la
richesse qui en a été la cause En même temps que l'argent entre
dans un cloitre, l'esprit de Dieu et les biens de la grâce et de la
vocation céleste en sortent
Voyez le bon chrétien, que d'aumônes abondantes il distribue.. T.i
J. C, dit saint Ambroise, monta nu sur la croix. Que celui-là
donc, ajoute -i-il, qui se prépare à vaincre le monde, se dépouille,
et qu'il ne cherche pas les vêtements, c'est-à-dire les biens du siècle.
Adam, qui chercha à se couvrir, fut vaincu; Joseph, qui sut aban-
donner son manteau, lut victorieux (I).
Vous connaissez, dit saint Paul aux Corinthiens, vous connaissez,
la tendresse de Notre- Seigneur J. C. qui, étant riche, s est fuit
pauvre pour vous, afin que par sa pauvreté vous devinssiez
riches : Scitis gratiam Domini nostri Jcsu Christ i, quonian, propter
vos, egenus factus est, cum esset dives, ut illius inopia vos divites essetis
(II. Cor. vin. 9).
Que seront donc les richesses de celui dont la pauvreté nous a
enrichis? s'écrie saint Augustin : Qukl facturée sunt divittœ ejua,
cujus paupertas nos divites fecit? (InEpist. al Cor. II. )
Les hommes de plaisir, dit le même Père, désirent la richesse,'
(1) Nudus crucom ascendit (Christus). Talis erjo aseendat qui seculam rincera
parnt, et smili vi'-i'miMiU dm quant, VictlU est Adam, 4m alimenta qUj
Tiçitiilo au{Yfttitywt« UepoMiit (Lib, I 0//«.., c. iv).
*ArvnETÉ. C>6l
qui leur est pernicieuse; J. C, lui, a voulu être pauvre {De vera
fteligione, c. xv).
Saint Justin l'ait le portrait que voici des chrétiens de son temps »
T erre étrangère est leur patrie, et toute patrie leur est comme
étrangère. Ils ont un corps de chair, mais ils ne vivent pas selon la
chair ; ils habitent la terre, mais leur esprit est dans le ciel ; ils sont
pauvres, et ils enrichissent un grand nombre de personnes; ils
manquent de tout, et ils ont tout en abondance (l).
Quelques païens eux-mêmes ont estimé la pauvreté et en ont
donné l'exemple. Priène, patrie de Bias, ayant été emportée
d'assaut par l'ennemi , ce philosophe se retira sans rien emporter.
Quelqu'un lui en ayant fait la remarque, il répondit : J'ai tous mes
biens avec moi : Omnia mea meewn parto (Diog. Laert. de Vit. phil. ).
Alexandre, roi de Macédoine, ayant envoyé cent talents à Phocion,
qui était pauvre, celui-ci demanda pour quelle raison et dans
quelle vue Alexandre lui faisait ce don. — C'est, lui répondit-on,
qu'il vous juge le seul homme de Lien et le seul vertueux parmi
tous les Athéniens. — Qu'il me permette donc, répliqua-t-il, de
passer pour tel et de l'être en effet ( Ita vElian., lib. II).
Epaminondas aussi vivait dans la pauvreté. Artaxercès , roi des
Perses, lui ayant envoyé de riches présents pour obtenir l'alliance
des Thébains, ce grand capitaine ne voulut pas même permettre
qu'on les mit sous ses yeux. Si votre maître, dit-il à l'ambassadeur,
ne veut que des choses avantageuses à ma patrie, il est inutile qu'il
me sollicite ; mais si ses intentions sont contraires à mes devoirs, il
n'est pas assez riche pour acheter mon suffrage (Plutarch. ).
Le fameux Aristide ne laissa pas de quoi payer ses funérailles
( Ejusd. ).
Etre pauvre, dit Minutius Félix, ce n'est pas une infamie, mais une La pailvPete
gloire. Celui qui ne convoite rien n'est pas pauvre: il est riche en est un honneur
1 x x et une gloire.
Dieu (Octav. ).
Le pauvre, il est vrai, tend une main suppliante, dit saint Jear.
Damascène ; mais c'est Dieu qui reçoit : Pauper guidem supplicem
manum extendit, Deus aute.m est qui accipil (Parallel. III, c. xxxvn).
Tous les pauvres, dit saint Ainbroise, ne sont pas saints; et toutes
(1) Omnis peregrina regio patria corum est, et omnis patria est peregrina. In çarnç
sunt, sed non secundum carnem vivunt : iu lerra degunt, sed in cœlo con versanlur ;
paupercs sunt, et mullos ditaut ; omnibus indigent , et omnibus abundant (Epist.)y
666 PAUVRETÉ.
les richesses ne sont pas criminelles ; mais comme le vire déshonore
ordinairement les richesses, ainsi la sainteté souvent accompa0ne la
pauvreté et la rend recommandable (In Matlh.).
Mettez-vous au-dessus de la pauvreté, dit Sénèque ; personne ne
vit dans un dénùment aussi absolu que Tétait celui dans lequel il
s'est trouvé à sa naissance : Contemnite paupertatem ; nemo tara pau*
per vivit quam natus est (Epist. ad Lucil. ).
Oh ! que Ja dignité du pauvre est grande ! s'écrie saint Chrysostome.
Dieu s'estcaché sous le voile de la pauvreté ( Apud Maxim., Serm. xn) .
Aux yeux des sages, aux yeux de l'Eglise, les pauvres ont une
dignité spéciae. On peut leur appliquer les paroles de l'Evangile :
Les derniers seront les premiers : Erunt novissimi primi (.Matth.
xix. 30).
L'Eglise accorde aux pauvres la prééminence, puisqu'elle n'admet
les riches dans son sein qu'à la condition qu'ils serviront les pauvres.
C'est à ceux-ci qu'elle réserve ses grâces les plus précieuses et ses
bénédictions les plus douces. L'Eglise est la ville des pauvres, la ville
des affranchis. L'indigence et les afflictions, surtout lorsqu'on les
supporte religieusement, rendent l'homme vraiment grand et hono-
rable : Amenez dans ma maison les pauvres et les débiles, les aveu-
gles et les boiteux, dit J. G. : Pauperes ac débiles, cœcos et claudos,
ïntroduc hue (Luc. xiv. 21 ).
C'est un aveuglement déplorable que de ne pas honorer les pau-
vres, auxquels Dieu lui-même a fait cet honneur de leur donner la
prééminence dans son Eglise
En voyant les pauvres, Abraham, dit saint Pierre Chrysologue,
oublie qu'il est maitro, et se fait leur serviteur. Déjà ce grand
patriarche respecte J. C. dans leur personne (Serm. vu ).
Les pauvres sont les portiers du ciel; ils ont le privilège de l'ouvrir
ou de le fermer aux riches.
J. C. a épousé la pauvreté, et par cette alliance l'a ennoblie.
Saint Ambroise apporte plusieurs raisons pour démontrer qu'il
faut accorder des faveurs et des bienfaits aux pauvres plutôt qu'aux
riches : 1° dit-il, J. C. veut qu'on invite aux noces les pauvres et non
les riches...; 2° lorsqu'on invite les riches, ils ren lent; mais les pau-
vres ne pouvant rendre eux-mêmes, chargent Dieu de nous récom-
penser, Dieu qui s'est fait leur caution et même leur débiteur...;
3°leriche souvent dédaigne le bienfait et ne se soucie pa- l'être obligé
d'en témoigner de la reconnaissance; le pauvre, au Contran
avec reconnaissance la ni<>mlrc faveur... J 4° le pauvre rend plus
PAUVRETE. 667
qu'il ne reroit: il prie pour ses bienfaiteur? et leur obtientla rémis-
sion d ? péebép qu'ils ont commis, des grâces nombreuses et la gloire
éternelle {Offic, lib. II, c. ni).
En choisissant la pauvreté, J. C. l'a rendue digne de louanges et
d'honneur. Lorsque nous honorons les pauvres, nous honorons donc
et nous glorifions le Sauveur des hommes.
Le pa;.\re est tout-puissant. Nous le voyons par l'apôtre saint
Pierre : Je n'ai ni argent ni or, dit-il au boiteux qui lui demandait
l'aumône; mais ce que j'ai, je te le donne : au nom de Jésus de Naza-
reth, lève-toi et marche : Argentum et aurum non est mihi; quod
autem habeo, hoc tibido:in nomine Jesu Nazarœni surge , et ambulc
(Act. m. 6).
Dieu, dit l'apôtre saint Jacques, u'a-t-il pas choisi les pauvres en ce t.ps pauvres
.. -i i , p ■ ^^ i tv sontlesfavom
monde pour être riehes dans la loi, et héritiers du royaume que Dieu <ie Dieu.
a promis ù ceux qui l'aiment : Nonne Deus elegit pauperes in hoc
vnundo. divif.es in fide, et hœredes regni quod repromisit Deus diligen-
tiùus se? (n. 5.) Dieu a choisi ceux qui ne possédaient pas les biens
d'ici-»as, et il leur a prodigué les richesses de la foi ; ceux qui ne
\} avaient paslecens, et il leur a donné l'intelligence des choses divi-
nes. On voit par les paroles de l'Apôtre que l'or et l'argent ne sont
pas de vrais Liens , mais seulement la foi et les vertus qu'elle l'ait
naître : comme aussi le manque des richesses périssables ne fait pas
la pauvreté et les pauvres, mais la cupidité et l'impiété. Oh 1 que de
riches sont pauvres, et que de pauvres sont très-riches !...
Les pauvres sont les héritiers du royaume de Dieu : Hœredes regm.
Puisque le royaume de Dieu est aux pauvres, dit saint Amhroise, y
a-t-il quelqu'un déplus riche qu'eux : Cum regnum Vei puuperum sUy
(jv.id Ucuplelius esse potest?{Serm. x).
Les causes pour lesquelles Dieu a préféré assurer aux pauvres
plutôt qu'aux riches les biens de la foi et l'héritage de son royaume,
sont évidentes.
La première est que la distribution. convenable des dons exige que
ceux qui manquent des richesses terrestres, aient celles ou ciel en.
abondance; et qu'au contraire ceux qui sont comblés des Mensdïci-
bas soient privés le ceux de l'autre vie
La seconde est que la richesse donne l'ambition, l'avarice, la
gourmandise, la luxure, l'orgueil, la vanité et t.r.s les vices qui pré-
cipitent en enfer; tandis que la pauvreté inspire l'humilité, la
Sobriété, \ continence, la chasteté, la modestie ec toutes les vertus
669 pAimtETÉ.
qui conduisent au ciel..... La pauvreté", dit saint Bernard, a de
grandes ailes avec lesquelles on s'élève rapidement jusqu'au séjour
des saints (Senn. iv de Adventu).
La troisième est qu'en méprisant le monde , les pauvres achètent
de Dieu l'éternité bienheureuse. Comme pour lui, ils renoncent à
tout, et principalement aux désirs; il se rend leur débiteur et leur
accorde son royaume. Voilà pourquoi saint Grégoire de Nazianze dit :
Heureux celui qui emploie sa fortune entière à acheter J. CI
Félix qui Cbristnitt fortimîs omnibus omit!
( Carm. de Beatiiudine. )
Qu'y a-t-il, dit à son tour saint Augustin, qu'y a-t-il de plus
glorieux pour l'homme que de vendre ses biens, et d'acheter J. C?
Quid gloriosius homini quam sua vendere, et Christum cmere ? {Serm.
ultim. de diversis. )
La quatrième est que Dieu cherche un cœur vide des choses de
la terre , pour y entrer et le posséder tout entier. D'un autre côté, le
riche qui ne pense qu'à l'or et à l'argent ne songe guère aux biens
éternels; mais le pauvre qui ne peut s'occuper des biens d'ici-bas
qu'il n'a pas , recherche ceux du ciel qu'il espère
Dieu n'apas oublié les cris des pauvres, dit le Prophète royal : Non
est oblitus clamorcm paupetum (ix. 13). Le pauvre ne sera pas en
oubli à jamais; la patience déployée par les pauvres ne périra ;
Quoniam non in finem oblivio erit pauperis; patient ta pauperum non
peribit in finem ( Psal. îx. 19). Seigneur, le pauvre vous a été aban-
donné : vous serez l'appui de l'orphelin : Tibi derelictus est pm
orphano tu eris adjutor (P^al. x. 14 ). Le Seigneur est le refuge du
pauvre; il est son aide dans le besoin, au jour de la tribulution :
Foetus est Dominus refugium pauperi , adjutor in opporlunitatibus , in
iribulalione ( Psal. ix. 10). Le Seigneur a exaucé le désir du pauvre :
voire oreille, ô mon Dieu, a entendu la prière de leur cœur : Dcsi-
der'unn pauperum exaudîvit Dominus : prœparationem cordis eorwn
ouilivit auris tua (Psal. x. 17). Soyez le juste juge de l'orphelin et
de l'homme de basse condition : Judicare pupillo et humili (Psal. x.
18). Le Soigneur tire l'indigent de la poussière, et il relève lo
pauvre de dessus son fumier; pour le placer parmi les princes,
parmi les princes de son peuple : Suscitons a terra inopem, et de
•core érigent pavperem ; ut collocet eum cum principibus , cum print
cipibuspoputi sui f Psal, c\u, 7. b).
ÏÀUVBETÉ. 669
Opprimer l'infligent, c'est insulter celui qui l'a créé; avoir pitié
du pauvre, c'est honorer Dieu, disent les Proverbes : Qui calumnia»
tur egenlem , exprolrat faclori suo ; honorai autem Deum qui miserelur
pauperis ( xiv. 31 ).
Dieu étend sa protection sur les pauvres que le monde abandonne,
repousse, opprime; il prend d'eux le soin qu'une mère prend de ses
enfants. Les pauvres ont Dieu pour tuteur et pour économe, Diou
qui gouverne les cieux et devant qui se prosternent les maitres du
monde. C'est pourquoi J. G. dit : En vérité, je vous le dis, ce que
vous avez fait à l'un des plus petits d'entre mes frères, vous me
l'avez fait à moi-même : Amen, dico vobis, quandïu fecistis uni ex Jus
fratribus meis minimis, mihi fecistis (Matth. xxv. 40). Aussi, au jour
du jugement, prononcera-t-il une sentence de bénédiction sur les
hommes qui auront eu soin des pauvres, et une sentence de malé-
diction sur les avares et sur les riches qui les auront méprisés et
auront été pour eux sans entrailles
En s'incarnant, en venant au monde, le Verbe éternel a honoré,
consacré et comme déifié la pauvreté; car il se l'est unie hypostati-
quement dans son humanité. Le pauvre est donc la vive image de
J. C. pauvre, comme dit saint François d'Assise (lïegul., c. vi).
Dieu, qui se suffit à lui-même, est infiniment au-dessus de toutes
les créatures ; le pauvre, qui est humble, qui méprise les choses de
la terre, qui ne désire que celles du ciel et qui se repose en Dieu, est
supérieur à la plupart des hommes , tristement esclaves des biens
d'ici-bas
La bouche du pauvre est la bouche de Dieu, et l'oreille de Dieu
est l'oreille du pauvre : Dieu l'écoute et l'exauce toujours; ce qui le
rend tout-puissant auprès de lui. J. C. promet son royaume aux
pauvres, la consolation à ceux qui pleurent, la nourriture à ceux
qui ont faim, la joie éternelle à ceux qui souffrent. Tous les droits,
toutes les grâces, toutes les faveurs, tous les privilèges de l'Evan-
gile sont aux faibles, aux indigents et à ceux qui souffrent
La pauvreté est un port tranquille, dit saint Chrysostome : Pauper- Avantages t
tas est portus tranquillus (Hornil. ultima in Matth.). ° a iAUlvrc *
Gardez- vous, dit saint Bernard, gardez- vous d'aimer les biens
dont la possession est un fardeau , dont l'amour souille et dont la
perte déchire : JXoli amare bona quœ , possessa, onerant; amata, inqui-
nant ; amissa, cruciant (Epist. cm).
11 nous faut lutter nus contre les démons qui sunt nus, dit saint
670 PAUVRETÉ.
Grégoire : Nudi cwii midis (demonibus) luctari debcinus (Homil. xxxïl
in Evang.). Car, ajoute-t-il, si Un homme vêtu lutte contre quel-
qu'un qui ne l'est pas, il est promptement terrassé, son adversaire
ayant par où le saisir. Or, que sont les biens de la terre, sinon les
vêtements du corps (1)?
La pauvreté débarrasse l'homme de mille soucis et inquiétudes
Elle l'éloigné des créatures, p'our le porter à se donner au Créateur,
en qui se trouve le bonheur suprême. Alors il peut dire avec le
Psalmiste : Le Seigneur est la part qui constitue mon héritage ; il
est la coupe qui m'est réservée : c'est vous-rhême, d mon Dieu, qui
me rendez ce qui devait être mon patrimoine : Dominus pars luvre-
ditatis mece et calicis rtiëi : tu es qui restitues herreditatem meam milii
(xv. 6). Qu'y a-t-il pour nioi dans le ciel, et qu'ai-je désiré de vous
sur la terre ? sinon vous, le flieu de mon coiur, qui êtes mon par-
tage pour l'éternité : Quid mihi est in cœlo ? et a te quid volai super
terrain ? Deus cordis mei , et pars mea Deus in œterrium (P£al. Lxxii.
24. 25).
Là p'auvretë volontaire est là voie du salut, la nourrice de l'humi-
lité, la racine de la perfection lorsqu'on méprise les biens du
monde, on a ceux du ciel
tfous sommes pauvres, dit le grand Apôtre, et nous enrichissons
les autres ; nous n'avons rien, et nous possédons tout : Sicut egentes,
tnidtos autein locapletantes ; tanquam nihil kabenles, et omnia possiden-
les (II. Cor. vi. 10). Le pauvre volontaire est libre..., maître...,
vainqueur..., roi.., heureux..., infiniment riche...; se reposant sur
Dieu, il est exempt de sollicitude
La pauvreté est une reine qui marche à la suite de J. C
La pauvreté, dit saint François d'Assise, est un trésor caché, pour
l'achat duquel il faut vendre tout le reste et mépriser ce qu'on ne
peut pas vendre. Tous les biens de la terre ne sont rien comparés à
la valeur de la pauvreté (Rcgul., c. vi). C'est ce que dit J. C. à un
jeune homme : Si vous voulez être parfait, allez, vendez ce que
vous avez et le donnez aux pauvres, et vous aurez des trésors dans le
ciel ; venez ensuite, et suivez-moi : Si vis perfectus esse, vade, vende
quœ habes, et da pauperibus, et habebis tlœsaurum in cœlo : et veni
sequere me (Matth. XIX. 21).
Combien, dit saint Augustin, combien est grand le bonheur des
(l) Nam si vestitus quisquam cum mulo luctatur, citius ad terram dejicitur, quia
habet unde teneatur. Quid enim sunt tenena omnia, nisi quœdam corporis indu-
menta? (Ut supra.)
PAUVRETÉ. 67*
chrétiens auxquels il a été donné d'acheter le royaume des cieux
avec la pauvreté. Gardez-vous de la trouver déplaisante. Il ne se peut
rien de plus précieux. Voulez-vous connaître ce qu'elle vaut? elle
achète le ciel (■!).
Remarquez que J. C. ne dit pas : Heureux les pauvres, parce que
le ciel leur sera donné, ou leur appartiendra; mais : Heureux les
pauvres, car le royaume des cieux est à eux : Beati paupcres, quo-
niam ipsorum est reynum cœlorum (Matth. v. 3). Le ciel est actuelle-
ment à eux , il leur est dû , ils en ont la certitude : Ipsorum est
regnum cœlorum. J. C. met la pauvreté au nombre des huit béati-;
tudes, et il la met la première
Quelle folie, dit saint Chrysostome, de placer vos richesses là où
vous ne resterez pas, et de ne pas les placer là où vous irez pour
toujours! Placez vos trésors dans votre patrie, qui est le ciel
^Homil. xlviii).
L'âme du pauvre qui se soumet volontairement à la pauvreté,
brille comme l'or; elle resplendit comme le diamant ; elle a la beauté
et le parfum de la rose.
La pauvreté ne craint ni la teigne, ni les voleurs. Elle n'est pas
l'esclave du démon , elle ne prend point place parmi les courtisans
des rois; mais elle se range parmi les serviteurs de Dieu et met son
trésor non pas sur la terre mais dans le ciel Le pauvre n'a ni
voiture , ni chevaux de race, ni domestiques, ni flatteurs; mais
celui qui s "élève au-dessus des nuées et qui doit aller au ciel, porté
par les anges, a-t-il besoin d'un pareil attirail? Il doit habiter avec
J. C; que lui faut-il autre chose? Le divin Sauveur ni les apôtres
n'eurent rien de tout cela; et cependant l'Eglise brilla d'une vive-
lumière, le monde païen brisa ses idoles, renversa ses temples, et
se convertit. Cest parce que les premiers chrétiens ont renoncé aux
biens de la terre et les ont distribués aux pauvres que tant de mer-
veilles se sont opérées
La pauvreté conduit à la perfection et au ciel; comme la cupidité
mène à tous les maux et à l'enfer.
La pauvreté : 1° met à l'abri des richesses, des honneurs, des
plaisirs, qui sont la source et l'aliment de tous les vices...; "2° elle
engendre l'humilité, qui est le principe de la sainteté... ; 3° elle est la
voie du salut, la mère de toutes les vertus, la racine de tous les
(1' Félicitas magnaehristianorum , qtiibus datum est, nt paupertatc-m faciant pre-
tium regni cœlorum. Non tibi displiceat paupertas tua; nihil ea potest ditius ^ivc-niri.
Vis uosae qudui locuples sit? cœ.um émit {Serm. xxviu de verbis Ayost. ,.
672 PAUVRETÉ.
arbres qui portent de bons fruits 4° La pauvreté volontaire ne
connaît pas les soucis; elle s'occupe de la pratique du bien, comme
l'abeille est tout entière au soin d'amasser du miel 5° La perfec-
tion consiste clans l'amour de Lieu et du prochain ; or, la pauvreté
fait acquérir ces deux vertus; car elle détruit le tieu et le mien,
d'où viennent les disputes, les haines, l'envie , les procès, les injus-
tices, les guerres, Jes révolutions : d'un autre côté, en éloignant
l'homme de la recherche et de l'amour des biens d'ici-bas, elle l'at-
tache à Dieu seul, et le porte à ne vouloir que lui ; et quand on a
Dieu, on n'est pas à plaindre; rien ne manque
On objectera que pour avoir le mérite de la pauvreté volontaire,
jl n'est pas nécessaire de renoncer à la richesse et qu'il suffit de ne
point s'y affectionner. Cela est vrai : garder les biens de la terre sans
s'y attacher, c'est une sorte de pauvreté qui a son mérite; mais elle
est inférieure à la pauvreté réelle, qui sacrifie et l'amour de la richesse
et la richesse elle-même. En effet, il est difficile de ne point avoir un
certain attachement pour une chose que l'on conserve. L'homme
qui dort et qu'on lie pendant son sommeil, ne connait qu'à son
réveil l'état où il se trouve. Ainsi ceux qui sont attachés par une
secrète affection à leurs richesses, ne s'en aperçoivent au'.a.u moment
où ils les perdent ou les abandonnent.
Quiconque, dit Jésus-Christ, laissera sa maison, ou ses frères, ou
ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou sa femme, ou ses fils, ou sr^s
champs, à cause de mon nom, recevra le centuple et possédera la vie
éternelle (1). Par Je centuple, saint Ambroise entend Dieu ; car Dieu
se fait le père, la mère, le frère et la sœur de celui qui renonce à tout
pour lui. Et l'homme qui a Dieu pour partage possède la nature
entière : Cui portio Dcus est, totius possessor est natures. Dieu est son
champ, et ce champ est assez vaste, assez riche, assez fertile; il lui
suffit, car il produit toujours des fruits abondants, excellents et
impérissables. Dieu est sa demeure, et elle lui suffit, car c'est le
palais de l'éternité. Qu'y a-t-il de plus précieux que Dieu? qu'y a-
t-il de plus splendi le que le ciel? quel bonheur est comparable à
celui que donne la possession du Seigneur ? (In Matth., c. XIX. )
Celui qui est riche selon Dieu est pauvre en or, dit saint Augus-
tin: Dco clives, est inops auri (Serm. xxvin de verbis Apost.).
Celui qui \cut être riche selon Dieu, dit le vénérable Bède, ne doit
()) Omnis qui reliquerit donmim. vel f m très, mit sorores, aut pat retn, mit mntrem,
mit uxorcm, nul lilios, aut .''gros, propter nomeu uicuiu , cenluplum accù)iet,
vilain eteruaui po&sidobit (Matlti, xix. 29).
PAUVRETÉ. C73
pas thésauriser, mais distribuer aux pauvres ce qu'il possède : Qui
vult in Deum esse dives, non sibi thezaurizet f sed pauperibus possessa
distribuât (In Evang. Luc, c. xn).
Le ciel appartient aux pauvres, et ils y envoient leurs bienfai-
teurs
Celui, dit saint Gyprien, celui qui n'a rien sur la terre est riche
dans le ciel; c'est un être céleste, angélique et divin. En effet, du
haut du ciel, les anges bienheureux regardent avec dédain ce petit
point qu'on appelle la terre, ses biens et ses richesses, et ils en rient;
car il appartient à une àme grande et généreuse de n'admirer que
Dieu <i).
La pauvreté, dit saint Jean Climaque, est une abdication des sol-
licitudes du siècle, un chemin sans obstacles vers Dieu, l'expulsion
de toute tristesse, le fondement de la paix , la pureté de la vie; elle
nous exempte du soin des choses d'ici -bas, et nous conduit à l'ob-
servation parfaite des commandements de Dieu (Grad. xvit).
Par la pauvreté, nous renonçons à des objets de peu de valeur et
nous entrons en possession de biens d'un grand prix, dit saint
Jérôme: Parvadimisimus,et grandia possidemus (Lib. super Matth.).
Si vous n'avez rien ici-bas, dit le même Père, vous êtes débarrassé
d'un grand fardeau; suivez, dépouillé de tout, J. C. qui est nu:
Si non habes, grandi onere liberatus es;nudum Christum, nudus sequere
(Epist. ad Rusticurn).
Abandonnez les biens de la terre, dit saint Augustin, et vous
recevrez ceux du ciel ; car la pauvreté achète le royaume des cieux :
Dimitte terrena, et accipies cœlestia; est enim paupertas regni cœlestis
vretium (Serm. ccxxxm de Temp.).
Ceux-là, dit saint Grégoire, ceux-là volent vers Dieu, qui ne tou-
chent pour ainsi dire pas la terre, parce qu'ils n'y désirent rien:
Volant, qui terram quasi non tangunt, quia in ipsa nihil appetunî
(Homil. xvm in Ezechiel).
va pauvreté, dit saint François d'Assise, est le chemin du salut,
le fondement de l'humilité et de la perfection. L'argent n'est autre
chose que le démon et qu'un serpent plein de venin (Hegul.,c. vi).
Je suis pauvre et je mendie, dit le Psalmiste; mais le Seigneur a
soin de moi : Ego mendicus sum et pauper : Dominus sollicitus est nui
(1) Pauper soli, dives est cœli; ideoque homo cœlestis, angelicus et divinus. An * '*
enim et beati es alto despiciunt et rident exiguum hoc terrée punctum,omnesque < ,,;;-
opes et dotes. Generosi enim magnique anirai est, nihil .adrairari praeter De >
{Epist. ad Martyr.).
III. 43
^4 *ATP. RETÏ.
(xxxix. 18). Dans votre douceur, Se tgti
pauvre ce qui lui est nécessaire : Par asti in dulcedtne tua p'>.;<:
Deus (Psal. lxvii. 11).
Dieu a voulu que la plus grande pirtie des hommes fussent pau-
vres, soit afin qu'ils acquissent le mérite de la patience et une pi
confiance en Dien, soit atin qu'ils fussent o \ ailler, de
cultiver les champs et d'exercer les arts mécaniques , faut
la vie humaine et l'ordre de l'univers ne pourraient
comme le dit saint Chrysostome , si la pauvreté
terre , l'ordre social serait anéanti, et tout genre de vie bouler :
il n'y aurait plus ni matelot, ni pilote, ni cultivateur, ni tisseï
ni cordonnier, ni maçon, ni charpentier, ni peintre, ni ou
quelconque. Or, ces ouvriers manquant, tout manquerait à la
La pauvreté estime maîtresse nécessaire pour inviter et, a
pour forcer chacun à accomplir l'œuvre qui lui est confiée. Si tous
les hommes étaient riches , tous vivraient dans le repos e I
paresse; tous se corrompraient et périraient. Il y aurait une pau-
vreté, une famine, une ruine complètes et universel 1 es (#wî/7. ante/M-
<nult.,L V).
Saint Jean Climaque assure qu'un simple moine, dans sa grande
pauvreté, est en quelque sorte le maître du monde; et qu'ayant mis
xën Dieu seul tout son espoir, il peut regarder les nations comme si
elles étaient ses esclaves. Le saint abbé ajoute que, serviteur de
©ieu-, le pauvre n'aime aucune chose terrestre sérieusement. En
«Set, ce qu'il a, et ce qu'il peut avoir, n'existe pour ainsi dire pas
$our lui ; et s'il le perd, il ne s'en inquiète point ( Grad. xvn).
C'est dans ce sens que saint Bernard, commentant ces paroles de
5. C. : Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi ( Joann.
xn. 32 ), dit avec raison que, p.; hement de toutes les choses
périssables, les vrais chrétiens en font autant. 11 est certain, ajoute-
t-il, que moins on désire les richesses, plus oi est libre, maître de
soi-même et vraiment riche. L'homme détaché de tout possède tout,
et le possède pleinement; car l'adversité, aussi bien que la pr
rite, lui est soumise et co> >ère à son bien. L "a\ure a faim dos c!
de la terre comme un mendant; le fidèle, au contraire, les méprise
comme un maître. En les possédant, le premier les mendie; en les
méprisant, le second Jes possède: Avarus terrena esurit ut mendiew}
fidelis contemnit ut dominus : Me , possulendo, mendicat; iste, content-*
nendo, servat (Serm. xxi in Cant.).
Peu de bien avec la crainte du Seigneur vaut mieux, disent Jes
feumtctl. 575
Proverbes , qu'un grand trésor avec le désir insatiable de l'augmen-
ter : Melwt est //arum cum timoré Domini, quam tkesauri magni et
imati ailles (xv. 16). Une petite fortune rend modeste, humble,
sobre, chaste, ami du travail; une grande fortune rend hardi,
orgueilleux, gourmand, impudique et paresseux. Aussi Fauteur des
Proverbes dit-il encore : Seigneur, ne me donnez ni Findigeiiee ni les
richesses; accordez-moi seulement le nécessaire de la vie : Mendici-
tatem et divitias ne dederis mihi; tribue tantum victuimeo necessaria
(xxx. 8).
Les pauvres sont à l'abri des plus grands maux, dit Démocrite;
ils n'ont à craindre ni les embûches, ni l'envie, ni la haine, qui ne
cessent de s'attacher aux riches : Maxima mala effugerunt pauperes,
insidias, invidiam, odium, in quibus divites quotid ie versantur (Anton.
in Meliss., part. I, serm. xxxui).
La pauvreté, dit saint Chrysostome, est un asile sûr, un port
tranquille, une sécurité constante, un bonheur exempt de danger,
une jouissance réelle; elle procure une vie sans trouble et ne connaît
pas le naufrage (l).
Hugues de Saint-Victor dit éloquemment : La pauvreté volontaire
est une espèce de martyre ; car, qu'y a-t-il de plus admirable et quel
plus grand supplice que d'endurer la faim à une table bien servie,
que d avoir froid quand il serait si facile de se vêtir, ou que de rester
pauvre au miiieu des richesses que le monde présente, que le démon
oiï're et que notre convoitise désire ? G est chose merveilleuse de tou-
cher du feu et de ne pas se brûler , de manier des épines et de ne
pas se piquer, de porter des pierres et de ne pas se blesser. Or, les
richesses sont à la fois du feu, des épines et des pierres : Et divitiœ
iyuis surit, et spince, et lapides ( Instit. monast. ).
0 pauvreté volontaire et patiente, combien tu es précieuse, com-
bien aussi tu es rare !...
Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice , et tout Si le pauvre
le reste vous sera donné par surcroît, dit J. G. : Quœrite \ .■'.. im 'luUaaDuueT
. ei , etji sti unit ejus; et heee omnia adjicienivr vobis ( JNiatth.
vi. 33). Déposez vos soucis dans le sein de Dieu, dit le Prophète royal,
et ii soutiendra votre âme : Jacta super JJominum curam tuam, et ips%
(1) Paupeitas tuluiu est as\tuifl, portus trarviuillus, perpétua securitas , deliciae
perkuluruin expertes, voluptas sineera, vita turJûalioiiiuu îiescia, viallucLuuui iguara
, iioiniî. de recipiendo Seuena/io '
676 PAUVRETÉ.
te enutriet ( liv. 22 ). Les riches , dit encore le même prophète , O! t
souffert l'indigence et la faim ; mais ceux qui cherchent le Seigneur
auront tous les biens en abondance : Divites eguerunt et esurierunt ;
inquirentes autem Dominum non minuentur omni bono (xxxm. 11).
Ne vous amassez point des trésors sur la terre , où la rouille et les
vers rongent, et où les voleurs fouillent et dérobent; mais amassez-
vous des trésors dans le ciel , où ni la rouille ni les vers ne rongent,
et où les voleurs ne fouillent ni ne dérobent (1).
Les biens du ciel sont incorruptibles; on ne les perd qu'autant
qu'on le veut; ils sont à l'abri des revers et durent éternellement.
Que votre âme ne s'enfouisse pas dans l'or, mais qu'elle s'élève au
ciel , dit saint Jérôme ( Epist. ).
Nous sommes pauvres , dit saint Paul , et nous enrichissons les
autres; nous n'avons rien, et nous possédons tout : Sicut egentes,
multum autem locupletant.es ; tanguam nihil habentes, et omnia possi-
dentes (II. Cor. vi. 10).
La vie des apôtres, dit saint Grégoire de Nazianze, est la richesse
dans l'indigence, la possession durant le pèlerinage, la gloire dans
!e mépris, la patience dans les épreuves : Vila eorum, sunt opes in
egestate , possessio in peregrinationc , gloria in contemptu, patientia in
m/irmitate (Orat. xn).
Tous les vrais fidèles sont riches, dit le vénérable Bède ; que per-
sonne ne s'estime moins qu'il ne vaut. Le iidèle est pauvre en argent,
mais riche en vertu; il dort plus paisiblement couché sur la terre,
que celui qui a de l'or et qui repose sur la pourpre : Omnes boni
fidèles sunt divites; nemo se contemnat : pauper in cella, dives in con-
scient ia; securior dormit in terra quamauro dives in purpura ( In Epist.
ad Cor. II).
Ecoutez le poëte : Qui est-ce qui est riche? o*l»»> <»*» -ne convoite
rien; qui est-ce qui est pauvre? l'avare :
Quis dives? qui nil cupit : et quis pauper? avarus.
Ne recherchons ni les honneurs ni les richesses qu'il nous faudra
laisser un jour, dit saint Grégoire : si nous cherchons des biens,
attachons-nous à ceux que nous posséderons éternellement : Non
. .\.ilit(! •hezaurizare vobis tbesauros in terra, ubi a?rugo et tinca demolilur, et
ubi flirts cfTodiunt et furanlur. Thesaurizatc nutem \ol>is tliesauros in cœlo , ubi
aequo .xrugo , ncque tinea demolilur , et ubi l'ures nua cflodiunt, nec furaatur
Katth, vi.19.t0).
PAUVKETÉ. 677
honores aut divitiœ quœrendœ sunt quœ dimittuntur; siboria quœrarnus^
Ma diligamus , quœ sine fine habebimus (Lib. Moral. ).
Les richesses , dit l'Ecclésiastique , sont bonnes à celui dont la;
conscience est sans reproche; la pauvreté est très-mauvaise à l'im-
pie, qui murmure : Bona est substantiel cui non est peccatum in con-
scien(ia;et nequissima paupertas in ore impii ( xm. 30).
Les pauvres mangeront et seront rassasiés, dit le Roi-Prophète
et ils loueront le Seigneur : Edent pauperes , et saturabuntur, et lau*
dabunt Domimm (xxi. 27 ).
Ne craignez point, dit Tobie à son fils : il est vrai que nou&
menons une vie pauvre; mais nous aurons de grandes richesses, si
nous craignons Dieu, si nous nous éloignons de tout péché, et si nous
faisons le bien : Nolitimere, fili mi, panperem quidem vitam gerimus,
sed multa bona habebimus , si timuerimus Deum , et recesserimus àb
omni peccato , et fecerimus bene ( iv. 23). Non-seuiement dans la vie
future , mais même dans la vie présente, nous aurons l'honneur et
le mérite d'avoir pratiqué la vertu et de n'avoir point abandonné les
sentiers de la piété
Comme Dieu est riche en grâces et en force, le pauvre l'est en
intelligence surnaturelle
Combien, s'écrie saint Ambroise, combien est riche celui-là qui
connaît Dieu, qui travaille pour l'éternité, qui amasse des trésors,
non point d'or, d'argent ou de choses précieuses, mais de vertus !
Ne vous parait-il pas riche celui qui a la paix de l'âme, la tranquil-
lité, le repos; qui ne désire rien, qui ne se trouble de rien, qui ne
se dégoûte pas des choses qu'il a depuis longtemps , et qui n'en
cherche pas de nouvelles? ( Serm. x. )
Le pauvre qui est humble envie ce qu'il est permis d'envier : ia
pureté, la sainteté, la perfection qui rendent l'homme agréabie à
Dieu; il travaille à conformer sa volonté à la volonté divine; il veut
ce que veut son Créateur , comme s'il ne faisait qu'un avec lui ; et
en agissant ainsi, il imite la stabilité de Dieu et son éternité
Le pauvre, dit saint Chrysostome, ne craint rien et jouit de la
sécurité la plus complète; au contraire, le riche et le puissant
redoutent toujours quelque danger (Homil. xxx in Matth. ).
