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Full text of "Les trésors de Cornélius `a Lapide : extraits de ses commentaires sur l'Écriture Sainte `a l'usage des prédicateurs, des communaut^es et des familles chrétiennes"

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JOHN  M.  KELLY  LIBKAKY 


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Donated  by 
The  Redemptorists  of 
the  Toronto  Province 

from  the  Library  Collection  of 
Holy  Redeemer  Collège,  Windsor 


University  of 
St.  Michael's  Collège,  Toronto 


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LES  TRÉSORS 


DE 


CORNELIUS  A  LAPIDE 


L-PÉ 


PROPRIÉTÉ  DE 


Flllil.   —   iU*.   MCTU*  601  H,   Rit   b|  M 


LES  TRÉSORS 


CORNÉLIUS  A  LAPIDE 


EXTRAITS   DE  SES 


COMMENTAIRES  SUR  L'ÉCRITURE  SAINTE 

A   L'USAGE 

DES    PRÉDICATEURS 

DES    COMMUNAUTÉS    ET    DES    FAMILLES    CHRETIENNES 

PAR 

L'ABBÉ    BARBIER 
TOME  III 


QUATRIÈME  EDITION 


PARIS 

LIBRAIRIE    POUSSIELGUE    FRÈRES 

RUE  CASSETTE,  27 

m* 


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/lestrsorsdecor03lapi 


LES  TRÉSORS 


DE 


CORNELIUS  A  LAPIDE 


T 


LANGUE. 


el  est  le  cœur,  telle  est  la  langue.....  La  bouche,  dit  J.  C,  La  langue  est 
parle  de  l'abondance  du  cœur.  L'homme  qui  est  bon  tire  de       deTàme 
la  bonté  de  son  cœur  des  choses  bonnes;  et  l'homme  mauvais,    et  du  cœur* 
d'un  mauvais  trésor  tire  des  choses  mauvaises  :  Ex  abundantia 
cordis  os  loquitur.  Bonus  homo  de  bono  thesauro  profert  bona;  et  malus 
homo  de  malo  thesauro  profert  mala  (Matth.  xn.  3-4.  35). 

Voulez-vous  savoir  ce  qu'est  le  cœur  et  l'âme  de  tel  ou  tel  homme? 
Prêtez  l'oreille  à  ses  paroles;  car  la  bouche  parle  de  l'abondance  du 
cœur  :  Ex  abundantia  cordis  os  loquitur  (  Ut  supra). 

Voilà  pourquoi  Socrate  disait  à  un  jeune  homme  :  Jeune  homme, 
parlez,  afin  que  je  vous  connaisse  :  Loquere,  adolescens,  ut  te  videam 

(De  Lingua  )  ;  car  le  langage  est  le  miroir  de  lame 

Lorsqu'on  ouvre  un  vase  plein  d'immondices,  il  répand  une  odeur 
infecte  ;  ainsi  le  cœur  mauvais  laisse  échapper  par  la  bouche  la 
corruption  dont  il  est  rempli;  il  empoisonne  et  souille  ceux  qui 
entrent  en  rapport  avec  lui.  Un  vase  qui  renferme  un  parfum  déli- 
cieux, répand  une  odeur  suave;  telle  est  la  langue  qui  est  au  service 

d'un  cœur  pur  et  d'une  âme  innocente 

Encore  une  fois,  voulez-vous  connaître  le  cœur  et  les  secrets  d'un 
homme  ?  voulez-vous  savoir  ce  qu'il  est  ?  examinez  ce  qu'il  dit  sou- 
vent et  avec  complaisance Si  vous  voyez  quelqu'un  prendre  plai- 
sir à  des  entretiens  vains  et  inutiles,  à  des  recherches  frivoles,  à  des 
paroles  honteuses,  à  l'expression  de  l'orgueil,  de  l'envie,  de  la 
colère ,  à  des  médisances ,  sachez  que  son  cœur  est  vain,  curieux, 

corrompu,  superbe,  jaloux,  colère  ,  étrai;  er  à  la  charité Si,  au 

contraire  ,  la  conversation  d'un  homme  roule  sur  des  choses  utiles, 

(H. 


2  LANGUE. 

,    ,_    ;. si  Éile  ex  m,  l'humilité ,  la  piété,  la 

te  son  cœur  est  le  temple  du  Saint-Esprit,  qu'il  est 

pur,  h  

D»u  t  du  vin,  ou  du  vinaigre,  ou  de  l'huile,  ou 

,ir  qui  décèle  ce  qu'il  renferme;  an 

1 

retenir  de  bagatelles ,  montre  qu'il  a 

aii ne  à  proférer  des  paroles  ]  leu 
jue  la  luxure  bouillonne  au  fou 

>rde S'il  aime  à  médire  de  son  prochain , 

n'a  ni  charité,  ni  justice,  ni  c     - 
....  S'il  aime  à  parler  de  haine  et  de  vengeance, 

âme,  etc 

at  Jean,  c'est  pourquoi  ils  par- 
monde  les  écoute  :  Ipsifc  ïiamdo  sut , 
tur,  et  mundus  eus  audit{  [.  îv.  5).  Qu<  - .-..';. >nle- 

i-il.  -  de  Dieu;  qui  connaît  Dieu,  nous  écoute;  qui 

de  Dieu,  ne  nous  écoute  point;  et  en  cela  nous  connaissons 

r  :  Nos  ex  1) 
qui  non  est  ex  Deo,  non  audit  nos  ;  in  hoc  çogn 
.  îv.  0). 

Un  -  ne  d'une  conscience  vaine,  dit  saint  l  ; 

nard  :  •  l  (  'Pist.  ). 

i.uue  et  l'Allemand  la  sienne,  éfc.j 
de  même  celui  qui  a  uneéme  ce     te,  aime  à  s'entretenir  d 
du  ciel;  et  celui  qui  aime  U  terre,  aime  à  parler  des  choses  de  la 

t       

l.  le. nu.  i»  des  fruits  qui  to  obentde  sa  houcho,  disontles 

•quisqtte  replebitur  (xti.  M).  La 
:  e  Le  li       : 
rtdundai  malts  (xv.  28).  Et  cela,  parce  que  leur  cœur 


mit  ta  bouche,  dit  Job  :  Docûtt  inû- 
jw*  insensés  est  dan*  leur  bou- 

leur  cœur,  dit  i  Ecclésiastîi        : 

/■    "  /  de  snpientum  os  Marina  (xxi.  2'J). 

Jements  au  loin,  que  produit-il? 
[uels  en  sont  les  effets?  Les  grands 


LANGUE.  3 

parleurs  ressemblent  au  tonnerre  et  à  la  tempête;  ils  font  du  lirait 
et  sont  dangereux. 

t,  futuus,   dérive  de  fari,  parler;  ce  qui  veut  dire  que  ceux 
qui  parient  beaucoup  et  sans  prudence  sont  des  insensés 

Tljyéoi   ite,  entendant  parler  Anaximène,  disait  :  Il  n'a  qu'une 
le  de  bon  sens,  et  c'est  un  fleuve  tie  paroles  :  Incipit  verborwn 
flumcn,  mentis  gutta  (  Ita  Stobœus,  serm.  xxxiv  ). 

L'insensé  ne  sait  pas  se  taire ,  dit  Solon  :  Stultus  silere  nequit  (  Its 
Mobœus). 

L'eau  resserrée  par  une  digue  s'élève  ,  dit  saint  Grégoire  :  l'âme 
qui  s'isole  du  monde  est  ravie  jusqu'aux  régions  célestes;  mais  si 
.^utilement  de  choses  indignes  d'elle,  eUe  s'affaiblit. 
Autant  elle  s'éloigne  par  des  paroles  inutiles  de  la  salutaire  disci- 
pline du  silence,  autant  elle  s'échappe  comme  en  petits  ruisseaux. 
Âussine peut-elle  plus  rentier  en  elle-même  et  avoir  connaissance  ci e 
son  état  :  par  le  bavardage  elle  s'est  répandue  et  a  perdu  la  force  de 
méditer.  Voilà  pourquoi  il  est  écrit  :  L'homme  qui  ne  peut  empùcher 
son  àme  de  s'épancher  en  paroles  est  comme  une  ville  ouvert 
sans  murs  (Prov.  xxv.  28).  Lorsqu'elle  n'est  pas  protégée  par  le 
mur  du  silence,  lame  est  ouverte  aux  attaques  de  l'ennemi.  Par  ses 
paroles  elle  se  met  à  découvert,  elle  s'expose  aux  coups  de  gèn 
adversaire,  et  celui-ci  la  terrasse  avec  d'autant  moins  de  peine  que  par 
la  multitude  de  ses  paroles  elle  a  contribué  à  sa  défaite  et  s'est  frap- 
pée elle-même  (1). 

Un  ancien  appelait  l'homme  qui  ne  sait  pas  contenir  sa  langue . 
une  étable  sans  porte  :  Stabulum  sinejanua  (  In  vit.  Patr.  ). 

Ceux  qui  laissent  leurs  sens  se  dépraver  sont  légers,  dit  Sautai 
Grégoire ,  et  prompts  à  laisser  échapper  une  multitude  de  paroles  : 
Pravi  sensu  levés  sunt ,  m  iocutùmé  prœcipites  (  Lib.  Y  Moral.,  c.  xt  ). 
Us  ne  s'entretiennent  que  de  choses  vaines,  dit  le  Psalmiste  :  Varia 
locutisunt  (xi. 3). 


(1)  Sicut  detenta  aqr.a  sursum  eievatur,  sic  bumana  mens  nrcumclusa  ad  - 
riora couigitur ;  et  relaxata  dépérit,  qurc  se  per  infîma  inutili'er  spargit.  Qu*t 
jiAucuis  verfois  a  silenta  saua  censura  disMputur  ,  qua^  lot  nvis  extra  se  d 
citur;  unde  et  redire  interius  ad  sui  cognitionem  uon  sufficit ,  quia  per  multiloquïum 
exteri;  .  vim  intimée  consi  i    :plum  est  :  Sicuf'urbs 

patène  inurorum  ambil:,  ita  vir  qui  non  pote«t  in  Ioquendo  cohibere  spiritum  suum. 
•ntii  non  habet,  patet  inimici  jaculis  civitas  mentis.  Eienim 
se  per  verba  extra  semi  tipsam  ejioil  ,  npertam  n  !  ;  quam  fanto  ille 

Bine  I  .it,  quanto  nœe  eadem  quee  vincitur,  coi.ua  s.inctipsam  per  jnulti- 

loquium  pugnat  [Ad  Monit.,  c.  xv). 


4  LANGrE. 

ours  de  L'insensé  précipiteront  sa  ruine,  dit  l'Ecelésiaste  : 
ipieniis  prœcipitabunt  eum  (x.  42).  L'insensé  parle  dune 

manière  insipide  ,  immodeste  .  arrogante  ,  imprudente L'insensé 

multiplie  iUTB  :  Stultus  verba  mi'ltiplicat  (  Eccli.  x.  U  ). 

-onores;  ceux  qui  ont  peu 
grande  par  leurs  :  Sk-ut  vasculainania  maxime  tinniunt; 
itn  ,j  i  imum  ituet  merû  « ,   Aï  sunt  loquacissimi  (  Ita  Laertius , 

II). 

b&tiraentfl  dont  aucune  porte  ne  protège  l'entrée  ne  sont  d'au- 

lit  Plutarque;  mais  plus  inutile  encore  est  la  bouche 

qui  ne  Bail  pas  se  fermer  :  Siatt  œdiumostio  carentium  nulla  est  utili- 

l'dto  magis  oris  claustro  carentis  nrdlus  est  usus  (Lib.  de  Gar- 

rulit.). 

I      .-,,■•]  parleur  est  semblable  à  un  étranger  qui ,  n'ayant  ni  feu 

ni  lieu  .  erre  par  -  et  des  régions  inconnues;  il  se  trompe 

iniii,  prend  des  sentiers  obliques  qui  l 'éloignent  de 

a  qu'il  devrait  suivre,  et  le  conduisent  à  travers  les  rochers 

ices.   L'imprudent  parle  beaucoup  de  ce  qu'il  ignore 

el  .1  qui  lui  sont  étrangères;  il  va  d'erreur  en  erreur;  il 

le  la  \<  rite,  du  droit  et  de  l'honnêteté;  il  tombe  dans  le 

ian\  .  il  |  détours  .   il  se  livre  aux  conversations  honteusas 

etdég       ml  B,ildevie  t  insipide,  et  surtout  inutile 

:i  cheval  sans  frein  qu'à  celui  qui  parle 
Elément,  dit  Théophraste  :  Magis  fldendumest 
cqun  e/freno,  qvam  verbo  incomposito  (Ita  Laertius, lib.  VII,  c.  v). 
pe  à  flots  de  la  bouche  des  insensés,  disent 
erbes  :  Os  fatuorum  eèullit  stultitiam  (xv.  2). 
Le  bavardage,  'lit  un  aui  ur,  <-st  une  preuve  de  folie;  c'est  I 
.i.  ut  du  mensonge;  il  con  luit  aux  paroles  malséantes  et  vaines, 
ii  ni   la   médisance,  «'teint  le  repentir,  fait  naître  la 
pe  la  dévotion  ,  rend  la  prière  difficile ,  refroidit  la  fer- 
empèche   la  paix  de  s'établir,  et  détruit  toiite 

ai  eé  pi  lus  les  discours?  disent  les 

y  a  pli.  rer  d'un  insensé  que  de  lui  :  t 

■  ui  m  Lodpiealis ,  minister  raendacii ,  mannductur 
i  .  mis,  t 'l'.i'litor 

orationis,  ri  alorii  et  fervoris. 

«  rectitodiou  (HeoriciHarpii,  lib.  I  in  tant., 

p.  Il,  c.  1 


LANGUE.  5 

homînem  velocem  ad  loquendv.m?  Stultitia  magis  speranda  est,  quam 
tllius  correptio  (xxix.  20  ). 

Le?  lèvres  des  imprudents  prononceront  des  paroles  insensées ,  dit 
l'Ecckviastique  :  Labia  imprudentium stulta  narrabunt  (xxi.  28). 

Il  d' sait  des  choses  vaines ,  son  cœur  s'est  rempli  d'iniquités,  dit  le      Celui  qm 

Psalmiste  :   Varia  loquebatur,   cor  ejus   congregavit  iniquitatem  sibi      ben 

.        _ .  commet 

(XL.  t  ).  beaucoup  de 

La  multitude  des  paroles  n'est  jamais  sans  péchés,  disent  les  Pru-       peç*"*- 
verbes  :  In  multiloquio  non  deerit  peccatum  (x.  19).  Par  cette  multi- 
tude de  paroles  il  faut  entendra  les  paroles  oiseuses ,  vaines  et 
inutiles. 

Oh!  s'écrie  saint  Bernard,  que  cette  sentence  est  vraie,  qu'il  est 
impossible  de  parler  beaucoup  sans  pécher!  Quam  ver  a  sententia, 
fratres ,  in  mufti  fnquio  non  effugiendum  peccatum!  (Serai,  de  Tri  pi. 
custod.  ) 

L'abondance  des  paroles  est  une  passion  qui  possède  tout  entier 
l'homme  dont  elle  s'est  emparée  ;  elle  lui  fait  dire  plus  qu'il  ne  faut, 
elle  le  rend  prodigue  de  discours  ;  poussé  par  le  désir  de  parler  ,  il 
tombe  facilement  dans  le  péché;  car  lorsque  la  langue  est  sans 
cesse  en  mouvement ,  la  mémoire  est  exposée  à  l'erreur  ;  on  mêle 
aisément  le  faux  au  vrai ,  ce  qui  nuit  à  ce  qui  est  utile ,  les  choses 
vaines  aux  choses  nécessaires.  Au  milieu  du  flux  des  paroles  ,  il  est 
difficile  et  même  impossible  d'user  de  la  prudence  et  de  la  circons- 
pection requises.  C'est  pourquoi  les  grands  parleurs  se  lancent  dans 
une  foule  d'imprudences,  ils  offensent  les  autres,  emploient  la 
médisance  et  les  railleries,  ne  se  refusent  point  aux  occasions  de  faire 
un  affront,  d'exciter  la  haine  et  de  commettre  l'injustice 

Si ,  dit  saint  Ambroise,  nous  avons  cédé  à  la  tentation  de  dire  une 
parole  imprudente,  fermons  du  moins  la  porte  de  notre  cœur,  afin 
que  le  péché  n'y  entre  pas.  Ecoutez  comment  le  péché  entre  dans  lo 
cœur:  Celui  qui  parle  beaucoup,  dit  l'Ecriture  sainte,  n'échappa 
pas  au  péché;  les  paroles  sont  sorties  à  flots,  le  péché  est  entré; 
parce  que  lorsqu'on  parle  beaucoup  on  ne  pèse  pas  ses  paroles,  mais 
on  les  laisse  tomber  imprudemment.  Ainsi,  l'on  offense  Dieu  plus 
ou  moins  grièvement,  quoique  excéder  la  mesure  en  parlant  ne  soit 
en  soi  un  péché  grave  (1). 

^1)  Nos  auteni  elaudamus  ostium,  ne  cuipa  iiitret  si  lapsus  exient.  Audi  quo- 
modo  intret  culpa  :  Ex  multiloquio,  inquit.  non  effugies  peccatum  Exivit  multilo- 
quiiim,  peccatum  inivavit;  quia  in  multiloquio  nequaquam  qui  oxit  sermo.  trntinatur; 


h  «m  bontenx 
et  od 


Ce''  trié  trop  .  <>n  ftme ,  dit  l'Ecriture  :  ()w  mttfffc 

trti7>?  let   animam  suam  (Eccli.  xx.  8).    En  effet.  \o  en 

courir,  on  tombe  dans  la  superfluité, 
on  va  de  rutile  au  nuisible,  delà  douceur  à  la  trop  grande  sévél 
de  Lâchante  à  la  médisance...;  2°  on  se  livre  à  l'imprévoyance...; 
3'ondivi  te  mille  choses  qui  souillent  l'âme;  on 

ire...;  \°  on  perd  son  temps  et  on  le  fait 

'âme  s'expose  aux  blessures  de  l'ennemi, 

en  garde,  et  qu'elle  se  trouve  désarmée...; 

'ion 

Ai  unbroise  dorme-t-il  ce  sage  avertissement  :  Liez  votre 

.anguc,  de  crainte  qu'elle  ne  se  livre  à  des  excès,  qu'elle  ne  profère 

es  et  qu'elle  ne  vous  charge  de  péchés.  Contenez 

la,  i  rrôter.  Un  fleuve  qui  déborde  ramasse  la  boue  (1). 

LAlangi  ensé  mène promptement à  la  confusion,  disent 

kstulti  confuswni proximum  est  (x.  iA).  Les  grande 

pari  pour  être  des  hommes  vains,  légers,  menteurs. 

médisants,  etc.;  ce  qui  leur  est  une  honte  et  une  confusion.  Ils  ont 

une  mauvaise  réputation 

11  '  :^  et  »ide,  dit  Plutarque ,   es  bavards  ne  sont  remplis- 

que  de  paroles  ;  Us  n'écoutent  personne ,  et  personne  ne  les  écouté  : 

parler  bettaooupesf  "dieux,  dangereux  et  ridicule  :  Garrull,  mente 

mit,  neque  audiuntur  :  garrulitas  odlosa  est, 

vtrk  ridicule  (  I  irrulit.). 

;t  '"li»u\  p;ir  l'intempérance  de  ses  parohs,  ,hi 
I  I  Le  :  Bit  odibilis  qui  procax  est  ad  loquendum  (XX.  5). 

LatwiH'nre    0":  nul  d'entre  nous,  dit  saint  Bernard,  ne  méprise  le  temps,  ce 

n  consume  en  paroles  oisi 
astundon  que  l'hommea  reçu,  les  jours  qui  lui 
<1'";  dut.  La  parole  s'échappe  et  m 

I,ln  :  lantces 

àéb  voii  pas  ce  qu'il  perd.   '  ,  dit- 

'  "  ■  '  heure.  Pour  faire  pa 

'  bitur,  Uoet  ultra  ip  un  memniram  loquî,  grande  necratura  non  m 

.    .  ix). 

tarariet,  ne  luciviat,  et  miiHlloq       • 

1 
'  i-'i'  •  et  Abel ,  c  ii). 


1ANGTJE.  T 

heure ,  pour  faire  passer  le  temps  !  L'heure  que  la  miséricorde  du 

teur  vous  accorde  pour  faire  pénitence,  pour  obtenir  le  pardon 

de  vos  péchés ,  pour  acquérir  la  grâce >  pour  mériter  la  gloire!  Le 

temps  qui  vous  est  donné  pour  vous  rendre  propice  la  bonté  divine, 

mériter  d'entrer  dans  la  société  des  anges,  pour  désirer  de 

recouvrer  l'héritage  que  vous  avez  perdu ,  pour  aspirer  au  bonheur 

qui  vous  a  été  promis ,  pour  ranimer  votre  volonté  défaillante,  pour 

t  les  fautes  dont  vous  vous  êtes  rendu  coupable!...  (1) 

Méditons  aveo  attention  ces  paroles  frappantes  de  vérité 

C^ui  qui  ne  retient  pas  sa  langue,  surtout  dans  un  moment  de      Désordre^ 
colère,  ne  sera  iamais  victorieux  des  passions  de  la  chair,  dit  «  ravages  que 

0  '  cause  la  mat;— 

richillS  (  Vit.  Patr.  ).  vaise  langue. 

L'incontinence  de  la  langue  est  Ja  source  de  toutes  iesHiscard 
dit  saint  Grégoire  :  Par  linguœ  incontinent  iam  discordiœ  origo  (Lib.  "V 
Moral.  ). 

La  langue  est  un  petit  membre ,  dit  l'apôtre  saint  Jacques ,  et  elle 
fait  de  grandes  choses.  Voyez  combien  il  faut  peu  de  feu  pour 
embraser  une  grande  forêt  :  Lingua  modicum  quidemmembnmi  est,  ei 
magna  exaltât  :  ecce  quantus  ignis  quant  magnam  sylvam  incenditf 
(  in.  5.)  La  langue  est  aussi  un  feu  ;  elle  est  un  monde  de  maux.  La 
langue  n'est  qu'un  de  nos  membres,  et  elle  souille  tout  le  corps. 
Enflammée  par  l'enfer,  elle  enflamme  le  cercle  que  parcourt  notre 
vie.  Toute  nature  de  bêtes  sauvages  et  d'oiseaux,  de  reptiles  et  d'ani- 
maux marins  est  domptable  et  a  été  domptée  par  la  nature  de 
l'homme;  mais  nul  homme  ne  peut  dompter  la  langue ,  mal  iiifjuiël 
plein  d'un  venin  mortel.  Par  elle  nous  bénissons  Dieu  notre  Père  ; 
par  elle  nous  maudissons  les  hommes  qui  ont  été  faits  à  l'image  de 
.  De  la  même  bouche  sortent  la  bénédiction  et  la  malédiction.  Il 
n'en  d  re  ainsi  (  Id.  m.  6-10  ). 

Lahngue,  dit  saint  Grégoire  de  Nazianze,  est  petite,  mais  sa  force 


(i)  Nemo  nostrum  parvi  ;'jstimet  tempes  quod  in  verbis  consumitur  oti< 

■  est,  et  dies  salutis.  Volât  verbum  irrevocabile.  volai  terapus 

:s  quod  aniittat.  Libet  confabulari,  aiiint,  donec 

0  donec  pra'tereat  hora,  o  donec  pertranseat  lempus!  Donec  hora 

ndam  pœtiitentiam,  ad  obtine 

m  promerendam,  miseratio  conditoris  indulget!  Donec  iran- 

■'.: 

issam  iniqi  erm,  de  fr 


8  LANGUE. 

surmonte  tout  :  Lingva  quidem  pc:~<o.  est ,  at  viribus  omnia  vincit  { In 

Disfi.  li.). 

La  langue,  «lit  saint  Bernard,  estime  petite  partie  de  nous-mêmes, 
mais  si  vous  n'y  faites  pas  attention,  elle  lait  beaucoup  de  mal:  elle 
rie,  elle  mord  par  la  médisance,  elle  tue  parle 
mensonge.  Elle  lie,  et  on  ne  peut  la  lier;  elle  se  glisse  comme  l'an- 
.  elle  pé  être  comme  la  flèche;  elle  détruit  l'amitié,  elle 
multiplie  li  B  ei  D  mis,  elle  excite  les  disputes,  elle  sème  la  discorde; 
d'un  seul-coup  elle  Trappe  et  tue  beaucoup  d'hommes;  elle  est  cares- 
sante et  trompeuse,  toujours  prête  à  faire  le  mal  (1). 

.  continue  saint  Bernard:  Une  parole  est  quelque  choso 

de  lég  i  ;  à  la  vérité,  une  parole  est  quelque  chose  de  léger,  puis- 

e  vole  avec  vitesse,  mais  elle  blesse  grièvement;  elle  passe  comme 

une  flèche,  mais  elle  brûle  cruellement;  elle  pénètre  facilement  dans 

laine,  mais  elle  en  sort  difficilement ;  on  la  laisse  tomber  légèrement, 

mai-  il  est  presque  impossible  de  la  reprendre.  Elle  circule  facile- 

ir  cela  qu'elle  a  Lole  si  aisément  la  charité  (2). 

te  démon,  dit  saint  Chrysostome ,  a  l'habitude  de  nous  tendre 

des  embûches  de  toutes  parts;  mais  il  le  fait  plus  facilement  à  l'aide 

d'une  langue  main  aise  et  d'une  bouche  médisante;  aucun  organe  ne 

le  sert  aussi  bien  pour  tuer  l'âme  et  faire  commettre  le  péché  (3). 

Pour  couper  et  abattre  plus  facilement  le  bois,  le  bûcheron  pré- 
pare et  aiguise  sa  hache;  de  même  les  démons,  ces  ouvriers  de  l'en- 
fer, préparent,  aiguisent,  trempent  eux-mêmes  la  langue  méchante, 
animée  par  la  Fureur  et  la  haine,  alin  d'abattre,  de  renverser,  de 
détruire  les  vertus  des  hommes,  de  décrier  leurs  mœurs,  de  leur 
enlever  l'honneur,  a  réputation,  la  vie  même.  Elle  déchire  et  met 
imbeaiu  le  proefa  ii .  suscite  les  haines,  les  procès,  pousse  à  la 
rapine,  à  L'injustice,  à  La  vengeance,  au  carnage ,  bouleverse  les 
lies,  les  provinces,  les  royaumes.  La  langue  mauvaise  est  un 

(l)LfflglM  tnodiciim  Mt  membrum,  Kd,  nisi  caveas,  nia^num  malum  :  lingit 
adiiiamlo,  mordet  detrabendo,  occidii  menlicndo;  ligat  el  ligari  dod  potcsl;  labitur 
ntanguilla,  pénétrai  atngiUa;  lollit  araicos,  muiliplicat  inimicos,  movet  riias, 
séminal  di«ordiai,unoictumnlli    percurit  et  interheit  ;   blanda  est,  clsubJola 
parafa  ad  a  et  cordis). 

'  liciraui  :  Lotis  rc<:  sermo;  \^<>\-  q  -  srmo,  quia  leviter  volât ,  sed  pra- 

iterexurit;  icvilcr  pénétrai  animuni,  sed  non 
le>ilcr  exil;   profertur  lei  i  ur;  facile  volaL  alque  idej 

facik-  fiols  ■.  ). 

(3;  [Indiquent  asuevit,  sed   facilius  lingaaet  ora 

pcccai.ic  :  nnllum  en  ira  œqua  congraum  iiii  organum  in  ministeriiim  e>t  interiiuq 
aique  peccati  fi 


LANGUE.  9 

monde  Je  maux  ,  comme  le  dit  saint  Jacrpies  :  Universitas  iniqidtatis 
(ni.  G).  Nul  homme  ne  peut  la  dompter;  c'est  un  mal  inquiet, 
plein  d'un  venin  mortel  :  Linguam  autem  nullus  hominum  domare 
potcst  :  inquietum  malwn,plena  veneno  mortifero  (Id.  ni.  8). 

L'homme,  dit  saint  Augustin,  dompte  les  bêtes  féroces ,  et  ne 
dompte  pas  la  langue  ;  il  dompte  le  lion,  et  ne  réprime  pas  l'envie 
de  parler  ;  il  dompte  les  autres  hommes ,  et  il  ne  se  dompte  pas  lui- 
même;  il  se  rend  maître  de  ce  qu'il  redoutait,  et  il  ne  craint  pas  ce 
qu'il  devrait  redouter  afin  de  se  dompter.  Instruisez-vous  par  la 
manière  dont  nous  soumettons  les  bêtes  sauvages  :  le  cheval  ne  se 
dompte  pas  lui-même,  le  lion  ne  se  dompte  pas  lui-même  ;  l'homme 
non  plus.  Pour  dompter  le  cheval ,  le  lion ,  il  laut  l'homme  ;  et  pour 
dompter  l'homme ,  il  faut  Dieu  (1). 

L'homme  ne  se  dompte  pas  par  les  forces  de  la  nature,  mais  par 

celles  de  la  grâce Témoin  Saul Remarquez  que  l'apôtre  saint 

Jacques  énumère  douze  maux,  douze  désordres  et  ravages  que 
cause  la  langue  imprudente  et  mauvaise  :  1°  elle  est  semblable  à  un 
cheval  indompté;  2°  elle  soulève  des  tempêtes;  3°  c'est  une  étincelle 
qui  forme  un  vaste  incendie;  4°  elle  est  un  monde  d'iniquité;  5°  elle 
souille  le  corps;  6°  elle  désole  tout  le  cours  de  la  vie;  7°  elle  puise 
son  ardeur  au  feu  de  l'enfer;  8°  elle  est  plus  indomptable  que  les 
bêtes  féroces ,  et  personne  ne  peut  la  maîtriser  ;  9°  c'est  un  mal 
inquiet  qui  ne  cesse  d'agir;  10°  elle  est  pleine  d'un  venin  mortel; 
i  1°  elle  maudit  le  prochain;  12°  elle  est  une  fontaine  d'où  découle 
une  eau  amère 

De  sa  bouche  sortait  une  épée  à  deux  tranchants ,  dit  l'Apocalypse  : 
De  ore  ejus gladius ,  utraque  parte  acutus ,  exibat  (i.  16).  La  mauvaise 
langue  tue  celui  qui  s'en  sert  et  ceux  qu'elle  attaque. 

Leur  gosier ,  dit  le  Prophète  royal ,  est  un  sépulcre  ouvert ,  leur 
langue  distille  le  mensonge,  et  le  venin  de  l'aspic  est  sur  leurs  lèvres. 
Leur  bouche  est  pleine  de  malédictions,  de  paroles  amères  et  trom- 
peuses; leur  langue  fait  naître  l'angoisse  et  la  douleur  (2). 


(1)  Homo  domat  feram,  non  domat  linguam;  domat  îeonem,  et  non  reframffhser- 
monem;  domat  ipse,  et  non  domat  seipsum.  Domat  quod  timebat;  et  utsedomet, 
p.on  limet  quod  timere  debebat.  Attendite  similitudinem  ab  ipsis  bestiis  quas  doma- 
mus  :  equus  non  se  domat,  leo  non  se  domat,  et  sic  homo  non  se  domat.  Sed  ut 
dominctur  equus ,  leo,  quœrilur  homo  ;  ergo  Deus  quœratur  ut  dometur  homo 
(Senn.  iv  de  verbis  Domini  in  Mattk.). 

(2)  Sepulcrum  patens  est  guttur  eorum  ,  linguis  suis  dolose  agebant;  venemi!:i 
aspidum  sub  labiis  corum.  Quorum  os  malcdictione  et  aoiaritudine  plénum  r-1  e{ 

igua  eius  labpr  et  dojor  [%WU  v 


tO  LA*GTT5? 

Ils  ont  wt.W  l'iniquité  dans  leur  cœur  :  Cor  ejui  congrcgavît  iniqui  j 
tatem  sibi  (  Psal.  XL.  7  ). 

Tranquillement  a??is ,  tu  parlais  ennire  t^n  frère;  tu  couvrais 
d'opprobre  le  fils  de  ta  mère  :  Sedcns  advenus  fratrem  tuum  loqueba- 
ris;  et  advenus  filium  matrit  tuœ  ponebas  scandaîum  (Psal.  xlix.  80). 
Tu  as  rassasié  ta  bouche  de  malice ,  et  ta  langue  a  préparé  la  fraude  : 
Os  tuum  abuadnvit  malitia ,  et  lingua  tua  concinnàbat  dolos  (  ! 
mi  .  19  .  Voilà  ce  que  tu  as  fait,  dit  le  Seigneur,  et  je  me  suis  tu! 
Ton  iniquité  m'a  jugé  semblable  à  toi  ;  je  t'accuserai,  je  te  ferai  voir 
ta  laideur.  Comprend* eela,  à  langue  infernale ,  qui  oublies  le  Sei- 
gneur (  Psal.  xlix.  21.  22). 

Pourquoi  f  -tu  tle  ta  méchanceté,  toi  qui  n'es  puissant 

que  dans  le  crime  ?  Quid  gloriaris  in  malitia,  qui  potens  es  in  iniqui- 
tate?  (Psal.  li.  .'l.  )  Ta  tangue  prépare  tous  les  jours  l'injustice; 
un  rasoir  tranchant  qu'aiguise  la  fraude  :  Tota  die  injustittam  cogi- 
luvit  lingua  tua,  sicut  novacula  acuta  fecisti  do/um  (ïbid.  li.  4).  Tu  as 
préféré  le  mal  au  bien,  le  langage  de  l'iniquité  aux  paroles  de  la 
justice  ;  tu  n'a  [ue  les  paroles  de  ruine,  les  paroles  d 

UoO  :  l>  itiam  super  benignitatem  ;  iniquitatem  magis  quam 

lofuiaq  ,    /'       iêti  omnia  verba  prœcipitationis ,  lingua  dnlosa 

(  ïbid.  1 1.  '■>.  6  ).  Mais  le  Tout~Puissant  te  détruira  pour  toujours  ;  il 
tViilr\n;i  et  t'arrachera  de  ta  demeure,  il  te  déracinera  de  la  terre 
des  vivants  :  >'■  'met  te  in  fînem  :  evcllet  te  et  emigi  a* 

bit  te  de  (ubcrnaculo,  et  radieem  tuam  de  h  •  îum  (ïbid.  Ll.  7). 

I  .  ur  langue,  dit  encore  le  Prophète  royal,  est  un  glaive  aigu: 
Limjun  fnrum  Qladiusaeuhti  (lvi.O).  Mais  la  bouche  de  l'iniquité 
fermée  à  ja-ii,! is:  OUtnutum  est  os  loqvcntnnn  in iqua  (Psal.  LOT. 

Ils  ont  aiguisé  leui  somme  un  glaive;  ils  ont  tendu  comme  un 

arc  e  ae  amère,  afinde  percer  de  leurs  flèches  l'innocent  dans 

lesténèl  f  §iadnan  lingua»  suas  ;  intenderunt  «. 

rem  omeram,  ut  sagittent  in  sccuitis  immaculatum  (Psal.  LOTI, 
paroles  des  aé  liante  on!  prévalu  sur  moi;  ils  ont  parlé  contre  moi  et 
m'ont  tourné  en  ridicule  (Psal.  lxtv.  î.  —  lxvhi.  13).  Ilsont  conçu 
l'iniquité  dans  leur  pensée  et  se  sont  répandus  en  calomnie;  ils 
parlé  contre  le  Très-Haut;  ils  ont  opposé  leur  i  I,  et 

leur  langue  a  pari 

iniquitatem  in  exe*  Isa  l  u  in  cœlum  ns  suum,  et  lin- 

gua eorum  i  (Psal.  lxxii.  8.  9  ). 

«fasques  iK.;  à  quand 

les  imj  ies  ti  iomp  -  !  i  quand  se  vé\  mdront-ils  ea 


t^NGUB.  H 

discours  criminels  et  injustes?  Ils  foulent  aux  pieds  votre  peuple, 
Seigneur,  ils  désolent  votre  héritage-  Ils  égorgent  la  veuve  et  l'étran- 
ger ,  ils  ont  mis  à  mort  l'orphelin  (  xcm.  3.  5.  6  ). 

Les  flèches  de  la  mauvaise  langue  sont  aiguës;  elles  dévorent 
comme  la  flamme  (  Psal.  cix.  4  ).  Us  ont  aiguisé  leur  langue  comme 
celle  du  serpent ,  leurs  lèvres  distillent  le  venin  de  l'aspic  :  Acuerunt 
lingv.as  suas  sicut  serpentis ;  venemnn  aspidum  sub  Labiis  eorum  (Psal. 
cxxxix.  3). 

La  langue  du  serpent  se  divise  en  trois  dards;  voira*pourquoi  le  pro- 
phète compare  lalangue  du  méchant  à  celle  du  serpent.  La  langue  du 
méchant  porte  en  effet  trois  dards ,  l'un  qui  est  dirigé  contre  Dieu, 
l'autre  contre  le  prochain,  et  le  troisième  contre  lui-même 

Lalangue  maudite  est  un  fléau  public;  elle  trouble  tout;  elle 
caresse  le  vice,  excite  les  passions ,  répand  le  scandale  à  flot;  elle 
remplit  la  société  d'erreurs  et  d'épouvante 

Où  les  paroles  perverses  abondent,  là  se  trouve  l'indigence, 
disent  les  Proverbes  :  Ubiverba  sunt  plurima,  ibiegestas  (xiy.  23). 
La  langue  qui  ne  sait  pas  se  modérer ,  blesse  l'âme  :  Lingna  quœ 
immodej'ata  est ,  contant  spiritum  (Prov.  xv.  4).  Elle  donne  souvent 
la  mort  à  Famé,  et  quelquefois  au  corps,  par  la  médisance  et  la 
calomnie  qu'elle  répand,  par  les  procès,  les  colères,  les  disputes 
qu'elle  fait  naître,  et  par  les  meurtres  qu'elle  amène.  Elle  est  un  prin- 
cipe de  chagrins,  d'angoisses,  de  désespoir,  de  pertes  considéra- 
bles, etc 

L'homme  qui  a  une  mauvaise  langue,  se  frappe,  se  blesse,  se. 
tue  lui-même.  Celui  qui  ne  peut  pas  contenir  sa  langue,  est  un 
homme  emporté,  orgueilleux,  jaloux,  avide,  luxurieux  ,  curieux, 
avare 

La  langue  de  vipère  tue,  dit  Job  :  Occidet  eum  lingua  viperœ 
(xx.  16). 

Si  quelqu'un,  dit  l'apôtre  saint  Jacques,  croit  être  religieux,  ne       Avoir li 

.  ,  langue  inau- 

reprenant  point  sa  langue,  mais  séduisant  son  propre  cœur,  sa    vaiseestuné 

religion  est  vaine  :  Si  quis  putat  se  religiosum   esse ,  non  refrœnans  Un-  J^,"^. 

quamsuam.  sed  seducensco)*  suum,  Iwjusvana  est  reliqio  (i.  26).  Ceiui     'rament  .ic 
.  J  "  religion. 

qui  ne  met  pas  un  frein  à  sa  langue,  n'honore  ni  ne  sert  Dieu;  il 

coûte  pas Ilnad'amour  ni  pour  Dieu,  ni  pour  le  prochain,. 

■ur  lui-même 

.ment  celui  qui  ne  sait  pas  gouverner  sa  langue,  gouverne- 
rai t-ii  ses  yeux,  ses  oreilles,  ses  mains,  ses  pieds,  son  cœur,  son 


12  LANGUE. 

âme,  son  esprit?  Tout  est  en  désordre  chez  lui;  et  ce  désordre 
détruit  la  piété 

Enchaînez  v<  nie,  «lit  saint  Bernard,  si  vous  voulez   être 

un  bon  chrétien  ;  car  sans  cette  retenue  de  la  langue,  la  religion  est 
vaine.  Les  hommes  spirituels  qui  ont  éprouvé  cette  vérifé,  savent 
combien  Le  bavardage  affaiblit  la  dévotion  et  combien  il  amène  de 
dérèglement  dans  l'intérieur.  Comme  une  fournaise  toujours  ouverte 
ne  peut  retenir  sa  chaleur;  ainsi  le  cœur  voit  disparaître  la  grâce  de 
la  ferveur,  lorsque  la  bouche  uest  pas  fermée  par  la  porte  du 
silence  (1). 

La  bouche  de  l'insensé  est  sa  perte  ;  et  ses  lèvres  sont  la  ruine  de 
Bon  âme,  disent  les  Proverbes:  Os  stulti  coniritio  ejus;  et  labia 
ipsius ,  ruina  animée  ejta  (xvut.  7). 

Une  mauvaise  parole  pervertira  le  cœur,  dit  l'Ecclésiastique  :  Ver- 
lum  ne'quam  immutabit  cor  (xxxvn.  21  );  et  un  cœur  perverti  a  pe«du 
■i  piété  et  la  religion 

il  est  défendu  Que  d^  votre  bouche  ne  sorte  aucun  discours  mauvais,  dit  saint 
' -;i ïair'ueT  ^au^  aux  Éphésiens  :  Oinnis  sermo  malus  ex  ore  vestro  non  procédât 
(iv.  29).  Que  la  fornication  et  toute  impureté,  ou  l'avarice,  ne  soient 
pas  même  nommée.-  parmi  vous,  comme  il  sied  aux  saints  :  Omit» 
immunditia  j  aut  awtritia j  nec  nominetur  in  vobis ,  sicut  decet  sanctot 
(Ephes.  v.3).  Point  de  turpitudes,  de  folles  paroles,  de  bouffonneries, 
qui  ne  conviennent  point  :  que  nul  ne  vous  séduise  par  des  paroles 
vaines  :  .1"/  turpitudo,  aut  stultiloqtdum ,  aut  scurrilitas,  quœ  ad  rein 
nonpert  icat  inanibu» verbis  (Ephes.  v. 4-6). 

vous  laisses  point  séduire  :  Les  entretiens  mauvais  corrompent 
innés  mœurs,  dit  ce  grand  apôtre  aux  Corinthiens  :  Nolite 
seduci  :  cotYwnpunt  mores  bonne  colloqw'a  mala  (I.  XV.  33). 

On  n  toujours  Ji  nie  suis  repenti  souvent  d'avoir  parlé,  et  jamais  de  mètre  tu.  dit 
'Y,0     Simonidt  -  :  Locttiumto  ■■  sape  mepœnituit,  tacuisse  nunquam  (  Anton. 

d\m>ir  mal       jn  Mrli-S.  I.  «  '.liaeilli  |  il  s'appli  (lier  CO.i  te  Sentence 

Il  i  ue    impossible,   en  effet,    que  dans  le.-   entretiens 

1)  Rctiga linguam  tuain.  li  e'.igiosus;  qu<a  sine  linguœ  re!igatione,reiigio 

lest.  Sciuot  hominet  spiriluales,  qui  boc  expert!  sunt,  quantum  auferal  deVotio- 

quanlum   aOerat  dissolu  ntrinsecus,    rnequens    linguœ  resolutio.   Nam 

sii-ut  forçai ,  cujus  os  umper  tpertum  est .  i potesl  in  se  reiinere  rervorem;  sic , 

or,  devotionii  in  se  grattant  poti  il  cooservare,  cujus  os  non  fucrit  janua  silentii 
ii  ■  lu>Min  (  Tract,  de  Passion.,  c.  XXYll). 


LANGUE.  13 

fréquents  et  prolongés,  il  n'y  ait  rien  qui  blesse,  ou.  la  charité,  ou  le 
désintéressement,  ou  la  pureté,  ou  la  vérité,  etc 

ÀrrACHARSK,  interrogé  sur  ce  qu'il  v  avait  de  plus  mauvais  chns    Kiendepius 
'  .     °  *  mauvais   |uc 

l'homme,  répondit  :  C'est  la  langue  (tta  Laertius,  c.  i).  la  i 

La  langue,  qui  est  un  membre  si  petit,  est  un  grand  mal,  dit  saie* 
Bernard  (  Serm.  de  Custodia  linguœ  ,etc.  ). 

La  bouche  des  méchants  recèle  l'iniquité,  disent  les  Proverbes: 
Os  impiorum  operit  iniquitatem  (  x.  11  ).  La  langue  est  un  mai  inquiet, 
plein  d'un  venin  mortel,  dit  l'apôtre  saint  Jacques  (m.  8). 

La  bouche  de  l'impie  est  un  cloaque  plein  de  boue  et  d'eau  empoi- 
sonnée  Elle  ressemble  au  lac  au  fond  duquel  Sodome  et  ses  crimes 

sont  ensevelis Le  cœur  de  l'impie  est  si  rempli  d'iniquité  qu'elle 

déborde  par  la  langue.  C'est  le  cratère  du  Vésuve  et  de  l'Etna,  par 
lequel  s'échappe  le  feu  brûlant  des  passions ,  dont  le  cœur  est  le 
foyer 

Ecoutez  J.  C.  :  Jo  vous  dis  qu'au  iour  du  ius-ement  les  hommes       utiacim 

.      .  -i       •  ,.,  ,.  rendra  compte 

rendront  compte  de  toute  parole  oiseuse  qu'ils  auront  dite;  car  vous  de  ses  paroles, 
serez  justifiés  par  vos  paroles  et  condamnés  par  elles  (1). 

Si,  dit  saint  Bernard,  si  une  parole  est  qualifiée  d'oiseuse,  parce 
qu'on  n'a  pas  de  motif  raisonnable  de  la  prononcer,  quel  ter- 
rible compte  n'y  aura-t-il  pas  à  rendre  d'une  parole  contraire  à  la 
raison,  d'une  parole  qui  la  blesse  ou  la  déshonore  ?  (2) 

Quel  terrible  compte  devra  rendre  une  langue  médisante,  calom- 
niatrice, impure,  scandaleuse;  une  langue  qui  profère  des  blas- 
phèmes, des  imprécations,  des  malédictions?... 

L'homme  qui  abuse  de  sa  langue ,  ne  s'affermira  pas  sur  la  terre,  dit    Châtiait  nts 
le  Psalmiste;  le  mal  l'investira  au  moment  de  la  mort  :  Vir  linguosus    resiangUe 
non  dirigetur  in  terra;  mala  copient  eum  in  interitu  (cxxxix.  42).  perverse 

L'insensé  sera  flagellé  par  ses  paroles,  disent  les  Proverbes  :  Stul- 
tus  labiis  verberabitur  (x.  40).  Il  sera  puni  pendant  sa  vie,  à  la  mort, 
Ct  dans  l'éternité.  Dieu  le  condamnera Il  sera  châtié  par  ceux 

(1  Dico  vobis,  quoniam  oranc  verbum  otiosum,  quod  locuti  fuerint  homines,  red- 
ûe:)t  rationem  de  eo  in  die  juclicii.  Ex  verbis  euini  tuis  justificaberis,  et  ci  verbis  tuis 
COndemnaberis  (Matth.  xn.  36.  37). 

(2)  Si  propterea  est  otiosum  verbum,  quod  nullam  rationabilem  causam  l.uheat; 
quam  rationem  de  eo  reddere  poterimus  ,  quod  est  prseter  rationem?  (Herm.de 
ÇuAtod.ia  lut'juœ,  etc.  ) 


H  langui:. 

ju'ii  a  blessée, 'tniif&gé$ L'homme  qui  fait  servir  sa  langue  à  l'ini- 
quité, prépare  des  douleurs  et  des  supplices  tant  à  lui  qu'aux  autres. 
Il  déchire  et  il  est  déchire'.  11  est  détesté  de  Dieu  et  des  hommes ,  ce 
qui  est  le  plus  redoutable  des  châtiments 

La  ruine  s'empresse  de  joindre  le  pervers,  à  cause  des  péchés  que 
ses  lèvres  ont  commis ,  disent  les  Proverbes  :  Profité*  pcccata  labio- 
rtan,  ruina  proximat  malo  (xn.  13).  Il  perd  la  paix  du  cœur,  la 
grâce  de  Dieu;  il  condamne  son  âme  à  être  éternellement  malheu- 
reuse. Quel  Châtiment! 

Saint  Chrysostome  enseigne  qu'Adam  et  Eve  furent  chassés  du 
oara  lis  terrestre,  parce  qu'ils  ne  veillèrent  pas  assez  sur  leur  Jan- 
jue  ;  mai-  s'entretinrent  atvec  le  serpent  (ffomil.  adBaptîs".). 

I  lui  qui  ne  veille  pas  sur  sa  langue  et  qui  la  souille,  attire  sur  lui 
nille  châtiments  :  *°  Le  remords  de  la  conscience...;  2°  le  regret 
l'avoir  dit  quelque  parole  imprudente  ou  nuisible...;  3° le  chagrin 
d'avoir  l'ait  naître  des  inimitiés,  des  procès,  des  querelles  ;  flêé 

inces,des  injustices...;  4°  la  douleur  d'avoir  mérité  la  prison 
ou  l'infamie...  ;  5°  Y  obligation  de  rendre  au  prochain  la  réputation 
qu'il  lui  a  enlevée  injustement...;  G0  la  nécessité  de  réparer  les  i 
mages  ca  les  médisances,  les  calomnies,  les  mauvais  coi; 

qu'il  s'est  permis,  etc..  ;  7 ■•  la  vengeance  de  Dieu...;  8°  la  perspec- 
tive dujugeoMBl  et.  de  la  damnation. 

Tous  ces  châtiments  sont  autant  de  traiN  brûlants  qui  le  percent,* 
le  déchirent*  ic  Eoviaretfi 

On  doit  fnir     (Ve  nul  ne  vous  séduise  i  ttv  1  ^  paroles  y*hje9  .  dit  M*rrf  p-^l  ;  car 
langues.       pour  ces  choses  vient  la  colère  de  Dteu  sur  les  iils  de  la  désobéis- 
sance. N'ayez  donc  point  de  commer        ec  eux  :  Nemo  vos  seducai 

inani/ms  verbis;  paropéer  hoc  enim  venit  ira  Dei  in  fiiios  dijfideniiœ. 
Nolite  ergo  c/Jîci  participes  eorura  (Ephes.  v.  6.  7). 

Seigneur,  s'écrie  le  RofeProphète,  délivrez  mon  ;ime  des^vre* 
iniques  et  de  la  langue  trompeuse  :  Domine,  Libéra  animât»,  memn  a 
labiis  iniquis,  et  a  lutgua    olosa  (  exix.  2  ). 

Rien  de       Nous  avons  vu  les  maux  que  cause  la  langue,  lorsqu'on  en  fait  un 
"a'iangne™    main  ai  ;   il   faut  VO«  aus^i  les  liions  inlims  dont  elle  est 

fi" "un  bon    '''  Pm,riPe>  lorsqu'on  s'en  sert  selon  Dieu,  la  saine  raîson  et  la 
usaze.       conscience. 

La  bouche  du  anal  de  la  vie,  disent  les  Proverbes' 

Venuvtiœ  osjusti  (x.  11  }.  La  langue  du  juste  è  '  le  canal  de  Ja  vie, 


rr< 


LANGUE.  15 

qu'elle  n'est  employée  qu'à  dire  des  choses  utiles,  fécondes,  qu 
attirent  sur  ceux  qui  Fécoutent  la  vie  de  la  grâce 

La  langue  du  juste  ressemble  à  l'argent  épuré,  disent  encore  les 
Proverbes  :  Argentum  electum  linguajusti  (x.  20). 

On  peut  établir   cinq  affinités  entre  l'argent  et  la  langue  du 
juste.  L'argent  sans  alliage  a  pour    qualités  :  la  blancheur,  la 
v ,  la  solidité  et  la  pureté  ;  il  rend  un  son  agréable.  La  langui 
prudente  et  pure  possède  toutes  ces  qualités 

Considérez,  dit  saint  Chrysostome,  que  la  langue  est  un  instru- 
ment avec  lequel  nous  prions  Dieu,  nous  le  bénissons,  nous  lui  par- 
lons. C'est  le  membre  par  lequel  nous  recevons  le  respectable  ei- 
très-vénérable  sacrement  de  l'eucharistie  (1).  C'est  par  la  langue  puis- 
sante du  prêtre  sacriiicateur  que  J.  C.  descend  sur  L'autel.  La  iangus 
des  apôtres  a  éclairé,  converti  et  sauvé  l'univers  païen.  La  langue 
âes  justes  a  sauvé  le  monde  dans  tous  les  siècles.  La  langue  est  m: 
médiateur  entre  Dieu  et  les  hommes;  elle  établit  la  paix  sur  la  terre; 
elle  unit  les  hommes  entre  eux  par  la  charité.  C'est  elle  qui  remplit 
les  cœurs  de  la  grâce  et  de  la  douceur  divines.  C'est  pourquoi  une 
ie  sage ,  pieuse  et  persuasive  est  un  immense  don  de  Dieu.  Le 
principe  qui  rend  une  langue  pure  et  zélée  ,  est  l'amour  de  Dieu  e! 
du  prochain,  né  de  la  grâce  intérieure  {In  Psal.  cxl). 

La  langue  loue  Dieu,  le  bénit  ;  elle  chante  ses  louanges  ;  elle  élèv- 
l'homme  à  Dieu 

Si  quelqu'un,  dit  i'apôtio  iamt  Jacques ',  ne  faillit  point  en  paroles ,  Avantages  que 
celui-là  est  un  homme  parfait ,  et  il  peut  conduire  tout  son  corps  boa  usage  d= 
avec  le  frein  :  Si  guis  in  verbo  non  offendit,  hic  perfectus  est  vir  ;  potest  ° 

etiam  frœno  circumducere  totum  corpus (m.  2.  )  Comme  celui  qui 

met  un  frein  au  cheval  le  conduit  et  le  mène  où  il  veut;  de  même 
celui  qui  sait  retenir  sa  langue,  sait  maîtriser  ses  concupiscences , 

ses  passions,  ses  vices 11  est  doux,  bon,  modeste,  obéissant 

Celui  qui  garde  sa  bouche,  préserve  son  âme ,  disent  les  Pro- 
verbes :  Qui  custodit  os  suum,custodit  animam  suam  (xni.  3).  Il  pré- 
serve son  âme  :  1°  de  la  tiédeur...;  2°  d'une  multitude  de  péchés 
qui  se  commettent  parla  langue...;  3°  de  beaucoup  de  chagrins,  et 
son  corps  des  dangers  fruits  de  l'inimitié  et  de  la  haine...;  4°  il  lp 
préserve  des  remords 

(1)  Cogita  hoc  esse  membrum  per  quod  cum  Deo  loquimur.  Hoe  est  membrum, 
per  quod  imprimis  reverendum  et  surama  veneratione  dignum  sacrificium  suscipi- 
mus  {In  Psalm.  cxl). 


46  LANGUE. 

La  langue  sage  et  douce  est  un  remède  efficace;  c'est  l'arbre  de 
vie  ,  disent  les  Proverbes  :  Lingua  placabilis,  lignwn  vUœ  (xv.  A).  La 
langue  sage  et  douce  produit  des  fruits  qui  ont  quelque  rapport  avec 
ceux  de  l'arbre  de  vie  :  I  Elle  conserve  et  prolonge  la  santé  tant  de 
l'âme  que  du  corps;  car  elle  préserve  des  commotions,  des  colères , 
[uerelles,  «les  lattes.  2°  Elle  conserve  l'homme  dans  une  paix, 

tme  sérénité,  une  joie  constantes 3°  Elle  tempère  et  règle  toutes 

puissances  de  l'homme,  ses  sens,  ses  affections 4°  Elle  tempère  et 

guérit  les  douleurs  et  les  chagrins  du  prochain.  L'arbre  de  vie  gué- 
ri—ut toutes  les  altérations  du  corps  :  la  langue  sage  et  douce  calme 
ceux  qu'emporte  la  colère;  elle  concilie  les  ennemis,  unit  les 
jaloux,  rend  humbles  les  orgueilleux,  encourage  les  timides,  ete 

Celui  qui  garde  sa  bouche  et  sa  langue,  préserve  son  âme  des 
angoisses,  disent  les  Proverbes:  Qui  custodit  os  suum  et  linguam 
tuam,  custodit  ab  angustiis  animam  suam  (xxi.  23).  11  préserve  son 
aine  de  mille  ennemis,  de  l'inimitié,  de  l'injustice,  de  la  tentation 
de  nuire,  de  la  colère  de  Dieu,  de  l'enfer.  11  est  chéri  du  ciel  et  de 
la  terre, il  vit  heureux,  il  meurt  delà  mort  des  justes,  il  assure 
son  salut,  il  orne  sa  couronne  pour  l'éternité 

Celui  qui  hait  les  longs  discours,  étouffe  le  mal,  dit  l'Ecclésias- 
tique :  Qui  odit  loquacitatenij  exstinguit  malitiam  (xix.  5).  Celui  qui 
use  sagement  de  sa  langue,  se  rend  aimable:  Su^iens  in  verbis 
eeipswn  amabilem  facit  (Ibil.xx.  13). 

il  but  faire  Ayez  soin  de  vous  conduire  dans  vos  discours  d'une  manière  digue 
inî  boa  ''''  l'Evangile,  'lit  saint  Paul  :  Digne  Evangelio  Christi  conversamini 
Mtge,        (Philipp.  i.  -27  . 

L'abbé  Pambon  disait  en  mourant:  Jusqu'à  cette  heure,  je  n'ai 
pas  à  m  repentir  d'un  seul  mot  que  j'aie  dit  :  Non  pœnitet  me  scr- 
monis  alicujus,  quem  locutus  sum  usgue  ad  hanc  horam  (  [ta  Pàlla  1.  in 
Ili  t.  L'ius.yC.  x). 

Evit<  z  Les  pan  1  is  ridicules  et  vaines,  dit  saint  Paul  à  Timothée  : 
Jneplas  auie  nias  devita  (I.  iv.  7). 

Ayez  uneconvei  -  ifiante,  'lit  l'apôtre  saintPierre:  Convcr- 

sationom  >>onam  (Lu.  J2).  Soyez  saints  dans  tous  vos  entre- 

:     't  ip$i  in  omni  ennversatione  sanctisitis  (I.  î.  ri). 

1  prononcées  à  propos  sont  des  pommes  d'or  dans  un 

vase  d'à;.    i i l  ,  d  •  .  Xiv.  Il  J. 


LANGUE.  4*7 

Que  toutes  vos  paroles  ,  dit  saint  Paul  aux  Colnsdpns .  soient  assai-    il  faut  user 
,  de  prudence 

sonnées  du  sel  de  la  grâce ,  de  sorte  que  vous  sacmez  comment  vous       dans  ses 
devez  répondre  à  chacun   :  Sermo  vester  semper  in  gratta  sale  sit       paroles. 
conditus ,    ut    sclatis   quomodo    oporteat   vos   unicuique    responders 
(Goloss.  iv.  6). 

Le  sel  rend  les  aliments  savoureux,  dit  saint  Anselme,  et  la  viande. 
salée  ne  se  corrompt  ni  n'exhale  de  mauvaise  odeur;  qu'il  en  soit 
ainsi  de  votre  langage,  qu'il  devienne  pour  ceux  qui  vous  écoutent 
un  aliment  plein  de  saveur.  Que  le  défaut  de  sagesse  ne  le  rende  pas 
insipide,  ni  les  révélations  de  l'impureté  nauséabond,  ni  le  mélange 
du  mensonge  un  principe  de  corruption:  mais  que  le  sel  de  la 
sagesse  de  l'âme  l'assaisonne  toujours,  nue  la  vérité  le  rende  incor- 
ruptible et  qu'il  s'en  exhale  une  odeur  céleste  de  grâce  divine  (1). 

Si  vous  manquez  de  l'huile  de  la  sagesse,  dit  saint  Chrysostome, 
ou  si  vous  ne  fermez  pas  les  portes  et  les  fenêtres  de  votre  cœur,  la 
vie  de  votre  âme  s'éteindra  comme  s'éteint  une  lampe  qui  manque 
d'huile,  ou  qui  reçoit  un  coup  de  vent  :  Spiritus  œque  ac  lucerna  exstin- 
guitur,  si  aut  olei  parura  habueris  ,  aut  foramen  non  obiuraveris  ,  veï 
ostium  non  occl useris  (  Homil.  xi  in  I  ad  Thess.  ).  Les  fenêtres  du 
cœur  sont  les  yeux  et  les  oreilles;  la  bouche  en  est  la  porte 

Quelqu'un,  ajoute  ce  docteur ,  vous  a-t-il  insulté?  quelqu'un  vous 
a-t-il  déchiré  ?  n'ouvrez  pas  la  bouche  ;  car  autrement,  vous  augmen- 
terez vous-même  la  tempête.  Voyez  un  appartement.  Si  deux  portes 
opposées  sont  ouvertes  et  qu'un  violent  courant  d'air  s'établisse,  vous 
vous  hâtez  d'en  fermer  un'e ,  et  vous  réduisez  ainsi  le  souffle  du  vent 
à  l'impuissance.  Lorsque  vous  vous  trouvez  en  présence  d'un  homme 
irrité ,  il  y  a  aussi  deux  portes  qui  se  font  vis-à-vis,  sa  bouche  et  la 
vôtre (2) 

Retouchez  deux  fois  vos  paroles  avant  de  les  confier  à  votre  langue, 
dit  saint  Bernard.  La  réflexion  purifie  l'âme,  gouverne  les  sentiments. 


(1)  Sicutcibus  cui  sal  immiscetur  lit  sapnius,  et  caro  bene  salita,  r.onputrescit,nec 
fœtet  ;  ita  sit  et  sermo  vester,  et  quasi  eibus  sapidus  recipiatur  ab  ore  cordis  audien- 
tium;  non  sit  insipidus  per  insipientiara ,  nec  putidus  per  admonitionem  camalis 
deleclationis-,  nec  corruptus  per  admixtionem  ialsitalis  :  sed  semper  sale  spiritualis 
sapientiie  conditus,  et  integritate  veritatis  incorruptus,  atque  ouorein  cœlestis  et  in- 
corruptibilis  deleclationis  spirans  [In  Monolog.). 

(2)  Convicialns  est  quisquam?  \ituperavit?  tu  Claude  os  tuum;  si  enim  illud  ope- 
rueris,  concitabis  magis  venlum  hune.  Nunc  \ides  in  mdibus  ,  quando  directe  daœ 
januac  oppositae  sunt,  et  llatus  vehemens  irruerit  ;  si  alteram  clauseris,  nibil  valeat 
effkere  flatus;  ita  et  hic  duœ  suut  januae  ,  os  tuum  et  os  illius  (Homil.  n  inl  ad 
Thés*.  ). 

m.  $ 


18  LANGUE. 

dirige  lés  actions ,  corrif  Le  les  mœurs,  ordonne  la 

teiisë  (i). 

On  l'ait  l'aire  une  quarantaine  aux  vaisseaux Faisons-en  faire 

une  aussi  à  noir 

Il  n'y  a  que  ■  qui  parle  ,  parce  qu'il  est  doué  de  raison ', 

ison 

Nous  o  protégée  par  c!ù- 

a  nous  e  à  parler  | 

... 

ger,  dit  igustin, 

choi-  arlez  par  t 

•langue-  .siccligen  iris: 

rièusloqu  vocibus  (InPsal.  li). 

La  i  ;  il  faut  la  retenir  à  laide  do  la 

et  de  la  |  

rd'accommod  erses  paroles  a  lu  temps, 

[icur  que  son  langage 

lent I  •  ries  uns,,  à  déchirer  les  au  tttèr, 

à  dissimtdi  r ,  à  L^ompefj  à  mentir,  à  raconter  des  cli"  ..-s  et 

:  la  prudence  l'ait  éviter  tous  iuts.  Le  Prophète 

•i      :        -  i  sa  i  t- 

il,  nu  tu..  ma  bouche,  et  une  po^Pde  circonspection  a 

mes  lèi  M'-  :  Porte,  i    mit  e,  •  ••       inm  ori  meo,  et  ostium  tifehnutnttifm 
labiis  m 

•lit  la  chose  la  plus  difficile  pour 
iiiic'.'  Il  répondit  :  secret  :   Silere  tacentla 

(Apud  Stobœum). 

discours,  dit  saint  Ambroise,  qu'il  les 

sérieux, 
L'expressi  ni  tJaforim  able  :  Ad  mensi  monet 

sit  gravitas  in  sensu,  m  aermone 
^  (Lib.  i  Ofiic,  c.  ni). 

'est  pas  i  ouverte,  ni 

Le,  qui  est)  ■  nuire  c 

li.it  être  ouverte  quand  la  ■    et  l'utilité  l'exigent,  mais  elle 


(1)  ^  nel  a>l  lingaam.  i  o  mériterai 

punii  at,  ic^'it  aficctus.  dirigit  actu  exceisus,      ipoi  il  .-•i^iu^Hiam  hoacsia. 

et  oïdiiiat 


LANGUE.'  19 

soigneusement  fermée  aux  paroles  mauvaises  qui  viennent 
tudes  d'un  cœur  corrompu  (1). 

Ecoutez  le  Prophète  royal  :  J'ai  dit  :  Je  veillerai  sur  mes  voies 

pour  ne  pas  pécher  dans  mes  paroles;  j'ai  mis  un  frein  à  ma  bouche 

impie  s'élevait  contre  moi  :  Dixi  :  Custodiam  vias  meas  ut 

nondelinquam  in  lingua  mea.   Posui  ori  meo  custodiam, cum  consisierci 

peccator  advcrsum  me  (xxxvnr.  2). 

Ne  parler  pas  au  hasard,  ditl'Ecclésiaste;  que  votre  cœur  ne  prê- 
tes discours  ;  que  vos  paroles  soient  en  petit  nombre  :  Ne 
re  quid  loquaris ,  neque  cor  tuum  sit  velox  ad  proferendum  sermo- 
nem  ;  sint  pauci  sermones  tui  (  v.  1  ). 

En  général,  dit  saint  Chrysostome,  toutes  nos  paroles  doivent 
tendre  à  une  fin  honnête,  utile,  raisonnable  :  Gêner atimomnia  verba 
tendere debent ad  finem honestum,  utilem,  rationabilem  (In Psal.xxx vin). 
L'homme,  ayant  la  raison,  doit  parler  sensément.  Il  faut  que 
toute  parole  puisse  être  rapportée  à  Dieu.  La  langue  a  été  donnée 
pour  prier  et  louer  Dieu,  pour  servir  le  prochain  et  se  sanctifier 
soi-même 

Où  les  paroles  abondent ,  le  péché  se  rencontre ,  disent  les  Pro- 
verbes; mais  celui  qui  modère  ses  lèvres,  est  très-prudent  :  In 
multiloquio  non  deerit  peccatum  ;  qui  autem  moderatur  labia  sua ,  pru- 
aentissimus  est  (x.  19  ). 

L'Esprit-Saint  inculque  fréquemment  la  nécessité  de  veiller  sur  la 
langue.  Elle  doit  être  gardée  avec  au  moins  autant  de  soin  qu'une 
ville  assiégée:  comme  une  forteresse  est  défendue  par  des  soldats, 
désarmes,  des  remparts,  des  tours,  la  langue  a  reçu  de  Dieu  puiir 
défense  le  palais,  les  dents  et  les  lèvres.  Et  comme  il  y  a,  nuit  et 
jour,  des  sentinelles  aux  portes  d'une  place  de  guerre  et  sur  les  rem- 
parts, afin  d'observer  i'ennemi  et  de  protéger  la  ville,  ainsi,  iaut-il 
que  l'intelligence  et  la  raison  se  tiennent  en  sentinelles  vigilanus  à 
Ja  porte  de  la  bouche,  pour  qu'il  n'en  sorte  ou  n'y  entre  rien  qui 
puisse  nuire  à  l'homme.  Et  comme  le  palais  goûte,  et  les  dents  tri- 
turent les  aliments  avant  que  l'estomac  les  reçoive,  ainsi  toutes  les 
paroles  doivent  être  goûtées,   examinées,  triturées  avant  quïl  soit 

permis  à  la  langue  ùe  se  mettre  en  mouvement 

Avant  de  parler,  l'homme  prudent,  dit  saint  Ambroise,  considère 


(1)  Ostium  nonsemper  patet,  nec  5em>;er  cînudiîur;  sic  os  nostrum,  qnod  est  ostiura 

i,  verbis  prudenlib'us  et  utilibus  est  in  temporc  reserSuadum  :  pravis  vero 

ilis  moribus  cordis  surgunt,  jugiler  est  claudcudum  [De  Passion. 

.,  C.   XiVl). 


20  T.ANGPE. 

plusieurs  ehoses  :  ce  qu'il  «lira,  à  qui  il  le  dira,  en  quel  lieu  et  en 
ipsil  le  dira  :  Sapieris,  ut  loquatur ,  multa  prius  considérât, 
t,  aut  cui  dicat,  qui  in  loco,  quo  tempore  (Lib.  I  de  Offic,  c.  x). 
Les  lèvres  de?  imprudents  prononceront  de?  discours  insensés,  dit 
I  xnais  les  is  sages  seront  pesées  dans  des 

in  xmprudentium  stulta  narrabunt;  verba  autem  pruden- 
iium  statera  ponderabuntur  (  xxi.  28  ).  Qui  donnera  une  sentinelle  à 
nia  bouche ,  dit  encore  l'Ecclésiastique,  qui  mettra  un  sceau  invio- 
lable sur  mes  lèvres,  afin  que  par  elles  je  ne  tombe  pas,  et  que  ma 
...  ne  cause  j  te?  Quis  dabit  ori  meo  custodiam ,  et  super 

■  signaculum  certum,  M  non  cadam  ab  ipsis,  et  lingua  meaperdat 

me?  (zzn.33.) 

Heureux  celui  qui  peut  dire  avec  Job  :  Vous  ne  trouverez  pas 
l'iniquité  sur  ma  langue  :  Non  invenietis  in  lingua  mea  iniguitatem 
(vi.  30);  et  avec  le  prophète  Jérémie  :  Seigneur,  les  paroles  qui 
'  sorties  de  ma  bouebe  ont  été  trouvées  par  vous  pleines  de 
àroi  à  egresmm  de  labiis  meis,  rectum  in  conspeciu  tuo  fuit 

(xvu.  10). 

ji  tant  rran-  On  demandait  à  Démosthene  pourquoi  l'homme,  qui  avait  deux 
,.;       oreilles,  n'avait  qu'une  langue*— Parce  que,  répondifr-il ,  l'iiomme 
doit  écouter  deux  fois  avanl  de  parler  une  seule:  Quoniam  duplo 
mugis  audire  hominis  expedit,  quam  loqui  (ItaStobœus). 

Que  chacun  de  vous ,  dit  L'apôtre  saint  Jacques,  soit  prompt  à 
écouter,  et  Lent  à  parlai  :  SU  autem,  omnis  komo  velox  adaudi<>iulumy 
tardas  autem  ad  loqvendvm  (  i.  19). 

\  i.i  une  sentence  célèbre  de  Sénèque  :  Tacere  quisquis  nescit ,  hic 
nescit  loqui  :  Celui  qui  ne  sait  pas  se  taire,  ne  sait  pas  parler  (  In 
Prov.  ). 

ton  dit  an  ;.!r>nro  no  nuit  à  personne,   mais  parler  peut 

nuire  :  Nulli  tacuisse  nocet,  nocet  esse  locutum  (  lta  Laertius ,  lib.  \  II, 
ci). 

L'homme,  dit  Epaminondn- .  doit  être  désireux  d'entendre  plutôt 
que  de  parler;  parce  que  de  L'audition  vient  la  science,  et  de  la 
loquacité  Le  repentir:  llninn  débet  esse  cupidus  audiendi  poilus  quam 
loquendi;  quia  ex  audiendo  ducL  ina .  ex  loquacitate pœnitentia  îuuciiur 
{ Lta  Maximu 

Dieu  a  par!-  J.  C.  a  parlé  peu...;  la  sainte  Vierge  n'a 


!•-    euxann  gloire  da  Dieu;  cependant,  ils  garant  la 


LANGUE.  21 

silence L'univers  entier  carde  le  silence Il  n'y  a  que  les  tem- 
pêtes et  le  tonnerre  qui  parlent  et  qui  parlent  très-haut;  que  produit 
leur  bruit?... 

Langue  vient  du  verbe  lier ,  lingua  a  ligando 

Que  les  œuvres  parlent  et  non  la  langue,  dit  saint  Augustin: 
Openbus  loquantur ,  non  vocibus  (Serm.  xxxn  inEvang.  Luc.  ). 

Rien  ne  gouverne  mieux  la  langue  que  le  silence.  Voulez-vous, 
apprendre  à  parler ,  taisez-vous  ;  et  durant  votre  silence ,  pensez  à 
ce  qu'il  faut  dire,  et  comment  il  le  faut  dire.  Ecoutez,  examinez ,  et 
taisez-vous,  si  vous  voulez  vivre  en  paix 

Saint  Arsène  reçut  de  la  bouche  même  d'un  ange  la  leçon  que 
voici  :  Arsène ,  fuis,  garde  le  silence ,  sois  en  paix  ;  voilà  les  prin- 
cipes et  le  chemin  du  salut  :  Arseni,  fuge,  tace,  quiesce  :  hœc  sunt 
principia  salutis  (In  vit.  Patr.  ). 

L'abbé  Agathon  se  tint  pendant  trois  ans  une  pierre  dans  la  bou- 
che, afin  que  cette  gène  lui  apprit  à  garderie  silence  (  In  vit.  Patr.). 

J'ai  gardé  le  silence,  dit  le  Psalmiste  :  Obmutui  (xxxviti.  3). 

Parlez  très-peu,  ditl'Ecelésiaste  :  Sint  pauci  sermones  tui  (  v.  1  ). 

Je  me  suis  souvent  repenti  d'avoir  parlé,  et  jamais  d'avoir  gardé 
le  silence,  dit  Simonides  :  Locutum  esse  sœpe  nie  pœnituit;  tacuisss 
nunquam  (  Ita  Maximus  ). 

L'abondance  des  paroles  renferme  beaucoup  d'erreurs,  mais  le 
silence  en  est  exempt,  dit  Apollonius  :  Loquacitas  muitos  habet 
errores ,  silentium  autem  tutum  est  (  ïta  Laertius  ). 

Gardez  le  silence,  dit  saint  Dorothée;  car  l'abondance  des  paroles 
étouffe  dans  le  cœur  les  bonnes  et  célestes  pensées  (  Doctrin.  xxrv  de 
Compunct.  ). 

Un  fourneau  conserve  sa  chaleur  tant  que  la  porte  est  fermée;  de 
même  le  cœur  conserve  l'amour  de  Dieu  lorsque  la  touche  ne  s'ouvre 
pas  trop  souvent. 

Il  est  nécessaire,  dit  saint  Chrysostome ,  de  garder  le  silence  pour 
recouvrer  la  félicité  céleste  qu'Adam  perdit  en  parlant  :  Custodiam 
linguce  esse  necessariam,ut  felicitatem  paradisi ,  quam  loquendo  perdidit 
Adam,  quoad  licet  recuperemus  (Homil.  adBaptizandos). 

Veillez  sur  la  clôture  de  votre  bouche,  dit  le  prophète  Michée  ; 
Custoaï  claustra  oris  tui  (vil.  5). 

ÏLfaut,  1°  peser  ses  paroles...;  2°  parler  peu,  et  dire  toujours  de       Autres 

,  ■  ,  „ ça     -     moyens  pour 

bonnes  choses...  ;  3°  examiner  souvent  sa  conscience...;  U    otmr  a  bien  se  servir 

Dieu,  le  matin,  les  paroles  de  la  journée..... 


52  LiWE. 

On  pu.'  '  langue  dans  le  feu  de  l'oraison 

e;  il  vient  du  Saint-Esprit; 

purifie  le  la  langue  des  justes,  qui  les  gouverne,  les 

iGn  qu'ils  ue  disent  rien  que  de  vrai,  d'utile,  d'édifiant, 

-  î  1 1 1 

Quelle  es!  la  clôture  de  la  langue  ?  c'est  la  raison,  la  loi  de  TJieu, 

•  et  la  charité 

beaucoup  d'aliments  dont  on  ne  peut  user  ?ans  les  relever 
du  ?r|,  t}'\  le  vénérable  Bède;  ainsi  les  vertus  ne  s  rventde 
rien  lors  [u'<  lies  nesi  ai  pas  accompagnées  de  la  charité  Prov.).  Mair 
la  charité  sans  la  sagesse  et  la  prudence  d  :  la  langue?... 


LAUMES. 


!  vos  misères,  dit Tapôtre  saint  Jacques,  et  flrémfclefc,  et  Motifs 

chrél 
pleurea;  que  votre  rire  se  change  en  deuil,  et  votre  joie  en  ^e 

tristesse  :  Misèri  estote,  et  liante ,  et  plorotc  :  risus  vester  in       l»"açs. 

n  convertatur,  et  gaudium  in  mœrorem  (iv.  0).  Et  maintenant, 

,  hurlant  dans  les  piis-res  qui  viendront  sur  ï  i 

richoïses  sont  tombées  en  pourriture,  et  lester?  ont  mar-p^  vos 

vêtements.  Votre  or  et  votre  argent  se  sont  couverts  de  rouille  .  et 

cette  rouille  rendra  témoignage  contre  vous ,  et  dévorera  v 

comme  le  feu.  Vous  avez  thésaurisé  la  colère  pour  vos  derniers 

jours  (Jacob,  v.  1-2), 

.  En  effet,  dit  saint  Augustin  ,  la  région  de6  morts  est  la 

q  des  scandales ,  des  tentations  et  de  maux.  Gémis- 

ici-bas,  pour  mériter  de  no;  au  ciel  :  v. s  sur  la 

(erre  ,  les  consolations  dans  le  ciel.  Dans  la  région  :1s.  c'est 

le  travail,  la  douleur,  la  crainte,  la  tribulation,  tes  gémissements, 

les  soupirs  (1). 

tei-bas,  nous  sommes  nourris  du  pain  des  larmes  et  abreuvés  de  la 

ooupe  des  pleurs,  dit  le  Psalmiste  :  Cibabis  nos  pane  lacrymarum,  et 

dabis  nos  in  i  a  rnensura  (lxxix.  6  ). 

L'homme,  dit  saint  Grégoire,  sait  quelle  doit  être 

ie  son  âme,  lorsque  enflammé  des  désirs  de  l'éternelle  patri 

im\,  en  versant  des  larmes,  la  peine  de  son  voyage  :  H\ 

mimœ  amaritudinem  scit,  cum  œternœ patriœ  desideriis  acccnsa,  perc- 

grinationis  suœ pœnam  flendo  cognoscit  (Pastoral.  ). 

Ecoutez  J.  G.  :  En  vérité,  en  vérité  je  vous  le  dis  :  von  -  -rez 

?t  vous  gémirez,  et  le  monde  se  réjouira;  vous  serez  dans  la  ;     - 

se  changera  en  joie  :  Amen,  a, 

cobit.  is  et  flebitis  vos,  raundus  av.tem  gaudebit  ;  v 

jontristabiminij  sed   tristitia    vestra  vertetur    in  gaudium  (Joami. 

xvi.  20). 

(1)  Utique  recrio  ista  scamlalorum  est,  et  tentationum  ,  et  omnium  rm^nim;   m 
npereamur  - 
morlu  lolor,   tiiuor  ,  tribulatio  ,    geraitas,    suspirium    [In 

S.  Jucob.  ). 


54  LA.RMEG. 

Pleurez  sur  le  mort,  parce  qu'il  a  perdu  la  lumière,  dit  l'Ecclé- 
siastique; pleurez  sur  l'insensé,  parce  qu'il  a  perdu  la  raison. 
Cependant,  pleurez  peu  sur  le  mort,  parce  qu'il  est  entré  dans 
le  repos.  La  a  ie  criminelle  du  méchant  est  pire  que  la  mort  de  l'in- 
sensé. Le  deuil  de  la  mort  dure  quelques  jours;  mais  on  doit 
pleurer  sur  l'insensé  et  sur  le  nichant  tous  les  jours  de  leur  vie. 

(im.  10-13). 

Qui  donnera  de  l'eau  à  ma  tête  et  à  mes  yeux  une  source  de 
larmes ,  s'écrie  Jérémie ,  et  je  pleurerai  nuit  et  jour  les  morts  de  la 
iille  de  mon  peuple?  Quis  dabit  capiti  meo  aquam,  et  oculis  meis  fort- 
iem  lacrijmarum  ?  et  plorabo  die  ac  nocte  interfectos  filiœ  popuii  mei 
(ix.  1).  Je  pleurerai  mes  péchés  et  ceux  que  les  autres  ont  commis; 
je  pleurerai  la  mort  spirituelle  des  pécheurs 

Qui  donnera,  s'écrie  saint  Bernard,  qui  donnera  de  l'eau  à  ma 
tête  et  à  nus  yeux  une  source  de  larmes,  pour  prévenir  par  mes 
pleurs  lee  pleurs  et  Les  grincements  de  dents  éternels,  et  les  liens  qui 
attacheront  les  mains  et  les  pieds  du  réprouvé,  et  le  poids  des  chaînes 
qui  pu  .-seront,  comprimeront  et  brûleront  sans  détruire  (I). 

Je  suis  bien  résolu,  ajoute  ce  grand  saint,  de  ne  jamais  rire  jus- 
qu'à ce  que  j'entende  ces  paroles  sortir  de  la  bouche  de  Dieu  :  Venez, 
les  bénis  de  mon  Père  ;  et  de  ne  jamais  cesser  de  pleurer,  jusqu'à 
ce  que  je  sois  à  l'abri  de  cette  sentence  :  Retirez -vous  de  moi, 
maudits  >-  , 

En  considérant  lea  déceptions,  les  peines,  les  misères  et  les  afflic- 
tions de  la  rie,  les  sueurs,  les  travaux,  les  dangers,  les  maladies,  les 
souffrances  qu'elle  doit  supporter,  la  mort  qui  en  est  le  terme,  la 
pourritur  vers  du  tombeau,  l'incertitude  du  salut,  il  est 

impossible  de  ne  pas  verser  des  larmes  fréquentes,  abondantes  et 
•mères 

M. os  quand  on  considère  les  dangers  que  court  notre  salut, 
nos  Qombri  tu  et  cruels  ennemis,  nos  faiblesses,  nos  concupis- 
cences, les  tentations  auxquelles  nous  sommes  sujets,  nos  pas- 
"'"-.  Im  ii  •.'       i\  péchés  que  chacun  de  nous  commet, et  les 


(1)  Quis  dtbit  capiti  meo  aquam  .  et  oculis  mais  fontem  lucr jmarum ,  iitpiwve- 
-îi.mi  Qetibui  Qetum,  et  ilridorem  dentium,  et  manuum  pedumque  dura  rincula,  et 
p.. h, lus  cateuarua  prementiam ,  itriogeatium,  urentium  ,  aec  consumentium ? 
{Serin,  xvi  in  Cun.'.  ) 

(2)  Firmum  est  mibi  propositum  nunquam  ridendi  ,  quoosque  atidiam  ct  ore  Dci 
BkTerba:  Venite,  I  nedicti;  ooque  a  fletu  Ici  stom,  donec  liber  sim  ah  iila  s<»n- 
teutia  :  Discedilc  a  me  maled 


IARMES.  25 

péchés  des  autres,  le  peu  de  vertus  que  nous  pratiquons,  le  peu  de 
.  de  foi,  d'espérance,  d'amour,  d'Lum il ité ,  de  patience,  de 
pureté,  de  mortiiication,  de  zèle  que  nous  avons,  le  jugement  qui 
nous  attend  et  l'enfer  dont  nous  sommes  menacés,  il  est  impossible 
de  ne  pas  verser  un  torrent  de  larmes 

Jésus-Christ  pleurait  souvent ,  il  ne  riait  iamais ,J-  c . 

*  "  et  le*  «n>nt!i 

A  force  de  gémir,  dit  le  Prophète  royal ,  mes  os  se  sont  attachas      nous  ont 
à  ma  peau  :  A  voce  gemitus  mei,  adhœsit  os  meum  carni  meœ  (  ci.  6  ).  leur  exemple 
Je  mêlais  ma  boisson  avec  mes  larmes  :  Potum  meum  cum  fletu  misce-    à  ^erser  des 

'  larmes. 

bain  (Psal.  ci.  10).  Je  me  suis  fatigué  dans  mes  gémissements; 
ma  couche,  toutes  les  nuits,  sera  baignée  de  mes  pleurs;  mon 
lit  sera  arrosé  de  mes  larmes  :  Laboravi  in  gemitu  meo;  lavabo  per 
singulas  noctes  lectum  meum;  lacrymis  meis  stratum  meum  rigabo 
(Psal.  vi.  G  ).  Jour  et  nuit,  les  larmes  ont  été  ma  nourriture  ;  Fuerunt 
mihi  lacrymœ  meœ  panes  die  ac  nocte  (xli.  4  ). 

Job  ne  cesse  de  pleurer 

La  sainte  mère  de  Dieu  pleure  pendant  sa  vie,  et  surtout  au  piec 
de  la  croix  :  S  (abat  mater  dolorosa,  juxta  crucem  lacrymosa 

Madeleine  arrose  de  ses  larmes  les  pieds  de  J.  C.  (  Luc.  vu.  38. 
Pierre  pleure  amèrement  :  Flevit  amare  (Matth.  xxvi.  75  ). 

Mes  larmes  tombaient  rapidement,  dit  saint  Augustin  :  Currebani 
lacrymœ  (Lib.  Confess.  ). 

Le  roiEzéchias  verse  des  torrents  de  larmes  :  Flevit  -fletu  magne 
(IV.  Reg.  xx.  3). 

Tobie  gémit  et  prie  en  versant  des  larmes  :  Tune  Tobias  ingemuity 
et  cœpit  orare  cum  lacrymis  (ni.  1  ).  Samuel  et  Jérémie  pleurent 
constamment..... 

Tous  les  saints  dans  tous  les  siècles  n'ont  cessé  de  pleurer  leurs 
faiblesses  et  les  péchés  d'autrui.  Us  aimaient  à  pleurer,  dit  sainï 
Bernard,  et  ils  pleuraient  amèrement;  ils  pleuraient  amèrement, 
parce  qu'ils  avaient  une  souveraine  douleur  des  iniquités  qui  souil- 
laient la  terre  :  Amabant  flere,  et  flebant  amare  ;  amare  flebant,  quia 
amare  dolebant  ^  Serai,  in  Cant.  ). 

Ecoutez  saint  Ephrem  :  0  vertu  des  larmes ,  qui  est  le  remède  aux      Combien 
péchés ,  s'écrie-t-il  !  Par  elle  les  pécheurs  deviennent  heureux.  Les    précieuses  et 
pleurs  lavent  l'âme ,  la  purifient ,  font  renoncer  aux  voluptés  et  per- 
fectionnent les  vertus  (1). 

(1)  0  lacryiLarura  viriutem.,  <juee  mcùiciftajjs  officia»  es  peccatorum?  Per  u 


avantageuses. 


26  LAttMES. 

Humbles  larmes,  s'écrie  saint  Laurent  Jusfinîen,  vous  rem- 
portez la  victo  invincible,  vous  liez  le  Tout-Puissant;  vous 
faites  mêle  Fils  de  la  Vierge;  vous  ouvrez  le 
ciel  :  tous  mettez  le  démon  en  fuite  :  0  lacryma  humilis!  vincis 
l  li'jas  Omnipotentem ,  inclinas  Filium  Virginis,  aperis 
cœlum.  fugas diabolum  \  Lib.  de  Ligno  vitae,  c.  a  ). 

!  ianze  :  Le?  larmes  des  Ames  pieuses, 

dit--'  '  s  purifient  lé 

/  jryma,  peceati  dilnvhcm  sunt,  et  mundi  cxpiamentum  { Orat.  i 

c 

nd  baptême  qui  lave   et  purifie  comme 
le  premier,  dil  -.->i'  du  vu). 

Le  démon,  dit  Pierre  de  Celles,  supporte  avec  moins  de  peine  les 
flammée  de  ios  larmes  :  Diabolus  tolerabilius  sustinct 

flamih  ><tram  (Lib.  dePanibus,  c.  xn). 

<>h:  ,|  :  immense  renferment  les  larmes  de-  pécheurs! 

:  elles  arrosent  le  ciel,  elles  puril    ;  f 
I  le  l'eu  de  l'enfer,  elles  effacent  la  sentence 
de  crimes  (!). 
ilme  la  colère  de  Dieu,  dit  saint  Anselme;  les  larme i 
lui  fonl  violence  et  le  coi  f  à  pardonne- 

m  baume,  celles-ci  frappent  comme  un  glaive  lOratioDeum 
yma  coyit  ;  hoc  ungit,  Ma  pimgit  (  In  Tobia  ). 
UT,  dit  le  PsaJn  is  avez  avez  mis  mes  larmes  devant 

vos  yeux  :  /'<<  uit  i  lacry      s  meas  in  conspectu  tuo  (lv.  8). 

iv  qui  oi  les  larmes,  i  iront  dans  l'allè*- 

•••  Us  allaient  et  ;  andant  leurs  sem< 

rr\  iend] 

Ilniiil.l.'  larme,  -  islin,  le  royaume  dn  c 

toi,  l.i  i  it;  tu  ne  re  Imites  pas  la  pré 

mis  qui  accusent  : 
seule  veri  le  Roi .  m  i 

I  cfflciurilar  ,    ,,..;  .  ,,,i,]it, 

TOlupI 

giuit  :rlirnii.iin.  .1.1   ni  iu  M 

,it  in  lacrfa     .  • 

'  m  vcoienl  - 

■nos    P 

;  non 
Ttrei 
i 


Ï.ATUŒS.  27 

Plus  on  pleure  sa  faute,  dit  saint  Grégoire ,  plus  on  s'élève  dan?  !a 

connaissance  de  la  vérité, parce  que  la  conscience,  depuis  longtemps 

souillée,  est  lavée  dans  le  baptême  des  larmes,  et  devient  apte  à 

la  lumière  intérieure.  La  force  du  repentir  ouvre  ies  pores  du 

cœur,  et  donne  des  ailes  aux  vertus  (I). 

Quels  sont  les  péchés  que  les  pleurs  n'effacent  pas,  dit  saint 
Quelles  sont  les  taches,  quelque  noires  et  vieilles  qu'elles 
soient,  que  les  larmes  ne  lavent  pas?  Quœ  peccata  fletus  non  purget  ? 
irweieratos  maculas  hœc  lamenta  non  abluant  ?  (  Epist.  ) 

Il  faut  exciter  les  larmes  et  non  les  applaudissements,  dit  saint 
Bernard  :  les  larmes  des  pénitents  sont  le  vin  des  anges.  Oh!  que  cette 
cd  ur  d'une  nouvelle  vie,  cette  saveur  de  la  grâce,  ce  goût  du  par- 
ti .  ^etle  allégresse  de  réconciliation,  celte  santé  de  l'enfant  prodigue 
qui  revient,  cette  suavité  d'une  conscience  qui  a  retrouvé  la  paix, 
que  toutes  ces  merveilles  sont  pour  les  anges  un  vin  délicieux  !  (2) 

Pour  le  cœur,  les  larmes  sont  douces  comme  le  miel;  elles  sont  un 
encens  d'agréable  odeur  qui  monte  vers  Dieu 

.Après  une  pluie  abondante,  dit  saint  Chrysostome,  l'air  devien' 
plus  pur  et  plus  serein;  après  les  pluies  de  larmes,  la  pureté  et  la 
tranquillité  de  1  "âme  renaissent,  le  nuage  noir  des  péchés  se  dissipe. 
Et  comme  nous  sommes  purifiés  par  l'eau  et  le  Saint-Esprit,  nous  le 
sommes  aussi  par  les  larmes  et  la  confession  (3). 

Les  crimes  honteux  qui  mettent  obstacle  au  salut  du  pécheur  sont 
effacés  par  les  larmes;  les  larmes  le  rendent  beau  comme  l'or,  dit 
saint  Grégoire  ;  en  pleurant  ses  péchés,  il  est  revêtu  de  la  splendeur 
de  la  justification  {Lib.  Moral.). 

Les  larmes  que  l'on  verse  durant  la  vie  soulagent  et  purifient; 
s  que  l'on  verse  après  la  mort  sont  douloureuses  et  inutile? 

Les  larmes  sont  la  voix  de  la  pénitence  et  de  la  prière;  cette  voix 
urs  entendue  de  Dieu.  Pleurer,  c'est  acheter  le  pardon  de 


(1)  Quo  uberius  culpa  fletur,eo  altior  cognitio  -veritatis  attingitur;  quia,  ad  viden- 
dum  internnm  lumen,  polluta  dudum  conscientia,  lacrymis  baptizata  renovatar.  Vis 
compunetionis  poros  cordis  aperit,  et  pennas  virtutum  fundit     Lib.  XXI  Moral.). 

(2)  Movcndum  est  planclum  ,  non  pi  lacrynjae  pœnitentium  vinum  sunt 

mm.   Quod  in  illis  vila;  odor,  sapor  gratis;  sit ,  indulgentia;  gustus ,  reconci- 
is  jucunditas,  sanitas  redeuulis,  serenate  suavitas  conscicntiœ  (  Serm.  xxxix  in 
Cant.  ) 

icut  po?t  véhémentes  imbres,  mundus  aer  ac  purusefficitur  ;  ita  etiam  laery- 
m  ■  ntis   sequitur  atq;ie    tranquillitas  :    omnisque   illa  do 

1  •  iiitu,  sicrurstis 

.  jmis  et  eonl fessi<  -///.). 


28  LARMES. 

scs péchés;  pleurer,  c'est  arroser  la  terre  desséchée  de  son  cœur  et 
la  rendre  fertile 

Le  roi  Ezéchias  pleure  ;  aussitôt  le  Seigneur  lui  dit  :  J'ai  vu  te? 

ïarmesetjete  rends  la  santé  :  FUvit  Ezéchias  fletu  magno hœc  dicit 

Oominus  :  Vidi  lacrytnas  tuas,  et  ecce  sanavi  te  (IV.  Ileg.  xx.  1.3.  5). 

Anne,  mère  de  Samuel,  dit  saint  Bernard,  mérita  par  ses  larmes 
d'avoir  un  fils;  de  plus,  elle  obtint  le  don  de  prophétie.  Par  ses  lar- 
mes, David  obtint  le  pardon  de  l'adultère  et  de  l'homicide  dont  il 
tétait  rendu  coupable;  p  ir  ses  larmes,  Tobie  recouvra  la  vue;  par 
ses  larmes ,  Marie  -  Madeleine  mérita  d'entendre  ces  consolantes 
paroles  du  Sauveur  :  Tous  ses  péchés  lui  sont  remis.  Pierre  pleure, 
et  il  obtient  le  pardon  de  sa  triple  faute  (  Serin,  xxxix  in  Cant.). 

Marie  l'Egyptienne,  Thaïs,  Augustin,  etc.,  versent  des  larmes ,  et 
ils  obtiennent,  non -seulement  le  pardon  de  leurs  nombreux  et 
énormes  péchés,  mais  il-  deviennent  de  très-grands  saints 

Seigneur,  dil  Sara,  épouse  du  jeune  Tobie,  Seigneur,  après  la  tero-J 
pète  vous  ramenez  le  calme,  et  après  les  gémissements  et  les  larmes; 
vous  répandez  la  joie.  Dieu  d'Israël,  que  votre  nom  soit  bém*  dans 
tous  les  ùècles  :  Post  tempestati  m,  trangtâlltan  facis;  et  post  lacryma* 
ionem  infundis.  Sit  nomen  tuum ,  Deus  Israël  > 
benedictum  in  »-cula  (Tob.  ni.  2-2.  23). 

La  pluie  des  \m\,  dit  saint  Augustin,  fait  assez  de  bruit  nm: 
oreilles  du  Seigneur;  il  a  plus  tôt  entendu  les  larmes  que  la  voix  r 
Sufficit  awribus  (  Domini)  imbcr  ocidorvxi,  flef.m  citius  GzdU  qumn 
vocesÇtib.  •-.). 

Je  ne  doute  pas  que  Dieu  n'ait  reçu  en  sa  présfinrtA  mr«  ppîfcres  oi 
larmes,  dit  B  \ondubito  quod  Deus  preœs  et  lacryma* 

méat  in  conspectu  s  rit  (Tub.  mi.  43). 

0  puisse  ce  des  lari  rie  saint  Ephrem ,  jusqu'où  ne  pêne 

tres-tu  ii--'  >i  qui,  pleine  .  surmontant  tous 

clés,  cielîO  puissance  des  larmes ,  tu  peux  avec 

.  quand  tu  le  veux    te  tenir  au  pied  du  trône  sainl  el  élevé  du 
Dieu  sac  !  Opu  >   ésence  et  en  espérance 

d<   laquelle  la  1 1 î ■  i  i    i  -nies  vertus  célestes  sent 

toujours  dans  l'a!'  |       .  ..  ,  ,  mj  clin  d'œil 

tu  montes  et  tu  arrives  au  i     l,c  ....  si  tu  étais  portée  sur  desaJJes 
agiles,  et  tu  obtiens  de  Dieu  tout  cequetului  d  ;  i|»vieni 

;  la  remis 
lez  donc  <ï  votre  iudi,.  .  iteur 

Larmes,  la  lumière  du  cœur  et  la  force,  afin  que ,  répandant 


lAMifS.  2tf 

constamment  et  délicieusement  des  torrents  de  larmes,  mon  cœur 

il  éclairé  au  sein  d'une  prière  pure,  que  le  contrat  passé  avec 
L'enfer  par  mes  péchés  soit  effacé,  et  son  feu  dévorant  éteint  (1). 

0  vertu  des  larmes ,  s'écrie  saint  Ephrem ,  tu  tires  de  l'enfer  ceux 
qui  t'aiment,  et  tu  les  élèves  jusqu'au  ciel!  0  lacrymarum  virtu- 
tem  quœ  ab  inferis  ad  cœlos  usque  reducis  desiderantes  te  (  Serin,  m  de 
Compunct.  ). 

Agenouillée  aux  pieds  de  J.  C,  Madeleine  lui  offrait  par  ses  lar- 
mes un  festin  plus  agréable  et  plus  savoureux  que  ne  l'était  celui 
de  Simon  et  sa  table  splendide 

Les  larmes  sont  des  perles  précieuses  que  Dieu  estime  à  un  si 
grand  prix,  qu'il  les  recueille  lui-même,  selon  ces  paroles  du  Roi- 
Prophète  :  Posuisti  lacrymas  meas  in  conspectu  tuo  :  Vous  avez  placé 
mes  larmes  devant  vous,  Seigneur  (  lv.  9). 

Pénétré  de  cette  vérité,  saint  Arsène  pleura  durant  sa  vie  entière 
(  In  ejus  vita  ). 

Notre  Dieu,  dit  sainte  Synclétique,  est  un  feu  qui  consume  ;  et  le 
moyen  d'enflammer  nos  cœurs  de  ce  l'eu  sacré,  c'est  de  verser  d'abon- 
dantes larmes  (  Surius,  in  ejus  vita  ). 

Un  cœur  qui  répand  des  larmes,  dit  l'abbé  Hypérichius,  attire 
promptement  la  miséricorde  divine  (  Surius ,  in  ejus  vita  ). 

L'ombre  ne  quitte  jamais  notre  corps,  les  larmes  ne  doivent 
jamais  cesser  de  tomber  de  nos  yeux.  Les  larmes  nous  ouvrent  la 
terre  des  promesses ,  cette  terre  où  l'on  ne  craint  plus  les  ennemis 
et  la  guerre. 

Dieu  veut  que  les  hommes  pleurent  dans  le  désert  de  ce  mon  de,  afin 
jue,  portés  sur  le  fleuve  des  larmes  qu'ils  auront  versées, ils  arrivent 
au  port  du  ciel 

Là  où  sont  les  larmes ,  dit  saint  Basile,  s'allume  le  feu  spirituel 
qui  éclaire  les  profondeurs  de  rame,  et  réduit  en  cendres  tous  les 


(1)0  lacrymarum  vis,  quousque  pertingis,  quœ  mnlta  cumfiduch,  nulîî?  impedita 
retinacalis,  ipsum  cœlum  pénétras  !  0  vis  lacrymarum  ,  quai ,  si  velis  ,  an  te  saoctum 
atque  excelsum  immaculati  Domini  thronum  cum  gaudio  adsistere  pôles  !  0  vis 
lacrymarum  in  cujus  pr&seutia  atque  confidentia,  angelorum  ordines  ,  cœlestesque 
omues  virtutes  semper  exsultant  !  0  lacrymarum  potentia  !  quomodo  in  ictu  oculi, 
quasi  preepetibus  sublata  pennis  in  cœlum  revehis  atque  ascendis,  et  postulata  a  Deo 
9:tiicto  obtines  :  occurritque  tibi  hilariter,  indnlgentiam  ac  remissionem  peccatorum 
deferens!  Largire  igilur  mibi  indigno  famulo  tuo,  Domine,  lacrymas,  illuminationtm 
cordis  atque  i'ortitudinem,  ut  fontes  lacrymarum  jugiter  cum  dulcedinefundens,  cor 
meum  illustretur  in  oratione  munda,  ut  magnum  illud  delictarum  meorum  chiro- 
graphum  lacrymis  deleatur ,  ignisque  ardens  Un  tietu  exstiii^uatur  (Serau  m  de 
Ççmpunet.  ). 


30  larmes. 

pCcli  -  :  fuèriht  l  ,        tpirHalis  ignis  acrmnitur ,  qui 

sécréta  mentis   illuminât,  ei  citia  cuncta  exur,  il.  IT  de  gra- 

liarum  Aetione). 
C'est  en  larmes  que  J.  C.  afin  de 

ut  dans  le  r 

pour  le  rappeler  à  ia  vie,  et  leti 
du  tombeau  terrible  de  •  ifcir.  Sainti  iene 

pendant  vingt  ans  de  pli 
tin.  Aussi  un  évêque  lui  dit    11  est  I  de 

Mi 
obtint   !fl  -ion  de  son   iils;   et  de  feandal 

\int  nu  grand  le  plusaavan 

de  ii  eur,  et  u.i  très-gran  1  Paint  ( 

c.  xu,  et  iitcjus  vila). 
Axa.  fille  de  Caleb;  lui  demaude  avec  larme?  une  terre  fertile;  elle 
.  11  faut  a  issi  demander  à  Dieu,  avec  lai 
et  un  D  les  richi  e9es  de  la  vertu,  !'■ 

terre  des  vivants,  i.  assurée  d'oUenirain^i  cps  met 

i.                                              EcrvonS-îiouS  de  nos  larmes  coin itio 
d'un  .  i*s  le  démon  en  fuite 

Qn  •  ci  i  .i-ia  ii  veut  êtr< 

me;  et  que  celui-là  qui  veut  élever  l'édifice  des  Vtàths, 

~  (')• 
Pllfuneproviéétfcéin  ni  èque,  Dféuadonné'àuxyè'uxla 

.  afin  qu  par 

leurs  regards,  l'expient  en  |  :  \siiït  Deux 

et  fieturn;  ut  qui  tvmmittunt  delictum  àïderido,  pœnas 
|  in  l't    . 
DÛ  à  Dieu  du  fond  du  cœur  avec  saint  Augus 

w  autant 
?ous,  quejeparle  de  vous,  [\  -    !,.  .  elque 

page  où  il  est  qu  .,, .  : 

total  j  i  verse  de  lo         et  ab  larme»*, 

juell.s  deviennent  ma  nourriture  le  jour  et  la  nuit.  Par  toute  la 


'    Qiri  miH  lihpinri  t\  pMCftl  «.  flelu  ei  planctu  liberabitur  ;ib  H*:  ot  qui    vult 

■         ■  I         .        ..      : 


LARMES.  31 

miséricorde  avec  laqiiellè  vous  avez  daigné  venu*  à  notrp  $eéfmrs 
r  nous  étions  perdus,  je  vous  prie,  ô  bon  Jésus,  de  m'accorder 
la  grâce  des  larmes,  que  mon  âme  désire  a\ec  ardeur  (1). 

Heureux  ceux  qui  pleurent,  parce  qu'ils  seront  consolés,  dit  J.  C.  :       Bonhêm 
i  qui  hicjent,  quoniam  ipsi  consolabunlur  (Matth.  v.  o  ).  Heûrteux        larmes. 
ceux  qui  pleurent ,  surtout  au  fond  de  leur  cœur.  Heureux  ceux  qui 
pleurent  leurs  péchés  et  les  péchés  des  autres;  ceux  qui  pleurent  leur 
exil  et  leur  mise  en  prison  dans  le  corps,  contre  lequel  il  leur  faut 
livrer  des  combats  terribles  et  continuels.  Heureux  ceux  qui   pleu- 
rent en  soupirant  après  le  ciel  et  l'amour  de  J.  C,  dont  ils  souhaitent 
er  en  possession ,  comme  de  leur  suprême  bien Malheu- 
reux homme  que  je  suis,  s'écrie  saint  Paul,  qui  me  délivrera  de  ce 
corps  de  mort?  Infelix  ego  homo,  quis  me  liberabit  de  cor  pore  mortis 
/m  j  ut?  { Rom.  vu.  24.  )  Je  désire  ma  dissolution,  pour  être  avec  J.  C: 
.    ns  dissolvi,  et  essecum  Christo  (  Philipp.  i.  23  ). 
Heureux...,  parce  qu'ils   seront   consolés  :  Beau.'..,    qvoniam 
ipsi  consdabun'ar.  Ils  seront  consolés,  même  dès  cette  vie;  car  les  lar- 
ir  sont  infiniment  plus  douces  que  toutes  les  joies  du 
lé bailleurs,  ceux  qui  pleurent  ici-basse  réjouiront  éternel- 
lement dans  le  ciel.  Une  joie  éternelle  couronnera  leur  tète,  dit  Isaïe; 
ils  vivront  vîésormais  clans  l'allégresse  et  le  ravissement;  la  douleur 
s  gémissements  seront  à  jamais  éloignés  d'eux  :  Lœtitia  sempi- 
ternx  super  caput  eorum  ;  gaudium  et  lœtitiom  obtinebunt ,  et  fugiet 
et  gemitus  (  xxxv.  10  ). 
La  vraie  joie  en  ce  monde  n'habite  eue  le  cœur  contrit;  elle  ne  se 

trouve  que  dans  les  larmes  de  l'homme  qui  aime  Dieu Saint 

Jérôme  dit  de  sainte  Paule  :  Elle  à  pleuré  afin  de  se  réjouir  éternel- 
lement :  Fîevit  ut  semper  rideret  (Obit.  sanctae  Paulœ  describ.  ). 
Mes  larmes  coulaient  abondamment,  dit  saint  Augustin;  et  elles 
aient  agréables  :  Currebant  lacrymœ,et  bene  mini  erat  cum  eis 
(Lib.  Conl'ess.  j. 
Nôtre-Seigneur  J.  C.  ajjpelle  heureux  ceux  qui  pleurent,  parce 
nir  ils  se  réjouiront.  Il  n'appelle  pas  heureux  ceux  qui 
pleurent  la  mort  d'un  ami  ou  toute  autre  perte;  il  n'appelle  pas 


(1'  Frotta  nuhi  Imnc  gratîftin,  lit  qnppes  de  te  cogite-,  deteloquor,  de  te  scribo, 
de  le  1  mis  in  couspectu  tuo  copio?e  et  diilciter 

Qeam  ;  ita  ut  effieiontur  mihi  lacrymne  ratete  panis  die  ac  nocte.  Roço  te  ,  bone  Jcsu» 
per  oranes  miseraliones  tuas,  quibus  nobis  perditis  mirabililcr  subvenire  dignatus  es, 
da  mihi  gratiam  uicrj  maruia,  quam  muitum  desiderat  anima  Jiiea  [In  SolUaq.)* 


P2  LARMES. 

heureux  ceux  qu'une  déception  chamelle  fait  pleurer;  mais  il 
appelle  heureux  ceux  qui  pleurent  leurs  péchés,  leur  éloignement 
de  Dieu.  Ceux-ci  pleurent  maintenant  pour  un  peu  de  temps,  mais 
dans  la  vie  future,  ils  seront  consolés;  ils  se  réjouiront  durant  les 
siècles  des  siècles 

Et  quelle  joie  pour  le  ciel,  lorsque  le  pécheur  sur  la  terre  versa 
des  larmes  de  contrition  î... 

Nous  pouvons  dire  que  les  larmes  des  âmes  iidèles  proviennent  de 
la  ferveur  de  la  charité,  dit  saint  Basile;  car  elles  pleurent  d'amour, 
en  jetant  les  yni\  sur  celui  qui  les  aime  et  qu'elles  aiment;  et  ces 
larmes  font  leurs  délices  [Homil.  iv  degrat.  Act.). 

L'Apôtre  nous  engage  à  pleurer  avec  ceux  qui  pleurent  ;  ces 
larmes  sont  une  espèce  de  semence  qui  se  change  en  joie  et  qui  croit 
pour  le  ciel.  C'est  pourquoi  les  larmes  ne  sont  pas  un  obstacle  à  la 
joie  spirituelle ,  mais  cl les  l'augmentent  ;  c'est  une  huile  qui  nourrit 
le  feu  du  céleste  amour.  Le  cœur  pénitent  désire  les  larmes  et 
réjouit;  il  se  nourrit  du  repentir  et  des  pleurs  comme  d'un  mets 
exquis.  Saint  Antiochus  disait:  L'abondance  des  larmes  est  pour  le 
cœur  ce  que  le  miel  est  pour  la  bouche  (IJomil.  cvii  de  Coni- 
punct.). 

Pierre  uV  Celles  'lit  excellemment  :  Le  pain  de  ceux  qui  sont  con- 
trits,  c'est  l'abondance  même  des  larmes;  car  comme  le  pain  rassasie 
celui  qui  a  faim,  ainsi  les  larmes  fortifient  et  nourrissent  lame 
tente.  L'homme  qui  a  faim  tombe  en  défaillance  s'il  manque  de 
pain;  l'Ame  déchirée  par  le  sentiment  de  ses  péchés,  languit  si  elle 
n  •  verse  des  larmes;  le  pain  calme  et  rassasie  la  faim,  les  larmes 
adoucissent  la  douleur  el  la  ■  iiangentenjoie  {Lib.de  Panib.,c.  xn). 

Soyez  assurés ,  dit  saint  Ephrem,  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  doux  sur 
la  terre  que  le  don  des  larmes  :  si  quelqu'un  d'entre  vous  1 Spi 
combien  les  larmes  s  mt douces,  il  se  sentira  élevé  vers  Le  ciel ,  et  il 
méprisera  tout  ce  qui  est  sur  la  terre   (  Orat.  de  extremo  judicio  et 
compunct.). 

Voulez-vous  Être  heureux  et  consolés,  dit  saint  Chrysosluine, 
pieu  .  ai  Dieu  sole,  Lors  même  que  les  cJ 

précipiteraient  à  Bots  but  vous,  vous  vous  trouverez  plus  fort 
qu'eux  :  Si  vit  consolai  i,  luge  :  quando  enim  consolatur  Deus,  etiamsi 
mUlia  moerorum  irritant ,  euru  >'  r  existis  (  Homil.  xv). 

Les  I  i  net  de  la  componction  donnent  l'espéranci 
et  (1  i  lies  en  sont  les  arrhes  et  l'avant-goût.  C 

fait  din    a  saint  Macaire:  Les  chrétiens  ont  pour  consolation  les 


LARMES.  33 

larmes;  elles  sont  leurs  délices;  elles  leur  tiennent  lieu  de  tout 
(  Homil.  xv  ). 

Bien  plus,  saint  Chryscstome  dit  :  Il  n'y  a  rien  d'aussi  doux  que 
les  larmes  qui  coulent  pour  Dieu  :  Nulla  res  est  œque  jucunda ,  atqua 
luctus  qui  ex  Deo  est  (  Homil.  xxiv  in  Epist.  ad  Ephes.). 

Si  les  larmes  sont  si  douces ,  dit  saint  Augustin ,  combien  le  ciel 
ne  le  sera-t-il  pas?  Les  larmes  de  ceux  qui  prient  sont  plus  agréables 
que  les  vaines  joies  que  l'on  goûte  au  théâtre  (Lib.  Confcss.  ). 

Vous  avez  maintenant  de  la  tristesse,  dit  J.  G.  à  ses  apôtres;  mais 

je  vous  reverrai,  et  votre  cœur  se  réjouira,  et  nul  ne  vous  ravira 

votre  joie  :  Nunc  quidem  tristitiam  habetis;  iterum  autem  videbo  vos, 

et  gaudebit  cor   vestrum;  et  gaud'mm  vestrum  nemo  tollet  a  vobi* 

Joann.  xvi.  22). 


LECTURE. 


,les!l,  i     rii.i.  à  la  lecture ,  dit  saint  Paul  i 


4 


de     /m    ttiée:Alt<  '■■  ne  peut  faire  son  salut, 

me  ,  s'il  ne  s  occupe  de  faire  souvent  des 

)test  ut  quisqûam  Satufem  asseguatur, 

lectione  spirituali  (In  Catena).  Ce  grand  doc- 

riture  sainte  et  des  bons  livres 

aux  moines  et  auxTeligieux,  mais 

dans  l'état  du  mariage. 

e,  dit-il,  sont  tenues  de  faire  ces 

[ares  pli  ient  encore  que  les  personnes  consfl- 

ont  plus  de  distractions,  de  tentations, 

v  :  elles  doivent  donc  ne  pas  négliger  cette 

a). 

ut  être  toujours  avec  Dieu,  dit  saint  Augustin,  doit 

■'dt  cumDeo  semper  esse ,  fréquenter  débet 

;goût  continuel  pour  la  nourriture, 

,    it  du  corps;  il  en  est 

.    ien  n'annonce  plus  certainement 

coin:  L'un  dégoût  persévérant  pour 

ITet,  d'un  homme  qui  se  ferme 

ulut,  ou  qui  se  met  dans  l'impossibilité 

(I  \  parvenir? Or  tel  es  int  Chrysostome,  celui     .i  n'a  pas 

nés  lectures,  ou  du  moi      par  des 
'  )• 

fnérale Les  gens 

■lu  m  ultiieux  du  siècle  ,  et  sans 

iporelleg 

i  du  l  urbill  n  rapide 

d-ils  de  friec*  que 

mmerce  des  hommes?  Com- 

itretiendront-ils  dans  I 

I 

o  nonri  issent  les  aflfi  ir  la 


•JCCTCJRE.  35 

lectu  M'ft??  Le  laboureur  suppend  de  temps  en  temps 

,  îiihl-  travail,  pour  aller  réparer  ses  forces  épuisées;  pourquoi, 
,:i  sop  e.\( mple,  l'homme  du  monde  ne  chercherait-il  pas  à  recouvrer 
la  vigueur  de  l'àme  qui  s'affaiblit  et  se  perd  insensiblement  au 
milieu  des  agitations  du  siècle?  Mais  de  tous  les  moyens  d'y  parve- 
nir, il  n'en  est  pas  de  plus  efficace  que  les  bonnes  et  pieuse? 
lectures. 

Saint  Paul  avait  donc  raison  de  dire  à  son  disciple  :  Appliquez1 
yous  à  la  lecture  :  Attende  iectioni  (I.  Timoth.  iv.  13). 

En  quelque  maison  que  se  trouvent  les  livres  inspirés  par  l'Esprit-  Avantages  des 
Saint,  dit  saint  Chrysostome,  ils  y  annihilent  la  puissance  du  démon,  lectures. 
et  il  en  résulte  beaucoup  de  consolation  pour  les  habitants  :  la  vue 
seule  des  livres  sacrés  nous  éloigne  du  péché,  et  eussions-nous  persé- 
véré dans  la  sainteté,  ces  livres  nous  rendent  plus  fermes  et  plus 
forts.  Que  si  l'on  fait  une  pieuse  lecture,  l'àme  est  purifiée  et 
devient  meilleure,  comme  si  elle  s'était  occupée  des  choses  divines 
clans  l'enceinte  du  sanctuaire:  en  effet,  Dieu  converse  avec  elle  par 
l'intermédiaire  des  saintes  Ecritures.  Les  lire  est  un  puissant  préser- 
vatif contre  le  péché  :  vouloir  ignorer  ce  qu'elles  contiennent  c'est 
s'exposer  à  un  grand  danger,  c'est  courir  à  un  profond  abîme.  Elles 
llonnent  la  conscience,  et  en  même  temps  ne  sont  pas  d'une 
médiocre  utilité  à  ceux  qui  éprouvent  des  remords  (l). 

La  lecture  des  prophètes  et  des  Ecritures  nous  ouvre  le  ciel ,  dit 
encore  saint  Chrysostome  :  Prophetarum  et  Scripturarum  lectio,  cœlo- 
rum  est  reseratio  (  Conc.  in  de  Lazar.  ). 

Lorsque  nous  prions,  dit  saint  Augustin,  nous  parlons  à  Dieu; 
mais  lorsque  nous  lisons,  c'est  Dieu  lui-même  qui  nous  parle  :  .Xam 
eu, n  oramus,  insiçum  Deo  loquimur  ;  cura  vero  legimus,  Deus  nobiscum 
loquitur  (  Serm.  exu  de  Temp.  ). 

Les  pieuses  1  dures  alimentent  en  nous  la  foi,  l'espérance,  la  cha- 
rité, l'humilité  ,  la  douceur  ,  la  pureté,  la  patience,  la  justice  ,  h 
mortification  ,  le  zèle ,  etc 

(1)  l  l'uermt  hbri  sptritl  aies  ,il!inc  omnis  expeîlitnr  \is  diabolica,  mul- 

Uque  iuhabilantibus  accedit  quia         i  Liara  sacrorum  librorum  aspedtus 

ores  nos  reddit  ad  peccandum.  Russuni  sive.  sar.clir.îonia  perslilcrin;; 
mur  tutiorcs  firmioresque.  Qiiod   si  accesserit  sacra  lectio,  non  aliter  quato  in 
lis  rébus  diviuis  vacans  anima',  sic  repufgatur,  meliorque  reddiiur. 

eccalum  n 
iurarura  lectio,  mn  irum 

non   parura  aiTerunt  util.latis  aniiuis 
coruu.  qui  Uiinideiilur  (  LiomU.  n  in  uç\ 


36  LECTtKE. 

Les  bons  livres  ?;>ï,t,  qu'on  nous  passe  l'expression ,  une  sorte 
d'atelier  où  l'on  trouve  tout  ce  qu'il  faut  pour  élever  l'e'difice  du 

salut C'est  une  pharmacie  qui  fournit  des  remèdes  pour  tous  les 

mata I  ta  y  trouve  des  exemples  de  toutes  les  vertus,  appropriés 

à  tontes  li  s  conditions Or,  à  ne  consulter  que  les  lumières  de  la 

raison,  n'est-il  pas  certain  que  l'exemple  a  une  force  toute  particu- 
lière pour  qoub  porter  au  bien.  L'orgueil  se  révolte  contre  l'austérité 
de  la  règle,  l'exemple  cache  cette  austérité  ;  et  comme  il  agit  sans 
bruit  et  -  I .  nous  l'aidons  nous-mêmes  à  tromper  notre  amour- 
propre,  i  »ns,  n'apercevant  pas  les  préceptes  d'un  maître, 
n'opposent  que  peu  de  résistance,  et  le  plaisir  se  met  de  la  partie 
pour  achever  de  produire  un  bon  effet.  Dans  les  exemples,  d'ail- 
leurs, la  vertu  ne  parait  point  sèche  et  sévère  comme  dans  les 
•urs  ;  elle  y  est,  au  contraire,  vivante  et  animée  ;  et  son  pouvoir 
a  d'autant  plus  d'empire,  qu'elle  a  déjà  su  intéresser  le  cœur  par 
Enfin,  l'exemple  va  au-devant  des  prétextes;  il  lève  les 
difficultés  et  lait  taire  les  cris  de  notre  délicatesse 

Or,  que  de  beaux,  que  de  sublimes  et  inimitables  exemples  ne 
trouve-t-on  pas  en  lisant  les  bons  livres ,  la  vie  des  saints  surtout!... 

Les  bonnes  et  fréquentes  lectures  éclairent  l'esprit  et  embrasent  le 
cœur  du  feu  du  zèle  et  de  la  charité.  Elles  enrichissent  la  mémoire 

de  pieuses  sentences  et  de  touchants  exemples Elles  portent  la 

volonté  à  L'imitation  des  saints  et  à  la  pratique  de  la  vertu S'y 

li\  rer  est  le  meilleur  emploi  que  l'on  puisse  faire  du  temps.  Les  bons 
livres  Boni  d'excellents  compagnons  qui  abrègent  les  heures  et  qui 
fournissent  des  conseils ,  îles  avis,  des  règles  de  sagesse,  de  piété  et 
de  mœurs,  pour  tous  les  âges,  p.iu'  i<>us  les  sexes^  pour  tous  les 

:u'  toutes  les  positions 

!  par  les  lions  livres  que  Dieu  nous  parle,  rediroiib-uous  a\eo 
in  :  '  iun  legimus,  Deus  nobiscum  loquitur  (Ut  supra). 

-ont  peuplé  les  déserts,  ont  décidé  les  vocations, 
ont  envoyé  dans  Les  contrées  «'loi-nées  et  inconnues  des  essaims  de 
Eélés  missionnaires  et  de.  courageuses  vierges,  pour  sauver  les  âmes 
etacijuern  Les  palmes,  ou  du  moins  le  mérite  du  martyre 

hll'ii,    \jà  méditation  .  La  prière  et  une  vie  sainte  sont  les  clefs  qui  ouvrent 
l'intelligence  et  Les  tri  -.note  Ecriture,  des  prophètes,  et  de 

tous  les  bons  livn 

La  lecture  ne  peut  voua  être  profitable  . -i  elle  n'a  pour  but  que 
La  s  n  d'une  vainu  curiosité.  Nous  devons  y  apporter  un 


I.ECTÏÏRÊ.  37 

vrai  désir  de  faire  des  progrès  dans  la  vertu.  Ne  la  commençons 
qu'après  avoir  imploré  le  secours  de  celui  qui  est  l'auteur  de  toute 
grâce.  Ayons  soin  de  nous  appliquer  à  nous-mêmes  ce  que  nous 
lisons ,  d'en  faire  notre  profit,  et  de  prendre  une  ferme  résolution  de 

pratiquer  le  bien Ce  serait  en  vain  que  nous  lirions  les  meilleurs 

livres,  si  nous  ne  nous  proposions  de  conformer  notre  conduite  à  ce 
qu'ils  enseignent.  La  connaissance  de  nos  devoirs  sans  les  œuvres , 
ne  servirait  qu'à  nous  rendre  plus  coupables,  et  deviendrait  pour 

nous  la  matière  d'un  jugement  plus  rigoureux Car  si  quelqu'un, 

dit  l'apôtre  saint  Jacques,  écoute  la  parole,  et  n'y  obéit  pas,  il 
ressemble  à  un  homme  qui  regarde  son  visage  dans  un  miroir  :  il 
s'est  regardé,  et  s'en  est  allé,  et  aussitôt  il  a  oublié  quel  il  était.  Mais 
celui  qui  a  regardé  au  fond  de  la  loi  parfaite  de  la  vérité ,  et  qui  s'y 
est  conformé,  n'écoutant  pas  et  oubliant,  mais  accomplissant  l'œu- 
vre commandée,  celui-là  sera  heureux  par  sa  conduite  (i.  23-25). 

Quelqu'un  ayant  demandé  à  saint  Antoine  comment  il  pouvait    Que  doivent 
vivre  sans  livre  dans  le  désert,  le  grand  anachorète  lui  répondit  :  faire  ceux  qui 

'        °  r  ne  savent 

Mon  livre ,  c'est  la  création;  il  me  fournit,  selon  mon  désir,  tout  ce       pas  lire? 
que  je  veux  lire  sur  Dieu  (In  Vit.  Pair.  ). 

Le  firmament,  le  soleil,  la  lune,  les  étoiles,  l'Océan,  la  terre 
féconde,  les  arbres,  les  plantes,  les  fleurs ,  les  fruits,  les  oiseaux, 
les  insectes,  les  animaux  domestiques,  etc.,  sont  un  livre  très- 
instructif  et  très-précieux,  toujours  ouvert ,  où  tous  les  hommes 
peuvent  lire  et  trouver  de  quoi  connaître ,  aimer,  servir  Dieu,  et 
arriver  au  salut  avec  le  secours  de  la  grâce 

Un  autre  livre  bien  plus  précieux ,  où  l'on  peut  puiser  la  science 
la  plus  sublime  et  acquérir  les  plus  riches  trésors,  c'est  la  croix  de 
J.  C.  Tous  peuvent  l'étudier,  et  il  est  plus  grand  que  le  ciel  et  la 
terre.  J.  C.  l'a  écrit  non  pas  avec  une  plume  et  de  l'encre,  mais 
avec  les  clous  qui  ont  percé  ses  pieds  et  ses  mains  et  avec  son  sang. 
Ce  n'est  pas  un  livre  scellé,  caché ,  dont  les  caractères  soient  inintel- 
ligibles; il  est  assez  lisible  et  assez  haut  placé  pour  que  l'univers 
entier  puisse  y  puiser  des  enseignements. 

Saint  Thomas  d'Aquin  et  saint  Bonaventure  déclarent  qu'ils  ont 
appris  beaucoup  plus  de  science  aux  pieds  du  crucifix  que  dans  tous 
les  livres  (In  eorum  vita  ). 

Ceux  qui  ne  savent  pas  lire  peuvent  écouter,  et  ils  doivent  prier  les 
personnes  avec  lesquelles  ils  vivent  de  leur  faire  l'aumône  d'une 
pieuse   lecture.    Dans    toutes  les  maisons  doit   exister  une  petite 


3<°.  LECTURE. 

bibliothèque  composa    I                        ls  que  la  Bible,  ilinitatiofâ 
d/j  J.  C,  la  Vie  des  Saints ,  Rôdrigùez,  etc 

Dtngen       Sf  la  lecture  des  bons  livres  est  nécessaire  et  avantageuse,  la  lecture 

ies  mniiv.iises     ,  ...  ,      ,.  .    ,  .     ..  '.        ., 

lectures.       des  main. us  l.u  lontraires  soit  a  la  toi,  soit  aux  m 

•le,  et  rigoureusement  intcrdil 
Dieu,  par  11  ir  tous  les  Pères  de  la  vie  spirituel!;  .  ; 

pré  licateure,  les  j  les  confesseurs,  et  par  la  raison  elle-même. 

Il  est  dit ,  dan*  le  livre  des  ici  :eux  qui  avaient  de  mauvais 

l'n  très,  et  les  brûlèrent  publi- 

t  :  Çèntulerunl  lit  '  'xix.  20).  Ils  brûlèrent 

i  avaient  excité  en  eux  le  feu  de  la  concupiscence  j  Us 

les  li\  '■■'  r.nt  auv  flammes,  afin  de  ne  pas  être  précipités  en  enicr. 

La  plume  menteuse  des  scribes  a  écrit  le  mensonge,  dit  te  pro* 
;       e  Jérémie  :  fus  est  stytus  mendax  scribarum 

(  viu.  S). 

ible  à  Fanimal  qui  prend  la  cuuleur  des  ptantea  ou  de? 
feuilles  nourrit,  l'homme  prend  des  moeurs  et  un  cm-ae- 

tère    n  ses  lectures.  Delà  vient  que  les  lecteurs  assidus 

d*i-  rivoleSott romanesques,  contractent  ins-' 

goût  de  la  frivolité  et  du    plaisir;    que.  les   lecteurs   des   écrits 
impies  et  antireligieux,  perdent  la  .       ;  la  piété  £  et  Ueui  des  llvr 
impurs  .  deî  Ifennent  des  monstres  de  libertinage. 

!- v  iTVres  qui  sont  les  l  .  de  la  corruption,  dû  men- 

songe ou  de  l'erreur,  èsl  .'.  outfer  dans  le  cœur  lés  séntifflenta  de 
ii,(  t  d'>  jeter  la  semencéd'uue  multitude  s,  qui  venante 

itôt  toute  la  surface.  Combien 
d-'\  Le  choix  de  nus  lectures  ,  afin  de 

«jui  tournent  à  la  ruine  de  notre  âme  plutôt  <Ju'à 
§an  profit  !... 

La  li  faire  des  romans  faillit  perdre  à  jamais  sainte  Té: 

;  «  lie  l'avoue  elle-même.  Les  maux  tures  ont 

fait  périr  uni  ocalculàble  d'âmes ,  et  ont  peu]  c 

mauvais  livres  s  ni   '.   .  de  la  jeu  ; 

aènilamoraîitôetla  vertu;  ils  sont  le  tombeau  de  l'b 
les  nobles  sentim  •:."-  :   i  s  él  aiffent 

-  iine  de  i,  ut<  -       passions,  de  I 
-  turpitudes  ;  l'im.  la  pudeur.  J, 

télé,  \a  prudence,  disparai  u  cœur  de  ceu 


-JXTTT.E.  39 

curiosité  pous«e  à  lire  les  livres  dictés  par  le  démon  à  des  écrivains 
qui  sont  ses  esclaves. 

Si  de  pareils  ouvrages  sont  dangereux  pour  les  mœurs,  ils  ne 
nuisent  pas  moins  à  la  saine  littérature.  Rien  ne  dégoûte  plus  les 
jeunes  gens  de  l'étude  des  grands  modèles;  rien  n'exalte  aussi  ridi- 
culement leur  imagination.  Combien  de  personnes ,  à  force  de  lire 
des  romans,  sont  devenues  non  moins  romanesques  que  les  héros 
mêmes  de  leurs  lectures. 

Le?  autours  de  romans,  si  Ton  en  excepte  un  bien  petit  nombre , 
semblent  n'avoir  eu  d'autre  but  que  d'enflammer  les  passions,  de 

saper  les  principes  de  la  saine  morale,  et  d'amollir  les  âmes 

N'eussent-ils  pas  le  défaut  de  substituer  sans  cesse  le  mensonge  à 
la  vérité,  et  la  lecture  la  plus  frivole  à  des  instructions  solides,  ce 
qui,  à  la  longue,  ne  peut  manquer  d'affaiblir  le  goût  naturel 
que  Dira  nous  a  donné  pour  le  vrai  et  pour  le  beau ,  les  romans 
auraient  du  moins  l'inconvénient  de  remplir  l'esprit  de  faits  extraor- 
dinaires, d'idées  vaines  et  folles.  Aussi  l'expérience  na-t-elle  que 
trop  prouvé  qu'il  n'est  rien  de  plus  frivole  qu'une  tète  exaltée  par 

le  récit  d'une  foule  d'aventures  galantes 

Les  plus  heureuses  inclinations  ne  tiennent  pas  contre  le  poisr.;, 
de  ces  lectures.  Elles  détruisent  les  fruits  d'une  bonne  éducation. 
altèrent  l'innocence  des  premières  années  et  enlèvent  l'amour  du 
devoir.  Tel  était  modeste,  réservé  et  plein  d'une  pudeur  aimable , 
qui  après  avoir  lu  des  romans,  n'a  plus  conservé  de  traces  de  cette 
modestie  qui  sied  si  bien  à  la  jeunesse.  L'amour  de  la  parure  succède 
li  de  la  simplicité  ;  on  veut  faire  comme  les  autres ,  cherchera 
plaire  comme  eux;  on  s'en  occupe  le  jour,  on  y  rêve  la  nuit;  on 
s'accoutume  à  n'aimer  que  ce  que  le  monde  aime,  et  à  négliger  ce 
que  ta  religion  prescrit  :  on  a  eu  la  témérité  de  s'exposer,  on 
naufrage.  Voilà  les  fruits  amers  des  lectures  insinuantes  et  perfides, 
dont  les  parents  sont  quelquefois  les  premiers  à  donner  l'exem] 
enfants ,  et  les  professeurs  à  leurs  élèves.  Faut-il  donc  sï 
ner  si  tous  les  travaux  d'une  éducation,  laite  souvent  à 
Irais,  aboutissent  à  jeter  dans  la  société  une  foule  de  sujets  m 
cres ,   presque  toujours  corrompus  et   scandaleux,  incr'éd   les 
impies?... 

Les  parents  doivent  surveiller  leurs  enfants ,  et  les  professeurs 
leurs  élèves;  et  ne  jamais  leur  permettre  la  lecture  dés  feuille- 
ton«,  des  romans  ou  de  tout  autre  mauvais  livre  qui  ne  mérite  que 
le  feu 


UBEKTÉ. 


Qu'ett-ce  que    S~\  u'est-ce  que  la  liberté?  demandait-on  à  un  homme  célMire. 
la  liberté?      a     É  C'est,  répondit-il ,  une  conscience  droite  :  Recta  conscientia 
\/  (Periand.). 

Un  des  fils  de  Charlemagne  ayant  demandé  à  Alcuin  ce  que 
c'était  que  la  liberté?  C'est  l'innocence,  répondit-il.  Il  serait  difficile 
de  trouver  une  définition  plus  belle,  plus  exacte  et  plus  vraie 
(Hist.  Eccles.). 

Qu'est-ce  que  la  liberté  ?  dit  Cicéron.  C'est  le  pouvoir  de  vivro 
comme  il  plaît.  Mais  quel  est  celui  qui  vit  comme  il  lui  plaît,  sinon 
celui  qui  suit  la  droite  raison  ?  Au  seul  sage  il  appartient  de  ne  rien 
l'aire  malgré  lui,  à  contre-cœur,  par  force.  Qui  niera  que  tous  les 
hommes  légers,  que  tous  les  cupides,  enfin  que  tous  les  méchants 
soient  esclaves?  (1) 

yuei  est  relui  §EUL  l'homme  vertueux  est  libre Seuls  les  vrais  enfants  de  Dieu 

qui  est  libre? 

sont  libres.  Qu'est-ce,  en  effet,  que  la  liberté  des  enfants  de  Dieu, 
sinon  la  dilatation  et  l'élargissement  de  leur  cœur  qui  se  dégage  de 
tout  ce  qui  est  fini?  Notre  volonté  est  finie,  et  tant  qu'elle  demeure 
en  elle-même ,  elle  se  donne  des  bornes.  Voulez-vous  être  libre  ? 
dégagez- vous  de  votre  volonté;  n'ayez  plus  que  celle  de  Dieu. 
Comme  Dieu  est  la  liberté  même  .  la  puissance  même,  qu'il  fait  tout 
ce  qu'il  veut ,  VOUS  participerez  ainsi  à  sa  liberté,  à  sa  puissance, 
a  sa  volonté.  Vous  jouirez  de  la  seule  et  désirable  liberté 

11  d  est  pas  expédient  à  L'homme  de  ne  rien  voir  au-dessus  de  soi  ; 
un  prompt  esclavage  suit  cette  pensée  orgueilleuse.  La  condition  de 
la  créature  ne  comporte  pas  une  pareille  indépendance;  il  faut 
qu'elle  soit  soumise  à  Dieu 

Dieu  s'applique  à  faire  la  volonté  de  ceux  qui  le  craignent,  dit 
le  Prophète  royal  :  Voluntatem  tvnentium  se  faciet  (cxi.iv.  10).  Au 


(1)  Quid  est  UbcrtuT  l'otestas  vivendl  al  velii.  Quis  igitur  vivit  ut  vult,nisi  qui  i. 
recta  leqoitûr?  Soli  hoc  contin<,'it  upienti,  ut  nihil  facial  iuvitus,  niliil  dolent)  nihil 
coactu.  (Jim-  neget  o  ni  nés  levés,    oiuues  cu^idos,   onuics  deuique  iinprobos   essa 
«nos?  (In  farad.) 


LIBERTE.  41 

contraire,  il  permet  que  ceux  qui  méprisent  sa  volonté  et  prétendent 
ne  i'aire  que  la  leur,  ne  puissent  jamais  faire  ce  qu'ils  veulent  et 
deviennent  les  plus  esclaves  des  hommes 

L'homme  vraiment  libre  est  celui  qui  est  soumis  à  Dieu,  qui  dompte       En  quoi 

consiste  In 

ses  passions,  qui  évite  le  péché  et  qui  pratique  la  vertu vraie  liberté 

La  liberté  chrétienne  que  prêchent  les  apôtres  et  qui  est  la  seule 
véritable,  est  une  exemption  que  nous  a  donnée  J.  C.  ;  non  l'exemp- 
tion pour  le  serviteur  de  faire  ce  que  son  maître  lui  ordonne  ;  non 
l'exemption  de  l'obéissance  au  Décalogue ,  aux  lois,  aux  princes, 
aux  prélats,  aux  supérieurs;  non  l'exemption  des  œuvres  de  péni- 
tence et  de  satisfaction  ;  non  l'exemption  d'accomplir  les  vœux  que 
l'on  a  pu  faire;  car  la  liberté  de  se  soustraire  à  toutes  ces  obliga- 
tions est  une  liberté  déraisonnable,  animale,  charnelle,  honteuse, 
injuste  ;  c'est  une  liberté  contraire  à  la  nature  et  à  la  droite  raison. 
Ce  n'est  donc  point  une  pareille  liberté,  qui  ne  serait  en  réalité 
qu'une  révolte  formelle,  que  J.  C.  nous  a  procurée.  La  liberté  chré- 
tienne est  l'exemption  des  nombreuses  cérémonies  de  l'ancienne 
loi;  c'est  l'exemption  du  joug  du  péché,  du  démon  et  de  la  mort, 
ainsi  que  de  la  damnation  éternelle. 

L'homme ,  dit  saint  Léon ,  possède  une  vraie  paix  et  une  vraie 
liberté ,  quand  il  soumet  sa  chair  à  l'esprit  et  l'esprit  à  Dieu  :  Vera 
vax  h&minibus,  et  vera  liber  tas,  quando  et  caro,  animojudice,  regitur  ; 
etanimv.s,  Deoprœside,  gubernatur  (Serm.  deNativ.). 

Fût-il  esclave,  dit  saint  Augustin ,  l'homme  de  bien  est  libre;  ei 
fût-il  roi,  le  méchant  est  esclave  :  Bonus,  si  serviat,  liber  est  ;  malus 
autem,  etsi  regnet,  servus  est  (Lib.  IV  de  Civit.,  c.  m). 

L'homme  fait  un  bon  usage  de  sa  liberté,  quand  il  choisit  de  faire 
ce  .qui  est  conforme  aux  lois  et  à  la  volonté  de  Dieu.  En  agissant 
ainsi,  il  se  soumet  à  son  véritable  et  légitime  maître.  Mais  servir 
Dieu,  c'est  régner;  et  cette  vérité  est  solidement  prouvée;  car 
4°  servir  Dieu,  c'est  faire  de  la  raison  un  juste  usage...;  2°  servir 
Dieu ,  c'est  nous  procurer  une  liberté  vraiment  royale,  puisqu'en 
Dieu  se  trouve  la  liberté  souveraine...;  3°  servir  Dieu,  c'est  nous 
unir  au  Roi  des  rois,  et,  par  conséquent,  régner  avec  lui.  Au  con- 
traire, si  nous  nous  unissons  à  des  esclaves,  nous  deviendrons 
esclaves  comme  eux.  C'est  une  grande  servitude  d'être  soumis  à  ses 
inférieurs  ;  or,  il  n'y  a  rien  de  plus  vil  que  les  passions;  donc  celui 

qui  les  sert  est  le  dernier  des  esclaves Le  service  le  plus  noble, 

de  se  soumettre  h  Dieu;  car  Dieu  élève  ceux  qui  le  servent:  i!  [ç- 


42  LTBEBTâi 

glorifie,  il  les  béatifie,  il  les  lait  rois  et  prêtres,  dit  l'Apocalypse 
(v.  10). 