C'est une chose qui mérite d'être honorée qu'une pauvreté joyeuse;
dit Sénèque; ce n'est pas pauvreté, mais richesse de cœur. Le véri-
table pauvre n'est pas celui qui a peu , c'est celui qui désire avoir
plus qu'il n'a. Qu'importe que les coffres de l'avare soient pleins,
que ses greniers regorgent, qu'il amasse chaque jour avec usure 3
678 PAÏÏVRETÉ.
s'il convoite le bien des autres, si, non content de ce qu'il possède, il
a soif de ce qui lui manque? Vous me demandez le moyen de s'en-
richir? c'est d'abord d'à v ior le nécessaire, et ensuite de le trouver
suffisant ( Epist. n ad Lucilium).
Le pauvre qui hait la pauvreté mène une vie misérable; au
contraire, celui qui non-seulement la supporte avec résignation,
mais qui est content de son sort, vit heureux
Le mal n'est pas dans la pauvreté, dit encore Sénèque, il est dans
le pauvre. Gelui qui accepte volontiers la pauvreté est riche. Le mal
n'est pas dans la pauvreté, il est dans l'esprit de l'homme. Ce qui
rend la pauvreté pénible ôte au?si aux richesses tout leur charme.
De même qu'il n'y a pour le malade aucune différence entre se
trouver couché sur un lit de bois ou sur un lit d'or, et que partout
où on l'étend il porte avec lui sa maladie : ainsi peu importe que
l'esprit malade de cupidité et de convoitise se trouve au milieu des
richesses, ou bien au sein de la pauvreté; son mal ne le quitte
pas (Lib. 1 de Remcdiïs fortunée).
Le pauvre a la situation qu'il se fait : s'il s'ennuie et se révolte,
ses jours sont laborieux, pénibles, misérables; s'il se résigne, ses
maux s'adoucissent et s'effacent
Le pauvre qui a une bonne conscience est infiniment plus riche
que le pauvre qui n'en a pas.
On se plaint souvent de la pauvreté ; on murmure contre Dieu
Tant qu'il en est ainsi, la pauvreté semble un fardeau accablant
et demeure sans mérite
Au reste, combien de personnes qui sont pauvres par leur faute !
Vous perdez au jeu et dans la débauche, ce que vous gagnez pendant
que vous jouissez de la force de l'âge ; vous n'amassez rien; plus
far ! vous languirez dans l'indigence et la misère : ne l'aurez-vous
ouhi?.,.
au'z une famille ; au lieu de la soigne* e! d'épargner, vous
isez en dépenses inutiles ce quevo.. ,0us serez
i 3 la détresse, et yog .'ants iront à demi nus : ne l'aurez-vous
pas voulu?...
Combien de pauvres qui seraient à leur a:se, s'ils s'éiiient chré-
jemeut conduits! Mais loin d'être bénie de Dieu, cette pauvreté
tst maudite. La grâce s'éloigne de ceux qui s'y sont laissé tom-
: ils souffrent sans consolation et sans mérite, parce que sont
tuilesyontc nduits, et non pas la volonté
de . i u
PAÏÏVRETÉ. 679
Pour avoir le mérite de la pauvreté, il faut : 1° renoncer à- l'amour- ce qu'il faut
propre et à la vanité...; 2° ne pas se fier à son intelligence; ne pas aTo?/?eKte
écouter exclusivement son propre jugement et sa volonté...; 3° se dc la
-y, , > • ■ « . pauvreté.
considérer comme n ayant rien par soi-même, mais comme tenant
tout de Dieu et de sa grâce... ; 4° méditer sur le néant des biens du
monde...; 5° demeurer convaincu qu'on mérite déplus grande*
peines que l'indigence...; 6<> avoir en vue la récompense promise
aux pauvres voloutaires ou résignés...; 7° ne s'attacher qua Dieu
seul...; 8° penser souvent à la mort...; 9° offrir à Dieu les priva-
tions et les souffrances que l'on endure.
Il faut être patient , ne pas murmurer, ne pas se défier de la Pro-
vidence, ne point se décourager
Il y avait, dit l'Evangile, il y avait un mendiant nommé Lazare,
qui, couvert d'ulcères, était couché à la porte d'un riche avare
(Luc.xvi. 20). Saint Chrysostome énumère neuf cruelles afflictions
qui pesaient sur Lazare: d°la pauvreté...; 2° une grave maladie...;
3° l'abandon...; 4° sa position à la porte d'un riche qui était vêtu
magnifiquement et passait sa vie dans les festins... ; 5° la cruauté de
ce riche...; 6° le manque absolu d'ami...; 7° l'espérance des biens
que doit apporter la résurrection moins affermie qu'elle ne le fut
après J. G...; 8° la longue durée de ses maux... ; 9° la faim , la s.
le froid, la nudité {Homil. i de Lazaro.)
On trouverait difficilement un pauvre qui fût sujet à tant de maux,
à tant de misères Cependant Lazare s'est résigné, il n'a pas mur-
muré ni désespéré
fÉCHÉ CONTRE LE SAINT-ESPRIT.
f îf^ouT péché et tout blasphème sera remis aux hommes, dit
J. C. ; mais le blasphème contre le Saint-Esprit ne sera point
remis. Et à quiconque aura parlé contre le Fils de l'homme,
il sera remis; mais à celui qui aura parlé contre l'Esprit-Saint , il ne
sera remis ni en ce siècle, ni dans le siècle futur (I).
Quel est le péché dont il s'agit ici, et qui ne sera remis ni en ce
siècle, ni dans le siècle futur ?
1" Plusieurs docteurs ont pensé que c'est l'hérésie d'Eunomius,
qui a nié que le Saint-Esprit fût Dieu.
2° Saint Hilaire dit que le péché contre le Saint - Esprit consiste
dans la négation de la divinité de J. C. ( De Peccat. )
3° Saint Ambroise le place dans le schisme et dans la simonie; car
Simon voulut acheter à prix d'argent le pouvoir miraculeux accordé
par le Saint-Esprit aux apôtres (Lib. II de Pœnit. ).
4° Le pape Gélase regarde comme coupables de ce péché ceux qui,
frappés d'anathème, restent et veulent rester pécheurs, et qui par
conséquent ne sont absous niici-bas, ni dans l'autre vie (Hist. Eccles.).
5° Saint Cyprien fait consister ce péché dans la négation de la foi
en temps de persécution (Lib. III , epist. xiv).
6° Richard de Saint-Victor le place dans la haine et le mépris for-
mels de Dieu ( Tract, de Blusphem. in Spiritu S. ).
Les théologiens comptent six crimes contre le Saint-Esprit : se
livrer à la présomption..., s'abandonner au désespoir... , combattre
la vérité connue... , détruire par jalousie la charité fraternelle...,
demeurer dans l'impénitence..., s obstiner dans la voie du mal
Ces péchés, en effet , s'attaquent méchamment à la bonté de Dieu,
bonté qui est attribuée au Saint-Esprit
Dans le passage que nous avons cité, J. C. ne parle pas de tout
péché contre le Saint-Esprit; mais seulement du blasphème contre
cette troisième personne de l'adorable Trinité, blasphème qui con-
siste à calomnier les œuvres évidemment divines et miraculeuses
(1) Omue peccatum et blasphcmia rcmitletur hominibus : Spjritus nutem blasphc-
mia non remiltctur. Et quicuinque dixerit verbum contra Filium hominis, remit-
tetur ei : qui autein dixerit contra Spiritum Sanctum, non rcuiitlelur ci . neque io
boc secuio noque m futuro ( Malth, xu. 91, 32),
ÏÉCHÉ CONTRE LE SAINT-ESPRIT. 681
pieuses et saintes que Dieu opère pour le salut des hommes et par
lesquelles il confirme leur foi et 'la vérité de sa parole : telles sont
chasser les démons, etc.; ces œuvres émanant de la bonté et de la
sainteté de Dieu, appartiennent spécialement au Saint-Esprit. Cette
manière de voir est celle de saint Athanase, de saint Ambroise, de
saint Jérôme et de saint Chrysostome.
Le péché contre le Saint-Esprit ne sera pas remis : Non remittetur;
c'est-à-dire, il ne sera remis que ditficilement, et rarement. Mais
Dieu, qui est la volonté et la puissance môme, peut remettre et remet
tous les péchés, lorsqu'on s'en repent sincèrement Ce péché ne
sera pas remis même dans le siècle futur : Neque in futuro; car qui-
conque meurt en état de péché mortel, va en enfer, et ne doit plus
espérer d'en sortir
Tout péché de malice est péché contre le Saint-Esprit, dit saint
Thomas d'Aquin : Omne peccatum ex malitia , est contra Spiritum
Sanctum{De Peccat. ).
PÉCHÉ mortel;
Qo'est-ee que «g e péché est une désobéissance à la loi de Dieu Qu'est-ce
]o pécht'*
et surtout ie ■ que le péché? dit saint Chrysostome : c'est l'abandon de la
pèche mortel. J^J volonté au démon ; c'est une folie à laquelle on se livre do
plein gré: Est voluntorv.is dœmon , et spontonea insania (Moral.).
Qu'est-ce que le péché? c'est la complète dégradation île l'homme,
sa souveraine misère, le mal suprême de l'homme et de Dieu; car
il est absolument opposé au bien suprême.
Le péché n'est pas une substance , ce n'est pas un être ; car tour
être est bon. Le péché est la privation de l'être
Le péché, dit saint Augustin, est la négation de l'être; c'est fe
néant : Peccatum est non eus, peccatum est nihil ( Sentent. ).
Pécheurs qui vous réjouissez , vous vous réjouissez dans le néant ,'
dit le prophète Amos : Lœtarnini in nihilo (vi. 14).
Le péché est appelé la négation de l'être, le néant: 1° parce qu'en
lui-même il est quelque chose de vil, de nulle valeur...; 2° parce
que le plaisir du péché passe vite et s'évanouit...; 3" parce que le
péché conduit celui qui le commet à une sorte de néant, c'est-à-
dire à la mort présente et éternelle...; 4° parce qu'il est la négation
de l'être au point de vue de la vertu ou du bien moral ; car le péché
est un mal moral...; 5° parce qu'il est une privation de bien; or
une privation n'est pas quelque chose de positif, mais de négatif,
c'est-à-dire rien 6° Le péché mortel sépare l'homme de Dieu, qui
est l'être par excellence , le créateur de tout , sans lequel rien aJ
fait et rien ne vivrait; il s'ensuit que le péché conduit au néant.
Seigneur, dit saint Augustin «comme rien n'a été fait sans vous '
en faisant le péché qui n'est que néant, nous sommes devenus des
néants; sans vous, par qui tout a été fait et sans lequel rien n'a été
l'ait, nous ne sommes rien. Malheur à moi, devenu si souvent un
vrai néant par le péché! Je suis devenu misérable, j'ai été réduit à
rien, et je l'ai ignoré. Mes iniquités m'ont conduit au néant. Rien
n'est bon sans le bien suprême. Le mal n'est autre chose que la pri-
vation du bien; comme la cécité n'est autre chose que la privation
delà lumière. Ainsi le péché est néant, parce qu'il n'a pas été fait!
Mais, continue saiut Augustin, s'il n'a pas été fait, comment est-il
mal? Parce que le mal est la privat">n du Bien par qui le bien a clé
PÉCHÉ MORTEl? 68*
fait. Etre sans le Verbe est mal ; c'est n'être pas : il n'y a Tien sans le
Verbe. Etre séparé du Verbe, c'est être sans voie, sans vérité, sans
vie. Voila pourquoi , sans lui, c'est le néant, et ce néant est le mal,
parce qu'il est séparé du Verbe , par qui tout ce qui a été fait est
boû. Mais être séparé du Verbe , par qui tout a été fait , ce n'est
pas autre chose que faillir, et du fait passer au non-fait, puisque sans
le Verbe, il y a néant ( In Evong. S. Joann. ).
Par lui-même et de sa nature le péché est néant, parce qu'en le
commettant, l'homme s'attache aux créatures et met en elles son
bonheur, les opposant au Créateur et les lui préférant; mais, com-
parées au Créateur, les créatures ne sont que l'ombre de l'être , et
par conséquent que néant. Voici, en effet, l'essence et le nom de
Dieu : Je suis celui qui suis : Fgosum qui sum (Exod. m. 14). Je
suis celui qui seul possède l'être véritable, entier, immense, infini,
tel; et les créatures participent de moi comme une ombre; car
leur être est si pauvre, si changeant, si. fragile, si rapide, si peu
Stable, ue, comparé au mien , il doit être appelé néant plutôt
qu'être. Or, comme les créatures n'ont pas l'être véritable, elles n'ont
pas non plus le vrai bien, mais seulement l'ombre du bien; car
l'être réel et le bien vont ensemble : tel être et tel degré d'être, tel
bien et tel degré de bien : le bien , en effet, est l'intime propriété de
l'être. Le vrai bien, comme l'être véritable, appartient à Dieu seul,
et non à l'homme. Aussi Dieu est appelé, dans l'Ecriture, seul sage,
seul puissant , seul immortel , seul Seigneur, seul bon , seul grand ,
seul juste, seul pieux, seul glorieux, parce que lui seul a la sagesse,
la puissance , l'immortalité , la domination , la bonté , la grandeur, la
justice, la sainteté, la gloire véritables, infinies, incréées.
En mettant son bonheur dans les créatures, et non dans le Créa-
teur, le pécheur se réjouit donc d'une ombre, d'un néant : Lœtamini
in nihilo. Mais que les ombres des créatures, dans les ténèbres de cette
vie, paraissent grandes à l'homme aveugle ! Au coucher du soleil,
les ombres qui descendent des montagnes s'allongent et deviennent
i -sales; ainsi, quand Dieu disparait, les ombres que projettent,
.es choses de la terre s'étendent , et le mondain les admire et les
poursuit; mais son attente est déçue : il imite le chien d'Esope, qui,
vovant se refléter clans l'eau le morceau de viande qu'il portait à la
gueule, l'abandonna pour saisir ce qui n'en était que l'ombre, e
perdit l'un et l'autre.
Ah ! Seigneur, que votre jour se lève, le jour de votre éternelle
clarté , et que les ombres du jour ténébreux d'ici-bas , de ce joui' de
684 PÉCHÉ MORTEL.
vanité et de mortalité, disparaissent. Dissipez le nuage qui nous
enveloppe , afin que nous abandonnions les créatures et le péché , et
que nous nous attachions à vous qui êtes l'être infini et le bien
véritable
Qu'est-ce que le péché? C'est un doux poison qui donne une mort
pleine d'amertume au pécheur...; c'est une goutte de miel vénéneux
qui se change en un océan de fiel...; c'est une blessure à laquelle on
ne peut survivre...; c'est une fièvre accompagnée de délire et qui
tue promptement...; c'est la perte de l'âme...; c'est le plus redouta-
ble ennemi de l'homme , qu'il sépare de Dieu, et qu'il fait l'esclave
de Satan
Le péché , dit saint Augustin , est la cause de tous nos maux :
Malorum omnium nostrorum causa peccatum est ( De Morib. ).
Le mort, dit saint Ambroise, est préférable au vivant, parce
qu'il a cessé de pécher; celui qui n'est pas né est préférable au
mort , parce qu'il n'a jamais péché : Mortuus prœfertur viventi, quia
peccare desinit ; mortuo prœfertur qui natus non est , quia peccare
nescivit (Serm. v).
Génération Le libre vouloir peut être appelé le père du péché , et la concupis-
6t péché! dU cence habituelle sa mère; réunis, ils donnent naissance à tous les
crimes. Ou bien le péché n"est qua demi formé et comparable à un
embryon; alors c'est le péché véniel : ou bien il est entièrement
formé ; alors c'est le péché mortel , commis après délibération et de
plein gré. Le premier-né du péché, c'est la mort , tant présente que
future et éternelle ; car le péché a engendré celle qui devait le châ-
tier; il a enfanté sa peine.
A un autre point de vue , le premier père du péché c'est Lucifer
dans le ciel, et le serpent dans le paradis terrestre. Ses premiers-nés,
eont le péché des anges et le péché originel.
Adam Adam a commis huit péchés : 1° péché d'orgueil , en aimant mieux
le premier ^re son maitre que de rester soumis à la puissance divine...; 2° péché
homme , L
a commis huit de trop grande complaisance pour son épouse qui lui présentait le
fruit défendu , et à laquelle il ne voulut pas déplaire...; 3° péché de
curiosité...; 4° péché d'incrédulité, en n'ajoutant pas fui aux
menaces de son Créateur...; 5° péché de présomption , en considé-
rant la défense qui lui avait été faite comme une défense légère...-
ti° péché de gourmandise...; 7° péché de désobéissance...; 8° péché,
eu s'excusant au lieu d'avouer humblement sa faute,,.,. Voilà
pèches.
PÈCHE MORTEL. 685
l'origine de tous les maux qui inondent l'univers depuis bientôt six
mille ans
La volonté est tellement essentielle pour faire un péché , que si elle Le péché wt
dans
manque , il n'y a pas de pe'ché , dit saint Augustin : Pcccatum ita m ia volonté.
sua essentia incluait voluntarium, ut si hoc desiû , desinat esse pecca.
tum (Lib. I, retract, xv).
Tout est dans la volonté, le bien comme le mal. Sans volonté,
point de péché ni de vertu...; sans elle, point de mérite, point de
salut, point de ciel.
Que la volonté propre cesse , dit saint Bernard, et il n'y aura plus
d'enfer: Cesset voluntas propria, et infernus non erit (Serm. de
Resurrect.).
Nous repoussons de vous les hontes secrètes , dit saint Paul aux En lui-même,
Corinthiens: Abdicamus occulta dedecoris (II. rv. 2). La turpitude esthonïbleet
aime les ténèbres honteux.
Ecoutez Sénèque, un philosophe païen : Quand bien même, dit-il,
je saurais que les hommes l'ignoreront, et que Dieu me le pardon-
nera , je ne voudrais pas commettre le mal, et cela à cause de
l'indignité d'un pareil acte : Etiamsi scirem homines ignoraturos , et
Deum ignosciturum, tarnen peccare nollem ob peccati turpitudinem (In
Prov.).
Le remède du péché est dans le péché lui-même, c'est-à-dire,
dans la considération de sa laideur, de la tache qu'il imprime à
l'âme et de ses funestes conséquences
Le péché renferme bien des hontes et bien des maux : il les com-
prend tous; cependant il en est cinq qui lui sont propres : 1° Il est
**>ntraire à la droite raison, qu'il déshonore. 2° Chaque péché est
opposé à telle ou telle vertu en particulier : ainsi , l'orgueil attaque
i'humilité; l'impureté, la pudeur et la pureté, etc.; on peut même
*iire que chaque péché attaque toutes les vertus à la fois. Or, les
vertus sont le bien et la perfection des hommes et des anges S'Dès
ici-bas, le péché appelle sur celui qui le commet une foule de maax:
par exemple, le déshonneur, les maladies, les châtiments, ete
-4° Il est une offense commise contre Dieu , le souverain mal • la
divinité qu'il insulte et provoque. Car , par le péché , l'homme s'at-
tache aux créatures, aux plaisirs, à l'or, etc.; il les préfère au
Créateur, et place interprétativement en elles soi bien suprême;
par conséquent , il nie autant qu'il le peut la souveraine bonté et
686 PÉCHÉ MORTEL.
l'excellence de Dieu 5° Le péché nous prive de la vie éternelle
Les théologiens prouvent très -bien que l'acte du péché pa^sé, le
péché laisse une tache dans l'âme, une tache hideuse et habituelle,
qui la rend infâme et abominable aux yeux ue Dieu.....
Le péché II y a plus d'un point de ressemble. :ce enî:-e la fièvre du corps et le
est une lièvre, pg^é , qui est la fièvre de l'âme : 1° La fièvre aîluiblit le corps;
le péelié affaiblit l'âme 2° La fièvre agite le sang et les humeurs;
le péché agite les pensées et les affections 3" On connaît la fièvre
par le dérèglement du pouls ; l'état de péché se décèle par ks
préoccupations et les sollicitudes qui s'emparent de l'homme
4° La fièvre occasionne une soif ardente; lame pécheresse est brûlée
par les désirs de la concupiscence et par le feu des passions
5° La fièvre commence par des frissons , et finit par une chaleur
intense: la fièvre de l'âme commence par la tiédeur , la négligence ,
la paresse, l'inertie; viennent ensuite le développement et les
ardeurs de la passion : orgueil, luxure, colère, gourmandise , etc
uu La fièvre déprave le goût ; le péché ôte le goût de la prière , de
l'oraison , de la mortification , des sacrements , etc 1° La fièvre
enlève à l'homme la force , la beauté , la raison, etc.; le péché pro-
duit les mêmes effets 8° La fièvre fait cruellement souffrir; le
péché aussi 9° Un accès de fièvre succède à un autre accès;
l'âme possédée de la fièvre du péché va de chute en chute
:. -ôohé Le péché peut être comparé à la paralysie. En ellet, 1° la paralysie
1 ai'ïie i,e *e corPsJ si l'on Peut s'exprimer ainsi ; le péché enchaîne 1 âme
2° La paralysie empêche tout mouvement des nerfs et des muscles ;
le péché met obstacle aux mouvements de la grâce et de la volonté
3e La paralysie est la suite de l'apoplexie; l'immobilité de l'âme dans
le mal est la suite de la chute dans le péché, que l'on peut nommer
l'apoplexie de l'âme 4° Par la paralysie, le corps devient un poids
inerte; par le péché, l'âme est soumise à un fardeau qui J'acca-
ble 5° La paralysie est un mal presque incurable; souvent aussi
Létat où le péché réduit lame devient comme incurable parla mau-
vaise volonté du pécheur, par son obstination à ne pas se corriger,
et par* la privation des grâces
Le péché Le péché peut encore être comparé au feu. En ellet, i° de même
est un feu. qUe ]e feu juroit' certains corps el blesse ou consunu I ces;
ainsi le péché blesse . endurcit et consume l'âme : le AJéché mortel
ÈÉfflM MrmTEi. 08*7
ressemble au fer rouge, dont le seul contact brûle profondément..**.
2° Le feu produit des flammes : le péché développe les flammes des
convoitises, de la colère, de la haine, de la luxure , etc.. ; il allume
le feu de la colère et de la vengeance divines...; il a donné nais*
sance au feu de l'enfer
Voici, s'écrie Tsaïe , voici qu'ayant allumé le feu (du péché) vous
êtes entourés de flammes ; marchez à la lueur de l'incendie que vous
avez produit, au milieu des flammes que vous avez fait naître : Ecce
vos accendentes ignem, ac'cincti ftammis; ambulate in lumine ignis ve-
stri, et in flamrnis quas succendislis (l. xi).
En commettant le péché, l'âme, qui était et devait demeurer l'épouse Le pèche
de J. C, le rejette; elle cède aux suggestions du démon, devient aâultère.
adultère et se prostitue au mortel ennemi de Dieu et des hommes,
adultère lui-même dès le commencement. Quelle abomination!
■enlever son âme à J. G., cette âme qu'il a rachetée au prix de tout
son =ang, et la livrer au démon , la promettre à l'enfer ! quelle fré-
nésie !.-..
L'h< ""me qui vit dans le j^ohé mortel abandonne le vrai Dieu; il se Le "HO,c
mortel est un-:
choisit une autre divinité qu'il adore. Cette divinité c'est lui-même , idolâtrie.
c'est sa volonté propre , ce sont les créatures. L'avare adore For et
l'argent; l'impudique, la chair; l'ivrogne, le vin, etc Le pécheur
se fait l'esclave des passions les plus viles et les plus dégradantes
O funeste idolâtrie !...
Vous avez souillé ma terre, dit le Seigneur par la bouche de Jéré-
mie , vous ave~ changé mon héritage en un lieu d'abomination :
Contaminastis ierram meam , et hœreditatem meam posuistis in abomi-
nât ionem (n. 7). Mon peuple a échangé contre une idole ce qui faisait
sa gloire : Popidv.s meus mutavit gloriam suam in idolum ( Id. n. 14 ). O
deux, soyez dans la stupeur; portes du ciel, que votre désolation soit
profonde ! Obstupescite cœli supjer hoc, et portœ ejus desolamini vehe-
menter ( Id. n. 12 ). Mon peuple a fait deux maux ; il m'a abandonné,
moi la source d'eau vive ; et il s'est creusé des citernes , fosses cre-
vassées qui ne peuvent contenir l'eau : Duo mata fecit populus meus :
me dereliquerunt fontem oquœ vives, et foderunt sibi cisternas } cistemas
dissipatas, quœ continere, non valent aquas (Id. il. 13).
En abandonnant Dieu , source de vie, tout pécheur cherche des
ses et corrompues. En effet, dans tout péché mortel , i.
y a : -*° e. ornement pour Dieu qui est le bien incréé et infini , et
688 PÉCHÉ MORTEL.
attachement aux biens périssables et dégoûtants...; 2° mépris pour
Dieu et amour pour les créatures...; 3° renoncement ù Dieu en tant que
fin dernière, et substitution des créatures au Créateur pour être notre
terme et notre souverain bien. N'est-ce pas là, de toutes les idolâtries,
la plus insolente , la plus monstrueuse et la plus criminelle?...
Israël s'est abaissé jusqu'à Baal, et il est mort, dit Osée: Israël
deliquit in Baal , et mortuus est ( xm. 1 ).
Le pèche j E péché mortel est le souverain mal de Dieu, de l'ange, de l'homme,
mortel est le r ii,p • . ' j.
mal suprême de toutes les créatures et môme de 1 enter et des damnés , dit
desanges" des Bellarmin; car un nouveau damné augmente la souffrance et le
hommes, et de châtiment de ceux qui l'ont précédé dans les flammes éternelles,
toutes -j x-
ies créatures, l'un affligeant et tourmentant l'autre ( In PsaL).
En péchant mortellement, dit saint Anselme, non -seulement
nous méritons d'éprouver la colère de Dieu*, mais nous insultons
toutes les créatures, et nous les soulevons contre nous. La terre peut
dire : Loin de vous nourrir, je devrais vous engloutir, parce que
vous me souillez. Nos aliments et notre breuvage peuvent dire :
Loin de vous faire vivre, nous devrions vous servir de poison; car
vous nous profanez en péchant contre celui qui nourrit les oiseaux
du ciel. Le soleil peut dire : Je ne dois pas vous éclairer pour faire
votre bonheur , mais plutôt pour appeler sur vous la vengeance de
mon Dieu, qui est la lumière des lumières, et le forcer de vous
punir ( Lib. de Similit., c. ci ).
Aussi l'Ecriture assure qu'au grand jour des vengeances tout
l'univers combattra avec Dieu contre les pécheurs insensés : Pugna-
bit cum Mo orbis terrarum contra insematos (Sap. v. 21 ).
Le Tiérhé Les pécheurs s'éloignent de Dieu et Dieu s'éloigne d'eux. Seigneur,
md!CDicu°ne ait le Psalmiste , voilà que tous ceux qui s'éloignent de vous péri-
ront; vous avez conduit à leur perte tous ceux qui vous sont adul-
tères : Ecce qui elongant se a te , peribunt ; perdidisti omnes qui
fomicantur abs te (lxxu. 27). Votre main les a retranchés, comme
ces blessés de la mort qui dorment dans le sépulcre et que vous avez
effacés de votre souvenir : Sicut vidnerati dormientes in sepulcris ,
quorum non es memor amplita : et ipsi de manu tua rcpulsi sunt
(lxxxvii. 5).
Demeura- sions- nous impunis, pécher serait subir un rran 1
supplice , dit saint Chrysostome; car le péché nous sépare de Dieu.
Celui qui pèche est le plus malheureux des hommes: il esc d'autant
PÉCHÉ MORTEL. 689
plus malheureux qu'il est moins puni et qu'il a moins à souf-
frir (I).
& nous ne péchons pas, Seigneur, dit la Sagesse, nous savons que
nous sommes près de vous : Si non peccaverimus, scimus quoniam
apud te sumus computati (xv. 2) ; mais si nous péchons, nous nous
éloignons de vous
Vos crimes ont établi une barrière entre Dieu et vous, dit Isaïe ;
vos péchés vous ont voilé sa face, et vous empêchent d'être exaucés :
Iniquitates veslrœ diviserunt inter vos et Deum vestrum; et peccata
vestra aùsconderunt faciem ejus a vobis ne exaudiret (nx. 2).
Vous nous avez rejetés et repoussés , Seigneur, dit Jérémie, votre
colère s'est allumée contre nous d'une manière terrible : Projiciens
repulisti nos. iratus es contra nos vehementer (Lament. v. 22).
Comme la lumière est en opposition avec les ténèbres, la beauté
avec la laideur, la pureté avec les souillures, la vérité avec le men-
e , la sincérité avec la fourberie , la vie avec la mort, la bonté
avec la méchanceté ; ainsi la sainteté est en opposition avec le
péché , et la sainteté par essence , Dieu , l'a en horreur. Aimant la
sainteté d'un amour infini , il déteste aussi d'une haine infinie le
péché mortel.. «f
Lé caractère de la révolte du pécheur ressort des paroles suivantes Le
de Jérémie : Voici ce que dit le Seigneur : Arrêtez- vous sur lesche- mortel est une
1 grave
mins , et voyez , et interrogez les anciens sentiers pour connaître la désobéissance
bonne voie, et marchez-y; et vous trouverez le repos pour vos âmes.
Mais ils m'ont répondu : Nous n'y marcherons point. Et j'ai établi
au-dessus de vous des sentinelles, et je vous ai dit : Ecoutez le bruit
de la trompette. Et ils ont répondu : Nous ne l'écouterons point (2).
Dès le commencement , dit encore le Seigneur , vous avez brisé
mon joug, vous avez rompu mes liens, et vous avez dit : Je ne
servirai pas : A seculo confregistijugum meum, rupisti vincula mea, et
dixisti : Non serviam (Jerem. h. 20).
La loi vous défend telle ou telle infraction, et vous dites : Je veux
(1) Magnum supplicium est peccare , etiamsi non puniamur : peccata enim nos a
Deo séparant. Peccans omnium est miserrimus; et tune maxime miser, cum non
punitur, el grave nihil patilur (Homil. ad pop.).
(-2) Hu>c dicit Dominus : State super vias, et videtc , el interrojate de semitis anli-
quis. quer sit via bona, et ambulate in ea ; et invenietis refrigerium animabus vestris.
: Non ambulabimus. Et constitui super vos spcculatvres. Audile vocem
tubce. lit duôvunt : Non audiemus (,vi. 16. 17 j.
III. 44
pecue
à Dieu.
600 KÊtHÉ MORTEL.
la commettre...; elle vous ordonne tel ou tel acte, et vous dites :
Je ne le ferai pas : Non serviam. yotre Créateur vous adresse celte
invitation : Marchez dans la voie de mes commandements; vous
répliquez : Nous n'y marcherons point : Non ètmbhlabimtè. Il ajoute:
Ecoutez ma voix ; vous persistez et vous laites entendre ces tact
Nous ne i'écouterons point : Non audiemus.
Y ici les préceptes que le Seigneur a donnés à l'homme : Un Seul
Dieu tu adoreras et aideras parfaitement. Le pécheur obstiné répond :
Je ne veux ni redorer ni l'aimer : Ne i: — Dieu en vain tu ne
jureras. — Il ihe plaît de le blasphémer : Non serviam. — Les diman-
ches tu garderas. — Ma liberté serait entravée par l'assistance à la
messe et air: offices : Non serviam. — Tes pères et mères h moreras;
tu leur obéiras, tu les secourras. — Je ne suis plus à là li
pour me laisser conduire sans résistance. Ma raison a
mon avenir aussi. Qu'ils s'arrangent; chacun pour soi. Non sert
— Pères et mères, vous élèverez vos enfants dans la crainte du Sei-
gneur; a ous les surveillerez, vous les corrigerez, vous le ■/.. —
Ce serait trop de gêne. Que deviendraient nos affaires et nos plaisirs ?
Des étrangers bien payés en auront soin : Non sWvfàm. — Ilomi
point ne seras. Tu respecteras le corps et surtout l'ame de ton pro-
chain. Pas de scandales, pas de haine ni de désirs de vengeance. —
Tant pis pour ceux qui se scandalisent; et quant à la vengeance, i
le plus doux des plaisirs : Non serviam. — Luxurieux point ne seras.
— La passion est plus forte que moi. Etre chaste est au-dessus des
forces de la nature : Non serviam. — Respecte ce qui ne t'apparti< nt
pas. — Chacun poursuit le gain à tout prix. La vie est une guerre
pu les scrupuleux seuls ont tort : Non serviam, etc.
Pécheurs, J. C. veut régner sur vous par sa loi, par sa grâce et par
gloire; mais semblables aux Juifs maudits, vous réponde: : Nous
:ie voulons pas que celui-ci règne sur nous : Noluuius hune t\gnare
super nos (Luc. xix. 1 \).
Le pécheur Par le péché mortel, l'homme déchire Ta 1 >i, -don l'expression d'un
.ic'iiièu.101 Prophète : Lacerata est lex (Habac. i. 4). Il la méconnaît, la méprise
la foule aux pieds et la tourne en dérision; il ^e rit des menaces
et des promesses de Dieu
Le péché
i est du Toutes les fo'.s que nous commettons un péché, ou de pensée , ou
me i is pour , , ,. ,. ... ,, . . l
Dieu. de parole, ou d action, dit saint Augustin,, nous détruisons le
PÉrffÉ MORTEL. C9I
temple de Dieu, et nous faisons une injure à celui qui habite en
nous(l).
Par la préférence qu'il donne aux créatures, le pécheur témoigne
à Dieu un mépris souverain et renouvelle le crime dont les Juifs se
sont rendus coupables en préférant Barrabas à J. C. : Non hnnc, sed
Barrabam (Joaan. xviii. 40). Préférer le mal au bien , le vice à la
vertu, la terre au ciel, une sale volupté aux pures délices de la grâce,
le néant à Dieu, se peut-il égarement et insulte plus gratis!
Dieu, par la bouche d'isaïe , se plaint amèrement d'une telle con-
duite : A qui m "avez-vous comparé, dit-il, à qui mavez-vous égalé?
Oui aasimilaalis me et adœquastis, dicit sanctus? (xi. 23.)
Malheur, dit-il encore, malheur à vous qui me méprisez ! Ne serez-
vous pas méprisés ù votre tour? Vœ qui spernis, nonne et ipse sperneris 'S
(Isai. xxxiu. I.)
Cieux, écoutez; terre, prêtez l'oreille, s'écrie le même prophète;
le Seigneur a parlé : J'ai nourri des enfants, je les ai élevés; et ils
m ont méprisé. Le taureau connaît son maître; l'âne, son étable :
Israël m'a méconnu (2).
Celui qui me méprise, a qui le jugera, dit J. C. : Qui spernitme,
habet qui judicet eum ( Joann. xn. 48.)
Dieïï est notre créateur, notre rédempteur, notre providence, notre Le p^! e
père; il nous comble de biens temporels et spirituels...; il nous noire hîgra-
promet une gloire et un bonheur qui ne finiront point. Mais, loin *»*u^^vers
de se montrer reconnaissant, le pécheur lui témoigne la plus noue
ingratitude...; il se sert des dons de Dieu pour l'outrager
C e n'est pas seulement à la loi de Dieu que le pécheur s'attaque; il Le pédie
j , , i , r*- i • -i i • -i x î mortel attaque
déclare la guerre a Dieu lui-même...; il aiguise son glaive, il tend : ..
:rc, il lance ses flèches contre le Tout-Puissant directéœeni;
Insensé! criminel soldat de Satan! ton chef voulut aussi lutter
contre Dieu. Quel fut son sort? Vaincu, renversé, maudit, il lui i ;-
cipité pour jamais au plus profond de l'enfer. Oh! n'imitez pas le
démon, si vous voulez éviter sou irrémédiable malheur
(1) Quoties aliquod peccutum, ant cogitando , aut loquendo, aut opérande perfi-
citnus. templura Dei destruimus, et ei qui in nobis habitat injurias irrogamus (Lib. I
.
Audi te cttli , et auribus percipe terra; quoniam Dominiis locutns est : Filio8
eDuliivi, et exaltavi; ipsi autem sprevAunt me. Cognovit bps possessorejn, suuni, et
Aaïuus prgesepe domini sur Israël auîem me iioû cojjnovit il, % 3J.
602 PÉcnÉ MORTEL.
morUAfet- ^jE V^hé mortel est une sorte de déicide. Si Dieu pouvait être mis
for» ■ d'anêan- à mort, il le serait par le trait empoisonné du péché Le pèche, r
lir Dieu
tue Dieu, au moins de désir, dit saint Cbrysostôme : Peccator, quan-
tum ad vohmfutem suam, Deum perimit Homil. ad pop.). Le péché
mortel est l'annihilation de Dieu, dit saint Thomas: Pcccatum est
annihilatio Dei (De Peccat.).
Répétons-le, si la puissance du pécheur répondait à sa vol nté
perverse, il détruirait Dieu Mais, ne pouvant l'anéantir ni dans
son essence, ni dans le ciel, ni dans ses œuvres, il l'anéantit du
moins dans son propre cœur. Et l'homme qui agit ainsi ne suppor-
terait Dieu nulle part S'il avait sur lui quelque pouvoir, il sou-
haiterait qu'il n'y eût pas de Dieu, parce qu'il voudrait qu'il n'y eût
ni loi pour le forcer à obéir, ni justice pour le punir; or, ce désir
emporte avec lui le désir de Panéantisse::ient de lieu
Quand le Fils de Dieu est venu sur la terre, ne l'a-t-on pas cruci-
fié ?... S'il d^scen lait une seconde l'ois parmi nous , les péch lui
feraient subir de nouveau toutes les douleurs de la passion; et si
J. C. pouvait encore souffrir, le péché mortel lui donnerait la
mort
Malheureux pécheurs, y pensez-vous?... Depuis que vous êtes en
état de péché mortel, votre cœur est un trihel où vous immolez
votre Sauveur; et, toutes les fois que vous péchez, vous crucifiez de
nouveau le I u au dedans de vous, comme le dit saint Paul :
Rw u., n crucifigentes siùimetipsis Filium Dei (Hebivvi. G.).
i , le péché mortel a été la véritable et unique cause de la mort
de J. C. Reconnaissez, ô pécheurs, combien sont graves les blessures
du péché, puisque pour les guérir, J. C, couvert de blessures, a
versé tout son sang ! Si la plaie que le péché i'a'ù à l'âme n'était pas
mortelle, et mortelle pour i éternité, jamais le Fils ùe Dieu ne serait
mort pour la fermer.
0 li'imine , s'écrie saint Augustin, reconnais ce que tu vaux et oh
que tu dois. En considérant la grai
'on, apprends à craindre et à fuir le péché. Voici
l"im est battue de verges; pour l'insensé, la Sagesse est
-:on; pour le menteur, la Vérité est immolée; pour
Lee . La Justice est condamnée; pour Pin
corde est frappée; pour le . la Pureté est abrem ée de \
;;re et la Doue w ei fiel; l'Innocence prend la place du
iable cri:, i i meurt pour ressusciter celui
mort {De Pabsio/ie).
PÉCHÉ MORTEL. 693
La malice d'un seul péché mcrtel est si grande, c'est un tel outrage De sa nadjre»,
envers la Majesté infinie, que toutes les prières, les humiliations, mortel" est
les austérités, les loua ---ps, les adorations des saints et des anges incurable,
seraient impuissantes à expier un seul péché mortel. Tout ce qu'ils
feraient de grand et d'admirable ne pourrait compenser ce qu'un
seul péché mortel a d'abominable. De sa nature, le péché mortel est
u:i mal irréparable. Un exemple nous le fera comprendre : Lorsque
Nabuchodonosor fit jeter dans la fournaise ardente les trois jeunes
Hébreux, il les brûla autant qu'il était en lui , bien que Dieu les ait
sauvés. Ainsi, lorsque nous commettons un péché mortel, nous
donnons la mort à notre àme; et quoique Dieu puisse nous res-
susciter, nous assurons néanmoins, autant qu'il est en nous, les
effets du péché que nous avons commis et notre damnation éter-
nelle ; en un mot, nous éteignons la vie jusqu'à Ja dernière étincelle.
Il faut considérer ce que produit le péché, et non ce que peut la
toute-puissance du Seigneur. Celui qui renonce une fois à Dieu, y
renonce pour toujours ; parce qu'il est de la nature du péché de
rendre éternelle, autant qu'il le peut, notre séparation d'avec Dieu.'
Etant tombé dans le péché mortel, l'homme n'avait à attendre ni de
lui-même ni des anges aucun remède qui put le replacer dans l'état
d'innocence et lui rendre les biens qu'il avait perdus. Alors, dans sa
miséricorde, le Fils de Dieu, la sagesse incréée, par qui tout a été
fait, a pris une résolution merveilleuse, ineffable, incompréhensible
aux anges et aux hommes; il s'est uni à notre nature et, en elle et
par elle , il a réparé le genre humain, qui était dégradé tout entier.
Nul homme ne souhaite voir ia fin de son bonheur; or, le pécheur Le Pécheu<
met son bonheur dans le péché Tut^eT
S'ils le pouvaient, les pécheurs, dit saint Grégoire , voudraient afin de pécher
. r.,,- ^i_ i. . n . toujours.
toujours M\re, afin de toujours pécher, lis montrent qu> telle est
leur disposition, en ne cessant de pécher qu'autant qu'ils cessent de
vivre. Qu'ils ne disent dune plus : Pourquoi un enfer éternel ? Il
appartient, ajoute le même Père, il appartient à la justice du Juge
suprême de ne jamais mettre fin au supplice de ceux qui, en cette
vie, n'ont jamais voulu être sans péché (1).
(1) Voluissent, si potuissent, sine fine vivere, ut potuissent sin«. fine peccare,
Ostendunt euim quia in peccato semp&j vivere cupiunt, qui nunquam desinunt pec-
care duin vivunt Ad œagnam ergo justitiain judicantis pertinct, ut nunquam
careant supplicio , qui in hac vita nunquam voluerunt çârere peccalo {De Partit, ,
eau. lx)-
H10!'1
i
HUC l'cUicl'
604 PÉCHÉ MORTEL.
m?,pMC!!ft. Êi™^ au véritable point de vue , le péché est pire fpiP fa mort , que
la réprobation et que l'enfer, parce que le péché est en lui-même
une tache , un mal ; tandis que la mort , la réprobation et l'enfer ne
sont que la peina du péché. L'enfer n'est pas un mal. il en est le
juste châtiaient : ce qui est un niai, c'est ce qui conduit en enfer,
c'est-à-dire le péché
Si, dit saint Anselme, si je voyais d'un côté le péché mortel, et
de l'autre l'enfer, et que je fusse dans la nécessité de choisir l'un
de? deux, j'aimerais mieux me jeter dans l'enfer que de commettre
le péché (1).
Le péché Mo:sT fils, dit l'Ecclésiastique, l'uvez devant le péché comme à l'as-
morlfl com- , . .....
paré au pect du serpent; car si vous ypus en approchez, n vous saisira.
5 rPïi'ouCt a'1 ^es dents sont les dents du lion; elles tuent les âmes : Fili , q\ < j
a focie colubri f\ge peccata : et si accesseris ad Ma, suscipient te. Ventes
leords, dentés ejus. inter/icientes animas hominum (xxi. 1-3). Le Saint-
Esprit compare le péché au serpent armé de vmin, et dont les
atteintes sont cichées et mortelles. Il compare ses effets à ceux que
produisent les dents du li >n qui déchirent et qui broient, ne laissant
rien subsister de la victime qu'elles ont saisi
Lorsqu'on présenta au vieux patriarche Jacob la robe ensan-
gtanti't! de son fi!.-; Joseph; il s'écria : Une bête cruelle l'a d£i
une bête a dévoré Joseph : Fera pessima comsditeum; ùestia dccurublt
Jusc/j/i | Oep. xxxvu. 38 ). Voilà ce que fait le péché mortel
Le sanglier de la font a déraciné votre vigne, Seigneur, dit le
Psalmiste, une bêle sauvage l'a ravagée : Exterminavit eam aper de
us depastus est eam ( lxxix. 14).
Tout ce tableau est une allusion à l'état ou se trouve l'unie livrés
an péché mortel
Ils -.terminés par la multitude des animaux féroces, dit la
Bagi liestiarum exten . vi. 1). Autant
de; irtels , d'habitudes coupables, de ( tyranniquea,
; animaux léroces qui fondent sur l'âme et la déchirent
ché Toute iniquité est un glaive à deux tranchants ; ses blessures sont
' '" incurabli . il l'Ecriture : Quasi romphœa bis acuta omnis iniguitas:
■ n un /a f
B'« ' ■ ;- l iU sanùM (El ■;!.. ixj 4 ).
uaiuation.
(1 Si liinr inforni nrf'orom, ind" pt»rnfi hnrron-rrt cernerem , «c nei^jsano .il'cr-
ir . imi milii r! j dimi insilire , quain peccatum com-
1 /. , c. c\c J.
PÉCHÉ MORTEL. 695
Le Saint-Esprit a co.n paré le péché au serpent, au lion, au san-
glier ; maintenant il le compare au glaive à deux tranchants.
Apprenez de là combien le péché mortel est grave et funeste;
car il nuit infiniment plus à lame que le serpent, le lion et le
glaive ne nuisent au corps, et que le sanglier ne nuit aux vignes
et aux terres cultivées. Le péché mortel tue l'âme pour jamais, et
même quelquefois le corps
Lorsqu'elle pèche mortellement, l'âme compagne des saints et des *ie["^éis
anges et épouse de J. C. descend des hauteurs du ciel , et se préci- plus terrible
• n , » ,1 -i de tontes les
pitant dans un cloaque, elle vit parmi les betes impures et les reptiles chutes.
venimeux; elle se vautre dans la fange et s'en nourrit. Ai; contraire,
l'âme exempte de péché mortel est un ciel dont l'intelligence est le
soleil; la foi et la continence, la lune; et les autres vertus, les
étoiles. Toutes les vertus brillent au milieu des adversités de ce siè-
cle, comme les astres au firmament durant la nuit, dit saint Ber-
nard (Serm. in Psal. ).
Le pécheur se blesse lui-même, dit saint Chrysostome : Nemo lœdi- Le péchei.,
1 est à lui-mêmù
tur nisi a mpso ( Homil. ad pop. ). son plus
Le péché est le mal suprême de la nature , de l'homme et de la cruel enne,T"
société. Ni l'homme, ni le démon, ni Dieu lui-même, ne peuvent
faire autant de mal à un homme qu'il ne s'en fait lorsqu'il commet
un péché mortel
Dieu , dit saint Augustin, imposa aux péchés une loi telle que ce
qui a fait le plaisir du pécheur devienne entre les mains du Sei-
gneur un instrument de punition : Deus ipsa peccata sic ordinat , ut
quœ fuerunt delectamenta homini peccanti 3 sint instrumerta Domino
punienti ( Lib. Confess. ).
Chacun est tourmenté par où il a péché, dit la Sagesse : Per quœ
çeccai quis , per hœc et torqvelur ( xi. 17 ). Chaque vice porte avec In!
une peine qui lui est propre Vous l'avez ordonné, Seigneur, i
il en - dit saint Augustin , tout esprit déréglé est à lui-même
son châtiment : Jussisti, Domine, et ita est, ut siùipœnasit omnis
inon nfess. ).
Du principe du péché dérive le supplice qui l'attend, dit saint
Qyy, n le est fonspeccati , Mine est plago mpplicii ( Homil.
ad pop. .
Lec nous abusons par le péc. «. jgent d'ordinaire
696 PÉCHÉ MORTEL.
en verges pour le pécheur , dit l'abbé Rupert : Plerumque ea m qui-
bus peccamus , fiunt flagella peccantium (De Peccat. ).
Us ont été persécutés par leurs propres œuvres, dit la Sagesse
Persecutionem passi ab ipsis factis suis ( XI. 21 ).
Celui qui commet un péché mortel, dit saint Paulin de Noie , fait
de sa vie une sorte de moulin où il moud le grain de l'ennemi, afin
de nourrir le démon dont son âme affamée devient le pain délicieux :
Qui peccatum operatur, de mola vitœ suœ hostile trUicum molit, utdia-
bolum pascat , cui panis fit anima, quœ sibi famés est (Epist. ix.)
Ceux qui s'abandonnent au péché et à l'iniquité sont les ennemis
de leur âme , dit Tobie : Qui faciunt peccatum et iniquitatem , hostes
sunt anima sua (xn. 10).
Les iniquités de l'impie sont un filet tendu sous ses pas, disent les
Proverbes, ses péchés sont des cordes qui le lient : Iniquitates suœ
capiunt impium, et funibus peccat orum suorum constringiiur (v. 22).
Lorsqu'on vit dans le péché, la vie pleine de noblesse de la veitu,
qui est la vie véritable, disparait. L'espèce de vie qui reste n'est
qu'une mort qui a les apparences delà vie
Le pécheur porte constamment le pesant fardeau de son péché*
c'est le joug le plus redoutable et le plus accablant
Le pécheur, dit saint Grégoire , perd la vie heureuse soit par le
vice, soit par les peines attachées au vice : Peccator , béate vvscre,
sive per vitium, sive per supplkium , perdit (Lib. Moral.).
Le péché , dit saint Jean Damascène, est la mort de l'âme immov
telle : Peccatum est immort al is animœmors (Surius, in ejus vita).
Tout pécheur qui s'abandonne aux passions vaines et brutales.'
devient vain et semblable aux brutes
Le péché, dit saint Thomas, est appelé vanité , parce que : 1» le
choisir, c'est faire choix d'un bien fantastique; 2° lui demander la
durée, c'est la demander à quelque chose d'esscnt:ellenient transi-
toire...; 3° en attendre quelque heureux résultat, c'est courir à une
déception; 4° s'attachera lui est infructueux; de telle sorte que le
pécheur peut s'appliquer ces paroles d'Isaïe : J'ai trava lié en vai i
et sans cause; j'ai usé mes forces pour atteindre un but qui m'a
trompé (1).
Les paroles suivantes de Jérémie ne conviennent pas moins ien
(1) Peccatum dicitur vanitas, î°quia yiharit n firum est in eligendo; 2° quia tmn-
sitorium est in permanendo; :," quia "allai esl in exspectando ; i° quia infrueti ut
est in consequeodo; ut recte usurpent illud Isai« ( m.ix. ■'> ) : In vacuum laboi*vif
sinecau>>> .rtitudinem mcaai coosumpsi [De
PÉCHÉ MORTEL. 697
dans la bouche de quiconque commet l'iniquité : Le péché nous
a conduit à travers le désert, à travers une terre inhabitable et pans
chemin; terre où la soif attend le voyageur, et qui est l'image de la
mort; terre que l'homme courageux n'a pas foulée aux pieds, et sur
la [Tielle il n'a jamais dressé sa tente : Traduxit nos per désertion, per
terram inhabitabilem et inviam, per terram sitis , et imaginern-mortis,
per terram in qua non ambulavit vir, neqve hahitavit homo (ir. 6).
Le pécheur qui abandonne Dieu et qui met son espoir dans l'homme
et dans le péché 1° verra échouer toutes ses espérances de bien-être;
ne produira aucun fruit...; 3° il sera privé de la céleste rosée
do la grâce et de la sagesse...; 4° il demeurera abandonné de Lieu
et des hommes...; 5° il sera exposé en vente comme un esclave et
acheté par les démons et par les passions tyranniques.
Le pécheur, dit ailleurs Jérémie, aura le sort de la bruyère du
désert; il no verra pas venir de rafraîchissement, mais il demeurera
au milieu de l'aridité du désert , dans une terre couverte de sel et
inhabitable : Erit quasi myricœ in deserto, et non videbit cum venerit
bonum; sed habitabit in siccitate in deserto, in terra salsuginis et
inhabit abile (xvit. 6). Remarquez les trois effets du péché qu'in-
dique le prophète : lo le désert, c'est-à dire l'éloignementdu secours
et de la société de Dieu , des anges et des saints; 2<> la sécheresse,
c'est-à-dire le manque de grâces, de vertu et de force; 3° la stéri-
lité : le pécheur ne produit pas de bonnes œuvres
Jérusalem, dit encore le même prophète, Jérusalem s'est enfon-
cée dans son péché, aussi est-elle devenue la proie de l'instabilité;
tous ceux qui la glorifiaient l'ont méprisée, parce qu'ils ont vu son
ignominie : Peccatum pcccavit Jérusalem , propterea instabilis facta
est : omnes qui glorificabant eam, spreverunt illam, quia viderunt igno-
vniniam ejus (i. 8).
La première cause de l'instabilité du pécheur, c'est son éloigne-
ment de Dieu...; la seconde cause, c'est l'inconstance naturelle
au cœur de l'homme qui , très-vaste et capable d'une multitude de
choses, nourrit une infinité de désirs. Mais , par là même, aucune
créature, aucune passion, aucun plaisir, toutes choses bornées,
étroites et viles ne peuvent le remplir ni le rassasier : il lui faut
Dieu, et le pécheur ne l'a pas L'âme raisonnable, dit saint Ber-
nard , peut être occupée de tout ce qui n'est pas Dieu , elle ne peut
pas en être remplie : Anima rationalis cœteris omnibus occupari potestf
repieri omniao non potest ( Serm. in Cant.). La troisième cause de
ité, du pécheur vient de ce que toutes les volupté- oréée^
698 PÉCHÉ MORTEL.
qu'il poursuit sont flottantes , fugitives et mêlées de beaucoup de " \
et de tourments où elles aboutissent et se perdent; carie dégoût et
les pleurs sont le tenue de toute joie. Ce qu'éprouvant, n
satisfaction trompeuse, le pécheur cherche une joie nouvelle qu'il
voit bientôt se troubler et de laquelle il passe à une autre, s'y aban-
donnant d'abord, et puis s'en lassant presque aussitôt. Voilà comment,
de désirs en satiété et de satiété en désirs, il erre malheureux, vaga-
gond , cherchant le bonheur ou du moins le repos et ne trouvant ni
l'un ni l'autre. La quatrième cause de l'instabilité du pécheur , c'est
que, de môme qu'une vertu en amène autre, un vice amène un
autre vice La cinquième cause, c'est que les remords delà con-
science ne permettent pas au pécheur de goûter un moment de paix.
C'est Je remords qui a rendu Caïn errant et vagabond (Gen. rv. 14).
La sixième cause, c'est que le pécheur est agité d'une foule de désirs
pervers; tellement, dit saint Ambroise, que le péché peut être
regardé comme une ardeur désordonnée et une fièvre brûlant e de l'âme
(Serm. xiv). La septième cause, c'est que, par le péché, l'âme juste
perd sa virginité, c'est-à-dire sou innocence, et devient une prosti-
tuée; aussi cherche-t- elle de toutes parts des amants aussi vains et
aussi trompeurs qu'elle. N'est-il pas évident que Je pécheur est h lui-
même son plus mortel ennemi ?...
Le péché ^ Le péché mortel fait perdre à l'âme la grâce sanctifiante, qui est le
mortel ravit à , , . 7 . ,
l'homme tous PW8 prépieux des trésors
1» iiuli' enlève La s™ce csl lc PrmciPe ue la gloire Celui , dit .). C, qui boira
la grâce. de l'eau que je lui donnerai n'aura jamais soif; 1 eau que je lui don-
nerai deviendra en lui une fontaine d'eau jaillissante pour h
éternelle : Qui biberit ex aqua, quam eyo dabo ei, non sitiet in œt i mm.
Sed agita, quam ego dabo ei, fet in co fons aquœ salientis in vitam
œtemam ( Joann. iv. 13. M). J. C. appelle sa grâce eau jaillissante,
eau vne, parce qu'elle vient du ciel, qui est h vî
conduit. Soit de sa nature, soit par sa destination e r la promesse
de Dieu, la grâce est la semence qui produit la gloire.
Dieu se communique â l'âme par la grâce; et par cette commu-
nication, il élève lame jusqu'à lui, la tra - rme en lui et la
divinise
J. C. marche sur les eaux, il i . ierre, il calme la tempête
et, en un instant, il fait toucher la barque au ri
ce divin Sauveur opère en nous des mei s : il
nous aide à fouler aux pieds le siècle, cal le la
PÉCHÉ MORTEI» 69Q
concupiscence et des tentations, et nous amène au port du salut
éternel.
Lorsque, Dieu descend dans une âme parla lumière de sa grâce,
cette âme se ion l comme la cire au feu : elle pleure ses «égarements,
elle s'enflamme, elle devient douce, et s'abanilonne aux soins de son
céleste époux. Alors, en elle, les montagnes de l'orgueil s'écroulent;
celles de l'ambition et de la vanité disparaissent, ainsi que les vallées
étroites de la lâcheté, de la crainte, de Ja tiéJeur et de la paresse
C'est la grâce qui rend méritoires toutes nos œuvres
Oh ' si nous conraissions le prix de la grâce et tous ses avantages,
avec quelle ardeur nous la désirerions, et comme, loin de nous
exposer à la perdre, nous travaillerions à nous la procurer, à la con-
server et à l'augmenter en nous ! Comme tout le reste nous paraîtrait
vil et méprisa! .le !...
La grâce 1° chasse tout péché mortel...; 2° elle rend l'homme
agréa' le à Dieu...; 3° eile lui confère la rectitude et la sainteté : sa
volonté, son esprit, toutes ses facultés sont soumises à Dieu et à sa
loi , en un mot, elle rend l'homme semblable à Dieu et tel qu'Adam
était avant sa chute...; -4° elle l'ait de nous les filsadoptifs de Dieu,
ses héritiers , les cohéritiers et les membres de J. C... ; 5° elle amène
avec elle toutes les vertus et les sept dons du Saint-Esprit...; 6° elle
assure la possession de la gloire... ; 7° elle est le principe et la cause
de la satisfaction pour les péchés commis, et le préservatif qui les fait
éviter
La grâce a pour premier fruit la paix...; pour second, l'espérance
de la gloire...; pour troisième, la grandeur d'âme et la joie dans les
adversités Comparés à la grâce, tous les diamants de l'Orient,
toutes les couronnes des rois, tout l'or du monde ont la valeur de
quelques grains de sable, dit la Sagesse : Omne aurum in compara-
tione illius , arena est exigiia (vu. 9).
Or cette grâce inestimable, un seul péché mortel la détruit et
l'anéantit !... Quelle perte!... quel malheur !...
De l'ancre le plus richement doué, le plus éclatant de beauté et le plus 2» Le péché
mortel
heureux , le péché mortel a fait le démon le plus pauvre , le plus détruit la
hideux , le plus misérable de ïàme.
Toute la beauté de la fille de Sion l'a abandonnée , s'écrie Jéré-
mie en pleurant : Et egressus est a filia Sion omnis décor ejus
(Lament. i. 6).
Qu'y a-t-il de plus beau que l'âme créée à l'image de Dieu,
700
PÉCHÉ MORTEL.
remplie de sublimes facultés, capable de connaître, d'aimer, de
servir son Créateur et de posséder la gloire éternelle?...
Lorsqu'elle est dans l'état de grâce habituelle, l'âme est plus res-
plendissante que les étoiles et que le soleil lui-même. Si nous pou-
vions voir son incomparable beauté, nous en serions ravis, et nous
la prendrions pour une divinité, car elle est revêtue de la beauté
même de Dieu... Mais lorsqu'elle a le malheur de tomber dans un
seul péché grave, quel allreux changement s'opère en elle ! Toute
sa beauté disparait en un instant; aux yeux de Dieu, elle de\ient
plus repoussante et plus dégradée que les sauvages les plus déchus
et les plus hideux le sont aux yeux de Fhomme civilisé. Que dis-je?
elle est mille fois plus horrible que le cadavre à demi rongé par les
vers et qui répand l'infection autour de lui. Si elle pouvait être
vue, elle ferait mourir d'épouvante tous ceux qui l'apercevraient.
3» Le péché La sagesse, dit l'Ecriture, n'entrera pas dans l'àme qui veut le mal ;
m0rlfùitcel eD e^e n'habitera pas le corps esclave du péché : l'Esprit-Saint se reti-
la sagesse. rera devant l'iniquité : In malevolam animam non introibit sapientia,
nec habitabit in corpore subdito peccatis. Spiritus Sanctus corripietur a
svperveniente iniquitate (Sap. i. 4. 5).
Si la sagesse règne sur l'âme exempte de péché mortel et la
gouverne , la folie dirige l'homme qui s'abandonne au péché.
40 Le péché SurrosEZ qu'une seule personne réunisse toutes les vertus; que
mortel prive jeDuis vingt, trente ou cinquante ans, elle ait crû en périr- (ion ;
de tous les 1 ° ' ■ * r
méritesacquis. qu'elle soit très-sainte , etc.; un seul péché mortel lui enlève le
mérite de toutes ses prières, de toutes ses mortiiicalions , de tous
ses jeûnes, de toutes ses aumOmes, de toutes ses confessions et ses
communions, en un mot, de tous sesac!« s de vertu : tellement que
si elle venait à mourir dans cet état , rien de tout cela ne lui serait
compté ; clic serait exclue du ciel, et condamnée à renier. C'est une
vérité consignée dans nos livres saints : Si , dit le Seigneur par la
bouche du prophète Ezécliiel . si le juste sort de la justice (qui est
l'état delà grâce) et commet l'iniquité, je creuserai une fosse son- - ;
pas, il mourra dans son péché, et le souvenir de sa justice et du
Sien qu'il a fait ne demeurera pas dans la mémoire des hommes (J).
(1) Si conversus justus a justifia sua fuerit , et fecerit iniquitatem : ponam offen-
diculum cor.un eo , ipso morietur : in peccato suo reorietnr, et non erunt in (oemoria
justifia; cjus, quas récit ( m
PÉCHÉ MORTEL. 701
Tout le bien que fait l'homme en état de péché mortel est perdu 8»lepécbë
pour le ciel, et ne sera pas récompensé. Si le pécheur reste dix, empêche qu'on
vingt ou trente ans dans cet état, toutes ses prières, toutes ses en acquière de
' r no u\ eaux.
bonnes œuvres , etc. , ne sont d'aucun mérite pour la vie éternelle.
Il faut avoir la grâce sanctifiant, pour mériter et la gloire et un
accroissement de glaire. Pécheur qui n'a pas reculé devant le péché
mortel, ose dire : Je suis riche et opulent, et je n'ai besoin de rien.
Tu ne sais pas, te répond le Seigneur dans l'Apocalypse, tu ne sais
pas que tu es malheureux, et misérable , et pauvre, et aveugle, et
nu : Quia dicis : Quia divcs sum, et locupletatus, et nullius ego; et nescis
quia tu es miser, et miser abilis , et pauper, et cœcus, et nudus ( ni. 17 ).
Mais cela étant , dira-t-on , il faut donc abandonner la prière , la
mortification, l'aumône, la confession, et se livrer au désespoir!
Non; il faut au contraire prier davantage, jeûner, se repentir ,
s'approcher souvent du tribunal de la pénitence et avoir confiance en
Dieu. Il est vrai que faites en état de péché mortel, ces œuvres ne
seront pas récompensées dans l'éternité ; mais elles disposeront le
pécheur à se convertir et à obtenir miséricorde; biens infinis qu'il
n'obtiendrait pas, s'il persévérait dans son iniquité, s'il ne faisait
rien pour en sortir, et surtout s'il désespérait.
On demandera peut-être si les mérites acquis dans l'état de grâce
et perdus par suite d'un péché mortel, ne seront pas rendus, lors-
qu'on sera rentré en état de grâce? Us seront rendus intégralement ;
c'est l'enseignement de l'Eglise,, des saints Pères et de tous les théq-
logieng
Qu'est-ce que le corps lorsqu'il est privé de vie et réduit à l'état de 60 Le péché
cavadre? c'est la chose la plus vile, la plus dégoûtante, la plus Svlederla^
embarrassante. Telle est l'âme qui a perdu la vie par le péché
mortel
Ce que l'âme est au corps , Dieu l'est à l'âme; et comme l'âme est
la vie du corps , la grâce est la vie de l'âme. Quand l'âme se
sépare du corps, la vie s'en va; quand Dieu se sépare de l'âme,
l'âme ne vit plus. Or, c'est le péché mortel seul qui produit cette
funeste séparation 0 péché mortel, que tu es à redouter!...
Un seul péché mortel détruit toutes les vertus, tous les biens et 7°Lepr<-hf-
toutes les richesses spirituelles. Il enlève l'obéissance, l'amour de mtoutes1ea
Dieu, la paix, le bonheur, l'innocence, etc. il empêche la bonne lf^'lus:d
mort le ciel.
702 rÉCIÎÊ MOntEL.'
Le péché mortel frrme la porte du ciel; il prive du trône, de la
couronne et de la gloire éternelle, de la vue de Dieu, de sa posses-
sion et de =a jouissance pour toute l'éternité!...
Le péché mortel peut donc se comparer à un voleur et au pire de
tous les voleurs; car il dépouille l'homme de ses bieiis les plus pré-
cieux; et après les lai avoir enlevés, il l'accable de maux et des maux
les plus grands.
i,e péché
mortel attire
sur l'homme
touslesmaux:
4° Il le rend
vil et
inéorisable.
0 Jérusalem, s'écrie le prophète Jérémie, que tu es cfévëhiie mépri-
sable! Quam vilis facta es! (n. 3G. ) Le péché est la suprême dégra-
dation de l'homme; comme la suprême dégradation d'une vierge est
la prostitution qui lui enlève la pudeur, la virginité et l'honneur.
. .tint Augustin dit a Imirablement : L'excellence et le bien delà
nature humaine parait surtout en ce qu'il lui est donné de pouvoir
s'attacher à la nature du bien souverain et iué' iratilàblé. Que si elle s'y
refuse, elle se prive du bien absolu, et c'est son suprême malheur ; i r,
par la justice de Dieu, elle tombe rapidement dans les souffrances et
dans l'ignominie, tjue peut-il exister de plus affreux et de plus digne
de mépris, que de vouloir trouver le bien dans l'abandon du bien
véritable. On ne sent quelquefois pas le mal de la perte du bien
supérieur, lorsqu'on possède le bien inférieur qu'on aime. Mais il
est de la justice divine que celui qui, par sa volonté, perd ce qu'il
aurait dû aimer, c'est-à-dire Dieu, perde aussi avec douleur ce qu'il
a aimé (De Clvtt. ).
Le pécheur ne sent pas combien le péché est dégradant et combien
il rend l'homme vil; mais, afin qu'il le sente, Dieu lui envoie les
douleurs du châtiment
2'- Le péché Ce que je fais, je ne le comprends point, dit saint Paul : Quod enim
niU!'-i!,rte operor, non intelligo (Rom. vu. 15).
l'aveuglement. j0 Le pécheur ne comprend pas toute la malice du péché; car ,
gil la comprenait, il ne le commettrait jamais 2J Le pécheur ne
comprend, pas biea ce qu'il fait quand II pêche, parce qu'il agit
contre le jugement de sa conscience et de sa raison
Se vous associez point aux œuvra stériles de ténèbres, dit ailleurs
saint Paul, mais plulùt blâux-z-bs; car ce qu'ils font en secret est
honteux à dire : Nolite communùare operi'» s infructuosis tcnebrnrum,
magii autem redargmte : qua enim in occutto puât ab ijjsis , turpe est
àicere (Ephes. v. 11.12).
Le péché e=t appelé une œuvre de ténèbres : 4° parce que le
PÉCHÉ MORTEL. 703
péché ('tant une œuvre honteuse et condamnable , le pécheur hait
"a lumière et cherche les ténèbres...; 2° parce que le péché aveugle
l'intelligence, la raison..... Le péché a toujours son principe, ou
dans l'erreur, ou dans l'imprudence, le défaut d'examen et de
réflexion. Lon imet, il fait méconnaître la loi qui est le
guide sûr de la conscience et de la sagesse. Enfin, après qu'il est
commis, il augmente encore les ténèbres où lame se trouvait déjà
pion
0 pécheur aveugle qui vous êtes endormi dans votre état, levez-
vous et sortez d entre les morts, et J. C. vous éclairera, continue le
grand Apûtre : Sur<je qui dormis, et exsurge a mortuis, et illuminabit
te Cfiristw (Ephes. v. 14 ).
Le pécheur, dit saint Chrysostome, ne fait point d'action parfaite-
ment digne ae louanges; il n'en peut présenter une seule et ne
comprend pas les choses du salut : on dirait un homme qui dort
J'ajoute qu'il rêve et qu'il sa représente des voluptés et des chi-
mères; c'est vraiment un homme endormi (1).
Ils ont dormi leur sommeil, dit le Psalmiste, et tous ces pécheurs
jui se croyaient riches n'ont rien trouvé clans leurs mains : Dormie-
runt somnum suum, et ni/til invenerunt marnes viri divitiarum in manibus
suis (lxxv. 5).
Ne tombez pas dans le pèche, dit saint Augustin, et le Soleil de
justice ne se cachera pas pour vous; mais si vous y tombez, il dispa-
railra comme le soleil à son coucher. Si vous voulez être éclairé,
soyez vous-même une lumière; car si vous aimez les ténèbres et les
passions ténébreuses , elles vous priveront de la lumière , et vous
aveugleront (2).
Le péché est une erreur pratique, l'erreur de la vie et des mœurs,
selon ces paroles des Proverbes : Ceux qui font le mal sont dans
l'erreur : Errant qui operantur malum (xiv. 22).
Il y a beaucoup d'analogie entre le péché et les ténèbres : 1° Comme
les ténèbres privent l'homme de la lumière; ainsi le péché le piive
de la grâae, qui est une lumière céleste 2' Celui qui marche dans
les ténèbres ne voit rien, et il tombe souvent; le pécheur ne voit
(1) Peccator vacat et caret actione honesta, nec intelligit ea craae salutis surit; aujut.
;st dormiens. Rursum somnia videt et imaginatur voluptates , et ea quœ non subsi-
stunt, œque est dormiens (ilomil. ad pop. ).
(2) Noli cadere in peccatum , et non tibi occidet hic sol. Si tu feceris casura , tibi
faciet occasum. Si videre lucem cupis,esto et tu, Lux; si euim leuebras et tenebrosas
cupULLalcs urnes, obtencjiabuut, imo excaecabuut te {In tsal.).
704 PÉCHÉ MORTEL.
rien de ce qu'il devrait voir, et il fait de fré juentes chutes 3° Les
oiseaux de ténèbres ne peuvent supporter l'éclat du jour : les
pécheurs fuient la lumière de la raison et de la grâce ; elle les
fatigue, selon ces paroles de J. C. : Quiconque fait le mal , hait la
lumière, et ne s'y expose point, de peur qu'on n'attaque ses œuvres:
Qui maie agit odit lucem , et non venit ad lucem } -t non arguanlur
opéra ejus (Joann. m. 20). 4° Les péchés sont les œuvres du démon ,
prince des ténèbres 5° La plupart des péchés se commettent dans
l'ombre 6e Le? péchés ont pour cause les ténèbres; ils dérivent de
l'aveuglement volontaire qui porte le pécheur ta se livrer à une
passion passagère au prix de son repos, de la paix de sa conscience,
du bonheur éternel et de la possession de Dieu : ce qui est certaine-
ment la plus grande et la plus nuisible des folies, folie qu'on peut
taxer de fureur et de rage 7° Les péchés aveuglent l'esprit d'une
manière étonnante...; 8° ils conduisent aux ténèbres de l'enfer
Les grands pécheurs sont si aveugles qu'ils ne se reprochent rien;
plus ils ont d'iniquités sur la conscience, moins ils y pensent. Les
aveugles! ils devraient se rappeler ces paroles de saint Jean: Si
nous disons que nous n'avons point de péché , nous nous trompons
nous-mêmes, et la vérité n'est point en nous : Si dixerimus quoniam
peccatum non habemus. ipsi nos seducimus , et veritas in nobis non est
(I. î. 8); et ces autres paroles de l'apôtre saint Jacques : Tous uous
faillissons en beaucoup de choses : Inmultis offendimus omnes (m. 2).
Quiconque demeure en Dieu ne pèche point, dit saint Jean, et
quiconque pèche, ne l'a point vu, ni connu : Omnis qui in eo manet,
non peccat; et omnis qui peccat, non vidit eum, nec cognovit eutn
(I. m. 6).
Le Prophète royal dit : Qui peut comprendre tous les égarements
du cœur? l'uriiiez-moi, Seigneur, de mes fautes cachées : Delicla
quis intelligit? ab occultis meis munda me (xvni. -13. 44). Mes péchés,
dit ailleurs le même prophète, m'ont précipité dans une fosse
profonde, dans des lieux de ténèbres et à l'ombre de la mort:
Posuerunt me in lo.cu inferiori, in tenebrosis, et in umbra mortis
(lxxxvii. 7). Mon péché, qui est mon mortel ennemi, m'a plongé
dans les ténèbres comme les morts anciens : Collocavit me in obscu-
ris sicut mortuos seculi (cxnr. 3). Mes péchés m'ont plong,; dans
les ténèbres, comme les morts éternels, dit à son tour la fille de
Sion par la bouche de Jérémie : In tcucorutts coUocaùu
tuos scmpiternos (in. G).
L'homme qui veut péchei Bel I t aveuglé , qu'il se sert du
PÉCHÉ MORTEL. 705
langage dont usa le serpent avec Eve: Pourquoi cette défense î
Pourquoi ne pourrait-on se livrer à tel plaisir? Il n'y a pas tant rie
mal qu'on le dit; c'est une piouse exagération. Quoi! pour une
jouissance d'un moment, un enfer éternel! cela n'est point : Cur
prœcepit vobis Deus ut non comederetis ?... nequaquam moriemini ( Gen.
ni. 1.4). Comme Eve, il remarque que tel ou tel fruit doit être
bon à manger, beau à voir, et d'un aspect désirable; il le cueille
et le goûte. Alors ses yeux s'ouvrent, et il se trouve nu, dépouillé de
la grâce et de l'amitié de Dieu (Gen. m. 6. 7). Le fruit de l'orgueil,
de la volupté, de la gourmandise, de l'amour du monde, semble bon
et beau, parce qu'on a la vue altérée, le goût dépravé, le cœur
malade; on s'en repart, et on a le sort d'Adam et d'Eve Le
châtiment ouvre les yeux que le péché avait fermés, dit saint
Grégoire : Oculos quos adpa claudit, pœna aperit ( Lib. in Gènes.); mais
il est trop tard : on aurait dû les ouvrir avant la chute
Dans son aveuglement, mon peuple a fait deux maux, dit le
Seigneur par la bouche de Jérémie; il m'a abandonné, moi la
source d'eau vive, et il s'est cre-sé des citernes crevassées qui ne
peuvent retenir l'eau (n. 3 ). Abandonner Dieu, le seul et le suprême
bien, pour un rien, pour ce qui tst même au-dessous de rien, quel
aveuglement!.*
On prouve, du ^mv Augustin, on prouve avec évidence quel bien
et quel grand bien est Dieu, par cela même qu'aucun de ceux qui
s'éloignent de lui n'est heureux; car ceux qui se plongent dans les
jouissances des voluptés empoisonnées, ne peuvent s'empêcher de
craindre quelque douleur. Et ceux qui, égarés par plus d'orgueil^
ne sentent aucunement quel mal c'est d'avoir abandonné Dieu,
laissent néanmoins voir à ceux qui savent le reconnaître quelle est
leur misère (1).
Comme en Dieu seul est le vrai bonheur, le pécheur qui le rejette
s'expose à toutes les amertumes. Après avoir abandonné la source
de la vie, qu'il le veuille ou non, il s'attache à la source de la
mort, du malheur et de toutes les calamités. N'est-ce pas là le
suprême aveuglement?...