Le  service  do  Dieu  consiste  en  quatre  choses  t  1°  a  ttôfmaîfré 
Dieu,  et  ce  qui  conduit  à  lui;  lu  se  trouve,  à  proprement  parler, 
le  l'un  lement  du  service  de  Dieu...  ;  -°à  l'aire  d°s  œuvres  de  charité 
et  de  bienfaisance.  Pendant  que  nous  jouissons  des  biens  que  Dieu 
nous  a  laits ,  nous  devons  l'en  remercier,  nous  efforcer  de  celé 
en  tout  sa  bonté  et  sa  gloire;  lui  offrir  et  lui  consacrer  notre  cœur, 
noire  âme,  n  ta  et  nos  soins.  C'est  ainsi  qu'agissent  à  l'égard 

de  leur  prince  les  courtisans  fidèles  et  dévoues;  car  ils  Jouent  par- 
tout es  qualités  et  sa  puissance  ,  afin  de  porter  tous 
les  hommes  à  l'aimer  et  à  le  servir,  et  ils  ne  souffrent  pas  que 

one   attaque  son  nom 3n  Le  service  de  Dieu   consiste  à 

s'acquitter  des  devoirs  du  culte,  en  lui  rendant  nos  devoirs  par  V( 
iion  du  saint  sacrifice,  par  les  cérémonies,  les  hymnes,  les  louan- 
ges, les  prierai  et  les  vœm.  "■■  l'office  des  anges  et  des  saints 
qui,  dans  le  ciel,  vivent  en  Dieu,  l'honorent,  le  louent,  le  bénissent, 
l'aiment  et  l'a  lurent.  Aussi  le  parlait  service  de  Dieu  est-il  notre 

béatitude  et  la  \ie  éternelle i"  Le  service  de  Dieu  consiste  à  garder 

les  commandements  de  Dieu  et  à  pratiquer  les  vertus 

e  à  Dieu  et  le  ser\  ir ,  c'est  s'imposer  l'heureuse  tîé*c'es- 
•  il'  d'ol  'ii'  à  -si  s'oter,  autant  qu'on  le  peut,  fa  tris! 

cruelle  liberté  de  mal  l'aire  et  de  se  perdre.  La  liberté  des  enfants  de 
Dieu  consiste  à  se  di  livrer  du  péfché;  or,  le  service  do  Dieu  pu 
\  effet  :  il  donne  donc  la  véritable  liJ 

Remarquez,  dit                            eces  d  !  libertés  que  nous  puu- 
Qoufi  imaginer  dans  les  créatures.  La  première  est  cette 
animaux,  la                        i  liberté  des  rebelles,  la  troisième  e 
liberté'  des  enfants  de  Dieu.  Les  animaux  semblent  libres,   parce 
qu'on  n  ■  leur  a  pi                       lois;  les  rebelles  s'imaginent  l'i 
|       j  qu'Us  secouent  l'autorité  des  fié;-;   les  entants  de  Dieu  le  sont 
mettant  humblement  aux  lois:  telle  est  la  liberté 
véri  ■      .  autn  -  i  [u'imàginalres 

Cai  cette  liberté  dont  jouissent  les  animaux, 

j'ai  be  -  vrai  qu'ils 

qm  répriment  but:  app  lits  ou  dirigent  leurs  nioincment.-;  mais, 
c'est  qu'ils  n'.  ['être 

traîné  un 
-     ,  sànscan  ..  ons- 


i.IBERTi:.  43 

et  de  discipline?  A  Dieu  ne  plaise, ô  enfants  dp=  hrnnm**.  --n'unetelle 
liberté  vous  plaise,  et  que  vous  souhaitiez  jamais  d'être  libres  d'une 
manière  si  bisse  et  si  ravalée!... 

Où  sont  ici  ces  hommes  brutaux  qui  trouvent  toutes  les  lois 
importunes,  et  qui  voudraient  les  voir  abolies ,  pour  n'en  recevoir 
que  d'eux-mêmes  et  de  leurs  désirs  déréglés  ?  Qu'ils  se  souviennent 
du  moins  qu'ils  sont  hommes,  et  qu'ils  n'affectent  pas  une  liberté 
qui  les  range  avec  les  bêtes;  qu'ils  écoutent  ces  belles  paroles  de 
Tertullien  :  Il  a  bien  fallu,  nous  dit-il,  que  Dieu  donnât  une  loi  à 
l'homme;  et  c:da  par  quelle  raison?  Etait-ce  pour  le  priver  de  sa 
liberté?  Nullement ,  cYtait  pour  lui  témoigner  de  l'estime  :  Lex 
adjeela  homini.ncrun  tara  liber  quam  abjectus  videretur.  Cette  liberté 
de  vivre  sans  lois  eût  été  injurieuse  à  notre  nature.  Dieu  eût  témoi- 
gné qu'il  méprisait  l'homme,  s'il  n'eut  pas  daigné  le  conduire  et 
lui  prescrire  l'ordre  de  sa  vie;  il  l'eût  traité  comme  les  animaux, 
auxquels  il  ne  permet  de  vivre  sans  loi,  qu'à  canse  du  peu  d'état 
qu'il  en  fait,  et  qu'il  ne  laisse  libres  que  par  mépris  :  /Equandm 
cœleris  animantibus,  solu'is  a  Deo,  et  ex  fastidio  liberis.  Si  donc  il  nous 
a  établi  des  lois,  ce  n'est  pas  pour  nous  ôter  notre  liberté,  mais 
pour  nous  marquer  son  estime;  c'est  qu'il  a  voulu  nous  traiter  en 
hommes.  Constitue,  Domine,  leyislatorem  super  eos  :  0  Dieu  !  donnez- 
leur  un  législateur  ;  modérez-les  par  des  lois.  Ut  sciant  gentes  quoniam 
homines  sunt  :  Afin  qu'on  sache  que  ce  sont  des  hommes  (Psul. 
ix.  "21  )  ,  capables  de  raison  et  d'intelligenre,  est  digne  d'être  gou- 
vernés par  une  conduite  réglée 

Par  où  vous  voyez  manifestement  que  la  liberté  convenable  à 
l'homme,  n'est  pas  d'affecter  de  vivre  sans  lois.  Il  est  juste  que  Dieu 
nous  en  donne;  il  n'est  pas  moins  juste  que  notre  volonté  s'y  sou- 
mette; car  dénier  son  obéissance  à  l'autorité  légitime,  ce  n'est  pas 
liberté,  mais  rébellion;  ce  n'est  pas  franchise,  mais  insolence.  Qui 
abus?  de  sa  liberté  jusqu'à  manquer  de  respect,  mérite  injustement 
de  la  perdre  ,  et  il  en  est  ainsi  arrivé.  L'homme,  dit  saint  Augustin, 
ayant  mal  usé  de  sa  liberté,  il  s'est  perdu  lui-même,  et  il  a  perdu 
tout  ensemble  cette  liberté  qui  lui  plaisait  tant  :  Libero  arbitrio  maie 
utens  homo  ,  et  se  perdidit  et  ipsum  (  Enchirid.,  c.  xxx).  Et  cela  pour 
le  raison?  C'est  parce  qu'il  a  eu  la  hardiesse  d'éprouver  sa 
té  contre  Dieu  :  il  a  cru  qu'il  serait  plus  libre ,  s'il  secouait  le 
- 1  loi.  Le  malheureux  a  mal  connu  quelle  était  la  nature  de 
sa  liberté.  C'est  une  liberté  ,  remarquez  ceci ,  mais  ce  n'est  pas  une 
i       pendance;    c'est  une  liberté,  mai*  ell^  ne  l'exempte  pas  de  la 


Ai  LIBERTÉ. 

sujétion  qui  est  essentielle  à  la  créature;  et  c'est  ce  qui  a  abusé  le 
premier  homme.  Le  pape  Innocent  1  a  dit  qu'Adam  avait  été  trompé 
par  sa  liberté  :  Sua  in  œternum  libertate  deceptus,  c'est-à-dire  qu'il 
n'a  pas  su  distinguer  entre  la  liberté  et  l'indépendance;  il  a  prétendu 
être  libre,  plus  qu'il  n'appartenait  à  un  homme  né  sous  l'empire 
souverain  de  Dieu.  Il  était  libre  comme  un  bon  fils  sous  l'autorité  de 
son  père  :  il  a  prétendu  être  libre,  jusqu'à  perdre  entièrement  le 
respect,  et  passer  les  borne?  de  la  soumission.  Ce  n'est  pas  ainsi 
qu'il  tant  être  libre,  c'est  la  liberté  des  rebelles. 

La  vraie  liberté,  c'est  d'être  soumis  à  Dieu,  et  de  s'occuper  de  son 
salut C'est  un  secret  de  Dieu  de  savoir  joindre  ensemble  l'affran- 
chissement et  la  servitude;  et  saint  Paul  nous  l'a  expliqué  en  la 
première  épitre  aux  Corinthiens,  lorsqu'il  a  dit  ces  belles  paroles  : 
Celui  qui .  es*  lave,  b  ê\  a]  p  '  ',  est  affranchi  du  Seigneur  :  pareil- 
lement celui  qui,  libre,  a  été  appelé,  est  esclave  du  Christ  :  Qui  in 
Domino  vocat us  est  servus,  libertus  est  Domini  :  similiter  qui  liber  voca* 
tus  est,  servus  est  Christi  (vu.  22). 

N'aimons  notre  liberté  que  pour  la  soumettre  à  Dieu,  et  ne  nous 
persuadons  pas  que  ses  saintes  lois  nous  la  ravissent.  Ce  n'est  pas 
s'opposer  à  un  fleuve,  ni  à  la  liberté  de  son  cours,  que  de  relever 
ses  bords  de  part  et  d'autre ,  de  peur  qu'il  ne  se  déborde  et  ne  perde 
ses  eaux  dans  la  campagne;  au  contraire,  c'est  lui  donner  le  moyen 
de  couler  plus  doucement  dans  son  lit,  etde  suivre  plus  certai- 
nement son  cours  naturel.  Ainsi ,  ce  n'est  pas  perdre  la  liberté  que 
de  lui  imposer  des  Lois,  de  lui  donner  des  bornes  deçà  et  delà  pour 
empêcher  qu'elle  ne  B'égaTe,  c'est  L'adresser  plus  assurément  à  la 
voie  qu'elle  doit  tenir;  par  une  telle  précaution,  on  ne  la  gêne  pas, 
mais  ou  la  conduit  ;  <>u  oe  la  force  pas,  mais  on  la  dirige.  Ceux-là  la 
perdent,  ceux-là  la  détruisent,  qui  détournent  son  cours  naturel, 
tndance  au  souverain  bien 

\m;i  la  liberté  véritable,  c'est  de  dépendre  de  Dieu;  carne  pas  lui 
•'tre  soumis,  ce  d  liberté  ,  mais  rébellion 

Si  quelque  chose  esl  capable  de  rendre  un  cœur  libre  .  ei  de  le  mettre 
iu  large,  c'est  le  parlait  abandon  à  Dieu  et  à  sa  sainte  volonté 

Qu'est-ce  qui    Jésus  dit  aui  Juifs  :  Si  vous  demeurez  dans  ma  parole,  vous  seifi 

U liberté?     véritablement  mes  disciples,  et  vous  connaîtrez  la   vérité,  et  la 

té  vous  déli\  rera  :  Si  vot  manseritis  in  sermone  mco,  vere  discipuli 

cognoscetis  veritatem,  et  veritus liberolnt  >■■       | •  ..-nin .  mu. 


l./BERT£.  45 

31 .  32).  Si  donc  ïe  Fils  vous  délivre,  vous  serez  vraiment  libres  :  Si  vos 
Filius  liberaverit,  vere  liberi  eritis  (  Joann.  vin.  36). 

La  vérité  vous  délivrera  :  or  J.  C.  est  la  vérité  ;  il  le  dit  lui-même  : 
Je  suis  la  voie ,  la  vérité  et  la  vie  :  Ego  sum  via ,  veritas  et  vita 
(Joann.  xiv.  6). 

J.  C.  a  détruit  quatre  servitudes,  et  nous  adonné  quatre  libertés  : 
1°  Il  a  détruit  le  joug  de  l'ancienne  loi ,  et  nous  a  donné  la  liberté  de 

l'Evangile 2°  Il  a  détruit  l'esclavage  où  nous  retenait  le  péché  , 

et  nous  a  apporté  la  liberté  de  la  justification 3°  Il  a  détruit  l'em- 
pire de  la  concupiscence,  et  nous  a  donné  la  liberté  du  Saint-Esprit, 

et  la  souveraineté  de  la  charité  et  de  la  grâce 4°  Il  a  détruit  J;« 

mort,  et  nous  a  donné  la  vie 

Où  est  l'esprit  du  Seigneur ,  là  se  trouve  la  liberté ,  dit  saint  Paul  : 
(Jbi  spiritus  Dei,  ibi  libertas  (II.  Cor.  ni.  d7  ).  J.  C.  nous  a  donné  1s 
liberté,  dit  encore  l'Apôtre  :  Christusnos  Uberavit  (Galat.  iv.  3!;. 

Celui  qui  a  regardé  au  fond  de  la  loi  parfaite  de  liberté ,  et  Fa 
constamment  observée,  dit  l'apôtre  saint  Jacques,  celui-là  sera  heu- 
reux dans  son  œuvre  :  Qui  perspexerit  in  legem  perfectam  libertatis , 
et  permanserit  in  ea,  hic  beatus  in  facto  suo  erit  (i.  2o).  Cette  loi  par- 
faite de  liberté ,  c'est  la  loi  évangélique.  4°  Elle  est  une  loi  de  liberté 
parce  qu'elle  nous  a  délivré  des  préceptes  judiciaires  et  cérémoniels 
de  l'ancienne  loi  ;  mais  non  pas  du  Décalogue ,  comme  nous  l'avons 
dit  plus  haut  :  car  le  Décalogue  oblige,  non  parce  qu'il  a  été  pro- 
mulgué par  Moïse ,  mais  parce  qu'il  est  la  loi  de  nature,  sanctionnée 
par  Dieu,  et  renouvelée  par  J.  C.  Ne  pensez  pas,  dit  J.  C. ,  que  je 
sois  venu  abolir  la  loi  ou  les  prophètes  :  je  ne  suis  pas  venu  les  abolir, 
mais  les  accomplir  :  Nolite  putare  quod  veni  solvere  legem.  aut  propke- 
tas  :  non  veni  solvere,  sed  adimplere  (Matth.  v.  17).  2°  La  loi  évangé- 
lique est  une  loi  de  liberté,  parce  qu'elle  nous  a  délivré  du  péché, 

du  pouvoir  du  démon  et  de  l'enfer Or  la  seule  vraie  liberté  aux 

yeux  de  Dieu,  dit  saint  Jérôme,  c'est  d'être  exempt  de  péché  :  Sola 

apud  Deum  libertas  est,  non  servire  peccatis (Epist.  )  3°  La  loi  de 

l'Evangile  est  une  loi  de  liberté  parce  qu'elle  nous  affranchit  de  la 
contrainte  et  de  la  crainte  ;  nous  devons  observer  les  préceptes  du 
Seigneur ,  non  par  crainte  de  sa  vengeance ,  mais  par  amour  de  la 
justice.  Les  chrétiens  ne  sont  pas  esclaves  comme  les  Juifs;  ils  sont 
des  fils 

Nous  sommes  nés  pour  régner ,  dit  Sénèque  ;  obéir  à  Dieu ,  c'est 
jouir  de  la  liberté  :  In  regr.o  nati  sumus ,  Deo  parère  libertas  est  (De 
Vita  beata,  c.  v). 


46  LIBERTÉ 

Nous  ne  somme?  ptfl  pou?  la  loi  «le  ju?tic  ^  qui,  on  ordonnant  do  faire 
le  bien, n'en  donnai!  pas  le  pouvoir,  dit  saint  Augustin;  mais  nous 
■JOUAI  la  loi  de  giAce ,  qui ,  en  nous  faisaot  aimer  ce  qui  nous 

libres  (I). 
liberté  pour  pécher  librement,  ajoui 
nepoin!  pécher: 

mmisi  libre  du  péché,  soui 
.ire  que  la  loi  évangéii  pie  est  un 

/■n.  u  .     E  irons  délivrés  de  la  n. 

toute  misère C  il  ù-la  .  d'à  en 

tiondonl  '  is,etdanf 

plait,  se  tr  luve  la  Eeule  vraie  liberté  :  h 
ui  servire,  omnib  ts  utiliaiimum  est ,  et  in  cujxs  servit  in  ,  //la- 
cère perfeete,  sola  libertas  est  (De  Quanti tate anima?,  c.  xwiv  ).  Sen  ir 
Dieu.  cV-l  ié.ii.-i- ,  il,  e  grand  docteur  :  Cui  fnare 

<  '    i  l  supra). 

m* ,  dit  le  Prophète  n  yal ,  c'est  parce  que  je  suis  votre  per- 
vitciir,  votre  ftdèJ  :r,etlo  fils  de  votre  servante ,  que "vous 

au.,   rompu  :  ,  quia  ego  serws  twts ,  e,§Q  semis 

tutu,  et  filins  ancillœ  îuœ,  dirupisti  vineula 

Notre  âfBtyonmmeu  -  i, a  été  délivrée  du  filet  de  l'pjapJsur; 

Le  filet  a  été  rompu ,  et  nous  a  Sté  sauvé 

|  ;  inçueus  contrihis  < 

raiinnmts  (PmL  gzxiit.  7). 

i  ur  adélivré  Sion  de  sa  captn  Lié,  nous  avenséjté 

dans  l'a'.  .  In  cmvertenda  Dominas  captivi  ■  façti 

Q6UV  qui  délie  les 
captifs  :  I)  mima  \i.v.  7). 

tee,  dit  saint  Augustin,  ostquenou  affran- 

par  le  prim  ii .  en  nous  déln  iaut,  nous  sui\rra. 

i  étions  11  ;  après  notre  all'ra;rlm-.-ini'i]t, 

la  :  harilé  :  U 
estfUt  aliben  ■  <■     nos  faciat.  Servi  emr\ 

muiCMpiditfltis;  /■  .  \\  Tract,  in  U?  .loaim.). 

J.C.nousad'  il  la  captivité  du  péohé,  de  la  mort,  du  démon 


(1)  Non  snmii  bonum  quidem  jubente,  non  lamcn  donte|  »ed  ratnu» 

lub  gralii,  mu:  iil  <|io>d   l.\  jufa 

(i  Noli  lihcrt.itc  nbuli  ad  Jibere  pecçnudum^ed  biidiini : crit  onim 

Toliintaitua  liber,  si  fucris  servie;  liber  peccati,  setvua 

iusliluc  (Li'6.  de  Conii'i.,  c.  m). 


LIBERTÉ.  47 

et  de  l'enfer.  Cette  liberté  est  la  liberté  de  l'âme,  très-granrle,,  très-pré- 
cieuse, et  éternelle.  Pour  nous  la  procurer,  subir  la  servitude  durant 
celle  misérable  vie  ne  serait  rien.  Maie  J.  C.  nous  a  délivrés  même  de 
cette  dernière  espèce  de  captivité:  car  1°  venant  au  monde  comme 

prince  de  la  paix ,  il  a  apporté  avec  lui  la  paix  au  monde 2°  Il  a 

déchargé  les  Juifs  qui  se  soumettaient  à  lui,  de  leurs  péchés  et  du  far- 
deau de  la  loi  ;  il  a  détruit  l'esclavage  qui  est  la  peine  du  péché;  il  a  fait 
quela  servitude  ne  fût  plus  pour  ses  serviteurs  le  châtiment  de  la  fan  te, 
mais  simplement  la  condition  de  notre  nature;  ou  plutôt,  qu'elle 
leur  devint  un  exercice  de  patience  et  de  vertu,  le  principe  et  la  cause 
(le  la  liberté  et  de  la  gloire  célestes 3'Par  sa  grâce,  il  a  rendu  la  ser- 
vitude des  chrétiens  volontaire,  douce  et  agréable,  et  non  pas  dure  et 
forcée  comme  l'était  celle  des  Juifs 4°  A  la  résurrection,  il  anéan- 
tira tout  esclavage  pour  les  saints;  il  leur  donnera  non-seulement  la 
liberté,  mais  le  royaume  du  ciel,  afin  qu'ils  soient  rois,  et  rois  pour 
l'éternité,  et  maîtres  de  l'unn  (  rs 

Vous  êtes  tous  appelés  à  la  liberté  véritable  par  J.  C,  dit  saint 
Paul  aux  Galales  :  Vos  enim  in  liùertatemvocatiestii  (v.  13). 

Rachetés  par  J.  C.  et  rendus  à  la  vraie  liberté,  il  faut  rester  libres.    . 
Tous  avez  été  achetés  à  grand  prix,  dit  cet  apôtre  aux  Corinthiens  : 
ne  vous  faites  point  esclaves  des  hommes  :  Pretio  emoti  eslis ,  nolite 
fieri  servi  hominum  (1.  vu.  23). 

\ous  êtes  tous  enfants  de  Dieu  par  la  foi,  qui  est  en  J.  C. ,  dit  le  Nous  somme, 

grand  apôtre  :  Omnes  enim  filii  Dei  estis  pçr  fidem ,  quœest  in  Christo  t]U^K^p(elesta 

Jesu  (Galat.  ni.  26).  11  n'y  a  plus  ni  Juif,  ni  Grec  ;  ni  esclave,  ni     tous  égaux 
...  . ,  .   .  ...  i     r,i    •  .       devant  Dieu, 

libre;  m  homme,  m  iemme  :  car  vous  êtes  tous  un  dans  le  Christ. 

Aon  est  Judœus,  neque  Grcecus;  non  est  ser v us ,  neque  liber;  non 

est  masculus,  neque  femiua;  omnes  enim  vos  unum  estis  in  Christo  Jcsu 

(Gai.  m.  28). 

Vous  n'êtes  plus  serviteur,  mais  fils;  que  si  vous  êtes  fils,  vous 
êtes  aussi  héritier  de  Dieu  par  le  Christ  :  Jam  non  est  $ervus,scd 
frfius;  quod  si  fdius,  et  hœres  per  Deum  (Gai.  iv.  7). 

"Vous  n'êtes  plus  des  hôtes  et  des  étrangers ,  mais  les  concitoyens 
des  saints;  vous  appartenez  à  la  maison  de  Dieu  :  Jam  non  estis 
hospites  et  advenœ,  sed  eslis  cives  sanctorum,  et  donxestici  Dei  (Ephes. 
H.  19). 

Nous  sommes  tous  de  la  cité  des  anges,  des  patriarches,  des  pro- 
phètes, de  la  maison  et  de  la  famille  de  Dieu,  c'est-à-dire  de 
l'Eglise;  nous  sommes  de  la  famille  du  Messie  roi;  nous  avons  droit 


48  LIBERTÉ. 

aux  sacrements  et  à  tous  les  biens  de  J.  C.  et  des  chrétiens  ;  nous 

sommes  inscrits  au  nombre  des  héritiers  du  royaume  céleste 

Nous  n'avons  tous  qu'un  seul  et  même  maitre  dans  le  ciel;  et  ce 
maitrene  fait  point  acception  de  personnes 

vraie  étdun-  ^0rs  entrerons  dans  le  repcs;  i  avons  cru,  dit  l'Apôtre  aux 

Uc  est  au  ciel.  Hébreux  (  iv.  3  ). 

Quels  seraient  votre  liberté,  votre  repos,  gens  du  monde,  si  l'on  vous 
disait  que  vos  richesses  sont  si  assurées,  que  jamais  vous  n'aurez  à 
craindre  aucune  indigence;  votre  fortune  si  bien  établie,  que  jamais 
vous  ne  soutlrirez  aucune  disgrâce;  vos  forces  et  votre  santé  si  bien 
réparées,  qu'elles  ne  seront  jamais  altérées  par  aucune  malt 
Quelle  serait  votre  joie  !  que  votre  liberté  vous  paraîtrait  grande  et 
aimable  !  Combien  donc  ne  serez  -  vous  pas  libres  et  heureux ,  et 
quelle  ne  sera  pas  la  dignité  et  la  gloire  de  votre  liberté,  lorsque 
vous  ne  pourrez  plus  être  iujustes,  lorsque  vous  ne  pourrez  plus 
être  impurs  ,  lorsque  vous  ne  pourrez  plus  être  pécheurs,  lorsque 
vous  ne  pourrez  plus  perdre  Dieu,  que  vous  ne  pourrez  plus 
décheoir  de  votre  justice  et,  par  conséquent,  de  votre  bonheur! 
Mais  une  paix  et  une  liberté  semblables  n'existent  que  dans  le  ciel. 

Usons  donc  bien  ici-bas  de  la  liberté ,  et  la  liberté  nous  sera  donnée 
ti  ès-pleine,  très-entière  et  très -puissante  ;  nous  ne  pourrons  plus  être 
soumis  à  aucune,  servitude,  ni  extérieure,  ni  intérieure,  ni  physi- 
que, ni  morale;  nous  serons  éternellement  libres,  et  éternellement 
nous  consacrerons  notre  liberté  à  aimer ,  louer ,  bénir  et  adorer  la 
liberté  incréée  qui  est  Dieu 


àOettlafaMM   La  vérité  vous  délivrera,  dit  J.  C.  aux  Juifs.  Us  lui  répondirent: 
h  qaelesi      N",1S  sommes  de  la  race  d'Abraham,  et  ne  fûmes  jamais  oelaves 

<CpaVil'ilrc?  C  ''''  personne.  Comment  donc  dites-vous:  Vous  serez  libres?  (Joann. 
Via.  32-33.)  Jésus  leur  répondit  :  En  vérité,  en  vérité  je  vous  le 
dis  :  Ouiconque  pèche  est  un  esclave  du  péché  :  Amen,  amen  dicc 
vobis,  quiaomnis  qui  finit  iiwcatum,servus  est  peccati  (Joann.  vin.  34). 
Voilà  l'esclavage  vraiment  redoutable;  il  est  daDsle  péché,  et  n'est 

que  là 

Pût-il  esclave,  l'homme  vertueux,  dit  saint  Augustin,  est  libre; 
au  contraire  ,  fût-il  roi ,  l'impie  est  esclave  :  esclave,  non  d'un  seul 
homme,  mai> .  ce  qu'il  >  a  de  pins  aflreux,  d'autant  de  maîtres* 
cruels  .  <jn  il  est  Boumisà  '1''  vices  divers  :  Bonus,  si  serviat ,  liber  est  ; 
malus  au tem,  etsi  rcynrt ,  wvus  est  ;  nec  unius  hominis,  sed  quod 


LIBERTÉ.  49 

gravit/s  est,  tôt  dominorum  quoi  vit iorum.  (Lib  IV  de  Civit.,  c.  m).  Les 
«  Iules,  les  pécheur?,  les  hommes  pervers  et  corrompus,  les 
rebelles ,  les  impies,  vivantsans  frein,  sans  loi ,  sans  principes ,  sani 
religion  ,  sans  conscience ,  sans  Dieu ,  ne  sont  pas  libres,  mais  entiè* 
rement  esclaves.  Ils  sont  vendus  sous  le  péché,  dit  le  grand  Apôtnf 
aux  Romains  :  Venundatus  sub  peccato  (vu.  \A).  Ils  veulent  une  ploint 
liberté  :  ils  trouvent  un  parfait  esclavage.  Ainsi  leur  liberté  périt 
par  cela  même  qu'ils  la  veulent  trop  étendue.  La  cherchant  absolue, 
ils  la  détruisent;  parce  que,  livrés  à  eux-mêmes,  ils  se  jettent  en 
aveugles  dans  tous  les  excès  ,  et  rencontrent  autant  de  tvrans  qu'il? 

ont  de  passions 

L'exemple  du  prodigue  est  là  pour  attester  cette  triste  et  terribl 
vérité.  Cet  aveugle  jeune  homme  ne  se  croit  pas  assez  libre  dans  la 
maison  paternelle,  où  il  a  toutes  choses  en  abondance.  Il  veut  en 
sortir  ;  il  veut  fuir  les  regards  et  les  avis  charitables  de  son  père ,  qui 
lin  reproche  avec  bonté  ses  premiers  dérèglements.  Il  part ,  il  s'éloi- 
gne, il  s'enfonce  dans  une  contrée  inconnue  et  barbare.  Trouvera-t-i3 
la  liberté?  elle  le  fuit.  En  peu  de  temps  il  dévore  tout  ce  qu'il  possède, 
en  se  livrant,  avec  de  faux  amis,  à  ses  penchants  déréglés.  Fortune, 
honneur,  santé,  paix  et  joie ,  il  perd  tout,  se  trouve  réduit  à  l'indi- 
gence, et  torturé  à  la  fois  par  la  faim ,  la  soif  et  le  froid.  Méprisé , 
abandonné  de  tout  le  monde,  il  est  forcé  de  se  faire  l'esclave  d'un 
maitre  sans  entrailles,  qui  l'envoie  à  la  campagne  garder  un  trou- 
peau de  pourceaux.  Là,  dévoré  de  faim,  il  désire  remplir  son  ventre 
dessiliques  dont  se  nourrissent  ses  pourceaux;  mais  personne  ne  lui 
en  donne.  0  prodigue,  as-tu  trouvé  la  liberté,  l'heureuse  liberté? 
La  liberté  du  prodigue  est  l'image  de  celle  dont  jouissent  les  impu 
diques,  les  avares,  les  ivrognes,  tous  ceux  qui  se  sont  vendus  au 

péché  et  se  trouvent  sous  le  joug  de  fer  du  démon  et  des  passions 

Ils  (les  faux  prophètes ,  les  hérétiques ,  les  impies)  promettent  la 
liberté ,  dit  saint  Pierre ,  et  ils  sont  eux-mêmes  esclaves  de  la  cor- 
ruption ;  car  le  vaincu  est  esclave  de  celui  qui  a  remporté  sur  lui  la 
victoire  :  Libertatem  Mis  promittentes,  cum  ipsi  servi  sint  cojTuptionis , 
aquo  enim  quis  super atus  est ,  hujus  et  servus  est  (  IL  n.  19). 

Oui ,  dit  saint  Cyrille ,  la  trop  grande  liberté  est  la  perte  de  le 
liberté  ;  car  les  gouvernements  qui  ne  répriment  pas  la  trop  grande 
liberté  des  méchants ,  périssent  par  cette  liberté ,  qui  se  change  er 
licence,  en  rébellion ,  en  injustice  et  en  forfaits  (  Catech.). 

Lorsque  le  corps  reste  soumis  à  l'âme,  il  vit;  s'il  veut  s'en  délivrer. 
il  meurt.  Un  vaisseau  qui  obéit  au  pilote  est  préservé  .les  naufrages; 
m.  4 


50  LTBERîé. 

abat/donné  à  lui-même,  il  va  ati  .Té  de?  te.   pèi  s.  p^  fortea  contre 

.me  pour  ne  plus  reparaître.  La 
fourmi  i                                      plus  libre  que  i  e  n'en  a  pas, 

pui                      eoler;  mal  iiche  à  là  êaptivité  et  à  la 

mort.  Ainsi  la  1                               -est  pour  eux  un  principe 
■  le  ruine  et  de  perdition 

les  méchants  ne 

turesraiso  ,  inteî- 

iieu,  et  pj  uent  dép  lui.  I.'s 

luttent  en  euj  t 

r  pre  droit  rendent  e 

ut  =a  colère.  Le  ; 
liberté  pour  icrre  à  Lien;  il  iï:. 



or  avoir  mépi  Q  des  biens  véritables  que  !e 

:•  lui  a'va  t  donnés ,  rhomme  est  abaj 
biens  apparents.  Les  plaisirs  du  ciel  ne  lui  ont  pas  filiv;  il  tevîètit 
peUïs  qui  mènent  les  ames  a  I  on",  [i 

poinl  voulu  i  ;'il  avait  reçue  du  i 

-  la  liberti  lire  que  sa  rai 

s,  tlisènl  ours  ,  ribus  pbuvoris  fo 

[uehous  l'aire  ce  que  voifs  voulez! dil 

traire,  a  te  ce 

3  le  pourriez,  vous  n'êtes  pas  ! 

: ,  puis[uc  vous  ne  pouvez 

rtune  ne  soit  inconstante  ,  que  votre  féli- 

'[uo  vous  aimez  ne  vous  échappe,  que  la 

un  faux  ami,  au  milieu  de  VOS  èntre- 

•  pouvez  pas  empêcher  que 

■  tentions.  Ou  V0U6  le*  man- 

ii  ,,'.-  man .niez  quand  vous  ne  par- 

Lut;  v\l -,  vous  m  nqucnt  quand,  oMonani  ce  que 

e  .  Vous  no 
m  '  le  plus  :  vous  voulez  le  plaisir,  le 

.  L-  plus ,  il  faut 
[uea  e  de  feu  et  de  soufre,  ce 

ne! Rn  faisant  ce  que  je  voulais .  dit 

n  je  nevi  >*(  n/>.  Cnnfa*  V 


LIBERTÉ.  *>1 

La  faussé  liberté ,  c'est  de  vouloir  f  ire  sa  volonté  pi  de 

1 1 ion   d'indépendance,    c'est  la  liberté  de   Satan  et  de  ses 
rebelles  complices 

Quels  sont  vos  sentiments,  ô  pécheurs  aveugles,  lorsque  préten- 
dant être  libres,  vous  suivez  pour  toute  règle  votre  humeur,  votre 
passion,  votre  colère,  votre  plaisir,  votre  fantaisie  égarée;  1  r 
vous  ne  faites  que  secouer  le  mors  et  regimber  contre  toutes  les  !,.is, 
Sans  vouloir  souffrir,  ni  qu'on  vous  retienne,  ni  qu'on  vous 
reprenne,  ni  qu'on  vous  enseigne,  ni  qu'on  vous  conduise?  Vous 
voulez  la  liberté  des  chevaux  indomptés,  des  lions  et  des  tigres 

Le  nom  de  liberté  est  le  plus  doux  et  le  plus  agréable,  mais 
tout  ensemble  le  plus  trompeur  des  noms.  Les  troubles,  lessédi- 

.  le  mépris    es  lois,  ont  toujours  eu  leur  cause  ou  leur  prêt 
dans  l'amour  d'une  liberté  mal  entendue.  Il  n'y  a  aucun  bien  de  la 
nature  dont  les  hommes  abusent  davantage  que  de  leur  liberté 

Saint  Epiphane ,  évêque  de  Pavie,  fit,  en  493 ,  un  voyage  en  Lour-  Q,,e  !«  saints 

pour  racheter  les  captifs  détenus  par  le  roi  Gondebaud  {In  à  procurer  la 

lias  nia  )  libcpté   aur 

(Jk>  llla>'  hommes   et 

Saint  Poppon,  abbé  de  Stavelo  an  pays  de  Liège,  employa  tous    aus  peuples-, 
ses  efforts  près  de  saint  Henri  pour  obtenir  de  ce  prince  l'abolition 
de  la  barbare  coutume  de  faire  combattre  des  hommes  contre  des 
ours  (  la  ejus  vita  ). 

Sainte  Bathilde,  reine  de  France,  abolit  l'esclavage.  La  reine  Blan- 
che et  saint  Louis  renfermèrent  le  droit  de  vasselage  dans  des  bornes 
très-étroites  (  In  eorwn  vita  ). 

Saint  Pierre  Nolasque  consacra  tous  ses  biens  au  rachat  des  captifs 
(In  ejus vita). 

Saint  Jean  de  Matha  lit  la  même  chose  (  In  ejus  vita). 

L'histoire  de  l'Eglise  et  la  vie  des  saints  sont  pleines  de  faits    tû 

attestent  que  l'Eglise  et  ses  i  :  n ment  travaillé  à  !  .   - 

i  aa.v  hommes  la  vraie  liberté,  et  à  détruire  l'esclavage,  etc 


LIBRE   ARBITRE. 


•ssèdïïeUbre  aMPÉREZ  votre  8^n'  av0('  cramte  et  tremblement,  dît  l'Apôtre 

arbitre.  B   Cum  metu  et  tremarê  vestram  salutem  operamini  (Philipp.  il.  12) 

V_>^   Ce  passage  prouve,  L°  que  l'homme  possède  le  libre  arbitre 

me  dans  ce  qui  regarde  la  grâce  et  le  salut...  ;  2°  que  personn 
u'esl  assuré  de  la  grâce  et  de  la  persévérance 

I)''-  le  commencement,  Dieu  ,  dit  l'Ecclésiastique,  a  créé  l'homme 
«■t  il  l'a  laissé  dans  la  main  do  son  propre  conseil  :  Dcus  ab  initl 
constitua  hominem,  et  reliquit  illum  in  manu  consilii  sui  (xv.  \h).  I 
lui  a  donné  ses  commandements  et  ses  préceptes  :  si  tu  veux,  garde 
les  commandements  el  ne  jamais  trahir  la  foi  jurée,  Dieu  te  conser 
vera  6  jamais.  Il  a  mis  devant  toi  l'eau  et  le  l'eu,  étends  la  mail 
tut-  <r  que  tu  voudras.  Devant  l'homme  sont  la  vie  et  la  mort,  le  biei 
h  li'  mal  ;  ce  qui  lui  plaira  lui  sera  donné  (1). 

Il  esl  dit  dans  le  livre  du  Deutéronoine  :  Considère  que  j'ai  mi; 
aujourd'hui  devant  tes  yeux  la  vie  et  les  biens,  et  la  mort  et  les  maux 
afin  que  tu  aimes  le  Seigneur  ton  Dieu,  et  que  tu  marches  dans  sei 
voies,  et  que  tu  observes  ses  préceptes,  ses  cérémonies  et  ses  ordon- 
nances .  et  que  tu  vives,  et  qu'il  te  multiplie,  et  qu'il  te  bénisse  dan; 
la  terre  que  tu  vas  posséder.  Mais  si  ton  cœur  se  détourne  de  lui,  s 
lu  ne  veux  pas  l'écouter...,  je  te  déclare  aujourd'hui  d'avance  que  ti 
périras,  .le  prends  aujourd'hui  a  témoin  le  ciel  et  la  terre  que  je  t'a: 
lavieel  la  mort,  la  bénédiction  et  la  malédiction.  Choisi! 

ic  la  vie,  afin  que  tu  vives,  toi  et  ta  postérité  (\w.  lf-19). 

Voilà  des  preuves  évidentes  du  libre  arbitre  de  l'homme 

Ire  que  Dieu  intima  a  ^dam  de  ne  pas  toucher  au  fruit  qu'il 

indiqua,  et  la  menace  qu'il  lui  lit  qu'il  serait  frappé  de  mort,  s'il 
transgressait  ce  précepte,  ne  sont-ils  pas  une  preuve  certaine  qut 

i  a  créé  l'homme  avec  la  faculté  du  libre  arbitre?  Le  Seigneur, 
dit  la  Genèse,  fit  à  l'homme  un  commandement  et  lui  dit  :  Tu  peuî 
manger  de  tous  les  fruits  du  jardin;    mais   ne   mange  pas  du  frui 

mandata  et  prœcepta  sua  :  Si  volueris  mandata  servare,  conservabun 
te,  '  |  |  min  fldem  placitam  facere.  Apposutt  tibi  aquam  et  Ignem  :  ad  quo 

porrtge  mannm  tnam.  Ante  hominem  \ita  et  mors,  bonum  et  nialum 
i  placuerit el,  dabitnr flli {Eccli. xv.  i.W8) 


LTBRK   ARBITRE.  53 

de  l'arbre  de  la  science  du  bien  et  du  mal;  car  au  jour  que  tu 
en  mangeras,  tu  mourras  de  mort  (u.  16-17).  Les  sollicitations 
que  le  serpent  adresse  à  nos  premiers  parents,  afin  de  les  porter  à 
manger  du  fruit  défendu ,  sont  une  autre  preuve  du  libre  arbitr? 
(  Gènes,  m  ). 

Je  vous  avertis,  dit  saint  Paul  à  son  disciple  Timotb.ee,  de  rallume* 
la  grâce  de  Dieu  qui  est  en  vous  par  Fimposition  de  mes  mains  : 
Admoneo  te  ut  ressuscites  gratiam  Dei,  quœ  est  in  te ,  per  impositionem 
manuum  meorum  (II.  i.  6  ). 

Personne,  si  Ton  excepte  le  Seigneur,  ne  peut  créer  un  arbre,  dit 
saint  Augustin;  mais  chacun  est  libre,  ou  de  choisir  le  bien,  et 
d'être  un  bon  arbre;  ou  de  choisir  le  mal,  et  d'être  un  arbre 
mauvais  (1). 

Ils  sont  sortis  de  la  vérité  parce  qu'ils  Pont  voulu ,  dit  le  même 
saint  docteur,  et  ils  sont  tombés  volontairement  :  Voluntote  exierunt, 
et  voluntate  ceciderunt  (  Ut  supra  ). 

Si  tu  fais  le  bien,  dit  le  Seigneur  à  Caïn ,  n'en  recevras-tu  pas  le 
salaire?  Si  tu  fais  le  mal,  le  péché  ne  paraitra-t-il  pas  soudain  sur 
le  seuil  de  ta  porte.  Mais  l'attrait  qui  te  porte  vers  lui  sera  sous  ta 
puissance  et  tu  pourras  le  dominer  (2).  Tu  pourras,  donc  tu  devras 
le  dominer.  Tu  le  pourras,  donc  tu  as  le  libre  arbitre. 

Remarquez  ici  combien  la  volonté  est  puissante,  non-seulement 
sur  les  actions  et  les  mouvements  extérieurs,  mais  aussi  sur  les 
passions  et  les  appétits  intérieurs.  Quand  vous  sentez  les  funestes 
suggestions  des  concupiscences ,  vous  pouvez,  arme  d'une  volonté 
forte  et  constante ,  ne  pas  y  consentir 

Elle  est  grande ,  dit  saint  Chrysostome ,  la  puissance  de  la  volonté 
qui  nous  rend  possible  ce  que  nous  voulons,  et  nous  fait  nous  refu- 
ser à  ce  que  nous  ne  voulons  pas  :  Magna  vis  est  voluntatis ,  quœ  nos 
e/ficit  posse  quod  volumus,  et  non  posse  quod  nolumus  (  Serm.  de  Zach.  ). 

Sénèque  lui-même  a  compris  le  libre  arbitre  :  U  n'y  a  rien,  dit-il, 
de  tellement  difficile  et  ardu,  que  l'esprit  humain  ne  puisse  surmon- 
ter ,  et  qu'une  méditation  soutenue  ne  rende  familier.  Il  n'existe 
point  d'affection  si  forte  qu'on  ne  puisse  vaincre  par  la  discipline. 
L'esprit  obtient  tout  ce  qu'il  veut  formellement  ;  plusieurs  s'étant 

(1)  Nemo,  nisi  Dominus,  arborem  facere  potest  :  sed  habet  unusquisque  in  volun- 
tate sua,  aut  eligere  quae  bona  sunt,  et  esse  arbor  bona  ;  aut  quœ  mala,  et  esse  arbor 
mala  (Lit/,  de  Actis  cum  Felice  Manich.,  c.  iv). 

(2)  Nonne  si  bene  egeris,  recipies  ;  sin  autem  maie,  statim  in  foribus  peccatum 
aderit?  Sed  sub  te  erit  appetitus  ejus,  et  tu  dominaberis  illius  (  Gen.  iv,  7  ). 


54-  HURE    Al:  EURE. 

imposa  le  de-,  •■  jpas  rir\,  ont  été  fi îèles  à  leUi 

d'autri  s  <  n!  voulu  se  ;  river  enl  '  du  vinet  des  plai 

volupté,  et  ilsl'ont'pu  (  Lib.  il  de  Ira,  c.  xn). 

fOutCecfuevmis't  tout  votre  cœur,  d  tfèintetttionj, 

vous  lui.  t  ''■nient  et  efficacement  être  humble, 

i,  pur,  etc.,  vous  IV  il  ni 

L  '•  au  peuple  de  Difi 

a      imihni  <v  ^ui  y..ih  ji  ;: .  < ;.  ■■.   yez  qui  vous  devefc  servir.  1 
peuple  i  is  le  Seigneur,  parce  qu'il  esi.  notre 

bini  :  (,[  !  hodie  rjuod  placet,  • 

viemus  I>r»nino,  qv ■'.  Detit 

noster{y:\\\.  15.  !(>.  18). 

Examinez  la  voie  où  ■  larchenl  -  !  les  Prof erbee ,  et 

toute-  vosdém    ches  seront  affermies;  ne  vous  détonniez  ni  à  droite 

lu  mal  :  Dirige  semitam  pédibut 
vice  tuœ  ne  déclinés  ad  dexteram  neque  ad  fini* 

verte  pf>dem  tuum  amalo(u.  20.  27).  Donc  l'homme  jouit  du 
libre  arbitre  ;  autrement  il  ne  pourrait  pas  marcher  comme  le  dit  le 

eur 

Dieu  .  dès  le  commencement,  ainsi  que  le  dit  récriture,  a  créé 
l'homme,  et  il  l'a  laissé  dans  la  main  de  son  conseil  (/ 

à-dire  que  Dieu  fit  l'homme  libre*  L'Ecriture  montre  ici  clai- 
rement quelle  a  été  l'origine  du  mal ,  et  que  le  mal  est  venu  de  la 
oté  de  l'homme;  car  Dieu  a  fait  l'homme  libre,  afin  qu'il  put 
eh  isir  I  i  le  mal,  et  qu'il  fût  capable  de  mériter  ou  de 

démériter.  L'origine  de  la  liberté  .  c'est  la  faculté  de  connaître*  Car 

I  '•  e    d<B*  KÔi 

ibies  d  ■  l'un  et  d    l'autr   côté,  la  liberté  fait  que  la  volette  peut 
i qu'il  va  de  |  aire,  ainsi  que  nous  venons  de 

le  <i;  aisons  qui  une,    Imafole  et  éligible, 

ou  qui  du  moins  la  font  \  dr  telle.  Le  libre  ai  en  prin- 

cipe dai  s  l'intelli  3  la  vol 

men  de  l'esprit  naît  dans  l'homme  la  liberté  de  se  prononcer  < 
pourquoi  le  qui  manquent    de  raison, 

arbitre.  Li  ur  aj     :;il  est  cénduit  par  la 
e;  et  lors  nie  dedeiu  ■  ;  meilleureou  que  leur  fan- 

Hettve  bonne,  i  les  y  (mutée  naturels 

airemént 

1.-  léjijbérons.fiur les  i  savonsà  rairect  sur  celles 

quisoni  en  notre  pouvoir,  dit  A  .  à  moin« 


LITRE    ARBITRE.  55 

qu'il  n'ait  perdu  la  raison,  rie  délibère  sur  ce  gui  dépend  de  la 
rature,  de  la  fortune  ou  de  la  nécessité.  La  faculté  de  choisir  n'étant 
pas.  autre  que  celle  de  délibérer  ot  d'examiner  laquelle  de  deux 
choses  qui  sont  en  notre  pouvoir  est  désirable  ,  il  en  résulte  qu'au 
fond  le  choix  est  un  d  Vu  motivé,  car  le  jugement  suit  la  délibéra- 
tion, et  le  désir  le  jugement  (l). 

Si  vous  ùtez  à  l'humme  le  libre  arbitre,  vous  lui  enlevez  sa 
nature  d'homme  et  vous  en  faites  une  brute.  Il  y  a  dans  l'homme 
la  liberté  de  vouloir  et  de  ne  pas  vouloir ,  ce  qui  est  la  liberté  d'oppo- 
i;  et  celle  de  choisir  entre  deux  choses,  d'en  prendre  une  et 
de  laisser  l'autre  ,  ce  qui,  comme  s'exprime  l'école,  eetla  liberté  ou 
la  volonté  de  contre. 

Dieu,  dit  saint  Augustin,  nous  ordonne  d'observer  ses  comman- 
dement.-; comment  l'ordoime-t-il,  si  l'homme  n'a  pas  le  libre 
arbitre?  Mandata  sua  custodiri  jubet  Deus ;  quomodojvf/et,  sin^nest 
l     ru     a  bit      m  ?  (  De  Grat.  et  lib.  Arb.,  c.  n.  ) 

è  te,  'a  te  à  l'image  de  Dieu ,  l'homme,  dit  Tertullien ,  a 
reçu  le  pouvoir  du  libre  arbitre,  et  le  commandement  que  Dieu  lui 
a    en  t  la  preuve;  car  Dieu  n'aurait  pas  donné  de  précepte  à 

llo  urne  ,  si  celui-ci  n'avait  pas  eu  le  pouvoir  de  l'observer;  et  il  ne 
l'aurait  pas  n.e::acé  de  mort  en  cas  de  transgression,  s'il  n'avait 
il  libre  arbitre  de  l'homme  de  mépriser  la  loi  qui  lui 
était  faite  ou  de  lui  obéir.  Voilà  pourquoi,  lorsque  lieu  a  imposé  des 
lois  à  l'homme,  il  lui  a  toujours  laissé  la  faculté  de  choisir  entre  le 
bien  et  Je  mal,  la  vie  et  la  mort  ;  ce  que  Dieu  n'aurait  pas  fait  si  le 
ljj  itre  n'eût  pas  àb.  II  contra  Marc,  c.  v). 

Dieu  a  mis  devant  toi  l'eau  et  le  feu,  la  vie  et  la  nrrt,  le  bien  et 

le  mal;   ce  qui  te  plaira,  te  sera  donné,  dit  l'Ecriture  (  Eccli. 

xv.  17.  18  ).  Par  l'<  au  et  le  l'eu  il  faut  entendre  les  choses  contraires 

s  l'homme  a  la  faculté  de  choisir.  Le  feu  signifie  aussi 

!  ;  et  l'eau,  le  ra  fraichissement  de  la  grâce  et  de  la  gloire 

.  le  l'homme  se  trouve  la  vie  et  la  mort ,   le  bien  et  le 
mal:  lui  sera  donné.  Mais,  dit  le  Psalm 

; 's  d'Adam  ne 
5  dans  la  balance,  tous  ensemble  seront 

■  rébus  nique  i:s  que  in    nostra    silrosnnt   ■ 

a  natura  .  lorluna  et  neci  ssilate.  Cum 

nobis  sunt ,  : 
>  ultavimus,  ji  ,  atque  inde  secunduni  consultatioHom  appe- 

timus  ;ApuJ  S.obœura). 


Î>G  T.iorr    ARBITRE. 

légers  que  le      Tit  :  Verumtamen  vani  filii  hominum,  mena  aces  filii 

hominuminstateris(LX].  10).  Us  pèsent  mal,  ils  pèsent  en  aveugles 

Ds  ne  choisissent  pas  l'eau,  mais  le  feu;  ils  préfèrent  le  mal  au  bien, 

la  mort  à  la  vie 

Dieu ,  dit  saint  Augustin ,  rend  le  mal  pour  le  mal ,  parce  qu'il  est 
juste  ;  le  bien  pour  le  mal ,  parce  qu'il  est  bon  ;  le  bien  pour  le  bien, 
parce  qu'il  est  bon  et  juste  :  n.ais  il  ne  rend  r>.\>  le  mal  pour  le  bien, 
parce  qu'il  n'est  pas  injuste  (4).  Or,  sans  le  libre  arbitre,  il  n'y 
aurait  ni  bien  à  récompenser,  ni  mal  à  punir  ;  car  sans  le  libre  arbi- 
tre, il  n'v  aurait  ni  bien,  ni  mal 

Excellence      Voylz  combien  le  libre  arbitre  dont  Dieu  a  Joté  l'homme,  est  un 
''dumîre"    don  riche,]  d)le  et  avantageux;  car  par  le  libre  arbi- 

arbitrc-.       tre  \°  l'homme  est  semblable  à  Dieu  et  aux  anges  :  Dieu  est  la 
suprême  liberté,  e  ne  liberté  confirmée  dans 

le  bien...;  2°  il  est  au-dessus  de  toutes  les  créatures  corporelles...» 
3»  il  est  le  maître  di  lui-même  et  de  ses  acti  as...  :  'il  est  apte  à 
toutes  les  vertus...  :  •>  il  est  capable  deméril  il  ac  raiert  la 

grâce  dans  le  temps...;  7°  il  s'assure  la  vie  et  la  gloire  éternelles  dan« 
le  ciel 

Ecoutez  saint  Bernard  :  .T'appelle,  dit-il,  j'appelle  dignité  dans 
l'homme  le  libre  arbitre,  par  lequel  il  lui  est  doi  dr  ,  non- 

seulement  la  prééminence  sur  les  œmres  de  la  création,  mais  même 
le  gouvernement  des  animaux. 

Le  libre  arbitre  esl  on  don  divin,  resplendissant  dans  l'Ame,  comme 
le  diamant  au  milieu  de  l'or.  Par  lui,  l'homme  a  le  pouvoir  de 
choisir  entre  Le  bien  et  le  mal,  entre  la  vie  et  la  mort,  entre  la 
lumière  et  les  ténèbres  (  De  diligendo  Deo). 

Si  vous  voulez,  dit  le  Seigneur  parla  bouche  dlsaïe,  etsivous 
écoutez  ma  ?oix,  vous  serez  comblés  de  biens  :  Si  volueritù,  et 
audieritis  me  .  bona  U  rrœ  comedetis    i.  10  ). 

Àceluiqui  aura  vaincu,  dit  leS<  igneur  dans  l'Apocalypse,  je  don- 
nerai  ,|r  iN'v  moi  sur  mon  comme  moi  aussi  j'ai 
vaincu  ,  et  mi  -  av<    m  n  P  (  m.  ^1 

L'âme  esl  libre,  dil  Platon;  f  et  SQ 

vaincre;  c'est  la  première  et  la  plus  pariai  idetoutesles  : 

(1)  DewndditmtUpronalU,  auiajuttns  est;  bonapro  malii.qui.  bonus,,!; 
bona  pro  bonis,  quia  bonus  et  ju»tus  est,  SoluŒ  non  reddit  mala  pro  bonis  mua 
lAJustus  non  est  i  De  Grat.  et  itO.  A>0.), 


«rhitre 


Ï.ÎBKK    ARBITRE.  57 

mais  être   vaincu    par  «oi-mAme,  est  à  la  fois  très -honteux  et 
très-mauvais  (1). 

Par  le  consentement  volontaire ,  nous  nous  unissons  à  la  volonté 
le  Oieu,  dit  saint  Bernard  :  Per  consenswn  vtique  volnntarium, divine? 
voluntati  conjungimur  (  Tract,  de  diligendo  Deo  ). 

Celui  qui  vous  n  créé  ^ans  vous,  ne  vous  sauvera  ri=  pnns  vous,  dit  Nécessite 
saint  Augustin  :  Qui  vrtavic  le  suie  ce,  non  saivabit  te  sine  te  (Knohirid.,  du  libre 
c.  xxx  ). 

Dieu  a  fait  l'homme  libre,  mais  non  pour  le  mettre  en  dehors 
de  lui  et  de  sa  providence,  non  pour  lui  permettre,  comme  à  la  bête 
sauvage,  d'aller  où  il  voudrait,  et  de  se  soustraire  aux  préceptes 
divins.  En  qualité  de  souverain  de  tout  ce  qui  existe,  comme  législa- 
teur, seigneur,  maître,  roi,  juge  et  vainqueur,  il  lui  a  donné  la  loi 
soit  naturelle,  soit  révélée,  afin  qu'il  l'observât. 

Le  Seigneur  a  fait  trois  choses  :  d°  il  a  donné  le  libre  arbitre  è 
l'homme  ;  2"  il  lui  a  fait  connaître  sa  loi;  3°  il  lui  a  promit;  utip 
récompense,  s'il  l'observait. 

Dieu,  dit  saint  Basile,  a  placé  au  dedans  de  nous-mêmes  une 
balance  au  moyen  de  laquelle  nous  pouvons  peser  toute  chose1 
Servez-vous-en  pour  y  peser  chacune  de  vos  œuvres,  et  pour  voir  ce 
qui  vous  est  le  plus  utile.  Vaut-il  mieux  goûter  une  volupté  passa- 
gère et  vile,  suivie  de  la  mort  éternelle,  que  de  s'exercer  à  la  vertu? 
Hommes  aveugles,  qui  choisissez  le  mensonge  et  la  corruption ,  le 
prophète  Isaïe  vous  maudit  :  Malheur  à  vous,  dit-il,  qui  appelez 
mal  le  bien,  et  bien  le  mal;  qui  déclarez  les  ténèbres  lumière,  et 
la  lumière  ténèbres;  l'amertume  douceur,  et  la  douceur  amertume  ! 
Vœ  qui  dicitis  malum  bonum ,  et  bonum  malum;  ponentes  tenebras 
îucem  ,  et  lucem  tenebras  ;  ponentes  amarum  in  dulce,  et  dulcein  amo- 
rum!  (  v.  20.  —  Homil.  in  Psal.  lxt.  ) 

Je  veux,  dites-vous,  je  veux  les  choses  présentes  ;  car  quel  est  celuL 
qui  connaît  les  futures?  Vous  vous  servez  mal  de  votre  balance,  pré- 
iérant  le  mal  au  bien,  les  choses  vaines  aux  solides,  ce  qui  est  transi- 
toire cà  ce  qui  est  éternel,  un  plaisir  qui  fuit  à  une  joie  qui  na  finira 
jamais 

Nous  devons,  dit  saint  Bernard,  employer  toutes  nos  forces  afin  de- 
consen  er  notre  libre  arbitre  à  faire  le  bien  :  Dieu  nous  l'a  donné  dan« 


(1)  Libéra  est  anima,  et  domina  passioimm  ;  vincere  seipsum  omnium  victorianm. 
prima  es»,  cl  optima:  \iuci  autein  a  seipso,  et  turpissiiuum  etpessimum  {DeLegib,  ), 


58  HERE    AftBITMh 

ce  but,  et  pour  que  nous  lie  feli  >;lé.  Mrs  il  fart 

que  l'homme  enchain  ■  .1  Dieu  ?  m  libre  arbitre,  qu'il  le  lui  oil'reel  e 
lui  1  ir,  et  qu'il  renouvelle  souvent  la  r 

r  en  tout  à  Dieu  ;  le  priant  assidûment  de  le  garder  lui-m 
comme  son  propre  bien  ,  de  le  conduire  par  ca  grâce  à  La  prati 
de  toutes  les  vertus,  puis  au  port  du  salut  éternel;  car  si  la  concu- 
piscence, le  péché  ei  led'nn'ii  deviennent  les maitroe de  notre  libre 
arliiti-  • .  ;l  n  ■  fera  que  le  mal  ci  nous  précipitera  en  enfer  (  Ti.u.t.  de 
endo  Deo).  C'est  ce  qui  fait  dire  à  saint  Augustin  :  L'homme 
qui  fait  un  marnais  ps  ige  '1  1  son  libre  arbitre,  le  pe.  p  nd 

lui-même  :  /....»  ar/jicrio  maie  utens  homo,  et  &e  i  et  ipswn 

(  Liiehii -i  !..  p.  servant  du  libre  arbitra  jour  p'.hcr 

ailleurs  cet  illusti  .  on  le  per  l  :  Cmn  lifyrojxt  arbi- 

trio.  t  est  liherum  arhitrium (De  Gril,  et  lib.  Arb.)  .  o  1 

qu'il  soil  -  ■  .     1  -1      rdu  parée  qu'il  ifit  co  j- 

■  au  mal  ■'  affaibli  par  ilte  contre  Dieu \   Pour 

dit  en    iiv    sn'n!    Augustin,  \'\\  osl   libre»   mais  quan  1  il  a 

;.  il  esl  l' isclave  du  péché  :  Ad  peccandum  liber  ed ,  çuipuccn  i 
est  (De  Grat.  *    1m.  Urb.  ). 
Dieu  n  1  refusant  d'à  tcor  1er  ca  gpj  jej  mais 

Lrôpi  1  que  Je  pécheur  ayant  devant  soi  le  bienet^ej 

ni  mal.  On  n'est  pas  condamné  au  iroel 

a  fait  défaut,  mais  parce  qu'on  a  fait  défaut  à  li 
grâce,  et  q  uni  a  -  volontairement  le  pé  peui 

éviter  d'offe  ser  Dieu.  Qu'il  en  soit  ainsi,  et  l'enfer,  esl  fermé.  Ce 
.nie  riiuimnc  aura  choisi  lui  sera  donné  :  s'il  veut  La  pé  ;hé  ,  il  a  11  a 
e  péehé  et  la  peinedu  péché.  Vouloir  le  péché  sans  la  0  in;\  ç'esj 

■  ■il  -  ■  ;  op  ssible  sous  un  Dieu  juste 

Ne  ""•  point,  dans  votre  impiété,  que  vous  recevrez  autre' 

e  que  ce  que  1  vous-même.  T 

vient  de  i  :  /'  rdffla 

>i  a  qui  d  m-  perd,  mai  .  i  >nlé  pei        •.  1  \  ie  In 

'il  saiui  Bernard  ,  1 

•  ;■■  t.). 
Si  1  ir 

I 

'       :  Voltl      i   M,    Ct 

s,  et  me  ad  ir  u 
1 1.  19.  20). 

ic  pécher,  dit  <^>» 


LIBRE  ARBITRE.  59 

Augustin,  mais  sorvoz-vons-on  pour  ne  pas  pécher;  car  votre  volonté 
scia  libre ^i  elle  est  bonne;   vous  serez  libre  si  vous  êtes  esclave, 
■',  esclave  de  la  justice  (1). 


T.e  libre 
artvtr'c  seul 


La  vol  >nté  a  le  pouvoir  de  consentir  à  l'appel  de  Dion,  dit  saint 
Augustin,  ou  d'v  fermer  l'oreille.  L'âme  ne  peut  recevoir  et  avoir  de  ne  sufiit  pas 

o  J  l  -il   tant  lîi 

[«'autant  qu'elle  y  consent;  et  ce  qu'elle  a,  ce  quelle  reçoit  gràceavrôlui 
vient  de  Dieu.  Mais  recevoir  et  avoir,  cela  appartient  à  l'homme  qui 
reçoit  et  à  Dieu  qui  donne  (2). 

Le  don  nue  Dieu  seul  fait  au  libre  arbitre  ne  peut  pas  plus  être, 

reçu  sans  le  consentement  de  l'homme,  qu'il  ne  peut  être  accordé  sans 

grâce  de  Dieu,  dit  saint  Bernard  :  Quoi  a  Deo  soli  dotur  Uhcro 

arbUrio,  tam  absque  con sensu  non  potest  esse  accipientis ,  quam  absque 

(jrtiJia  dantiç  (Tract,  de  Grat.  etlib.  Arb.  ). 

Par  la  grâce  de  Dieu,  dit  le  grand  apôtre  aux  Corinthiens,  je  suis 

suis,  et  sa  grâce  n'a  pas  été  stérile  en  moi;  mais  plus 

qu'eu?  .  j'ai  travaillé,  non  pas  moi  ,  mais  la  grâce  de  Dieu 

avec  moi  (3).  La  grâce  est  donc  nécessaire,  mais  la  coopération  à 

la  grâce  ne  l'est  pas  moins.  La  grâce  vient  de  Dieu  :  la  coopération 

vient  du  libre  arbitre.  Une  personne  dont  les  forces  sont  épuisées  ne 

peut  pas  marcher  seule;  on  l'aide  ,  et  elle  va.  L'aide  ,  c'est  la  grâce  ; 

en  s'y  prêtant  on  marche,  c'est  le  libre  arbitre  agissant.  Il  faut 

grâce  et  le  libre  arbitre;  il  faut  que  ces  deux  choses 

marchent  ensemble  dans  un  parfait  accord.  Sans  la  pluie,  la  terre 

est  stérile;  sans  la  terre ,  la  pluie  ne  produit  aucun  effet 

Nous  ne  sommes  pas  suffisants  ,  dit  saint  Paul,  pour  produire  par 
es  et  comme  de  nous-mêmes,  quoique  ce  soit  en  notre 
esprit;  niais  notre  suffisance  est  de  Dieu:  Non  quod  suffitientes 
siii.u$  cogitare  aliguid  a  nobis,  quasi  ex  nobis  ;  sed  suflieientia  nostra  ex 
Deo  est  (IL  Cor.  ni.  5).  Ainsi  i'Apùtre  dit  que  le  libre  arbitre  est 
Isant  de  lui-même,  mais  il  ne  dit  pas  qu'il  n'ait  aucune  force. 
Le  libre  arbitre  est  trop  faible  pour  accomplir   seul  les  bonnes 

(1)  NoliteUbertatc  abuti  ad  libère  percandura,  sed  utére  ad  non  peccandum  :  ciii 
enini  voluntas  tna  libera,  si  fnerit  pia;  eris liber,  si  fucris  servus;  liber  peccali,  sçr- 
.  et  lib.  Arb.  ). 
vocalioni  divitue,  vcl  ab  ea  dissentire,  propriœ  Vôlûnta  is  i  -   :  acci- 
pere  et  habere  anima  m      p  '   ;l  dona,  aisi 

et  quid  accipiat,  Dui  est  :  aecipere  au  eni  et  babere,  utique  accipientis  et  habentis  l st 
(De  !<}iirit.  et  lit. ,  c.  lx). 

Dei  S'.nn  id  quo!  sum;  trratia  ejns  in  me  vacua  non  fuit;  sed  abundaur 
tiusillis  omuibus  laboravi  :  m  ia  Dei  mecuin  (I.xv.  10). 


60  LIBRE  ABB1TRE. 

œuvre?,  il  o«?t  infirma;  mois  il  est  suffisamment  fort  s'il  est  excité, 
aidé,  soutenu  par  la  grâce  prévenante  cl  la  grâce  concomitante. 

Quo  personne,  dit  saint  Grégoire,  ne  se  flatte  de  valoir  quelque 
chose,  même  après  avoir  fait  preuve  de  force;  car  si  la  protection 
divine  l'abandonne,  il  sera  soudain  renversé,  là  même  où  il  se  glo- 
rifie de  se  tenir  debout  par  sa  proj  re  volonté  (1). 

Personne,  dit  sainl  uigustin,  n'est  fort  par  ses  propres  forces;  il 
n'est  en  sûreté  et  fort  que  par  l'indulgence  et  la  miséricorde  de 
Dieu  :  Mémo  suis  viribus  fortis  est,  serl  Dei  indulgentia  et  rnisericordia 
tuh      '  ,  DeGrat.  et  lib.  Arb.  ). 

En  voi  ueur,  je  conserverai  ma  force,  dit  le   Prophète 

royal  :  Fortitudinem  meam  ad  te  custodiam  (lviii.  10).  Ce  qui  signifie, 
dit  saint  Augustin  :  Je  conserverai  ma  force  par  vous  ,  Seigneur,  je 
la  rapporterai  à  vous:  Fortitudinem  meamper  te  custodiam ,  ad  te 
referont  \  DeGrat.  et  lib.  Arb.). 

Si  Dieu  e(  Dieu  seul  fait  tout  en  nous,  dit  saint  Chrysostome,  vous 
m  exhortez  en  \ain,  vous  cherchez  en  vainàm'inspirer  la  crainte  et 
la  terreur;  vous  ordonnez  en  vain,  disant  :  Obéissez.  Mais  écoutez 
J  Ecriture  :  Dieu  dès  le  commencement  a  créé  l'homme  et  l'a  laissé 
dans  la  main  de  son  propre  conseil  (Eccli.  xv.  14).  Dieu  n'opère 
donc  pas  seul;  il  faut  <jue  l'homme  agisse  de  concert  avec  Dieu.  Il 
H'eet  la  correspondance  à  la  grâce  (  Serm.  de  Zachœo). 

La    race  caresse  et  attire  la  volonté  de  l'homme,  afin  que  celle  <v 
"•nt  à  la  grâce,  qu'elle  y  coopère 

Dieu  opère  en  nous  le  vouloir,  parce  que,  comme  le  disent  sainl 
Chrysostome  et  les  au!  .  il  aide,  augmenta,  fait  avancer  la 

volonté  qu'il  trouve  en  oous ,  et  la  porte  à  bien  agir Dieu,  dit 

sainl  Augustin,  meut  l'homme  et  le  porte  à  vouloir  librement  se 
ntir,  aimer  et  faire  le  bien  :  Dcus  movet  et  incitai  ut  homo  libère 
velit pamitere,  amare,et  qm  Ivis  bonum  operari(  DeGrat.  et  lib.  Arb.  ). 
Dieu  nous  excite  el  nous  !  me  la  grâce  pour  nous  faire  vouloir; 
"..us  devons  <•"";  érer  i  

L  I  i  i  ut  Augustin,  que  tout  commencement 

détonne  volonté,  de  foi  et  de  salut,  vient  de  la  revenante. 

L'Apôtre  veut  que  nous  pra  le  bien  avec  crainte,  parce  que 

D  père  e  vouloir.  Dieuagil  de  manière  à  ce  que  nous  voulions, 
■  •i  pie  aous  accomplissions  ce  que  oous  \oulons. 

(1)  Nemo  te  mIi,  iijns  pietatfa  estimet,  etiameum  quidfortiter  potes t;  quia  si  divina 
protectio  desçrat,  ibi  repente  enerviter  obruetnr .   ut.i  se  Tolenter  siare  frloriaiur 


LIBRE  ARBITRE.  61 

Dieu,  dit  le  grand  Apùlrc ,  opère  en  vous  le  vouloir  et  le  faire , 
selon  qu'il  lui  plait  :  Deus  operatur  in  vobis  velle  et  perficere  pro  bona 
voluntate  (Pkilipp.  n.  13). 

Dieu  opère  le  vouloir  en  aidant  la  volonté"  ;  il  opère  en  nous  le  faire 
en  continuant  la  même  grâce  par  laquelle  il  opère  le  vouloir.  Lors- 
qu'un acte  extérieur  est  difficile ,  comme  le  martyre ,  il  opère  alors 
le  faire  par  une  nouvelle  grâce ,  en  fortifiant  et  animant  l'homme. 

Saint  Bernard ,  parlant  de  la  grâce  et  du  libre  arbitre  ,  enseigne 
excellemment  comment  Dieu  opère  en  nous  ces  trois  choses,  la  pen- 
sée ,  le  vouloir  ,  le  faire.  Il  opère  la  première  chose,  dit-il,  qui  est 
la  pensée,  sans  nous;  la  seconde,  qui  est  le  vouloir,  avec  nous;  la 
troisième  ,  qui  est  le  faire,  par  nous  :  Primum,  scilicet  cogitare ,  sine 
nûbis  ;  secundum,  scilicet  velle ,  nobiscum  ;  tertium,  scilicet  perficere , 
per  nos  facit.  Lorsque  nous  sentons  ces  merveilles  se  passer  invisi- 
blement  en  nous  et  avec  nous ,  dit  ce  saint  docteur  ,  il  faut  prendre 
garde  de  les  attribuer  à  notre  volonté  qui  est  faible ,  ou  bien  à  une 
contrainte  venant  de  Dieu  ,  qui  est  nulle  ,  mais  à  la  grâce  seule  dont 
Dieu  est  rempli.  Cette  grâce  excite  le  libre  arbitre  en  lui  inspirant  le 
désir;  elle  le  guérit  en  changeant  son  affection  ;  elle  le  fortifie  pour 
le  conduire  à  l'action;  elle  le  conserve  pour  qu'il  ne  défaille  pas. 
La  grâce  agit  avec  le  libre  arbitre  de  manière  à  le  prévenir ,  en  lui 
donnant  la  pensée;  dans  tout  le  reste ,  elle  l'accompagne  :  elle 
le  prévient,  afin  qu'il  coopère.  Mais  le  commencement  appartient 
■*  la  grâce  seule  ;  la  suite,  jusqu'à  l'accomplissement  de  l'oeuvre, 
se  fait  par  la  grâce  et  le  libre  arbitre  unis  ensemble,  et  non  pris 
chacun  séparément ,  par  la  grâce  et  le  libre  arbitre  agissant  en 
même  temps  et  non  tour  à  tour.  Ce  n'est  pas  pour  une  partie  la 
grâce,  pour  une  partie  ie  libre  arbitre  qui  opèrent;  mais  l'un  et  l'au- 
tre, et  par  un  travail  indivisible  (1). 

Dieu  opère  en  nous  le  vouloir  et  le  faire  selon  son  bon  plaibir  :  Deus 
operatur  in  vobis  velle  et  perficere  pro  bona  voluntate  (  Philipp.  n.  13). 


(t)  Ca\endum  adhuc,  necum  hœc  invisibiliter  intra  nos,  ac  nobiscum  actitari  sen- 
timus,  aut  nostrae  voluntati  attribuamus  ,  quœ  infirma  est  ;  aut  Dei  necessitali,  quœ 
nulla  est;  sed  soli  gratia?,  qua  plenus  est.  Ipsa  liberum  arbitrium  excitât,  cum  semi- 
nat  appetitum  ;  sanat,cum  immutat  atfectum  ;  roborat,  ut  perducat  ad  acrum;  servat, 
ne  senliat  defectum.  Sic  aulcm  ista  cum  libero  arbitrio  operatur ,  ut  tantum  illud  in 
primo  prrcvcniat,  in  cœteris  comitclur  ;  ad  hoc  utique  praevenions  ,  ut  jam  sibi  dein- 
ceps  cooperetur.  Ita  tamen  quod  a  sola  gratia  cœptum  est ,  ab  utroque  perficitur:  ut 
mixium,  non  sigiïlatim;  simul,  non  \icissim,  per  singulos  profectus,  operentur.  Non 
parlim  gratia, partim  liberum  arbitrium,  sed  totum  siugula  opère  individuo  peiagun 
±De  lirai,  et  lib.  Arb. ,  c.  xxYii). 


C2  tltdtà  Arr.TTnr.. 

Selon  1p bon  plai.-lr non  (L-riin:.;!::^  ■■ 

ftome:  /'  )hmtate  non  homihis,  sed  I 

Dieu  opère  en  nous  le  vouloir  et  le  faire,,  a'in  nue  sa 

s'accomplisse  en  noùi  et  par  flous,  et  que  nous  \i  tement. 

Voilà  q\  -  à  la  porte,  et  je  frappe,  dit  J.  i 

lypse.  Si  quelqu'un  entérid  ma  voix  e(  m'ouvre  la  .         .  j  outrerai 

lui  et  je  mangerai  avec  lui .  et  lui  avec  moi  :  Écce 
et  i>  :  a  ,   et  ap 

inti'ibo  ad  Muni,  et  cœnabocum  Mo,  et  ipse  riiècùm  (ni.  2 

D  '•'! .  dit  -m  t  Augustin,  Opère  au  commencement,  afin  quenuy? 
voulions ,  et  1  idée,  il  i 

■  nient  <lf  l'action.  Il  nous  prévient  pour  nous  guérir,  et  il  1 
i  afin  que  nais  nuis  d  ité  ;    il  nous 

ms  appelés,  et  il  □  gne  alin 

que  nous  arrivions  a  la  gloire;  il  nous"  prévient  pour  nous  faire 
mener  une  vie  pieu-,'  ;  et  il  nous  aceompaghe  afin  que  nous  vi\  mus 
t  >ojours  *vëc  lui 

Atlirez-mni ,  dit  8  I  Kpoux  l'Epouse  dés  Cantiques  :  floua  cou  ci    is 
sur  \  l'odeur  de  Vos  parfums:  Trahe  me;  post  te  cuwfwi  i" 

adorent  i<tit/neiit<j>  uni  tuorum  (  T. 

Dieu  ,  dit  saint  GrégO  .  •  par  sa  gçâoe  les  Km*  dé- 

.n.i  -  nous  ,  par  les  efforts  île  notre  libre  arbitre  .  nous 

Ibnè  de  '  pour  fain  en  nous  les  vert* 

desideria  rioùià  pér  diviHam  grati  miriistrantur,:  sed  nos  duni  yrutin' 
per    conutuni      '.cri  ï      ad      virtuti  ■    <inif 

M    :  il.    . 
La  grâce  pieveiid  ,   .-  «xouJtra  la 

pération  dû  libre  arbitre,  dit  saint  AttgOSlifl  ;   car   si  i 
agissait,  ce  sérail  inutileme  il  que  Dieu  dirait  au?  uomni  «  :Gonver- 

e-vous;  ei  -i  [(  -  hommes  pouvaient  agi*,-  seuls  sans  le 
serait  en  vairi  qu'on  dirai!  à  I  .  convei 

Dieu  préparait  notre  ame  sans  nous,   il  serait  faux  de  dire  que 
/homme  prépare  son  frme;  et  s  ..1!1S  le 

secours  de    Dieu,  il  sérail  faux  de  pareitotre 

olonté.  C'est  pourquoi  Dieu  fait  dans  l'homme  beaucoup  de  Jbien 

(1)  Ipse,  ut  vciiiniH  ,  operaturiin.il \ui\      .  tibus  .  ,  rapjr  pprfl 

Prctenil  al  lanemur,  cl  stibsequituf,  u  \ 

sub-(.<|iiliir   ut  glwificciTMir;  |>c  es.'oit  ut  jno  visainus,  et  suuscquitur   ut  cuui  îllo 
*>mper  rivamui  {De  Gtut.et  Ut>.  ArO.i. 


LIBRE    ARBITRE.  G3 

que  l'homme  nn  fait  pas;  mais  l'homme  n'eu  fait  aucun  pans  que 
bien  l'aii le  à  le  faire  (I). 

Ainsi  que  le  prétend  Pelage,  le  libre  arbitre  n'exclut  pas  la  grâce 
de  Dieu,  comme  la  cause  seconde  n'exclut  pas  le  concours  de  la 
cause  première;  au  contraire,  celle-là  est  subordonnée  à  celle-ci,  et 
dépend  essentiellement  d'elle  L&çoncours  de  la  cause  seconde  n'est 
rien,  ou  plutôt  il  ne  peut  pas  exister  sans  l'action  de  la  cause 
première. 

Il  faut,  dit  encore  saint  Augustin,  il  faut  entendre  ces  paroles  de 
l'Ecriture  :  Si  vous  voulez,  vous  observerez  les  commandements ,  de 
telle  sorte  que  l'homme  qui  veut  et  ne  peut  pas  soit  convaincu  qu'il 
ne  veut  pas  encore  pleinement,  et  qu'il  prie  afin  d'avoir  une  volonté 
assez  forte  pour  accomplir  les  commandements.  C'est  ainsi  qu'il 
recevra  l'aide  qui  lui  est  nécessaire  pour  faire  ce  qui  est  ordonné; 
car  alors  seulement  qu'on  peut,  il  est  utile  de  vouloir;  et  alors  qu'on 
veut,  utile  de  pouvoir  ce  que  l'on  veut.  Que  sert-il,  en  effet,  de  vou- 
loir ce  qu'on  ne  peut  pas,  ou  de  pouvoir  ce  qu'on  ne  veut  pas?  (-2) 

Lieu  prépare  et  donne  aux  impies  une  grâce  suffisante,  avec 
laquelle  ils  peuvent,  s'ils  le  veulent,  éviter  le  péché,  et  faire  le 
bien.  Cette  grâce  est  appelée  suffisante,  en  ce  que,  s'ils  veulent  y 
coopérer ,  ils  la  rendent  efficace.  La  grâce  efficace  est  nommée  ainsi, 
parce  qu'elle  obtient  toujours  son  effet.  Il  n'est  pas  en  notre  pouvoir 
que  Lieu  nous  donne  la  grâce  efficace,  et  non  simplement  la  grâce 
suffisante;  cependant,  Dieu  dans  sa  libéralité  et  parce  que  cela  lui 
plait,  donne  à  tous  sa  grâce.  Si  les  impies  veulent  y  coopérer,  ils  la 
rendent  efficace,  comme  font  les  âmes  pieuses  ;  mais  comme  ils  ne 
ie  veulent  pas,  et  que  Dieu  a  prévu  cette  résistance,  il  leur  donne 
seulement  la  grâce  suffisante  qu'il  sait  leur  devoir  être  inutile.  Il 
'.àut  îemarquer  au  reste  que  c'est  la  paresse  ou  la  malice  de  ceux-ci 


(1)  Coinmcndatur  grutia  provenions ,  seil  non  excluditur  arbilrii  coopératif).  Si 
enimsulus  Llcus  faccret ,  frustra  diceretur  hominibus  :  Convertimioj,  El  si  hommes 
i  hoc  suflicercnl,  frustra  diceretur  Dm  :  Couverte  nos,  Deus.  Et  si  Deus  sine 
nobis  nos  proepararet ,  f'dlsum  esset  immincm  prseparare  animam  suain  :  et  si  absque 
Dco  nos  corda  noslra  prœpararemus  ,  falsum  e>sct  praparari  volumatem  a  Domino. 
Quapropter  inulla  Deus  facit  innomme  bona,  quœ  non  facil  homo  ;  uulla  vero  facit 
homo,  qua?  non  facit  Deus  ut  faciat  homo  (  De  Grat.  et  lib.  Arb.  ). 

(i)  Ad  hoc  enitn  valet  quod  scriptum  est  :  Si  volueris,  conservabis  mandata;  ut 
homo  qui  volucrit  et  non  potuerit ,  nomium  se  plene  velle  coguoscat;  et  oret  ut 
tantdm  voïuntatem,  quaula  suflicitad  implcnda  mandata.  Sic  quippe  adju- 
vMiur  ut  f;iciat  quod  ji;belur;  tune  enim  utile  est  velle  cura  possumus  ;  et  tune  utile 
est  possc,  tum  voiumiis.  Nain  quid  piodest  si  quod  non  possumus,  volumus;  aut. 
si  o,uod  posaumus,  ûoiumus?  (  /*■>'  ,  c  iv  > 


64  LIBRE   ARBITRE. 

qui  la  rendent  inutile  ou  inefficace,  quoique  Dieu  veuille  et  désire 
sincèrement  qu'ils  y  coopèrent  et  qu'elle  soit  fructueuse  et  efficace; 
car  Dieu  ne  s'applique  pas  à  chercher  et  à  choisir  des  grâces  îneffi- 
«3aces  pour  les  donner  aux  impies  ;  de  son  côté,  et  dans  son  intention, 
tou*  '  elïicace  quant  au  premier  acte,  c'est-à-dire  qu'elle 
a  la  force  et      Eficacité  res  pour  produire  l'action  et  faire 

(L-lui  qui  là  reçoit,  si  sa  \olonté  veut  y  correspondre.  C'est  là 
eu  te  d,  et  ce  qu'il  veut.  Dieu  accorde  la  grâce  ^-ullisante  avec  le 
sincère  désir  qu    la  roi  e.mme  y  corresponde,  et  que  par  elle 

il  se  mette  :i  l'œuvre;  Dieu  ne  la  donne  qu'à  cette  tin.  Tous  les  théo- 
logiens sont  d'accord  pour  déclarer  qu'on  ne  saurait  lui  attribuer 
d'autre  intention 

Dieu         Dieu  exerce  sa  volonté  vis-à-vis  du  libre  arbitre,  t^ut  autrement 
Reuo  en  eP     (.  ,  ,  c\e\  ^  gur  ia  terre  et  dans  l'univers.  En  créant  le  ciel 

libre  arbitre.    ^  ja  terre?  [\  ]etir  a  imposé  la  nécessité  d'exister;  mais  il  laisse  la 

ité  de   l'h  lui  persuadant  intérieurement 

_  r,en  la  caressant,   l'attirant,  l'amollissant,  la  menaçant,  la 

fortifiant 

inunes  attirés,  non  par  des  chaînes  ou  des  fouets,  i..-'-  t  ^r 

Ja  force  de  l'amour ,  selon  ces  paroles  du  prophète  Osée:  Je  l'ai 

«Miré  par  les  liens  qui  séduisent  les  cœurs,  paries  liens  de  l'amour  : 

lia  trahetrn  >   -,  in  vinculis  caritatk  (xi.  4). 

Croyex,  dit  saint  Augustin,  et  vous  viendrez;  aimez,  et  tou* 

ez  attiré.  Ne  eous  imaginez  pas  que  la  violence  que  Dieu  exerce 

but  l'homme  est   rude  et  >j  île;  elle  est  douce,  elle  est  déli- 

cieufi   .  ladouceur  même  qui  vous  attire.  N'attire-fc-on  pas  la 

brebis  affamée  lorsqu'on  lui  présente  de  l'herbel  lit  je  {  ense  qu  on 

iui  impose  pas  la  n<  cessité  le  s'approcher;  c'est  son  désir  qui  la 

livre.  Ainsi ,  vous-même,  venez  à  J.  G.;  ne  cherchez  pas  de  i 

i  -  :  dès  que  vous  croyez,  vous  venez;  car  on  va  à  Dieu,  qui  est 

aontanl  surun  navire  et  à  force  de  voiles,  mais  en 

aimant.  Comment,  direz- vous,  puis-je  croire  volontairement,  si  je 

1    -.1    x"-  le    léclare,  non-seulement  vous 

n'êtes  pas  attiré  mal  n  vous,  mais  \  >us  l'êtes  avec  plaisir?  Qu'est-ce 

qu'être  attiré  avec  plaisir?  C'est  Be  réjouir  da  neur.,  qui  Mais 

irdera  tout  ce  que  votre  cœur  lui  rlemandi  ra.Ce  n'est  pas  là  subir 

une  nécessité,  mais  obéir  à  un  attrai  ;  cen'i  st  | ..-  être  contraint,  mais 

ndonner  au  charme.  Nous  devons  ajouter  que  celui-là  qu 
plaît  dans  la  vérité,  dans  le  bonheur,  dans  lajaslioe,  dans  la  vie 


lissa  ARBITRE.  65 

éternelle,    est    attiré    à   J.    C. ,    qui    est    lui-même   tous    ces 

bitns  (I). 

Chacun  va  où  l'attire  son  plaisir;  mais  c'est  librement  et  non  par 
nécessité.  Nous  sommes  attirés  par  les  avertissements  du  Seigneur, 

par  la  révélation,  par  la  doctrine   évangélique Ne  croyez  pas 

que  aous  êtes  entraîné  par  la  force,  dit  encore  saint  Augustin,  l'âme 
cède  aussi  à  l'amour.  Cette  espèce  de  violence  s'exerce  sur  le  cœur, 
et  non  sur  le  corps  :  Noli  cogitare  te  invitum  troJii;  trahitur  animus  et 
amore.  Jsta  violentia  cordi  fit,  non  carni  (  Tract,  xxvi  ). 

L'action  d'attirer  marque  la  force  et  l'efficacité  de  la  grâce  de 
Dieu  ;  mais  cette  force  est  douce  et  agréable;  elle  ne  fait  pas  violence 
au  libre  arbitre ,  mais  elle  l'excite,  le  caresse,  le  porte  à  croire  en  le 
vendant  heureux,  en  lui  donnant  la  paix  et  la  tranquillité 

Si  vous  n'êtes  pas  encore  attiré,  dit  saint  Augustin,  priez,  afin 
que  vous  le  soyez.  Et  si  vous  ne  voulez  pas  tomber  dans  l'erreur,  ne 
cuerchez  pas  pourquoi  celui-ci  l'est,  tandis  que  celui-là  ne  l'est 
cas  :  Sï  non  traheris,  or  a  ut  tr  ahuris.  Cur  hic  trahatar,  illenontraha- 

v ,  noli  judicare 3  sinon  vis  errure  (Tract,  xxvi). 


K1)  Crede,  et  venis;  ama  ,  et  traheris.  Ne  arbitrons  istam  asperatn  molestamque 
aiolentiam  ;  dulcis  est,  suavis  est,  ipsa  suavitas  te  trahit.  Nonue  ovis  trahitur,  cum 
esuiienti  berba  monstratur?  Et  puto  quia  non  corpore  inapellitur,  sel  desiderio  col- 
figatur.  Sic  et  tu,  veni  ad  Ghristura  :  noli  longa  itinera  meditari;  ubi  credis,  ibi 
venis  :  ad  illum  euira  qui  ubique  est,  amando  venitur,  non  navigando.  Quomodo 
voluulate  credo,  si  trahor  ?  Ego  dico  ,  paruni  est  voluntate  ,  etiam  voluptatti 
traheris.  Quid  est  trahi  voluptate?  Delectare  iu  Domino,  et  dabit  tibi  petitiones 
ooivlis  lui.  Non  nécessitas,  sed  voluptas  ;  non  obligatio,  sed  delectatio.  Dicere 
debemus  trahi  hominem  ad  Christum,  qui  delectatur  veritate,  delectatur  beatitudine, 
flelectatur  justitia  ,  delectatur  aeterna  vita ,  quod  totum  Ghristus  est  (  Serra,  i  de 
verbis  Apoxt.,  J. 


-il. 


LIEU  SAINT. 


de     jT^*       •     h,  dit  le  Prophète  royal,  i'ai  aimé  la  beauté  (Te  voir* 
■rot.      ^^  ... 

L-   net  Je  lieu  (     hal  te  votre  gloire  :  JÛomtne ,  dihxt  decO' 

f<_y  rem  dama  luie ,  et  locum  habit  ationis  yloriœ  tuœ  (xxv.  8):  Oue 

v  s  tabernacles  ^>nt  aimables,  Seigneur,  Dieu  des  vertus  !  Mon  âme 

a  désiré  d'entrer  dai  s  les  parvis  du  Seigneur,  elle  a  défailli  de  d    îr  : 

Quant  di/ecta  tabernacula  tua,  Domine  virtutuml  Concupiscit  et  défiai 

anima  mea  in  atria  Domini  (lxxxiii.  2.  3).  Le  passereau  trouve  une 

demeure,  la  colombe  un  nid  où  elle  dépose  ses  petits  :  pour  moi ,' 

Dieu  des  vertus,  6  mon  roi ,  ù  mon  Dieu  ,  vos  autels!  Etenim  passer 

invenit  sibi  domum9  et  turtur  nidum  sibi,  ubi  panai  pullos  suos  ;altaria 

tua,  Domine  virtutum,  rex  meus  et  Deus  meus!  (Psal.   lxxxiii.  -i.) 

Le  zèle  de  votre  maison  me  dévore  :  Zelus  domus  tuœ  couiedit  me. 

Psal.  Lxvni.  10). 

J.  C.  a  déployé  un  zèle  ardent  pour  la  maison  de  son  Pèrp;..:. 

Tous  les  saints,  tous  les  vrais  chrétiens  ont  toujours  été  remplis 
1e  zèle  pour  le  lieu  saint...  :  zèle  pour  fréquenter  les  églises.... ,  zèle 
joui  -  t....,  zèle  pour  s'yt^nir  dam  un  respect  intérieur  et 

extéi  leur,  etc.... 

'■-    l.\    Htinteté  convient  à  votre  demeure,  Seigneur ,  dans  toute  la 

les  jours,  dit  le  Psalmiste  :  Domum  tuam  decet  sanclitudo , 

Du  longitudin         ■   um  (zen.  5). 

l  ible  tjue  Dieu  habite  véritablement  sur  la  terre, 

-  ilomon  ?  Car  si  le  ciel  et  les  cieux  des  cieux  ne  vous  peu- 

ent  c mtenir,  Seigneur,  combien  moins  cette  maison  que  j'ai 

ïàtiel  (l) 

J'ai  sanctifié  cette  maison  que  vous  avez  bâtie  afin  qne  j'y  établisse 
.non  nom  à  jamais,  dit  leî  à  Salomon,  et  mes  yeux  et  mon 

vp,ur  seront  h  ujours  là   -1  . 
.Seigneur  de  toutes  eho<^3,  décriaient  les  prAtrp*  sous  Judas 


Frrono  patandom  r?t  quod  verc  Dena  hnMtot  mper  terrain?  Si  pnim  certain  pi 

possunt,  .i  Jomus  hœc!     III.  Reg.  via.  27.) 

(8)  !  ■  ■  domum  bue  quam  .  ai  ponerem   nomen  meum  ibi  in 

Mmpiternam,  et  sront  ocull  mei ,  et  cor  mi  um  ibi  cuncii»  diebui  (  111.  Reg.  ix.  a  ). 


TEU  SAINT.    .  67 

ftfo  habée,  Seigneur  qui  n'avez  besoin  de  per^nne,  vous  avez  voulu 
que  le  temple  où  vous  habitez  lût  parmi  nous.  Et  maintenant ,  ô 
Seigneur,  vous,  le  saint  de  tous  les  saints ,  gardez  éternellement, 
sans  être  souillée,  cette  maison  qui  a  été  purifiée  (1) 

Je  remplirai  de  gloire  la  maison  où  réside  ma  majesté ,  dit  le  Sei- 
gneur par  la  bouche  d'Isaïe  ;  Domum  majestatis  meœ  glorificabo 
(m.  7). 

La  maison  où  réside  la  majesté  et  h  gloire  de  Dieu  est  l'Eglise  de. 
J.  C.  et  ses  temples;  soit  parce  que  ceux-ci  se  trouvent,  comme  à 
Rome  et  ailleurs ,  étincelants  de  marbre,  d'or  et  de  pierreries  ,  et 
que  les  empereurs ,  les  rois ,  les  princes  et  le  monde  entier  proslor- 
nés  y  adorent  Dieu  ;  soit  surtout  parce  que  Dieu  y  habite  corporel- 
lement ,  que  la  très-sainte  et  très-noble  victime  d'expiation  y  est 
offerte  ,  et  que  le  Seigneur  y  manifeste  sa  présence  et  sa  majesté  par 
une  infinité  de  grâces  et  de  prodiges ,  qu'il  opère  pour  les  fidèles. 

Tout  est  saint  dans  nos  églises ,  et  nous  porte  à  la  sainteté  :  l'eau 
bénite...,  les  fonds  sacrés...,  les  tribunaux  de  la  réconciliation...,  la 
chaire...,  la  croix...,  la  table  eucharistique...,  les  autels,..,  et  sur- 
tout le  saint  des  saints,  le  tabernacle  qui  renferme  jour  et  nuit  le 
corps,  le  sang,  l'âme  et  la  divinité  de  J.  G 

ConiBiiz-vors  devant  le  grand  Dieu  dans  la  splendeur  de  son  sanc-  Respect  por- 
tuaire;  tremblez   en  sa  présence  ;   dit  le  Roi-Prophète  :  Adorate    ieIieusaint- 
Dominum  in  atrio  sancto  ejus  (xcv.  9).  Je  m'approcherai  (  avec  un 
saint  respect  )  de  l'autel  de  Dieu ,  du  Dieu  qui  remplit  de  joie  ma 
jeunesse  :  Introibo  ad  altare  Dei ,  ad  Deum  qui  lœtificat  juventutem 
meam  (Psal.  xliii.  4). 

Lorsque  vous  entrez  dans  la  maison  de  Dieu ,  dit  l'Ecclésiaster 
veillez  sur  vos  pas  et  approchez-vous  pour  écouter  :  Custodi  pedeA 
heum,  ingrediens  domum  Dei,  et  appropinqua  ut  audias  (  iv.  17). 

Jacob  vit  en  songe  une  échelle  posée  sur  la  terre  et  dont  le 
sommet  touchait  le  ciel ,  et  des  anges  de  Dieu  qui  montaient  et  qui 
descendaient  par  elle ,  et  le  Seigneur  appuyé  sur  l'échelle  et  lui 
disant  :  Je  suis  le  Seigneur  Dieu  d'Abraham  et  d'Isaac  ton  père. 
Quand  Jacob  fut  éveillé  de  son  sommeil ,  il  s'écria  :  Véritablement 
le  Seigneur  est  ici  et  je  ne  le  savais  pas.  Que  ce  lieu  est  terrible! 
C'est  ia  maison  de  Dieu  et  la  porte  du  ciel  :  Y  ère  Dominas  est  in  loco 

Pu  ,  Domine  unîversorum  qui  nuilius  indiges  ,  voluisti  templum  habitation 
fieri    in  nobis.  Et  nunc,    sancte  sanctoruiu  omnium,  conserva  in  ttternufi 
.  Uutam  dosaum  istam  (II.  Machab.  xiv.  3a.  36). 


sai:xt. 

iste  !  Non  est  nie 

■ 

.'une  i'aihle  et  pâle  ima 

■■-. 

•«ii«u  \9  lit  le 

les  parvis 

liao  (jlori 

.  Ton 

iclie 
i 

:  là  que 

- 

;  cuirez  eu  sa 

-, 

Lelicns'.ir.t  :         | 

I    I   Ll 

.   la  ma  •  a  de 

*  

iur  et  uuit  bat 


l  maison 

uc  gu 


UEU   SAINT.  69 

'  on }  afin  cl  '  r  la  prière  C  3  votr 

;  vous  les  exaucer 
;  peuple 
.ous,  et  ; 

. 

-,  et 
Ltence  et  se  converti: 

les 

de  quel 
1  lui,  ou 
vers  vous 

ger?  un  h 
fnvocjuer  votre  nom  e     ce  li    l,  -.  Si 

peuple  sert  pour  combattre  ses  enn 

du  côté  où  s'  ie  à  la 

vous  exaucerez   ses 
(III.  Reg.  vm). 

Ma  voix,  dit  le  P  royal,  a  ;  •■   clans  le 

du  Seigneur  ;  mes 

cto  SUO   V 
spectu  ejas,  inlroioU  in  i 
Ma  :  l'Tsaïe,  sera  r 

i 

k 

dont  ' 
saint 
;     estlasouIce' 

naci  3). 

Planté  clans  la  maison  cl 
vis  de  notre  Dieu  :  Plantati  i 

'  uni  (  Psal.  xci.  U  ).  Il  portera  des  fruits,  il  s 
et  de  vi 

Je  vous  raj 


70  LIED  SAINT. 

dans  la  maison  de  ma  mère  (l'Eglise);  là  vous  m'instruirez  :  Appré- 
hendai te  in  domum  matris  mece ,  ibime  docelis  (  vm.  2  ). 

Je  placerai  mon  tabernacle  au  milieu  de  vous,  dit  le  Seigneur, 
et  mon  àme  ne  vous  rejettera  point  :  Ponam  tabernaculum  meum  in 
medio  vestri,  et  nonabjiciet  vos  anima  rnea  (Levit  xxvi.  11  ).  Je  mar- 
cherai au  milieu  de  vous;  je  serai  votre  Dieu  et  vous  serez  mon 
heup]  /■  vos,  et  ero  Deus  vester,  vosgue  eritis  pojndus 

meus  (  llikl.  xxvi.  12). 

11  n'est  point  de  nation  si  grande,  dit  l'Ecriture,  qui  ait  ses  dieux 
si  près  d'elle  que  Test  le  Seigneur  notre  Dieu,  présent  à  toutes  nos 
prières  t  Née  est  alia  natio  tam  grandis ,  quœ  habeat  deos  appropin- 
fuantei  sibi,  slcut  Deus  noster  adest  cunctis  obsecratiunibus  nostris 
(Deuter.  iv.  7). 

Le  temple,  dit  Isaïe,  sera  un  pavillon  dressé  contre  les  ardeurs  du 
gi  I  il ,  un  abri  élevé  contre  la  pluie  et  la  tempête  (des  tentations 
et  des  passions  )  :  Et  tabemarulutn  erii  in  umbraculum  diei  ab  œstu 
(iv.  G). 

Les  aveugles  et  les  boiteux  s'approchèrent  de  J.  G.  dans  le  temple, 
et  il  les  guérit  (  Matth.  XXI.  14). 

Le  lieu  saint  est  rempli  de  grâces,  de  secours,  de  richesses  de  tuuto 
espèce 

Ponheur       Hwrtutex'  ceux  qui  habitent  dans  votre  maison,  Seigneur,  dit  le 

qu'on  trouve    [Valiniste,   ils  vous  loueront  à  jamais!   Beati  qui  habitant  in  domo 
»■'  qu'on  ^oiitc 

s  le  lieu     (au  ,  Domine!  in  secvla  seculorum  laudabunt  te  (  Psal.  ixxxm.  T>).  Je 

me  suis  réjoui  dans  cette  parole  qui  ma  été  dite  :  Nous  irons  dans  la 

mai  eigneur  :  Lcetatus  sum  in  his  quœ  dicta  sunt  rnihi  :  lu 

domum  Dommiibmm  (Psal.  cxxi.  1  ). 

Un  jour  passé  dans  votre  demeure,  Seigneur,  vaut  mieux  que 
mille  jours  :  Melior  est  dies  una  in  atriis  tuis  super  millia  (  Psal. 
LX.wni.  1 1  ). 

Heureux,  dit  le  Seigneur  dans  les  Proverbes,  heureux  l'homme  qui 
m"V  ni  •,,  qui  passe  les  jours  à  l'entrée  de  ma  maison,  et  qui  veille 
au  seuil  de  ma  porte  !  Celui  qui  me  trouve,  trouve  la  vie  :  Seatus 
Homo  qui  audit  me t  et  gui  v  ■  fores  meas  quotidie ,  et  observai  ad 
pus''  veniet  vitam  (  vm. 

Heureux  ceux  qui  fré  '   lelieusaint;  c'esf;  là  que  descend 

'on  trouve  le  lait  et  le  miel,  laque  nais- 
sent les  larmes  qui  1.  it,  qui  rendent  l'innocence. 
-i  là  qu'une  lumière  surnaturelle  dissipe  les  ténèbres,  que  la 


LIEU   SAINT. 


71 


(Ablesse  disparaît  et  que  l'âme  se  fortifie.  C'est  là  qti*eile  se  nour- 
rit de  Dieu  même ,  s'unit  à  lui,  se  transforme  en  lui.  C'est  là  que 
tous  les  jours  s'opère  le  plus  grand  des  miracles,  que  le  ciel  s'ouvre, 
et  qu'un  Dieu  descend  sur  l'autel.  C'est  là  qu'un  Dieu  demeure 
constamment  pour  nous  bénir  et  nous  combler  de  toutes  ses 
faveurs.  Là  ues  millions  d'anges  sont  présents,  adorent  leur  roiT 
reçoivent  nos  prières,  nos  vœux ,  et  les  présentent  au  Dieu  de  majestd 

et  de  miséricorde Quel  bonheur  donc  d'aimer  le  lieu  saint,  de!« 

visiter  souvent  et  d'y  demeurer  longtemps!... 

Je  les  introduirai  sur  ma  montagne  sainte ,  dit  le  Seigneur  pai 
la  bouche  d'Isaïe;  je  les  remplirai  de  délices  dans  ma  maiso  de 
prières  :  Adducam  eos  in  m&fitem  san.-tum  meum,  et  lœtifico.bu  eus  in 
dumo  oraiionis  mcCB  (  LVI.  7  ) 


La  lougueur  du  temple  saint  est  l'emblème  de  la  longanimité  de 
l'Eglise;  car  dans  l'exil  de  son  pèlerinage,  elle  supporté  avec  patience 
toutes  ses  adversités ,  jusqu'à  ce  qu'elle  arrive  à  la  véritable  patrie. 
Sa  largeur  est  l'emblème  de  la  charité  de  l'Eglise ,  par  laquelle  dila- 
tant ses  entrailles,  elle  embrasse  eu  Dieu  non-seulement  ses  amis, 
mais  ses  ennemis  eux-mêmes:  jusqu'à  ce  qu'arrive  le  temps  ou 
ceux-ci  seront  convertis,  ou  bien  vaincus  à  jamais.  Sm  élévation 
est  l'emblème  de  l'espérance  de  la  résurrection  future ,  que  l'Eglise 
attend  patiemment,  soit  dans  la  joie,  S3it  dans  les  larmes ,  parce 
qu'elle  est  au-dessus  de  tous  les  événements;  elle  marche  toujours 
jusqu'à  ce  qu'elle  arrive  à  posséder  les  biens  du  Seigneur  clans  la 
terre  des  vivants.  Les  colonnes  sont  l'emblème  de  la  sagesse  de 
l'Eglise  et  de  sa  solidité;  elles  sont  aussi  la  figure  des  apôtres  et  de?. 

docteurs 

A  un  autre  point  de  vue ,  la  longueur  du  tempie  saint  rep :\  sent: 
l'éternité  de  Dieu  et  l'immortalité  de  l'âme...;  sa  largeur,  la  r 's - 
ricorde  divine...;  sa  hauteur,  l'immensité  de  Dieu...;  ses  colonnes. 
la  puissance  de  Dieu  et  tous  ses  attributs 


t^e  qui, 
le  vaisseau 
d'une  égliS 
représente. 


' 'lises  sont  tournées  vers  l'orient,  et  lorsqu'on  prie,  on  se  Pourquoi 

,               *            ,,,                  .            ....                     ..  les  églises  sont 

tourne  de  ce  cote,  pour  cinq  prin             raisons  :  1°  ahn  de  recon,-  eUesr , 

naître               faits  d  nt  le  soieil  est  l'instrument  et  d'en  rendra  ™"s  ; 

grâce  à  I  eu...;  2°  parce  que  1                 t  la  plus  noble  part  :  du  lors 

°                              '        r             x  prie,se  tourne 

e ,  Ta  Iumièr  i  et  le  soleil  venant  d  ;  l'orient...;  3°  parc  !    ne  le  t-c-n  < 
terre  Ir  ,   d*  ù   nous  avons  été  chassés  en    la  personne 
fit'Âda      .  é     t  situé  à  l'oi            ;  4"  parce  que  J.  C.  sur  la  croix  ■  •' 


72  LIEr  SAINT. 

.  tourna  vers  l'occident;  lors  <!onc  que  nous  prions  tournas  vers 
l'orient  ,  nous  regardons  J.  C.  crucifié...;  5°  parce  que  Dieu  est  la 
véritable  lumière,  le  véritable  Orient 

Dion  wi  imte  ])IFU  punit  d'une  manière  frappante  et  terrible  les  profana  tours  «'lu 
nation  dn  lieu  saint .  témoin  le  châtiment  qui  fut  infligé  à  l'imprudent  Ih'lio- 
ct  i'i  chAHe    dore,  ministre  «lu  roi  Apollonius. 
SIW  '  Héliodore  eut  l'audace  d'entrer  clans  le  temple  de  Jérusalem  pour 

coin   qui  le  ... 

profanent,     le  piller  et  le  souiller.  Mais  la  toute-puissance  de  Dieu  se  manii 

sensiblement,  en  sorte  que,  renversés  par  une  force  surnaturelle, 
tousceuxqui  accompagnaient  Héliodore  furent  frappés  de  terreur  et 
mis  en  fuite.  Ue  cheval  couvert  d'ornements  magnifiques,  et  mente 
par  un  homme  à  l'aspect  menaçant  et  couvert  d'armes  d'or ,  leur 
apparut ,  et  il  frappa  impétueusement  Heiiodore  des  pieds  de 
devant.  En  même  temps  deux  autres  jeunes  hommes ,  pleins  (h 
force  et  de  beauté  ,  brillants  de  gloire  et  richement  vêtus  ,  se  mon- 
trèrent aux  côtés  dHéliodore,  et  le  frappèrent  de  verges  sans  relâ- 
che. Le  malheureux  tomba  à  la  renverse,  enveloppé  d'obscurité  et 
de  ténèbres;  on  l'enleva  dans  une  litière,  et  on  le  porta  hors  du 
temple.  Frappé  par  la  vertu  de  Dieu,  il  était  gisant,  muet,  sans 
espérance  et  presque  sans  vie.  Si  le  grand  prêtre  Onias  n'eût  p  is 
prié  pour  lui ,  il  aurait  succombé;  mais  il  fut  guéri  par  les  pi 
de  ce  saint  pontife  et  s'en  retourna.  Le  roi  lui  ayant  alors  demandé 
quelle  personne  lui  semblait  propre  à  être  envoyée  à. Jérusalem,  Hélio- 
dore répondit  :  Si  vous  avez  quelque  ennemi,  ou  quelqu'un  qui  ait 
formé  des  dessein-  c  >ntre  votre  royaume  ,  envoyez-le  en  ce  lieu,  et 
vous  le  reverrez  déchiré  de  coups,  si  toutefois  il  échappe  à  la  mort  ; 
parce  qu'il  y  a  vraiment  quelque  vertu  divine  en  ce  lieu  :  celui  qui 
habite  dans  le  ciel,  y  est  lui-même  présent;  il  en  est  le  protecteur,  et 
il  frappe  et  perd  eeu\  qui  s'y  introduisent  pour  faire  le  mal  :  ïpse  qui 
habct  in  cœlis  habitationem,  visitator  et  adjutor  est  loci  illius  ,  et  venien 
tes  ad  tnalefa  rdit  (  II.  Machab.  m  ). 

Je  brûlerai  le  temple  de  Jérusalem, dil  l'impiô  î?ic*  ;"  (>o  fureur; 
et  par  un  juste  châtiment  de  Dieu,  ce  profanateur  sacrilège  i  ut  la 
tête  tranchée  :  la  main  droite,  qu'il  avait  insolemment  étendue  contre 
le  temple,  fut  coupée;  el  cette  tête  et  cette  main  criminelles  furent 
appendues  aux  portes  de  Jérusali  m  <  I.  Machab.  vu.  .'J.ViT). 
Jésus,  dit  L'Evangile,  entra  da  I     ipledeDieu,  etcb 

ceux  qui  y  vendaient  et  achetaient;  il  renversa  les  tables  des  chan- 
geurs, et  il  leur  dit  :  Il  est  écrit  :  Ma  maison   est  une  maison  de 


LiEU  SAINT.  73 

re  :  mai?  vous ,  von?  er  avez  fait  une  caverne  do  voleurs  :  Scri- 
pt mu  est  :  Qomus  mea,  domm  orotionis  vocabïtur;  rn«  nutem  fecistis  illam 
neom  latronum  (Matth.  xxi.  12.  13). 

La  vengeance  de  Dieu  poursuit  toujours  les  violateurs  et  les  profa- 
na leurs  des  Eglises.  Socrate  lui-même  a  remarqué  que  la  profanation 
des  temples  est  un  signe  certain  de  la  colère  de  Dieu,  et  de-malheurs 
prochains  et  terribles  pour  une  nation  (  Anton,  in  Meliss.) .  —  (  Cette 
ohsenation  de  Socrate  a  été  confirmée  par  ce  qui  s'est  passé  en 
France  lors  de  la  grande  et  sac  solution  de  1793 ) 

Plus  on  est  élevé  en  dignité,  plus  on  doit  s'attacher  à  don 

peuple  l'exemple   du  respect  pour  les  Eglises 11  faut  y  aller  afin 

de  prier  et  d'apaiser.le  Seigneur On  l'irrite,  si  l'on  s'y  tient 

dans  uùc  oosture  irrespectueuse..... 


LOI  DE  DIEU. 


Qu>ntend-en  TT^v  'après  quelque?  philosophe?,  ^oi  vient  du  verbe  légère,  lire, 
loi?  m  parce  qu'elle  est  donnée  afin  que  in  m  .  e  puisse  la  lire, 

.M  s  s'instruire  et  s'éclaira  l'esprit.  CicéronAeul  l|ué  le  mot  loi 
dérive  du  verbe  deligere,  choisir,  parce  que  la  loi  enseigne  enelïet 
ce  qu'il  faut  choisir  (Lib.  de  Offic).  Selon  saint  Thomas,  le  mot  loi 
vient  du  verbe  ligure,  lier,  parco  que  la  loi  impose  un  lien  :  elle 
oblige  à  faire  ou  à  omettre  quoique  chose,  et  voilà  pourquoi  les 
théologiens  la  nomment  joug  ou  lien  ( 4.  p.  q.  art.  9  ). 

La  loi  de  Dieu  n'est  autre  chose  que  la  raison,  l'intelligence  et  'n 
volonté  de  Dieu;  carde  la  loi  éternelle  qui  est  en  Dieu,  dérive  te 
notre  loi,  comme  la  lumière  vient  du  soleil.  C'esl  \  ir  uoi  celui 
qui  se  conforme  à  la  loi,  se  cunfurme  à  Ja  raison  et  à  la  volonté 
1e  Dieu 

La  loi  divine  (")  [Heu,  s'écrie  le  Prophète  royal ,  vos  oracles  méritent  toute  notre 
•dt  fondée  sur       .     .,,      .        .  >.t.><    r    .  •    •  ,         »\    r-  •• 

►»««e       loi  :  / esttmonta  tua  creaibilia  facta sunt  nvms  (\cn.5) .  raites-moicon- 

aattre  le  bien,  Seigneur;  enseignez-moi  la  sagesse  et  la 

parce  que  j'ai  cru  à  votre  parole  :  Bonit  tem9et  d  <c    '  nain,  et  scienfimn 
doceme.  quia   mandatis  tuis  credidt  (Psal.  cxv.il.  C6).   Toutes  vos 
ordonnances  sont  la  vérité  même  :  Omitiu  mandata  tua  veritas  (1 
cxviii.  86).  Votre  loi  est  la  vérité  môme  :  Lex  tua  vrrit*»  (Psal. 
cxvm.  U2). 

L'homme  sensé',  dit  rKcclésia?!ique~  se  confie  à  laloi  de  Die  ■,  et 
la  loi  lui  est  fidèle  :  Homo  aemalus  crédit  legi  Dei .  et  lex  illi  fidelis 
<  xxxni.  3  ). 

La  loi  divine  est  un  oracle  quî  vient  de  Dieu.  Si  vous  voulez  savoir 
d'une  manière  certaine  ce  que  vous  avez  à  taire,  quelle  est  la  voie 
-.lu  salut  et  l.i  volonté  de  votre  Créateur,  vous  devez  consulter  la  loi 
ie  Dieu  :  elle  vous  instruira  pleinement,  et  vous 
point  vous  égarer.  La  loi  de  Dieu  est  fondée  sur  la  science,  la 
^v-'rss;!,  la  véracité  infinies;  eMe  ne  peut  donc  induire  en  erreur.  Je 
suis,  dit  J.  C,  la  voie ,  la  vérité  et  la  vie;  celui  qui  me  suit  (  t 
a-dire  celui  qui  observe  ma  loi)  m  d  tint  dans  les  ténènres, 

mais  il  aura  la  lumière  de  la  vie  :  Ego  mm  vie  .  veritas  et  vit»,  qri 
sequitur  wion  ambulat  in  tenebrù,  sed  habebit  lumen  vita  U«^aDn. 


iuélnan  lubie. 


!L01   DK   'DIEU.  70 

Vin.  12).  Dieu  ne  peut  ni  se  tromper,  ni  nous  tromper.  Du  moment 
qu'une  obligation  nous  est  imposée  par  la  loi  de  Dieu,  nous  ne 
devons  conserver  ni  doute,  ni  hésitation. 

La  loi  de  nature  est  éternelle...;  les  préceptes  cérémonie!*  et  iudi-  *-*  ïoi  divino 

i  ,  a  toujours 

ciaires  de  la  loi  mosaïque  ont  obligé  jusqu  à  la  promulgation  de  la  existe 
loi  nouvelle,  qui  a  eu  lieu  lors  de  la  résurrection  de  J.  C,  lors  de  son  Voujours".* 
ascension,  et  surtout  le  jour  de  la  Pentecôte Cette  loi  est  vrai- 
ment le  livre  des  commandements  divins ,  la  loi  qui  a  été  portée 
pour  l'éternité  :  Hic  liber  mandatorum  Dei,  et  lex  quœest  in  œtermtm 
(Baruch.  iv.  1  ).  Elle  est  portée  pour  l'éternité  :  car,  1°  elle  durera 
toujours,  les  commandements  de  Dieu  ne  devant  jamais  cesser  d'être 
justes  et  observés...;  2°  elle  conduit  ceux  qui  l'observent  à  la  vif 
éternelle 

CoxsirÉREZ,  dit  le  Seigneur  dans  le  livre  du  Deutéronome,  consi-      Nécessité 

.  ,.  d'observer  la 

dérez  que  j  ai  mis  aujourd  hui  devant  vos  yeux  la  vie  et  le  bien,  la     loi  divine. 

mort  et  le  mal ,  afin  que  tous  aimiez  le  Seigneur  votre  Dieu ,  et  que 

vous  marchiez  dans  ses  voies,  et  que  vous  observiez  ses  préceptes,  ses 

cérémonies  et  ses  jugements  (xxx.  15.  16). 

Que  le  livre  de  la  loi ,  dit  le  Seigneur  à  Josué,  soit  toujours  devant 
tes  yeux;  tu  le  méditeras  jour  et  nuit,  afin  que  tu  gardes  et  que  tu 
accomplisses  tout  ce  qui  est  écrit  :  Non  recédât  volumen  legis  hi/jns 
ab  ore  tito ,  sed  meditaberis  in  eo  diebus  ac  noccibns ,  ut  custodias  et  facias 
omnia  qv.ee scripta  sunû  in  eo(i.S). 

Ecoute  ma  loi,  ô  mon  peuple  !  dit  le  Seigneur  par  la  bouche  du 
Psalmiste  ;  incline  l'oreille  aux  paroles  de  ma  bouche  :  Attendite, 
popide  meus ,  legem  meam;  inclin  aie  avrem  vestram  in  verba  oris  met 
(lxxvii.  1).  Vous  avez  vous-même  ordonné,  Seigneur,  d'observer 
vos  commandements  avec  fidélité  :  Tu  ?nandasti  mandata  tua  cuslo- 
diri  nimis  (Psal.  cxvm.  A).  Si  je  ne  méditais  pas  votre  loi,  j'aurais 
déjà  succombé  à  mon  affliction  :  Nisi  quod  lex  tua  meditatio  mca  est, 
tune  forte  periissemin  humilitate  mta  (Psal.  cxviu.  92).  J'ai  juré  et 
j'ai  résolu,  Seigneur,  d'obéir  aux  commandements  de  votre  justice: 
Jo,    ci  et statui  custodire  judiciajustitiœ  tuœ  (Psal.  cxvin.  tOG). 

lutons  tous  ces  dernières  paroles ,  dit  l'Ecclésiaste  :  Craignez 
Dieu  et  observez  ses  commandements,  car  c'est  là  tout  l'homme  : 
Finem  loquendi  pariter  omnes  audiamus  :  Deum  time ,  et  mandata  ejus 
observa,  lu  c  est  enim  omnis  humo  (  xn.  13). 

Dieu  dit  à  Abraham  ;  Tu  conserveras  mon  alliance ,  toi  et  te 


76  IOT   HE   PIET7. 

postérité  apr?sfoi  :  T"  \,  et  semen  fvvm  post  te 

in  gi  G  on.  x  ordonne  t  sa 

lui  a  :    '   cela  pour 

réco.:  i   la  vi  ;b  de 

'•'>•■  .  Ire  ,  servir  et  adorer 

.... 

i  ;       r 

G"  Il  veut  que  La  vie 

e  charité 

VOUS  ;  .'US  nous 

eus  ne  le  t'ai  nous 

r.  ou  ses  et 
-  (1). 
Mon  fils,  dit  le  r  dans  les  Prov  rbes,  n'oubliez  pas  nies 

n  r  garde  mes  préc  Uimi,ne 

i  cor  tuum  custodîot  (ni.  4  ), 
gui  i  or,  dit  l'Ecclt 

ront  ce  qui  lui  <  le;etceuxquil'aimenl 

:  (u.  19).  ire  l'étudieront  avec  si  if 

it  de  sa  loi;  ils  eux 

rien  qui  j  uco, 

.. 

leurs  mais<  ns,  afi 

lu  Dieu,  le  ti  i  les 

:        chez  à  T 

et  à 

.  2). 

U  ; 

Qdra 
l  (Eccli. 

XIX.  1  ). 


Vrrc  mao-nn  tua,  n  Domine,  est  Bflpienl  ..  qui  rm<;  cojis  nd  nmorrm 

tui,  honum  iK.ïii-um;  nisi  enim  il  ;  faciamas, 


LOI  DE   1 I 

SriONT/'iu  dit  le  Prophète  royal,  je  médite    votre  parole,  aiin  de  II fanttnWItap 

constamment 
comprendre  la  iXYiii.  lo  ).  Je  consid  rerai  vos    la  loi  divine. 

3  :  In  justification 

os  (cîvin.  -10).  Votre  loi  est  le 

•  iation  :  \  mea  (cxvin.  2i). 

■hoisi  la  route  de  la  vérité  ;  je  irai  point  oublié  vos  jugements  : 

!  veritatis  eleji,  judicia  tua  non  sum  oblitus  (cxvm.  30).  Je  me 

nage  de  votre  volonté  :  Adhœsi  testimoniis 

■  (cxyiii.  31).  Je  suivrai  votre  loi  sans  m'en  écarter 

.(cxviii.  33).  Donnez-moi  l'intelli- 

ie  votre  loi ,  et  que  je  l'observe  de  tout  mon 

:  Da  mi/ti  intellect  uni,  et  scrutabor  legem    tuam;et  cusiodiam 

in  toto  corde  meo  { cxvm.  3-i  ).  Je  méditais  vos  préceptes,  objet 

iiiour  :  Et  médit abar  in  mandatis  fuis  qvœ  dilexi  (cxviii.  47). 

ut  la  nui  ; ,  .  r,  je  me  suis  souvenu  de  votre  nom  ;  et  j 'ai 

r  fui  nocte  nominis  fui.  Domine;  et  custodivi 

.  Que  votre  loi  m'est  clière  !  elle  est  cha 

jour  le  sujet  de  m"  ion  :  Quomodo  dilexi  legem  tuant  Domine! 

tota  die  n,  a  est-  (  cxvm.  97  ).  Je  n'ai  point  oublié  votre  1  i  : 

Legem  tuam  non  sum  oblitus  (cxviii.  109).  Je  n'ai  point  abandonné 

a  os  préceptes  :  Non  dereliqui  mandata  tua  (cxvm.  87). 

lans  votre  mémoire  ce  que  Dieu  vous  a  corn- 

lé,   dit  V  tique':   Quœ  prœcefjit  tibi  Deus,  Ma  cogita 

semper  (ni.  22).  Arrêtez  votre  pensée  sur  la  loi  de  Dieu,  et  méditez 

Sans  cesse  ses  commandements  :  Cogitation  tuum  habe  in  prœceptis 

Dei,  et  in  mandatis  illix  nsidims  esto  (Ibid.  yi.  37). 

Ces  paroles,  qui  sont  l'expression  de  ma  volonté  et  que  je  te 
fais  entendre  aujourd'hui,  dit  le  Seigneur  au  peuple  d'Israël, 
seront  dans  ton  cœur;  et  tu  les  rediras  à  tes  enfants,  et  tu  les  médi- 
teras assis  en  ta  maison,  et  marchant  dans  le  chemin,  avant  de 
dormir  et  à  ton  réveil.  Et  tu  les  lieras  comme  un  signe  dans  ta 
main,  tu  les  suspendras  devant  tes  yeux,  et  tu  les  écriras  sur  le 
seuil  de  ta  maison  et  sur  tes  portes  (I). 

Toutes  ces  recommandations  renfermées  dans  l'Ecriture,  tous 
ces  exemples  prouvent  jusqu'à  l'évidence  la  nécessité  de  ne  jamais 
mettre  de  côté  la  loi  sacrée  du  Seigneur 

(1)  Ëruuiqae  verba  haec,  quiu  e  tibi  nodie,  in  corde  tuo  :  et  n&rrabfe  ea 

.  tua,  ef  aœbulans  in  itinere,  dormions 
;ium  in  manu  tua,  eruntque  et  movebuntur 
in  ter  o^ulos  tno«,  scribcsun*  ea  in  lirmne  et  ostiis  doinus  tua;  {Deuter.  \i.  t>-y;. 


richesse  et 
avantage' de 
la  loi  divine. 


78  LOI  DE  DJEtf. 

Nous  attendons  sftiè  empressement  et  nous  désirons  que  le  jour  du 
Seigneur  vienne  dit  l'apôtre  saint  Pierre  :  respectantes  et  pruperan- 
tes  in  adventum  diei  Domni  (II.  ni.  12). 

Celui  qui  suit  la  loi  de  Dieu,  dit  Théodoret,  et  qui  conforme  sa 
vie  à  cette  loi,  aime  à  penser  à  la  venue  du  Seigneur  :  Amat  Domni 
adventum,  qui»  illius  leges  sequitur,  et  ex  Mis  vitnm  intfituit  (  In  verb. 
Pétri  ). 

Quiconque,  dit  Salvien ,  hait  la  loi  sacrée,  a  en  lui  la  cause  de 
cette  haine.  Le  dégoût ,  le  mépris  qu'on  a  pour  le  précepte ,  ne  vient 
pas  du  précepte  lui-même  ,  mais  des  mauvaises  mœurs.  Car  la  loi 
est  bonne  ;  mais  lorsque  les  mœurs  sont  viciées ,  elles  changent  les 
sentiments  et  les  résolutions  des  hommes.  Si  notre  conduite  était 
conforme  à  la  loi,  la  loi  ne  nous  déplairait  pas,  nous  n'aurions  pas 
de  haine  pour  elle.  Dès  que  quoiqu'un  commence  à  devenir  bon  ,  il 
commence  aussi  à  aimer  la  loi.  La  loi,  qui  est  sainte,  a  en  elle- 
même  tout  ce  que  les  hommes  ont  de  bon  dans  leurs  mœurs  (Lib. 
fV  ad  Ecdes.). 

La  loi  de  Dieu  n'a  pour  ennemis  que  les  hommes  corrompus. 
Otez  la  corruption  du  cœur,  la  loi  plaira 

Toute  la  religion  consistée  observer  la  loi  de  Dieu 

Nous  sommes  assurés  que  nous  connaissons  J.  C,  si  nous  obser- 
vons ses  commandements,  dit  l'apôtre  saint  Jean  :  In  hoc  scimus 
quûniam  cognocimus  eum ,  si  mandata  ejus  observemus  (I.  il.  3  ).  Celui, 
ajoute-t-il ,  qui  garde  les  commandements  de  Dieu  ,  demeure  en 
Dieu,  et  Dieu  en  lui  :  Et  qui  servat  mandata  ejus  ,  in  Mo  manet ,  et 
ipse  in  eo  (I.  m.  24). 

Que  Dieu,  dit  le  vénérable  Bède ,  soit  votre  demeure,  et  vous-' 
même  soyez  la  demeure  de  Dieu  :  demeurez  en  Dieu ,  afin  qu'il 
demeure  en  vous.  Dieu  demeure  en  vous  pour  vous  soutenir; 
vous  demeurez  en  lui  afin  de  ne  pas  tomber  :  Sit  tibi  domus  Deus,  et 
esto  domus  Dei  :  mane  in  Dco,  ut  maneat  in  te  Deus  :  manet  in  te  Deus, 
ut  te  contineat  ;  mânes  in  Deo,  ne  cadas  (In  Psal.  xxx  ). 

Les  paroles  du  Seigneur,  dit  lePsalmiste,  sont  des  paroles  pure»; 
elles  ressemblent  à  l'argent  éprouvé  par  le  feu  et  purifié  jusqu'à 
sept  fois  :  Eloquia  Dommi,  eloquia  casta;  argentum  igné  examina- 
tum ,  probatum ,  purgatiffn  m:  pt  opium  (xi.7).  Les  préceptes  du  Sei- 
gneur  sont  une  lumière,  ils  éclairent  les  yeux  :  Prœceptum  Domini 
lue  ihnn  ,  illuminons  oculos  (  Psal.  xviii.  9).  La  loi  de  Dieu  est  sainte, 
elle  est  la  vérité,  «die  M  justifie  par  elle-même  (Ibid.  xvjii.  JO).  Klle 
est  plus  désirable  que  l'or    ulus  précieuse  que  les  pierreries,  plus 


Ml  DE  DIEU.  79 

douce  que  le  miel  Je  plu?  exquis  :  Desiderabilia  super  aurvm  et  lapi- 
dem  pretiqsum  multum, et dulciora super mel  et  favum  ( ïb  d. xvm.  11  ), 
Elle  est  sans  tache;  elle  convertit  les  âmes;  le  témoignage  de  la 
volonté'  du  Seigneur  est  fidèle  ;  il  donne  la  sagesse  aux  enfants  :  Lex 
Domini  immacidata,  convertens  animas  :  testimonium  Domini  fidèle .' 
sapientiam  prœstans  parvulis  (Id.  xvm.  8). 

On  doit  aimer  la  loi  de  Dieu  :  1°  parce  qu'elle  est  très-belle... $ 
2°  parce  qu'elle  est  très-pure...;  3°  parce  qu'elle  est  la  vérité...; 
.  parce  qu'elle  convertit  les  âmes...;  5°  parce  qu'elle  réjouit...; 
6°  parce  qu'elle  éclaire...;  7°  parce  qu'elle  procure  les  bient 
éternels 

Ceux  qui  observent  la  loi  de  Dieu  recevront  une  grande  récom- 
pense ,  dit  encore  le  Psalmiste  :  In  custodiendis  Mis  retributio  multa 
(xvm.  12  ).  Celui  qui  place  cette  loi  clans  son  cœur,  ne  chancellera 
pas  :  Lex  Dei  in  corde  ipsius,  non  supphntabuntur  gressus  ejus(Psa\. 
xxxyi.  31  ).  Seigneur,  je  ne  serai  point  couvert  de  confusion,  tant 
que  je  serai  attentif  à  tous  vos  préceptes  :  Tune  non  confundar,  cum 
per$jM;xero  in  omnibus  mandat is  tuis  (Psal.  cxvm.  6). 

Comment  la  jeunesse  redresse-t-elle  sa  voie  ?  en  obéissant  à  vos 
paroles  ,  Seigneur  :  In  quo  corrigit  adolescentior  viam  suam?  in  custo- 
diendo  sermones  tuos  (Psal.  cxvm.  9  ). 

J'ai  renfermé,  ô  mon  Dieu ,  vos  paroles  dans  mon  cœur,  afin  de  ne 
point  vous  offenser  :  In  corde  meo  abscondi  eloquia  tua,  ut  non  peccem 
tibi  (Psal.  cxvm.  11  ).  Donnez-moi  l'intelligence  de  vos  commande- 
ments :  Doceme  justifications  tuas  (Ibid.cxvm.  26).  Je  l'ai  dit,  Sei- 
gneur, mon  partage  est  d'accomplir  votre  loi  :  Portio  mea  ,  Domine, 
dixi,  custodire  legem  tuam  (Ibid.  cxvni.  57).  La  loi  sortie  de  votre 
bouche  est  plus  précieuse  pour  moi  que  tout  l'or  et  tout  l'argent  du 
monde  :  Bonum  mihi  lex  oris  tui,  super  millia  auri  et  argenti  (  Ibid. 
cxvm.  "2).  J'ai  surpassé  en  intelligence  tous  mes  maîtres,  parce 
que  je  médite  vos  oracles  :  Super  omnes  docentes  me  intellexi,  quia 
teslimonia  tua  meditatio  mea  est  (Ibid.  cxvm.  99).  Je  l'ai  emporté  en 
intelligence  sur  les  vieillards  les  plus  consommés,  parce  que  j'ai 
étudié  vos  préceptes  :  Super  senes  intellexi,  quia  mandata  tua  quœsivi 
\  Ibid.  cxvm.  100  ).  Vos  commandements  m'ont  donné  l'intelligence; 
aussi  je  déteste  les  voies  que  suivent  les  pécheurs  :  A  mandat  is 
tuis  intellexi  ;  proptf.rea  odiviomnemviam  iniquitatis  (Ibid.  cxvm.  l<  4). 
Votre  paixle  ett  le  flambeau  qui  r,uide  mes  pas,  la  lumière  qui 
éclaire  le  sentier  où  je  marche  :  Lucerna  pedibus  meis  verbum  tuwn} 
et  lumen  semitit  meis   (  cxvm.  105  ).  Vos   commandements  soitf 


80  LOt  DE   BIEC 

admirables  pourvoi  mon  âme  a  cherché  à  les  comprendre: 

Mirabilia  testimonia  tua.  ideoscrutata  est  ca  anima  me»    ïbid.  cxvm. 

ition  de  votre  loi  répand  la  lumière;  elle  donne  l'intel- 

lignce  aux  petit?  enfni  n  tuorum  illuminât,  et 

.      vvni.  130).  J'ai  ouvert  la  bouche, 
et  j'ai  aspiré  v  tre  souille  di\in  :  je  brûlais  du  désir  de  recevoir 
oommandements  :  Os  menm  aperui,  et  attraxi  spiritum,  quia 
mandata  tua  desiderabam  (Ibid.  i  £vm\  131  ). 

Ainsi  parle  de  la  loi  de  Dieu  le  Prophète  royal 

lui  qui  observe  la  loi,  n'éprouvera  pas  de  mal,  dit  i'Eccléfflaste  : 
Quicustodit  \  experietur  quidquam  mali  {  \ 

La  loi  d  lit  saint  Q^égoire,  est  un  miroir  dans  lequel  Be 

regardent  constamment  les  aines  ^amtes;s'il  existe  en  elles  quel- 
qui  s  taches ,  t.  Elles  redressent  les  errements  de 

leurs  pensées;  et  malgré  les  .é-irtances  du  vieil  homme,  elles  réta- 
bli.- l'image  de  Dieu;  car  en  méditant  avec  soin  les 
uts  du  Seigneur,  elles  rec  Qt  ce  qui  en  elles 
plaît  à  Dieu  et  ce  qui  lui  déplaît.  La  loi  divine  nous  montre  com- 
I  les  âmes  saintes  ont  plu  au  divin  Epoux  ;  elle  nuis  excite  à 
effacer  n                              armes  de  componction,  et  elle  met  sous 

-tes.  Si  nous  les  étudions  avec  soin,  nous 

[ui  ont  terni  en  nous  l'image  de  Dieu;  en 

t  noiLî  les  déplorerons,  et  en  les  déplorant  nous  les 

Si  !..  -  la  voix  du  Seigneur  ton  Dieu  ,  dit  Moïse  au  peuple, 

étque  tu  commandements,  le  Seigneur  ton  Dieu 

au  liions  qui  habitent  sur  la  terre. 

Ton  sont  contenues  dans  le  livre  de  la  loi  se 

nt,  si  tu  obéis  à  ses  préceptes.  Tu 
ii  dans  la  vill<  'ans les  champs:  bénis  seront  le  fruit 

de  tes  ei  trailles  et  le  fruit  de  la  terre,  tes  bêtes  de  charge,  tes  trou- 
peaux de  bœufs  et  tes  troupeaux  de  brebis  avec  leurs  produits. 


(1)  Spécula  sunt  proecepla  Dei,  m  qtubni  se  sanctte  animre  semper  aspiriunt,  et 
si  quae  in  1 1-  sun  adunt.  Cogitalioaum  \ilia  corrigunt,  et 

quasi  i  component;  quia  dum  preceptis 

doiiiii  cul  dubio ,  vel  quid  in  i  ,  vel 

qui'i  •  icrum  corapunctionis  peccatorum  nostrorum 

marul  pernosponsoplacuerudt,  intuenda 

nier'  intendimas ,  interne  aoslre 
m»  macute?  videmus   :  «dentés  autein  maculas,  in  peenitentise  dolorc  com- 
puugimur,  çoinpuucli  sci^  ïaî«.uu>  [nouai,  wniu  Hvqng.). 


101  DE   DIEU.  81 

Bénis  seront  tes  greniers  et  les  fruits  que  tu  mettras  en  réserve.  Soit 
que  tu  entres,  soit  que  tu  sortes,  tu  seras  béni.  Le  Seigneur  fera 
que  les  ennemis  qui  s'élèvent  contre  toi,  tomberont  enta  présence  : 
ils  viendront  contre  toi  par  un  chemin,  et  ils  fuiront  loin  de  ta  face 
par  sept  autres.  Le  Seigneur  répandra  sa  bénédiction  sur  tes  celliers 
et  sur  toutes  les  œuvres  de  tes  mains.  Il  se  suscitera  en  toi  un  peuple 
saint,  comme  il  te  l'a  juré,  situ  observes  les  commandements  du 
.  icur  ton  Dieu ,  et  si  tu  marches  dans  ses  voies.  Et  tous  les  peu- 
de  la  terre  verront  que  le  nom  du  Seigneur  est  invoqué  sur  toi, 
et  ils  te  craindront.  Le  Seigneur  ouvrira  le  ciel,  son  précieux  trésor, 
afin  de  répandre  en  temps  opportun  les  pluies  sur  la  terre  que  tu 
habiteras.  Le  Seigneur  te  placera  à  la  tète  des  peuples,  et  non  pas  à 
leur  remorque;  tu  seras  toujours  au-dessus  d'eux  et  non  point 
au-dessous,  si  tu  écoutes  les  commandements  du  Seigneur  ton 
Dieu,  que  tu  les  gardes  et  les  observes;  ne  te  détournant  ni  à 
droite,  ni  à  gauche  (  Deuier.   xxvm.  1-14). 

Les  magnifiques  promesses  que  le  Seigneur  fait  à  son  peuple  par 
la  bouche  de  Moïse  s'accomplissent  toujours,  et  ses  bénédictions 
descendent  sur  les  peuples  qui  sont  les  observateurs  fidèles  de  sa  loi. 
Heureuses  donc  les  nations  et  les  familles  qui  observent  la  loi  de 
Dieu,  cette  loi  féconde  en  bienfaits  !...  Mon  fils,  disent  les  Proverbes, 
n'oubliez  pas  ma  loi ,  et  que  votre  cœur  garde  mes  préceptes;  ils 
vous  apporteront  la  longueur  des  jours,  des  années  de  vie  et  la  paix  : 
FUI  mi,  ne  obliviscaris  legis  meœ,  et  prœcepta  mea  cor  tuum  custodiat. 
Longitudinem  enim  dierum ,  et  annos  vitœ ,  et  pacem  apportent  tibi 
(m.  1.2).  Mon  fils,  gardez  les  commandements;  portez-les  sans 
cesse  graves  dans  votre  cœur  et  attachés  à  votre  cou.  Qu'ils  vous 
accompagnent  lorsque  vous  marchez;  qu'ils  veillent  autour  de  vous 
durant  votre  repos  ;  qu'ils  soient  votre  entretien  à  votre  réveil 
(  vi.  20-22  ).  Car  le  précepte  est  un  flambeau,  et  la  loi,  une  lumière  et 
le  chemin  de  la  vie  :  Mandatum  lucerna  est ,  et  lex  lux ,  et  via  vitœ 
(Ibid.  vi.  23). 

Quelque  part  qu'il  aille,  celui  qui  a  pour  flambeau  la  loi  de  Dieu 
voit  clair  dans  son  chemin,  dit  saint  Ambroise  :  Cui  lucerna  fuerit 
verbum  Dei ,  huic  quoeumque  pergit ,  lucent  semitœ  (Lib.  II  Oflic, 
c.  ni). 

La  loi  ancienne,  dit  saint  Basile,  ne  fut  qu'un  flambeau ,  car 

elle   n'éclaira  qu'une  nation.   Voilà  pourquoi   Jean-Baptiste,  qui 

fut  le  terme  de  cette  loi,  est  appelé  un  flambeau  brillant  et  bridant. 

Mais  L'Evangile  eft  une  lumière  qui  éclaire  l'univers-  Aussi  J.  G. 

m.  6 


82  LOI  DE  DIEU. 

mt-i!  réellement  le  soleil  de  justice,  et  les  apôtres  ta  lumière  du 
monde  (l). 

La  loi   est  une  lumière  i  Lex  lux  (Prov.  tt.  23)  ,  soit  parce 
qu'elle  est  facilement  comprise,  soit  plutôt  parce   qu'eue  dirige 
une  qui  la  connaît,  parce  qu'elle  éclaire  sou 

concr!>ur 

La  loi  est  une  lumière;  elle  est  un  rayon  de  la  lumière  é 
jaillissant  du  -  leil  im  réé,  <]ui  est  Dieu  lui-même.  Car  la  loi  de  , 
ne  diffère  pas  de  la  loi  inci  livine,  et 

ra  mise  la  sThomme,  afin  qu'il  vive  avec  droiture, 
sain;  «rôles  du  Psal  :  vous 

ss  brillera  nus  yeux  la  lum  itre  visage  :  Signatum  est 

supi  ultus  lui ,  Domine  (iv.  7). 

Mon  fils ,  dit  le  Seigneur  dans  les  Proverbes ,  observez  ma  loi,  et 

vous  vivrez  :  rva  mandata  mea,  e!  vices  (  yii.  2).  Celui  qui 

e  la  loi  du  Seigneur  garde  son  âme  :  Qui  custodit  mandat  um, 

m  suam  (Ibid.xix.  16). 

La  loi  de  Dieu  est  la  voie  que  Dieu  nous  a  tracée ,    voie  que 

l'homme  doit  s'efforcer  de  suivre  pour  arrive'-  à  la  vertu,  au  salut, 

à  Dieu  lui-même 

La  loi,  dit  Platon,  est  l'âme  de  l'homme  libre  :  connue  l'âme 
ige  le  corps,  la  loi  dirige  l'homme,   et  le  porte  aux  bonnes 
actions  qu'elle  prescrit  et  qui  rendent  la  vie  de  l'homme  vrai 

1e  du  nom  de  vie.  Mais,  lorsqu'elle  méprise  la  loi,  l'âme  périt, 
comme  le cor;s  lors  me  l'âme  le  quitte  (  De Legib,  ). 

Avec  quel  s  .'m  i  -  l  G  •  t  o;>.-erver  la  lui  ! 

s  motifs  surtout  nous  y  engagent  :  I  ter  •  -'  t >•'■ 

>ir  envers  Die   .  qui  aime  et  observe  la  loi  ,  aime  e 

,  qui  est  le  .    '-  a- t-il  dit  :  Si  voui  m'aimez, 

gardez  mes  coi  i  ■•  ts  :  Si  di/iyi:  m  servatc 

mu.  av.  i  attiré  de  la  loi  même.  L'objet, 

.1  de  la  Loi  -  ie  pratiquer  la  vertu  :  si  nous  aii; 

•elle-ci,  no:  -  >  loi.  Le  troisième  motif  est  tiré  de 

e  la  loi  garde  son  âme ,  dit  Salc- 
mon ,  et  celui  qui  la  n  I    e,  c'est-à-dire  I4  vie, 


n.i-i:  vit.  Umlc  et  Joannos  lîap- 

et  lucens.  Kvangcliiiin  »ero 

.  1  iristusfuitsol  juslitise,  etaposlolilm 


LOI   DE  DIEU.  83 

le  salut .  ïe  bonheur  de  son  à: ne.  Yuus  devez  donc  avoir  pour  la  loi 
niftvtion  que  vous  portez  à  votre  âme 

Celui  qui  garde  la  loi  est  un  fils  plein  de  sagesse  ,  disent  les  Pr  j- 
\erbes  :  Qui  custodit  legem,  (Mus  sapiens  est  (xxvm.  7). 

Quel  est  celui  qui  est  resté  constamment  fidèle  aux  commande- 
ments de  Dieu,  et  quia  été  délaissé?  dit  l'Ecclésiastique  :  Quis per- 
772a/7o.'V  in  mandatisejus,  et  derelictusest?  (n.  42.  )  Si  vous  voulez  garder 
les  commandements  de  Dieu,  dit-il  encore,  ils  vous  garderont  :  Si 
volueris  mandata  servare  ,  conservaiunt  te(xv.  46). 

Voyez  combien  avantageuse  est  l'observation  exacte  et  persévé- 
rante des  commandements  divins.  Ils  sont  les  gardiens  de  1  am« 
contre  tous  les  ennemis  extérieurs  et  intérieurs.  Sx  vous  gariez  la 
loi ,  la  loi ,  de  son  cùté  ,  vous  gardera,  vous  conservera,  soit  pour  la 
\ie  présente,  soit  pour  la  vie  future;  soit  en  attirant  sur  vous  la 
grâce  de  Dieu  dans  le  temps,  soit  en  vous  assurant  la  gloire 
de  l'éternité.  11  en  est  ainsi  :  4°  parce  que  Dieu  garde  celui  qui 
observe  sa  loi...;  2°  parce  que  l'accomplissement  de  la  loi  augmente 
les  vertus  de  rame ,  et  que  celles-ci  à  leur  tour  la  fortifient  et  la 
rendent  capable  de  résister  aux  tentations ,  à  la  chair  corrompue, 
au  monde  et  au  démon...;  3°  parce  que  l'observation  de  la  loi  affaî; 
blit  l'égoïsme,  qui  est  le  grand  ennemi  de  la  charité 

Si  vous  êtes  fidèle  à  Dieu,  Dieu  vous  sera  lui-même  très-fidèle; 
car  il  existe  entre  Dieu  et  l'homme  un  pacte  par  lequel  ils  se  pro- 
mettent, l'homme,  d'obéir  à  Di,u  e£  ;i "observer  sa  loi;  Dieu,  (le 
récompenser  l'homme  en  lui  accordant  la  protection ,  la  grâce  et  la 
gloire.  C'est  ce  que  dit  J.  0.  qui  est  la  sagesse  du  Père  :  Si  quelqu'un 
m'aime,  il  gardera  ma  parole,  et  mon  Père  l'aimera ,  et  nous  vien- 
drons en  lui,  et  nous  ferons  en  lui  notre  demeure  :  Si  guis  diligit  me, 
scrmonern  meum  servabit ,  et  Pater  meus  diliget  eum  ;  et  ad  eum  venie- 
mus,  et  mansionem  apud  eum  faciemus  (Joann.  xrv.  23).  Dieu  veille 
sur  sa  demeure ,  il  protège  l'hospitalité  qu'on  lui  donne.  Qu'est-ce 
qui  oserait  attaquer,  qu'est-ce  qui  pourrait  vaincre  celui  qui  est 
gardé  et  défendu  par  Dieu  ?  Voilà  pourquoi  l'Ecclésiastique  dit  : 
Celui  qui  garde  la  loi ,  sera  préservé  de  tout  mal  :  Qui  custodit  prœ- 
ceptum,  non  experietur  guidquam  mali  (vm.  5).  Et  J.  C.  en  saint 
Jean  :  En  vérité,  en  vérité  je  vous  le  dis  :  Si  quelqu'un  garde  ma 
parole ,  il  ne  verra  jamais  la  mort  :  Amen ,  amen  dico  vobis  :  Si  guis 
seivnonem  meum  servaverit ,  mortem  non  videbit  in  œternum  (  vin.  51  ). 
Si  vous  voulez  entrer  dans  la  vie,  dit-il  encore,  gardez  les  comman- 
dements :Si  vis  ad  vitam  ingredi,  se/va  mandata  (Maith.  xix.  47). 


LOI  DE  DIEU. 

Le?  c  donc  à  la  vie ,  vie  de  l'âme ,  vie  de  la 

grâce  ici-bas,  i  ie  lie  la  gloire  dans  le  ciel.  Or,  celai  qui  entre  dans 

la  gloire  des  saints  ne  verra  jamais  la  mort  éternelle Place  ton 

r  dans  les  préceptes  du  Très-Haut;  cela  te  sera  plus  utile  que  de 
l'or,  dit  1  istique  :  Porte  thesaurum  tuum  in  prœceptis  Altûsimi, 

et  proclcr it  tibi  magis  quant  aurum  (  xxix.  1A  ).  Celui  qui  cherche  la  loi 
de  Dieu  en  sera  rempli  :  Qui  quœrit  legem  replebitur  ab  ea  (  Ibid.  xxxu. 
49  ).  C'est-à-dire,  celui  qui  cherche  sincèrement  à  connaître  la  Loi 
ieu,  et  à  l'observer,  sera  rempli  des  fruits  de  la  loi,  des  biens 
qu'elle  procure  :  laveurs  et  grâce  de  Dieu,  bonheur  et  gloire 

infinie 

L'homme  sensé  croit  à  la  loi  de  Dieu,  et  la  loi  lui  est  fidèle  (  t'cdi. 
i.  3).  L'homme  sage  est  fidèle  à  la  loi  de  Dieu,  mais  la  lui  lui 
est  fidèle  aussi  :  elle  écarte  de  lui  tous  les  maux  et  lui  procure  tons 
les  b: 

A   celui  qui  l'observe ,  la  loi  promet  et  assure  les  ai 
vants  :  1°  elle  leclaire,  afin  qu'au  milieu  des  erreurs  qui  l'assiègent 
il  sache  ce  qu'il  doit  faire,  et  quelle  conduite  lui  est  nécessaire 
pour  mériter  le  ciel...;  2^  elle  le  console...;  3°  elle  le  récompense 
eu  lui  assurant  en  cette  vie  une  augmentation  de  grâce,  et  plus 

tard  la  couronne  et  la  gloire 

L'innocence  n'est  autre  chose  que  l'accomplissement  fie  la  toi 

Celui  qui  garde  la  loi,  dit  l'Ecclésiastique,  multiplie  Les  offran- 
des ;  c'est  un  sacrifice  salutaire  d'être  attentif  aux  commandements  , 
et  de  -  v  de  toute  iniquité  :  Qui  conservât  legem  multiplicat 

obi  ut  iumsalutare  est  attendere  mandat  is ,  et  discedere  ab 

,  ntate  (  i.v.  1.  2  ).  L'observation  de  la  loi  tient  lieu  de  sacri- 
fice,  ou  plutôt  elle  est  le  sacrifice  le  plus  agréable  à  Dieu,  celui  qui 
assure  le  salut ,  et  qui  renferme  en  lui  tous  les  genres  de  sacrifice. 
est  on  sacrifice  mystique  par  lequel  L'homme  s'offre  Lui-même  à 
te  ses  a  tes  rais  innables,  spirituels  el  divins.  U  immole 
-  Les  passions  et  tous  les  vices;  et  pi  rame  un  encens 

d'uni  le  odeur  Ja  pratique  de  toutes  Les  vertus.  De  pareils 

sacrifices   l'emportent   infiniment  sur    les  sacrifices  sanglants  de 

i        •  me  Loi 

Heureux  l'homme  qui  se  nourrit  de  la  loi  de  Dieu!  dit  l'Kcclé- 
!•••.  Celui  qui  la  garde  dans  sonco-.  car, 

s'il  I  (toutes  ci:      -.  [ue  la  lumière 

le  I  pas  (1). 

(lj  Beatu  rsatur  bonis:  qui    [  illain  c  •   !«  si.<>  ,  R»|iiên*  or  I 


LOI  DE  DIEU.  83 

Si  tu  avais  été  attentive  à  mes  préceptes,  dit  !  iir  à  la 

fille  d'Israël,  ta  paix  eût  été  comme  un  fleuve ,  et  ta  justice  comme 
les  flots  de  la  mer.  Ta  postérité  eût  été  multipliée  comme  les 
sables  de  l'Océan,  comme  les  pierres  répandues  sur  ses  rivages; 
niants  n'eussent  pas  péri,  et  leur  nom  n'eût  pas  été  eiïacé  de 
ma  présence  (1). 

Vous  avez  délaissé  la  source  de  la  sagesse,  dit  le  prophète  Baruch; 
car,  si  vous  aviez  marché  dans  la  voie  de  Dieu,  vous  auriez  habité 
dans  une  paix  éternelle.  Apprenez  où  est  la  prudence,  où  est  la 
force,  où  est  l'intelligence,  afin  que  vous  sachiez  en  même  temps  où 
est  la  longueur  de  la  vie  et  l'abondance  de  la  nourriture  ;  où  est  la 
lumière  des  yeux  et  la  paix  (2).  Remarquez  ici  six  heureux  effets  de 
l'obéissance  à  la  loi  de  Dieu  :  le  premier,  une  paix  éternelle...;  le 
second,  la  prudence  et  la  force...  ;  le  troisième,  l'intelligence...; 
le  quatrième,  la  longueur  de  la  vie...;  le  cinquième,  l'abondance  de 
toutes  choses...  ;  le  sixième,  la  lumière 

Voici,  dit  le  même  prophète,  voici  le  livre  des  commandements  de 
Dieu  et  la  loi  qui  est  pour  l'éternité  ;  tous  ceux  qui  gardent  la  loi 
parviendront  à  la  vie  :  Hic  liber  mandatoram  Dei,  et  lex  quœ  est  in 
œternum ;  omnes  qui  tenent  eam  pervenient  ad  vitam  (iv.  1). Conver- 
tissez-vous, ô  Jacob!  s'écrie-t-il  encore,  et  embrassez  la  loi;  mar- 
chez dans  le  chemin  qu'elle  vous  indique,  à  son  éclat  et  à  sa  splen- 
deur (iv.  2). 

Les  préceptes  de  J.  G.  sont  des  armes  pour  les  chrétiens,  dit  saint 
Ambroise  :  Prœcepta  Christi  arma  sunt  christianis  (Lib.  III  de  Offic). 

Heureux  l'homme  qui  médite  jour  et  nuit  la  loi  du  Seigneur,  dit  Je      r^beur 

Roi-Prophète ,  il  sera  comme  l'arbre  planté  le  long  des  eaux  fertil  >s,  dam  l'obser- 

qui  donne  des  fruits  en  son  temps ,  et  dont  les  feuilles  ne  tombent  ^jjJjjj^Je1* 
point;  ses  rejetons  s'étendront  à  son  ombre  (3). 

semper  :  si  enim  hœc  fecerft ,  ad  ornnia  valebit ,  quia  lux  Dei  vestig-ram  ejus  c? 
(t.  30.  31). 

M  Utinara  attendisses  mandata  mea:  fada  fuisset  sicut  flumen  pas  tua,  et  justitif 
lui  sirut  gurgiles  maris;  et  fuisset  quasi  arena  semen  tuum  et  stirps  uteri  tui  non 
interisset,  et  non  fuisset  attritum  nomen  ejus  a  facie  mea  (Isai.  xltiii.  18.  19). 

Derelîquisti  fontem  sapientiœ.  Nam  si  in  via  Dei  ambulasses.  habitasses  utique. 
in  riice  sempiterna.  Disce   ubi  sit  prudentia,  ubi  sit  -rirtus  ,  ubi  sit  intellectus;  ut 

miul  ubi  sit  longiturnitas  \itse  et  \ictus,  ubi  sit  lumen  oculorum  et  pax 
(m.  12-14). 

Bi  atus  vir  qui  in  lege  Domini  meditabitur  die  ac  nocte  :  erit  tan  uam  lignun. 
quoil  plantatum  est  sectis  decursus  aquarum  ;  et  folium  ejus  non  defk.et,  et  omni? 
Buœcuinque  faciel  prosnerabuntur  (  i.  2.  3  ). 


86  LOI  DE  DIVi. 

Heureux  les  hommes  qui  demeurent  sans  tache  <lans  la  voie  qu'Us 
suivent  et  qui  observent  la  loi  du  Seigneur  !  Beati  immactUati  in  via 
qui  ambulant  in  lege  Domini  (Psal.CXVïil.  \).  Heureux  ceux  qui  ol 
Vent  les  commandements  de  Dieu;  ils  le  cherchent  de  tout  leur 
cœur!  Beati  qui  scrutanhtr  testimonia  ejus,in  toto corde  exquirunt  eum 
(cxviii.  2).  Seigneur,  je  trouve  mes  délices  dans  l'accomplissement 
de  votre  loi;  c'est  un  trésor  plus  précieux  pour  moi  que  les  plus 
grandi  s  richesses  :  In  via  testimoniorum  tuommdclectatussum,  sicut 
in  omnithtt  dicitiis  (  cxvm.  1  \  ).  J'ai  l'ait  de  vos  commandements  mon 
héritage  éternel;  car  ils  sont  la  joie  de  mon  cœur  :  Ilœreditate  acquis '.vl 
testimonia  tua  in  œternum  ,  quia  exsultatio  cordis  mei  sunt  (cxvm.  1 1 1 1. 

Rien  n'est  plus  doux  que  d'observer  la  loi  du  Seigneur,  dit  l'Ec 
sias- tique  :  Piïhil  dulcius  quant  respicère  inmandatis  Domini  (xxiu.  37). 
C'est  en  effet  dans  l'obéissance  à  la  loi  de  Dieu  que  se  trouvent  tout 
le  bonheur  de  l'homme,  son  intérêt,  la  paix,  les  consolations ,  les 
vrais  plaisirs,  la  grâce ,  le  saiut  et  la  gloire...., 

h  est  facile     Djeïï,  dit  saint  Augustin,  n'ordonne  pas  l'impossible:   matai  en 

*  I fCT  II 

loi  de  Dieu,  commandant,  il  nous  avertit  de  faire  ce  que  nous  pouvons  et  de  lui 
demander  la  force  de  faire  ce  que  nous  ne  pouvons  pas  ;  puis  il 
nous  aide  à  le  faire  :  Deus  impossibilia  non  jubet  ;  sedjubendo  monet , 
et  facere  quod  possis  ,  et  petere  quod  non  possis ,  et  adjuout  ut  possis 
(InEpist.  ad  Rom.  ). 

Mon  joug  est  doux,  et  mon  fardeau  léger ,  ait  J.  C.  :  Jutjum  meum 
suave  est,  et  onus  meum  levé  (  ijïatth.  XI.  30  ).  Tout  précepte  est  léger 
pour  celui  qui  aime,  dit  saint  Augustin;  du  moment  que  L'on  aimai 
le  travail  ne  coûte  plus  rien  :  Omne prœceptum  lue  est  amunù;  ubi 
amatur,  non  laboratur  (Ut supra). 

L'amour  de  Dieu,  dit  l'apôtre  saint  Jean,  consiste  à  observe*  n  > 
commandements,  et  ses  commandements  ne  sont  pas  un  fardeau  : 
jjœc  est  enim  caritas  Dei ,  ut  mandata  ejus  custQdiamus  ;  et  ma 
ejus  gravia  non  sunt  (ï.  v.3).   Les  commandements  de  Dieu 
lacilor  à  observer  même  en  ce  qu'ils  ont  de  plue  pénible,  prem 
ment,  parce  que  J.  C.  é  les  chrétiens  du  joug  accablant  des 

nombreux  préceptes  cérémomeïs  et  judiciaires  de  l'ancidane  loi' 
ndement,  parce  qu'il  n  y  a  rien  de  pesant  pour  celui  qui  aime 
Dieu...;  troisièmement,  parte  que  J.  C.  donne  à  L'homme  d 
qui  sont  comme  des  ailes  avec  I  s  [uelles  nous  a.  ruinplissons  facile- 
ment la  loi;  loin  qu'elle  pèse  sur  nos  épaules,  elle  nous  soutient...: 
quatrièmement,  p-..  je  que  nous  avons  pour  nous  encourager  le* 


LOT   DE  DIEU.  87 

exemples  de  J.  C.  et  des  saints,  et  la  promesse  de  la  gloire  éter- 
nelle  

L'amour  consiste  à  marcher  selon  les  commandeme^'^  de  J.  C.p 
dit  l'apAtrc  saint  Jean  :  Hœc  est  carias,  vt  ambvle <ms  serundiim  man- 
lata  ejus  (  II.  6  ).  Celui  qui  observe  la  loi  aime  Dieu;  or,  en  aimant 
Dieu,  la  loi  devient  douce ,  aimable  et  très-facile 

La  loi  que  je  te  prescris  aujourd'hui ,  dit  le  Seigneur  au  peu 
d'Israël,  n'est  ni  au-dessus  de  toi ,  ni  loin  de  toi.  Elle  n'est  point 
dan?  le  ciel,  de  telle  sorte  que  tu  puisses  dire  :  Qui  de  nous  peut 
monter  au  ciel ,  et  nous  l'apporter,  afin  que  nous  l'entendions  et 
que  nous  l'accomplissions  par  nos  œuvres?  Elle  n'est  point  au  delà 
de  la  mer,  de  telle  sorte  que  tu  t'excuses  en  disant  :  Qui  de  nous 
pourra  passer  la  mer  pour  l'apporter  jusqu'à  nous  ?  mais  elle  est 
près  de  toi ,  dans  ta  bouche  et  dans  ton  cœur,  afin  que  tu  l'accom- 
plisses (Deuter.  xxx.  11-14). 

Les  voies  de  Dieu  sont  douces  et  droites  aux  yeux  des  bons;  mais 
elles  paraissent  tortueuses  et  pénibles  à  ceux  des  impies.  1°  La  loi 
de  Dieu  est  simple  et  facile  au  jugement  des  bons,  compliquée  et 
ile  à  celui  des  méchants...;  2°  elle  paraît  juste  et  sainte  aux 
premiers,  injuste  et  tyrannique  aux  seconds...;  3°  elle  rend  ceux-là 
heureux  et  les  fait  prospérer;  elle  cause  le  malheur  et  la  ruine  de 
ceux-ci.  Tout  tourne  en  bien  pour  ceux  qui  aiment  Dieu,  dit  le 
grand  Apôtre  :  Diligent ibus  Deum  omnia  cooperantur  in  bonum  (Rom. 
vin.  28);  mais  tout  tourne  en  mal  pour  les  impies,  parce  qu'ils  se 
servent  de  leur  volonté  perverse  pour  abuser  de  tout 

{  Voyez  Joug  de  J.  G.  —  §  -Le  joug  de  J.  C.  est  facile  et  léger.  ) 

(J       .«jue  ayant  gardé  toute  la  loi,  la  viole  en  un  seul  point,  la      Celui  qui 
viole  tout  entière,  dit  l'apôtre  saint  Jacques  :  Quicumque  totam  legem    u'n  F 0 i ; 1 1 .  l'a 
scrvaverit ,  offendat   autem  in  uno,  factus  est  omnium  r eus  (u.  \0  ) .      "vide  tout 
Riais,  direz-vous,  comment  cela  est-il  possible?  Comment  ceux  qui 
ne  Violent  qu'un  précepte,  sont-ils  coupables  de  la  violation  même 
des  préceptes  auxquels  ils  sont  restés  fidèles?  Voici  comment  doivent 
être  entendues  ces  paroles  de  l'apôtre  saint  Jacques.   Celui   qui 
viole  la  loi  sur  un  point  est  coupable  comme  s'il  l'avait  violée  t  ut 
entière  :  1°  parce  qu'il  perd  tous  ses  mérites  comme  s'il  avait  violé 
toute  la  loi...;   2U  parce  qu'il  blesse  toutes  les  vertus  qu'il  avait 
lioquises...;  3°  parce  qu'il  encourt  la  peine  du  dam,  c'est-à-dire  la 
privation  de  la  grâce ,  de  la  charité  et  de  la  gloire,  comme  s'il  avait 
Violé  tous  les  préceptes...;  4°  parce  que  la  loi  entière  oblige  et  doit 


88  I.OI  DE  DIETT. 

être  observée...;  5°  parce  que  celui  qui  viole  un  seul  point  de  la  loi, 
méprise  le  législateur...;  6°  parce  que  les  préceptes  divins  forment 
un  tout,  qui  est  le  Décalogue.  Yiolez-en  un,  la  loi  pour  vous  cesse 
d'être  la  loi.  C'est  ainsi  qu'en  musique  une  voix  discordante  détruit 
toute  harmonie 

Celui, dit  saint  Augustin,  celui  qui  viole  la  loi  en  un  seul  point,  est 
coupable  comme  s'il  lavait  violée  tout  entière,  parce  qu'il  agit  contre 
la  charité,  sur  laquelle  repose  toute  la  loi  :  Qui  in  imo  offendit ,  fit 
omnium  reus ,  quia  contra  curitatcm  facit,  undetota  lexpendet  (  Kpist. 
xxix  ).  La  charité  est  le  fondement  de  toutes  les  lois  et  de  toutes 
les  vertus.  Tous  les  préceptes  sont  en  germe  dans  la  charité .  dit  saint 
Grégoire  :  Omnia  prœcepta  sunt  in  radice  caritatis  (Pastoral.).  Comme 
un  hérétique  qui  ne  croit  pas  un  article  de  foi,  perd  entièrement  la 
foi  à  tous  les  articles  du  Symbole,  car  il  ne  les  croit  plus  d'uni 
di\  ine,  mais  humaine;  de  même  celui  qui  viole  une  loi  perd  la  cha- 
rité attachée  à  l'observation  de  toutes  les  lois. 

Enfin  celui  qui  viole  un  point  de  la  loi,  les  viole  tous,  parce  que 
la  \  inlation  d'un  précepte  entraine  à  la  violation  d'un  second,  puis 
d'un  troisième,  et  enfin  de  tous 

Combien  est    Celui  qui  n'observe  pas  la  loi  de  Dieu,  qui  fait  ce  qu'elle  défend  et 
de  ceint quf   q^  la  méprise  n'est  pas  un  homme,  mais  une  brute  ;  car  il  ne  vit 

méprisent  et    pas  d'line  manière  raisonnable,  ce  qui  est  de  la  nature  de  l'homme  ; 

noient  la  loi     l  l  7 

diTinc.        mais  il  \ i t  à  la  manière  des  bêtes.  Orgueilleux,  colère,  cruel ,  rusé, 

impudique,  gourmand,  etc.,  il  imite  la  vie  du  lion,  du  tigre  ,  du 

renard,  etc 

Tous  les  crimes,  tous  les  vices,  tous  les  désordres,  tous  les 

scandales,  etc.,  viennent  de  la  violation  et  du  mépris  de  la  loi  de 

Dieu 

Châtiments  Ceux  qui  violent  la  loi  de  Dieu  ne  marchent  plus  à  sa  Lumière  .  ce 
menacéfeeux  1lH  Mt  un  .-Tan'l  malheur.  Us  deviennent  1rs  ennemis  de  Dieu  et 
qui  violent  la    T)(.ri|rI1(  \r  galut  ;  ce  qui  est  le  malheur  suprême.  Le  salut  est  loin 

•<>i  de  Dieu.      r  ...       ,  .         ,  .. 

des  pécheurs  ,  parce  qu  ils  n  ont  pas  cherche  a  accomplir  votre  loi , 
Seigneur,  dit  le  Psalmiste  :  Longe  a  peccatoribus  salus,  (juia  ju$tificati- 
ones  tuas  non  Mit  (CXVIII.  155). 

U  y  a  une  prière  exécrable,  disent  les  Proverbes  :  c'est  celle  de 
l'homme  qui  ferme  l'oreille  pour  ne  pas  éc  »uter  la  loi  :  Qui  déclinai 
cures  suasne  audiat  legem,  aratio  ejus  crit  execrabilis  \  wvm.  Q  ).  Puis- 
que! ne  veui  pas  ^coiùer  la  loi,  il  est  juste  que  le  Seigneur  ue  prête 


LOI  DE  DIEU.  89 

pas  non  plus  l'oreille  à  sa  voix.  Ceux  qui  violent  la  loi,  abandonnent 

iirce  de  la  sagesse  et  de  la  paix,  dit  le  prophète  Baruch  :  Dereli- 
quisti  fontem  sapientice  :  nom  si  in  via  Dei  ambulasses  ,  habitasses 
utique  in  puce  sempiterna  (  in.  12.  13  ). 

Lkomme  qui  résiste  à  la  loi  est  ennemi  de  soi-même;  car  l'obser- 
vation de  la  loi  procure  à  l'homme  toute  espèce  de  biens;  tandis  que» 

sa  \  iolation  est  le  principe  de  tous  les  maux 

Voyez  les  châtiments  qui  sont  tombés  sur  Adam  et  sur  sa  race , 
en  punition  de  la  première  désobéissance  :  confusion,  révolte  des 
sens,  concupiscence,  esclavage,  expulsion  du  paradis,  perte  de 
l'innocence  ,  de  la  paix  ,  du  bonheur,  de  l'immortalité ,  pauvreté , 
misères,  chagrins,  maladies,  travail,  stérilité  de  la  terre,  mort, 

enfer,  etc 

C'est  la  violation  de  la  loi  de  Dieu  crui  a  été  la  cause  de  tous  les 

grands  désastres. . . ,  du  déluge . . .,  de  la  destruction  de  Sodôme,  etc 

Si  tu  ne  veux  point  écouter  la  voix  du  Seigneur  ton  Dieu ,  ni 
garder  et  accomplir  tous  ses  commandements,  dit  Moïse  au  peuple, 
tontes  les  malédictions  contenues  dans  le  livre  de  la  loi  tomberont 
sur  toi  et  te  saisiront  :  tu  seras  maudit  dans  la  ville,  et  maudit  dans 
les  champs.  Tes  greniers  seront  maudits,  ainsi  que  les  fruits  que  tu 
mettras  en  réserve.  Maudits  seront  le  fruit  de  tes  entrailles  et  le  fruit 
de  tes  terres,  tes  troupeaux  de  bœufs,  et  tes  troupeaux  de  brebis. 
Tu  seras  maudit  en  entrant  et  maudit  en  sortant.  Le  Seigneurenverra 
sur  toi  la  détresse  et  la  famine  ;  et  il  répandra  sa  malédiction  sur 
toutes  les  œuvres  que  tu  feras ,  jusqu'à  ce  qu'il  t'abatte  et  t'exter- 
mine soudain.  Le  S.i:neur  t'enverra  la  peste,  jusqu'à  ce  qu'il  t'ait 
consumé.   Le  Seigneur  te  frappera  par  la  misère ,  la  lièvre  ,  le 
froid,  les  chaleurs  brûlantes  de  l'été,  la  rouille  et  les  souffles  empoi- 
sonnés; il  te  poursuivra  jusqu'à  ce  que  tu  périsses.  Le  ciel  qui  est 
au-dessus  de  toi  sera  d'airain,  et  la  terre  que  tu  foules  aux  pieds 
sera  de  fer.  Le  Seigneur  répandra  sur  tes  champs  de  la  poussière  au 
lieu  de  pluie ,  et  la  cendre  tombera  du  ciel  sur  toi,  jusqu'à  ce  que  tu 
sois  desséché.  Le  Seigneur  te  livrera  chancelant  à  tes  ennemis;  tu 
sorties  par  un  seul  chemin  pour  aller  à  leur  rencontre,  et  tu  fuiras 
par  sept,  et  tu  seras  dispersé  dans  tous  les  royaumes  de  la  terre.  Ton 
corps  servira  de  pâture  à  tous  les  oiseaux  du  ciel  et  à  toutes  lesbètes 
de  la  terre,  et  nul  ne  les  chassera.  Le  Seigneur  te  frappera  d'ulcères, 
de  lèpre  et  de  corruption,  comme  autrefois  l'Egypte.  Le  Seigneur 
te  frappera  de  délire,  d'aveuglement  et  de  fureur;  et  tu  marcheras 
à  tâtons  en  plein  midi ,  et  tu  ne  prospéreras  point  en  tes  voies  ;  tu 


50  LOI  DE  DIETJ. 

supporteras  en  tout  temps  la  calomnie,  et  l'outrage ,  et  l'oppression^ 
et  :u  n  ;mras  [  er-un  ,e  |  oui-  t.-  délivrer.  Tu  bâtiras  une  màisoil,  et  tu 
ne  t'habiteras  point  :  tu  planteras  une  vigne,  et  tu  n'en  recueilleras 
pas  le  fruit.  Tes  fils  et  tes  filles  seront  livrés  à  un  peuple  étranger  ;  tes 
yeux  les  verront  et  se  dessécheront  à  la  vue  de  leur  misère ,  et  tes 
mains  n'auront  aucune  force.  Tu  seras  opprimé  tous  les  jours  de  ta 
vie.  Tu  seras  une  nation  perdue,  et  comme  le  jouet  et  Ja  fable  de 
,ous  les  peuples.  Tu  confieras  beaucoup  de  grains  à  la  terre,  et  tu 
en  recueilleras  peu ,  parce  que  les  insectes  dévoreront  tout.   Tu 
planteras  une  vigne ,  et  tu  ne  boiras  pas  de  vin,  et  tu  n'en  recueil- 
.eras  rien.  La  rouille  consumera  tous  les  arbres  et  tousles  fruits  de  ta 
'.eue.  Et  toutes  ces  malédictions  fondront  sur  toi,  et  te  poursuivront; 
elles  te  saisiront  jusqu'à  ce  que  tu  périsses,  parce  que  tu  n'as  poir.t 
écouté  la  voix,  du  Seigneur  ton  Dieu,  et  que  tu  n'as  point  gardé      s 
commandements.  Si  tu  ne  gardes  et  n'accomplis  toutes  les  parob  s 
de  la  loi  écrites  dans  ce  livre,  et  si  tu  ne  crains  le  Seigneur  tcn 
Dieu,  le  Seigneur  augmentera  tes  plaies  et  les  plaies  de  ta  frace,  il 
te  couvrira  de  plaies  longues  et  opiniîtres,  il  t'accablera  de  lan- 
gueurs cruelles  et  incurables.  Et  il  fera  tomber  sur  loi  tous  les 
fléaux  qui  ont  frappé  l'Egypte,  fléaux  que  tu  as  redoutés,  et  ils  s'at- 
tacheront à  toi.   Et  comme  le  Seigneur  sVst  réjoui  auparavant  en 
vous  comblant  de  biens  et  en  vous  multipliant;  ainsi  il  se  réjouira 
en  vous  perdant,  en  vous  terrassant,  en  vous  exterminant  {Dou- 
ter, xxvm). 

Ceux  qui  cherchent  à  ne  pas  observer  la  loi  de  Dieu,  tombent  sou- 
les  peines  déterminées  par  cette  loi  :  il  arrive  ainsi  que  pour  n 'avoir 
pas  voulu  l'accomplir  par  obéissance ,  ils  l'accomplissent  en  en 
supportant  les  châtiments 

Maudits  sont  ceux  qui  ^éloignent  âe  V  •  re  Loi,  S  rtgtiçur,  dit  le 
ftttphèté  n>yal  :  Maledicti  qui  déclinant  a  mania  is  (UÎS    c\\  m.  21  ). 

On  ne  viole  pas  impunément  les  lois  de  i'  .  e-t-'l  dit  dans  le 
3  l'inl  ii\  i  ■  des  Macbabées  :  In  leyp*  divinas  impie  ayere  in.pune  non 

redit  [Dens)  (iv.  17). 

Les  maux  temporels  sont  des  biens  pour  ies  bons  qtli  observent  la 
loi  de  WeU  :  pOùf  les  pr  d'anateurs,  au  contraire,  îes  biens  île  la 

terre  sont  des  châti  r.enls 

;\   ;ni  a  an  I  un  1 6.1  la  l«»i  de  Dieti    \"  t  à  la  mort ,  dit  le  pro- 
ohèie  Bartien  :  Qui   èril  quérunt  eam ,  in  mortem    v.  i). 


LOI  DE  DIEU.  91 

La  défaillance  s'est  emparée  de  moi  à  la  vue  des  pécheurs  qu\  nban-    n  faut  gémir 
donnent  votre  loi,  Seigneur,  dit  le  Prophète  royal  :  Defectio  tenuit  tls"^  dVia^ôi 
■o  peecatoribus  derelinquentibus  legem  tuam  (cxvm.  53).  Mes  yeux        dWiue. 
-ndent  des  torrents  de  larmes,  parce  qu'ils  ont  violé  votre  loi  : 
'us  aquarum  deduxerunt  oculimei,  quia  non  custodierunt  legem  tuam 
(ïbid.  156).   Nous  devons  imiter  le  samt  roi  David  et  nous  affli- 
ger d'avoir  violé  nous-mêmes  la  loi  de  Dieu  si  souvent,  et  delà  voir 
violer  par  les  méchants. 

J'ai  observé  vos  commandements  et  votre  loi,  Seigneur,  dit  le       Moyen* 
Psalmiste,  parce  que  toutes  mes  voies  sont  en  votre  présence  :    tofdTDiea* 
Servavi  mandata  tua,  quiaomnes  viœmeœ  in eonspectu  tuo  (cxvin.  168). 
Le  souvenir  de  la  présence  de  Dieu  est  donc  un  excellent  moyen  pour 
arriver  à  respecter  et  à  observer  la  loi  de  Dieu 

Un  second  moyen,  c'est  de  ne  pas  oublier  que  la  loi  qui  nous  est 
donnée  est  l'œuvre  de  Dieu  :  alors  on  la  respecte ,  on  l'aime,  on  h  i 
obéit 

Un  troisième  moyen,  c'est  de  l'étudier  et  de  la  méditer 

Un  quatrième  moyen,  c'<  st  de  pri  r  ^x>Ur  que  le  Seigneur  nous 
cn  donne  l'intelligence,  et  nous  aide  par  a  grâce  à  l'accomplir..*. 


LUMIÈRES  SPIRITUELLES. 


Dieu  est  la     Tf~\  ïeu  est  lumière ,  et  il  n'y  a  pas  en  lui  de  te'nèbres ,  dit  l'apôtre 
traie  lumière.  A  ^^   jean  .  Qem  }ux  est  ?  ei  tenebrœ  in  eo  non  sunt  idlœ 

H  7  (l.i.o).  C'est  ce  que  le  même  apôtre  dit  dans  son  Evangile  : 
Au  commencement  était  le  Verbe  :  en  lui  était  la  vie ,  et  la  vie  était 
la  lumière  des  hommes  :  In  prineipio  erat  Vcrbum.  In  ipso  vita  erat , 
et  vita  erat  lux  hominum[\.  1.4).  Celui-ci  était  la  vraie  lumière  qui 
éclaire  tout  homme  venant  en  ce  monde  (  Joann.  t.  9  ). 

C'est  parce  que  J.  C.  était  Ja  lumière  qu'il  était  la  vie,  dit  saint 
Grégoire  :  Qvia  lux  erat  vita  erat  (Homil.  in  Evang.  ). 
L'apôtre  saint  Jacques  appelle  Dieu  père  des  lumières  (i.  17). 
Comme  Verbe  et  comme  Dieu,  J.  C.  est  la  lumière  incréée;  comme 
homme,  il  est  la  lumière  créée,  étant  plein  de  sagesse,  de  grâce  et  de 
gloire.  Il  est  aussi  la  lumière  fondamentalement  agissante,  étant  la 
cause  de  toute  sagesse ,  de  la  grâce  et  de  notre  gloire.  Je  suis  la 
lumière  du  monde,  dit  J.  C.  lui-même;  celui  qui  me  suit  ne  marche 
point  dans  les  ténèbres,  mais  il  aura  la  lumière  de  vie  :  Egosum  lux 
muudi  ;qui  sequitur  me  non  aiubulat  in  tenebris,sed  habebit  lumen  vitœ 
(Joann.  vin.  12).  Il  est  la  lumière  qui  éclaire  toutes  les  nations,  dit 
le  saint  vieillard  Siméon  :  Lumen  ad  revelationem  rjenlium  (Luc.  h.  32). 
Saint  Augustin  dit  excellemment  :  J.  C.  est  venu  éclairer  l'homme, 
•jarce  que  le  démon  Pavait  aveuglé  :  Idco  venit  Christus  illuminât  or  % 
/m'a  diabolus  fuerat  excœcator  (Lib.  Civit.  ). 
J.  C.  communique  sa  lumière  aux  fidèles,  et  surtout  aux  homme» 
stoliques  ;  tellement  qu'ils  sont  eux-mêmes  la  lumière  du  monde. 
Vous  «'tes  la  lumière  du  inonde,  dit  J.  C.  à  ses  apôtres  :  Vos  estislux 
-/lundi  (Matlh.  v.  H).  Que  votre  lumière  donc,  continue  J.  C,  luise 
-.«  \ .- l 1 1 1  les  hommes,  afin  qu'ils  voient  vos  bonnes  œuvi     .  ei  glori- 
fient voire  Père  qui  est  dans  les  cieuz  :  Sic  lurent  lux  vestra  <■■ 
hominiOus,  ut  videant  opéra  vestra  bona;  et  glorijicent  Patremvestrum 
In  cœlisest  (Matth.  v.  10). 
En  vous ,  Seigneur,  dit  le  Psalmisto,  c=c  le  ^uu<î  de  la  vie  ;  et 
flans  votre  lumière  nous  verrons  la  lumière  :  Apud  te  est  fons  vitœ, 
nt  in  luminc  tuo  videbimus  :  \v.  10). 

Ecoutez  saint  Ambroise  parlant  de  J.  C.  :  J.  C.  est  le  soleil  nou- 
veau qui  pénètre  dans  les  lieux  les  plus  cachés,  qui  découvre  loul,' 


LUMIERES   SPIRITUELLES.  93 

qui  scrute  les  cœurs.  C'est  le  soleil  nouveau  qui,  par  son  esprit, 
vi\  ilie  ce  qui  était  desséché,  qui  répare  ce  qui  était  corrompu ,  qui 
ressuscite  les  morts,  qui  par  sa  chaleur  purifie  ce  qui  était  impur, 
qui  fait  épanouir  les  fleurs  et  consume  les  vices.  Il  est  pleinement  le 
soleil  de  justice  et  de  sagesse;  il  ne  se  montre  pas  sans  discernement 
aux  bons  et  aux  méchants ,  comme  le  soleil  de  ce  monde  ;  mais  par 
un  juste  jugement,  il  brille  pour  les  saints,  et  dérobe  sa  lumière 
ain  pécheurs  (  Serm.  ). 

Dieu  est  le  créateur  de  toute  lumière  spirituelle  et  physique.  Lois 
de  la  création  de  l'univers,  il  dit  :  Que  la  lumière  soit ,  et  la  lumière: 
fut  :  Fiat  lux,  et  facta  est  lux  (Gen.  i.  3). 

La  lumière  s'avance,  dit  Isaïe,  la  gloire  du  Seigneur  brille  en 
tout  son  éclat  :  Venit  lumen,  et  gloria  Domini  orta  est  (lx.  1). 

Il  y  a  de  très-grandes  et  très-belles  ressemblances  entre  Dieu,  la    Ressemblai!, 
grâce  divine  et  la  lumière  maièficiîè.  La  iumièrô  qui  nous  ^i&it  du  existent  entre 
firmament  et  surtout  du  soleil,  est  de  toutes  les  choses  de  la  nature    ^}j°3îi 
la  plus  noble,  la  plus  riche  .  la  mieux  douée  de  qualités  :  elle  est       lumière 

.,  .  -,i  •  m  -    ->    i     p  naturelle. 

très-agile ,  très-puissante ,  impassible;  quoique  melee  a  la  lange, 
elle  demeure  parfaitement  pure  et  exempte  de  souillures;  elle 
répand  la  chaleur ,  l'éclat,  la  vie ,  la  joie,  la  fécondité;  par  elle  la 
nature  entière  devient  visible  ;  elle  donne  de  la  force  à  tout  ce  qui 

existe.  Tel  est  Dieu  et  sa  grâce 

Saint  Denis  trouve  trente  et  un  points  de  comparaison  entre  le 
feu  et  la  lumière,  d'une  part;  Dieu  et  la  grâce, de  l'autre  :  1°  Le  feu 
et  la  lumière  s'unissent  à  tous  les  corps  et  les  pénètrent,  sans  se 
confondre  avec  eux...  ;  2°  ils  se  séparent  de  toutes  choses...;  3°  le 
feu  brille  tout  entier  en  même  temps...  ;  A0  par  lui-même,  il  reste 
caché  et  inconnu,  à  moins  qu'on  ne  lui  fournisse  une  matière  sur 
laquelle  il  exerce  sa  puissance  et  son  action...;  5°  on  ne  peut  ni 
l'arrêter,  ni  le  vaincre...  ;  6°  il  s'empare  de  tout  par  ses  propres 
forces...  ;  7°  il  communique  aux  objets  dont  il  s'empare  sa  puissance 
et  son  action...;  8°  il  s'unit  à  tout  ce  qu'il  touche...;  9°  il  renouvelle 
tout  par  sa  chaleur,  qui  ranime  la  vie...  ;  10°  il  brille  avec  éclat...; 
11°  on  ne  peut  le  tenir...;  12°  ni  le  mêler  avec  autre  chose...;  13°  il 
a  la  ui~sance  de  détruire...;  I  4°  on  ne  peut  le  changer...  ;  15°  il 
s'élève...  ;  16°  il  est  doué  d'une  grande  agilité...  ;  17°  il  est  grand  et 
ne  s  te  pas  l'atteinte...  ;  18°  il  est  immobile...;  19° il  se  meut 

par  lui-même...;  20!)  il  met  en  mouvement...;  21°  il  saisit...;  2â?  il 
ne  se  laisse  pas  saisir, . .  ;  23°  il  se  suffit...;  24°  ^  s'étend  en  secret...  ; 


9A  LTJMîiKES  SPIRITÏÏELLE5.' 

25°  il  manifeste  sa  grandeur  dans  les  objets  qui  lui  conviennent...; 
26' il  a  la  force  d'agir...;  27°  il  est  très-puissant...-,  28*  il  est  en 
toutes  choses  sans  qu'on  J'aperçoive...  ;  29°  si  on  le  néglige ,  il  sem- 
ble ne  pas  exister...;  30°  si  on  le  cherche,  il  parait  soudain,  et  il 
iisparait  de  telle  sorte  qu'on  ne  peut  ni  le  prendre,  ni  le  retenir...  ; 
Jl°  en  se  communiquant  à  tout,  il  ne  diminue  pas,  il  ne  se  divise 
na? Telles  sent  fa  qualité*  du  pion  deslumièresetdelagrâce 

Excellence     Lève-toi,  dit  fsaïe,  sois  éclairée.  Jérusalem;  parce  que  ta  lumière  vient 
et  avantages  '  ... 

des  lumières    et  que  la  gloire  du  Seigneur  a  brillé  sur  toi  :  Surge,  illuminare,  Jeru- 

spin  ue  es.    sa[em.  gUUl  ceï.[t  lumen  iitum,  et  gloiia  Domini  super  te  or  ta  est  (lx.  1). 
Le  Seigneur  se  lève  sur  toi  et  sa  gloire  éclatera  dans  tes  murs;  alors 
les  nations  marcheront  à  ta  lumière,  et  les  rois  à  l'éclat  de  ton  lever. 
Alors  tu  verras  et  ton  cœur  admirera ,  et  il  sera  inondé  de  joie  : 
videbiset  afflues,  et  mirabitur,  et  deleclabitur  cor  tmau  (M.  lx.  8*5). 

La  lumière  des  yeux  réjouit  lame,  disent  les  Proverbes  :  Luxocu- 
'.orumlœtifieat  anirnam  (xv.  30).  La  lumière  du  Saint-Esprit  et  la 
grâce  donnent  à  l'âme  une  jouissance  infiniment  ;  d  te  et  pîus 
précieuse 

Il  est  dit  dans  l'Exode  que  des  ténèbres  horribles  se  répandh-cr.  t  sur 
'oute  la  terre  d'Egypte  ;  mais  que  partout  où  habitaient  les  enfants 
d'Israël,  la  lumière  brillait:  Ubicumque  habitabant  filii  Israël .  lux 
erat  (x.  22.  23).  Sur  les  enfants  de  Dieu,  sur  ses  fidèles  serviteurs 
brille  la  lumière  de  la  grâce;  tandis  que  des  ténèbres  épaisccs  enve- 
loppent les  pécheurs  endurcis 

Dieu,  dit  le  Psabniste,  conduisit  Son  peuple  pendant  le  jour  à 
l'ombre  d'une  nuée,  et  pendant  la  nuità.  la  clarté  de  la  flamme  : 
Deduxit  eos  in  nube  diei,  et  tota  nocte  in  ilhmfaaSioile  ignii  |  lvwii.  14). 
Dieu  agit  encore  de  même  avec  les  âmes  pieu»  -  1 1  saintes 

Le  soleil  se  lève,  dit  le  Roi-Proplel  ■  ,  les  animaux  sauvfeges  ça 
retirent  et  s'enfoncent  dans  leurs  tanières:  Orlits  est  sol  ,et  congre- 
gati  sunt.  et  in  rubilibus  suis  adlocabuntur  m. m.  22).  L'homme  sort 
alors  pour  le  travail  du  jour  et  pour  cultiver  ses  champs  jusqu'au 
soir:  Exxbit homn  ad opus  euuM,  et  ad  opetatUmem  tuam  uique  advespe- 
ram  (cm.  23).  Telles  sont  les  mer\ cilles  qu'opèrent  les  lumières 
spirituelles;  elle-  \  les  animaux  sauva  es,  qui  sont  les 
démons,  et  l'âme  s'occupe  des  travaiil  de  l'éternité* 

Seigneur,  «lit  le  Ps.ilmiste,  vous  m'avrz  lait  connaître  léchera 
le  la  vie;  \<>us  me  i •■•..  plirez  de  joie  en  me  montrant  votre  visage  : 
.Wa*  mihi  fecisti  via$  mtœ.   adimplebis   me  latitia  cum  mtlht  tuo 


LUMIÈRES  SPIRITUELLES.'  95 

(  xv.  1 1  ).  Le  Seigneur  est  ma  lumière  et  mon  salul ,  qui  p;  urrais-je 
craindre?  Dominus  illuminatio  mea  et  salus  mea,  guem  timebo? 
(xx vi.  I.  ) 

A  la  lumière  que  vous  répandez  sur  moi ,  Seigneur ,  je  reconnais 
mon  iniquité ,  et  mon  crime  est  toujours  devant  moi  :  Quoniam  ini- 
quitatem  meam  ego  cognosco  ,  et  peccalum  meum  contra  me  est  semper 

(L.5). 

Seigneur ,  le  peuple  marchera  à  la  lumière  de  votre  visage  : 
Domine,  in  lumine  vultus  tui  ambulabunt  (Psal.  lxxxviii.  16  ). 

La  lumière  s'est  levée  sur  le  juste ,  et  la  joie  est  descendue  sur 
ceux  qui  ont  le  cœur  droit  :  Lux  orta  estjusto  ,  et  redis  corde  lœtitia 
(Psal.  xcvi.  11).  Les  justes  verront,  et  ils  seront  dans  la  joie  :  Vide- 
bunt  recti,  et  lœtqbuntyr  (  Ibid,  cvi.  42).  Au  milieu  des  ténèbres  a  paru 
une  lumière  pour  les  cœurs  droits,  Dieu  clément,  juste  et  miséri- 
cordieux :  Exortumest  in  tenebris  lumen  rectis  ,misericors}  etmisera- 
tor,  et  justus  (lbid.  cxi.  4  ). 

Votre  parole,  Seigneur,  est  le  flambeau  qui  guide  mes  pas,  la 
lumière  qui  éclaire  le  sentier  où  je  marche  :  Lucerna  pedibus  mets 
verbum  tuum,  et  lumen  semitis  meis  (Psal.  cxvm.  105).  L'explication 
de  votre  loi  répand  la  lumière;  elle  donne  l'intelligence  aux  petits 
enfants  :  Declaratio  sermonum  tuorum  illuminât,  et  intellectum  dat 
parvul/s  (Ibid.  cxvm.  130).  Le  Seigneur  éclaire  les  aveugles:  Domi- 
nus illuminât  cœcos  (Ibid.  cxlv.  8). 

Ah  !  que  le  Prophète  royal  comprenait  bien  l'excellence  et  les 

avantages  des  lumières  spirituelles,  et  le  besoin  qu'il  en  avait, 

lorsqu'il  disait  à  Dieu  :  Seigneur,  illuminez  mes  yeux ,  de  peur  que 

je  ne  m'endorme  un  jour  dans  la  mort  ;  de  peur  que  mon  ennemi  ne 

dise  :  J'ai  prévalu  contre  lui  :   Illumina  oculos  meos ,  ne  unquam 

obdarmiam  in  morte;  nequando  dicat  inimicus  meus  :  Prœvalui  adver- 

sus  eum  (xn.  4. 5).  Je  bénirai  le  Seigneur  qui  m'a  éclairé  (Psal.  xv.  7  ). 

Mon  Dieu,  illuminez  mes  ténèbres  :  Deus  meus ,  illumina  tenebras 

meas  (lbid.  xvn.  29).  Envoyez  votre  lumière  et  votre  vérité;  elles 

me  conduiront  à  votre  montagne  sainte  et  m'introduiront  dans  vos 

tabernacles  :  Emit  te  lucem  tuam  et  veritatem  tuam;  ipsa  me  deduxerunt 

et  adduxerunt  in  montem  sanctum  tuum,  et  in  tabernacula  tua  (lbid. 

xlii.  3). 

Je  suis  votre  serviteur,  donnez-moi  l'intelligence ,  afin  que  je  con- 
naisse vos  oracles  :  Servus  tuus  sum  ego  :  da  mihi  intellectum,  ut  spam 
testimoniatua  (Psal.  cxvm.  125).  Donnez -moi  l'intelligence,  et  je 
\i\rai  :  Du  mihi  intellectum,  et    vivam  (cxvm.  144).  Faites-moi 


96  LUMIÈRES   SPIRITUELLES. 

connaître  le  senfier  où  je  dois  marcher,  parce  que  j'ai  élevé  mon  àme 
vers  vous  :  Notam  fac  mîhi  viam  m  quo  ambulem,  quia  ad  te  levavi 
animam  mearn  (Psal.  cxlit.  8).  Apprenez-moi  à  faire  votre  volonté, 
parce  que  vous  êtes  mon  Dieu  :  Doce  me  facere  voluntatem  tuam,  quia 
Deus  meus  es  tu  (cxlii.  40). 

A  l'aide  des  lumières  spirituelles,  on  voit  Dieu...,  la  loi  de  Dieu,  le 
chemin  du  salut,  ce  qu'on  doit  à  Dieu,  au  prochain,  à  soi-même..., 
d'où  l'on  vient,  où  l'on  va,  ce  qu'on  est,  ce  qu'on  doit  être 

A  l'aide  des  lumières  spirituelles ,  on  voit  la  laideur  et  l'énormité 
du  péché ,  les  dangers  que  nous  font  courir  les  passions  et  les  enne- 
mis du  salut...,  les  moyens  de  les  éviter 

A  l'aide  des  lumières  spirituelles,  on  voit  la  beauté  et  l'excellence 
des  vertus...,  les  richesses  que  nous  procure  la  prière,  les  secours 
que  nous  donnent  les  sacrements 

A  l'aide  des  lumières  spirituelles,  on  voit  la  mort  et  on  s'y  pré- 
pare..., le  jugement  et  on  le  craint...,  l'enfer  et  on  l'évite...,  le  ciel 
et  l'on  y  va 

Si  nous  marchons  dans  la  lumière  comme  Dieu  lui-même  est  dan3 
la  lumière,  nous  sommes  en  mutuelle  communion,  et  le  sang  de 
J.  C.  son  Fils  nous  purifie  de  tuut  péché,  dit  L'apôtre  saint  Jean  :  Si 
in  luce  ambulamus,  sicut  et  ipsccst  in  luce,  socictatem  holcmusad  invi- 
cem,  et  sanguis  Cltristi  Filii  ejus  mandat  nos  ab  omni peccato  (I.  i.  7  ). 

Si  nous  marchons  à  la  lumière  de  la  raison,  de  la  foi  et  de  la  ui'àce, 
nous  serons  unis  à  Dieu,  et  le  sang  de  J.  G.  nous  lavera  de  tous  nos 
péchés.  Quels  inestimables  avantages  !...  Une  grande  lumière,  Sei- 
gneur, est  sur  vos  saints,  dit  la  Sagesse  :  Sanctis  tuis  maxima  lux 
(xvm.  1  ). 

d'ob-  LE  premier  moyen  d'obtenir  de  Dieu  les  lumières  spirituelles,  c'est 
les  lumières  de  venir  à  lui.  Approchez  de  Dieu,  et  soyez  éclairé,  dit  le  Psalmiste  : 
spirituelle*.    ^,.,7V/,ye  adeum,  et  illuminamini  (xxxm.  6). 

Le  Becond  moyen,  c'est  d'observer  la  loi  de  Dieu.  J'ai  surpassé  eu 
intelligence  tous  mes  maîtres ,  parce  crue  j'ai  médité  votre  loi,  Sei- 
gneur, dit  le  Prophète  royal  :  Super  omnesdocentesmeintettexi,  quia 
testimonia  tua  meditutio  mca  est  (c.xviii.  99).  Je  l'ai  emporté  en  pru- 
dence  sur  les  vieillards,  parce  que  j'ai  étudié  vos  commandements: 
Super ienes  intellexi, quia  mandata  tua  exquisivi  [<  .un.  l()0). 

Le  troisième  moyen  pour  obtenir  les  Lumières  spirituelles ,  c'est 
de  craindre  et  d'aimer  Dieu.  Vous  qui  craignez  le  Seigneur,  dit 
L'Ecclésiastique,  aimez-le,  et  vus  cuuurs  seront  remplis  de  lumières: 


.omtf/af.s  smiTn?xt!B«  97 

Qui  timetis  Dominum,  diligtte  illum,  et  illuminabuntur  corda  vestra 

(II.  10). 

Le  quatrième  moyen,  c'est  de  faire  i  aumône  et  de  consoler  les 
affligés.  Partagez  votre  pain  avec  celui  qui  a  faim,  dit  Isaïe ,  et 
recevez  sous  votre  toit  ceux  qui  n'ont  point  d'asile;  lorsque  vous 
voyez  uq  homme  nu,  couvrez-le,  et  ne  méprisez  point  la  chair  dont 
vous  êtes  formés  (lviii.  7).  Alors  votre  lumière  brillera  comme 
l'aurore;,  et  je  vous  rendrai  la  santé ,  et  votre  justice  marchera 
devant  vous,  et  vous  serez  environnés  de  la  gloire  du  Seigneur: 
Tune  erumpet  quasi  marie  lumen  tuwn,  et  sanilas  tua  citius  orietur,  et 
anteibit  faciemtuam  juslitia  tua;  et  gloria  Domini  colliget  te  (lviii.  8). 
Si  votre  cœur  s'attendrit  à  la  vue  du  pauvre,  et  si  vous  soulagez 
l'affligé,  votre  lumière  brillera  dans  la  nuit,  et  pour  vous  les  ténè- 
bres seront  comme  le  jour  à  son  midi  :  Cum  effuderis  esurienti  animant 
tuam,  et  animam  affliclam  repïeveris,  orietur  in  tenebris  lux  tua,  et 
tcncl  meridies  (Tbid-  lvïiï.  10). 


MARIAGE. 


1  (i'"      ~W  7  oict  ce  nue  nous  trouvons  à  ce  su;?t  dans 

-eulent  entrer      »  / 

lat  du      m/    zième  du  saint  coucile  de  Trente  :  Le  saint  concile  « 


V 


""îSts?1"       ^     future  époux  &  confes 
préparer,      s'approelii  nentdu  sacrement  de  l'eucharistie,  avant  qu'il6 

contractent  ensemble,  ou  au  moins  trois  jours  avant  la  cou 

ïnationdn  mariage  (1). 

Les  parents  transmettent  une  maison  et  des  richesses,  disent  les 
Proverbes;  mais  c'est  vraiment  Dieu  qui  donne  l'épouse  prudente  : 
Domus  et  divitiœ  dantur  a  parentibus  :  a  Domino  autem  proprie  uxor 
prudent  (xix.  U). 

Mariez  votre  fille,  dit  le  Seigneur  dans  l'Ecclésiastique,  et  vous 
aurez  l'ait  une  grande  œuvre  si  vous  la  donne/  à  un  nom 

le  filiam,et  gronde  opus  feceris,  et  homini sensat  >  <ia  illam  ( vi i . 
Puisque  c'est  Dieu  seul  qui  donne  une  épouse  pruden 
parent?  ne  font  une  bonne  action  qu'en  donnant  leur  fille,  à  uu 
nomme  sage,  il  est  donc  nécessaire  de  se  pr 
vent  de  bons  chrétiens,  à  entrer  dans  L'état  du  mariage 

Au  reste,  le  mariage  des  chrétiens  a  été  élevé  par  J.  C.  au  ra 
de  sacrement,  et  de  sacrement  des  vivants...;  ce  sacrement  e 
une  grande  préparation.  C'est  de-  dispositions  que  l'on  y  apporte  que 
dépend  le  bonheur  ou  le  malheur  des  époux 

On  doit  s'y  préparer  surtout  par  la  prière,  la  prudence,  la 
modestie;  il  faut  consulter  son  confesseur  et  ses  parents,  prendre 
desrensei  mements  sur  la  personne  que  l'on  a  en  vue  .  sur  sa  i 

sa  conduite,  son  honneur Mais  comment,  aujourd'hui,  la  plupart 

des  hommes  se  préparent-ils  au  mariage?  hélas!  par  une  i 
crimes  et  de  scandales;  on  profane  ce  grand  sacrement;  et  an  lieu 
de  mériter  et  de  rece\oir  la  bénédiction,  on  ne  mérite  et  on  ne  j 
que  la  malédicti 

On  ne  doit  pas  oublier  que  J.  C,  sa  sainte  mère,  et  se 
assistèrent  aux  uuecs  de  Cana.  Dans  tous  les  mariages  xi  doit  en 
être  ai: 

(I)  Sancta  Bynodas  conju  ,,i.t  »el  Mltem  trj- 

diin  .-mie   matrimonii  uiigeiiler  cuiiiiteaiHur,  et  ad 

eucharistiœ  lacrameal  i 


MARIAGE.  99 

Voici  le  triple  but  que  l'on  doit  se  proposer  en  se  mariant  dans      But  qu'on 
l'amour  et  la  crainte  de  Dieu  :  1°  de  recevoir  dignement  le  sacre-     ser  dans  le 
ment  de  mariage,  et  de  ne  jamais  le  profaner;  2°  de  conserver  la      mariage. 
fidélité  conjugale;   3°  d'élever  saintement  les  enfants  que  Dieu 
donnera. 

Ces  devoirs  sont  sacrés;  les  époux  sont  rigoureusement  obligés 
de  les  remplir. 

bénir  un  mariage ,  l'Eglise  emprunte  les  expressions  de  la    Quelle  est \« 
sainlo  Ecriture.  Elle  use  des  paroles  que  Raguel  employa  pour  unir  dont    r;:^; 
Tobie  et  Sara  :  Que  le  Dieu  d'Abraham ,  le  Dieu  d'Isaac  et  le  Dieu  de    *° s0^" ^ 
Jacob,  soit  avec  vous;  que  lui-môme  vous  unisse ,  et  qu'il accom-      mariage 
plisse  sa  bénédiction  en  vous  :  Deus  Abraham ,  et  Deus  Isaac,  et  Deus 
Jacob  vobiscum  sit ,  et  i/,se  conjungat  vos ,  impleatque  benediciionem 
snam  in  vobis  (  Tob.  vil.  13  ).  Après  avoir  demandé  aux  futurs  époux 
leur  consentement,  l'Eglise^  par  son  ministre  qui  la  représente,  fait 
Entendre  cette  formule  solennelle  :  Je  vous  unis  par  le  mariage,  au 

nom  du  Père,  et  du  Fils,  et  du  Saint-Esprit 

Le  mariage  est  donc  saint  et  très-saint.  Malheur  à  qui  le  pro- 
fane I.«. 

Le  mariage  est  digne  d'honneur  en  toutes  choses,  ainsi  que  le  lit    Le  î?*0"^. 
sans  tache,  dit  le  grand  Apôtre  :  Dieu  jugera  les  fornicateurs  et  les       respect, 
adultères  :  Honorabile  connubium  in  omnibus  ,  et  thorus  immaculatus  : 
foraicalores  enim,  et  ad  ul  ter  os  judicabit  Deus  (  Hebr.  xm.  4). 

Veillez  sur  vous,  mon  fils,  préservez-vous  de  toute  souillure,  dit 
le  saint  homme  Tobie,  et  ne  connaissez  jamais  d'autre  femme  que  la 
votre:  Attende  tibi,  fil  i  mi,  ab  omni  fornicatione  3  et  prœter  uxorem 
tuam,  nunquam  patiaris  crimen  scire  (  rv.  13  ). 

Que  personne,  dit  Platon  lui-même,  n'ose  s'approcher  d'une 
femme  étrangère;  et  que  la  fidélité  dans  le  mariage  soit  sacrée  : 
Nemo  audeat  ullam  attingeie ,  prœter  legittmam  suam  uxorem  (Lib. 
de  Legib.). 

Faisons  à  Adam,  dit  le  Seigneur,  une  aide  semblable  à  lui  :  Faciamus   0»eiie  union 

•    j  ■  ••/•!•//-.  ir.i    T      .i   •  *..  i  doit  exister 

et  adjuiorium  siniae  sibt  (  Gen.  u.  18).  Le  Seigneur  Dieu  envoya  donc       entra  les 

à  Adora  un  profond  Sommeil  ;  et  pendantqu'il   dormait,  Dieu  prit        époux. 

de  la  chair  d'un  de  ses  côtés,  et  il  forma  ainsi  une  femme  d'une 

côte  d'Adam  : Tulit  unam  de  costis  ejus;  et  œdificavit  Dominus  Devs 

costam  quam  tulerat  de  Adam,  in  mulierem  (Gen.  u.  21.  22).  Et 


fOO  ".ce 

Adam  dit  :  Voilà  maintenant  l'os  de  mes  os,  et  la  chair  de  ma  chair  : 
Dixîtque  Adam  :  Hue  nunc  os  ex  ossibus  mets,  et  euro  de  carne  uca 
(Gen.  ii.  23).  C'estpourquoi  l'homme 'quittera  son  père  et  sa  mère 
et  s'attachera  à  sa  femme,  et  lisseront  deux  dans  une  seule  chair  : 
Quamobrem  relinquet  homo patrem  suam  et  matrem;  et  adhœrebit  uxori 
suce,  et  erunt  duo  in  carne  una  (Gen.  n.  24).  En  vertu  de  cette  ori- 
gine, 1rs  époux,  dit  J.  C.  lui-même,  ne  sont  pas  deux,  mais  une 
seule  chair.  Que  l'homme  donc  ne  sépare  point  ce  que  Dieu  a  uni  : 
Itaquejam  non  sunt  duo}sed  una  cai-o.  Qiiodergo  Deus  conjunxit }  homo 
non  separet  (Matth.  xix.  6). 

Mon  (-prit,  dit  l'Ecclésiastique,  se  plaît  en  trois  choses  qui  Sunc 
approuvées  de  Dieu  et  des  hommes  :  la  concorde  entre  les  frères,' 
l'amour  entre  les  parents,  un  mari  et  une  femme  qui  n'ont  qu'un 
cœur  et  qu'une  âme  (t). 

Lesépouxsont  tellement unispar le  consentement  qui  précède  leur 
union,  par  le  contrat  et  par  le  sacrement  de  mariage,  par  une  habi- 
tation et  une  table  communes,  par  le  lit  nuptial,  etc.,  qu'ils  ne  font 
qu'une  seule  personne  civile.  C'est  pourquoi  ils  sont  appelés  époux 
(conjuges),  qui  veut  dire  unis  sous  m  joug.  S'ils  vivent  dans  la  paix, 
la  concorde,  la  fidélité,  ils  passent  une  vie  agréable  et  sainte.  Si ,  au 
contraire,  ils  ne  connaissent  que  la  discorde,  ils  traînent  une  vie 
pénible  et  diabolique.  Quand  deux  bœufs  ou  deux  chevaux  placés 
sous  le  même  joug  marchent  de  concert,  ils  avancent  sans  peine  et 
«ml  beaucoup  de  force;  mais  s'ils  ne  s'accordent  pas,  ils  souffrent 
tous  les    eux,  ressentent  bien  plus  le  poids  du  travail,  et  achè\eut 

moins  facilement  leur  tâche.  Ainsi  en  est-il  des  époux 

Le  principe  et  la  vie  de  l'union  conjugale,  c'est  l'amour  récipro- 
que  Pour  qu'il  existe  une  harmonie  parfaite  entre  des  époux,  il 

faut  :  1° qu'il  y  ait  parité  de  religion,  de  foi  et  de  piété...  ;  2°  accord 
de  caractère...;  3°  égalité  de  condition...;  4°  attachement  récipro- 
que...; 5 "  résolution  île  partager  les  joies  de  la  vie  et  d'en  supporter 
mutuellement  les  adversités...;  G0  la  paix  et  la  concorde  au  scinde 

la  famille Si  les  époux  désirent  jouir  des  biens  dont  nous  venons 

de  parler,  qu'ils  prient  Dieu  et  qu'ils  le  servent.  S'ils  s'unissent  à 
Dieu  par  la  prière  et  par  l'amour,  ils  seront  unis  entre  eux;  soit  parce 
que  deux  choses  qui  sont  unies  à  une  troisième,  le  sont  également 


ri)  In  Iribus  placitum  est  spiritui  meo,  quœsunt  prohata  coram  Deo  et  homini- 
ou:-  :  cooeordia  l'rulrum.  et  ainor  pronuioruiu  ,  et  vir  cl  millier  beuc  sibi  coiisan- 
ticutes  (xxv.  1-2). 


MARIAGE.  iOl 

ensemble;  soit  parce  que  l'amour  dont  nous  aimons  Dieu  et  celui 
dont  nous  aimons  le  prochain  par  rapport  à  Dieu,  sont  au  fond,  et 
surtout  entre  époux ,  le  môme  amour. 


L'épouse  doit  honorer,  respecter,  aimer  son  mari,  lui  être  fidèle, 
supporter  ses  défauts  et  l'assister. 

1°  L'honneur  et  le  respect  qu'une  femme  doit  à  son  mari  consis- 
tent à  De  jamais  parler  de  lui  et  à  ne  lui  parler  à  lui-même  qu'en  des 
termes  respectueux,  qui  marquent  l'estime  qu'elle  fait  de  sa  per- 
sonne; à  ménager  en  tout  sa  réputation,  nonobstant  tous  les  déplai- 
sirs secrets  qu'il  peut  lui  causer,  et  à  garder  un  inviolable  silence 
sur  ses  défauts.  Toutes  les  saintes  femmes  dont  il  est  parlé  dans 
l'Ecriture  ont  observé  cette  règle  et  ont  honoré  leurs  époux  par  les 
termes  respectueux  dont  elles  se  sont  servi  à  leur  égard.  Sara  ne 
parlait  à  Abraham  qu'en  l'appelant  son  seigneur  (Gen.  xvnr.  12). 
Rebecca  donnait  le  même  titre  à  Isaac,  parce  qu'elle  envisageait 
en  sa  personne  la  majesté  de  Dieu,  et  que  l'honneur  qu'elle  lui 
rendait  rejaillissait  sur  elle-même.  Anne,  mère  du  prophète  Samuel, 
et  la  mère  du  jeune  Tobie,  se  sont  également  fait  remarquer  par  le* 
témoignages  de  respect  qu'elles  ont  donnés  à  leurs  maris. 

2°  Une  femme  doit  avoir  pour  son  mari  un  amour  constant  et  sans 
partage,  c'est-à-dire  un  amour  placé  sous  l'égide  de  la  chasteté  con- 
jugale, un  amour  spirituel  et  saint.  Elle  portera  son  mari  à  la  piété 
plus  encore  par  ses  exemples  que  par  les  paroles  de  douceur  qu'elle 
ne  doit  point  épargner  dans  les  occasions  favorables,  pour  le  retirer 
du  vice  et  de  la  débauche ,  s'il  a  le  malheur  de  s'y  abandonner. 
Loin  de  se  borner  à  ce  qui  est  charnel  et  sensible ,  l'amour  d'une 
femme  pour  son  mari  doit  avoir  le  salut  de  celui-ci  pour  objet  prin- 
cipal ;  il  doit  l'engager  à  lui  faire  en  temps  et  lieu  convenables  des 
remontrances  salutaires,  avec  les  ménagements  que  la  prudence 
inspire.  Il  n'y  a  rien  de  plus  efficace  et  de  plus  puissant  sur  l'esprit 
d"un  mari  que  la  \oix  d'une  épouse  vertueuse.  Mais  il.  y  a  pour  cela 
des  moments  qu'il  taut  savoir  prendre ,  et  des  mesures  à  garder. 
Faire  des  remontrances  à  des  maris  quand  leurs  passions  de  colère 
et  autres  sont  encore  enflammées,  ou  quand  ils  sont  pris  de  vin , 
est  une  imprudence  dont  les  conséquences  sont  souvent  très-dan- 
gereuses et  très-funestes.  Il  faut  que  l'amour  rende  les  épouses 
ingénieuses  à  s'insinuer  dans  le  cœur  de  leurs  époux,  avant  de  leur 
dire  ce  qui  naturellement  ne  doit  pas  leur  plaire;  et  avant  tout, 


Exposé  des 

devoirs 

des  époux. 

1°  Devoirs 

de  l'épouse. 


402  MARIAGE. 

ell os  doivent  adresser  au  ciel  des  prières  ferventes  et  continuelles 

pour  obtenir  leur  conversion  et  leur  changement 

3<>  La  femme  doit  être  soumise  à  son  mari,  comme  l'Eglise  est 
soumise  à  J.  C,  en  tout  ce  qui  est  selon  ur.  C'est  Dieu  lui- 

même  qui  a  assujetti  la  femme  à  L'homme,  en  punition  de  sa  déso- 
-ance.  Elle  est  donc  obligée  d'obéir»  dès  que  les  choses  «ont  selon 

)ieu,  c'est-à-dire  dè^  qu'elles  ne  sont  ni  contre  l'honneur  de  Dieu, 
ni  contre  la  charité  du  prochain.  Mais  si  un  mari  exigeait  de  son 
épouse  quelque  chose  de  contraire  à  la  loi  de  Dieu  ,  à  la  religion,  à 
la  pudeur,  à  la  modestie,  en  un  mot,  I  ses  devoirs  sacrés,  elle  ne 
lui  doit  point  d'obéissance ,  puisqu'en  lui  rit  elle  désobéirait 

à  Dieu,  à  J.  C. ,  à  la  religion ,  a  la  vertu,  à  sa  conscience 

Pour  les  choses  indifférentes,  où  la  religion  n'est  point  intére- 
et  qui  ne  sont  pas  contraires  à  la  droite  raison,  une  femme  doit 
se  rendre  aux  volontés  de  son  mari  ;  de  même  s'il  se  produit  quelque 
diversité  des  sentiments,  la  femme  doit  céder  et  demeurer  dans  le 
silence,  de  peur  que  la  chaleur  de  la  dispute  n'altère  l'union,  la 
Concorde  et  la  charité  qui  doivent  exister  entre  eux.  Il  imports  à  la 
femme  de  conserver  le  calme  et  la  tranquillité  d'esprit  nécessaires  à 
la  piété  et  au  service  de  Dieu,  de  ne  pas  donner  un  mauvais  i  xemple 
aux  enfants  et  aux  domestiques,  de  ne  pas  leur  apprendre  à  man- 
quer de  respect  ni  de  soumission,  à  contester  eux-n.êmes  ou  à 
répliquer  quand  on  leur  parle.  Même  dans  les  circonstances  où.  un 
mari  pourrait  avoir  tort,  la  femme  doit  user  d'une  grande  retenue, 
surtout  en  présence  des  enfants  ou  des  domestiques.  Elle  ne  doit  j  as 
relever  sur-le-champ  ce  que  le  mari  avance,  lorsqu'il  parle  avec 
vivacité  et  colère,  de  peur  de  l'aigrir,  et  que  le  remède  ne  devienne 
pire  que  le  tnaJ  ;  et  qu'au  lieu  de  le  faire  revenir,  il  ne  s'afferm 
par  un  esprit  de  contradiction  dans  son  sentiment,  et  ne  veuille  le 
soutenir  avec  hauteur,  et  remporter  par  autorité,  malgré  les  bonnes 

j      >ns  qu'on  pourrait  lui  alléguer 

parue  que  pas  ces  i 

es  pat-  in  prudence  et  la  charité,  quelles  manquent  au  devoir 

--     tiel  que  la  religion  leur  in  ;       .ri,  lors» 

it  sans  raison  de  mauvais  traitements. 
Dan-  astances  désa  .  leur  obéissance  serait  d'autant 

I  x   le  Dieu,  que  n'ayant  rien  d'humain,  elle 

ne  serait  fondée  que  sur  la  i  «  hrétienne.  Mais,  hélas!  au  heu 

de  \  irs  maris  par  la  douceur,  combien  n'y  en  a-t-il    as  qui 

ripostent  par  mil!  i  un  mot  de  dur  et  j  qu'on 


MATtïAGE.  103 

El  dit;  qui ,  souvent  môme,  commencent  par  charger  derepro- 

.  dHnvectives ,  d'imprécations  et   de  malédictions   un  mari 

abruti  par  ses  débauches  et  hors  d'état  de  comprendre  qu'il 

?  de  là  les  jurements,  les  blasphèmes,  les  cclf&téè,  le?  menaces, 

'es  scandales  et  le?  '"qui,  suivant  l'expression 

nt  Jérôme ,  font  de  ces  ménages  tristes  et  maudits  des  images 

s  de  l'enfer  (Epist.). 
11  n'est  pas  besoin  de  rappeler  aux  femmes  qu'elles  doivent 
ilement  la  fidélité  qu'elles  ont  jurée  à  leurs  maris  au 
I        des  autels  :  quiconque  a  la  moindre  idée  des  principes  du 
'■anisme,  ou  écoutera  seulement  la  raison,  ne  se  tèth  j  imais 
illusion  sur  des  désordres  dont,  non-seulement  les  païens,  mais  les 
nations  môme  les  plus  barbares ,  les  Cafres  brutaux,  les  Océaniens 
liages,  on             irs  eu  plus  d'horreur  que  certains  pré- 
chrétiens de  ce  siècle  corrompu 

doivent  supporter  avec  patience  et  résignation  leurs  maris 

et  le  s  faiblesses,    es  infirmités,  les  défauts  qu'ils  peuvent  avoir 

G    Elles  doivent  à  leurs  maris  l'assistance  :  assistance  corporelle..., 

ance  spirituelle 

L'Ecriture  nous  dit  que  les  parents  de  Sara  l'exhortèrent  à  honorer 
-]  ère  et  sa  belle-mère,  à  aimer  son  époux,  à  bien  élever  sa 
famille,  à  bien  gouverner  sa  maison,  et  à  se  montrer  irrépréhen- 
sible en  tout  :  Monentes  eam  honoraresoceros,  dil:geremaritum,reg  .  é 
fuin  liant ,  gttbernare  cUmiim,  et  seipsam  irreprehensibilem  exhibere 
( Tub.  x.  #3-).  Qu'il  serait  à  souhaiter  que  toutes  les  épouses,  que 
tentes  les  mères  de  famille  imitassent  Sara,  et  accomplissent  les  six 
obligations  dont  nous  venons  de  montrer  la  nécessité  !... 
Tels  sontles  devoirs  sacrés  des  épousés  (Doctrine  caihol.  de  Genève). 

sont  les  devoirs  des  époux?  A  quoi  sont-ils  tenus  à       r  tur     z»  Dd^oirs 

de  I' 
envers  leurs  1  mines? 

Ils  eloivent  le   aimer,  leur  être  fidèles,  les  entretenir,  les  suppor- 

• 

Un  mari  doit  aimer  son  épouse  :  rien  de  plus  juste,  rien  de  plu? 

ioux  el  l'épouse  un  devoir  récif)  ;ais 

cela  suffit-    ?  non.  Pout  .'  ii  '  chrétien  et  pour  piaire  à  Dieu,  il  faut 

»  rapporté  •    '.  ''ii'  i 

;  ir  ait  les  caractères  ele  clui  de 

J.  C.  pour  -  n  Eglise.  Si  amour  n'e  ité  goûf  rien 

devant  Dieu,  il  n'a  rien  de  chrétieH  Les  païe&s  s'a:1   a..nt   ïê  la 


■104  JÏAMÀGB. 

sorte;  et  n'avoir  que  cela,  c'est  n'avoir  rien  de  plus  qu'un  païen. 
Pour  un  mari ,  aimer  sa  femme  est  quelque  chose  de  bon  et  de  In- 
time ;  mai?  n'aimer  que  cela,  c'est  un  crime.  La  raison  en  est  que 
dans  ce  cas,  l'amour  demeure  dans  la  créature,  comme  dans  sa 
dernière  fin,  et  ne  porte  alors  que  des  fruits  de  corruption  et  de 

mort 

Afin  donc  qu'un  mari  aime  son  épouse  chrétiennement ,  il  doit, 
dit  saint  Paul,  l'aimer  de  la  même  manière  que  J.  C.  a  aimé  son 
Eglise.  Comme  J.  C.  est  devenu  le  chef  de  son  Eglise  par  l'union 
qu'il  a  bien  voulu  contracter  avec  elle ,  comme  il  n'a  eu  en  vue  que 
le  salut  de  cette  épouse  dont  il  s'est  rendu  le  Sauveur  ;  de  môme  la 
fin  de  l'alliance  qu'un  mari  fait  avec  sa  femme ,  doit  être  de  se 
sanctifier  avec  elle,  et  de  contribuera  son  salut  autant  qu'il  le 
pourra.  Il  l'aimera  comme  lui-même,  et  comme  on  ne  s'aime 
véritablement  soi-même  qu'en  aimant  Dieu  comme  son  vrai 
bien  ,  il  commencera  par  aimer  Dieu  parfaitement ,  et  apprendra 
à  son  épouse  à  faire  la  même  chose.  Il  aura  pour  elle  toute  la 
complaisance  qui  ne  sera  point  incorn natihle  avec  ce  qu'il  doit  à 

Dieu 

Le  mari  doit  se  souvenir  qu'il  est  le  chef  de  la  femme,  m  axé 
comme  J.  C.  l'est  de  l'Eglise,  toujours  dans  le  même  esprit.  Le  Sau- 
veur gouverne  son  Eglise  ,  comme  une  épouse  qu'il  regarde  comme 
sa  chair  et   ses  os,  qu'il   traite  toujours  avec  charité,   et  pour 
laquelle  il  s'est  livré  à  la  mort;  de  même  le  mari  doit  regarder  sa 
femme  comme  une  partie  de  lui-même,  la  gouverner  avec  une 
autorité  mêlée  de  douceur  ,  de  discrétion  et  de  charité,  la  corriger  , 
s'il  est  nécessaire ,  plus  par  persuasion  que  par  commandement  et 
que  par  des  airs  impérieux  ;  car  le  mari  n'a  pas  droit  d'en  user  avec 
sa  femme  comme  un  maître  avec  ses  serviteurs.  La  femme  n'a  pas 
été  tirée  de  la  tète  de  l'homme,  comme  si  elle  devait  dominer  ;  elle 
n'a  pas  non  plus  été  tirée  de  ses  pieds ,  comme  si  elle  devait  être  son 
esclave;  mais  de  800  côté,  pour  indiquer  qu'elle  doit  être  sa  com- 
pagne et,  selon  la  parole  de  Dieu,  une  aide  semblable  à  lui.  Elle;:  été 
tirée  du  voisinage  du  cœur,  pour  que  l'homme  comprenne  toute  la 
charité  qu'il  doit  avoir  pour  elle.  Le  mari  ne  peut  donc  pas  passer  les 
bornes,  m  traiter  sa  femme  eu  servante,  ni  lui  commander  avec  un 
empire  despotique  et  avec  hauteur,  ni  Ja  maltraiter  brutalement  dans* 
le  cas  même  où  elle  aurait  le  grands  torts,  ni  l'obligerde  s'asservir  à, 
toutes  ses  volontés,  à  ses  pas.  n  >n- ri  à  ses  caprices.  Ce  ne  serait  point 
agir  en  chrétien  ,  en  homme  qui  représente  dans  sa  famille  J,  G,...,' 


M  ART  AGE.  105 

L'époux  est  entré  en  société  avec  son  épouse  par  le  mariage ,  afin  de 
vivre  dans  une  parfaite  communauté  d'esprit,  de  cœur,  d'intérêts, 
de  biens  temporels  et  spirituels,  de  piété,  de  religion  et  de  salut. 
La  femme  est  l'os  de  ses  os ,  et  la  chair  de  sa  chair.  L'homme  n'use 
point  de  domination  ni  de  hauteur  envers  sa  propre  chah';  il  a  soin 
au  contraire,  de  la  nourrir  et  de  l'entretenir.  Il  doit  avoir  les  mêmes 
égards  pour  son  épouse 

Un  mari  doit  communiquer  ses  affaires  à  sa  femme  avec  fran- 
chise et  de  bonne  amitié,  et  demander  son  aveu  pour  agir  de  concert. 
11  faut  pour  le  Lion  de  la  paix  que  chacun  cède  de  ses  droits 

Les  autres  devoirs  des  maris  sont  les  mêmes  que  ceux  des  femmes; 
nous  en  avons  parlé.  Ils  doivent  à  leurs  épouses  une  fidélité  récipro- 
que, les  supporter,  les  assister  dans  leurs  besoins  temporels  et 


spirituels 


Voici  ce  que  dit  le  grand  Apôtre  dans  sa  première  épître  aux  Corin-     Le  mariage 

.1  •  ti       ,  ■         -m  i  •■  •        tvtj»i  V'  -     est  inférieur  à 

thiens  :  Il  est  bon  a  Fhomme  de  ne  point  se  marier.  IN  etes-vous  lie  a    la  virginité. 

aucune  femme  ?  n'en  cherchez  point.  Cependant,  si  vous  prenez  une    nbe^[,^„pa 

femme,  vous  ne  péchez  pas  ;  et  si  une  vierge  se  marie,  elle  ne  pèche      *e  maux. 

pas.  Ceux-là ,  toutefois ,  auront  les  tribulations  de  la  chair  ;  mais  je 

vous  les  épargne.  Je  vous  dis  donc  ceci  :Le  temps  est  court;  que 

ceux  qui  ont  des  femmes,  soient  comme  n'en  ayant  pas.  Je  veux 

que  vous  soyez  exempts  de  soucis  :  celui  qui  n'a  point  de  femme  a 

souci  de  ce  qui  est  du  Seigneur ,  comment  il  plaira  au  Seigneur. 

Celui  qui  a  une  femme ,  a  souci  de  ce  qui  est  du  monde,  comment 

il  plaira  à  sa  femme  ;  et  il  est  divisé.  Et  la  femme  non  mariée ,  et  la 

vierge  pense  à  ce  qui  est  du  Seigneur ,  pour  être  sainte  de  corps 

et  d'esprit  ;  mais  celle  qui  est  mariée  pense  à  ce  qui  est  du  monde  , 

comment  elle  plaira  à  son  mari.  Celui  qui  marie  sa  fille  vierge  fait 

bien;  et  celui  qui  ne  la  marie  pas  fait  mieux  (vu). 

Je  voudrais ,  dit  encore  ce  grand  apôtre,  que  tous  fussent  comme, 
moi  (vécussent  dans  le  célibat)  ;  mais  chacun  a  de  Dieu  son  don 
propre,  l'un  ceci,  l'autre  cela.  Je  le  dis  à  ceux  qui  ne  sont  pas 
mariés  et  aux  veufs  :  Il  leur  est  bon  de  rester  ainsi ,  comme  moi- 
mèm?  (  I.  Cor.  vil.  7.  8  ). 

Le  mariage,  dit  saint  Basile,  ouvre  un  atelier  de  douleurs  (  Con- 
stat. Mnnast.,  c.  n). 

L'Apôtre  appelle  tribulations  de  la  chair  les  épreuves  inhérente? 
au  mariage,  à  la  paternité  ,  à  la  famille.  Il  opp )se  tout  cela  aux 
vains  plaisirs  dont  se  repait  l'imagination  d:s  impjudeatg  et  des 


106  MARIAGE. 

aveugles;  éar  les  febticfe,  les  ennui?,  les  embarras,  les  r 
maladies,  les  dangers,  la  responsabilité  que  l'oi 
mariage  remportent  comme  à  l'infini,  sur  les  jouissances  qi 

trouve iQtie  de  souffrance^  ,  que  de  <1 

qu'elle  porte  son  enfant  et  lorsqu'elle  le  met  ail  monde  !  Que  di 
vail  pour  nourrir,  vêtir  ,  élever  une  famille!  Ou. 
enfant?  meurent  !...  Que  d'embarras  pour  les  placer  ,  s'ils  \ 
Que  de  larmes,  s'ils  se  conduisent  mal!...  A  cause  de  ces  pçÎDi 
d'autres  semblables ,  saint  Augustin  ,  suivant  en  cela  le  sentiment 
de  saint  Ambroise,  ne  voulut  jamais  conseiller  le  r.: — ^e  à  per- 
sonne  

Il  y  a  trois  états  dans  l'Eglise,  dit  saint  AljhSme ,  évèque 
Saxon?  :  la  Virginité,  le  célibat  et  le  mariage.  Si  vous  voulez  savoir 
la  différence  qui  existe  entre  eux  ,  la  voici  :  la  virginité  ésl  l'or;  le 
célibat,  l'argent;  le  mariage,  le  fer  :  la  virginité  est  la  richesse;  le 
célibat,  l'aisance;  le  mariage,  Ja pauvreté  :  la  virginité  est  la  paix;  le 
ité;  le  mariage,  la  captivité  et  l'esclavage  :  la  virginité 
est  le  soleil {  le  célibat,  un  flambeau  ;  le  maria.;»1,  ténèbres:  la  • 
nité  est  un  -  Peine;  le  célibat,  un  maître;  le  mariage,  un  serviteur 
(L'ihi.  PatK,  t.  111.  —  De  Laud.  Virg.,  c.  ix). 

Cependant  que  ceux  qui  ne  peuvent  pas  garder  la  continence,  se 
marient,  dit  saint  Paul;  car  il  vaut  mieux  se  marier,  que  de 
la  tentation  (l.  Cor.  vu.  9).  Qtland  une  jeune  personn 
er  la  continence,  ou  ne  le  veut  pas,  dit  saint  Jérôme  , 
il  vaut  mieux  qu'elle  épouse  un  homme  que  le  démon  :  Adolescentula. 
quœ  si  non  poteit  Ûênttn&rê,  vd  non  vult ,  muriium  putius  accïpiatq 
Ira  Jovin.,  lib.  IV). 

Le-  lit    le  même  Père,  peuplent  la  terre;  la  virginité 

peuple  Le  ciel  :    Vuptite  terrain  renient,  bfrgini  surn  (Do 

Virg.  ). 

La  femme  et  un  navire  n'ont  jamais  assez  d'ornements,  dit  Plaute* 
que  celui  doue,  qui  \nit  du  travail,  épouî  rime,  et  qu'il 

rlruise  u,  i  (  Anton,  in  Meliss.  ). 

Le  mariage,  cet  état  digne  d'honneur  et  qui  a  ses  joies  quandles 
époux  "ni  l.i  crainte  de  Dieu  et  [u'ils  s  ut  ai  ' 
le  o  i'ii.V.re  a  li  i  il .  Si  11  te  in 
méchante  .  elle  vous  apportera 
une  '  ôtfl  iéi  i  ce  ,  sa  langue  est       gluiv< 

triste,  pénible"  et  déplorable*  qtie  a  !  -  soit 

un  edvemire.  Cependant,  6  homme!  ai  \ous  n'avez  pas  été  pieux,  si 


1TATUÀGE.  107 

la  (Vmme  von?  a  blessé  nnur  l'avoir  perdue  vous-même,  guérissez  par 
la  patience  le  mal  qu'elle  vous  fait.  Qu'elle  vous  serve  de  chirurgien 
et  de  médecin  pour  les  plaies  de  votre  âme.  Avec  vous,  Dieu  l'em- 
ploie comme  un  fer  tranchant;  et  quoique  le  fer  entre  Icg  mains  du 
médecin  no  sache  pas  ce  qu'il  fait,  ie  médecin  le  sait;  cela  suffit. 
Quoique  une  épouse  persécutrice  ne  sache  pas  ce  qu'elle  fait,  Dieu 
le  sait,  et  pourvu  que  vous  ayez  de  la  résignation,  elle  vous 
sauvera. 

La  femme  querelleuse ,  disent  les  Proverbes ,  ressemble  à  un  toit 
qui.  par  une  froide  journée,  laisse  transsuder  la  pluie.  Essayer  de 
l'apaiser,  c'est  vouloir  arrêter  avec  la  main  le  souffle  du  vent  : 
Tectaperstillontia  in  die  friyoris  et  litigiosa  mulier  comparantur  :  qui 
"elinet  eam  quasi  qui  ventum  teneat  (xxvn.  15.  16). 

Femme  mauvaise,  s'écrie  saint  Chrysostome,  malle  pire  de  tous  les 
taaux.  Les  dragons  sont  difficiles  à  dompter,  les  aspics  sont  redoutables 
et  funestes;  la  méchanceté  d'une  femme  est  plus  à, craindre  et  plus 
intraitable  que  les  bêtes  féroces  elles-mêmes.  Une  mauvaise  femme 
ne  s'adoucit  jamais.  Traitez-la  durement,  elle  entre  en  fureur;  flat- 
tez-la, elle  s'exalte  et  s'enorgueillit.  Il  est  plus  facile  de  fondre  le 
fer,  que  de  corriger  une  femme  vicieuse;  celui  qui  est  uni  aune 
femme  sans  pudeur  et  sans  vertu,  doit  comprendre  qu'il  a  reçu 
la  peine  que  méritaient  ses  péchés.  Il  n'est  pas  de  monstre 
qu'on  puisse  comparer  à  une  mauvaise  femme.  Quel  animal  ^st 
plus  féroce  que  le  lion?  aucun,  sinon  une  mauvaise  femme.  Quel 
serpent  est  plus  cruel  que  le  dragon?  aucun,  sinon  une  mauvaise 
femme  (I). 

L'homme  qui  l'a  épousée  est  le  plus  malheureux  des  hommes 

Une  seule  ressource  lui  reste,  c'est  la  patience;  mais  cette  patience 
lui  méritera  le  ciel 

A  propos  de  la  femme  vertueuse  unie  à  un  mari  corrompu , 
pécheur,  colère,  ivrogne,  libertin,  on  peut  dire  ce  que  nous  disions 
au  sujet  de  l'homme  qui  a  épousé  une  femme  sans  pudeur  et  sans 


(1)  0  uialum  quovis   malo   pejus  ,  irulicrem   improbam!   Asperi  surit  dracones, 

s  mule(icft)  j  8Bd  mUlieris  asper'rtas  acerbior  quant  ferortim.  Improba  mulior, 

punn  nransuefocla,  si  durius  tractetur  furit;   siblandius,  tollitur  et  el  ua  est. 

un  coquerequam  tiiulierein  castigarc  facilius.  Oui  Imbct  uxorem  nialam,  suo- 

r.mi  se  peccalorùm  inerdederh  accepisse  Intelligat.  Nulla  in  mundo  bellua  ost,  qn* 

cuui  muliere  improba  coOl'cratur.  (Juid  leone  mler  quadrupèdes  feroi-ius?  Nilnl  quani 

mulier  improba.   Quid    crudelius   dracone    in  ter  serpentin?    Nihil  quam   muUer 

improba  {Uomil.). 


Combien 

le  mariape  est 

profané. 


108  UARTÀGB. 

vertu.  Quoi  malheur  est  le  sien  d'être  forcée  d'habiter  avec  un  pareil 
être  !  quel  enfer  !  Hélas  '.  qu'elle  prie ,  qu'elle  se  résigne  ;  Dieu  lui 
réserve  une  belle  et  riche  couronne. 

Quand  la  femme  est  vicieuse,  le  mari  est  très-malheureux,  et 
réciproquement.  Qu'est-ce  donc,  quand  l'un  et  l'autre  des  époux 
sont  remplis  de  mauvaises  qualités,  qu'ils  n'ont  ni  douceur,  ni 
patience,  ni  religion,  ni  chasteté?  Alors  il  n'y  a  pas  de  paroi  ei 
capables  d'exprimer  les  douleurs  qui  naissent  de  cette  alliance 
satanique  et  maudite 

Il  y  a  des  époux,  dit  la  Sagesse,  qui  ne  respectent  plus  la  vie  mit 
nait  du  mariage  ni  les  noces  chastes ,  se  tuant  spirituellement  et 
s'outragea  nt  les  uns  les  autres  par  le  crime  :  Neque  vitam ,  negve 
nuptias  mundas  jam  custodiunt  (xiv.  24). 

Parmi  certains  hommes  tout  est  confondu  :  le  sang,  le  meurt  rp; 
levol  ,1a  fourberie,  la  corruption ,  l'infulélité,  l'oubli  de  Dieu,  L'in- 
gratitude, la  profanation  des  âmes,  l'avortement,  le  désordre,  les 
dissolutions  de  l'adultère  et  de  l'impureté  [Sap.  xiv.  2rï.  26). 

Où  sont  tous  les  enfants  que  Dieu  destinait  à  voir  le  jour?  Refou- 
ler dans  le  néant  des  êtres  qui  devaient  avoir  pour  but  la  vie 
éternelle,  quel  crime  !  quel  jugement  les  coupables  n'auront-ils  pas 
à  subir  ? 


Châtiments 
réservés  à 
je 1 1 t  qui  pro- 
fanent le 
mariage. 


Les  fils  dos  adultères,  dit  la  Sagesse,  seront  malheureux,  et  la  race 
du  lit  inique  sera  détruite  :  Ah  iniquo  thoro  semen  exterminobitur 
(m.  16). 

Onan  ,  dit  la  G  o?  .  liait  obstacle  à  ce  que  la  volonté  de 
Dieu  s'accomplit;  c'est  pourquoi  le  Seigneur  le  frappa  de  mort, 
parce  qu'il  commettait  une  action  détestable  :  Idcirco  percussit 
euut  Dominus,  quod  rem  detestabïlem  faceret  (xxxvrn.  0.  10).  Un 
crime  pareil  viole  la  loi  naturelle  et  la  sainteté  du  mariage.  Il  est 
comparé  par  Dieu  lui-même  à  l'homicide,  et  l'Ecriture  lui  donne 
le  nom  de  détestable.  Ouest- ce  donc  quand  des  chrétiens  le 
commettent? 

Beaucoup  do  parents  s-1  plaignent  dos  malheurs  dont  ils  sont 
accablés  .  des  maladies  qui  s'emparent  de  leurs  ''niants,  de  la  mort 
qui  les  leur  enlève  impitoyablement.  Châtiments  de  Dieu.  Epoux 
criminels,  ouvrez  les  yeux,  reconnaissez  que  vous  avez  violé  vos 
devoirs  les  plus  sacrés,  convertisses- vous,  et  la  justice  de  Dieu 
cessera  de  vous  frapper...,» 


MARIAGE.  109 

La  chaste  Sara  épousa  consécutivement  sept  hommes;  mais  un 
démon,  dit  la  sainte  Ecriture ,  les  tuait  aussitôt,  parce  qu'ils  étaient 
corrompus  (Tob.  m.  8).  L'ange  dit  au  fils  de  Tobie  :  Il  y  a  ici  un 
homme  qui  s'appelle  Raguel ,  qui  est  de  vos  parents  et  de  votre 
tribu;  il  a  une  fille  nommée  Sara;  tout  son  bien  vous  sera  donné,  si 
\  ou?  épousez  cette  fille.  Tobie  lui  répondit:  J'ai  ouï  dire  qu'elle 
avait  déjà  épousé  sept  maris,  et  qu'ils  sont  tous  morts;  et  j'ai 
appris  qu'un  démon  les  avait  tués.  Je  crains  donc  que  la  même  chose 
ne  m 'arrive.  Alors  l'ange  Raphaël  lui  dit  :  Ecoutez-moi ,  et  je  vous 
apprendrai  qui  sont  ceux  sur  qui  le  démon  a  quelque  pouvoir. 
Ceux  qui  embrassent  le  mariage  de  manière  à  bannir  Dieu  de  leur 
cœur  et  de  leur  esprit,  et  qui  ne  pensent  qu'à  agir  comme  les 
animaux  c^.z  h. ''r0ouo0j  ie  démon  a  pouvoir  sur  eux  (Tob.  Yi. 
11-17). 

Chez  le?  Juifs,  l'adultère  fut  d'abord comtcnuié  à  être  brûlé;  sous 
Moïse,  on  le  lapidait  [Levit.  xx.  10). 

Les  Egyptiens  appliquaient  jusqu'à  mille  coups  de  verges  aux 
adultères;  et  les  femmes  qui  commettaient  ce  crime  avaient  le  nez 
coupé,  afin  r^aa  leur  déshonneur  ne  cessât  d'être  public  (  Diod.,  Bibl. 
hist.). 

Chez  les  Arabes  ,  les  Parthes ,  et  d'autres  nations  encore,  la  peine 
de  mort  était  appliquée  aux  adultères;  ils  avaient  la  tête  tranchée 
(Ibid. ). 

Le  roi  Ténédius  porta  une  loi  qui  ordonnait  de  couper  par  le  milieu 
du  corps  les  adultères,  et  il  condamna  à  ce  supplice  son  propre  fils 
(Maxim.  Orat.). 

Dans  son  neuvième  livre  des  Lois,  Platon  édicté  la  peine  de  mort 
contre  le  fomicateur;  il  permet  au  premier  venu  de  tuer  impunément 
l'adultère. 

Solon  permettait  de  tuer  celui  qui  était  pris  en  flagrant  délit 
d'adultère  (Plutarc). 

Jules-César,  Auguste,  Tibère,  Domitîen,  Sévère,  Aurélien, 
décrétèrent  de  forts  châtiments  contre  les  adultères.  Aurélien 
faisait  attacher  les  pieds  de  ces  coupables  à  deux  branches  d'ar- 
bres courbées  de  force  qu'on  laissait  ensuite  revenir  à  leur  état 
primitif,  de  telle  sorte  qu'ils  étaient  partagés  en  deux  (C.  /Elian., 
Var.  hist.  lib.  X,  c.  Yl). 

Opélius  Macrinus,  successeur  de  Caracalla,  faisait  brûler  vifs  les 
adultères  (Alex.). 
Le»  Saxons,  encore  païens,  forçaient  ia  ièmme  adultère  à  se 


*  10  MARIAGE. 

pendre,  et  l'on  exposait  son  complice  sur  un  bûcher  auquel  on  mettait 
le  feu  (S.  Bonif.,  Epist.). 

Mahomet  lui-môme  ordonna  d'infliger  à  l'adultère  la  peine  de 
Cent  coups  do  bâton. 

Les  Sonnâtes,  au  témoignage  d'Osorius,  tuaient  les  femmes  adul- 
tères, ou  les  vendaient  comme  esclaves. 


MARIE. 


Dis  1  éternité,  1  ai  été  choisie  et  sacrée,  dès  le  commencement,       I.  Marie 
i  p* .       a  i  7-  „  •     a  étéchoiï  e  et 

avant  que  la  terre  lût  :  Ab  œtcrno  ordinata  sum,  et  ex  anti-     p. 
guis  antequam  terra  fierct  (Prov.  vm.23).  L'Eglise  et  les  Jf^0^^ 
ts  Pères  appliquent  à  Marie  ces  paroles  de  l'Ecriture. 
I"  Marie  a  été  choisie  de  toute  éternité;  parce  qu'elle  est  une  œuvre 
te,  l'œuvre  non  d'une  heure  ,  d'un  mois,  d'un  an,  d'un  siècle, 
ftiaisde  tous  les  rèeles.  Dieu  l'a  choisie  de  toute  éternité;  il  annonce 
cette  Jeanne  admirable,  par  des  types,  des  figures,  des  faits  prophé- 
-.  Ainsi,  il  prédit  sa  virginité  par  la  virginité  des  anges,  sa 
charité  par  l'amour  des  séraphins,  sa  sagesse  par  celle  qui  éclate 
dans  les  chérubins,  sa  pureté  par  celle  du  firmament,  sa  splen  leur 
par  l'éclat  di  s  étoiles,  sa  beauté  par  celle  des  prairies  verdoyantes  et 
des  fleurs,  les  fruits  abon lants  de  ses  sublimes  vertus  par  ceux  que 
portent  les  arbres  fruitiers.  Toutes  les  vertus  de  tous  les  saints  ne 
se  nt  que  les  ombres  des  vertus  deï'ïncornparable  Marie;  toutes  leurs 
perfections  n'étaient  qu'un  faible  essai,  une  esquisse  que  Dieu  fai- 
sait, pour  arriver  à  la  production  de  Marie.  Voilà  pourquoi  sai„t 
Bernard  appelle  cette  Vierge  bénie,  la  grande  affaire  de  tous  les 
siècles  :  Negotium  omnium   seculorum  (Serm.   h  de  Pent.);  veiià 
pourquoi  elle  a  été  choisie  et  prédestinée  de  Dieu  pour  princesse  et 

reine  du  ciel  et  de  la  terre,  des  anges  et  des  hommes 

2°  Marie  a  été  choisie  et  prédestinée  de  toute  éternité  pour  être  le 
prêtre  mystique,  qui  offrirait  à  Dieu,  par  la  rédemption ,  le  prix  lu 
âalut  de  tout  le  genre  humain,  J.  G.  son  fils,  en  holocauste  et  en 

victime  d'expiation 

3°  Marie  a  été  choisie  comme  le  modèle  le  plus  parfait,  le  plus 
beau,  de  toutes  les  pensées,  de  toutes  les  paroles,  de  toutes  les 
ections  saintes. 

4°  Marie  a  été  choisie  pour  disposer  l'Eglise  entière.  C'est  pour- 
quoi elle  est  appelée  dans  les  Cantiques  une  armée  rangée  en 
bataille  :  Castrorum  acies  ordinata  (vr.  9).  Elle  place  et  ordonne  l'ar- 
mée des  saints,  les  instruisant  à  vaincre  les  démons,  le  monde  .  la 

chair,  les  passions  et  tous  les  crimes 

5°  Marie  a  été  choisie  et  prédestinée  pour  avoir  île5  liens,  de 
parenté  et  de  consanguinité  avec  la  très-sainte  Trinité;  car  elie  a 


€18  MARIE. 

enfanté  J.  C*.,  Fils  de  Dieu  le  Père.  De  plus  elle  est  l'épouse  du  Saint- 
Esprit.  Par  l'action  divine  de  cette  troisième  personne  delà  Trinité , 
sans  l'intervention  de  l'homme,  et  en  demeurant  vierge,  elle  a 
conçu  et  enfanté  J.  C.  Elle  est  la  fille  du  Père,  1  épouse  du  Saint- 
Esprit  ,  la  mère  du  Fils 

6°  Marie  a  été  choisie  et  prédestinée  pour  unir  l'homme  à  Dieu, 
soit  en  mettant  au  monde,  J.  G.  Dieu  et  homme ,  soit  en  réconciliant, 
par  J.  C,  Dieu  avec  les  hommes,  et  les  hommes  avec  Dieu.  D'où  il 
suit  que  tous  les  siècles  ,  toutes  les  générations  et  tous  les  Etats,  ont 
désiré  voir  la  conception  immaculée  et  la  nativité  delà  Vierge  Marie. 
Comme  le  dit  saint  Jean  Damascène ,  les  siècles  se  disputaient  la 
gloire  de  la  voir  paraître  (  De  Laud.  Virg.). 

G  Vierge  sans  tache  et  très-sainte,   vous  avez  donc  été  choisie  et 
prédestinée  même  avant  la  création  de  l'univers.  L'homme  écrasé 
par  sa  faute,  coupable  de  péché,  incertain  de  son  salut,  noyé  dans 
l'affliction,   et  abandonné  de  tous,  a  élevé  ses  yeux  et  son  espé- 
rance vers  vous,  afin  qu'en  vous  et  par  vous  le  criminel  trouvât  sa 
grâce;  l'affligé,  la  consolation;  l'abandonné,  un  asile;  l'insensé,  la 
sagesse;  le  pécheur,  la  justification;  le  juste,  la  persévérance.  Marie 
est  la  véritable  ville  de  refuge,  le  port  assuré  des  naufragés,  le 
secours  de  tous  ceux  qui  mettent  leur  confiance  en  elle.  Elle  est  la 
source  qui  jaillit,  de  la  plus  haute  montagne,  source  plus  abondante 
que  toutes  les  fontaines  des  collines;  parce  que,  pour  arriver  à 
la  conception  du  Verbe,  elle  a,  dit  saint  Grégoire,  élevé  ses  mérites 
au-dessus  de  ceux  de  tous  les  chœurs  des  anges,  et  jusqu'au  trône  de 
la  divinité  :  Ut  ad  concept ionem  Verbipertingeret,  meritorum  verticem 
super  omnes  angelorum  choros,  usque  ad  solium  deitatis,  erexit  (In  lib. 
Reg.,  c.  i  ).  Voilà  pourquoi  elle  a  été  conçue  dans  l'esprit  de  Dieu,  et 
prédestinée  par  lui  de  toute  éternité,  avant  la  naissance  des  monta- 
gnes et  des  collines. 

Quand  Dieu  préparait  les  cieux  ,  fait  dire  l'Eglise  à  Marie,  j'étais 
présente:  Quando  prœparabat  cœlos,  aderam  (Prov.  vm.  27).  La 
sainte  Vierge  était  devant  Dieu  lorsqu'il  formait  les  cieux  et  disposait 
les  eaux  du  ciel;  parce  que  tout  ce  que  Dieu  créait  de  beau  dans  le 
firmament,  il  le  destinait  à  figurer  la  bienheureuse  Vierge  Marie, 
qui  devait  être  le  ciel  vivant,  où  la  plénit^.da  de  la  divinité  devait 
corporellement  habiter. 

lui  qui  avait  fait  autrefois  le  firmament,  et  qui  l'avait  arrondi 
dans  les  airs,  aujourd'hui  ,  dit  saint  Jean  Damascène,  a  fait  d'une 
créature  terrestre  le  ciel  sur  la  terre  ;  Uodie  ex  terrenu  natura  cœhim 


d  MB.  113 

in  terra  condidit  die ,  qui  olim  firmamentum  fînxeraf ,  atque  ïn  altum 
extulerat.  Et  ceciel  delà  terre,  ajoute-t-il,  porte  bien  plus  que  l'autre 
le  cachet  de  la  divinité;  car  celui-là  même  qui  a  créé  le  soleil  et  l'a, 
placé  dans  le  firmament,  s'est  levé  soleil  de  justice  dans  le  ciel  d'ici- 
bas  :  Acsane  Ulo  longe  divinius  est;  nam  qui  in  illo  solem  effecerat ,  in 
liocjustitiœsolortus  est  (Orat.  de  Nativ.  Virg.). 

J  étais  avec  Dieu  dans  la  création  :  Cum  eo  eram  cuncta  compo- 
nens  (Prov.  vm.  30  ).  Et  je  me  réjouissais  ,  en  jouant  sur  le  globe 
de  l'univers  :  Et  delectabar  ludens  in  orbe  terrarum  (Prov.  vm.  13). 
Ces  paroles  s'appliquent  encore  à  la  très-sainte  Vierge;  car  la  sagesse 
de  Dieu  s'est  plu  à  nous  l'annoncer  en  ligures,  dans  Eve,  dans 
J 'arche  de  Noé,  dans  l'arche  d'alliance,  dans  le  buisson  ardent,  dans 

la  verge  d'Aaron  qui  avait  reverdi,  etc 

Marie  est  la  mère  de  l'éternelle  Sagesse  qui  a  pris  corps  en  elle. 
Jésus-Christ  est  la  sagesse  incarnée  et  descendue  sur  la  terre  :  Marie 
est  la  sagesse  dans  laquelle  J.  C.  s'incarne,  et  de  laquelle  il  nait. 
C'est  pourquoi,  comme  J.  C.  est  appelé  par  saint  Paul  le  premier  né  de 
toute  créature,  Marie  est  aussi  appelée  celle  qui  est  née  la  première, 
parce  qu'elle  a  été  prédestinée  de  Dieu  avant  toutes  les  créa- 
tures. 

J.  C.  est  le  premier  des  prédestinés,  ainsi  que  l'enseignent  l'Ecri- 
ture et  la  théologie;  Marie  est  aussi  la  première  prédestinée.  J.  C. 
et  son  incarnation  ont  été  arrêtés  de  toute  éternité  ;  de  même , 
de  toute  éternité  ont  été  arrêtées  la  conception  et  la  naissance  de 
Marie. 

Je  suis  sortie  de  la  bouche  du  Très-Haut ,  je  suis  née  avant  toutes 
les  créatures  :  Ego  ex  ore  Altissimi  prodivi ,  primogenita  anie  omnen\ 
creaturam  (Eccli.  xxiv.  5). 

Ces  paroles  s'appliquent  à  Marie;  car,  1°  de  toute  éternité  la 
bienheureuse  Vierge  a  été  prédestinée  à  être  la  première  des  œuvres 

de  Dieu,  c'est-à-dire  de  toutes  les  créatures 2°  Elle  a  été  le 

modèle  de  sainteté  sur  lequel  Dieu  devait  former  les  saints  anges, 
les  apôtres ,  les  martyrs ,  les  confesseurs,  les  vierges,  les  religieux  et 
tous  les  fidèles.  Comme  Dieu  a  conçu  et  prédestiné  dans  son  esprit  la 
bienheureuse  Vierge,  il  prédestine  par  elle  et  d'après  elle  tous  les 

élus 3°  De  toute  éternité,  Dieu  a  décerné  à  Marie  la  principauté 

de  la  grâce  et  de  la  gloire ,  de  la  sainteté  et  du  commandement  ;  car 
il  l'a  destinée  à  être  la  première  des  créatures,  et  à  en  devenir  la 

maîtresse  et  la  reine &  Dieu  l'a  faitecomme  les  prémices  de  ses 

œuvres.  G;:  a*ait  coutume  d'offrir  au  Seigneur  les  prémices  des 
m,  a 


H  4  MARir.. 

fruits  Je  la  terre  comme  le  symbole  de  l'offrande  et  de  la  consécra- 
tion qu'on  lui  it  le  cesl    :  it  à 
Dieu  la  bienheureuse    Vierg 
humaine ,  symbole  de  l'offrande,  de  la  puriii 
cation  des  h 

Rupert  m  uclie  de 

de  tiâîtrê 

connue  de  lui.  Il  nVa  choisie  avanl     i 
être  eu  sa  pr< 

plus 
omplaira-t-ïl  en  cette  si  ivante  du  it  la  mer. 

de  tous le»  enfants  des  hommes?  (  L.  . .  )  Voilà  ;  aussi 

saint  Jean  Dan 

Mire  .(.byssuut,  \  -  (  Serm.  i  de  Nativ.  B. 

Vu 

n.  Marie  est  \  cause  de  la  sagesse,  dit  Onkélos,  Dieu  a  créé  le  ciel  et  la  terre J 
^créatioB  et  c'est-à-dire  il  a  bijéé  le  ciel  et  ia  terre  pour  l'améjur  du  son 

(i'' ''V       divin  Fils,  à  qui  dans  les  chose      iv  at  r      e  la  sa 

uumwiiUe.     pour  l'amour  de  l'immaculée  Vierge  qui  est  la  sagesse  du  monde 
{îhàrg.,  lib.  VII,  c.  u). 

Marie  est  la  cause  de  la  création  de  la  lumière ,  du  ILiviamcnt,  da 
la  mer  et  de  toul 

La  création  a  eu  lieu  et  a  été  disposée  pour  la  justification  ejt  la 
gloriiieation  J.  C. ,  par  Marie;  car  Tordre  de  la  nature 
a  été  fa  I  pour  l'<  .  la  grâce.  Or,  la  très-sainte 
Vierge  étant  la  mère  de  J.  C. ,  e^-l  aussi  le  moyen  de  notre 
tion,  et  de  tout  l'ordre  de  la  grâce;  elle  est,  par  pient,  lac 
finale  de  la  cj  i  lin  de  l'unh  J.  G. ,  sa 
mère  et  les  -  Q  <;ue 
(es  sa  .  iu  o  el  de 
la  gloire  par  J.  C.  et  par  M  i  ,ue  J.  G.  et  sa  bienheu- 
reuse mère  ne  fo :nt  q               .Lie  «le  la                el  lui    soient 

postérieurs  en  tant  que  cai  rielle,  ils  l'on  en  tant 

que  i  île. 

De  là  vient  qu'il  y  a  un  rapport  mutuel  entre  la  création  de  Puni- 
vers  et  la  <le  J.  G.  .  .t  .. 
que  J.  G.  et  I  re;  et 
pareillement  il  n'a  [as  v                           ,                    ls  J.  C.  et 
la  bienheureuse  Vierge;  ou  plutôi,  cestàCUUSa  d;cux  qu'il  i  a  créé- 


MAV.IE. 


Mb 


Il  atout  d  )  que  l'univers  fût  rapporté  à  J.  G.,  à  Mari 

a  l'ordre  de  la  grâce,  comme  à  son  achèvement  et  à  sa  fin.  J.  G. 
et  Marie  sont  donc  la  cause  finale  de  la  création.  Ils  en  sont  aussi  la 
cause  formelle,  c'est-à-dire  qu'ils  en  sont  l'idée  et  le  modèle;  car 
l'ordre  de  la  grâce  dans  lequel  J.  C.  et  Marie  tiennent  la  première 
place,  est  !  >rès  lesquels  Dieu  a  créé  et  disposé 

l'ordre  de  la  nature. 

Le  monde  n'a  pas  été  seulement  créé  et  orné  pour  l'amour  de  la 
très-sainte  "Vierge;  il  est  encore  soutenu  et  conservé  par  amour  pour 
elle.  La  terre  aurait  disparu  à  cause  des  crimes  innombrables  que 
commettent  les  pécheurs,  si,  par  sa  clémence  et  sa  bonté,  la  glô- 
e  Marie  ne  la  préservait  en  priant  pour  nous.  C'est  à  cause  d'elle, 
dit  saint  Bernard,  que  le  monde  a  été  fait;  c'est  par  elle  qu'il  est 
sauvé  de  sa  ruine  (De  B.  Virg.).  Par  votre  protection,  ô  Vierge  très- 
sainte,  s'écrie  saint  Bonaventure ,  le  monde  est  conservé,  ce  monde 
que  vous  avez  créé  dès  le  commencement  de  concert  avec  Dieu  : 
Dïs[iosittone  tua,  Viryo  saactissima,  persévérât  mundus,quem  et  tucum 
ùeo  ub  inilip  fundasti  (De  Laud.  Virg.).  C'est  pour  J.  C.  et  la  bien- 
heureuse Vierge  que  Dieu  a  fait  le  monde  et  qu'il  le  conserve  ;  car 
Marie  est  beaucoup  plus  noble,  plus  grande,  plus  précieuse  que 
'univers  entier;  elle  en  fait  l'honneur  et  la  beauté 

SisïGNxiuB  f  dit  le  prophète  tiabacuc,    achevez  votre  ouvrage  au      l^\^^. 
milieu  de  nos  années.  Au  milieu  de  nos  années,  vgus  nous  le  ferez       d'oeuvre 

;  litre  :  au  temps  de  votre  colère,  vous  vous  souviendrez  de  votre 
miséricorde  :  Domine,  opus  tuum  in  medio  annorum  vivifica  illud  ;  in 
medio  annorum  nolum  faciès  :  cumiratus  fueris ,  rnisericordiœ  recor- 
daberis  (m.  2).  Cet  ouvrage,  l'œuvre  par  excellence  de  Dieu,  c'est 
S.  C.  et  Marie  que  le  prophète  conjure  Dieu  demaniiester  au  mon  '.e. 
Marie  est  tellement  le  chef-d'œuvre  de  Dieu,  que,  d'après  saint 
Augustin ,  Dieu  a  épuisé  sa  sagesse ,  sa  puissance  et  ses  richesses  en 
elle:  Plus  dare  nescivir  3  plus  dare  w  potuit^plus  dare  non  habuit 
(DeCivit.). 

Dieu  n'a  qu'un  Fils  :  il  ne  peut  en  avoir  plusieurs,  parce  qu'h 
b  l,  fin  ayant  toui  donné.  11  en  est  ainsi 

pour  Marie  :  elle  sera  éternellement  la  seule  mère  de  Dieu,  qui  ne 
p  '  avoir  deux  mères.  Un  seul  fils,  une  seule  mère.  Dieu  n'a  jamais 
fait  et  ne  pourra  jamais  faire  une  aussi  parfaite  créature  :  Marie  n'a 
jamais  eu  et  n'aura  jamais  rien  qui  l'égale.  Dieu,  dit  saint  Thomas, 


M  6  MAREE. 

ne  peut  rien  faire  de  plus  grand  que  la  bienheureuse  Vierge ,  parce 
uu'elle  e?t  mère  de  Dieu  (  1.  p.  q.  23.  art.  8). 

En  parlant  de  Marie ,  on  peut  dire  à  Dieu  ce  que  Dieu  lui-même 
dit  à  I  :  Tu  viendras  -là,  et  tu  n'iras  pas  .lus  loin: 

Usque  laïc  venins;  et  non  procèdes  amplius  (Job.  xxvni.  11  ). 

Saint  Bernardin  appelle  Marie  la  magnificence  de  Dieu:  Dei  magnifi- 
centiam  (Tom.  I,concil.  m, art.  6,  cap.  iv).  Marie  elle-même,  dans 
sa  profonde  humilité,  est  forcée  de  s'écrier  :  Celui  qui  est  puissant 
a  fait  en  moi  de  grandes  choses  :  Fecit  mihi  magna  qui  potens  est 
(Luc.  i.  4lJ).  Il  a  signalé  la  force  de  &on  bras:  Fecit  potentiam  m 
brackio  *uo  (Id.  i.  .>!  ). 

Nous  devons  tout  à  Dieu ,  et  Dieu  ne  nous  doit  rien.  Il  en  est  autre- 
ment de  Marie.  Quoiqu'elle  doive  à  Dieu,  Dieu  lui  doit  aussi;  car 
J.  C.  a  reçu  son  humanité  tout  entière,  de  Marie;  et  tout  ce  qu'il  a 
comme  homme,  il  le  doit  à  sa  mère.  Par  sa  conception  et  par  sa 
naissance,  Jésus-Christ,  Dieu  et  homme,  est  devenu  le  débiteur  de 
Marie;  il  lui  doit  plus  que  les  autres  entants  ne  doivent  à  leur  mère, 
parce  qu'elle  réunit  en  elle  la  qualité  de  père  et  de  mère.  J.  C.  est 
obligé  d'accomplir  à  L'égard  de  sa  mère  le  quatrième  commande- 
ment ,  Père  et  mère  honoreras.  C'est  ce  qu'il  a  l'ait  à  la  lettre,  rendant 
même  à  saint  Joseph  les  devoirs  d'un  fils  ;  car  l'Evangile  nous  assure 
qu'il  lui  était  soumis,  ainsi  qu'à  Marie  :  Erat  subditus  Mis  (Luc.  n. 
51  ).  Par  la  bouche  de  Salomon,  J.  C.  promet  à  son  auguste  mère 
de  lui  accorder  tout  ce  qu'elle  lui  demandera,  disant  qu'il  ne  Lui  est 
permis  de  lui  refuser  quelque  chose  :  Pete,  mater  mea;  nequeenirn 
fas  est  ut  avertam  faciem  (  111.  Keg.  II.  20). 

iv.  Marie      Lbttrb  apostolique  de  notre  seigneur  très-saint ,  Pie,  Pape  par  la 
n'^ee     divine  providence,  neuvième   du  nom,  sur  la  défin  >gm*« 

lion-     tique  de  l'nuju-u^W»  conception  de  la  Vierge  mère  de  Dieu  (1J. 

Pie  évèque, 

Serviteur  des  serviteurs  de  Dieu, 
Pour  qu'il  en  soit  toujours  mémoire. 

Dieu  qui  est  inellàble,  dont  les  voies  sont  la  miséricorde  et  la 

(1)  Je  n'ui  pas  jugé  à  propos  de  placer  dans  ce  recueil  les  preuves  de  l'immaculée 
eraceplioo  de  Marie,  que  j'ai  tn 

al",    fe.  La  lettre  apostolique  di  e  qui  n'avait 

été  jusqu'alors  qu'une  pieuse  ci  e,  met  fin  à  toute  ù-seusaiou  à  cet 

égard.  Cette  lettre  e>tcitecici  eu  ciiuer. 


MARIE.  \\ï 

vérité,  dont  la  volonté,  est  la  toute-puissance  même ,  dont  la  sagesse 
atteint  d'une  extrémité  jusqu'à  l'autre  irrésistiblement,  et  dispose 
avec  douceur  toutes  choses ,  voyant  dans  sa  prescience ,  de  toute 
éternité ,  la  ruine  lamentable  de  tout  le  genre  humain ,  suite  de  la 
transgression  d'Adam,  et  ayant,  dans  le  mystère  caché  dès  l'origine 
des  siècles,  décrété  que,  par  le  sacrement  plus  mystérieux  encore 
de  l'incarnation  du  Verbe,  il  accomplirait  l'œuvre  primitive  de  sa 
b  »nté,  afin  que  l'homme,  poussé  dans  le  mal  par  la  perfidie  de  l'ini- 
quité diabolique  ,  ne  pérît  pas  contre  le  dessein  de  sa  miséricorde, 
et  que  ce  qui  devait  tomber  dans  le  premier  Adam  fût  relevé  dans 
le  second  par  un  bonheur  plus  grand  que  cette  infortune,  choisit  et 
prépara,  dès  le  commencement  et  avant  les  siècles,  une  mère  à  son 
Fils  unique,  pour  que  d'elle  fait  chair  il  naquit  dans  l'heureuse  plé- 
nitude des  temps;  et  il  l'aima  entre  toutes  les  créatures  d'un  tel 
amour,  qu'il  mit  en  elle  seule,  par  une  souveraine  prédilection, 
toutes  ses  complaisances.  L'élevant  incomparablement  au-dessus  de 
tous  les  esprits  angéliques  et  de  tous  les  saints,  il  la  combla  de 
l'abondance  des  dons  célestes ,  pris  au  trésor  de  la  divinité ,  d'une 
manière  si  merveilleuse,  que  toujours  et  entièrement  pure  de  toute 
tache  du  péché,  toute  belle  et  toute  parfaite,  elle  avait  en  elle  la 
plénitude  d'innocence  et  de  sainteté  la  plus  grande  que  l'on  puisse 
concevoir  au-dessous  de  Dieu,  et  telle  que,  sauf  Dieu,  personne  ne 
peut  la  comprendre.  Et  certes,  il  était  tout  à  fait  convenable  qu'elle 
brillât  toujours  des  splendeurs  de  la  sainteté  la  plus  parfaite,  et 
qu'entièrement  exempte  de  la  tache  même  de  la  fa*ute  originelle,  elle 
remportât  le  plus  complet  triomphe  sur  l'antique  serpent,  cette  mère 
si  vénérable  à  qui  Dieu  le  Père  a  voulu  donner  son  Fils  unique, 
engendré  de  son  cœur,  égal  à  lui,  et  qu'il  aime  comme  lui-même,  et 
le  donner  de  telle  sorte  qu'il  est  naturellement  un  seul  et  même  et 
commun  Fils  de  Dieu  le  Père  et  de  la  Vierge,  elle  que  le  Fils  lui- 
même  a  choisie  pour  être  substantiellement  sa  mère,  elle  de  laquelle 
le  Saint-Esprit  a  voulu  que ,  par  son  opération,  fût  conçu  et  naquit 
celui  de  qui  lui-même  procède. 

Cette  innocence  originelle  de  l'auguste  Vierge,  si  parfaitement  en 
harmonie  avec  son  admirable  sainteté  et  avec  la  dignité  sublime  de 
mère  de  Dieu,  l'Eglise  catholique  qui ,  toujours  enseignée  par  le 
Saint-Esprit ,  est  la  colonne  et  l'appui  de  la  vérité,  agissant  comme 
maîtresse  de  la  doctrine  divinement  reçue  et  contenue  dans  le  dépôt 
de  la  révélation  céleste,  n'a  jamais  cessé  de  l'expliquer,  de  la  pro- 
poser, de  la  favoriser  tous  les  jours  de  plus  en  plus  par  toutes  les 


H  8  urAftTB. 

voies  et  par  de?  actes   ^datants.  Cette  doctrine",  en  vigneur  depuis 
les  temps  les  plus  and  mèrit  gravée  dans  les  âmes  des 

fidèles,  et  propagée  d'une  manière  merveilleuse  dans  tout  l'univers 
catholique  par  les  soins  et  les  efforts  des  pontifes  sacrés ,  cette  doc- 
trine, l'Eglise  elle-même  l'a  en  effet  t. ès-clai rement  en  lors- 
qu'elle n'a  pas  hésité  à  proposer  la  conception  de  la  Vierge  à  la 
vénération  et  au  culte  pu' >Iic  des  fidèles.  Par  cet  acte  ^  elle 
l'a  pré  s  entée  pour  être  honorée  comme  extr  »,  admirable, 
pleinement  différente  des  commencements  du  reste  des  hommes  et 
tout  à  fait  sainte  ;  car  l'Eglise  ne  célèbre  par  des  jours  de  fête  <j" 
qui  est  saint.  Et  c'est  pourquoi  elle  a  coutume  d'employer,  soit  «lan^ 
les  offices  ecclésiastiques  ,  soit  dans  la  liturgie  sacrée,  les  termes 
mêmes  des  divines  Ecritures  parlant  de  la  Sagesse  incréée,  et  r  pré- 
sentant ses  origines  éternelles,  et  d'en  faire  l'application  aux  r  m- 
mencements  de  cette  Vierge  qui,  par  un  seul  et  môme  décret, 
furent  déterminés  avec  l'incarnation  de  la  Sagesse  divine. 

Toutes  ces  choses  connues  partout  des  fidèles  m     hvit  suffisam- 
ment avec  quel  soin  l'Eglise  romaine,  mère  et  maîtresse  de  toutes 
les  Eglises,  s'est  appliquée  à  propager  cette  doctrine  de  l'imma- 
culée conception  de  la  Vierge;  mais  cette  Eglise,  centre  de.  la  \ 
et  de  l'unité  catholique,  dans  laquelle  seule  la  reli 
blemcnt  gardée,  et  de  laquelle  il  faut  que  toutes  les  autre 
empruntent  la  tradition  de  la  foi,a  une  dignité  et  une  autorité  1 
qu'ii  convient  d'en  rappeler  les  actes  en  défait.  Elle  n'eut  ja 
rien  plus  à  cuiir  que  de  soutenir,  de  protéger,  de  promom 
défendra  par  les  voies  les  plus  éclatantes  l'immaculée  conception  de 
la  Vierge,  son  culte  et  sa  doctrine.  m'attestent  et  procla- 

ment tant  d'actes  solennels  des  pontifes  romains  nos  j  buts, 

à  qui,  dans  la  personne  du  prin  eui  .).  G. 

a  lui-même  divinement  confié-  la  charge  et  le  p<> 
praire  les  agneaux  et  !  a,  de  confirmer  leurs  frères,  de  ié-ir 

elle, 
is  prédécea  firent  gloire  d'instituer  dans  l'Eglise 

romaine,  BD  1  -ur autorité  apostolique,  la  fête  delà  Cor 

ti   .  ■   •      •  t   une  ative 

vition    é  lit   affirmée   d  •    la 

manière  il  la  pins  nrça  Lchèrentde  plu 

en  plus  à  aerroitre   l'-éclal   d  fêle  et  à  .  r  par  tous  les 

dulgeni  es,  soit 
;i..ris-int  les  Mlles,  les  pro\  »e placer  SOU8 


MiRTË.  J19 

'       'ron.igc  de  la  more  de  Dieu ,  honorée  sons  le  titre  de  l'Imma- 
■  Conception,  soit  en  approuvant  des  confréries,  des  congréga- 
tions, des  communautés  religieuses  instituées  en  l'honneur  de  Ja 
conception  immaculée,  soit  en  excitant  par  leurs  louanges  la  piété 
de  ceux  qui  érigeaient  des  monastères,  des  hôpitaux,  des  autels,  des 
temples  sous  ce  titre,  ou  qui  s'engageaient  sous  la  foi  du  serment  5 
défendre  énergii  -  ornent  l'immaculée  conception  de  la  mère  de  Dieu. 
Ils  Jurer:  surtout  heureux  d'ordonner  que  la  fête  de  la  Conception 
ftrt  célébrée  dans  toute  l'Eglise  comme  celle  de  la  Nativité;  et  ensuite 
qu'on   la  célébrât  avec  un  octave  dans  l'Eglise  universelle,  puis 
qa'elle  fût  mise  au  rang  des  fêtes  de  précepte  et  saintement  observée 
partout;  enfin,  que  chaque  année,  le  jour  consacré  à  la  conception 
Vierge,  il  y  aurait  chapelle  pontificale  dans  notre  basilique 
patriarcale  libérienne.  Désirant  inculquer  chaque  jour  plus  proi'on- 
dé-nent  dans  les  âmes  des  fidèles  cette  doctrine   de  l'immaculée 
conception  de  la  mère  de  Dieu,  et  exciter  leur  piété  à  honorer  et  à 
.  Vierge  conçue  sans  péché,  ce  fut  avec  uns  grande  joie 
qu'i.5  permirent  de  proclamer  la  conception  immaculée  de  la  Vierge 
dans  les  litanies  de  Lorette  et  dansla  préface  même  de  la  messe, 
me  pour  établir  la  loi  de  la  croyance  parla  loi  de  la  prière, 
Pour  nous,  marchant  sur  les  traces  d'un  grand  nombre  de  nof; 
feesseurs,  non-seulement  nous  avons  reçu  et  approuvé  ce  qu'ils 
ont  s;  nt  et  si  pieusement  établi,  mais  encore  nous  souve- 

nant de  l'institution  de  Sixte  IV,  nous  avons  revêtu  de  la  sanction 
de  notre  aub  rite  un  office  propre  de  l'Immaculée  Conception  et,  à 
la  grande  consolation  de  notre  âme,  nous  en  avons  accordé  l'usage 
dise  universelle. 
Les  choses  qui  appartiennent  au  culte  tiennent  étroitement  et  par 
un  lien  intime  à  l'objet  même  du  culte,  et  elles  ne  peuvent  se  main- 
tenir détei  et  fixes,  si  cet  objet  demeure  dans  un  état  de  doute 
«t    d'ambiguïté.  C'est  pourquoi   nos  prédécesseurs   les    pontifes 
romains,  en  mettant  tous  leurs  soins  à  accroître  le  culte  de  la  con- 
ception ,  s'appliquèrent  avec  sollicitude  à  en  déclarer  et  à  en  incul- 
ot la  doctrine.  Ils  enseignèrent  donc  clairement  et 
•tement  que  la  fête  avait  pour  objet  la  conception  de  la  Vierge, 
proscrivirent  comme  fausse  et  contraire  à  l'esprit  de  l'Eglise , 
qui  peu-  .i aient  que  ce  n'est  point  J a 
Iglise  honore.  Ils  ne  crurent 
r  avec  plus  de  m<  'it  envers  ceux  nui,  pour 
rumer  la  doctrine  de  l'immaculée  conception  de  la  Vierge,  avaient 


120  MATITE. 

imaginé  une  distinction  entre  le  premier  et  le  second  instant  rie  la 
conception,  disant  que  l'Eglise,  à  la  vérité,  célèbre  la  conception, 
mais  qu'elle  n'entend  pas  l'honorer  dans  son  premier  instant  ou 
premier  moment.  Nos  prédécesseurs,  en  effet,  regardèrent  comme 
'.eur  devoir  de  protéger  et  de  propager  avec  le  plus  grand  zèle,  non- 
seulement  la  fête  de  la  Conception  de  la  bienheureuse  Vierge,  mais 
encore  la  doctrine  que  la  conception,  dès  le  premier  instant ,  est  le 
véritable  objet  de  ce  culte.  De  là  ces  paroles  tout  à  fait  décisives  \  ar 
.esquelles  notre  prédécesseur,  Alexandre  VIT,  déclara  la  vérit.  Me 
intention  de  l'Eglise  :  «C'est  l'ancienne  et  pieuse  croyar.ee  des  fid(  1  s 
chrétiens,  que  l'âme  de  la  bienheureuse  Vierge  Marie  ,  dès  le  pre- 
mier instant  de  sa  création  et  de  son  union  au  corps ,  a  été' ,  par  grâce 
et  privilège  spécial  de  Dieu,  et  en  vue  des  mérites  de  J.  C,  son  Fils, 
Rédempteur  du 'genre  humain,  préservée  et  exempte  du  péché 
originel,  et  c'est  en  ce  sens  qu'ils  honorent  et  célèbrent  avec  polptr  '*6 
a  fête  de  sa  conception  (1).  » 

Nos  prédécesseurs  s'attachèrent  surtout  avec  un  soin  jaloux  et  -ne 
vigilance  extrême,  à  maintenir  inviolable  et  à  l'abri  de  toute  attaque 
^a  doctrine  de  l'immaculée  conception  de  la  mère  de  Dieu.  Non-seu- 
lement ils  ne  souffrirent  jamais  que  cette  doctrine  fut  en  aucune 
façon  censurée  et  outragée  ;  mais  allant  beaucoup  plus  loin,  ils  pro- 
clamèrent ,  par  des  déclarations  formelles  et  réitérées ,  que  la  doc- 
trine en  vertu  de  laquelle  nous  confessons  l'immaculée  conception 
le  la  Vierge  est  pleinement  en  harmonie  avec  le  culte  ecclésiastique, 
et  que  celte  doctrine  antique  et  universelle,   telle   que  l'Eglise 
romaine  l'entend  ,  la  détend  et  la  propage,  est  digne  à  tous  ég 
l'être  formulée  dans  la  sacrée  liturgie  elle-même  et  dans  les  solen- 
nités de  la  prière.  Non  contents  de  cela,  pour  que  cette  doctrine  de 
.a  conception  immaculée  de  la  Vierge  demeurai    inviolable  .    ils 
défendirent,  sous  des  peines  sévères,  de  soutenir,  soit  publique- 
ment, soit  en  particulier,  la  doctrine  contraire,  voulant,  par  Les 
coups  répétés  portés  .ri  cette  dernière^  La  faire  succomber.  I 
que  ces  déclarations  éclatantes  et  réitérées  ne  parussent  pas  vaincs , 
ils  les  revêtirent  d'une  sanction.  Notre  prédécesseur  Alexandre  Vil , 
jue  nous  venons  de  citer ,  a  rappelé  toutes  ces   choses  en  es 
'ermes  : 

«  Considérant  qu"  la  sainte  Eglise  romaine  célèbre  solemiellfti-W 
.a  le  te  de  la  Conception  de  Marie  sans  lâche  et  toujours  vierge,  et 

\i)  Alexandre  YU ,  popiti   S"'i"itu<io omnium  t  *>***»♦»»'«  >  a  uo.^uiDre  ir>v; 


WAÏÏIE.  121 

qu'autrefois  elle  avait  ordonné  un  office  propre  sur  ce  mystère , 
selon  la  pieuse  et  dévote  disposition  de  notre  prédécesseur  Sixte  IV; 
"voulant  à  notre  tour  favoriser  cette  louable  dévotion  ,  ainsi  que  la 
1,  le  et  le  culte  qui  en  est  l'expression  ,  lequel  n'a  jamais' changé 
dans  l'Eglise  romaine  depuis  qu'il  a  été  institué;  et  désirant ,  à 
l'exemple  des  pontifes  romains  nos  prédécesseurs,  protéger  et  favo- 
cette  piété  et  cette  dévotion  qui  consistent  à  honorer  et  célébrer 
la  bienheureuse  Vierge  comme  ayant  été,  par  l'action  du  Saint- 
Esprit  ,  préservée  du  péché  originel  ;  enfin  ,  pour  conserver  le  trou- 
peau du  Christ  dans  l'unité  d'esprit  et  dans  le  lien  delà  paix  ,  pour 
éteindre  les  dissensions  et  faire  disparaître  les  scandales;  sur  les 
instances  et  les  prières  des  évêques  susnommés ,  unis  aux  chapitres 
de  leurs  églises,  ainsi  que  sur  les  instances  et  les  prières  du  roi  Phi- 
lippe et  de  ses  royaumes ,  nous  renouvelons  les  constitutions  et 
décrets  que  les  pontifes  romains  ,  nos  prédécesseurs,  et  spécialement 
Sixte  IV,  Paul  V  et  Grégoire  XV,  ont  portés  en  faveur  du  sentiment 
qui  affirme  que  la  bienheureuse  Vierge  Marie,  dans  sa  création  et 
dans  son  union  avec  le  corps ,  a  été  pourvue  de  la  grâce  du  Saint- 
Esprit  ,  et  préservée  du  péché  originel;  et  aussi  en  faveur  de  la  fête 
et  du  culte  de  la  conception  de  la  même  Vierge  ,  mère  de  Dieu  ,  les- 
quels lui  sont  offerts  comme  il  est  dit  plus  haut  dans  le  sens  de 
cette  doctrine  ;  et  nous  commandons  que  l'on  garde  lesdites  consti- 
tutions et  décrets  sous  les  peines  et  censures  qui  y  sont  spécifiées. 