Vous avez placé au-dessus de vous un nuage épais qui intercepte
(1) Quantum et quale bonum sit Deus, etiam ex hoc evidenter ostenditur, quod
nulli a Duo recedenti beue est; quia et qui sjaudeut in mortiferis voluptatibus, sine
doloris timoré esse non possunt. Et qui omniuo malum deserlionis su>u , majore
superbiae lumore nou sentiunt, aliis, qui hoc noverunt discerner?, quauta sit iniseria,
auparet (/» Gènes. ).
m. 46
706 PÉCHÉ MORTEL.
yotre prière, dit Jérémie : Opposuisti nubem tibi, ne transeat oratio
(Lament. ni. 44).
Les péchés sont appelés nuages : 1° parce qu'ils sont d'épaisses
et noires vapeurs qui sortent du cœu. a comme d'un marais
fangeux...; 2° parce qu'ils privent l'âme de Ja lumière et de la
chaleur du soleil éternel qui l'eussent rendue bol le et féconde...;
3° parce que nous viennent fies nuages, la
colère et les châtiments de Dieu nous viennent du péché..,.; 4° parce
que si les nuages séparent la terre du ciel, et empêchent l'œil de
pénétrer jusqu'aux plaines d'azur du firmament, les péchés séparent
l'homme des saints, des anges et de Dieu , et ne lui permette
voir ni le jugement qui l'attend, ni l'enfer qui s'ouvre pour
l'engloutir
'" Toi péché Le démon, par ces pièges, tient les pécheurs captifs sous sa volonté,
esclave. dit le grand Apôtre : A diaboli laquels co},iivi tenentur ad iptx
tatem (II. liai. n. 26). On peut les comparer à l'oiseau qu'un
enfant retient par un fil ; il vole, mais il n'est pas libre.
De l'âme qui était le temple de Dieu, le péohé mortel fait une
demeure deSulan
Les pécheurs, dit Bossuet, sont esclaves de celui qui s'est déclaré
l'ennemi de Dieu ; esclaves de Satan, de cet esprit noir , té, ébreux ,
furieux et désespéré, qui ne respire que la haine, h
l'envie; esclaves de cet esprit superbe, trompeur, jaloux, qui s
perdu sans espérance et abîmé sans ressource, n'est plus désoi
capable que de cette noire et maligne joie quirevientà îles méchants
d'avoir des complices, à un envieux d'avoir des , à un
superbe renversé d'entraîner avec soi les auti n <j
dont la haine est implacable. Elle est telle
ceci , et étonnezrvous de cet excès, elle est i tre le pécheur,
qu'il se plait, non-si -feraient à désoler, mais
à la dégrader. Il aime encore mieux corrompre que tourmenter,
ôter l'innocence que le repos, et «sndre méchant que malheureux.
Si bien que , lorsque ce victorieux cruel s'est rendu le maître d'une
âme, il y entre avec furie, ii il la ravage, il la viole : ce
corrupteur la viole, non tant p< : s e pour la déshonorer
et l'avilir. 11 la porte à s'abonde mer à lui, il la souille, puis il
la méprise ; il la traite comme ces femmes qui deviennent le mépris
de ceux à QTii elles se sont lâchement ;nement prostituées»
Voici, dit Isaïe, voici que vous avez été ven'vs au milieu de
-JKCHÉ MORTEL. 70".'
: Ecce in inùpdtatîhus vestris venditi estis (l. 1). Vous
Ité vendus pour rien : Gratis venundati estis (là. lu. 3).
Dieu vend les pécheurs, c'est-à-dire les livre au démon ; car, par
lui-même , le démon n'a aucun droit sur l'homme, fût-il p
mais Dieu le lui livre comme un ctre vil, méprisable, cou^aY ■ de
majesté divine; il le lui livre comme la justice humaine 11 vif
un condamné au bourreau qui doit le torturer et le punir
Mais le pécheur n'est pas seulement l'esclave du démon, il Test
encore de la concupiscence, des passions et du péché.
Déchargeons-no us de tout poids et du péché oui nous enveloppe,
dit saint Paul : JJeoonentes omne pondus , et circumstans nos peccatum
(Ilehr. xii. 4).
1° La concupiscence nous enveloppe, nous faisant une guerre
acharnée et mettant obstacle à ce que nous opérions le bien. "2° Le
péché nous enveloppe, c'est-à-dire nous enchaîne et empêcha la
liberté de nos mouvements. 3° Il nous enveloppe, c'est-à-dire il . -
tache fortement à nous
Le pécheur est vendu sous le péché, dit saint Paul : Venundatus
sub peccato ( Rom. vu. 14). Pour bien saisir la portée de cette expres-
sion, il faut se rappeler que les Romains avaient coutume de couron-
ner de fleurs les prisonniers de guerre qu'ils mettaient en vente, ce
qui s'appelait vendere, venv.ndare sub corona. Par suite, venuadari
sub peccato signifie littéralement être vendu ou livré par Dieu au
démon, avec le poids des péchés que l'on a commis placé sur la tète,
comme une terrible couronne.
L'Ecriture sainte nous apprend que le ns opprimés pai
Pharaon furent employés à confectionner, avec de la boue, des bri-
ques, pour la cuisson desquelles le roi leur fournissait une certaine
quantité de paille. Commentant le passage de l'Exode qui par
ce travail (c. i et v), saint Bernard dit : Sous le joug de Phar
on fait des ouvrages de boue; Pharaon, le démon, nous don
e, c'est-à-dire les pensées légères et coupables; la paille s'en-
fiamme vite et est consumée en un instant. Les mai;
s par le démon produisent rapidement nu grand le:
prit, la chair corrompue s'y prêtant. Avec la paille enflammée
on faisait cuire la boue, ou terre détrempée, pour en faire des .bri-
ques; avec la paille de la délectation, les mauvaises pensées, qui
sont comme de la boue, s'échauffent, se changent en actes et er
habitudes qui deviennent solides et résistantes comme la terre
durcie au ieu {la jïu,od.).
"08 PÉCHÉ MORTEL.
Malheur, dit ïsaïe^ malheur à vous qui traînez l'iniquité ave", ses
tiens de vanité, et le péché comme les traits d'un char : V, : qui
trahitis iniquitatern in funiculis vanitatis t et quasi vinculum plaustri
peccaturn! (v. 18.)
Le Prophète, dit saint Jérôme, appelle le péché un lien de vanité,
parce que le péché est bientôt tissu; qu'il est vain en lui-même
et l'utile comme une toile d'araignée ; mais lorsque nous voulons
en sortir, nous nous y trouvons emprisonnés par des liens très-
solides (1).
Samson est pris dans les pièges de Dalila; il perd sa force, )i
devient faible , il est vaincu, livré aux Philistins, qui lui arrachent
les yeux et le contraignent à tourner une meule comme une bète
de somme. Qu'est-ce que Dalila, sinon la concupiscence? et que sont
les Philistins, sinon les passions impétueuses de l'àme? Lors donc que
l'homme se livre au péché, il perd soudain ses forces, et devient
faible; et aussitôt le démon, le monde, la chair le saisissent, le
lient, lui arrachent les yeux de l'intelligence, et le rendent esclave
comme l'est la bète de somme attachée à la meule d'un moulin.
Le pécheur devient l'esclave de ses passions. Il a autant de tyrans
qu'il a de passions diverses L'Evangile dit du prodigue qu'il se
lit l'esclave d'un maître avare et dur (Luc. xv. 15. 16): plus malheu-
reux que le prodigue , le pécheur se fait l'esclave d'une multitude
de maîtres dont la cruauté est incomparable
inorufrend ^E Pécheur est plongé par le péché dans une piisou obscure; ou
captif. plutôt c'est le péché lui-même qui est sa prison
( Le péché ) a bâti autour de moi, pour que je ne sorte pas, dit
le prophète Jérémie; il a appesantîmes chaînes : CircumœdificaoU
adversurn me ut non egrediar; aggravaviï compedem meum (I.am rit.
(m. 7).
Le péché mortel, dit saint Augustin, met en prison l'homme qui
le commet; la rechute ferme à clef la perte de cette prison, et l'habi-
tude la mure ( De Morib. Ecoles. ).
Le péché mortel précipite surtout dans la prison de l'enfer.'.:..
m
«• tj péeW Le salaire du péché , c'est la mort , dit salut Paul : Stipendia peccati
la mort au mors {Rom. \i. 26 j. Salaire terrible! l'aiguillon du péché c'est la
corps.
Peccaturn vocat vaniUteni. quia facîentibus peccatum facile texitur, et adeo
inane Lu te est ac futile, uti aranoaruui ttla : sed cura inde exire volueriuius, soli-
dittimia viuculis uecliuiur {In Isuia.).
r-Écnf: voutel. 709
mort, dit ailleurs le même apôtre : Stimulus peccatimors (I. Cori
xv. 56).
Dieu avait créé l'homme immortel de corps et d'âme, mais h
péché lui fit perdre cette immortalité. Le Seigneur le lui anDonça
par ces terribles paroles : Tu es poussière, et tu retourneras en
poussière : Pulvis es , et in pulverem reverteris ( Gen. ni. 49 ).
En voyant quels cruels ravages exerce la mort, nous devons com-
prendre Ténormité du péché mortel Û entre dans le monde et la
mort le suit
Celui qui n'aime point Dieu et ses frères demeure dans la mort , 6» Le péché
dit l'apôtre saint Jean : Quinon diligit, rnanet in morte (I. ni. \A). Or, "'la'mortà"6
celui qui pèche mortellement, cesse d'aimer Dieu; il est donc frappé lâme'
de mort.
La mort de l'âme a lieu par la privation de la grâce sanctifiante et
l'abandon de Dieu. Lorsque l'âme est séparée de Dieu, il lui arrive
ce qui arrive au corps , lorsqu'il est séparé de l'âme Dieu est la
ie de l'âme; s'il s'éloigne d'elle, elle meurt
Le péché consommé engendre la mort, dit l'apôtre saint Jacques ;
Peccatum cum consummatum fuerit, générât mortem ( ï. 45 ).
Je connais tes œuvres, dit Dieu dans l'Apocalypse, en s'adres=ant
au pécheur; tu parais vivant, mais tu es mort: Scio opéra tua;
nomen habes quod vivas et mortuus es (ni. 1 ).
L'âme qui a péché, mourra, ditEzéchiel : Anima quœ peccaverit ,
ipsamorietur (xvm. 20).
On sait, dit saint Augustin , on sait que plusieurs portent des âmes
mortes dans des corps vivants : Multi in corporibus vivis , animas
mortuas port are noscuntur (Lib. I de verbis Domini).
Le péché est la mort de l'âme immortelle, mort qui laisse l'homm<
vivant et à laquelle la mort du corps ni l'éternité ne mettent de fin.
C'est la seconde mort, la pire de toutes
Voici, s'écrie le prophète Jérémie, voici ce que dit le Seigneur: 7<>î,er,èehê
Maudit soit l'homme qui se confie dans l'homme..., et dont le cœur ™^ ', ;i' ^
s'éloigne de l'Eternel ! Maledictus homo qui confiait in homine..., et a de nieu.
Domino recedit cor! (xvn. 5. )
David exprime énergiquement la force avec laquelle la malédic-
tion divine s'attache au pécheur obstiné. Il a aimé la malédiction,
dit-il, et elle viendra sur lui; il n'a pas voulu de la bénédiction , et
elle s'éloignera de lui. Il s'est revêtu de la malédiction comme d'un
740 PÉCHÉ MORTEL.
manteau; elle est entrée comme l'eau dans ses entrailles , et elle a
pénétré comme l'huile dans ses os. Qu'elle devienne à jamais son
vêtement et la ceinture qui presse ses reins. Tel est le salaire que
Dieu réserve à ses ennemis (I). Si la malédiction d'un père est si ter-
rible pour ses enfants, qu'est la malédiction de Dieu !...
s° Le péché La mort des pécheurs est très- mauvaise, dit le Psalmiste : Mors
l'unique cause peccatorum pessima (xxxiri. 22). La mort du pécheur est une mort
claraor!VaiSe terrible, dit l'Ecclésiastique : Mors illius , mors nequissima (Eccli.
xxvin. 25).
A la mort, dit le Prophète royal, l'impie verra et il s'irritera; il
grincera des dents, il séchera de rage; le désir des impies périra :
Peccator videbit, et irascetur, dentiùus suis (remet et tabescet : deside-
rîum peccatorum peribit (ni. 9 ).
La mort dans le péché ou dans l'impénitence finale, est une
mort dans le désespoir, une mort irréparablement malheureuse, la
mort des réprouvés
o» Le péché Si vous ne craignez pas le péché, dit saint Augustin, craignez du
"!itc dans1" moms la mort éternelle. 0 misère des pécheurs! en mourant ils
e"fterneueSt ^ai?sent ^0DJet 9W les porte au péché, et ils emportent leurs péchés,
mort. principe d'une éternelle damnation. Il n'y a pas de mort pire que
celle qui conduit là où la mort ne meurt point. JMalben
pécheurs; ce qu'ils veulent n'est pas, et ce qu'ils ne vaillent pas
existe. Ils voudraient toujours le plaisir du péché, et ce plaisir passe
soudain ; ils ne voudraient pas la peine du péché , et îiuii-
elle est, mais, s'ils ne se convertissent , elle sera éternelle (2).
Le pécheur, dit l'Apocalypse, boira du vin de la colère de Pieu ,
qui est mêlé au vin pur dans le calice de sa colère; et il sera torturé
\;w le feu et par le soufre. La fumée de leurs tourments montera
dans les siècles des siècles; et ils n'auront de repos m jour ni
nuit (3).
(1) Dilcxit malcdirtionem, et veniet ei; et noluit benedictionem , et elongabitur
ab co. Et inluil nu! irul » estifinentonJ , et inlravit sicnl aqua in inte-
riora ojus,et sicut oleum in os&ibus «jus. Fiat ci sicut ve-limciilum , quo ope-ritur :
.i, qua semper prœcingitiir. Hoc opus eoruin, qui delrahunt apud Domi-
num (cviu. 18-20).
(2) LnfoiioeË peccatores, qitod voltint, non est; quod nolunt, ttdpst. Vcllcnt semper
ti delectationem , et transit aampeccati, et adest, et erit
convertantur [Homil.xui int i. .
de vino ira- Dei qnod mixlimi est mero in calice irnr ipsius, et rnirh-
bilur igné et sulphnre. Etfiuniu tormi uni asccuclct iu scculabcxuloriun;
babent i equiem die ac nocte ( xiv. 10. 11 J.
PÉCHÉ MORTEL. 711
; qui pèche mortellement travaille pour la seconde mort ,
c'est-à-dire pour l'enfer, dit saint Ambroise : Qui peccat, fructum
facit mjrti secundœ , id est fructificat gehennœ (Serai, ni).
■ fait autre chose le pécheur , lorsqu'il pèche mortellement .
allumer en lui le feu éternel?
( Pour les tourments de l'enfer, voyez Enfer.)
Si nous foulons aux ] ieds le péché mortel, nous brisons la puissance i0o Le pèche
de Satan; mais si nous nous y livrons, le péché appellera en nous "J^ine une
le démon, ou plutôt il nous transformera en démons. Ceiui qui esPèce
possède Dieu est en quelque sorte transformé en Dieu; celui qui aie
démon dans son cœur devient lui-même un démon: il porte le sceau
de cette bête infernale.
Lorsque l'homme vit selon ses penchants, et non selon Dieu,
il devient semblable au démon , dit saint Augustin ; car , pour
demeurer dans la vérité, Fange lui-même a dû vivre non selon
Fange, mais selon Dieu (1).
Par le péché , l'ange devint démon; par le péché, l'homme a le
même sort Celui qui pèche est du démon, parce que le démon
pèche dès le commencement , dit saint Jean : Qui facit peccatum ex
diabolo est, quoniam ab înitio diabolus peccat (I. ni. 8). Le même
apôtre appelle les pécheurs fils du démon : Filii diaboli (I. m. 10).
Le démon est le prince du péché, le père des maux, dit saint
Cvrille : Prince ps peccat i diabolus est, et pater malorum (Homil.).
Le péché mortel, dit saint Ignace martyr, est un germe de Satan
qui transforme l'homme en démon (Epist. ).
Voyez combien le péché est funeste! C'est lui qui a engendré tous noLe péché
les maux dont l'homme est la proie, et la mort soit temporelle, ^iui-même
soit éternelle tous les maux.
Pour savoir ce qu'est le péché , attachez-vous à l'unique désobéis-
sanc z combien de maladies, de souffrances,
■ pauvreté elle a apporté aux millions d'hommes qui,
depu Jchirés aux épines de 1 1 terre;
et sur ce ne. luJe est e pour l'éternité
dans les prel ? Considérez que, pour expier cette
lum se\ivit, non secundum Deum , similis est diabolo; quia
:m , sed secundum Deum viveudum fuit, ut staret in
742 PÉCHÉ MORTEtv
désobéissance, le Fils de Dieu a dû mourir eruc'fié entre deux
voleurs, et vous comprendrez quel mal est un seul péché! Alors,
si la passion vous sollicite , vous lui répondrez : Je ne veux pas
pour si peu faire naître en moi des regrets qui seraient peut-être
inutiles et éternels.
Le péché mortel enfante neuf infirmités ou calamités principales,
contre lesquelles le Saint-Esprit nous donne des forces : i» les mala-
dies, l'adversité et tous les maux infligés au corps et à lame...;
2° l'ignorance dans l'intelligence...; 3° la faiblesse dans la volonté...;
4° l'oubli dans la mémoire... ; 5° le peu de force et de stabilité de
nos désirs, qui souvent ne résistent pas aux sollicitations de la
chair...; 6° le feu de la concupiscence...; 7° la peine que nous
avons à entreprendre des œuvres héroïques...; 8° la difficulté que
nous rencontrons à persévérer dans le service de Dieu et dans la
ferveur...; 9° les efforts que nous sommes obligés de faire pour
prier Dieu comme il faut
Toutes les fois que l'âme pèche, elle reçoit une blessure, dit
Origène; si le péché est mortel, la blessure est mortelle. Oh! si nous
pouvions voir comment l'homme intérieur est constamment blessé
en nous par toutes sortes de péchés! Les œuvres qui constituent le
péché mortel brisent et déchirent 1 ame. Si nous pouvions voir l'état
où elle se trouve alors, nous résisterions certainement au péché,
cette résistance dût -elle nous coûter la vie; mais égarés par les
cupidités du siècle, enivrés par les vices, nous ne pouvons ni
remarquer ni sentir le nombre et la gravité des coups que nous
portons à notre âme en péchant (Homil. vin in Num. ).
Pécheur, le péché vous rend misérable, malheureux, pauvre,
aveugle et nu, dit l'Apocalypse (m. il).
J'entendis une voix qui me dit : Venez et voyez. Et voilà qu'appa-
rut un cheval pâle, dit saint Jean, et celui qui était dessus avait
nom la Mort, et l'enfer le suivait; et il lui fut donné pouvoir sur les
quatre parties de la terre, pouvoir de tuer par l'épée, et la faim, et
la mort , et les bêtes de la terre (Apoc. v. 8 ). Voilà de quels ravages
le péché mortel a été la cause.
L'Egypte a été frappée successivement de dix plaies qui sont :
io le changement des eaux en sang; 2° les grenouilles; 3° les mou-
cherons; 4° les mouches; 5° la perte des animaux; Gn les ulci
7° la grêle; 8° les sauterelles; 9° les ténèbres; 10" la mort des pre-
miers-nés. Ces plaies sont l'emblème de celles qu'attirent sur eux
les pécheurs et qui sont : 1° la discorde...; 2° les querelles et \-
PÉCHÉ MÔÏÏTEl. -Î13
tumultes...; 3° le? sollicitudes qui les tourment en'...; 4° la colère
et les haines... ; 5° la pri\ation des biens temporels qu'ils pos-édent
ou qu'ils envient...; 6° les remords de la conscience...; 7° l'obstina-
tion dans le mal... ; 8° la tyrannie des passions qui les dévorent... ;
9<> l'aveuglement où ils sont plongés... ; 10° la mort et la damnation
de leur âme
Mon âme, dit le Psalmiste , est rassasiée de maux, et ma vie a
touché aux portes de la mort : Replet a est malh anima mea, et vita
meainferno appropinguavit (lxxxvïi. 4). Votre colère, Seigneur ,
s'est appesantie sur moi, vous avez fait passer sur ma tète tous les
flots de votre fureur : Confirmatus est furor tuus, et omnes fluctus tuos
induxisti super me (Ibid. lxxxvïi. 8 ).
Adam et Eve tombent, aussitôt viennent la concimiscence, la
honte, la connaissance de leur nudité, la crainte, le soin de se
cacher, les excuses, l'expulsion du paradis, les douleurs de l'enfante-
ment, l'assujettissement de la femme à l'homme, la malédiction de
la terre et du travail, les sueurs, les épines, la stérilité, la mort, la
corruption, la perte de Dieu et du bonheur éternel, l'enfer, etc
Dans Adam et Eve coupables , remarquez encore cinq funestes effets
du péché : 1° la science du mal... ; 2° la perte des biens qu'ils pos-
sédaient...; 3° la confusion...; 4° les remords de la conscience...;
5° leur fuite devant Dieu; ils redoutent ses reproches et la sentence
qu'il va porter sur eux Avec le péché, dit saint Bernard, passe le
plaisir qui ne doit plus revenir, et vient le remords qui ne doit plus
quitter : In peccato transit jucunditas non reditura ; manet anxietas
non relictura ( Serm. in Psal.).
Six châtiments ont été décernés par Dieu contre Adam et sa pos-
térité, châtiments qui répondent aux divers péchés qu'il a commis.
Le premier péché d'Adam fut la désobéissance, en punition de
laquelle il sentit naitre la rébellion de sa chair et de ses sens. Le
second fat la gourmandise, en punition de laquelle il l'ut condamné
au travail et à la fatigue. Le troisième fut le vol du fruit défendu,
en punition duquel il fut soumis à la faim, à la soif, au froid, à la
chaleur, aux maladies, etc. Le quatrième fut l'infidélité qui le porta
à ne pas ajouter foi à la pai'ole du Seigneur, pour croire à celle du
serpent, en punition de quoi il devint sujet à la mort Le cinquième
fut l'ingratitude, en punition de laquelle il fut privé des choses
nécessaires à l'existence et qu'il avait reçues de Dieu, et destiné à
redevenir cendre et poussière Le sixième fut l'orgueil, en
punition duquel il fut privé du paradis., du bonheur céleste, de la
tik riteÉ MeftflfiS
compagnie des anges', de la possession dé Dieu et condamné â
l'enfer
Le Seigneur mit un signe en Caïn, ditîa Ger tHitâttt D
lius Cdïn sifjmun ( iv. 15 ). Voyez ici le? résultats et les châtiment* du
second péché Commis sur la terre : 4» le tremblement des mcm!- ;
2° la fuite et l'exil ; 3° la crainte et la consternation ) V la ré
de la terre elle-même contre' Caïn; 5° il demeure errant
En punition de nouveaux péchés commis par les hommes, Dieu
ensevelit la terre sous les eaux du déluge. Dans la suite, il anéantit
Sodôme et Gomorrhe sous une pluie de feu et de soufre, etc
Parce que nous n'avons point obéi à vos préceptes, Seigneur, dit
Tobie, nous avons été livrés an pillage, à la captivité et à la moi t .
et vous nous avez rendus la fable et le jouet de toutes les nations :
Quoniam non obedlvimus praceptis tuiê, ideotraditi sumus in dû1
netn,, et coptivi totem , et morlem , et in fabulant, et in improperium
omnibus nalumibus (III. 4).
Les barbares tirent leurs forces de nos péché*, dit saint Jérôme :
Nostris prends barbari fortes sunt (Epist m ad Heliodorum).
La justice grandit une nation, mais le crime rend les peuples
misérables, disent les Proverbes i Justitia élevât gentem, miseros autem
faiit populos pecco.tum (xiV. 3 'i ).
Les misères que le péché appelle sur la tête des peuples Sont ter-
ribles et nombreuses ; ce sont les injustices, les exactions, la lamine,
la guerre * la peste, le? séditions, infions, l'anarchie, la
honte et tdOSlêf! lui-faits. Voyez où 1 miquité drjs Juifs les a conduits.
Deux maux fondront soudain sur toi, la stérilité et la \ i
Isa'te aux Coupables habitants de Juda : Veulent tibi duo hœc subito,
sttrttkùi rt ûlduitai (xlvii. 0).
Lespérh'^ l'un! disparaître la dignité, la charité . la
le6 vertus, le dtiltè divin, la rpligion, les rois, les foyaum
peupl- .
La pn lie qu'il brise les pécheurs comme
nu I ile
Recueillez les ftiiOmei suivante, iis aident à comprendre quel!
ost la malice fi u grandeur «lu péi
t*L*p6ché* est le pire de tôUslea maux qui sont soi] '. qui
ont été et qui seront. Qui a fait de I
a chaise Adam H les hODttl
sur celte terre de misères? qui les a condamnés a la mort et à .
fer? U pi'ibé.
PÊCHE MORTEL. 74S
2° Un seul -péché, même véniel , est un pkls grand mal que ttfûs
les autres maux réunis; car seul le péché attaque Dieu. Lé péché est
l'unique mal, l'unique désordre ; tous les autres maux, châtiments
du péché, sont une justice et le rétablissement de Tordre détruit
par le péché.
3° Compares au péché , non-seulement les autres maux ne sont
pas des maux J mais ils méritent le nom de biens, puisqu'ils sont
le résultat de la justice vengeresse qui remédie au péché par la
peine, et qui' ramène ainsi le désordre à l'ordre.
A0 Le péché est un déicide; il est le seul glaive qui donnerait la
mort à Dieu, très-bon et très-grand, s'il pouvait en effot mourir.
5° Le Fils de Dieu a consenti à se faire homme, à souffrir et à mou-
ler plut ' t que de laisser ta péché sans expiation. Qui est-ce qui a.
cloue J. C. sur la croix, sinon le péo.bé? Le péché est donc un
christicide.
6° Si tous les anges bons et mauvais, toutes les créatures et le
Créateur lui-mêffie se réunissaient contfe un homme, et qu'ils mis-
sent toute leur puissance à l'accabler et a le torturer, ils ne pour-
raient lui faire autant de mal qu'il s'en fait en commettant un seul
péché, même véniel.
7o La malice du péché ne peut être compensée par aucun bien
créé; tellement qu'il ne serait pas permis de faire tin seul péché
véniel pour convertir le monde entier, ou pour tirer tous les dam-
nés de l'enfer. On peut dire en toute vérité que la malice du péché
n'est pas seulement comme infinie , mais qu'elle est incompréhen-
sible. C'est donc avec raison que les martyrs et les saints ont résisté
au péché jusqu'à préférer de mourir plutôt que de le commettre.
Voici une sentence de saint Augustin qui mériterait d'être écrite
en lettres d'or : Il y a un hien suprême, Dieu; et un mal suprême,
le péché : l'un , en vue duquel il faut désirer les autres biens; mais
quant à lui, il faut le désirer pour lui-même : l'autre, en vue
duquel il faut éviter les autres maux} mais quant à lui, il faut
l'éviter pour lui-même (1).
0 coupa' île fille de Jérusalem , âme plongés dans le péché mortel ,
à qui te comparerai -je, à qui es-tu semblable, â qui t'égalera:-jo?
i ! Jérémie : Cui comparabo te? cui assimilaio te, [llia Jérusalem'/
cui exœquabo te? (Lament. 11. 13.)
(1) Unum est summum bonum ; unurti summum malum : illuà prnptef qnm
appetenda sunt bona caetera; ipsum autem propter ipsum. Hoc propter quod decii-
nanaasuut mala caetera; ipsum autem propter seipsum(Se«fe«f.).
716 PÉCHÉ MORTEL.
Notre héritage est passé à des étrangers, et nos demeures ont été
occupées par l'ennemi, nous sommes comme des enfaDts privés de
leur père : Hœreditas nostra versa est ad aliénas , domus nostrœ ad
extraneos : pupilli facti sumus absque pâtre (Lament. v. 2. 3 ). La joie
de notre cœur s'est éteinte; nos chants se sont changés en lamenta-
tions. La couronne de notre tête est tombée : malheur à nous, parce
que nous avons péché ! Defecit gaudium cordis nostri ; versus est in
luctum chorus noster. Cecidit corona capitis nostri ;vœ nobisquia pecca-
vimus! (Lament. v. 15. 16.) Souvenez- vous, Seigneur, de ce qui
nous est arrivé; voyez, et regardez notre opprobre : Recordore,
Domine, quid acciderit nobîs : intuere , respice opprobrium nostrum
(Lament. v. 1 ).
Le péché est la cause de tous les maux temporels et spirituels..».
Le péché mortel est le seul mal et le mal suprême de Dieu, de
l'ange, de l'homme et de toutes les créatures
h ir<^é -^E rav5tère d'iniquité s'opère, dit le grand Apôtre : Mysterium
mystère infer- operatur iniquitatis (IL Thess. ir. 7).
Sur le front de la prostituée dont parle l'Apocalypse, était écrit le
mot mystère: Et in fronte ejus nomen scriptum : mysterium (xvu. 5).
Le péché mortel peut porter la même inscription
Il m'est impossible, dit saint Thomas, il m'est impossible de
comprendre comment celui qui est en état de péché mortel peut
rire et se réjouir : Capere nequeo, qua ratione , existens in peccato
mortali, possit ridere et lœtari ( De Peccat. ).
L'ne vierge de J. C. disait en mourant : Je me retire de ce monde
sans avoir jamais pu comprendre comment une créature laite à
l'image de Dieu, capable de le connaître, de l'aimer, de le servir et
de le voir dans la bienheureuse éternité, peut commettre volon-
tairement un seul péché mortel contre son divin Créateur et
Rédempteur.
Le péché mortel suppose un aveuglement prodigieux. Qu'on ne
se résigne pas à tout souffrir plutôt que de se livrer au péché, si
abominable en lui-même, si détesté de Dieu, si énergiquement con-
damné par la loi divine, la raison et la conscience; au péché, qui
ravit tous les biens et plonge dans tous les maux : c'est vraiment un
mystère internai : Mysterium iniquitatis.
Affreux état
de L'Ame -^
qui a con mis 1 oiR vous faire une idée de L'état où se trouve une âme souillée par
Je iicclic h or- , , , , . ,
tel. le pecué mortel, repre^riil(/.-\ dus :
PÉCHÉ MORTEL. 717
4° Une ville prise d'assaut et où règne la destruction t le
pillage...;
2° Un vaste incendie Encore y aura-t-il cette différence que ,
dans un incendie, on appelle au secours, et que tous les voisins
s'empressent d'en donner ; tandis que l'âme qui a laissé s'alluri er
en elle le feu infernal du péché, est muette et qu'elle se laisse dévo-
rer sans crier vers Dieu et lui demander aide et protection... ;
3° Un horrible et formidable naufrage...;
4° Les ravages qui accompagnent une guerre implacable... ;
5° Les souffrances que produit la famine... ;
6° Celles qu'apporte la peste... ;
7° Représentez -vous encore un homme qui, dans un lieu soli-
taire, au fond d'une sombre et immense forêt, au milieu des ténè-
bres de la nuit, tombe entre les mains de voleurs et d'assassins...;
8° Ou bien un malheureux attaqué par un lion, un tigre, un
énorme serpent...;
9° Ou bien un captif que l'on enfermerait dans un cachot téné-
breux, peuplé de scorpions et de vipères... ;
dOu Ou bien un patient entre les mains de bourreaux acharnés et
ingénieux... ;
\\° Ou bien enfin un corps étendu dans le tombeau et livré à la
corruption et aux vers.
( L'orateur sacré peut peindre avec de vives couleurs ceux de ces
tableaux qui lui fourniront les traits les plus propres à saisir son
auditoire et à le pénétrer d'horreur pour le péché.)
Le péché a ses sources en nous-mêmes; ce sont : la volonté , l'intel- Sourds
du pé:he.
ligence, l'imagination, l'ignorance, les mauvaises habitudes, la
concupiscence , etc
1° La volonté est la cause immédiate de l'acte coupable, ou du
péché mortel : elle le veut 2° L'intelligence le propose à la
volonté ; elle lui conseille de s'assurer un prétendu bien sensible ,
en abandonnant le bien réel et en désobéissant à la loi divine qui
défend d'aimer ce bien 3° L'imagination représente vivement à
la volonté les charmes de ce faux bien, et elle s'efforce d'obtenir son
consentement 4° L'ignorance arrive au même but que l'imagi-
nation , en cachant à la volonté la laideur et la malice du péché
5° La mauvaise habitude, partant de la fréquence même du con-
sentement que la volonté a donné au péché, l'engage à le vou-
loir encore t>* Enfin, la concupiscence est la cause propre et
718 PÉCHÉ MORTEL.
puissante de la tentation, et par conséquent du péché, Elle meut l'in-
telligence, l'imagination, la volonté et les pr^edeco mettre le
péché. Elle fait naître le défaut de réflexion, l'ignorance et la pas-
sion ; elle amène les rechutes et la mauvaise habitude ; elle cache la
malice du péché en prodiguant les promesses d'un honneur qui n'est
qu'un faux bonheur. C'est donc très -justement qu'on la nomme le
principe, l'arsenal, le foyer du péché; et encore , comme s'exprime
saint Paul, la loi des membres qui combat la loi de l'esprit, et
qui captive l'homme sous la loi du péché qui est dans les mem-
bres (1).
La concupiscence, lorsqu'elle a conçu, enfante le péché, dit
l'apôtre saint Jacques; et le péché, quand il a été consommé,
engendre la mort : Concupiscentia çum conceperit , parti peccalum :,
peccatum vero cum consummatum fuerit , générât mortem ( i. la).
La concupiscence se présente-t-elle? dit saint Augustin : repous-
sez-la; gardez-vous de la suivre : elle est illégitime, elle est lieen-
tieuse, elle est infâme, elle rend l'homme ennemi de Dieu : Surrexit
concupiscentia? nega te illi; noli eam sequi : illicita est, lascioa est,
turpis est , aliénât a Deo (Lib. Confess.).
Diverses ]jk première manière de pécher, dit saint Jérôme, c'est do penser à
m pécher. ° ce qui est mauvais; la seconde, c'est de s'arrêtera cette pensée;
la troisième, c'est de passer de la pensée à l'action ; la quatrième,
c'est de ne point faire pénitence après le péché et do s'y complaire
[Fpist. vin ).
Le premier degré du péché, dit l'abbé Rupert, c'est de lui donner
entrée dans la volonté ; alors le pécheur est mort dans sa maison; le
second, c'est de passer de la volonté à l'action ; par là le pécheur
déjà mort est porté en terre ; le troisième, c'est <lo contracter l'habi-
tude du mal : par là le pécheur est enterré ; le quatrième, c'est de se
complaire dans le péché et de résister à Dieu, qui appelle à la péni-
tence; c'est de lutter, par esprit d'orgueil, contre la loi divine . qui
fait des reproches : ce degré peut être comparé à la putréfaction.
Agir ainsi, c'est s'abandonner au /union , c'est montrer I;, résolution
de demeurer impénitent et réudté, c'est défendre sou crime, Aussi
ce crime devient pleinement indigne de pardon, et comme irrémis-
sible {fn Evang.).
(1) Video aliara legem in membris mois, repjgnantera legi mentis inoas, et cupti-
tantem iec in legc peccati, quîe est in membris meis [Rom. vil. 23J.
i
PÉCHÉ MORTEL. 719
Saint Chrysostome, saint Augustin et sa'nt Thomas enseignent Difficulté
qu'il est plus difficile de rendre juste le pécheur et qu'il faut pour et ""u*6 ^
eela une pins grande puissance que pour créer le ciel et la terre. En justification.
. le péché et la grâce, le pécheur et Dieu sont plus éloignés,
plus opposés que le néant ne l'est de l'existence. Dieu et le péché
sont deux extrêmes , deux contraires à un degré infini. Puis, rien ne
répiste à Dieu, sinon la volonté du pécheur. Enfin, la grâce et la
justification sont d'un ordre surnaturel et divin; il faut une suprême
puissance pour que le pécheur dégradé et tombé par son péché au-
us de toutes les créatures et même au-dessous du néant, soit
élevé au-dessus de toutes les créatures, jusqu'à la justice, et devienne
l'ami de Dieu, son fils adoptif, et en quelque sorte participant de la
nature divine.
Les pervers se corrigent difficilement, dit l'Ecclésiasle : Pemersi
ile corriguntur (i. 15). Car, 1° ils pèchent; or, le péché est la
plus grande des folies, puisque c'est préférer les sens à la raison, la
passion à la vertu, la créature au Créateur, c'est-à-dire une obole
à un million, un grain de blé à une moisson abondante, une goutte
d'eau à l'Qcéaq , un grain de sable à l'univers, la mort à la vie,
l'enfer au ciel , le suprême et éternel malheur au suprême et éternel
bonheur. Quiconque agit de la sorte, ne semble -t- il pas incorri-
gible?... 2° Les pervers se corrigent difficilement, parce qu'ils
persévèrent avec obstination dans le péché; ils s'y complaisent peu
à peu, ne se trouvent point condamnables et souvent se louent,
blâmant les justes. 3° Ils se corrigent difficilement, parce qu'ils ne
permettent pas qu'on les reprenne et qu'on les corrige, mais qu'ils
méprisent et tournent en ridicule ceux qui leur enseignent le bien
et qui les invitent à le pratiquer. Aussi la sainte Ecriture dit-elle que
le cœur de tels insensés est un plomb vil, et qu'ils mourront dans
l'indigence du cœur : Cor imjjiorum pro nihilo. In çordis egestate
morientur (Prov. x. 20. 21 ); c'est-à-dire dans une grande privation
d'intelligence et de raison 4° lisse corrigent difficilement, parce
qu'ils ne veulent pas s'améliorer; ils fuient la lumière et l'ont en
horreur.....
Dieu, dit saint Augustin , doit punir le péché , parce que le sceptre Le péché don
de son empire est un sceptre de justice. Le péché doit être puni; e iePum*
autrement il ne serait pas péché. Prévenez Dieu si vous ne voulez
pas qu'il * ous ? Punissez-vous vous-même; car il faut que le
péché soit puni, ou pa-" vous, ou par lui. Reconnaissez votre faute.