«  En  outre  ,  quant  à  tous  et  à  chacun  de  ceux  qui  cherchent  à 
interpréter  des  constitutions  et  décrets  de  manière  à  diminuer  la 
faveur  qui  en  résulte  pour  la  doctrine  en  question ,  et  pour  la  fête 
ou  le  culte  rendu  dans  le  sens  de  cette  doctrine  ,  ou  qui  s'efforcent 
de  mettre  en  discussion  cette  doctrine  ou  ce  culte ,  ou  d'en  faire  les 
objets  de  leurs  attaques,  soit  directement,  soit  indirectement,  même 
sous  le  prétexte  d'examiner  si  cette  doctrine  peut  être  définie  ,  de 
commenter  ou  d'interpréter  l'Ecriture  sacrée,  ou  les  saints  Pères, 
ou  les  docteurs  ;  tous  ceux ,  en  un  mot ,  qui  auraient  l'audace ,  par 
quelque  motif  que  ce  puisse  être  et  de  quelque  façon  que  ce  soit,  de 
parler ,  de  prêcher  ,  de  traiter  ,  de  disputer  contre  elle ,  par  écrit  ou 
de  vive  voix,  en  déterminant  ceci  ou  cela,  en  affirmant,  en  faisant 
valoir  des  arguments,  ou  en  laissant  sans  solution  les  argument; 
,  ou  quel  que  puisse  être  le  moyen  employé  dans  le  même 
but  :  quant  à  tous  ceux-là,  outre  les  peines  et  censure  contenue  ; 
dan-  les  constitutions  de  Sixte  IV ,  auxquelles  nous  entendons  les 
soumettre  et  les  soumettons  par  les  présentes ,  nous  voulons  qu  ■ 


122  haute. 

par  e^seal'foit  et  sans  autre  t  privé*?  du  pouvoir 

de  prêcher,  de  lire  en  public  ou  ''  •  ^n?i 

que  de  toute  voix  active  ou  pas 

don::,  ipso  facto,  et  Fans  autre  déclaration,  frappes  à  perpétuité 

d'incapacité  pour  prêcher  .  lire  e  -prêter, 

et  ils  il  ■  •  absous         '  de  ces  peines  que  par 

nous-]  par  nos  successeurs  ;  et  n  as  entendons  les 

in*  ei  autres  peines  que  nous  ou  les  pontifes  romains  nos 

successeurs  pourront  leur  infliger,  comme  nous  les  y  soumettons 

par  les  présent  s .  renouvelant  les  constitutions  ou  <!;'<  sus 

rappelés  de  Paul  V  et  de  Grégoire  XV. 

a  Quant  aux  li\i  -     els  la  doctrine  susdite  ,  la  fête  ou  le 

culte  rendu  dans  le  sens  de  cette  doctrine  ,  se  trouverai^  revo  pée 
en  doute,  ou  dans  lesquels,  en  quelque  manière  que  ce  soit,  q 
que  chose  serait  t'erit  contre  elle,  ou  qui  contiendraient  des  discours, 
disputes  ou    traités  destinée  à  la  combattre,  nous  prohibons  tous 
ceux  qui  ont  été  publiés  postérieure  ne  -t  au  té  «le  Paul  V  , 

ou  qui  seraient  publiés  à  l'avenir;  et  cela,  sous  les  peines  et  c< 
res  s-  I  l'index  des  livres  prohibés  ;  e 

voulons  qu'ils  soient  tenus  et  considérés  comme  expieôsénient  pre- 
IiilxV  ipsofaeto,  et  sans  autre  déclaration.  » 
Tout  le  monde  sait  avec,  quel  zèle  cet.' 
conception  de  la  Vierge  mère  de  Dieu  a  :,  soutenue  et 

défendue  par  les  ordres  religieux  les  plus  il 
niies  le  théologie  les  plus  célèbres,  plus  ver- 

séidans  la  s  :ience sacrée,   fout  le  monde  sait  également  co 
évêques  ont  toujours  été  jaloux  ,  et  même  dans  les 
«astiques,   le  déclarer  ouvertement  et  publiquement 
'  •  mère  de  Dieu,  I 

ipteur  .i.  G.,  n'a  jamais  été  .  mais 

qu'elle  a  rement  préservée  delà  ,  etde 

te  .  rachel  5e  d'ui  e  açonplus  a  ' 

int  l'autorité  la  pi  le  do 

;  île-  En  Foj  lécret  dogmati  '- 

nei ,  où,  conformément  au 

saints  Pères  et  d  et 

ions  les  nom  ne-  irla  faut  lie;  1 

a  déclaré  at  qu'il  n'était  pas  dans  son  inti 

prendre  dans  ce  décr 
bienheureuse  et  imma m i..>  \  .  de  Diee   Par  cette 


MARIB.  423 

r1  '  '  g  Pères  de  Trente  ont  montré,  autant  que  les  temps  et 

les  n  inconstances  le  rendaient  opportun  ,  que  la  bienheureuse  Vierge 
Marie  a  été  exempte  de  la  tache  originelle,  et  ils  ont  ainsi  exprimé 
clairement  que  rien  'ans  les  divines  Lettres,  rien  dans  la  tradition 
ni  dans  l'autorité  des  Pères,  ne  peut  être  valablement  allégué  qui, 
en  quelque  manière  que  ce  soit,  porte  atteinte  à  cette  grande 
prérogative  delà  Vierge. 

Et  rien  n'est  plus  véritable  :  de  célèbre!?  monuments  de  la  véné- 
rable antiquité,  tant  de  l'Eglise  orientale  que  de  l'Eglise  occidentale, 
prouvent  en  effet  avec  évidence  que,  cette  doctrine  de  l'immaculée 
conception  de  la  très-bienheureuse  Vierge  Marie,  qui  a  été  dîme 
manière  s:  éclatante  expliquée  ,  déclarée  et  confirmée  chaque  jour 
davantage,  qui  s'est  propagée  d'une  façon  merveilleuse  chez  tous 
les  peuples  et  parmi  toutes  les  nations  du  monde  catholique,  avec  lo 
lèrni^  assentiment  de  l'Eglise,  par  son  enseignement,  son  zèle,  sa 
science  et  sa  sagesse  ,  a  toujours  été  professée  dans  l'Eglise  comme 
nain  en  main  de  nos  pères,  et  revêtue  du  caractère  de 
doctrine  iv\  êléù.  Car  l'Eglise  du  Christ,  vigilante  gardienne  et  pro- 
tectrice des  dogmes  qui  iui  sont  confiés ,  n'y  change  rien ,  n'en 
diminue  rien,  n'y  ajoute  rien;  mais  traitant  avec  une  attention 
scrupuleuse,  avec  fidélité  et  avec  sagesse  les  choses  anciennes ,  s'il 
en  est  que  l'antiquité  ait  ébauchées  et  que  la  foi  des  Pères  ait  indi- 
quées, elle  s'étudie  à  les  dégager,  à  les  mettre  en  lumière,  de  telle 
sorte  que  ces  antiques  dogmes  de  la  doctrine  céleste  prennent  l'évi- 
dence, l'éclat,  lanetteté,  touten  gardantleur  plénitude,  leur  intégrité, 
leur  propriété,  et  qu'ils  se  développent,  mais  seulement  dans  leur 
propre  nature ,  c'est-à-dire  en  conservant  l'identité  du  dogme ,  du 
sens ,  de  la  doctrine. 

Les  Pères  et  les  écrivains  de  l'Eglise ,  instruits  par  les  oracles 
'es.  n'ont  rien  eu  plus  à  cœur,  dans  les  livres  qu'ils  ont  com- 
pliquer les  Ecritures,  pour  défendre  les  dogmes,  pour 
nire  les  fidèles ,  que  de  célébrer  à  l'envi  et  d'exalter  de  mille 
manières  admirables  la  souveraine  sainteté  de  la  Vierge,  sa  dignité, 
intégrité  de  toute  tache  du  péché,  et  son  éclatante  victoire  sur 
le  cruel  ennemi  du  genre  humain.  C'est  pourquoi,  lorsqu'ils  rap- 
p     ent  les  paroles  par  lesquelles  Dieu,  dans  les  commencements  du 
t  les  remèdes  préparés  dans  sa  miséricorde  pour 
■r  les  mortels,  confondit  l'audace  du  serpent  séducteur  et 
dleusement  l'espérance  de  notre  race,  en  disant  :  «  Je 
mettrai  l'inimitié  entre  toi  et  la  femme,  entre  ta  race  et  la  sienne,  » 


424  MARIE. 

les  Pères  enseignent  que,  par  cet  oracle,  a  été"  clairement  et  ouverte^ 
mont  annoncé  le  miséricordieux  Rédempteur  du  genre  humain,  le 
Christ  Jésus,  Fils  unique  de  Dieu,  et  que  sa  bienheureuse  mère  la 
Vierge  Marie  y  est  aussi  désignée,  que  l'inimitié  du  fils  et  delà 
mère  contre  le  démon  y  sont  également  et  formellement  exprim 
C'est  pourquoi,  de  même  que  le  Christ  médiateur  de  Dieu  et  des 
hommes,  ayant  pris  la  nature  humaine,  efface  le  sceau  de  la  sen- 
tence qui  était  contre  nous,  et  triomphant  l'attache  à  la  croix;  de 
même  la  très-sainte  Vierge,  unie  à  lui  par  un  lien  étroit  et  indisso- 
luble, avec  lui  et  par  lui  exerçant  des  hostilités  éternelles  contre  le 
serpent  vénéneux  et  triomphant  pleinement  de  cet  ennemi,  a  écrasé 
sa  tête  de  son  pied  immaculé. 

Ce  triomphe  unique  et  glorieux  de  la  Vierge,  son  innocence  très- 
excellente,  sa  pureté,  sa  sainteté,  son  intégrité  préservée  de  '.< 
souillure  du  péché,  son  ineffable  richesse  de  toutes  les  gi 
célestes,  de  toutes  les  vertus,  de  tous  les  privilèges ,  sa  grandeur ,  les 
mêmes  Pères  en  ont  vu  l'image,  tantôt  dans  cette  arche  de  Noé, 
qui,  après  avoir  été  établie  de  Dieu,  échappa  pleinement  saine  et 
saine  au  commun  naufrage  du  monde  entier;  tantôt  dans  cette 
échelle  cjue  Jacob  vit  s'élever  de  la  terre  au  ciel;  sur  les  cb 
de  laquelle  les  anges  de  Dieu  montaient  et  descendaient,  tandis  que 
Dieu  lui-même  s  appuyait  sur  le  sommet;  tantôt  dans  ce  buisson 
que  Moïse  vit  tout  en  feu  dans  le  lieu  saint,  et  qui ,  au  milieu  des 
flammes  pétillantes,  loin  de  se  consumer  ou  de  souffrir  la  diminu- 
tion même  la  plus  légère,  verdissait  merveilleusement  et  se  couvrait 
de  fleurs;  tantôt  dans  cette  tour  inexpugnable  enlace  de  l'ennemi, 
à  laquelle  sont  suspendus  mille  boucliers,  et  l'armure  complète  d<  s 
forts;  tantôt  dans  le  jardin  fermé,  qui  ne  saurait  être  violé,  et  où 
aucune  ruse  ne  peut  introduire  la  corruption;  tantôt  dans  • 
éclatante  cité  de  Dieu,  qui  a  ses  fondements  dans  les  montagnes 
saintes;  tantôt  dans  ce  très-auguste  temple  de  Dieu,  qui,  brillant 
des  splendeurs  divines,  est  plein  de  la  gloire  du  S  ignenr;  tantôt 
dans  une  foule  d'autres  symboles  de  même  nature  par  lesquels,  selon 
la  tradition  d<  .   Ja  dignité  sublime  de  la  Mère  de  Dieu,  son 

innocence  sans  tache,  et  sa  sainteté  préservée  de  toute  atteinte» 
il  été  a  Imirablemenl  Dgurées  et  prédites. 
Pour  décrire  ce  même  ensemble,  ou,  pour  ainsi  parler,  cette  tota- 

Le  dons  divins  et  cette  intégrité  originelle  de  la  Vierge,  de  qui 
-us,  ces  mêmes  Pères,  se  servant  des  paroles  des  prophètes, 

célébré  l'auguste  Vierge  «dle-mômo  comme  la  colombe  pure, 


MARTE.  425 

la  sainte  Jérusalem,  le  trône  sublime  de  Dieu,  l'arche  de  sanctifi- 
cation et  la  maison  que  la  Sagesse  éternelle  s'est  bâtie;  comme  cette 
reine  qui,  remplie  de  délices  et  appuyée  sur  son  bien-aimé,  sortit 
de  la  bouche  du  Très-Haut  toute  parfaite,  toute  belle,  toute  chère  à 
Dieu.  Et  considérant  dans-  leur  cœur  et  leur  esprit  que  la  bienheu- 
reuse Vierge  Marie  a  été  au  nom  de  Dieu  et  par  son  ordre  appelée 
pleine  de  grâce  par  l'ange  Gabriel  lorsqu'il  lui  annonça  son  incom- 
parable dignité  de  mère  de  Dieu;  les  Pères  et  les  écrivains  ecclésias- 
tiques ont  enseigné  que  par  cette  singulière  et  solennelle  salutation 
dont  il  n'y  a  pas  d'autre  exemple,  il  est  déclaré  que  la  mère  de  Dieu 
est  le  siège  de  toutes  les  grâces,  qu'elle  a  été  ornée  de  tous  les  dons 
du  Saint-Esprit  ;  bien  plus,  qu'elle  est  comme  le  trésor  infini  et 
l'abîme  inépuisable  de  ces  dons;  de  sorte  qu'elle  n'a  jamais  été 
atteinte  par  la  malédiction,  et  que  participant,  en  union  avec  son 
fils,  à  la  bénédiction  éternelle,  elle  a  mérité  d'entendre  de  la  bou- 
che d'Elisabeth ,  inspirée  par  le  Saint-Esprit  :  Vous  êtes  bénie  entre 
toutes  les  femmes ,  et  le  fruit  de  vos  entrailles  est  béni. 

Aussi  c'est  leur  sentiment,  non  moins  clairement  exprimé  qu'una- 
nime, que  la  glorieuse  Vierge,  en  qui  celui  qui  est  puissant  a  fait 
de  grandes  choses,  a  brillé  d'un  tel  éclat  de  tous  les  dons  célestes, 
d'une  telle  plénitude  de  grâce,  et  d'une  telle  innocence ,  qu'elle  a 
été  comme  un  miracle  ineffable  de  Dieu,  ou  plutôt  le  comble  de 
tous  les  miracles,  et  en  un  mot  digne  mère  de  Dieu;  et  que  rappro- 
chée de  Dieu  autant  qne  le  comporte  la  nature  créée  et  plus  que 
toutes  les  créatures,  elle  s'élève  à  une  hauteur  que  ne  peuvent 
atteindre  les  louanges  ni  des  hommes,  ni  des  anges.  Pour  attester 
cet  état  d'innocence  et  de  justice  dans  lequel  a  été  créée  la  mère 
de  Dieu ,  non-seulement  ils  l'ont  souvent  comparée  à  Eve ,  vierge , 
innocente  et  pure,  avant  qu'elle  lut  tombée  dans  les  embûches 
mortelles  de  l'astucieux  serpent,  mais  encore  ils  l'ont  mise  au-dessus 
d'elle,  trouvant  mille  manières  admirables  d'exprimer  cette  supé- 
riorité. Eve,  en  effet ,  en  obéissant  misérablement  au  serpent,  per- 
dit l'innocence  originelle  et  devint  son  esclave;  mais  la  bienheureuse; 
Vierge ,  augmentant  sans  cesse  ses  dons  d'origine,  loin  de  jamais 
prêter  l'oreille  au  serpent,  détruisit  entièrement,  par  la  vertu 
divine  qu'elle  avait  reçue,  sa  force  et  sa  puissance. 

C'est  pourquoi  ils  n'ont  jamais  ceesé  d'appel  r  la  rère  de  Pieu, 
lis  parmi  les  épines,  terre  entièrement  intacte,  virginale,  sans 
tache,  immaculée,  toujours  bénie  et  libre  de  toute  contagion  u 
péché ,  dont  a  été  formé  le  nouvel  Adam  ;  paradis  tout  brillant,  tout 


t20  MARIE. 

agréable,  terni  parfait  d'inhoc 

établi  par  Dieu  nJétrie  et  dé     idù      i  les  emhuches  du 

serpent  vénéneux 3   bois  incorruplibl*  (jue  le  ver  du  péché  n'a 
jamais  _ài<':  foni  irii  I  .■•  ijoursclaire  j  scellée  par  la  vertu  de  L'Es] 
Saint;  temple  di\ in,  trésor  d'immoi  aie  «tu   ique  tille 

de  la  mort,  mal?  de  la  vie;  rejeton  'le  grâce  et  n> 
par  une  providence  spéciale  de  Lieu,  s'élevait  verd  l'une 

racine  mfe  tée  <•  rrdmpuef;  a  toujours  fleuri  en  dehors  des  lois 
établies  et  communes.  Et  comme  si  ces  choses,  malgré  les*  5] 
deur,  étaient  insuffisantes,  ils  ont  déclaré  par  des  par 
et  précisée  que,  Icmqil'i]  s'agit  du  péché,  il  ne  saurait  è're  en 
aucune  façon  question  de  ia  sainte  Vierge  Marie,  à  qui  a  été  donnée 
une  surabondance  de  grâces  pour  le  vaincre  entièrement.  Ils  ont  pro- 
que  la  très-glorieuse  Vierge  a  été  la  ré]  ,  t  ice  et 

une  source  de  vie  pour  le  genre  humain;  qu'elle  était  élue  avanl 
siècles;  que  le  Tout-Puissant  se  IViait  préparée;  que  Dieti  1 
prédite  quand  D  dit  au  serpent  :  «  Je  mettrai  l'inimitié  entre  i 
lu  femme  ;  »  et  que  c'est  elle ,  il  n'en  faut  pa  rasé 

la  tète  venimeuse  de  ce  môme  serpent.  C'est  pourquoi  ils  on 
que  cette  bienheureuse  Vierge  avait  été .  par  grâce ,  exempt 
tache  du  péché;  et  pure  de  toute  contagion,  et  du  corps,  et  de  l'âme, 
et  de  l'intelligence;  que,  toujours  en  Communication  avec  Dieu,  et 
unie  à  lui  par  une  alliance  éternelle,   elle  n'a  jamais  été  dans   les 
ténèbres,  mais  toujours  dans  la  lumière;  et  que  c'est,  pu 
pour  la  grâce  originelle  qui  était  en  elie  et  non  pour  l'étal  de  son 
corps,  qu'elle  a  été  une  demeure  digne  du  Christ. 

A  tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  il  faut  joindre  tes  magnifique* 
paroles  par  lesquelles,  en  parlant  de  la  conception  de  la  Viei  ge  ,  les 
Pères  ont  rendu  ce  témoignage  que  Janati  ottatii  vàinctfô 

par  la  grâce,  s'était  arrêtée    tremblante  et  dans  l'impur- n;      dé 
suivre  sa  marche;  car  il  devait  Èë  faire  que  la  Vi(  rç*é  mère  de  Diett 
ne  seraiteonçue  d'Anne  qu'après  (pie  lagrflCe  aurait  porté  son 
Cette  conception,  en  effet,  était  celle  de  la  femme  p 
qui  de\ait  être  COhÇÙ   le  ''ivmicr-né   de  tOUl  'ations.  llsont 

déposé  que  la  chair  de  la  \  ierge  prise  d'Adan  i  .int  reçu  tes 

souillures  d'Adam;  (]u'ainsi  la  bienheureuse  Vi<  i  m  temple 

créé  pat  Dieu  même,  formé  par  le  Saint-Esprit,  enrichi  mtdé 

'pourpiv   :  de  tout  es  (pie  l'or  I  peut 

donner  d'éclat;  qu'il  faut  à  juste  titre  l'honorer  comme  leco   I         li- 
vre propre  de  fa  diviuii'1  •  .  ..   e  aux  traits  enflammât 


MAREE.  12" 

du  malin  esprit,  comme  une  nature  toute  belle  et  sans  aucune 
tacli   .  tant  sur  le  inonde,  au  moment  de  sa  conception  imma- 

culée, tous  les  feux  d'une  brillante  aurore.  Il  ne  convenait  pas,  en 
effet,  que  ce  vase  d'élection  fût  terni  des  souillures  ordinaires,  car 
bien  dînèrent  de  tous  les  autres,  il  est  venu  de  la  nature,  sans  venir 
de  la  faute;  bien  plus,  il  était  tout  à  fait  convenable  que,  comme  le 
Fils  unique  a  eu  pour  père  dans  les  cieux  celui  que  les  séraphins 
proclament  trois  fois  saint ,  il  eût  aussi  sur  la  terre  une  mère  qui 
n'eût  jamais  été  privée  de  l'éclat  de  la  sainteté.  Et  cette  doctrine  était 
endée  si  avant  dans  les  esprits  et  les  pensées  de  nos  pères,  qu'elle 
avait  fait  adopter  parmi  eux  ce  langage  tout  particulier  et  si  éton- 
nant, par  lequel  ils  avaient  coutume  d'appeler  la  mère  de  Dieu: 
immaculée  et  immaculée  à  tous  égards,  innocente  et  l'innocence 
mêîne,  intègre  et  d'une  intégrité  parfaite,  sainte  et  exempte  de  toute 
souillure  de  péché,  toute  pure,  toute  chaste,  le  type  même  de 
la  pureté  et  de  l'innocence,  plus  belle  que  la  beauté,  d'une  grâce 
au-dessus  de  toute  espèce  de  charme,  plus  sainte  que  la  sainteté, 
la  seule  sainte,  très-pure  d'âme  et  de  corps,  vierge  qui  a  surpassé 
toute  chasteté  et  toute  virginité,  la  seule  qui  ait  été  faite  tout  entière 
le  tabernacle  de  toutes  les  grâces  du  Saint-Esprit,  celle  qui ,  au-des- 
sous de  Dieu  seul,  est  au-dessus  de  toutes  les  créatures,  qui  par  nature 
est  plus  belle,  plus  parfaite,  plus  sainte  que  les  chérubins  et  leà 
séraphins,  que  toute  l'armée  des  anges,  et  dont,  ni  sur  la  terre, 
ns  le  ciel,  aucune  langue  ne  peut  dignement  célébrer  les  louan- 
ges. Ce  langage,  personne  ne  l'ignore,  a  passé  tout  naturellement 
dans  les  monuments  de  la  sainte  liturgie  et  dans  les  offices  ecclé- 
siastiques; on  l'y  retrouve  çà  et  là,  il  y  règne  et  y  domine  :  la  mère 
de  Dieu  y  est  invoquée  et  louée  comme  la  seule  colombe  de  beauté, 
exempte  de  corruption  ;  comme  la  rose  toujours  dans  l'éclat  de 
sa  fleur;  comme  entièrement  et  parfaitement  pure,  et  toujours 
immaculée  et  toujours  heureuse,  et  elle  y  est  célébrée  comme 
l'innocence  qui  n'a  souffert  aucune  atteinte,  comme  une  autre  Eve 
qui  a  enfanté  l'Emmanuel. 

Il  n'y  a  donc  pas  lieu  vie  s'étonner  si  cette  doctrine  de  l'immaculée 
conception  de  la  Vierge  mère  de  Dieu,  consignée  dans  les  divine? 
écritures,  au  jugement  des  Pères,  qui  l'ont  transmise  par  leurs 
témoignages  si  exprès  et  en  si  grand  nombre,  doctrine  qu'expriment 
altent  tant  d'illustrés  monuments  de  la  vénérable  antiquité,  et 
l'Eglise  a  proposée  et  confirmée  par  le  plus  grave  jugement,  il 
n'y  a  pas  Lea  ue  s'étonner  si  cette  doctrine  à  excité  tant  de  piété,  de 


128  tfÀME. 

sentiments  religieux  et  d'amour  chez  les  pasteurs  mêmes  de  l'Eglise 
et  chez  les  peuples  fidèles,  qu'ils  se  sont  glorifiés  d'une  manière  de 
jour  en  jour  plus  éclatante,  et  que  rien  ne  leur  est  plus  doux  et  pins 
cher  que  d'honorer,  de  vénérer,  d'invoquer  et  célébrer  partout,  avec 
une  dévotion  ardente,  la  Vierge  mère  de  Dieu,  conçue  sans  lâche 
originelle.  Aussi,  dès  les  temps  anciens,  les  pontifes,  les  membres 
du  clergé ,  les  ordres  religieux ,  les  empereurs  même  et  les  rois  ont 
demandé  instamment  à  ce  siège  apostolique  de  définir  l'humai 
conception  de  la  très-sainte  mire  de  Dieu  comme  dogme  de  la  foi 
cathulique.  Ces  demandes  ont  été  renouvelées  de  nos  jours;  elles  ont 
été  adressées  surtout  à  notre  prédécesseur  Grégoire  XVI,  d'heureuse 
mémoire,  et  à  nous -même,  soit  parles  évoques,  soit  par  le  cli 
séculier,  soit  par  les  ordres  religieux,  soit  par  les  souverains  et  par 
les  peuples  fidèles. 

Aussi,  connaissant  parfaitement  toutes  ces  choses,  y  trouvant 
pour  nous -même  les  motifs  de  la  plus  grande  joie,  et  en  faisant 
l'objet  d'un  sérieux  examen  ,  à  peine  avons-nous  été,  malgré  notre 
indignité,  porté,  par  les  desseins  mystérieux  de  la  divine  providence, 
sur  cette  chaire  sublime  de  Pierre,  pour  prendre  en  main  le  gou- 
vernail de  toute  l'Eglise,  que  dans  le  sentiment  de  vénération,  de 
piété  et  d'amour  dont  nous  fûmes,  dès  notre  enfance,  pénétré  pour 
la  très-sainte  Vierge  Marie,  mère  de  Dieu,  nous  avons  altac!  Le 
plus  grand  prix  à  faire  tout  ce  que  pouvait  encor.'  désirer  L'Eglise 
pour  honorer  davantage  la  bienheureuse  Vierge  et  donner  un  nouvel 
éclat  à  ses  prérogatives.  Mais  voulant  apporter  à  cela  toute  la  matu- 
rité p  issible,  m  »us  constituâmes  une  congrégation  particulière  formée 
de  plusieurs  de  nos  vénérables  frères  les  cardinaux  de  la  sainte  E  Lise 
romaine  ,  distingués  par  leur  piété  ,  leur  prudence  et  leur  science 
dans  les  choses  divines.  Nous  choisîmes  en  outre,  tant  dans  le  clergé 
dier  que  dans  le  clergé  régulier,  des  hommes  profondément 
versés  dai  3  les  sciences  théologiques,  afin  que  tout  ce  qui  concerne, 
i  immaculée  conception  de  la  Vierge  fût  examiné  par  eux  ave-  le 
plus    rand  soin,  et  q  -   >sent  leur  propre  Bentime  t. 

Etquoi     '■  1 1  ••  ■"  les  qui  non-  avaient  été  adres 

de  définir  enfin  L'immaculée  conception  de  la  Vierge,  nous  fit  v  iir 
clairement  quel  'tait  en  ce  point  le  sentiment  de  la  plupart  les  pas-, 
leurs  nous  <u  à  tous  n  >-  vénérables  frèn 

évê  [ucs  du  monde  catholique  une  Lettre  encyi  lique  donnée  à 
leSfévriei  l    19 ,  pour  leur  demander  d'i  !      -■  r     Dieu  les  prières. 
et  de  nous  faire  ensuite  savoir  par  é-  rit  quelle  était  la  piété  et  U 


MARTE.  d29 

dévotion  de  leurs  fidèles  envers  la  conception  immaculée  de  la  mère 
de  Dieu,  et  surtout  ce  qu'ils  pensaient  eux-mêmes  de  la  définition  à 
porter,  quel  était  sur  ce  point  leur  désir,  afin  de  rendre  notre  juge- 
ment suprême  avec  toute  la  solennité  possible. 
Ce  n'a  pas  été,  certes,  une  faible  consolation  pour  nous,  quand  les 

■  ponses  de  nos  vénérables  frères  nous  sont  arrivées.  Mettant  à  nous 
écrire  l'empressement  d'une  joie  et  d'un  bonheur  inexprimables, 
non-seulement  ils  nous  ont  confirmé  de  nouveau  leurs  pieux  senti- 
ments et  la  pensée  qui  les  anime,  eux  tout  particulièrement,  et 
leur  clergé,  et  le  peuple  fidèle  envers  la  conception  immaculée  de  la 
bienheureuse  Vierge,  mais  encore  ils  ont  sollicité  de  nous,  comme 
par  l'expression  d'un  vœu  commun ,  que  l'immaculée  conception  de 
la  Vierge  fût  définie  par  le  suprême  jugement  de  notre  autorité.  Nous 
n'éprouvâmes  pas  moins  de  joie  lorsque  nos  vénérables  frères  les 
cardinaux  de  la  sainte  Eglise  romaine ,  composant  la  congrégation 
spéciale  dont  nous  avons  parlé ,  et  les  théologiens  consulteurs  choi- 
sis par  nous,  après  avoir  mûrement  examiné  toutes  choses ,  nous 
demandèrent,  avec  le  même  zèle  et  le  même  empressement,  cette 
.1  éfinition  de  la  conception  immaculée  de  la  mère  de  Dieu. 

Suivant  les  traces  glorieuses  de  nos  prédécesseurs,  et  désirant 
procéder  conformément  aux  règles  établies,  nous  avons  ensuite 
convoqué  et  tenu  un  consistoire  où,  après  avoir  parlé  à  nos  véné- 
rables frères  les  cardinaux  de  la  sainte  Eglise  romaine ,  nous  avons 
i\i  l'extrême  joie  de  les  entendre  nous  demander  de  vouloir  bien 
émettre  une  définition  dogmatique  au  sujet  de  l'immaculée  concep- 
tion de  la  Vierge  mère  de  Dieu. 

Plein  de  confiance  en  Dieu,  et  persuadé  que  le  moment  opportun 
était  venu  de  définir  l'immaculée  conception  de  la  très-sainte  Vierge 
mère  de  Dieu,  qu'attestent  et  mettent  merveilleusement  en  lumière 
les  oracles  divins,  la  vénérable  tradition  ,  le  sentiment  permanent 
de  l'Eglise,  l'accord  admirable  des  pasteurs  catholiques  et  des  fidèles, 
les  actes  éclatants  et  les  constitutions  de  nos  prédécesseurs;  après 
avoir  examiné  toutes  choses  avec  le  plus  grand  soin,  et  offert  à  Dieu 
des  prières  assidues  et  ferventes,  il  nous  a  paru  que  nous  ne  devions 
plus  différer  «ie  sanctionner  et  de  définir  par  notre  jugement  suprême 
l'immaculée  conception  de  la  Vierge,  et  de  satisfaire  ainsi  au  très- 
pieux  désir  du  monde  catholique  et  à  notre  propre  dévotion  envers 
la  très -sainte  Vierge,  afin  d'honorer  déplus  en  plus  son  fils  unique 
Notre-Seigneur  J.  C. ,  puisque  tout  ce  qu'on  rend  d'honneur  et  de 
louange  à  la  mère  retourne  à  la  gloire  du  fils. 


130  MARIE. 

Ci  ,  n'ayant  ja  m  aia  beseé  J  •!  Vi-ir.  dans  l'humilité  et  le 

jeûne,  nos  prières  particulières  et  les  prières  publiques  de  l'Eglise 
à  Dieu  le  l'ère  par  son  Fils,  pour  qu'il  daignât  diriger  ot  Tort  t 
notre  àme  par  la  vertu  de  l'Esprit-Saint,  après  avoir  encore  imploré 
l'assistance  de  toute  la  cour  céleste,  et  appelé  par  nos  gémissements 
L'Esprit  cou;  I    >  .t  aujourd'hui  sous  son  inspiration,  pour 

l'honneur  de  la  sainte  et  indivisible  Trinité  ,  pour  la  g-  i  de 

la  Vierge  mère  de  Dieu,  pour  l'exaltation  de  la  foi  catholique  et  pour 
l'accroissement  de  la  religion  chrétienne,  par  l'autorité  de  N<  tre- 
Seigneur  J.  C,  des  bienheureux  apôtres  Pierre  et  Paul,  et  par  la 
uûtre,nous  déclarons,  prononçons  et  définissons  que  la  doctrine 
selon  laquelle  la  bienheureuse  Vierge  Marie  fut  dès  le  pre 
instant  de  sa  conception ,  par  une  grâce  et  un  privilège  spécial  de 
Dieu  tout-puissant,  en  vue  des  mérites  de  J.  G.,  sauveur  lu  genre 
humain ,  préservée  et  exempte  de  toute  souillure  de  la  faute  0 
nelle,  est  révélée  de  Dieu,  et  que  par  conséqiv  nt  elle  doit  être  crue 
iermement  et  constamment  par  tous  les  fidèles.  Si  donc  quelques- 
uib,  ce  qu'à  Dieu  ne  plaise,  avaient  la  présomption  de  penser  dans 
leur  cœur  autrement  qu'il  n'a  été  défini  par  nous,  qu'ils  apprennent 
et  sachent  que,  condamnés  par  leur  propre  jugement,  ils  ont  fait 
naufrage  hors  de  la  foi  et  quitté  l'unité  de  l'Eglise;  et  de  plus  que 
si ,  par  la  parole,  par  l'écriture  ou  par  toute  autre  voie  extérieure, 
ils  osaient  exprimer  ces  sentiments  de  leur  cœur,  ils  encourraient 
ipso  facto  les  peines  portées  par  le  droit. 

Ri  -     .us  s'ouvrent  ùans  la  joie  et  notre  langue  parle  dans  l'allj- 
gre^-  rendons  et  nous  ne  cesserons  jamais  de  rendre  les  plus 

humbles  et  les  plus  ardentes  actions  Je  grâces  au  Christ  Jésus  Notre- 
Seigneur  qui,  malgré  notre  indignité  ,  nuus  a  fait  la  faveur  singu- 
lière d'oflïir  et  de  décerner  cet  honneur,  cette  gloire  et  eettr  fou 
à  sa  très-sainte  mère.  Et  nous  nous  reposons  avec  une  confiance 
entière  et  absolue  dans  la  certitude  de  nos  espérances,  la  bienheu- 
reuse \  i  e  belle  et  immaculée,  a  brisé  la  tète  vénéneuse 
fttt cruel  s»rpe  il  et  a  apporté  le  salut  au  monde;  qui  estla  louange  de:i 
prophètes  et  d  ê  apôtres ,  l'honneur  tles  martyrs,  la  j* »ie  et  la  cou- 
ronne de  its  ;  qui ,  refuge  assuré  et  auxiliafrice  invio- 
lé de  quiconque  est  en  péril,  médiatrice  et  conciliatrice  toute- 
;  iv  aupj  lils  unique,  gloire,  splendeur  et 
sauvej  !■  la  saint-  i  toujours  détruit  toutes  les  héré- 
sies ;  qui  a  arracb  aux  mau 
toute  espèce  les  peuules  fidèles  et  les  nation»,  et  jui  nous  a  duivié 


MARTE.  131 

même  des  périls  sans  nombre  dont  nous  étions  assailli,  la 
bienheureuse  Vierge  fera,  par  son  puissant  patronage,  que,  tous  les 
obstacles  étant  écartés  ,  toutes  les  erreurs  vaincues,  la  sainte  Eglise 
catholique  notre  mère  se  fortifie  et  fleurisse  chaque  jour  davantage 
!  tous  les  peuples  et  dans  toutes  les  contrées,  qu'elle  règne 
ie  mer  à  l'autre,  des  rives  du  fleuve  aux  extrémités  de  la  terre, 
qu'elle  jouisse  pleinement  de  la  paix,  de  la  tranquillité,  de  la  liberté, 
afin  que  les  coupables  obtiennent  le  pardon,  les  malades  le  remède, 
les  faibles  la  force  de  l'âme,  les  affligés  la  consolation,  ceux  qui 
sont  en  péril  le  secours;  afin  que  tous  ceux  qui  errent,  voyant  se 
dissiper  les  ténèbres  de  leur  esprit,  reviennent  au  sentier  de  la 
Térité  et  de  la  justice,  et  qu'il  n'y  ait  qu'un  troupeau  et  qu'un 
pasteur. 

Queto\is  nos  bien-aimés  fils  de  l'Eglise  catholique  entendent  nob 
paroles;  qu'ils  persévèrent,  et  avec  une  ardeur  encore  plus  vive  de 
piété,  de  religion  et  d'amour,  à  honorer,  invoquer  et  prier  la  bien- 
heureuse Vierge  Marie  mère  de  Dieu,  conçue  sans  tache  originelle, 
et  qu'ils  aient  recours  avec  une  entière  confiance  à  cette  douce  mère 
de  grâce  et  de  miséricorde  dans  tous  leurs  dangers,  leurs  angoisses, 
jeurs  nécessités,  leurs  craintes  et  leurs  frayeurs.  Il  n'y  a  rien  à 
craindre;  il  n'y  a  jamais  lieu  de  désespérer  quand  on  marche  sous 
la  conduite,  sous  les  auspices,  sous  le  patronage  et  sous  la  protec- 
tion de  celle  qui ,  ayant  pour  -nous  un  cœur  de  mère ,  et  se  char- 
geant de  l'affaire  de  notre  salut,  étend  sa  sollicitude  à  tout  le  genre 
humain.  Etablie  par  le  Seigneur  reine  du  ciel  et  de  la  terre,  exaltée 
au-dessus  de  tous  les  chœurs  des  anges  et  de  tous  les  ordres  des 
saints,  assise  à  la  droite  de  son  fils  unique  Notre-Seigneur  J.  C,  ses 
prières  maternelles  ont  une  force  toute-puissante;  ce  qu'elle  veut, 
elle  l'obtient;  elle  ne  peut  demander  en  vain. 

Enfin,  pour  que  cette  définition  de  l'immaculée  conception  de  la 
bienheureuse  Vierge  Marie  parvienne  à  la  connaissance  de  toute 
ise,  nous  avons  voulu  publier  cette  lettre  apostolique  qui 
en  conservera  à  jamais  la  mémoire;  ordonnant  que  les  copies  ou 
exemplaires,  même  imprimés,  de  cette  lettre ,  s'ils  sont  souscrits 
par  un  notaire  public  ou  munis  du  sceau  d'une  personne  constituée 
en  dignité  ecclésiastique ,  fassent  foi  pour  tous,  comme  si  l'original 
même  était  produit. 

Qu'il  ne,  soit  donc  permis  à  aucun  homme  d'enfreindre  le  texte 
Je  notre  déclaration,  décision  et  définition,  ou  par  une  audace 
téméraiic  ae  le  contredire  et  de  s'y  upuuser.  si  quelqu'un  ne  craint 


132  MARIE. 

pas  de  commettre  cet  attentat,  qu'il  sache  qu'il  encourra  l'indigna- 
tion de  Dieu  tout-puissant  et  de  ses  bienheureux  apôtres  Pierre  et 
Paul. 

Donné  à  Rome,  près  Saint-Pierre,  l'an  de  l'Incarnation  de  Notre- 
Seigneur  mil  huit  cent  cinquante-quatre,  le  six  des  ides  de  décembre 
de  l'année  MDCCCLIV,  de  notre  pontificat  Tan  neuvième. 

PIUS  IX,  pape. 


V.  Marie  n'a    |\f  auie  conçue  sans  péché,  immaculée  dans  sa  conception ,  née  sans 
jamais  pe<  hé;  _  ,      ,,       ,,  .       . 

elle  tache ,  vécut  sans  tache  ;  jamais  elle  n'éprouva  aucune  révolte  dans 

impeccable.    les  8en9J  (lans  la  chair,  dans  l'âme,  dans  l'esprit  et  dans  le  cœur 

Marie  n'a  jamais  commis  la  moindre  faute,  le  plus  léger  péché 

véniel.  C'est  la  ferme  croyance  et  l'enseignement  formel  del'Egl'.se; 

le  saint  concile  de  Trente  l'a  déclaré  (  Sens.  VI,  can.  x\ui). 

A  l'extérieur,  Dieu  éloignait  de  Marie  les  occasions  du  p€cft£; 
à  l'intérieur,  il  lui  suggérait  de  saintes  pensées  et  de  sublimes 
désirs.  Elle  ne  s'occupait  que  de  Dieu.  Son  intelligence  était  remplie 
de  lumières,  sa  volonté  de  célestes  affections.  Elle  éprouvait  une 
horreur  invincible  pour  le  démon  ,  pour  le  péché,  et  semblable  aux 
eaux  d'un  fleuve  rapide ,  elle  avançait  constamment  dans  la  voie  de 
ia  plus  sublime  perfection.  Jamais  ses  forces  et  son  ard  sur  pour  le 
bien  ne  diminuèrent,,  mais  elles  allèrent  au  contraire  toujours  en 
augmentant. 

Deux  causes  préservèrent  Marie  même  de  la  faute  la  plus  légère. 
Èa  première  est  la  protection  et  la  constante  assistance  de  Dieu,  qui 
gouvernaient  et  réglaient  tellement  tout  en  elle,  qu'elles  préve- 
naient mieux  encore  que  dans  Adam  innocent  tout  mouvement , 
•m*  me  indélibéréf  de  la  concupiscence.  Telle  fut  la  véritable  cause  de 
'assoupissement ,  ou  plutôt  de  L'extinction  absolue  du  foyer  de  la 
concupiscence  et  de  l'absence  de  tout  péché  en  Marie.  La  seconde 
sause  fut  la  parfaite  correspondance  qu'elle  apporta  à  toutes  les 
grâces  et  son  aident  amour  pour  Dieu 

Il  faut  avouer  que,  par  sa  dignité  le  mère  de  Dieu,  Marie  méritait 
sett  •  resgue  confirmée  en  grâce  et  comme  impecca- 

ble. Il  était  d'ailleurs  tivs-c  mvenable  qu'il  en  fût  ainsi,  parce  qu'elle 
est  l'avocate,  La  médiatrice  et  en  quelque  sorte  la  rédemptrice  des 
Oommes.  Beaucoup  de  docteurs  ont  soutenu  que  Marie  était  absolu- 
a      .  C'est   le  sentiment  «le  saint  Bonaventure ,  de 
Aichard  le  Saint- Victor  ,  de  Marsilius ,  d'Alniain,  et  de  beaucoup 


WÀME.  133 

d'autres.  La  plupart  croient  que  Marie  était  du  moins  moralement 
impeccable,  et  par  ceLte  impeccabilité  morale,  ils  entendent  la  cer- 
titude infaillible  où  elle  se  trouvait  qu'elle  ne  pécherait  pas. 

Celle  qui  avait  été  destinée  par  Dieu  à  écraser  la  tête  du  serpents 
ne  pouvait  pas  tomber  dans  les  pièges  de  l'ennemi  des  hommes 

Celle  qui  devait  porter  dans  son  sein  le  Sauveur  du  monde  devait 
être  sans  tache. 

Cieux,  versez  votre  rosée  ;  nuées,  envoyez  le  juste  comme  une  pluie;     vl-  Nativta 

que  la  terre  s'ouvre  et  qu'elle  enfante  le  Sauveur  :  Borate,  cœli,  desu- 

per ,  et  nubes  pluant  justum  ;  aperiatur  terra  et  germinet  Salvatorem 

(Isai.  xlv.  8).  Ces  paroles  prophétiques,  admirable  expression  des 

désirs  d'Isaïe,  s'appliquent  à  J.  C,  mais  aussi  àMarie,  puisque  sans 

Marie  le  Verbe  ne  se  serait  pas  incarné. 

Une  étoile  sortira  de  Jacob,  dit  Balaam  :  Orietur  Stella  ex  Jacob 
(Nun.  .\xrv.  17).  Cette  étoile  c'est  Marie;  elle  vient  au  monde 
comme  l'astre  brillant  de  l'aurore  qui  annonce  le  lever  du  soleil  de 
l'éternité.  Aussi  l'Eglise  invoque-t-elle  Marie  sous  le  nom  d'Etoile 
du  matin  :  Stella  matutina  (Litan.  ). 

Un  rejeton,  dit  Isaïe,  naîtra  de  la  tige  de  Jessé;  une  fleur  s'élèvera 
de  sa  racine  :  Fgredietur  virga  de  radiée  Jesse,  et  flos  de  radiée  ejus 
ascendet  (  xi.  4  ).  L'esprit  du  Seigneur  reposera  sur  ce  rejeton,  l'esprit 
de  sagesse  et  d'intelligence ,  l'esprit  de  conseil  et  de  force,  l'esprit  de 
science  et  de  piété,  et  il  le  remplira  de  la  crainte  du  Seigneur  :  Et 
reguiescet  super  eum  spiritus  Dowini  ;  spiritus  sapientiœ  et  intellectus , 
tpiritus  consilii  et  fortitudinis,  spiritus  scientiœ  et  pietatis,  et  replebit 
mm  spiritus  tirnoris  Domini  (Ibid.  2.3).  Voilà  des  prophéties  qui  se 
sont  accomplies  en  Marie  lors  de  sa  nativité. 

Levez-vous,  hâtez-vous,  ma  bien-aimée,  ma  colombe,  vous  qui  êtes 
belle  à  mes  yeux,  venez  :  Surge,  propera,  arnica  mea,  columba  mea , 
formosa  mea,  et  veni  (Cant.  il.  10).  Avant  la  venue  de  J.  C,  le  ciel 
et  la  terre  empruntaient  à  l'envi  ces  paroles  pour  exprimer  combien 
ils  désiraient  la  naissance  de  celle  qui  devait  être  la  mère  du  libéra- 
teur promis.  Accomplissant  le  serment  que  j'ai  fait  à  Abraham  ton 
père,  je  te  bénirai,  dit  le  Seigneur  à  Isaac,  et  toutes  les  nations  de 
la  terre  seront  bénies  en  ta  postérité  :  Benedicam  tibixcomplens  jura- 
mentum  quod  spopondi  Abraham  pat  ri  tuo  :  et  benedicentur  in  semine 
tuo  omnes  gentes  terrœ  (Gen.  xxvi.  3.  4).  Venez,  ô  libérât  r  du 
genre  humain;  en  vous  comme  en  J.  C,  ou  plutôt,  en  vous  p  ■  J .  C, 
toutes  les  nations  de  la  terre  seront  bénies.  Je  vous  salue,  plc.ue  de 


134  MAKTE. 

grâce,  le  Seigneur  est  avec  vous;  vous  êtes  bénie  entre  fouies  les 
femmes  :  Ave,  gratia  plena,  Dominus  tecum;  benedicta  tu  in  mulieribus 
(Luc.  i.  23). 

A  la  naissance  de  cette  incomparable  Vierge ,  le?  ancres  s'écrient  : 
Quelle  e=t  celle-ci  qui  s'avance  comme  l'aurore  naissante,  bell 
comme  la  lune,  brillante  comme  le  soleil,  terrible  comme  une 
armée  rangée  en  bataille  ?  Quœ  est  ista  quœ  progreditur  quasi  nurora 
consurgens,  pulchra  ut  luna,  electa  ut  sol,  terribilis  ut  custrorum  acies 
ordinata?  (  Cant.  tt.  9.) 

Ne  pouvait-on  pas  dire  à  la  naissance  de  Marie,  ce  que  l'anse  dit 
aux  bergers  à  la  naissance  de  J.  C.  :  Je  vous  annonce  ce  qui  sera 
une  gran  le  joie  pour  tout  le  peuple?  Il  vous  est  né  aujourd'hui  un 
sauveur.  Gloire  à  Dieu,  dans  les  hauteurs  du  ciel,  et  paix  sur  la 
terre  aux  hommes  de  bonne  volonté  (  Luc.  n.  10.  il.  14). 

En  créant  Marie  ,  Dieu  pensait  à  J.  C;  il  ne  travaillait  que  pour 
lui,  dit  Tertullien  :  Christus  cogitahatur  [  De  Resurrect.  carnis,  n  1  ). 
Ainsi ,  ne  vous  étonnez  pas,  dit  Bossuet ,  ni  s'il  l'a  formée  avec 
tant  de  soin ,  ni  s'il  l'a  fait  naitre  avec  tant  de  grâces  :  c'est  qu'il  no 
l'a  formée  qu'en  vue  du  Sauveur.  Pour  la  rendre  digne  de  son  Fils, 
il  la  tire  sur  son  Fils  même,  et  devant  nous  do. mer  bientôt  ?<  n 
Verbe  incarné,  il  nous  fait  déjà  paraître  aujourd'hui ,  on  la  oal 
de  Marie  ,  un  J.  C.  ébauché ,  si  je  puis  parler  de  la  sorte,  un  J.  C. 
commencé,  par  une  expression  vive  et  naturelle  de  &es  penecùuiia 
infinies  (Serm.  v  sur  fa  Nativ.  ). 

Le  Seigneur  choisit  Marie  pour  lui;  jugez  de  quelle  gtSfcmi  et.  ri» 
quelles  richesses  il  la  combla  dès  sa  naissance  !  Je  vois  déjà  briller  en 
elle  l'innocence  de  J.  G.,  qui  couronne  sa  tète.  A  Ja  naissance  de 
la  Vierge,  l'aurore  du  grand  jour  de  J.  C.  se  leva,  dit  saint  Pierre 
Damien  :  Ifùia  Virgine  sutrexit  aurora  (  Serm.  xl  in  As-nmpt.  ).  La 
ifé  du  matin  est  un  gage  de  celle  de  la  journée.  Marie  venant 
enfin  annoncer  la  lumière,  nous  a  donné  par  Ha  naissance  le  plus 
pur  et  le  plus  brillant  des  matins,  dit  le  même  Père  :  Maria  sero 
prawià  luminis ,  nativitate  sua  mane  àlarissimuth  serenavit  (  Ut  supra). 
Que  pensez-vous  que  sera  cet  enfant?  disait-on  à  Ja  naissance  de 
Jean-Baptiste  :  Qui  tef  iste  erit?  (  Lue.  ft  GH.)  Que  penser  de 

Marie  naissante?  que  sera-t-elle?  Mère  de  Dieu I   Voilà  comment  il 

faut  mesurer  sa  grandeur File  est  le  temple  vivant  où  se  repi 

Jéhovah!...  Avec  elle  arrivera  notre  salut Que  sera  cet enfant  1 

La  m  les  mortels 

La  nativité  la  terre;  Vassomption  la  donne  au 


WAftTE.  135 

ciel Dans  sa  natitîté,  Marie  reçoit  tous  les  biens,  et  elle  nous  les 

communique... 

Marte  veut  dire  docteur,  maîtresse ,  guide  sur  la  mer.  Marie,  dit   vn.  si-ni!i- 
aint  Isidore ,  signifie  lumière  ou  étoile  de  la  mer;  car  Marie  a  mis     Je  Marie, 
au  momie  la  lumière  éternelle  (  Lib.  Vil  Etymol.,  c.  x). 

■ie  lit  enten  Ire  ces  paroles  prophétiques  :  En  vous  invoquant, 
ils  invoqueront  un  grand  nom  :  Nomen  magnum  invocabunt  in  te 
(xi».  15). 

Vous  serez  grande,  est-il  dit  de  Judith,  et  votre  nom  sera  prononcé 
dans  toute  la  terre  :  Tu  magna  eris ,  et  nomen  tuum  nominabitur  in 
universa  terra  (xi.  21  ).  Or,  Judith  n'était  que  la  figure  de  Marie. 

Aujourd'hui  le  Seigneur  a  rendu  votre  nom  si  glorieux,  que  la 

bouche  des  hommes  ne  cessera  de  vous  louer  :  Hodie  nomen  tuum  ita 

<(lcavit,ut  non  recédât  laus  tua  de  ore  horninum  (Judith,  xn.  15). 

Le  nom  de  Marie  équivaut  à  une  prophétie,  dit  saint  Pi?rre 
Chrysologue.  Il  signifie  salut  pour  ceux  qui  renaissent,  gloire  de  la 
vertu ,  honneur  de  la  pureté ,  arrivée  de  la  chasteté,  sacrifice  d'un 
Dieu,  tendresse  miséricordieuse  qui  ne  repousse  personne,  réunion 
de  tout  ce  qu'il  y  a  de  saint.  Le  nom  de  la  mère  de  J.  G.  est  ajuste 
titre  un  nom  maternel  (1). 

Votre  nom,  ô  mère  de  Dieu,  est  plein  de  bénédictions,  dit  Métko- 
dius  {Orat.  in  IJyp.). 

Les  ennemis  que  nos  yeux  peuvent  voir ,  dit  saint  Bernard ,  crai- 
gnent moins  une  nombreuse  armée  rangée  en  bataille,  que  les 
puissances  de  l'air  ne  redoutent  le  nom  de  Marie;  partout  où  elles 
le  trouvent  souvent  prononcé ,  dévotement  invoqué,  partout  où 
l'on  imite  les  vertus  de  celle  qui  le  porte,  elles  fondent  et  disparaÏE- 
sent  comme  la  cire  devant  le  feu  (2). 

L'invocation  du  nom  de  Marie  sauve  quelquefois  plus  prompte- 
ment  que  celle  du  nom  de  Jésus ,  dit  saint  Anselme;  non  pas  que  le 
nom  de  Marie  soit  plus  grand  et  plus  puissant  que  celui  de  Jésus  : 
il  ne  lire  point  sa  grandeur  et  sa  puissance  de  Marie,  mais  de  Jésus 

(1)  Nomen  hoc  |  -rmanttm  est;  hoc  renascentibus  sahitare,  !  oc  virtutià 

■.  boc  pudicilue  decus,  hoc  in  liciutn  castitatis,  hocDei  sacrifîcium,  hoc  hospi- 

t  .  Mi-tns,  hoccollegium  sanctitalis.  Merito  ergo  matris  Ghristi  nonien  hoc  est 

naternttm  (Serm.  cxlvi). 

Son   sic    liment   hostes   visibiles   castrorum   aciem  copiosam  ,  sicut  aereae 
tes  Marias  vocabulum  :  flnunt  et  pereunt  sicut  cera  a  facie  igojsj  ubicumque 

taviniunt  crebrain  hnjus  nominis  recordatiouem,  devotain  iuvocationem,  soUicilam 

iKJtUteooem  (  Sjjeculi  B.  Virg.y  c.  ix  ). 


436  MARIE. 

seul.  Toutefois  Jésus  est  le  Seigneur  et  le  juge  universel  ;  il  discerne 
les  mérites  de  chacun  de  nous.  Lors  donc  qu'il  n'exauce  pas  quand 
on  invoque  son  nom,  il  agit  avec  justice;  mais  lorsqu'on  invoque  le 
nom  de  sa  mère,  si  celui  qui  l'invoque  ne  mérite  pas  d'être  exaucé, 
les  mérites  de  Marie  intercèdent  pour  lui  et  font  qu'il  obtient  ce  qu'il 
demande  en  son  nom  (  De  Excell.  Virg. ,  c.  i  ).  Le  nom  de  Marie  est 
le  nom  de  la  plus  tendre  des  mères.  Elle  ne  fait  pas  la  fonction  de 

juge,  mais  d'avocate,  de  protectrice 

Saint  Léon  qualifie  de  très-salutaire  la  bienheureuse  Vierge  :  Salu~ 
tiferam  (  Serm.  de  Annunt.  ). 

Comme  la  respiration ,  dit  saint  Germain,  patriarche  de  Constan- 
tinople ,  est  non-seulement  un  signe  de  vie ,  mais  encore  la  cause 
même  de  la  vie,  ainsi  la  fréquente  invocation  du  très-saint  nom  de 
Marie  est  la  preuve  qu'on  a  la  précieuse  vie  de  la  grâce  ;  et  ce  nom 
la  conserve,  communiquant  la  joie  et  la  force  en  toute  occasion  (Serm. 
de  Zona  D.  Virg.  ). 

Dieu,  dit  saint  Paul,  a  élevé  J.  C,  et  lui  a  donné  un  nom  qui  est 
au-dessus  de  tout  nom,  afin  qu'au  nom  de  Jésus  tout  genou  fléchisse, 
au  ciel,  sur  la  terre  et  dans  les  enfers  (  Philipp.  n.  9.  10).  Ainsi  en 
est-il  du  nom  divin  Me  Marie.  Le  nom  de  Marie,  c'est  Marie  elle- 
même  :  ce  nom,  c'est  sa  renommée,  sa  gloire,  sa  grandeur,  sa  sain- 
teté, ce  qui  la  fait  connaître.  Après  le  nom  de  Jésus,  il  n'y  a  pas  de 
nom  qui  assure  le  salut  comme  le  nom  de  Marie.  Ce  nom  renferme 

toute  l'économie  de  l'incarnation  et  de  la  rédemption 

0  nom  béni,  nom  plein  de  douceur!  Votre  nom.  ô  Marie,  est 
l'huile  de  la  consolation  et  de  la  force  :  Oleum  e/fusum  nomen  tuum 
(Cant.  i.  3). 

L'huile,  dit  saint  Bernard  ,  éclaire,  entretient  le  feu,  nourrit  et 
assouplit;  elle  fortifie  le  corps  et  calme  la  douleur  ;  c'est  à  la  luis  une 
source  de  lumière,  un  aliment,  un  remède.  De  même,  le  nom  de 
Marie  est  une  huile  très-douce  :  prononce/.-lr  ,  il  éclaire;  méditez-le, 
il  nourrit;  invoquez-le,  il  adoucit  et  ferme  les  blessures.  Le  souvenir 
du  nom  de  Marie  fortifie,  il  ranime  ,  il  aide  à  pratiquer  la  vertu,  il 
soutient  les  bonnes  mœurs  et  protège  la  pureté.  Sans  la  douceur, 
sans  le  sel  de  ce  nom  chéri,  toute  nourriture  est  insipide.  Le  nom 
de  Marie  donne  la  fui,  L'espérance  et  l'amour;  il  ramène  le  pécheur, 
il  fait  persévérer  le  juste,  il  écrase  la  tête  du  serpent ,  il  ferme  l'en- 
fer,  il  donne  entrée  dans  le  séjour  des  élus.  Ce  nom  est  la  clef  du 
ciel;  on  le  prononce  ,  et  il  tait  céder  la  porte  du  paradis.  Il  met  en 
fuite  la  par^se ,  la  tiédeur,  la  colère,  l'orgueil,  la  luxure,  et  éiwnfc 


MARIE.  137 

les  flamme?  ries  passions.  Le  nom  de  Marié  me  rappelle  l'humilité, 
la  pureté,  Ja  patience,  l'amour  de  la  mère  de  Dieu;  il  m'engage  à 
limiter.  Ce  nom  porte  avec  lui  la  paix,  la  vertu,  l'ordre,  l'harmo- 
nie .  la  prospérité  (  Serm.  xv  in  Cant.  ). 

Le  nom  de  Marie  ,  d°  calme  la  colère  et  toutes  les  passions...  ;  2°  il 
apporte  la  grâce  et  la  miséricorde...;  3°  il  soutient  l'âme  et  lui  com- 
munique le  feu  de  la  charité...;  4°  il  protège  l'honneur  et  la  réputa- 
tion...; 5°  il  console  les  affligés...;  6°  il  donne  Ja  victoire...;  7«  il 
enivre  par  de  secrètes  délices...;  8°  il  guérit  tous  les  maux 

Que  ce  nom  divin  de  Marie  soit  dans  votre  coeur ,  dans  votre 
bouche  ;  qu'il  soit  votre  force,  votre  consolation,  votre  joie  ;  ayez-le 
sur  vos  lèvres,  dans  vos  lectures,  vos  prières,  vos  méditations; 
qu'il  vous  accompagne  durant  la  vie,  à  la  mort,  et  qu'il  repose  sur 
votre  tombeau  comme  un  gage  de  résurrection. 

Le  nom  de  Jésus,  dit  saint  Bernard,  est  doux  comme  le  miel 
dans  la  bouche;  c'est  une  mélodie  pour  les  oreilles,  une  joie  pour 
le  cœur  :  Jésus  est  mel  in  ore ,  tnelos  in  aure ,  jubilus  in  corde  (  Serm. 
xv  in  Cant.). 

Le  nom  de  Marie  produit  les  mêmes  effets 

Setgneïïk,  je  vous  prie,  envoyez  celui  que  vous  devez  envoyer  :  Vin.  Atmon- 
Obsecro  ,  Domine,  mitte  quem  missurus  es  (  Verba  Moysis  ad  Dom.  etincarnation 
Exod.  iv.  13  ). 

Les  promesses  faites  aux  patriarches  vont  s'accomplir..... 

L'ange  Gabriel ,  dit  l'Evangile  ,  fut  envoyé  de  Dieu  dans  une  ville 
de  Galilée  ,  appelée  Nazareth ,  à  une  vierge  ;  et  Marie  était  le  nom 
de  la  vierge.  Et  l'ange  étant  entré  où  elle  était,  lui  dit  :  Je  vous 
salue ,  pleine  de  grâce  ;  le  Seigneur  est  avec  vous  :  vous  êtes  bénie 
entre  toutes  les  femmes  (1). 

Je  vous  salue,  s'écrie  saint  Grégoire  Thaumaturge,  temple  du 
Dieu  vivant  ;  vous  enfanterez  celai  qui  sera  la  supiême  joie  de  l'uni- 
vers; vous  serez  la  gloire  des  vierges  et  le  bonheur  des  mère^: 
Ave,  animatum  Dei  templum  ,•  quia  summum  toti  mundo  gaudium 
paries;  eris  virginum  gloriatio,  et  matrum  jubilât io  (Serm.  il  de 
Àrmunt.). 

Pleine  de  grâce  :  Gratia  plena.  Elle  tes  a  reçues  toutes.  Marie  est 

(1)  Missus  est  an?eius  Gabriel  a  Deo  in  civitatem  Gai  leae,  cui  noincn  ]Sazi'-eth,ad 
virginem;  et  iiomeo  virginis  .Maria.  Et  fcfressus  angélus  ad  eaiti  .  dixit  :  a vc  gratis 
plena,  Loiumus  tjcmn  ;  benedicta  tu  in  mujieribus  (Luc.  1.26-28), 


438  statut:. 

la  bien-aimée  de  Dieu La  grâce  est  descendue  rar  elle  comme  un 

fleuve  immense  ;  les  saints  n'en  ont  eu  que  des  ruisseaux 

Voilà,  dit  saint  Pierre Chrysologue,  voilà  la  grâce  qui  a  douné  au 
ciel  la  gloire ,  un  Dieu  à  la  terre ,  la  foi  aux  nations ,  la  mort  aux 
vices,  l'ordre  à  la  vie,  une  règle  aux  mœurs  :  Bée  *»î  gratta  qum  dédit 
cxlis  gforiam,  terris  Deum,  (idem  gentibus,  finem  viàis,  vilœ  ordinem, 
moribus  discî/jlinom  (  Serm.  cxliii). 

L'ange  a  apporté  cette  grâce,  continue  ce  grand  saint,  et  la  Vierge 
l'a  reçue,  elle  qui  devait  procurer  le  satut  à  tous  les  siècles  :  Hanc 
gratinm  detulit  angélus,  acce^it  Yirgo,  salutem  secvlis  itddiiura 
(Serm.  cxliii  ). 

Une  jeune  Vierge  conçoit  un  Dieu;  elle  le  reçoit  dans  son 
sein  pour  donner  la  paix  à  la  terre,  le  triomphe  au  ciel,  le 
salut  aux  hommes,  la  vie  aux  morts;  pour  unir  l'homme  à  Dieu, 
pour  abaisser  Dieu  jusqu'à  l'homme,  et  de  celui-ci  faire  presque 
un  Dieu. 

Marie  est  remplie  de  grâces,  dit  saint  Augustin  ,  Eve  est  purifiée 
de  sa  faute;  la  malédiction  d'Eve  se  change  en  bénédiction  «luis 
Marie  :  Impleta  est  Maria  gratia,  et  fcva  vacuata  est  culpn  ;  maledictio 
£vœ  in  benedictionem  mutatur  Moriœ  (Serm.  xvm  de  Sinctis  ). 

Le  Seigneur  est  avec  vous  :  Dominus  tecum.  Ces  paroles  de  l'ange 
expliquent  la  plénitude  de  grâces  dont  Marie  a  été  enrichie  :  le  Sei- 
gneur l'assiste  ,  il  est  avec  elle  d'une  manière  spéciale,  pour  opéivr 
l'unique  et  divin  ouvrage  de  l'incarnation  du  Verbe.  Aussi  saint 
Augustin  commentant  ces  paroles  s'exprime  ainsi  :  Le  Si  igneur  ,  ô 
Marie,  est  avec  vous,  il  est  dans  votre  âme,  il  est  venu  à  votre 
aide,  il  est  dans  votre  sein  :  Tecum  Dominus  in  mente,  tecum  in 
au.vilii),  tecum  in  ventre  [Serm.  ojusd.  ). 

(Ju'y  a-t-il  do  surprenant ,  dit  saint  Bernard  ,  si  Marie  était  pleine 
de  grâce,  puisque  Dieu  était  avec  elle?  Quid  mirum  si  gratta 
trat,  cum  qua  Dominus  erat?  (Serm.  m  super  Mi  iusest).  Il  faut 
plutôt  admirer,  ajoute  ce  gran  1  docteur  ,  comment  celui  qui  avait 
envoyé  l'ange  a  été  trouvé  par  lui  présent  en  Marie  :  Sed  potins  hoc 
mirandum ,  quomodo  qui  angelmn  miserat  al  Virginem ,  ab  an'jelo 
inventus  est  esse  cum  \  i  m.  ejusd.  ).  t)ieu  l'ut  plus  agile  que 

l'ange,  il  le  prévint.  A  la  vérité,  l>  ints;  uns 

il  était  spécialement  avec  Marie  .  à  étroitement, 

qu'il  s'unit  non-seulement  sa  volonl  '. 

sa  su!)rdance  et  de  celle  de  ia  \  ormait  un  Christ  qui  - 

'Mr.-  entièrement l'cBUtre ou  de  Dieu  ,  <>■■  ,  lût  à  la 


MARIE.  439 

de  Dieu  et  tout  de  Marie;  et  ae  fût  pas  deux  fils,  mais  un  seul  fils  de 
l'un  et  de  l'autre  (1). 

Saint  Bernard  enseigne  ensuite  que  la  sainte  Trinité  est  avec  Marie. 
Dieu  le  Fils,  que  vous  revêtez  de  votre  chair,  s'écrie-t-il,  n'est  pas  seul 
avec  vous,  ù  Marie;  mais  encore  Dieu  l'Esprit-Saint  par  qui  vous  con- 
cevez; et  Dieu  le  Père  qui  a  engendré  celui  que  vous  concevez  :  Ncc 
tantum  Dominus  Filius  tecum,  quem  carne  tua  induis;  sed  et  Dominus 
Spirttus  Sonet  us  de  quo  concipis;  et  Dominus  Pater,  qui  genuit  quem  con- 
cipis  (Serm.  ni  super  Missus  est  ).  Avec  vous  est  Je  Père  qui  a  fait  de 
son  Fils  votre  fils;  avec  vous  est  le  Fils  qui  accomplit  l'admirable 
mystère  de  l'incarnation;  avec  vous  est  le  Saint-Esprit  qui,  de 
concert  avec  le  Père  et  le  Fils,  sanctifie  votre  sein  virginal  (2). 

Vous  êtes  bénie  entre  toutes  les  femmes  :  Benedicta  tu  in  mulie- 
ribus. 

Soyez  donc  bénie,  ô bienheureuse  Vierge ,  s'écrie  sainte  Brigitte, 
vous  en  qui  le  Tout-Puissant  s'est  fait  enfant;  vous  dont  le  Seigneur 
et  tin  i  est  devenu  le  fils  dans  le  temps;  vous  en  qui  Dieu,  le  Créa- 
teur invisible,  s'est  fait  créature  visible  !  (Lib.  III  Revel. ,  c.  xxix.  ) 

Elle  est  vraiment  bénie,  dit  saint  Pierre  Chrysologue,  celle  qui  fut 
plusélcéè  que  le  ciel,  plus  puissante  que  la  terre,  plus  étendue 
que  l'univers;  car  elle  seule  a  contenu  celui  que  le  monde  entier  ne 
peut  contenir.  Elle  a  porté  celui  qui  porte  le  monde;  elle  a  engendré 
son  Créateur;  elle  a  nourri  celui  qui  nourrit  tout  ce  qui  vit.  Autre- 
fois la  bénédiction  des  patriarches  fut  dans  la  graisse  de  la  terre. 
Voici  qu'à  son  tour  notre  terre,  le  sein  de  Marie,  donne  son  fruit 
di\in(3). 

Marie,  ayant  entendu  l'ange,  fut  troublée  de  ses  paroles,  et  elle 
pensait  en  elle-même  quelle  pouvait  être  cette  salutation.  Et  l'ange 
lui  dit  :  Ne  craignez  point ,  Marie;  vous  avez  trouvé  grâce  près  du 
Seigneur  :  Quœ  cum  audisset ,  turbala  est  in  sermone  ejus,  et  cogitabat 


(1)  Cnm  Maria  unque  tanta  ei  consensio  fuit,  ut  illius  non  solum  voluntatem,  sed 
etiam  lurnem  sibi  conjungeret,  ac  si  de  sua  Virginisque  substantia  nnum  Christum 
efiiceret.  Qui ,  etsi ,  nec  totus  de  Dec- ,  nec  totus  de  Virgine  ,  totus  tamen  Dei  ,  et 
totus  Virginis  esset;  uec  duo  iilii,  sed  unus  utriusque  filius  (  Serm.  m  super  Missus 
est). 

(2)  Pater  tecum  qui  filium  suum  facit  et  tuum;  Filius  tecum  ad  condendum  mira- 
bile  sacramentum  ;  Spiritus  Sanctus  tecum,  qui  cum  Pâtre  et  Filio  ,  tuum  sanctificat 
uterura    Serm.  ni  super  Missus  est). 

(3)  Vere  benedicta  quae  fuit  major  cœlo  ,  fortior  terra  ,  orbe  latior.  Nam  Deum 
quem  munius  non  eapit,  sola  cœpit.  Porlavit  eum  qui  porta!  orbem;  genuit  gein- 
torem  suum;  nulrivit  omnium  viventium  nutritnrcm.Fuit  olim  patriurebarum  bene- 
didio  in  pinguîdiue  terrœ.  Ecce  terra  nostra  dédit  fiu<<um  suum  (Serm.  cxlv). 


UO  MARIE. 

qitalis  esspf  i<:ta  snîutntîo.  Et  ait  angélus  ei  :  Ne  timeas ,  Maria,  inve- 

nisli  enim  gratiam  apud  Deum  (  Luc.  i.  29.  30  ). 

Ne  craignez  pas  ,  ô  Marie ,  dit  saint  Bernard,  ne  vous  étonnez  pas 
de  l'arrivée  de  l'ange;  celui  qui  est  plus  grand  que  l'ange  vient 
lui-même  :  Ne  timeas,  Maria  :  ne  77iireris  anyelum  venientem,et  major 
angelo  venit  (Situ,  in  Nativ.  B.  Virg.  ). 

Ne  vous  étonnez  pas  de  ^'arrivée  de  l'ange,  le  Seigneur  de  l'ange 
est  avec  vous  !  Pourquoi  ne  verriez- vous  pas  un  ange,  vous  qui  vivez 
d'une  manière  angélique?  Pourquoi  l'ange  ne  visiterait-il  pas  celle 
qui  imite  sa  vie?  Car  la  -virginité  est  la  vie  même  des  anges  :  Ceux 
qui  restent  vierges,  dit  l'Ecriture,  seront  comme  les  anges  de 
Dieu  (1). 

Venez,  Seigneur  Jésus,  s'écrie  le  même  saint  Bernard,  ôtez  les 
scandales  de  votre  royaume  qui  est  mon  âme,  et  régnez  seul  en 
elle  (Sefm.  super  Missusest).  "Venez,  Seigneur  Jésus,  venez  par 
Marie  nous  sauver 

Voilà,  dit  l'ange  à  Marie,  voilà  que  vous  concevrez  dans  votre  sein, 
et  vous  enfanterez  un  fils,  et  vous  lui  donnerez  le  nom  de  Jésus.  11 
sera  grand,  et  sera  appelé  le  Fils  du  Très-Haut,  et  le  Seigneur  Dieu 
lui  donnera  le  trône  de  David  son  père;  et  il  régnera  éternellement 
sur  la  maison  de  Jacob,  et  son  règne  n'aura  point  de  fin.  Marie 
dit  à  l'ange  :  Comment  cela  se  léra-t-il?  car  je  ne  connais  point 
d'homme  (Luc  i.  31-34).  Et  l'ange  lui  répon  lit  :  L'Esprit-Saint  sur- 
viendra en  vous,  et  la  vertu  du  Très-Haut  vous  couvrira  de  son 
ombre.  C'est  pourquoi  le  fruit  saint  qui  naîtra  de  vous  sera  appelé 
le  Fils  de  Dieu  :  S/)iritus  Sanctus  superveniet  in  te,  et  virtus  AIti  s*mi 
obumbrabit  tibi.  Ideo  quod  ex  te  nascetur  sanctum,  vocabitur  Fiiiui 
Dei  (Luc.  I.  35). 

L'Esprit-Saint  surviendra  en  vous;  par  conséquent  la  conception 
de  J.  C.  est  sainte.  Comme  homme  J.  C.  est  saint,  non-seulement  en 
vertu  de  son  union  hypostatique  avec  le  Verbe,  mais  encore  en 
vertu  de  sa  divine  conception;  puisqu'il  n'est  conçu  ni  d'un  h  >  n  oe, 
ni  d'un  ai  ,e,  mais  du  Saint-Esprit.  Par  sa  divine  conception, 
J.  C.  n'était  point  le  fi'  a  ,  il  ne  pouvait  tirer  de  lui  le  néclié 

originel,  et  n  heur;  niais  il  était  très-pur  et  Irès-saint. 

Le  Seigneur,  dit  saint  Cyrille  de  Jérusalem ,  a  voulu  uaitre  d'une 

(1)  Ne  mireris  àngelam  Domini(  et  Dominas  angeli  tecum.  Postremo  quidni 
videas  angelum  cum  jam  angelice  vivas?  Quidni  visitel  angélus  vite  soci&m?  An  - 
tica  plane  rite  virginita*,  et  qui  non  nubeut,neque  nubentur,  eruut  sicut  anjrcli 
Pei  (  Serin,  in  Nativ.  B.  Virg.), 


UARIE.  141 

Vierge,  pour  indiquer  que  ses  membres  naîtraient,  selon  le  Saint- 
Esprit,  de  l'Eglise  qui  est  vierge  :  Dominas  de  virgine  nasci  volait, 
ut  sii/nif  caret  membra  sua  de  virgine  Ecclesia,  secundum  Spiritum 
nascitura  (Catecli.  xit). 

Dieu  ,  dit  saint  Bernard ,  ne  pouvait  naître  que  d'une  vierge: 
et  une  vierge  ne  pouvait  concevoir  et  enfanter  qu'un  Dieu  (I). 

F(  la  vertu  du  Très-Haut  vous  couvrira  de  son  ombre  :  Et  virtut 
A  Itissimî  obumbrabit  tibi  (  Luc.  i.  33  ).  C'est-à-dire,  selon  l'explication 
de  saint  Grégoire,  le  Verbe  de  Dieu  prendra  en  vous  un  corps  qui 
sera  comme  l'ombre  de  la  divinité  ,  qui  la  voilera  et  la  cachera 
comme  une  ombre  (  Lib.  XXXI11  Moral.,  c.  n  ). 

Par  le  mot  ombre ,  saint  Ambroise  entend  la  vie  présente  et  mor- 
telle que  le  Saint-Esprit  a  donnée  à  J.  G.  :  c'est  en  effet  comme  l'om- 
bre de  la  véritable  vie  de  l'éternité  {In  Psal.  cvm,  serm.  v).  Saint 
Ambroise,  saint  Augustin,  et  plusieurs  autres  Pères  commentent  ces 
les  de  l'Evangile  de  la  manière  suivante:  Ombre rafraîchissante, 
la  grâce  du  Saint-Esprit  vous  défendra,  ô  Vierge  sainte,  du  feu  de  la 
concupiscence  charnelle ,  afin  que  vous  conceviez  J.  C.  sous  la  seule 
impression  d'un  très-pur  amour.  Saint  Augustin  dit  encore  :  La 
vertu  du  Très-Haut  vous  couvrira  de  son  ombre,  c'est-à-dire  s'atta- 
chera à  vous ,  se  pliera  à  votre  être  comme  l'ombre  au  corps,  parce 
que  la  faiblesse  humaine  ne  pourrait  supporter  toute  la  force  et  tout 
l'effet  de  cette  vertu  (  Lib.  Vet.  et  Nov.  Testam.,  c.  lt  ). 

Saint  Hilaire  s'exprime  à  peu  près  de  même  :  La  vertu  du  Très- 
Haut,  dit-il,  vous  couvrira  de  son  ombre,  c'est-à-dire  vous  protégera 
et  vous  fortifiera ,  pour  que  vous  puissiez  éprouver  la  force  du 
Saint-Esprit  dans  la  grande  et  incomparable  merveille  de  la  concep- 
tion du  Fils  de  Dieu. 

Le  Saint-Esprit  vous  couvrira  de  son  ombre,  c'est-à-dire  cachera 
le  secret  des  secrets ,  le  mystère  des  mystères  qui  a  lieu  en  vous  , 
ô  Marie  !  Il  voilera  à  tous  les  yeux  le  plus  grand  des  miracles  ;  son 
ombre  opérera  comme  un  nuage.  Le  nuage  cache  le  soleil  et  produit 
la  pluie;  il  ombrage  la  terre  et  la  féconde  en  l'arrosant  :  ainsi,  en 
vous  abritant,  ô  Vierge  sans  tache  ,  l'ombre  du  Saint-Esprit  vous 
rendra  féconde,  selon  ces  paroles  dTsaïe  :  Cieux,  versez  votre  rosée; 
nuées,  envoyez  le  juste  comme  une  pluie;  que  la  terre  s'ouvre  et 
qu'elle  enfante  le  Sauveur  :  Rorate  cœli  desuper ,  et  nubes  pluant 
justum;  aperiatur  terra  et  germinet  Salvatorem,  (xlv.  8). 

(1)  Deum  hujusmodi  nativitas  decebat,  quia  non  nisi  de  virgine  nasceretur;  talis 
congruebat  virgioi  partus,  ut  oon  pareret  nisi  Deum  {Homil.  n  super  Missus  est). 


U2  MARIE. 

Ecoulez  maintenant  saint  Bernard  :  La  merveilleuse  incarnation  du 
Verbe  était  un  mystère,  et  la  Trinité  seule  a  voulu  opérer  par  elle- 
même  dans  Marie  seule  et  avec  Marie  seule.  A  la  bienheureuse  Vi 
seule  il  a  été  donné  de  comprendre  ce  qu'elle  seule  de\ait  éprouver. 
Quand  l'ange,  lorsqu'elle  lui  demandait  comment  ce  prodige  aurait 
lieu,  répondit  :  Le  Saint-Esprit  vous  couvrira  de  son  o  rej  c'est 
somme  s'il  eût  dit  :  Pourquoi  me  demandez-vous  ce  que  bientôt  vous 
trouverez  en  vous?  Vous  saurez  de  srence  certaine, et  vous  saure7.a\  ec 
un  bonheur  infini;  mais  ce  que  vous  saurez,  vnus  l'apprendrez  (Î6 
^auteur  du  prodige  :  Sèieru  scies,  et  féliciter  scies;  sed  Mu  doetore  quo 
et  auctore.  Je  ne  suis  envoyé  que  pour  vous  annoncer  votre  concep- 
tion virginale  et  divine  (  Serm.  iv  super  Missus  est  ). 

C'est  pourquoi  le  fruit  saint  qui  naîtra  de  vous  sera  appelé  le  Fils 
de  Dieu  :  Ideoque  quod  ex  te  nascetur  sanctum,  vueubitur  Filins  Dei 
(Luc.  i.  35). 

Usera  saint  par  l'opération  du  Saint-Esprit  et  par  son  union 
hypostatique  avec  le  Verbe  :  il  sera  le  Fils  de  Dieu  par  nature  ;  noua, 

nous  le  sommes  seulement  par  grâce  ,  par  adoption 

Et  voilà,  continue  l'ange,  qu'Elisabeth,  votre  parente,  a  conçu, 
elle  aussi,  un  fils  dans  sa  vieillesse;  car  rien  n'est  impossible  à  Dieu 
(Luc.  i.  36.  37).  L'ange  confirme  ce  miracle  de  l'incarnation  par 
un  autre  miracle  :  afin,  dit  saint  Bernard  ,  qu'un  miracle  s'ajouta  ut 
à  un  miracle,  la  joie  s'augmentât  et  parvint  à  son  comble  :  Ut  d>  m 
mîraculum  miraculo  additur,  gaudium  gnudio  cumuletur  (  Serm.  IV 
super  Mitsus  est  ). 

Bien  n'est  impossible  à  Dieu  :  Quia  non  erit  impossibile  apud  Df.m 
omneverbum  (Luc.  i.  37).  En  Dieu,  dit  saint  Bernard  ,  la  pan. le 
n'est  pas  différente  de  l'intention ,  parce  qu'il  est  la  vérité  ;  ni  l'action 
de  la  parole,  parce  qu'il  est  la  toute-puissance;  ni  la  manière  du  tait, 
parce  qu'il  est  la  sagesse  (1). 

L'ange  s'arrête,  se  tait,  attendant  avec  respect  la  réponse  et  le 
consentement  dé  la  Vin 

Adam,  dit  saint  Bernard,  Abraham,  David,  tous  les  patriarches  ^t 
tes  prophètes,  désireux  delà  vomie  du  Ifetsie  H  du  salut  des  hom- 
mes, attendent  ce  consentement  libérateur.  L'univers,  ô  bienheu- 
reuse Vierge  !   l'attend   prosterné  à  vos  pieds  :  Hoc  tolus  uuiudus 


(1)  Siqii'dpm  apml  Deum  ,  nec  verbum  dissidet  ab  intcnlione,  quia  TPritas  r*t; 
occ  factuiu  a  verlw  ,  quia  urlus  est;  Dec  uiodus  a  fado,  quia  bajncnlia  est  (  Serm, 
If  sih>*  Mttott»  «t)> 


HAUTE.  443 

itis  genibus  provolutus,  exspectat  (Serm.  rv  super  Missus  est).  Et  ce 
n'est  pas  sans  raison,  puisque  de  votre  bouche  doit  venir  la  consolation 
des  malheureux  ,  la  rédemption  des  cnptil's,  la  liberté  des  hommes 
con  damnés  à  l'enfer  ,  enfin  le  salutde  tous  les  enfants  d'Adam,  dt 
tout  le  genre  humain  (I). 

Donnez,  ô  incomparable  Vierge,  donnez  une  prompte  et  affirmative 
réponse:  Da,  Virgo,  responsum  festinanter  (Serm.  ejusd.).  O  me 
dame  !  laissez  tomber  cette  parole  qu'attendent  la  terre,  et  les  limbes, 
et  le  ciel  :  O  Domina,  r  es  ponde  verbum,  quod  terra,  quod  infcri,  quod 
exspectant  et  superi  (Serm.  ejusd.).  Le  Seigneur  et  le  Roi  de  l'univers 
lui-même  désire  votre  réponse  et  votre  consentement,  avec  autant 
d'ardeur  qu'il  a  désiré  jouir  de  votre  beauté  ;  car  c'est  par  ce  con- 
sentement qu'il  veut  sauver  le  monde  (2). 

Cieux,  limbes  et  terre,  réjouissez-vous ,  Marie  consent  !  Marie  dit  : 
Voici  la  servante  du  Seigneur;  qu'il  me  soit  fait  selon  votre  parole; 
Dixit  autem  Maria  :  Ecce  ancilla  Domini,  fiât  mihi  secundum  verbum 
tuum  (  Luc.  1.  38).  Fiat,  qu'il  me  soit  fait,  qu'il  en  soit  ainsi.  A  ce 
moment  heureux  et  suprême  le  Verbe  se  lait  chair  :  Et  Verbum 
caro  y  cfum  est  (Joann.  i.  14  ).  Dieu  se  faithomme,  l'homme  devient 
D  ciel  s'abaisse,  la  terre  s'élève  ;  Dieu  a  une  mère,  une  vierge 

a  Dieu  pour  fils.  Les  anges  admirent ,  la  terre  tressaille,  l'enfer  fré- 
mit. Tout  est  sauvé !...  Par  un  seul  fiât  le  monde  est  tiré  du  néant , 
par  un  seul  fiât  de  Marie  le  monde  est  racheté  et  sauvé.  Que  je 
devienne  mère  ,  dit  Marie  ,  mais  que  je  demeure  vierge.  Alors  du 
précieux  sang  de  Marie  le  Saint-Esprit  forme  le  corps  de  J.  C.  ;  et 
l'âme  et  la  divinité  s'unissent  à  ce  corps  sacré ,  aussi  promptement 
que  l'hostie  devient  le  corps  et  sang  de  J.  C.  à  ces  paroles  de  la  con- 
sécration :  Hoc  est  corpus  meum  :  Ceci  est  mon  corps.  Un  fiât  de  Dieu 
crée  le  monde ,  un  fiât  d'Adam  le  perd  ;  un  fiât  de  Marie  permet 
l'incarnation  du  Verbe  et  sauve  l'univers;  un  fiât  du  prêtre  place 
J.  C.  sur  l'autel;  un  fiât  du  Tout-Puissant  ressuscitera  tous  les 
hommes  et  les  transportera  au  lieu  du  jugement. 

Qu'il  me  soit  fait  selon  votre  parole  :  Fiat  mihi  secundum  verbum 
tuum  (Luc.  L  38  ).  Marie  devient  l'épouse  de  Dieu,  et  notre  chah 


(1)  Nec  immerito,  quando  ex  ore  tuo  pendet  consolatio  miseromm ,  redemptic 
captivorum  ,  liberatio  damnatorum  ,  salus  denique  universorum  filiorum  Adam, 
totius  generis  humain  (  Serm.  iv  super  Missus  est). 

Ipse  quoque  omnium  Rex  et  Dominus  ,  quantum  concupivit  dciorem  tuum, 
tantum  desiderat  et  responsionis  asseosuua,  in  quu  iiimiruni  proposait  sahare  ninu- 
duui  [Serm.  ejusd.  ). 


i44  MARIE. 

l'épouse  du  Verbe.  Le  Verbe  s'est  fait  chair,  dit  saint  Pierre  Damien; 
c'est  là  ce  qu'admire  la  nature,  ce  que  révère  l'ange,  ce  que  désire 
l'homme,  ce  qui  étonne  le  ciel,  ce  qui  consule  la  terre,  ce  qui  épju- 
vante  l'enfer  (  Serm.  de  Annunt). 

Un  ange  annonce  ,  dit  saint  Bernard,  la  vertu  d'en  haut  couvre 
.Marie,  le  Saint-Esprit  agit,  la  Vierge  croit ,  elle  conçoit,  elle  enfante, 
elle  reste  vierge  :  Angélus  nuntiat ,  virtus  obumbrat ,  supervenit  S/ji/ù- 
„tjs,  Virgo  crédit,  fideconcipit,  virgo  parturit ,  virgo permanet  (Serin,  i 
ïU  vigil.  Nativ.  ). 

Et  l'ange  la  quitta  :  Et  discessit  ah  Ma  angélus  (  Luc.  i.  38  ).  L'ange 
prit  congé  après  avoir  achevé  sa  mission,  et  obtenu  le  consentement 
de  Marie,  par  conséquent  après  l'incarnation  du  Verbe.  On  croit 
qu'en  se  retirant,  l'ange  Gabriel  se  prosterna  aux  genoux  de  Marie, 
soit  pour  vénérer  la  mère  de  Dieu,  soit  pour  adorer  le  Verbe 
divin  incarné  en  elle.  C'est  à  l'exemple  de  l'ange  qu'à  ces  paroles  de 
Y  Angélus  :  Et  Verbum  caro  fuctum  est,  nous  inclinons  la  tète  et 
plions  le  genou 

Saint  Bernard  assure  que  la  sainte  Vierge ,  par  l'acte  de  foi  et 
d'obéissance  qu'elle  fit  en  consentant,  sur  la  parole  de  l'ange,  à 
l'incarnation  du  Verbe,  se  rendit  digne  d'être  la  mère  de  Dieu  ;  et 
que  ce  seul  acte  fut  plus  méritoire  que  ne  l'ont  été  tous  les  actes  de 
"vertu  des  anges  et  des  saints  (Concl.  lxi,  c.  xu,  art.  i  ). 

Suarez  explique  ces  paroles  de  saint  Bernard  en  faisant  observer 
que  par  l'acte  dont  nous  parlons  Marie  mérita  la  dignité  de  mère  de 
Dieu ,  dignité  à  laquelle  la  plus  grande  grâce  et  la  plus  grande  gloire 
étaient  dues  (  De  B.  Virg.  ). 

Le  miracle  de  l'incarnation  renferme  beaucoup  de  miracles.  Le 
premier  est  qu'une  vierge  conçut  en  restant  vierge...;  le  second  fut 
que  le  Saint-Esprit  couvrit  Marie  de  son  ombre,  forma  aussitôt  en 
elle  le  corps  de  J.  C.  tout  entier,  et  y  plaça  une  âme  parfaite...  ;  le 
troisième  ,  que  le  Verbe  s'unit  soudain  à  cette  âme  et  à  ce  corps...  ; 
le  quatrième,  qu'il  se  fit  homme...  ;  le  cinquième  ,  que  l'homme 
devint  Dieu...;  Le  sixième,  qu'à  l'instant  même  de  l'incarna  n 
Jésus  enfant  fut  rempli  de  sagesse  ei  d'intelligence...;  le  septième, 
qu'il  fut  conçu  sans  tache  originelle  et  plein  de  grâce...  ;  le  huitième, 
que  l'âme  sainte  de  J.  G.,  dès  le  mompnl  de  sa  création,  vil  l'<  - 
île  Dieu  j  et  s'offrit  à  lui  pour  souffrir  le  supplice  du  Calvaire  et 
racheter  les  hommes 

Eve,  la  première  vierge,  fut  formée  du  corps  du  premier  homme 


vierpro 

en  devenant 

mère. 


MARIE.  *45 

vierge,  Adam;  J.  G.,  au  contraire,  le  second  homme  vierge,  fut  formé 
du  corps  de  la  seconde  vierge,  la  bienheureuse  Marie 

Jacob  entendra  Joseph  époux  de  Marie,  de  laquelle  est  né  Jésus  qui     K-  Ma«« 

,.     ,  .,  r       ,  .      T        ,       .  est  demeurée 

est  appelé  Christ ,  dit  1  Evangile  :  Jacob  autem  genuit  Joseph  virum 

Muriœ,  de  qua  natus  est  Jésus  qui  vocatur  Christus  (  Matth.  I.  16). 
L'Evangile  ne  dit  pas  :  Joseph  engendra  Jésus,  comme  il  dit  des  ancê- 
tres du  Messie  :  Abraham  engendra  Isaac;  Isaac  engendra  Jacob,  etc. 
L'Evangile  ne  dit  pas  non  plus  :  Marie  engendra  Jésus ,  quoique 
cela  soit  vrai;  mais  il  dit  :  Marie,  de  laquelle  est  né  Jésus.  Par  cette 
manière  de  parler,  il  indique,  1*  que  Jésus  est  né  de  Marie,  non  par 
une  vertu  naturelle,  mais  par  une  vertu  surnaturelle,  par  la  puissance 
et  l'opération  du  Saint-Esprit;  2°  que  Jésus  n'a  pas  été  engendré 
par  Joseph ,  mais  qu'il  est  né  de  sa  mère  seule ,  et  par  conséquent 
d'une  vierge;  3°  que  l'incarnation  s'est  laite  par  le  Saint-Esprit, 
qui  en  est  la  principale  cause.  Marie  en  a  été  la  cause  secondaire, 
activement  par  le  consentement  qu'elle  a  donné  à  l'ange,  passive- 
ment en  fournissant  son  sang  pour  être  la  matière  du  corps  de 

J.  C 

Vous  êtes  bénie  entre  toutes  les  femmes,  dit  l'ange  à  Marie  : 
Bencdicta  tu  in  mulieribus  (Luc.  i.  28).  Les  mêmes  paroles  ont  été 
prononcées  sur  Jahel  qui  tua  Sisara,  et  sur  Judith  qui  abattit  Holo- 
pherne  ;  mais  elles  s'appliquent  à  Marie  d'une  manière  beaucoup 
plus  vraie  et  plus  parfaite.  Vous  êtes,  ô  Marie,  la  seule  spécialement 
bénie  entre  toutes  les  femmes  ;  car  en  restant  vierge ,  vous  serez 
mère  ;  et  comme  vous  concevrez  sans  concupiscence,  vous  enfanterez 

sans  douleur  le  Fils  unique  de  Dieu 

Benedictu  tu  in  mulieribus  :  Vous  êtes  bénie  entre  toutes  les  femmes. 
L'ange  salue  ainsi  Marie  pour  montrer  qu'il  y  a  en  elle  tout  ce  qui 
existe  de  plus  pariait  dans   les  trois  états  de  la  femme;  car  une 
femme  est  ou  vierge,  ou  mariée,  ou  veuve.  Dans  la  vierge  on  loue 
l'intégrité ,  et  non  la  stérilité;   dans  la  veuve   on  loue  la  liberté,  et 
non  la  solitude;   dans  l'épouse,   on  loue  la  bonne  éducation  des 
enfants ,  mais  non  la  perte  de  la  virginité.  Seule,  la  bienheureuse 
Vierge  Marie  est  vierge  sans  stérilité ,  libre  malgré  son  mariage  à 
saint  Joseph,  et,  ce  qui  l'emporte  sur  tout  cela,  elle  est  féconde  sans 
avoir  perdu  son  intégrité.  Ainsi  se  trouve  réuni  en  elle  tout  ce  qu'il 
y  a  de  bon  dans  les  trois  états  de  la  femme,  et  écarté  tout  ce  qu'il 
y  a  de  défectueux.  Voilà  pourquoi  l'ange  la  déclare  bénie  entre  toutes 
les  femmes  :  Benedicta,  tu  in  mulieribus. 
m.  lu 


446  MARIE. 

Vous  êtes,  ô  Vierge  sainte,  cette  femme  bienheureuse  dont  i 
cents  ans  auparavant  avait  parlé  le  prophète  Isaïe,  inspiré,  étonné 
et  ravi  :  Ecce  virgo  concipiet,  et  poulet  Filium  :  Voilà  que  la  Vierge 
concevra  et  enfantera  un  fils.  Et  vocabitvT  Emmanuel  :  Et  ce  fils 
appelé  Emmanuel  (  Isai.  vu.  44).  Il  sera  grand,  il  sera  appelé  le  :  ils 
du  Très-Haut  ;  il  régnera  éternellement  sur  la  maison  b->-èt 

son  règne   n'aura  point  de  fin  (Luc.  i.  32.  33);   11  régnera  d 
l'Eglise;  il  régnera  ici-bas  par  sa  grâce,  et  dans  le  olel  par  sa 
gloire 

Comment deviendrai-je  mère, répondit  Marie  à  Fange;  car  j'ai  fait 
vœu  de  virginité,  et  je  veux  être  iidèleà  mon  vœu;  je 
et  je  veux  rester  vierge?  11  est  vrai,  Joseph  est  mon  époux,  mais  c'est 

un  époux  vierge,  et  lui  aussi  veut  rester  vierge Combien  Mare 

aimait  la  -virginité!  Elle  eût  préféré  cette  vertu  à  Fhonneur  infini 
d*être  mère  de  Dieu,  s'il  eût  fallu  la  perdre  pour  jouir  de  ce 
privilège. 

Ecoutez  la  Vierge  sans  tache ,  dit  saint  Grégoire  de  Nj  e  :  lange 
lui  annonce  qu'elle  sera  mère  ;  mais  elle  s'attache  à  sa  virginité ,  et 
elle  la  préfère  à  tous  les  autres  titres  (1  ). 

Marie  est  la  première  femme  qui  offrit  à  Dieu  sa  virginité ,  don 
incomparable.  Sans  y  être  engagée  par  aucun  précepte,  aucun  con- 
seil, aucun  exemple,  elle  consacra  à  Dieu  sa  virginité  et  devint  la 
mère  de  toutes  les  vierges  qui,  à  son  imitation,  ont  voulu  \  i\  re  dans 
cet  heureux  et  glorieux  état.  Elle  désirait  concevoir  le  Fils  de  '  ieu, 
mais  elle  craignait  de  ne  point  conserver  sa  virgi  ni  lé.  Ç'esl  pour- 
quoi elle  obtint  l'une  et  l'autre  grâce,  dit  Tolet  [Annot,  xt.vn). 
bille  ne  consentit  à  devenir  mère  que  lorsque  l'ange  lui  promit,  de 
.a  part  de  Dieu ,  qu'elle  concevrait  par  l'opération  du  sprit. 

Alors  seulement,  elle  dit  :  Voici  la  servante  du  Seigneur,  qu'il 
soit  fait  selon  votre  parole  :  Ecce  ancilla  Dwnlni,  jlat  rnild  secundum 
Wèum  tuuut  {  Luc.  i.  38). 

Marie,  dit  saint  Augustin  ,  était  l'épouse  d'un  homme  juste,  qui 

lait  uni  Hou  pour  lui  enlever  sa  -virginité,   mais  plutôt  pour  en 

être  le  gardien,  gainf  Joseph  eonnaiss&ii  f  wbu  que  Marié  avait  fait 

avant  de  l'épouser;  et  il  consenti!  à  ce  qu'elle  l'observât.  Marie  00 


(1)  Audi   pudicam  Virginia  vocem  :  angelua  partum   nuntiat  :at  illa  virginitatl 
inli;rret,    et    integri        m  angelicae  derrioHàUalldnJ  aoteponendaDl  judicat  (Orat.  de 


Nativ.  Christi). 


MARIE.  147 

IfépooBa  qu'a  ïa  condition  formelle  qu'elle  resterait  vierge  et  qu'elle 

garderait  son  vœu  (1). 

T.a  preuve  incontestable  que  Joseph  respecta  le  vœu  de  virginité 
sait  i'ait  Marie ,  c'est  qu'il  eut  dessein  de  la  quitter  lorsque,  ne 
connaissant  pas  encore  le  mystère  de  l'incarnation ,  il  s'aperçut 
le  était  grosse.  Il  fallut  que  l'ange  lui  dit:  Joseph,  iils  de 
David,  ne  crains  point  de  recevoir  Marie  ton  épouse  ;  car  ce  qu'elle 
porte  dans  son  sein  est  né  du  Saint-Esprit.  Elle  enfantera  un  fils,  et 
lu  lui  donneras  le  nom  de  Jésus  ;  car  il  sauvera  son  peuple  de  ses 
péciiés.  Joseph  fit  ce  que  l'ange  du  Seigneur  lui  avait  commandé 
et  reçut  son  épouse.  Et  il  ne  la  connut  point  jusqu'à  ce  quelle 
eût  enfanté  son  fils  premier-né;  et  il  lui  donna  le  nom  de  Jésus 
(Matth.  1.19-25). 

Saint  Joseph  a  vécu  vierge,  et  il  est  mort  vierge.  Voilà  pour- 
quoi on  le  représente  portant  dans  ses  mains  le  lis,  emblème  de 
la  virginité. 

Marie  conçut  et  enfanta  en  demeurant  vierge;  J  G.  sortit  du  sein 
de  Marie  en  respectant  son  intégrité  et  comme  1*  •  rayons  du  soleil 
traversent  le  verre.  Ainsi  l'assurent  les  saints  Pères,  les  docteurs  et 
es  théologiens;  ainsi  le  déclare  l'Eglise.  Ecoutez  Suarez  :  Après 
la  résurrection,  dit-il,  le  corps  du  Seigneur  pénétra  dans  l'apparte- 
ment où  se  tenaient  les  disciples ,  quoique  les  portes  en  fussent  fer:, 
diées;  la  même  chose  arriva  lors  de  la  nativité;  J.  C.  sortit  du  sein 
le  la  bienheureuse  Vierge  Marie  sans  l'offenser  en  rien  (De  B.  Virg.). 

La  virginité  de  Marie,  dit  saint  Bernard,  est  au-dessus  de  la  pureté 
les  anges  :  Mariœ  virginitas  major  quam  angelica  puritas  (  Serm. 
le  Nativ.). 

Un  homme  ordinaire,  dit  Guillaume  d'Auvergne,  ne  peut  avoir 
ane  vierge  pour  mère;  mais  Dieu  se  faisant  homme  ne  pouvait 
aaitre  que  dune  vierge  (  De  B.  Virg.). 

U  convenait,  dit  saint  Anselme,  que  la  bienheureuse  Vierge  brillât 
l'une  pureté  sans  égale,  puisque  Dieu  le  Père  voulait  lui  donner 
pour  fils  son  Fils  unique  qu'il   avait  engendré  semblable  à  lui,  et 
aimait  comme  lui-même  (  De  Concept.  Virg.,  c.  xvin). 

Qui  est-ce  qui  aurait  pu,  dit  saint  Pierre  Chrysologue,  blesser  la 
pu  .ouï  et  la  virginité  de  Marie,  puisque  la  divinité  s'était  unie  à 

(1)  Desponsata  estviro  justo,  non  ablaturo,  sed  potius  custodituro  quod  illa  jam 
roverat.  SanctuS  Joseph  hoc  votun.  noverat  anteqnam  eam  desponsaret,  et  ut  illud 
Obâemret  consentit.  Maria  Joseph  duxit  sponsura  ea  condkione  ut  maneret  virgo, 
et  custodiret  suum  votum  {De  Incarnat.), 


448  MARIE. 

cette  Vierge  qu'elle  aimai  i,  puisqu'un  ange  lui-même  fut  près  d'elle 
l'interprète  de  Dieu,  que  la  foi  présida  à  cette  union ,  que  la  cha? ' 
la  vit  s'accomplir,  que  la  vertu  y  fut  la  dot,  que  la  conscience 
fut  le  lien  et  Dieu  l'auteur,  que  la  virginité  conçut  et  enfanta,  et 
que  mère  ,  l'épouse  demeura  vierge?  (1) 

Je  suis,  dit  .Marie,  représentée  par  l'Epouse  de?  Crvntiqurs,  je  suis 
la  fleur  des  champs  et  le  lis  des  vallées  :  Ego  flos  campi,  et  lilium 
convallium  (n.  1  ). 

Marie,  dit  la  Sagesse,  est  née  de  la  vertu  de  Dieu;  elle  est  une 
pure  émanation  de  la  gloire  du  Tout-Puissant;  aussi  ne  trouve-t-on 
en  elle  rien  de  souillé  :  Vapor  est  virtutis  Dei,  et  emanatio  quœdam 
estcUi.ritatis  Omnipotentis  Dei  sincera;  et  ideo  nikil  inquinatum  in  eam 
incurrit  (vu.  25). 

0  miracles,  ô  prodiges!  s'écrie  saint  Augustii.LfQ  Inïsrle  la  nature 
sont  changées;  un  Dieu  se  fait  homme;  une  vierge  conçoit  en 
demeurant  vierge;  la  parole  de  Dieu  rend  mère  celle  qui  ne  connaît 
pas  d'homme;  et  cette  mère,  vierge  et  mère  tout  à  la  fois,  n'en- 
fante qu'en  demeurant  intacte  et  sans  tache  :  une  vierge  qui  n'a  pas 
connu  d'homme  a  un  fils,  et  quoique  vierge  elle  est  féconde  (2). 

Comme  Marie,  tout  en  demeurant  vierge,  conçoit  et  met  au 
monde  J.  C;  ainsi,  dit  saint  Grégoire,  l'Eglise  notre  mère  enfante  à 
Dieu  des  enfants,  sans  douleur  et  Bans  cesser  d'être  vierge  [Serm.  de 
-Xuliv.  ). 

Selon  la  commune  tradition,  les  veis  suivants  de  Virgile  concer- 
nent la  Vierge  immaculée  et  la  naissance  de  l'Enfant -Di  u  :  La 
série  des  grands  siècles  commence;  la  Vierge  revient  et  a\ec  elle 
l'âge  d'or;  une  nouvelle  génération  descend  des  hauteurs  du  ciel; 

Magnus  ab  integro  secloruui  nascitur  ordo; 
Jam  redit  et  virgo  ;  redeuut  saturnin  régna  : 
Jam  Dova  progeuies  cœlo  deuiillitur  allô. 

L,e  Seigneur,  par  la  houche  d'Isaïe,  promet  au  roi  Achaz  un 
prodige  ;  c'est  qu'une  vierge  concevra  et  enfantera  un  iils  :  Dubit 

(1)  Quae  ibi  verecundia  la?sio,  ubi  init  deitas  cum  amica  sibi  semper  mtegritata 
consortium,  ubi  e&l  in terpres  angélus,  fides  pronuba ,  desponsatio  ces  ti  tas,  donatio 
Tirtus,  jugei  conscientia,  causa  Deus,  conceptus  integritas,  virgiuitas  partus  ,  virgo 
mali  CXLYllI.) 

(2)  '  <.o    prodigia!    nalune  jura  mut  intiir;  in   homine  Dcus  nascitur; 

lalur,  firi  n  mo  Dei   marital;  simul  facta  est  mater 

rifgo;  i  um,  uescieui  virum»  semper 

•  lausa,  sed  uwn  iuUccuuua  [Strm,  \*-d*  \aliv.  Du/h./, 


MAfctE  UO 

Dominvs  ipse  vobis  signum  :  Ecce  virgo  concîpiet,  et  pnrief  filium 
(vu.  14).  Mais  où  serait  Ja  merveille,  si  cette  vierge  eût  dû  concevoir 
et  enfanter  en  perdant  sa  virginité?  Cela  n'arrive-t-il  pas  à  toutes  les 
femmes  qui  deviennent  mères  ?  Il  faut  donc  qu'il  y  ait  ici  l'annonce 
d'un  miracle,  c'est-à-dire  la  prophétie  que  Marie  concevra  et  enfan- 
tera tout  en  demeurant  vierge  ;  autrement  le  passage  que  nous 
venons  de  reproduire  n'offrirait  plus  de  sens  raisonnable. 

Marie,  dit  un  poëte  dans  les  chants  de  l'Eglise,  a  les  joies  d'uno 
mère  et  l'honneur  de  la  Virginité;  elle  n'a  pas  connu  d'égale  dans 
le  passé  et  n'en  verra  pas  dans  l'avenir  : 


GaucHa  ffiatris "habenS  cura  virginltatis  honore, 
Kec  priraam  similem  visa  est,  nec  habere  sequentem. 


Saint  Chrysostome,  saint  Basile,  Prudence,  saint  Bernard,  et 
après  eux  Canisius,  enseignent  que,  par  sa  virginité  angélique  et 
d'âme  et  de  corps,  la  bienheureuse  Vierge  a  mérité  de  congruo,  selon 
le  langage  de  l'école,  d'être  la  mère  de  Dieu. 

Les  causes  pour  lesquelles  Dieu  est  né  d'une  vierge  sont  celles- 
ci  :  1°  Une  naissance  toute  nouvelle,  inaccoutumée  et  sublime, 
convenait  à  un  Dieu,  dit  saint  Bernard  :  or  telle  est  la  naissance  que 
l'on  reçoit  d'une  vierge  {Serm.  inCant.).  2°  En  se  faisant  homme, 
celui  qui  donne  l'incorruptibilité  ne  s'est  pas  revêtu  de  la  corrup- 
tion ;  et  l'auteur  de  l'incorruptibilité  ne  saurait  rien  souiller.  3°  La 
sainte  Trinité  est  la  première  vierge ,  vierge  incréée ,  vierge  par 
essence,  comme  le  dit  saint  Grégoire  de  Nazianze.  Le  Père  vierge 
engendre  le  Verbe  qui  est  vierge;  et  l'un  et  l'autre  sont  le  principe 
de  l'acte  de  spiration  ou  d'amour  qui  produit  le  Saint-Esprit.  Il  fallait 
donc  que  J.  C.  vînt  sur  la  terre  sans  père ,  comme  il  est  dans  le  ciel 
sans  mère,  dans  sa  génération  divine  et  éternelle,  et  que  vierge  lui- 
même,  soit  au  ciel,  soit  sur  la  terre ,  il  naquit  d'une  vierge.  Ayant 
au  ciel  un  père  vierge,  il  devait  avoir  sur  la  terre  une  mère  qui  fût 
vierge.  4°  J.  C.  devait  naître  d'une  vierge,  parce  qu'il  fallait  que 
le  vainqueur  de  la  concupiscence  et  du  péché  fût  conçu  sans  concu- 
piscence et  sans  péché.  Il  convenait  aussi  que  la  conception  de  celui 
qui  venait  purifier  tous  les  hommes  et  en  faire  des  anges,  fût  très- 
pure.  5°  J.C.  a  voulu  naître  d'une  vierge,  afin  démontrer  combien 
la  virginité  lui  plaît,  ainsi  qu'à  Dieu 

Ecce  Virgo  concîpiet  :  Voici  que  la  Vierge  concevra  (Isai.  vu.  14). 
Voici  :  Ecce,  Approchez-vous,  patriarches  et  prophètes,  Juifs  et 


150  MARTE. 

nations  de  l'univers;  è*eoutc4 ,  regardé*  et  soyez  dans  l'étonnement! 
Voici  un  prodige  nouveau  ,  la  plus  grande  merveille  dont  les  siècles 
seront  témoins,  le  chef-d'œuvre  de  la  main  de  Dieu  :  une  vierge 
concevra  et  enfantera  (Jerem.  xxxi.  22).  Celte  Vierge  ,  qui  est  la 
dlle,  l'épouse  et  la  mère  de  Dieu,  sera  la  reine  des  anges.  Elle  unit 
jieu  à  l'homme,  le  ciel  à  la  terre,  la  maternité  à  la  virginité,  les 
Bêcheurs  ù  la  sainteté.  Voilà  pourquoi  les  esprits  célestes  la  vénèrent; 
Voilà  pourquoi  l'Eglise  lui  rend  non  pas  le  culte  d'honneur  ou  de 
dulie  qu'elle  rend  aux  saints,  mais  un  culte  spécial  qui  porte  le  nom 
tfhyperdulie,  et  qui  ne  le  cède  qu'à  celui  qui  convient  b  Dieu. 

Marie  concevra  et  enfantera.  Voyez  combien  la  virginité  est 
."éconde:  elle  conçoit  et  enfante  Dieu  créateur  de  toutes  choses!  Le 
corps  de  la  Vierge  est  le  ciel  de  Dieu,  dit  saint  Ambroise  :  Virginis 
corpus  cœlum  est  Dei  (  De  Nativ.  ). 

Eve,  s'étant  laissé  corrompre,  dit  saint  Fulgence,  induisit  en 
erreur  le  premier  homme  :  Marie,  demeurée  vierge  et  sans  tache, 
conçut  le  second  homme.  La  méchanceté  du  démon  déprava  l'âme 
je  l'épouse  d'Adam,  qu'il  avait  séduite  :  la  grâce  de  Dieu  conserva 
Darfaitement  purs  l'âme  et  le  corps  de  la  mère  du  nouvel  Adam  (h. 

0  enfantement  unique ,  qui  eut  lieu  sans  douleur!  saint 

Bernard;  enfantement  qui  fut  le  seul  pur,  le  seul  exempt  de  péché, 
*t  qui,  loin  de  souiller  un  sein  virginal ,  l'a  consacré  comme  un 
iemple  !  0  naissance  qui  êtes  au-dessus  de  la  nature,,  et  parla  gran- 
deur !u  miracle,  et  par  la  vertu  du  mystère!  (Serm.  i  in  vigil. 
Xuliv.  ) 

::.  Mnr-n  <"-t    MarJJB  de  qui  est  né  Jésus  :  Mnriœ  de  qua  nntvs  est  Jésus  (Mallli.  i. 

nèredePieu.    ^   Ces  paroles  signifient  que  Marie  est  mère  de  Jésus  fait  nomme; 
mais  Jésus  fait  homme  étant  uni  hypostatiquement  à  Dieu 
homme-Dieu.  Et  comme  il  n'y  a  qu'une  personne  en  J.  C,  qui  est 
la  personne  divine  4  Marie  est  vraiment  mère  de  Dieu. 

Le  Verbe  s'est  fait  chair,  dit  l'('\  an  i:  I      '<     \caro 

factum  est  (  i.  14).  Et  le  Verbe  était  Dieu  :  Et  Ueus  emt  Ycvbun}' 
[  Id.  i,  1  ).  Or,  le  iferl  lans  le  sein  de  Marie  à 

Marie  e6t  nécessairement  mère  le  Dieu.  0   '     i té  sublime  et  uniqi 
Marie  mère  de  Jésus  !   Saint  Thoj  Di 

(1)  Primuni  hominem  millier,  rorrupta  mente,  decepit;   scciinrlum    Dominera 
Virgo,  Ipcorrapta  virginlfate  concepit,  In  primi  hominis  conjuge,  nequitia  i 
scdurlnm  ilcpravavit  Mente  m;  in  Bectmdl  aotem  hominis  matre,  gratta  Dei,  et  nicn- 
tem  Intogram  servavit  et  carnem  (Episl.). 


1MME.  |*V| 

rien  faire  de  plus  grand  que  l'incarnation  du  Verbe,  et  la  maternité 
cRvlirt  rie  la  bienheureuse  Vierge.  En  effet,  l'incarnation  unit 
l'humanité'  à  la  divinité  par  l'union  hypostatique;  et  d'autre  part,  la 
maternité  divine  est  la  consanguinité  même  avec  Dieu.  Par  cette 
maternité,  Marie  est  à  Dieu  ce  qu'une  mère  est  à  son  fils  et,  s'il  se 
peut,  davantage;  car  Marie  est  plus  entièrement  mère  que  les  autres 
pê3  :  le?  autres  le  sont  de  concert  avec  le  père;  Marie  est  à  la  fois 
lé  père  et  la  mère  de  Jésus,  puisque  seule  elle  le  conçut ,  seule  elle 
l'ai' rigendré,  non  pas  naturellement,  mais  surnaturellement,  ce 
qui  est  bien  plus  parfait  et  plus  intime  (  Sum.  theol.  1.  p.  q.  Sra, 
ait.  G.  ad  4  ). 

la  dignité  de  mère  de  Dieu  découlent  tous  les  dons  et  tous  les 
jfriviléges  accordés  à  Marie,  non-seulement  sur  les  hommes,  mais 
sur  les  anges.  Gomme  l'humanité  de  J.  C. ,  unie  à  la  divinité  ,  est 
Dieu ,  Marie ,  par  cette  union ,  est  devenue  mère  de  Dieu,  et  a  reçu 
tous  les  dons  divins  au  suprême  degré. 

Qu'une  femme,  dit  saint  Bernard,  ait  conçu  et  enfanté  un  Dieu, 
cela  a  été  le  plus  grand  des  miracles  ;  car  il  a  fallu,  si  je  puism'ex- 
primer  ainsi,  que,  par  une  infinité  de  perfections  et  de  grâces, 
cette  femme  fût  élevée  à  une  sorte  d'égalité  divine,  égalité  que 
jamais  créature  n'avait  reçue.  Aussi ,  je  ne  crois  pas  que  l'esprit 
humain,  ou  même  l'intelligence  angélique,  ait  pu  jamais  pénétrer 
l'abîme  insondable  de  toutes  les  grâces  que  la  bienheureuse  Vierge 
i  reçues  du  Saint-Esprit  à  l'heure  de  la  conception  divine  (1). 

Saint  Bernard  fait  remarquer  que  la  dignité  de  mère  de  Dieu  est 
une  dignité  presque  infinie,  qui  exige  un  degré  de  grâce  propor- 
tionné. De  là  ,  dit-il ,  on  peut  conclure  que  la  bienheureuse  Vierge , 
dans  la  conception  du  Fils  de  Dieu ,  a  acquis  par  son  consentement 
un  plus  grand  mérite  que  n'en  ont  acquis  par  tous  leurs  actes ,  tous 
leurs  mouvements  et  toutes  leurs  pensées,  tous  les  anges  et  tous  les 
hommes.  En  effet,  tous  ceux  qui  méritent,  n'ont  pu  mériter  autre 
chose  que  la  gloire  éternelle  à  différents  degrés.  Par  son  admirable 
consentement,  la  Vierge,  au  contraire,  a  mérité  l'extinc  ion 
entière  de  la  r  ence,  la  première  place  parmi  les  créatures, 

^1)  yu.nl  !  t  et  pareret  Deum,  fuit  miraculnm  miraculorum.  Opor- 

loit enim,  ul  sic  dicam,  fertunam  elevaii  ad  quamdam  sequalitatem  divinam  per 
quamdam  quasi  inflnitaterii  pevfectionum  e!.  «raiiaruni  ;  quam  œqualitalem  créât  ura. 
nmuuiam  etperta  est;  l'iule,  ut  credo,  ail  illum  abyssum  Imperscrutabilem  omnitità 
Cfaarismatum  Spiritùs  Sâncti,  quae  in  B.  Virfeinem  <ie>cenilcrunt  in  luira  <li  inac 
itionis,  inU'llectus  humaims,  vel  angelicus  ,  minquam  potuerunt  attiu^ere 
[Çnncl.  i  xi.  c.  xn  ). 


452  MÀKtl. 

l'empire  de  l'univers ,  la  plénitude  de  toutes  les  grâces ,  de  toutes 
les  vertus ,  de  tous  les  dons,  de  toutes  les  béatitudes,  de  tous  les 
fruits  du  Saint-Esprit,  de  toutes  les  sciences,  l'intelligence  des  lan- 
gues, le  don  de  prophétie,  la  connaissance  des  esprits ,  et  la  science 
des  vertus.  Elle  a  mérité  d'être  féconde  en  demeurant  Vierge  ,  et  de 
devenir  la  mère  du  Fils  de  Dieu.  Elle  a  mérité  d'être  l'étoile  de  la 
mer  ,  la  porte  du  ciel,  et  par-dessus  tout  d'être  appelée  la  reine  de 
la  miséricorde,  et  d'obtenir  les  effets  d'un  pareil  nom.  Aussi  lui 
applique-t-on  à  bon  droit  ces  paroles  des  Proverbes  :  Beaucoup  des 
filles  des  hommes  ont  amassé  de  grands  trésors;  mais  vous  ,  vous 
les  avez  toutes  surpassées  (1). 

Saint  Antonin  croit  que  la  bienheureuse  Vierge  ,  dans  la  concep- 
tion du  Verbe ,  a  vu  l'essence  même  de  Dieu ,  puisqu'elle  la  rece- 
vait en  elle-même  (Sum.  theol.,  p.  IV.,  tit.  xv,  c.  xvn  ). 

Saint  Augustin  et  saint  Thomas  disent  que  saint  Paul  vit  l'essence 
de  Dieu  lorsqu'il  fut  ravi  jusqu'au  troisième  ciel.  Mais  si  saint  Paul 
reçut  cette  grâce,  combien,  à  plus  forte  raison,  la  bienheureuse 
Vierge  mère  de  Dieu?  Ce  sentiment  est  celui  d'un  grand  nombre  de 
Pères ,  parmi  lesquels  il  faut  compter  saint  Bernard ,  et  une  foule 
de  grands  théologiens.  Saint  Jean  Damascène  et  saint  Anselme  ensei- 
gnent que  Marie ,  au  moment  où  elle  devint  mère  du  Verbe ,  reçut 
une  claire  révélation  de  sa  prédestination  et  de  sa  future  exalta- 
tion au-dessus  de  tous  les  chœurs  des  anges  (De  Dormit.  Deiparœ.  — 
De  excellent.  Virg.,  c.  m  et  iv). 

Heureux ,  ô  Jésus ,  le  ventre  qui  vous  a  porté ,  et  les  mamelles  que 
vous  avez  sucées!  Deatus  venter  qui  te  portavit,  et  ubera  quœ  suecisli! 
(Luc.  xi.  21.)  Ces  paroles  de  l'Evangile  font  dire  à  MéthoJius  : 
Incomparable  Vierge,  vous  contenez  celui  qui  contient  tout;  vous 
portez  celui  qui  porte  tout  d'une  seule  parole;  vous  possédez  celui 
qui  possède  tout  (Orat.  in  II y  p.  ). 

(1)  Dignitas  Deimatris,  est  dignitas  quasi  infinitn ,  qunc  exigit  gratiam  proportro- 
natnm.  Ex  his  colligi  poteat  vîrginem  bcalam  inconceplione  Filii  Dei .  conaenau  plus 
meruissc,  quam  omnes  creaturas  ,  tam  angelos  quant  boulines,  in  cunciis  actibua  , 
motibus ,  ac  cogilatiombna  suis.  Nempe  omnei  qui  meruerunt,  nihil  aliud  potucrunt 
mereri,  nisi,  secundum  varios  status  et  gradua  ,  gloriam  scmpiternain  :  lnee  autem 
\irgo,  in  illo  admirando  coiisensu,  meruit  totalem  fomitis  extinctionem,  domiiiiuni 
et  primaturn  totius  orbis  t  plenitudinem  oniniuin  gratiarum ,  omnium  virlutum, 
omnium  douorum,  omniuni  beatitudinum,  omnium  fructuum  Spiritua  ,  cunctarum 
scienliarum,  iutcrprclationcs  aermonum,  apiritua  prophétise,  discretionea  apiriluum( 
operationes  virlutum.  Meruit  fuTUinlitatein  iu  firginitate,  îuaternitatem  Filii  Dei. 
Meruit  quod  sit  stella  maris  ,  porta  cœli  ,  et  super  omuia  ,  quod  regina  misericordia 
■uucupatur,  ac  talis  noiuiuis  coiisequatur  efTeclum.  l'iule  nierito  in  Proverbes  ; 
MulUt  filiœ  COOgregwerunt  divitias,  tu  supergressa  es  universas  (  Ut  supra), 


STAUTË.  153 

Quel  trône  glorieux  que  le  trône  où  se  tient  le  Verne  fait  chair , 
quoi  char  royal  que  celui  qui  le  porte  !  s'écrie  saint  Grégoire  de 
JNicomédie  :  Tltronwnglorwsum  et  regium  vekiculum,  guo  vectum  Ver- 
bum  eum  carne  advenu  (  Orat.  de  Prsesent.  B.  Virg.  ). 

Servir  Dieu  ,  dit  saint  Bernard ,  c'est  re'gner  ;  le  porter ,  n'est  pas 
un  fardeau,  mais  un  ornement.  Vous ,  ô  Marie,  vous  vêtez  ce  grand 
Dieu ,  et  il  vous  revêt;  vous  le  vêtez  de  votre  chair,  et  il  vous  revêt 
de  la  gloire  de  sa  majesté;  vous  prêtez  un  nuage  au  soleil,  et  lui 
vous  enveloppe  de  ses  rayons  (1). 

L'Incompréhensible,  dit  saint  Ambroise,  opérait  en  sa  mère  d'une 
manière  incompréhensible  :  Incomprehensibilis  incomprehensibiliter 
operabatur  in  Maire  (  Serm.  de  B.  Virg.  ). 

Qu'y  a-t-il  de  plus  grand  que  la  mère  de  Dieu,  qui  a  renfermé 
dans  son  sein  la  grandeur  de  la  majesté  suprême.  Contemplez  la 
dignité  des  séraphins,  ils  sont  au-dessous  de  Marie;  Dieu  seul  est 
au-dessus  d'elle  (Serm.  de  Nativ.  B.  Virg.). 

Marie  a  été  mère  de  Dieu  selon  la  chair,  dit  saint  Jean  Damascène  ; 
son  sein  est  le  ciel  dans  lequel  a  habité  celui  qu'aucun  lieu  ne  peut 
contenir  :  Muter  Dei  secundum  carnem  fuit;  eujus  venter  cœlumest, 
in  guo  habitavit  is  gui  nullo  loco  capi potest  (De  Laud.  Virg.  ). 

Marie  est  la  créature  qui  a  acquis  le  plus  de  mérites;  car,  pour 
arriver  à  concevoir  le  Verbe,  dit  saint  Grégoire,  elle  a  élevé  ses 
mérites  au-dessus  de  ceux  des  anges,  et  jusqu'au  trône  de  Dieu  :  Ut 
ad  concept  ianem  Verbi  pertingeret,  meritorum  verticem  super  omnes 
ingelorum  choros  ,  usgue  ad  solium  deitatis  erexit  (Serm.  de  Nativ.  ) 
Voilà  pourquoi  elle  a  été  conçue  de  toute  éternité  dans  l'intelligence 
li\ine;  le  monde  n'était  pas,  qu'elle  existait  déjà 

Si  quelqu'un ,  dit  saint  Bernard  ,  considère  à  quoi ,  dans  l'incar- 
nation ,  devait  aboutir  le  consentement  de  Marie ,  il  comprendra 
clairement  que  toute  dignité  et  toute  perfection,  tant  de  l'âme  que 
iu  corps ,  est  renfermée  dans  le  titre  auguste  de  mère  de  Dieu.  Marie 
surpasse  infiniment  en  mérites  tout  ce  qu'on  peut  imaginer  ou 
exprimer  au-dessous  de  Dieu.  Pour  que  J.  C,  terme  ineffable  de 
toutes  choses,  s'incarnât  dans  son  sein  virginal,  il  a  fallu  qu'il 
trouvât  en  elle  une  perfection  digne  de  lui  (  Serm.  li,  art.  ni,  ex). 
Le  titre  de  mère  de  Dieu  l'emporte  sur  toutes  les  dignités  possi- 
bles, comme  l'or  l'emporte  sur  le  plomb  et  le  ciel  sur  la  terre.  La 

(1)  Gui  servire  regnarc  est;  gestarc  hune,  non  oneri  est,  sed  ornari.  Et  vestis  eum, 
et  Tesliris  ab  eo  ;  vestis  eum  substantif}  carnis,  et  vestit  ille  te  gloria  majeslatis  suae; 
vestis  solerc  nube,  et  sole  ipsa  vestieris  (  Ser???.  vu  in  P$al.  ). 


454  MARTE. 

maternité  divine  est  une  di  o'mparable  et  inco 

car  ,  ainsi  que  nous  I".  I    '  dit,  cette  materhi  !tr  i'e 

consanguinité  avec  Dieu.  Par  elle  ,  la  bienheureuse  Vierg         "  - 

vée  si  haut,  qu'elle  devient  de  l'ordre  divin  ,  et  qu'elle  a  poiir 

consubstautiel  en  tant  qu'il  est  homme ,  le  même  Dieu  que  le  Père 

a  pour  Fils  consubstantiel  en  tant  qu'il  est  Dieu.  C'est  pourquoi^ 

comme  le  Père  dit  au  Verbe  :  Vous  êtes  m  >n  Fils  ;  je  vous  ai  c. 

àré  aujourd'hui  :  Filins  meus  es  tu,  cqo  kodiegenui  te  (Psal.  n.  7); 

Marie  peut  lui  dire  :  Vous  êtes  mon  fils  ;  je  vous  ai  engendré 

aujourd'hui. 

Marie  est  supérieure  à  toutes  les  créatures  ;  elle  est  la  mère ,  la 
fille  et  l'épouse  de  Dieu,  la  mère  du  Verbe,  la  fille  unique  du  Père, 
l'épouse  du  Saint-Esprit. 

Comme  le  Père,  Marie  a  pouriils  la  seconde  personne  de  l'auguste 
Trinité.  Le  V  rbe,  qui  a  Dieu  pour  père,  a  Marie  pour  1 

Qu'est-ce  donc  que  le  titre  de  mère  de  Dieu?  quelle  est  cette 
dignité? 

Être  mère  de  Dieu ,  c'est  être  en  quelque  sorte  supérieure  à  Dieu; 
c'est  concevoir  et  enfanter  un   Dieu;  c'est    lui  donner  l'essence 
humaine,  sa  propre  substance,  son  corps,  sa  chair  et  son  sang-  ;  c'est 
avoir  sur  lui  les  droits  qu'une  ne  re  a  sur  son  entant,  sur  sa   I 
c'est  le  voir  soumis  comme  un  fils,  tellement  qu'il  \ 
mère,  vous  respecte,  vous  honore,  vous  aime  c  mère  et 

vous  obéisse.  Dieu  doit  combler  sa  mère  de  dons  el  s  comme 

il  coin  ienl  à  une  mère  et  à  un  fils,  Dieu  de  toute  éternité;  car  i" 
nôur  d'un  fils  est  solidaire  de  celui  de  sa  mère.  Pour 
de  son  fils,  il  faut  que  la  mère  d'un  roi  s  if  r  ine;  ainsi  .  p  itir 
digne  de  Dieu,  il  Ikul  que  sa  mère  sôifcmise  avoir 

et  d'honneurs  presque  divins.  Il  serait  h 

une  mère  indigne  de  lui;  il  né  conviendrai!  point  à  un  D'eu  d'avoir 
une  mère  qui  ne  serait  pas  ornée  des  verl  I       qui 

con\i>  Dieu 

Emerveillé  et  comme  hors  de  lui-même  •  l'hooneurde 

la  maternité  divine ,  sain I  B  rnard  et  d'autre  part,  il 

y  a  de  quoi  s'étonner  et  crier  au 

n'est-ce  pas  une  numiliti  de  à 

Dieu;  n'est-ce  pas  une  grandeur  sa   ■  pareil)  i?(4) 

(11  Utrftique  slnpor,  utrmque  mireculum ,  et  quod  Dcus  femin»  obtemperet: 

hiinn  Itas  abaque  exempta;  et  quod  Dco  reruina   principe. ur  ,  subluuilas   m>c  st,ch 
[Hem.  n  super  Mis»Ub  t»t  ). 


MARTE.  1^5 

En  dehors  de  l'union  hypostatique  du  Verbe  avec  l'humanité ,  i. 
n'y  a  pas  d'union  aussi  étroite  que  l'est  l'union  du  Verbe  avec  sa 
par  l'incarnation;  et  Dieu,  dit  saint  Thomas ,  ne  saurait  en 
établir  une  plus  intime  et  plus  sublime.  On  doit  dire  que  l'humanité 
de  J.  C,  par  cela  qu'elle  est  unie  à  Dieu;  et  la  bienheureuse  Vierge, 
par  cela  même  qu'elle  est  mère  de  Dieu,  ont  une  certaine  dignité 
infinie  issue  du  bien  infini,  qui  est  Dieu;  àUfsine  peut-il  rien 
exister  de  meilleur  qu'eux ,  comme  il  n'est  rien  de  meilleur  que 
Dieu(l). 

Concluons  de  là  que  la  dignité  de  mère  de  Dieu,  quoiqu'elle  ait  des? 
bornes ,  lorsqu'on  l'envisage  sous  le  rapport  de  l'être  qui  la  reçoit  , 
parce  que  de  sa  nature  cet  être  n'est  pas  infini,  est  cependant  infini-e 
quant  à  son  on  jet,  qui  est  J.  C,  Fils  de  Dieu  fait  homme. 

Sous  Josué,  le  soleil  s'arrêta;  du  temps  d'Ezéchias,  il  rétrograda; 
voici  un  prodige  plus  grand  :  une  vierge  devient  mère  de  Dieu  ; 
l'éternel  s  deil  de  justice  descend  dans  le  sein  de  Marie.  Sous  Moïse, 
parut  un  buisson  qui  brûlait  sans  se  consumer  et  en  conservant  sa 
verdure  ;  ici  parait  une  femme  qui  conserve  sa  virginité  tout  en 
devenant  mère.  Quoique  desséchée,  la  verge  d'Aaron  fleurit;  ici, 
c'est  la  tige  de  Jessé  qui  donne  le  fruit  désiré  des  nations.  Pharaon 
vit  la  verge  de  Moïse  changée  en  serpent;  ici  nous  voyons  Dieu  se 
faire  homme  et  devenir  semblable  aux  pécheurs.  Le  peuple  de  Dieu 
dans  le  désert  vit  la  manne  tomber  du  ciel  chaque  matin  pendant 
quarante  ans;  ici  nous  voyons  le  Verbe  descendre  du  ciel  et  s'incar- 
ner dans  le  sein  de  Marie.  Elisée  vit  Elie  s'élever  dans  les  airs;  ici 
nous  voyons  la  nature  humaine  s'élever  jusqu'à  la  divinité  et  s'unir 
au  Verbe  éternel.  C'est  donc  à  juste  titre  que  l'Eglise  fait  entendre 
lans  ses  chants  sacrés  ces  paroles  en  l'honneur  de  la  mère  de  Dieu: 
Ayez  pitié  des  pécheurs,  vous  qui  avez  enfanté  votre  Créateur  au 
ii  de  Pétonnement  et  de  l'admiration  de  la  nature  entière  :  Tu 

•niœ  genwsti,  natura  mirante,  tuum  sanctum  Genitorem peccato- 

rvm  miter  ère  (Hym.  Aima  Redemptoris) . 

rie  ,  mère  de  Dieu,  est  la  merveille  des  siècles  ,  l'étonnement 
de  la  nature. ,  le  prodige  de  l'univers.  0  miracle  nouveau ,  inconnu, 
qu'on  n'avait  jamais  vu,  et  qu'on  ne  reverra  jamais  !  Une  femme 
est  mère  du  Verbe ,  le  géant  de  l'éternité.  Ce  grand  Dieu  ne  se 

(1)  Diccndum  qnod  humanitas  Christi,  ex  hoc  quod  est  unita  Deo;  et  B.  Virgo ,  ex 
hoc  quod  es!  mater  Dei,  habent  quamdam  dignitatem  infinitam  ex  bone  inûiu'o, 
quod  est  Deus  :  et  ex  hac  parte,  non  potest  aliquid  fieri  meiius  eis,  sicut  uou  potest 
aliquid  meiius  esse  Deo  (  1.  p.  q.  15.  art.  6.  ad  4). 


456  MARIE. 

déshonore  pas  en  devenant  le  fils  de  Marie  ;  et  Marie  n'est  pas  con- 
suma? par  les  rayons  de  la  maje  té  divine.  J.  C.  est  l'œuvre  par 
excellence  du  Seigneur,  la  merveille  qui  éclate  à  tous  les  yeux  :  A 
Domino  faction  est  is/ud ,  et  est  mirabile  in  oculis  nostris  (Psal. 
cxvu.  23).  J.  C.  nait  du  Père  dans  les  profondeurs  du  ciel  :  J.  G 
nait  d'une  mère  sur  la  terre.  11  naît  de  1  éternité  du  l'ère  et  de  la 
virginité  de  la  mère  ;  il  est  engendré  par  le  Père  sans  l'intermé  liaire 
d'une  mère  ,  et  par  la  mère  sans  l'intermédiaire  d'un  père;  il  des- 
cend d'un  père  qui  ne  connaît  pas  le  temps ,  d'une  mère  qui  ne 
connaît  pas  d'homme;  d'un  père  principe  de  la  \ie  ,  d'une  mère 
qui  met  fin  à  la  mort  ;  d'un  père  qui  règle  l'ordre  des  jours ,  d'une 
mère  qui  a  rendu  sacré  le  jour  où  un  fils  lui  est  né,  où  un  frère 
nous  a  été  donné 

Xi.  La  Après  l'incarnation,  Marie ,  se  levant ,  s'en  alla  avec  hâte  ver?  les 
montagnes,  en  une  ville  de  Juda  :  Exsurgens  Maria,  abiitin  mon- 
tana  cvm  festinatione  in  civitatem  Juda  (Luc.  î.  39). 

Marie  s'en  va,  i°  pour  annoncer  que  le  Fils  de  Dieu  s'est  incarné 
en  elle,  et  pour  procurer  à  ses  parents  les  faveurs  du  Verbe  fuit 
homme;  car  J.  C.  voulut  commencer  dès  le  moment  île  sa  concep- 
tion l'office  de  sauveur...  ;  2°  afin  que  le  Verbe  effaçât  le  pé  he  ori- 
ginel contracté  par  saint  Jean,  qui  était  encore  dans  le  sein  île  sa 
mère,  Elisabeth,  et  afin  qu'il  comblât  l'un  et  l'autre  des  dons  du 
Saint-Esprit...;  3°  afin  de  féliciter  Elisabeth  de  la  miraculeuse  con- 
cépti  saint  Jean...;   4°  afin  de  donner  aux  siècles  futurs  un 

mh'.i.  ,.  de  exemple  d'humilité  et  de  charité;  car  devenue  mère  de 
Dieu,  reine  du  ciel  et  de  l'univers ,  Marie  rendit  vis  ibetb 

son  inférieure Cet  acte  de  la  très-sainte  Vierge  nous  apprend  à 

i-  i  i  I  g  pauvres,  ceux  qui  nous  sont  inférieurs,  etc...... 

Marie  se  dirige  vers  les  montagnes  ,  ad  mont  a  na.  Une  âme  pleine 
de  Dieu  j  comme  l'était  la  sienne,    s'élève  au  plus  haut 

us Marie  pouvait  dire  avec  le  prophète  Habacuc  :  Le 

'  ma  loin-;  \\  lonneraàmes  pieds  la  vitesse  des  cerfs,  il  me 
conduira  victorieuse  sur  les  hauteurs,  où  ,i  ,]<•<  hymnes 

•i  -a  gloire  :  Dem  Do   ira  <  fortitudo  me  a  :  cl  ponet  pedes  mecs  quasi 
ccwiii'in;  et  tuper  excelsa  mea  dedued  me  victor  in  psalmis  eanentem 

(m. 

Marie  s'en  va  ave-  hâte  .  cum  '  te.  La  bienheureuse  Vii  r  e 

se  hâte,  pour  ne  pas  pester  longtemps  - 

dit  saint  Ami;- "i-.  :  apprenez,  ô  vierges,  à  ne  f  .muter  sur 


MARIE.  157 

les  places  et  dans  les  chemins,  ainsi  qu'à  ne  point  y  tenir  de  conver- 
sai ion  .  Marie  aime  à  séjourner  dans  sa  maison;  hors  de  chez  elle, 
elle  se  hâte  (1). 

Une  âme  remplie  de  l'Esprit-Saint  ne  dort  pas ,  mais  elle  court 
dans  le  chemin  des  commandements  et  de  la  perfection 

Marie  entre  dans  la  maison  de  Zacharie  :  Et  intravit  in  domum 
Zachariœ  (  Luc.  i.  40  ).  Cette  maison  est  une  maison  sainte,  puis- 
qu'elle est  la  demeure  de  saint  Zacharie ,  de  sainte  Elisabeth  son 

épouse ,  et  de  saint  Jean-Baptiste  leur  tils Sachons  ne  fréquenter 

que  des  maisons  et  des  personnes  irréprochables Fuyons  les 

demeures  et  les  compagnies  suspectes  ou  dangereuses 

Marie  salue  Elisabeth  :  Et  salutavit  Elisabeth  (Luc.  I.  40). 

Marie  salue  la  première  ,  dit  saint  Ambroise;  car  il  convenait 
qu'elle  fût  d'autant  plus  humble,  qu'elle  était  plus  pure  et  plus 
favorisée  de  Dieu  (In  Eue.  comm.,  lib.  II,  n°  19). 

Nous  devons  imiter  cet  exemple  et  entretenir  soigneusement  eu 
r.ous  la  belle  vertu  d'humilité 

Et  lorsque  Elisabeth  entendit  la  salutation  de  Marie,  il  arriva 
que  l'enfant  tressaillit  dans  son  sein  ;  et  Elisabeth  fut  remplis 
du  Saint-Esprit  (2).  Par  le  tressaillement  de  son  enfant,  Elisabeth, 
connut  que  Marie  avait  conçu  le  Verbe  de  Dieu.  Ce  tressaillement 
de  saint  Jean-Baptiste  fut  surnaturel,  ainsi  que  l'usage  de  la  raison 
qui  lui  fut  alors  donné  par  le  Verbe  présent  dans  le  sein  de  Marie. 
Voyez  combien  est  utile  et  efficace  la  salutation  des  saints,  la  prière 
qu'on  leur  adresse,  et  surtout  celle  qu'ils  font  pour  nous;  mais  i. 
n'est  pas  de  dévotion  comparable  à  la  dévotion  envers  Marie,  ni  us 
protection  qui  vaille  la  sienne. 

Elisabeth ,  dit  saint  Ambroise ,  entendit  la  première  la  voix  qu: 
lui  était  adressée  ;  mais  Jean  sentit  la  grâce  le  premier.  L'enfant 
tressaillit,  et  la  mère  fut  remplie  elle-même  de  grâce.  La  mère  ne 
fut  pas  remplie  de  grâce  avant  son  fils;  mais  le  fils  se  trouvant: 
rempli  du  Saint-Esprit,  le  communiqua  à  sa  mère  (3). 

L'ange ,  saluant  Marie ,  lui  dit  :  Je  vous  salue,  pleine  de  grâce  ; 
le  Seigneur  est  avec  vous  :  vous  êtes  bénie  entre  toutes  les  femmes 

(1)  DisritP,  virgines,  non  dpmorari  in  platea,  non  aliquos  in  publico  miscere  ser- 
mones.  Maria  in  domo  sera,  festinat  in  publico  (In  Luc.  comm.,  lib.  II,  n.  19). 