720 PÉCBÉ MORTEL.
afin qu'il vous la pardonne. Vous pardonnez, Seigneur, à celui qui
confesse ses iniquités; vous pardonnez, mais seulement ' celui qui
se puuit. Ainsi sont sauvegardées la miséricorde et la justice : la
miséricorde, parce que l'homme est délivré du joug qui l'accablait;
la justice, parce que le péché est puni (l).
Tout péché, dit encore saint Augustin, est un désordre. Sous un
Dieu juste, tout désordre doit être réprimé; mais pour atteindre ce
but il faut punir son auteur : or, l'auteur du péché, c'est le pécheur
lui-même {In Psal. xliv).
Que faut-il La tentation a trois degrés : Premièrement, la suggestion ou la
(mur faire un , . , . ....
ijccuu mortel? pensée de la chose mauvaise, qui ordinairement ne constitue pas
un péché , parce que souvent elle est suscitée par le démon , sans
qu'il y ait de notre faute, et sans que nous y consentions Secon-
dement, la délectation, qui a lieu lorsque l'âme, négligeant de
repousser la suggestion, la reçoit, au contraire, avec un plaisir
imparfait; alors il n'y a que péché véniel Troisièmement, le
consentement volontaire et délibéré ; alors, si la gravité de la matière
y est jointe, il y a péché mortel C'est ce qui a fait dire à saint
Isidore : Par ces accroissements, comme par autant de degrés, le
péché arrive à sa pleine puissance; la suggestion produit la délecta-
tion; la délectation, le consentement; le consentement, l'action;
l'action, l'habitude; 'habitude, la nécessité (2).
Il faut éviter Nous qui sommes morts au péché, comment vivrons-nous en lui ?
moruf^H ne ('^ ^e grancl Apôtre : Qui entm mortui tumm peccato , quomodo adhuc
pas y rester. vivemus {n m0? (R0m. VI. 2.)
Nous sommes morts au péché par le baptême, par notre vocation
à la vie chrétienne, etc. 11 faut travailler constamment à éviter le
péché ; et si on avait le malheur d'y tomber, faire tous ses efforts
pour en sortir
Que font la plupart des pécheurs? Lorsqu'il faudrait se tenir
(i) Peccatum puniturus <_^t Deus , qoia virga directionis est virga regni ipsiiu.
pnmeudum est peccatum : si punienduni non esset, nec peccatum esset. Praeveni
iilum : non \is ut te puniat? tu puni. Puniendum ergo erit, aut a le, aut ab ipso. Ta
agnosce, ut il le ignoscat. [gnoscis, Domine, couliienli; ignosi is, sed - . • . j » - u 1 1 1 punienti.
Ita servalar misericordia et veritas : misericordia, quia liomo liberalur; veritas, quia
pei i-.ilimi puiiilur ^ //( Psal. XLIX).
istis fomitibus quasi quibuadam gradibos eonvalescit omne peccatum .
io operatur delectationem, delectatio consensum, consensus operalionem, operatio
coiiiucluuiuem, coiisuetudo necessitatem (Ij6. Sentent. ).
PÉCHÉ MORTEL. 721
debout, ils tombent; et lorsqu'ils devraient se relever, ils restent
dans leur chute
Pour ne pas tomber clans le péché mortel et pour en sortir : Moyens pour
r r * ne pas tomber
\ ° Il faut craindre le péché. dans le péché
L'impératrice Eudoxie ayant adressé des menaces à saint Jean et pour eu
Chrysostome, les courtisans de cette princesse eux-mêmes lui sortir*
dirent : Vous cherchez en vain à l'effrayer; Chrysostome ne craint
que le péché : Frustra illum terres, Chrysostomus nil nisi peccatum
timet (Hist. Eccles.).
J'ai appris à connaître la fermeté d'Ambroise , disait l'empereur
Théodose: la crainte de la majesté impériale ne l'amènera jamais à
transgresser la loi de Dieu : Novi ego constantiam Ambrosii, et quoi
nullo regiœ majestatis terrore, legem divinam transgredietur (Hist.
Eccles.).
Si je voyais d'un côté le péché, et de l'autre l'enfer, dit saint
Anselme, et que je dusse nécessairement choisir entre les deux, je
choisirais l'enfer. J'aimerais mieux entrer pur de tout péché en
enfer, que d'aller au ciel avec la souillure du péché : Mallem, purus
a peccato gehennam intrarc, quant peccati sorde pollutus3 ccelcrvm régna
tenere (Lib. de Similit., c. çxç). "*~
2° Il faut éviter soigneusement le péché....
Fuyez devant le péché comme à l'aspect du serpent, dit le Saint-
Esprit; car, si vous vous en approchez, il vous saisira. Ses dents sont
des dents de lion; elles tuent les âmes : Quasi a faciès colubri fuge
peccata : et si accesseris ad Ma, suscipient te. Dentés leonis , dentés
ejus , interfcientes animas hominum (Eccli. xxi. 2. 3).
Abstenez- vous de toute apparence de mal, dit le grand Apôtre;
Ab omni specie mala abstinete vos (I. Thess. v. 22).
Si nous ne foulons pas aux pieds les péchés, dit saint Bernard,
ils nous terrasseront; si nous ne les réprimons pas, ils feront pe er
sor nous leur joug : Nisi calcati fuerint, conculcabunt nos; nisi pre-
mantur, oppriment nos ( Serm. in Psal.).
3° Il faut prier.
Nous devons dire avec le Psalmiste : Seigneur, n'entrez pas en
jugement avec votre serviteur, parce que nul homme vivant ne sera
juste devant vous : Non intres in judicium cum servo tuo; quia non
justificabitur inconspectutuo tmnis vivens (cxlii. 2). Mon Dieu, venez à
mon aide : Seigneur, hàt z-\ous de me secourir : bevs in adjutorium
meum intende; Domine, a.*, adjuvandum me festina (Psal. lxix. 1).
in. *6
7Î2 PÉCÎ1É MORTEL.
40 i\ faut aimer mieux mourir que de re au seul péché
mortel.
Si l'hermine poursuivie par les chasseurs trouve devant elle un
marais fangeux, et qu'elle ne paisse échapper à la mort qu'en la
traversant, elle préfère se laisser prendre et tuer, disant en quel-
que sorte : J'aime mieux mourir que de me salir : Malo mon quant.
■ù Ces pamles devraient être la devise du chrétien
Dès Tàge le plus tendre, saint Louis, roi de France, apprit de
Blanche, sa pieuse mère, à préférer la mort au péché mortel
(Hist. Eccles.).
Saint Edmond, archevêque de Cantorbéry, disait : J'aimeraismieux
être jeté dans un immense brasier, que de commettre volontaire-
ment un seul péché {In ejus vit a).
Voyez Joseph, Suzanne- reniai ^tses compagnons, le saint vieil-
lard Eléazar, etc
Les païens eux-mêmes confessaient qu'il vaut mieux souffrir et
mourir que de violer les lois de la vertu : Melius est mori, quarn.
focere aliquid contra bonum virtutis. Ces paroles sont attribuées par
Diogène Laërce à Aristote. Quand je saurais que les hommes l'igno-
reront et que Dieu me le pardonnera, dit Sénèque, je ne voudrais
pas faire le mal à cause de ce qu'il y a d'indigne de l'homme dans le
mal pris en lui-même : Et si scirem homines ignoraturos et Deum
ignosciturum , tamen peccare nollem , ob peccati turpitudinem.
Qu'est-ce que le péché, sinon un ulcère, une lèpre, un cloaquo
empoisonné, un monstre dans le monde des intelligences, un
crime de lèse-majesté divine, le foyer où s'alimente le feu de l'enfer,
e produit de Satan, le fils de la mort
5° Il faut se rappeler la présence de Dieu.
Seigneur, dit le Psalmiste, vous a\ez placé nos iniquités devant
vous, et notre vie a été éclairée parle rayonnement de votre visage:
Posuisti iniquitates nostras in Ooitsp&tU iuo , seculum nostrum in illu-
minatione vultus tui (lxxxix. 8). Où irai-je pour me dérober à votre
esprit? où fuirai-je pour n'être plus en votre présence? Quo ibo a
spiritu tuof et quo a facie tua fugiam? ( Psal. cxxxvni. 7.)
Le chaste Joseph répondit à 1 itiptiar qui le sollicitait au
crime : Comment pourrais-je commettre ce mal,
sence de mon Dieu? Quomodo possum hoc inaluiii, Jucere, eijMu:çu/-e in
Deum meum? (Gen. xxxix. 9.)
{Voyez Présence de Dieu. )
PÉCHÉ ORIGINEL.
Dieu prescrivit la circoncision à Abraham à cause du péché L'erïstMice < :
r pèche onçio
originel, et afin de détruire la tache qu'il imprime à lànic est certaine.
[Gen.xxn. 10).
J. C. lui-même s'est soumis à la circoncision par humilité et par
obéissance à la loi de Moïse; mais, exempt de tout péché et impec-
cable par nature , il n'en avait pas besoin ( Luc. n. 21 ).
J. C. a établi le sacrement de baptême pour eûacer le péché
originel....
Par un homme, dit le grand Apôtre, le péché est entré dans le
monde ; etpar le péché, la mort; et ainsi la mort a passé dans tous les
hommes par celui en qui tous ont péché : Per unum hominem pecca-
tum in hune mundum intravit, et per peccatum mors; et ita in omnes
homines mors pertransiit, in quo omnes peccavernnt (Rom. v. 42 ).
Tous, même les enfants, ont donc péché; mais les enfants ne
peuvent avoir de péché actuel; il faut, par conséquent, qu'ils nais-
sent avec un péché d'origine contracté en Adam
Le Prophète royal confesse le péché originel :
Considérez, Seigneur, dit -il, considérez que j'ai été engendre
dans l'iniquité, et que ma mère m'a conçu dans le péché : Ecce in
iniguitatibus conceptus sum : et in peccatis concepit me mater mea (l. 6).
Le péché originel est un dogme de foi
Quoique séparés du peuple juif, les anciens peuples avaient eux-
mêmes conservé quelque souvenir de la chute du premier homme
et de la malédiction divine attirée par là sur sa race.
Par l'envie de Satan, dit la Sagesse, la mort est entrée dans l'uni- C
vers: Invidia diaboli,mors introivit in orbem terrarum (\\. 1\. — 0i
Voyez le me chapitre de la Genèse ).
Quoique la désobéissance d'Eve ait précédé celle d'Adam, Adam
n'en est pas moins la cause première du péché originel, de ses
suites et de sa propagation, comme il est la cause première de la
génération. Parce qu'il est notre chef, en lui avait été placée l'inno-
cence et la justice originelles. Ceci rend très-probable le sentiment
que, malgré la chute d'Eve, si Adam n'eut pas péché, il n'y eût pas
724 PÉCHÉ ORIGINEL.
eu transmission de la faute originelle. Ce sentiment est celui le
saint Thomas et d'un grand nombre de théologiens.
Comment Tous ont péché en Adam , dit saint Paul ( Rom. v. 42 ). Tous, parce
se contracte le . x r
péché que , dit saint Augustin , tous les^hommes ont été primitivement ce
iolue ' seul homme, c'est-à-dire Adam: Quia omnes homines fuerunt Me
unushomo, scilicet Adam (Lib. de Peccat. merit., c. x). Tous les
hommes ont été ce seul homme par leur origine; il les a tous con-
tenus en germe et représentés De même que le péché actuel
ou l'acte du péché passe , mais laisse après lui le péché habituel ,
c'est-à-dire une tache dans l'âme; ainsi le péché originel, en tant
qu'acte de désobéissance d'Adam, est passé, mais il a laissé à tous
les hommes une tache que chacun d'eux apporte en naissant. Il est
péché actuel et péché habituel.
Ne voit-on pas souvent le déshonneur et l'infamie du père passer
à ses enfants, et le crime d'un prince imputé à toute une nation
Nous portons la peine d'Adam, étant sujets à l'ignorance, à la
concupiscence, aux maladies et à la mort, etc Nous naissons
donc coupables, car l'homme n'est pas sorti dans ces conditions des
mains du Créateur; tout ce que Dieu avait créé était très-bon 3 dit
l'Ecriture : Erantvalde bona ( Gen. i. 31 ).
Le sang d'Adam a été infecté par son crime; mais tous les hom-
mes viennent de ce sang impur ; ils naissent donc tous souillés du
péché originel
L'exception faite en faveur de la Vierge immaculée n'affaiblit pas
la loi générale; il n'y a point de loi, quelque générale qu'elle soit,
qui ne puisse avoir des exceptions. Le souverain législateur a le
droit de dispense. Par le droit suprême qu'il a sur toutes les créa-
tures , Dieu plaça la volonté de tous les homines dans la volonté
d'Adam, afin que sa postérité fût censée faire ce que lui-même
ferait de bien ou de mal. La volonté d'Adam a donc été la volonté de
toute sa race. Dieu a agi ainsi afin qu'Adam lût le type, ou plutôt,
si l'on peut s'exprimer ainsi, l'antitype de J. C, dont la volonté , la
satislàction et les mérites doivent être les nôtres. Car, dit saint
Paul, J. C. s'est fait à nous sagesse venue de Dieu , et justice, et sanc-
tification, et rédemption : Christus factus est nobis sapientia a Deo, et
jastitia , et sancli/icatio, et redemptio (I. Cor. j. 30).
Suites funestes
'"•'ii'.M '"riîcT ^E Pécûé originel, dit Tertullien , nous a valu notre faiblesse ; elle
prouvent ne nous vient pas de la nature : Languorem istum culpa meruti,
Pénitence de * r
ce péché, noiura non habuit ( De Pœnit., n. 5).
PÉCHÉ ORIGINEL. 723
Par lé P&&S originel , dit saint Prosper, l'homme a perdu la
science du bien; l'iniquité a mis en fuite la justice; l'orgueil a
détruit l'humilité; la concupiscence a porté atteinte à la continence;
I "infidélité a chassé la foi; la captivité a pris la place de la liberté;
la vertu n'a pu rester où une si grande foule de vices a fait invasion
(Sentent.),
Je vois dans mes membres, dit saint Paul, une autre loi qui
combat la loi de mon esprit, et me captive sous la loi du péché qui
est dans mes membres. Malheureux homme que je suis , qui me
délivrera de ce corps de mort? (1)
Ce que je fais, dit encore l'Apôtre, je ne le comprends point;
le bien que je veux, je ne le fais point; et le mal que je hais, je le
fais : Quod enim operor, non intelligo : non enim quod volo bonum, hoc
ago ; sed quod odi malum , illud fado ( Rom. vu. 45).
Nous aussi, dit-il ailleurs, nous étions autrefois insensés , incré-
dules, livrés à l'erreur, esclaves de nos désirs et de diverses sensua-
lités, agissant par malice et par envie, haïssables et nous détestant
les uns les autres (2).
Je vis dans la droite de celui qui était assis sur le trône , dit saint
Jean dans l'Apocalypse, un livre écrit, scellé de sept sceaux : Vidi
in dextera sedentis supra thronum, librum scriptum, signatum si g il lis
septem (v. i).
Beaucoup de docteurs pensent que ce livre était l'emblème de la
coulpe et de la peine du péché d'Adam, péché par lequel Adam s'est
lié et nous a liés à la vengeance de Dieu. Les sept sceaux signifient
les sept maux nés de ce péché et qui sont : 1° l'offense de Dieu... j
2° la peine du dam...; 3° la peine du feu de l'enfer et des afflictions
de cette vie... ; 4° la nécessité de mourir... ; 5° le joug de Satan... ;
6' de l'éloignement pour Dieu et un penchant violent vers les créa-
tures...; 7° la concupiscence et l'ignorance. Seul, J. G. a pu briser
ces sept sceaux, c'est-à-dire détruire ces sept maux
Le cardinal Bellarmin énumère dix misères ou peines infligées
à la nature humaine à cause du péché originel : 1° l'ignorance
de l'esprit; 2° la perversité de la volonté; 3» la concupiscence;
(1) Video aliam legem in raembris meis, repugnantem legi mentis meae, et rapli-*
vantem nie in lege pecccVi , quœ est in niembris meis. Infelix ego homo , quis ma
liberabil de corpore morlis hujus? ( Rom. vu. 23. 24. )
(2J Erauius eniin aliquando et nos insipientes, incrcduli, errantes, servientôS
dcsideriis et voluptatibus variis, in malitia et invidia agentes, odibiles , orientes
luvicem ( lit. iu.3).
726 TÉCHÉ ORIGEfEL.
4» le travail et les douleurs du corps; 5* la mort; 6° la colère
de Dieu; 7° l'esclavage sous le joug du démon; 8u les pr s,
les disputes, les séditions et les guerres; 9° la révolte des animaux
contre l'homme et la guerre qu'ils lui l'ont; 40' tous les maux
prévus ou imprévus qui arrivent à l'homme, soit du ciel, soit de la
terre, soit de la mer ( In Fccles. ) .
Concluez de là ce que c'est que le péché, combien il est terrible
et quelle est sa malice. Le seul péché d'Adam a attiré, attire et
attirera jusqu'à la fin du monde, sur Adam et sur son innombrable
postérité, tous les maux dont il vient d'être question
Mais si Dieu punit ainsi dans les enfants le péché d'Adam, qui
leur est comme étranger, comment punira-t-il les péchés que
chacun de nous commet volontairement? S'il punit ainsi dès cette
vie, dans les entants innocents, et bien plus, dans les justes et les
saints, une désobéissance d'Adam, comment punira-t-il tant d'im-
puretés, de jalousies, de blasphèmes, de scandales, de meurtres,
d'hérésies, que chaque jour les grands pécheurs accumulent pour
l'enfer
Par le péché d'Adam, l'âme a été dégradée dans son intelligence,
qui est livrée à l'aveuglement et à l'ignorance; dans sa volonté, qui
s'éloigne de Dieu et qui est entraînée vers les biens périssables»; dans
sa mémoire, qui oublie le bien et qui se souvient du mal; dans sa sen-
siîilité, jouet de diverses craintes et frayeurs; dans l'appétit iras-
cible (1), par sa faiblesse et par une foule de convoitises.
(1) L'appétit irascible est la faeullé par laquelle l'àme se porte à surmonter le»
difficultés qu'elle rencontre à la poursuite du bien ou à la luit.- du mal. Il est d'ordj-
t ai ■• opposé à frappent tonctXpiscible , qui est l'appétit par lequel l'àme se porte
ffén nu bien sensible , ou vers un objet qui lui plaît.
t^dÊ VEMEL,
|eiïïi qui méprise les petites chose» *e perdra peu à peu : (Jui
sperntt modica, paulatim deeidet (Eccli. xix. 1). Si, dit saint
Grégoire, si nous négligeons le soin des petites choses, insen-
siblement séduits, nous Unirons par tomber audacieusement dans
de grandes fautes. Car celui qui néglige de déplorer les péchés
véniels qu'il a commis et de les éviter, décheoit de l'état de justice,,
non pas tout à coup, mais par degrés et insensiblement. 11 faut
avertir ceux qui sont habitués au péché véniel, de considérer avec
attention qu'il arrive quelquefois qu'une chute légère est, en quel-
qu ' surte, plus nuisible qu'une faute grave; cai on remarque plu-
tôt une faute grave et on s'en repent plus vite; mais on ne tient
pas compte d'une faute légère, et elle est d'autant plus dangereuse
qu'on la commet sans scrupule. D'où il arrive souvent que lame
accoutumée aux fautes légères! finit par n'avoir plus horreur des
!S graves: corrompue par ses nombreuses infractions, elle arrive
à un point de hardiesse, de mépris et de malice tel, qu'elle ne
craint plus les péchés mortels, parce qu'elle a appris à commettre
crainte les péchés véniels (Lib. X Moral., c. xix).
11 y avait à Béthanie un certain Lazare qui était dans un état de
langueur. Ses sœurs envoyèrent dire à Jésus : Seigneur, voilà que
celui que vous aimez est malade. A cette nouvelle, Jésus répondit:
Cette maladie n'est pas. pour conduire à la mort Et il resta deux
jours dans le même lieu. Puis il dit à ses disciples : Allons de nou-
veau en Judée Jésus vint donc ci; il trouva que Lazare était dans
le tombeau depuis quatre jours. Lt il ciit : Où l'avez-vous mis ? Ceux
qui se trouvaient là répondirent : Venez et voyez. Jésus vint au
tombeau. C'était une caverne, et mie pierre en fermait l'entrée.
Jésus dit : Enlevez la pierre. Marthe , sœur de Lazare, lui dit : Sei-
gneur, il sent àC-Ji mauvais
Co récit est le tableau de la vie et de ïa chute définitive de l'homme
qui n'évite pas soigneusement le péché véniel. 4° Ce n'est d'abord
, lai q\i'v mr de l'â:r.e M is 2e cette langueur s'ag-
grave et devient maladie 3° Il tombe dans un sommeil lélnar-
e, c'est-à- lire dans l'insoucian e de son état ¥ iua mod-j an
Le pèche
véniel est ia
chemin qui
mftar aut
grandes
chutes
•?28 ïtcvt vfrrcn:
le péché mortel arrive...; 5° puis la putréfaction ou la corr^tion
du cœur.
Une faute, dit saint Bernard, vous paraît d'abord telle qu n ne
peut la supporter; puis vous la jugez moins grave; bientôt vous r;e
la sentez plus ; enlin elle vous devient une jouissanc ; : Prîmum
aliquid videtur tibi importabile ; judicabis non adeo grave; nec senties;
paulo post etiam delectabit (Serm. in Cant. )
Il suffit d'une étincelle pour produire un vaste incendie.. .7.
Les moindres précautions ne sont pas à négliger. Il faut, dit saint
Cyprien, il faut fermer, je ne dirai pas les portes, mais jusqu'aux
moindres ouvertures, de crainte que par un trou l'ennemi ne pénè-
tre dans le camp. Tout le pourtour d'une ville doit être fortifié, de
peur qu'elle ne périsse entièrement par un endroit faible ; car , t
Salomon, celui qui méprise les petites choses se perdra peu à
peu (1).
Ne savez-vous pas qu'un peu de levain fait fermenter toute la
masse? dit saint Paul : Nescitis quia modicum fermentum totam mas-
sant corrumpit? (I. Cor. v. 6.)
Celui qui ne repousse pas les péchés véniels , dit saint Isidore,'
s'expose à tomber dans les plus grands crimes; car le péché véniel
engendre, pour ainsi dire, le péché mortel. Les vices croissent
promptement et sans qu'on s'en aperçoive : si l'on ne fait aucune
attention au péché véniel, arrivera bientôt le péché mortel. Evitez
donc soigneusement l'un, afin de vous préserver complètement de
l'autre {De Norma bene vivendi).
L'âme consacrée à J. C, dit saint Jérôme, est attentive aux gran-
des et aux petites choses; car elle sait qu'il faudra rendre compte
même d'une parole inutile : Mens Christo dedita, et in mqjortima,
et in minoribus intenta est, sciens etiam pro otioso verbo reddendum
esse rationem (Ad Heliodorum).
Gardez-vous de ne tenir compte de vos fautes, sous le prétexte
qu'elles sont légères, dit saint Augustin; car les gouttes d'eau tins-
sent par remplir les fleuves, et par entraîner les rochers et les ar-
bres avec leurs racines : Noli despicere peccala tua, quia parva sunl ;
nnm etiam pluviarum guttœ flumina confient , et moles trahunt , et
arbores cum suis radicibus tolLunt. (Serm. ixrv de Temp.).
(1) Omncs rim« , ne dicam porta?, cl.iiulcndm surit ; np prr nmim foramen rn^tru
omnia penelrcntur ; et univers* sunt componenda munimeulo u< per modicum non
munitum tota civitas ruât; sirut Salonnoo repetit ■ dicens : Quisspernilinodica.pau-
l*tinj decidet ( Stnn. inEccles.),
ftCEÈ VÉNIEL. 729
Les fautes lèpres amènent les fautes graves. Les premières sont
d'autant plus dangereuses que, se dissimulant, elles pénètrent sans
peine dans l'âme, se cachent dans le cœur, et y préparent une
épouvantable ruine
L'âme consacrée à Dieu, dit saint Bernard, doit éviter avec autant
3e soin les moindres péchés que les plus grands; car ceux qui tom-
bent dans les plus grands excès, commencent par de petites infrac-
tions : Mens Deo clicata, sic caveat minora vitia, ut majora; quia a
minimis incipiunt, qui in maxima proruunt (Serai, in Cant.).
On ne devient pas grand criminel tout d'un coup
Qu'importe, dit saint Augustin, qu'importe qu'un vaisseau soit
entr'omert par le choc d'une vague puissante et coulé bas, ou
que, pénétrant insensiblement dans la cale, sans que la négli-
gence des matelots y mette obstacle, l'eau remplisse le hâtiment
et le submerge ! Dans l'un et l'autre cas , le naufrage n'a-t-il pas
également lieu? (1)
Les suites du péché véniel sont funestes : car 1° si ce péché ne
bannit pas Dieu du cœur, il contriste l'Esprit-Saint qui habite en
nous ; or , faire de la peine à un ami qui vient rendre visite, c'est
lui faire comprendre qu'il peut se retirer et qu'on se passera bien de
sa présence 2° 11 met obstacle à l'abondance des grâces 3° Il
diminue dans l'âme le feu de l'amour divin 4° 11 la jette dans
l'état fatal de la tiédeur, état très-dangereux, puisque le Seigneur
dit dans l'Apocalypse : Que n'êtes-vous froid ou chaud ? Mais parce
que vous êtes tiède, et ni froid ni chaud, je vous vomirai de ma bou-
che : Utinam frigidus esses aut calidus ; sed quia tepidus es, et nec fri-
gidus, nec calidus, incipiam te evomere ex ore meo ( ni. 15. 16). 5° Le
péché véniel prive de plusieurs faveurs que J. G. accorde ordinaire-
ment aux âmes vigilantes et fidèles, comme sont les consolations
sensibles, la paix du cœur , etc 6° Il affaiblit les forces de l'âme,
augmente les passions et les fortifie. Il en résulte que si une violente
tentation ou bien une occasion entraînante se présente, l'homme
épuisé par les nombreuses blessures que lui a faites le péché véniel,
est facilement ébranlé, donne son consentement et succombe , selon
ces paroles des Cantiques : Les renards ravagent les vignes : Vulpes
demoliuntur vincas (n. 15). 7° En présence de la négligence et du
mépris des petites choses, le démon devient plus puissant et plus
(1) Quid interost ad naufragium, utrum tmo grandi fluefu naùs aperiatur etobrua-
tur ; au paulatim subrepens aqua in sentinam , et per negligentiatn derelicta atque
rontempta, irapleat navem atque suhmergat? ( Epist, cvni ad Selevciam.)
730 TÊCHÉ VÈ)TCEL.
hardi à solliciter les hommes et à les faire tomber dans le péché mor-
tel. Au contraire, celui qui s'observe afin d'éviter les fautes vénielles,
présente des entraves au démon, et ne lui permet pas de le renverser
et de lui enlever la vie de l'âme par le péché mortel.
J'ose avancer quelque chose d'étonnant, dit saint Chrysostome,
et qu'on n'a pas encore entendu dire, c'est qu'il me paraît qu'on ne
doit pas éviter avec autant de soin les péchés mortels que les péchés
véniels; en effet, la nature elle-même nous porte à avoir horreur
des grands excès; tandis qu'elle néglige et méprise les fautes légères
sous le vain prétexte qu'elles ne sont pas infâmes. Ce mépris et cette
négligence empêchent bientôt l'âme de trouver la générosité et la
force nécessaires pour ne les pas commettre, et à la suite des bles-
sures qu'elles causent à l'âme , vient la mort. Par cette voie , vous
verrez se produire toutes les grandes iniquités; car nul homme ne
tombe d'un seul coup jusqu'aux dernières profondeurs du mal et
jusqu'au fond de l'abîme. L'âme a une certaine honte et uDe certaine
pudeur naturelle qu'elle ne peut pas rejeter de suite, mais elle le
fait par degrés et peu à peu {Homil lxxxviii in Matth. ).
Malice Les considérations suivantes aideront à comprendre quelle est la
du péché ve- majice (ju péché véniel. i° Le péché véniel, aussi bien que le péché
mortel, est une désobéissance à Dieu Il renferme de même un
certain mépris de Dieu et de sa loi sainte 2° Après le péché mor-
tel c'est le plus grand des maux. 11 fait plus d'injure à Dieu que
toutes les bonnes œuvres imaginables ne pourraient lui procurer de
gloire. D'après les saints Pères et les théologiens , tous les mérites
des apôtres , des martyrs, des saints et des anges , et même ceux de
l'auguste mère de Dieu ne suffiraient pas pour effacer un seul péché
véniel, et réparer l'injure qu'il fait à Dieu. Pour cela les mérites de
J. C. sont nécessaires 3° Le péché véniel est le mal de Dieu. D'où
il suit que la gloire et l'honneur dus à Dieu étant infiniment au-des-
sus de ce qui regarde les créatures, même les plus nobles et les plus
parfaites , il ne serait pas permis de commettre un péché *
pour leur éviter les plus grands maux et pour leur procurer les plus
grands biens
Salvien dit excellemment : Dans les choses qui blessent Dieu, il
n'y a rien de léger : Nihil levé œstimetur , quo lœditur Deus ( Lib. VI).
Tous les péchés attaquent et offensent Dieu; mais la pluslégôie
offense envers ce souverain maître i st un plus grand mal que tous
les maux qui pourraient arrvihler les créatures. Celui qui aime
PÉCHÉ VÉNIEL. 731
Dieu doit donc fuir et éviter soigneusement même le péché
véniel
Le péché véniel est une souillure, uDe tache pour l'âme; les
autres maux, quels qu'ils soient, ne sont que la peine ou le châtiment
du péché. Or, la plus légère de ces taches est plus grave que toutes
les peines; celles-ci en effet ne sont pas des maux, mais deshiens;
car elles sont l'œuvre de la justice vengeresse qui corrige le péché
par le châtiment et ramène ainsi le pécheur à l'ordre
Saint Augustin déclare qu'il ne serait pas permis de dire un léger
mensonge pour sauver tous les réprouvés : parce que le mensonge
est le mal de Dieu, tandis que le supplice des réprouvés n'est que le
mal de l'homme. Or, les plus grands maux de l'homme n'étant que
le mal de la créature , ce pur néant , ne sont pas aussi grands que
la moiodre offense envers Dieu., offense qui attaque une majesté
infinie {Lib. Confess.).
Il faut donc éviter avec soin tout péché véniel.
Les païens eux-mêmes ont compris que se préserver des fautes
légères n'était pas une chose indifférente en soi. Ce n'est pas, dit
Plutarque, ce n'est pas une médiocre preuve que nous avançons en
vertu, si nous évitons de notre mieux les moindres fautes. Agir
ainsi c'est prouver qu'on a déjà acquis des mérites qu'on veut con
server intacts {De Profectu virtutum).
Le juste lui-même n'est pas exempt de chutes légères; mais il les combien
déplore et se relève, disent les Proverbes : Septies cadet justus, et p"cî,éTvénïeis!
resurget (xxiv. 16). Si nous disons que nous n'avons point de péché,
nous nous trompons nous-mêmes, et la vérité n'est point en nous,
dit l'apôtre saint Jean : Si dixerimus quoniam peccatum non habemus,
ipsi nos seducimus , et veritas in nobis non est (I. i. 8.) Tous nous
faillissons en beaucoup de choses , dit l'apôtre saint Jacques : In mul-
tis offendimus omnes (m. 2.) Ne faire aucune faute, c'est le propre de
Dieu , dit Clément d'Alexandrie : Nihil omnino peccare, proprium est
Dei{\Àb. IPaedag., en).
Nous devons faire tous nos efforts pour ne pas tomber, et pour noua
relever aussitôt après nos chutes
Rien ne peut mieux nous faire connaître combien le péché véniel Pumtiou
est un grand mal, que les châtiments dont Dieu le punit dans cette u pnjeL yer
vie et après la mort. Les livres saints en fournissent un grand nom-
bre d'exemples. Moïse est exclu de la terre promise en punition d'un
732 PÉCHÉ VÉNIEL
doute léger sur la toute -puissance de Dieu....^ David voit périr
soixante-dix mille de ses sujets , en punition d'une faute de vanité.....
Les Bethsamites, pour avoir regardé l'arche avec curiosité ; Osa, pour
l'avoir touchée , sont frappés de mort. A la suite d'un mensonge,
Ananie et son épouse ont le même sort. Dieu punit souvent par des
maladies et par d'autres afflictions temporelles, des fautes qui ne
sont que vénielles. Il les punit aussi par des peines intérieures beau-
coup plus rigoureuses, telles que la sécheresse dans l'oraison, le
dégoût des exercices de piété, les tentations contre la foi et contre la
pureté, les tentations de découragement et même de désespoir, et
par d'autres peines intérieures, qui souvent sont si difficiles à sup-
porter, que ceux qui les éprouvent sont exposés à abandonner le
service de Dieu, et par conséquent à se perdre
Pans l'autre monde, Dieu punit te péché véniel par le purga-
toire
PÉCFEUR.
L
'AMEnTmrR ; dit Paint Cyprien, ne peut s'allier avec la fonceur; Lepériieurn'a
les ténèures, avec la lumière; la pluie, avec la sérénité; la
guerre, avec la paix; la stérilité, avec la fécondité; la séche-
resse, avec l'humidité; la tempête, avec le calme: ainsi le pécheur
ne peut s'allier avec Dieu et sa grâce (Lib. I, epist. vm).
Nul ne peut servir deux maîtres, dit J. C. : Nemo potest duobus
dominis servire (Matth. vi. 24). Quelle alliance peut- il exister
entre le Christ et Bélial? dit le grand Apôtre : Quœ conventio Christi
et Belial? (II. Cor. vi. 15).
C'est le pécheur qui le premier rompt toute communication avec
Dieu , et ce n'est qu'à la suite de cet abandon que Dieu s'éloigne.
Le pécheur dit à Dieu : Retire-toi de moi, je ne veux pas connaître
tes voies : Dixerunt Deo : Recède a nobis, scientiam viarum tuarum
nolumus (Job. xxi. 14). Comme les Juifs, il s'écrie : Je ne veux pas
que J. C. règne sur moi : Nolumus hune regnare super nos (Luc. xix.
44). Non pas lui, mais Satan : Aon hune, sed Barrabam (Joann.
xviii. 40).
À moins qu'on ne l'abandonne lui-même, Dieu, dit saint Augus-
tin , n'abandonne personne , et il ramène à lui beaucoup de déser-
teurs : Qui, nisi prius deseratur, neminem deserit, et multos desertores
ad se convertit (In Psal.).
Celui qui abandonne Dieu est justement abandonné par lui, dit
saint Fulgence : Juste deseritur a Deo, qui deserit JJeum (Epist. vi).
Ayant pris une épouse par le commandement exprès du Seigneur,
Osée reçut l'ordre de donner des noms prophétiques à chacun de
ses enfants. Le troisième fut appelé Non mon peuple; car, dit Dieu :
Vous n'êtes plus mon peuple , et je ne serai plus votre Dieu : Voca
nomen ejus : Non populus meus, quia vos non populus meus , et ego non
ero vester (i. 9).
Ce que le Seigneur dit ici du peuple d'Israël, s'applique surtout
au grand et malheureux peuple que formeraient les pécheurs, s'ils
se trouvaient réunis.
niunicp.tion
avec Dieu.
Dans le ciel, les anges et les saints; ici-bas, le soleil, la lune, les Le pécheur
étoiles, la terre, les mers et toutes les créatures; dans l'enfer, les Dieu! a
734. PÉCHEUR.
réprouvés et les démons eux-mêmes obéissent et obéiront éternelle-
ment à Dieu; seul, le pécheur lui résiste. Les êtres dépourvus de
raison obéissent; le pécheur, qui a la raison en partage, refuse obéis-
sance. 0 rébellion détestable et criminelle!...
Eh quoi! s'écrie saint Augustin, vous homme, qui commandez
à la créature, vous refusez de servir le Créateur 1 Vous exercez une
domination, et vous ne voulez pas reconnaître le maître de toutes
choses! Craignez la patience du Seigneur, si vous ne voulez pas
éprouver la sévérité de ses jugements (1).
Pécheurs, vous avez brisé mon joug, dit le Seigneur par la bou-
che de Jérémie, vous avez rompu les liens qui vous unissaient à moi,
et vous avez dit : Je ne servirai pas : Confregisli jugum meum, rupisH
vincula ?nea, et dixisti : Non serviam (il. 20).
Ils n'ont pas voulu prêter l'oreille à mes paroles, dit encore le
Seigneur; ils ont suivi des dieux étrangers afin de les servir : Nolue-
runt audire verba mea , abierunt post deos alienos , ut servirent eis
(Jerem. xi. 10).
Jonas désobéit à Dieu; il se lève pour fuir de devant la face du
Seigneur: Et surrexit Jonas ut fugeret a facie Domini (t. 3).
Ici, dit saint Chrysostome , Jonas est la figure des pécheurs qui,
semblables à des hommes ivres, ne font pas attention où ils vont
ni où ils posent le pied ; mais qui , suivant leurs passions, se perdent
par leur propre folie et désobéissance (Hornil. ad pop.).
Le pécheur J'ai nourri des enfants, dit le Seigneur par la bouche d'Isale; je
méprise Dieu. jeg aj élevés , et ils m'ont méprisé : Filios enutrivi, et exalhivi;
autem spreverunt me (i. 2 ). Pécheurs, vous préférez la créature au
Créateur, le néant à Dieu, le vice à la vertu, l'enfer au ciel; quel
plus profond mépris pouvez-vous témoigner au Seigneur! Il est
votre roi, votre maître, votre père, et vous le méprisez 1 Aiil vous
ne le mépriserez pas comme jugel...