(2)  Et  factura  est,  ut  audivit  salutationem  Mariœ  Elisabeth,  exsultavit  ini'aus  in 
utero  ejus;  et  repleta  est  Spiritu  Sancto  Elisabeth  (Luc.  i.  41). 

(3)  Voccm  prior  Elisabeth  audivit,  sed  Joannes  prior  gratiam  sensit.  Exsultavit 
infuns,  repleta  est  mater;  non  prius  mater  repleta  quam  fllius  ;  sed  cum  îilius  esset 
repletus  Spiritu  Sancto,  replevit  et  matrem  (Comm.  in  Luc,  lib.  II,  n.  19). 


1&8  MAfeTE. 

(  Lu6;  i.  28).  Elisabeth  ajoute  à  la  salutation  do  l'ange  ces  Croies, 
qui  achèvent  VAvé  Maria:  Béni  est  le  fruit  de  vofe  entrailles  :  fiene- 
dictus  fructus  ventris  lui  (Luc.  I.  42).  Et  d'où  me  vient  ce  bonheur, 
s'écrie  Elisabeth  ,  que  la  mère  de  mon  Seigneur  vienne  à  mol?  Et 
vu  a  hoc  mihi,  ut  déniât  mater  Domini  mei  ad  me?  (  Luc.  I.  43.  )  Vous 
ttes  la  l'emme  choisie  de  toute  éternité  rJdur  écrase!  la  tète  du 
serpent,  pour  donner  naissance  au  Verbe  divin4,  pour  procurer  lo 

salut  du  monde,  pour  ouvrir  le  ciel,  pour  fer.n -r  l'enfer,  etc 

Vous  êtes  bénie  entre  toutes  les  femmes  ,  et  béni  soit  le  fruit  de  v<  s 
entrailles»  Elisabeth  abprit,  par  une  réudation  surnaturelle, 
-Marie  était  devenue  mère  de  Dieu;  et  Zacharie,  son  époux,  fut  aussi 
rempli  du  Saint-Esprit,  et  il  prophétisa ,  disant  :  Béni  soit  lo  Sei- 
gneur Dieu  d'Israël,  parce  qu'il  a  visité  et  racheté  son  peuple,  et 
parce  qu'il  nous  a  suscité  un  puissant  sauveur,  do  la  maison  do  son 
serviteur  David  :  Benedictus  Dominus  t)eus  Israël  quia  vi  fecit 

redemptionem  plebis  sucé,  et  erexit  cornu  salutis  nobis;  in  domo  David 
puerisui  (Luc.  i.  G8.  69). 

En  Vous  seule ,  dit  saint  Bernard ,  en  vous  seule  ,  ô  Marie  ,  le  R<  i 
de  l'univers  se  cache  et  s'anéantit;  le  Très-Haut  s'humilie,  riramense 
se  l'ait  petit.  Le  vrai  Dieu,  le  Elis  de  Dieu  s'est  incarné;  et  pour- 
quoi? Pour  nous  enrichir  tous  par  sa  pauvreté ,  pour  nous  relever  et 
nous  élever  par  son  humilité,  pour  nous  rendre  grands  par  son 
anéantissement,  pour  nous  attacher  à  Dieu  par  sou  incarnation,  et 
pour  que  nous  commencions  à  être  un  seul  et  même  esprit  avec  lui 
[Serm.  super  Missus  est). 

Nous  devons  reconnaître  que  le  Sauveur  est  un  Dieu  caché,  dont 
la  vertu  agit  sur  les  cœurs  d'une  manière  secrète  et  impénétrable. 
toi  nous  \ oyons  , Jésus  et  Marie,  Elisabeth  et  Jean.  felisaWli  sal  e 
Marie  coiunie  nirrc  île  Dion,  et  s'humilir;  Jean  ressent  la  présence 
de  J.  G. ,  et  se  livre  a  la  joie  ;  Marie  rapporte  tout  à  Dieu.  Jésus  est 
le  seul  qui  semble  ne  j^as  agir;  et  pourtant  c'est  lui  qui  estle  mobile 
de  Marie,  d'Elisabeth  et  de  Jean 

Combien  de  fois  Dieu  nous  visité-t-il  secrètement  1...  Combien  plus 
souvent  encore  ne  non-  \  isiferait-il  pas  .  gj    nous   n'y   meilioi; 
obstacle!...  En  venant  en  nous.  J.  C.  y  excite  .  comm 
beth ,  un  sentiment  de  foi,  de  respeel .  Va  oour,  d'adoration  pour 
sa  majesté  divine  j  il  nous  porte  à  nous  humilier:.»;  il  nous  pi 
de  saints  désirs  et  de  pieui  transports  sain!  Jèan-Baptiste...  ; 

In,  il  nous  porte  à  h             ner  entièrement  à  lui, à  le  bénir,  aie 
louer  et  a  l'aime*'  a  1  îinituuuii  de  Aiui'ie 


WARIÏ.  459 

L'embrassement  deMarieet  d'Elisabeth  est  l'emblème  de  l'union 

de  la  loi  ancienne  et  de  la  loi  nouvelle,,  qui  se  sont  confondues  lors 

de  l'avènement  de  J.  C Elisabeth  représente  la  loi  ancienne; 

Marie,  la  loi  nouvelle Jean  marque  la  fin  des  prophéties;  il  est 

le  dernier  des  prophètes Le  Sauveur  parait;  le  ministère  de» 

prophètes  est  terminé 

Cest  au  moment  de  sa  rencontre  avec  Elisabeth  que  Marie,  dai.- 
un  transport  d'amour  et  de  reconnaissance,  fit  entendre  le  sublime 
cantique  Magnificat.  Mon  âme,  dit-elle,  glorifie  le  Seigneur,  et  mon 
illi  d'allégresse  en  Dieu  mon  Sauveur;  parce  qu'il  a 
regardé  l'humilité  de  sa  servante  :  et  voilà  que  toutes  les  générations 
m'appelleront  heureuse;  car  celui  qui  est  puissant  a  fait  en  moi  de 
grandes  choses,  et  son  nom  est  saint,  et  sa  miséricorde  se  répauo 
d'âge  en  âge  sur  ceux  qui  le  craignent.  Il  a  signalé  la  force  de  soi: 
bras;  il  a  dispersé  les  superbes  par  une  pensée  de  son  cœur;  il  a 
précipité  de  leur  trône  les  puissants,  et  il  a  élevé  les  petits.  11  a 
rempli  de  biens  les  affamés,  et  renvoyé  vides  et  pauvres  les  riches. 
Se  ressouvenant  de  sa  miséricorde  ,  il  a  :  élevé  Isr.  ëi  ,  son  servit-  :r, 
gelon  ce  qu'il  avait  dit  à  nos  pères,  à  Abraham  et  à  sa  race  pour  Uu- 
jours  (Luc.  i.  AQ-oo  ). 

Marte,  avons-nous  déjà  dit,  conçut  et  enfanta  en  demeurant  vierge  :  X!  I  ■m^nc» 
par  conséquent ,  J.  G.  naquit  sans  violer  l'intégrité  du  sein  virginal 
de  Marie.  Tel  est  l'enseignement  des  pères,  des  docteurs  et  des  théo- 
logien?  

Quelle  douleur  pour  Marie  de  ne  trouver  qu'une  étable  et  une 
crèche  pour  y  mettre  au  monde  son  divin  enfant!  Mais  elle  se  sou- 
mit  Ce  fut  dans  la  saison  la  plus  rigoureuse  de  l'année,  au  milieu 

de  la  nuit,  sans  avoir  de  secours  et  dans  le  plus  grand  dénùment, 
qu'elle  donna  le  jour  à  celui  qui  était  le  salut  de  l'univers,  le  Messie, 
te  Désiré  des  nations,  le  Verbe  fait  chair 

Elle  enfanta  Jésus,  l'enveloppa  de  langes,  et  le  coucha  dans  une 
crèche  :  Peperit  Filium  suum,  et  pannis  eum  involvit,  et  reclinavit 
euru  in  prœsepio  (  Luc.  II.  7  ). 

Qui  racontera  la  joie,  le  bonheur,  les  transports  de  Marie,  recevam 
la  première ,  et  pour  la  première  fois,  le  céleste  enfant  entre  ses 
bras?...  Que  de  caresses  elle  lui  prodigua!  que  de  douces  larmes 
elle  versa  sur  lui!  que  de  doux  baisers,  que  de  tendres  embrasse- 
meute  elle  lui  donna  !  Combien    rand  .tait  1  amour  du  divin  eniant 


460  MARTE. 

pour  sa  mère,  et  combien  grand  l'amour  de  Marie  pour  Jésus!... 
Quels  doux  sourires  d'une  part  :  quelle  ten  liesse  do  l'autre  !... 

I  »  -oui  enfantement  sans  douleur,  seul  pur,  seul  exempt  de  cor- 
ruption .  s'écrie  saint  Bernard  !  0  naissance  surnaturelle  !  qui  racon- 
tera tes  merveilles'?  (  Serin,  t  in  vigit.  Pfativ.  ) 

Le  dénombrement  ordonné  par  l'empereur  Auguste  eut  lieu  au 
moment  où  tout  l'univers  jouissait  d'une  paix  profonde  ;  aussi  ce 
prince  fit-il  former  le  temple  de  Janus.  Tout  cela  arriva  par  la 
volonté  de  Dieu,  qui  voulait  montrer  que  J.  C.  naissant  allait;  mettre 
la  paix  entre  le  ciel  et  la  terre.  La  Vierge-Mère  apparut  à  César- 
Auguste,  auCapitole;  elle  portait  son  enfant  entre  ses  bras.  C'est 
on  mémoire  de  cet  événement  miraculeux  qu'Auguste  fit  placer, 
dans  le  Capitole  même,  un  autel  portant  l'inscription  suivante  : 
Autel  du  premier-né  de  Dieu  :  Ara  primogenia  Dei  (Suid.,  îs'iceph., 
Baron.  Lcx.  IMst.  et  Annal.  Eccl.).  Plusieurs  docteurs  ont  pensé  que 
des  anges  reçurent  J.  C.  au  moment  de  sa  naissance,  et  le  remirent 
entre  les  bras  de  Marie. 

Marie  accueillit  les  bergers  envoyés  par  les  anges  et  elle  conservait 
soigneusement  dans  son  cœur  et  méditait  sur  toutee  qu'ils  lui  avaient 
rapporté  :  Maria  conservabat  omnia  verba  hœc  ,  conferens  in  corde  suo 
(Luc.  il.  19). 

La  crèche  où  a  été  posé  J.  C.  après  sa  naissance  se  trouve  à  Rome, 
dans  la  basilique  de  Sain  te -Marie -Majeure,  où  on  la  voit  et  la 
vénère 

(  Voyez  Jésus-Christ,  n°  13,  Nativité  de  J.  C). 

XIII.  Prcsen-  Marie  et  Joseph  portèrent  Jésus  à  Jérusalem  pour  le  présenter  au 
a  fication.       Seigneur  :   Tulerunt  illum  in  Jérusalem,  ut  sisterent  eum  Domino 
(Luc.  il.  2-2). 

Quelle  oiioissanee  et  quelle  profonde  humilité  Marie  manifesta 
dans  sa  purification!...  Elle  qui  est  vierge  et  sans  tache,  se  soumit 

à  prendre  rang  parmi  les  mères  ordinaires 

Ce  fut  le  jour  do  la  présentation  que  Mario  apprit  du  saint  vieil- 
lard Biraéon  qu'un  glaive  de  douleur  percerait  son  Ame:  Et  tuam 
ipsius  animant  pertransibit  (jladius  (Luc.  n.  3.")). 

Mario  offrit  à  Dieu  son  délaehement  des  choses  de  la  terre,  sa 
soumission  et  sa  pénitence.  Par  lacérémonie  de  la  purifi  :ation,  elle 
se  soumit  au  joug  de  la  loi  ancienne,  loi  de  ser\  itude  dont  elle  était 

formellement  exemptée 

l&  6ilence  de  Marie,  qui  taisait  le  grand  mystère  de  sa  maternité , 


nieru. 


MARIE.  161 

était  une  marque  certaine  d'une  retenue  extra  ordinaire,  et  d'une 
incomparable  modestie.  Sa  présence  au  temple,  l'offrande  qu'elle 
faisait,  confirmait  la  créance  qu'elle  avait  conçu  comme  les  autres 
femmes 0  ravissante  humilité! 

Siméon  la  loua  et  proclama  sa  gloire  ;  Anne  laprophétesse  annonça 

ses  grandeurs;  elle  seule  garda  le  silence  ,  adorant  son  Dieu Bile 

est  vierge;  Dieu  le  sait,  Jésus  le  sait,  Joseph  le  sait;  cela  lui  suffit 

En  allant  au  temple,  Marie  donna  l'exemple  de  l'obéissance,  de 
l'humilité,  de  la  résignation,  etc 

Ayant,  du  haut  de  la  croix,  vu  Marie  et,  debout  près  d'elle,  le    XIV.  Marm 

disciple  qu'il  aimait,  Jésus  dit  à  sa  mère  :  Femme  ,  voilà  votre  fils. 

Et  ensuite  au  disciple  :  Voilà  votre  mère.  Et  depuis  cette  heure-là  le 

disciple  la  prit  comme  sa  mère  :  Jésus  dicit  matri  suœ  :  Mulier,  ecce 

filins  tmts.  Deinde  dicit  discipido  :  Ecce  mater  tua.  Et  exinde  accepit 

eam  discipulus  in  swa  (Joann.  xix.  26.  27). 

C'est  avant  de  mourir  pour  le  salut  des  hommes ,  que  J.  C.  nous 
a  donné  Marie  pour  mère  dans  la  personne  de  saint  Jean ,  apôtre  et 
évangéliste. 

Marie  notre  mère  nous  a  donné  Jésus ,  son  fils ,  pour  nous  rache- 
ter ;  elle  nous  l'a  donné  pour  remède  à  nos  maux ,  pour  nourriture 
et  pour  récompense,  et  avec  lui  elle  nous  a  donné  le  royaume  des 
cieux  et  tous  les  biens 

Saint  Antonin  et  Albert  le  Grand  enseignent  que  Marie  est  la 
mère  de  tous  les  hommes  pour  quatre  raisons  :  la  première,  c'est 
qu'elle  enfante  tous  les  saints  spirituellement...;  la  seconde,  c'est 
qu'elle  prend  soin  de  tous  les  hommes...  ;  la  troisième,  c'est  qu'elle 
est  née  avant  toute  créature  et  qu'elle  est  la  plus  excellente  de 
toutes...;  la  quatrième,  c'est  qu'elle  a  été  prédestinée  même  avant 
la  naissance  des  siècles,  pour  être  l'instrument  d'une  nouvelle 
création 

Marie  est  la  mère  de  tous  les  fidèles;  aussi  les  Pères  la  nomment» 
ils  la  mère  des  vivants  :  Mater  viventium;  comme  Eve  est  appela 
par  eux  la  mère  des  morts  :  Mater  morientium. 

Origène ,  commentant  les  paroles  de  J.  C.  sur  la  croix,  s'exprima 
ainsi  :  Lorsque  J.  C.  dit  :  Femme  ,  voilà  votre  fils,  c'est  comme  s'il 
eût  dit ,  en  montrant  saint  Jean  :  Celui-ci  est  Jésus  que  vous  avez 
enfanté.  En  effet,  le  chrétien  parfait  ne  vit  plus  lui-même;  mais 
J.  G.  vit  en  lui ,  et  de  là  vient  qu'il  est  dit  de  lui  à  Marie  :  Voilà 
votre  fils  J.  C.  (  Comm.  inJoann,  Praefat.,t.  I.) 
tu.  il 


i62  HAUTE. 

Eu  réparant  tout  par  ses  mérites ,  la  b  e  mère  de  Dieu , 

dit  saint  Anselme ,  est  devenue  la  mère  de  tous  :  Beata  Dei  genii, 
suismeritis  cuncta  reparando ,  mater  est  (De  Excell.  Virg. ,  c.  xi). 

Par  son  consentement  à  l'incarnation,  la  bienheureuse  vierge, 
dit  saint  Bernard,  a  demandé  du  fond  de  son  cœur  et  a  procuré  le 
salut  «le  tous  les  élus.  Depuis  lors,  elle  les  a  tous  portés  dans  son 
sein,  comme  la  meilleure  des  mères  porte  ses  enfants  (1). 

Ecrions-nous  donc  avec  l'Eglise  :  Marie,  mère  de  grâce  ,  m*re  de 
miséricorde ,  protégez-nous  contre  les  tentations  de  l'ennemi ,  et 
recevez-nous  à  l'heure  de  notre  mort:  Maria,  mater  gratiœ,  mater 
miswicordiœ,  tu  nos  ab  hoste  protège,  et  hora  mortis  suu 

.  ^incarnant,  J.  C.  est  devenu  notre  frère;  d'un  au  Ira  côté,  ?ainfc 
Paul  assure  que  nous  sommes  les  membres  de  J.  G.  (ï.  Cor.  xii.  27)* 
Marie  est  donc  notre  mère  comme  Dieu  est  notre  père!...  Oh!  que 
l'homme  est  heureux  et  grand!... 

Avoir  Marie  pour  mère!  c'est  un  bonheur,  une  richesse,  un 

incomparable  avantage Rendons-nous  dignes      elle... 

d'autres  J.  C...;  invoquons-la,  honorons-la , imitons-la 

Il  est  dit  dans  l'Evangile  que  Marie  enfanta  son  fils  premier-né: 
Peperit  filium  suum  primogenitum  (Luc.  n.  7).  Son  premier-né  est 
J.  C;  les  autres lils  qu'elle  enfante  sont  tous  les  hommes 

xv.  Marie  e«t  Marie,  dit  saint  Bonavenîure,  est  pleine  de  grâce;  elle  est  l'océan 
griew.       des  gl'âces.  Gomme  tous  les  fleuves  se  jettent  dans  la  mer  ,  i 
toutes  les  grâces  qu'ont  eues  les  anges,  les  patriarches,  les  prop. 
les  apôtres,  les  martyrs,  les  confesseurs,  les  vierges,  se  sunt  ren- 
contrées dans  Marie  (2). 

Marie  est  pleine  de  grâce,  et  parla  très-aimée  de  Dieu 

La  grâce  de  Marie,  dit  saint  Pierre  Ghrysologue,  a  donné  au  ciel 
la  gloire  ,  à  la  terre  un  Dieu,  aux  nations  la  foi,  aux  vices  la  mort,  à 
la  vie  l'ordre  ,  aux  mœurs  une  règle  :  Hœc  est  gratia  quœ  dédit 
glo7~iam,  terris  Deum,  fidemgcntibus,  fine  m  vitiis,  vitœ  wdinent,  mûri- 
ôu6  disciplinant  { Serm.  cxliji  ). 

Je  vous  salue,  pleine  de  grâce,  lui  dit  l'ange,  le  Seigneur  estaveo 
vous  :  Ave,  gratia  plena,  Douunus  tecum  (Luc.  I.  28 J. 

(1)  Virgo,  per  c.msi.'iisum  in  irvnrnalinnem ,  omnium  .  ,  a  galutem  vi-rora- 
tisrime  expetiit  et  procuravit;  et  o\  tmir  in  suis  viscer  bus  oi 

Trerissiuia  mater  tilios  suos  (T.  111,  sera,  vi,  art.  2,  c.  n). 

(2)  Maria  fui)  plcna  gratia,  îdeoque  marc  gratiarum.  Quare  sicut  omnia  flumina 
intrant  in  mare,  sic  omnes  omnioo  gratis,  quas  habuerunt  an  i   b 
pliete,  aposîoli,  martyres,  cnnfewores,  virgiueayCOufluere  m  MariaiU  (6//eci.à,  c.  UJ« 


MARIE.  163 

Marie,  dit  saint  Jérôme,  est  vraiment  pleine  de  grâce.  Aux  autres 
créature?  la  grâce  est  donnée  par  gouttes  ;  mais  clans  l'âme  de  Marie 
la  plénitude  'les  grâces  a  été  répandue  :  Sane  plena,  quœ  cœteris  per 
parte»  prœstatur;  Mariœ  vero  se  tota  infundit plenitudo  gratiœ  (De 
Assumpt.  ).  La  plénitude  de  grâce  qui  est  en  J.  C,  est  descendue 
en  Marie,  quoique  d'une  manière  différente,  dit  le  même  docteur  : 
In  Maria  m  tut  lus  gratiœ  plenitudo  quœ  in  Christo  est  ,  venit  ,  quamvis 
aliter  (  Ut  supra). 

D'après  les  théologiens,  Marie,  dans  le  seul  moment  de  son  imma- 
culée conception  ,areçu  une  grâce  plus  grande  que  celle  des  plus  éle\  es 

d'entre  les  anges Et  saint  Grégoire  dit  que  la  première  grâce  de 

Marie  surpassa  celles  qu'ont  reçues  tous  les  saints  ensemble;  parce 
que  toutes  les  grâces  accordées  aux  saints  ne  l'ont  été  que  pour  en 
faire  des  saints,  tandis  que  la  première  grâce  accordée  à  Marie  l'a 
été  pour  procurer  l'incarnation  de  J.  C,  le  Saint  des  saints  (  Serrn. 
de  iXativ.  B.  Virg.). 

A  chaque  instant  la  grâce  de  Marie  s'augmentait;  or,  cette  bien- 
■vuse  ^ùerge  a  vécu  soixante  -  douze  ans,  jugez  quelle  abon- 
dance de  grâces  elle  a  reçue Marie  est  plus  agréable  elle  seule  à 

J.  C. ,  elle  lui  rend  plus  de  gloire,  que  tous  les  anges  et  tous  les 
saints  réunis. 

Soyez  louée ,  ô  sainte  mère  de  Dieu,  s'écrie  saint  Cyrille;  car 
vous  êtes  la  perle  précieuse  de  l'univers,  un  flambeau  qui  ne  peut 
s'éteindre,  la  couronne  de  la  virginité,  le  sceptre  de  la  vraie 
foi  (1). 

Je  vous  salue ,  s'écrie  saint  Chrysostome ,  ô  mère ,  ô  vous  qui  êtes 
le  ciel  et  le  trône  de  Dieu,  l'honneur  de  notre  Eglise,  sa  gloire  et  sa 
force:  Ave,  mater ,  cœlum,  thronus,  Ecclesiœ  nostrœ  decus ,  gloria, 
fumameiitum  (Serm.  de  Deipara). 

Saint  Ephrem  salue  Marie  comme  l'unique  espérance  des  patriar- 
ches, la  gloire  des  prophètes,  la  voix  des  apôtres,  l'honneur  des 
martyrs  ,  la  joie  des  saints ,  la  lumière  d'Abraham,  d'Isaac  et  de 
Jacob,  la  gloire  d'Aaron,  la  splendeur  de  Moïse,  la  toison  de 
Gédéon  ,  celle  qui  réunit  en  elle  les  saintes  hiérarchies  et  qui  est  1A 
courunue  des  vierges  par  sa  beauté  et  son  incomparable  éclat 
(Serrn.  de  Laud.  Virg.), 


(1)  Sit  tibi  caneta  mater  Dei,  laus  ;  tu  enim  es  pretiosa  margarita  orbis  terrariim, 
tulampas  inexsunguibdis  ,  corona  \irginitatis  ,  sceptrum  orlhodoxœ  fadei  (Homil. 
cunuu  Jsestor.). 


464  MARIE. 

Je  vous  salue  ,  -Marie,  pleine  de  grâ<  Le  saint  Bernard;  vous 

êtes  agréable  à  Dieu  ,  aux  anges  et  aux  hommes  :  aux  homin  s  par 
votre  fécondité,  aux  anges  par  votre  virginité,  à  Dieu  par  \otie 
humilité  (1). 

L<-  Très-Haut  a  sanctifié  son  tabernacle,  dit  lePsalmiste  :  Soncti- 
ficavit  tabernaculum  suum  Allissimus  (xlv.  5).  Marie  est  ce  taberna- 
cle  Dieu  s'est  incarné  en  Marie;  le  corps  de  J.  C.  a  été  formé  île 

la  substance  de  cette  bienheureuse  Vierge  devenue  mère  de  Dieu; 
voilà  des  titres  qui  devaient  nécessairement  attirer  sur  Marie  la 
plénitude  de  toutes  les  grâces  et  en  faire  un  océan  presque  sans 

rivages,  océan  dont  la  profondeur  est  incommensurable En  J.C., 

dit  saint  Paul,  habite  corporellement  toute  la  plénitude  de  la  divi- 
nité :  In  ipso  inhabitat  omnis  plénitude*  divinitatis  corporaliter  (Coloss. 
ii.  9).  Mais  le  corps  de  J.  C.  appartient  à  Marie  ;  la  plénitude  de  la 
divinité  est  dune  en  quelque  sorte  en  elle 

Comme  l'océan  réunit  toutes  les  eaux  ;  ainsi  Marie  réunit  toutes 
grâces,  dit  saint  Donaventure  :  Sicut  in  mari  aquarum,  ita  in  Maria 
sunt  congregationes  gratiarum  (De  Laud.  Virg.,  c.  vu  ). 

Les  fleuves  vont  à  l'Océan  et  y  mêlent  leurs  eaux  :  Marie  ,  fleuve 
de  grâces,  s'unit  à  l'océan  divin  et  s'y  confond.  Quelle  est ,  s'écrient 
les  anges  pleins  d'étonnement,  envoyant  la  plénitude  des  grâces 
dont  Marie  a  été  enrichie;  quelle  est  celle-ci  qui  s'élève  du  désert, 
inondée  de  délices,  appuyée  sur  son  bien-aimé?  Quœ  est  ista,  quœ 
ilit  de  deserto,  deliciis  afjluens ,  innixa  super  dilectum  suum? 
(Gant.  vill.  5.) 

La  grâce ,  en  Marie ,  est  proportionnée  à  la  dignité;  or  la  dignité 
je  mère  de  Dieu  est  presque  infinie 

La  grâce  de  la  sainte  Vierge  est  immense,  dit  saint  Ephrem  : 
Gnitia  sancta?  Virginis est  immensa  (Orat.  de  Laud.  Virg.). 

Le  sentiment  manque  et  la  langue  fait  défaut  à  relui  qui  désire 

]i nsidéreret  d'exprimer  l'immensité  de  votre  grâce  et  de  votre 

gloire,  ô  bienheureuse  Vierge  :  fmmensitatem  gratta  fuœ  et  gloriœ 
tuœ  considerare  cupienti,  o  Virgo,  sensus  de/icil ,  lingua  faliscit  (De 
Excell.  Virg.  ). 

La  Vierge,  dit  saint  Jean  Damascène,  est  le  trésor  de  la  vie, 
l'abîme  incommensurable  de  la  grâce  :  Virgo  vitœ  thésaurus,  gratics 
abysses  immensa  (  Orat.  n  de  Dormit.  Virg.  ). 

'1)  Ave,  Maria,  grati  o ,  ei  angelis,  ei  jrata  :  honainibus 

......  cm  ,  Dco  per  huiuiliUieia  (  8trm>  in   inler 

ai  tu-  ,. 


La  grâce  dont  Marie  a  été  comblée  rit  inmuMwq ,  <Trr  saint  Bona- 
venture;  car  un  vase  immense  ne  peut  erre  rempli,  à  moins  que  ce. 
qui  le  remplit  De  soit  immense  :  mais  Marie  a  été  un  vase  hors  de 
mesure, puisqu'elle  a  pu  contenir  celui  qui  est  plus  grand  que  le 
ciel.OVierge  presque  infinie,  vous  surpassez  l'étendue  des  cieux;  cai 
vous  avez  donné  une  demeure  à  celui  que  le  ciel  ne  limite  pas.  Vous 
êtes  plus  grande  que  le  monde;  car  celui  que  l'univers  ne  saurait 
contenir  s'est  incarné  dans  votre  sein.  Si  donc  le  sein  de  Marie  a  été 
si  grand ,  combien  plus  l'est  son  âme  !  Si  sa  capacité  a  dépassé 
toute  mesure ,  il  a  fallu  que  la  grâce  qui  la  remplie  fût  elle-même 
sans  mesure  (1). 

La  plénitmle  de  la  grâce  est  due  à  la  mère  de  Dieu,  dit  saint 
Cyprien  :  Matri  Dei  plenitudo  grati'œ  debetur  (Serm.  de  Nativ. 
Christi).  Aux  autres,  dit  Sophronius,  la  grâce  est  donnée  avec 
mesure;  mais  sur  Marie,  elle  est  répandue  sans  mesure  (Serm.  de 
Assumpt.  ). 

La  mesure  de  grâce  qu'a  reçue  Marie,  dit  saint  Laurent  Justinien, 
a  certainement  été  grande  et  pleine;  elle  a  débordé  :  Magna profecto 
fuit  Maria?  gratta ,  exuberans  atque  compléta  (  De  B.  Virg.  ). 

Tous  les  fleuves  de  grâce  qu'ont  reçus  les  saints  et  tout  ce  qui  les 
rend  agréables  à  Dieu,  se  trouvent  dans  Marie,  dit  saint  Bonaven- 
ture  :  le  fleuve  de  la  grâce  des  anges  est  en  elle,  le  fleuve  delà  grâce 
desapùtres  est  en  elle,  etc.  (2)  (Le  docteur  séraphique  parcourt  ainsi 
toute  la  sainte  hiérarchie.  ) 

Qu'y  a-t-il  d'étonnant  que  Marie  possède  dans  le  ciel  une  joie  et 
une  gloire  pleines  et  surabondantes,  puisque,  dit  Sophronius,  elle 
a  possédé  dans  l'exil  une  grâce  entière  et  surabondante  (Serm.  de 
Assumpt.  ). 

Tous  les  saints  Pères  enseignent  que  la  bienheureuse  Vierge  sur- 
passe de  beaucoup  en  grâce  et  en  gloire  tous  les  saints,  tous  les  élus, 
tous  les  anges,  les  chérubins  et  les  séraphins ,  et  qu'aucune  créature 

(1)  Tmmensa  fuit  gratia,  qua  Virgo  fuit  plena  :  immensum  enlm  vas  non  potest 
esse  plénum,  nisi  immensum  sit  illud  quo  est  plénum.  Maria;  autem  vas  immensis- 
simuin  luit,  ex  quo  illum,  qui  cœlo  major  fuit,  eonlinere  poluit.  Tu  ergo  immensis- 
sima.  capacior  es  cœlo,  quia  quem  cœli  eapere  non  poterant,  tu  continuai.  Ta 
capacior  es  mumlo,  quia  quem  tôt  us  non  capit  orbis,  in  tua  se  clausit  viscera,  factus 
homo.  Si  ergo  Maria  tam  capacissima  fuit  ventre,  quanto  magis  mente!  Et  si  capaci- 
tas  tam  iminer.sa  fuit,  oportuit  quidem  ut  illa  gratia,  qusc  tantam  implere  poluit 

latem,  esset  immensa  [Speculi,  c.  v). 

(2)  Omnia  flumina,  omnia  charismata  sanctorum  intrant  in  Mariam  :  flumenenim 
gralia'  angelorum ,  intrat  in  Mariam;  flumen  gratia;  apostolorum,  intrtt  i» 
||ari  'if fi  m.) 


466  MARIE. 

ne  lui  est  comparable.  Seul,  le  Créateur  e?t  au-des?ns  d'elle Vous 

êtes,  ô  Marie ,  dit  saint  Ephrem,  vous  êtes  supérieure  à  tout ,  Dieu 
seul  excepté  :  Solo  Deo  excepto,  cunctis  superior  existis  ( lu  Orat.  de 
Land.  Virg.). 

Dieu,  dit  Albert  le  Grand,  a  donné  le  nom  de  mer  à  la  réunion 
des  eaux;  la  réunion  de  toutes  les  grâces  s'appelle  Marie  :  Congre* 
gationes  aquarum  vocavit  Deus  maria  ;  îocus  autem  omnium  gratiarum 
vocatur  Maria  (  Homil.  super  Missus  est). 

Marie,  dit  saint  Bonaventure,  est  appelée  mer,  à  cause  do  l'abon- 
dance des  grâces  qu'elle  a  reçues.  Marie  estle  rejeton  de  Jes^é.  ilont 
parle  Isaïe.  11  sortira,  dit  ce  prophète,  un  rejeton  de  la  tige  de  J< 
une  fleur  s'élèvera  de  ses  racines.  L'esprit  du  Seigneur  reposera  sur 
lui;  l'esprit  de  sagesse  et  d'intelligence ,  l'esprit  de  conseil  et  de 
force,  l'esprit  de  science  et  de  piété,  l'esprit  de  crainte  de  Dieu  (xi. 
1.2).  Que  Marie  dise  donc  avec  assurance  :  Je  suis  célèbre  comme 
le  cèdre  du  Liban,  comme  le  palmier  de  Cadès,  et  comme  les  rosier- 
de  Jéricho.  J'ai  grandi  comme  un  bel  olivier  dans  la  campagne,  et 
comme  le  platane  sur  le  bord  des  eaux.  J'ai  répandu  l'odenr  du  cin- 
namome  et  du  baume,  j'ai  exhalé  le  parfum  de  la  myrrhe;  mon 
parfum  ressemble  à  celui  du  baume  pur  et  sans  mélange  (  Eccli. 
xxiv.  17-21).  J'ai  étendu  mes  rameaux  comme  le  térébinthe ,  et 
mes  rameaux  sont  des  rameaux  d'honneur  et  de  grâce.  J'ai  donné 
des  fleurs  odorantes  comme  la  vigne,  et  mes  fleurs  dépendront  des 
fruits  de  gloire  et  de  chasteté  :  Ego  quasi  terebinthus  extendi  ramos 
meos ,  et  rami  mei  honoris  et   gratiœ.  Ego  quasi  vitis  fructifi 
mavitatem  odoris;  et  flores  mei  fructus  honoris  et  honestatis  (  Ibid. 
2-2.  23).  Je  suis  la  mère  du  bel  amour;  en  moi  se  trouve  la  voie  de 
tonte  grâce  et  de  toute  vérité  :  Ego  mater  pulchrœ  dilec/ionis.  In  me 
gratia  omnîs  via?  et  veritatis  (Ibid.  24.  25).   Venez  à  moi,  vous 
tous  qui  me  désirez  avec  ardeur,  et  rassàâiêz-vous  '^  fruits  que  je 
porte   :  Transite  ad  me  omnes  qui  concupiscitis  me,  et  a  gencratio- 
nibus  meis  implcmini  (Ibid.  26).  Ceux  qui  se  nourrissent  de  moi 
auront  encore  faim,  et  ceux  qui  se  désaltèrent  à  mes  eaux  auront 
encore  soif:  Qui  edunt  me,  ad  hue  esurient  ;  et  qui  bibunt  me ,  adhuc 
titient  (Ibid.  59).   Celui  qui  mMcoutô  ne  sera  point  confondu,  et 
ceux  qui  agissent  sous  m  m  ne  pécheront  pas  :  Qui  audit 

me,  non  confundetur  :  et  qui  opnrantur  in  me ,   non  peccabunt  ( 
30).   Ceux  qui  me  trouvent  auront  la  vie  éternelle:  Qui  élucidant 
me,   vitam  Œterr.mn   habebunt  (I  .  Voilà  le  livre  de  vie,  l'al- 

liance   du    Très -Haut    et    la  connaissance   de    la   vérité  : 


VARIE.  467  I 

omnin  liber  vitœ  ,  et  testamentum  Àltissimi ,  et  agnitio  verilatis 
(Ibid.  32). 

lT.\T  amour  ardent  pour  Dieu  dévorait  Marie Elle  soupirait  après    XVI.  Amoui 

la  rédemption  des  hommes  et  la  venue  du  Messie.  Elle  ne  cessait  de 
prier  pour  obtenir  cette  grâce  des  grâces;  elle  l'obtint 

Vous  avez  trouvé,  ô  Marie ,  ce  que  vous  cherchiez ,  dit  saint  Ber- 
nard. Vous  avez  trouvé  ce  que  personne  avant  vous  n'avait  pu  trou- 
ver, vous  avez  trouvé  grâce  auprès  de  Dieu;  et  quelle  grâce?  la 
paix  des  hommes  avec  Dieu,  la  destruction  de  la  mort,  la  répara- 
tion de  la  vie  (  Homil.  ni  super  Missus  est  ). 

Le  Paint-Esprit  s'unit  à  Marie  comme  le  feu  au  fer,  dit  saint 
Udefonse;  il  l'enflamme,  la  dévore,  la  transforme  en  son  amour;  tel- 
lement qu'on  ne  voit  en  elle  que  les  flammes  ardentes  de  l'Esprit- 
Saint,  et  qu'elle  ne  sent  autre  chose  que  le  feu  de  l'amour  de 

Dieu (Serin,  i  de  Assump t.)  C'est  à  juste  titre  que  l'Ecriture 

appelle  la  très-sainte  Vierge  la  mère  du  bel  amour  :  Ego  mater 
pulchrœ  dilectionis  (Eccli.  xxiv.  24).  Aussi  dit-elle  dans  les  Can- 
tiques :  Mon  bien-aimé  est  à  moi,  et  je  suis  à  lui  :  Dilectus  meus 
mi/ti ,  et  ego  Mi  (n.  16). 

L'amour  de  Marie  surpasse  l'amour  de  tous  les  anges,  celui  des 

chérubins  et  des  séraphins Son  cœur  est  un  océan  d'amour  et  de 

charité Jamais  Dieu  n'a  aimé  aucune  créature,  ni  toutes  les 

créatures  ensemble ,  comme  il  a  aimé  Marie;  et  jamais  aucune  créa- 
ture, ni  toutes  les  créatures  réunies,  n'ont  aimé  Dieu  autant  que 
l'a  aimé  Marie.  Marie  ayant  été  à  la  fois  le  père  et  la  mère  de  Jésus , 
Jésus  l'a  aimée  sans  partage.  Jésus  de  son  côté ,  appartenant  tout 
entier  à  Marie ,  celle-ci  a  eu  pour  lui  un  amour  également  sans 

partage Son  fils  est  tout  à  elle,  elle  est  toute  à  son  fils.  De  là, 

un  amour  mutuel  et  parfait 


ÈvE,  séluitepar  sa  folie,  se  laissa  entraîner  à  perdre  le  monde  ;  xvn.  Sa 

Marie,  préservée  par  sa  sagesse,  mérita  d'aider  à  le  sauver Eve      dc  Marie. 

fut  une  épine  empoisonnée  qui  piqua  Adam,  causa  sa  mort,  et  fit 
pénétrer  le  venin  du  péché  au  plus  profond  de  la  race  humaine. 
Marie,  vierge  très-prudente,  est  le  siège  de  la  sagesse,  comme  l'Eglise 
I  dans  les  litanies  :  Sedes  sapientiœ.  Eve  nous  a  blessé  d*un 

aiguillon;  Marie  l'a  arraché.  E':e  a  écouté  le  serpe.;t  et  elle  a  intro- 
duit la  mort  dans  le  monde;  Marie  a  écouté  l'ange,  et  elle  nous  a 
donné  la  vie.  Eve.  en  prêtant  l'oreille  à  la  voix  du  serpent,  a  donné 


(>>C 


468  MIME. 

entrée  au  démon  dans  son  cœur;  Marie,  en  adhérant  aux  paroles  rie 
l'ange,  a  reçu  J.  C.  dan?  son  sein.  Eve  a  mangé  le  fruit  de  mort  et 
elle  a  communiqué  la  mort;  Marie  s'est  nourrie  du  fruit  de  vie,  et 
par  son  entremise  la  vie  a  été  rendue  aux  hommes.  La  folie  d'Eve 
a  tout  détruit;  la  sagesse  de  Marie  a  tout  réparé 

La  malice  ne  triomphe  pas  de  la  sagesse,  dit  l'Ecriture  :  Sapienliam 
non  vincit  malitia  (  Sap.  vu.  30  ). 

Saint  Bernard  parlant  d'Adam  et  d'Eve ,  de  Jésus  et  de  Marie ,  dit  : 
La  malice  du  serpent  vainquit  Adam  et  Eve,  qui  étaient  devenus 
insensés;  mais  Jésus  et  Marie,  par  leur  sagesse,  ont  arrêté  les  effets 
de  la  folie  de  nos  premiers  parents  et  de  la  malice  du  serpent.  Que 
disiez-vous,  Adam?  La  femme  que  vous  m'avez  donnée  pour  c  m- 
pagne  m'a  présenté  du  fruit  de  cet  arbre,  et  j'en  ai  mangé.  Ces 
paroles  sont  des  paroles  de  malice,  qui  augmentent  votre  faute,  loin 
de  la  diminuer.  Eve  est  effacée  par  une  autre  femme.  Eve  est 
insensée,  celle-ci  est  prudente;  Eve  est  orgueilleuse,  celle-ci  est 
humble.  Pleine  de  sagesse,  elle  vous  présente,  à  la  place  du  fruit  e 
mort,  le  fruit  de  vie;  au  lieu  d'une  nourriture  amère  et  empoi- 
sonnée, elle  produit  et  vous  offre  la  douceur  du  fruit  éternel. 
Changez  donc,  ô  Adam,  changez  les  paroles  de  votre  criminelle 
excuse  en  paroles  d'actions  de  grâces,  et  dites  :  La  femme  que 
vous  m'avez  donnée  m'a  présenté  le  fruit  de  l'arbre  de  vie  , 
j'en  ai  mangé;  et  ce  fruit  a  été  plus  agréable  pour  moi  que  le 
miel,  parce  que,  par  lui,  vous  m'avez  donné  la  vie  (lloinil.  m 
super  Missus  est). 

La  malice  du  serpent,  dit  encore  saint  Bernard ,  a  trompé  Eve 
l'insensée;  mais,  là  même  où  cette  malice  a  paru  vaincre  pour  un 
temps, elle  a  été  vaincue  pour  l'éternité;  car  la  sagesse  de  Marie  agit 
sur  notre  cœur  et  sur  notre  corps,  afin  qu'étant  devenus  insensés  par 
une  femme,  nous  devinssions  sages  par  une  autre  femme  (  Homil.  in 
super  Missus  est). 

Par  la  sagesse  de  Marie,  les  trésors  de  la  grâce  se  sont  ouverts  ; 
disent  les  Proverbes  :  Sapientia  tflius  eruperunt  abyssi  [gratiœ)  (in.  -<)). 
Marie  sera  la  vie  el  1 1  grâce  de  notre  âme  :  Et  erit  vita  animœ  tuœ 

et  gratia (Prov.  m.   2Î.  )   Celle  qui  devait  être  la  mère  de  la 

sagesse  incréée,  ne  pouvait  être  que  sagesse 

\Wlï.       Dieu  seul  est  saint  par  essence Il  n'y  a  de  saint  que  celui  qui  \ 

Sainteté d*     s'approche  de  Lieu  et  qui  communique  avec  lui;  et  li  siin' 

fiugmeute  à  proportion  qu'pn  est  plu  I  >ieu  et  plus  uni  à.  lui. 


MARTE.  469 

Or,  Marié  étant  de  toutes  les  créatures  la  plus  rapprochée  rie  Dieu  et 
la  plus  intimement  unie  à  lui,  il  s'ensuit  qu'elle  est  la  plus  sainte 
de  tontes.  Jamais  il  n'y  eut  de  rapprochement  et  d'union  si  intimes 
avec  Dieu  que  ceux  qui  résultent  de  la  maternité  divine.  Cependant 
cette  proximité,  cette  parenté,  cette  consanguinité  de  Marie  avec 
Dieu,  ne  lui  eût  servi  de  rien ,  si  elle  n'eût  porté  J.  C.  dans  son  cœur 
encore  plus  que  dans  son  sein.  Marie  est  plus  heureuse  d'avoir  reçu 
J.  C.  par  la  foi,  que  de  l'avoir  reçu  par  l'incarnation 

Marie  avait  entendu  et  compris  ces  paroles  de  Zacharie  :  Nous 
marcherons  devant  Dieu  dans  la  sainteté  et  la  justice  tous  les  jours 
de  notre  vie  :  In  sanctitate  etjustitia  coram  ipso,  omnibus  diehus  nostris 
^Luc.  i.  7,')  ). 

La  sainteté  est  un  éloiguenient  et  une  aversion  pour  le  monde  et 
pour  le  péché,  un  attachement  et  une  union  à  J.  C.  et  à  la  vertu; 
oi\  Marie  a  toujours  évité  le  monde  et  le  péché;  elle  n'a  vécu  que 
pour  J.C.  et  la  vertu.  La  sainteté  consiste  à  offrir  son  corps  en  hostie 
vivante  ,  sainte,  agréable  à  Dieu,  comme  le  dit  Je  grand  Apôtre  :  Ut 
sxhiU'Citis  corpora  vestra  hostiam  viventem ,  sanctam,  Deo  placentem 
[Ro  n.  xii.  1  ).  Or,  Marie  n'a-t-elle  pas  tenu  cette  conduite?  Bien  plus 
que  saint  Paul  elle  a  pudire  :  J.  C.  est  ma  vie:  Mihi  vivere  Chrîstus 
(  Philipp.  i.  21  ).  Je  vis;  ce  n'est  plus  moi  qui  vis,  c'est  J.  C.  qui  vit 
en  moi  :  Vivo,jam  non  ego,  vivit  vero  in  me  Christus  (Gai.  il.  20). 
Marie  a  été  sainte  dans  ses  yeux,  ses  oreilles,  sa  langue,  ses  mains 
et  ses  pieds;  ellea  été  sainte  dans  ses  pensées,  ses  désirs,  son  cœur, 
son  esprit  et  toute  son  âme;  elle  a  été  sainte  dans  tous  ses  mouve- 
ments ,  toutes  ses  démarches  et  toutes  ses  actions.  Plus  parfaitement 
qu'Hénoch,  elle  a  marché  avec  Dieu  :  Ambulavit  cum  Deo  (  Gen. 

v.  -2).  Encore  sur  la  terre,  Marie  était  constamment  au  ciel Elle 

a  accompli  à  la  lettre  le  précepte  donné  par  le  Seigneur  dans  leLévi- 
tique  :  Soyez  saints,  parce  que  je  suis  saint,  moi  le  Seigneur  votre 
Dieu  :  Sancîi  estote ,  quia  ego  sancius  sum,  Dominus  Deus  vester 
(xix.  2). 

LoitsQTJE  l'ange  eut  salué  Marie  commepleine  de  grâce,  comme  ayant  X]X  Humilité 
le  Seigneur  avec  elle ,  comme  bénie  entre  toutes  les  femmes,  et  sur-  de  Marie. 
tout  comme  devant  être  mère  de  Dieu;  loin  de  s'enorgueillir  de  tant 
d'honneur,  de  si  grands  titres  et  de  grâces  si  extraordinaires,  Marie 
s'e.-t  déclarée  du  fond  de  son  âme  la  très-humble  servante  du  Sei- 
gneur :  Ecce  ancilla  Domini  (  Luc.  1.38).  Reine  du  ciel  et  de  la  terre, 
devant  avoir  puissance  sur  J,  C, ,  elle  a  pris  le  titre  de  servante  du 


170  :jàrîe. 

Seigneur  i  Ecreoncîïïa  Dnmim.  Saluée  par  ^ambassadeur  de  l'Eternel 
comme  la  mère  future  de  Dieu ,  elle  ne  voulut  être  que  sa  servante  : 
Ecce  ancilla  Ihmini.  C'est  à  juste  titre,  dit  saint  Bernard,  qu'elle  est 
devenue  la  maîtresse  et  la  reine  de  tous  les  hommes,  puisqu'elle  se 
regardait  comme  la  servante  de  tous  :  Mvrito  facta  e  n  domina, 

quœ  se  omnium  exhibebat  aniillam  (Serm.  in  Apoe.  ).  Parce  que  le. 
Seigneur  a  jeté  les  yeux  sur  l'humilité  de  s;i  servante,  dit-elle.  ;  voilà 
que  tontes  les  générations,  à  cause  de  cela, m'appelleront  heureuse: 
Quia  respexit  humilitatem  ancillœ  suœ;  ecce  enim  ex  hoc  beatam  me 
dicent  omnes  generationes  (Luc.  T.  48  ). 

C'est  avec  raison  que  Marie  dit  que  le  Seigneur  a  considéré  et  nimê" 
l'humilité;  car  le  salut  que  la  nature  humaine  avait  perdu  par  l'or- 
gueil de  nos  premiers  parents,  elle  l'a  retrouvé  en  Marie  par 
l'humilité,  dit  saint  Augustin  (1). 

Dieu  regarde  l'humilité  de  Marie,  et  il  la  comble  de  grâces 

Poussées  par  une  espèce  d'orgueil,  toutes  les  femmes  juives  désiraient 
d'être  mères  du  Messie;  seule,  Marie,  tout  en  désirant  plus  que  toute 
autre  la  naissance  du  Rédempteur  promis,  n'a  jamais  eu  même  la 
pensée  qu'il  lui  serait  doux  d'eu  être  la  mère,  tant  elle  était  humble; 
et  cette  humilité  a  fait  descendre  dans  son  sein  virginal  le  Verbe  de 
Dieu.  La  plus  humble  des  créatures  est  devenue,  par  son  humilité, 
la  plus  grande  et  la  plus  élevée.  Le  Roi-Prophète  dit  :  Du  haut  de  son 
trône,  le  Seigneur  regarde  les  humbles,  et  il  ne  voit  que  de  loin  les 
superbes  :  Excelsus  Dominas,  et  kvmilia  respiciï ,  et  a! ta  a  longe 
cognoscit  (  cxxxvn.  G  ). 

0  véritable  humilité,  s'écrie  saint  Augustin.  A  véritable  humi 
qui  a  enfanté  un  Dieu  aux  hommes,  qui  a  donné  la  vie  aux  mortels, 
qui  a  renouvelé  les  cieux  ,  qui  a  purifié  le  monde,  qui  a  ouvert  le 
paradis,  et  a  délivré  les  âmes  de  l'esclavage  !  (2) 

L'humilité ,  dit  saint  Basile,  est  le  plus  sûr  trésor  de  \ 
vertus;  elle  en  est  le  principe  et  la  base  :  Humilitas 
virtutum  uranium  thesaunts,  radix  et  fundamentnm  (Constit.  Monast., 

",.  XVII). 


(1)  Bcnc  Maria  in  humilitatem  Dnmintim  r^i.exisse  testatur,  quia  divinilatia  pro- 
pitiationem  quara  humaaa  naturo  in  <>  .i   rbiam  perdidit ,  in 

p<  r  huiniiii.ifnn  recuperavil  (  Sei 

(2)  0  vera  bumiliti  .•  p  péri  ,  vitam  morlalibus  cilidi!» 
éœloa  innovavit,  mu  ml purificavfl,  paradisum  aperuit,  et  hominum  animas libé- 
rant !  (  Si                    i  fsuntpt.) 


MARIE.  171 

L'humilité,  dit  saint  Chrysostome,  est  le  plus  grand  des  sacrifi- 
ces :  'um  maximum  est  humilitas  (  Homil.  n  in  Psal.  l  ). 

Marie,  dit  saint  Bernard,  a  plu  infiniment  à  Dieu  par  sa  virgi- 
nité; mai.-,  j'ose  le  dire,  sans  l'humilité  dont  elle  était  ornée,  elle 
n'eût  i  as  été  oisie  pour  être  la,  mère  de  J.  C.  :  Sine  humditute  autem, 
audeo  dkere ,  nec  viryinitas  JMu/iœ  plae uissec  ( Homil.  super  Misas 
est). 

Comme  Eve  s'était  laissé  entraîner  à  désobéir  à  Dieu  et  à  le  fuir,  dit     Xî-  0i'«is- 

sance  de 

sain,  Irénée,  Marie  s'est  laissé  persuader  de  lui  obéir,  et  ainsi,        Marie. 
Marie  vierge  est  devenue  l'avocate  d'Eve  vierge  (I). 

L'ange  annonce  à  Marie  la  volonté  de  Dieu  pour  l'incarnation  du 
Yerhe;  elle  obéit  :  Je  suis,  dit-elle,  la  servante  du  Seigneur;  qu'il 
me  soit  fait  selon  votre  parole  :  Ecce  ancilla  Dornini;  fiât  mihi  secun- 
dum  verbum  tuum  (  Luc.  i.  38  ). 

L'obéissance  de  Marie  sauve  le  monde  :  la  désobéissance  d'Eve  en 
avait  causé  la  perte 

Lange  ordonne  à  Marie  de  faire  le  long  et  pénible  voyage  de 
l'Egypte,  et  de  porter  avec  elle  son  fils  :  elle  part  aussitôt 

L'  ^éissance  de  Marie  est  de  tous  les  instants  ;  elle  obéit  dans  toutes 

les  occasions ,   elle  prévient  Tordre 11  est  dit  deJ.  C.  qu'il  fut 

obéissant  jusqu'à  la  mort,  et  à  la  mort  de  la  croix  :  Factus  obediens 
usque  od  mortem,  mortem  autem  crucis  (Philipp.  n.  8).  On  peut  en  dire 

autan-  Je  Marie Marie  ayant  toujours  fait  la  volonté  du  ciel,  le  ciel 

fera  éternellement  la  sienne 

Mari."  a  toujours  été  vierge,  et  par  conséquent  toujours  infini-    XXI.  Pureté 

ment  pure Il  fallait,  dit  saint  Anselme,  que  la  Vierge  Marie 

eût  une  pureté  qui  fût  la  plus  grande  après  celle  de  J.  C.  {De 
Luud.  Virg.  ). 

Marie  est  si  pure  qu'elle  tremble  à  la  vue  même  d'un  ange  (  Luc. 
I.  29  ).  Apprenez  de  là,  vierges  chrétiennes,  à  craindre  et  à  vous  tenir 
sur  vos  gardes,  afin  de  conserver  la  plus  belle  et  la  plus  délicate 
des  vertus 

L'ange  annonce  à  Marie  qu'elle  sera  mère  de  Dieu;  mais  elle  est  si 
pure,  elle  tient  tant  à  cette  angélique  vertu,  dit  saint  Grégoire  de 
Nysse,  qu'elle  préfère  la  gardet     ue  L'etr.  ui&'e  de  bièu  ,  si  ceue 


(1)  Sicut  Eva  seducta  est  ut  fuçrerct  Deum;  sic  Maria  suasa  est  obedire  Deo,  ni 
\irgiuis  Evae  \irgo  Maria  fn-ret  advocata  (De  Laud.  Virg.). 


472  MAÏÏTB. 

maternité  doit  porter  atteinte  à  sa  pureté  «ans  tache  :  Angélus  parfum 
nuuliat  :  at  Ma  virginùati  inhœret,  et  integritatem  ongelicœ  démon- 
ttmtioni  endam  judicat  (Orat.  de  Nativ.  Clir  sti  ). 

L'Eglise,  dans  les  litanie?,,  appelle  Marie  très-pure,  très-chaste,  tou- 
jours \  ierge  :  Mater  purissima,  mater  castissima ,  mater  inviolata 

(  Voyez  il"  IX  :  Marie  est  demeurée  vierge  en  devenant  mère.  ) 

XXii.  Bonté    J]coi'TEZ  =aint  Bernard  :  Que  celui-là,  s'écrie-t-il,  ô  Vierge  heureuse, 
et  miséricorde  ...  .  .       ,  ,.,  .  . 

de  Marie.      tai?e  votre  miséricorde,  qui  se  souviendra  q-u  il  vous  a  invoquée  dans 

ses  !  que  vous  lui  avez  fait  défaut!  Qui  pourrait,  ô  Vierge 

bénie,  découvrir  la  longueur,  la  largeur,  la  hauteur  et  la  profon- 
deur de  votre  miséricorde?  ,1) 

Marie  est  l'image  de  la  bonté  de  Dieu,  dit  la  Sagesse  :  Imago  boni' 
tatis  il  lins  (TH.  2(3). 

Jamais,  dit  saint  Bernard,  aucun  siècle  n'a  ouï  dire  que  celui  qui 
a  Invoqué  Marie,  qui  a  eu  recours  à  elle  et  qui  l'a  implorée,  ait 
été  abandonné  (Memorare,  etc.). 

Votre  déification,  ô  Marie,  dit  saint  Pierre  Damien,  votre  sublime 
élévation  à  la  dignité  de  mère  de  Dieu,  serait-elle  un  motif  d'oublier 
notre  faible  humanité?  Nullement,  ô  notre  reine!  Vous  savez  dansquel 
péril  vous  nous  avez  laissés,  en  montant  au  ciel,  et  combien  vos  ser- 
viteurs sont  exposés  à  tomber  et  à  rester  dans  leur  chute.  Il  ne  con- 
vient  pas  à  une  si  grande  miséricorde  d'oublier  une  si  grande 
mi-ère  :  car  si  votre  glorieux  état  vouséloigne  de  nous,  votre,  nature 
en  rapproche;  et  vous  n'êtes  pas  devenue  tellement  impassi- 

e ,  que  vous  ne  puissiez  compatir  à  nos  maux  (2). 

Les  délices  de  Marie,  comme  ceux  de  J.  C,  sont  d'être  avec  le 
enfants  des  hommes:  Deliciœ  meœ  este  cum  filiis  hominum  (Ituv. 
vin.  31  ). 

Marie,  dit  saint  Y>-  r  ard,  D  ouvert  le  scinde  sa  miséricorde  à  tous, 
pdùr que  tous  reçussent  de  sa  plénitude  :1e  pécheur  le  pardon,  I»» 
•e,  l'ange  la  joie,  la  sainte  Trinité  la  gloire  (3). 

(1)  Silcnt  misericordiam  tnain,  Virgo  beata,  si  quia  est  qui,  invocatam  te  in  no'«j.v 
;  us  --iii<,  silii  m  miiucril  di  fuisse.  Quia  misericordiœ  Une,  <>  benedicla,  h> 
iliuem,  latïtudlnem,  snbliniïlatcm  cl  profundum,  qucat  invesligare?  [Berm.tYde 

umquid  ,  quia  ita  deificata  ,  îdeo  nostrs  bumanitatis  ohlita  os?  Nequa  iuam  , 

Domina    Scia  m  quo  discrimine  nos  rcliqueris ,   utl  jaceant,  quantum  delin         t 

i ni.  Non  enim convenil  Unie  misericordiae  lantam  miserinm  oblivisc  :  <|ii>a, 

iria,  revocat  natura;  neque  ita  es  pa  sibiiis,  ut  si.-  incompaasibilii 

I  Sa  m.  ite   '■'•;'■      I 

tlaria  omnibus  iniscricnnli.'n  sinum   nperuit,  ut  de  plenitudine  ejus  accipinnf 


MARIE.  173 

La  bonté  de  Marie  est  pleine  cle  prévenances.  Saint  Paul  appelle 
Dieu  le  père  des  miséricordes  et  le  Dieu  de  toute  consolation  : 
Pater  misericordiarum  et  Deus  totius  convoi  adonis  (  II.  Cor.  i.  3)  ;  on 
peut  appeler  Marie  la  mère  des  miséricoçdes  et  la  reine  de  toute 
consolation.  Ses  sentiments  d'amour  et  d'inefiable  tendresse  pour  les 
hommes  sont  comme  autant  d'ailes  dont  elle  se  sert  pour  voler  sou- 
dain au  secours  de.  ceux  qui  l'invoquent.  Voilà  pourquoi  saint 
Anselme  dit  :  Le  salut  est  quelquefois  plus  prompt  par  l'invocation 
du  nom  de  Marie  ,  que  par  l'invocation  du  nom  du  Seigneur  Jésus; 
parce  qu'au  Christ ,  comme  à  un  juge,  il  appartient  aussi  de  punir; 
tandis  qu'à  Marie,  comme  aune  protectrice,  il  n'appartieut  que 
d'avoir  pitié  (1). 

J'ai  couvert  toute  la  terre  comme  une  nuée ,  dit  Marie  par  la  bou- 
che de  l'auteur  de  l'Ecclésiastique  :  Sicut  nebula  texi  ornnem  terram 
(xxiv.  6).  Je  me  suis  assise  dans  toutes  les  régions  du  globe,  et 
parmi  tous  les  peuples  ?  2Î7  in  omni  terra  steti,  et  in  omni  populo 
(  Ibid.  xxiv.  9  ). 

La  bienheureuse  Vierge  Marie  couvre  la  terre  comme  une  nuée  : 
car,  1°  elle  couvre  de  sa  miséricorde  et  de  sa  protection  l'homme 

misérable  et  nu 2°  Comme  avec  les  nuées  du  printemps  un 

souffle  tiède  arrive ,  fait  fondre  la  glace  amoncelée,  humecte  la  terre 
et  la  dispose  à  porter  des  fruits  ;  ainsi,  en  présence  de  Marie,  la  glace 
que  le  démon  a  jetée  dans  le  cœur  se  fond,  le  repentir  se  produit, 
les  vertus  germent  et  se  développent. 

Tous  ceux  qui  le  veulent ,  participent  aux  hontes  de  Marie,  dit 
saint  Bernardin  :  Omnes  qui  volunt,  'participes  fiunt  gratiœ  suœ  (  De 
Laud.  B.  Virg.  ). 

Par  sa  charité  sans  bornes,  Marie,  dit  saint  Bernard,  s'est 
constituée  redevable  env°rs  les  pécheurs  comme  envers  les  justes; 
elle  ouvre  à  tous  ses  entrailles  de  miséricorde  [Homil.  v  super 
JMissus  est). 

Marie,  dit  Bonaventure ,  est  notre  colonne  de  nuées;  elle  noif 
protège  contre  les  rayons  brûlants  de  la  colère  divine ,  et  contre  lî 
feu  Ues  tentations  :  Manu  est  nobis  columna  nuàis  ;  quia  tanquam  nubei 


universi  :  peccator  veniam,  justus  gratiam,  angclus  lœtitiara,  tota  Trinitas  gloriam 
(Sein'   de  Assumpt.). 

(1;  Vi'locioresl  nonuunquam  salus,  memorato  nomineejus,  quam  invocato  nomine 
Domini  Jesu  :  quia  ad  Christum,  tanquam  ad  judicem,  pertinet  eliam  puuue  :  ad 
Ttfgiflem,  Uuquauj  ad  patronam,  non  oisi  misereri  [Lia.  de  Excell.  Virg.). 


474  MAME. 

proterjit  ab  œstu  divinœ  inâiç  ,  et  ab  œstu  diabolicœ  tentationis 

(Speculi). 

Il  est  dit  dans  l'Exode  :  Le  Seigneur  étant  dan?  la  colonne  de  feu 
et  de  nuée,  regarda  l'armée  des  Egyptîens  et  la  fit  périr  ;  il  renversa 
les  roues  des  chars,  qui  furent  ensevelis  an  fond  de  la  mer  (xlv. 
24.  25).  Dieu,  présent  en  Marie,  tient  1 .  même  conduite;  il  terrasse 
tous  les  ennemis  de  l'homme  :  l'enfer  ,  le  mon  te  et  la  chair 

J'ai  étendu  mes  rameaux,  et  ce  sont  des  rameaux  de  grâce  .  dit 
Marie  dans  le  livre  de  l'Ecclésiastique  :  Exteudi  ramos  mens .  et  I 
meiqratiœ  (xxiv.  22).  Ces  rameaux  sont  les  bras  miséricordieux 
de  Marie 

Je  me  suis  fait  tout  à  tous ,  pour  les  sauver  tous,  dit  saint  Paul  : 
Omnibus  omnia  fuctus  sum ,  ut  omnes  facerem  salvos  (I.  Cor.  IK.  22). 
Ces  belles  paroles,  inspirées  par  une  immense  charité  ,  conviennent 
plus  encore  à  Marie  qu'au  grand  apôtre.  Marie,  qui  e.-d  le  itefuge  des 
pécheurs,  la  consolation  des  affligés,  le  secours  des  chrétiens,  la 
santé  des  malades,  comme  la  nomment  ses  litanies ,  ouvre  à  tous 
les  hommes  son  cœur  miséricordieux,  afin  que  tous  éprouvent  les 
effets  de  sa  bonté.  Par  elle,  le  captif  voit  briser  ses  chaînes,  linliiiue 
reçoit  la  santé,  celui  qui  est  triste,  la  consolation,  le  pécheur,  la 
grâce  de  la  réconciliation.  J.  C.  tient  d'elle  sa  substance  corporelle  ; 
le  Fils  de  Dieu,  les  anges,  les  hommes,  le  ciel  et  la  terre  ont  tous 
reçu  quelque  chose  de  Marie:  quel  est  celui  qui  a  pu  se  soustraire  à 
sa  bonté  et  à  sa  charité?  Personne  ne  se  dérobe  à  la  chaleur  des 
rayons  du  soleil,  et  à  la  tendresse  de  Marie:  JSec  est  ç>h  se  abscondat 
a  calore  ejus  (Psal.  xviii.  7). 

Du  haut  de  la  croix,  J.  C.  étend  les  bras  avec  amour  et  embrasse 
le  monde;  Marie  étend  les  siens  avec  une  miséricordieuse  bonté ,  et 
elle  presse  sur  son  sein  maternel  tous  les  hommes  qui  n'y  mettent 
pas  d'obstacle. 

Quel  est  celui  qui,  parlant  de  cette  admirable  mère,  ne  peut 
emprunter  les  expressions  du  Urre  de  la  Sagesse  :  Tous  les  biens  me 
sont  venus  avec  elle ,  d'immenses  richesses  sont  tombées  de  ses  mains 
pour  moi?  Yenerunt  gutem  mihiomnia  bona pariter cum  Ma; et  innume- 
rabilis  honestas  per  manu»  illius  (  vu.  il).  Elle  est  un  trésor  inépuisable 
pour  les  hommes;  ceux  qui  l'ont  employée  sont  devenus  les  amis 
de  Dieu  :  In  finit  us  enim  thésaurus  est ,  honunibus  :  quo  qui  usisunt ,  par- 
ticipes factisunt  amicitiœ  Dei  (Sap.  vu.  14). 

Il  est  dit  de  Joseph  qu'il  ouvrit  tous  les  greniers  de  l'Egypte,  qui 
étaient  oleiuâ  de  {ruinent,  et  que  de  toutes  1&>  région»  un  veniùt  y 


MAftIE.  VTb 

ter  de  quoi  se  nourrir  et  adoucir  les  maux  de  la  famine  :  Ape- 
rvilque  Joseph  universa  horrea;  omncsque  \  rovmciœ  venicbont  in 
jE(ji/i>tum,  ut  emerent  esc  as }  et  mal  ht  inopiœ  temLerarent  (Gen.  xu. 
50.  57).  Marie  se  conduit  co  .  me  le  fils  de  Jacob;  que  dis-je?  elle 
l'ait  infiniment  plus,  puisque  ses  soins  s'étendent  à  tout  l'univers  et 

à  tous  les  siècles Comme  Joseph,  elle  ne  vend  pas,  mais  elle 

donne  et  donne  abondamment;  elle  n'adoucit  pas  seulement  la 
disette,  elle  l'efl'ace  entièrement;  elle  rassasie  tous  ceux  qui  oirl 
faim 

Empruntant  les  paroles  d'Isaïe  et  les  appliquant  à  Marie,  noub 
dirons  :  Vous  tous  qui  avez  soif,  venez  à  la  source  des  eaux  vives , 
venez  à  Marie  ;  tous  qui  êtes  dans  l'indigence,  hâtez-vous;  achetez 
et  mangez;  venez,  il  n'est  pas  besoin  d'argent  ni  d'échange;  pro- 
curez-vous le  vin  et  le  lait  :  Omnes  sitientes,  venue  ad  aquas  :  el  qui 
non  habctis  argentum}propcrate}  emite  et  comedite;  venue,  emite  absque 
argento,  et  absque  ulla  coummtatione  vinum  et  lac  (  lv.  1  ). 

Voulez-vous  J.  C?  elle  est  sa  mère,  elle  vous  le  donnera.  Voulez- 
vous  la  grâce?  elle  est  la  mère  de  la  divine  grâce,  comme  le  dit 
l'Eglise  dans  les  litanies:  Muter  divinœ  gratiœ.  Elle  est  le  canal  par 
où  descendent  toutes  les  grâces.  Voulez-vous  votre  salut  et  le  ciel9 
ils  vous  sont  assurés  par  Marie  et  en  Marie 

Il  est  dit  qu'à  cause  d'Esther,  son  épouse,  Assuérus  accorda  le 
repos  à  toutes  ses  provinces,  et  qu'il  leur  fit  des  largesses  royales  : 
Dédit  (rex)  requiem  univerm  provinciis ,  ac  doua  largitus  est ,  juxta 
ma'jnificentiain  principale?)*  (Estker.  ii>  48).  Dieu  donne  tout  ce  qu'on 
désire  et  tout  ce  qu'on  demande  par  Marie. 

Quel  inappréciable  bonheur  n'est-ce  pas  pour  les  hommes  si  pau- 
vres, es,  si  exposés,  d'avoir  en  Marie  un  appui  et  de  si 
grandes  richesses!... 

(Voyez  Signification  du  nom  de  Marie,  n°  VII;  Marie  est  notre 
mère ,  n°  XIV;  Marie  est  l'océan  des  grâces ,  n°  XV.  ) 

Dieu,  dit  saint  Bonaventure,  ne  pourrait  faire  rien  déplus  grand  que  xxui.  Gra»- 
Marie  :  il  pourrait  taire  un  monde  plus  grand,  il  pourrait  faire  un        Marie!* 
ciel  plus  grand;  mais  il  ne  pourrait  faire  une  mère  plus  grande  que 
lanière  de  Dieu  (I). 


(1)  lpsa  est,  qua  majorem  Deus  facere  non  posset  :  majorem  mundum  facere 
posset  :  eus,  majus  cœl  :m  lacère  posiet  Deus  ;  majorem  niahem  quam  mat  rem  Dei 
uou  yoiàat  facere  Deus  (  Hpecuii). 


d76  MARTE. 

Marie  est  si  grande  que  l'Homme-Dieu  lui  était  soumis,  dit  l'Evan- 
gile :  Erat  subditus  Mi*  |  Luc.  il.  51).  Qu'une  femme  commande  à 
un  Dieu,  c'est  une  grandeur  sans  égale,  dit  saint  Bernard  :  Quod 
Deo  femina  principetur ,  sublimitas  sine  socia  (Serm.  i  super  M  issus 
est). 

Marie  est  si  grande  qu'elle  contient  celui  que  le  ciel  et  la  terre  ne 
peuvent  contenir,  dit  saint  Bonaventure.  Elle  est  plus  grande  que  le 
ciel  :  Capacior  cœlo,  plus  grande  que  le  monde  :  Capacior  mundo. 
Si  son  sein  est  si  vaste  qu'il  a  renfermé  un  Dieu,  quelle  est  donc  la 
graodeur  de  son  âme!  Si  Maria  tam  capacissima  fuit  ventre,  quanto 
magis  mente!  (Speculi.  ) 

0  vierge  bénie  entre  toutes  les  femmes,  s'écrie  saint  Anselme, 
vous  l'emportez  en  pureté  sur  les  anges,  et  en  piété  sur  les  saints! 
0  benedicta  super  mulieirs ,  quœ  angelos  vincis  jpuritate,  sanctos  superas 
pietate!  ( De  Laud.  B.  Virg.  ) 

Votre  magnificence  a  été  élevée  au-dessus  des  cieux,  Seigneur, 
dit  le  Psalmiste  :  Elevata  est  mngnificcntia  tua  super  cœlos  (vin.  2). 
Saint  Bernardin  de  Sienne  applique  ces  paroles  à  Marie.  Cette  magni- 
ficence de  Dieu ,  c'est  la  vierge  Marie,  dit-il  :  Magnificentia  Dei  dicta 
est  virgo  Maria.  Car  dans  la  grandeur  de  Marie  et  même  dans  son 
humilité,  dans  sa  dévotion,  dans  ses  actions  de  grâces,  en  un  mot, 
dans  1  usage  qu'elle  a  fait  de  tous  les  biens  de  Dieu,  Dieu  a  été  plus 
honoré  qu'il  ne  l'est  par  toutes  les  créatures  du  ciel  et  de  la  terre 
réunies  ensemble.  C'est  donc  à  juste  titre  que  Marie  est  élevée  au- 
dessus  du  ciel,  c'est-à-dire  au-dessus  de  tous  les  chœurs  des  anges 
{DeB.  Virg.). 

11  n'est  pas  surprenant  que  Marie,  dans  son  sublime  cantique, 
s'écrie  :  Celui  qui  est  puissant  a  fait  en  moi  de  grandes  choses  :  Fecit 
mihi  magna  qui  potens  est  (Luc.  i.  49). 

La  grandeur  de  .Marie  l'emporte  sur  toutes  les  grandeurs  créées, 
comme  l'or  l'emporte  sur  le  fer,  le  ciel  sur  la  terre,  la  lumière  du 
Boleil  sur  toutes  les  autres  lumières.  En  présence  de  la  grandeur  de 
.Marie,  t<mtes  1rs  autres  grandeurs  créées  s'effacent  et  disparaisse)  ' 
comme  la  lumière  des  (toiles,  et  les  étoiles  elles-mêmes  au  lever  de 

l'astre  radieux  du  jour 

I  .;,;.  •■ .  i  Augustin ,  si  je  vous  donne  le  nom  de  ciel, 

vous  êtes  plus  élevée  ;  si  je  vous  appelle  la  mère  des  nations ,  je  ne 
dis  pas  assez  :  Si  cœlum  te  vocem,  attior  es;  s, 
prœccdis  (  Serm.  xxxv  île  Sanct.). 

Marie  a  reçu  toutes  les  qualités,  toutes  les  grâces,  toulos  les  vertus, 


MARIE.  177 

toutes  les  perfections  qui  ont  brillé  dans  tous  les  saints  pris  ensem- 
ble; e'e  le-  a  réunies  en  elle  comme  l'Océan  réunit  toutes  les  eaux 
qui  arr  ent  la  terre.  Elle  a  reçu  non-seulement  la  plénitude  de 
la  grandeur  de  tous  les  saints  et  de  tous  les  anges,  mais  la  plénitude 
de  la  gloire  de  tous  les  élus  :  Ma  demeure ,  dit-elle,  est  dans  la 
plénitude  de  tous  les  saints  :  In  pleniludine  $anctorum  detentio  mea 
(Eccli.  xxi  y.  16). 

La  bienheureuse  Vierge ,  dit  saint  Bonaventure ,  habite  non-seu- 
lement dans  la  plénitude  des  saints,  mais  elle  tient  les  saints  dans  sa 
plénitude,  afin  que  la  leur  ne  diminue  pas  ;  elle  possède  toutes  les 
vertus  pour  qu'elles  ne  s'enfuient  pas;  elle  a  tous  les  mérites  pour 
qu'ils  ne  se  perdent  pas  ;  elle  arrête  les  démons  pour  qu'ils  ne  nuisent 
pas;  elle  retient  son  fils,  afin  qu'il  épargne  les  pécheurs  (Speculi 
D.  Yirg.,  c.  vn). 

Là  où  se  trouve  la  plénitude  de  la  sainteté  des  hommes  et  des 
anges,  la  bienheureuse  Vierge  a  jeté  les  fondements  de  sa  gran- 
deur et  de  sa  sainteté,  dit  saint  Bernardin  de  Sienne  (Serm.  xi, 
art.  3,  c.  i). 

Pour  faire  l'univers,  Dieu  n'a  employé  qu'une  parole;  pour  faire 
Marie,  il  a  mis  en  œuvre  toute  la  puissance  de  son  bras  :  Fecitpoten- 
t'uiiu  in  brachiosuo  (Luc.  I.  5!  ). 

Les  giands  hommes  de  l'ancienne  loi ,  Hénoch ,  Noé,  Abraham, 
Isaac ,  Joseph,  Moïse,  Aaron,Josué,  Samuel,  David,  Salomon, 
Gé  éon,  Samson,  Elie,  Isaïe,  Jérémie,  Daniel ,  etc. ,  ont  été  les 
figures  de  la  grandeur  de  J.  G.  Toutes  les  femmes  mémorables  de 
l'Ancien  Testament,  Sara,  Debbora,  Jahel ,  Susanne,  Judith, 
Ësther,  etc.,  ont  été  les  figures  de  la  grandeur  de  Marie.  11  est  dit  de 
Judith  qu'elle  était  partout  très-célèbre  :  Erat  in  omnibus  famosissima 
(  Julith.  vin.  8).  S'adressant  à  elle ,  Holopherne  l'ait  entendre  ces 
paroles  :  Vous  serez  grande,  et  votre  nom  sera  célèbre  par  toute  la 
terre  'v  Tu  magna  eris,  et  nomen  tuum  nominabitur  in  universa  terra 
(Judith,  xi.  31).  Sur  son  passage,  le  peuple  de  Béthulie  s  écrie: 
Vous  êtes  la  gloire  de  Jérusalem,  vous  êtes  la  joie  d'Israël,  vous  êtes 
l'honneur  de  notre  peuple  :  Tu  gloria  Jérusalem  ,  tu  lœtitia  Israël,  tu 
honorificentia  populi  nostri  [  Judith,  xv.  10).  Ces  beaux  titres  con- 
viennent infiniment  mieux  à  Marie;  Judith  n'était  qu'une  ombre, 
une  figure  de  l'auguste  Vierge. 

Enfin,  Marie  est  au-dessus  de  tout;  Dieu  seul  est  au-dessus  d'elle  : 
encore  le  trône  où  elle  s'asseoit  est-il  çlacé  à  côté  et  a  la  droite  de 
celui  uc  sot  fils 


17R  MARTE. 

XXIV.        Mahil  nous  exauce,  dit  saint  .Jernard;  J.  C.  exauce  Marie;  le  Père 
de  Marie!      exauce  J.  C.  :  voilà  l'échelle  des  pécheurs,  voilà  ma  plus  grande 
confiance,  voilà  toute  mon  espérance  (Serm.  de  Aquœductu). 

Par  Marie,  dit  le  même  docteur,  le  ciel  Si  ii,  cl  l'enfer 

conserve  du  vide:  Per Mariant  cœlum  replc'umest,  ttinfernus  evacua- 
ter(€enn.  inCant.  ). 

En  Marie,  Dieu  a  placé  le  soleil  et  la  lune,  J.  C.  et  son  Ëfclîse  : 
In  Maria  Deus  posait  soient  et  lunam,  Christian  et  Eccksium  (Ljusd. 
Serm.  ). 

IV  i  n'a  été  n'tahli  sans  Marie,  comme  rien  n'a  été  fait  sans  Dieu. 
Tout  ce  que  Di  u  a  voulu  nous  donner  a  passé  par  les  main?  de 
Marie;  sa  volonté  est  que  nous  ayons  tout  par  elle,  dit  encore  saint 
Bernard  (1). 

C'est  de  Marie  qu'il  est  dit  clans  la  Genèse  :  Elle  écriera  la  tête  du 
serpent  :  Ipsacontei  et  capv.t  tuum  (in.  45).  Eclairé  \  ai-Esprit, 

le  Prophète  royal ,  ayant  vu  Marie,  lui  adresse  ces  |  : 

avez  I irisé  le  front  de  Léviathan,  vous  l'avez  donné  pour  p  I 
aux  peuples  du  désert  :  Tu  confregisti  capita  dromnis  :  dedisti  eum 
escam  po/julis  jEthiopuin  (lxxiii.  14). 

Marie  est  la  tour  de  David,  couronnée  de  créneaux, où  sont  suspen- 
dus mille  boucliers  et  toutes  les  armes  des  forts  :  Sicut  turris  David, 
q>  œ  œdificata  est  cum  propagnaculis  ;  mille  clypei pendent  ex  ea,  om  lis 
armatura  fortium  (Cant.  iv.  4).  Aussi  l'Eglise  l'appel  If»  *  file  ainsi: 
Turris  David ica  (Litan.  ). 

Quelle  est  celle  qui  s'avance,  terrible  comme  une  année  rangée 
en  bataille  hors  de  ses  tentes?  Quœest  istaguœ  progreditnr,  ternùilis 
ut  casirorutn  acies  ordinata?  (Cant.  vi.  9.  )  Cette  femme  c'est  Marie 

Les  ennemis  que  nos  yeux  peuvent  voir,  dit  saint  Bernard,  crai- 
gnent moins  une  grande  armée  rangée  en  bataille,  que  les  démons 
ne  i  tient  le  nom,  le  patronage  et  l'exemple  de  Marie  J  partout 
où  ils  trouvent  le  fréquent  souvenir  de  ce  nom,  la  fervente  invoca- 
tion et  l'imitation  fidèle  de  la  bienheureuse  Vierge,  ils  foulent  et 
dispare  nme  1  >  cire  en  présence  du  feu  (2). 

Seuie  mère  .1  ■  Diea,  Marie  peut  tout,  renouvelle  tout,  s'unit  a 

[\)  Sine  Maria  Bib.il  îvOctum  est ,  siriit  sine  Doo  niliil  factura.  Pcr  Maria  mua  l* 
transiit,  quod  Deus  no«  babere  voluit  ;  sicut  est  vuiiuiUa  ejm,  qui  toi  uni  nos  habera 
\oluit  pcr  Mariant  (  Serm.  de  li. 

(2)  Non  sic  timent  bostes  vtstbfles  castroruni  aciera  copiosam,  Bieut  nprpm  pntpeta- 
i  aluni   patrociniaix)  ilnra  :  flnunt  el    ereunt  sicut  c 

ign  g,  ubicumque  inventant  crebram  bujus  nomiais  recordatiouein,  devouui  wvoca- 
lionem,  solUcUam  UDllatioaem  [Speculi  ii.  Viry.,c.  ix). 


MARTE.  \  79 

toutes  les  âmes  fidèles  qui  bah  lent  la  terre;  elle  a  formé  les  amis  de 
Dieu  et  les  prophètes,  dit  la  Sagesse  :  Et  cum  sit  «na,  omnia  potest ; 
(jtnnia  innovât,  et  per  nationes  in  animas  sanctas  se  transfert  ;  amicos 
Dei et  prophètes  construit  (vu.  27). 

Vous  serez  le  premier  dans  ma  maison,  dit  Pharaon  à  Joseph,  et 
tout  le  peuple  obéira  à  l'ordre  de  votre  bouche;  je  n'aurai  de  plus 
que  vous  que  de  m  "asseoir  sur  le  trône  royal.  Voilà  que  je  vous  ai  éta- 
bli maitre  sur  toute  la  terre  d'Egypte  :  Tu  eris  super  domum  meam, 
et  ad  tui  oris  imperium  cunctus  populus  obediet  :  uno  tantum  regni 
soho  te  prœcedam.  Ecce  constitui  te  super  universam  terram  JEgypii 
(Gen.  xli.  40.  41).  Et  Pharaon  l'appela  sauveur  du  monde-:  Et 
vocavit  eum  salvatorem  mundi  (Gen.  xli.  45).  Toutes  ces  paroles  qui 
indiquent  et  donnent  la  puissance,  s'appliquent  merveilleusement  à 

Marie Le  peuple  ayant  faim,  cria  à  Pharaon,  demandant  du 

pain,  et  Pharaon  leur  répondit  :  Allez  à  Joseph,  et  faites  ce  qu'il 
vous  dira  :  Ite  ad  Joseph ,  et  quidquid  ipsevobis  dixerit,  facite  (Gen. 
xli.  53).  0  mortels!  allez  à  Marie,  et  faites  tout  ce  qu'elle  vous 
inspirera,  et  votre  misère  et  votre  faim  disparaîtront.  Comme  Joseph, 
elle  ouvrira  tous  les  greniers  de  la  terre  et  surtout  ceux  du  ciel  : 
Apenritque  Joseph  universa  korrea  (Gen.  xli.  56). 

Les  forts  d'Israël  disparurent  jusqu'au  temps  où  se  leva  Debbora  , 
dit  l'Ecriture,  jusqu'au  temps  où  se  leva  une  mère  en  Israël  :  Cessa- 
nt fortes,  donec  surgeret  Debbora,  surgeret  mater  in  Israël 
(  Judic.  v.  7  ).  Voilà  Marie.  Dans  l'univers,  pendant  quarante  siècles, 
la  faiblesse  avait  pris  la  place  de  la  force.  Marie  parait,  Marie,  la 
mère  de  tous  les  hommes ,  et  la  race  humaine  recouvre  la  vigueur. 
Les  démons  sont  liés,  l'enfer  est  fermé,  les  vices  sont  détruits;  où 
le  péché  avait  abondé,  la  grâce  surabonde,  le  ciel  s'ouvre:  tout 
était  perdu ,  tout  est  sauvé  ! ... 

Bethsabée ,  mère  de  Salomon,  alla  le  trouver  afin  de  lui  parler; 
et  ce  roi  se  leva  ;  il  vint  au-devant  d'elle,  et  se  prosterna;  puis 
il  s'assit  sur  son  trône;  et  un  trône  fut  apporté  pour  la  mère  du 
roi,  qui  s'assit  à  sa  droite.  Et  le  roi  lui  dit:  Demandez,  ô  ma 
mère ,  car  je  ne  dois  point  vous  amener  à  détourner  de  moi  votre 
visage  (1).  Ce  tableau  renferme  une  image  de  la  puissance  qu'exerce 
Marie  sur  son  fils  adorable,  le  Roi  des  rois 

(1)  Venit  Iîeltisabee  ad  regem  Salomonem,  ut  loqueretur  ei  :  et  surrexit  rex  in 
occursum  ejus,  atloravitque  eani,  et  sedit  super  thronum  suum  :  positusque  est 
thronus  matri  régis ,  quae  sedit  ad  dexteram  ejus.  Et  dïfcif  ei  rex  :  Pete,  mater  ;i<ea; 
neque  euiin  fus  est  ut  averlam  faciem  tuain  (111.  heg.  n.  19.  âO). 


"180  MARIE. 

Le  roi  Salomon,  dit  encore  l'Ecriture,  donna  à  la  reine  de  Saha 
tout  ce  qu'elle  voulut  et  tout  ce  qu'elle  lui  demanda  :  Rex  Sel,, non 
dédit  reginœ  Sabaomnia  quœ  voluit  et  petivit  ab  co  (III.  Reg.  x.  13). 

Telle  est  la  conduite  de  Dieu  envers  Marie 

Seigneur,  dit  Judith,  ceci  rendra  votre  nom  mémorable,  que  la 
main  d'une  femme  ait  renversé  le  fort  :  Erit  enim  hoc  memoriale 
nominis  tui ,  cum  manus  f émince  dejecerit  eum  (Judith,  ix.  15). 

Le  Seigneur,  dit  encore  Judith,  a  accompli  par  moi.  sa  servante, 
la  miséricorde  qu'il  avait  promise  à  la  maison  d'Israël;  il  a  fait 
périr  par  ma  main  l'ennemi  de  son  peuple  :  In  me  ancilla  sua  adim- 
plevit  misericordiam  suam,  guam  promisit  domui  Israël  ;  et  interfecit 
in  manu  mea  ftostem  populi  sut  (xiii.  18).  Voici  la  tète  d'Holopherne; 
le  Seigneur,  notre  Dieu,  l'a  frappé  par  la  main  d'une  femme: 
Eccc  caput  Ilolofernis  ;  per  maman  feminœ  percussit  illum  Dominas 
Deus  noster  (xm.  19).  Le  Seigneur  n'a  pas  permis  que  moi.  sa 
servante,  j'aie  été  souillée;  mais  il  m'a  rappelé  vers  vous  sans 
aucune  tache,  pleine  de  joie  de  sa  victoire,  de  mon  salut  et  de 
Autre  délivrance.  Vous  tous  donc,  confessez   le  Seigneur,  parce 

qu'il  est  bon,   et  que    sa  miséricorde   est  éternelle Et   tous 

adorant  Dieu,  dirent  à  Judith  :  Le  Seigneur  vous  a  berne  dans 

sa  force,   et  il  a  anéanti  nos  ennemis    par   vos   mains.   Or,  le 

prince  du  peuple,  O/.ias ,  lui  adressa  ces  paroles  :  Ma  fdle,  vous 

'  léniedu  Se'gneur  I  ieu  trè.-haut,  plus  que  toutes  les  femmes  de 

Ja terre.  Béai  soit  le  Seigneur,  qui  a  créé  le  ciel  et  la  terre,  et  qui 

vous  a  conduite  pour  frapper  la  tête  du  prince  de  nos  ennemis.  Car 

aujourd'hui  il  a  attaché  tant  de  gloire  à  votre  nom,  que  votre 

louange  ne  cessera  de  sortir  de  la  bouche  des  hommes  qui  se  sou- 

dront  de  la  puissance  du  Seigneur;  pour  eux,  en  effet,  vous 

n'avez  point  épargné  votre  \ie,  l'offrant  atin  de  mettre  fin  aux 

et  aUX  tribulations  de  votre  peuple  :  vous  vous  êtes  pré- 

\anl  Dieu  pour  préve  dr  notre  ruine.  Et  tout  le  peuple  dit: 

.  soit-il,  ainsi  suit-il  (Judith,  xm.  20-26  . 

écit  des  merveilles  exécutées  par  la  main  puissante  de  Judith, 

était  une  fidèle  prophétie  de  la  part  que  .Marie  devait  prendre  à 

e  la  rédemption. 

Le  Seigneur  tout-puissant,  dit  Judith,  a  frappé  l'ennemi,  il  l'a 

aux  maint  d'ui  e  femme,  et  elle  l'a  péri    :  Dominus omnipotent 

nocuit  curn,  cl  tradidit  eum  in  manu»  feminœ,  <■(  confoditeum  (xvi.  7). 

Marie  a  frappé  l'ancien  swnent;  ainsi  chaque  joui   elle 

mon*. 


MARIE.  481 

Marie,  dit  saint  Pierre  Damien,  est  la  verge  puissante  qui  arrête 
l'impétuosité  des  démons  nos  adversaires;  elle  est  la  verge  d'Aaron 
par  laquelle  s'opèrent  des  merveilles  :'  Hœc  est  virga ,  qua  relun- 
duntur  impetus  adversantium  dœmoniorum;  virga  Aaron  per  guam 
fiunt  et  mirabilia  (De  B.  Virg.). 

Lorsque  le  roi  Assuérus  vit  paraître  la  reine  Esther ,  nous  dit 
l'Ecriture,  elle  plut  à  ses  yeux,  et  il  étendit  vers  elle  le  sceptre 
d'or  qu'il  avait  à  la  main.  Et  le  roi  lui  dit  :  Que  voulez-vous ,  reine 
Esther?  que  demandez-vous  ?  Quand  vous  me  demanderiez  la  moitié 
de  mon  empire,  je  vous  la  donnerais  (1). 

Dieu,  roi  du  ciel,  agit  de  la  même  manière  envers  Marie,  reine  de 

l'univers Marie  lui  plait;  il  partage  son  sceptre  avec  elle;  il  ne 

peut  rien  lui  refuser.  Marie  est  la  plus  puissante  des  créatures;  Dieu 
nous  l'a  donnée  afin  que  nous  obtenions  de  lui  tout  ce  dont  nous 
avons  besoin;  elle  nous  ouvre  les  trésors  de  la  clémence  divine;  elle 
dispose  de  toutes  les  grâces;  J.  C,  son  divin  fils,  les  répand  toutes 
par  elle 

Esther  répondit  au  roi  :  Si  j'ai  trouvé  grâce  devant  vos  yeux,  ô 
roi ,  et  s'il  vous  plait  ainsi,  accordez-moi,  je  vous  en  conjure,  ma 
propre  vie  et  celle  de  mon  peuple,  pour  qui  j'implore  votre  clé- 
mence :  Si  inveni  gratiam  in  oculis  tuis,  o  rex,  et  si  tibi  placet ,  dona 
mihi  animam  rneam  pro  qua  rogo ,  et  populum  meurn  pro  qvo  obsecro 
(Esther.  vu.  3).  Nous  avons  été  livrés  pour  être  foulés  aux  pieds, 
égorgés  et  exterminés  :  Traditi  sumus  ut  conteramur,  jugulemur  et 
nereamus  (Ibid.  vu.  A). 

Esther  obtient  le  salut  do  Mardochée,  condamné  par  Amau  à  être 
pendu;  elle  préserve  delà  mort  son  peuple  près  d'être  immolé,  et  le 
féroce  Aman  est  pendu  à  la  place  du  pieux  Mardochée.  Voilà  ce  que 

fait  Marie Plus  orgueilleux ,  plus  cruel  qu'Aman,  le  démon  a 

résolu  de  nous  fouler  aux  pieds,  de  nous  égorger,  de  nous  exter-. 
miner  ;  Marie  fait  échouer  ses  desseins  et  mine  sa  puissance. 

Tous  les  anges  et  les  archanges ,  les  trônes  et  les  principautés 
vous  servent  fidèlement,  ô  Marie,  dit  saint  Bonaventure;  toutes  les 
puissances  et  les  vertus  des  cieux ,  toutes  les  dominations  vous  obéis- 
sent ;  tous  les  chœurs  des  chérubins  et  des  séraphins  vous  assistent , 
forment  votre  cour,  et  sont  vos  ministres.  Tous  les  anges  ne  cessent 

(  Cumquc  vidisfet  Esther,  placuit  oculis  ejus ,  et  extendit  contra  eara  \ir?ara 
aurcam,  quam  tenebat  manu.  Dixitque  ad  eam  rex  :  Quid  vis,  Esther  regina?  qune  est 
petiiio  tua?  Etiamsi  dimidiam  partem  regni  petiens,  dabitur  tibi  (Esther.  v.  2-3  ), 


- 
i    lie, 


482  MARTE. 

de  crier  :  Sainte,  sainte,  sainte  est  la  mère  de  Dieu,  mère  et  vierge 
(Speculi). 

Toutes  les  créatures,  dit  saint  Bernardin  de  Sienne,  sont  les  ser- 
vantes de  Marie,  comme  de  l'auguste  Trinité;  car,  quelque  rang 
qu'elles  tiennent,  toutes  les  créatures,  soit  les  créatures  spirituelles 
comme  les  anges,  soit  les  créatures  raisonnables  comme  les 
hommes,  soit  les  éléments  comme  les  cieux,  soit  les  élus,  soit  nn'me 
!amnés  et  les  ornons:  tout  ce  qui  est  soumis  à  l'empire  de  Dieu, 
est  soumis  à  la  puissance  de  la  glorieuse  vierge  (1). 

S'il  n'est  entièrement  maudit,  dit  Marie  à  sainte  Brigitte,  per- 
Bôûtto,  quelque  ennemi  de  Dieu  qu'il  soit ,  ne  m'invoquera  sans 
fftl'il  revienne  à  Dieu  et  obtienne  miséricorde  (  Révélât.,  lib.  VI, 
c.  x). 

Dieu  révéla  cette  même  puissance  de  la  très-sainte  Vierge  à  sainte 
Catherine  de  Sienne  :  Ma  bonté,  lui  dit -il,  a  accorâé  3  Marie, 
ieuse  mère  de  mon  Fils  unique,  à  cause  de  l'incarnation  du 
Verbe  en  elle,  que  tout  pécheur  qui  l'invoque  avec  une  pieuse 
dévotion,  Ce  puisse  être  trompé  et  séduit  par  l'esprit  infernal; 
car  je  l'ai  choisie,  je  l'ai  préparée  et  placée  comme  un  doux 
hameçon  pour  prendre  les  hommes  ,  et  surtout  le9  unies  des 
pécheurs  (  In  vita  ejus). 

Commentant  ces  paroles  de  l'Apocalypse  :  Un  grand  signe  parut 
dans  le  ciel  :  Siguum  magnum  apparuit  in  cœlo  (xn.  4  ) ,  saint  Ber- 
î.ard  dit  que  de  crainte  de  périr  comme  la  cire  devant  le  l'eu,  le 
pécheur  peut  redouter  de  s'approcher  de  Dieu,  qui  est  un  l'eu 
rant;  mais ,  ajoutc-t-il,  qui  est-ce  qui  peut  redouter  de  s'appro- 
cher de  Marie?  Il  n"y  a  rien  de  sévère  en  elle,  rien  de  terrible  ;  elle 
est  toute  douceur;  elle  offre  à  tous  le  lait  et  la  laine  :  tout  en  elle  est 
-race;  ses  mains  sont  pleines  de  pardon  et  de  miséricorde 
(Serai,  in  illud  :  Signum  magnum). 

Si  v  la  terre,   ...tenait  tout  de  son  fils,  que  n'en  obtient- 

eL    pas  dans  le  ciel?... 

a  La  reine  votre  épouse,  dit  ïePsalmiste,  se  tient  à  votre  droite  , 
revêtue  d'or  et  de  ti  uf  ce  qu'.i  y  a  de  plus  précieux  :  Astilit  regina 
a  dextris  tuis  in  vestitu  déavrato     >:i,  varietatê  (xiiv.  40).  Lo 

(1)  Tôt  creaturre  serviunt  gloriosne  Virgini  Maris,  quot  serviunt  Trinitnti.  Omncs 

fiempe  cri'aiur.i'  qttémcumqoe  graduai  leneanl  in  creatis,  m\o  spi  ri  tuâtes  ut  angcli, 

radondles  uf  faoroincs ,  8ÎT0  Ut  cœli  eleraenta ,  sive  damnati,   siveheati  :  omeié 

qu;r  i  -H  <iM'f   ■■' ■'  '    grîorio  e  Vjr    •■• t  snbjecta  (DeLuud.  Vfrg.). 


MARIE.  ÎS3 

roi   sera  épris  do  votre  beauté  :  Concupiscet    rex   fleco-rm  tuvm 
[Psal.  xi.iv.  12).  Cette  reine  dont  parie  le  prophète  est  Marie 

Par  sa  maternité  divine ,  Marie  est  devenue  reine  du  ciel  et  de  la 
terre ,  des  ftnges  et  des  hommes.  Tous  les  chrétiens  la  reconnaissent 
comme  étant  de  plein  droit  leur  reine,  lui  sont  soumis  et  se  regar- 
dent comme  ses  serviteurs  :  bien  plus,  ils  désirent  l'être  réellement; 
ils  s'en  l'ont  gloire,  et  ils  y  trouvent  leur  souverain  bonheur 

La  dignité  de  reine  l'emporte  sur  toutes  les  dignités  :  elle  est 
supérieure  à  celles  de  seigneur  et  de  prince  ;  parce  que  la  dignité  de 
reine  est  de  premier  ordre,  et  se  trouve  au  niveau  de  la  dignité  de 
roi.  La  bienheureuse  vierge  Marie,  étant  la  reine  du  ciel  et  de  la 
terre,  l'emporte  donc  par  la  majesté  de  cette  incomparable  position, 
sur  les  dignités  dont  peuvent  être  revêtus  les  hommes  et  les  anges; 
ils  ne  sont  que  ses  sujets 

Marie  surpasse  en  grâce,  en  mérite ,  en  dignité,  non-seulement 
chacun  des  hommes  et  des  anges  pris  en  particulier,  mais  tou& 
ensemble  ;  et  si,  disent  les  docteurs  de  l'Eglise,  on  mettait  dans  le 
plateau  d'une  balance  toutes  les  grâces ,  tous  les  mérites,  toutes  les 
ilignités,  toute  la  gloire  de  tous  les  anges  et  de  tous  les  hommes  , 
et  dans  l'autre ,  les  grâces,  les  mérites,  les  dignités  et  la  gloire  de 
Marie ,  la  balance  pencherait  du  côté  de  la  part  de  cette  unique  et 
incomparable  reine.  D'où  il  suit  qu'elle  seule  est  plus  aagréble  à 
Dieu ,  plus  précieuse  à  ses  yeux  et  plus  aimée  de  lui  que  tous  les 
anges  et  les  hommes  réunis.  C'est  pourquoi  ses  prières  ont  plus  de 
poids  auprès  de  Dieu  que  celles  de  tous  les  hommes  et  de  tous  les 
anges  prises  ensemble.  Elle  est  plus  digne  qu'eux  d'être  exaucée,  et 
la  raison  en  est  évidente  :  la  dignité  de  mère  lui  assure  ce  droit.  En 
cette  qualité ,  elle  s'approche  de  Dieu ,  comme  une  mère  s'approche 
de  son  fils.  Une  mère  ordinaire  est  plus  élevée  que  tous  les  servi- 
teurs et  toutes  les  servantes,  et  même  que  ses  enfants;  elle  leur 
commande ,  elle  est  la  maîtresse  de  la  maison.  Ainsi  la  bienheu- 
reuse Vierge  est  placée  par  J.  G.,  dont  elle  est  la  mère ,  à  la  tête  de 
Wic  sa  famille;  et  il  faut  qu'elle  soit  supérieure  en  dignité  à  tous 
ses  enfants,  à  tous  les  fidèles 

Pourquoi ,  demande  saint  Irénée,  le  mystère  de  l'incarnation  du 
Verbe  hô  s'est-il  pas  acco    pli  sans  le  consentement  de  Marie?  Parce 
que  Dieu  a  voulu,  répond  ce  saint  docteur,  que  Marie  soit  le  prin 
cipe  de  tous  les  biens  :  Quid  est  quod  sine  Mariœ  consensu  non  perfi 
citur  incarnat ionis  mysterium?  Quia  nempe  vult  illam  Deus  omnium 
bcnorum  esse principitm  (DeB.  Virg.). 


484  MARIE. 

Marie  étant  au  premier  rang  dans  le  ciel ,  étant  reme  ponr  l'éter- 
nité, a  une  puissance  égale  à  son  titre.  Elle  peut  tout  ce  qu'elle 

veut Par  conséquent,  nous  avons  tout  en  Marie;  nous  trouvons 

tout  en  elle.  Elle  veut  notre  bonheur  et  notre  salut;  rendons  notre 
volonté  conforme  à  la  sienne. 

XXVI.  Varie  II  est  nécessaire ,  dit  saint  Bernard,  d'avoir  un  médiateur  auprès 
de  J.  C.  médiateur  lui-même  ;  or,  nous  n'en  avons  point  de  compa- 
rable à  Marie:  Opus  est  mcdiatore  ad mediatorem  istum  [Chris tum) ; 
nec  aller  nobis  utilior  quam  Maria  (  Serm.  in  illud  Apoc.  :  Signum 
magnum  apparuit). 

Marie  a  été  établie  de  droit  par  J.  C.  médiatrice  entre  Dieu  et  les 
hommes.  C'est  pourquoi  elle  a  reçu  des  grâces  spéciales,  non- 
seulement  pour  elle,  mais  pour  tous  les  fidèles,  comme  étant  leur 
chef. 

Qui  peut,  en  y  réfléchissant,  dit  saint  Anselme,  estimer  de  queF.e 
louange  est  digne  celle  qui,  seule  de  toutes  les  créatures,  a  dû 
devenir  la  médiatrice  de  tant  de  faveurs?  Quisista  perpendens,œsti- 
mare  queat ,  qua  lande  digna  sit ,  quœ  tantorum  beneficiorum  sola  prœ 
cunctis  efflci  debuit  mediatrix  ?  (Lib.  de  Excell.  Virg.,  c.  ix.) 

Eve  fut  l'instrument  de  la  perte  d'Adam;  car  ce  fut  elle  qui  lui 
présenta  le  fruit  défendu;  notre  premier  père  le  dit  lui-même  à. 
Dieu  :  La  femme  que  vous  m'avez  donnée  pour  compagne ,  m'a 
présenté  du  fruit  de  cet  arbre,  et  j'en  ai  mangé  (Gen.  m.  12). 
Marie  fut  l'instrument  du  pardon,  de  la  rédemption  et  de  la  résur- 
rection de  l'homme;  c'est  d'elle  qu'est  né  J.  C.  le  fruit  de  vie;  c'est 
elle  qui  l'a  présenté  au  monde.  Elle  a  été  vraiment  la  médiatrice  de 
notre  salut  en  consentant  à  devenir  la  mère  du  Sauveur.  La  race 
humaine  est  tombée  par  Eve;  elle  s'est  relevée  par  Marie.  Sans  Marie, 
que  devenait  le  monde?  Il  fallait  un  rédempteur;  serait-il  venu 
sans  elle?  De  toute  éternité  Dieu  avait  résolu  de  sauver  l'homme  par 
le  Verbe  fait  chair;  mais  de  toute  éternité  il  avait  résolu  de  pren  Ire 
Marie  pour  mère  du  Verbe  incarné,  et  par  consé  jnent,  de  l'employer 
à  notre  salut.  Marie  a  eu  autant  de  part  à  la  rédemption,  quL\e 
en  avait  eu  ù  la  chute 

C'est  Marie  qui  a  écrasé  la  tète  du  horpeiit  :  Jpsa  cunceret  cnput 
tuum  (Gen.  m.  i5). 

La  mort  nous  est  venue  par  Adam,  et  la  vie  par  J.  C,  dit  sa  ni 
Chrysostomc;  Je  serpent  a  séduit  Eve,  Marie  a  donné  son  cou-' 
ment  à  l'ange  Gabriel  :  mais  la  séduction  d'Eve  a  apporté  la  mort  an 


MARTE.  \  $5 

monde,  tandi  ne  leconsen'ement  de  Marie  lui  à  donné  un  sauveur. 
Ce  qni  avait  péri  par  Eve  a  été  rétabli  p  r  Marie:  le  Christ  a  racheta 
la  rarv  Im  .  aine  qu'Adam  avait  livrée  à  la  captivité;  l'ange  Gabriel 
est  venu  nous  promettre  le  retour  des  biens  que  le  démon  nous  avait 
fait  perdre  sans  espoir  de  .'es  retrouver  jamais  (1). 

Après  le  déluge  ,  Dieu  fit  paraître  l'arc-en-ciel  comme  le  signe  de 
l'alliance  qu'il  faisait  avec  l'homme  :  Je  placerai,  dit-il,  mon  arc 
dans  la  nue ,  comme  signe  d'alliance  entre  moi  et  la  terre  ;  et  je  me 
souviendrai  de  mon  alliance  avec  vous,  et  il  n'y  aura  plus  désormais 
de  déluge  pour  détruire  (-2).  L'arc-en-ciel  était  la  figure  de  Marie 
que  Dieu  a  placée  entre  le  ciel  et  la  terre,  en  signe  de  l'alliance  qu'il 
a  faite  avec  les  hommes,  etc 

Saint  Bernard  appelle  Marie  l'échelle  de  Jacob ,  le  buisson  ardent; 
l'arche  d'alliance,  l'étoile  du  matin ,  la  verge  d'Aaron  ,  la  toison  de 
Gédéon ,  le  lit  nuptial ,  la  porte  du  ciel ,  le  jardin  fermé,  l'aurore  du 
salut  :  Est  scaJa,  rubus ,  arca,  sidus,  virga,  vellus,  thalamus ,  porta  , 
hortv.s ,  av.rora  (Serin,  in  Assumpt.). 

J.  C.  ne  peut  rien  refuser  à  sa  mère;  puisqu'il  a  voulu  que  tout 
nous  vint  par  Marie 

La  bienheureuse  vierge  a  réconcilié  Dieu  avec  l'homme.  Par  son 
humilité  et  sa  pureté  ,  elle  a  appelé  J.  C.  du  ciel  sur  la  terre;  par 
ses  paroles,  ses  exemples  et  sa  protection,  elle  nous  a  ouvert  la 
porte  du  ciel  et  elle  nous  en  a  montré  le  chemin.  Voilà  pourquoi 
J.  C.  l'a  mise  au-dessus  de  tous  les  élus  et  a  voulu  que  personne  ne 
fût  sauvé  et  n'arrivât  au  ciel  sans  le  consentement,  le  secours  et  la 
direction  de  Marie.  Celui  qui  désire  être  sauvé  et  assurer  son  salut, 
doit  donc  être  constamment  le  fidèle  et  fervent  serviteur  de  Marie; 
il  doit  s'efforcer  de  faire  chaque  jour  des  progrès  dans  l'amour  et  la 
dévotion  qu'il  a  pour  elle. 

Marie  est  notre  mère.  Or ,  les  bras  et  le  cœur  d'une  mère  sont  tou- 
jours ouverts  pour  recevoir,  excuser,  défendre,  caresser,  embras- 
ser et  bénir  ses  enfants 


(I)  Mors  per  Adam,  vita  per  Christum;  Evam  serpens  seduxit  ,  Maria  Gnbricli 
consensit  ;  sed  seductio  Ev;e  attulit  mortem,  consensus  Mariœ  altulit  seculo  salvato- 
rcm.  Reslauratur  per  Mariam,  quod  per  Evam  perierat  :  per  Christum  redimitur 
quod  per  Adam  fuerat  captivum  ;  per  Gabrielera  proruittitur,  quod  per  diabolum 
fuerut  desueratum  (  Serm.  de  Incarnat.  Verbi). 

(2  Dixilquc  Deus  :  Arcum  meum  ponam  in  nubibus,  et  erit  signum  fœderis  infer 
me  et  inler  terram.  Et  recordabor  fœderis  mei  vobiscum;  et  non  erunt  ultra,  aquas 
diiuvii  ad  delendtun  (Gen.  u.  12-15). 


486  MARIE. 

Les  mérites  de  Marie  intercèdent  toujours  pour  nous  auprès  de 
Dieu;  il?  nous  obtiennent  toutes  les  grâces 

Marie  étant  mère  de  Dieu  et  ayant  coopère"  activement  à  l'incar- 
nation et  par  conséquent  a  la  rédemption,  saint  Anselme  et  les  autres 
Pères  l'appellent  la  médiatrice  de  toute  L'Eglise  et  de  tous  les 
fidèles 

Par  Marie,  mère  de  la  grande  famille  humaine,  et  médiatrice 
entre  J.  C.  et  nous ,  Dieu  donne  aux  martyrs  la  force  ,  aux  vierges  la 
chasteté,  aux  apôtres  le  zèle,  aux  confesseurs  la  patience,  aux 
anachorètes  l'austérité,  aux  religieux  l'humilité,  la  pauvreté*  et 
L'obéissance,  aux  époux  la  continence  et  la  fidélité  conjugale,  à  tous 
les  fidèles  enlin,  les  dons,  les  vertus  et  les  grâces  qui  leur  con- 
viennent  

Ni  les  anges,  ni  les  hommes,  eussent-ils  été  réunis,  n'auraient 
pu  mériter  et  obtenir  la  réhabilitation  du  monde.  11  a  fallu  J.  C. ,  et 
après  lui  et  par  lui  la  bienheureuse  Vierge;  il  suit  de  là  que  Marie 
peut  plus  auprès  de  Dieu,  que  tous  les  anges  et  tous  les  hommes 
ensemble.  D'où  saint  Anselme  conclut  que  c'est  par  Marie  que  le 
monde  entier  est  sorti  de  ses  ruines ,  s'est  relevé  et  a  été  renouvelé 
(Lib.  de  Excell.  Virg.). 

J.  C,  qui  a  choisi  Marie  pour  se  revêtir  de  notre  nature,  veut  nous 
recevoir  par  elle.  Comme  il  s'est  incarné  et  s'est  fait,  d'après  saint 
Paul,  notre  sagesse,  notre  justice,  notre  sanctification  et  • 
rédemption  (1);  ainsi  a-t-il  accor  lé  à  sa  mère  d'être,  par  sa  coopé- 
ration, notre  sagesse,  notre  justice  et  notre  sanctification.  1!  a  voulu 
nous  communiquer  par  elle,  la  grâce,  la  sagesse,  la  justice  et  la 
rédemption  dont  il  est  le  principe. 

Dieu  nous  a  donné  Marie  pour  mère  ;  sa  volonté  est  que  ,  dans 
les  tentations,   les  difficultés,   le  manque  de  force 
nous  ayons  recours  à  elle  comme  à  la  meilleure  <\>'>  mères;  que 
nous  recevions  de  sa  main  tous  les  biens,  et 
en  elli'  et  par  elle,  nous  rendions  constamment  grâces  au  Seigneur 
notre  Dieu 

Etant  mère  de  J.  G.,  la  très-sainte  Vierge  est  nécessairement  le 
.en  de  notre  rédemption,  et  de  tout  l'ordre  d  3  institué 

par  J.  C 

Usureuti  Vierge,  dit  saint  Pierre  Ghrj  .  Heureuse  Vi 

qui ,  seule  dans  l'univers,  a  mérité  paroles;  Vous 

(1)  Factus  est  vobis  sapicutia  cl  juslitiu,  et  sanctificatio,  et  redemptio  (  I.  Cor.  1.  30). 


MARIE.  187 

Avez  trouvé  grâce  devant  le  Seigneur!  Et  quelle  grâce?  celle  que 
l'ange  lui  avait  annoncée  en  commençant  de  la  saluer,  une  grâce 
abondante  et  parfaite  :  Ave  gratiaplena.  Oui,  vraiment  abondante,  car 
elle  la  répand  sur  toute  la  terre.  Vous  avez  trouvé  grâce  auprès  de 
Dieu.  Et  après  avoir  parlé  ainsi ,  l'ange  lui-même  admire  à  la  fois 
et  une  femme  douée  de  tant  de  grandeur,  et  que  tous  les  hommes 
fussent  redevables  de  la  vie  à  une  femme  :  Ipse  anyelus  miratur  et 
feminam  tantam,  et  amies  homines  vitam  meruisse  per  feminam 
(Serin,  cxli). 

0  femme ,  qui  avez  reçu  la  plénitude  et  la  surabondance  de  la 
grâce ,  s'écrie  saint  Anselme ,  cette  abondance  a  rejailli  sur  toute 
Créature  et  Ta  rendue  à  la  vie  !  0  femina  plena  et  super  plena  gratia, 
de  ciijus  pleaUudinis  abundantia  respersa  reviviscit  omnis  creatura! 
(S.  Donav.,  Speculi,  c.  vu.  ) 

Marie,  dit  saint  Bernard,  Marie  demande  cette  surabondance  pour 
le  salut  de  l'univers  :  Petit  superfluentiam  ad  salutem  universitatis 
(De  Aquœductu).  L  Esprit-Saint  viendra  en  vous,  ô  Marie,  et  il  vous 
comblera  de  tant  de  grâce ,  qu'elle  débordera  de  toutes  parts  :  elle 
scia  entière  et  parfaite  pour  vous,  surabondante  pour  nous  :  Plena 
tibi ,  superflua  nobis.  Le  Dieu  de  toute  bonté  a  mis  la  plénitude  et  la 
surabondance  de  la  grâce  en  Marie,  afin  que  si  nous  espérons  en  elle, 
ce  débordement  et  ce  déluge  de  grâce  vienne  en  nous  (Ejusd. 
eod.  loco). 

Marie  est  une  nuée  pleine  des  eaux  incorruptibles  de  la  grâce,  une 
nuée  qui  arrose,  vivifie  et  féconde  les  âmes,  tempère  l'ardeur  du  feu 
des  vengeances  célestes ,  et  éteint  la  flamme  de  la  concupiscence- 
Marie  ressemble  à  la  colonne  qui  précédait  le  peuple  de  Dieu;  elle 
p  irte  Dieu  dans  son  cœur  et  elle  conduit  le  peuple  chrétien  à  travers 
le  désert  de  ce  inonde 

Je  suis,  dit  Marie  par  la  bouche  de  l'auteur  de  l'Ecclésiastique ,  je 
suis  la  mère  du  bel  amour,  et  de  la  crainte,  et  de  la  science,  et  de 
la  sainte  espérance  :  Ego  mater  pulchrœ  dilectionis,  et  timoris,  et 
agnitionis,  et  sanctœ  spei  (xxiv.  24). 

Que  par  vous ,  s'écrie  saint  Bernard  ,  que  par  vous,  ô  Marie,  nous 
ayons  accès  auprès  de  votre  fils.  O  Vierge  bénie,  qui  avez  trouvé 
grâce  et  qui  avez  enfanté  la  vie,  mère  du  salut!  que  celui-là  nous 
reçoive  par  vous,  qui  nous  a  été  donné  par  vous  :  Per  te  accessum 
amus  ad  filiitm,  o  benedictainventrix  gratiœ,  genitrix  vitœ,  mater 
salutis'  per  te  suscipiat  nos,  guiper  te  datus  est  nobis  (Serm.de 
iinpt.). 


488  MAME. 

Mes  enfants,d'saitlemême  Père  à  ses  religieux,  Marie  e?t  l'échelle 
des  pécheurs,  elle  est  ma  plus  grande  confiance  ,  elle  est  tout  le 
fondement  de  mon  espérance  :  Hœc  peccatorum  scala.  hœc  mea  maxima 
fiduc  a  es',  hœc  tota  ratio  spei  meœ  (Serm.  de  Aquaeduetu). 

Marie  est  apprlfc  par  saint  Ephrem  l'espoir  «les  désespérés,  le 
Becours  des  pécheurs,  la  consolation  du  momie,  la  porte  des  cieux  : 
Spes  desperantium,  peccantium  adjutrix  ,  mundi  solalium  ,  porta  cœlo~ 
rum  (De  Laud.  B.  Virg.  ). 

Marie  est  unhameç  >n  doué  de  tant  d'attrait  qu'il  prend  tontes  les 

âmes  droites Par  vous,  ô  Marie,   nous  sommes  réconciliés  à 

J.  G.  notre  Dieu  et  votre  iils  ,  dit  saint  Ephrem;  vous  êtes  la  seule 
avor-ate  des  pécheurs  et  des  délaissés;  vous  êtes  leur  refuge  et  leur 
appui;  vous  êtes  un  port  très-sûr  pour  les  naufragés,  la  consolation 
du  monde,  la  très-célèbre  libératrice  de  ceux  qui  gémissent  dam  les 
l'ers;  vous  recueillez  les  orphelins,  vous  rachetez  les  captifs,  vous 
guérissez  les  malades,  vousètesle  salut  de  tous  les  hommes,  la  sta- 
bilité des  moines  et  des  solitaires ,  l'espoir  des  séculiers,  la  gloire 
des  vierges,  leur  couronne  et  leur  joie;  vous  êtes  le  bonheur  de  la 
tirre,  ni  tre  refuge  et  notre  pilote  ,  ô  pieuse  auxiliatrice.  Je  vous 
salue,  soutien  de  ceux  qui  chancellent,  douce  liberté,  source  do 
g: à  •  ■  et  de  consolation  ;  je  vous  salue,  asile  ouvert  aux  pécheurs;  je 
vous  :-alue,  repos  de  ceux  qui  travaillent;  je  vous  salue,  clef  du 
royaume  céleste;  je  vous  salue,  vous  qui  êtes  notre  protection  et  la 
gloire  'e  l'univers  {De  Laud.  B.  Virg.). 

Marie ,  dit  saint  Bernard ,  est  la  longueur ,  la  largeur ,  la  hauteur 
et  la  profondeur  sans  mesure  de  la  miséricorde.  La  longueur  de 
cette  miséricorde  va  jusqu'au  dernier  jour  pour  secourir  tous  ceux 
qui  l'invoquent  ;  sa  largeur  remplit  la  terre;  sa  hauteur  a  réé  lifié  la 
cité  edeste;  si  profondeur  a  obtenu  le  salut  de  ceux  qui  étaient  ense- 
velis dans  les  ténèbres  et  les  ombres  de  la  mort  {Serm.  iv  de 
Assinnpt.). 

Marie  ,  dit  saint  Fulgence,  est  devenue  l'échelle  du  ciel;  par  elle, 
en  eTet,  Dieu  est  descendu  sur  la  terre,  afin  que  les  hoiiiiiiôâ  méri- 
tent de  monter  par  elle  aux  cieux  (I). 


XX" 'i.  Marie  pAU  ]a  sublimité  de  ses  vertus,  Marie ,  dit  saint  Anselme,  a  mérité 
d'être  la  très-diurne  réparatrice  du  genre  humain  tombé  (De  Laud, 


ité 
réparatrice  du  genre  " 
Virg.). 


(1     Facta  est   Maria  scala  cœlestis;  quia  per  ipsam  Dous  descendit  ad  terras,  u\ 
per  ipsam  bemines  asceudere  mereantur  ad  cœlos  (Senn.  dp.  Lawl.  Maria). 


MARIE.  189 

L  grâce  de  Marie,  dit  saint  Laurent  Justinien,  a  été  si  grande, 
eîlea  tellement  surabondé,  qu'elle  a  donné  au  ciel  la  gloire,  la  joie 
aux  anges,  la  paix  au  mon  le,  la  fui  aux  nations,  un  terme  aux 
vices  [Serin,  de  Annunt.). 

Marie  a  mis  Dieu  sur  la  terre  et  l'homme  clans  le  ciel 

La  malice  du  serpent  a  triomphé  de  la  première  femme  devenue 
insensée,  dit  saint  Bernard;  mais  la  malice  du  serpent  qui  vainquit 
pour  un  temps,  s'est  trouvée  vaincue  pour  l'éternité  par  Marie. 
Défigurés  par  Eve,  nous  avons  été  rendus,  par  Marie,  à  notre  res- 
semblance primitive  (Uomil.  n  super  Missus  est). 

Une  vierge,  dit  saint  Pierre  Chrysologue,  reçoit  un  Dieu  dans 
son  sein  et  elle  procure  la  paix  aux  hommes,  le  salut  aux  pécheurs, 
Ja  vie  aux  morts;  elle  devient  la  mère  des  vivants  et  celle  de  la  terre 
et  du  ciel  (Serm.  cxli). 

Marie  est  la  réparatrice  de  l'univers ,  disent  saint  Anselme  et  saint 
Jean  Damascène.  Par  votre  entremise,  ô  Marie,  le  monde  persévère, 
dit  saint  Bonaventure  (  Speculi  ). 

Marie,  dit  saint  Augustin,  est  remplie  de  grâces,  et  la  faute 
d'Eve  disparait.  La  malédiction  d'Eve  devient  la  bénédiction  de 
Marie  :  Impleta  est  Maria  gratia ,  et  Eva  vacuata  est  culÀa.  Male- 
dictio  Evœ  in  benedictionem  mutât ur  Mariœ  (Serm.  xvin  de  Sanctis). 

Soyez  louée ,  ô  sainte  mère  de  Dieu,  s'écrie  saint  Cyrille,  vous 
êtes  la  perle  précieuse  et  la  lumière  du  monde;  vous  êtes  la  cou- 
ronne de  la  virginité,  le  sceptre  de  la  foi  (Homil.  contra  Aesto- 
rium). 

Dieu  a  tout  créé,  le  serpent  a  tout  empoisonné,  Marie  a  tout 
renouvelé  et  guéri 

Je  possède,  dit  Marie  dans  les  Proverbes,  je  possède  les  richesses , 
la  gloire  et  la  justice  ;  Mecum  sunt  divitiœ ,  et  gloria ,  et  justiiii 
(vin.  48). 

Ecoutez  saint  Augustin  :  Vous  êtes  bénie  entre  toutes  les  femmes, 
vous  qui  avez  enfanté  celui  qui  est  notre  vie.  La  mère  du  genre 
humain  a  causé  le  malheur  du  monde;  la  mère  de  Notre-Sei^n îi  r 
nous  a  donné  le  salut.  Eve  est  la  cause  du  péché,  Marie  la  cause  du 
mérite;  Eve  blesse,  Marie  guérit;  Eve  lue,  Marie  vivifie.  L'obéis- 
sance de  Marie  a  réparé  les  maux  causés  par  la  désobéissance  d'Eve 
{Serm.  xxxv  de  Sanctis  ). 

La  véritable  vie  est  venue  au  monde  par  Marie  ,  afin  qu'enfantant 
la  vie ,  elle  soit  la  mère  des  vivants,  dit  saint  Epiphane.  Eve  est  la 
mère  des  morts  ;  Marie,  la  mère  des  vivants.  Le  démon  s'est  s^rvi 


190  MARTE. 

d'une  femme  pour  perdre  le  genre  humain;  Dieu  s'est  aussi  servi 
d'une  femme  pour  le  sauver  (Serm.  de  Na'iv.  ). 

Dieu  est  notre  roi  avant  les  siècles;  il  a  opéré  notre  salut  au  milieu 
de  la  terre,  dit  le  Psalmiste;  c'est-à-dire  dans  le  sein  de  Marie, 
disent  les  commentateurs  :  Date  rex  noster  ante  secula ,  operutus  est 
salutem  inmedio  terrœ  (lxxiii.  12). 

Par  Marie,  nous  a  été  donnée  l'immortalité  bien  heureuse...  ;  par 
elle  nous  devenons  hons  et  forts,  nous  possédons  la  paix  et  la 
joie 

Je  vous  salue,  dit  saint  Chrysostome ,  je  vous  salue,  ô  Marie, 
qui  êtes  la  mère ,  le  ciel  et  le  trône  de  notre  Eglise,  son  honneur ,  sa 
gloire  et  son  appui  :  Ave,  mater  ,  cœlum,  thronus  Ecclesiœ  nostrœ ; 
decus,  gloria  et  firmament u/i n  (Serin,  de  Deipara). 

IX vin.  Pré-  (Jn  grand  signe  apparut  dans  le  ciel ,  dit  l'Apocalypse  :  une  femme 
Marie.  revêtue  du  soleil,  ayant  la  lune  sous  ses  pieds,  et  sur  sa  tète  une 
couronne  de  douze  étoiles  :  Signum  magnum  apportai  incœlo  :  mulier 
amicta  sole,  et  luna  subpedibus  ejus ,  et  in  ca/dte  ejus  corona  steilarum 
duodecim  (xn.  1).  D'après  les  saints  Pères  et  l'Eglise,  cette  femme 
est  Marie;  et  saint  Bernard  regarde  les  douzes  étoiles  qui  forment  sa 
couronne  comme  la  figure  des  douze  prérogative  dont  elle  jouit. 
Ces  douze  prérogatives  sont  :  1°  une  splendeur  singulière  dans  sa 
conception  sans  tache...;  2°  la  salutation  que  l'ange  lui  adressa...; 
3°  la  descente  du  Saint-Esprit  en  elle...  ;  4°  l'ineffable  conception  du 
Fils  de  Dieu...;  5°  d'avoir  été  la  première  et  les  prémices  de* 
vierges...;  C°  d'être  devenue  féconde  en  demeurant  vierge...; 
7°  de  n'avoir  point  éprouvé  les  fatigues  de  l;i  ■  . . .  ;  8  •  d  "a\  i  iir 

enfanté  sans  douleur...  ;  9°  d'être  le  modèle  de  la  pudeur...;  10°  d'être 
le  mu  ièle  de  l'humilité...  ;  11°  d'avoir  eu  une  foi  magnanime...; 
\-2  d'avoir  été  l'exemple  et  le  modèle  des  martyrs  de  cœur  (  Serm. 
saper  hœc  verba  Apec). 

Le  glorieux  privilège  de  la  gloire  de  Marie,  dit  saint  bonaventure, 
est  d'être  la  plus  élevée  en  gloire  après  Dieu.  Le  glorieux  privilège 
de  la  gloire  de  Marie,  c'est  que  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  beau,  tout  ce 
qu'il  y  a  de  plus  doux,  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  agréable  dans  la  gloire, 
après  Dieu,  est  Marie,  est  en  Marie  et  par  Marie.  Le  très-glorieux 
privilège  de  la  gloire  de  Marie  ,  c'est  que  notre  plus  grande  gloire 
et  notre  plus  grande  joie,  après  Dieu,  nous  viennent  de  Marie  (1). 

(1)  Gloriosum  gloria;  Man«e  pnvilegiurn  est,  quod  ipsa  in  gluna  guuiosisMiuia  est 


MARTI!.  •      191 

Voilà  pourquoi  saint  Bernard  s'écrie  :  Après  jouir  de  la  vue  du 
Seigneur,  la  gloire  suprême,  ô  Marie,  c'est  de  vous  voir!  Summa 
gluria  est,  o  Maria,  post  Dominum,  tevidere  (Serm.  in  Cant.) 

Même  dans  l'élection  divine,  la  mère  n'a  pas  été  séparée  du  fils, 
dit  Suarez  (De  B.   Virg.). 

La  très-sainte  Vierge  a  été  prédestinée  1°  à  être  la  première  et  la 
plus  parfaite  de  toutes  les  œuvres  de  Dieu...  ;  2°  à  être  le  modèle  de 
sainteté  d'aj  rès  lequel  Dieu  formerait  les  saints  anges,  les  apôtres, 
les  martyrs,  les  vierges,  les  confesseurs,  les  religieux  et  en  général 
tous  les  chrétiens  :  Dieu  ayant  prédestiné  Marie,  prédestine  tous  les 
saints  par  elle  et  d'après  elle...;  3°  à  posséder  le  privilège  d'être  la 
plus  élevée  en  grâce,  en  gloire,  en  sainteté  et  en  puissance;  car  elle 
est  destinée,  avant  le  commencement  des  siècles,  à  être  la  princesse, 
la  maîtresse  et  la  reine  de  toutes  les  créatures...;  4°  à  devenir  le» 
prémices  des  œuvres  de  Dieu.  Par  les  fruits  choisis  que  l'on  offrait 
autrefois  au  Seigneur,  tous  les  autres  fruits  étaient  censés  lui  êfaçe 
offerts  et  être  sanctifiés  :  ainsi  la  terre  offre  Marie  à  Dieu  comme 
drémices  de  la  nature  humaine;  afin  que  par  cette  bienheureuse 
Vierge  tous  les  hommes  et  la  nature  entière  soient  en  quelque  sorte 
offerts  ,  purifiés  et  sanctifiés 

Beaucoup  de  femmes  ont  amassé  des  richesses  ;  mais  vous ,  vous 
les  avez  toutes  surpassées,  disent  les  Proverbes:  Multœ  fdiœ  congre* 
gaverunt  divitias,  tu  supergressa  es  universas  (xxxi.  29). 

Marie,  en  effet,  l'emporte  sur  toutes  les  créatures  autant  que  la 
lumière  du  soleil  l'emporte  sur  les  autres  lumières.  Lorsque  le 
soleil  parait ,  tous  les  astres  s'effacent  comme  pour  lui  rendre  hom- 
mage; sa  splendeur  éclipse  tout.  Ainsi  en  est-il  de  Marie Elle  a 

l'ait  toutes  ses  actions  de  telle  sorte ,  dit  saint  Grégoire  de  Nazianie, 
et  chacune  d'elles  dune  manière  si  parfaite,  qu'une  seule  suffirait 
à  sanctifier  tous  les  hommes  :  Sic  enim  omnia  prœstitit;  sic  autan  al 
summum  singula ,  ut  vel  unuiu  solum  pro  omnibus  aùunde  su//iceret, 
/  Serm.  de  Nativ.  ). 

La  très-sainte  Vierge,  dit  saint  Bernard ,  la  très-sainte  Vierge  qrr. 
conçut,  enfanta  et  allaita  le  Sauveur ,  fut  constamment  à  ses  côtés; 
elle  accompagna  presque  tous  ses  pas ,  et  plus  que  tout  autre ,  elle 

Deum.  Gloricsum  glorise  Mariae  privilegium  est,  quod  quidquid  post  Deumpul- 
cbrius,  quidquid  dulcius,  quidquid  jucundius  in  gloria  est,  hoc  Maria ,  hoc  in  Maria, 
hoc  per  Mariam  est.GLoriosum  orûniuo  gl'orùe  .\Iaiia;  privilegium  est,  quod  quidquid 
posi  Deum  major  gloria  nostia,  majus  nostruui  gaudiuiu  est,  de  Maria  est  (S/*- 
cuii,  c.  vi). 


192  MARIE. 

ne  perdit  aucune  de  ses  parole?,  ni  de  ses  actions.  Seule,  elL  com- 
prenait les  œuvre?  insignes  du  Sauveur,  les  merveilles  admirables 
de  sa  prédication,  se?  paroles  fortes  et  extraordinaires,  sa  sévérité 
divine  contre  le  monde  corrompu  et  surtout  orgueilleux,  contre  le 
péché,  et  contre  le  prince  des  enfers;  seule,  elle  fut  un  témoin 
a-?idu  de  tous  ces  faits;  elle  les  vit  d'une  manière  spéciale;  elle  en 
itudia  plus  attentivement  le  sens,  le  connut  mieux,  et  le  conserva 
plus  fidèlement  dans  sa  mémoire;  elle  imprima  profondément  dans 
l'esprit  des  apôtres  et  des  disciples  ce  qu'elle  savait  et  avait  vu;  elle 
e  leur  communiqua  avec  une  très-grande  fidélité  et  les  en  pénétra 
intimement.  C'est  ce  qu'on  lit  dans  l'Evangile:  Marie,  y  est- il  dit, 
conservait  toutes  ces  choses  en  elle-même ,  les  repassant  dans  son 
Cœur  :  Maria  autem  conservabat  omnia  verba  hœc  ,  conferens  in  corde 
tuo  (Luc.  n.  49).  Voilà  pourquoi  Salomon  la  loue  en  ces  termes  : 
Beaucoup  de  femmes  ont  amassé  des  richesses;  mais  vous,  vous  les 
avez  toutes  surpassées  (  Prov.  xxxi.  29).  La  mère  du  Fils  de  Dieu  eut 
plus  que  tout  autre  l'intelligence  des  paraboles,  des  énigmes,  des 
cérémonies  légales,  des  actions  miraculeuses  et  des  paroles  du  Sau- 
veur; elle  en  donna  une  explication  plus  exacte  et  plus  intelligible, 
elle  eut  une  foi  plus  ferme  [Serm.  in  Cant.  ). 

Dieu,  dit  saint  Bonaventure ,  avait  préparé  à  Marie,  non-seule- 
ment les  biens  du  ciel  les  plus  grands,  mais  la  multitude  et  l'abon- 
dance même  de  ces  biens;  en  sorte  qu'aucun  ange  ni  aucun  saint 
n'a  approché  de  l'abondance  surabondante  dont  jouit  Marie  selon 
ces  paroles  :  Beaucoup  ont  amassé  de  grands  trésors  ,  mais  vous  les 
avez  tous  surpassés.  Ceux  que  la  très-sainte  Vierge  a  surpassés  sont 
les  saintset  les  intelligences  céleste.-.  Marie  n'a-t-elïe  pas  desricb 
incomparables,  puisqu'elle  est  la  première  et  la  plus  parfaite  des 
vierges,  le  modèle  des  confesseurs,  qu'elle  brille  parmi  les  martyrs, 
comme  la  rose  parmi  les  fleurs,  qu'elle  est  le  guide  des  apôl 
l'oracle  des  prophètes,  la  fille  des  patriarches,  la  reine  des  ang  s? 
Quelles  sont  les  richesses  de  tous  ceux-ci  qui  lui  ont  manju'?  Elle  les 
a  toutes  réunies  en  elle  e1  lésa  infiniment  surpassées  [Speculi,c. n). 

Par  son  seul  consentement  à  devenir  la  mère  du  Verbe,  Marie,  dit 
gaint  Bernard,  a  mérité  L'extin  îtion  totale  du  foyer  de  la  concupis- 
cence et  du  péché  ;  elle  a  mérité  l'empire  de  l'univers,  la  plénitude 
de  toutes  les  grâces,  de  toutes  les  vertus,  de  tous  les  dons,  de  t  >utes 
les  béatitudes  et  de  t  u-  les  fruit?  du  Saint-Esprit,  de: 
sciences,  l'intelligence  des  ,  le  don  de  pro|  hétie,  la  coauai»! 

sauce  des  esprit?  et  la  scieur*  des  vortug  (Serai,  ll). 


MARIE.  193 

Voici  les  sept  grands  privilèges  que  Dieu  a  accordés  a  Marie ,  et 
que  saint  Bonaventure  ^gnale  (Speculi,  c.  vïet  vu)  :  1°  Saint  Cyrille 
l7appelle  la  forme  de  Dieu  :  Forma  Dei;  2J  le  même  docteur  lui  donne 
le  titre  de  perle  de  l'univers  :  Margarita  orbis  terrarum  (Homil. 
contra  Nestorium  )  ;  3°  saint  Jean  Uamascène  la  nomme  la  vivante 
image  de  Dieu  :  Animatum  Dei  simulacrum  (  Orat.  i  de  Nativ.  Virg.  )  ; 
4°  saint  Bernard,  l'œuvre  dont  se  sont  occupés  tous  les  siècles,  et 
\  ers  laquelle  tournaient  leurs  regards  et  les  esprits  célestes ,  et  les 
âmes  détenues  dans  les  limbes,  et  les  fils  des  fils  d'Adam  et  ceux 
qui  devaient  naître  d'eux  :  Negotium  seculorum ,  ad  quod  respiciunt 
et  qui  in  cœlo  habitant,  et  qui  in  inferno,  et  nati  natorum,  et  qui 
nascenturab  illis  (Serai,  n  de  Pent.  );  5°  saint  Ignace,  le  céleste  pro- 
dige et  le  très-saint  spectacle  :  Cœleste  prodigium  et  sacratissimum 
spectaculum  (Epist.  i  ad  Joann.  Apost.  );  6°  saint  Chrysologue,  la 
réunion  de  tout  ce  qui  constitue  la  sainteté  :  Collegium  sanctitatis 
(Serm.  cxlvi);  7°  enfin  Hésichius,  évêque  de  Jérusalem,  l'appelle  le 
complément  universel  de  la  Trinité  :  Universum  Trinitatis  comple- 
mentum;  parce  que  le  Saint-Esprit  la  couvrit  de  son  ombre ,  que  le 
Père  la  combla  de  ses  dons,  et  que  le  Fils  habita  dans  son  sein 
(Homil.  ii  de  S.  Maria  ). 

Puisque  Marie  a  tant  de  prérogatives  et  de  privilèges,  tant  de 
grandeur,  de  puissance  et  de  bonté ,  pourquoi  ne  mettrions-nous 
pas  en  elle  toute  notre  confiance?  pourquoi  ne  l'invoquerions-nous 
pas  souvent?  Celui  qu'elle  protège  ne  peut  périr 

Marie,  dit  saint  Bernard,  est  la  violette  de  l'humilité,  le  lis  de  la    XXix..  i> 
pureté,  la  rose  de  la  charité ,  l'honneur  et  la  joie  du  ciel  :  Maria  est        Marie. 
viola  humilitatis,  lilium  castitatis ,  rosa  caritatis,  decus,  gaudium  cœli 
(In  Deprscat.  ad  B.  Virg.,  p.  64). 

Les  Pères  de  l'Eglise  célèbrent  les  perfections  et  les  gloires  de. 
Marie  par  d'admirables  louanges.  Ecoutez  saint  André  de  Crète  : 
0  sainte,  vous  qui  êtes  plus  sainte  que  tous  les  saints  et  le  trésor 
parfait  de  toute  sainteté  :  0  sancta,  et  sanctitatis  sanctior ,  et  omnis 
satictitatis  sanctissime  thesaure  (  In  ejus  vita  ). 

Voici  maintenant  les  paroles  de  saint  Ildefonse  :  Comme  ce  que 
Marie  a  fait  est  d'une  perfection  incomparable ,  et  qu'il  est  impos- 
sible d'exprimer  les  dons  qu'elle  a  reçus,  sa  récompense  et  sa 
gloire  sont  au-dessus  de  toute  appréciation  et  incompréhensibl  s 
(  Serm.  i  de  Assumpt.  ). 

Saint  Clu:  >;otome  dit  qu'elle  est  incomparablement  plus  élevée 
iu.  13 


104  MARIE. 

en  gloire  que  les  sérapah:s  :  r  morem  quam 

seraphim  (Orat.  deB.  Virg.  ). 

Dieu  lai  a  communiqué  toute  la  sageses,  toutes  les  vertus, 
toutes  les  perfections  qu'il  pouvait  lui  donner,  et  Dieu  peut 
tout.  Marie  est  un  océan  de  beauté,  d'humilité,  de  grâce  et 
de  toutes  vertus.  Elle  est  un  abime  de  m'uacl.  s,  dit  saint  Jean 
Damascène  :  Abyssus  miraculorui/t  (Orat,  I  de  Nativ.  ).  0  Marie, 
s'écrie  saint  lldeibnse ,  vous  avez  autant  de  perfections  qu'il  y  a 
d'astres  au  firmament  : 

Tôt  tibi  sont  dotes,  Virgo,  quot  sidéra  cœlo. 
(De  Laucl.  B.  Virg.) 

Marie,  dit  saint  Bonaventure,  n'est  pas  un  seul  ciel,  mais  elle  les 
réunit  tous  cinq  (1)  :  elle  est  le  ciel  de  l'air  par  ta  pureté,  le  ciel  du 
feu  par  sa  charité,  le  ciel  des  astres  ou  le  firmament  par  la  constance 
et  la  force  de  sa  patience,  le  ciel  de  glace  par  l'extinction  de  la  con- 
cupiscence, enfin  l'empirée  par  l'éclat  de  son 
(  Serm.  de  Laud.  Virg. ,  t.  lil  ). 

Si  vous  considérez  attentivement  Marie,  dit  saint  Jérôme,  vous 
ne  trouverez  rien  en  elle  qui  ne  resplendisse  de  candeur ,  de  vertu , 
de  beauté  et  de  gloire;  et  parce  que  le  Seigneur ,  infiniment  riche, 
est  avec  elle  avec  toutes  ses  richesses,  elle  est  la  plus  riche  et  la  plus 
brillante  aprèsDieu;  tellement  qu'on  peut  dire  qu'elle  esten  quelque 
sorte  infiniment  au-dessus  des  anges  et  des  saints,  par  sa  nature, 
par  les  grâces  qu'elle  a  reçues,  par  ses  perfections  et  par  sa  gloire 
(  A'jnst.  ). 

Marie,  a  possédé  au  plus  haut  degré  la  force  héroïque  des  mart  vis. 
la  pureté  des  vierges,  le  zèle  des  apôtres,  la  patience  des  confes- 
seurs, l'austérité  des  anachorètes,  l'humilité  des  religieux,  leur 
pauvreté  et  leur  obéissance.  Autant  le  ciel  est  élevé  au-dessus  d«  la 
terre,  autant  les  divines  perfections  de  Marie  surpassent  les  perfec- 
tions do  tous  lesangea  et  de  tous  les  saints  prises  ensemble.  Comme 
la  tête,  siège  du  sentiment  et  de  la  raison,  la  tête  qui  communique 


(1)  Pour  comprendre  ce  passage,  il  faut  se  rappeler  que  les  anciens  comptaient 
généralement  cinq  cieux  ,  supérieurs  l'un  à  l'autre  dans  l'ordre  que  \<nci , 

à  partir  de  la  terr<  :  le  c/<  I  aér  en,  ou  la  région  de  l'air;  le  ciel  igné ,  la  région  du 
feu,  où  se  formait  la  foudre;  le  ciel  étoile ,  autrement  dit  le  firmament,  où  se  trou- 
vaient fixes  les  astre?:  le  ciel  g/ucé,  où  rien  ne  pouvait  vivre  et  qui  était  le  boule* 
tard  de  l'eropyrée;  eufl  ..our  des  bieubeureux  el  de  la  divinité. 

(h'ote  du  traducteur/ 


MAïtfE.  195 

le  mouvement  et  Ja  direction  aux  autres  membres,  est  au-dessus 
d'eux,  et  qu'elle  seule  vaut  autant  et  plus  que  le  reste  du  corps; 
ainsi  Marie  surpasse  les  saints  et  les  anges;  elle  est  leur  tête,  elle 

gouverne  tout,  instruit  tout,  soutient  tout 

Marie  est  le  miroir  où  se  voient  toutes  les  perfections.  Les  saints 
en  ont  eu  beaucoup;  mais  nul  d'entre  eux  ne  les  a  toutes  réunies  ; 
Lee  perfections  de  l'un  ne  sont  pas  celles  de  l'autre.  Marie,  elle,  les 

possède  toutes  et  comme  à  l'infini 

Dès  le  moment  même  de  son  iminacule'e  conception,  Marie  a  été 
plus  parfaite  que  tous  les  saints  ensemble,  à  la  fin  de  leur  carriènî 
remplie  de  vertus.  Ayant  vécu  soixante  et  douze  ans,  et  ses  per- 
fections ayant  doublé  et  triplé  à  chaque  instant  de  son  existence, 
elle  est  parvenue  à  un  degré  de  sainteté  connu  et  apprécié  de  Dieu 

seul 

J.  0.  est  la  perfection  engendrée  et  incarnée;  Marie  est  la  perfec- 
tion qui  conçoit  et  enfante 

Ma  demeure,  dit-elle  par  la  bouche  de  l'auteur  de  l'Ecclésiastique, 
ma  demeure  est  dans  la  plénitude  des  perfections  de  tous  les  saints: 
In  plenitudine  sanctorum  detentio  mea  (xxrv.  46).  Marie,  en  effet,  a 
eu  1°  la  foi  des  patriarches,  l'inspiration  des  prophètes,  le  zèle  des 
aiotres,la  constance  des  martyrs ,  la  sobriété  des  confesseurs,  la 
chasteté  des  vierges,  la  fécondité  des  épouses,  la  pureté  des  anges,  la 
charité  des  séraphins.  Marie  possède  toutes  les  qualités  et  toutes  les 
grâces  que  chaque  saint  et  tous  les  saints  ensemble  ont  possédées. 
Elles  sont  en  elle  non  comme  un    ou  plusieurs  fleuves ,  mais 

comme  un  océan 2°  Marie,  ayant  eu  la  plénitude  des  grâces  et 

des  vertus  de  tous  les  saints,  a  la  plénitude  de  leur  gloire  :  la 
gloire  dont  elle  jouit  est  plus  grande  et  plus  éclatante  que  celle  de 
tous  les  saints  réunis.  Et  non-seulement  Marie  a  la  plénitude  de  la 
gloire  de  tous  les  saints,  mais  tous  les  saints  sont  dans  sa  plénitude, 
dit  saint  Bonaventure  (Speculi  B.  Virg.).  Comme  nous  l'avons  dit 
ailleurs,  la  plénitude  de  la  perfection  de  Marie  commence  au  point 
où  atteint  la  plénitude  de  la  perfection  de  tous  les  saints  ;  elle  part  de 
ce  point,  grandit  et  ne  s'arrête  qu'à  côté  de  Dieu.  Là  est  l'infini  !... 

Marie  est  comparée ,  dans  lEcriture,  au  cèdre  du  Liban  (Eccli. 
xxiv.  17).  Or,   1°  le  cèdre  aime  les  montagnes;  Marie  habite   le 

sommet  de  la  perfection 2°  Le  cèdre  s'élève  parfaitement  droit , 

jusqu'à  une  grande  hauteur  ;  Marie  va  droit  de  la  terre  au  ciel 

■  cèdre  est  Port  et  vigoureux;  Marie  est  la  force  et  la  vigueur 
même 4"  Le  cèdre  est  incorruptible;  Marie  est  immaculée,  sans 


196  MARTE. 

tache  et  sans  péché 5°  Le  c-dre  est  comme  immortel  ;  Marie  est 

immortelle  en  tout 6°  Le  cèdre  est  odoriférant;  Marie  remplit  la 

terre  et  le  ciel  du  doux  parfum  de  toutes  les  vertu* 1°  Le  cèdre 

sert  de  remède;  Marie  guérit  toute  espèce  de  maladie;  elle  rend 
même  la  we  aux  morts 

Marie  est  comparée  à  l'olivier  (  Eccli.  xxrv.  19  ).  Or ,  1°  l'olivier  est 
toujours  vert  ;  Marie  est  toujours  revêtue  des  plus  riches  et  des  plus 
beaux  ornements  de  toutes  les  vertus.  2°  L'olivier  est  le  symbole 
de  la  miséricorde;  Marie  est  la  miséricorde  par  excellence 3°  L'oli- 
vier est  le  symbole  de  la  paix;  la  paix  nous  vient  par  Marie  avec 
l'abondance  des  eaux  d'un  fleuve  ;  quiconque  possède  Marie,  possède 

la  paix 4°  L'olivier  est  le  signe  de  la  victoire;  par  Marie  nous 

triomphons  de  tous  nos  ennemis 5°  L'olivier  est  le  symbole  de  la 

douceur;  Marie  est  la  douceur  même 6°  L'olivier  est  le  symbole 

de  la  joie;  Marie  communique  à  l'âme  la  joie  véritable 7u  L'oli- 
vier est  le  symbole  de  l'espérance;  Marie  est  l'espérance  du  chré- 
tien  8°  L'olivier  est  le  symbole  de  la  force  ,  de  la  sagesse  et  de  la 

chasteté;  Marie  possède  toutes  cps  vertus  à  un  degré  presque  infini, 
et  elle  les  procure  à  celui  qui  les  lui  demande 

Marie  est  encore  comparée,  dans  l'Ecriture,  au  cyprès,  au  pal- 
mier, au  platane,  aux  roses  de  Jéricho,  au  cinnamome,  à  la 
myrrhe  (  Eccli.  xxrv).  Le  cyprès  est  l'emblème  de  la  droiture;  le 
palmier,  celui  de  la  victoire;  le  platane  fournit  à  l'homme  la  fraî- 
cheur de  son  ombrage  ;  la  rose  signifie  l'odeur  des  vertus  ;  le  cinna- 
mome, le  parfum  des  bons  exemples;  la  myrrhe,  la  pénitence  et 
la  mortification Toutes  ces  comparaisons  conviennent  admira- 
blement à  Marie 

Pour  les  créatures,  les  vertus  de  Marie  sont  sans  nombre  ,  sans 

poids  et  sans  mesure Dieu  seul  peut  les  compter,  les  peser,  les 

mesurer 

XXX.  Marie    Jésus-Christ  est  le  soleil  du  monde  spirituel  ;  la  Vierge  Marie  en  et>t 

la  lune La  lune  répand  une  douce  lumière;  de  Marie  émane  la 

lumière  la  pi  us  douce  et  la  pins  convenable  pour  les  yeux  mala  les 

La  lune  éclaire  pendant  la  nuit;  Marie  est  la  lumière  qui  dissipe  les 
ténèbres  de  l'idolâtrie,  de  I  hérésie  et  de  tous  les  péchés.  Lorsque  la 
lune  est  dans  son  plein,  elle  brille  d'un  grand  éclat;  Marie,  pleine  de 

grâces  et  de  toute  vertu, répand  une  clarté  vraiment  céleste Nos 

pères  regardaient  la  lune  nou-seulemeut  comme  un  emblème  de 


MARTE.  19? 

pureté,  mais  comme  un  principe  de  fécondité;  Marie,  conçue  sans 
péché,  a  enfanté  le  Verbe  de  Dieu,  sans  cesser  d'être  vierge. 

Marie  est  une  émanation  de  la  splendeur  du  Dieu  tout-pu'.?sant  ; 
Emanatio  (juœdam  est  claritatis  omnipotentis  Dei  (Sap.  yii.  25).  Elle 
est  le  pur  éclat  de  la  lumière  étemelle,  le  miroir  sans  tache  de  la 
majesté  de  Dieu  :  Candor  est  lucis  œternœ,  et  spéculum  sine  macula 
Dei  majestatis  (  Sap.  vu.  26  ). 

Un  grand  signe  apparut  dans  le  ciel ,  dit  l'Apocalypse  :  une  femme 
revêtue  du  soleil,  ayant  la  lune  sous  les  pieds,  et  sur  la  tête  une  cou- 
ronne de  douze  étoiles  (xn.  1).  C'est  avec  raison ,  dit  saint  Bernard, 
«jue  Marie  est  représentée  revêtue  du  soleil  ;  car,  plongée  dans  la 
lumière  inaccessible  de  Dieu,  elle  a  pénétré ,  plus  qu'on  ne  saurait 
Je  croire,  l'abîme  infiniment  profond  de  la  sagesse  divine (1). 

Marie  est  plus  belle  que  le  soleil  et  que  toutes  les  constellations.,  dit 
id  Sagesse;  si  on  la  compare  à  la  lumière,  elle  l'emporte  sur  elle  : 
£.'st  enim  hœc  speciosior  sole ,  et  super  omaem  dispositionem  stellarum; 
luci comparât a  invenitur  prior  (yii.  29). 

Tobie  avait  prophétisé  la  splendeur  qui  devait  environner  la  mère 
de  Dieu  :  Vous  brillerez ,  dit-il,  d'une  lumière  éclatante  :  Luce 
spendida  fulgebis  (xin.  13). 

Saint  Cyrille  d'Alexandrie  qualifie  Marie  de  flambeau  dont  on 
ne  peut  éteindre  la  lumière  :  Dei  mater  lampas  inexstinguibilis  (  De 
B.Virg.). 

Marie,  dit  saint  Bernard,  est  la  noble  étoile  de  Jacob,  dont  le  rayon 
éclaire  l'univers,  dont  la  splendeur  brille  dans  les  cieux  et  pénètre 
jusqu'aux  en'ers;  enveloppant  la  terre  et  échauffant  les  âmes,  elle 
avive  les  verius  et  consume  les  vices  (2). 

Saint  Jean  Damascène  appelle  Marie  la  porte  de  la  vie  ,  la  source 
de  la  lumière  :  Portam  vitœ  ,  fontem  lucis  (Orat.  i  de  Nativ.  Virg.  ). 
Je  vous  salue,  ô  Vierge  sainte,  s'écrie  saint  Epiphane;  je  vous 
salue ,  mère  de  l'éternelle  lumière ,  de  la  lumière  qui,  dans  le  ciel , 
éclaire  la  multitude  des  anges,  remplit  l'œil  incompréhensible  des 
>hins  ,  donne  au  soleil  ses  feux  splendiùes,  dissipe  les  ténèbres 
du  monde ,  et  lui  inspire  la  foi  à  la  Trinité  ;  je  vous  salue,  mère  de 


(1)  Jure  Maria  sole  perhibetur  amicta,  quia  profundissimam  Dei  sapientiae,  uUro 
quam  credi  polest,  penetravit  abyssum  ;  luci  illi  inaccessibiii  immersa  (Serin,  super 
Bignum  magnum). 

(-2  Ipsi  est  nobilis  Stella  Jacob ,  cujus  radius  universnm  mundum  illumi  it  t 
cujus  spteudor  prœftilget  iusupernis,  et  inferos  pénétrât;  terras  etiam  perlustrans, 
et  calelaciens  meutes,  fotet  virtutes,  et  excoquit  yitia  (  Homil.  u  super  Missus  est  ), 


198  MARTE. 

celui  qui  dit  :  Je  suis  la  lumière  du  monde;  et  encore  :  Moi,  cm? puis 
la  lumière,  je  suis  venu  au  monde  ;  je  vous  salue,  mère  de  la  lumière 
qui  est  montée  au  ciel,  et  qui  éclaire  le  ciel  et  la  terre.  Marie  a  les 
sept  lumières  du  Saint-Esprit  qui  sont  ses  sept  dons  (  Serm.  de  Laud. 
Virg.  ). 

Je  vous  salue ,  source  de  lumière,  qui  éclaire  tous  les  hommpc;  je 
vous  salue,  aurore  du  soleil  qui  n'aura  jamais  de  coucher  (tiury- 
sippus,  Orat.  Deiparam). 

En  langue  hébraïque,  dit  saint  Ildefonse,  le  nom  de  Marie  signifie 
étoile  de  la  mer.  Marie  est  l'étoile  de  laquelle  est  sorti  le  rayon  qui 
éclaire  le  monde  entier.  Approchez-vous  donc  de  cette  Vierge,  louez- 
la,  et  vous  serez  éclairé;  car  c'est  par  elle  que  la  vraie  lumière  brille 
6ur  la  mer  de  ce  siècle  (  Serm.  i de  Assumpt.  ). 

Je  vous  salue,  étoile  très-resplendissante  de  laquelle  J.  C.  est  sorti, 
dit  saint  Ephrem;  je  vous  salue ,  vous  par  qui  le  brillant  soleil  de 
justice  s'est  levé  pour  nous  éclairer  :  Ave,  Stella  fulgidissima ,  ex  qui 
C/iristus  jwocessit ;  ave,  per  quam  clarissimus  sol  justifia?  nobh  illuxit 
(  Serm.  de  Laud.  Virg.  ).  Le  même  Père  appelle  Marie  l'étJle  du 
matin  (  Ut  supra),  L'Eglise  l'invoque  sous  ce  titre  dans  les  litanies: 
Stella  matutina. 

Expliquant  ces  paroles  du  Cantique  des  cantiques  :  Electa  ut  sol  : 
Brillante  comme  le  soleil  (  vi.  9),  saint  Pierre  Damien  dit  :  Le  soleil 
est  si  lumineux  qu'il  absorbe  la  lu  mi  ère  des  astres  et  celle  de  la  lune, 
au  point quils  sont  comme  s'ils  n'étaient  pas ,  et  qu'on  ne  peut  les 
voir  ;  de  même  Marie,  aurore  du  véritable  soleil  qui  est  Dieu,  brille 
dans  cette  lumière  inaccessible,  et  efface  en  quelque  sorte  la  splen- 
deur des  esprits  célestes;  tellement  qu'ils  sont  devant  leur  reine 
comme  s'ils  n'étaient  pas,  et  que ,  comparé  à  celui  de  Marie,  leur 
éclat  n'est  rien  (Serm.  de  Asswnpt.  ). 

Marie  est  un  soleil  brillant  de  mérites^  et  répandant  partout  la 

lumière  des  sublimes  exemples 

Comme  le  soleil,  Marie  est  une  œuvre  à  part,  dit  saint  Pierre 
Damien  :  «oui,  lo  soleil  éclaire  le  monlo;  seule,  Marie  éclaire  d'une 
lumière  bien  autrement  vi\e  les  an  es  l  1rs  hommes  :  Elcctaut 
sol  ;  quia  sicut  sol  solus  orbem  illumina  .  sola  solidiori  lumine,  et 

anrjclos  ,  et  homincs  illustrât  (  Serm.  do  Assumpt.  ). 

Par  l'enfantement  du  \Yi  rie  ,  dit  saint Fulgence,  est 

devenue  r  i  orne  l'ouverture  du  ciel,  ouverture  par  laquelle  Dieu  a 
versé  sur  tous  les  siècles  la  vraie  lumière  :  Exporta  farta  est  Marin 


MÀSTT,  <™ 

fenestra  cœli,  quîaperipsam  Deus  verum  fudit  seculis  lui  en  (Serm. 
de  Laud.  Virg.J. 

Ls  roi  sera  épris  de  votre  beauté,  dit  le  Psalmiste  :  Concvpîscet  rex       XXXï. 
decorem  twm  (xliv.  12  ).  Si  le  Roi  des  rois  est  ravi  de  la  beauté  de      ^Jrié* 

>,  cette  beauté  est  donc  unique,  ineffable Paraissez  dans  votre 

et  dans  votre  beauté,  marchez  de  triomphe  en  triomphe, 

'.nez  :  Specie  tua  et  pulchritudine  tua  intende,  prospère  procède , 
et  régna  (Psal.  xliv.  5).  A  la  vue  de  l'incomparable  beauté  de  Marie, 
le  Roi  du  ciel  l'invite  à  prendre  le  sceptre  qu'il  lui  a  préparé. 

Marie  possède  toute  beauté,  celle  de  l'origine,  du  sang,  du  corps, 
de  l'esprit  et  du  cœur,   et  surtout   celle   de  la  grâce  et  de  la 

vertu Cette  beauté  est  si  grande  qu'elle  a  engagé  Dieu  le  Père  à  la 

choisir  pour  être  sa  fille,  Dieu  le  Fils  à  la  prendre  pour  mère,  et 

Dieu  le  Saint-Esprit  à  l'élire  pour  épouse 

Je  suis  noire,  mais  je  suis  belle, dit  l'Epouse  des  Cantiques  :  Nigra 

sed  formosa  (i.  5).  Ces  paroles  sont  applicables  à  Marie  et  la 
concernent.  En  effet,  1°  Marie  est  noire,  non  pas  en  elle-même,  mais 

dam  son  père  ;  elle  est  noire,  parce  qu'elle  est  la  fille  d'un 
pécheur;  elle  est  belle  par  son  immaculée  conception  quil'apré- 
servée  de   la  tache  originelle,  et  par  la  plénitude  de  toutes  les 

s 2°  Elle  lut  noire  d'abord  aux  yeux  de  Joseph  qui,  la 

t  enceinte,  et  ignorant  le  grand  mystère  de  l'incarnation  du 
Verbe  éternel,  voulut  la  quitter  secrètement;  mais,  en  réalité,  elle 
était  belle ,  parce  qu'elle  avait  conçu  du  Saint-Esprit  et  conservé 

sa  virginité 3°  Elle  fut  noire,  parce  que  sa  profonde  humilité  la 

rendit  extérieurement  semblable  aux  autres  mères  qui,  concevant 
et  enfantant  selon  les  lois  de  la  nature  humaine ,  étaient  souillées 
et  obligées  de  se  purifier  au  bout  de  quarante  jours.  Humble  et 

-an te ,  Marie  alla  au  temple  subir  les  cérémonies  de  la  purifi- 
cation, elle  qui  est  la  virginité  même 4°  Elle  parait  vile,  mépri- 

et,  par  conséquent,  noire  aux  Juifs  et  aux  infidèles;  mais 
elle  est  très-belle  aux  yeux  des  fidèles,  à  ceux  de  l'Eglise,  des  anges, 
et  surtout  de  Dieu  qui  voit  tout,  qui  connaît  tout,  qui  appi 
tout 5°  Marie  fut  noire  au  temps  de  la  passion,  parce  qu'elle 

La  mère  des  douleurs;  mais  elle  devint  belle  dans  la  résurrec- 
tion de  J.  C,  et  da  us  sa  s  dennelle  et  triomphante  assomption 

Dieu  lui-même  dit  à  Marie  :  Vous  êtes  belle,  ô  ma  bien-aimée; 

vous  êtes  belle,  vos  yeux  sont  ceux  de  la  colombe  :  Ecce  tu  oulchra 

;  ecçe  tu  pulchrues,  oculi  tut  coin  (Gant.  I.  15  j. 


200  MARIE. 

Marie  est  appelée  belle  deux  foi?,  parce  qu'elle  est  belle  intérieure- 
ment et  extérieurement Elle  est  doublement  belle  aussi  à  un 

autre  point  de  vue  :  4°  sur  la  terre,  par  la  grâce  et  la  vertu; 

2°  dans  le  ciel,  par  la  gloire 

Comme  s'il  ne  pouvait  assez  admirer  la  beauté  de  Marie  ,1e  Sei- 
gneur lui  dit  de  nouveau  :  Que  vous  êtes  belle,  ô  ma  bien-aimée! 
que  vous  êtes  belle  !  Quam  pulckra  es ,  arnica  mea  ,  quam  pulchra  es! 
vCant.  rv.  1  ).  Vous  êtes  toute  belle,  ma  bien-aimée;  il  n'y  a  pas  de 
tache  en  vous  :  Tota  pulchra  est,  arnica  mea,  et  macula  non  est  in  te 
(Cant.  iv.  7).  Dieu  parle  encore  ailleurs  de  la  beauté  de  Marie  :  Vous 
êtes,  lui  dit-il,  vous  êtes  belle,  douce  et  ravissante,  ô  ma  bien- 
aimée  :  Pulchra  es  arnica  mea,  suavis  et  décora  (Cant.  vi.  3). 

Le  Seigneur,  dit  l'Ecriture,  donna  à  Judith  la  splendeur;  il  aug- 
menta sa  beauté ,  afin  qu'elle  parût  aux  yeux  de  tous  dans  un  éclat 
incomparable  :  Cui  Dominus  contulit  splendorem;  Dominus  in  illam 
pulchritudinem  ampliavit,  ut  incomparabili  décore  omnium  oculis  appa- 
reret  (Judith,  x.  4  ).  Quand  Ozias  et  les  prêtres  de  la  ville  qui  l'atten- 
daient, l'aperçurent,  ils  lurent  saisis  de  stupeur  et  admirèrent  son 
excessive  beauté  :  Qui  cum  vidissent  eam ,  stupentes  mirati  sunt  nimis 
pulchritudinem  ejus  (x.  6.  7).  Lorsqu'elle  pénétra  dans  le  camp 
ennemi ,  les  soldats,  considérant  son  visage,  eurent  les  yeux  éblouis 
et  admirèrent  sa  beauté  :  Considerabant  faciem  ejus,  et  erat  in  oculis 
eorum  stupor,  quoniam  pulchritudinem  ejus  rnwabantur  nimis  (x.  14). 
Or,  la  beauté  de  Judith  n'était  qu'une   faible  image  de  celle  de 

Marie Judith  était  belle  aux  yeux  des  hommes,  Marie  l'est  aux 

yeux  de  Dieu 

Holopherne,  voyant  Judith,  fut  séduit  et  captivé  :  Statim  captus  est 
oculis  suis  H olofernes  (x.  17  ).  Dieu,  contemplant  la  beauté  de  Marie, 
en  fut  tellement  ravi,  qu'il  choisit  cette  vierge  sans  tache  pour  s'in- 
carner en  elle 

Judith  fut  l'ornement  de  sa  nation;  Marie  est  l'ornement  delà 

terre  et  du  ciel 

Esther  aussi  étail  excessivement  belle  et  son  visage  d'un  rare 
éclat,  dit  l'Ecriture:  Esther  pulchra  nimis,  et  decor'a  facie  (n.  7).  Pleine 
d'harmonie  et  d'une  incroyable  beauté,  elle  paraissait  aimable  et 
gracieuse  à  tous  ceux  qui  la  voyaient:  Erat  enim  formosa  valde ,  et 
incredibili  pulckritudine,  omnium  oculis  gratiosa  et  amabilis  videbatur 

(n.  15).  Esther  était  une  autre  ligure  de  Marie 

Le  roi  l'aima  [dus  que  toutes  les  femmes;  plus  qu'elles," 
Esther  trouva  grâce  et  faveur  devant  lui,  et  il  mit  sur  sa  tête  sou 


HAUTE.  2(K 

diadème,  et  la  fit  récrier  (1).  La  beauté  de  Marie  plaît  plus  à  Dieu 
que  celle  de  tous  les  anges  et  de  tous  les  saints  ensemble 

Toutes  les  voies  de  Marie  sont  belles,  disent  les  Proverbes  ;  Vies 
tg'us,  ricr /j'tlc/irœ  (  III.  17  ). 

Quelle  est  celle,  disent  les  anges  eux-mêmes,  parlant  de  Marie, 
quelle  est  celle  qui  s'avance  comme  l'aurore  naissante,  belle  comme 
la  lune,  brillante  comme  le  soleil?  Quœ  est  ista  quœ  progreditur 
quasi  aurora  consurgms,  pulchra  ut  luna,  electa  ut  sol  (Cant.  yi.  9). 

Quoi  de  plus  doux,  de  plus  beau,  de  plus  merveilleux  que  la 
mère  Dieu?  Elle  est  un  monde  de  beauté.  Elle  ravit  les  créatures  et 
ie  Créateur 

Dieu,  dit  saint  Bernard,  amis  dans  Marie  seule  toute  la  beauté 
de  l'univers  :  Deus  totius  mimdi  pulchritudinem  posuit  in  Maria 
jrSerm.  ivde  Assumpt.  ). 

Oh!  quelle  admirable  union, s'écrie  Hugues  de  Saint-Victor;  celui 
qui  est  la  beauté  incréée,  s'unit  à  celle  qui  est  toute  beauté.  Je  suis 
tout  beauté  ,  lui  dit  son  Dieu,  et  vous  êtes  vous-même  toute  beauté, 
ô  vierge  admirable,  moi  par  nature,  vous  par  grâce.  Je  suis  tout 
beauté,  parce  que  tout  ce  qui  est  beau,  est  en  moi:  vous  êtes  toute 
beauté,  parce  que  rien  de  ce  qui  souille  n'est  en  vous.  Vous  êtes 
belle  de  corps  et  d'âme.  L'intégrité  de  la  virginité  vous  rend  belle  de 
corps;  la  vertu  d'humilité  vous  donne  la  beauté  de  l'âme.  Vous  êtes 
d  >nc  toute  belle,  pure  de  corps  comme  la  neige  et  d'âme  sans  tache. 
Nulle  autre  que  vous ,  ô  Marie ,  ne  convenait  à  Dieu;  et  tout  autre 
que  Dieu  ne  pouvait  vous  convenir.  O  vierge  digne  de  celui  qui  est 
la  dignité  même ,  belle  à  côté  de  la  beauté  infinie ,  immaculée  en 
présence  de  celui  qui  n'a  jamais  connu  la  corruption ,  grande  près 
du  Très-Haut,  ô  mère  de  Dieu,  épouse  du  Roi  éternel  !  (2) 

En  Marie  se  trouve  réuni  comme  à  l'infini  tout  ce  qu'il  y  a  de 

beau  dans  les  anges  ,  et  dans  les  plus  parfaits  des  hommes Marie 

est  l'honneur  de  la  race  humaine;  elle  est  l'ornement  de  l'Eglise  et 

(1)  Adaniavit  eara  rex  plus  quam  omnes  mulieres;  habuitque  gratiam  et  miseri- 
coriliam  coram  eo  super  omnes  mulieres;  etposuit  diadema regni  in  capite  ejusï 
fecitque  eara  regnare  (u.  17). 

<%  O  qualis  societas!  totus  pulcher  totam  pulchram  sibi  socîat.  Ego  totus  pulcher, 
et  tu  tota  pulchra.  Ego  per  nauiram.et  tu  per  gratiam.  Ego  totus  pulcher,  quia  totura 
quo.l  pukhium  est,  in  me  est;  tu,  tota  pulchra,  quia  nilùl  quod  turpe  est  in  te  est 
pu!  :  ra  in  corpore,  pulchra  in  mente.  In  corpore  pulchrara  te  facit  iotegritas  virgi- 
nitatis  :  in  mente  pulchram  exhibet  virtus  humililati?  Tota  ergo  pulch-a  es,  corpore 
Bivea,  mente  sincera.  Nec  alia  lalem  decebat;  nec  alius  tali  inveniri  poterat.  O  digna 
d  li.formosa  pulchri,  monda  incorrupti ,  excelsa  altissimi,  mater  Dei,  sponsa 
Régis  eeterni  {In  Serm,  u  de  Assumpt.), 


202  wAr.re. 

des  siècles.  Sa  beauté  rejaillit  sur  tous  les  saints,  sur  tous  les  a 
et  sur  Dieu  Jui-même 


xxn.  Marie  L'arcïie  sauva  la  famille  deNoé  et  eu  elle  le  genre  "humain;  Mario  a 

l'arcbede      sauvé  les  hommes  par  J.  C L'arche  de  Nbé  était  portée  sur  les 

el  à  l'arche     eaux  qui  couvraient  la  terre;    Marie  ne  fut  jamais  souillée  par  les 

d'alliauce.      eaux  corrompues  de  la  concupiscence  et  du  p'ché Ceux  qui 

entrèrent  dans  l'arche  furent  préservés  des  flots  du  déluge  ;  reux 
qui  vont  à  Marie,  sont  aussi  présenés  du  déluge  îles  passions  et  du 

pr  h'- Le  monde  fut  repeuplé  par  les  habitants  de  l'arche;  le 

paradis  est  peuplé  par  les  fidèles  serviteurs  de  Marie 

Le  temple  de  Dieu  fut  ouvert  dans  le  ciel ,  dit  saint  Jean  dans 
l'Apocalypse;  et  l'on  vit  dans  ce  temple  l'arche  de  son  alliance  : 
Apertum  est  templum  Dei  in  cœlo  ,  et  visa  est  arca  testamenti  ejus  in 
templo  ejus  (xi.  19).  L'arche  d'alliance  vue  dans  le  temple  du  ciel, 

c'est  Marie Entre  elle  et  l'arche  d'alliance  se  trouvent  les  rapports 

que  voici  :  -1°  L'arche  d'alliance  était  faite  d'un  bois  incorruptible; 

M  irie  n'a  jamais  subi  les  atteintes  de  la  corruption  du  péché 

2°  L'arche  était  couverte  de  lames  d'or  au  dedans;  Marie  est  toute 
d'or  pur  intérieurement.  Toute  la  gloire  de  la  fille  du  roi  vient  de 

son  âme,  dit  le  Psalmiste  :   ÔMtiis  gîûria  filiœ  régis  ùb  intus 

(xliv.  H.)  3°  L'arche  était  surmontée  du  propitiatoire;  Marie  est  le 

refuge  de  tous,  elle  est  propice  à  tous  ceux  qui  l'invoquent 

4°  Deux  chérubins  couvraient  l'arche  de  leurs  ailes;  les  chœurs  «les 

anges  environnent  Marie 5°  Dans  l'arche  étaient  les  tables  de  la 

loi;  Maiie  est  la  loi  vivante 6°  Dans  l'arche  était  la  verge  d'Aaron 

qui  avait  fleuri;  Marie  a  produit  le  Sauveur  du  monde,  cette  fleur 

incomparable 7°  Dans  l'arche  était  encore  une  mesure  de  manne; 

Marie  est  la  douceur  et  la  clémence  môme,  et  J.  G.  son  fils  est  le 

vrai  pain  dévie 

Saint  A mbroise  compare  admirablement  la  très-sainte   Vier 
l'arche  d'alliance.  L'arche,   dit-il,   contenait  les  tables  de  la  Loi; 
Marie  a  reeu  dans  son  sein  l'héritier  du  Testament  L'arche 
la  loi  ;  Marie,  l'Evangile.  Dans  l'arche  se  faisait  entendre  la  voix  de 
Dieu;  Marie  nous  a  d  une  le  Verbe  de  Dieu.  L'arche  brillait  d'un  or 
très-pur;  Marie  brillait  intérieurement  et  extérieurement  de 
la  splendeur  de  la  virginité.  L'arche  élail  décorée  d'un  or  tin 
entrailles  .le  la  terre;  Marie  l'est  d'un  or  i  éleste.  C'est  Jonc  à  ju  ta 
titre  que  l'Eglise   invoque  Marie  sous  le  titre  d'Arche  d'alliance: 
Fœderis  (ara  (Ilomil.  xm). 


MARIE.  203 

Quand  vous  verrez  l'arche  d'alliance  du  Seigneur  votre  Dieu  ,  dit 

au  peuple,  levez-vous,  et  suivez-la  :  Quando  videritis  arcam 

fœderis  Damini  Dei  vestri,  consurgite,  et  sequimini  (  Josue.  in.  3  ).  A  la 

vue  de  Marie,  nous  devons  nous  lever,  l'honorer,  lui  témoigner 

notre  respect,  et  marcher  sur  ses  traces 

A  la  vue  de  l'arche  ,  la  mer  s'enfuit ,  le  Jourdain  recula ,  dit  le 
Psalmiste  :  Mare  vidit  et  fugit ,  Jordanis  conversus  est  retrorsum 
(cxnr.  3);  à  la  vue  de  Marie,  l'enfer  recule,  les  démons  s'en- 
fuient ,  etc A  la  vue  de  l'arche ,  les  murs  de  Jéricho  s'écroulent; 

à  la  vue  de  Marie,  les  chaînes  des  pécheurs  se  brisent L'arche 

rendait  le  peuple  de  Dieu  vainqueur;  Marie  nous  assure  la  victoire 

sur  tous  nos  ennemis Oza  toucha  imprudemment  l'arche  et  fut 

frappé  de  mort;  quiconque   attaque  Marie,  vit  et  meurt  miséra- 
blement  Placée  dans  la  maison  d'Obédédom,  l'arche  l'enrichit; 

celui  qui  accueille  Marie,  est  comblé  de  grâces  et  défaveurs 

La  Inïpon  de  Gédéon  est  un  svmbole  de  Marie;  la  rosée  qui  descendit  XXXïli.Marie 

.      ,    ,  comparée  a 

sur  cette  toison  signifiait  la  descente  du  Verbe  dans  le  sein  de  la  très-    ia  toison  de 

sainte  Vierge;  et  que  l'incarnation  comme  la  rosée  aurait  lieu  dans 
le  secret,  au  milieu  du  calme, qu'elle  serait  rafraîchissante  et  douce, 
apportant  avec  elle  la  vie  et  la  fécondité  ;  qu'elle  se  ferait  par  la 
chaste  opération  du  ciel,  sans  attaquer  la  virginité  de  Marie  et  sans 
qu'il  y  ait  de  douleur  d'enfantement.  La  toison  de  Gédéon  est  le  sein 
de  Marie;  l'humanité  de  J.  C. ,  conçue  dans  ce  sein  virginal  et  à 
laquelle  la  divinité  est  hypostatiquement  unie, peut  être  comparée  à 
une  rosée  céleste.  Voilà  pourquoi  saint  Ambroise ,  saint  Ephrem  et 
d'autres  Pères,  invoquent  la  bienheureuse  Vierge  sous  le  nom  de 
Toison  de  Gédéon  :  Vellus  Gedeonis. 

Ecoutez  saint  Ambroise  :  Marie ,  dit-il ,  est  justement  comparée  à 
la  toison  de  Gédéon ,  puisqu'elle  a  conçu  le  Seigneur,  de  manière  à 
le  recevoir  comme  une  douce  rosée  dans  tout  son  être ,  sans  que  sa 
virginité  souffrit  aucune  atteinte  [Homil.  xv). 

Considérez  le  dessein  de  Dieu,  dit  saint  Bernard;  reconnaissez 
le  dessein  de  sa  sagesse  et  de  sa  tendresse  :  devant  arroser  l'aire 
entière,  il  commence  par  remplir  de  rosée  la  toison  ;  devant  rache- 
ter le  genre  humain,  il  a  mis  tout  le  prix  de  cette  rédemption  dans 
Marie  (Inlib.  Judicum), 

XXXIV. 
J'ai  dit  :  J'arroserai  le  jardin  de  mes  plantations,  et  je  rassasierai  Marie  compa- 

0  .  rée  au  paradis 

l'herbe  de  ma  prairie  :  Dixi:  Rigabo  hortum  mewn  plantahonum ,  et      terrestre. 


204  MARIE. 

inebriabo  prati  mei  fntctum  (Eccli.  xxiv.  U1).  Ce  jardin  c'est  Marie...  ; 
celui  qui  arrose,  c'est  Dieu...  ;  l'eau  dont  il  se  sert,  c'est  la  grâce,  qui 

a  été  répandue  en  Marie 

Voici,  dit  l'abbé  Rupert,  voici  un  nouveau  jardin,  un  nouveau 
paradis,  de  nouvelles   plantations  faites  par  celui  qui  autrefois  a 
disposé  le  paradis  terrestre.  L'ancien  paradis  était  terrestre  ;  Marie 
est  un  paradis  nouveau,  un  paradis  céleste.  Le  jardinier  est  le  même, 
c'est  Dieu.  Dans  l'ancien  Paradis,  il  plaça  l'homme  qu'il  avait  crée; 
dans  le  nouveau,  il  forme  l'humanité  de  celui  qui  est  auprès  de  lui 
de  toute  éternité.  Du  sol  du  paradis  terrestre,  Dieu  a  l'ait  sortir  toute 
espèce  d'arbres  beaux  à  la  vue,  et  dont  les  fruits  étaient  excellents 
au  goût;  il  a  aussi  placé  au  centre  de  ce  paradis  l'arbre  de  vie  ;  il  a 
béni  cette  terre  et  ceux  qui  l'habitaient  :  Marie  produit  abondamment 
les  fruits  délicieux  de  toutes  les  vertus  ;  elle  est  l'arbre  de  vie  ;  son 
fruit  est  J.  C.  fait  homme,  en  qui  toutes  les  générations  sont  bénies. 
Du  paradis  terrestre ,  qui  était  un  séjour  enchanteur,  jaillissait  un 
fleuve  qui  se  divisait  en  quatre  branches  et  l'arrosait  dans  toute  son 
étendue;  de  Marie,  le  second  paradis,  est  ne  le  fleuve  dont  parle  le 
Psalmiste,  quand  il  dit  :  Un  fleuve  de  joie  a  inondé  la  cité  de  Dieu 
et  le  sanctuaire  où  réside  le  Très-Haut  (xliv.  h).  Ce  fleuve,  c'est 
J.  C.  qui  inonde  de  délices  Marie,  vraie  cité  de  Dieu,  vrai  sanc- 
tuaire du  Très-Haut.   Ce  fleuve  se  divise  en  quatre  branches,  afin 
d'arroser,  de  féconder  et  de  vivifier,  par   l'entrfcnise  de   Marie, 
l'orient,  l'occident,  le  septentrion  et  le  midi.  C'est  donc  avec  raison 
que  la  bienheureuse  Vierge  est  appelée  par  saint  Jérôme,  saint 
Pierre  Damien  et  d'autres  docteurs,  et  par  l'Église  elle-même,  un 
pannlis  de  dilues,   que  Dieu   a   rempli  de   toutes   les  richesses   de  la 
grâce.  Marie  est  un  paradis  dans  lequel  Dieu  a  placé  les  plus  belles 
fleurs  et  les  fruits  les  plus  délicieux  de  toutes  les  vertus  (Lib.  IV 
m  t  'ont.  I.   L'homme  a  perd»  Le  premier  paradis  et  le  ciel  ;  par  Marie, 
ce  second  paradis,  l'homme  rentre  en  possession  de  ce  qu'il  avait 
perdu,  surtout  dans  l'éternité 


xxxv.       Nul  autant  crue  Marie  n'a  aimé,  recherche  et  pratiqué  la  retraite  et 

i ir  ilo 

rte  pour 
retraite. 


Amour  <\o 
Marte  pour  la    la  solitude 


Elle  s'occupe  de  travail,  parle  rarement  el  ne  se  montre  jamais 
en  public  ;  elle  fuit  le  momie  el  ne  cherche  que  Dieu. 

Elle  ne  connaît  que  le  tenaple  el  sa  maison,  Dieu  et  ses 
parents 

Elle  ne  fait  qu'une  visite  en    sa  vie:   c'esl  à  sainte  Elisabeth  su 


MARIE.  205 

cousine,  pour  lui  faire  connaître  le  grand  mystère  delà  venue 
du  Messie 

L'ange,  qui  vient  lui  annoncer  qu'elle  est  choisie  pour  être  nure 
de  Dieu,  la  trouve  dans  la  retraite 

Nous  ne  la  voyons  quitter  sa  demeure  que  pour  aller  au  temple..., 
au  Calvaire 

L'Evangile  ne  dit  pas  que  Marie  ait  parlé  plus  de  quatre  fois  pen- 
dant sa  vie  :  1°  lorsque  l'ange  demanda  son  consentement  à  l'incar- 
nation du  Verbe  en  elle  ;  2°  lorsqu'elle  s'éleva  si  haut  en  louanges 
de  Dieu  et  en  humilité,  dans  le  sublime  cantique  Magnificat; 
3°  lorsqu'elle  retrouva  son  divin  fils  dans  le  temple;  4°  aux  noces 
de  Cana 

Qui  pourrait  raconter  tout  ce  qui  se  passa  de  merveilleux  et  de  divin 
dans  le  cœur  sacré  de  Marie,  au  sein  de  la  profonde  retraite  qu'elle 
garda  durant  soixante-douze  ans?...  Que  de  prières  ferventes! 
Que  d'actes  de  foi,  d'espérance,  de  charité,  d'humilité,  d'obéis- 
pance,  de  patience,  de  prudence,  de  modestie,  de  vigilance,  de 
puieté  et  de  zèle!...  Que  de  méditations,  de  contemplations  et  d'exta- 
ses!... Quelle  union  intime  avec  Dieu!.,.  Apprenons  de  Marie  à 
•  imer  et  à  rechercher  le  silence,  la  retraite  et  la  solitude 

Ma  colombe  est  unique  ;  elle  est  parfaite ,  dit  le  Seigneur  parlant  de      XXXVI. 
Marie ,  dans  le  Cantique  des  cantiques.  Les  filles  de  Sion  l'ont  vue    B°MarJe  d* 
et  l'ont  appelée  bienheureuse;  les  reines  l'ont  célébrée:   Unaest 
columbamea,  perfectamea.  Viderunt  eam  filiœ,  et  beatissimam  prœdi- 
caverunt ;  reginœ  landaverunt  eam  (vi.  8). 

Quelle  est  celle-ci  qui  s'élève  du  désert  comblée  de  délices, appuyée 
sur  son  bien-aimé?  Quœ  est  ista  quœ  ascendit  dedeserto,  deliciis 
affluens,  innixa  super  dilectum suum?  (Cant.  vin.  5.  ) 

Marie  1°  a  été  prédestinée  de  toute  éternité  pour  être  la  plus  par- 
faite de  toutes  les  créatures...;  2°  elle  a  été  prédestinée  pour  être  la 
mère  de  Dieu...;  3°  elle  a  été  prédestinée  à  la  gloire  la  plus  grande...; 
4°  elle  a  été  préservée  du  péché  originel  et  est  demeurée  sans  tache 
dans  sa  conception...;  5°  elle  a  été  comblée  de  grâces...;  6°  elle  a 
correspondu  à  toutes  ces  grâces...;  7°  elle  est  toujours  restée 
vierge...;  8°  elle  a  été  vierge  et  mère...;  9°  elle  a  reçu  tous  les 
dons  et  tous  les  fruits  du  Saint-Esprit...;  10°  elle  est  montée  au 
Triomphalement,  en  corps  et  en  âme...;  11"  elle  porte  la  cou 

ronne  de  reine  du  ciel  et  de  la  terre 

Aussi  Marie ,  comprenant  son  bonheur,  s'est-elle  écriée  :  Toutes 


200  mura. 

les  générations  m'appelleront  bienheureuse  :  Beatam  me  dicent  omnes 

generationes  (Luc.  I.  48). 

XXXVlf.      Un  glaive  traversera  votre  âme  :  Tuam  ipsius  animom  pertrantM 
"rtSïta1  gladiu»  (Luc.  n.  35).  C'est  en  ces  termes  que,  le  jour  de  la  présen- 
ce Marie,      ^ion  ;  je  samt  vieillard'  Siméon  a  prédit  à  Marie  les  grandes  souf- 
frances qu'elle  devait  éprouver. 

Marie  1°  a  souffert  des  douleur3  de  son  divin  fils  ,  et  ses  souf- 
frances ont  été  égales  à  son  amour Chez  les  martyrs  et  les  autres 

saints ,  l'amour  fut  un  grand  adoucissement  de  la  souffrance  ;  c'était 
un  baume  divin  qui  cicatrisait  leurs   plaies  profondes.  Plus  ils 

aimaient  Dieu  ,  moins  ils  sentaient  leurs  douleurs Au  contraire 

plus  Marie  a  aimé ,  plus  elle  a  souffert  ;  et  comme  son  amour  était 
presque  infini,  ses  souffrances  l'ont  été  aussi. 
2°  Marie  a  souffert  par  compassion...;  toutes  les  souffrances  de 

U.C.  sont  les  siennes 

3°  Elle  a  souffert  en  raison  de  sa  dignité 

4°  Elle  a  souffert  en  raison  de  la  grande  durée  de  ses  tourments 

Dès  son  incarnation  J.  C.  a  vu  et  a  enduré  toute  sa  passion.  Dès  ce 
moment  aussi  Marie  a  vu  et  a  enduré  toutes  les  souffrances  de  son 

fils  et  de  son  Dieu 

5°  Marie  a  souffert  par  sollicitude Elle  a  vu  J.  C.  souffrir  seul , 

abandonné  de  ses  apôtres  et  de  ses  amis,   des  hommes  et  des 
anges. 
6°  Elle  a  souffert  des  calomnies  et  des  blasphèmes  horribles  lancés 

contre  J.  C 

7°  Elle  a  souffert  par  la  vue  et  par  la  présence  continuelle  de  son 

cher  fils  crucifié 

Voilà  pourquoi  les  docteurs  enseignent  que  la  bienheureuse 
Vierge  a  été  martyre  et  plus  que  martyre.  Le  glaive  n'a  percé  que  le 
cor  us  des  martyrs  ;  le  glaive  de  J.  C.  et  de  Marie  a  percé  leur  âme  : 
Et  tuam  ipsius  animam  pertransibit  gladius  (  Luc.  u.  35  ).  Comme 
J.  C.  a  infiniment  plus  souffert  qu'aucun  des  martyrs,  et  que  tous 
pris  ensemble;  ainsi  Marie  a  souffert  de  son  côté  plus  que  tous  les 

martyrs J.  C.  a  été  crucifié;  sa  mère  l'a  été  également  par  les 

douleurs  indicibles  qu'elle  a  éprouvées!...  En  persécutant  J.  C. ,  on 
persécute  sa  divine  et  tendre  mère.  L'amour  de  Marie  est  plus  fort 
que  la  mort;  car  de  la  mort  de  J.  C.  elle  a  fait  la  sienne. 

La  douleur  de  la  Vierge  a  été  si  grande,  que  si  elle  était  #h vï*ée 
entre  lous  les  hommes,  dit  saint  bernardin,  ils  en  mourraient  toiu> 


MARIE-  207 

Tantus  fuit  dolor\  Yirginis,  qund  si  in  omnes  creaturas  divi- 
deretur,  omnes  subito  interirent  (T.  H,  serm.  lxi). 

Un  glaive  traversera  votre  âme ,  ô  Marie ,  afin  que  les  pensées  de 
beaucoup  de  cœurs  soient  révélées  :  Tuam  ipsius  onimam  pertransibif 
gladius,  ut  revelentw  ex  multis  cordibv.s  cogitationes  (Luc.  n.  35  ). 
Vous  verrez,  ô  Marie ,  la  malignité ,  l'envie ,  la  fureur,  la  haine  , Le 
ceux  qui  veulent  persécuter  et  mettre  à  mort  votre  fils  bien-aimé. 

Quelle  douleur  pour  la  très-sainte  Vierge  lorsque  saint  Joseph  vou- 
lut ia  quitter!...  Quelle  douleur  pour  elle  de  se  voir  rebutée  des 
hommes,  et  d'être  forcée  de  donner  lé  jour  à  son  divin  enfant  dans 
une  étable  et  de  le  déposer  dans  une  crèche ,  entre  deux  animaux  !... 
Quelle  douleur  pour  elle  de  voir  déjà  couler  le  sang  de  J.  C.  sous  le 
couteau  delà  circoncision!...  Quelle  douleur  pour  elle  d'être  obligée 
de  fuir  en  Egypte!...  Quelle  douleur  lorsqu'elle  perdit  son  fils  pen- 
dant trois  jours!  Quelle  douleur  lorsqu'elle  l'entendit  accuser  de 
ci  immuniqûer  avec  Béelzébub,  et  de  mille  autres  crimes,  lui  qui 
était  l'innocence  incréée!...  Quelle  douleur  lorsqu'elle  connut  la 
trahison  et  l'hypocrite  baiser  de  Judas ,  le  reniement  de  Pierre ,  et 
l'abandon  des  apôtres!...  Quelle  douleur  en  présence  des  calomnies 
et  des  faux  témoignages  portés  au  tribunal  du  grand  prêtre!... 
Quelle  douleur  mortelle  d'être  témoin  de  l'agonie,  des  soufflets,  des 
crachats,  des  cris  de  rage,  des  mépris,  des  moqueries,  de  la  flagella- 
tion, de  la  présentation  de  Jésus  au  peuple,  de  sa  condamnation  , 
et  de  sa  marche  vers  le  lieu  du  supplice ,  les  épaules  chargées  de  la 
croix,  et  arrosant  de  son  sang  les  rues  de  Jérusalem  !... 

Voilà  Jésus  au  Calvaire  et  Marie  aussi  !  Voilà  Jésus  sur  la  croix  et 
Marie  à  ses  pieds!...  Quelles  inénarrables  souffrances  pour  elle! 
On  a  crucifié  son  fils  et  elle  a  été  crucifiée  avec  lui;  les  clous  qu'on 
a  enfoncés  dans  les  mains  et  les  pieds  de  J.  C,  on  les  a  enfoncés 
dans  son  cœur  de  mère;  la  robe  qu'on  a  enlevée  à  J.  G.  en  rouvrant 
ses  plaies,  le  fiel  dont  on  l'a  abreuvé,  la  lance  dont  on  a  percé  son 
côté,  les  blasphèmes,  les  imprécations,  les  mépris  solennels  qu'on 
lui  a  prodigués ,  ont  été  autant  de  coups  de  glaive  qui  ont  déchiré  le 
ir  de  Marie  !...  Quelle  douleur  pour  elle,  lorsque  Jean  lui  fut 
donné  à  la  place  de  son  fils!...  Quelle  suprême  douleur  enfin  lors- 
que J.  C.  expira  sur  la  croix  !... 

Non,  non,  les  martyrs  n'ont  rien  souffert  comparativement  à 

Marie Aussi  saint  Bernard  dit  :  Aucune  langue  ne  pourra  rendre, 

aucune  intelligence  ne  pourra  concevoir  les  inexprimables  douleurs 
dont  les  pieuses  entraiiies  de  Marie  étaient  déchirées  :  Nec  lingua 


208  MAHIB. 

poterit  loqvi,  née  mens  cogitare  valebît,  guanto  dolore  affîciebantur 
pia  viscera  Mariœ.  C'est  maintenant,  ô  Vierge!  que  vous  payez 
avec  usure  le  tri'out  que  la  nature  n'a  pas  exigé  de  vous  lurs  de 
votre  enfantement  !  Nunc  solvis,  Virgo,  cum  usura,  ..   partu 

non  habuisti  a  natura.  Vous  n'avez  pas  éprouvé  de  douleur  en  met- 
tant au  monde  votre  fil?;  mais  vous  l'avez  sentie  mille  fois  j  lus 
grande  à  sa  mort  :  Dolorem  pariendo  filium  non  sensisti,  quem  mil- 
lies  rejjlicatnm,  filio  moriente,  passa  fuisti  (Serm.  xxixinCant.  ). 

Au  pied  de  la  croix,  Marie  était  plongée  dans  un  océan  de  dou- 
leurs ,  dit  saint  Jean  Ckrysostome  iStabat  doloribus  immersu  (Serm. 
înPass.). 

Sous  le  poids  de  tant  de  souffrances,  Marie  ne  fit  pas  entendre  une 
seule  plainte;  elle  se  conforma  avec  une  résignation  entière  à  la 
sainte  volonté  de  Dieu 

XXXVIII.     M  âme  est  en  quelque  sorte  le  centre  du  ciel  et  de  la  terre,  de  Dieu 

de' tout.       et  de  l'homme En  elle  et  par  elle,  Dieu  qui  est  la  souveraine 

grandeur  et  la  fin  de  toutes  les  créatures,  s'est  uni  à  la  terre  et  à 
notre  humanité,  lorsque  Marie  a  donné  un  corps  au  Verbe  éternel  et 
l'a  revêtu  de  sa  chair.  C'est  là  un  admirable  travail  de  la  suprême 
sagesse  de  Dieu  :  elle  a  si  bien  su  mettre  en  rapport  la  divinité  avec 
l'humanité,  que  la  dignité  infinie  de  Dieu  a  pu  s'unir  à  l'humanité 
sans  que  la  divinité  perdit  rien  de  sa  gloire  et  de  sa  majesté. 

La  divinité  unie  à  l'humanité  en  Marie  et  par  Marie,  est  aussi  le 
centre  où  arrivent  et  se  rencontrent  toutes  les  perfections  de  toutes 
les  créatures,  toutes  les  prérogatives  et  'es  qualités  des  anges  et  des 
hommes,  ainsi  que  les  prières  de  ces  derniers,  leurs  épreuves  et 
leurs  tentations,  afin  que  le  Verbe  incarr,é  les  soutienne,  les  soulage, 

les  soigne  et  les  guérisse 

(  Voyez  Marie  médiatrice  et  réparatrice,  n°*  XXVI  et  XXVIL) 

XXXîX.       L'ange  exalte  Marie  :  Je  vous  salue,  pleine  de  gr.lce,  le  Seigneur  est 
Maricrap-  c  vous    voug  ,•.(,..  i „', Jje  entre  toutes  les  femmes  (Luc.  i.  28). 

porte  loui  ci  v  ' 

Diou.  Marie  rapporte  aussitôt  cet  honneur  à  Dieu  en  se  déclarant  l'humble 
servante  du  Seigneur  (Luc.  i  38).  Elisabeth  exalte  Marie  :  Voua 
êtes  bénie  entre  toutes  les  femmes,  eï  béni  est  le  fruit  de  votre  sein. 
Et  d'où  vient  ceci  que  là  mère  de  mon  Seigneur  vienne  à  moi?(  Luc. 
i.  \'.\.  )  Lu  présence  de  tant  d'honneur  et  de  tant  d'éloges,  Marc  ne 
s'attrilme  rien  ,  elle  rapporte  tout  à  Dieu.  Mon  âme  ,  dit-elle,  gluifie 
le  Seigneur":  Magnificat  anima  ?nea  Dominum  (Luc.  i. -40).  Mirie 


MARTE.  209 

rend  à  Dieu  les  louanges  qu'elle  reçoit ,  comme  à  la  véritable  source 
de  tout  bien.  Vous ,  ô  Elisabeth,  vous  exaltez  la  mère  du  Seigneur; 
mais  mon  âme  exalte  et  glorifie  Dieu. 

Dieu  exalte  l'homme  d'une  manière ,  et  l'homme  exalte  Dieu  d'une 
autre  manière  :  Dieu  exalte  l'homme  en  l'élevant  au-dessus  des 
autres  hommes  par  les  richesses,  les  honneurs,  les  grâces,  les  dons 
signalés;  mais  l'homme  ne  peut  pas  ainsi  exalter  Dieu,  puisqu'une 
peut  rien  ajouter  à  la  grandeur  divine.  Il  exalte  Dieu  seulement  en  le 
louant,  en  proclamant  sa  bonté,  sa  majesté,  sa  puissance,  sa  sainteté, 
sa  miséricorde,  sa  providence,  sa  science ,  sa  gloire,  son  immensité, 
son  éternité  ,  en  un  mot  tous  les  attributs  divins. 

Mon  âme  glorifie  le  Seigneur.  Dieu  est  glorifié  lorsqu'on  l'honore 

et  qu'on  le  sert  par  les  vertus Il  est  glorifié  lorsque  nous  nous 

conformons  à  J.  G.,  lorsque  nous  le  prenons  pour  modèle 

Tout  homme,  dit  saint  Augustin,  peut  concevoir  le  Verbe  en 
croyant  en  lui ,  l'enfanter  en  Fannonçant  aux  autres,  l'exalter  en 
l'aimant;  alors  il  peut  dire  avec  Marie  :  Mon  âme  glorifie  le  Sei- 
gneur (  Super  Magnificat  ). 

Mon  âme  glorifie  le  Seigneur;  elle  le  glorifie  par  l'usage  qu'elle 
fait  des  mains,  des  yeux,  delà  langue,  du  cœur,  de  la  mémoire,  de 
la  volonté,  de  l'intelligence 

Mon  âme,  anima  mea  :  Marie  s'exprime  de  cette  sorte  parce  que 
i°  elle  possédait  son  âme  tout  entière;  ce  n'est  pas  nous  qui  la  possé- 
dons ainsi  :  le  démon,  le  monde ,  la  chair ,  la  colère ,  l'orgueil ,  la 
paresse,  etc.,  nous  tiennent  souvent  sous  le  joug.  2°  Elle  avait 
donné  sans  réserve  son  âme  à  son  fils;  or,  donner  son  âme  à  Dieu 

sans  réserve,  c'est  la  posséder  soi-même  pleinement 3°  Elle 

aimait  ardemment  son  Dieu;  or,  plus  on  aime  Dieu  et  plus  on  pos„ 
sèdeson  âme 

Par  ces  paroles  :  Mon  âme  glorifie  le  Seigneur,  Marie  annonce  et 
proclame  la  bonté,  la  miséricorde,  la  puissance  et  la  majesté  de 
Dieu.  Par  ces  autres  paroles  :  Et  mon  esprit  a  tressailli  d'allégresse 
en  Dieu  mon  Sauveur  :  Et  exsultavit  spiritus  meus  in  Deo  salutari  meo 
(Luc.  i.  47  ) ,  elle  fait  connaître  la  douceur  et  les  délices  qu'elle  a 
puisées  en  Dieu  lors  de  la  conception  du  Verbe.  Elle  imitait  ainsi  !es 
anges,  qui  méditent  la  majesté  incompréhensible  de  Dieu,  et  qui 
jouissent  en  même  temps  de  sa  douceur.  Ils  admirent  pour  aimer  et 
pour  exalter 

Marie  durant  toute  sa  vie  a  glorifié  Dieu  et  lui  a  tout  rapporté  ; 
même  dans  sa  mort ,  elle  a  proclamé  la  grandeur  de  Dieu,  car  elle 
m.  u 


toutes  les 

■vierges. 


210  MARIE. 

est  morte  d'amour Celui  oui  est  puissant  a  fait  eu  moi  de  glande; 

choses,  et  ton  nom  est  saint  :  Quia  fecit  mihimagna  qui  (totem  est,  et 
sanctum  nomen   ejus  (  Luc.  I.  49  ).  A  Dieu  seul  I\lai'i« 
grandes  choses,  et  non  pas  à  elle;  elle  béait  le  nom  du 

Dieu,  dit-elle,  m'a  sanctiliée  afin  que  je  tussi  

Puisque  nous  tenons  tout  de  Lieu,  le  corps  et  lame  .  la  vie  ,  la 
santé  ,  les  biens  temporels  et  spirituels,  nous  devons  .  à 
de  Marie ,  tut  attribuer  à  Dieu ,  lui  rapporter  tout ,  le  réméré: 
toutes  choses.  C'est  le  vrai  moyen  de  lui  plaire,  et  d'attiré*  ^ur  nous 
'les  donc  toujours  plus  abondants 

\i,.  v.;:   est  L  a  reine  se  tient  à  la  droite  du  roi ,  dit  le  Psalmistp,  à  ?a  suite; 
modèle  de     paraîtront  une  multitude   de  vierges:  ô  roi,  les  de 

l'Epouse  vous  seront  présentées.  On  les  amènera  avec  joie > 
allégresse;  on  les  introduira  dans  le  palais  du  roi.  0  Marie   ip      o 
et  vierge  immaculée,  pour  remplacer  vos  aïeux,  il  vous  est  né  des 
enfants;  vous  les  établirez  princes  sur  toute  la  terre.  Il*  petry 
ront  le  souvenir  de  votre  nom  dans  toute  la  suite  .s,  et     s 

peuples  vous  gloritieront  dans  tous  les  siècles  et  dans  l'éternité  (I). 

Par  ces  enfants  auxquels  est  promis  l'empire  de  la  l 
Prophète  entend  surtout  les  vierges  j  de  l'un  et  de  l'autre  i-exe  ,       i 
tiennent  le  premier  rang  dans  la  hiérarchie  des  saints s  et    ni  par 
leur  renonciation  volontaire  aux  biens  et  aux  joies  qui  passent, 
Bout  placés  au-dessus  de  toutes  les  choses  de  la  terre. 

0  .Marie,   s'écrie  Tobie,   vous  vous  réjouirez  dans  VOS   entants, 
parce  qu'ils  seront  tous  bénis,  réunis  autour  du  Seigneur  !  Ta  < 
lœlaberis  in  filas  luis ,  qaoniam  omnês  benedicentur  ,  et  eottgrtgabuftfw 
ad  Ùominuj/t  {  xut.  17  ). 

Ici  encore  il  s'agit  surtout  des  vierges  qui ,  réunis  à  l'ombre  des 
fèfl  et  des  monastères,  passent  leur  vie  autour  du  divin  taber- 
uai  le. 

Saint  Jérôme  met  dans  tout  son  jour  la  dignité  de  ces  enfants 
bien-uiuiés  4e  .Marie,  quan  I  d  dit  :  La  mort  est  venue  par  K\e  et  la 
vie  par  Marie.  Marie  a  ne  fa;nille  nouvelle,    une  lii  m!l>  de 

cœurs  vierges,  afin  que  Sun  lils,  qui  était  adoré  dans  le  ciel  par  les 

(1)  Aslilit   rtçîiïà  a  (JcXTVis  tuis \  < . .  1  il-  :-i  1 1  ht-  i  <-•  i  vilaines  post  cam  ;  proTÎm» 

ejus  aiTercntur  Ubi.  Aflercntur  inltetitia  et  cxsultalionc ,  aihluccnlur   i 

Prq  pauibus  luis  naii  ian|   Ubi   ûlij  eos  princip 

terrain.  Me  mores  crunt  nominis  lui  n  ,  itjoue  cl  gencralioncm.  IVo|  t<  r  a 

populi  coulitebuutur  Ubi  iu  Ktchfaui ,  Cl  lu  r-L-uuium  seculi  (Psal.  XI.1V.  10.  15-18 J. 


arg  p  h  faVrp;  ■  b  r  s  tes  vierges,  des  anges  qui  l'adorent 

(Ad  '.'us toehhon,  de  Custod,  virgin.  ). 

Avant  Marie,  la  virginité  perpétuelle  et  volontaire  était  incr-i 

nue Cette  incomparable  Vierge  a  produit  les  millions  de  vierges 

de  ti»ut  rang,  de  tout  âge  et  de  toute  condition  qui  ont  paru  dan- 

tous  les  pays,  et  qui  ont  mené  la  vie  dos  anges Que  dis-je?  ils 

remportent  en  mérite  sur  les  esprits  célestes;  parce  qu'être  vierge 
dans  un  corps  Corrompu ,  c'est  porter  la  vertu  au  degré  le  plus 

héroïque  et  le  plus  méritoire Les  vierges  auront  une  double 

couronne,  celle  de  la  virginité  et  celle  du  martyre;  car,  disent  les 
saints  Pères,  la  conservation  de  la  virginité  est  un  long  martyre  qui. 

recevra  la  même  couronne  que  le  martyre  de  sang Les  vierges, 

dit  l'Apocalypse,  suivent  l'Agneau  (et  l'auguste  Marie)  partout  où. 
il  va  ,  car  ils  sont  sans  tache  devant  le  trône  de  Dieu  :  IH  sequuntur 
Agnum  quoeumque  ierit.  Sine  macula  enim  sunt  ante  thronum  Dei 
(xiv.  A.  5). 

Quel  triomphe  pour  Marie,  quelle  gloire,  quelle  couronne ,  et  sur 
la  terre  et  dans  ies  cieux,  que  cette  multitude  innombrable  d<? 
vierges!..» 

BeitvEux  tous  ceux  qui  vous  aiment ,  o  Marie ,  et  qui  se  réjouissent    xu.  Bonheur 
en  votre  paix!  s'écrie  Tobie  dans  un  esprit  prophétique  :  Beati opines        de  Marie. 
quidiligunt  te,  et  qui  g au dent  super  p ace  tua!  (xiii.  18.) 

Marie,  disent  les  Proverbes,  est  l'arbre  de  vie  pour  ceux  qui  s'atta- 
chent à  elle;  heureux  celui  qui  ne  la  quitte  point  !  Lignum  vitœ  est 
his  qui  opprehenderint  eam;  et  qui  tenuerit  eam,  beatusl  (  ni.  18.  )  Ello 
sera  1a  vie  de  votre  âme  et  l'ornement  de  votre  cœur  :  Et  erit  vit.i 
animœ  tuœ,  et  gratia  faucièus  tuis  (Prov.  m.  22). 

Après  jouir  de  la  vue  de  Dieu,  le  suprême  bonheur  et  la  suprême 
gloire,  ô  Marie  !  c'est  de  vous  voir,  s'écrie  saint  Bernard  :  Surruna 
gloria  est,  o  Maria,  post  Dominum,  te  videre  (  In  Cant.  ). 

Heureux  l'homme  qui  prête  l'oreille  à  ma  voix,  dit  Marie  dans  les 
Proverbes,  heureux  celui  qui  passe  les  jours  à  l'entrée  de  ma  mai 
son  et  qui  veille  au  seuil  de  ma  porte  !  Celui  qui  me  trouve,  trouve 
la  vie;  son  salut  viendra  du  Seigneur  (par  moi)  (1). 

Marie,  dit  saint  Bernard,  est  pleine  de  suavité;  elle  offre  à  tou' 

[\]  Beatus  homo  qui  audit  me,  et  qui  vigilat  ad  fores  meas  quotidie,  et  observât 
ail  postes  hoslii  uici.  Qui  me  iuvenerit  inveuiet  vitam,  et  hauriet  salutem  a  Douiiuo 
(nu*  34.   j  ). 


212  WARIB. 

le  lait  et  la  laine  :  Tota  suavis  est,  omnibus   offerens  lac  et  lanam 

(In  Gant.).  Marie  est  très-bonne  et  très-miséricord'euse 

Il  n'y  a  pas  pour  un  enfant  de  bonheur  plu?  grand  <;ue  celui 
d'être  entre  les  bras  de  sa  tendre  mère.  Or,  quelle  mère  égalera 
*amai?  Marie  !... 

Voulant  donner  une  idée  de  la  douceur  de  la  très-sainte  Vierge  et 
des  délices  dont  elle  comble  ses  serviteurs,  saint  Ambrolse  la  com- 
pare à  la  manne  (  De  B.  Virg.  ). 

A  Marie  s'appliquent  ces  paroles  de  l'Ecclésiastique  :  Je  suis  la  mère 
du  bel  amour  et  de  la  sainte  espérance.  En  moi  se  trouvent  toute 
la  grâce  de  la  voie  et  de  la  vérité,  toute  l'espérance  de  la  vie  et  de  la 
vertu.  Venez  à  moi,  vous  tous  qui  me  désirez  avec  ardeur,  et  rassa- 
siez-vous des  fruits  que  je  porte;  car  mon  esprit  est  plus  doux  que  le 
suc  recueilli  par  les  abeilles,  et  mon  héritage  l'emporte  sur  le  rayon 
de  miel  le  plus  exquis.  Ceux  qui  se  nourr  ssent  de  moi  auront 
encore  faim,  et  ceux  qui  s'abreuvent  à  mes  eaux  auront  encore  soif. 
Celui  qui  m'écoute  ne  sera  pas  confondu  ,  et  ceux  qui  agissent  par 
moi  ne  pécheront  point.  Ceux  qui  me  font  connaître  auruiit  la  vie 
éternelle  (xxiv.  24-31  ). 

Jamais  fidèle  serviteur  de  Marie  n'a  péri  ;  c'est  donc  un  bon- 
heur inappréciable  d'honorer  Marie,  de  Ja  prier,  de  l'aimer  et  de 

limiter 

Le  vrai  serviteur  de  Marie  reçoit  par  elle  mille  grâces,  mille  con- 
solations, mille  secours,  et  il  assure  son  salut.  Heureux,  infini 
heureux  celui  qui  s'attache  à  elle  et  qui  lui  rend  un  culte  fervent 

àLU.  La      Le  culte  et  la  dévotion  envers  la  mère  de  Dieu  sont  une  marque 
dévotion  a      certaine  ,|e  prédestination;    comme  le  mépris  pour   Marie  et  la 

Marie  est  une  r  i  r 

marque       désobéissance  envers  elle  sont  tout  à  la  fois  une  marque  certaine  et 

union.       une  cause  de  réprobation.  Nestorius,  Helvidius,  Constantin  Copro- 
nyme,  Julien  l'Apostat,  etc.,  l'ont  bien  prouvé. 

Celui  qui  sert,  qui  honore  et  qui  prie  Marie,  prie,  honore  et  sert 
J.  C.  <',rlui  qui,  au  contraire,  méprise  et  outrage  Marie,  mépris  et 
outrage 'son  (ils.  Dans  l'Eglise,  J.  C.  est  comme  un  père  de  famille 
au  milieu  des  siens;  dans  l'Eglise  aussi,  soit  triomphante,  soit  mili- 
tante, soit  souffrante,  la  bienheureuse  Vierge  Marie,  par  don  et 
par  volonté  spéciale  de  J.  C,  a  le  pouvoir  et  la  dignité  de  mère  du 
famille. 

Aussi  saint  Germain,  patriarche  de  Constantinople  ,  dit -il  t 
Comme  la  respiration  continuelle  est  non-seuieuiuaç  un  signe , 


ttAnns.  213 

mais  encore  une  cause  de  vie;  de  même  l'invocation  fréquente  de 
Marie,  non  -  seulement  prouve  qu'on  vit  de  la  vie  véritable,  mais 
encore  donne  cette  vie  et  la  conserve  (Serm.  de  Zona  B.  Virg.). 

La  bienheureuse  Vierge  est  le  guide ,  la  reine,  la  mère  et  la  gar- 
dienne des  élus 

Un  grand  nombre  de  théologiens  enseignent  qu'une  marque 
d'élection  divine  et  de  salut,  c'est  la  sincère  dévotion  à  la  très-sainte 
Vierge 

S'il  n'est  entièrement  maudit,  dit  Marie  à  sainte  Brigitte,  per- 
sonne, quelque  ennemi  de  Dieu  qu'il  soit,  ne  m'invoquera  sans  qu'il 
revienne  à  Dieu  et  obtienne  miséricorde  (Révélât.). 

Marie  est  si  puissante  et  si  bonne  qu'elle  ne  refuse  rien  à  ses 
fidèles  serviteurs,  et  J.  C.  à  son  tour  aime  tant  sa  divine  mère,  qu'i] 
lui  accorde  tout  ce  qu'elle  demande 

Au  reste ,  l'expérience  prouve  que  le  vrai  serviteur  de  Marie  est 
toujours  vertueux  et  qu'il  déteste  souverainement  le  péché;  or,  1p 
salut  n'est  qu'à  ce  prix 

Lorsque  J.  C.  du  haut  de  la  croix  prononça  ces  douces  paroles  :        lu  a. 
Tout  est  consommé  :  Consummatum  est  (Joann.  xix.  30),  paroles     ladévotiou 
qui  furent  les  dernières  qui  sortirent  de  sa  bouche  divine ,  le  monde  envers  Marie. 
était  racheté  et  sauvé ,  la  colère  céleste  calmée ,  l'enfer  fermé ,  les 
démons  abattus  et  nos  chaînes  brisées;  l'esclavage  du  genre  humain 
avait  pris  fin ,  l'anathème  porté  contre  nous  était  levé,  nos  droits  au 
céleste  héritage  nous  étaient  rendus,  et  le  ciel  se  trouvait  ouvert. 
Tout  est  consommé  :  Consummatum  est  ;  J.  G.  avait  fait  tout  ce  qu'il 
fallait  pour  satisfaire  à  la  justice  de  son  Père ,  pour  accomplir  les 
prophéties ,  et  pour  racheter  les  hommes. 

Mais  voici  une  remarque  frappante  qui  prouve  que  la  dévotion  a 
Marie  est  comme  nécessaire  au  salut ,  et  que  J.  C.  a  voulu  que, 
l'homme  fût  sauvé  par  elle  :  C'est  du  haut  de  la  croix  que  J.  C- 
dit  à  sa  mère,  en  lui  montrant  saint  Jean,  qui  représentait  alors  tous 
les  hommes  :  Femme ,  voilà  votre  fils  :  Dixit  matri  suœ  :  Mulicr,  ecce 
filius  tuus.  Ensuite  il  dit  à  son  disciple ,  en  lui  montrant  Marie  : 
Voilà  votre  mère  :  Deinde  dicit  discipulo  :  Ecce  mater  tua  (  Joann. 
Xix.  26.  27).  Après  cela  Jésus,  sachant  que  tout  était  accompli, 
c'eet- à-dire  que  tout  était  réglé  avec  le  ciel  et  que  le  monde  était 
racheté  ,  s'écria  :  Tout  est  consommé  :  Consummatum  est. 

Ce  n'est  qu'après  que  J.  C.  nous  a  donné  Marie  pour  mère,  qu'il 
dit  :  iout  est  consommé.  J.  C.  met  donc  les  rapports  maternels  et 


211  MARIE. 

filiaux  de  Marie  et  des  homme?  au  nombr^  ries  choses  nécessaire» 
pour  la  rédemption  et  le  Bilut;  la  dévotion  envers  Marie  est  donc 
nécessaire  pour  être  sauvé. 

J.  G-  nous  a  donné  Marie  pour  mère;  mais  un  enfant  doit  à  sa 
mère  amour,  respect,  obéissance;  si  nous  voulons  aller  au  ciel, 
aimons. donc  ,  respectons  ,  servons  Marie  et  obéissons-lui — 

J.  C.  mot  sa  mère  au-dessus  de  tous  les  élus  :  il  veut  que  personne 
ne  monte  au  ciel  sans  le  consentement,  le  secours  et  la  direction 
de  sa  mère.  Celui  qui  désiro  son  salut  et  qui  vont  l'assurer,  doit  être 
fervent  serviteur  de  Marie  ;  il  doit  croitre  chaque  jour  en  dévotion 
envers  elle 

Tontes  les  grâces  passent  par  les  mains  de  la  très-sainte  Vierge; 
br,  le  salut  est  l'œuvre  de  la  grâce;  donc  la  dévotion  à  Marie  est 
nécessaire  pour  être  sauvé 

Saint  Germain,  patriarche  de  Constantinople,  dit  formellement  que 
nul  n'est  sauvé  que  par  la  très-sainte  Vierge  :  Aemo  salvatur,  nifi  per 
te,  ovirgosanctissima  (Serm.  deZonaB.Virg.).  Saint  Bouavonture  dit 
aussi  :0  Marie,  celui  que  vous  voulez  sauver,  le  sera;  et  celui  dont  vous 
détournez  votre  visage  subira  l'éternelle  mort  :  Quem  vis ,  snhus  eiit  ; 
et  a  quo avertis  faciem  tuam ,  ibit  in  interitum  (  In  Psaltorio  Virgin  -  '. 
Ce  grand  docteur  ajoute  :  Celui  qui  servira  dignement  Maria,  s  ira 
jiLiilié;  et  celui  qui  l'aura  négligée,  mourra  dans  son  poché  :  Oui 
digne  coluerit  illam ,  jusli/icabitur}  et  qui  negie^erU  uluin ,  uinrictur  in 
peccatis  suis  (  Ut  supra  ). 

Voilà  pourquoi  saint  Jean  Damascène  dit:  De  tons  les  dons,  le 
plus  parlait  est  la  Vierge  Marie ,  qui  seule  est  digne  de  son  Créa- 
teur;  elle  est  un  ciel  vivant  plus  grand  quelesrieuj  eu\-m<' 
Do. mm  omnium donorum prœstantissimum  est  Maria  vir/n  ,  qm> 
Creatore  (ligna  crat ,  vivum  cœlum,  cœlis  iptis  latius  [  Grat.  de  Maliv. 
-•  )• 

Sainte  Agnès  étant  apparue  à  sainte  Brigitte,  lui  fit  connaître  les 
grandeur}* admirables  de  la  mère  de  Dieu,  les  louanges  qui  lui  é| 
adressées  et  lui  dit  :  Gomme  le  soleil  éclaire  et  vi\i(ie  le  ciel  et  la 
lorro;  ainsi  la  douceur  de  Marie  obtient  le  don  de  piété  à  tOUSCClU 

qui  la  .-Tv Mo  (  in  lie» '«t.  ). 

Marie  porle  le  titre  de  médiatrice  et  de  réparatrice;  il  faut  donc  la 
,  ete 

'\t  Thomas  pn-e"n:ne  que  la  très-  -inte  Vierge  est  honor'e  d'un 
tuue  q  j  oint  accordé  aux  saints  et  an  ,   et  qui  se 


firâjrnç  le  cnïfe  (V7  !  m,  c'est-à-dire  culte  placé"  au-dessus  de 
tout  nuire,  celui  de  Dieu  excepté.  Il  en  est  ainsi ,  dit-il,  parce  que 
Marie,  par  son  opération  et  sa  coopération,  a  approché  plus  près 
qne  qui  que  ce  soit  des  confins  de  la  divinité;  car,  dans  l'incarnation 
do  J.  C,  elle  a  fait  tout  ce  que  pouvait  faire  la  torde  de  la  nature, 
et  quand  celle-ci  a  fait  défaut ,  la  divinité  est  survenue  afin  d'ache- 
ver seule  la  substance  même  de  l'œuvre  (I). 

teurs  de  l'Eglise  enseignent  que  la  bienheureuse 
Vierge  gurpasse  en  grâce,  en  vertus,  en  perfection ,  en  dignité, 
en  honneur,  en  puissance  et  en  gloire,  tous  les  anges  et  traies 
hommes  réunis.  L'Eglise  honore  les  saints  du  culte  de  dulie ,  c'est- 
à-dire  d'un  culte  ordinaire;  mais  elle  rend  à  Marie  le  culte  d'Ay- 
pcrdulic,  le  plus  rapproché  du  culto  de  latrie,  qui  n'appartient 
qu'à  Pieu,  parce  que  c'est  un  culte  d'adoration.  Mettez  ensemble 
tous  1  -s  honneurs  qui  sont  dus  et  qui  sont  rendus  à  chaque  ange  et 
à  chaque  saint,  et  à  tous  ensemble,  ces  honneurs  ne  constitueront 
que  le  culte  de  dulie  ;  jamais,  quelque  grands  qu'ils  deviennent ,  ils 
ne  mériteront  de  porter  le  nom  de  culte  d'hyper  Julie,  qui  apparu 
tient  à  Marie,  et  seulement  à  elle  :  ce  culte  est  d'un  ordre  supérieur 
au  mérite  de  tous  les  anges  et  de  tous  les  élus  réunis.  11  est  autant 
au-dessus  du  culte  dû  aux  saints  et  aux  anges,  que  Marie  par  ses 
vertus ,  sa  puissance  et  sa  dignité  est  au-dessus  de  tous  les  membres 
de  la  cour  céleste. 

Marie  se  louera  elle-même,  elle  s'honorera  en  Dieu  et  elle  se  glo* 
ra  au  milieu  de  son  peuple,  dit  l'Ecriture;  elle  ouvrira  la  bou- 
che dans  les  assemblées  du  Très-Haut,  et  elle  se  glorifiera  devant  les 
armées  du  Seigneur.  Elle  sera  élevée  au  milieu  de  son  peuple,  et 
elle  sera  admirée  dans  l'assemblée  des  saints.  Elle  recevra  des 
louanges  au  milieu  de  la  multitude  des  élus,  et  elle  scrabénie  parmi 
les  bénis  de  Dieu  (Eccli.  xxiv.  1-4). 

L'Eglise  a  placé  dans  l'office  de  la  très-sainte  Vierge ,  et  elle 
applique  avec  raison  à  Marie  ces  paroles  que  l'Ecriture  met  dans  la 
bouche  de  la  Sagesse.  En  effet,  par  l'entremise  de  Marie  s'est  accom- 
plie l'œuvre  suprême  de  la  divine  Sagesse.  Dans  cette  œuvre,  c'est- 
re  dans  la  conception  et  la  nativité  de  Marie,  dans  la  génération 
humaine  du  Verbe,  élans  la  sanctification  et  la  glorification,  Dieu  a 


(1}  Sua  opérations  fines  dWinitatis  propïnquius   nUiçrit;   in   inrarnat'orrî  enîm 
ind  extenderu  se  poiest  vjs  nalur.c  ,  qua  ikii-  i-mlc,  s*c- 
lijtas ,  ut  ipsujy  substantiam  oper.s  deinde  sola  perScrct  (2.  2.  p.  q,  103. 
Ért.  iv.  ad  2). 


216  MA  ME. 

montré  une  sagesse  infinie  et  de  beaucoup  supérieure  à  celle  qu'il  a 
employée  dans  la  création  du  ciel  et  de  la  terre,  et  même  dans  celle 

des  anges  et  des  hommes 

Marie  est  mère,  fille  et  épouse  de  Dieu  ;  elle  a  uni  la  divinité  à 
l'humanité,  le  ciel  à  la  terre,  la  maternité  à  la  virginité,  les  pécheurs 
à  la  sainteté.  A  tous  ces  titres,  le  culte  d'hyperdulie  lui  est  dû 

XLV.  Dieu  et  Voila,  dit  Fauteur  inspiré  du  Cantique  des  cantiques  faisant  parler 

les  hommes  . 

désiraient      Marie ,  voilà  mon  bien-aimé  qui  me  dit  :  Levez-vous,  hatez-vous 

'd*  Marie!6    nia  bien-aimée ,  ma  colombe ,  vous  qui  êtes  toute  belle  à  mes  yeux, 

et  venez  :  En  dilectus  meus  loquitur  mihi  :  surge,  propera,  arnica  mea, 

columba  mea,formosa  mea,  et  veni  (il.  9.  10).  Le  bien-aimé  qui  parle 

à  Marie,  c'est  Dieu  qui  veut  et  qui  désire  sauver  le  monde  par  elle 

Dieu  témoigne  le  désir  que  Marie  paraisse  au  monde;  dès  la  chute 
d'Adam ,  il  la  lui  promet  comme  réparatrice  de  sa  faute.  (  Gen. 
m.  15).  Il  la  promet  à  Abraham,  à  Isaac,  à  Jacob,  aux  prophètes; 
il  la  comble  de  grâces  lorsqu'elle  arrive;  il  lui  envoie  un  ange  pour 
lui  dire  que  le  Tout-Puissant  l'a  choisie  pour  être  sa  mère 

Marie ,  ainsi  que  le  Sauveur  du  monde,  est  attendue  pendant 
quatre  mille  ans. 

Seigneur,  dit  l'Ecclésiastique  parlant  de  Marie,  faites  paraître  de 
nouveaux  prodiges  et  changez  vos  merveilles.  Glorifiez  votrp  main 
et  votre  bras  droit.  Détruisez  votre  adversaire  (  Satan) ,  et  affligez 
vetre  ennemi  (  par  celle  qui  doit  lui  écraser  la  tête  ).  Hâtez  le  t -nips 
et  souvenez-vous  du  but,  afin  que  les  hommes  racontent  vos  mer- 
veilles (xxxvi.  6.  7. 9.  40). 

Cieux ,  s'écrie  Isaïe,  ayant  en  vue  Jésus  et  la  très-sainte  Vierge s 
cieux,  versez  votre  rosée,  et  que  les  nuées  envoient  le  Juste 
comme  une  pluie  ;  que  la  terre  s'ouvre  et  qu'elle  enfante  le  Sauveur  : 
Rorate  cœli  desuper,  et  nubes  pluant  justum;  aperiatur  terra  et  germinel 
salvatorem  (xlv.  8).  La  terre  est  stérile  et  desséchée;  elle  ne  produit 
que  des  ronces  et  des  épines;  le  prophète  désire  une  nouvelle  terre, 
le  sein  virginal  de  Marie  qui  produira  un  nouveau  fruit,  un  huit 
divin 

La  sainte  Ecriture  est  remplie  de  témoignages  de  désirs,  de  cris 
d'espérance,  de  prières  ferventes  adressées  au  Seigneur,  afin  qu'il 
daigne  envoyer  et  le  Messie  et  celle  dont  il  devait  naître. 

0  sagesse!  qui  êtes  sort  e  de  la  bouche  du  Très-Haut,  venez  nous 
enseigner  la  voie  de  la  prudence  {Eccli.  xxry. —  Isai.  xi^,  0  Adonaï'. 


de  Marie. 


MAME.  217 

chef  (]p  la  maison  d'Israël ,  venez  nous  racheter  en  déployant  la  force 
de  votre  bras  (  Exod.  vi.  15). 

Les  anges  désiraient  la  venue  de  Marie,  afin  que  par  elle  fussent 
remplies  les  places  que  la  chute  des  anges  rebelles  avaient  rendues 
vacantes 

Dans  les  limbes,  les  âmes  des  jastes;  sur  la  terre,  toutes  les 
natiuiis  souhaitaient  aussi  avec  ardeur  la  venue  de  Marie 

Parlant  rie  Marie ,  le  Roi-Prophète  dit  :  Les  filles  de  Tyr  viendront       alvï. 

,     t      .  .  L'univers  aux 

vous  offrir  des  présents ,  et  les  grands  de  la  terre  imploreront  vos  pieds  de  Marie 

regards  :  Filiœ  Tyr  lin  muneribus  ;  vulium  tuum  deprecubuncur  omnes    PqJJer  et  Ta" 

divi  es  nlebis  (xliv.  12  ).  F"er-  Accom- 

'  x  '  .       .       .  plissement  des 

Ma  colombe  est  unique,  elle  est  parfaite,  dit  le  Seigneur  parlant  prophéties  qui 
aussi  de  Marie  dans  le  Cantique  des  cantiques;  les  jeunes  filles  l'ont    glorification 
vue  et  l'ont  appelée  bienheureuse;  les  reines  et  toutes  les  femmes 
l'ont  célébrée  (vi.  8). 

Il  est  dit  de  Joseph  que  toutes  les  provinces  venaient  à  lui  atiu 
d'acheter  du  grain  et  d'apaiser  leur  faim  (Gen.  xli.  57).  Voilà 
l'image  des  nations  aux  pieds  de  Marie . 

Vous  êtes  bénie  du  Seigneur,  ma  fille ,  dit  Booz  à  Ruth;  tout  le 
peuple  sait  que  vous  êtes  une  femme  pleine  de  vertus  :  Benedicta  es  a 
Domino,  fiiia.  Scit  omnis  populus  muîierem  te  esse  virtutis  (Ruth. 
ni.  10.  11).  Ruth  n'était  que  la  figure  de  la  sainte  Vierge 

Vous  brillerez  d'une  lumière  éclatante,  dit  Tobie,  et  tous  les. 
peuples  de  la  terre  vous  vénéreront  :  Luce  splendida  fulgebis ,  et 
omnes  fines  terrœ  adorabunt  te  (xm.  13).  Les  nations  viendront  à 
vous  de  loin  avec  des  présents,  et  elles  adoreront  en  vous  le  Seigneur, 
et  elles  vous  considéreront  comme  une  terre  sainte  :  Nationes  ex  lon- 
ginquo  ad  te  ventent,  et  munera  déférentes,  adorabunt  in  te  Dominum  ; 
et  terram  tuam  in  sanctifteationem  habebunt  (Tob.  xm.  14).  Car  elles 
invoqueront  en  vous  le  grand  nom  du  Seigneur  :  Nomen  enim 
magnum  invocabunt  in  te  [  Tob.  xm.  15  ).  Et  vous  vous  réjouirez  en 
vos  enfants,  parce  qu'ils  seront  tous  bénis  et  réunis  aux  pieds  du 
Seigneur  :  Tu  autem  fœtaberis  in  filiis  tuis  ;  quoniam  omnes  benedicen- 
tur,  et  congregabuntur' ad  Dominum  (Tob.  xm.  17).  Toutes  ces  pro- 
phéties s'app'iquent  à  Marie  et  s'accomplissent  en  elle 

L'Ecriture  dit  que  tous  s'empressèrent  autour  de  Judith ,  depuis 
le  plus  petit  jusqu'au  plus  grand  :  Et  concurrerunt  ad  eam  om?ies,  a 
min 'ii  o  i  sqve  ad  maximum  (xm.  15).  Ce  tableau  est  une  faible  image 
de  la  piété  et  du  zèle  de  toutes  les  générations  envers  Marie  !... 


2!8  BrAura. 

Tous  adorant  le  Soigneur  dirent  à  Judith  :  Le  Seigneur  roue  * 
bénie  en  sa  force;  il  a  anéanti  nos  ennemis  par  vos  mains.  L> 
grand  prêtre  lui  dit  :  Ma  fille,  vous  êtes  bénie  du  Seigneur  ) 
très-haut ,  plus  que  toutes  les  femmes  de  la  terre;  car  il  a  tellement 
glorifié  aujourd'hui  votre  nom,  que  votre  louange  ne  sortira  pas  de 
la  bouche  des  hommes  qui  se  souviendront  delà  puissance  du 
Seigneur  (1).  Prosterné  aux  pieds  de  Marie,  l'univers,  depuis  dix- 
huit  siècles,  nous  présente  l'accomplissement  de  cette  magnifique 

promesse Vous  êtes  bénie  de  votre  Dieu  dans  toutes  les  tentes  de 

Jacob;  car  le  Dieu  d'Israël  sera  glorifié  en  vous  par  tons  les  peuples 
cjui  entendront  prononcer  votre  nom  (  Judith,  xm.  31  ).  Tous  d'une 
voix  la  bénirent,  disant  :  Vous  êtes  la  gloire    de  Jérusalem,  vous 
êtes  la  joie  d'Israël,  vous  êtes  l'honneur  de  votre  peuple  :  B 
runt  eam  omnes  una  voce,  dlcentcs  :  Tu  qloria  Jérusalem,  tu  la 
Israël,  tu  honorif.centia  populi  nostri  (  Judith.  XV.  10  ). 

Marie  est  louée,  exaltée,  honorée,  par  toutes  les  nations  catho- 
liques  

Voilà,  dit  Marie  dans  son  sublime  cantique  ,  voilà  que  tonte?  ïes 
générations  m'appelleront  bienheureuse  :  Ecce  bentmn  me  dirent 
omnes  fjenerationcs  (Luc.  I.  48).  Marie  annonce  et  prédit  sa  grandeur 

présente  et  future 

Toutes  les  générations  l'appelleront  bienheureuse  ,  parce  que  le 
Seigneur  l'a  choisie  pour  y  établir  sa  demeure  :  L'/egit  eam  in  hablr 
tatioiieiu  sibi  (Psul.  cxxxi.  13).  Elles  l'appelleront  bienheui 
parce  quQ  le  Verbe  s'est  incarné  en  elle:  Verbùm  caro  faction  est 
(Ji  ann.  i.  1 1).  Llles  l'appelleront  bienheureuse  enfin,  pai*ce  qu'en 
s'huiniliant,  elle  a  mérité  de  devenir  la  mère  de  Dieu,  et  lé  salut  du 
genre  humain  :  Quia  respexit  humilitatem  ancillœsuœ;  ccceeuim  ex  hoc 
bculamme  diccnt  omnes  gencrationes  (  Luc.  I.  18). 

Cette  prophétie  de  Marie  s'est  accomplie  merveilleusement  dans 
tous  les  siècles  ,  et  elle  s'accomplira  jusqu'à  la  fin  du  mon 
pendant  toute  l'éternité.  Les  temples,  les  chapelles,  les  autels  élevés 
à  xMarie,  les  honneurs  qui  lui  sont  rendus,  les  tableaux  et  les  è. 
qui  lui  sont  offerts,  les  pèleri  .  I  s  chants,  etc., 

qui,  dans  tous  les  lieux  et  dans  tous  les  temps  ,  ont  eu  pour  but 

(1)  Univérsi  adorantes  Dominura  dixerunt  ad  mm  :  Bonodixit  le  Pnminns  in 
viittilf  sua,  i|iii.i  por  te  ad  nihili: 

Domino  :  •  .  prai  orrinibua  inutiei 

luum  ii.i  magnificavit ,  ut  non  r«jceç\at  Luis  tua  du  ora  hoiniuum ,  qui  niemores  l'uo- 
riut  virtutis  Domiui  (xm.  22.  23.  25). 


MARIE.  219 

ou  de  l'invoquer ,  ou  de  la  remercier,  sont  autant  de  témoignages  de 
l'accomplissement  des  paroles  de  la  très-sainte  Vierge  :  Toutes  les 
générations  m'appelleront  bienheureuse  :  Deatam  me  dicent  omnes 
generationes.  L'éternité  s'unit  au  temps  pour  lui  rendre  cet  hom- 
mage. Dans  le  séjour  de  la  gloire,  tous  les  anges,  tous  les  élus  se 
presseront  éternellement  autour  d'elle  pour  l'honorer,  la  bénir,  la 
Jouer  et  la  proclamer  bienheureuse  :  Beatam  me  dicent  omnes  genera- 
tiones. L'auguste  Trinité  elle-même  joindra  sa  voix  à  celle  de  la 
cour  céleste 

Voyez-vous  s'élever  de  tous  les  points  de  la  terre  ces  églises  et  ces 
chapelles  dédiées  à  Marie?  Au  sommet  des  montagnes, elles  ont  pour 
objet  décarter  les  tempêtes  et  la  foudre,  et  d'attirer  sur  les  plaines 
et  sur  les  vallons  la  pluie  bienfaisante,  image  de  la  pluie  céleste  de 

la  grâce  qui  y  descend  dans  les  cœurs Au  fond  des  vallées,  elles 

rappellent  que  Marie  vient  là  pour  bénir  les  faibles  etles  humbles 

Au  milieu  des  forêts,  sombres  solitudes,  elles  servent  de  phare  au 
,eur  qui  aperçoit  de  loin  leurs  tours  élancées  et  qui  entend  la 
cloche  de  Marie  l'mter  Y  Angélus.  Les  peuples  ne  cessent  de  se  diriger 
vers  ces  monuments ,  afin  de  prier  Marie  et  de  la  proclamer  bien- 
heureuse :  Beatam  me  dicent  omnes  generationes. 

11  n'est  pas  une  Eglise  dans  le  monde  qui  ne  renferme  une  cha- 
pelle dédiée  à  Marie  ;  partout  l'autel  et  le  culte  de  Dieu  s'unissent  à 
l'autel  et  au  culte  de  la  Vierge  bénie.  N'est-il  pas  de  la  dernière 
exaoiitude  do  dire  que  toutes  les  générations  la  proclament  bien- 
heureuse :  Beatam  me  dicent  omnes  generationes. 

La  plupart  des  basiliques  et  des  cathédrales  des  principales  villes 
de  province  et  des  capitales  de  royaume,  sont  consacrées  à  Marie  , 
sous  le  nom  de  Notre-Dame ,  et  la  proclament  bienheureuse  :  Beatam 
me  dicent  omnes  generationes 

Jouet  d'une  tempête  effrayante,  placé  à  deux  doigts  de  sa  perte, 
le  marinier  aperçoit  du  haut  des  vagues  un  point  culminant;  c'est 
un  sanctuaire  consacré  à  Marie  par  d'autres  navigateurs  qui,  quel- 
ques siècles  auparavant,  ont  été  sauvés  du  naufrage  par  le  vœu 
d'élever  à  Marie  ce  modeste  monument  de  leur  reconnaissance.  Le 
marinier  d'aujourd'hui  tourne  ses  regards  de  ce  côté  ;  il  invoque 
Marie,  et  elle  l'arrache  à  une  mort  certaine.  Des  milliers  de  sanc- 
tuaires sont  ainsi  construits  en  vue  du  rivage,  pour  glorifier  et 
remercier  celle  que  l'Eglise  invoque  sous  le  nom  à' Etoile  de  la  mer. 
On  voit  appendus  à  leurs  murs  un  très-grand  nombre  de  tableaux 
qui  indiquent  et  les  vœux  adressés  et  les  secours  obtenus.  Là,  comme 


220  MARIE. 

sur  l'Océan,  tous  proclament  Marie  bienheureuse  :  Seatam  me  dicent 

omnes  gêner ationes. 

Ouvrez  les  yeux,  vow  aperrtavrez  ici  Notre  -Dame  -du  -Mont- 
Carmel,  là  Notre-Dame-de-Lorette ,  ailleurs  Notre-Dame-des-Neiges. 
Cette  chapelle  est  consacrée  à  Notre-Dame-de-la-Garde;  cette  autre, 
plus  loin,  l'est  à  Notre-Dame-de-Bon-Sccours,  etc.  Sous  les  voûtes 
de  chacun  de  ces  édifices,  Marie  est  proclamée  bienheureuse  par  des 
flots  de  peuple  :  Beatamme  dicent  nmnes  r  merationes. 

Tous  les  âges,  tous  les  rangs ,  tous  les  siècles ,  toutes  les  langues, 
prient  Marie,  l'honorent  et  la  déclarent  bienheureuse  :  Beatam  me 
dicent  omnes  generationes. 

Toutes  les  nations  Juifs  convertis  et  gentil?,  hommes  et  femmes, 
riches  et  pauvres,  en  un  mot,  le  ciel  et  la  terre  tiennent  le  même 
langage  :  Beatam  me  dicent  omnes  generationes. 

Les  habitants  du  ciel,  ceux  du  purgatoire  et  de  la  terre  tournent 
leurs  regards  vers  Marie  ,  dit  saint  Bernard  :  les  premiers,  afin  que 
les  sièges  demeurés  vacants  parmi  eux  soient  occupés  ;  les  seconds, 
afin  d'être  délivrés;  les  troisièmes,  afin  d'obtenir  leur  réconciliation 
avec  Dieu  (1). 

0  Vierge  sainte,  dit  le  cardinal  Hugues,  toutes  les  générations 
vous  nomment  bienheureuse,  parce  que  vous  avez  enfanté  pour 
toutes  la  vie ,  la  grâce  et  la  gloire  :  vous  avez  procuré  la  vie  aux 
morts,  la  grâce  aux  pécheurs,  la  gloire  aux  malheureux  (2).  On 
vous  adresse  les  louanges  accordées  à  Judith  :  Vous  êtes  la  gloire  de 
Jérusalem,  vous  êtes  la  joie  d'Israël ,  vous  êtes  l'honneur  de  notre 
peuple,  vous  avez  agi  avec  vigueur.  La  première  parole  vient  des 
anges,  dont  Marie  a  réparé  la  ruine;  la  seconde  vient  des  hommes, 
dont  elle  a  changé  la  tristesse  en  joie;  la  troisième  vient  des  femmes, 
qu'elle  a  délivrées  de  l'infamie;  la  quatrième  vient  des  morts,  dont 
elle  a  Fait  cesser  la  capti\ité  (3). 

Voici  que  toutes   les  générations   m'appelleront  bienheureuse. 


(1)  Ad  illam  respiciunt ,  et  qui  habitant  in  cœlo,  et  qui  habitant  in  p?irçr*i*orio,  et 
•jui  habitant  in  raunrio.  Prinii,  ut  resarciautur  ;  secundi,  ut  eripiautur;  tertii,  ut 
:ecoDi  iiientur  (  Berm.  n  de  Petit.), 

(ï  Ex  hoc  er£o  beatam  te  ilinint  omnes  generationes,  o  beata  Virgo;  quia  oinui- 
.v  s  g  ueralionibus  vilam,  gratiara  et  gloriam  genuisti  :  mortuis  vitam,  peccatori- 
i  i.iin  ,  mi  se  ris  gloriam. 

(3y  l'riinuni  est  vox  angelorum  quorum  ruina  per  ipsam  reparata  est  :  secundum 
est  mu  bomioum,  quorum  tristilia  peream  Uetificata  ust  :  Lertium  est  vox  mulie- 
rum  ,  quarum  infamia  per  ipsam  deleta  est  :  quurtum  est  vox  mortuoruin,  quorum 
cautivitaï  per  cam  reducta  est  [In  lib,  Judith.). 


MARIE.  224 

Voici  :  Ecce.  Cet  adverbe,  1°  marque  l'admiration.  Voici  une  chose 
nouvelle,  inconnue  à  tous  les  siècles,  merveilleuse,  qu'une  femme 
soit  bénie  et  heureuse;  bien  plus,  très -heureuse,  plu^  heureuse 
que  les  hommes  et  même  que  les  anges.  Car  jusqu'alors  toutes  1rs 
femmes  avaient  été  humiliées  par  Dieu  en  la  personne  d'i^ve  ;  elles 
étaient  condamnées  à  subir  trois  peines  :  l'esclavage,  la  douleur  et  le 

travail (Gen.  m.)  2°  Ecce:  Voici,  marque  le  commencement,  le 

principe.  Ecce,  voici  que  dès  ce  moment  je  suis  déclarée  heu- 
reuse, et  à  l'avenir  je  continuerai  de  l'être  par  tous  les  sièc'es  .... 
3"  Ecce  /Voici,  marque  encore  l'avertissement.  Voici,  faites  atten- 
tion, ô  malheureux  mortels  gui  désirez  arriver  au  bonheur;  apprenez 
de  moi  qu'il  ne  se  trouve  que  dans  l'humilité,  l'obéissance,  la  grâce 
et  la  faveur  de  Dieu,  et  vous  obtiendrez  les  unes  et  les  autres  par 
mon  entremise.  Car  je  suis  la  première  qui  ait  goûté  le  bonheur; 
je  suis  celle  par  qui  Dieu  se  propose  de  rendre  heures*  t  >us  lc9 
hommes.  Accourez  donc  à  moi,  implorez  mon  secours,  afin  d'é  hap- 
per au  malheur  et  d'obtenir  le  bonheur 

Toutes  les  générations  m'appelleront  bienheureuse Permettez- 
moi,  s'écrie  le  pieux  Gerson,  permettez-moi  de  vous  louer,  ô  Vierga 
sainte,  vous  qui  êtes  heureuse  trois  fois  et  plus.  Car,  i°  vous  êtes 
heureuse  d'avoir  cru,  vous  dit  sainte  Elisabeth  :  Beata  quœ  crelidisti. 
2°  Vous  êtes  heureuse  d'être  pleine  de  grâce ,  ainsi  que  le  témoigne 
la  salutation  de  l'ange  Gabriel  :  Ave ,  gratta  piena.  3°  Vous  êtes 
heureuse,  parce  que  vous  êtes  bénie ,  heureuse  par  le  fruit  de  vo  tie 
sein  qui  est  la  bénédiction  même  :  Benedictus  fructus  veniris  tui. 
4°  Vous  êtes  heureuse  ,  parce  que  celui  qui  est  tout-puissant  a  fait 
en  vous  de  grandes  choses  :  Fecit  mihi  magna  qui  potens  est.  5°  Vous 
êtes  heureuse  d'être  la  mère  du  Seigneur.  6°  Vous  êtes  heureuse 
d'avoir  uni  la  fécondité  à  la  virginité.  7°  Vous  êtes  heureuse,  parce 
que  vous  n'avez  pas  eu  d'égale  avant  vous ,  et  que  vous  n'en  aurez 
jamais.  Oui,  toutes  les  nations  vous  proclameront  bienheureuse  : 
Beatam  me  dicent  omnes  generationes  (Tract.  IV,  notul.  i  super 
Magnif.). 

Marie  a  prophétisé  qu'elle  serait  proclamée  bienheureuse,  honorée, 
et  invoquée  comme  telle  dans  tous  les  lieux  et  par  tous  les  siècles ? 
et  cette  prophétie  s'est  accomplie  jusqu'à  la  dernière  évidence.  Tout 
en  fait  foi ,  les  églises,  les  chapelles,  les  monuments,  les  autels,  les 
pèlerinages ,  les  ordres  religieux  et  les  congrégations  instituées  en 
son  honneur,  les  prières,  les  supplications,  les  chants  des  fidèles. 
Elle  seule  est  plus  invoquée  et  plus  honorée  que  tous  les  anges  et 


223  MAftîBê 

que  touslessJnts  ensemble.  Àelleseuleoû  rend  If  eultpd'pyr^rr'ln'tfcî 
sur  terri1  et  sur  nier,  partout  on  s'adresse  à  elle, 
sa  gloire;  jartouteten  tout  temps  les  chrétien  B  et  1  i  tiffi 

ont  célébré  et   célébreront,  ô  Vierge  augUBtel  votre   immaculée 
conception  (aujourd'hui  surtout  que  c'est  un  article  fie  foi)  .  voire 
virginité  j  \otre  humilité  ,  votre  obéissance  ,  votre  patience,  \ 
sainteté  et  toutes  vos  vertus,  votre  maternité  divine,  votre  pi:s- 
sance,  votre  bonté,  votre  miséricorde,  les  grâces  que  vous  i 
vos  sen  iteurs,  les  prodiges  et  les  miracles  que  vous  opérez  :  B&ktwn 
me  dicent  omnes  générât iones.  Que  votre  culte  prospère  et 
aussi  longtemps  que  vivront  les  hommes  el  I   -  "t  le  Sauveur 

lui-même;  aussi  longtemps  que  Dieu  sera  Dieu  ,  pendai  t  lïdenrté 
et  au  delà  !  In.  œternum  et  ultra  (l£xn  1.  iv.  18).  Il  en  sera  ai   si  . 
m'en  réjouis,  ù  ma  mère  !  parce  que  vous  le  méritez.  Ojleuez-inoi 
de  vous  bon  ircr.de  vous  prier,  de  vous  alrtiêt  et  de   vous   i 
ici-bas,  afin  que  je  puisse  jouir  à  jamais  de  votre  vue  dans  le  ciel!... 

Si  Marie  eût  été  une  femme  ordinaire,  si  elle  n'eût  pas  été  réelle- 
ment la  mère  de  Dieu,  comment  aurait-elle  pu  annoncer  qu'elle  joui- 
rait d'une  telle  grandeur  et  que  la  dévotion  pour  elle  serait  si 
grande,  si  générale  et  si  ftetista  d  >Y  Si  elle  n'eût  pas  été  la  mère  de 
Dieu ,  ses  prophéties  se  seraient-elles  accomplies  à  la  lettre ,  comme 
l'atteste  la  voix  unanime  de  dix-huit  siècles?  Dieu  eût-il  permis 
qu'une  pareille  imposture  régnât  à  toutes  les  épo  p,.--  ,  t  sur  toute 
L'Lglise,alin  d  awm-ler,  d'Égarer  et  de  séduire  tôOâ  1<-  ihé ■  -!,,_  ions, 
tous  les  docteurs,  tous  les  évèques,  tons  lés  Pètôs  .  tous  les  c  modes, 
tous  les  souverains  pontifes,  tous  les  chrétiens  et  tous  i«8  tamis,  en 
un  mot,  l'tglise  entière,  et  toujours'.'... 

Vive  Marie  !  vivent  son  nom,  son  culte  et  son  amour!  11  est  si  doux 
de  la  prier,  de  l'honorer,  de  l'aimer  et  de  l'imiter!  Seé  lidèles  servi- 
teurs sont  mis  eu  »n  de  tain  |  Ar  tan!  <fe 

lll'll,,<  «l11,  ^'mo  pour  Marie  et  en  :Maiie,alin  de  mourir  uaus 

ses  bras  maternels!... 

XLVII.         Marie,  dit  la  b,;  I  ne  s'obscurcit 

qaerMaiïel  jaikiall  ;  ceux  qui  L'aiment  lu  voient,  cl  ceux  qui  la  cherchent,  la 
trOUvenl  facilement.;  Clara  est,  et  qiuv  nunquam  marcessit  :  et  facile 
videtur  ab  Ms  qui  ililiautil  cain,  et  invenitiir  au  Itis  qui  quevrunt  iUam 
(vi.  13).  Elle  devance  ceux  qui  La  désirent,  pour  se  montrer  à  eux 
la  preim  aeépat  qui  ta  concupiscunt^  ut  Mis  se  prior  osieudal 

(bap.  vi.  14). 


ilARiE.  223 

Celui  guj  invoque  Marie,  la  désire,  la  commît,  l'aime  et  la  trouve; 
et  désirer,  connaître,  aimer  et  trouver  Marie,  c'est  pour  Je  chrétien 
le  trésor  des  trésors.  Penser  à  elle,  dit  encore  ia  .  est  une 

prudence  consommée;  veiller  pour  elle  procure  une  prompte  sécu- 
rité  :  Cogitarede  Ma,  sensuse&t  consummaius;et  qut  vigilaverit  prou  ter 
illam ,  cito  sccurus  crit  ( vi.  1G). 

Si  le  vent  des  tentations  souffle,  dit  saint  Bernard  ;  si,  pareilles  à 
pines,  les  tribulations  vous  déchirent,  regardez  votre  étoile, 
appelez  Marie  à  votre  secours  :  Respice  stellam,  voeu  Mariam.  Si  la 
colère,  l'avarice,  ou  la  volupté,  font  chanceler  la  frêle  nacelle  de 
votre  âme,  tournez-vous  vers  Marie  :  Respice  Mariam.  Si  le  poids  de 
vos  crimes  vous  accable,  si  le  triste  état  de  votre  conscience  vous 
couvre  de  confusion  ,  si  vous  commencez  à  vous  troubler  et  à  déses- 
pérer à  l'idée  du  terrible  jugement  de  Dieu,  pensez  à  Marie  :  Mariam 
cogita.  Dans  les  dangers,  dans  les  angoisses,  dans  les  ténèbres  et  le 
doute,  pensez  à  Marie,  invoquez  Marie;  qu'elle  ne  cesse  d'être  dans 
votre  bouche  et  dans  votre  cœur  :  Mariam  cogita ,  Mariam  invoca  ; 
non  recédât  ab  ore 3  non  recédât  a  corde  (Homil.  n  super  Missus 
est'). 

Toutes  les  fois  que  je  soupire  et  que  je  respire  ,  j'aspire  à  vous,  t 
Jésus,  ù  Marie,  dit  un  saint  :  Quolies  suspiro  et  respiro,  ad  te  respiro, 
Jesu,  Maria.  Celui  qui  cherche  Marie  et  qui  l'invoque,  la  trouve 
aussitôt,  et  puise  en  elle,  comme  dans  un  océan,  l'abondance  de 

tous  les  secours  et  de  tous  les  biens H  y  a  plus,  comme  le  dit  le 

concile  de  Blois  établissant  la  fête  de  la  Visitation  de  la  sainte  Vierge, 
elle  n'exauce  pas  seulement  ceux  qui  la  supplient;  mais  elle  prévient, 
selon  sa  clémente  coutume,  les  prières  de  ceux  qui  veulent  s'adres- 
ser à  elle  :  Jpsa,  non  solum  supplicantes  exaudiet  ;  sed ,  sicut  ex  sua 
clementia  consuevit,  etiam  supplicare  volentium  preces  prœveniet. 

Comme  nous  l'avons  déjà  dit  en  parlant  du  nom  de  Marie ,  saint 
Anselme  explique  admirablement  pourquoi  la  miséricorde  de  la 
très-sainte  Vierge  est  si  grande.  Le  secours,  dit-il,  arrive  quelquefois 
plus  promptement  par  l'invocation  du  nom  de  Marie,  que  par  l'in- 
vocation du  nom  de  Jésus,  son  fils  unique;  non  qu'elle  soit  plus 
grande  et  plus  puissante  que  lui  ;  car  J.  C.  ne  tire  pas  sa  grandeur  et 
sa  puissance  de  Marie ,  c'est  Marie  qui  doit  la  sienne  à  Jésus;  mais  je 
dis  ce  que  je  pense  :  son  fils  est  le  Seigneur  et  le  juge  de  tous,  il 
scrute  les  mérites  de  chacun.  Quand  donc  il  n'exauce  pas  celui  qui 
invoque  son  nom ,  il  agit  en  juge  et  avec  justice;  au  contraire,  lors- 
que quelqu'un  invoque  le  nom  de  Marie,  ses  mérites  fusscnt-Uâ 


224  MARIE. 

nuls,  les  mérites  de  Marie  intercèdent  pour  lui.  Elle  agit  en  mère  et 
non  en  juge  (Lib.  I  de  Excell.  Virg.). 

XLvm.       Marie  prête  l'oreille  à  tous  ceux  qui  l'appellent  à  leur  secours ,  et 

accorde' 'd'insi-  e^e  ^es  exauce.  Voici,  choisis  entre  mille  autres,  quelques  exemples 

gpes  victoires    frappants  et  vraiment  miraculeux  de  la  protection  qu'elle  étend  sur 

à  ceux  qui  ri  r  ~± 

l'ont  invoquée,  ses  serviteurs. 

En  l'an  552 ,  Marie  rendit  victorieux  desGoths,  Narsès,  général 
de  l'empereur  Justinien.  Après  avoir  invoqué  Marie,  il  défit  à  la  tète 
l'une  poignée  d'hommes  l'armée  de  ces  barbares,  très-nombreuse 
et  très-fortes,  la  tailla  en  pièces  et  délivra  l'Italie  de  la  cruelle  oppres- 
sion qui  pesait  sur  elle  (Evagrii  Hist.  Eccles. ,  part.  I,  lib.  IV, 
c.  xxvi  ). 

Au  moment  où  ses  Etats,  envahis  par  Cbosroès,  roi  des  Perses,  lui 
échappaient,  l'empereur  Héraclius  mit  sa  confiance  en  Marie,  l'in- 
voqua avec  foi,  et  bientôt  il  battit  l'ennemi  et  se  lit  rendre  la  vraie 
croix,  l'an  626  (Pauli  diac.  Longobard.  Hist.,  lib.  XVIII,  et  Theo- 
phan.  Chronogr.,\n  Corp.  hist.  Bys.). 

Pelage,  roi  des  Asturies,  ayant  imploré  le  secours  de  la  très-sainte 
Vierge, reconquit,  en  718,  sa  principauté  occupée  par  les  Maures, 
et  leur  tua  quatre-vingt  mille  hommes,  y  compris  leur  roi  (Luc» 
Tudensis,  Marianœ,  et  alior.  Hist.  Ilisp.  ). 

L'an  867,  Basile  I,  empereur  de  Constantinople,  vainquit,  avec  le 
recours  de  Marie,  les  Sarrasins  qui  insultaient  J.  C.  et  la  très-sainte 
Vierge ,  et  il  leur  enleva  presque  toutes  leurs  conquêtes. 

L'an  1099,  les  chrétiens,  ayant  à  leur  tête  Godefroi  de  Bouillon, 
enlevèrent  la  terre  sainte  aux  infidèles.  Il  était  ordonné  à  tous 
ceux  qui  le  pouvaient ,  de  réciter  chaque  jour  le  petit  office  de 
la  très -sainte  Vierge;  leurs  prières  ni  leurs  vœux  ne  furent  pas 
Inutiles,  et  après  plusieurs  combats  où  ils  demeurèrent  victorieux , 
les  croisés  emportèrent  d'assaut  Jérusalem  (Gulielmi  Tyrii  Belii 
%acri  Hist.  —  Baronii  et  alior.  Hist.  Eccles.). 

L'an  1212,  Alphonse  VIII ,  roi  de  Castille,  se  mit  à  la  tête  d'une, 
poignée  de  soldais  et ,  précédé  de  la  croix  et  d'un  étendard  sur 
.equel  était  peinte  l'image  de  Marie  et  de  son  fils,  il  pénétra  dans 
.e  camp  des  Maures ,  et  extermina  près  de  deux  cent  mille  d'entre 
eux,  sans  perdre  lui-même  plus  de  vingt-cinq  à  trente  hommes. 
Les  espagnols  célèbrent  encore  chaque  année  cette  vie:  ir  paï 
jne  fête  qui  a  lieu  le  16  de  juillet,  et  qui  porte  le  nom  de  iète  du 
Triomphe  de  la  croix. 


MARIE.  225 

Le  7  octobre  1571 ,  sous  le  pontifi  at  de  Pie  V,  une  grande  victoire 
navale  fut  remportée  sur  les  Turcs  dans  le  golfe  de  Lépante,  par 
l'invocation  et  le  secours  de  la  très-sainte  Vierge.  Pour  la  remercier 
de  ce  témoignage  de  sa  protection  et  en  perpétuer  la  mémoire,  on 
établit  une  fête  qui  se  célèbre  le  jour  anniversaire  sous  le  nom  de 
Sai  n  te-Marie-des-Yictoires. 

Marie  étant  la  femme  qui,  d'après  la  promesse  de  Dieu,  devait 
écraser  la  tète  du  serpent  infernal,  on  est  toujours  assuré  de  vaincre 
avec  son  aide  tous  les  efforts  de  l'enfer 

Par  Marie,  on  triomphe  toujours  du  monde,  de  la  concupiscence 
et  de  la  chair,  de  toutes  les  passions  et  de  toutes  les  tentations.  Rier 
ne  lui  résiste ,  pas  même  J.  G.,  son  divin  fils 

Lorsque  la  fin  de  la  vie  de  la  bienheureuse  Vierge,  mère  de  Dieu,    xux.  Mort, 
fut  arrivée ,  tous  les  apôtres  qui  étaient  dispersés  dans  les  diverses    et  triompha 
contrées  du  monde ,  se  trouvèrent  par  une  admirable  providence      de  Marie- 
réunis  à  Jérusalem ,  autour  de  son  lit  de  mort.  L'évèque  Ju vénal, 
saint  Jean  Damascène,  et  beaucoup  d'autres,  mentionnent  formel- 
lement ce  fait. 

La  très-sainte  Vierge  trépassa  l'an  de  J.  C.  58,  à  l'âge  de  soixante- 
douze  ans ,  vingt-quatre  ans  après  la  passion  du  Sauveur. 

Il  est  certain  que  Marie  est  morte  ;  mais  quelle  belle  mort ,  granc 
Dieu,  après  une  vie  si  sainte,  si  parfaite,  si  sublime!  Ce  ne  fut 
qu'un  doux  sommeil.  Marie  mourut  d'amour  comme  elle  avait  vécu 
d'amour.  L'amour ,  dit  l'Esprit-Saint,  est  fort  comme  la  mort  : 
Fortis  est  ut  mors  dilectîo  (Cant.  vm.  6). 

Peu  de  temps  après  qu'elle  fut  ensevelie,  la  bienheureuse  Vierge 
ressuscita  ;  le  ciel  s'ouvrit ,  J.  G.  s'avança  pour  la  recevoir  et  toute 

la  cour  céleste  vint  au-devant  de  sa  reine Le  temple  de  Dieu 

s'ouvrit  dans  le  ciel,  dit  l'Apocalypse,  et  l'on  vit  l'arche  d'alliance 
dans  son  temple  :  Apertum  est  templum  Dei  in  cœlo;  et  visa  est  arca 
testamenti  ejus  in  templo  ejus  (xi.  19).  Cette  arche  d'alliance,  c'est 
Marie.  Un  grand  signe  parut  dans  le  ciei,  dit  encore  l'Apôtre  :  une 
femme  revêtue  du  soleil ,  ayant  la  lune  sous  ses  pieds ,  et  sur  sa  tête 
une  couronne  dé  douze  étoiles  (Apoc.  xn.  1  ).  Voilà  Marie  montant 
au  ciel ,  et  prenant  place  dans  les  demeures  éternelles. 

La  reine  votre  épouse  ,  Seigneur,  dit  le  Psalmiste,  s'est  assise  à 

votre  droite,  revêtue  d'or  et  de  toutes  les  richesses  :  Asti'Àt  regina 

a  dextris  tuis,  in  vestitu  deaurato,  circumdata  varictate  (xliv.  10).  Le 

roi  du  ciel,  ô  Vierge ,  est  lui-même  épris  de  votre  beauté  :  Concupiscet 

u..  1» 


2â6  MARIE. 

rtx  décorent  twm  (P??,i.  tttv.  12).  Présentez-vous  dans  votre  • 

et  dans  votre  beauté,  ô  .V'arie;  montez  au  ciel,  asseyez-vous  sur  un 

char  de  triomphe  et  régnez  pour  l'éternité  (Psal.  xliv.  5). 

Etonnés,  ravis  d'admiration,  les  chœurs  des  anges  s'écrient: 
Quelle  est  celle-ci  qui  s'avance  comme  l'aurore  naissante,  belle 
comme  la  lune,  brillante  comme  le  soleil?  Quœ  est  ista  guœ  pçogre- 
ditur  quasi  aurora  consurgens ,  pulchra  ut  lima ,  electa  ut 
(Caut.  vi.  9.)  Quelle  est  celle  qui  s'élève  du  désert,  comblée  de 
délices  et  appuyée  sur  son  bien-aimé?  Quœ  est  ista  guœ  ascendit  de 
deserto  ydeticiis  a/fluens  ,  innixa  super  dilectum  suum?  (Cant.  vin.  5.  ) 

La  gloire  qui  accueillit  l'auguste  reine  sortant  de  ce  monde ,  ne 
connaît  ni  commencement ,  ni  fin ,  dit  saint  Pierre  Damien  :  Gloria 
guœ  eam  ex  hoc  mundo  transeuntem  excepit,  principium  ignorât ,  nescit 
finem  (Serin,  de  Assumpt.  Virg.). 

Votre  magnificence,  ô  Dieu,  est  gravée  sur  le  diadème  qui  entoure 
sa  tète,  dit  la  Sagesse  :  Mayni/icentia  tua  in  diademate  capilis  Ulius 
sculpta  erat  (xvm.  24). 

<jue  peut  dire  un  mortel  du  triomphe  et  des  gloires  de  Marie  !  Ici 
plus  que  jamais  nous  devons  répéter  avec  le  grand  Apôtre  :  L'œil  n'a 
point  \u,  l'oreille  n'a  point  entendu,  le  cœur  de  l'homme  na  pas 
compris  ce  que  Dieu  a  préparé  pour  ceux  qui  l'aiment  :  Oculus  non 
viditj  nec  auris  audivit,  nec  in  cor  hotuinis  ascendit,  guœ  prœporuit 
Deus  his  gui  diiigunt  eum  (T.  Cor.  n.  6).  Comme  Marie  a  plus  aimé 
Dieu,  elle  seule,  que  tous  les  anges  et  que  tous  les  saints  ensemble, 
elle  reçut  une  couronne  plus  riche  et  une  gloire  plus  grande  que 

celles  dont  jouissent  tous  les  anges  et  tous  les  élus Admirons  et 

disons-nous 

L'Ecriture  rapporte  que  le  roi  Salomon  se  leva,  qu'il  alla  au- 
devant  de  sa  mère  et  qu'il  s'assit  sur  son  trôné ,  et  que  sa  mère 
s'assit  à  sa  droite  aussi  sur  un  trône  (III.  Reg.  n.  19).  Alors  le  rd 
lui  dit  :  Ma  mère  ,  laites -moi  connaître  ce  »jue  vous  désirez,  il  ne 
convient  pas  que  je  vous  amène  à  détourner  de  moi  votre  \  i 
\Joul.  n.  20  ).  Ce  récit  nous  donne  une  faible  idée  de  la  ivoeption 
criomphale  que  J.  C.  lit  à  sa  mèr 

11  est  dit  d'Esther  que  le  roi  As-iu'rus  l'aima  plus  qu'aucune  1<  s 
vierges  qui  s'étaient  pi  pour  l'épouser;  qu'elle  trouva  .-■ 

et  faveur  devant  lui;  qu'il  m  tète  un  diadème  et  qu'il  la  fît 

réguer  (Esther.  n.  17).  Cet  autre  récit  n'est  également  qu'âne 
mpari'aitr  ira    ce  de  \i  ^nmption  de  Marie  et  des  h<»n- 

aeurs  que  le  ciel  lui  a  rén  usl     est  aa  moment  de  votre  entrée 


MARTE.  111 

dans  le  ciel  que  votre  fils,  ô  Marie  !  vous  a  environnée  d'une  gloire 

incomparable Vous  pouvez    vous   appliquer  avec  vérité  ces 

paroles  des  Proverbes  :  L'opulence  et  la  gloire  «ont  à  moi  :  Mecum 
sunt  divitiœ  et  gloria  (vm.  18). 

Marie  ayant  été  pleine  de  grâce;  comment  ne  serait-elle  pas  com- 
blée d'uonneurs  et  de  gloire  !...  Ayant  eu  sur  la  terre  plus  de  vertus 
de  perfections  et  de  mérites  que  tous  les  anges  et  tous  les  saints  pria 
ensemble,  elle  jouit  dans  le  ciel  d'une  gloire  de  beaucoup  supé- 
rieure à  celle  de  tous  les  anges  et  de  tous  les  saints. 

Le  Père  la  reçut  et  la  couronna  à  titre  de  lille  bien-aimée,  deve- 
nue le  sanctuaire  auguste  et  saint  du  Verbe  éternel 

Le  Fils  la  reçut  et  lui  donna  la  puissance  à  titre  de  mère 

Le  Saint-Esprit  la  reçut  et  la  combla  de  gloire  à  titre  d'épouse 
sacrée. 

Tous  les  chœurs  des  anges  la  reçurent,  la  vénérèrent  et  la  célé- 
brèrent comme  leur  maîtresse  et  leur  reine.  Tous  se  tinrent  debout 
autour  d'elle,  afin  de  lui  faire  la  cour,  de  l'admirer  et  lui  reridre  gloire. 
Le  ciel  et  l'adorable  Trinité  la  déclarèrent  reine  et  reine  à  jamais 

O  triomphe  unique  de  grandeur,  de  gloire  et  de  majesté! 

O  Marie,  ô  notre  mère,  attirez-nous  à  tousj  obtenez-nous  la  grâce 
de  vous  imiter  sur  la  terre,  et  d'aller  vous  contempler  dans  le 
ciel!... 

Ecoutez  Tobie  inspiré  de  Dieu  et  s'adressant  à  Marie  :  Ceux  qui  vous  U  Châtiments 
mépriseront,  dit-il,  seront  maudits;  ceux  qui  vous  blasphémeront  d'eMarîe.1S 
seront  condamnés  :  Maledicti  erunt  qui  contempserint  te;  et  condem- 
nati  erunt  omnes  qui  blasphemaverint  te  (xm.  16).  Marie  est  la  vérita- 
ble arche  d'alliance  qui  a  renfermé  dans  son  sein  J.  C.  auteur  du 
nouveau  testament,  et  qui  l'a  donné  au  monde.  Celui  qui  touche , 
ou  qui  attaque,  ou  qui  méprise  cette  arche  sainte,  est  frappé  de  Dieu 
comme  l'imprudent  Oza 

L'impie  Nestorius  ayant  osé  nier  la  maternité  divine  de  Marie ,;  se 
plaça  sous  le  coup  de  la  justice  de  Dieu;  sa  langue  blasphématrice 
fut  rongée  par  les  vers  et  tomba  en  pourriture  (  Hist.  Eccles.  ). 

Constantin  Copronyme,  ayant  insulté  la  très-sainte  Vierge,  se 
sentit  dévoré  par  une  chaleur  intérieure  si  ardente  ,  qu'il  ne  ces- 
sait de  s'écrier  qu'il  était  livré  vivant  à  un  feu  inextingui  le ,  à 
cause  de  ses  attaques  contre  la  mère  de  Dieu;  et  vaincu  par  le  mal,  il 
prit  des  mesures  destinées  à  ranimer  la  dévotion  envers  Marie 
{Bi6ù.  £ccles.x 


228  MARIE. 

Cajanus  Minius,  ayant  blasphémé  contre  Marie ,  fat  fortement 
repris  par  elle  durant  son  sommeil  ;  mais  ne  s'étant  pas  corrigé ,  i 
trouva  un  matin,  à  son  réveil,  ses  pieds  et  ses  mains  coupés  (  Joann. 
Mosch.  Prat.  Spirit.  — Hist.  Eccl    .). 

Combien  de  nombreux  et  terribles  exemples  pourrait-on  citer  de 
châtiments  célestes  infligés  aux  ennemis  de  Marie  ,  à  ceux  qui  tour- 
nent en  ridicule  son  culte,  ses  images,  ses  temples,  ses  auteis,  sa 
virginité,  sa  maternité  divine,  etc.  !... 

Quiconque  attaque  la  mère,  attaque  le  fils Les  gloires  do  V  -- 

sont  les  gloires  de  J.  C,  qui  est  et  qui  sera  toujours  le  vengeur  des 
droits  et  de  l'honneur  de  sa  sainte  mère 

Réciproquement,  quiconque  outrage  J.  C,  outrage  aussi  Marie 

Celui  qui  m'offense ,  dit  Marie  dans  les  Pïoverl .es,  est  le  meur- 
trier de  son  âme;  tous  ceux  qui  me  haïssent,  aiment  la  mort  :  Qui 
in  me  peccaverit ,  lœdit  animam  suam  ;  omnes  qui  me  odcrunt ,  diliyunt 
mortem  (  vm.  36  ). 

Vous  dites,  Vierge  sainte,  vous  dites  par  la  bouche  de  l'auteur  le 
l'Ecclésiastique,  que  ceux  qui  s'appliquent  à  vous  connaître  et  à  vous 
faire  connaître ,  auront  la  vie  éternelle  :  Qui  élucidant  me ,  vitam 
œternam  habebunt  (xxiv.  31).  Je  ferai  donc  tous  mes  efforts  pour 
vous  connaître,  vous  honorer,  vous  prier,  vous  aimer  et  m>us 
imiter;  et  je  ne  négligerai  rien  pour  manifester  vos  vertus,  vos 
mérites,  vos  prérogatives ,  votre  miséricorde,  les  grâces  dont  on 
vous  sera  redevable,  vos  perfections  et  votre  gloire.  Je  m'applique- 
rai à  propager  votre  culte  et  à  vous  faire  connaître  ,  honorer,  invo- 
quer, aimer  et  imiter.  Que  ne  m'est-il  donné  d'amener  ù  vos  pieds  le 
monde  entier!... 

Je  veux  vivre  et  mourir  dans  vos  bras ,  sur  votre  cœur  de  mère 

Puisse  ce  petit  travail  l'ail  à  votre  gloire  vous  ramener  tous  les 
pécheurs ,  faire  persévérer  tous  ceux  qui  vous  servent ,  et  m'obtenir 
la  grâce  précieuse  de  vous  servir  moi-même  avec  ferveur  jusqu'à 
mon  dernier  soupir.  Que  ma  dernière  parole ,  eu  quiuiui  ia  terre, 
soit  votre  doux  et  divm  nuiul..» 


MARTYRE. 


Plusieurs  ,  dit  Daniel ,  seront  élus ,  purifiés  et  éprouvés  comme     Excentra 
'  *  7  r  r  du  m 

par  le  feu  :  Eligentur ,  et  dealbabvntur ,  et  quasi  ignis  proba- 
buntur  multi  (  xn.  10  ).  Ils  tomberont  sous  le  glaive  ,  dans  la 
flamme,  en  captivité  :  Ruent  in  gladio,  et  flamma ,  et  in  captivitate 

(Dan.  xi.  33  .  Ainsi  frappés,  ils  seront  soutenus Et  ils  seront 

frappés  ,    afin  qu'ils  soient  renouvelés ,  mis  à  part  et  purifiés 

jusqu'au  temps  marqué  :  Cumque  corruerint ,  sublevabv.ntur Ruent 

ut  conflentur ,  et  eligantur }  et  dealbentur  usque  ad  tempus  prœfinitum 
(Dan.  xi.  34-33). 

Le  martyre,  dit  saint  Cyprien,  est  la  fin  des  péchés,  le  terme  des» 
dangers,  le  guide  du  salut,  le  chemin  de  la  patience,  le  maître  du 
ciel.  La  gloire  du  martyre  ne  saurait  s'estimer  assez;  elle  est  d'un 
prix  inexprimable  :  c'est  une  victoire  sans  tache,  un  triomphe 
qui  n'aura  pas  de  fin.  En  imitant  J.  C. ,  le  martyr  a  l'honneur  de 
partager  ses  souffrances.  Qu'elle  est  précieuse  cette  mort  qui  achète 
l'immortalité  par  l'effusion  du  sang!  Combien  J.  G.  est  joyeux; 
comme  il  se  plait  à  combattre  et  à  vaincre  dans  de  tels  serviteurs  I 
Les  supplices  sont  des  ailes  avec  lesquelles  on  monte  au  ciel  :  Pœnce 
sunt  pennœ  queis  super  astra  vehor  { Lib.  de  Laud.  Martyr.  ). 

Quelles  sont  précieuses  les  blessures  des  martyrs,  s'écrie  =ainç 
Eucher  \  elles  nous  permettent  de  changer  cette  courte  et  triste  \  ie 
contre  l'éternité.  Autant  le  martyr  reçoit  de  blessures ,  autant  il 
reçoit  de  palmes  de  la  main  même  de  Dieu  (  Epist.  de  Martyr.  ). 

Tous  les  tourments,  dit  saint  Léon,  ont  été  inventés  pour  la  gloire 
des  martyrs,  puisque  les  instruments  de  leur  supplice  ont  servi  à 
la  pompe  de  leur  triompiie  :  Omnia  tormenta  ad  gloriam  martyrum 
reperta  ;  quando  in  honorem  triumphi  transierunt  instrumenta  supplia1 
(  Serm.  ùe  S.  Laurent.  ).  Ils  ont  servi  à  la  pompe  de  leur  triomphe 
même  d'ici-bas,  car  ils  sont  devenus  des  miques. 

Le  sang  des  martyrs  coule  et  il  étouffe  les  feux  de  l'enfer. 
Heureuse  mort  qui  reçoit  l'éternelle  couronne  d'une  vie  de 
vertu  ! 

C'est  l'honneur  même  que  ce  genre  de  mort ,  dit  Tertullien  :  Hoc 
genus  mortis  décorum  est  (Apolog.  f  c.  xxxixj. 


230  ilARTYHE. 

Le  grand  triomphe  de  J.  G.,  dit  Prudence,  ce  sont  les  souf- 
frances des  martyrs;  souffrir,  mourir  dans  les  plus  cruels  suppli- 
ée», et  être  plein  de  joie,  voilà  le  triomphe  des  triomphes  {In 
Martyr.). 

Celui,  dit  Clément  d'Alexandrie,  celui  qui  est  condamné  pour  le 
Dom  de  son  Dieu,  est  un  saint  martyr;  il  est  le  frère  de  J.  C,  |e  fils 
du  Très-Haut,  le  tabernacle  du  Saint-Esprit  (Slrom.,  lib.U). 

Le  martyre ,  dit  saint  Cyprien  ,  est  un  baptême  qui  communique 
des  grâces  plus  abondantes,  qui  est  d'un  ordre  plus  sublime ,  et  qui 
l'emporte  en  honneur  sur  le  baptême  d'eau  :  Martyrium  est  ùaptisma 
in  graiia  mojus ,  in  parte  sublimius,  in  honore  pretiosius.  Ce  sont  les 
tnges  qui  en  sont  les  ministres;  après  l'avoir  reçu  on  ne  pèche  plus; 
il  couronne  la  foi  et  unit  à  Dieu  pour  jamais  ceux  qu'il  fait  sortir  de 
ce  monde  (1)  {Exhort.  ad  Martyr.  ). 

Par  les  persécutions  et  le  martyre ,  les  yeux  se  ferment  pour  la 
terre,  mais  ils  s'ouvrent  pour  le  ciel,  dit  le  même  Père  :  l'Antéchrist 
menace,  mais  le  Christ  protège  et  sauve;  le  martyr  reçoit  la  mort, 
mais  l'immortalité  la  suit;  il  perd  le  monde,  mais  il  gagne  le  para- 
iis.  G  riche  échange  !  la  vie  temporelle  et  passagère  s'éteint,  mais 
.a  vie  éternelle  lui  succède  (  Exhort.  ad  Martyr.  ). 

Quel  bonheur  de  sortir  tranquille  de  ce  monde  dangereux ,  per- 
vers, méchant,  plein  de  misères  et  de  déceptions;  quel  bonheur  de 
sortir  glorieux  du  milieu  des  angoisses  et  des  tourments,  de  ferme" 
en  un  instant  etpour  jamais  les  yeux  afin  de  ne  [dus  voir  le  monde 
et  1rs  hommes  corrompus;  et  de  les  ouvrir  aussitôt  pour  voir  la 
couronne  et  le  trône  de  gloire  qui  est  réservé  au  martyr,  J.  C.  et 
l'auguste  Trinité  !... 

Ecoutez  les  martyrs  eux-mêmes  écrivant  à  saint  Cyprien  :  Que 
peut-il  arriver  de  plus  heureux  et  de  plus  glorieux  à  un  homme , 
disent-ils,  que  de  confesser  J.  C.  au  milieu  des  bourreaux  et  en  ré- 
•  que  de  le  confesser  parmi  les  tourments  1rs  plui 
s  pi  us  cruels,  alors  qu'on  est  tout  déchiré,  tout  ensangla  il  ■', 
i  ai  ;  '  ',  et  cela  volontairement  et  librement?  Quoi  V'  plus 
glorieux  et  de  plus  heureux  que  de  Quitter  le  monde  et  d'aller  au 

(1)  r.Y«M.i  pepséa  qu'exprima  ',  ton  de  Uaffoeup  révolution  de  1798,  un  saint 

ax  chartreux  ,  qui  fut  condamné  en  Lang'    doc  à  être  guillotiné,     ortaqtja 

main  à  son  cou:  Vois,  disait— il  à  - 1   œur,  qui  é    il  allée  le  visiter  dans  Bon  cacbot, 

d«ipaln  m  i(in  le  rêuteàa  là,  et  mon  àrne  au 

ciel  El  comme  sa  sœur  fondai}?    lar 5  :  Quoi,  ma  sœur,  aj     ti-t-il. 

mon  éternel  bonheur!  Réjouis-toi  avec  moi;  tu  auras,  dans  le  ciel,  un  frère  qui  t'y 
.  en  une  place  (  I  ,  tut). 