Le écheur Considérez, pécheurs, et appliquez- vous les paroles de J. C. à Saul ,
est ingrat, ennemi du Sauveur et de l'Eglise : Saul, Saul, pourquoi me per-
écutes-tuî Saule, Saule, quid me persequerh? { Act. ix. 4. )
Pourquoi me persécutez - vous pour me faire mourir , moi qui
(1) Qui creatnrse imperas , creatori non servis! Qui dominantm exerces, et Do-
minuni non agnoscis! Time Doniiuum puUântem, nu s>eveiuiii sentias juilicprn
{SciUent.).
PÉCHEUR. ~3S
vous poursuis afin de vous faire vivre? Je suis doux, bon , miséri-
cordieux : je ne vous ai pas fait de mal; je ne vous ai jamais offen-
sés; pourquoi me traitez -vous comme un ennemi? Je suis votre
créateur..., votre bienfaiteur..., votre ami..., votre père..... Je
vous ai inscrits dans mes mains et dans mon cœur Pourquoi me
persécutez-vous? Quid me perseqverls ? C'est pour vous que je suis
descendu sur la terre et que je me suis fait homme; c'est pour
vous que je suis né dans une é table; que j'ai souffert et travaillé
pendant trente -trois ans; que je suis entré en agonie au jardin
des Oliviers; que j'ai enduré dans Jérusalem tant d'outrages divers;
que je suis monté au Calvaire et que je suis mort sur une croix
Pourquoi me persécutez-vous? Quid me persequeris?... Ne vous ai-je
pas comblé de biens temporels et spirituels?... Ne vous ai-je pas
promis mon royaume éternel et ma gloire?... Pourquoi me per-
sécutez-vous? Quid 7ne persequeris?...
Le fils prodigue partit pour une région étrangère et lointaine, et il Le peu.eut
,. • k-5 a • ■ . , ,,, , n dissipe tous lea
y dissipa son bien dans une vie d excès et de débauche : Peregre dons de Dieu.
profectus est in regionem longinquam, et ibi dissipavit substuntiam
luam vivendo luiuriose (Luc. xv. 43). Telle est la conduite du
pécheur; il dissipe tous les dons de la nature et de la grâce qui lui
ont été accordés...; il perd la grâce de Dieu, la charité et toutes les
vertus..., son âme et ses nobles facultés Son intelligence s'hé-
bète tellement qu'elle ne remarque plus ni Dieu , ni la beauté et les
richesses de la vertu, ni l'infamie du vice. Sa mémoire s'affaiblit : il
ne se rappelle plus la loi de Dieu , les bienfaits qu'il a reçus de son
Créateur, ni ses propres devoirs Sa volonté se déprave au point
qu'il préfère le mal au bien , la créature au Créateur , le démon à
Dieu, l'enfer au ciel. Au lieu de se revêtir de J. C. , il se revêt de
Satan. De là une incomparable pauvreté de bon sens, de raison -,
de courage, de bonnes œuvres, etc Toutes les forces de son âme
et de son corps qui doivent être consacrées au service du Créateur,
il les ravale au service de la créature, de ses passions et de la débau-
che Tous les jours il mésuse des dons précieux qu'il a reçus am.
saint baptême ; il profane la noblesse de son âme , et ruine sor
aptitude à la vertu.. ...
Après que le prodigue eut consommé tous ses biens, il y eut une £• pécheur
-, j, . ""t dans la pe-
grande ïamine dans le pays où il se trouvait , et il commença à nurie ,
sentir le besoin. S'en allant donc , il se mit au service d'un maître ladlS.etIa
736 PÉCHEUR.
qui l'envoya à sa maison des champs pour garder les pourceaux. Et
il désirait remplir son ventre des siliques que mangeaient les pour-
ceaux ; mais personne ne lui en donnait : Cupiebat implere ventrcm
suum de siliquis , quas porci manducabant , et nemo Mi dabat ( Luc.
xv. 44-16). Juste châtiment du prodigue et du pécheur qui l'imite.
Il a follement consommé ses biens avec des compagnons aussi
dissolus que lui; et en punition, lorsqu'il meurt de faim, il ne
trouve personne qui veuille lui donner une partie des provisions
faites pour de vils animaux
Ecoutez saint Chrysostome : Le faste dissolu de l'enfant prodigue,
dit-il, eut pour punition la faim, en sorte que la peine vengeresse
sévit là où la faute avait été commise. Mais combien cruel est le ser-
vice auquel il est réduit! lui qui prend soin d'un troupeau de pour-
ceaux ne peut manger avec eux (1) Ce qui arriva à l'enfant prodigue
est la figure du triste état où finissent par se trouver réduits tous les
pécheurs, et surtout les impudiques
Le pécheur est dépouillé de la parure des vertus et de la grâce. Il
perd la gloire qu'elles devaient lui procurer et l'héritage du royaume
descieux
te pécheur J* me su^s plonge dans la vase de l'abîme, et elle fuit sous mes
tombe pieds, peut dire le pécheur avec le Psaimiste : Infixus sum in U <.o
dans l'escla- r » * r '
vageetla profundi , et non est substantia (lxviii. 2 ). J ai vogué en pleine eau
e,,ra a i . ^^ ^ mer emp0jgonn,ie du mai^ ct ]a tempête des passions
m'a englouti : Veni in altitudinent maris, ct tanpestas demersit me
(Psal. lxviii. 2).
Le Seigneur humilie les pécheurs jusque dans la poussière
Humilions peccatores usque ad terrain (Psal. cxlvi. 6).
considérez, dit saint Paulin de Noie à. Sévère, considérez l'existence
des pécheurs, ct vous les verrez semblables à la bète de somme qui
a un |oandeau sur les yeux et qui tourne la meule d'un moulin.
Aveuglés par l'impureté de leur vie et par les égarements de leurs
sens, ils ne voient plus rien, et tournent sans cesse avec une peine,
«ttroyable dans le cercle de leurs vices, traînant la meule du p
et ne pouvant parvenir à rompre la chaîne qui les attache à cette
meule dont ils se servent pour broyer leur innocence, leur âme,
(1) Luxurirc famés tortor opponitur , ut ibi ultrix poena saeviat, ubi pœnulis ivatus
exercerai. Quant oruùcle uùmsleriuiu I quia ueque couvxvit porcis, qui vivit porcis
{lu Luc.,c. XV Ji
leur cœur, leurs vertu? et la couronne qui leur était promise pour
l'éternité. Cette meule est d'un poids incalculable, car elle est faite
de leurs iniquités Les pécheurs peuvent aussi être comparés
à des chevaux , par lesquels Satan et tout l'enfer avec lui se ion»
traîner ( Epist.)
Saint Jérôme appelle les pécheurs des cadavres animés par les
démons { Epist. ).
La sainte Ecriture parle souvent de l'affreux esclavage auquel lot
pécheurs sont réduits. L'impie, disent les Proverbes, est enveloppe
dans ses iniquités comme dans un filet; il est hé par ses péchés
comme avec des cordes : Iniquitates suœ capiunt irnpium, et funibus
peccatorum suorwn constrinyitur (v. 22). Celui qui s'abandonne au
plaisir s'avance , ignorant qu'on le mène à la captivité : Ignorons
2uod ad vincula stultus trahatur (Prov. vn. 22). Tous les pécheurs
sont liés d'une chaîne de ténèbres, dit la Sagesse : Una catena tene-
brarum omnes erant colligati ( vu. 17 ).
Les pécheurs sont esclaves du démon..., esclaves de leurs passions
et de leurs iniquités..., esclaves de la mort En péchant, l'homme
qui auparavant exerçait sur Dieu lui-même un certain empire,
devient l'esclave de l'enfer et de toutes les créatures, même les plus
faibles
Rien n'est faible comme le pécheur, et fort comme le juste. En Le pèchent
voici les raisons : i° La concupiscence et les passions qui conduisent est la £ail»lesài
même.
au péché amollissent l'esprit et eiféminent le cœur; mais en triom-
phant d'elles, la vertu rend l'esprit et le cœur forts et énergiques.
2° Les remords rongent le pécheur et l'abattent; la tranquillité de
la conscience du juste le soutient et le rend inébranlable. 3° Le pé-
cheur n'a pas la grâce de Dieu, tandis que le juste la possède : or, la
grâce est toute-puissante; par elle on peut accomplir les entreprises
les plus difficiles, les œuvres les plus héroïques. Voyez les apôtres,
les martyrs, les missionnaires, les vierges, etc. Sans la grâce, au
contraire, on ne peut rien faire de bien. Le juste est magnanime et
plein de confiance; le pécheur est pusillanime, timide et chance-
lant. Craignant de compromettre sa fertune, sa réputation ou sa
vie , le pécheur est infidèle à sa foi et commet des crimes qui lui font
perdre le ciel et l'éternelle félicité; le juste, lui, ne craint que ce
qui doit être craint et se rit du re?te
Quelle ne fut pas la faiblesse des Juif ? Sitôt qu'ils étaient éprou-
ves de Dieu, ils murmuraient, ils blasj hémaient Ainsi en est-il
ul. 47
738 PÉCHEUfL
de tous les pécheurs En effet , où pueraient-ils. la force néces-
saire pour accomplir Les grandes et saj$t s actions?
Chez eux, dit Hugr. de Saint- Victor, il n'y a ni mf tÎQB de
la chair , ni larmes de componction , ni sérénité de la conscience. Ils
n'ont plus la connaissance de soi-même, le zèle de la justice, la
ferveur de Ja sagesse, la bonne odeur de la miséricorde, la douceur
de la contemplation , la suavité des biens éternels , la pratique de la
pénitence , le v. îépris des choses péri i cons ,1 i cha-
rité fraternelle, la soif et le désir des récompenses c .'lestes, l'amour
du bien (Lib. de Anima). Réduits à leurs propres forces , qui ne sont
que faiblesse , ils sont incapables de toute action surnaturelle. Ils
ressemblent aux feuilles d'automne, que la sève ne nourrit plus, et
que les vents détachent facilement des rameaux pour les diSj
de côté et d'autre.
Le pécheur Celhi qui aime l'iniquité hait son âme , dit le Prophète royal : Qui
tait son ame. ffâgfi iniquitatem odit animam suam (x. C). Il faut bien qu'il ne
puisse la souffrir, puisqu'il ne pense jamais à elle, ne la nourrit
pas, ne la revêt point, ne lui parle point , ne la visite point , et
n'emploie ni médecin ni remède pour la guérir, elle qui e
et à l'agonie Il faut bien qu'il la déteste, puisqu'il la vend pour
un rien , pour un vil plaisir, pour une honte Il faut bien qu'il
l'abhorre, puisqu'il la prive de toute liberté, de toute paix, de
toute consolation, de tout bonheur, la livre à ses ennemis et lui
donne la mort
Le pécheur
est
la nourriture
du démon.
Quand., dit saint Augustin , quand il fut dit au démon : Tu manap-
ras la terre , il lut dit au pécheur : Tu es terre et tu iras eu terre.
Le pécheur a donc été donné pour nourriture au démon. Ne soyons
pas terre, si nous ne voulons pas être dévorés par le serpent qui
séduisit Eve (1). Le démon se nourrit des pécheurs comme d'un
mets exquis L'homme qui, par imprudence, aveuglement ou
fureur, désire, recherche, em choses de rien au lieu des
grandes choses; celui qui préfère les biens fragiles aux biens solides,
ce qui passe à ce qui est éternel, la volupté à la pureté , la terre au
ciel, la chair à l'esprit, etc.; celui-là n'a plus de cœur. Vénus,
(1) Quando dictum est diabolo : Terrain mandneabis, dietnm ost porratori : Torr»
es, et in terrant ibis. Datas c ibum diabolo peccator. us terra» 4
nolumus nianducari o s- e Ayone christiuiior.. c:n).
PÉCHEUIU 739
Mamrnon, Bacchus, etc., c'est-à-dire le démon de la volupté, celui
de l'avarice ou de la bonne chère, le lui ont dévoré....,
Patuaxt lies pécheurs, l'apôtre saint Jean dit : Et maintenant beau- Le pécbeiu-
est une sorte
coup sont devenus des ant<v!n\sts : Et nunc antichristi multi fucti d'antechrist-
suât (ï. ii. 18).
Que fait en effet le pécheur? Le Psalmiste le dit en deux mots : Le
pécheur a irrité Dieu : Exacerbavit Dominum peccator (x. 4). Il a
combattu contre le Seigneur. N'est-ce pas le rôle que doit prendre
l'Antéchrist?... Par l'Antéchrist, saint Augustin entend non-seule-
ment le grand ennemi qui lutfera contre Dieu à la fin des temps,
mais toute la multitude des impies opposée à J. G. (In Epi: t.
S. Joann. )
Cependant il est certain, il est de foi qu'il y aura un être qui sera
le véritable Antéchrist.
Il y a des pécheurs tellement corrompus et coupables , qu'ils ne La vie
paraissent être tout entiers qu'un instrument du péché; il n'y a près- d d];Lcl}eî![est
gué pas d'iniquités qu'ils n'aient commises ; ils sont ensevelis dans
le crime comme le riche dans l'enfer : Sepultus est in in ferno (Luc.
xvi. 22). On peut dire d'eux qu'ils sont vendus sous le péché, selon
l'expression de saint Paul : Venundatus sub peccato (Rom. vn. 14).
Le grand Apôtre en trace le portrait que voici : Il y aura des
hommes qui s'aimeront eux-mêmes, avides, arrogants, superbes,
blasphémateurs, rebelles à leurs parents, ingrats, souillés de crimes,
insensibles, implacables, détracteurs, dissolus, farouches, ennemis
des bons, traîtres, insolents, enflés d'orgueil, aimant les voluptés
et reniant la vertu (1).
Saint Pierre appelle le pécheur, et surtout le pécheur incorrigible :
un pourceau qui se vautre dans la houe : Sus Iota in volutabro luti
(II. n. 22).
C'est avec raison que cet apôtre compare les pécheurs aux pour-
ceaux; car, 1° ainsi que ces bêtes immondes recherchent et aii
les choses sales et dégoûtantes, de même le pécheur recherche et
aime les passions qui réduisent l'homme à l'état de brute 2° Le
péché est quelque chose de hideux et d'infect comme les lieux que
(1) Erunthoiuines seipsos amantes, cupidi, elati, superbi, blaspbemi, parenlibin
non obedientes, iugrati . scelesti , sine affectione, ine pace , criminatores, inconti-
nent, , siae ViiipMÙUte, proJitoies , Luotem , tuuiidi et voluptatum
amaloiea , vhtutem abnegantei ( l Tim. m. 2-5).
740 PÉCHEUR.
les pourceaux aiment à fréquenter 3° Le pécheur se nourrit
comme ces animaux 4° L" pourceau ne ^'occupe que de sb.i
ventre; il ne regarde que la terre et se couche dans la boue ; il n'est
au fond qu'une masse de chair : qu'est autre chose le pécheur, et que
fait-il de différent? 5° Le pourceau n'a aucun sentiment, il ne connaît
pas son maître, et quelquefois il le dévore : ainsi agit le pécheur
obstiné et ingrat; il ne connaît pas Dieu, et il crucifie J. C. 6° On
engraisse le porc pour le tuer et le manger : le pécheur s'immole
lui-même, et sert de nourriture à Satan
Les pécheurs, disent les Proverbes , abandonnent le droit chemin
et ils s'engagent dans des voies ténébreuses (u. 43). Ils se réjouissent
lorsqu'ils ont fait le mal ; ils tressaillent de joie dans les actes les
plus coupables : Lœtantur cum malefecerint, et exsultant in rébus pes-
simis (Ibid. xi. 44). Leurs voies sont perverses, et leur conduite
est infâme : Quorum vice perversœsunt , et infâmes gressus eorum
(Ibid. ii. 45).
Que peut vouloir et poursuivre un cœur mauvais, corrompu,,
dépravé, flétri, habité par le démon, sinon le mal et l'infamie? Une
fontaine dont les eaux sont amères donnp t elle autre chose que de
l'amertume?...
La voie perverse du pécheur est une voie étrangère : Perversa
via viri aliéna est (Prov. xxi. 8). Vous demandez à quoi elle est étran-
gère? Elle est étrangère 4° à Ja justice , c'est-à-dire à ce que la saine
raison dit être droit, probe, honnête. Par conséquent, elle est étran-
gère 2° à la dignité de l'homme , qui consiste dans la rectitude de la
raison et dans la pureté de la conscience. L'homme vraiment digne
de ce nom consulte ces deux guides; il se garde de vivre et d'agir
comme la brute ; il fuit le mal, qui n'est autre chose qu'une disso-
nance entre l'œuvre , ou l'action, et la nature raisonnable. Mal faire
ne convient qu'à l'animal, qui n'est pas dirigé par la raison, mais
par la fantaisie et la concupiscence. 3° La voie des pervers est étran-
gère à Dieu; car Dieu a établi dans l'homme le jugement et la droite
raison, afin que celui-ci suivit leur impulsion en toutes choses. 4° La
voie des pécheurs est étrange; e ;< la société et à la manière de vivre
des hommes raisonnables, qui obéissent à la droiture et à l'équité.
5° Elle est étrangère à lui-même; car l'homme qui pervertit ses voies
s'éloigne de lui-même, et se met en opposition avec les lois de son
existence. En effet, vivre selon Dieu et la raison, c'est le propre
de l'homme; et celui qui vit selon Dieu, vit toujours selon la ra»-
BOn et la conscience. Au contraire, celui qui vit en hostilité avec
PÉCHEUR. 741
la raison éclairée par Pîpu , "nmid une voie étrangère à la nature
humaine.
Il y a trois choses qui sont très -mauvaises, dit saint Augustin :
Tâme du pécheur qui persévère dans le péché , les anges déchus qu^
la conduisent , et l'enfer où elle va. Rien n'égale ces trois maux.
Mais il y a trois choses incomparablement bonnes : l'âme fidèle qui
persévère dans le bien, les saints anges qui la guident, et le ciel oî"
elle tend {De Salutarib. document., c. xlix ).
Pécheur, dit le prophète Baruch, tu habites la terre de tes enne-
mis, une terre étrangère; tu t'es souillé avec les morts selon Dieu;
tu es devenu semblable à ceux qui descendent dans l'abime. Tu as
abandonné la fontaine de la sagesse : In terra inimicorum es , in terra
aliéna ; coinquinatus es cum mortuis ; députât us es cum descendentibus
in infemum. Dereliquisti fontem sapientiœ (m. 10-12).
La mémoire des pécheurs a péri avec bruit , dit le Psalmiste : Periit ï* mémoin.
u x ' du pécheur
memoria eorum cum sonitu (ix. 7). Ceux qui me méprisent seront est execraLàu,
méprisables, dit le Seigneur : Qui contemnunt me erunt ignobiles
(I.Reg. il. 30).
La réputation an r'^h^nr. *»t «nr'-out du pécheur scandaleux, es^
abominable pendant sa vie, à sa mort et après sa mort
Commentant ce passage de l'histoire du prodigue : Son maître l'en- ie pechem
voya à la campagne pour garder des pourceaux , saint Chrysostome ^ ["pèche,
dit : Voyez ici l'épouvantable métamorphose que subit le pécheur, et
la juste peine de la folle liberté qu'il s'est donnée ! Celui qui n'a pas
voulu obéir au meilleur des pères , est forcé de se faire l'esclave d'un
étranger; celui qui n'a pas voulu servir Dieu , est forcé de servir le
démon; celui qui n'a pas voulu demeurer clans la maison paternelle,
est envoyé au fond d'une campagne sauvage pour y être tourmenté
par de révoltantes convoitises; celui qui n'a pas voulu rester dans la
société de ses frères et des princes ses égaux, est réduit à devenir le
compagnon et le serviteur des pourceaux ; celui qui n'a pas voulu se
nourrir du pain des anges, demande , sous l'aiguillon de la faim^ à
se rassasier des restes de ces vils animaux ( In Luc, c. xv).
0 changement affreux !...
J es us-Christ, dit le grand Apôtre, a effacé le seing de la sentence de Le pèchent
condamnation portée contre nous : Delens quod advenus nos erat chi- l'instrument
rogru^kuiu decrati, quod erat contraria m nobis (Coloss. n. 14), damnation.
742 PÉCHEUR.
Ce seing de condamnation , dit Origène , est le seing que le pécheur
appose à ses péchés et qui les constate ; car celui qui pèche écrit lui-
même son péché , et en prend la responsabilité ( Homil. xiii in Gènes.),
Autant de péchés nous commettons, autant de lettres munies do
notre seing et de notre sceau nous adressons à la justice «.le Dieu,
afin qu'elle en tienne compte et que notre châtiment soit certain
oomoien II n'y a, dit saint Augustin, il n'y a rien de plus malheureux que
pécheur est J , ° '. J . . * . . *
aiheureux. .te bonheur des pécheurs , qui nourrit leur impiété , principe de châ-
timent, et qui fortifie en eux la volonté perverse, cet ennemi inté-
rieur : Nihil est infelicius felicitate peccantium , qua pœnalis nutritur
impietas , et mala voluntas velut hostis \nterior roboratur ( Sentent, xlii ).
Dans sa charité sans bornes, saint Paul ne cessait de déplorer le
funeste avenir des pécheurs. Ecoutez -le : Souvent je vous l'ai dit,
et je vous le dis encore avec larmes : plusieurs marchent en ennemis
de la croix du Christ, plusieurs qui auront pour fin la perdition et
qui se font un Dieu de leur ventre ; ils se glorifient dans leur propre
honte, et n'ont de goût que pour les choses de la terre (l).
Tous les hommes, il est vrai, naissent dans le malheur; mais
seuls, le: pécheurs vivent et meurent malheureux
Malheureux sont ceux qui rejettent la sagesse et la règle , dit
l'Esprit-Saint : leur espérance est vide, leurs travaux sont infruc-
tueux, et leurs œuvres inutiles : Sapientiam et disciplinam qm auji-
cit , vnfelix est, et vacua est spes illorum, et labores sine fructu, et
iilià opéra corum (Sap. m. 11).
Combien, dit saint Bernard , combien est à plaindre le pécheur.,
lorsqu'il regarde le ciel, ce séjour de la lumière incréée , des di\ ines
louanges, des sublimes gloires et des grâces infinies! Combien plus
malheureux il est encore lorsqu'il reporte ses yeux sur la terre et
qu'il j voit les âmes ferw ites, solides dans la foi, grandes dans
France, belles de charité, fécondes on vertus et eu bonnes
œuvres , sur lesquelles descendent . et la rosée du ciel , et les :
dictions du.., [ Avec quelle amertum
douleur quels remords, lui, si avide de gloire i \.i lité, voit-il
3 si pures , si honorées, si riches , si h ;
plongés dans la stérilité, dans les ténèbres et dans la disette de tout
(1) Alulti ambulant, quos ssepe dicebam Tobls , ruine etflens dico, inimicos crucU
Cbristi, quorum finis intérims ; quorum Deus venter est, et gloria iacodfi
Jpsorum, qui terreua sapiûnl . 18. 19).
PECHEUR. 743
bien, lui et ceux qui l'imitent savent qu'ils sont l'opprobre des
hommes, des anges et de Dieu! (Serm. in Gant. )
La prospérité même des pécheurs fait leur malheur, puisqu'elle les
aveugle et les perd, disent les Proverbes : Prosperitas stultorum pér-
ilik illos(ï. 32).
Le péché, dit saint Thomas, estl'éloignement pour le bien suprême
et incréé, et rattachement au bien caduc et créé. Assurément celui
qui s'éloigne de Dieu, et qui néanmoins prospère , est d'autant plus
près de sa perte, qu'il est plus éloigné de l'amour de la règle (1).
Les pécheurs se perdent par la tranquillité ; car lorsqu'ils jouisseni
d'une certaine paix , ils se plongent dans les excès avec fureur e
persévérance. La paix et la prospérité des pécueur» aboutit à urj
malheur épouvantable et sans remède
Le pécheur, dit Salvien, se plonge d'autant plus profondé-
ment dans une corruption de mœurs rare et insondable, qu'il est
plus gâté p:u" la prospérité; il oublie Dieu, et s'oublie lui-même
entièrement. S'il sort de ce repos, ce n'est que pour se livrer avec plus
de fureur aux excès de l'ivrognerie et de la débauche, tellement
qu'il ne vit plus que de rapines, de crimes et d'infamies. Il profita
de la tranquillité et de la prospérité dont il jouit pour se couvrir
d'opprobre et pour se livrer au mal avec plus de licence et de sécu-
rité : de cette manière il se rend indigne de tous les dons célestes.
(Lib. II ad Eccli. ).
Lorsque le pécheur est en paix et qu'il s'abandonne aux excès du
crime, Dieu n'est pas loin et il ne tarde pas à frapper, dit saint Pau-
lin de Noie. La prospérité déprave le jugement et fait oublier la fra-
gilité humaine. L'adversité réprime et humilie; la prospérité rend
orgueilleux. Il est rare que dans cet état on montre delà prudence;
au contraire , on abandonne la voie droite , et on suit des chemins
ténébreux. Alors surtout qu'ils se livrent au mal, les pécheurs
se réjouissent, disent les Proverbes, ils tressaillent de joie dans
l'Luquité : Lœtantur cum malefecerint , et exsultant in rébus pessimis
(Lib. II3 c. xiv, epist. v).
Même lorsqu'ils rient, les pécheurs , dit saint Augustin, sont tor-
turés par la conscience du mal qu'ils ont commis ; en ri ieU-
: Ride ado exierius interna mctlorum conscient ia crUCiantut , atque
(1) Pectatuin e*t aversio a bono summo et meteato, ac conversio ad bonum caclu-
cum et cMptum. • et prosperatur , tanto peiUitÙMiis 6*
propidqiiiôt, quduto a zaio disciplina invenitur aUenus ( De Peccutis).
744 pécheuh.
ridendo mori-ur.lur (Sentent, xltii). Riant et se réjouissant, les
pécheurs, dit saint Grégoire, ressemblent à des bœufs qui marchent
à l'abattoir, à des hommes ivres qui vont à une chute , à des frénéti-
ques qui courent à leur perte, lsaïe dit en parlant d'eux : L'impu-
dence de leur visage les trahit; comme Sodôme, ils ont publié
leurs crimes et ne les ont point cachés. Malheur à eux ! ils ont
mérité leurs maux {Comment, in lsai., lib. ITT, c. ix).
Celui qui pèche est le meurtrier de son àme, disent les Proverbes :
Qui peccaverit lœdet animam suam (vm. 36). Le pécheur insulte son
âme, il la maltraite, il en est le tyran, il l'enlève à la sagesse, à
elle-même et à Dieu; il la livre au démon et à l'enfer. Il devient
son propre bourreau, se dépouille de la paix, de la grâce, de la
gloire et de tout bien , se couvre de l'infamie du vice et s'assure le
remords, la colère de Dieu, les flammes de l'enfer, et tous les maux
pour l'éternité
L'erreur et les ténèbres sont créées pour les pécheurs, dit la sainte
Ecriture : Error et tenebrœ peceatoribus concreuta sunt (Eccli. n. 1C).
La voie des pécheurs parait unie et bien pavée; mais à l'extrémité
se trouvent l'enfer, les ténèbres et les châtiments : Via peccantium
complanata lapidibus; et in fine illorum inferi, et tenebrœ , et pœnœ
(ïbid. xxi. 41). Le chemin de la concupiscence, dans lequel sont
engagés les pécheurs, parait d'abord facile, doux, agréable, délicieux*
comme une voie garnie de larges dalles; mais bientôt il deyient
inégal, escarpé, épineux, triste; il fatigue et il aboutit à L'enfer
éternel. Le chemin de la vertu est tout différent
Celui qui parle à un pécheur endurci est comme celui qui parle
à un homme plongé dans un profond sommeil. Il ressemble , dit la
sainte Ecriture , à l'homme qui explique à un insensé les règles de la
sagesse, et qui, à la lin de son discours, dit : Quel est celui-ci?
Pleurez sur le mort, parce qu'il a perdu la lumière; pleurez sur
l'insensé, parce qu'il a perdu la raison. Le deuil du mort dure
quelques jours; mais il faut gémir sur l'insensé et sur le pécheur
tous les jours de leur vie (Eccli. xxn. 8-13). C'est avec raison que
le Saint-Esprit compare le pécheur à l'homme qui dort. Car,
l°l'un est livré au sommeil ordinaire, l'autre au sommeil du crime.
2° Comme l'intelligence est empêchée par le sommeil , ainsi la raison
et la prudence du pécheur sont enchaînées par la concupiscence.
3* Celui qui dort \itde la vie animale et non de c< Ile de la rai-
son; il en est de même du pécheur. 4* Celu» qui dort est le jouet
des songes ej des fantômes; le pccheur .-.-- Ve jouet des va
PÉCHEUR. 74Î:
apparences que lui offrent les créatures, les biens de la terre et les
passions. Platon lui-même dit : Que sont tous les attraits de cette vie?
que sont tous les biens et toutes les espérances des mortels, sinon des
songes que l'on l'ait éveillé? Quid sunt omnes hujus vitœ illecebrœ ?
quicl sunt omnes res et spes mortalium , nisi somnia vigilantium ?
(Dialog. 5.)
Après avoir comparé le pécheur à l'homme qui dort, la sainte
Ecriture le compare à celui qui est mort
Malheureux pécheur, dit Dieu par la bouche de Jérémie , com-
prends donc et vois combien il est funeste et amer d'avoir aban-
donné le Seigneur ton Dieu, et de n'avoir plus ma crainte près de
toi : Scito, et vide, quia malum et arnarum est reliquisse te Dominum
Deum tuum, et non esse timorem mei apud te (il. 49).
Pécheurs, disent les Proverbes, ne donnez pas votre honneur a
des étrangers, et vos années à un maître cruel : Ne des alienis hono-
rem tuum, et annos tuos crudeli (v. 9). Tout homme qui commet un
péché mortel abandonne son honneur, la grâce, le titre d'enfant
et d'héritier de Dieu, à des étrangers, c'est-à-dire aux démons; et
les années de sa vie à un maître cruel, c'est-à-dire à Satan.
Qui sont ceux qui sont étrangers pour nous, dit saint Grégoire,
sinon les esprits de malice, qui sont à jamais éloignés de la patrie
céleste? Et quel est le cruel, sinon l'Apostat, qui par son orgueil
s'est frappé de mort éternelle, et qui, perdu, met tout en œuvre
pour faire partager son triste sort au genre humain? Le pécheur,
qui a été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, abandonne
donc son honneur à des étrangers ; il consacre sa vie à faire les
volontés d'esprits méchants et cruels (In hœc verba Prov.).
Le péché et le démon sont les ennemis implacables du pécheur,
ses tyrans et ses bourreaux; ils le mettent à mort.
Voici, dit le Psalmiste, voici que le méchant a engendré le mal;
il a conçu la douleur, et ii a enfanté l'iniquité : Ecce parturiit inju-
stitiam, concepit dolorem, et peperit iniquitatem (vu. 15).
Le pécheur, dit saint Chrysostome, conçoit la douleur du péché,
et s'il ne se repent pas , il enfante la mort. Avant que l'enfant soit
hors du sein de sa mère, il lui cause de vives douleurs; mais
quand il en est sorti, il fait sa joie. Au contraire, le péché conçu est
un serpent dans les entrailles de l'homme, il lui donne la mort, à,
moins que le pécheur ne s'en délivre par le repentir et la pénitence.
La conception du péché est la naissance du serpent dans le cœur;
lorsque le péché est çpiW-vnMté, ce serpent répand son venin, et U
746 PÉCHEUR.
^.oJuit une maladie mortelle. Celui qui enfante le péché tombe
sous le coup du jugement et de la condamnation ; et s'il persévère,
il sera éternellement réprouvé. La mère allaite volontiers son enfant,
mais le péché donne la mort à celui qui l'a commis : le péché est
pire que le démon (Ilomil. ad pop. ).
Le même saint appelle le péché une bête féroce. Seul, le péché
blesse l'homme, dit-il : lorsqu'il est détruit, tout est facile et tran-
quille; tant qu'il demeure , tout est souffrance, agitation, perte. Le
péché est un démon puissant : Magnus dœmon peccatum est (tloniil.
ad pop.).
bâtiments du A ux fils de la contention qui n'acquiescent point à la -vérité, mais
pec eur. ^ aCqUiescent à l'iniquité, la colère et l'indignation, dit le grand
Apôtre. Trouble et angoisse dans l'âme de tout l'homme oui fait le
mal; gloire, honneur et paix à quiconque fait le bien (I).
Le Seigneur, dit le Psalmiste, a en horreur l'impie et celui qui
chérit l'iniquité. Il fera pleuvoir sur eux des embûches : le foi
soufre, et le vent des tempêtes sont ce qu'il leur prépare : Pluet
super peccatores laqueos ; ignis et sulphur, et spiritus procellarum pars
calicis eorum (x. 6. 7). Le pécheur est destiné à recevoir toutes les
flagellations : Multa flagella peccatoris (Psal. xxxi. 10). Ne soyez
point désireux de la prospérité des méchants, et ne portez pas envie
à ceux qui commettent l'iniquité : ils sécheront aussi promptement
que l'herbe coupée; ils tomberont comme la fleur des champs : Noîi
œmulari in malignantibus , negue zelaueris facientes iaiquitatem : quo-
niam tanquam fenum velociter arescent , et quemadmodum olera hcrba-
rum cito décident (Psal. xxxvi. 1. 2). Les pécheurs périront : Pecca-
tores peribunt (Psal. xxxvi. 20). Les ennemis de Dieu déparai'
ils s'évanouiront comme la fumée : Inimici Domini deficienlt^ qnan-
admudum fumus déficient (Psal. xxxvi. 20). Votre indignation .
gueur, n'a rien laissé de sain dans mon corps, et mes ftéchéS mit
porté le trouble jusque dans mes os. Mes iniquités se sont él
par-dessus ma ti ont devenues un poidl qui m'accable. La
pourriture et la corruption se sont formées dans mes plains, H
de mes égarement. Mi-érable et courbé vers la terre j je marche
dans la douleur durant tout le jour. Mon cœur est ivi C à l'agitation.
(î) IR qui tant et contentione, c fl'il non acquiesçant veritati, cré nnfeiuiu.-
quitnti, ira L't iinlitfiiatin. iïilnilalio Bl a.uust.a in oiihkiii tthln ;mi hominis o[ici
uialutii. Gloria autem et houor , et pas oiuui operanli boutun ( ,.
pécttettb.. 747
\na force m'a abandonné , !a lumière de mes yeux s'est éteinte; elle
tfest plus en moi (Psal. xxxtii. 6. 10).
Le salut est loin des pécheurs : Longe a peccatoribus salus (Psal.
£vm. 15i).
Dans la main du Seigneur est une coupe pleine d'un vin trouble;
Jl l'épanché çà et là, mais la lie qui s'y trouve ne s'épuise pas; tous
les pécheurs de la terre y boiront : Calix in manu Domini toini meri
plenus misto : et inclinavit ex hoc in hoc ; verumtamen fœx ejus non
est exinanita; Wbent omnes peccatores terrœ (Psal. lxxiv. 9 ).
Si tu fais le bien , di* le Seigneur à Caïn , n'en recevras-tu pas la
récompense ? Si tu fais le mal , ton péché ne paraitra-t-il pas sou-
dain sur le seuil de ta porte : Nonne si bene egeris , recipies? Si autem
maie , statim in forïbus peccatum aderit ? ( Gen. iv. 7. )
Se tenant à la porte du pécheur comme un dragon vigilant ou
comme un dogue intraitable , le péché, ou plutôt la peine du péché
l'assaille et en tire vengeance : aussitôt le péché commis, elle se
précipite sur lui, le déchire, le met en pièces. Ce dragon, ce dogue,
est le remords de la conscience , le trouble de l'esprit , la révolte
de la raison; c'est la colère de Dieu suspendue sur la tète du
pécheur ; c'est l'angoisse et toutes les calamités présentes et futures
par lesquelles l'éternelle justice lé châtie.
La peine marche sur les traces de tout criminel , dit le poëte :
Aura caput sequitur.
La peine, dit Horace, a rarement abandonné le coupable , qu'elle
suit d'un pied boiteux, et dont le sort est de porter nuit et jour
au dedans de lui-même un témoin invisible , et de subir les coups
de verge que imi applique la conscience, infatigable bourreau :
Raro antecedentem scelestum
Deseruitpede pœna claudo.
Nocte dieque suuru gestare il pectore testem ,
Occultum quatiente animo tortore flagellum,
La r r; ^ience est à la fois le vengeur de la divinité , le juge et le
bourreau du coupable.
Il n'y a pas de tortures plus redoutables que celles qu'inflige la
conscience d'avoir fait le mal , dit saint Augustin : le pécheur,
n'ayant plus Dieu au dedans de lui, n'y trouve plus aucune conso-
lation : Nnllœ pœnœ gravures sunt quam mala, coascientiœ, in uua cun*
nw haùetkr Deus, consolatio non invenitur (Lib. Confess. )
7-48 PÉCHEUR.
Le pécheur est en quelque ?orte frappé des dix plaies de l'Egypte ;
i éprouve le sort des soldats de Pharaon, ensevelis dans les flots delà
mer Rouge.
Remarquez : !° que les Égyptiens furent châtiés par l'entremise
de presque toutes les créatures : par la terre, l'eau, l'air et le feu;
par les nuées, la grêle et la foudre ; par les animaux, grenouilles,
mouches et sauterelles ; par le soleil et les astres; par les hommes,
Moïse et Aaron ; par les anges et par Dieu lui-même
2° Ils furent frappés dans toutes leurs richesses : dans les fruits
quïls retiraient de la terre et dans leurs bestiaux , dans leur or et leur
argent; dans leur corps, par des ulcères; dans leur famille, par la
mort de leurs premiers-nés
3° Ils furent aussi frappés dans tous leurs sens : dans la vue , par
les ténèbres et les spectres; dans l'ouïe , par le bruit des tonnerres ;
dans le goût, par une soif dévorante à laquelle ils n'avaient à don-
ner que du sang; dans l'odorat, par la putréfaction d'insectes
privés de vie , et par l'infection qui s'en répandait au loin; dans le
toucher, par la douleur que leur causèrent les ulcères et la piqûre
des mouches; enfin, dans l'intelligence et dans l'imagination, par
de continuelles afflictions et des terreurs de toute espèce. Voilà la
sort des pécheurs , et une imparfaite image de l'enfer.....