MARTYRE.  231 

ciel  ;  que  de  laisser  les  hommes  et  d'aller  avec  les  anges  ;  que  de 
rompre  tous  les  liens  et  d'être  délivré  des  embarras  du  siècle  ;  que 
d'acquérir  la  liberté  et  de  se  trouver  devant  la  face  de  Dieu  ?  Qu'y 
a-t-il  qui  rende  plus  riche,  qui  soit  plus  glorieux  et  d'un  plus  grand 
prix  que  de  devenir,  en  confessant  le  nom  de  J.  C,  le  compagnon 
de  sa  passion  et  le  cohéritier  de  sa  gloire  ;  que  de  conserver  son  âme 
sans  tache  par  la  profession  de  foi  ;  que  de  refuser  d'obéir  à  des  lois 
humaines  injustes  et  sacrilèges  qui  détruisent  la  religion,  et  de  ven- 
ger les  lois  de  Dieu  par  un  témoignage  public  ;  que  de  vaincre  la 
mort  redoutée  de  tous  et  de  recevoir  par  cette  mort,  qui  ne  dure 
qu'un  instant,  la  vie  éternelle;  que  de  triompher  de  tous  les 
bourreaux  et  de  toutes  les  tortures  ;  que  d'aimer  les  supplices , 
grâce  aux  enseignements  de  la  foi  ;  que  de  mépriser  et  la  vie 
et  la  mort  ?  0  noble  et  héroïque  triomphe  !  (  S.  Cypr.  Epùt. , 
lib.  V,  c.  xii.) 

De  sa  prison,  le  grand  Apôtre  écrivait  aux  Éphésiens  :  Ego  Pnvlns 
vmrius  Ckrhti  Jesu  :  Moi  Paul  prisonnier  de  J.  C.  (ru.  1.)  Porter  des 
chaînes  pour  J.  C. ,  dit  saint  Chrysostome,  c'est  quelque  chose  de  plus 
grand  et  de  plus  illustre  que  d'être  apôtre,  docteur,  évangéliste.  C'est 
une  dignité  qui  l'emporte  sur  toute  royauté.  Celui  qui  aime  J.  C.  et 
qui  brûle  de  zèle  pour  lui,  préfère  être  captif  pour  la  gloire  de  son 
nom,  que  d'être  l'heureux  habitant  du  ciel.  Un  riche  diadème,  brillant 
de  pierres  précieuses,  n'orne  pas  aussi  bien  une  tête ,  qu'une  chaîne 
de  fer  portée  pour  J.  C.  Si  j'avais  le  choix  ou  d'être  avec  les  anges 
autour  du  trône  de  Dieu,  ou  avec  saint  Paul  dans  la  prison,  je  n'hé- 
siterais pas  et  je  préférerais  la  prison.  Rien  n'est  comparable  à  cette 
captivité  !  Paul  ravi  au  troisième  ciel  était  moins  heureux  que  dans 
les  chaînes  ;  j'aime  mieux  souffrir  avec  J.  C.  que  de  régner  avec  lui. 
0  heureuses  chaînes  !  Pierre  lui-même  en  fut  chargé  ;  un  ange  les 
brisa  et  le  délivra  de  la  prison.  Si  quelqu'un  me  disait  :  Choisissez  : 
voulez-vous  être  l'ange  qui  délivre  Pierre,  ou  Pierre  dans  les  liens  î 
J'aime  mieux,  répondrais-je,  être  Pierre;  la  chaîne  qu'il  a  r 
est  un  don  plus  grand  que  le  don  d'arrêter  le  'soleil ,  d'imprimer  le 
mouvement  au  monde,  ou  de  maîtriser  les  démons  et  de  les  chas- 
ser. Le  martyre  est  l'acte  le  plus  parfait  de  foi,  d'espérance,  de  i 
rite,  de  religion  et  de  force  ;  par  conséquent,  il  procure  la  plus  belle 
couronne  sur  la  terre  et  au  ciel  (Homil.  vin). 

Force 
C'est,  dit  Tertullien,  c'est  une  gloire  pour  nous  de  vaincre  lorsque        qu'ont'3 
nous  paraissons  devant  les  tribunaux,  et  lorsqu'on  nous  condamne     dmânyrs!e3 


232  MARTYRE. 

et  qu'on  nous  frappe  ;  c'est  un  vêtement  de  palmes,  c'est  un  char  de 
triomphe  (Apolog.  ). 

Les  martyrs  sont  invincibles  :  1°  parce  qu'ils  ont  la  foi  et  l'espé- 
rance en  J.  G.,  par  les  mérites  duquel  Dieu  leur  accorde  d'abon- 
dantes grâces  de  courage  et  de  constance;  2°  parce  qu'ils  ont  l'espé- 
rance d'une  meilleure  vie  et  de  la  résurrection  glorieuse  ,  et  qu'ils 
savent  que  les  membres  qu'ils  exposent  ainsi  aux.  tourments  leur 
seront  rendus  par  Dieu  incorruptibles  et  glorieux...;  3°  parce 
qu'ils  ont  le  sentiment  que  le  supplice  est  peu  de  chose  et  de  courte 
durée,  et  que  la  récompense  céleste  est  excessive  et  éternelle.  Ces 
pensées  et  ces  réflexions  animent  les  martyrs  au  milieu  des  plus 
violentes  et  des  plus  cruelles  tortures. 

Tous  les  martyrs  ont  montré  un  courage  extraordinaire  et  invin- 
cible. Voyez  les  sept  frères  dont  il  est  parlé  dans  le  second  livre  des 
Machabées;  ils  préfèrent  subir  la  mort  la  plus  cruelle  plutôt  que  de 
souiller  leur  âme  en  usant  d'une  nourriture  défendue.  Ils  sont  fidèles 
à  la  loi  de  Dieu.  Que  cherchez-vous  et  que  voulez- vous  apprendre  de 
nous?  disent-ils  à  leur  féroce  persécuteur.  Nous  sommes  prêts  à 

mourir  plutôt  que  de  violer  les  lois  qu'ont  reçues  nos  pères Quelle 

force  héroïque  dans  leur  sainte  mère  !  Mlle  les  encourage.,  elle  les 
voit  mourir  sous  ses  yeux  et,  martyre  de  sa  foi ,  elle  iwd  elle- 
même  la  vie 

Le  juge  Asclépiade  ayant  ordonné  que  tous  les  membres  de  saint 
Romain  d'Anlioche  fussent  mis  en  lambeaux  :  Je  vous  rends  grâces, 
ô  gouverneur,  lui  dit-il ,  d'ouvrir  mon  corps  de  toutes  parts  ;  ces 
blessures  seront  autant  de  bouches  par  lesquelles  je  pourrai  louer 
et  prêcher  J.  C.  ;  autant  de  plaies,  autant  de  voix  qui  béuiront  et 
glorifieront  mon  Dieu  (In  ejus  vita  ). 

Saint  Cyprien  dit  de  saint  Célérin  martyr  :  11  était  chargé  de 
chaînes,  mais  son  esprit  resta  libre;  soumis  à  des  tortures  diverses, 
il  lut  plus  fort  qu'elles;  captif,  il  domina  ceux  qui  le  tenaient  dans 
les  fers; étendu  sur  le  bûcher,  il  parut  plus  grand  que  ceux  qui 
étaient  debout;  victime,  il  fut  plus  fort  que  ses  vainqueurs;  con- 
damné,  il  l'emporta  en  noblesse  sur  ses  juges;  et  quoiqu'il  eùl  es 
pieds  liés,  il  n'en  terrassa  pas  moins  le  serpent,  le  vainquit  et  lui 
brisa  la  tète  [S.  Cypr.  Epis  t.,  lib.  IV,  c.  v). 

Prudence  dit  de  saint  Vincent:  Les  tourments,  la  prison,  les 
Ongles  de  fer,  les  grils  ardents,  la  mort,  tout  pour  lui  lut  un  jeu 
(In  Mart.), 
Je  n'ai  jamais  vu,  s'écriait  le  préfet  Bfodestus  en  parlant  de  saint 


IfARTTÏlB.  233 

Basile ,  là  présent,  je  n'ai  jamais  vu  un  homme  qui  m'ait  osé*  parler 
si  hardiment.  —  C'est  que  vous  n'avez  jamais  rencontré  d'évèque, 
lui  répondit  l'illustre  pontife:  Nunquam  in  episcopum  incidisti  ( Hist. 
Eccles.  ). 

Injurie  le  Christ,  disait  le  proconsul  de  Smyrne  à  saint  Polycarpe, 
et  tu  auras  la  vie  sauve.  —  Il  y  a  quatre-vingt-dix  ans  que  je  le  sers, 

pondit  le  saint  évêque;  il  ne  m'a  jamais  fait  que  du  bien  ;  je  lui 
-erai  fidèle  jusqu'à  la  mort  (In  ejus  vita  ). 

Je  suis  le  froment  de  Dieu,  écrivait  saint  Ignace,  évêque  d'An- 
tioche;  il  faut  que  je  sois  moulu  par  la  dent  des  bêtes,  afin  de 

devenir  un  pain  cligne  d'être  offert  à  J.  C Que  le  feu  me  réduise 

en  cendres,  qu'une  croix  me  fasse  périr  d'une  mort  lente  et 
cruelle ,  qu'on  lâche  sur  moi  des  tigres  furieux  et  des  lions  affamés, 
qu'on  disperse  mes  os  de  tous  côtés ,  qu'on  meurtrisse  mes  mem- 
bres, qu'on  broie  mon  corps  ,  que  tous  les  démons  épuisent  sur  moi 
leur  rage,  je  souffrirai  tout  avec  joie ,  pourvu  que  j'arrive  par  là 
à  la  possession  de  J.  C.  (  Epist.  ad  Rom.  ). 

Eu  marchant  au  supplice,  sainte  Cécile  disait  :  Mourir  martyre  , 
ce  n'est  pas  sacrifier  sa  jeunesse  ,  c'est  l'échanger  contre  une  meil- 
leure ;  c'est  donner  de  la  boue  et  recevoir  de  For;  c'est  donner  une 
maison  vile,  petite  et  tombant  en  ruine,  et  recevoir  un  grand  et 
riche  palais ,  orné  d'or  et  de  pierres  précieuses  ;  c'est  donner  une 
chose  périssable  et  en  recevoir  une  qui  échappe  à  la  destruction  et  à 
la  mort  (Act.  S.  Cecil.  mart.  ). 

Sainte  Agathe  disait  à  Aphrodisius,  envoyé  du  juge  Quintien  :  Que 
tardez-vous?  qu'attendez-vous?  Flagellez  ,  déchirez,  coupez,  brûlez, 
noyez,  brisez  mon  corps,  enlevez-moi  la  vie;  plus  vous  me  ferez 
souffrir,  plus  vous  me  procurerez  de  biens,  plus  je  serai  comblée  de 
faveurs  et  de  grâces  par  J.  C.  mon  époux.  Que  Quintien  excite  les 
lions ,  qu'il  embrase  les  chaudières ,  qu'il  prépare  les  lames  de  fer 
rouge,  qu'il  ouvre  ,  s'il  le  peut,  les  portes  de  l'enfer;  qu'il  emploie 
contre  moi  toute  la  violence  des  supplices  et  les  démons  eux-mêmes; 
je  supporterai  tout  et  je  mourrai  chrétienne  et  vierge.  Je  ne  crains 
aucune  de  ses  menaces  ni  de  ses  cruautés,  parce  que  Dieu,  à  qui  j'ai 
consacré  mon  âme  et  mon  corps ,  me  gardera.  —  Rendant  compte  à 
Quintien  ce  qu'il  avait  vu  et  des  effets  qu'avaient  eus  sur  Agathe 
et  les  flatteries,  et  les  promesses,  et  les  menaces,  Aphrodisius  lui 
die  :  Il  serait  plus  facile  de  rendre  les  pierres  les  plus  dures  molles 
comme  la  cire,  ou  de  changer  le  fer  en  plomb  ,  qu'il  ne  l'est  d'enle- 
ver à  Agathr  son  amour  pour  J.  G,  et  sa  chasteté,  Pour  J.  C. ,  elle 


234  MARTYRE. 

foule  tout  aux  pieds,  elle  est  au-dessus  de  tous  les  tourments  :  jour 
et  nuit,  elle  ne  pense  et  elle  n'aspire  qu'à  mourir  pour  lui  (  L.  Surii 
Vit.  Sonet.  ). 

Sainte  Agnès,  vierge  et  martyre,  répondit  au  fils  du  préfet  de 
Rome  qui  la  demandait  en  mariage,  que  J.  C,  son  époux,  était  infi- 
niment plus  beau,  plus  noble,  plus  riche  et  plus  grand  que  lui.  Elle 
ajouta  :  Retire-toi,  foyer  de  péché  ,  aliment  de  la  mort;  j'appartiens 
à  J.  C.  ;  il  m'a  engagé  sa  foi  par  cet  anneau  ;  sa  générosité  est  plus 
grande ,  ses  pouvoirs  sont  plus  étendus,  son  regard  plus  attrayant , 
son  amour  plus  doux  que  tout  ce  que  tu  peux  m'oflnr.  Je  suis 
l'épouse  de  celui  dont  la  mère  est  vierge  et  dont  le  père  n'a  pas 
connu  de  femme  :  les  anges  le  servent;  sa  splendeur  fait  l'admi- 
ration  du  soleil  et  de  tous  les  ast  rs;  le  parfum  divin  qu'il  exbaie 
ressuscite  les  morts,  son  toucher  guérit  les  malades,  ses  richesses 
sont  infinies  et  éternelles.  A  lui  seul  je  conserve  ma  foi,  à  lui  seul 
je  me  confie  :  en  l'aimant  je  suis  chaste,  en  le  touchant  je  suis  sans 
tache ,  en  l'épousant  je  suis  et  reste  vierge  (  S.  Ambros.,  Serm.  xc). 

Sainte  Séraphie,  vierge  et  martyre,  répondit  au  proconsul  qui  lui 
demandait  où  était  te  temple  de  ce  J.  C.  qu'elle  adorait ,  et  quel 
sacrifice  elle  lui  olfrait:  En  pratiquant  la  chasteté ,  je  suis  le  temple 
de  J.G.,àqui  je  m'offre  moi-même  en  sacrifice.  —  Mais, répliqua  le 
proconsul,  si  on  t'enlève  la  chasteté,  tu  cesseras  donc  d'élre  le 
temple  de  J.  C.  ?La  vierge  lui  répondit  par  ces  paroles  de  saint 
Paul  :  Si  quelqu'un  viole  le  temple  de  Dieu  ,  Dieu  l'exterminera.  Cet 
impie  et  cruel  magistrat  ayant  voulu  l'outrager,  Dieu  la  préserva 
par  un  grand  et  visible  miracle  (Surius,  inejus  vita). 

Tel  est  le  courage  et  la,  force  qu'ont  déployé  tous  les  ■artyBp: 
Leur  vie  est  admirable  ;  mais  leur  mort  1  est  [nus  encore. 

La  force       ^U  *es  martyrs  ont- ils  puisé  tant  de  force  et  d'héroïsme?  dans  le 

des  martyrs     secours  de  Dieu,  lisse  moquaient  de  leurs  juges  et  de  leurs  bour- 
vfent  de  Dira.  ,;. *      ,      *  ' 

reaux,  comme  s  us  n  eussent  senti  aucune  douleur  et  comme  s  ils 

eussent  souffert  dans  un  corps  étranger  ,  dit  saint  Ephrem.  Ils 
disaient:  Si  vous  avez  de  plus  grands  tourments,  employez-les;  car 
ceux  que  vous  nous  laites  en  lurer  sont  doux.  Votre  l'eu  nous  sem- 
ble glucé,  vos  tortures  sont  faibles*  vos  coups  légers,  vos  glaives 
faits  de  bois  vermoulu.  Vous  n*a\ez  rien  qui  réponde  à  nos  désirs  et 
à  nos  forces  :  nous  sommes  pi  ris  à  endurer  de  plus  longs  et  de  plus 
grands  supplii.es.  Ni  les  grils  rpugis,  ni  la  flamme  ardente,  ni  les 
cùuudirivs  pleines  de  liquide^  brûlants  ,  ni  les  lames  embrasées,  ni 


MAUTTRE.  235 

les  dents  de  fer,  ni  les  chevalets,  ni  le  bûcher,  ni  les  bêtes  féroces 
ne  pouvaient  effrayer  ces  courageux  et  fidèles  soldats  de  J.  C.  :  J.  G. 
souffrait  en  eux  et  adoucissait  leurs  tourments  (  Encom.  martyr.). 

Voilà  comment  le  bras  de  Dieu  sait  secourir  ceux  qui  vivent, 
combattent  et  meurent  pour  la  foi.  Il  les  inonde  d'un  torrent  de 
délices.  Un  grand  nombre  de  martyrs  ont  attesté  n'avoir  pas  même 
senti  les  tourments  qu'on  cherchait  à  leur  faire  endurer.  0  miracle 
touchant  des  heureux  effets  de  la  grâce  et  de  la  bonté  de  Dieu  !... 

Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  frappant,  de  plus  merveilleux  dans  les    Les  martyr* 
martyrs,  c'est  qu'ils  se  réjouissaient  au  milieu  des  plus  cruels  sup-  p°"xl  ft'îa^oie 
plices  ;  ils  chantaient  des  cantiques  d'actions  de  grâce.  Ils  disaient       dans  le* 
avec  le  grand  Apôtre  :  Comme  les  souffrances  de  J.  C.  abondent  en 
nous,  ainsi  par  J.  C.  abonde  aussi  notre  consolation  :  Sicut  abundant 
passiones  Christi  in  nobis ,  ita  et  per  Christum  abundat  çonsolatio 
nostra  (II.  Cor.  I.  5).  Nous  sommes  remplis  de  consolation;  nous 
éprouvons  une  surabondance  de  joie  dans  toutes  les  tortures  aux- 
quelles nous  sommes  soumis  :  Repletus  sum  çonsolatione,  superabundo 
gaudio  in  omni  tribulatione  nostra  (II.  Cor.  vu.  i).  Marchant  sur  les 
traces  de  J.  C,  ils  cherchaient  comme  lui  leur  bonheur  et  leur  joie 
dans  la  croix  :  Proposito  sibi  gaudio,  sustinuit  crucem  (Hebr.  xn.  2). 

Ecoutez  saint  Vincent  se  moquant  du  tyran  Dacien,  et  appelant 
festin  les  plus  horribles  supplices  :  J'ai  toujours  désiré  les  festins,  lui 
disait  ce  grand  martyr ,  et  personne  ne  m'a  jamais  si  bien  servi  que 
vous  (Surius,  inejus  vita). 

Le  bien  que  les  martyrs  attendaient,  était  si  grand  et  si  sûr,  dit 
saint  Augustin  ;  la  récompense  qui  leur  était  promise,  si  glorieuse,  et 
sa  possession,  si  douce ,  que  la  lumière  d'ici-bas  ne  leur  était  rien , 
qu'ils  méprisaient  le  glaive,  et  que  leur  cœur  nageait  dans  l'allé- 
gresse. Ils  allaient  de  la  croix  au  ciel!  (  De  Martyr.) 

La  joie  des  martyrs  dans  les  tourments  est  le  triomphe  de  Dieu 
même ,  dit  saint  Jérôme  (Ad  Hedibiam ,  quaest.  xi  ). 

Non-seulement  les  martyrs  se  réjouissaient  au  milieu  des  supplices, 
mais  leur  joie  augmentait  à  mesure  qu'on  multipliait  et  qu'on 
augmentait  leurs  tortures.  Cette  joie  venait  du  ciel  ;  elle  partait  du 
cœur  de  J.  C. ,  et  était  un  avant-goùt  des  joies  éternelles 

wi  .  p  ...         Triomphé 

JN  ors  nous  multiplions  à  mesure  que  votre  faux  nous  moissonne,  dit  de  la  religion 
Tertullien  aux  persécuteurs  :  Plures  efficimur,  quotiesmetimur  a  vobis.       martyr*. 


236  MARTYRS. 

Le  sang  des  chrétiens  est  une  semence  :  Semen  est  sanguù  christîa- 
norum  (  Apolog. ,  c.  xxvn  ).  En  effet,  celui  qui  considère  lapatience> 
la  force,  la  joie  et  la  persévérance  des  martyrs,  leur  nombre  incal- 
culable, tous  les  genres  de  tourments  inventés  pour  les  vaincre  et 
épuisés  sur  eux,  sans  jamais  les  ébranler;  celui  qui  contemple  atten- 
tivement la  multitude  d'hommes  de  tous  les  rangs,  de  vieillards, 
de  jeunes  vierges  et  d'enfants  qui  ont  couru  avec  bonheur  au  sup- 
plice; celui-là  se  dit  involontairement  que  la  religion  pour  laquelle 
on  meurt  ainsi  es'  divine  et  qu'elle  est  la  seule  vraie  religion.  Aussi 
n'est-ce  que  dans  l'Eglise  catholique,  apostolique  et  romaine  qu'on 
trouve  des  martyrs  dignes  de  ce  nom.  Les  martyrs  répandaient 
l'odeur  céleste  de  la  connaissance  de  Dieu  et  de  sa  loi;  les  nations 
païennes  en  étaient  frappées,  émerveillées;  et  une  sondai 
secrète  impulsion  les  portait  à  croire  à  la  vérité  de  l'Evangile  et  à 
J.  C.  C'est  ainsi  que  la  prédication  du  christianisme  triompha  parles 
apôtres  :  la  foi  l'emporta  sur  l'infidélité  ;  la  vérité,  sur  l'erreur;  la 
char' té,  sur  la  haine;  la  patience,  sur  les  supplices  de  tout  genre-  t 
mort  la  plus  cruelle.  Souvent,  à  la  vue  du  nombre,  de  la  résignation 
et  de  l'allégresse  des  martyrs,  les  juges  et  les  i  orreaux  se  conver- 
tissaient, se  faisaient  chrétiens  et  devenaient  martyrs  à  leur  tour.  Us 
se  trouvaient  transformés  de  persécuteurs  en  apôtres ,  de  lions  en 
agneaux,  de  grands  pécheurs  et  de  réprouvés  en  gran  i-  saints  et  en 

tnts  lu  ciel 

La  vie  a  été  manifestée,  dit  saint  Jean,  et  nous  l'avons  vue,  et 
nous  lui  rendons  témoignage  ,  et  nous  vous  annonçons  la  vie  éter- 
nelle, qui  était  dans  le  sein  du  Père ,  et  qui  nous  a  apparu.  Nous 
vous  annonçons  ce  que  nous  avons  vu  et  entendu  (I.  i.  1-3  |.  Nous 
vou  l'annonçons  par  nos  enseignements,  notre  vie,  nos  souf- 
france ,  notre  martyre  et  notre  mort. 

Noos  tovvoni  L  récienx  sort  des  martyrs  est  infiniment  di  ne  d'envie.  Or,  nova 
".',''  pouvons  tous  l'être,  chacun  dans  notre  état;  car  il  y  a  d'antres 
car    martyres  que  celui  de  sang,  et  i  paiement  le  principe  d'un 

,  rs      gran  l  mente  el  d  une  riche  récompen 

res  L'effusion  du  sai  •  la  foi  n'est  pas  seule  un  martyre ,  dit 

saint  Jérôme;  la  parfaite  soumission  de  l'esprit   à  la  volonté  de  Dieu 
mérite  aussi  de  porter  ce  nom  (  Epitaph.  S.  Paulœ). 

L'occasion  d'être  persécuté  ne  se  présente  pas  toujours,  dit  saint 
Grég  tire,  maie  la  paix  même  a  son  martyre  :  car  celui  qui  n'a  ; 
courber,  la  tête  sous  le  glaive  du  bourreau,  peut  du  moins  courbd 


ifARTTRE.  237 

sous  le  glaive  spirituel  les  désirs  charnels  qui  surgissent  en  lui 
i  Bomil.  ni  in  Evang.  ). 

Soumettre  la  chair  à  l'esprit  est  une  sorte  de  martyre ,  dit  saint 
Bernard;  ce  martyre  effraie  moins  les  yeux  que  celui  qui  a  pour 
instrument  le  fer  et  le  feu ,  mais  il  est  plus  pénible  par  sa  durée 
(Serm.  xxx  in  Cant.  ). 

Conserver  intacte  la  pureté,  c'est  être  martyr,  dit  de  son  côté 
saint  Jérôme  :  Habet  pudicitia  servata  martyrium  suum  (  Epitaph. 
S.  Paulae). 

Il  y  a  trois  martyres  qui  n'exigent  pas  l'effusion  du  sang  et  qui 
néanmoins  sont  très-méritoires  :  être  riche  et  vivre  dans  un  détache- 
ment complet  des  biens  de  la  terre,  comme  Job  et  David;  faire  large- 
ment l'aumône  malgré  la  pauvreté,  comme  Tobie  et  la  veuve  de 
l'Evangile;  enfin,  demeurer  chaste  dans  la  jeunesse,  comme  Joseph 
en  Egypte 

La  pauvreté  volontaire  est  aussi  un  vrai  martyre 

S'ils  sont  exactement  obsen  es,  les  trois  vœux  de  religion,  qui  sont  : 
le  vœu  de  pauvreté,  celui  d'obéissance,  et  celui  de  chasteté,  sont 
un  martyre  continuel. 

Voulez-vous  apprendre ,  dit  saint  Pierre  Damien ,  comment  au 
sein  même  de  la  paix  de  l'Eglise,  vous  pourrez  subir  le  martyre? 
montez  au  tribunal  de  votre  raison,  et  infligez-vous  la  question. 
Que  la  pensée  accuse,  que  l'esprit  juge ,  que  la  conscience  repen- 
tante lasse  la  fonction  d'exécuteur  et  frappe,  qu'un  torrent  de 
larmes  s'ouvre  et  coule.  Par  cette  imitation  du  martyre,  vous  arrive- 
rez à  la  dignité  de  ceux  qui  ont  versé  leur  sang  pour  la  foi  (  Serm.  de 
S.  Apollinari). 

Un  grand  et  sublime  martyre,  dit  saint  Laurent  Justinien,  c'est 
d'exposer  sa  vie  pour  J.  G.  Les  pieux  missionnaires,  les  vénérables 
religieuses  qui  quittent  leurs  maisons,  leurs  parents,  leur  amis, 
leur  patrie  pour  aller  dans  des  contrées  lointaines  et  barbares,  arra- 
cher à  l'erreur,  au  crime  et  au  démon,  des  âmes  et  les  donner  à 
J.  C;  eux  qui,  héros  et  héroïnes  de  la  foi,  s'exposent  à  toutes  les 
privations ,  à  mille  dangers  ,  à  mille  morts ,  dans  un  si  noble  but, 
auront  un  mérite  égal  à  celui  des  martyrs.  Ecoutez  ce  que  dit  un 
véritable  martyr ,  qui  fut  aussi  un  martyr  de  la  charité,  saint  Paul: 
Mes  frères,  écrit-il  aux  Corinthiens ,  je  meurs  chaque  jour  pour  votre 
gloire  en  J.  C.  Notre-Seigneur  :  Quotldie  morior  per  vestram  yloriam , 
fratres,  quam  Uubeo  la  Chrùto  Jesu  Domino  noitro  (  I.  x.v.  41. — berm. 
de  S.  .tiartiao). 


238  MARTYRE. 

Que  personne  ne  s'excuse  en  disant  :  Le?  heureux  temps  du  mar- 
tyre sont  passés;  les  persécuteurs  ne  sont  plus,  Néron ,  Dèce  et  Dio- 
clétieù  sont  morts  ;  car  chacun  a  des  ennemis  qui  le  perst -cutent.  Il 
n'est  pas  d'instant  où  quelque  tyran  ne  s'attache  à  vospa?,  ta  l't 
c'est  le  démon,  tantôt  le  monde,  et  tantôt  la  chair  :  soin  ml  i 
réunissent  tous  pour  attaquer  à  la  fois.  Résistez  fortement,  c<>n^ 
la  victoire  et  tous  serez  un  vrai  martyr.  Si  vous  fuj  ai  oeua  qui  vous 
porteraient  au  vice,  si  vous  les  repoussez  énergiquement  à  l'imita- 
tion du  chaste  Joseph,  vous  serez  martyr  de  la  pudeur.  Si  vdus 
portez  sans  vous  lasser  les  injures  et  les  injustices,  vous  s 
martyr  de  la  patience.  Si  vous  acceptez  avec  joie  les  opprobres  et  le 
mépris,  vous  serez  martyr  de  l'humilité.  Si  vous  accomplissez 
ponctuellement  les  ordres  de  votre  supérieur,  vous  fussent-ils  péni- 
bles ,  vous  serez  martyr  de  l'obéissance.  Qu'y  a-t-il  de  plus  consolant 
et  de  plus  encourageant?  Y  a-t-il  martyre  plus  rigoureux  que  celui 
qui  résulte  de  la  volonté  d'endurer  la  faim  au  milieu  des  festins, 
d'être  pauvrement  vêtu  au  milieu  des  richesses,  et  de  préférer  la  pau- 
vreté à  l'abondance?  Celui-là  n'aura-t-il  pas  mérité  la  couronne  de 
martyr,  qui  ferme  l'oreille  aux  promesses  du  monde,  repousse  les 
tentations  du  démon  et,  ce  qui  est  plus  glorieux  encore,  triomphe  de 
soi -même  et  foule  aux  pieds  la  concupiscence  qui  se  soulève? 
Souvenez- vous ,  afin  de  vous  animer,  qu'une  telle  vie  est  un  baptême 
de  sang  et  un  martyre  continuel.  C'est  un  martyre  et  une  espèce 
d'effusion  de  sang,  que  d'affliger  chaque  jour  son  corps  et  de  le 
réduire  en  servitude  :  le  confesseur  qui  a  versé  son  sang  pour 
J.  C.  reçoit  une  couronne  de  roses;  et  le  martyr  de  la  pureté ,  une 
couronne  de  lis.  Saint  Pacome  ne  l'ignorait  pas;  aussi  dit- il  sage- 
ment à  uù  religieux  qui  voulait  sortir  de  soù  cloître  j  pour  aller 
chercher  le  martyre  :  Mon  fils,  livrez  courageusement  et  avec 
persévérance  le  combat  du  moine;  si  vous  observez  la  règle  et  si 
vous  cherchez  à  plaire  à  J.  C,  vous  aurez  auprès  de  Dieu  le  mérite 
fhi  martyr  (  Vit.  Patr.  ). 

Une  vie  pieuse  et  sainte  est  un  continuel  et  admirable  mar- 
tyre  

Soigner  les  malades  en  temps  de  peste  est  également  un  mar* 
tyre,  surtout  si  l'on  trouve  la  mort  dans  cet  acte  de  charité. 

Le  Martyrologe  romain  du  28  février  nous  en  offre  un  exemple 
illustre.  Nous  y  lisons  :  A  Alexandrie,  commémoraison  des  saint 
prêtres ,  des  saints  diacres  et  autres  fidèles  en  grand  nombre,    .tii, 
du  temps  de  l'empereur  Valérien,  au  moment  où  sévissait  une  peste 


MARTYRE.  239 

errihle,  portèrent  secours  aux  malades  et  se  dévourent  volontaire- 
ment à  la  mort  :  c'est  pourquoi  la  piété  des  premiers  chrétiens  les 
vénéra  comme  de  véritables  martyrs..... 

Félicitons  ceux  qui  ont  sacrifié  leur  vie  pour  le  nom  de  J.  C... , 
envions  leur  bonheur  et  travaillons,  puisqu'il  y  a  plusieurs  sortes  de 
martyrs,  aie  devenir  nous-mêmes ,  afin  de  mériter  et  d'obtenir  leui 
brillante  couronne 


MAUVAISES  COMPAGNIES. 


Ravages 

et  cruauté  des 

mauvaises 

compagnies. 
Dangers 

qu'elles  font 

courir  à 
l'innocence. 


0 


u  Pierre  a-t-il  renié  J.  C.  ?  dit  s  tint  Àmbroise  :  dan?  le  pre- 
toire  des  Juifs,  dans  la  société  des  impies  :  Ubi  negavlt 
Jesum  Petrus?  in  prœtorio  Jujœorun,  in  societate  impiorum 
(Luc.  xxn ). 

Combien  nuisible  est  la  conversation  des  impies  l  s'écrie  le  véné- 
rable Bède.  Pierre  lui-même ,  se  trouvant  parmi  les  serviteurs  du 
grand  prêtre,  nie  qu'il  ait  jamais  connu  l'homme  que,  parmi  ses 
compagnons,  il  a  confessé  être  le  Fils  de  Dieu  (1). 

Ne  vous  liez  point  avec  les  infidèles ,  dit  le  grand  Apôtre  ;  car 
qu'y  a-t-il  de  commun  entre  la  justice  et  l'iniquité,  et  comment  la 
lumière  s'unirait-elle  aux  ténèbres?  Quelle  alliance  le  Christ  peut-il 
contracter  avec  Bélial,  et  quelle  part  le  fidèle  peut-il  prendre  aux 
actes  de  l'infidèle?  Quels  rapports  établir  entre  le  temple  de  Dieu  et  les 
idoles?  Car  vous  êtes  le  temple  du  Dieu  vivant ,  comme  Dieu  le  dit  : 
J'habiterai  en  eux,  et  je  marcherai  parmi  eux ,  et  je  serai  leur  Dieu, 
et  ils  seront  mon  peuple.  C'est  pourquoi  sortez  d'au  milieu  des 
infidèles,  et  séparez -vous,  dit  le  Seigneur,  et  ne  touchez  point 
l'impur.  Et  je  vous  recevrai,  et  je  serai  votre  Père ,  et  vous  serez 
.nés  fils  et  mes  iilles,  dit  le  Seigneur  tout-puissant  (2). 

Les  discours  des  profanes  et  des  impie.-  pénètrent  dans  le  cœur  et 
y  gagnent  comme  un  cancer,  dit  saint  Paul  à  son  disciple  Tiuiothée  : 
Sermoeorum  ut  cancer  serpit  (IL  il.  M  ). 

Les  hommes  méchants  et  fascinateurs  s'enfonceront  de  plus  en 
plus  dans  le  mal,  segarant  et  égarant  les  autres  :  Mali  hoiuines  et 


(1)  Quam  nociva  impiorum  colloqnia!  Petrus  ipse  inter  ministros  pnntifictim,  vel 
homitiein  se  nosse  negavit,  quem  inter  coudiscipulos,  JUei  Tiliuin  fuerat  content 
{In  Comment.). 

(2)  Nolite  jugiira  ducere  cum  infidelibus.  Qua;  enim  participatio  justitiac  cum  ini- 
quitale?  aut  quac  societas  luci  ad  tenebrai?  Que  autein  couventio  Chiisti  ad  Beliall 
aut  qtUB  pars  lideli  cum  inlideh?  Qui  autein  consensus  tcmplo  Dei  cum  idolis?  Vos 
enim  olis  templUIB  Dei  \ivi  ,  sicut  dicit  Ueus  :  Quoniam  inlialiit.tbo  in  illis ,  et  inara* 
bulalm  Inter  eost  cl  ero  illorum  Deus ,  et  ipsi  erunt  niilii  populos.  Proptcr  quod 
etite  de  medio  eorom,  et  separamini,  dicit  Domiuus,  et  immundum  ne  tetigeritis. 
Et  ego  recipiam  vos  :  et  ero  mina  in  patrem,  et  vos  erilis  iiiilu  iu  tilios  et  lilios,  dicit 
Dominua  omnipotens  (II.  Cor.  vi.  14-ls). 


MAUVAISES  rOMPAGNTES.  241 

sednctores  perfirient    in  pejus ,   errantes ,    et    in  errorem  mittentes 
(II.  Tim.  ni.  13). 

Les  impies,  dit  saint  Léon,  s'introduisent  en  rampant  et  sous  le. 
masque  de  l'humilité  ;  à  l'aide  de  la  flatterie ,  ils  s'emparent  de 
ceux  qui  les  écoutent,  les  lient  doucement  et  leur  donnent 'en  secret 
le  coup  de  la  mort  :  Humiliter  irrepunt ,  blonde  capiunt,  molliter 
lujont,  Intenter  occidunt  (Serai,  v  de  Jejun.  ). 

On  se  laisse  facilement  entraîner  à  suivre  l'exemple  des  méchants, 
dit  saint  Jérôme,  et  l'on  imite  promptement  les  vices  de  ceux  aux 
vertus  desquels  on  ne  saurait  atteindre  :  Proclivis  est  malorum  imi- 
tatio;  quorum  virtutes  assequi  nequeas,  cito  imitaris  vitia  (Epist. 
adLaetam.). 

Ecoutez  saint  Cyprien  :  L'orgueil,  dit -il,  la  colère  et  tous  les 
aulres  vices  d'un  homme  se  reproduisent  dans  l'âme  de  ceux  qui  le 
fréquentent;  rien  n'est  plus  facile;  ils  s'y  développent  non-seule- 
ment sans  qu'on  le  sache  ou  sans  qu'on  y  consente ,  mais  même 
malgré  la  résistance  qu'on  leur  oppose  (1). 

Celui  qui  fréquente  les  mauvaises  compagnies,  dit  saint  Augustin, 
rougit  bientôt  de  savoir  rougir  :  Pudet  non  esse  impudentem  (Lin.  II, 
Confess.). 

On  peut  appliquer  à  l'impie  les  paroles  suivantes  du  Psalmiste  : 
Il  brandira  son  glaive;  son  arc  est  tendu  et  il  l'a  préparé.  11  a 
rempli  son  carquois  d'instruments  de  mort;  il  fait  pleuvoir  des  flè- 
ches brûlantes.  Voilà  qu'il  a  été  en  travail  de  l'injustice  ;  il  a  conçu 
la  douleur  et  enfanté  l'iniquité.  Il  a  ouvert  un  précipice  ;  il  l'a 
creusé,  et  il  est  tombé  dans  le  gouffre  qu'il  a  préparé.  Le  mal  qu'il 
a  fait  retombera  sur  lui,  et  son  iniquité  pèsera  sur  sa  tête  (2). 

Le  gosier  des  méchants  est  un  sépulcre  ouvert,  leur  langue  est  un 
instrument  de  séduction ,  leurs  lèvres  récèlent  un  venin  comparable 
à  celui  de  l'aspic  :  Sepulcrum  patens  est  guttur  eorum  :  linguis  suis 
dolow  agebant,  venenum  aspidum  sublabiis  eorum  (Psal.  xni.  4).  Leur 
bouche  est  pleine   de  malédiction  et  d'amer tume;  te'jr*  pieds  se 


(1)  Nihil  facilins,  quam  ut  superbia  superbiam,  iracundia  iracundiam  ,  omne  dem- 
que  vitium  ,  sui  generis  vitium,  in  aliorum  animis  pariât:  non  modo  nescientibuf 
et  non  adverlentibus,  sed  saepe  etiam  invitis  (  Lib.  de  Spectac). 

[2)  Gladium  suum  vibrabit  :  arcum  suum  tetendit,  et  paravit  illum.  Et  in  eo  para- 
■vit  Tasa  mortis  ,  sagiltas  suas  ardeutibns  effecit.  Ecce  parturiit  injustitiam  :  concepit 
•iolorem,  et  peperit  iniquitatem.  Lacuin  aperuït,  et  effodit  eura  :  et  incid.t  in  foveam 
quam  fecit.  Convertetur  dolor  ejus  in  caput  ejus  :  et  in  verticem  ipsius  iniquitas  ejus 
descendet  (vu.  13-17). 

m.  16 


Î42  MAUVAISE     I  OMPAGNIIS. 

hâtant  pour  répandre  le  ^ar^g  :  Quorum  os  mnled>'ctione  et  am«ri- 
tudine  plénum  est  :  veloces  pe  es  vorum  <ul  cjfundendum  scguinem 
(Ibid.  xiii.  5).  La  destruction  et  le  malheur  se.  trouvent  dans  leurs 
▼oies;  ils  n'ont  pas  connu  les  sentiers  de  la  paix;  la  erain  i 
Seigneur  n'est  pas  devant  leurs  yeux  (xiii.  7).  Ces  ouvriers  d'i  i- 
quité  dévorent  les  serviteurs  de  Dieu  cornue  un  mor  eai  de  pain 
(xiii.  4).  Ils  ont  tendu  des  pièges  sous  mes  pas,  et  il» ont  i  bé 
mon  Ame  sous  le  poids  de  la  douleur  :  ils  ont  creusé  devàrit  moi  un 
précipice  ,  et  ils  y  sont  tombés  eux-mèm  s  [Pscd.  lvi.  7). 

Voilà  le  portrait  de  ceux  qui  compose  t  les  mauvaises  compa- 
gnies. Si  vous  les  fréquentez ,  dit  le  Psalmiste ,  vous  serez  bientôt 
perverti  :  Cumperverso  perverteris  (xvn.   27). 

Si  vous  fréquentez  les  pervers,  dit  Sénèque ,  vous  vous  trou- 
verez amené  soit  à  les  imiter,  soit  à  les  haïr  :  N>>ces<e  est ,  mit  iud- 
teris  ,  aut  oderis  (  Epist.  civ  );  mais  si  vous  les  haïssez,  v<  u- 
éloignerez  d'eux.  Vous  ne  pourrez  dégonfler  Votre  cœtii*  tatit  que 
vous  aimerez  à  vous  trouver  avec  l'orgueilleux,  vous  dit  encore 
Sénèque;  vous  aurez  du  penchant  pour  l'avarice  tant  que  vous  vivrez 
avec  l'avare,  et  la  fréquentation  des  adultères  enflammera  vos 
passions  (1). 

Effrayés  par  les  flambeaux  que  portaient  les  s..ldats  de  Qéâtêon, 
les  Madianites  tournèrent  leurs  épées  contre  ëut-môn* 
tuèrent  :  Mutua  se  cœde  truncabant  (Judic  vu.  2-2).  Ainsi  agissent 
ceux  qui  font  partie  de  mauvaise-  co    pagrilès 

La  fréquentation  des  personnes  scandaleuses  dépose  dans  lame 
un  germe  de  corruption,  dit  saint  <  yprim  :  elle  engendre  les  désirs 
marnais,  couvre  d'ignominie,  excite  la  colère,  développe  la 
fureur,  nourrit  la  luxure,  amène  des  chutes  et  amoncelle  des  ruines  ; 
«lie  se  plait  à  perdre  les  âmes,  elle  favorise  la  mort,  elle  accable 
bous  le  poids  de  la  confusion ,  elle  amasse  l'opprobre  comme  un 
Irésorj  elle  exagère  les  accusations  et  les  rend  plus  vives,  elle  offre 
rand  nombre  do  pièges,  détruit  les  ;  impies  et  pures,  et 

change  Les  hommes  en  monstres  (JDtSingularit.  Clericorum). 

Ce  n'est  pas  une  preuve  médiocre  de  perfection,  que  d'être  bon 

'.-Mini  les  méchants,  dit  saint  Bernard,  et  de  conserver  la  ç/inileur 

innocence  au  milieu  de  ceux  qui  se  plaisent  à  faire  Le  mal: 

Von  medùjcris  tUulw  perfectœ  virtutis  ,  mter  pravos  vivere  ùonum,  et 

\\)  Hœfetot  tibi  tumor,  quandid  Cum  -   ,  erbi»  conversaberis;  hterehis  «vai 
<<«iandiu  iivar» ixeris;incead<    t  ,     Uerorura  soda!  f.civ). 


MAUVAISES  COMPAGMBS.  243 

inter  malignrtnfes  trtnontitke  retinere  C  ndorem  (Epist),  Nous  savons 
qu'il  est  plus  facile  de  gagner  la  méchanceté  de  ses  compagnons 
que  de  leur  communiquer  la  vertu;  car,  dit  saint  Grégoire  de 
IW.'.anze,  on  contracte  plus  aisément  une  maladie  qu'on  ne  la 
guéffit  :  Scientes  facilitts  esss  maHtiam  a  sociii  or":ïpere ,  quarn  virtutem 
tts  dore,  cum  et  proclivius  sit  morbi  participem  fieri,  quarn  sanitatem 
largiri  (In  Distich.)  C  -ui  qui  fréquente  les  hommes  s  rallié.--,  se 
souillera,  dit  Epictète  :  Qui  cum  contaminât is  versatur,  contaminatus 
evadet  (Ita  Laertius). 
Ne  vous  liez  pas  avec  les  pervers ,  mais  seulement  avec 
bons,  dit  le  poëte  Théognis;  de  ceux-ci  vous  apprendrez 
d'excellentes  choses;  au  contraire ,  si  vous  vivez  parmi  les  hommes 
corrompus,  vous  serez  bientôt  corrompu  vous-même  : 

Ne  te  conjungito  pravis, 
Sed  conjunge  bonis ,  et  ab  his  bona  plurima  disces: 
Cum  pravis  viveus,  tu  quoque  pravus  eris. 

On  ne  s  corrige  pas  facilement  d'un  vice  que  fomentent  les 
discours  des  méchants,  dit  saint  Grégoire  :  Difficile  emendatur  pecca- 
tum  quoi  lingiiis pravorum  nutritur  (  Lih.  Moral  ). 

Les  pièges  peuvent  conduire  au  crime;  or,  les  mauvaises  compa- 
g-  n  e  s'occupent  que  de  tendre  despiéges,  et  surtout  de  les  tendre 
secrètement.  Le  vice  fuit  la  lumière  et  aime  les  ténèbres  :  dépouii- 
l.mt  Fhomme  de  ses  vertus,  il  agit  comme  les  voleurs. 

Venez ,  disent  les  pécheurs ,  venez ,  dressons  des  embûches  mor- 
telles ,  tendons  des  pièges  à  l'innocent  qui  l'aura  été  en  vain  : 
comme  l'enfer,  engioutissons-le  tout  entier  et  tout  vivant  :  Deglu- 
tiamus  eum  sicut  infernus ,  viventem  et  integrum  (Prov.  i.  12). 

Les  impies  peuvent  être  comparés  aux  loups Leur  bouche,  dit 

saint  Chrysostome,  ressemble  à  la  gueule  des  bêtes  féroces,  ou 
plutôt  elle  est  plus  impitoyable  encore  :  elle  dévore  avec  plus  d'avî- 
dité,  elle  déchire  plus  cruellement,  sa  morsure  est  plus  venimeuse  : 
Horum  ora  ferarum  sunt ,  vel  potius  sœviora  quarn  ferarum  :  avidim 
dévorant ,  crudelius  laniant,  virulentius  mordent  (In  Psal.). 

Les  mauvaises  compagnies  boivent  le  sang  de  leurs  victimes 

Dévorons  le  juste,  disent-elles;  c'est-à-dire,  dépouillons-le  de  sa 
vertu,  enlevons-lui  l'amour  de  J.  G.,  renversons-le,  et  rendons-le 
semblable  à  nous, que  comme  nous,  il  ne  goûte,  ne  cherche  et 
n'envie  que  ce  qui  est  terrestre ,  charnel  et  infernal.  Prenons-le 


2-U  MAUVAISES   C01TPAGJHE8. 

vivant  et,  comme  l'enfer,  forçons-le  à  connaître  et  à  vouloir  le  mal 

Car,  que  pensent,  que  disent  que  font  autre  chose  les  mauvaises 
compagnies,  que  ce  que  pensent,  disent,  et  l'ont  les  démons?...  Nous 
rechercherons  les  richesses  de  l'innocent,  ajoutent  ces  impies,  les 
richesses  que  lui  ont  procurées  son  baptême,  sa  première  commu- 

.  son  éducation  chrétienne,  sa  modestie  et  sa  vertu,  et  nous 

élirons  nos  maisons  (l'enfer)  de  ses  dépouilles  :  Omnem  pre- 

tiosam   substantiam    reperiemus ,    impfebimus  domos  nostras   spoliis 

(Prov.  i.   13).  Enlevons -lui  ses  mérites,   le  ciel  qui  doit  être  sa 

récompense  et  Dieu;  nous  nous  enrichirons  pour  l'enter Mettez, 

disent-ils  à  ce  jeune  homme,  à  cette  jeune  fille  ,  mettez  votre  héri- 
tage en  commun  avec  nous,  et  n'ayons  tous  qu'un  même  trésor  : 

Sortent,  mitte  nobiscurn ,  marsupium  unum  sit  omnium   nostrum 

(Prov.  i.  14.)  Ce  trésor  c'est  le  trésor  de  la  colère  et  de  la  vengeance 
divine,  la  damnation  éternelle.  Ainsi  les  pécheurs  s'excitent  et 
s'encouragent  à  commettre  l'iniquité  !  Ah  !  malheur  à  celui  qui  fré- 
quente les  mauvaises  compagnies;  il  est  perdu!... 

Les  pervers  ne  dorment  pas  s'ils  n'ont  fait  le  mal ,  disent  les  Pro- 
verbes, et  le  sommeil  leur  est  ravi  s'ils  n'ont  supplanté  personne  : 
Non  enim  dormiunt  nisi  malefecerint ;  et  somnus  rapitur  abeis,  nisi  sup- 

averint  (iv.  1(5).  Le  pain  dont  ils  se  nourrissent  est  l'impiété; 
le  ^  in  qu'ils  boivent,  l'iniquité  :  Comedunt  panem  impictatis,  et  vkium 
iniguitatis  bibunt  (Prov.  îv.  17).  Ces  paroles  indiquent  avec  quelle 
avidité  les  pécheurs  recherchent  le  mal,  avec  quel  soin  ils  préparent 
le  crime.  Ils  passent  une  partie  de  la  nuit,  souvent  la  nuit  entière, 
pour  mettre  à  exécution  leurs  coupables  projets  .  pour  dresse*  leurs 
Is  se  font  un  festin  de  leur  proie.  On  peut  1rs  compare)'  aux 
serpents  dont  parle  Pline,  qui  veillent  durant  tout  l'été,  temps  où 
leur  venin  a  toute  sa  force,  jusqu'à  ce  que  l'ayant  épuisé  ,  ils  su  his- 
sent l'influence  du  froid,  s'engourdissent  et  dorment  durant  tout 
l'hiver.  On  peut  les  comparer  encore  aux  bêtes  féroces,  qui  emploient 
la  nuit  à  rùder,  cherchant  une  proie  pour  la  dévorer.  L  aliment  des 
méchants ,  leur  breuvage ,  c'est  le  mal ,  et  ce  festin  est  tellement  de 
leur  goût,  qu'ils  n'en  veulent  pas  d'autre.  Leur  soif  de  mal  faire  est 
si  grande  qu'ils  ne  peuvent  l'apaiser;  et  plus  ils  se  li\reul  au 
crime,  plus  elle  augmente;  c'est  la  soif  des  démons  et  de*  damnés. 
Ceux  qui  sont  ivres  de  pas-ions  et  de  crimes,  sont  comme  ceux 
qui  sont  ivres  de  vin;  ils  veulent  toujours  boire. 

-  !  quiconque  a  le  malheur  de  fréquenter  les  mauvaises  com- 
pagnies peut,  en  gémissant,  emprunter  ces  paroles  desProve) 


MAUVAISE?   C0""AGN7E3:  245 

ïn  un  instant ,  j'ai  été  plongé  dans  un  abime  do  maux,  à  la  face  de 
tout  le  peuple  assemblé  :  Fui  in  omni  malo  in  medio  synagogœ 
(  v.  14  ).  Je  me  suis  vu  couvert  de  crimes  par  la  fréquentation  de  ces 

êtres  dégradés Quand  on  est  avec  des  libertins,  on  est  avec  des 

êtres  impurs  et  corrompus ,  qui  n'exhalent  que  l'odeur  fétide  du 
vice  :  ce  sont  des  démons  incarnes,  vivants ,  mais  qui  ont  déjà  un 
pied  dans  l'enfer. 

Cela  seul  est  un  crime  que  de  s'approcher  des  mauvaises  compa 
gnies,  dit  saint  Cyprien  ( Epist .  xi).  L'ami  des  insensés  deviendra 
semblable  à  eux,  disent  les  Proverbes  :  Amicus  stultorum  similis  effi- 
cietur  (xm.  20). 

Une  conversation  fréquente  influe  insensiblement  sur  le  juge- 
ment, sur  les  affections  et  sur  les  mœurs  de  celui  qui  l'écoute. 
L'homme  qui  se  promène  durant  une  chaude  journée  d'été,  ou  bien 
pendant  les  rigueurs  de  l'hiver,  est  soumis,  sans  y  trop  penser,  à 
l'action  du  soleil,  ou  bien  à  celle  du  froid  ;  car  l'air  nous  accompagne 
partout ,  il  pénètre  nos  entrailles  par  la  respiration ,  et  nous  com- 
munique le  degré  de  chaleur  qu'il  possède.  Ainsi  en  est-il  de  celui 
qui  prend  place  au  milieu  des  mauvaises  compagnies.  Il  se  trouve 
au  sein  d'une  atmosphère  empestée ,  sous  l'influence  de  laquelle  le 
poison  de  l'iniquité  pénètre  dans  son  àme  et  dans  son  cœur. 

Quand  on  fréquente  un  compagnon  qui  plaît ,  on  adopte  faci- 
lement sa  manière  de  voir,  ses  inclinations  et  ses  affections;  on 
imite  sa  conduite.  S'il  est  probe,  on  demeure  tel;  s'il  est  corrompu, 
on  le  devient  bientôt  soi-même.  Le  mal  se  communique  plutôt  que 
le  bien;  on  s'y  prête  plus  facilement  et  plus  vite  qu'à  la  vertu, 
brebis  galeuse  infecte  tout  un  troupeau;  un  fruit  gâté,  gâte  tous  ceux 
avec  lesquels  il  est  mis  en  contact.  Ainsi  le  gourmand,  l'orgueilleux, 
l'impudique  ,  le  médisant,  le  paresseux,  l'impie,  le  voleur,  rendent 
semblables  à  eux  ceux  qui  les  fréquentent,  surtout  assidûment.  Au 
contraire ,  un  grand  nombre  d'hommes  chastes  ou  humbles  auront 
peine  à  ramener  à  ses  devoirs  un  seul  libertin ,  ou  à  rendre  humble 
un  seul  orgueilleux.  Il  en  est  de  même  pour  les  autres  vertus.  Une 
goutte  de  fiel  rend  amer  un  vase  rempli  devin,  ou  de  lait,  ou  de  miel; 
au  contraire,  un  vase  plein  de  miel  ne  peut  faire  disparaître  entière- 
ment l'amertume  d'une  seule  goutte  de  tiel.  Le  vice  est  le  fiel;  la  vertu 
est  le  miel.  C'est  en  partie  de  la  société  qu'on  fréquente  et  des  conver- 
sations qu'on  entend  ,  que  dépend  l'habitude  de  la  vertu  ou  celle 
du  vice;  par  conséquent,  la  vie  ou  la  mort,  le  salut  ou  la  dam- 
nation . 


246  MAUVAISES  COMPAGNIES. 

Voilà  pourquoi  les  pasteur? ,  les  parents,  les  maîtres,  les  précep- 
teurs et  les  confesseurs,  ne  doivent  rien  négliger  pour  éloigner  de 
ceux  qui  sont  à  leur  charge  les  mauvaises  compagnies ,  et  pour  les 
porter  à  la  fréquentation  des  personnes  édifiantes,  car  cette  fréquen- 
tation est  un  moyen  puissaat  de  salut 

La  nuit  ne  marche  pas  avec  le  jour,  ni  le  bon  avec  le  méchant. 
Voulez-vous  être  sage?  voyez  souvent  le  sage  et  liez-vous  à  lui 
d'amitié.  Le  vice  ne  s'unit  pas  à  la  vertu,  pas  plus  que  la  boue  à 
l'or.  On  ne  joue  pas  sans  dangers  avec  les  serpents.  Un  peu  de  levain 
fait  fermenter  une  masse  de  pâte.  On  ne  tire  que  du  dommage  d'une 
mauvaise  compagnie;  et  rien  ne  nous  cause  des  pertes  aussi 
promptes  et  aussi  funestes.  Ce  n'est  pas  la  campagne  qui  rend  bon 
ni  la  ville  mauvais,  dit  Cratès;  mais  la  fréquentation  des  bons  ou 
des  méchants  :  Non  rus  bonos  reddit ,  negue  w*bs  malos  3  sed  bonorum 
et  malorum  commercia  (Ita  Maximus). 

Celui  qui  commet  l'iniquité,  séduit  son  ami  et  le  fait  marcher 
dans  un  chemin  fatal ,  disent  les  Proverbes  :  Vir  iniquus  lac  fat  ami- 
cum  suum,  et  ducit  eum  per  viam  nonbonam{nm.  29).  La  voie  deg 
pervers  est  hérissée  d'armes  et  de  glaives,  ditle  môme  livre  :  Arma 
etgladii  in  via  perversi  (  Prov.  xxn.  5). 

Sache,  dit  l'Ecclésiastique ,  sache  que  tu  vas  entrer  en  commu- 
nion avec  la  mort,  parce  que  tu  te  prépares  à  l'avancer  au  milieu 
des  pièges,  et  que  tu  poseras  le  pie  !  sur  le  tranchant  «les  armes  de 
ceux  qui  te  trompent  :  Communîonem  mortis  scito:  qubni  tm  in  média 
laqueorum  ingredicris ,  et  super  dolent ium  arma  ambulabU  (  îx.  20). 

On  a  vu  un  effrayant  exemple  de  cette  communion  avec  la  mort 
dans  le  supplice  qu'avait  coutume  d'infliger  à  ses  -victimes  le  cruel 
tyran  "Nlézence.  11  faisait  lier  ensemble  un  vivant  et  un  mort, 
iinant  que  tous  les  membres  de  l'un  correspondissent  exacte- 
ment à  ceux  de  l'autre;  afin  que  relui  qui  respirait  encore  fût  tué 
Codeur  infecte  du  cadavre  en  putréfaction  auquel  il  était  atta- 
ché, et  )ong.'>  par  les  vers  qui  le  couvraient.  Virgile  nous  a  transmis 
fe  souvenir  de  cett»1  cruauté1  innuïp  dans  les  vers  suivants  : 

Mortua  quin  etiam  jungebat  corpora  vivis; 
Gomplexu  in  inisero  longa  sic  niorle  necabat. 

Encvl.  VIII. 

Le  même  sort  est  réservé  aux  imprudents  qui  se  mêlent  aux 
impies  et  aux  per\  ers  et  qui  vi\  ent  avec  eux. 


JtAUVAMES  co:iPAesn©.  ->\1 

Celui  qui  touche  la  poix  en  sera  souillé ,  et  celui  qui  fréquente 
.•"dieux  le  deviendra  lui-même,  dit  l'Ecriture  :  Qui  tetignrit 
picem,  inquinabitur  ab  ea:  et  qui  comrnunicaverit  superbo,  înâuet  super- 
biam  { Eccli.  xm.  1). 

Les  exemples  du  vice,  dit  saint  Cyprien ,  s'emparent  de  l'âme,  lui 
donnent  l'impulsion,  la  changent  et  la  transforment;  ce  serait  uii 
prodige  d'être  au  milieu  des  flammes  et  de  ne  pas  être  consumé,  oif 
du  moins  de  ne  pas  sentir  l'ardeur  du  feu  :  Vitiorum  exempta  oppi- 
gnant  animum ,  impellunt,  immutant,  transformant  :  miraculo  eritinter 
incendw  vel  non  consumi,  vel  certe  non  incalescere  (Lib.  de  Spectac.  ). 

Le  pécheur  pourra  s'allier  au  juste  quand  on  verra  le  loup  s'unir 
à  l'agneau,  dit  l'Ecclésiastique  :  Si  communicabit  lupus  agno  ali- 
quando  :  sic  peccator  justo  (  xm.  21  ).  Les  rapports  du  méchant  avec 
l'homme  de  bien  ressemblent  à  ceux  du  loup  avec  l'agneau.  C'est 
âVec  raison  que  l'Ecriture  compare  le  méchant  au  loup,  à  cause  d-> 
sa  rapacité  et  de  sa  cruauté;  et  le  juste  à  l'agneau,  à  cause  de  sg 
douceur,  de  son  innocence  et  de  la  chasteté  de  ses  mœurs,  et  parce 
qu'il  est  semblable  à  J.  C 

Le  feu  (du  crime  )  s'allumera  dans  l'assemblée  des  pécheurs,  dit 
l'Ecriture  :  In  synagoga  peccantium  exardebit  ignis  (Eccli.  xvi.  7). 
L'homme  de  bien  devient  vicieux  dans  l'assemblée  des  pervers;  i\ 
finit  par  leur  ressembler.  Qui  pourrait  ne  pas  voir  toutes  ses  vertus 
faire  naufrage  et  s'engloutir  dans  le  fleuve  redoutable  et  fangeux  de 
l'impureté  dont  les  flots  submergent  les  mauvaises  compagnies?  Les 
conseils  du  pécheur,  ses  entretiens,  son  rire,  ses  regards,  ses  mou- 
vements, ses  actions,  etc.,  tout  communique  la  peste 

Celui  qui  abandonne  Dieu  et  la  vertu,  cesse  d'être  homme,  ii 
devient  un  animal  sauvage  et  féroce.  Si  c'est  une  grande  misère  que 
de  vouloir  le  mal,  c'en  est  une  plus  grande  que  de  le  pouvoir  et  de 
le  l'aire.  Or,  les  mauvaises  compagnies  ont  pour  triste  partage  ces 
trois  facultés  :  vouloir,  pouvoir  et  commettre  le  péché. 

ils  ont  tendu  leur  langue  comme  un  arc  qui  lance  le  mensonge, 
dit  Jérémie  ;  ils  sont  allés  de  mal  en  mal  :  Extenderunt  hnguam 
suant  quasi  arcum  mendacii;  de  malo  ad  malum egressi  sunt  (  ix.  3). 

Celui  qui  marchait  parmi  les  lioiis  est  devenu  lion  lui-même;  ii  a 
i?ôiê  et  à  dévorer  les  homme-  :  Q  à  incedehat 
.  leo;  et  didtcit  prœdam  taper e,  et  hômines  devorarè 

Le-  s  ont  consumé  sa  force  ,  dit  le  prophète  Osée  :  Corne- 

,  obûr  ejus  [ta.  9  ).  Les  étra  géi .    .ont  parle  le  (i-opt&té 


248  MAUVAISES   COMPAGNIES. 

sont  les  hommes  qui  composent  les  mauvaises  compagnies,  et  qui 
sont  en  effet  étrangers  à  tout  devoir  et  à  toute  bonne  action ,  qui  ne 
connaissent  que  la  licence  et  le  mal,  et  qui  ravissent  à  celui  qui  les 
fréquente  tous  les  biens  spirituels,  les  seuls  vrais  biens. 

Fussiez-vous  de  fer,  dit  saint  Isidore ,  si  vous  vous  trouvez  au 
milieu  du  feu,  vous  serez  fondu;  si  vous  vous  exposez  au  danger 
des  mauvaises  compagnies,  vous  ne  resterez  pas  longtemps  en 
sûreté.  La  familiarité  enchaîne  et  l'occasion  conduit  à  des  chute;. 
A  la  longue,  on  s'habitue  à  ce  qui  révoltait  d'abord  la  volonté.  11 
vaut  mieux  s'attirer  la  haine  des  méchants  que  leur  affection. 
Comme  la  société  des  bons  a  de  grands  avantages,  celle  des  méchants 
produit  de  grands  maux.  La  fréquentation  des  uns  et  des  autres 
exerce  une  puissante  influence  (Lib.  II  de  Soliloq.  ). 

Dans  une  mauvaise  compagnie,  dit  le  prophète  JMichée,  celui 
qui  est  le  meilleur,  ressemble  au  buisson  épineux;  le  plus  droit 
est  comme  la  ronce  des  haies  :  Qui  optimus  in  eis  est,  quasi  pâli urus t 
et  quirectus,  quasi  spina  de  sepe  (vu.  4).  Le  meilleur  pique  et  fait 
couler  le  sang,  comme  le  buisson  épineux  ;  il  blesse  son  prochain. 
Comme  la  ronce  enlève  de  la  laine  à  la  brebis  et  la  déchire ,  ainsi 
le  plus  droit,  le  moins  pervers  d'entre  les  méchants  dépouille  et 
déchire  l'homme  juste  et  pieux. 

Les  exhalaisons  qui  s'élèvent  des  lieux  pestilentiels  sèment  les 
maladies;  ainsi,  par  suite  des  fréquentations  mauvaises,  dit  saint 
Basile,  on  contracte  l'habitude  du  mal,  souvent  même  sans  que  l'on 
s'en  aperçoive  :  Sicut  in  pestilentibus  lotis,  sursum  attractus  aer,  mor- 
bum  ivjicit,  sic  in  prava  conversatione  mata  hauriuntur,  etiamsi  statim 
non  sentiatur  (Homil.  ix). 

Les  mauvaises  compagnies  imitent  les  démons.  Quelle  est  l'occu- 
pation de  ces  esprits  malins  et  cruels?  Quels  sont  leurs  désirs,  quel 
est  leur  bonheur?  C'est  de  faire  la  guerre  à  Dieu...,  de  ravager  l'hé- 
ritage de  J.  C... ,  d'enlever  aux  âmes  la  vie  de  la  grâce  et  de  causer 
leur  perte  éternelle.  Les  mauvaises  compagnies  tiennent  la  même 
conduite. 

Les  matiTflîsss  La  voie  que  suivent  les  pervers  est  escarpée,  bordée  de  précipices, 

cunii'i    h. t.'â  ri» 

toutauudites.  plongée  dans  les  ténèbres,  et  elle  aboutit  à  l'abîme.  Elle  est  pénible, 
semée  de  chagrins,  de  déc  ptions,  de  douleurs  et  d'angoisses.  Les 
méchants  sont  doublement  punis  «les  actes  infâmes  qu'ils  commet- 
tent :  1°  Ils  sont  environnés  de  désagréments  et  de  peines  comme 
d'autant  d'épines  qui  les  piçjuent  et  les  déchirent...;  2u  ils  y  sout 


MAUVAISES  compagnies.  219 

empêtrés  de  manière  à  ne  pouvoir  se  délivrer Pour  eux  et  pour 

ceux  qui  les  fréquentent,  ils  sont  un  glaive  acéré. 

Celui  qui  attire  perfidement  les  justes  dans  une  voie  mauvaise, 
disent  les  Proverbes,  tombera  lui-même  et  périra  :  Qui  decipit  justos 
in  via  mala,  in  interitu  suo  corruet  (  xxviii.  10  ). 

Je  les  abandonnerai ,  dit  le  Seigneur  par  la  bouche  de  Jérémie; 
je  me  retirerai  loin  d'eux;  parce  qu'ils  sont  corrompus  et  forment 
une  assemblée  de  prévaricateurs  :  Derelinquam,  et  rccedam  abeis, 
quia  adidteri  sunt ,  cœtus  prœvaricatorum  (  ix.  2  ). 

L'impie  sera  maudit  de  Dieu  et  des  hommes;  maudit  pendant  sa 
vie,  à  sa  mort  et  durant  l'éternité  par  les  démons  et  par  les  âmes 
qu'il  aura  perdues 

L'assemblée  des  méchants  est  comme  un  amas  de  paille,  dit  l'Ecri- 
ture; ils  seront  consumés  par  la  flamme  :  Stuppa  collecta  synagoga 
peccantium;  et  consummatio  illorum  flamma  ignis  (  Eccli.  xxi.  40). 

Prenez  note  de  cet  excellent  conseil  de  Sénèque  :  Si  vous  voulez  être     h  faut  rmr 
exempt  de  vices,  fuyez  ceux  qui  donnent  l'exemple  du  mal  :  Si  vis    compagnies. 
vitiis  exui ,  longe  a  vitiorum  exemplis  recedendurn  est  (Epist.  civ). 

Retirez-vous  loin  des  tentes  des  impies,  dit  le  Seigneur,  et  ne 
touchez  à  rien  qui  leur  appartienne ,  de  peur  que  vous  ne  soyez 
enveloppés  clans  leurs  péchés  :  Recedite  a  tabernaculis  hominum  impio- 
rum ,  et  nolïte  tangere  quœ  ad  eos  pertinent;  ne  involvamini  inpeccatis 
eorum  (  Num.  xvi.  20  ). 

Ne  mangez  ni  ne  buvez  avec  les. pécheurs,  dit  Tobie  à  son  fils  : 
]\oli  manducare  et  bibere  cum  peccatoribus  (  iv.  18). 

Mon  fils ,  dit  le  Seigneur  dans  les  Proverbes ,  si  les  pécheurs  cher- 
chent à  vous  séduire,  ne  cédez  pas  à  leurs  caresses  :  Fili  mi,  si  te 
lactaverint  peccatores ,  ne  acquiesças  eis  (  1. 10). 

Les  pécheurs,  dit  saint  Grégoire ,  cherchent  à  séduire  lorsqu'ils 
flattent  pour  faire  tomber  dans  le  crime ,  et  lorsqu'ils  prodiguent 
les  éloges  après  qu'on  l'a  commis  ( Lib.  Moral.). 

Mon  lils,  dit  encore  le  Seigneur,  ne  marchez  pas  avec  eux;  détour- 
nez vos  pas  de  leurs  sentiers  :  Fili  mi ,  ne  ambules  cum  eis  :  prohibe 
pedem  tuum  asemitis  eorum  (Prov.  i.  15).  Car,  1°  leur  voie  tend  au 
:e...  ;  2»  on  se  couvre  de  honte  et  d'infamie  en  les  suivant...  ; 

3°  on  devient  bientôt  semblable  à  eux Gardez-vous  de  trouver 

du  charme  dans  les  sentiers  des  impies  ,  disent  les  Proverbes  ,  et  ne 
vous  plaisez  pas  dans  la  voie  des  méchants  :  Ne  delccteris  in  semifis 
impiorum;  me  tibi  pluceat  malorumvia  (,iv.  14).  Neyous  plaisez  pas 


9TiO  mattvat?t;<  "^rr-AôvrES. 

dan?  la  Voie  des  Méûh&tttf,  flîï  Hugiiea  fie  SairtKVicto* ,  caredîe  de9 
impu  liquesest  fangW*8,  c<  bandonnerit  &  la  6  ilèrë 

est  plongée  dans  1  sténèbres,  «11  •  de*  ai  ,,f  nés, 

celle  'i?ants  est  semée  y  t 

bordée  de  cavernes,  et  relie  des  orgueil   ux.  I  P    (1  :  iVfe  N"M 

!<>rum ,  gw'fl  l»  "'li- 

ais ,  spinow  in  avaris,  pet,  osa  in  detra  torib.s  .  .a  in  simulato- 

"ibi/s,  montosa  in  superbis  (  De  Anima  ). 

Fuyez  la  voie  des  impies,  dit  encore  l'Ecriture,  ne  la  prenez  ja*l  I 
mais  détournez-vous  et  nhan  !  ônnez+la:  Fuge  ab  ea  (  via  ),  nec  trè 
per  illarn  :  déclina  et  desere  eam  |  Prov.  iv.  15). 

Sortez   i'au  milieu  d'eux   (les  hommes  qui  composent  le  s  mau- 
vaises compagnies)  et  séparez-vous ,  dit  le  S  :_  u •ur,  et  n 
-oas  l'impur  :  Exite  de  medio  eorum,  et  separummi,  dicit  Dominus ,  et 
immundum  ne  teligeritis  (  II.  Cor.  vi.  17  ), 

Que  nul,  dit  saint  Paul,  ne  vous  séduise  par  des  paroles  vaines; 
car  d'est  pour  cela  que  la  colère  de  Die  I  sur  les  lil-  de  la 

•élssance.   IS'ayezdonc  point  de  commerce  avec  .>u\  :  Netnô  vot 
seducat  iiumibus  verbis  :  profiter  litre  venit  ira  Dei  in  fiiox  di 
JSolite  ergo  effici participes  eorum  (  Ephes.  v.  G.  7  ).  Ne  van 
point  aux  œuvres  stériles  des  ténèbres  ,   ma 
qui  les  l'ont  :  Nulite  communb-are  q 

magis  autem  redaranite  (Ephes.  v.  11  ).  Reprenez-les,  condamnez-loi 
par  votre  tristesse ,  par  la  rouge  ir  de  \  >tre  front,  par  \ 

par  voire   i'uite,    par  vos  paroles  et  par  . 
Frères,  écrit  le  grand  le  Apôtre  au*    '  .  nous 

i  :is,  au  nom  d  leur  .1.  G.,  d 

de  tout  frère,  qui  marche  dans  1  ntiamus  vobis s  [ni- 

tres,  in  nomine  Do  i,  ut  tuhtraha  i 

fratre  am  (II.  m.  G;. 

i  sooi  '{>'•  d  insl    lit  e  des 

Actes  des  '.bus  istis  (  v.  38)» 

H oi  -  »us  du  meurtrier,  dit  1  ni  est-ce 

qui  p 
main  ai- 
La  yoi     les   j  ■:  '     -  <•  :  do  glaii 
Proverbes;  erlui 
d'eux  :  [rma  <■>  g 
ab  cis  (xxu.  5). 

Eloignez  -  vous  de  celui    nui  et  les  maux 


MAUVAISES   COMPAGNIES.  251 

sVlni?nprori*  d^  vous  ,  dit  l'Ecclésiastique  ;  Diseede  ab  iniqw,  et  défi- 
cient iiuiùt  aOs  te  (vu.  2).  Ne  vous  plaisez  point  dans  les  assemblas 
même  les  moins  nombreuses,  car  les  fautes  y  sont  fréquentes  {Eccli. 

xvm.  32).  Celui  qui  n'est  jamais  seul  ne  fut  jamais  bon Celui  qui 

fuit  les  occasions  du  péché  fuit  et  évite  le  péché 

Ne  parlez  pas  beaucoup  avec  l'imprudent ,  et  ne  marchez  pas  avec 
l'insensé!  Gardez-vous  de  lui,  afin  de  ne  pas  éprouver  d'outrage  et 
vous  ne  vous  souillerez  pas  par  son  péché.  Détournez-vous  de  lui, 
et  \ous  trouverez  le  repos,  et  vous  n'aurez  pas  à  gémir  de  sa  folie 
(Eccli.  xxir.  14-IG).  Ne  prenez  pas  la  voie  de  la  ruine  et  ne  pré- 
parez pas  à  votre  àme  un  sujet  de  chute  :  In  via  ruinœ  non  eas;  ne 
ponas  ardi/iœ  tuœ  scandalum  (Eccli.  xxxn.  25). 

Frappé  du  danger  que  l'on  court  dans  les  mauvaises  compagnies, 
saint  Chrysostome  exhortait  les  pères  et  les  mères  à  en  éloigner  leurs 
exilants.  Assurément,  leur  disait-il,  lorsque  nous  voyons  un  servi- 
teur porter  un  flambeau  dans  ses  mains ,  nous  nous  hàton6  de  lui 
défendre  d'aller  dans  les  lieux  où  il  y  a  de  la  paille,  du  foin,  ou  toute 
autre  matière  combustible ,  de  peur  que ,  sans  y  penser ,  il  ne  laisse 
tomber  une  étincelle  qui  embrase  toute  la  maison.  Usons  de  la  même 
précaution  en  faveur  de  nos  enfants;  et  ne  permettons  pas  que  leurs 
yeux  se  tournent  vers  des  assemblées  dangereuses.  Si  les  personnes 
qui  demeurent  dans  notre  voisinage  les  fréquentent,  défendons  à 
nos  enfants  de  les  voir  et  de  converser  avec  elles  :  agissons  ainsi, 
afin  d'empêcher  que  quelque  étincelle  d'un  feu  criminel  ne  porte 
l'incendie  dans  leurs  âmes  et  n'y  cause  un  dommage  irréparable, 
par  une  destruction  générale  (Homil.  ad  pop.). 

Vous  serez  saint  avec  les  saints;  vous  serez  .innocent  avec  l'innocent,     Des  bonne» 

.  .  compagnies, 

dit  le  Hoi-Prophete  :   Lum  sancto  sanctus  eris;  et  cum  viro  innocente 

innocens  eris  (xvii.  26). 

Allez  maintenant,  dit  Tobie  à  son  fils,  et  cherchez  quelque  homme 
fidèle  qui  puisse  vous  accompagner  :  Sed  perge  nunc  ,  e:  inquire  tii 
aliquem  fidelem  virum,  qui  eat  tecum  (  v.  A). 

Celui  qui  marche  avec  les  sages  acquerra  la  sagesse ,  disent  le» 
Proverbes  :  Qui  cum  sapientibus  graditur,  sapiens  erit  (xm.  20). 

Mes  yeux,  dit  le  Roi-Prophète,  cherchaient  ceux  qui,  sur  la  terre, 
étaient  demeurés  fidèles  au  Seigneur,  afin  de  les  faire  asseoir  près 
de  moi  :  celui  qui  marchait  dans  la  voie  du  bien  était  appelé  à  me 
seri  ir  :  Oculi  .  des  terra?,  ut  sedeant  mecwn;  ambulans  in  via 

im.nuculutay  hic  mihi  ministrabat  (c.  6).  L'orgueilleux  sera  banni  de 


2o2  MAUVAISES  COMPAGNIES. 

ma  demeure;  celui  qui  prononce  des  paroles  d'iniquité  D'est  pas 
resté  en  ma  présence  :  Non  habitabit  in  medio  domus  meœ  qui  facit 
superbiam;  qui  loquitur  iniqua ,  non  direxit  in  conspectu  oculorum 
meoritm  (c.  7). 

Que  pouvons-nous  donner  à  cet  homme  saint  qui  vous  a  accom- 
pagné, dit  Tobie  à  son  fils  ?  Celui-ci  lui  répondit  :  Mon  père,  quelle 
récompense  lui  donnerons-nous,  et  qu'y  a-t-il  qui  puisse  payer  ses 
bienfaits?  Il  m'a  conduit  et  ramené  sain  et  sauf ,  il  a  reçu  l'argent 
deGabélus,  il  m'a  fait  avoir  une  épouse  et  il  a  chassé  loin  d'elle  le 
démon  ,  il  a  rempli  de  joie  ses  parents,  il  m'a  arraché  au  poisson  qui 
se  préparait  à  me  dévorer ,  il  vous  a  fait  voir  la  lumière  du  ciel  et 
il  nous  a  comblés  de  tous  les  biens.  Que  pourrons-nous  lui  donner 
qui  soit  digne  de  tant  de  services?  (xn.  1-3.)  Une  bonne  compagnie 
procure  une  infinité  de  biens 

Fréquentez  assidûment  l'homme  vertueux  et  saint,  dit  l'Ecclé- 
siastique; faites  votre  société  de  celui,  quel  qu'il  M\t,  qui  conserve 
la  crainte  de  Dieu  et  dont  l'âme  est  selon  la  vôtre  :  lorsque  vous  chan- 
cellerez dans  les  ténèbres ,  il  prendra  part  à  votre  peine  :  Cum  viro 
sancto  assiduus  esta,  querncumque  cognoveris  oùservantem  timorem  Dei , 
cujus  anima  est  secundum  animam  tuam  :  et  qui  cum  titubuoens  in 
tenebris ,  condolebit  tibi  (xxxvn.  t5.  1(5). 

Un  bon  conseiller,  un  compagnon  vertueux,  dit  Hugues  de  Saint- 
Victor,  est  serviable  pour  tous  et  n'est  à  charge  à  personne;  en 
effet,  celui  qui  a  de  la  piété  envers  Dieu,  est  bon  pour  le  prochain 
et  réservé  cm  ers  le  monde  :  il  est  le  serviteur  du  Seigneur,  l'ami 
de  ses  frères  ,  le  maître  de  tous  ceux  qui  le  connaissent.  Ses  supé- 
rieurs cherchent  à  lui  faire  plaisir,  ses  égaux  aiment  sa  société,  et 
ses  inférieurs  le  servent  a\  ec  bonheur  (  De  Anima,  lib.  III). 


MÉDISANCE. 


Celui  qui  médit  en  secret ,  est  comme  un  serpent  qui  mord  sans      Ravage», 
faire  de  bruit ,  dit  L'Ecclésiaste  :  Si  mordeat  serpens  in  silentio,    ^|^ance* 
nihil  eo  minus  habet  qui  occulte  de  trahit  (  x.  11  ). 

Par  son  imprudence  ou  sa  malveillance,  le  médisant  blesse  son 
frère,  trouble  la  paix  ,  détruit  la  charité,  rompt  l'union,  scandalise 
ses  auditeurs  et  fait  naître  des  haines,  des  procès,  des  disputes,  des 
guerres,  la  colère  et  des  désirs  de  vengeance 

La  langue  du  serpent  a  trois  pointes  et  elle  fait  ainsi  trois  bles- 
sures :  le  médisant,  lui,  avec  sa  langue,  blesse  sa  propre  conscience 
en  commettant  un  péché,  il  noircit  la  réputation  du  prochain,  et 
il  offense  les  oreilles  et  l'âme  de  ceux  quil'écoutent 

Le  médisant  peut  être  comparé  à  la  vipère  :  celle-ci  distille  son 
venin  dans  la  blessure  qu'elle  fait ,  celui-là  fait  aussi  des  morsures 
envenimées;  ce  n'est  même  que  pour  répandre  du  venin  qu'il  mord  ; 
sa  conduite  rappelle  les  paroles  suivantes  du  Psalmiste  :  Le  venin 
de  L'aspic  est  sur  leurs  lèvres  :  Venenum  aspidum  sub  labiis  eorum 
(  cxxxix.  4  ).  La  piqûre  de  l'aspic  rend  le  sang  tout  noir;  la  médi- 
sance noircit  la  réputation  du  prochain 

La  médisance  fait  une  plaie  plus  profonde  que  le  serpent;  sa  mor- 
sure est  plus  cachée ,  plus  nuisible,  plus  douloureuse.  Le  serpent  ne 
blesse  que  le  corps;  la  médisance  blesse  la  réputation,  le  cœur  et 
L'intelligence.  En  mordant,  le  serpent  ne  se  blesse  pas  lui-même; 
le  médisant  fait  l'un  et  l'autre 

La  médisance  est  un  grand  mal ,  dit  saint  Chrysostome  ;  c'est  un 
démon  turbulent  qui  ne  laisse  jamais  l'homme  en  paix.  Par  elle  les 
haines  se  multiplient,  les  querelles  s'enflamment,  les  dissentiments 
se  produisent,  les  mauvais  soupçons  prennent  naissance.  D'un  ami, 
elle  fait ,  sans  motif,  un  ennemi;  elle  bouleverse  de  fond  en  comble 
les  maisons,  elle  fait  courir  aux  armes  des  villes  paisibles,  elle 
relâche  les  liens  de  la  paix  qui  est  si  belle,  elle  brise  le  nœud  puis- 
sant de  la  charité.  Celui  qui  se  livre  à  la  médisance  devient  l'esclave 
du  démon  (I). 

(1)  Grave  malum  est  detraetîo ,  turbulentus  daemon,  née  unquam  pacatum  homv- 
nem  reddens.  Ex  ea  odia  pullulant,  jurgia  conflantur,  dissidia  ortum  trahunt,  suspi- 
cions mal*  orocreantur  ;  sine  ulla  causa  hostem  reddit  nui  paulo  ante  amicus  erat  t 


254  Médisante; 

La  langue  du  médisant  '.  t-tlle  pas  une  sorte  de  vipère?  dit  saint 
Bernar  1.  Oui,  ettjsès-criiellè,  car  d'un  seul  souffle  elle  empoisonne 
trois  personnes  (celle  qui  médit,  celle  qui  l'écoute  et  celle  dont  on 
médit).  Cette  langue  n'est-elle  pas  une  lance?  Oui ,  et  très-aiguë,  car 
d'un  seul  coup  elle  perce  trois  personnes.  Leur  langue,  dit  le  Prophè  te 
royal,  est  un  glaive  acéré.  C'est  un  glaive  à  deux  tranchants,  ou 
plutôt  à  trois,  et  beaucoup  plus  funeste  que  la  lance  avec  laquelle 
on  perça  le  côté  du  Seigneur.  Une  parole  est  une  chose  légère,  car 
elle  vole  avec  rapidité,  mais  souvent  elle  Liesse  grièvement;  elle 
£asse  vite,  mais  elle  brûle  profondément;  elle  pénètre  facilement 
dans  l'àme,  mais  elle  n'en  sort  pas  sans  peine  (I). 

Dire  du  mal  d'autrui ,  dit  Cicéron,  est  chose  plus  contraire  à  la 
nature  que  la  mort,  que  la  douleur,  que  tous  les  accidents  fâcheux 
qui  peuvent  arriver  au  corps  ou  à  la  fortune;  car  la  médisance 
détruit  la  bonne  opinion  des  hommes  et  la  société  (2). 

Ecoutez  Horace  :  Celui  qui  déchire  un  ami  absent,  celui  qui  :jc 
peut  taire  ce  qu'il  a  vu ,  celui  qui  dévoile  le  secret  qu'on  lui  a  confié , 
celui-là  est  un  mauvais  citoyen;  évite-le,  ô Romain  (3). 

Le  médisant  est  un  pestiféré  et  un  lépreux  qui  communique  bon 
mal  aux  autres,  nous  dit  saint  Bernard.  La  mort  de  l'homme,  en 
tant  qu'être  doué  d'un  corps ,  commence  par  la  langue  et  elle  gi 
peu  à  peii  le  cœur;  la  mort  de  l'homme,  en  tant  qu'être  moral, 
commence  aussi  par  la  langue,  c'est-à-dire  par  les  paroles ,  et  elle 
gagne  insensiblement  la  volonté  et  le  cœur.  Le  médisant  et  celui 
qui  l'écoute  avec  plaisir,  ajoute  le  même  docteur,  portent  tous  deux 
le  démon  dans  leur  sein  :  Detractor  et  libens  auditor,  uterque  diaào- 
luiu  portât  (  Serm.  de  De  tract.  ). 


UaivqfBBS  domos  subvertit  et  paeata*  orbes  ad  belluui  exclut ,  pulclir*  pa./is  vincula 
dissolvit,  mag'nft  caritalis  noduiu  iul'nugit.  Qui  detractioni  studet,  diabolo  servit 
(Ifoiutl.  in  RM/.  C). 

(1)  Nui)n|iiid  non  vipera  est  linpua  ista?  Ferociisima  plane,  nimirum  quai  tara 
letnaliler  tre*  iulici.it  il.itu  uno.  Nunn|iùd  non  lancea  est  liugua  istaf  ProfeCto  et 
aculissima,  quae  très  pénétrât  ictu  une  bingnà  eorum   gladius  Bcûttis.  Qhtdlus  qut- 

,t.(|)-,  uni!  triceps,  ot  liugua  detracions  :  une  deterlor  muernne  quo  Domini- 
cuin  latns  confossum  est.  Lu\i>  guidera  ressormo,  quia  [éviter  volai,  sed  graviter 
vuliiiia!  ;  leviler  transit,  sed  graviter  uni;  levite.r  pénétrât  aninuun,  sed  non  tevtter 
cxlt    Serm.  de  Ttipi.  custot.l.). 

(2)  Detrahere  altcri,  miçis  est  contra  na tu ram,  quam  mors,  quam  dolor,  quarn 
caetera  que  postunt  corpori  accidere,  aut  rébus  exierui.-.  Nain  loilunt  convictum 
honiinuLU  et  socielatein  (Lib.  de  O/fic). 

(|)  Abseiiteni  qui  rodit  nmicum, 

Fingere  ijui  pou  vjsa  potest,  coramissa  tacere 

Qui  uequit  :  bic  niger  est,  buue  ,  tu,  Romane,  cr  .Mo 


MftTÏÏSÀNCB.  255 

La  médian™  défruit  l'amitié;  elle  tue  l'amour  fraternel  et  la 
chante;  file  peut  causer  la  perte  d'une  famille,  d'un  monastère, 
d'une  ville  et  même  d'une  nation  ;  elle  est  l'ennemie  jurée  de 
l'urd  : 

L'homme  qui  parle  contre  son  prochain  est  comparable  à  un 
jawdot,  à  un  glaive,  à  une  flèche  aiguë,  disent  les  Proverbes: 
'um,  et  gladius ,  et  sagitta  acuta,  homo  qui  loquitur  contra  proxi- 
muntsman  (  xxv.  18). 

Le  médisant  vous  découvre  1rs  secrets  des  autres;  mais  il  trahira 
aussi  votre  confiance  et  vous  vendra 

Tout  médisant,  dit  saint  Bernard,  commence  par  se  trahir  en  mon- 
trant que  son  cœur  est  vide  de  charité.  Puis,  que  cherche- t-.il  autre 
chose  par  sa  conduite,  sinon  à  rendre  celui  dont  il  médit  méprisable 
ou  odieux  auprès  de  ceux  qu'il  prend  pour  confidents  de  ses 
médisances  (1). 

En  médisant,  s'écrie  saint  Chrysostome,  vous  dévorez  votre  frère, 
vous  faites  de  profondes  morsures  à  votre  prochain.  C'est  ce  qui  fait 
dire  à  saint  Paul  ces  terribles  paroles  ?  Si  vous  vous  mordez  et  vous 
dévorez  les  uns  les  autres,  prenez  garde  que  vous  ne  vous  détruisiez 
mutuellement  (  Gai.  v.  15  ).  Vous  n'avez  pas  enfoncé  vos  dents  dans 
la  chair  de  votre  frère  ;  mais  vous  avez  maudit  son  âme,  vous  avez 
ai  i  été  su?  lui  un  soupçon  funeste ,  vous  l'avez  blessé  à  mort ,  vous 
avez,  attiré  sur  vous  et  sur  plusieurs  autres  des  maux  innom- 
brables (2). 

Le  médisant,  dit  l'Ecriture,  souillera  son  âme,  et  il  sera  haï  de 
tous  :  Susurra  cuinqninabit  animam  suam,  et  in  omnibus  odietur 
(Ëeclî.  xxi.  31  ).  Si  vous  soufflez  sur  une  étincelle,  elle  s'enflammera 
et  produira  un  brasier;  si  vous  crachez  dessus ,  elle  s'étein  ira  :  or, 
l'un  et  l'autre  sont  l'œuvre  de  la  bouche.  La  langue  à  trois  tran- 
chants a  déplacé  uu  grand  nombre  d'hommes  et  les  a  dispersés  de 
peuple  en  peuple.  Elle  a  détruit  des  villes  riches  et  fortifiées,  elle  a 
souvent  renversé  la  maison  des  grands.  Elle  a  détruit  les  vertus  des 
peuples ,  et  a  dissous  les  nations  les  plus  fortes.  La  langue  à  trois 


(1)  Omnis  qui  detrahit,  prircum  quklem  seîpsum  prodit  vacuum  caritale.  Deinde 
quid  aliud  detrahendo  intendit,  ui.-i  ut  is  cui  detrahit,  veniat  in  contemptun ,  tel 
odium  îpsis  opud  quos  detrahit?  [Serra,  xxiv  in  Cant.) 

ftelrahens,  fraternas  carnes  comedisli,  proximi  carnetn  momordisti.  Unde  et 
Paulus  terruit,  dk-uns  :  Si  au'om  vosinvicein  mor  lotis  et  corneditis,  videtc  no  ab 
in\i:em  coiisumamini.  Non  iufuisti  dentés  carni,  sed  anim»  maledixisti ,  imp. 
suspicionem  inlixisti,  vulnerasti,  >nnumeris  affecisti  sualis  teipsuoi,  et  aiios  pîures 

onM.  mud pop.  j. 


2K6  MÉDISANCE. 

tranchants  a  fait  bannir  de  leur  demeure  des  femmes  d'un  caractère 
viril;  elles  les  a  privées  du  fruit  de  leurs  travaux.  Celui  qui  l'écoute, 
n'aura  pas  fie  tranquillité,  ni  un  ami  en  qui  il  puisse  se  reposer.  Le 
coup  de  fouet  produit  une  meurtrissure;  mais  le  coup  de  langue 
brise  les  os.  Beaucoup  sont  tombés  sous  le  tranchant  du  glaive  ; 
mais  leur  nombre  n'est  pas  à  comparer  à  celui  des  hommes  qui  ont 
péri  par  leur  propre  langue.  Heureux  celui  qui  est  à  l'abri  de  la  lan- 
gue perfide,  qui  n'a  pas  été  l'objet  de  sa  colère ,  qui  n'a  pas  subi  son 
joug,  et  n'a  point  été  chargé  de  ses  liens!  car  ce  joug  est  un  joug  de 
fer,  et  ces  liens  sont  des  liens  d'airain.  La  mort  qu'elle  donne  est  une 
mort  terrible ,  et  le  tombeau  vaut  mieux  qu'elle  (  Eccli.  xxtiit. 
44-25).  Voilà  comment  le  Seigneur  lui-même  parle  de  la  langue 
qui  médit  et  qui  jette  le  trouble  autour  d'elle. 

Le  joug  que  fait  peser  sur  le  prochain  la  langue  médisante  est  un 
joug  de  fer  et  d'airain,  un  joug  pesant,  cruel,  insupportable,  qu'on 
ne  peut  ni  secouer,  ni  briser;  c'est  un  joug  qui  donne  la  mort 

L'Ecriture  compare  la  langue  médisante  à  un  glaive ,  à  un  fouet, 
à  un  joug,  à  la  langue  du  serpent  et  de  la  vipère ,  au  feu  ,  au  lion 
et  au  léopard,  à  la  mort  et  à  l'enfer  ;  pour  montrer  combien  elle  est 
dangereuse,  combien  elle  cause  de  ravages  et  combien  il  faut  la 
craindre,  la  détester  et  se  garder  de  ses  coups. 

Les  médisants,  s'écrie  Jérémie,  ont  tendu  leur  langue  comme 
un  arc ,  afin  de  lancer  le  mensonge;  ils  sont  devenus  forts  sur  la 
terre ,  parce  qu'ils  vont  de  mal  en  mal,  et  ils  ne  m'ont  plus  connu, 
dit  le  Seigneur  :  Extenderunt  linguam  suam  quasi  arcum  vicndacii  : 
confortati  sunt  in  terro ,  quia  demalo  ad  maium  egi^essi  sunt ,  et  me  non 
cognoverunt ,  dicit  Dominus  (ix.  3).  Que  chacun  se  garde  de  son 
voisin  et  qu'il  ne  se  fie  pas  à  tous  ses  frères  ;  car  il  s'en  trouvera  qui 
le  supplanteront  :  Ùnusquisque  se  a  proximo  suo  custodiat ,  et  in  ornai 
fratre  suo  non  habeat  fiduciam  :  quia  omnie  f mter  supplantant  suppian- 
tabit  (  ix.  4  ).  Leur  langue  est  une  flèche  qui  blesse  ;  elle  a  parlé  pour 
tromper  ;  ils  ont  eu  dans  la  bouche  des  paroles  de  paix  pour  leurs 
amis,  et  en  secret  ils  leur  ont  tendu  [les  iéges  :  Sagitta  ruinerons  lin» 
guaeorum,dulum  locutaest:in  ore  suo  pacem  cum  amico  suoloquitur,  et 
occulte  ponit  ci  insidias  (ix.  8).  Tous  les  traits  du  tableau  que  trace  le 
prophète  ont  une  grande  portée.  1°  La  langue  nous  a  été  donnée  ]>ar 
Dieu,  pour  être  un  arc  mis  au  service  de  Ja  vérité  et  de  la  béné  lii  - 

tion;  et  le  médisant  L'emploie  au  mensonge  et  à  la  malédiction 

2°  Les  médisants  sont  forts,  parce  qu'ils  attirent  la  l'ouïe  qui  vient 
à  eux  poussée  ou  par  lu  crainte,  ou  par  la  faiblesse,  ou  par  le  resj    1 1 


rmm.rn ,  et  qu'ils  s'en  font  applaudir 3°  Ils  vont  de  mal  en  mal , 

du  e  médisance  à  une  autre,  d  une  première  et  légère  calomnie,  à 
unr  seconde,  à  une  troisième,  etc.,  toujours  plus  grave  et  plus  cou- 
pable  4°  Us  ne  connaissent  plus  le  Seigneur 5°  Ils  s'efforcent 

de  nuire  à  ceux  qui  les  entourent  et  les  supplantent 6°  En  votre 

présence  ils  semblent  être  vos  amis  et  ils  vous  comblent  de  louange  ; 

en  votre  absence ,  ils  se  font  vos  ennemis  et  vous  déchirent 7°  Ils 

attaquent  les  personnes  qui  sont  de  mœurs  douces  et  pures;  ils  s'en 

moquent  et  les  tournent  en  ridicule 8°  Ils  s'informent  de  tout, 

ils  eAaminent  tout,  ils  veulent  tout  voir,  tout  entendre,  tout  savoir, 
se  mêler  de  tout  et  juger  tout,  afin  de  blâmer,  de  noircir,  de  sup- 
planter, de  se  venger,  de  mettre  en  pièces  et  de  détruire 9°  Us 

sont  pleins  de  malignité,  de  détours,  d'hypocrisie,  de  ruses,  de 
n  en  onges,  d'injustice,  et  ils  se  servent  de  tous  ces  vices  pour  enve^ 
lopper  leur  victime,  la  saisir  et  l'exterminer 

La  langue  médisante  ne  trouve  rien  de  Lien.  Etes-vous  pauvre? 

elle  vous  rend  vil,  abject  et  méprisable Etes-vous  riche?  elle  vous 

accuse  de  cupidité,  d'avarice  et  d'ambition Etes-vous  honnête, 

affable?  elle  vous  traite  d'hypocrite ,  de  traître  et  de  débauché 

Avez-vous  du  talent?  vous  êtes,   dit -elle,  un  homme  vain,  un 

orgueilleux Gardez-vous  le  silence?  elle  vous  représente,  comme 

un  être  borné  et  inutile Parlez-vous?  elle  vous  déclare  bavard, 

ennuyeux,  maladroit,  fatigant Jeûnez-vous  et  vous  mortifiez- 
vous?  elle  vous  appelle  faux  dévot Mangez-vous?  elle  vous 

qualifie  de  vorace,  de  gourmand,  etc 

La  sainte  Ecriture  donne  le  nom  de  dent  à  la  langue  du  médisant^ 
et  avec  raison  ;  car  cette  langue  brise  et  met  en  pièces  la  réputation 
du  prochain,  comme  les  dents  concassent  et  broient  les  aliments. 

Voila,  dit  le  Psalmiste,  voilà  que  les  médisants  ont  tendu  leur  arc;     Méchanceté 
ils  ont  préparé  leurs  flèches,  pour  percer  dans  les  ténèbres  les  cœurs  Qesme  1S  n  *• 
droits  :  Ecce  peccatores  intenderunt  arcum,  paraverunt  sagittas  suas,  ut 
sogittent  in  obscuro  rectos  corde  (x.  2).  Ta  bouche,  ô  médisant,  a  été 
féconde  en  malice,  et  ta  langue  a  fait  entendre  des  paroles  trompeuses. 
Os  tuum  abundovit  malitia,  et  lingua  tua  concinnabat  dolos  (Psal.  xlix. 
49).  Tranquillement  assis,  tu  parlais  contre  ton  frère,  tu  l'éri  geais  en 
s  andale  :  Sedens  adversus  fratrum  tuum  loquebaris,  et  ponebas  scan- 
dalum  (Psal.  xltx.  20).  Les  médisants  sont  contents  des  effets  que 
produit  leur  langue  coupable.  Ils  se  réjouissent,  disent  les  Proverbes, 
lorsqu'ils  ont  fait  le  mal,  ils  tressaiUent  de  joie  dans   les  actes  les 
m,  17 


menisuCce. 


258  iiÎDISANCE. 

plus  iniques  :  Lœtanturcwnmalefecerint,et  exsitltantin  rébus pessimis 
(ir.  U).   Le  désir  des  médisants  est  de  mortiiier,  de  blesser  et  de 

nuire Il  n'existe  pas  d'homme  plus  méchant  et  plus  cruel  qu'eux; 

on  pourrait  sans  hyperbole  les  nommer  des  anthropophages  qui 
vivent  au  milieu  de  nations  civilisées. 

deur  du    Au  jugement  des  hommes  prudents  et  savants  .  beaucoup  de  per- 
sonnes se  damnent  par  le  péché  de  médisance  et  de  calomnie.  La 
médisance  est  d'autant  plus  grave  et  plus  dangereuse  qu'on  y 
chit  moins ,  qu'on  la  prend  pour  une  bagatelle,  ou  qu'on  cL\ 
même  à  l'excuser  sous  couleur  de  zèle 

En  jetant  le  trouble  et  la  division  au  milieu  d'une  société  do 
frères,  les  médisants,  dit  le  vénérable  Bède,  imitent  Judas;  ils 
livrent  J.  C.  :  Cum  societatem  fraternitalis  al/qua  discordiœ 
commaculant ,  Dominum  produnô  (In  Prov.).  Si,  au  jour  du  jugement, 
nous  devons  rendre  compte  à  Dieu,  même  d'une  parole  inutile,  dit 
saint  Bernard ,  combien  sévère  ne  sera  pas  le  compte  qu'il  fan  ira 
rendre  des  mensonges  et  des  paroles  mordantes  et  injurieuses  !  (i) 

Tous  ceux  qui  médisent,  blessent  la  charité,  qui  est  la  reine  des 
vertus  :  or,  sans  la  charité,  tout  le  reste  n'est  rien 

Que  les  médisants  réfléchissent  et  voient  combien  ils  font  de  péchés, 
dit  saint  Grégoire  ;  ils  affaiblissent,  et  souvent  ils  détruisent  l'a 
du  prochain  dans  l'âme  de  ceux  qui  les  écoutent;  ils  sont  les  amis 
et  les  serviteurs  du  démon;  ils  attaquent  Dieu(  Homil.  in  iïcang.), 

La  médisance  est  d'ailleurs  un  mal  presque  irréparable..... 

La  gravité  de  la  médisance  se  mesm-e,  1°  sur  la  qualité  de  celui 
qui  médit...;  2°  sur  celle  de  la  personne  dont  on  médit...;  3"  sur  le 
mal  que  l'on  dit...;  4° sur  le  nombre  des  auditeurs...;  5°  sur  les  effets 
et  1rs  suites  de  la  médisance...;  0'  sur  l'intention  que  l'on  a,  et  la 
passion  qui  sert  de  mobile. 

omHen       On.i.  est  celui  qui  n'ait  pas  péché  par  sa  langue?  dit  l'Ecclésiasli- 
■  ■  i  l' est  . ,  . .  ,  .  _ 

lameuisance.     41"' :  l/UM  est ÇUl  non  aellÇUertt  m  llttgua  sua  (XIX.  17). 

Heureux  celui  qui  est  à  couvert  d'une  langue  médisante,  qui  n'a 
pas  attiré  sur  lui  si  coli  re,  qui  .'a  pas  subi  son  joug,  et  n'a  point 
été  chargé  de  ses  chaînes ,  lit  encore  l'Ecclésiastique  (xxvm.  83)s 

La  médisance  esjt  un  vice  si  généralement  répandu,  qu'on  Je 

(1)  Si  de  verbo  otioso  Deoindie  judirii  rationemreddituri  gninug;  quanto  districlius 
de  verbo  meudaci,  uiordaci,  injorioio  !  (  Serm.  de  Tripl.  custod.  ) 


MÉDISANCE.  2."0 

ut Nul  n'est  à  l'abri  d  s  blessures  produites  par  .  s 

langues  méd'santes,  et  il  est  peu  de  langues  qui  ne  soient  plus 
ou  moins  enclines  à  ce  vice. 

Nous  imitons  les  rats ,  dit  Plaute  ;  nous  nous  nourrissons  presque 
toujours  de  ce  qui  ne  nous  appartient  pas  (ïta  Luertius). 

Peu  de  personnes  renoncent  à  la  médisance ,  dit  saint  Jérôme; 
cette  passion,  qui  pousse  l'homme  à  lancer  sa  langue  sur  les  terres 
d'autrui,  est  universelle.  On  se  corrige  de  tous  les  défauts;  mais  rare- 
ment de  celui-là  (Ad  Celant iam). 

La  médisance  s'exerce  de  cent  manières  :  1°  en  dévoilant  le 
mal...;  2°  en  l'exagérant...;  3°  en  dénaturant  et  en  incriminai, 
actions  du  prochain...;  4°  en  niant  ses  bonnes  intentions...;  o°  en 
diminuant  les  é  loges  que  d'autres  lui  adressent. . .  ;  6°  en  faisant  naitre 
le  doute...;  7°  en  se  taisant  lorsqu'on  devrait  parler...  ;  8a  en  louant 
trop  faiblement...  ;  9°  en  gardant  un  malin  silence...;  10°  par  des 
lettres,  des  écrits,  des  libelles,  des  chansons,  etc 


Davtd  avant  commis  un  double  crime,  un  adultère  et  un  homicide,    .  Le  médî?a; 

fait  son 
le   Seigneur  lui  envoya  le  prophète  Nathan  qui  lui  dit  :   Deux        portrait. 

hommes ,  l'un  riche  et  l'autre  pauvre,  habitaient  la  même  ville.  Le 
riche  avait  des  brebis  et  des  bœufs  en  grand  nombre  ;  mais  le  pau- 
vre n'avait  rien  qu'une  petite  brebis ,  qu'il  avait  achetée  et  nourrie, 
et  qui  avait  été  élevée  chez  lui,  avec  ses  enfants,  mangeant  le  pain 
de  son  maître,  buvant  dans  sa  coupe  et  dormant  sur  son  sein;  et  il 
l'aimait  comme  sa  lille.  Un  étranger  étant  venu  chez  le  riche,  celui- 
ci  ne  voulut  point  prendre  ses  brebis  ni  ses  bc»ufs  pour  lui  donner 
un  banquet;  il  enleva  au  pauvre  sa  brebis,  et  la  fit  servir  de  nourri- 
ture à  l'homme  qui  était  venu  chez  lui Plein  d'indignation  contre 

cet  homme,  David  dit  à  Nathan  :  Vive  le  Seigneur!  L'homme  qui  a 
fait  cela  est  un  fils  de  péché.  Pour  avoir  agi  de  la  sorte  et  n'avoir 
point  épargné  la  brebis  du  pauvre ,  il  lui  en  rendra  quatre  (  IL  Reg. 
xn).  Nathan  dit  alors  à  David:  C'est  vous  qui  êtes  cet  homme: 
vir  (IL  Reg.  xn.  7).  0  David!  vous  condamnez  le  rirhe 
,e  prophète  vient  de  vous  parler;  et  c'est  votre  portrait  qu'il 
traçait  :  Vous  êtes  cet  homme  :  Tu  es  Me  vir.  On  adresserait  avec 
justice  la  même  parole  au  médisant  :  Vous  trouvez,  pourrait-on  lui 

dire ,  vous  trouvez  des  défauts  à  tout  le  monde;  personne  n'est  par- 

iix.  L'êtes-vous  plus  que  d'autres.  Vous  dites  :  Cette 

nné  n'a  point  de  religion;  prenez  garde,  vous  parlez  de  vous  : 

Tues  me  vir;  car  l'apôtre  suint  Jacques  assure  que  celui  qui  ne  met 


2G0  «fÉrtisANCE. 

pas  un  frein  à  sa  lanoue  ,  n'a  qu'une  religion  vaine  :  Si  qnh  putat 
se  religiosum  esse,  non  refrœnans  linguarn  suam,  fo/jus  vana  est  religio 
(i.26).  Vous  accusez  votre  prochain  d'orgueil  ;  mais  c'est  l'orgueil 
qui  vous  fait  parler  ainsi  :  Tu  es  ille  vir;  car,  si  vous  étiez  hum 

vous  ne  jugeriez  personne Vous  dites  que  Pierre  est  imprudent  ; 

mais  ne  voyez-vous  pas  que  vous  manquez  'me  de  prudence 

en  l'attaquant?  Tu  es  ille  vir Paul  est  injuste,  vous  écriez-^ 

où  est  votre  justice  à  vous  qui  le  blâmez  ainsi?  Tu  es  ille  vir.  Jean  se 
livre  à  l'intempérance  ,  dites-vous  encore  ;  mais  qu'y  a-t-il  de  plus 
intempérant  qu'une  mauvaise  langue?  Tu  es  ille  vir.  Vous  accusez 
cet  homme  ou  cette  femme  d'être  sans  charité  :  arrêtez-vous ,  nul 
n'en  a  moins  que  le  médisant;  vous  faites  votre  portrait  :  Tu  es  ille 
vir 

Remarnu^z  que  le  médisant  attaque  toutes  les  vertus,  et  qu'il  n'en 
alui-même  aucune  :  il  attaque  la  religion,  l'humilité,  la  prudence, 
la  justice,  la  tempérance,  la  charité  de  ses  frères  ;  c'est  une  pleine 
évidente  qu'il  n'a  lui-même  ni  religion,  ni  humilité,  ni  prudence  , 

ni  justice,  ni  tempérance,  ni  charité Ainsi,  la  langue  qui  Dagelle 

les  autres  se  flagelle  cruellement  la  première.  Vous  laites  le  poi  trait 
de  tous  ceux  que  vous  connaissez  ;  mais  vous  ne  montrez  que  leurs 
défauts  réels  ou  non;  c'est  à  peine  si,  pour  les  mieux  faire  ressortir, 
vous  laissez  paraître  de  loin  en  loin  quelques  vertus,  affaiblies 
autant  qu'il  vous  est  possible,  afin  de  former  les  ombres  du  tableau. 
Ah!  vous  n'y  pensez  pas;  ce  portrait  menteur  reproduit  en  perfec- 
tion votre  physionomie;  votre  langue  a  surpassé  le  pinceau  le  plus 
habile;  voue  êtes  cet  homme  :  Tu  es  ille  vir. 

Celui  qui  s'applique  à  se  connaître,  loue  les  autres,  dit  l'alLo 
Jean  :  Sui  inspector,  proximi  est  laudator  (  Vit.  Patr.  ). 

En  attaquant  l'honneur  et  la  réputation  de  son  prochain  ,  en  l'ac- 
cusant, le  médisant  s'accuse,  se  condamne  et  se  comre  d'opprobre; 
<-.ar  ,  qu'y  a-t-il  de  plus  honteux  que  d'être  reconnu  pour  médisant  ? 

Vuus  accusez  les  autres;  êles-vous  sans  tarhe  vous-même?  Que  ne 
vous  rappelez-vous  ce  que  J.  C.  dit  aux  Juifs  envieux  et  méchants, 
qui  lui  amenèrent  la  femme  adultère  pour  qu'il  la  jugent ,  afin  de 
Le  juger  lui-même  à  leur  tour.  Que  celui  de  vous  qui  est  sans  péché 
lui  jette  la  première  pierre  :  Qui  sine  peccato  est  vestrum  ,  prim 
illoan  lapident  miltat  (Jeann.  vnr.  7).  Pourquoi ,  leur  dit  ailleurs  le 
eur,  pourquoi  voyez-vous  un  fétu  dans  l'œil  de  \  .  et 

itre  œil?  Ou3  t 

pou\ez-\ous  une  à  \utre  frère  :  Frère,  laissez-moi  ôter  ce  lom  de 


MÉDISANCE.  261 

votre  œil,  ne  voyant  pas  vous-même  une  pnutre  dans  le  vôtre? 
!  crite,  ôtez  premièrement  la  poutre  de  votre  œil;  après,  vous 
songerez  ;i  ôter  le  fétu  de  l'œil  de  votre  frère  (1). 

Ce  qu'il  y  a  de  souverainement  injuste,  c'est  que  le  plus  acharne 
médisant,  qui  veut  et  prétend  avoir  droit  d'attaquer,  de  dénigrer  et 
de  déchirer  le  prochain ,  n'entend  pas  qu'on  se  permette  de  lancer 
contre  lui  la  moindre  parole  blessante.  Il  veut  être  à  la  fois  pariai, 
et  inviolable.  0  aveuglement  1 

Dieu  hait  celui  qui  sème  la  discorde  parmi  des  frères,  disent  les    Dieu  détests 
Proverbes  :  Odit  Dominus  eum  qui  seminat  inter  fratres  discordias    *médisaats, 
(vi.  19).  Or,  qui  est-ce  qui  sème  plus  de  germes  de  discorde  et  de 
désunion  que  le  médisant? 

Celui  qui  médit  est  maudit,  dit  l'auteur  de  l'Ecclésiastique  ^ 
Susutro,  maledictus  (xxvin.  15). 

Le  médisant  et  celui  qui  l'écoute  avec  plaisir  portent  l'un  et  l'autre       II  ne  faut 
Satan  dans  leur  cœur,  dit  saint  Bernard  :  Detractor  et  libens  auditor,    dre  parfuma 
uterque  diabolum  portât  (Serm.  deDetract.).  médisance, 

Prendre  part  à  la  médisance,  c'est  se  rendre  aussi  coupable  que      l'empêcher, 
celui  qui  la  l'ait 

Il  faut  empêcher  la  médisance  autant  qu'on  le  peut Je  punis- 
sais celui  qui  disait  secrètement  du  mal  de  son  prochain,  dit  le  Roi- 
Prophète  :  Delrahentcm  secreto  proximo  suo,  hune  persequebar  (c.  6). 

Saint  Augustin  avait  fait  écrire,  en  gros  caractères,  le  distique 
suivant  sur  le  mur  de  sa  salle  à  manger,  afin  que  tous  ses  convives 
pussent  le  lire  :  Que  celui-là  qui  aime  à  déchirer  les  absents  sache 
que  cette  table  lui  est  interdite  • 

Quisquis  amat  dictis  absentum  rodere  vitam, 
Hanc  inensam  vetitam  noverit  esse  tibi. 

(Possidon.  Vit.  S.  Aug.,c.  xxn.) 

Le  premier  moyen  d'empêcher  la  médisance,  c'est  de  fuir  celui  qui        Moyens 

ivre.  Le  cœur  dépravé  ne  s'est  jamais  attaché  à  moi,  dit  le  P^al-    d),' 
miste;  je  ne  connaissais  point   le   médisant  et  le  méchant;  ils    à\' 

*  *  d  en  !•■ 


. 


(1)  Quid  autem  vides  festucam  in  oculo  Fratris  tui  ,  trabem  autem  ,  qiije  in  oeno 
luo  est,  non  considéras?  Aut,  quomodo  potes  dicere  fratii  tuo  ;  Frater,  sine  ejiguE» 


265 

m'évitaient  :  Non  adhœsit  rmhi  cor  pravum  :  declinantem  a  me  mali- 

gnum  non  cognosccbam  (  i 

Eloignez  de  vous  la  bouche  méchante ,  disent  les  Proverbes,  et 
fuyez  les  lèvres  médisantes  :  Remove  a  te  os  pravum,  et  detrakei 
lohia  sint  procula  te  (  iv.  "24  ).  Ne  fréquentez  point  les  médisants,  car 
leur  ruine  sera  soudaine  :  Cwn  detractoribus  ne  commisceatii,  quoniam. 
repente  consurget  perditio  eorum  (Prov.  xxiv.  21 .  2V2  ). 

Environnez  vos  oreilles  d'une  haie  d'épines,  dit  l'Ecclésiastique; 
n'écoutez  pas  la  langue  perverse,  et  mettez  ta  votre  bouche  une 
porte  et  des  verroux  :  Scpi  aures  tuas  spinis ,  et  linguam  nequatn  noli 
audire ,  et  ori  tuo  facito  ostia  et  seras  (  xx\  m.  2S  ). 

Ne  fréquentez  ni  les  grands  parleurs,  ni  les  médisants,  dit  Socrate 
{  Anton,  in  Meliss.  ). 

Le  second  moyen  d'arrêter  la  médisance  et  de  l'éviter,  c'est  d'user 
d'une  grande  prudence  dans  la  conversation.  Fondez  votre  or  et 
votre  argent,  dit  l'Ecclésiastique,  et  faites  une  balance  pour  vos 
paroles  et  un  frein  solide  pour  votre  bouche  :  Aurum  tuum  et  argen- 
tum  tuum  confia,  et  verbis  tuis  facito  stateram,  et  frœnos  ori  tuo 
rectos  (xxvin.  29).  Et  soyez  attentif  à  ne  point  pécher  par  la  langue  : 
Et  attende  ne  forte  labaris  in  lingua  (Ibid.  xxvm.  30).  Avez-vous 
entendu  une  parole  contre  votre  prochain?  quelle  meure  en  vous, 
et  soyez  bien  sûr  qu'elle  ne  vous  fera  pas  mourir  :  Audisti  verbum 
ad versus  prnximum  tuum?  commoriatur  in  te,  fidens  auoniam  non  te 
disrumpet  (lbid.  xix.  10). 

Ne  souillez  pas  votre  bouche  en  racontant  le  mal  qu'a  fait  autrui, 
dit  saint  Ambroise;  ne  flétrissez  jamais  celui  qui  pèphe,  mais  [dai- 
gnez-le :  De  malo  alieno  non  coinquines  os  tuum;  nunquam  detrahe 
peccanti ,  sed  condole  (  Lib.  I  Offic.  ). 

Le  troisième  moyen,  c'est  de  parler  avec  du^^ui  u  colui  qui 
médit.  Une  douce  réponse  apaise  la  colère ,  disent  les  Prover 

mollis  frangit  iram  (xv.  I  ).  De  là  saint Chrysostome  conclut  , 
qu'il  est  en  notre  pouvoir  de  calmer  les  méchants,  pourvu  que, 
semblables  à  David,  nous  soyonshumbles  et  pleins  de  charité  (JiomiL 
ad  pop.  ). 

Le  quatrième  moyen,   c'est  d'accueillir  la  médisance  par  une 

profonde  tristesse.  Car  si  vous  paraissez  joyeux ,  dit  le  yen   •.:.!•'. 

■ ,  vous  excitez  le  médisant  à  continuer;  tandis  que,  si  vous  lui 

festuram  de  omlo  tuo;  ipse  in  nnilo  tOO  tr&bem  non  vidons?  Ilypocrita  .  ejice  prî— 
iiuim  trabem  do  oculo  tuo;  et  tune perspicies  ut  educas  festuc&m  de  oculo  fralr.t.  lui 
(Luc.  vi.  41.  42). 


MÉDISANCE.  263 

manifestez  de  la  tristesse,  il  cessera  de  dire  avec  plaisir  ce  qu'il  sait 
ne  pas  devoir  être  écouté  de  même  (1). 

[I  y  a  plusieurs  autres  moyens  d'empêcher  et  d'éviter  la  médi- 
sance, c'est  :  1°  de  faire  ouvertement  de  l'opposition  au  médisant, 
de  le  reprendre  avec  force  et  sans  respect  humain...;  2°  de  paraître 
dormir  ou  ne  pas  faire  attention  à  ce  qu'il  dit...  ;  3°  de  changer  la 
conversation...;  A0  de  le  punir,  si  l'on  est  son  supérieur...  ;  5°  de 

lui  faire  apercevoir  sa  faute 6°  L'amour-propre  est  une   des 

sources  de  la  médisance  ;  détruisons-le  dans  notre  cœur,  et  nous  ne 

dirons  de  mal  de  personne 7°  Nous  ne  voyons  si  clairement  les 

défauts  des  autres,  que  parce  que  nous  nous  aveuglons  sur  les 
nôtres  :  ne  l'oublions  pas. 

Du  reste ,  pourvu  que  nous  menions  une  sainte  vie,  gardons-nous 

de  nous  inquiéter  jamais  de  ce  qu'on  pourra  dire  de  nous Pen 

sez  d'Augustin  tout  ce  qu'il  vous  plaira,  dit  ce  grand  docteur,  pourvu 
que  ma  conscience  ne  me  reproche  rien  devant  Dieu,  je  ne  m'in- 
quiète ni  de  vos  paroles  ni  de  vos  jugements  :  Senti  de  Augustino 
quod  libet  :  sola  coram  Deo  comeientia  me  non  accuset  (Lib.  contra 
Second.  Manich. ,  c.  i). 

En  mettant  ces  moyens  en  œuvre  ',  on  arrêtera  et  on  préviendra  ls 
mé  li^ance. 

Mais  comment  réparer  les  suites  qu'elle  a  eues?  C'est  difficile , 
pourtant  ce  n'est  pas  impossible.  Il  faut  :  1°  dire  du  bien  de  la 
personne  dont  on  a  attaqué  la  réputation;  2°  pallier  et  excuser  sa 
faute, ou  justifier  ses  intentions...  ;  3°  dire  qu'eUe  n'avait  pas  assez 
réfléchi...;  4°  avouer  nettement  qu'on'  a  eu  tort...;  5°  surtout 
réparer,  autant  qu'on  le  peut,  les  dommages  qu'on  lui  a  causés 

(1)  Si  hilari  vultu  audiens  detrahentem,  tu  illi  das  fomitera  detrahendi  ;  si  vero 
tri?li  vuUu  hrre  audieris  discit  non  libenter  dicere  quod  didicerit  non  libenter  audit- 
(  In  Seiuttki.'j. 


MÉDITATION, 


><w*nté  rie     /~\  ueique  occupation  qu'elle  ait,  une  personne  consacrée  à  Dieu 
la  médium»»,    à     |  ne  (]((it  jamajà  omettre  sa  méditation;  elle  évitera  ainsi  la 

\--^  tiédeur  et  renouvellera  sa  ferveur Mais  tout  le  monde 

doit  méditer  et  réfléchir.  Les  affaires  temporelles  ne  se  font  pas  sans 
y  penser  ;  le  salut  et  les  affaires  importantes  du  salut  exigent  rigou- 
reusement qu'on  y  songe  et  qu'on  s'en  occupe 

En  voire  présence,  Seigneur,  je  repasserai  par  la  pensée  toutes 
mes  années  dans  l'amertume  de  mon  âme,  dit  le  roi  Ezéchiàs : 
liecofjitabo  tibi  ormes  annns  meos  in  amaritudine  animas  maœ  (Isai. 
xxxviii.  45).  Voilà  notre  modèle. 

Vous  me  demandez  ce  qu'il  faut  faire  pour  être  vraiment  pieux? 
écrivait  saint  Bernard  au  pape  Eugène;  livrez-vous  à  la  méditation  : 
Ouid  sit  pietatis  quœris  ?  vacare  considération}  (  Lib.  Consid.). 

Si  nous  n'avons  soin  de  méditer,  dit  saint  Bonaventure,  toute 
notre  piété  sera  aride,  imparfaite  et  prompte  à  périr  :  Sine  isto  stu- 
dio omnis  nostra  religin  ar:./u  p*t ,  ijni^-frrto,  et  ad  ruifiam  promptior 
'Speculi  ). 

Comme  on  nourrit  le  corps  d'aliments  matériels,  dit  saint  Augus- 
tin, ainsi  l'on  nourrit  et  l'on  entretient  lame  par  les  enseignements 
divins,  la  méditation  et  la  prière  :  Sicut  ex  carnalibus  escis  alitur 
euro,  ita  ex  divinis  eloquiis  et  orationibus  interior  homo  nutritur  et 
pascitur  (De  Ci  vit.  ). 

L'oraison  est  à  L'âme  ce  que  l'eau  est  au  poisson  ,  dit  saint  Chry- 
sostome  :  Orationem  i>!  esse  animœ,  quod  pisci»  est  aqua  (In  PsaL). 

Celui  qui  abandonne  la  méditation,  dit  sainte  Térèse,  n'a  pas 
besoin  du  démon  pour  aller  en  enfer,  il  y  descend  tout  seul  (In 
Médit). 

Comment  connaître  ses  devoirs,  travailler  efficacement  à  son  salut 
et  régler  ses  comptes  avec  Dieu,  sans  la  méditation?... 

J'ai  rté  frappé  comme  l'herbe  fauché  ■.  dit  le  R  ti-Prophète,  et  mon 
exur  s'est  séché ,  parce  que  j'ai  oublié  de  prendre  ma  nourriture 
'c'est-à-dire  de  méditer)  :  Percussus  sum  ut  fœnum,et  uruit  cor 
•neum,qvia  oOlitus  sum  comedere  panem  meum  (ci.  .1). 

Toute  la  terre  est  remplie  de  désolation  ,  dit  Jérémie,  parce  4ue 


MÉDITATION.  265 

personne  ne  réfléchit  dans  son  cœur  :  Desolatione  desolata  est  ornai? 
terra,  quia  nul  lus  est  qui  recoijitet  corde  (xn.  il). 

Les  ordre?  que  je  te  donne  aujourd'hui  seront  dans  ton  cœur,  di 
le  Seigneur  au  peuple  d'Israël,  lu  les  méditeras  assis  dans  ta  maison 
et  marchant  dans  Je  chemin,  et  avant  de  dormir,  et  à  ton  lever.  Et 
tu  les  lieras  comme  un  signe  dans  ta  main,  et  tu  les  suspendras 
devant  tes  yeux  [Deut.  yi.  0-8). 

Jésus-Christ  ,  dit  saint  Luc,  se  retirait  sur  les  montagnes  pour  prier,  Combien  ..  c. 

,  .        et  les  saints 

et  il  passait  la  nuit  entière  à  prier  et  à  méditer  :  Erat  pernoctans  in     ont  médité. 

orat iu-ne  Dei  (  vi.  12).  Les  trente  années  de  la  vie  cachée  et  intérieure 

de  J.  C.  lurent  consacrées  à  la  méditation 

Seigneur,  dit  le  Psalmiste,  je  me  suis  souvenu  des  jours  anciens, 
j'ai  médité  sur  toutes  vos  œuvres  :  Memor  fui  dierum  antiquorum; 
méditât  us  sum  in  omnibus  operibus  tuis  (cxlii.  5).  J'ai  pensé  aux  jours 
anciens  et  j'ai  reporté  mon  esprit  vers  les  années  éternelles  :  Cogitav 
dies  antiquos ,  et  annos  œternos  in  mente  kabui  (Psal.  lxxvi.  5).  Votre 
loi,  Seigneur,  fait  ma  méditation ,  dit  encore  ce  saint  roi  :  Lex  tue 
meditatiomea  est  (Psal.  cxviii). 

La  plupart  des  gens  du  monde  regardent  la  méditation  comme 
une  pratique  de  subrogation;  mais  les  saints  de  tous  les  siècles  en 
ont  jugé  autrement.  Elle  leur  a  paru  dune  immense  utilité  et 
même  d'une  obligation  indispencr.V.j  pour  le  salut.  Aussi  étaient-ils 
très-exacts  à  ce  pieux  exercice;  c'était  pour  s'y  livrer  avec  plus  de 
liberté,  de  facilité  et  de  fruit,  qu'ils  cherchaient  la  retraite,  en  se 
dérobant ,  autant  que  les  devoirs  de  leur  état  le  permettaient,  au 
tumulte  du  siècle. 

Saint  Antoine  se  levait  à  minuit,  priait  à  genoux,  les  mains  éle- 
vées au  ciel;  il  méditait  jusqu'au  lever  du  soleil ,  et  souvent  jusqu'à 
trois  heures  de  l'après-midi.  Quelquefois  il  se  plaignait  de  ce  que  le 
retour  de  l'aurore  le  rappelait  à  ses  occupations  journalières.  Qu'ai- 
je  à  faire  de  ta  lumière  ,  disait-il  au  soleil  lorsqu'il  commençait  à 
paraître  ?  Pourquoi  viens-tu  me  distraire  ?  pourquoi  ne  parais-tu 
que  poui  m'arracher  à  la  clarté  de  la  véritable  lumière?  (Cassian.,, 
Collet.  ) 

L'n  religieux  du  monastère  de  saint  Benoît  avait  pris  l'habitude 
de  sortir  au  moment  de  la  méditation.  Saint  Ben.it  s'en  aperçut; 
mais  il  vit  en  même  temps  un  enfant  noir  qui  tirait  le  moine  parle 
bord  de  sa  robe,  et  l'entraînait  hors  de  l'église.  C'était  Je  déiflôn 
qui,  comprenant  la  nécessité  et  les  avantages  delà  méditation! 


266  MÉDITATION. 

détournait  l'aveugle  religieux  de  ce  saint  exercice  (Surius,  in  ejus 
vit  a). 

Saint  Jean  le  Silenciaire  était  i  aceoutumn  à  la  méditation,  qu'il 
ne  trouvai!  que  vide  et  amertume  en  toute  autre      o  :  (  Vit.  Pair.). 

Lisez  la  vie  des  saints,  vous  les  verrez  tous  fidèle»  à  la  médi- 
tation  

Il  faiiMnoriitcr   La  méditation  démon  cœur  sera  ton  j  ours  en  votre  présence.  Sei- 
souvcnt. 

gneur ,  dit  le  Psalmiste  :  Meditatio  cordis  met  m  conspectu  tuo  semper 

(  xviii.  15).  J'ai  toujours  mon  Ame  dans  mes  main?,  et  v  Are  loi  n'est 

pas  sortie  de  mon  souvenir:  Anima  mcain  manibus  meis  semper  ;  et 

legem  tuamnonsum  oblitus  (Psal.  Cxvnf.  109). 

Je  dors,  mais  mon  cœur  veille,  dit  l'Epouse  des  Cantiques  :  Ego 
dormîo,  etcormeumvigilat  (v.  2). 

Parle  pain  quotidien  que  nous  demandons  à  Dieu  dans  le  Pater , 
on  doit  entendre  d'abord  le  pain  de  la  grâce,  de  la  prière  et  de  la 
méditation 

C'est  le  matin  J)IEtT    ^q^  Dieu ,  s'écrie  le  Prophète  roval ,  ie  vous  cherche  dés 
surtout  qu'il  i  j        j 

fout  se  livrer    l'aurore:  Deus,  Deus  meus,  ad  te  de  luce  vigifo  (lxii.2).  Je  me  suis 

médiUuion      souvenu  de  vous  sur  ma  couche,  et  je  méditerai  vus  merveilles  aux 

premières  heures  du  matin  :  Memor  fui  tui  super  stratum  mevrh  ,  in 

matutinis  mcditaborinte  (  Psal.  lxii.7).  Nous  avo  imblés  lès 

le  matin  de  vos  miséricordes:  Repleti  sumus  mane  misèricordia  tua 

(Psal.  lxxxix.  1-t).  Soigneur,  dès  le  matin  vous  prêt* 

ma  voix;  dès  le  matin  je  me  présenterai  devant  vous  et  je  a  errai  : 

Domine,  mane    exaudies    vocem   meom;  mane  adslabo  tibi  et  videbo 

(I  sal.  v.  4.  5).  Seigneur,  j'ai  poussé  des  cris  vers  vous;  ma  prière 

vous  préviendra  avant  l'aurore  :  Ego  ad  te,  Domine,  clamavi,  et 

m«ne  orotio  mca  ;  te  (lxxxvii.  il).  Seigneur,  l'ai  devancé 

l'aurore  et  j'ai  tourné  mes  yeux  vers  vous,  afin  de  médit<  • 

paroles:  Prœvenernnt  oculi  ihei    i  te  diîuculo ,  ut  meditarer  eloquia 

tun   (Pral.  cxvm.  U8).  ElOVeï  durant  la  nuit  vos  mains  vers  son 

lanetuaire  :  In  noçtHuQ  extoiiite  manus  vestras  in  sancta  (cxxxiTi.  2). 

Le  repo;  de  la  nuit  amène  le  silence,  dit  saint  ;  alors  la 

prière  s'élève  plus  libre  el  plus  pure  :  1\  sopor  inducit silen- 

tium  ;  tune  plane  lécrior  exit,  puri  >  (Lib.  Consid.  ). 

«'.«•lui  qui,  dès  la  mâtin  >  s'éveillera  pour  se  tourner  vers  Dieu, 

sagesse  incréée  ,  n'aura  pas  de       igue  à  ;  car  il  le  trouvera 

asrsisà  sa  porte,  dit  l'Ecriture  {S  p.  vu  15).  Ainsi,  sainte  Madeleine 


MEDITATION.  26"? 

étant  allé"e  au  se'puVrs  avant  l'aurore,  pnur  y  chercher  J.  C.,  mérita 
ressuscité  la  première  et  avant  les  aj  ôtres 

Lofscjtié  tout  reposait  dans  le  silence,  dit  la  Sages-e ,  et  que  la 
nuit  était  au  milieu  de  sa  course,  votre  parole  to  t^-puiss  nte,  Sei- 
gneur, vint  du  ci  1,  le  séjour  de  votre  gloire  :  Cum  q  ietypi  sila 
contincret  omnia,  etnox  in  s><o  cursu  médium  iter  haberii ',  cmuipotens 
o  tuus  de  cœl>  e  regalibus  sedibus  prosilivit  (xvm.  1-4.  15). 

Gé-léon  et  ses  soldats  commencèrent  à  sonner  de  la  trompette  au 
milieu  de  la  nuit,  en  faisant  le  tour  du  camp  de  l'ennemi  ;  et  brisant 
1  ors  vases,  ils  tinrent  de  la  main  gauche  leurs  lampes,  et  de  la 
droite  leurs  trompettes,  et  ils  crièrent  :  lv  criée  du  Seigneur  et  de 
Gédéon!  Alors  tout  le  camp  fut  troublé,  et  poussant  de  grands  cris, 
les  Madianites  s'enfuirent.  Et  le  Seigneur  permit  qu'ils  tournassent 
leurs  épe'es  contre  eux-mêmes,  et  qu'ils  s'entretuassent  (Judic. 
vu).  Un  semblable  prodige  s'opère  en  faveur  de  celui  qui  médite  la 
parole  de  Dieu  au  milieu  de  la  nuit  et  dès  le  matin;  tous  ses  ennemis 
sont  troublés,  dispersés  et  abattus 

Ceux  qui  pensent  à  moi  le  matin ,  me  trouveront ,  dit  le  Seigneur 
dans  les  Proverbes  :  Qui  mime  vigilant  ad  me,  inventent  me  (  vin.  17). 

Dès  le  matin,  dit  lePsalmiste,  j'exterminais  tous  les  impies  :  In 
motutino  inlerficiebam  omnes peccatores  terrœ  (c.  8).  C'est-à-dire,  dès 
le  matin ,  je  chassais  par  ma  méditation  les  démons  et  les  concu- 
piscences  

Il  faut  méditer  chaque  jour,  mais  principalement  le  matin.  En 
effet,  1°  les  prémices  du  jour  et  des  pensées  et  des  actions  doivent 

être  consacrées  à  Dieu 2°  Il  convient  que  tous  les  actes  de  la 

journée  tirent  leur  principe  de  Dieu ,  qu'ils  soient  dirigés  vers  une 
fin  bonne  et  sainte,  et  qu'ils  soient  tous  faits  parfaitement.  Or,  si 
vous  faites  précéder  de  l'oraison  l'œuvre  de  votre  journée,  dit  saint 
Ephrem,  et  que,  sortant  de  votre  lit,  vous  tiriez  d'elle  le  principe 
de  vos  premières  actions,  le  péché  ne  trouvera  pas  entrée«dans  votre 
âme  :  Si  orationem  operi  prœmiseris  ,  et  surgens  e  lecto ,  primorum 
motuum  tuorum  initia  ab  oratione  duxeris ,  aditus  peccato  in  animam 

non  patebit (Serm.  ni.)  3°  Les  anges  louent  Dieu  dès  le  matin; 

le  soleil,  Jes  oiseaux,  les  insectes  et  toutes  les  créatures  font  de  même. 
Qu'y  a-t-il  de  plus  convenable  et  de  plus  beau  pour  l'homme  que 
d'imiter  sur  la  terre  la  conduite  des  anges,  de  faire  oraison  au  lever 
de  l'aurore  et  de  rendre  hommage  au  Créateur  par  des  prjt  res ,  des 
hymnes  et  des  cantiques?...  Ce  serait  une  honte  que  les  rayons  du 
soleil  nous  trouvassent    endormis ,  dit   saint  Ambroise.  Si  vous 


268  MÉDITATION. 

prévenez  son  lever;  si,  quittant  votre  couche,  vous  allez  à  J.  C, soleil 
éternel,  et  que  vous  contempliez  la  vraie  lumière  donnée  au  monde, 

il  vous  éclairera,  il  vous  comblera  de  splendeur  et  de  joie (De 

Offic.  ,  part.  II ,  c.  îv.  )  A"  Les  saints  et  les  sages  ont  toujours  con- 
sacré au  Seigneur  par  l'oraison  les  moments  qui  ont  suivi  leur  lever. 

Excellence     ]tf0If  cœur    ^it  le  Prophète  roval ,  s'est  échauffé  au  dedans  de  moi; 
et  avantages  '  *  J      * 

de  l'oraison,     et  dans  ma  méditation,  le  feu  en  sortira  :  Concaluit  cor  meum  intra 

me,  et  in  meditatione  me  a  exardescet  ignis  (xxwiu.  4). 

Richard  de  Saint-Victor  dit  que  la  méditation  a  sur  le  cœur  les 
mêmes  effets  que  le  feu  sur  le  fer.  De  sa  nature,  le  fer  est  froid  et 
noir;  par  la  force  du  feu,  il  s'échauffe  peu  à  peu,  s'embrase  ,  et 
devient  enfin  du  feu;  tellement  qu*il  se  fond  ,  cesse  d'être  ce  qu'il 
était,  et  change  de  qualité.  Ainsi  en  est-il  de  l'âme  livrée  au* 
divines  ardeurs  de  la  méditation,  et  plongée  dans  la  fournaise  du 
céleste  amour:  elle  s'échauffe,  s'embrase  et  enfin  se  fond  en  Dieu; 
elle  n'est  plus  ce  qu'elle  était  (  De  Homin.  inter.  lnstit.  ). 

Voilà  les  merveilles  qu'opère  la  méditation 

Saint  Thomas  enseigne  que  la  vie  d'oraison  et  de  contemplation 
l'emporte  sur  la  vie  active;  il  en  donne  huit  raisons.  La  première 
est  que  cette  vie  convient  à  ce  que  l'homme  a  en  lui  de  plus  parfait, 
c'est-à-dire  qu'elle  est  conforme  aux  besoins  de  son  intelligence  et 
aux  rapports  qui  existent  entre  lui  et  les  choses  spirituelles  et  iutel- 
iles-  La  seconde  est  qu'elle  peut  se  continuer  plus  facilement 
que  la  vie  active.  La  troisième  est  qu'elle  procure  plus  de  saintes 
consolations;  car,  comme  ledit  saint  Grégoire,  Marthe  se  troublait 
et  Marie  était  assise  à  un  festin  délicieux  :  Martha  ur,  Maria 

eputabatur  (In  Ezech.,lib.  II).  La  quatrième  est  que  L'homme  a  plus 
d'aptitude  pour  la  x ie  contemplative,  et  qu'il  s'y  suffit  mieux, 
parcequ'elle  n'exigeque  pende  chose.  La  cinquième  est  que  la  vie 
contemplative  a  ses  attraits  en  elle-même,  tandis  que  la  vie  active 
tire  ses  jouissances  du  dehors.  La  sixième  es!  qu'elle  consiste  dans  la 
tran<  milité  el  la  paix.  La  septième  est  qu'elle  s'occupe  entièrement 
des  choses  divines,  tandis  que  la  vie  active  s'occupe  des  choses 
humaines.  La  huitième  est  qu'elle  est  plus  conforme  à  l'homme, 
parce  qu'elle  es!  une  vie  d'intelligence  (2.  p.  q.  art.  7  ). 

Tant  qu'ils  ne  se  livrent  pas  aux  œuvres  extérieures  de  la  vie 
active,  les  hommes di  plation,  dit  saint  Grégoire,  se  trou- 

\    it  poui  ainsi  dire  à  la  douce  fraîcheur  de  l'ombre,  parce  qu'ils  ne 
peuvent  sentir  les  auicms  des  tentations.  Comme  ils  *c  îvv . . .  ai  dam 


JUÉDTTATIOtf.  569 

Je  désir  des  chose-  du  ciel ,  plus  ils  sont  éloignés  de  l'amour  du 
monde,  plus  ils  goûtent  de  paix  à  l'ombre  des  rafraîchissements 
dh  in?  (1). 

llien  ne  dmnp  autant  de  force  à  l'âme  que  la  méditation.  Avec 
son  secours  elle  chasse  les  démons  ,  dissipe  les  tentations  et  triomphe 
de  tout 

Par  la  méditation  ,  on  aperçoit  les  dangers  qui  menacent,  et  on  les 
é\ife;  1rs  ennemis  du  salut,  et  on  les  fuit:  la  laideur  du  péché,  et 
on  s'en  préserve;  la  beauté  de. la  vertu  ,  et  on  la  pratique;  la  mort, 
et  on  s'y  prépare;  le  jugement,  et  on  le  rend  miséricordieux, 
l'enfer,  et  on  s'y  soustrait;  le  ciel,  eton  le  conquiert 

La  méditation  purifie  lame,  dit  saint  Bernard;  puis  elle  gouverne. 
les  affections,  dirige  les  actes  ,  corrige  les  excès,  forme  les  mœurs, 
rend  la  vie  pure  et  bien  ordonnée;  enfin  elle  donne  également  la 
science  des  choses  divines  et  humaines.  C'est  elle  qui  éclaircit  ce  qui 
est  confus,  qui  réprime  les  désirs  violents,  qui  réunit  ce  qui  est 
6[  ars ,  qui  explore  les  replis  secrets  de  L'âme,  qui  cherche  la  vérité , 
qui  examine  ce  qui  n'est  que  probable,  qui  met  à  nu  ce  qui  est 
faux  et  coloré  d'apparences  trompeuses.  C'est  elle  qui  règle  d'avance 
ce  qu'il  faut  faire,  qui  passe  en  revue  la  conduite  de  la  veille,  afin 
qu'il  n'y  ait  dans  l'âme  rien  qui  ne  soit  convenable  ou  qui  doive  être 
corrigé.  C'est  elle  qui ,  dans  les  jours  prospères,  prévoit  l'adversité 
et,  dans  les  jours  difficiles,  met  l'homme  au-dessus  du  malheur  : 
supporter  celui-ci  est  l'œuvre  de  la  force;  le  prévoir,  est  celle  de  la 
prudence  (2). 