Gomme tout tourne au bien des saints , de même tout tourne au
détriment des impies et des pécheurs, dit l'Ecclésiastique : Omnia
sanctis in bona; sic et impiis et pfccatnrihf* in mala convertuntur
(xxxix. 32 ).
Malheur, s'écrie Isaïe , malheur à la nation coupable , au po'
chargé de crimes, à la race perverse, aux fils sacrilèges! Yœ (je., aï
peccafrici , populo gravi iniquitate, semini nequam , filiis sccleratis!
( i. 4.) Les rebelles et les pécheurs seront brisé? ensemble ; ceux qui
ont abandonné le Seigneur seront consumés : Conteret scelerato* et
peccalores simul ; et qui dcrcliqventnt Dominum consumentur ( Id. i. 28);
Pécheur , tous les fléaux \ iendront au-devant de toi : la dévastation.
la ruine, la faim et le ui est-ce qui te consolera? Occurre-
runt tibi vastitas, et contrit iu, et famés, et gladius ; guis eamolahitut
'.e?(Id. li. 10.)
0 mon peuple , dit le Seigneur par la bouche de Jérémie , je t'avais
planté comme une vigne choisie dans les ceps les plus purs :
comment es- tu devenu pour moi une •\i;-rne étrangère (jiii porte
des fruits amers? Ego plantavi te oineam electam, omne semen
verum; qunmodo errj() conversa es viihi Ml pravum, vinea aliéna?
pécheur. 74£
(n. 21.) Je ferai de Jérusalem un amas de sable et un repaire de
dragons; je livrerai les villes de Juda à la désolation, et personne n'y
habitera : Et dabo Jérusalem in acervos arenœ , et cnbilia draconum; et
civitates Juda dabo in desolalionem, eo quod non sit kabitator (Id. LS.il).
Pourquoi votre terre a-t-elle péri et est-elle devenue aride comme
le désert, et n'y passe-t-OD plus? Quare periit terra, et exusta sit quasi
dcsertum, eo quod non sit qui pertranseat? (Jerem. rx. 12.) Et le Sei-
gneur a dit : Parce qu'ils ont abandonné la loi que je leur avais donnée,
qu'ils n'ont point écouté ma voix, et qu'ils n'ont point marché selon ,
mes commandements; parce qu'ils ont suivi et la perversité de leuï
cœur, et Baal. C'est pourquoi, voici ce que dit le Seigneur des armées,
le Dieu d'Israël : Je nourrirai ce peuple d'absinthe et je l'abreuverai
de fiel. J'enverrai après eux le glaive jusqu'à ce qu'ils soient dévorés
La mort montera par vos fenêtres, elle entrera dans vos mai-
sons, elle exterminera vos enfants et vos jeunes gens (Jerem. ix.
13-1 G. 21 ). J'amènerai sur eux des maux dont ils ne pourront sortir,
dit le Seigneur. Prophète, ne prie pas pour ce peuple : Ecce ego indu-
cam super eos mala, de quibus exire non poterunt. Tu, noli orare pro
populo hoc ( Id. Xï. J 1 . 1 4 ).
Que le pécheur, que l'orgueilleux , le voleur , l'ivrogne , l'impu-
dique, sachent qu'en péchant ils ne font autre chose que de se pré-
parer des verges, soit pour cette vie, soit surtout pour l'autre. Par
leur orgueil et ieur désobéissance , Adam et Eve ne préparèrent-ils
pas, à eux et à tous leurs descendants, des verges avec lesquelles la
race humaine a été frappée, et le sera jusqu'à la fin du monde?
Les pécheurs sèmeront le vent, et ils moissonneront la tempête, dit
Osée : Ventum seminabunt , et turbinent metent ( vin. 7). Vous avez
cultivé l'impiété, vous avez moissonné le crime, vous avez mangé
le fruit du mensonge, dit ailleurs le même prophète : Arastis impie-
tatem, iniquitatem messuistis, comedistis frugem mendacii (Osée. X. 1 3).
Celui qui sème l'iniquité moissonnera les maux, disent les Pro-
verbes; et la verge qui le brisera est prête : Qui seminat iniquitatem,
metet mala, et virgairœ suœ consummabitur (xxii. 8).
Ne vous y trompez pas, dit le grand Apôtre, on ne se rit point de
Dieu. Ce que l'homme sème, il le recueillera. Celui qui sème dans
la chair, de la chair recueillera la corruption : Nolite errare , Deus
non irridetur. Quœ seminaverit homo , hœc et metet. Qui seminat in
carne sua, de carne et metet corruptionem ( Gai. vi. 7. 8 ).
Les péchés peuvent être appelés le bois qui entretient le feu de
l'enfer
750 FÉCHFJR.
J'ai vu, dit Job, j'ai vu le souffle de Dieu faire périr les artisans de
l'iniquité , ceux qui sèment les douleurs et qui les recueilleront ; le
vent brûlant de sa colère les a consumés : Vidi eos, qui operwtw iai-
quitatem, et seminant chlores, et metunt eos, fiante Deo per tisse, et
spiritu irœ ejus esse consumptos ( iv. 8. 9 ).
J'ai vu , dit le Psalmiste, j'ai vu l'impie exalté dans son orgueil et
élevé comme le cèdre du Liban; j'ai passé, et il n'était plus; je l'ai
cherché , et je n'ai pas trouvé sa place : Vidi impium supcrccalttitinn,
et elevatum sicut cedros Libani. Et transivi, et ecce non erat : et quœsivi
eum, et non est inventus locus ejus ( xxxvi. 35. 36).
Le pécheur Parlant de Judas, saint Pierre dit que ce traître a quitté I 'a posti ' :
que pour aller à sa place : Ut abiret in locum suum ( Act. i. 25 ). Il alla à la
dans i'enfer. cor(je? et de là dans l'enfer : voilà sa place. A cause de ses vices, il
n'était pas à sa place lorsqu'il était apôtre. Il n'était pas à sa place
sur la terre, il la quitta ; ni dans l'air, l'air lui manqua ; encore moins
y eùt-il été dans le ciel. A l'homme digne de l'enfer, il faut l'enfer
Quant aux timides, dit le Seigneur dans l'Apocalypse, aux incré-
dules, aux exécrables, aux homicides, aux fornicateurs, aux empoi-
sonneurs, aux idolâtres et à tous les menteurs, leur partage sera
dans l'étang de feu ardent et de soufre , qui est la seconde mort (1).
Les nations criminelles, dit lePsalmiste, ont été ensevelies dans
la mort qu'elles se sont préparée : Infixœ sunt gentes in intcritu quem
fecerunt (ix. 46).
Que les pécheurs, dit le même prophète, retournent dans l'enter:
Convertantur peccatores in infernum (ix. 48). L'onfer les vomit, que
l'enfer les reprenne L'écrivain sacré dit que les pécheurs doivent
retourner dans l'enfer, parce que, comme pécheurs, ils sont venus
de là. Dieu a fait l'bomme droit et innocent; c'est l'enfer, ou Satan ,
qui l'a fait pécheur
La flamme des passions et du péché a d'abord brûlé les pécheurs,
puis la flamme de l'enfer les dévore : Flamma combattit peccuton»
(Psal. cv. 48).
Vous, ô mon Dieu, dit le Prophète royal, vous ferez descendre
dans l'abime les impies : Tu vero, Deus, deduces eos mputeum interitvs
(uv. 24).
1) Timidis, et incredutis, et eTecratte, et homicidis, et fornicatnribi», et veneficis,
et idololatris, et omnibus memlacibu», p»M illûrum erit in slagn» ardentiigue et sulr
phure : quod est mors secunda ( xxi. 8 ).
PÉCHEUR. 751
Quoique ayant péché dans .e temps, le pécheur, dit samt Ber-
nard, est puni par un enfer éternel, à cause de son inflexible volonté
et obstination dans le mal. En effet, il est certain que ce qui a été
court selon le temps et selon l'œuvre , est long dans la volonté opi-
niâtre , tellement que si le pécheur ne mourait pas , il ne voudrait
jamais cesser de pécher, ou plutôt qu'il voudrait vivre toujours, afin
de pouvoir toujours pécher. On peut lui appliquer, dans un sens
tout différent de celui où elles ont été dites, ces paroles de l'Écriture :
Consommé en peu de temps , il a rempli une longue carrière. Pour
n'avoir pas voulu changer d'intention, le pécheur voit très-juste-
ment mis à sa charge le cours de beaucoup d'années et même l'éter-
nité (1).
(1) Ab hoc , procul clubio , inflexibilis et obstinatœ mentis punitur œtemalifer
s «aluni, licet temjioralilor perpetratur ; quia, quod brève fuit tempore, vel opère,
longum esse constat in pertinaci voluntate ; ita ut, si nunquam moreretur, nunquam
velle peccare desineret; imo, semper vivere vellet, ut semper peccare posset. Promda
potest et de isto per contrarium dici : consuramatus in brevi , explevit tempora
multa. Quod morito multoruin. imo, omnium temporum receperit vicem, qui nullo
•empore voluerit mutare intentionem (Serm. inPsal.).
PENITENCE.
m est-ce que TTV £ntte\ce dérive des mots peine et tenir; c est, a proprement
.'.a pénitence? ■ .,.-,,.,•
■-^parler, l'action de tenir la peine, de se rappliquer, pamœ
JL tenentia En elle-même, la pénitence, dit saint Ambroise,
est la douleur du cœur, et l'amertume de l'âme pour les péchés
que l'on a commis : Pœnùentia est dolor cordis , et amaritudo animes
pro médis quœ quisque admisit (De Pœnit.).
La pénitence est la réforme d'une vie désordonnée, l'entier chan-
gement de mœurs dissolue?
La pénitence est une mort qui ne prive pas de la vie; elle tue
l'homme de péché , elle immole les convoitises de la chair; elle les
sacrifie à Dieu
Nécessité JTN ces jours-là, dit l'Evangile, vint Jean -Baptiste, prêchant dans
pénitence, le désert de Judée, et disant : Faites pénitence : Venit Joannes prœ-
dicans et dicens : Pœnitentiam agite (Matth. m. 1.2). Faites de
dignes fruits de pénitence : Facile fructum dignum pœnitentiee (M.
m. 8). 11 disait encore : Déjà la cognée est à la racine des arbres.
Tout arbre donc qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jelé
au feu : Jam securis ad radicem arborum posita est. Omnis ergo arbor
quœ non facit fructum bonum, excidetur, et in ignem mittetur (M.
m. 10).
Si vous ne faites pénitence, vous périrez tous également, dit
J. C. : Nisi pœnitentienn kabueritis, omnes simili ter peribitis (Luc.
xin. 3). Et pour mieux inculquer la nécessité de la pénitence, il
répète : Je vous le dis : Si vous ne faites pénitence, vous périrez
tous également : Dico vobis : Si pœnitentiam non egcriti*, omnes
liter peribitis (Luc. xur. 5). Je suis venu a;* heurs à la
pénitence, dit-il encore : Veni vocare peccatores ad pœnitpntiar*
(Luc. v. 3-2).
Si la grâce est attachée à la pénitence, dit saint Ambroise, celui
dédaigne de. faire pénitence renonce à la grâce : Si gratta est ex
vcrnitentia, qui faslidit pœnitentiam, abdicat grati m | De Pœnit.).
nt Pierre ayant reproché aux Juifs d'avoir crucifié J. C. le File
de Dieu, le \ : -',<■, un grand nombre d'entreeux furent tou-
cùés de repentir, et ils dirent à Pierre ecauxuuucs apôtres : U>1P
PÉNITENCE. 753
ferons-nous, frères? Saint Pierre leur dit : Faites pénitent : Pceni*
tentiam agite (Act. il. 38. 39).
Je châtie mon corps, dit le grand Ap,..re, et je le réduis en ser*
vitude, de peur que peut-être, après avoir prêché les antres, je ne
sois moi-même réprouvé : Castigo corpus meum , et in servitutem
redigo, ne forte postquam aliis prœdicaverim, ipse reprobus efficiar
C Cor. tx. 27).
D'après vos ordres , Seigneur, dit le Psalmiste, j'ai marché dans
la rude voie de la pénitence : Propter verba labiorum tuorum, ego
custodivi vias duras (xvi. 5).
La viande qui n'est pas salée se gâte; sans le sel de la pénitence,
les mœurs se corrompent et le corps se laisse aller au désordre ? ou
du moins au relâchement.
Vous êtes déchu de votre charité première, dit le Seigneur dans
l'Apocalypse à l'ange d'Ephèse. Souvenez-vous donc d'où vous êtes
tombé, et faites pénitence, sinon bientôt je viendrai à vous, et
j'ôterai votre chandelier de sa place, à moins que vous ne fassiez
pénitence : Caritatem tuam primant reliquisti. Memor esto itaqueunde
excideris ; et âge pœnitentiam : sin autem , venio tibi, et movebo cande~
labrum tuum de loco suo , nisi pœnitentiam egeris (iï. A. 5).
.Jamais, dit saint Grégoire, jamais Dieu n'épargnera celui qui
pèche , parce qu'il ne laisse pas le délit sans en tirer vengeance. Ou
le pécheur se punit iui-mème, ou Dieu, entrant en jugement avec
lui, le frappe (1).
L'empereur Théodose, ayant voulu s'excuser d'avoir fait massa-
crer plusieurs habitants de Thessalonique , en apportant l'exemple
de David qui avait fait périr Urie, saint Ambroise lui répondit:
Puisque vous avez imité David dans son égarement, imitez-le dans
sa pénitence : Quem secutus es errantem, sequere pomitentem (Pauli
diac. Vit. imp. Theod. )
Si nous ne faisons pénitence , dit l'Ecclésiastique, nous tomberons
dans les mains du Seigneur, et non dans les mains des hommes : Si
pœnitentiam non egerimus , incidemus in manus Domini, et non in
manus hominum (h. 28).
Mortifiez vos membres, dit saint Paul aux Colo^icas : Mortificate
membra vestra (m. 5).
(1) Delinquenti Dominus nequaquam parcet , quia delictum sine ultione non
deserit. Aut euim ipse in hoc se pœniteus punit , aut hoc Deus cuin homme
vindicans peicutit (Lib. IX Moral., c. xxvn i.
111. "
?ÉNÎTF.NCE.
Exemples de Jésus-Christ ne se borne pas à recommander de faire pénitence;
depuis son incarnation et sa naissance dans une étable, jusqu'à sa
mort sur la croix, il souffre pour expier les péchés du monde
Saint Jean- Baptiste prêche la pénitence; et Ju;-môme, depuis
l'âge de deux ans jusqu'à son martyre, il ne cesse de la pratiquer
Les apôtres prêchent la pénitence ; et ils ne cessent de châtier leur
corps et d'implorer le pardon de l'univers plongé dans tous les
\ ires.
Voyez sainte Marie-Madeleine, sainte Marie EgypjLienne . sainte
Thaïs , les martyrs , les confesseurs , les \iergj ichorète-
ordres religieux, et surtout les ordres de pénitents, , etc ':
le? saints de tous les siècles, même ceux qui ont mené une vie pure,
ont fait pénitence.
Prenez exemple sur les Nimvites.
Jonas , par ordre du Seigneur, va dans la grande vjllj ve;
il y pénètre, et, après un jour de marche, il crie et dit : Encore qua-
rante jours, et Ninive sera détruite. LesNinivites crurent au'
ils publièrent un jeûne et se couvrirent de cilices, depuis le plus
grand jusqu'au plus petit. La parole de Jonas parvint jusqu'au roi ;
et il se leva de son trône, quitta ses vêtements . se revêtit d'un -
s'assit sur la cendre. Puis on cria et l'on publia partout, par
du roi et des grands : Que les hommes, les cheva.v , les bœufs et
jes brebis ne prennent aucune nourriture, n'entrent pas dans les
pâturages et ne boivent point d'eau ; que les hom : i t couverts
de cendre ainsi que les animaux; que leurs prières s'élèvent vers le
Seigneur; que chaque habitant se convertisse et fuie l'iniquité
qui le souille ( Jon. ni).
pavid et l'empereur Théodose lurent'1 es modèles de pénitence,
etc
Eicelteifte de (Les larmes des pénitents sont le vi t saint Bernard :
U pemlcnce.
Lacrymœ prrnttentium vinum vmf mujclorum (Sorm. m inCant. )
larme de Dénitence , dijt çai une, brûle plus les démons nue
tous les feux de Tenter ( Monolog. ).
Pierre renie son maître; il en a un si profond regret, qu'il verse
des larmes amères et abondantes : Flevit <miare. Les larmes de la
pénitence, dit saint Ambroise, lavent les péchés. Les firmes n'im
plurent point le pardon, elles le méritent. 0 vous qui êtes tombd
avant de pleurer, Pierre, vous avez ù peine versé des larmesqua
"'ous voilà debout : Lacrymœ lavant delictum : lacrymœ vcnUim nm
rKMTEXCÉ. 735
QOStulanL sed qnerentyr. Kam, (juiin^us es (le:.:), inicqiuim flore*,
postquam fleyisti, erectw çs (In Lvang. ).
La pénitence est un sacrifice pour le péché; pn y offre à Dieu la
mari-ration de la chair en exp'; '.'. . des fautes commises
Parlant du roi Josias, l'Ecclésiastique dit : La mémoire de Josias
est comme un suave parfum préparé par une main halii'.". S i .■ s u-
venir sera doux à tous les hommes , comme le ruol re.-L ho,.
'd comme les chants le sont au milieu d'un festin. Po::;
a été dirij ' d'< n haut pour faire; entrer le peuple dans
de la pénitence, et qu'il a fait disparaître les abp,]
piété : Ipse est directus divinitus in pœnucntiam ger^s, et tulit abomi-
nationes impietatis (xlïx. 1-3).
Qu'y a-t-il, dit saint Bernard , qu'y a-t-il de plus admirable, ou
quel martyre est plus : . que celui qui résulte, de la volonté
d'endurer la faim au milieu des festins, de souffrir du froid lorsqu'on
possède un grand nombre de vêtements précieux, de çlemeurer pau-
vre au sein des richesses qu'offre le monde, richesses que Satan
fait briller à nos yeux et que notre propre appétit désire? Celui-là
ne sera-t-il pas couronné justement qui aura combattu de la soKe,
fermant l'oreille aux promises du monde, se riant des tentations
de l'ennemi des hommes et, ce qui est plus glorieux encore, triom-
phant de ses penchants et crucifiant la concupiscence qui le solli-
cite? (1)
Marie -Ma TiELKiKK, de laquelle étaient sortis sept démons, fut la Avants- rie
première qui eut le bonheur de voir J. C. ressuscité , parce qu'elle
avait l'ait pénitence
L'homme , dit saint Augustin, fut victorieux sur un fumier (2),
et il fut vaincu dans le paradis (3) : Homo vicit in stercore; vicius est
in paradiso ( lîomil. ).
Celui qui trouve sa nourriture dans le jeune, son repos dans
l'oraison, son pain dans la parole de Dieu, son vêtement dans des
(1) Q'nii admirabilins , aut quod msrtvrium gravhis , quam inter epulas esnrire ,
inter vestes limitas et preliosas algere ; paupertate prend mter divifias quas offert
mundus , quas osteulat malignus, quas desiderat noster ipse appetitus ? An non
merilo coronabitur qui sic certaverit , mundum abjiciens promiltentem, irridens
inimicum tentantem, et quod gloriosius est, de semetipso triumphans, et cruciligens
coricùpiscehtiam prurientem? (Serm. i in Fest. omn. sanct.)
(-2 Dans la personne de .lob.
(3) Dans la personne d'Adam.
756 PÉNITENCE.
haillons, son lit dans un simple manteau, sa couche sur îa te re ,
et dont l'âme s'entretient avec le Seigneur dans de saintes vei! les,
celui-là, dit saint Paulin , a trouvé le vrai repos (i).
Il y a deux choses qui sont un excellent préservatif du péché : la
fréquente confession et la pénitence
La pénitence, dit saint Chrysostome, est le remède le plus effi
cace dont nous puissions nous servir pour nos blessures ; elle guérK
et fait si bien disparaître les ulcères des âmes, qu'elle ne laisse ni
cicatrice, ni traces d'aucune sorte, ce qui est impossible dans les
blessures du corps (2).
Seigneur, dit la Sagesse, vous avez pitié de tous les hommes, parce
que vous pouvez tout, et vous ne recherchez point leurs péchés lors-
qu'ils font pénitence : Misereris omnium , quia omnia potes , et dissi-
mulas peccata hominum propter pœnitentium (xi. 24. )
La pénitence , dit saint Isidore, est un baume pour les blessures,
l'espérance du salut; par elle on provoque la miséricorde de Dieu;
par elle on châtie et on réprime la chair corrompue : Pœnitentia
est medicamentum vrdneris, spes salutis ; per quam ad miser icordiam
provocatur; qua omnis cruciatur et rnortificatur caro (Lib. III de Summo
bono ).
Pécheur, dit Tertullien , saisissez la pénitence et embrassez-la,
comme le naufragé saisit une planche de salut; elle vous sortira des
flots dangereux des péchés et vous amènera au port de la divine clé-
mence (3).
0 pénitence, s'écrie saint Chrysostome, A pénitence qui, par la
miséricorde de Dieu , remets les péchés et ouvres le paradis , qui
redonnes des forces à celui qui était accablé , qui réjouis le cœur
attristé, qui rappelles les morts à la vie, qui rétablis le pécheur dans
l'état de la grâce, qui lui rends sa dignité première, lui inspires la
confiance, répares ses forces et fais descendre dans son âme une
grâce plus abondante! ô pénitence, comment raconterai -je tes
merveilles? Tu brises toutes les chaînes, tu réprimes tout relàche-
(1) Cui refectio in jejunio, requies in oratione, et panto in verbo, halitusin panno,
IpcIus in sagulo, dcirus in terra, et sanctee anime in Domino vigilare, reqniescere est
' Epi st. ).
(2) Pœnitentia» pharmacum maximum est nostrorum \ulncrum remeciium , sic
animarem ulcéra curans et abolens, ut nequc cicatrix, neque vcrruca apparitura sit,
quod in corporis vulneribus non est possibile ( Serm. de Pœuit. ).
(3) Pœuitentiam , tu peccator, ilainvade, ita amplexare , ut naufragus alicojua
tabulas Gdem; hœc te peccatorum flnetibus mersum prolevabit, et in portum divinae
rlementiac prolevabit (Lib. I de Pœnit.).
PÉWTENCE. 757
ment, tu adoucis toute adversité, tu guéris toute plaie, tu dissipes
toutes ténèbres , tu répares tout ce qui était désespéré ! 0 pénitence,
plus brillante que l'or, plus radieuse que le soleil, toi que le péché
ne vainc pas, que la défection n'abat pas, que le désespoir ne met
point en fuite! 0 pénitence, mère de la miséricorde et maîtresse des
vertus ! tes œuvres sont grandes, ces œuvres par lesquelles tu justi-
fies les coupables, tu guéris les pécheurs, tu relèves ceux qui sont
tombés , tu rends l'espoir aux désespérés ! Par toi le Christ en un
instant s'est emparé du bon larron pour le placer dans son royaume;
par toi David , rendu au bonheur après son crime, a reçu de nou-
veau l'Esprit-Saint (1).
Apprenez combien la pénitence est avantageuse, puisqu'elle efface
tous les crimes , qu'elle obtient miséricorde , qu'elle triomphe de
Dieu et de la vengeance du souverain Juge , liant le Tout-Puissant
lui-même
Faites pénitence, ô mes fils, dit le Seigneur par la bouche de
Jérémie; revenez à moi, et je guérirai vos iniquités : Convertimini ,
filii, revertentes , et sanabo aversiones vestras ( ni. 22).
Comprenez ce que c'est que la pénitence, et comment des pécheurs
elle fait d'autres hommes. La pénitence répare toutes les erreurs,
toutes les fautes de la vie : elle adoucit Dieu et nous le rend propice ;
elle fait disparaître les scandales, change l'esprit et le cœur et renou-
velle tout
La pénitence, dit saint Augustin, guérit les langueurs; elle rend
la santé aux lépreux, elle ressuscite les morts, elle augmente la
santé , conserve la grâce , redresse les boiteux, rend la vue aux aveu-
gles, met en fuite les vices, embellit les vertus , protège et fortifie
l'âme (2).
Qui . dans le monde , a péché plus grièvement que Paul? dit saint
(1) O pœnitentia, quœ peccatum, miserante Dco, remittis , et paradisum reseras,
quœ contritum sanas Dominera, et tristem exhilaras, vitam de interitu revocas, sia-
tuui restauras, honorera rénovas, fiduciam das, reformas vires, gratiamnie abun-
dantiorem refondis! O pœnitentia, quid de te referam ? Omnia ligata tu solvis, omnia
solnta tu reseras, omnia adversa tu mitigas, omnia contrita tu sanas, omnia coniusa
tulucidas, omnia desperata tu animas. O pœnitentia rutilantior auro, splendidior
sole, quam non vincit peccatum, nec defectio superat, nec desperatio delet ! O pœni-
tentia misericordiœ mater, et magistra virtulum ! Magna opéra tua , quibus reos
resolvis , ac rcficis delinquentes , lapsos relevas , recréas desperatos. Per te subito
rapuit lalronem Christus ad regnum; perte David post flagitium , felix iterum ,
recipit Spiritum Sanctum [Serm. de Partit.).
(2) Pœnilentia languores sanat , leprcsos curât, et mortuos suscitât ; sanifatcm
auget, gratiain conservât, claudis gressum, cœcis restituit visum, vilia fugat, virtvilc-
exoinat, mentem munit et roborat j Ub, de Pœnit, ).
758 PÉNITENCE.
Pierre Chrysologue. Qui , dans la religion, a commis une faute plus
énorme que Pierre ? Cependant , par leur pénitence , l'un et l'autre
nnt mérité, non- seulement de devenir des saints, mais des maîtres
en sainteté (I).
Si , dit le Seigneur par la bouche de Jérémie , si cette nation se
repent d'avoir commis le mal qui a provoqué mes menaces; rnoi
aussi, je me repentirai du mal que j'avais résolu de lui l'aire : -Si
pocnitenliain egerlt gens Ma amalo sno, quod locutussum cul versus eam :
agam et ego jjœnitentiam super rnalo, quod cogitavi ut facerem ei
i xvm. 8).
La pénitence est une vertu si puissante qu'elle oblige Dieu non-
seulement à se montrer miserions ieux envers le pécheur converti
et à l'aimer, mais encore à lui obéir, à veiller sur lui , à le protéger
et à combattre en sa faveur. Aussi Hugues de Saint-Victor s'écrie
avec raison : 0 pénitence pleine de fruit et de force! ô vertu puis-
sante qu'on ne saurait assez chérir, médiatrice très-fidèle entre Dieu
<2t le pécheur ! ô seconde planche après le naufrage ! ô refuge des indi-
gnes, secours des misérables, espoir des exilés, soutien des faibles,
lumière des aveugles , verge qui réprime le penchant à la volupté ,
sevrure qui clôt la porte de la prison des vices, pépinière ' s vertus!
ô pénitence, seule tu fléchis le souverain Juge, tu justifies l'homme
auprès du Créateur, tu triomphes du Tout-Puissant ! Lorsque tu
parais vaincue, tu remportes la victoire; lorsque tu subis les saintes
rigueurs de l'expiation, tu immoles les vices; on blessant tu guéris.
et au moment même où la mort vient mettre fin à ton œuvre salu-
taire, tu commences un règne glorieux. Devant toi, toutes les au
vertus se taisent; seule, tu montes avec hardiesse jusqu'au iiônede
Dieu. Tu conduis par la main David à la réconciliation , tu re. ves
Pierre, tu éclaires Paul, tu fais entrer le publicain dans l'a
des apôtiv s; de la prostitn'ion, tu élèves Marie-Ma ieleine à la plus
haute saiiiteté, tu l'unis à J. C. ; tu mets au nombre des élus le
larron cloué à un gibet. Quels heureux effets ne produis-tu pas
encore! La cour céleste t'appartient de droit; là où su trouvait l'in-
digence la plus profonde, tu fais régner l'abondanbe ; tu apaises la
Vaini; tu remplaces l'opprobre par la gloire; tu ren là inutiles le3
attaques et la cruauté des dénions, I leur laideur, l'in-
fection qu'ils répandent, et la ■ brt éternelle qui les suit; tu chasses
(1) Quis in seeulo peccatit enormius Paulo ? quis in reli^ionc gravius Pctro? Illi
tamen per pœaUentiam mériteront a-^equi , non solum ministerium , sud etiua»
■Mtfislerium sauctitatu {.De Huer.),
PÉNITENCE. 759
la faim et la soif, en conduisant à la fontaine de vie ; tu fais produire
le centuple à des champs jnsqùe-la arides et stériles; tu dissipes la
tristesse et tu inspires la joie; tu effaces la honte, et par tes soins
les consolations et la gloire lui succèdent; tu effaces les injures et
donnes la paix ; tu ressuscites les morts : pour un peu de cendre
tu accordes une couronne {De Pœnit.).
La pénitence, dit saint Jérôme, a une telle puissance, qu'elle rend
au pécheur toutes ses anciennes vertus et tous les mérites qu'il
avait acquis avant de tomber (Epist.). C'est aussi le sentiment de
saint Thomas et Je tous les théologiens. A l'aide de la pénitence
donc celui qui a péché revient àla vie surnaturelle pour jouir chaque
fois d'une plus grande grâce: car, aux grâces anciennes, elle ajoute
la grâce de la résurrection spirituelle, qui est la grâce des grâces
bive recuit de la bouche de Dieu lui-même l'arrêt de sa ruine ;
elle fait pénitence et elle est sauvée. Dieu, voulant effrayer cette ville,
dit saint Augustin , la corrige en l'éprouvant; il la change en Ja
menaçai, t. Ninive a recours à la pénitence, et Dieu lui pardonne
(In Jon. Proph.). L'iniquité de Ninive fut effacée parce qu'elle se
repentit , dit saint Gaudence ; Eversa est iniquitas ejus, quia pœnituit
(In Jon. Proph.).
La pénitence efface tous les crimes; elle calme la colère céleste;
elle transforme les esclaves de Satan en amis de Dieu; des hommes
injustes, impies, infidèles, coupables, elle fait des hommes justes,
pieux, fidèles et saints. La pénitence annule la malédiction, et la
remplace par la grâce et par la justification. Elle ferme l'enfer et
ouvre oui pécl cars le sein de Dieu. Ainsi parlent saint Chryso-
stome, Saint Ambroisé, saint Augustin, Tertullien, et d'autres
docteurs
Saint Bernard appelle la pénitence, la vengeresse des crimes
et la nourrice des vertus : Ulîrïcem vîHorum , altricern virtutum
[Serin, de S. Andrœâ). Ma pénitence, dit encore ce saint docteur,
est la nourriture de J. G. La réprimande me corrige, l'immo-
lation nie purifie. Nous avons fait la joie des anges , lorsque
nous avons . Ltënce : Cibus (Christi) pœnitentia
mea. Emundor cum arguor, decoquor cura immplor : exsultare fecimus
angelo», - i sumus ad pœnitentiam (Serm. lxxxi in Gant.).
Celui qui , habilement pruleDt, a fait pénitence , a pu effacer en
très-peu les crime ngue vie, dit saint Chrysostome:
Qui, mulla en: \} pœnitentiam ostendit, brevi temporis momenià,
vi temporis peccata delere potuti ( HomiL ad pop. ).
760 PÉNITENCE.
Qualités de la 1° La pénitence doit être forte et énergique. Ecoutez le grand
pénitence. apôtre : je vous le dis : Celui qui sème peu, moissonnera peu, et
celui qui sème avec abondance, moissonnera aussi avec abondance:
Hoc autem dico : Qui parce seminat, parce et metet ; et qui seminat in
benedictionibus, de benedictionibus et metet (II. Cor. ix. G)
La promptitude avec laquelle Dieu pardonna à David, dit saint
Ambroise, fit voir combien grande et sincère lut sa pénitence :
Maluritas veniœ profundam fuisse régis pœnitentiam declaravit (De
Pœnit.).
2° La pénitence doit être humble Comme une terre aride et
qui n'a reçu aucune semence, ne peut porter de fruit; ainsi , sans
humilité, personne ne peut faire une pénitence véritable. En effet,
pourquoi la pénitence, sinon parce qu'on est pécheur? Or, le péché
est une révolte qui n'est pardonnée qu'autant qu'on s'humilie
3° La pénitence doit être accompagnée de la crainte du Seigneur.1
Ne sois pas sans crainte sur le péché pardonné, dit l'Ecclésiaste : De
propitiato peccato noli esse sine me tu (v. 6).
4° La pénitence doit frapper la chair. Mortifiez vos membres, dit
saint Paul : Mortificate membra vestra (Coloss. ni. 5). Si vous vivez
selon la chair, vous mourrez; mais si par l'esprit vous mortifiez les
actes de la chair, vous vivrez : Si secundum carnem vixeritis, morie-
mini; si autem spiritu facta carnis mortificaveritis 9 vivetis (Rom.
vin. 13).
La corne sort de la chair, dit saint Augustin, et il est nécessaire
que, la dépassant , elle soit forte et solide afin de résister. Celui qui
veut faire une vraie pénitence , doit la faire forte, afin qu'il puisse
surmonter la chair et ses affections (Lib. de ve.ru et falsa Pœnit. t
c. VIII ).
Si les soldats de Gédéon, dit l'abbé Isaïe, n'avaient pas brisé leurs
vases de terre, la clarté des lampes n'aurait pas paru. Si l'homme
Dft méprise et ne châtie son corps, il ne verra pas la lumière de
Dieu. Si Jahel, épouse d'Aber Cinéi, n'eût pas eu en main un clou,
elle n'aurait pas abattu le superbe Sisara. Sil'àme veut marcher vers
Dieu, elle doit travailler à crucifier tous les vices de la chair ( Vit.
Patr.).
5° La véritable pénitence, dit saint Grégoire, consiste à détester
les péchés commis , et à les éviter à l'avenir : Pœnitentia est
trala peccata plangere, et plangenda non committcre (Homil. xxxiv in
Evang.).
La pénitence, dit caint Augustin, est une sorte de. vengeance.
PENITENCE. 761
qu'exerce celui qui se repent : il punit en soi-même ce qu'il se
repent d'avoir commis : Pœnitentia est guœdam dolentis vindicta,
pwiens in se, quod dolet commisisse (De vera et falsaPœnit., c. vin).
G° La pénitence doit comprendre toutes les facultés de l'homme.....'
La pénitence, dit saint Chrysostome, est la contrition dans le cœur,
l'aveu dans la bouche , l'humilité dans les œuvres : Pœnitentia est
contrit io in corde, confessio in ore , in opère humilitas (Serm. de
Pœnit.).
Celui , dit Richard de Saint -Victor, celui qui, par la vertu du
Saint-Esprit, comprime fortement les aspirations de la chair et
celles du cœur, fait une parfaite pénitence. Sans la pénitence de
l'âme, la pénitence du corps est inutile (De Statu inter hom.).
La pénitence doit s'étendre aux yeux, aux oreilles, à la langue,
aux mains et aux pieds, aux actes et à toutes les époques de la vie
Elle doit être extérieure et surtout intérieure. Elle doit régner sur
les pensées, les désirs et les affections, l'intelligence, la mémoire et
la volonté , l'esprit et le cœur. Elle est de tous les âges et de toutes
'es conditions
7° La pénitence doit se continuer jusqu'à la mort...'.. Saint Clé-
ment, disciple de saint Pierre et son successeur j assure que cet
apôtre eut une si grande douleur de sa chute , qu'il en fit pénitence
toute sa vie, et que chaque nuit, au chant du coq, il se prosternait
et versait des larmes amères et abondantes. Aussi ses yeux étaient
toujours rouges (Hist. Eccles.).
Ceux qui désirent ardemment pratiquer les mortincations de la
pénitence, dit saint Grégoire, les cherchent comme le mineur qui
creuse, afin de trouver un trésor : plus ils approchent de la tin de
leur carière , plus ils mettent d'ardeur à leur œuvre : Qui plene rnor-
tificationem appetunt , quasi effodientes thesaurum quœrunt ; quia,
quanto fiunt viciniores ad finem, tanto se exhibent ardentiores in opère
( Homil. xxxiv in Evang. ) .
La pénitence doit commencer avec la vie , et ne finir qu'avec
elle
La beauté et la suavité de la rose compensent avantageusement La pénUpnca
les épines qui l'environue;it , et qui piquent ceux qui la cueillent. Le ^aUrie
désir du gain et l'espoir de revoir leur patrie, adoucissent les peines
de ceux qui trafiquent par mer et qui affrontent les dangers de
l'Océan L'espérance de la guéri son fait passer par-dessus l'amer-
Uim: uu remède Celui qui veut avoir l'amande brise la noix,
762 PÉNITENCE.
Ainsi le chrétien qui veut goûter la joie d'une bonne conscience,
trouve facile et douce Ja pénitence
Grand Dieu ! combien courtes et légères d rivent paraître les expia-
tions de cette vie à celui qui a mérité, et bien des l'ois peut-être,
l'enfer!...
D'ailleurs la grâce ne vient-elle pas à l'aide du pénitent? Les con-
solations qu'on rencontre dans les souffrances sont bien supérieures
à toutes leurs amertumes : Dieu mesure les consolations à la péni-
tence Aussi saint Paul, qui se livrait à de très-grandes austérités,
S'écriait : Je suis rempli de consolations, je surabonde de joie dans
toutes nos tribulations : Hcpletus sum consolât ione, superaùundo gaudio
in omnî frwiïlàtïone nostra (II. Cor. vu. 4).
Combien J AI trouvé , dit saint Ambroise , j'ai trouvé plus facilement des per-
teVce^tnr'e" S0"065*!1" aieut conservé leur innocence, que je n'en ai trouve qui
aient fait une pénitence convenable : Faeilùts inveni, qui innocentiam
servaverini, quam qui congrue egerint pœnitentiam (Lib. UdePœnit.,
c. x).
Dieu a donné à l'homme les moyens et le temps de faire pénitence,
dit Job ; et, dans son orgueil , celui-ci eh abuse : Dédit ei Deus ;
pœnitentiœ, et Me abutitur eo in sttperùiam (xxiv. 23).
Excès Le péché qui n'est pas détruit par la pénitence entraîne vite,
îlvSccux P811" sbn ProPre poids, à d'auli ■ - ; dit saint Gr
qui négligent tiim quod pœnitentia non delelur , thbx suo pondère ad ai cua trahit
pénitence. (Horriil. xxxivinEvang.).
sont * La pénitence est un frein; celui qui la néglige est bientôt emporté
à pUindre. pjflj je (j^non j je monde et la chair
Hélas! quelles sont lfeâ ta i qui fuient la pénitence,
qui n'en veulent pas et qui l'ont en horreur? îîs vorit <r
excès, de crime èd tri
leurs chutes tous les degrés ■ et du malli3ur, sans pOUVdll
s'arrêtera aucun — Us ne s'arrêteront qu'en enfer
Châtiments Tout arbre qui ne porte pas de bons fruits, sera coupé et jeté au feu,
qui ne ^ saillt JôMl - Baptiste : Ùnims arbor quœ non facit fructum ùonum,
(ont pu péni- èk'cidètûr, et in ignem milietur l tatl
si vuu- ûë laites pénitence, vous périrez tous, dit J. G. : Mu
pœmU'uu fe, omnès sùntiUer jj^ni . xin. ù).
PÉNITENCE. 763
Le péché ne peut pas rester sans châtiment; si le pécheur ne se
punit lui-même, Dieu le punira
Pénitence ou mort éternelle
Saint Pierre Damïen indique le moyen de faire une bonne et sincère
pénitence : Voulez-vous, dit-il, voulez- vous apprendre comment,
nu sein même de la paix de l'Eglise, vous pourrez acquérir les mé~
cites du martyre? montez au tribunal de votre conscience et infligez-
lous la question Que la pensée accuse, que la raison juge, que
la pénitence fasse la fonction d'exécuteur et frappe; que les larmes
roulent. Par cette imitation du martyre, vous arriverez à la dignité
de ceux qui ont versé leur sang pour la foi ( In Epist. ).
Pour iaire une bonne et sincère pénitence, il faut encore :
1" Se souvenir de ses péchés...;
2° Imiter Madeleine, dont saint Grégoire dit : Autant elle a eu de
jouissances, autant elle a trouvé en elle d'holocaustes à offrir; autant,
elle a commis de crimes, autant elle a fait d'actes de vertus; et
cela, afin que tout ce qui en elle avait tourné au mépris de Dieu
par le péché, fût mis au service de Dieu par la pénitence (1) J
3° Craindre pour les péchés qu'on a commis...;
4° Ne pas perdre de vue le temps qui est assuré à l'homme; car il
n'a à sa disposition que le présent...;
> Mépriser le monde...;
Kt° S'humilier...;
7° Penser à l'enfer...;
S° Se souvenir du ciel. .. ;
9° Méditer sur la passion et la mort de J. G
Moyens de
"faire
efficacement
pénitence.
(i) Quot habuit in se oblectamenta, tôt de se invenit holocau?!a : convertit ad
aumeru:n virtutum , numerura criminum ; ut totum serviret Deo in pœnitentia, quid-
quid ex se Deum oo.ueuipserat in culpa ( Homil. xxxm ).
FIN DC TROISIEME VOLUAŒ.
TABLE
rie*.
Langue 1
La langue est l'interprète de l'âme et du cœur, 1. — Stupidité,
folie, danger de parler beaucoup et sans prudence, 2. — Celui
qui parle beaucoup commet beaucoup de péchés, 5. — 11 est hon-
teux et odieux de parler beaucoup, 6. — L'abondance des paroles
fait perdre le temps, ibid. — Désordres et ravages que cause la
mauvaise langue, 7. — Avoir une mauvaise langue est une preuve
qu'on manque entièrement de religion, 11. — Il est défendu de
profaner sa langue, 12. — On a toujours lieu de se repentir d'avoir
mal parlé, ibid. — Rien de plus mauvais que la langue mal
employée, 13. — Chacun rendra compte de ses paroles, ibid. —
Châtiments réservés à la langue perverse, ibid. — On doit fuir
les mauvaises langues , 14. — Rien de meilleur que la langue lors-
qu'on en fait un bon usage, ibid. — Avantages qui résultent du
bon usage de la langue, 15. — Il faut faire de la langue un bon
usage, 16. — 11 faut user de prudence dans ses paroles , 17. — 11
faut pratiquer le silence, 20. — Autres moyens pour bien se ser-
vir de sa langue, 21.
Larmes. ....••;••.;;..* 23
Motifs qu'a le chrétien de verser des larmes, 23. — J. C. et les saints
nous ont instruits par leur exemple à verser des larmes, 25. —
Combien les larmes sont précieuses et avantageuses, ibid. — Bon-
heur et délices des larmes, 31.
Lecture. , i i ., 34
11 est nécessaire de lire de bons livres, 34. — Avantages des bonnes
lectures, 35. — Moyens de lire avec fruit, 36. — Que doivent
faire ceux qui ne savent pas lire? 37 — Daiuxers des mauvaises
lectures » 3$.
Liberté. . 40
Qu'est-ce que la liberté? 40. — Quel est celui qui est libre? ibid. —
En quoi consiste la vraie liberté? 41. — Qu'est-ce qui donne la
Tabl^.
Pxcbs,
liberté? 44. — Nous sommes fous appelés à la liberté et tous
égaux devant Dieu, 47. — La vraie et durable liberté est au
ciel, 48. — Où est la fausse liberté, et quel est celui qui n'est pas
libre? ibid. — Celui qui secoue le joug de Dieu et de ses lois est
esclave, 50. — Que les saints ont procuré la liberté aux hommes
et aux peuples, SI.
Libre arbitre 52
L'homme possède le Libre arbitre, 52. — Excellence etavai
libre arbitre , 56. — Nécessité de bien user du libre arbitre , 57. —
Le libre arbitre seul ne surfit pas; il faut aussi la grâce , 59. Dieu
ne violente pas le libre arbitre, 64.
{Voyz aussi Péché originel, Concupiscence, Grâce.)
Lieu saint. . • 66
Zèle pour le |ieu ' . G5. — Sainteté de la maison do Dieu, roirf.
— Respect pour le lieu saint, 67. — Dans le lieu saint nous devons
adorer Dieu, lui faire des offrandes et le remercier, 68. — Le lieu
saint est une maison de prière, ibid. — Avantages dont le lieu
saint est la source, 69. — Bonheur qu'on trouve et qu'on goûte
dans le lieu saint, 70. — Ce que le vaisseau d'une église repré-
sente , 71. — Pourquoi les églises sont-elles tournées vers l'orient?
et pourquoi, lorsqu'on prie, se tourne-t-on du même côté? ibid. —
Dieu est irrité par la profanation du lieu saint, et il châtie sévè-
rement ceux qui le profanent, 72.
Lui de Dien. . 74
Qu'entend-on pnr ]o mot ! ; 0 74. — La loi t]i ■ '■■• BUE une
base inébranlable, ibid. — La loi divine a toujours existé et exis-
tera toujours, 75. — Nécessité d'observer la loi divine, (bid. —
11 faut méditer constamment la loi divine, 77. — Excellence,
richesse et avantages de la loi divine, 78. — Bonheur qu'on
trouve dans l'observation de la loi divine, 8b. — 11 est facile d'ob-
server la loi de Dieu , 86. — Celui qui viole la loi en un point , la
viole tout entière, 87. — Combien est affreuse la vie de ceux qui
méprisent et violent la loi divine, 88. — Châtiments dont sont
menacés ceux qui violent la loi de Dieu . ibid. - Il faut gémir sur
la violation de la loi divine, 91. — Moyens d'observer la loi de
Dieu , ibid.
Lumières spirituelles. .........»•.••• y*
Dieu est la vraie lumière, <iC> p qjr' existent entre
la lumière divine et la iuuir'ag naturelle, 95. — Lxceilence et
TABLE. 767
avantagea des lum: tos spirituelles, 94. — Moyens d'obtenir de
Dieu des lumières spirituelles, 96.
Maîtres (voyez Devoirs des maîtres).
Maladie (voyez Afflictions, Croix).
Mariage 93
Ceu\ qui :pa-
rer, 98. — But qu'on doit se proposer dans le mariage, 99.' —
Quelle est la bénédiction dont l'Église se sert pour sanctifier le
mariage , ibid. — Le mariage est digne de respect, ibid. — Quelle
union doit exister entre les époux, ibid. — Exposé des devoirs
des époux : 1° Devoirs de l'épouse, 101. — 2° Devoirs de l'époux,
103. — Le mariage est inférieur à la virginité; il est sujet à beau-
coup de maux, 105. — Combien le mariage est profané, 108. —
Châtiments réservés à ceux qui profanent le mariage, ibid
( Voyez Femme forte et pieuse.)
Marie lli
i. Mari ' i née de toute éternité par Dieu. 411.
— 11. Marie ost la causedeia création et delà conservation du monde,
114. — 1IÏ. Marie est le chef-d'œuvre de Dieu, 115. — IV. Marie
immaculée dans sa conception , 116. — V. Marie n'a jamais pé-
ché; elle est comme impeccable, 132. — VI. Nativité de Marie,
133.— Vil. Signification du nom de Marie, 135. — - VIII. Annon-
ciation et incarnation, 137. — IX, Marie est demeurée vierge en
devenant mère, 145. — X. Marie est mère de Dieu, ISO. — XI.
La Visitation , 1 56. — XII. Naissance de J. C. , 159. — XIII. Présen-
tation et purification, 1G0. — XIV. Marie est notre mère, 161.—
XV. Marie est l'océan des grâces, 162. — XVI. Amour de Marie,
167. — XVII. Sagesse de Marie , ibid. — XVIII. Sainteté de Marie,
168. — XIX. Humilité de Marie , 169. —XX. Obéissance de Marie,
171. — XXI. Pureté de Marie , ibid. — XXII. Bonté et miséricorde
de Marie, 172. — XXlil. Grandeur de Marie, 175. — XXIV. Puis-
sance de Marie. 178. — XXV. Marie est reine, 182.— XXVI. Marie
médiatrice. 184. — XXVII. Marie réparatrice, 188.— XXVIII. Pré-
rogatives de Marie, 190. — XXIX. Perfections de Marie, 193.—
XXX. Marie est lumière, 196. — XXXI. Beauté de Marie, 199. —
XXXil. Marie comparée à l'arche de Noé et à l'arche d'alliance,
202. —XXXIII. Marie comparée à la toison de Gédéon, 203. —
XXXIV. Marie comparée au paradis terrestre ibid. — XXXV. Amour
de Marie pour la retraite, 204.— XXXVI. Bonheur de Marie, 205.
7CS TABLE.
txct',
— XXXYII. Souffrances et K::o..ai;on de Marie, 206. <— XXX > Lïl.
Marie centre de tout , 208. — XXXIX. Marie rapporte tout à Dieu ,
ibid. — XL. Marie est la mère et le modèle de toutes les vierges,
210. — XLl. Bonheur des serviteurs de Marie, 211. — XL1I.
La dévotion à Marie est une marque de prédestination, 212. —
XL1II. Nécessité de la dévotion envers Marie, 213. — XL1V. Quel
culte on doit à Marie, 214. — XLV. Dieu et les hommes désiraient
la naissance de Marie, 216. — XLVI. L'univers aux pieds de
Marie pour l'invoquer et la prier. Accomplissement des prophé-
ties qui concernent la glorification de Marie, 217. — XLV1I. Il
faut invoquer Marie , 222. — XLV111. Marie a accordé d'insignes
victoires à ceux qui l'ont invoquée , 224. — XL1X. Mort, assomp-
tion et triomphe de Marie, 225. — L. Châtiments des ennemis de
Marie, 227.
tfeartyre ...... 2-29
Excellence du martyre , 229. — Force et courage qu'ont déployés les
martyrs, 231. — La force des martyrs vient de Dieu, 234. — Les
martyrs ont goûté la paix et la joie dans les tourments, 235. —
Triomphe de la religion parles martyrs, ibid. — Nous pouvons
tous acquérir le mérite du martyre , car il y en a de plusieurî
genres , 236.
Hauvaises compagnies. • 5240
Ravages que causent les mauvaises compagnies. Dangers qu'elles
font courir à l'innocence , 240. — Les mauvaises compagnies sont
maudites, 218. — 11 faut fuir les mauvaises compagnies, 249. -
Des bonnes compagnies, 254.
Lïéchants {voyez Impiété , Railleries des méchants , Mélazje dut!
bons et des méchants).
Médisance «jsjj
Ravages qu'exerce la médisance, 253.— Méchanceté des médisants.
237. — Grandeur du crime de médisance , 258. — Combien fré-
quente est la médisance, ibid. — Le médisant fait son propre
portrait, 259. — • Dieu déteste et punit les médisants, 261. — E
ne faut jamais prendre part à la médisance, mais l'empêcher,
ibid. —Moyens d'empêcher la médisance, de l'éviter et d'en répa-
rer les suites , ibid.
Méditation «..,.... 2(i»
Nécessité de la méditation , 204. — Combien .T. C. et les saints ont
médité. 205. — 11 faut méditer souveut, 266. — C'est le malir
769
sartout qu'il faut se livrer à la méditation, ibid. —Excellence et
avantages de l'oraison , 2C8. — 11 faut vaincre les obstacles qui
s'opposent à la méditation , 270. — Quels sont les divers degrés de
la méditation, 271. — 11 y a trois principales sortes d'oraison, 272.
— Ce qu'il faut faire pour bien méditer, ibid.
vxuiige des bons et des méchants. . 273
Les bons ne peuvent être unis de sentiment avec les méchants, 273.
— Comment les méchants se trouvent -ils mêlés avec les bons?
ibid. — Pourquoi Dieu permet qu'il y ait des méchants, à quoi
Ils servent, ibid. — Pourquoi Dieu permet que les méchants per-
sécutent les bons, 278. — Pourquoi Dieu permet souvent que les
méchants prospèrent, tandis que souvent il refuse la prospérité
aux bons, 279. — Comment on distingue les méchants des
bons, 285.
Lïensonge z<J6
Celui qui ment se couvre d'opprobre , 286.— Désordres que produit
le mensonge, 287. — Le mensonge vient du démon et le menteur
imite Satan , 288.— 11 y a trois espèces de mensonge, 289.— Le
chrétien ne ment pas, 290.
I.'esse •.'••'••* 291
Sur le mot Messe, 291. — 11 y a toujours eu des sacrifices, ibid. —
Quel est le but des sacrifices, ibid.— Combien y avait-il d'espèces
de sacrifices dans l'ancienne loi? ibid. — Les sacrifices de l'an-
cienne loi étaient imparfaits et n'étaient que la figure du sacrifice
de la loi nouvelle, 292. — Excellence du sacrifice de la messe.
Avantages qu'il procure, 293. — Parties de la messe. Significa-
tion des prières que l'on y emploie et des cérémonies, 295. —
Signification des ornements, 297. — Comment il faut entendre la
messe, 298.
Miracles 299
Qu'est-ce qu'un miracle? 299. —Les miracles sont-ils possibles?
ibid. — Y a-t-il. eu des miracles? ibid. —Les miracles sont une
preuve certaine de la vérité , 300. — Un miracle ne s'est jamais
opéré en faveur de l'erreur, ibid. — Comment on distingue les
vrais miracles des faux, 301.
Miséricorde 303
Combien Dieu est miséricordieux, 303. — Excellence de la misori-
corde, 3Ô7C — Comment faut-il exercer la miséricorde? 308.
m. 49
770 TABLE.
PMStf.
Modestie 310
Nécessité de la modestie, 310. -La modestie révèle l'intérieur de
l'homme, ibid. — Quelles sont les marques de la modestie, 311.
— Modèles de modestie, 312. — Beauté, excellence et avantages
de la modestie, ibid. — La modestie doit être intérieure et exté-
rieure, 313. — Moyens d'acquérir la modestie , ibid.
Monda 313
Le monde est plein d'erreuis et de mensonge, 318. — Le monde
n'est qu'erreurs, parce qu'il est plongé dans l'ignorance et l'aveu-
glement ,317. — Dangers du monde, 318. — Fausse sagesse du
monde, 320. — 11 n'y a pas de paix pour le monde, 321. — Vie
criminelle et corrompue du monde, 322. — Combien le monde
est traître et cruel , 324. — Egoïsme du monde, 327. — Soucis
qui assiègent les hommes du monde, ibid. — Misère et esclavage
du monde, 328. — Le démon est le roi et le tyran du monde, 329.
— Malheurs qui sont le partage du monde , ibid. — Il n'y a que
l'homme souillé de vices qui aime le monde, 330. — Ceux qui
aiment le monde périront, ibid. — Dieu a maudit le monde et il
l'abandonne, 331. — On ne peut servir Dieu et le monde , ibid.
H faut mépriser le monde, 332.— Le chrétien déteste le monde, —
333. — 11 faut fuir le monde, 334. —Que faut-il faire si l'on est
forcé de vivre dans le monde , 335.
( Voyez aussi Joies mondaines , néant dn muuae. )
Mort 33*
Certitude de la mort, 338. — D'où est venue la mort, ibid.— H y a
trois morts, 338. — La mort domine tout ici-bas, ibid. — Incer-
titude de la mort : 1° quant au temps, ibid. — Incertitude de la
mort : 2° quant à l'âge, 339. — Incertitude de la mort : 3° quant
à la manière pour le corps, 340. — Incertitude de la mort:
A* quant à la manière pour l'âme, ibid. — La mort est pioche,
341. — Dès le moment de notre naissance, la mort ne nous quitte
pas; elle nous enlève tous les jours quelque chose, 342. — La mort
prouve notre néant et le néant de tout ce qui existe , 343. — En
quel état la mort réduit l'homme, 345.— -Ne pas penser à la mort
est une folie, 348. — La pensée de la mort est très-avantageuse,
ibid. — Il faut se préparer à la mort; moyens à prendre pour
cela, 350.
Mort du juste 352
Douceur d'une bonne mort, 352. — La mort n'est qu'un sommeil,
ibid. — Pour le juste, la mort est désirable, 354. — Espérance
TABLE. 771
T'ASMU
des justes à la mort . ibid.— Avantages rl'nne bonne mort : 1° dans
ce que l'on quitte, 35j. — 2° Dans ce que l'on trouve, 388. —
La mort met le juste en possession du bonheur éternel , 360. — i
Exemples tirés de la mort des saints, 362. — Combien la mort du
jus! ' et sa mémoire sont en honneur et -vénération, 363. — La
bonne vie fait la bonne mort, 368.
"ort du pécheur 370
Tous les maux tombent ù ia ïois sur le pécheur mourant, 370. —
Dieu s'éloigne du pécheur mourant, 371. — Le pécheur mourant
tombe dans le désespoir, 373. — La mort surprend les pécheurs
ibid. — Les fséthèttïi meurent dans rimpénîièncë, 374. — La
mort du pécheur est très-mauvaise, 376. — Exemples tirés de la
mort des méchants, ibid. — Le pécheur laisse une mémoire mau-
dite et qui périra, 378. — Celui qui vit sans Dieu meurt en
réprouvé , 379. — 11 faut se préserver de la mort du pécheur, 380.
Néant de l'homme 381
Qu'est-ce que i'homrae, généralement parlant? 381. — Qu'est-ce
que le corps de l'homme? 382. — L'homme n'est que misère et
que faiblesse, 384. — La souffrance est le partage de l'homme,
ibid. — Combien l'orgueil de l'homme est déplacé surtout à la vue
de la mort, 385. — L'homme est environné de tentations, 386.
— De son fonds l'homme n'a que le péché, ibid. —L'homme,
en un mot, n'est rien, 387. — Ce qu'il faut faire pour être quel-
que chose , 389.
ï: jant du monde 390
Le monde est pauvreté, vanité, fausseté, 3D0. — Le monde est un
exil, un instant, une éternelle mort, 397. — Dans le monde tout
change, 398. — Dans le monde tout disparaît, 399. — Vaines
occupations du monde. 400. — Le monde oublie ou prise peu
tous les sacrifices que l'on fait pour lui , 402. — Combien le monde
est faible et méprisable; combien pénible est la vie qu'il mène,
ibid. — Le monde est plein de souffrances et de malheurs, 403.
— Le monde est la région des iniquités, 403. — 11 faut s'éloigner
du monde et ne pas vivre comme lui , ibid.
Nécessité de servir Eieu dès la jeunesse 407
i est estimable c< sert Lieu Ces la jeunesse, 407. —
11 est facile de servir Dieu ci. s la jeunesse, 408. — Avantages que
l'on trouve à servir Dieu dès la jeunesse, 40'J. — 11 faut servir
Dieu dès la jeunesse; car 1° cet âge passe vite, 4i2. — 11 faut
772 TABLE.
Page»,
servir Dieu dès la jeunesse; car 2° telle la jeunesse, tels sont les
âges qui la suivent, 413. — Il faut servir Dieu dès la jeunesse;
parce que, 3° cet âge est plus exposé au mal que les autres âges,
414. — Il faut servir Dieu dès la jeunesse; parce que, 4° cet âge
appartient spécialement à Dieu, ibid. — Combien il est honteux
de perdre sa jeunesse, 415. — Combien sont nombreux ceux qui
perdent leur jeunesse , 416. — Châtiments réservés à ceux qui ne
servent pas Dieu dès la jeunesse , ibid. — Moyens à prendre pour
servir Dieu dès la jeunesse, et se corriger de ses défauts, 417.
Nom de Jésus . • 419
Que signifie le nom de Jésus , 419. —Ce nom divin avait été annoncé
par les prophètes, ibid. — Combien le nom de Jésus est grand,
respectable et adorable , ibid. — Combien le divin nom de Jésus
est précieux, consolant, puissant et avantageux en tout, 422. —
11 faut invoquer souvent le saint nom de Jésus , 427.
Obéissance 429
Jésus-Christ modèle d'obéissance, 429. — L'obéissance est néces-
saire, 430. — Il faut obéir surtout à ses supérieurs, 431. —
Réponse à cette objection : 11 est trop difficile d'obéir, 432. —
Excellence de l'obéissance, 433. — Avantages de l'obéissance.
Premier avantage , la victoire, 437. — Second avantage de l'obéis-
sance, elle nourrit l'âme, 441. — Troisième avantage de l'obéis-
sance, elle est un remède, ibid. — Quatrième avantage de
l'obéissance , elle élève l'homme , ibid. — Quatrième avantage de
l'obéissance, elle attire les bénédictions de Dieu , ibid. —Sixième
avantage de l'obéissance , elle est la première des vertus et des
pratiques de la vie chrétienne , 442. — Septième avantage de
l'obéissance, elle est un principe de prospérité temporelle et sur-
tout spirituelle, ibid. — Huitième avantage de l'obéissance , elle
procure le vrai bonheur, 443. — Neuvième avantage de l'obéis-
sance, elle est une marque de prédestination, ibid. — Dixième
avantage de l'obéissance, elle a le mérite et la gloire du martyre ,
444. — Onzième avantage de l'obéissance , elle procure une bonne
mort, 445. — Comment faut-il obéir? ibid.
Occasions prochaines du péché (voyez Fuite des occasions,.
Ordre ou Règle » . . 450
Qu'est-ce que l'ordre, 450. — Nécessité de l'ordre en toute chose,
ibid. — Combien l'ordre est avantageux, 451.
Orgueil. 452
Uu'cst-ce que l'orgueil et comment le connaît-on? 452. —L'orgueil
rxiMT,. 773
Pages.
n'est qu'avenslpmpnt et séduction, ibid. — Folie de l'orgueil , 453.
— L'orgueilleux ue veut pas être repris, 454. — Différence entre
l'orgueil et l'humilité, 455. — Enormité de l'orgueil, ibid. —
L'orgueil est la source et la cause de tous les maux , 457. — L'or-
gueil est un vice détestable, 461. — Dieu humilie les orgueil-
leux, 462.— Châtiments infligés à l'orgueil, 464. — Divers degrés
d'orgueil, 466. — Motifs que l'on a de se préserver de l'orgueil,
ibid. — Moyens d'éviter l'orgueil, ibid.
Oubli de Dieu 468
Combien l'oubli de Dieu est fréquent, 468. — L'oubli de Dieu est
volontaire, 469. — Causes de l'oubli de Dieu, ibid. — L'oubli de
Dieu est un crime, ibid. — L'oubli de Dieu est surtout un crime
d'ingratitude, 470. — Désordres et ravages qu'exerce l'oubli de
Dieu , ibid. — Malheurs et châtiments qui suivent l'oubli de Dieu,
47t. — Il faut gémir d'avoir oublié Dieu, et de le voir oublié,
472.
Paix 473
Dieu seul est l'auteur de la paix véritable; lui seul la donne, 473.
— Excellence et avantages de la paix, 476. — Qu'est-ce qui
procure la paix, 479. — 11 y a une triple paix, 480. — Moyens
d'acquérir la paix, ibid.
Parabole de l'homme qui tombe entre les mains des volocrs. . 482
Explication de cette parabole, 482.
Paradis terrestre. 483
Pardon des injures 485
Obligation de pardonner, 485. — J. C. nous a donné l'exemple de
l'amour des ennemis, 486. — Les saints l'ont imité, 487. — Des
païens eux-mêmes ont pardonné à leurs ennemis, 490. — Le par-
don des injures est une marque de grandeur d'âme, une victoire
et un triomphe , ibid. — Avantages que l'on trouve dans le par-
don des injures, 493. — Ne point pardonner est un crime, 495.
— Dieu agira à notre égard comme nous aurons agi envers le pro-
chain, ibid. — Celui qui ne pardonne pas se condamne lui-même,
496. — Aveuglement et méchanceté de celui qui se refuse à par-
donner, 497. — Il y a honte et faiblesse à ne point pardonner et à
se venger, 498. — Combien puni et malheureux est l'homme qui
ne pardonne pas, 500. — Il faut laisser à Dieu le soin de nous
venger. 501. — Il faut pardonner toujours et pardonner non-seu-
Jenaçul extérieurement, mais de cœur, 502, — 11 ne faut pas dif.
TT4 TABLE.
Pxcr»
fcrer de pardonner. Y>Z2. — II faut faire les"premières démarches
de réconciliation , 50 i . — Motifs qui obligent de pardonner, SOC
— Il faut se pardonner mutuellement, 507. — Prétextes qu'on
allègue pour ne pas pardonner et ne point se réconcilier, 508. —
Quelle est la vraie manière de se venger noblement, victorieuse
ment et saintement, ibid. — Enumération de neuf degrés de
l'amour des ennemis, qui sont autant de moyens de pardon-
ner, 510.
Parents (uoyez Devoirs des parents).
Paresse ..;;.. 511
Le paresseux est un être nul, 511. — Le paresseux est pauvre, il
n'a rien, ibid. — La paresse est la cause et la mère de tous les
crimes, 512. — Ravages que cause l'oisiveté, 513. — La paresse
amène toutes les tentations, 517. — De quelle honte se couvre le
paresseux; combien il est esclave et méprisable, 518. — Combien
le paresseux est malheureux, 519. — Combien le paresseux est
puni, ibid. — Remèdes contre la paresse, 522,
Parole de Dieu. : ♦ . . 524
Véracité et autorité de la parole de Dieu , 524. — Excellence de la
parole de Dieu, 526. — Puissance et efficacité de la parole de
Dieu, 528. — Heureux effets que produit la parole de Dieu et
avantages inestimables qui en découlent, 531. — La parole de
Dieu comparée à une semence , 540. — Nécessité pour les pasteurs
d'annoncer la véritable parole de Dieu ,541. — Quel est celui qui
annonce convenablement la parole de Dieu, 544. — La croix est
un excellent prédicateur, 550. — Nécessité d'écouter la parole de
Dieu cl de la mettre en pratique, ibid. — Combien il est facile
de mettre en pratique la parole ue Dieu, 552. — Tous entendent la
parole de Dieu, ibid. — Combien sont aveugles, coupables cl mal-
heureux ceux qui n'écoutent pas la parole de Dieu et qui ne la
ni pas en pratique, 5>3. — Pourquoi l'on n'écouta pas la
parole de Dieu el pourquoi l'on n'en profite pas, 554. — Châti-
ments réservés à ceux qui n'écoutent pas la parole de Dieu et qui
ne la mettent pas en prati , ■ •', 550. — Dispositions nécessaires el
moyens à employer pour profiler de la parole de Dieu, 557.
[Voyez aussi Evangile ou Ecriture sainte, Loi de Dieu.)
Passion de Jésus- Christ
Nous devons tout à J. C, 558. — Abîmes d'amour et de douleur;
aliîirks ..'ingratitude et de cruauté 560. — La cène, ibid. —
TABLE. 77S
Pian.
Judas vend son divin Maître, 561. — J. C. an jardin des Olives,
563. — Ce que J. C. a souftert jusqu'à sa «ortie du jardin des
Olives a été prédit par les prophètes , 569. — Ce que souffre
J. C. à Jérusalem : 1° chez Anne, beau -père de Caïphe, 570. —
Pierre renie J. C, 574. — • J. C. chez Pilate, 878; — I. C. chez
Hérode , 578. — J. C. revient devant Pilate, 579. tnàài rend les
trento deniers, et plein de désespoir, il va se pendre, 581. —
Châtiments des Juifs déic!des, 584. — Flagellation, 587. — Ecce
homo, ibid. — J. C. entre les mains des soldats, 588. — J. C.
est chargé de la croix , 590. — Calvaire , 591 .— Crucifiement , 592.
. — Douceur et patience de J. C, 593.— J C. a été déclaré roi sur
la croix, 594.— Blasphèmes contre J. C, ibid. — Bon larron, 595.
— Marie au pied de la croix, ibid. — Sitio, 597. — Les sept
paroles de J. C. sur la croix, 598. — Pourquoi J. C. a subi une
telle mort, 600. — La passion de J. C. est notre salut, 601. —
La passion est notre ouvrage , 602. — J. C. a triomphé par sa
passion et par sa mort, 608. — Sépulture de J. C, 616.
( Voyez aussi Jésus-Christ, Plaies (les cinq), Rédemption.)
Passions (les) • 618
Désordre et ravages des passions, 618. —Combien les passions dé-
gradent l'homme et le couvrent de confusion, 619. — Combien les
passions rendent coupable et malheureux, 620. — Dieu déteste
et punit les passions , 621 .
Pater (le) 622
Excellence du Pater, 622. — Le Pater renferme sept demandes, ibid.
— Notre père, ibid. — Qui êtes aux cieux, 623. —Première
demande, 624. —Seconde demande, ibid. —Troisième demande,
623. — Quatrième demande, 027. — Cinquième demande, 628.
— Sixième demande , 629. — Septième demande , 630. — Con-
clusion , ibid. — Pater de sr> int François d'Assise , 631 .
Patience 6*^
Nécessité de la patience, 633. — Exemples de patience donnés par
J.C. et les saints, ibid. — Motifs de prendre patience, 634. —
— Excellence de la patience ; merveilles qu'elle opère . 636. —
Avantages de la patience, 643.— Qualités que doit avoir la
patience pour être bonne, 648. — Moyens à prendre pour arriver
à la pratique de la patience, 649.
Paul (saint) 65*
Première richesse et prérogative de saint Paul, son caractère, 654.
>"6 fABLE.
Pages
— Deuxième richesse et prérogative de saint Paul, sa vocation,
ibid. — Troisième richesse et prérogative de saint Paul, sa sagesse
et sa science, 653. — Quatrième richesse et prérogative de saint
Paul, ses vertus, 654. — Cinquième richesse et prérogative de saint
Paul , l'efficacité et les fruits merveilleux et abondants de son
apostolat, 655. — Sixième richesse et prérogative de saint Paul,
ses miracles , 658. — Septième richesse et prérogative de saint
Paul , son martyre , 659. — Huitième richesse et prérogative dô
saint Paul , sa gloire et sa renommée, ibid.
Pauvreté 661
Le bonheur est le partage de la pauvreté, 081. — Richesse de la pau-
vreté , 663. — Exemples de J. C. et des saints, ibid. »-La pauvreté
est un honneur et une gloire, 665. — Les pauvres sont les favoris
de Dieu, 667. — Avantages de la pauvreté, 669. — Si le pauvre
veut, rien ne lui manque, 675. — Ce qu'il faut faire pour avoir le
mérite de la pauvreté , 679.
Péché contre le Saint-Esprit C29
Péché mortel 68f,
Qu'est-ce que le péché et surtout le péché mortel? 682. — Génération
et famille du péché, 684. — Adam, le premier homme, a commis
huit péchés, ibid.— Le péché est dans la volonté, 685. — En lui-
même , le péché est horrible et honteux, ibid. — Le péché est une
fièvre, 686. — Le péché est une paralysie , ibid. — Le péché est
un feu, ibid. — Le péché mortel est un adultère, 687. — Le péché'
mortel est une idolâtrie, ibid. — Le péché mortel est le ma.
suprême de Dieu, des anges, des hommes et de toutes les créa-
tures, 688. — Le péché mortel éloigne Dieu, ibid. — Le pèche
formel est une grave désobéissance à Dieu , 689. — Le pécheu:
déchire la loi de Dieu, 690. — Le péché mortel est un mépris pour
Dieu, ibid. — Le péché mortel est une noire ingratitude envers
Dieu, 691. — Le péché mortel attaque Dieu directement, ibid.
— Le péché mortel s'efforce d'anéantir Dieu, 692. — De sa nature,
le péché mortel est irréparable, 093.— Le pécheur voudrait tou-
jours vivre, afiu de pécher toujours, ibid. — Le péché mortel est
pire que l'enfer, 694. — Le péché mortel comparé au serpent et
au lion, ibid. — Le péché mortel comparé à un glaive «l'extermi-
nation , ibid. — Le péché mortel est la plus terrible de toutes 1er
chutes, 695. — Le pécheur est à lui-même son plus cruel ennemi,
ibid. — Le péché mortel ravit à l'homme tous les biens : 1° Il lui
enlève la grâce , 698. — 2J Le péché mortel détruit la beauté d<*
TABLE. 777
AGI».
l'âme, 690. —3° Le péché mortel met en fuite la sagesse , 700.
— 4» Le péché mortel prive de tous les mérites acquis , ibid. —
5° Le péché mortel empêche qu'on en acquière de nouveaux, 701.
— 6° Le péché mortel enlève la vie de lame, ibid. — l° Le péché
mortel détruit toutes les vertus : il fait perdre le ciel , ibid. — Le
péché mortel attire sur l'homme tous les maux : 1° 11 le rend vil
et méprisable, 702. —2° Le péché mortel jette dans l'aveuglement,
ibid. — 3° Le péché mortel rend esclave, 706.— 4° Le péché mor-
tel rend captif, 708. — S0 Le péché mortel donne la mort au
corps, ibid. — 6« Le péché mortel donne la mort à l'àme, 709. —
7° Le péché mortel attire la malédiction de Dieu, ibid. — 8° Le
péché mortel est Tunique cause de la mauvaise mort, 710.— 9° Le
péché mortel précipite dans l'enfer qui est l'éternelle mort, ibid.
40° Le péché mortel fait de l'homme une espèce de démon ,711.
41° Le péché mortel produit par lui-même tous les maux, ibid.—
Le péché mortel est un mystère infernal, 716. — Affreux état de
l'âme qui a commis le péché mortel, ibid. — Sources du péché,
717. — Diverses manières de pécher, 718. — Difficulté et miracle
de la justification , 719. — Le péché doit être puni, ibid. — Que
faut-il pour faire un péché mortel? 720. —Il faut éviter le péché
mortel et ne pas y rester, ibid.-— Moyens pour ne pas tomber dans
le péché mortel et pour en sortir, 721.
Péché original 723
L'existence du péché originel est certaine, 723. — Causes du péché
originel, ibid. — Comment se contracte le péché originel, 724.
— Suites funestes du péché originel : elles prouvent l'existence de
ce péché , ibid.
Péché véniel 727
Le péché véniel est le chemin qui mène aux grandes chutes, 727. —
Malice du péché véniel , 730. — Combien on commet de péchés
véniels, 731. — Punition du péché véniel, ibid.
Pécheur 733
Le pécheur n'a point de communication avec Dieu, 733. — Le pécheur
désobéit à Dieu , ibid. — Le pécheur méprise Dieu , 734. — Le
pécheur est ingrat, ibid. — Le pécheur dissipe tous les dons de
Dieu, 735. — Le pécheur vit dans la pénurie, la disette et la
faim , ibid. — Le pécheur tombe dans l'esclavage et la dégrada-
tion , 736.— Le pécheur est la faiblesse même, 737.— Le pécheur
hait son âme, 738. — Le pécheur est la nourriture du démon,
ibid. — Le pécheur est une sorte d'antechrist, 739.— La vie
du pécheur est détestable, ibid. — La mémoire du pécheur est
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exécrable, 741 . — Le pécheur est puni par où il pèche , ibid. — Le
pécheur est l'instrument de sa condamnation, ibid. — Combien
le pécheur est malheureux, 742. — Châtiments du pécheur, 74G.
— Le péché n'est à sa place que dans l'enfer, 750.
Pénitence. . . . . ' Toi
Qu'est-ce que la pénitence, 7S2. — Nécessité de la pénitence, ibid.
— Exemples de pénitence, 7j4. — Excellence de la pénitence,
ibid. — Avantages de la pénitence , 75o. — Qualités de la péni-
tence, 7G0. — La pénitence n'est pas pénible, 701. — Combien
la vraie pénitence est rare, 7G2. — Excès auxquels se livrent ceux
qui négligent de faire pénitence; combien ils sont à plaindre,
ibid. — Châtiments réservés à ceux qui ne l'uni pas pénitence,
ibid. — Moyens de faire efficacement pénitence , 763.
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