Mon  Seigneur  et  mon  Dieu ,  s'écrie  sainte  Térèse ,  vous  qui  faites 
la  joie  des  anges,  je  ne  puis  penser  aux  avantages  de  converser  avec 
vous  par  l'oraison,  sans  désirer  de  fondre  comme  la  cire  au  feu  de 
votre  divin  amour.  Ah!  combien  votre  bonté  est  grande,  puisque 
vous  supportez  et  que  vous  prévenez  même  de  vos  faveurs  une 


(1)  Ilujns  conrersationis  viri,  dum  ad  exteriora  opéra  activa;  vitae  non  exeunt, 
quasi  in  ambra  sunt  :  quia  incendia  tentationum  senlire  non  possunt.  Quia  enim  in 
cœlesti  desiderio  requiescunt,  quo  longius  amoti  sunt  ab  amore  mundi,  eo  quietiores 
manent  in  unibra  refrigerii  (  In  Ezech.,  lib.  II  ). 

(2)  Mentent  purificat  consideratio;  deinde  régit  affectus,  dirigit  actus,  corrigit 
eicessus,  componit  mores,  vitam  honestat  et  ordintft;  postremo  divinarum  pariter  et 
humanarum  rerum  scientiam  confert.  Hpec  estqua;  confusa  disterminat,  biantia  cpgit, 
gparsa  colligit,  sécréta  rimalur,  \era  vestigat,  vcrisimilia  examinât,  ficta  et  fucatâ 
explorai.  H.ic  est  quae  agenda  praordinat,  acta  recogitat,  ut  nihil  in  mente  resideat 
aul  incorrecluin,  nul  correctione  eiren*.  Hoc  est  qu«  in  prosperis  adversa  prasenlit, 
in  adversiâ  quasi  non  sentit  :  quorum  alterum  ^"^Udiuis  est,  alterum  prudeuliue 
(Lib.  Ide  Cousid.,  c.  vu). 


270  SCêDITATTON. 

créature  aussi  imparfaite  et  aus  i  coupable  que  l'homme.  Vous  lui 
tenez  compte  des  momeDts  où  il  vous  tén  o '.  ne  de  l'amour,  et  un 
léger  repentir  vous  fait  oublier  toutes  ses  fautes.  Je  l'ai  éprouvé 
moi-même,  ô  mon  Dieu!  Et  je  ne  comprends  pas  comment  tout  le 
monde  ne  s'approche  pas  de  vous  pour  avoir  part  à  votre  amitié  ! 
{In  ejus  vit  a.) 

Comme  sainte  Térèse  fut  principalement  redevable  de  son  salut 
au  saint  exercice  de  l'oraison,  elle  emploie  les  plus  touchantes 
exhortations  pour  porter  les  autres  à  suivre  la  même  voie.  Elle  les 
conjure,  au  nom  de  Dieu,  de  ne  pas  se  priver  des  grands  avant 
qu'ils  trouveront  dans  la  méditation ,  les  assurant  que ,  pourvu  qu'ils 
persévèrent,  ils  en  éprouveront  tut  ou  tard  les  heureux  effets  (  In  suis 
scriptis  de  Médit.  ). 

il  laut  vaincre   g^i^i  Bernard  indique  quatre  obstacles  à  la  méditation ,  mais  qu'on 

bbstacleg  T  .  „,  , 

qui s'opnosent  peut  vaincre.  Le  premier  est  d  avoir  la  te*e  soutirante;  le  second, 

médttatiou.    d'être  plongé  dans  les  soucis;  le  troisième,  l'état  de  découragement 

où  se  trouve  souvent  le  pécheur  ou  le  scrupuleux;  le  quatrième  ,  les 

illusions  qui  assiègent  et  fatiguent  l'imagination  (  Lih.  de  Coksid.)* 

A  ces  quatre  obstacles  on  peut  ajouter  les  suivants:  1  o...* 

2°  la  tiédeur...;  3°  l'aveuglement...;  4°  les  vains  prétextée  :  on  n'a 

pas  le  temps...;  on  ne  sait  pas  méditer...;  la  méditation  est  le  propre 

personnes  consacrées  à  Dieu...;  le  temps  y  dure  trop...;  on  n'en 

aie  aucun  profit 

Tous  ces  obstacles  peuvent  être  facilement  surmontas 

Sainte  Térèse  dit  que  rien  ne  doit  faire  renoncer  à  la  méditation, 
quelque  dégoût  que  l'on  puisse  éprouver  d'abord,  quelques  distrac- 
tions que  l'on  ait  et  quel  |ues  fautes  que  l'on  y  commette.  Celte  illustre 
amante  de  J.  G.  ne  dissimule  pas  les  aridités  et  les  sécheresses  qui 
surviennent  souvent  dans  la  prière  et  la  méditation.  Pendant  les 
premières  années  où  j'ai  consacré  une  heure  à  l'oraison,  dit-elle,  il 
m'est  arrivé  de  souhaiter  avec  tant  d'ardeur  d'en  voir  arriver  la  iin, 
que  j'étais  plus  attentive  à  écouter  quand  l'horloge  sonnerait,  qu'à 
I  ursuivre  le  sujet  de  ma  méditation;  et  il  n'y  a  point  de  pénite 
quelque  rigoureuse  qu'elle  fût,  que  je  n'eusse  souvent  p  i 

peine,  que  ié  ressentais  I  r-  ii  il   fallait  mu  retirer  pour  prie. 
tristesse  que  j'éprouvais  alors,  en  entrant  dans  l'oratoire,  était  si 
grande  ,  oùej'avais  besoin,  pour  m'j  résoudre,  de  tout  le  co 
que  Dieu  m'a  âà  -  euh        \  ,    , 

après  m'être  luit  cette  violence,  je  nie  trouvais  uans  un  jjiu»  grand 


MÉDITATION.  271 

calme,  et  dan?  une  jouissance  plus  douce  et  plus  -rnis^lc.  mio  bien 
is  bà  j'avais  senti  de  l'attrait  pour  la  prière.  Que  si  Dieu  m'a 
soufferte  pendant  si  longtemps ,  moi  qui  suis  si  imparfaite  et  si 
coupable  ;  et  s'il  parait  clairement  que  c'est  par  l'oraison  qu'il  a 
remédié  à  tous  mes  maux,  quelle  autre  créature, quelque  méchante 
qu'elle  soit,  pourra  craindre  d'en  pratiquer  les  exercices,  piùV  j 
je  ne  crois  pas  qu'il  s'en  trouve  qui,  après  avoir  reçu  tant  de  grâces. 
ait  été  aussi  ingrate  que  je  l'ai  été. 

UeJui,  dit -elle,  qui  commence  le  saint  exercice  de  l'oraison  doit 
s'imaginer  qu'il  entreprend  de  faire,  dans  une  terre  stérile  et  pleine 
de  ronces  et  d'épines,  un  jardin  agréable  à  Dieu  qui  seul  peut  arra- 
cher les  mauvaises  plantes,  pour  y  en  substituer  de  bonnes.  Or,  on 
doit  croire  que  cela  est  fait,  quand  après  avoir  bien  résolu  de  prati- 
quer l'oraison  ,  on  s'y  exerce,  et  qu'à  l'exemple  des  bons  jar  iiuiers, 
on  arrose  ces  nouvelles  plantes  pour  les  empêcher  de  mourir,  et  leur 
faire  produire  des  fleurs  dont  le  parfum  invite  notre  divin  Maître  à 
venir  souvent  se  promener  dans  le  jardin  ,  et  prendre  plaisir  à  en 
considérer  les  fleurs,  qui  ne  sont  autre  chose  que  les  vertus  dont  nos 
âmes  sont  parées.  Reste  à  voir  maintenant  de  quelle  manière  on  peut 
arroser  ce  jardin,  comment  on  y  doit  travailler,  si  ce  travail 
édera  point  le  profit  que  l'on  a  droit  d'en  attendre,  et  combien 
de  temps  il  doit  durer.  Un  jardin  peut  être  arrosé  de  quatre  manières 
différentes  :  ou  en  tirant  de  l'eau  d'un  puits,  ce  qui  se  l'ait  avec  beau- 
coup de  travail  de  notre  part;  ou  en  faisant  venir  par  des  conduits 
l'eau  qu'on  a  tirée  avec  une  roue;  ou  en  détournant  l'eau  d'une 
rivière,  ou  d'un  ruisseau,  par  le  moyen  de  canaux,  ce  qui  exige 
moins  de  travail  et  arrose  bien  mieux  tout  le  jardin  ;  ou  enfin  par 
une  bonne  pluie  ,  et  alors  c'est  le  maitre  même  qui  arrose  sans  aucun 
travail  de  notre  part,  ce  qui  vaut  incomparablement  mieux  que 
toutes  les  autres  manières  d'arroser  (In  ejus  seriptis  de  Médit.  ). 

Le  père  Alvarez  assigne  quinze  degrés  à  la  méditation  ,  ou  contem-  Quels  ?ont  Ex- 
piation. Le  premier  est  l'intuition  de  la  vérité...;  le  second,  la        delà 
retraite  des  forces  dans  l'intérieur   de  lame...;   le  troisième,  le     meauation- 
silence  spirituel...;  le  quatrième,  la  quiétude...;    le  cinquième, 
l'union  a\ec  Dieu...;  le  sixième,  l'audition  du  langage  de  Dieu...; 
le  septième,  le  sommeil  spirituel...;  le  huitième,   l'extase...;  le 
neuvième,  Je  ravissement...  ;  le  dixième  ,  l'apparition  corporelle  de 
J.  C.  et  des  saints...;  le  onzième  ,  l'apparition  en  esprit  de  J.  C.  et 
des  saints...;  le  douzième,  la  vision  intellectuelle  de  Dieu...;  le 


272  MÉDITATION. 

treizième ,  la  vision  rie  Dieu  accompagnée  d'nne  certaine  obscurité.,.; 
le  quatorzième,  la  manifestation  de  Dieu  à  un  degré  admirable...; 
le  quinzième,  la  vision  claire  et  intuitive  de  Dieu,  qui ,  selon  s.vnt 
Augustin  et  d'autres  docteurs,  fut  accordée  à  saint  Paul,  lorsqu'il  se 
trouva  ravi  jusqu'au  troisième  ciel  (  De  Medtt.). 

il  y  a  «rois     Il  y  a  trois  principales  sortes  d'oraison  :  1°  l'oraison  purgative,  par 

sortes        laquelle  on  passe  en  revue  ses  pèches ,  on  les  déplore  ,  on  s'en  repent 
d'oraison.         ..,        , 

etl  on  s  en  corrige 

2  '  L'oraison  illuminative ,  par  laquelle  on  s'applique  à  comprendre 
ce  qu'est  la  vertu,  sa  beauté,  son  excellence  et  sa  nécessité 

3°  L'oraison  unitive,  par  laquelle  on  s'unit  étroitement  à  Dieu  dans 
l'amour  et  le  bonheur. 

Pour  arriver  à  l'oraison  unitive,  il  faut  passer  par  les  deux 

autres Les  deux  premières  sont  nécessaires;  la  troisième,  qui 

dépend  entièrement  de  la  volonté  de  Dieu ,  ne  l'est  pas.... 

Ce  qu'il  faut    Pour  bien  méditer ,  il  faut  employer  les  trois  facultés  de  l'âme  r 
rien  méditer    1°  la  mémoire  à  se  bien  rappeler  le  sujet  que  l'on  s'est  proposé; 

2°  l'intelligence  à  l'approfondir. ..;   3u  la  volonté  à  pratiquer  les 

devoirs  uu  tei  obligation  qui  en  découlent. 


MELANGE  DES  BOSS  El  DES  MECHANTS- 


V 


ous  avez  entendu  que  l'antechrist  vient,  dit  l'apôtre  saint      LeanoTii 
Jean,  mais  il  y  a  dès  maintenant  plusieurs  antechrists.  Us  sont    être  uni    1 1 
sortis  d'au  milieu  de  nous,  mais  ils  n'étaient  point  desnôtres;       avec  les 


car  s'ils  avaient  été  des  nôtres,  ils  seraient  demeurés  avec  nous; 
mais  cela  est  arrivé  afin  qu'il  soit  évident  qu'ils  n'étaient  point  des 
nôtres  [1). 

L'amertume,  dit  saint  Cyprien,  ne  peut  s'unir  à  la  douceur  ;  les 
ténèbres,  à  la  lumière;  la  pluie,  au  beau  temps;  la  guerre,  à  la  paix; 
la  stérilité,  à  la  fécondité  ;  la  sécheresse,  à  l'eau;  la  tempête,  au  calme 
(Lib.  I,  epist.  vm).  Ainsi  les  méchants  ne  peuvent  être  unis  aux 
bons,  les  uns  et  les  autres  étant  séparés  de  loi,  d'espérance,  d'aiiec- 
tion,  de  mœurs,  de  langage  et  de  conduite 

Les  bons  et  les  méchants  forment  deux  armées;  celle-ci  est 
l'armée  du  démon  ,  celle-là  l'armée  de  Dieu.  Cette  séparation  se  fit 
dès  le  commencement  parmi  les  anges 

Dans  le  corps  de  J.  C,  qui  est  l'Eglise,  dit  saint  Augustin,  les    jJJ^Kmti 

méchants  se  trouvent  mêlés  avec  les  bons ,  comme  les  mauvaises  se  trouvent-Us 
humeurs  le  sont  dans  le  corps  de  l'homme;  lorsqu'il  les  rejette,  lestons? 
le  corps  se  porte  bien ,  et  ne  perd  rien  de  ce  qui  lui  appartient.  De 
même ,  lorsque  les  méchants  se  séparent  du  corps  de  J.  C. ,  on 
reconnaît  quelle  est  la  véritable  Eglise ,  et  quels  sont  les  bons.  Et 
lorsqu'elle  vomit  les  méchants  et  qu'elle  les  rejette  de  son  sein, 
l'Eglise  dit  :  Ceux-ci  sont  sortis  d'avec  moi,  mais  ils  n'étaient  point 
dos  miens  (Serin,  ixxvni  ). 

Ne  croyez  pas ,  dit  saint  Augustin ,  que  ce  soit  sans  motif  qu'il  se    D?0W9JUJel 
trouve  des  méchants  dans  le  monde ,  et  que  Dieu  ne  puisse  en  tuer  qu'u  y  ait  des 

i  •  .,-!<•.  •  -5  -     ~,.      méchants  ? 

aucun  bien  :  tout  méchant  vit ,  ou  pour  arriver  a  se  corriger,  ou     A  quoi  ils 
pour  servir  à  éprouver  les  bons  (2).  servent. 

(1)  Audistis  quia  antichristus  venit  :  et  nunc  antichristi  multi  factisunt Ex  nobis 

prodierunt,  sed  non  erant  ex  nobis:  nam,  si   fuissent  ex  nobis ,  permansissent  uti- 
que  Bobiscum  ;  sed  ut  manifesti  sint  quoniam  non  sunt  omnes  ex  nobis  (I.  u.  18-19). 

(2)  Non  puitiis  gratis  malos  esse  in  hoc  mundo,  et  nihilboni  de  illis  agere  Deum: 
oninis  malus,  aut  ideo  vivit  ut  corrigatur,  aut  ideo  vivit  ut  per  illura  bonus  exer- 
eeatur  [Serin.  Lxxvnt). 

m.  18 


274  MÉLANGE  DES  BONS  ET  TES  MÉCHANTS. 

Etant  la  bonté  même,  Dieu,  dit  le  même  Père,  ne  permettrait 
pas  le  mal,  s'il  n'était  assez  puissant  pour  en  tirer  du  bien  :  Nec 
sineret  bonus  ficri  maie ,  nisi  omnipotens  et  de  malo  facere  posset  bene 
(Enchirid.,  c.  c). 

11  appartient,  dit  Boëce,  il  appartient  à  la  puissance  divine  seule 
de  faire  que  les  maux  eux-mêmes  deviennent  des  biens;  car,  s'en 
servant  d'une  manière  convenable ,  elle  en  tire  un  bon  résultat  :  Sola 
est  diviaa  vis,  cui  mala  quoque  bona  sint  ;  cum  eis  competenter  utendu, 
alicujus  boni  elicit  effectum  (De  Consolai,  lib.  IV). 

Dieu  permet  le  péché  et  la  chute  d'Adam.  Sans  la  puissance  et  la 
bonté  du  Créateur,  tout  était  perdu  pour  l'homme;  mais  déployant 
ces  deux  divins  attributs,  Dieu  promet  un  rédempteur  qui  ! 
rera  au  centuple  Finjure  laite  à  la  divinité  par  le  péché  ;  et  le  mal- 
aeur  de  l'homme  tourne  à  son  bonheur  et  à  sa  gloire.  Ce  qui  l'ait 
que  l'Eglise,  clans  la  bénédiction  du  cierge  pascal,  chante  ces  paroles: 
0  felix  culpa,  quœ  talem  ac  tantum  meruit  habere  liedemptorem  !  0 
heureuse  faute,  qui  nous  a  valu  un  tel  et  si  grand  Uéilempteur  I 

11  n'y  a  jamais  eu  et  il  n'y  aura  jamais  de  crime  plus  grand  que 
\e  crime  des  Juifs  mettant  à  mort  J.  C.  Or,  de  ce  déicide,  Dieu  a  tiré 

le  salut  de  l'univers  et  une  gloire  infinie Les  tyrans  et  les  bouff* 

reaux  qui  ont  tourmenté  et  brûlé  vils  les  martyrs,  ont  commis  des 
crimes  atroces;  mais  Dieu  lésa  l'ait  tourner  à  sa  gloire, au  triomphe 
sublime  des  martyrs  et  à  leur  récompense. 

Dans  la  xxme  homélie  sur  les  Nombres.  Ottgene  dit  textuelle- 
ment :  Ici-bas,  les  choses  sont  disposé*-*  île  manière  qu'il  n'y  ait 
i-iiii  d'inutile  pour  Dieu,  même  le  mal.  Dien  ne  lait  pas  le  mal, 
cependant  il  ne  t'empêche  pas,  bien  que  cela  lui  soft  facile  ;  mais  il 
s'en  sert,  ainsi  que  de  ses  auteurs,  pour  des  choses  avantageuses. 
Car,  par  les  méchants,  il  éprenne  et  fait  briller  ceux  qui  se  sont 
proposé  pour  but  d'arriver  à  la  gloire  incomparable  dte  la  vertu. 
Si  la  malice  des  uns  était  détruite,  les  vertus  des  autres  ne 
seraient  pas  aussi  berniques  ni  aussi  resplendissantes;  si  la  vertu 
n'était  p^âS  éprouvée,  'die  ne  serait  pas  aussi  grande,  aussi  frap- 
pante m  aussi  méritoire.  Que  dis-je?  la  vertu  qui  ûe  fiasse  pas 
par  le  creuset  n'est  plus  \ertu.  Drij^ene  ôi te  Joseph  à  l'appui 
qu'il  enseigne.  Otez,  dit-il ,  la  malice  des  frères  de  Joseph,  ôtez  leur 
envie,  ùtez  tous  les  crimes  par  lesquels  ils  ont  aijreuvé  d'amer 
leur  bon  vieux  père;  Bupp  wz  qu  ils  n'aient  pas  vendu  l< 
et  voyez  combien  vous  enlevez  à  Dieu  d'actions  qui  ont  signalé*  la 
puissance  de  son  bras.  Car  alors  il  n'existe  plus  rien  de  tout  ce  que 


MÉLANGE  DES  BONS  ET  DES  MÉCHANTS.  275 

I  a  fait  de  grand  en  Egypte,  non-seulement  par  Joseph,  mais 
aussi  par  Moïse  ,  afin  de  procurer  le  salut  et  la  gloire  de  son  peuple. 
e  et  toutes  les  nations  voisines  auraient  péri  par  la 
famine;  Israël  lui-même  eût  subi  le  même  sort.  Les  grandes  et 
miraculeuses  plaies  d'Egypte  n'auraient  pas  eu  lieu;  la  puissance 
merveilleuse  que  Dieu  a  déployée  par  Moïse  eî  Aaron  ne  l'eût  pas 
été.  Personne  n'aurait  passé. la  mer  Rouge  à  pied  sec:  personne  no 
serait  entré  dans  la  terre  promise  ;  la  manne,  ce  pain  miraculeux 3 
ne  serait  pas  tombée  du  ciel;  les  rochers  arides  n'auraient  pas  laissé 
échapper  d'abondantes  sources  d'eau  vive ,  et  la  loi  n'eût  pas  été 
donnée  par  Dieu  aux  hommes  sur  le  mont  Sinaï.  Origène  continue  : 

us  ôtez  la  malice  et  la  trahison  de  Judas ,  vous  ôtez  également 
la  passion  et  la  croix  de  J.  C.  Or,  la  croix  n'existant  pas,  les  princi- 
pautés et  les  puissances  infernales  ne  sont  pas  dépouillées,  elles  ne 
so.  t  pas  abattues,  il  n'y  a  point  de  triomphe  sur  elles  par  l'arbre 
sacré  i!e  la  rédemption.  Si  J.  G.  n'était  pas  mort,  sa  résurrection  et 
la  nôtre  n'auraient  pas  eu  lin.  Otez  le  péché,  ôtez  la  malice  du 
émon,  vous  nous  ôtez  le  combat  contre  les  pièges  de  l'enfer,  et  le 
combat  man  ]uant,  nous  n'avons  plus  à  attendre  la  couronne  de  la 
victoire.  Si  nous  n'avions  point  d'adversaires,  il  n'y  aurait  point  de 
persécuteurs,  point  de  récompenses  par  conséquent  pour  les  mar- 
tyrs victorieux;  le  ciel  ne  serait  pas  préparé  pour  les  vainqueurs ,  et 
ce  moment  de  tribulation  dont  parle  saint  Paul  ne  serait  plus  cou- 
ronné d'un  poids  immense  de  gloire  éternelle.  C'est  donc  chose  vrai- 
ment et  infiniment  merveilleuse  que  Dieu  se  serve  d'instruments 
mauvais  et  réprouvés  pour  un  ouvrage  bon  et  parfait. 

Le  bien  lutte  contre  le  mal,  la  vie  contre  la  mort,  dit  l'Ec- 
clésiastique ,  et  le  pécheur  contre  le  juste  :  Contra  malnm  bonum 
est ,  et   contra  mortem  vita  ;   sic  et  contra  virum  jvstum   peccator 

ai.  lo). 
Pourquoi  parmi  les  hommes  Dieu  en  choisit-il  qu'il  bénit  et  qu'il 
sanctifie;  pourquoi  en  laisse-t-il  d'autres,  les  méchants,  les  impies, 
du  s  un  état  de  perdition,  les  maudissant  et  les  renversant?  Uieu 
agit  ainsi  pour  plusieurs  raisons:  1°  afin  que  les  hommes  pieux  se 
trouvent  en  opposition  avec  les  impies,  et  que  la  piété  soil  victo- 
rieuse de  l'impiété...;  2>  afin  qu'à  la  vue  du  eléshonneur  et  de 
l'infamie  qui  accompagnent  l'impie  et  l'impiété,  nous  remarquions 
mieux  l'honneur,  la,  dignité,  lu  beauté*  l'excellence  et  la  gloire  de 
lli  me  vertueux  et  de  la  venu...;  3°  afin  de  manifester  dans 
les  bons  et  les  saints  les  richesses  de  sa  miséricorde  et  de  sa  grâce; 


276  MÉLANGE  DES  BONS  ET  DES  MECHANTS. 

>-t  dans  les  méchants  et  les  réprouvés  la  puissance  de  sa  sévérité,  de 
-i  justice  et  de  sa  vengeance 

Saint  Augustin  enseigne  que  les  animaux  nuisibles  sont  avanta- 
geux à  l'homme,  soit  pour  le  punir  justement, soit  pour  l'exercer 
d'une  manière  salutaire,  soit  pour  l'éprouver  utilement,  soit  pour 
l'instruire  sans  le  savoir  :  Ipsum,  aut  pœnaliter  lœdunt,  aut  salubriter 
exercent,  aut  utiliter probant ,  aut  ignoranter  docent  ( De Civit.  Dei ). 
On  peut  en  dire  autant  des  méchants. 

Le  grand  évêque  d'Hippone  est  de  l'avis  d'Origène;  il  ensoigne 
que  le  mal  du  péché  tourne  au  bien  de  l'homme  et  de  l'univers 
soit  parce  que  ,  comparée  au  vice ,  la  vertu  resplendit  davan- 
tage ;  soit  parce  que  le  mal  de  la  faute  est  le  principe  du  châti- 
ment qui  est  un  bien  ;  soit  parce  que  ce  mal  porte  l'homme  à  faire 
pénitence  et  Dieu  à  lui  pardonner.  Ainsi  le  venin  guérit  le  mal  qu'il 
cause;  le  remède  de  la  vipère  est  dans  la  vipère  elle-même,  qui  perd 
Bon  venin  lorsqu'on  la  tue  et  qui,  en  mourant,  laisse  à  l'homme  un 
spécifique  destiné  à  guérir  Ips  ravages  qu'elle  a  produits  (De  lib.  Arb., 
lib.  III,  c.  ix.  —  De  Civit.  Dei,  lib.  XXII). 

La  mort  de  J.  G.  a  été  le  remède  de  notre  mort;  car  la  mort  de 
J.  C.  a  tué  la  mort  de  l'âme  et  nous  a  donné  la  vie  éternelle.  D'après 
le  môme  principe,  il  faut  chercher  le  remède  de  toute  adversité 
et  de  toute  croix  dans  l'adversité  et  dans  la  croix;  mais  surtout  dans 
la  croix  de  J.  G 

Dieu,  dit  saint  Augustin,  n'aurait  pas  créé,  je  ne  dis  pas  un  seul 
auge ,  mais  même  un  seul  homme,  qu'il  eût  prévu  devoir  être 
mauvais  et  méchant,  s'il  n'eût  pas  su  de  quelle  manière  il  s'en  servi- 
rait pour  l'avantage  des  bons,  et  qu'il  ferait  ainsi  de  l'ordre  des 
siècles  un  hymne  admirable  à  sa  providence  (I). 

On  voit  combattre  d'un  côté  la  pudeur,  dit  saint  Isidore ,  de  l'au- 
tre la  fureur;  d'un  côté  la  pureté,  de  l'autre  les  vices  impurs;  d'un 
cûu'  l.i  fidélité  j  de  l'autre  la  fraude;  d'un  côté  la  vertu,  de  l'autre  le 
crime;  d'un  côté  la  constance,  de  l'autre  la  cruauté;  d'un  côté 
l'honnêteté,  de  l'autre  le  déshonneur;  d'un  côté  la  continence,  de 
l'autre  la  lubricité  la  plus  effrénée;  ici  l'équité,  la  justice,  la  tempé- 
rance, l'héroïsme,  la  prudence  et  toutes  les  vertus;  là  l'iniquité, 
.'injustice,  les  eïote,  la  lâcheté,  la  témérité  et  tous  les  vices.  On 


(1)  Ncqne  pnim  L)eus  ullum  .  non  dico  anfrrlnrnin  ,  scd  vel  hominum  crcaret, 
qu&ni  mal  uns  liiturinn  esse  presci  -  I  ,  nisi  pariter  nosset,  qu  lui-  <os  bonoruiii  uii- 
bus  Commodaret;  atque  ila  ordiuem  seculorum,  tauquam  uulcb.orriinuiu  canueu , 
boncstaret  (Lib.  Il  Civit.,  c.  xvm  ). 


MELANGE  Ï»ES  BONS  ET  DES  MÉCHANTS.  277 

voit  se  heurter  l'abondance  et  la  pauvreté ,  le  bon  sens  et  la  folie , 
l'espérance  et  le  désespoir.  Spectacle  sublime  que  cette  lutte  des 
bons  contre  les  méchants!  Spectacle  honteux  et  cruel  que  ce  combat 
des  méchants  contre  les  bons!  Les  attaques  des  méchants  donnent 
aux  bons  des  vertus  fortes  et  persévérantes  ;  elles  leur  procurent  une 
mort  qui  les  conduit  au  ciel,  des  mérites  sans  nombre,  de  riches 
couronnes  et  une  gloire  intinie.  Elles  donnent  aux  bons  Dieu  lui» 
même  pour  héritage  éternel  (Lib.  II  Origin.,  c.  i). 

Aimons  à  le  répéter  :  s'il  n'y  avait  pas  eu  des  méchants,  J.  C.  ne 
serait  pas  mort...;  s'il  n'y  avait  pas  eu  des  méchants,  des  millions 
de  martyrs  n'auraient  jamais  eu  l'honneur,  la  gloire  et  les  récom- 
penses qu'ils  ont  obtenues...;  sans  le  péché,  la  virginité  n'aurait 
pas  de  mérite 

Les  maux  tournent  à  l'avantage  des  bons  ;  et  les  biens  au  désavan- 
tage des  méchants.  La  croix  sur  laquelle  Aman  fut  attaché  fut 
à  la  vérité  un  mal  pour  lui;  mais  elle  fut  le  salut  et  la  vie  des 
Hébreux,  tant  la  providence  de  Dieu  est  industrieuse,  puissante  et 
efficace.  C'est  ce  qui  a  fait  prononcer  à  saint  Augustin  ces  admirables 
paroles  :  Les  œuvres  du  Seigneur  sont  grandes,  elles  répondent  à 
toutes  ses  volontés;  tellement  que  par  une  manière  merveilleuse  et 
ineffable,  rien,  même  ce  qui  se  fait  contre  la  volonté  de  Dieu,  ne 
se  fait  en  dehors  de  cette  volonté  :  car  cela  n'arriverait  pas,  s'il  ne 
le  permettait.  Il  ne  laisse  pas  les  événements  se  produire  malgré 
lui;  ils  se  produisent  parce  qu'il  le  veut  (1). 

Dieu  a  réglé ,  disposé ,  ordonné  toutes  choses  ,  de  telle  sorte  que 
les  maux  eux-mêmes  sont  utiles  aux  bons,  et  que  les  biens  nuisent 
aux  méchants,  parce  qu'ils  en  abusent  et  en  font  sortir  leur  malheur 
et  leur  ruine 

Dans  le  livre  des  Sentences  de  saint  Augustin ,  se  trouve  celle-ci 
qui  est  admirable  :  La  volonté  de  Dieu  est  la  cause  première  et 
buprème  des  mouvements  de  tous  les  êtres  corporels  et  spirituels.  Eu 
elïet,  dans  l'immense  et  universelle  république  de  tous  les  êtres  créés, 
rien  ne  se  l'ait  d'une  manière  visible  et  sensible,  qui  n'ait  été  décrété 
ou  permis  au  sein  de  la  cour  invisible  et  intelligible  du  souverain 
maître,  et  cela  conformément  à  l'ineffable  justice  des  récompenses  et 
des  c  bâtiments,  des  grâces  et  des  rétributions.  La  raison  immuable, 


(1)  Magna  opéra  Domini,  exquisita  in  omnes  voluntates  ejus,  ut  miro  et  ineffa- 
lili  modo  non  Bat  prœter  ejus  voluntatem,  quod  etiam  contra  ejus  fit  voluntatem  r 
quia  non  fieret,  si  non  sineret  :  nec  utique  nolens  sinit,  sed  valons  (  Lib.  XXII  de 
Civit.,  c.  \). 


278  MÉLANGE  DES  BONS  ET  DES  MÉCHANTS. 

dû  se  trouve  simultanément  en  dehors  du  temps  oe  qui  arrive  k 
diverses  époques  tirs  le  temps,  connaît  et  di  :  Ire  de  toutes 

les  chose?  changeantes.  Cependant ,  par  les  méchants ,  Dieu  forme 
et  instruit  les  bons;  par  la  puissance  transitoire  de  ceux  qui  seront 
condamnés  au  feu  de  renier,  il  exerce  ceux  qui  doivent  jouir  de 
l'éternelle  délivrance  (1)  (Sentent,  lvhi). 

T>  i  ttrquoi     Pourquoi  Dieu  laisse-t-il  les  méchants  persécuter  les  bons? 
'  que! les  Apprenons  d'abord  à  ne  pas  scruter,  mais  à  admirer  le  secret  des 

"sécuîent    jugemonts  par  lesquels  Dieu  permet  aux  méchants  d'atta  uier  les 
is  Lons.       bons.  Sans  vouloir  néanmoins  pénétrer  dans  les  conseils  du  Tout- 
Puissant,  on  découvre  plusieurs  raisons  qui  expliquent  comment  il 
tolère  que  les  méchants  poursuivent  les  bons,  et  les  épreuves  de 
ceux-ci. 

I"  Dieu  peTmet  les  iniquités  des  méchants  afin  de  montrer  sa 
longanimité,  son  impassibilité  et  son  élévation  au-dessus  des  choses 
de  la  terre,  c'est-à-dire  afin  de  montrer  que  les  crimes  des  rnécl 
ne  peuvent  ni  le  troubler,  ni  Fatleindre  ,  ni  le  faire  souffrir  ;  mais 
qu'étant  la  très-douce  et  souveraine  félicité,  il  est  inlin'nnent 
au-dessus  dos  injures,  des  injustice»  et  des  péchés  des  mortels.  Dieu 
n'est  pas  plus  souillé  parles  vices  de  ceux  qu'il  nourrit  et  fait  vivre, 
eue  les  rayons  du  soleil  ne  le  sont  en  pénétrant  dans  un  cloaque. 
2e  Dieu  permet  que  les  méchants  per*  tes  bons,  alin  do 

donner  aux  bons  matière  à  la  patience,  à  la  constance,  à  la  vertu 

Saint  Augustin  dit  excellemment  ;  Tout  ce  fjuje  les  justes  endurent 
de  la  part  des  méchants  n'est  pas  le  ph^timent  du  crime,  niais 
l'épreuve  de  la  vertu.  Du  reste,  fùt-il  esclave  .  le  bon  est  libre:  el  , 
fût-il  roi,  le  méchant  est  esclave.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  terrible  pour 
cedeni  er.  e"  Bl  qu'il  n'est  pAS  #  lave  d'un  seul  maître,  mais  d'au- 
tant de  tyrans  qu'il  est  soumis  à  de  passions  ri). 

(1)  Voliintis  Doi  est  prima  et  summa  causa  omnium  corporalium  spiritualiumquo 
notionum.  Niliil  eaim  lil  mibiliter  i  :  sansibiliter,  quod  non  de  invisibili  et  in 

ili  suinim  imperalorb  auia,  aut  jubeatur,  aut  permiitatur,  secuudum  ineflabilem 
un   prtemiorara  ntqiK»   pCBnarum,  çrraliarum    et  rolributionum,   in  ist.i  lulius 
jrt'aliir.i'  :  nue  n-puliiii m.  Mutabiljuip.  ompiuin  disposi- 

tion ni  immulubilis  ralio  continet ,  ubi  siiu1  te  m  porc  simul  sunt,  quœ  in  teniporibus 
non  simul  fiunt.  lnlenlmn  Deus  per  m  .,  et  per  teniporaleni  poleii- 

tiam  damnandorum  ,  i  »  iplinam  liberao  lorum. 

(2)  Jii&tis  quidquid  nialorum  ab  ipifmis  doj  ..îtur,  non  est  pœna  criminis, 
6cd  >irtut:                  .   i'ioinde  pe                    isi  serviat  liber  est;  malus  autcH) ,  etsi 

nius  boni:  ils,  s    I  quod  gravius  est ,  tôt  «loiuiiioruni 
"itioram  (  Lib.  Civit   . 


MÉLANGE  DES   BONS  ET  DES  MECHANTS.  279 

Los  impie;  sont  la  verge  ouïe  fouet  avec  lequel  Dieu,  semblable  à  un 
bon  père,  châtie  et  corrige  les  fautes  de  ses  enfants ,  comme  il  punit 
et  châtia  autrefois  le  monde  par  l'invasion  des  Aluns,  des  Vandales 
et  des  Goths.  Ainsi,  d'après  le  témoignage  d'Isaïe,  la  colère  de  Diè- 
se servit  de  Sennachérib  comme  d'une  verge  pour  frapper  le  peuple 
prévaricateur  :  Virga  furoris  mei  Assvr  (x.  v).  Ainsi Nabuchodonosor 
est  appelé  par  Jérémie  la  verge  vigilante  de  Dieu,  ou  la  verge  du 
:  qui  veille  :  Virgam  vigilantem  (t.  2).  Ainsi  Attila  lui-même 
avait  tellement  conscience  de  sa  mission,  qu'il  s'intitulait  le  fléau 
de  Dieu. 

Qtotqtte  ie  vous  interroge,  Seigneur,  vous  êtes  juste,  dit  le  prophète  DFwnp* 

rnie  ;  cependant  je  vous  dirai  des  choses  sensées  :  Pourquoi  les  souvent  que 

impies  prospèrent-ils  dans  leurs  voies?  tout  vient  à  bien  à  ceux  prospèrent, 

(fui  vivent  dans  les  prévarications  et  l'iniquité.    Vous    les  avez  tandis  que 

r  ^  souvent  aussi 

planlés,  et  ils  ont  jeté  leur  racine;  ils  croissent  et  se  couvrent  de  il  refuse^ 
fruits  :  vous  êtes  sur  leurs  lèvres  et  loin  de  leur  cœur  (1).  Le  pro-  bons# 
phOte  voit  la  réponse  et  lui-même  se  la  donne  :  Assemblez-les ,  dit- 
ii ,  comme  un  troupeau  destiné  à  être  égorgé,  préparez-les  pour  le 
jour  de  l'immolation  :  Congrega  eos  quasi  gregem  ad  victimam ,  et 
snncli/lca  eos  in  die  occisionis  (  xn.  3).  Ainsi,  Dieu  paraît  extérieu- 
rement bénir  les  méchants;  mais  au  fond  il  les  maudit.  Leur  prospé- 
rité apparente  n'est  qu'un  rêve  qui  se  dissipera  au  réveil;  elle  est 

un  châtiment ,  car  elle  les  empêche  de  revenir  à  Dieu 

Comme  Jérémie,  Job  interroge  Dieu  sur  la  prospérité  des  méchant* 
et  sur  l'affliction  des  bons  :  Pourquoi,  dit-il,  pourquoi  donc  vivent 
npies?  pourquoi  sont-ils  élevés  et  affermis  dans  l'abondance4. 
Ah  !  répond  soudain  le  patriarche ,  ils  passent  leur  vie  environnés 
iens;  mais  ils  descendent  en  un  instant  dans  les  enfers.  Ils  ne 
sont  pas  les  maîtres  des  biens  dont  ils  jouissent.  Que  de  fois  la  vie 
des  impies  s'éteindra- t-elle  comme  un  flambeau;  que  de  fois  la  ruine 
i-t-elle  sur  eux  et  les  submergera-t-elle;  que  de  ibis  les  châti- 
ments de  la  colère  de  Dieu  deviendront-ils  leur  partage!  Ils  se 
ne  la  paille  en  présence  du  vent,  comme  la  ]  que 

un  tourbillon.  Leurs  yeux  verront  leur  r.iine,  et  ils  boiront 
le  calice  de  la  fureur  du  Tout-Puissant  (xxi.  7-13.  20). 

Justus quidera  tues.  Domine  ,  si  d>;putem  îecum  :  vevumtamen  jnsta  loquaj 

■.m  cît  on  ",  et 

:  eôs ,  et  radicem  misent:);  ;  proliciu&t  et  !um  : 
a  ori  eorum  ,  et  longe  a  renibus  coruna  (xii.  1.  2). 


280  MÉLANGE  DES  B0N6   ET   DES  MKCHANTS. 

Le  langage  de  David  ressemble  à  celui  de  Job  et  de  Jérém'ie  :  Mes 
pieds ,  dit-il,  ont  presque  chancelé,  mes  pas  se  sont  presque 
parce  que  je  me  suis  indigné  contre  les  méchants ,  en  voyant  la  paix 
des  pécheurs  :  Met  autem  pêne  moti  sunt  pedes,  pêne  effusi  sunt  grei,  us 
mei;  quia  zelavisupe?*  iniquos,pacem peccatorwn  videns  (lxxii.  2.  3  ).  Ils 
n'ont  pas  de  langueurs  qui  les  traînent  à  la  mort;  leur  corps  est  plein 
de  vigueur  :  Non  est  respectus  morti  eorum;  et  fiçmamentum  in  plaga 
eorum  (lbid.  lxxii.  A).  Ils  ne  portent  ni  le  travail,  ni  les  afflictions 
de  l'homme  :  Inlabore  hominum  non  sunt,  et  cum  hominibus  non  fla- 
gellabuntur  (lbid.  lxxii.  5).  Voilà  pourquoi  l'orgueil  s'est  emparé 
d'eux;  ils  se  couvrent  de  leur  iniquité  et  de  leur  impiété  comme 
d'un  vêtement  :  leur  iniquité  sort  comme  de  leur  graisse  (lbid.  lxxii. 
5-7).  Voilà  que  ces  impies,  ces  heureux  du  siècle  ont  obtenu  la 
richesse  !  Et  j'ai  dit  :  C'est  donc  en  vain  que  j'ai  purifié  mon  cœur, 
et  que  j'ai  lavé  mes  mains  dans  l'assemblée  de  ceux  qui  sont  sans 
tache Mais,  Seigneur,  vous  les  avez  placés  dans  des  lieux  glis- 
sants; vous  les  avez  renversés  tandis  qu'ils  s'élevaient.  Comment 
sont- ils  devenus  la  proie  de  la  désolation?  Ils  ont  défailli  tout  à 
coup;  ils  ont  péri  à  cause  de  leur  iniquité.  Seigneur,  vous  anéan- 
tirez leur  image  dans  votre  cité,  vous  l'effacerez  comme  s'effacent 
les  songes  de  ceux  qui  se  lèvent  (lbid.  lxxii.  12.  13.  18-20).  J'ai  vu 
l'impie  glorifié  et  plus  élevé  que  les  cèdres  du  Liban;  et  j'ai  passé,  cl  il 
n'était  déjà  plus  :  je  l'ai  cherché,  et  sa  place  elle  -même  avait 
disparu  :  Vidi  impium  supei'exaltatum,  et  elevatum  sieut  cedros  Libani: 
et  transivi,  et  ecce  nonerat;  et  quœsivi  cum,  et  non  inventus  est  locus 
ejus  (lbid.  xxxvi.  35.  36).  Regardez  l'innocent  et  voyez  le  juste;  son 
dernier  jour  est  la  paix;  mais  le  méchant  périt  avec  les  méchants; 
son  dernier  jour  est  la  ruine  (lbid.  XXXVI.  37). 

L'impie  prévaut  contre  le  juste...,  dit  le  prophète  llabacuc  ;  mais  son 
esprit  s'égarera,  et  il  passera,  et  il  tombera  :  fmpiusprœvafet  adver- 
susjustum...;  mutabitur  spiritus,  et pertransibit  eteorruet  (i.  4.  1  lj. 

Plusieurs,  abattu  s  par  les  adversités  que  leur  envoie  la  divine  pro- 
v h lence,  abandonnent  la  foi  et  l'espérance ,  en  voyant  que,  bien 
qu'ils  servent  Dieu,  la  pauvreté  et  les  afflictions  les  poursuive  ii; 
tandis  que  les  méchants  prospèrent,  malgré  leurs  vices  et  leur 
incrédulité.  Ils  imitent  les  païens  qui,  témoins  du  bonheur  des 
méchants  et  du  malheur  (1rs  bons,  étaie  t  tombés  dans  trois  gros- 
sières erreurs  :  1°  les  uns  niaient  L'existence  de  Dieu...;  2°  les  a 
disaient  que  Dieu  existe,  mais  qu'il  ne  s'occupe  point  de  L'homme,  ni 
des  choses  de  la  terre-..  ;  3°  les  derniers  admettaient  aussi  l'existence 


MÉLANGE  DES  BONS  ET  DES  MÉCHANTS.  281 

de  Dieu;  mais  ils  prête  triaient  qu'il  ne  s'occupe  que  dos  grandes 
clmscs,  et  qu'il  néglige  et  méprise  les  petites.  Erreurs  monstrueuses, 
que  les  philosophes  anciens  n'ont  point  tous  partagées  !  Sénèque , 
parlant  de  la  Providence,  enseigne  que  rien  n'est  l'œuvre  du  hasard; 
mais  que  tout  ce  qui  parait  fortuit  est  dirigé  secrètement  par  la 
sagesse  de  Dieu  (Anton,  in  Meliss.).  Cicéron,  de  son  côté,  enseigne 
que  la  divine  providence  a  créé  l'univers ,  et  qu'elle  gouverne  tout 
(De  Natura  Deor.,  lib.  III). 

La  longue  et  divine  patience  de  l'Eternel  attend  les  impies  à  la 
pénitence;  mais  jusque-là,  elle  les  châtie  par  le  remords,  qui  n'est 
pas  une  faible  punition  de  leurs  iniquités.  Car,  comme  le  dit  Pytha- 
gore,  le  méchant  souffre  plus  sous  les  coups  de  sa  conscience,  que 
Kicmino  qui  est  châtié  seulement  dans  son  corps,  et  qui  est  battu 
de  verges  •  Vir  malus  plus  mali  patitur,  afflictus  conscientia,  quam  Me 
qui  incorpore  castigatur,  et  flagris  cœditur  (Anton,  in  Meliss.).  On 
frappe  l'enfant  désobéissant,  afin  qu'il  se  corrige;  Dieu  flagelle  l'im- 
pie par  le  remords,  afin  qu'il  change  de  vie  et  qu'il  réforme  ses 
mœurs  dépravées.  Que  s'il  ne  veut  pas  se  repentir  et  s'engager  dans 
Ja  voie  du  bien,  Dieu  le  punit  tellement,  qu'il  compense  parla  gra- 
vité du  supplice,  le  retard  qu'il  a  mis  à  le  châtier.  C'est  avec  raison 
que  Zonare  dit  :  Quoique  la  Providence  punisse  tardivement  les 
outrages  des  impies,  leur  laissant  le  temps  de  faire  pénitence;  cepen- 
dant, s'ils  n'abandonnent  la  voie  du  mal,  elle  les  suit  à  pas  lents, 
les  atteint  et  les  force  à  satisfaire  (1). 

Dieu  accorde  la  prospérité  aux  méchants ,  pour  montrer  que  les 
richesses,  les  pompes  et  le  bonheur  de  ce  monde,  doivent  être 
méprisés  comme  étant  de  peu  de  valeur  et  un  véritable  néant.  Voilà 
pourquoi  il  les  donne  souvent  à  ses  ennemis,  et  les  refuse  à  ses 

amis Saint  Augustin  dit  fort  bien  :  Eussiez-vous  la  sagesse  de 

Salomon,  la  beauté  d'Absalon,  la  force  de  Samson,  la  longévité 
d'Hénoch,  les  richesses  de  Crésus,  la  félicité  d'Auguste,  de  quoi  vous 
servirait  tout  cela,  puisque  enfin  vous  serez  dévoré  par  les  vers,  et 
tourmenté  avec  le  mauvais  riche  dans  les  enfers,  si  vous  damnez 
votre  âme?  (Sentent.) 

Constantin  Mana. ses  compare  la  prospérité  à  un  plomb  pesant: 
Prosperitas  est  similis  gravi  plumbo  (Lib.  III).  En  effet,  elie  è  fae 
s.u> eut  l'homme  de .urnager  au-dessus  de  l'océan  du  mal. 

1'  Etiamsi  providentia  tarde  invadat  injurias,  concessu  pœniteriti  tio,  tamen, 

nisi  a  malitia  discesserint,  lento  gradu  eos  assequitur,  et  pœnas  exigit  (  Ant»n.   ia 
(Meliss.). 


282  MÉLANGE  DES  BONS  ET  DES  MACHANTS. 

Encore  un  peu  de  temps,  dit  le  P  almiste,  et  l'impie  ^e  sera 
pins,  et  vous  chercherez  sa  plaça,  et  vous  ne  la  trouverez  pa  : 
Ad/tuc  jiusillum  ,  et  non  erit  peccator ,  et  quœres  locum  illius ,  et  non 
învenies  (xxxvi.  10). 

Dieu  permet  la  prospérité  des  méchants  et  il  tolère  leurs  iniquités, 
afin  de  les  laisser  libres  et  pour  montrer  combien  est  terri ble  la 
force  de  la  concupiscence  née  de  la  chute  originelle,  force  qui  pousse 
les  hommes  à  tant  de  rapines,  de  violences  et  de  crimes,  infini- 
ment plus  nuisibles  à  l'homme  qui  les  commet,  qu'à  Dieu  r^tre 
qui  on  les  commet.  Enfin  cette  conduite  de  la  Providence  a  pour  but 
d'amener  les  hommes  d'abord  à  reconnaître  leur  uiiblesse,  leur 
misère,  leur  aveuglement  et  leur  folio;  puis  à  chercher  la  grâce  et 
à  recourir  à  la  sagesse  du  Rédempteur 

Dieu  permet  aux  méchants  d'agir  librement  pour  montrer  BttSfi 
que  le  temps  présent  est  le  temps  du  mérite,  ou  du  démérite,  et  que 
l'éternité  est  destinée  à  la  récompense  et  au  châtiaient.  C'est  alors 
que  Dieu  réformera  les  jugements  pervers  des  lu  mi  mes;  qu'il  corri- 
gera leurs  erreurs  et  rétanlira  l'équité,  selon  ces  paroles  du  llui- 
Pj  phèfcé  :  Lorsque  le  moment  sera  venu,  je  jugerai  les  justices 
de  la  terre  :  Cum  accepero  tempus,  ego  justifias  judicabu  (cxxiv.  3).  \ 
pourquoi  saint  Augustin  dit  :  Que  personne  ne  félicita,  l'homme  qui 
prospère  dans  sa  voie,  l'homme  dont  les  péchés  ne  froment  pas  de 
vengeur  et  qui  est  l'objet  de  la  flatterie.  C'est  précisément  8>lors  que 
la  colère  du  Seigneur  est  arrivée  à  son,  plus  haut  degré.  Il  faut  que 
le  péeheur  ait  bien  irrité  Dieu  pour  s'attirer  le  formidable  châtiment 
de  n'être  pas  puni  en  ce  monde  (1). 

Ecoutez  saint  Grégoire  :  Dieu,  dit -il,  punit  certaines  fautes  et  en 
1  •  d'autres  impunies;  car  s'il  ne  frappai!  personne,  qui  eroiiv.it 
que  Dieu  s'occupe  des  choses  humaines;  et  s'il  frappait  tout  le  monde, 
à  quoi    ervirait  le  jugement  dernier  (2). 

La  gloire  qui  attend  les  justes  et  les  saints  est  si  gronde  ,  qu'il  est 
surprenant  que  tous  les  démens, ,  tous  les  impies  et  les  éléments 
eux-mêmes  ne  se  réunissent  pas  pottjr  les  accabler  et  les  torturer, 
alin  de  faire  contre-poids  à  leur  gloire  future»    Au  contraire,  le? 

(1)  Nemo  pratnlotur  homini  qui  prospsratur  in  via  sua  ,  nijus  peccalis  deest  ullor, 
et  adesl  ad  jor  bit  ita  Dnmlni  es  :   Irrilavil   enim   Dominum  peccator,  ut 

ista  patiatur,  id  est,  ut  correctionii  flagella  non  patiatur  [Enchirid.). 

|):'m-  nonnulla  percutjt ,  et  ppnnulla  i:u;lla  dereliaquit;  quia  si  nu  Ha  resecaret, 
■  I  ,      i  ii  lui  i       liumanas  curare   i  Kt   îu.  us,  si  haie  cunola  pârouteret, 

extnmum  judicium  unde  restaret? [Hotnil.  in  Job.) 


MTLAWT?   T)V.S  BQSTS  ET  DES  MÉCHANTS.  283 

torfurvsqui  attendent  les  méchants  et  les  impies ,  sont  telles  qu'i. 
est  rtnnnaut  qu'ils  no.  soient  pas  constamment  comblés  de  délices 
sur  latom-,  c!  (pe  tout  ne  s'y  change  pas  pour  eux  en  miel  et  en 
rosp&j  aliu  de  cjmpenser  en  quelque  sorte  par  quelques  goutter 
d'un  certain  bonheur,  les  peines  éternelles  qui  leur  sont  réser- 

:  car,  comme  toutes  les  souiïrances  et  toutes  les  épreuves 
d'ici-bas  n'ont  aucune   proportion   avec  la    gloire  des  saints;   do 

e,  toutes  les  joies,  toutes  les  richesses,  toutes  les  voluptésde  la 
terre,  ne  sont  rien  ,  si  on  les  compare  aux  douleurs  qu'éprouveront 
le-  damnés.  Plutôt  que  d'envier  la  félicité  des  méchants,  l'homme 
prudent  et  sage  gémira  donc  sur  la  prospérité  et  l'impunité  dont 
ils  jouissent. 

Seigneur,  dirent  les  serviteurs  du  p^re  de  famille  de  l'Evangile , 
n'aAez-vous  pas  semé  de  bonne  semence  dans  votre  champ?  D'où 
vient  donc  qu'il,  s'y  trouve  de  l'ivraie?  Domine ,  nonne  bonum  semen 
seminasti  in  agro  tuo?  Unde  ergo habet  zizania?  (  Matth,  xm.  27-  )  Et 
il  leur  répondit  :  C'est  l'homme  ennemi  qui  a  fait  cela  :  Inimicus 
honto  hoc  fait  (Ici.  xm.  48).  Les  serviteurs  lui  dirent:  Voulez -vous 
que  nous  allions  l'arracher?  Et  il  leur  répondit  :  Non,  de  peur  que 
peut-être,  en  arrachant  l'ivraie,  vous  n'arrachiez  aussi  le  froment 
avec  elle.  Laissez  l'un  et  l'autre  croitre  jusqu'à  la  moisson,  et  au 

s  de  la  moisson,  je  dirai  aux  moissonneurs  :  Cueillez  d'abord 
l'ivraie,  et  liez-la  en  gerbes  pour  la  brûler;  quant  au  froment, 
amass^z-lc  dans  mon  grenier  (  l).  On  voit  par  ces  paroles  avec  quelle 

ace  Dieu  supporte  l'ivraie,  c'est-à-dire  les  méchants;  mais 
on  voit  aussi  qu'il  se  prépare  à  exercer  plus  tard  sur  eux  une  rigou- 
reuse justice 

Expliquant  ces  paroles  de  l'Evangile,  saint  Augustin  dit: Nous 
savons  qu'il  y  a  dans  l'Eglise  des  bons  et  des  méchants,  r  ue  nous  appe- 
lons  froment  et  paille.  Que  personne  n'abandonne  l'aire  avant  le  temps, 
mais  qu'il  supporte  la  paille  dans  l'aire  et  sous  le  fléau,  bien  sûr  de 
n'a\eir  pas  à  la  supporter  dans  le  grenier.  Viendra  le  vanneur  qui 

era  les  mauvais  des  bons.  Dès  aujourd'hui  il  y  a  entre  les  uns 
et  les  autres  séparation  spirituelle;  un  jour  se  fera  aussi  la  sépara- 
tion corporelle.  Pour  le  moment ,  mettez  votre  prudence  à  n'avoir 
aucun  rapport  de  mœurs  avec  les  impies;  mais  ne  vous  éloignez  pa. 


(1) Sinite  utraque  crescere  usque  ad  messem,  et  in  tempore  niessis,  dicam 

.-:  Culli-ite  primum  zizauiu,  et  alligate  ea  in  fasciculgs  ad  comburendumj 
01  autem  congregate  in  horreum  meum  (Matth.  xm.  28-3u;. 


284  MÉLANGE  DES  BONS  ET  DES  MÉCHANTS.      y 

de  leur  personne.  Corrigez  cependant  ceux  sur  qui  vous  avez  auto- 
rité, en  les  avertissant,  en  les  instruisant,  en  les  exhortant.  Le 
méchant  ne  peut  vous  nuire  si  vous  employez  les  deux  moyens  que 
voici  :  1°  ne  pas  approuver  sa  conduite  ;  2"  le  reprendre.  Agir  de  la 
sorte,  c'est  ne  pas  communiquer  avec  lui ,  ne  pas  l'approuver.  Ne 
prenez  point  de  part  aux  œuvres  stériles  des  ténèbres,  dit  saint  Paul, 
mais  plutôt  condamnez-les.  Que  veulent  dire  ces  paroles?  elles  signi- 
fient :  N'aidez  pas  aux  œuvres  des  méchants,  ne  les  louez  pas,  ne  les 
approuvez  pas,  n'y  prenez  aucune  part  par  votre  assentiment,  ne 
soyez  pas  négligent  à  les  blâmer ,  ni  si  orgueilleux  que  vous  chan- 
giez en  injure  votre  blâme  (  Serm.  lxxviii  ). 

Que  les  méchants ,  les  impies  ne  se  réjouissent  point  de  la  prospé- 
rité où  iJs  se  trouvent,  ni  de  l'espèce  d'impunité  dont  ils  jouissent; 
Dieu  les  rétribuera  selon  leurs  œuvres 

comment  on    j£         (jeux  choses    fat  ]e  cardinal  Bellarmin ,  qui  font  connaître 
distingue  les     *     J  '  '  * 

méchants     ce  qui  se  passe  dans  le  cœur  de  l'homme  :  l'occasion  d'agir  en 

secret ,  et  le  temps  de  l'adversité.  Il  y  en  a  beaucoup  qui  sont 
méchants  au  dedans,  et  qui  néanmoins  paraissent  bons  à  l'extérieur. 
S'ils  ont  l'occasion  de  faire  le  mal  en  secret,  s'ils  sont  convaincus 
qu'il  n'existe  pour  eux  aucun  danger  d'être  découverts ,  alors  leur 
méchanceté  éclate.  Les  bons,  au  contraire,  sont  les  mêmes  aussi 
.bien  en  secret  qu'en  public.  Durant  la  prospérité,  on  ne  dislingue 
guère  les  méchants  des  bons;  mais  lorsque  le  feu  de  la  tribulation 
et  de  la  persécution  se  fait  sentir,  alors  l'or  brille,  et  la  paille  fume. 
Des  bons ,  le  Psalmisle  dit  :  Vous  avez  éprouvé  mon  cœur ,  et  vous 
m'avez  visité  pendant  la  nuit  (c'est-à-dire  lorsque  j'avais  l'occa- 
sion de  pécher  en  secret  )  ;  vous  m'avez  fait  passer  par  le  feu  de  la 
tribulation;  et  .1  ne  s'est  pas  trouvé  d'iniquité  en  moi  :  Probasti 
cor  meum,  et  visitastinocte  ;  igné  me  examinasti ,  et  non  est  inventa  in 
me  iniquitas  (xvi.  4).  Le  Seigneur  a  révélé  au  prophète  Ezéchiel  ce 
qu'il  en  est  de  l'intérieur  des  méchants  :  Fils  de  l'homme,  perce 
la  muraille  :  Fode  panetem  (vin.  8).  Et  lorsque  j'eus  percé  la 
muraille,  dit  le  prophète,  j'entrai,  et  je  vis  des  images  de 
toutes  sortes  de  reptiles  et  d'animaux,  et  l'abomination  et  les 
idoles  (I)  (Bellarm.  Comment,  in  PsaL). 
On  connaît  un  pilote  au  milieu  de  la  tempête  et  le  soldat  sur  le 

(1)  Et  cum  fodi.^em  panetem,  ingruMW  >idi,  et  ecce  omnis  cirriilitudo  reptilium, 
et  animalium,  abouùnatio,  fct  utmersa  idola  [Psal.  nu.  10  ). 


MÉLANGE  DES  BONS  ET  DES  MÉCHANTS.  285 

champ  rie  bataille,  dit  saint  Cyprien.  L'arbre  dont  les  racines  s'en- 
foncent profondément  dans  le  sol,  résiste  à  l'effort  des  vents;  le 
navire  dont  les  flancs  sont  solidement  construits  est  porté  rar  les 
flots,  mais  il  ne  devient  pas  leur  jouet  (Serm.  îv  de  Immcrlalit.). 
Ainsi ,  dans  les  tribulationss ,  les  justes  sont  patients,  résignés  à  la 
volonté  de  Dieu  et  grandissent  en  vertu;  les  méchants,  au  contraire, 
murmurent,  s'emportent,  blasphèment,  maudissent  Dieu  et  tr:r 
souvent  cèdent  aux  funestes  et  terribles  conseils  du  désespoir 


MENSONGE. 


Celui         "M"    e  voleur  vaut  mieux  que  le  menteur,  dit  la  sainte  Ecriture  ; 
TrutZl  mais  tous  les  deux  auront  la  ruine  pour  héritage  :  Potinr  fvr 

d'opprobre.     J[^J  f/uam  assiduilas  viri  mendacis;  perditionem  aulem  atnbo  hœredi- 
tabunt  (Eccli.  XX.  27). 

Remarquez  que  l'Ecriture  compare  le  mensonge  au  vol,  soit  parce 
que  ces  deux  vices  s'unissent  ordinairement;  de  là  le  proverbe  : 
Montrez-moi  un  menteur,  je  vous  montrerai  un  voleur;  soit  parce  que 
le  mensonge  est  une  espèce  de  vol  :  en  effet,  il  enlevé  toujours 
la  vérité  aux  hommes,  souvent  la  réputation,  la  paix  et  la  fortune,  et 
quelquefois  la  vie;  soit  parce  que  le  mensonge  et  le  vol  sont  igno- 
minieux et  infâmes  l'un  et  l'autre 

Le  menteur  est  même  pire  que  le  voleur,  car  H°ie  voleur  ne 
prend  que  de  l'argent,  tandis  qu'il  arrive  au  menteur  de  ravir  la 

réputation;  or,  la  réputation  est  préférable  à  la  fortune 2°  Le 

voleur  prend  souvent  par  besoin  et  sous  l'impulsion  de  la  faim  ;  le 
menteur  déguise  la  vérité  par  pétulance  et  effronterie 3°  Le  mén- 
inge trouble  des  familles  entières,  des  villes,  une  nation;  il  fait 
Ziaitre  des  querelles,  des  guerres,  des  massacres,  ce  que  ne  fait 

pas  le  vol 4° Le  vol  peut  être  plus  coupable  que  le  mensonge, 

mais  l'habitude  de  mentir  est  pire  que  le  vol;  car  cette  habitude 
engendre  beaucoup  de  fautes  et  dépêchés  plus  graves  qu'un  vol... 
5°  On  joint  souvent  le  mensonge  au  vol,  afin  de  cacher  celui-ci;  c'est 
Alors  un  double  péché,  mais  le  mensonge  est  le  plus  grand  d( 

ieux 6°  L'argent  excepté,  vous  pouvez  confier  au  voleur  tous  les 

autres  biens;  mais  vous  ne  pouvez  rien  confier  au  menteur.  Car 
tout  est  en  sûreté  auprès  de  L'homme  véridique ,  il  n'y  a  rien  d'assui 
auprès  du  menteur,  ni  la  fortune,  ni  l'honneur,  ni  l'amitié,  ni  tout 

vitre  chose 

Quelle  honte,  quel  opprobre  d'être  semblable  au  voleur,  et  même 
•)ire  que  Jui  !... 

La  vie  des  menteurs,  dit  l'Ecriture,  est  nue  vie  sau?  gloire;  et 
confusion  les  accompagne  toujours  :  Mores  hominum  mendacium  sir 
honore:  et  confxmo  illjrum  cum  ipsis  sine  intermissione  (Eccli.  xx.  28). 
Le  menteur  est  donc  déshonoré;  il  est  couvert  de  honte  et  i 
minie.  Car  y  a-t-il  flétrissure  ^lus  grande  que  d'être  connu  poi 


MENSONGE.  28*7 

monteur?  Parmi  les  opprobres  que  s'attirent  le?  moteurs,  ïl  faut 
mettre  ea  première  ligne  le  mépris  et  la  défiance  des  honnêtes 
gens.  Tous  suspectent  le  menteur,  même  lorsqu'il  dit  la  Vérité  ;  on 
ne  le  croit  plus,  parce  qu'il  a  perdu  la  confiance  publique;  on 
doute  de  toutes  ses  autres  vertus.  Voilà  pourquoi  les  Indiens,  au 
rapport  de  Diodore  ,  imposaient  un  éternel  silence  à  celui  qui  avait 
menti  trois  fois.  Xénophon  raconte  à  peu  près  la  même  chose  iL$ 
IVrses  (Ita  Laértius). 

Cependant  le  nombre  des  menteurs  est  grand  et  les  mensonges 
sont  fréquents.  Si  la  peine  que  les  Indiens  et  les  Perses  iniligeaient 
aux  menteurs  était  en  vigueur  parmi  nous,  combien  de  personnes 
seraient  réduites  au  silence  !... 

Le  grand  opprobre  de  l'homme  est  le  mensonge,  dit  encore  le 
Saint-Esprit;  et  le  mensonge  sera  continuellement  dans  la  bouche 
des  hommes  sans  discipline  :  Opprobrium  nequam  in  komine  menda- 
cium,  et  in  ore  indisciplinatorum  assidue  erit  (Eccli.  xx.  26  ).  C'est  un 
grand  et  très-grand  opprobre  que  le  mensonge;  cependant  les  hom- 
mes sans  discipline,  c'est-à-dire  sans  éducation  chrétienne,  et  livrés  à 
la  dissolution,  l'ont  fréquemment  à  la  bouche ,  parce  qu'ils  ne  le 
considèrent  pas  comme  une  honte  et  comme  un  péché,  mais  comme 
quelque  chose  de  peu  d'importance. 

Le  faux  témoin  est  un  menteur,  le  calomniateur  en  est  un  aussi;      Désordres 
or,  que  de  désordres,  que  de  ravages  produisent  ces  deux  crimes  !...   q  mea^>u*e. & 

Le  menteur  peut  être  comparé  à  une  fournaise  qui  lance  des  étin- 
celles, des  flammes  et  une  épaisse  fumée 

Le  menteur!0  ment  facilement...;  2°  il  ment  fréquemment...; 
3° il  a  le  cœur  plein  de  ruse  et  de  fausseté...;  4°  il  ment  avec 
audace  et  obstination...;  5°  il  est  livré  à  la  vanité  :  personne  n'est 
vain  comme  le  menteur Il  ressemble  aux  hommes  qui  s'occu- 
pent d'enchantements  et  de  maléfices;  il  aveugle,  égare  et  séduit 

Vous  avez  mangé  le  fruit  du  mensonge ,  dit  le  prophète  Osée  : 
Comedistis  frugem  mendacii  (x.  13).  Ce  fruit  est  la  déception.  Vous 
n'aurez  ni  la  paix,  ni  la  prospérité,  ni  l'abondance  de  biens  que 
vous  attendiez.  Tous  les  gourmands,  les  avares,  et  les  impudique? 
mangent  le  fruit  du  mensonge.  C'est  pourquoi  le  Psalmiste  s'écrie  : 
Enfants  des  hommes,  pourquoi  aimez-vous  la  vanité,  et  cherchez- 
vous  le  mensonge?  Filïi  hominum ,  ut  quid  dïliyitis  vanitatem  e. 
queeritis  mendacium?  (iv.  3.) 

Dieu  est  l'éternelle  vérité ,  et  il  déteste  le  mensonge.  Dieu  a  et 


288  MENSONGE. 

abomination  l'homme  qui  trompe ,  dit  le  Prophète  royal  :  Virum 
dolosum  abominabitur  Dominus  (v.  7). 

La  vérité  n'est  point  dans  leur  bouche ,  dit  encore  le  même  pro- 
phète ;  leur  cœur  est  plein  de  vanité.  Leur  gosier  est  un  sépulcre 
ouvert  et  leur  langue  un  instrument  de  fraude  :  Quoniam  non  est 
in  ore  eorum  veritas  :  coreorum  vanum  est.  Sepulcrum  patens  est  guttur 
corum,  linguis  suis  dolose  agebant  (vi.  10.  M  ). 

Le  mensonge  attaque  et  outrage  Dieu  qui  est  la  vérité  même 
i  nuit  au  prochain,  il  bouleverse  la   société,  il  déshonore  le 
menteur..... 


Le  menons*    Le  démon  est  un  infâme  menteur.  11  s'est  déçu  lui-même  en  se 
démon,  et  le    croyant  ce  qu'il  n'était  pas;  séduit  par  le  mirage  de  l'orgueil,  il  est 

menbaùiuUn,te  tomDé-  C'est  lui  qui  a  introduit  le  mensonge  sur  la  terre Depuis 

Adam,  il  n'a  cessé  de  mentir  et  il  continuera  jusqu'à  la  fin  du 

monde.  Jamais  le  démon  n'a  dit  la  vérité Malheur  à  celui  qui 

l'écoute Il  ment  à  tous  les  voluptueux  :  illeurpromet  le  bonheur, 

et  il  ne  leur  donne  que  l'opprobre ,  le  malheur ,  les  souffrances ,  la 

mort  et  l'enfer Il  ment  aux  amateurs  du  monde Il  ment  aux 

avares Toutes  les  passions  qui  viennent  du  démon  ne  sont  que 

mensonge Comme  Dieu  le  Père  engendre  son  Fils  qui  est  la 

vérité,  dit  saint  Augustin;  ainsi  le  démon  tombé  du  ciel  engendre 
le  mensonge,  comme  son  fils.  Peut-être  êtes-vous  menteur,  parce 
qu'il  vous  est  arrivé  de  mentir;  mais  vous  n'êtes  pas  le  père  du 
mensonge.  Le  mensonge  que  vous  émettez ,  vous  l'avez  reçu  du 
iémori,  en  vous  liant  à  lui  (1). 

Celui  qui  ment  a  donc  le  démon  pour  père,  et  il  l'imite 

Saint  Thomas  compare  le  mensonge  à  une  fausse  monnaie  que 
«out  le  monde  méprise  (Opusc.  de  Erudit.  princip.). 

La  vraie  monnaie  est  celle  qui  porte  l'empreinte  de  Dieu ,  c'est  la 
vérité;  la  fausse  monnaie  est  celle  qui  porte  l'empreinte  de  Satan, 

c'est  le  mensonge 

Celui  qui  ment,  dit  saint  Thomas,  porte  l'image  et  la  ressem- 
olance  du  démon;  car  celui-ci  est  menteur  dès  le  commencement. 
Vous  qui  mentez,  vous  émettez  une  pièce  de  monnaie;  de  qui 


(\)  Quotnodo  DeW  Pater  genuit  Piliorn  vcritatem;  sic  diabolus  lapsus  çcnuit 
quu>i  lilium  meinlaciiim.  Nain  forte  tu  mcndax  es,  quia  raeadaciuni  1"  |ueris  :  sed 
mm  e>  paler  i...- . .  icii.  Nain  quod  dicis  mendacium,  a  diabolo  accepisti,  et  iili  crcJi- 
disli  (De  mur.  Eccl.). 


MENSONGE.  289 

porte-t-elle  l'empreinte  et  l'inscription?  du  démon.  Rendez  donc  au 
démon  ce  qui  est  au  démon  ;  cessez  d'avoir  la  ressemblance  et 
l'image  de  votre  mortel  ennemi;  cessez  de  mentir  (Opusc.  de  E  ru- 
dit .  princip.  ). 

Saint  Basile  dit  que  .le  mensonge  est  le  fruit  de  Satan  (  Regvi* 
ùrevior.,([.  76).  Saint  Césaire  dit  que  tout  menteur  ne  cesse  d'être 
avec  le  malin  esprit,  selon  ces  paroles  de  l'Ecriture  :  Seigneur ,  vous 
perdrez  tous  ceux  qui  profèrent  le  mensonge  :  Omnis  mendax  sine 
maligno  spiritu  esse  non  potest  ;  scriptura  testis  est  ;  Perdes  omnes 
qui  loquuntur  mendacium  (Homil.  inPsal.). 

Il  y  a  une  triple  vérité  :  la  vérité  intellectuelle ,  celle  des  paroles  et  11  y  a  trou 
celle  des  œuvres.  La  vérité  intellectuelle  existe  quand  la  connais-  mensonge, 
sance  de  l'esprit  est  égale  et  conforme  à  son  objet,  c'est-à-dire 
lorsque  l'esprit  connaît  les  choses  telles  qu'elles  sont.  La  vérité  des 
paroles  existe  quand  les  paroles  sont  conformes  à  la  connaissance 
de  l'esprit.  La  vérité  des  œuvres  existe  lorsqu'elles  sont  selon  la 
règle  P  c'est-à-dire  conformes  à  la  droite  raison,  au  devoir  et  à  la 
loi. 

Par  opposition,  il  y  à  aussi  un  triple  mensonge  :  le  mensonge 
intellectuel ,  celui  des  paroles  et  celui  des  œuvres.  Le  mensonge 
intellectuel  se  produit  quand  l'esprit ,  jouet  de  l'erreur,  n'a  pas  une 
connaissance  égale  et  conforme  à  son  objet,  c'est-à-dire  quand  il 
juge  les  choses  autres  qu'elles  ne  sont.  Le  mensonge  des  paroles  se 
produit  quand  la  bouche  dit  ce  qui  n'est  pas  dans  l'esprit.  Enfin,  le 
mensonge  des  œuvres  a  lieu  quand,  en  agissant,  l'horacuô  ^'éloigne 

de  la  droite  raison,  de  son  devoir  et  de  la  loi 

Il  y  a  aussi  le  mensonge  joyeux ,  le  mensonge  officieux  et  le  men- 
songe pernicieux Le  plus  grave  des  trois  est  le  mensonge 

pernicieux 

Chacun,  l'homme  sans  foi  et  sans  loi  excepté,  évite  ordinairement 

le  mensonge  pernicieux On  est  obligé  en  conscience  de  réparer 

les  torts  qu'il  cause 

Mais  il  est  peu  de  personnes  qui  ne  se  permettent  le  mensonge 

joyeux  et  le  mensonge  officieux,  sous  prétexte  que  ce  ne  sont  pas 

des  péchés  graves Tout  mensonge  est  un  péché;  et  on  doit  éviter 

avec  soin,  même  le  plus  léger  péché  vénie: 

Le  huitième  commandement  de  Dieu  est  formel  :  Faux  témoignage 

ne  diras,  ni  mentiras  aucunement..... 

m.  *» 


ment  pas. 


290  MENSONGE. 

i.e  chrétien  ne  Le  chrétien  se  souvient  de  ce  précepte  du  Seigneur  :  Tu  ne  rece- 
vras point  la  voix  du  mensonge  :  J\on  suscijjies  vocem  mendacii 
(Exod.  xxm.2). 

Tu  fuiras  le  mensonge  :  Mendacium  fugtes  (xxm.  7  ). 

Le  témoin  qui  veut  être  fidèle  ne  ment  pas ,  disent  les  Proverbes  : 
Vestià  fideih  n  m  mwiUur  (xiv.  5  ).  L;homme  vertueux,  conscien- 
cieux ne  ment  pas,  quelque  prière  qu'on  lui  fasse,  quelque  don 
qu'on  lui  eifoa  :  les  menaces,  les  promesses,  les  tourments  ne  peu- 
vent lui  luire  abandonner  la  vérité.  Il  craint  Dieu  et  respecte  sa 
W...  :  il  déteste  le  mensonge  et  l'évite 


MESSE 


messe. 


Quelques  auteurs  prétendent  que  le  mot  messe  est  tiré 
missak,  mot  hébreu.  Il  est  plus  probable  qu'il  vient  du  lai  in 
rnissio,  renvoi,  parce  qu'après  les  prières  et  les  instructions 
qui  précèdent  l'oblation  des  dons  sacrés ,  on  renvoyait  les  catéchu- 
mènes et  les  pénitents  :  les  fidèles  seuls,  que  l'on  supposait  dignes 
de  participer  au  saint  sacrifice ,  avaient  le  droit  d'être  témoins  de  la 
célébration.  L'étymologie  donnée  ici  est  celle  qu'ont  adoptée  saint 
Augustin,  saint  Avit  de  Vienne ,  et  saint  Isidore  de  S 'ville. 

La  messe  est  le  sacrifice  de  la  loi  nouvelle.  L'Eglise  y  offre  à  Dieu, 
par  les  mains  du  prêtre,  le  corps  et  le  sang  de  J.  C.,  sous  les  espèces 
du  pain  et  du  vin. 

H  est  de  foi  que  l'oblation  faite  à  la  messe  est  le  sacrifice  du  corps 
et  du  sang  de  J.  G.  D'où  il  faut  conclure  d'une 
la  messe  n'est  pas  seulement  un  sacrement,  mais  aussi  un  gaçrifke. 
il  n'y  a  pas  d'autre  sacrifice  qui  soit  offert  dans  tout  l'univers 
catholique. 

Depuis  le  péché,  il  y  a  toujours  eu  des  sacrifices Abel,  Noé,  Ilyatog**» 

Abraham,  Isaac,  Jacob ,  Melchisédech,  les  Hébreux,  soit  en  Egypte,      sacrifices, 
soit  dans  le  désert  t  soit  dans  la  terre  promise,  etc. ,  ont  olïert  à  Dieu 
des  sacrifices 

Les  sacrifices  sont  nécessaires  pour  apaiser  Dieu...,  pour  lui  ren-  Quel  est  le  but 
dre  honneur  et  hommage...,  pour  expier  les  péchés..,,  pour  obtenir 
des  grâces...,  pour  remercier  Dieu. 

Il  y  avait  dans  l'ancienne  loi  trois  espèces  de  sacrifices  ;  1«  le     Combien  y 
sacrifice  d'holocauste,  offert  uniquement  pour  louer  et  honorer  Dieu,     d'espèces  de 
et  destiné  à  reconnaître  son  souverain  domaine  sur  toutes  choses  ;  fJj£Sùa% 
aussi  la  victime  y  était-elle  entièrement  consumée  et  réduite  en 
cendres;  2°  le  sacrifice  pacifique,  ou  salutaire,  qui  était  offert  pour 
obtenir  la  paix,  c'est-à-dire  le  propre  salut  de  celui  qui  l'offrait,  ou 
bien  le  salut  d'autrui,  celui  d'un  simple  particulier  ou  celui  de 
la  nation;  3°  le  sacrifice  d'expiation,  qui  avait  pour  but  d'obtenir 


292  MESSE. 

le  pardon  des  péchés  ;  il  était  aussi  nommé  le  sacrifice  de  pi 
pitiation 

icrîBcM    L'ancienne  loi  étant  imparfaite,  les  sacrifices  qui  en  faisaient  partie 

i  étaient     étaient  également  imparfaits 

5JÏJ2  !V,,f      ^  est  impossible  que  le  sang  des  taureaux  et  des  boucs  efface  les 

ure  du    péchés,  dit  saint  Paul  aux  Hébreux  :  Impossibile  est  sanguine  taurorum 

loi  nouvelle,    et  hircorum  auferri  peccata  (x.  4).   Pour  apaiser  Dieu  et  sanctifier 

les  hommes,  il  fallait  un  autre  pontife  que  le  grand  prêtre  et  un. 

autre  sacrifice 

Il  fallait  un  sacrifice  vraiment  digue  de  Dieu  et  assez  puissant  pour 
laver  les  péchés 

Tous  les  anciens  sacrifices  n'étaient  que  la  figure  du  sacrifice  de  la 
loi  nouvelle 

Les  victimes  des  anciens  sacrifices  devaient  être  sans  défaut ,  pour 
signifier  la  perfection  de  J.  C.  devenu  victime 

Les  anciens  sacrifices  ne  plaisaient  à  Dieu  qu'en  tant  qu'ils  annon- 
çaient le  sacrifice  de  la  croix  et  celui  de  l'autel 

Le  Seigneur  dit  aux  Juifs  par  la  bouche  du  prophète  Malachie,  qui 
lut  le  dernier  des  anciens  prophètes  et  qui  vivait  à  une.époque  rap- 
prochée de  l'avènement  de  J.  C.  :  Mes  complaisances  ne  sont  point 
en  vous,  et  je  n'accepterai  pas  de  présents  de  votre  main  :  Non  est 
milii  voluntas  in  vobis,  et  munus  non  suscipiam  de  manu  vestra  (i.  10). 
Car,  ajoute  le  Seigneur,  depuis  le  lever  du  soleil  jusqu'à  son  coucher, 
mon  nom  est  grand  parmi  les  nations;  et  l'on  sacrifie  en  tout  lieu, 
et  une  oblation  pure  est  offerte  à  mon  nom  :  Ab  ortu  enim  solis 
usque  ad  occasum,  magnum  est  nomen  meum  in  gentibus  :  et  in  omni 
loco  sacriftcatur,  et  offertur  nomini  meo  oblatio  munda  (i.  M).  Ici  le 
prophète  parle  évidemment  du  sacrifice  de  la  croix  et  de  celui  de 
l'autel ,  puisque  depuis  J.  C.  il  n'y  en  a  point  eu  d'autre,  et  qu'en 
effet  ce  sacrifice  s'offre  en  tout  lieu  et  à  toute  heure 

J.  C.  venu ,  tous  les  autres  sacrifices  ont  déplu  à  Dieu  et  ils  ont 
cessé.  C'est  pourquoi  saint  Paul ,  empruntant  les  paroles  du  Roi- 
Prophète  ,  dit  aux  Hébreux  :  Le  Fils  entrant  dans  le  monde  dit  :  "Vous 
n'avez  voulu  (ù  mon  Père),  ni  d'hostie,  ni  d'oblation,  mais  vous 
m'avez  for-nu'  un  corps  :  le  iau  s  tes  pour  le  péché  ne  vous  ont 

point  plu;  alors  j'ai  dit  :  Voilà  que  je  viens  pour  faire,  ô  Dieu, 
votre  volonté.  Il  ùte  le  premier  sacrifice,  pour  établir  le  second 
(  Hébr.  x.  5.  6. 9  ).  Vous  n'avez  point  voulu  ,  c'est-à-dire  vous  n'avez 
point  accepté  les  victimes,  les  oblations,  les  holocaustes,  les  sacrifices 


MBSSE.  293 

qnî  s'offrent  selon  la  loi;  me  voici,  moi  le  Messie,  le  Sauveur,  le 
Rédempteur,  afin  de  faire,  ômon  Père,  votre  volonté;  afin  d'être 
immolé  d'abord  sur  le  Calvaire  et  ensuite  tous  les  jours  sur  l'autel, 
pour  perpétuer  le  souvenir  et  le  sacrifice  du  Calvaire 

Le  sacrifice  de  J.  C.  remplace  tous  les  sacrifices  anciens;  il  estinfi-  Excellence  du 

sdcrific6  de  lu 

niment  au-dessus  d'eux;  ils  étaient  la  figure,  il  est  la  réalité.  Aussi  messe.  Avan- 
ies nombreux  sacrifices  de  la  loi  mosaïque  ont-ils  disparu  avec  leur     l  pleure! 
temple  et  leurs  prêtres ,  pour  ne  plus  reparaître 

J.  C.  est  notre  victime,  notre  sacrifice J.  C,  dit  saint  Paul  aux 

Ephésiens ,  s'est  livré  lui-même  pour  nous  en  oblation  à  Dieu  et  en 
hostie  de  suave  odeur  :  Christus  tradidit  semetipsum  pro  nobis  obla- 
tionem  et  kostiam  Deo  in  odorem  suavitatis  (v.  2). 

Le  sacrifice  de  la  messe  est  un  holocauste,  J.  C.  étant  offert  tout 
entier  à  Dieu  dans  la  consécration. 

C'est  un  sacrifice  pacifique;  il  calme  la  colère  de  Dieu  et  donne  la 
paix  aux  hommes 

C'est  un  sacrifice  de  propitiation;  il  nous  obtient  le  pardon  de  nos 
péchés 

C'est  un  sacrifice  d'action  de  grâces;  il  rend  à  Dieu,  et  d'une 
manière  digne  de  lui ,  tout  ce  qui  lui  est  dû  ;  puisque  c'est  un  Dieu 
qui  est  offert  à  un  Dieu. 

La  messe  est  un  sacrifice  qui  par  lui-même  nous  procure  la  grâce 
prévenante,  au  moyen  de  laquelle  nous  sommes  excités  à  la  foi,  à  la 
pénitence  et  à  recevoir  les  sacrements  dont  la  vertu  nous  justifie. 

Ici,  vous  devez  remarquer  qu'il  appartient  aux  sacrements  de 
justifier;  et  qu'il  est  de  la  nature  du  sacrifice  de  rendre  Dieu  propice 
ou  favorable.  Fléchi  par  lui,  Dieu  commence  à  avoir  pitié  des 
pécheurs ,  et  il  leur  accorde  la  grâce  prévenante  et  excitante. 

En  tant  que  sacrifice ,  la  messe  nous  obtient  d'abord  la  grâce  pré- 
venante ,  puis  la  rémission  de  la  peine  due  aux  péchés ,  et  le  pardon 
des  fautes  vénielles  ;  mais  elle  n'enlève  ni  n'efface  point  par  elle- 
même  le  péché  mortel,  à  moins  que  celui  qui  la  célèbre,  ou  qui 
participe  au  sacrifice  par  la  communion,  n'ignore  de  bonne  foi 
l'état  dans  lequel  il  se  trouve.  Alors  l'eucharistie  rein  et  la  faute 
mortelle  et  confère  la  première  grâce  et  la  justice;  mais  elle  opère 
cela ,  non  comme  sacrifice ,  mais  comme  sacrement 

Lorsque  le  prêtre  célèbre  la  mesf  e ,  dit  Y  Imitation  de  Jésus-Christ, 
il  honore  Dieu,  il  réjouit  les  anges,  il  édifie  l'Eglise ,  il  aide  les 


294  MESSE. 

vivants,  il  pleutre  1e  repos  aux  morts,  et  il  participe  lui-même  à 

tous  les  biens  (1). 

Lorsque  l'Agneau  de  Dieu  est  immolé,  dit  saint  Chrysostome ,  les 
séraphins  sont  présents ,  couvrant  leur  face  de  leurs  6Ïx  ailes  : 
Agnus  Dei  immolatur ,  seraphim  astant ,  sex  alis  faciem  tegentia  (  De 
Sacerdot.,  lib.  VI).  Pendant  que  nous  sommes  en  cette  vie,  ajoute-t-il, 
ce  sacrifice  change  pour  nous  la  terre  en  ciel  :  Dum  in  hac  vita  sumus, 
ut  terra  nobis  cœlum  sit,  faat  hoc  mysterium  (Ut  supra). 

La  messe  est  le  mémorial  de  la  passion  et  de  la  mort  de  J.  C.  Le 
Sauveur  le  dit  lui-même  à  ses  apôtres:  Hoc  facite  in  meam  cornrne- 
morationem:  Faites  ceci  en  mémoire  de  moi  (Luc.  xxn.  10).  Bien 
plus ,  c'est  le  même  sacrifice  que  celui  de  la  croix  :  sacrifice  non 
sanglant,  à  la  vérité,  mais  ayant  la  même  valeur  et  la  même  effioa- 
cit<".  G' est  le  même  pontife  qui  l'offre,  et  la  même  victime  qui  est 
offerte  :  sur  la  croix ,  J.  C.  fut  à  la  fois  prêtre  et  victime  ;  il  l'est  éga- 
lement à  l'autel H  convenait,  dit  saint  Paul  aux  Hébreux,  il 

convenait  que  nous  eussions  un  tel  pontife,  saint,  innocent,  imma- 
culé, séparé  des  pécheurs,  et  plus  élevé  que  les  cieux  :  un  pontife 
qui  n'a  pas  besoin,  comme  les  prêtres,  d'offrir  dos  victime?  pour  ses 
péchés  premièrement ,  ensuite  pour  ceux  du  peuple  ;  car,  il  l'a  fait 
une  fois  en  s'offrant  lui-même  (2).  J.  C,  en  s'offrant,  a  été  BXàtlce4  à 
cause  de  sa  dignité  et  de  la  vénération  qui  lui  est  due ,  dit  encore 
saint  Paul  :  Exauditus  est  pro  sua  reverentia  (Hebr.  v.  7). 

Dieu ,  dans  les  inventions  de  son  amour  pour  l'homme ,  a  telle- 
ment ordonné  le  divin  sacrifice  de  la  messe,  que  le  pontife  qui  l'of- 
fre pour  nous  réconcilier  avec  Dieu,  est  une  même  chose  avec  celui 
à  qui  le  sacrifice  est  offert,  et  se  fait  une  même  chose  avec  ceux  pour 
qui  il  est  offert;  afin  que  ce  sacrifice  soit  pleinement  Agréable  et 
efficace,  la  victime  offerte  se  trouve  dans  les  mêmes  conditions. 
\  h— i  I  '.i|i <'>tre  saint  Jean  dit  dans  sa  première  épltre  :  J.  G.  est  lui- 
mêiiK!  prupitiation  pour  nos  péchés;  non-seulement  pour  lesnôtres, 
niais  aussi  pour  ceux  de  tout  le  monde  :  Jpseest  profritittiQ  pro  pec- 
catis  uodris;  non  pro  nostris  auttrni  tantwn,  eed  etïum  pro  tolius 
mundi  (il.  2). 

(1)  Quando  sacerdos  célébrât,  Deum  honorât ,  angelos  lœtificat ,  Ecclesiam  rr-di- 
ikat,  viTos  adjuvat,  defanctia  requiem  pra:slat  ,et  sese  omnium  bonorum  participera 
effleit  [Lib.  IV.  c.  y). 

(2)  Talis  ciiim  decebat  ut  nobis  esscl  pontifex,  sanctus ,  innocens,  imprdlutus, 
MgregatUS  a  peccalonbus,  et  excelsior  cœlis  foetus,  qui  non  habet  ncccssitatcin  quo- 
lidie,  quer.iadmodum  siccrdotcs,  prius  pro  suis  delictl  tft-rre,  deindc  pro 
populi  :  hoc  euim  fecit  scmel,  geipsum  oflerendo  [Hebr.  vu.  26.  27). 


MESSB.'  295 

Le  grand  sacrifice  de  l'autel  suffit  pour  satisfaire  I  Dieu  :  satisfac- 
tion surabondante,  parce  qu'elle  surpasse  infiniment  en  valeur 
tout  le  poids  des  iniquités  de  l'univers.  Ce  sacrifice  est  infiniment 
plus  agréable  au  Père,  que  notre  iniquité  ne  lui  est  désagréable.  Saint 
Paul  Je  dit  lui-même  aux  Romains  :  Où  le  péché  avait  abondé ,  la 
grâce  a  surabondé  :  Ubi  abundavit  delictum ,  superabundavit  et  gratia 
(v.  20). 

Dans  son  infinie  bonté,  J.  C.  a  voulu  laisser  à  son  épouse  l'Eglise . 
visible  et  indestructible,  un  sacrifice  visible  et  permanent.  Le  sacri- 
fice delà  croix  fut  en  réalité  la  première  messe 

Quel  immense  amour  animait  le  Sauveur,  puisqu'il  a  voulu  per- 
pétuer chaque  jour,  jusqu'à  la  fin  du  monde,  le  sacrifice  de  sor. 
corps  et  de  son  sang! 

Le  sacrifice  de  l'autel  est  si  grand,  qu'il  ne  peut  être  offert  qu'a 
Dieu  seul 

On  peut  retirer  de  la  sainte  messe  cinq  fruits  principaux  :  4°  une 
augmentation  de  grâces...;  2"  la  rémission  des  peines  dues  au 
péché...;  3°  une  obtention  plus  facile  de  ce  que  l'on  demande...; 
4°  l'émission  d'actes  de  foi,  d'espérance ,  de  charité  et  de  religion...; 
5°  celui  qui  assiste  au  sacrifice,  se  trouvant  en  présence  de  J.  G.,  ne 
voit  aucune  de  ses  prières  demeurer  sans  résultat. 

La  messe  a  trois  parties  principales  :  1°  l'offertoire  ;  2°  la  consé- 
cration; 3°  Ja  communion  du  prêtre. 

La  première  partie,  qui  va  de  la  confession  à  l'offertoire,  est  la 
préparation  au  saint  sacrifice. 

Par  le  Conftteor  on  se  dispose,  à  l'aide  de  l'humilité  et  delà  contri- 
tion, au  grand  acte  qui  va  avoir  lieu.  Par  le  Kyrie,  on  invoque  le 

secours  et  la  miséricorde  de  Dieu Par  le  Gloria  in  excelsis,  on 

chante  ses  louanges,  on  l'honore,  on  le  glorifie PdrYOremus,  tous 

les  assistants  prient  ensemble Par  le  Dominus  vobiscum,  le  prêtre 

li  lèles  se  souhaitent  les  dons  du  Saint-Esprit. . . .  VE pitre  signifie 
1  Le  Graduel  marque  la  pénitence  que  faisait  le  peu- 
ple à  la  prédication  de  saint  Jean-Baptiste V Alléluia  est  l'em- 
blème de  la  joie  du  pécheur  réconcilié V Evangile  figure  la 

nouvelle  loi ,  rappelle  la  doctrine  et  la  morale  que  J.  G.  a  prê- 

c     es Le  signe  de  la  croix  sur  le  front  indique  qu'il  ne  faut 

point  rougir  de  la  foi;  sur  la  bouche,  il  indique  que  le  chrétien 
doit  être  prudent  dans  ses  paroles,  et  qu'il  doit  parler  souvent  de  la 
cr.  ix  de  J.  C.  ;  sur  la  poitrine ,  il  est  le  symbole  de  l'amour  -ont  le 
cœur  doit  être  embrasé  pour  Dieu;  sur  l'Evangile,  il  témoigne 


596  MESSE. 

qu'il  faut  annoncer  et  suivre  J.  C.  crucifié....»  Les  cierges  allumés 

signifient  la  lumière  que  FEvangile  a  répandue  dans  le  monde 

On  se  lève,  afin  de  montrer  qu'on  est  prêt  à  obéir  aux  enseignements 
|n  Sauveur.  Vient  ensuite  la  profession  de  foi  par  le  Credo 

Les  catéchumènes  ne  pouvaient  entendre  que  cette  partie  de  la 
messe. 

La  seconde  partie  va  de  l'offertoire  au  Pater  ;  elle  est  la  partie 
principale,  la  plus  sainte,  la  plus  sacrée  et  la  plus  divine.  C'est,  à 
proprement  parler,  le  sacrifice,  auquel  les  chrétiens  seuls  assistaient. 

V Offertoire  porte  ce  nom  parce  qu'alors  on  offre  le  pain  et  le  vin 

qui  doivent  être  consacrés L'eau  qu'on  met  dans  le  calice  signifie 

surtout  celle  qui  sortit,  mêlée  de  sang,  du  côté  deJ.  C.  mis  en 

croix Le  vin  et  l'eau  sont  présentés  par  ceux  qui  servent  la 

messe,  afin  d'indiquer  que  les  fidèles  ont  part  au  sacrifice Le 

pain,  fait  de  plusieurs  grains  de  froment,  et  le  vin ,  composé  de  la 
liqueur  contenue  dans  plusieurs  grappes  de  raisin,  représentent 
l'Eglise  composée  de  plusieurs  membres  qui  sont  tirés  de  la  masse 
corrompue  des  hommes,  afin  d'être  transformés  en  J.  C,  et  de 
n'avoir  tous  qu'un  cœur  et  qu'une  âme.  Sous  un  autre  point  de  vue, 
comme  c'est  aussi  le  pain  et  le  vin  qui  forment  notre  nourriture, 
en  offrant  à  Dieu  ces  deux  produits ,  nous  lui  offrons  notre  vie 

Le  prêtre  se  lave  les  mains  afin  de  montrer  quelle  pureté  est 
nécessaire  pour  offrir  le  saint  sacrifice  et  pour  y  assister 

A  YOrate  fralres,  le  célébrant  se  recommande  aux  prières  des 
fidèles,  afin  que  le  sacrifice  qu'il  offre  en  union  avec  eux  soit  reçu 
de  Dieu  ;  et  les  fidèles  répondent  qu'ils  désirent  que  les  intentions 
du  prêtre  soient  accomplies 

Voici  la  Préface;  ce  mot  veut  dire  prélude,  action  qui  précède.  La 
préface,  en  effet,  est  destinée  à  préparer  aux  prières  du  canon,  à 
l'élévation  surtout.  Elle  est  un  chant  de  triomphe  et  de  gloire,  une 
invitation  à  s'élever  jusqu'au  ciel  pour  louer  de  concert  avec  les 
neuf  chœurs  des  anges  le  Dieu  de  l'univers. 

Le  Sanctus  vient  du  ciel;  Isaïe  la  entendu,  ainsi  que  saint  Jean 
l'Evangélisle 

Le  mot  Canon  veut  dire  règle Comme  Moïse,  le  prêtre  élève 

les  mains  afin  d'élever  la  terre  jusqu'au  ciel  et  de  faire  descendre  le 
ciel  sur  la  terre 

Dans  le  Mémento  des  vivants  le  prêtre,  au  nom  de  toute  l'Eglise, 
prie  pour  tous  les  fidèles  et  principalement  pour  ceux  qui  assistent 
au  saint  sacrifiée,  et  pour  ceux  en  faveur  desquels  il  l'offre, 


MESSE.  291 

Lo  moment  merveilleux  et  divin  de  la  consécration  arrive  :  l'assem- 
blée se  prosterne  à  la  vue  du  miracle  des  miracles Un  grand  fiai 

a  lieu ,  et  le  Roi  des  rois  est  sur  l'autel. 

Le  pain  et  le  vin  sont  devenus  le  corps ,  le  sang ,  l'âme  et  la 
divinité  de  J.  C 

Les  nombreux  signes  de  croix  faits  par  le  prêtre  sont  destinés  à 

nous  rappeler  J.  C.  sur  la  croLx Ses  fréquentes  génuflexions 

marquent  l'adoration  qu'on  doit  à  Dieu ,  et  le  profond  respect  que 
commande  son  auguste  présence 

Le  Mémento  des  morts  est  un  souvenir  accordé  aux  âmes  du  purga- 
toire, une  prière  adressée  pour  elles  à  Dieu. 

Ensuite  on  récite  la  prière  par  excellence,  le  Pater. 

Ici  commence  la  troisième  partie  de  la  messe.  Le  prêtre  divise  la 
sainte  hostie,  pour  imiter  J.  C,  qui  prit  du  pain,  le  rompit  et  le 
donna  à  ses  apôtres  en  disant  :  Prenez  et  mangez,  ceci  est  mon 
corps  (Matth.  xxvi.  26).  Le  prêtre  laisse  tomber  une  partie  de  l'hostie 
dans  le  calice ,  pour  indiquer  que  la  paix  qu'il  vient  de  souhaiter, 
par  le  Pax  Domini,  est  scellée  du  sang  même  de  J.  G 

Le  mélange  de  l'hostie  avec  le  sang  de  J.  G.  désigne  :  1°  l'union 
de  Dieu  et  de  l'homme  dans  l'incarnation...;  2°  l'union  de  Dieu 
avec  l'homme  dans  la  sainte  communion...  ;  3°  l'union  des  élus  avec 

Dieu  dans  le  ciel Mais  pour  jouir  de  cette  paix  si  précieuse,  de 

cette  union  si  désirable  et  si  glorieuse,  il  faut  être  sans  péché 

Voilà  pourquoi  le  prêtre  prononce  ÏAgnus  Dei...,  et  ensuite  le 
Domine  non  sum  dignus 

Le  prêtre  communie...  ;  les  fidèles  se  rangent  autour  de  la  table 
mainte 

Le  reste  de  la  messe  est  consacré  à  remercier  Dieu 

Tout  dans  la  messe  représente  le  sacrifice  adorable  de  la  croix,  signification 
L'amict  représente  le  voile  qui  couvrait  la  face  divine  de  J.  G.  orcements. 
lorsqu'on  lui  donnait  des  soufflets...;  l'aube,  la  robe  blanche  dont 
Hérodele  fit  revêtir  par  dérision...;  le  cordon,  les  liens  dont  on  le 
garrotta  au  jardin  des  Oliviers,  et  les  lanières  qui  servirent  à  la 
flagellation...;  le  manipule,  les  chaînes  avec  lesquelles  on  l'attacha 
à  la  colonne.  On  le  met  au  bras  gauche ,  qui  est  le  plus  rapproché 
du  cœur ,  pour  marquer  le  grand  amour  de  J.  C 

L'étole  indique  les  trois  liens  avec  lesquels  on  l'attacha  à  la  croix  j 
elle  indique  aussi  les  pouvoirs  du  ministre  consécrateur 

La  chasuble  rappelle  le  mm*«au  de  pourpre  dont  on  revêtit  J,  C,^ 


298  ifBSSfi. 

et  la  tunique  qu'on  lui  arracha  et  qu'on  jêtâ  au  sort.  La  croix  qui 
s'y  trouve  figurée  met  sans  cesse  souS  les  yeux  des  iidèles  l'instru- 
ment du  supplice  du  Sauveur. 

Chaque  ornement  représente  donc  une  circonstance  de  la  passion 
et  delà  mort  de  J.  C.  Tout  porte  les  fidèles  à  méditer  sérieusement 
et  à  prier  avec  ferveur.....  Tout  leur  inspire  de  la  confiance. 

ftut^t^ndre  *•  Les  fidèles  doivent  avoir  soin  de  s'unir  d'intention  au  prêtre. 
là  messe  Le  saint  sacrifice  s'offre  pour  trois  motifs  principaux  :  1°  en  action 

de  grâces  des  biens  que  Ion  a  reçus...  ;  2°  afin  de  satisi'aiiv  pouf  les 
péchés  que  l'on  a  commis...  ;  3°  afin  de  demander  les  secours  et  les 
grâces  dont  on  a  besoin. 

II.  Il  faut  s'offrir  soi-même  à  Dieu 

III.  Pendant  le  saint  sacrifice,  il  est  bonde  considérer  principale- 
ment quatre  choses  :  1°  celui  à  qui  on  l'offre...  ;  2°  celui  qui  l'offre  . 
c'est-à-dire  J.  G...;  3°  celui  qui  est  offert...;  4" ce  pourquoi  il  est 
offert. 

IV.  Le  saint  sacrifice  étant  le  mémorial  de  J'amour  de  J.  C.  pom- 
mes hommes  et ,  en  quelque  sorte ,  fa  représentation  de  sa  passion 
ec  de  sa  mort,  il  faut,  pendant  qu'on  l'offre,  méditer  sur  les  souf- 
frances du  Sauveur  et  sur  son  amour.  C'est  le  vrai  moyen  d'enten- 
dre la  messe  avec  beaucoup  de  fruit. 

V.  11  faut  assister  à  la  messe  avec  le  profond  respect  intérieur  et 
extérieur  que  doivent  produire  fa  vue  du  lion  saint,  la  présence  de 
pieu,  celle  des  anges  et  celle  des  fidèles,  enLxi  la  pensée  du  grand 
mystère  qui  s'opère. 

VI.  Il  faut  entendre  la  messe  avec  foi,  humilité,  componction  , 
uainte  ci  cuuliauce.  etc 


MIRACLES. 


U 


N  miracle  est  un  événement  frappant ,  extraordinaire  et  qui  ne      Pu'e^"*e1v, 

rr  ^  quuniûjracl« 

peut  être  l'effet  d'une  cause  naturelle.  C'est  une  dérogation 
aux  lois  de  la  nature.  Le  miracle  est  au-dessus  des  forces  de 

l'homme;  Dieu  seul  peut  l'opérer;  et  les  hommes  ne  peuvent  en 

faire  que  par  lui 

Qm  peut  douter  que  Dieu  puisse  faire  des  miracles?  Le  même  Dieu    Les  miracles 
qui  depuis  bientôt  six  mille  ans  fait  lever  le  soleil  à  l'orient,  ne      possibles? 
pourrait-il,  s'il  le  voulait,  le  faire  lever  à  l'occident?  Pourtant  cela 

serait  un  vrai  miracle Nier  que  Dieu  puisse  faire  des  miracles, 

c'est  nier  que  Dieu  soit  Dieu...;  c'est  lui  ôter  sa  puissance  et  sa 
liberté;  c'est  l'anéantir 


Les  plaies  d'Egypte,  le  passage  de  la  mer  Rouge,  la  promulgation 
de  la  loi  de  Dieu  sur  le  mont  Sinaï ,  l'envoi  de  la  manne ,  l'eau  qui 
jaillit  du  rocher,  les  merveilles  opérées  par  l'arche  d'alliance ,  la 
conservation  des  trois  enfants  dans  la  fournaise  ardente,  le  châti- 
ment d'Héliodore  frappé  de  verges  par  des  anges,  la  résurrection  de 
Lazare,  la  résurrection  de  J.  C. ,  la  conversion  de  l'univers  païen  à 
la  voix  des  douze  apôtres ,  etc.  :  tous  ces  événements  extraordinai- 
res sont  là  pour  attester  qu'il  y  a  eu  des  miracles,  et  de  grands 
miracles 

L'éclat  des  œuvres  de  J.  C,  dit  saint  Cyrille,  décidait  toute  question 
sur  sa  divinité,  auprès  de  ceux  qui  n'avaient  pas  l'esprit  entièrement 
perverti  :  Claritas  operurn  Christi  omnern  quœstîonem  solvebai  apud 
eos  qui  non  erant  mentibus  pervertis  (Catech.,  lib.  IT,  c.  v  ). 

Il  est  évident  que  les  miracles  de  J.  C.  devaient  le  signaler  aux 
Juifs  comme  étant  le  Messie  promis  si  souvent  et  si  positivement  dès 
le  commencement  du  monde.  Car,  \°  J.  C.  faisait  ses  miracles  dans 
ce  but...  ;  2°  il  a  fait  tous  les  miracles  que  les  prophètes  avaient 
prédit  devoir  être  faits  par  le  Messie...;  3°  il  a  fait  tous  ses  miracles  en 
son  propre  nom ,  par  sa  propre  vertu ,  en  ordonnant  et  en  comman- 
dant comme  ayant  autorité...;  4°  il  a  fait  des  miracles  visibles, 
publics,  incontestables  et  très-grands;  il  en  a  fait  très-souvent, 
partout  et  en  tout  genre,  les  opérant  tout  d'un  coup,  d'un  seul 


ï  a-t-ii 
eu  des 

miracles  ? 


Los  r> 
sont  une 


300  MTRACLES. 

mot,  etc Cette  puissance  absolue,  cette  vertu  extraordinaire  et 

continuelle  ne  pouvaient  appart  nir  qu'à  J.  C.  seul 

(  Voyez  Jésus-Christ ,  §  Miracles  de  J.  C.) 

Les  miracles  opérés  au  nom  de  J.  C.  par  les  apôtres,  par  le?  mar- 
tyrs ,  par  les  saints  de  tous  les  lieux  et  de  tous  les  siècles,  ne  prou- 
vent-ils pas  qu'il  y  a  eu  des  miracles  ?... 

Saint  Augustin  a  dit  qu'il  était  retenu  dans  l'Eglise  catholique,  apos- 
preuve  cer-    tolique  et  romaine,  par  l'autorité  des  miracles  (De  Civii.  Dei). 
vérité.  Richard  de  Saint-Victor  a  dit  de  son  côté  :  Seigneur,  si  ce  que  nous 

croyons  est  une  erreur,  c'est  vous  qui  nous  avez  trompés  ;  car  notre 
foi  a  été  confirmée  par  des  signes  et  par  des  prodiges  qui  n'ont  pu 
avoir  que  vous  pour  auteur  (1). 

Dieu,  qui  est  la  vérité,  la  sainteté  et  la  justice  même,  ne  peut 
permettre  un  vrai  miracle  qu'en  faveur  de  la  vérité.  Or,  il  n'y  a 
jamais  eu  de  miracles  que  dans  l'Eglise  catholique ,  apostolique  et 
romaine  ;  elle  est  donc  la  seule  véritable  Eglise. 

(Voyez  Eglise.) 


Un  miracle     Les  miracles  étant  le  sceau  de  la  vérité,  Dieu  ne  peut  permettre 

z  s'est  jamais         ...      ,      ,        ,        P  i    i>  .  i 

opère  en      qu  ils  s  opèrent  en  faveur  de  1  erreur  et  du  mensonge 

terreur6  ^eu  Perrne*;  quelquefois  que  les  méchants  eux-mêmes  fassent  des 
miracles,  non  pas  en  leur  nom  et  par  leurs  mérites,  mais  au  nom 
de  J.  C.  et  pour  l'utilité  du  prochain. 

Mais  ils  ne  peuvent  en  faire  que  pour  la  vérité,  et  jamais  pour 
l'erreur. 

Il  n'y  a  pas  d'exemple  de  miracle  opéré  en  faveur  de  l'erreur. 

Le  miracle,  en  effet,  est  le  témoignage  le  plus  authentique  et  le 
plus  incontestable  de  la  bonne  doctrine  et  de  la  vérité.  Ceci  est  é\  i- 
dent  :  car  le  miracle  est  l'œuvre  propre  et  surnaturelle  de  Dieu;  il 
s'en  sert  afin  de  confirmer  que  ce  qu'il  dit  ou  fait,  est  la  vérité  et 
digne  de  foi. 

Il  ne  peut  donc  permettre  des  miracles  en  faveur  de  l'erreur; 
autrement  il  en  favoriserait  le  développement;  il  tromperait  le? 
hommes  et  leur  enlèverait  tout  moyen  de  reconnaître  l'erreur  et  de  1  \ 
discerner  d'avec  la  vérité.  Que  dis-je?  il  les  confirmerait  dans  les  faus- 
ses doctrines  qu'ils  aurait  ni  reçues;  ce  qui  c-st  i  possible.  L'avan- 
cer serait  un  ter;  :Me  blasphème,  et  le  penser,  un  crime  énorme 

(1)  Domine,  si  error  est  qnod  credimus,  a  te  tiecepu  sumiis  :  ista  enim  in  nob  s  Vu 
fignis  et  prgclijfiis  conlirmata  sunt,  quœ  non  nisi  a  te  fieri  potuernnt  (De  Inst.  haoï.). 


MIRACLES.  301 

Vous  demandez  comment  Dieu  a  coutume  de  faire  discerner  les  Comment  on 
miracles  véritables  des  faux  miracles?  Le  voici  :  Tbx'odoret  signale  ^'"mïr'u'îos 
trois  différences  essentielles  entre  les  miracles  de  Moïse  et  les  pré-  dcs  fdUiï 
tendus  miracles  des  magiciens  de  Pharaon.  1°  Les  magiciens,  dit-il, 
changèrent  à  la  vérité  leurs  verges  en  serpents,  mais  la  verge 
d'Aaron  également  changée  en  serpent  dévora  les  leurs  ;  ils  chan- 
gèrent l'eau  en  sang,  mais  ils  ne  purent  rendre  à  cette  eau  sa  nature 
première  ;  ils  firent  paraître  des  grenouilles,  mais  ils  ne  purent, 
comme  le  fit  Moïse ,  débarrasser  les  Egyptiens  des  incommodités 
qu'elles  leur  causaient.  Dieu  ne  permit  donc  aux  magiciens  d'opérer 
de  semblables  prodiges,  que  pour  châtier  les  Egyptiens  eux-mêmes; 
mais  sans  leur  accorder  le  pouvoir  de  faire  disparaître  les  plaies  qu'ils 
avaient  faites.  2°  Lorsque  Dieu  vit  que  le  roi  s'endurcissait  davantage, 
à  cause  des  prétendus  miracles  des  magiciens,  il  leur  enleva  la  faculté 
qu'il  leur  avait  laissée  :  ceux  qui  avaient  faitparaitre  des  grenouilles, 
ne  purent  produire  même  des  moucherons  ;  ils  furent  forcés  de  con- 
fesser publiquement  leur  impuissance,  et  dédire  :  Le  doigt  de  Dieu 
est  là  :  Digitus  Dei  est  hic  (Exod.  vm.  19  ).  3°  Moïse  couvrit  d'ulcères 
les  corps  des  magiciens  eux-mêmes  [Exod.  ix.ll).  Moïse,  qui  faisait 
de  vrais  miracles  en  faveur  de  la  vérité,  fut-il  jamais  empêché 
d'agir?  Non;  il  en  opérait  tous  les  jours  de  nouveaux,  de  divers  et  de 
très-éclatanls,  à  la  cour  de  Pharaon,  et  en  présence  de  toute  l'Egypte. 
Ses  ordres  et  ses  défenses  avaient  soudain  des  résultats  miraculeux 
(In  Exod.). 

Saint  Augustin  enseigne  qu'on  distingue  les  vrais  miracles  des  faux 
d'après  l'autorité  et  le  pouvoir  qui  les  produisent.  Les  magiciens, 
dit-il ,  font  des  choses  étonnantes  par  leur  commerce  secret  avec  le 
démon;  mais  les  saints  opèrent  des  miracles  par  l'action  publique  et 
l'ordre  de  celui  à  qui  toute  créature  est  soumise.  Les  magiciens 
agissent  donc  en  vertu  de  contrats  privés,  et  les  saints  en  vertu  d'un 
droit  évident  (1). 

Ajoutez  que  ceux  qui  font  de  vrais  miracles  sont  des  hommes 
probes,  pieux  et  ordinairement  saints;  tandis  crue  ceux  qui  en  opè- 
rent de  faux ,  sont  toujours  des  hommes  vicieux  et  impies  qui  usent 
de  maléfices 

Les  prodiges  des  magiciens  sont  ordinairement  fantastiques, 

(1)  Wagi  mira  faciunt  per  prtvata  commercia  cum  daemone;  sancti  vero  ea  faciunt 
publica  ailministratione  etjussu  ejus  oui  omnis  creatura  subjecta  est.  Magi  ergo  per 
privâtes  contractas;  sancti  vero  per  publicam  justitiam  bac  operantur  (Quaest.  lxhx 
ni  ter  i.MMli;. 


302  MRAC115S. 

imaginaires  et  simulés;  aussi  ne  durent-ils  pas.  On  découvre  bientôt 
ce  qu'ils  ont  de  vain  ou  de  faux;  ou  bien  ils  sont  pleinement  inutiles, 
et  même  nuisibles.  Mais  les  vrais  miracles  sont  des  actes  véritables, 
dont  les  effets  ne  s'évanouissent  point,  et  qui  n'ont  lieu  que  pour  une 
grande  utilité,  ou  pour  délivrer  les  hommes  de  quelque  nécessité 

Pour  opérer  leurs  prétendues  merveilles,  les  magiciens  se  servent 
de  mensonges,  de  prestiges,  de  moyens  propres  à  tromper  les 
hommes,  de  certains  signes  et  de  certaines  figures,  par  exemple,  de 
lettres  ,  de  paroles  qui  ne  signifient  rien,  ou  qui  n'ont  qu'un  sens 
absurde  ;  ils  se  servent  encore  de  pratiques  superstitieuses;  ils 
mêlent  le  profane  et  le  sacré,et  ils  souillent  ainsi  celui-ci.  Les  saints, 
au  contraire,  font  des  miracles  par  leurs  prières,  leurs  mortifications, 
par  le  signe  de  la  croix  ou  par  d'autres  choses  ceintes  et  sacrées,  et 
toujours  au  nom  de  J.  C 

Les  magiciens  et  les  démons  opèrent  des  prodiges  dans  une  mau- 
vaise lin,  par  exemple ,  pour  obtenir  quelque  gain,  par  vaine  osten- 
tation, pour  s'attirer  de  la  gloire  et  des  honneurs,  pour  se  faire 
rendre  un  culte  divin,  ou  se  créer  un  nom;  ou  bien  afin  de  nuire 
à  la  foi ,  et  de  faire  adopter  des  erreurs  ;  ou  bien  encore  pour  com- 
mettre ou  faire  commettre  des  crimes,  comme  vols,  adultères,  mort 
d'hommes  ou  d'animaux,  etc.  Les  saints,  eux,  font  des  miracles 
dans  le  but  d'honorer  Dieu  et  de  le  glorifier,  pour  l'édification  et  la 
gloire  de  l'Eglise,  et  afin  de  secourir  les  hommes,  ou  d'être  utiles 
soit  à  leur  corps,  soit  surtout  à  leur  âme 

Les  magiciens,  dit  saint  Augustin,  font  dans  l'intérêt  de  leur 
gloire  des  choses  qui  paraissent  être  des  miracles  ;  les  saints  font  des 
miracles  véritables  dans  l'intérêt  de  la  gloire  de  Dieu  :  Magi  faciunt 
quœ  videntur  miracula ,  quœrentes  gloriam  suam;  sancti  vero  faciunt 
miracula,  quœrentes  gloriam  Dei  (Quœst.  lïxix  inter  Lxxxm). 


c 


MISÉRICORDE. 


okite  le  propre  de  la  lumière  est  d'éclairer,  dit  saint  Nil ,  ainsi  combien 

.  Diou  est  mise* 

le  propre  de  Dieu  est  d'avoir  pitié  de  ses  ouvrages  (  Vit .  Pair.).  riCordicux. 
La  miséricorde  est  une  vertu  naturelle  et  divine  :  le  Souverain 


Bien  est  souverainement  miséricordieux  et  bienfaisant.  Voilà  pour- 
quoi le  Prophète  royal  s'écrie  :  Miserationes  ejus  super  omnia  opéra 
ejus  :  La  miséricorde  de  Dieu  s'étend  sur  tous  ses  ouvrages  (  cxliv.  9). 
L'Eglise  ne  dhVelle  pas  dans  ses  prières  publiques  :  0  Dieu  dont  le 
propre  est  d'avoir  toujours  pitié  et  d'épargner,  recevez  favorable- 
ment notre  demande  :  Deus  cui  proprium  est  misereri  semper  et 
parcere,  suscipe  deprecationem  nostram  (  Orat.  pro  pec.  ). 

Béni  soit  Dieu  le  Père  de  Notre-Seigneur  J.  C. ,  qui ,  selon  sa 
grande  miséricorde ,  nous  a  régénérés  dans  la  vive  espérance,  s'écrie 
aint  Pierre  :  Benedictus  Deus  et  Pater  JJomini  nostri  Jesu  Ckristi , 
qui  secundum  misericordiam  suam  reqeneravit  nos  in  spem  vivamt 
(I.i.  3.) 

La  miséricorde  de  Dieu  est  grande,  elle  e&t  sans  bornes  :  1°  par  sa 
cause  efficiente,  elle  vient  de  Dieu,  et  de  son  amour  immense  pour 
nous...;  2°  par  l'objet  qu'elle  nous  présente;  Dieu  nous  a  donné  son 
Fils  unique,  afin  de  nous  prouver  qu'il  répand ,  par  lui,  sur  nous 
l'abondance  de  ses  miséricordes...;  3°  par  le  sujet  auquel  elle  s'ap- 
plique :  nous  ne  sommes  que  des  vers  de  terre ,  pleins  de  péchés  et 
de  misères;  et  il  nous  a  appelés  à  lui  ;   il  nous  a  rendus  capables  de 
recevoir  sa  grâce  et  sa  gloire.  C'est  ce  qu'exprime  le  Psalmiste  quand 
il  dit  :  L'abîme  appelle  l'abîme  :  Abyssus  abyssurn  invocat  (  xli.  8  ). 
L'abîme  des  misères  humaines  appelle  l'abîme  de  la  miséricorde 
divine...;  4°  par  la  multitude  des  dons  qu'elle  nous  a  accordés: 
Dieu  nous  a  comblé,  et  ne  cesse  de  nous  combler  d'innombrables 
grâces  et  faveurs.  C'est  ce  qui  a  porté  saint  Augustin  à  dire  à  Dieu  : 
Seigneur,  je  tiens  de  votre  miséricorde  tout  ce  que  je  suis.  Car, 
qu'ai- je  l'ait  qui  m'ait  mérité  de  vivre?  qu'ai-je  fait  qui  m'ait  mérité 
de  pouvoir  vous  invoquer?  Nul  ne  vous  est  comparable  en  miséri- 
corde; j'ai  reçu  l'être  de  vous,  j'ai  reçu  de  vous  d'être  bon,  ô  mon 
Dieu  et  ma  miséricorde  (Concion.  n  in  Psal.  lytii).  5°  La  miséri- 
corde de  Dieu  est  grande  par  rapport  aux  lieux  et  aux  temps  ;  car 
elle  s'étend  sur  tous  les  ho™«ies  rie  tous  les  lieux  et  de  tous  les 


304  MISÉRICORDE. 

temps ,  selon  ces  paroles  du  Roi-Prophète  :  La  terre  est  remplie  de 
la  miséricorde  du  Seigneur  :  Misericordia  Domini  plena  est  ten  a 

(  xxxii.  5).  Pour  les  saints,  cette  miséricorde  dure  éternellement 

6°  Elle  est  immense  par  la  fin  à  laquelle  elle  tend;  car  elle  s'efforce 
de  nous  conduire  au  royaume  de  la  gloire  éternelle.  Seigneur,  s'écrie 
lePsalmiste,  vous  avez  multiplié  votre  miséricorde  :  Multiplicasii 

misericordiam  tuam (xxxv.  8.  )  Que  votre  miséricorde  est  douce, 

Seigneur,  faites  que  je  ne  l'oublie  jamais...  !  0  Dieu,  ma  miséricorde! 
Jjeus  meus  misericordia  mea  (Psal.  lviii.  18).  A  vous,  Seigneur, 
appartient  la  miséricorde  :  Tibi ,  Domine ,  misericordia  {  Psal. 
lxi.  13).  Que  vos  miséricordes  se  hâtent  de  nous  prévenir,  parce 
que  nous  sommes  devenus  excessivement  pauvres  :  Cito  anticipent 
nos  misericordia?  tuœ,  quia  pauperes  factisumus  nimis  (Psal.  lxxviii.  8)» 
Nous  avons  été  remplis  de  votre  miséricorde  :  Repleti  sumus  mise- 
ricordia tua  (Psal.  lxxxix.  14).  Le  Seigneur  est  doux ,  sa  miséricorde 
durera  éternellement  :  Suavis  est  Dominus ,  in  œternum  misericordia 
ejus  (  xcix.  5  ).  Le  Seigneur  a  livré  les  hommes  à  ses  miséricordes: 
Dédit  eos  in  misericordias  (  Psal.  cv.  46).  La  miséricorde  de  Dieu  sur 
nous  s'est  signalée  :  Confirmata  est  super  nos  misericordia  ejus  (  Psal. 
cxvi.  2).  Dans  le  Seigneur  est  la  miséricorde  et  une  abondante 
rédemption  :  Apud  Dominum-  misericordia ,  et  copiosa  apud  eum 
redemptio  (Psal.  cxxrx.  7  ). 

Entre  le  dernier  raie  d'un  mourant  et  l'enfer,  il  y  a  un  océan  de 
miséricorde  à  traverser ,  dit  un  auteur  célèbre. 

Seigneur,  dit  la  Sagesse,  vous  avez  pitié  de  tous  les  hommes, 
parce  que  vous  pouvez  tout  :  Misereris  omnium,  quia  omnia  potes 
(  xi.  24).  Vous  êtes  indulgent  pour  tous  les  hommes,  parce  que  tout 
est  à  vous,  ô  Dieu,  qui  aimez  les  âmes  :  Parcis  autem  omnibus 
quoniam  tua  sunt ,  Domine,  qui  amas  animas  (Sap.  XI.  27  ).  L'approche 
de  votre  miséricorde  guérissait  vos  enfants  :  Misericordia  tua  advc- 
niens,  sanabat  (Sap.  xvi.  10). 

Dieu  est  compatissant  et  miséricordieux,  dit  l'auteur  de  l'Ecclé- 
siastique; au  jour  de  la  tribulation,  il  remettra  les  péchés;  il  est  le 
protecteur  de  tous  ceux  qui  le  cherchent  dans  la  vérité  (h.  13).  Corn 
bien  est  grande  la  miséricorde  du  Seigneur,  et  sa  clémence  pour  ceu: 
qui  se  tou  rnent  vers  lui  !  Quant  magna  misericordia  Domini ,  et  pr 
pitiatio  illius,  convertenlibus  ad  se!  (xvn.  28.  ) 

Qn'est-cè  que  le  péché ,  en  présence  delà  miséricorde  de  Dieu? 
dit  saint  Chrysostome.  Une  toile  d'araignée  qui  disparait  pour 
toujours  sous  le  souille  du    vent   :   Quid  enim   est  peccatum  ad 


MISÉRICORDE.  M05 

misericordiam.?  Tela  araneœ  quœ ,  vento  fiante ,  nusquam  comparei 
(InPsaL). 

Qui  entreprendra  c!e  raconter  la  miséricorde  de  Dieu,  dit  l'auteur 
de  l'Ecclésiastique  :  Quis  adjiciet  enarrare  misericordiam  ejus 
(xvm.  4).  Aussi  saint  Paul  donne-t-il  à  Dieu  le  titre  de  Père  des 
miséricordes  :  Pater  misericordiarum  (IL  Cor.  i.  3). 

RieD ,  dit  saint  Fulgence,  ne  manque  à  celui  qui  possède  la  puis- 
sance de  la  miséricorde,  et  la  miséricorde  toute-puissante.  En  Dieu, 
la  bonté  de  la  toute-puissance,  et  la  toute-puissance  de  la  bonté  sont 
si  grandes,  qu'il  n'est  pas  de  péché  qu'il  ne  puisse,  ou  qu'il  ne  veuille 
remettre  à  l'homme  qui  se  convertit.  C'est  un  charitable  et  habila 
médecin  auquel  nulle  maladie  ne  résiste.  U  veut  et  il  peut  pardon- 
ner tous  les  crimes.  Sa  bonté  parfaite  n'est  jamais  vaincue  par  le 
péché;  sa  miséricorde  a  des  remèdes  pour  tous  les  maux.  S'ils 
l'avaient  voulu,  Caïn,  Antiochus,  Judas  auraient  obtenu  miséri- 
c  e ,  aussi  bien  que  David  ,  Madeleine,  Pierre ,  Paul  et  Augustin. 
[Fpist.  vu  ad  Venant.). 

Que  l'impie  abandonne  sa  voie,  dit  Isaïe,  et  l'homme  inique 
ses  pensées  ;  qu'ils  retournent  au  Seigneur  et  il  aura  pitié  d'eux  : 
qu'ils  reviennent  à  notro  Lieu,  parce  qu'il  est  riche  en  miséri- 
corde  :  Uerelinquat  impius  viam  suam ,  et  vir  iniquus  cogitationes 
suas,  et  revert atur  ad  Dominum,et  miserebitur  ejus;  et  ad  Deum 
nostrum,  quoniam  multus  est  ad  ignoscendum  (lv.  7).  Car,  dit 
le  Seigneur,  mes  pensées  ne  sont  pas  vos  pensées,  et  mes  voies 
ne  sont  pas  les  vôtres  :  Non  enim  cogitationes  meœ  cogitationes 
vestrœ ,  neque  viœ  vestrœ  vice  meœ,  dicit  Dominus  (Ejusd.  lv.  8). 
Je  sais  les  pensées  que  j'ai  formées  sur  vous,  pensées  de  paix, 
et  non  de  châtiment  :  2r</0  enim  scio  cogitationes,  quas  ego  cogito 
super  vos,  cogitationes pacis  et  non  afflictionis  (Jerem.  xxix.  11). 

Ne  vous  défiez  pas  du  pardon  et  de  l'amitié  de  Dieu ,  disent  saint 
Cyrille  et  saint  Thomas,  ne  vous  effrayez  pas  de  la  multitude  et  d« 
l'énormité  de  vos  rechutes, ni  de  l'habitude  du  crime;  la  misera 
corde  que  Dieu  offre  et  prometà  ceux  qui  se  repentent,  est  infinimeii 
plus  grande  que  tous  nos  excès.  Car  Dieu  offensé  n'est  pas  comml 
l'homme,  qui  ne  lance  que  des  menaces  et  ne  respire  que  vengeance 
contre  celui  qui  Va  outragé  :  Dieu  est  aussi  loin  de  ces  lispositionsque 
le  ciel  l'est  de  la  terre  ;  il  ne  désire  que  pardonner  et  faire  grâce.  C'est 
pourquoi  il  combat  nos  Offenses  avec  l'arme  de  la  clémence,  de  l'in- 
dulgence ci  .-•  la  miséricorde.  Mille  et  mille  fois  il  pardonne,  dit  Jéré- 
mie;  c'est-à-.-.re  toujours  lorsqu'on  Je  veut  :  Facis  misericordiam 
lu.  20 


30(1  MISÊÏirCOWDE. 

in  mUHbus  (xxxït.  18).  Et  n'est-ce  pas  ce  qp'assjjre  Notte-Sei- 
gneur  J.  C.  ?  Pierre  Rapprochant  de  lui,  l'interrogea  :  Seigneur,  lui 
dit-il,  ?i  mon  frère  pèche  contre  moi,  combien  de  fois  lui 
nerai-je?  jusqu'à  sept  fois?  Jésus  lui  répondit  :  Je  ne  vous  dis  pas 
jusqu'à  sept  fois ,  mais  jusqu'à  sentante  fuis  sept  lois  (Ma  ïù..  xyni. 
21-22),  c'est-à-dire  toujours 

Si  nous  n'avons  pas  disparu ,  dit  Jérémie ,  c'est  à  la  mi  '  '  or  Je 
du  Seigneur  que  nous  le  devons,  c'est  parce  que  sa  compassio  a 
pas  tari  :  Misericordiœ  Jjomini  quia  non  suma.s  cpnsumpti  ;  5  ..  n 
defecermtt  miseraiiones  ejus  (Lament.  m.  22). 

Dieu  est  riche  en  miséricorde,  dit  !e  grand  Apôtre  :  Deus  dives  es'- 
in  ndsericordia  (Ephes.  11.  4).  Il  n'y  a  pas  de  différence  ent  i 

et  le  Grec ,  dit-il  ailleurs;  Dieu  est  le  même  Seigneur  de  tous ,  r 
pour  tous  ceux  qui  l'invoquent  :  Non  enim  est  disdnclo 
Grœci  :  nain  idem  Dominus  omnium ,  dives  in  omnes  qui  invocant  illum 
(Rom.  x.  12). 

Jamais  ici-bas  la  colère  de  Dieu  ne  sévit  tellement,  cruelle  ne  si  it 
tempérée  par  sa  miséricorde,  dans  le  sein  de  laquelle  il  est  permis 
de  se  réfugier.  C'est  à  la  clémence  infinie  de  Dieu  que  nous  cl»  \ 
tant  de  grâces.  Malgré  sa  justice  irritée  par  tant  de  péchés,  sa  misé- 
ricorde ne  cesse  de  nous  attendre  ,  de  nous  presser  ,  de  nous  faire 
du  bien,  de  nous  couvrir  de  sa  protection.  Aussi  écoutez  Jérémie  : 
Le  Seigneur  est  mon  partage,  a  dit  mon  âme  :  c'est  pour  fuoi  je 
l'attendrai  :  Pars  mea  Dominus,  dixit  anima  mea  :  propterea  exsoe- 
ctabo  cum  (Lament.  m.  24). 

J'ai  voulu  la  miséricorde,  et  non  le  sacrifice,  dit  Dieu  parla 
bouche  d'Osée  :  Misericordiam  volui ,  et  non  sacrinçium  (vi.  0).  J.  G. 
adresse  ces  mêmes  paroles  aux  Juifs  :  Si  vous  compreniez  ,  leui; 
dit-il,  cette  parole  :  Je  veux  la.  miséricorde  et  non  le  sacrifice,  voul 
n'auriez  jamais  condamné  des  innocents  :  Siautem  sciretisquid  est  : 
misericordiam  volo  et  non  sacri/icium  ,  nunquam  çondemnassptis  i/mo- 
cenles{  Matth.  xn.  7). 

Apprenez  ici  combien  le  Seigneur  aime  la  miséricorde,  puisqu'il 
la  préfère  à  tous  les  sacrifices.  Oui ,  le  propre  de  Dieu  est  de  p„ 
ner,  comme  le  propre  île  l'abeille  est  de  faire  du  miel 

N'est-ce  pas  la  miséricorde  de  Dieu  qui  est  la  véritible  cause 
de  l'incarnation  et  de  la  rédemption?  Aussi  J.  G.  dit  :  .1 
pas  venu  appeler  \<>  justes,  nuis  les  pécheurs  :  Non  veni  1 
iustos,  sed  peecatores  (Mat th.  ix.  13).  Je  vous  dit  qu'il  y  aura  plus 
de  joie  dans  le  ciel  pour  un  pécheur  qui  fait  pénitence,  que  pour 


MISÉRICORDE.  307 

.;  -dix- neuf  justes  qui  n'ont  pas  besoin  de  pénitence 
ah.  xv.  7). 
J.  C.  n'ayant  point  été  reçpj  dans  une  ville  de  Samarie  -,  ses  disci- 
ples lui  dirent  :  Seigneur ,  voulez- vous  que  nous  commandions  au 
feu  du  riel  de  descendre  et  de  les  consumer?  Mais  se  tournant  vers 
auveur  lesgourmanda,  en  leur  disant  :  Vous  ne  savez  Je  quel 
■us  êtes.  Le  Fils  de  l'homme  n'est  point  venu  pour  perdre 
.-.-,  mais  pour  les  sauver  (Luc  îx.  52-5G),  Voilà  la  miséri- 
corde I 

Il  est  dit  de  J.  C.  qu'il  n'achèvera  point  de  rompre  le  roseau  brisé, 
et  qu'il  n'         dra  point  la  mèche  encore  fumante  (Matth.  xn.  20). 
Voilà  la  miséricorde  !... 
J.  C.  nest-il  pas  ce  bon  pa?teur  qui  charge  sur  ses  épaules  la 
arée,  et  qui  l'apporte  au  bercail  ?  N'est-il  pas  ce  miséricor- 
dieux Samaritain  qui  verse  l'huile  et  le  vin  dans  nos-plaies,,  et  nous 
conduit  au  ciel?  N'est-il  pas  ce  père  qui  gémit  sur  les  égarements 
de  l'enfant  prodigue,  et  qui,  touché  de  compassion,  court  au-devant 
de  lui,  l'embrasse,  le  serre  sur  son  cœur ,  l'inonde  de  larmes,  et  de 
caresses,  le  revêt  d'ornements  magnifiques,  fait  tuer  le  veau  gras 
iine  un  splentf  le  festin?...  Madeleine  s'agenouille  à  ses  pie  1s; 
•1  s 'empres.se  de  lui  pardonner.....  Pierre  le  renie;  il  lui  jette  un 
regard  de  miséricorde,  et  oublie  la  triple  faute  dont  il  s  "est  rendu 

coupable Le  bon  larron  mis  en  croix  lui  demande  grâce,  et  il 

lui  ouvre  le  ciel 

Les  païens  eux-mêmes  avaient  une  grande  idée  de  la  clémence  et 
de  la  bonté  du  Dieu  suprême,  puisqu'ils  avaient  donné  le  nom  de 
{imiter  au  maître  des  hommes  et  des  dieux,  àejuvans  pater,  père  qui 
aide,  qui  spcourt. 

f.  Etre  miséricordieux,  c'est  être  parfait;  bien  plus,  c'est  être  Dieu,     Excellence 
car  on  remplit  une  fonction  divine,  dit  saint  Chrysostome  :  Pretiosus    miséricorde. 
v\r  m>'sericors,  imo  misereri  est  Deus  esse  (  Hornil.  iv  in  Epist.  ad 
Plnl.'pp.  ).  La  miséricorde,  ajoute   ce  grand  docteur,  est   reine, 
vraiment  reine;  elle  rend  les  hommes  semblables  à  Dieu  :  Miseri- 
cordia  regina  est,  vere  regina,  similes  faciens  homines  Deo  (Ut  supra). 

II.  Les  hommes  qui  s'abandonnent  à  la  cruauté  sont  exposés  à  la 
haine  générale.  A  chaque  pas,  ils  ont  à  craindre  leur  ruine,  parce 
que  leur  iniquité  les  suit;  les  hommes  et  Dieu  lui-même  les  pour- 
suivent de  leur  vengeance..  Le  miséricordieux,  au  contraire,  n'a  à 
iler  ni  injure,  ni  violence,  ni  .haine,  parce  que  sa  miséricorde, 


308  MISÉRICORDE. 

bouclier  céleste,  et  la  grâce  de  Dieu  le  protègent.  Il  est  chéri  de  Dieu 
et  des  hommes 

III.  Heureux  les  miséricordieux,  car  ils  obtiendront  miséricorde  ! 
dit  J.  G.  :  Beati  miséricordes ,  quoniam  ipsi  misericordiam  conse- 
quentur  (Matth.  v.  7).  Faire  miséricorde,  c'est  l'obtenir  f>i- 
même 

Dieu  accorde  aux  miséricordieux  :  4°  la  grâce  de  la  pénitence,  et 

par  là  le  pardon  de  leurs  péchés...;  2°  d'abondantes  faveurs La 

miséricorde  est  promise  aux  miséricordieux;  Dieu,  qui  est  tout 
miséricorde,  l'exerce  envers  eux 

IV.  Le  miséricordieux  est  bienfaisant  pour  son  âme,  disent  les 
Proverbes  :  Benefacit  animœ  suœ  vir  misericors  (xi.  17). 

V.  En  faisant  du  bien  aux  autres,  le  miséricordieux  s'en  fait  à  lui- 
même.  En  effet,  4°  il  compte  autant  de  protecteurs  devant  Dieu, 
qu'il  y  a  de  personnes  envers  lesquelles  il  a  exercé  la  miséricorde...  ; 
2°  il  rend  Dieu  lui-même  son  débiteur,  puisque  Dieu  promet  de  faire 

miséricorde  aux  miséricordieux Dieu,  disent  les  Proverbes,  bénit 

l'homme  de  miséricorde  :  Qui  pronus  est  ad  misericordiam,  ùenedi- 
cetur  (xxn.  9  ). 

VI.  La  miséricorde  accompagne  l'homme  après  la  mort,  et  elle 
prend  sa  cause  au  tribunal  de  J.  G.  C'est  elle  qui  le  préserve  de  la 
condamnation. 

VII.  La  miséricorde  procure  la  vie,  la  justice  et  la  gloire,  disent 
encore  les  Proverbes  :  Qui  sequitur  misericordiam,  inveniet  vitam, 
iustitiam  et  gloriam  (xxi.  24). 

Comment      La   miséricorde  s'exerce,  4°  en  compatissant  aux  misères  d'au- 
lx trui...;  2'  en  le  soulageant...;  3°  en  aidant  une  âme  plongée  dans 
mi«ftncorde?    1  "ignorance,  l'affliction  ou  le  péché...;  A"  en  recherchant  ceux  qui  sont 
dans  le  besoin  et  en  prévenant  leurs  demandes...  ;  5°  en  leur  offrant 
du  secours...  ;  6°  en  se  sacrifiant  et  en  donnant  jusqu'à  sa  vie  pour 

les  autres ,  comme  ont  fait  J.  C,  les  apôtres  et  tant  de  saints 

Lorsque  nou-  rencontrons  des  pécheurs,  dit  saint  Grégoire,  nmis 
devons  pleurer  d'abord  nos  péchés  et  ensuite  les  leurs;  parce  que 
nous  avons  peut-être  commis  les  mêmes  fautes,  ou  que  nous  pou- 
vons les  commettre.  Si  les  maîtres  sont  obligés  de  censurer  et  de 
condamner  le  vice  atin  de  le  d.'truire,  il  est  bon  qu'ils  s'attachent 
toujours  à  le  faire  avec  prudence,  di  eernement  et  sollicitude ,  se 
s  avenant  qu'il  faut  à  la  fois  sévir  contre  Je  vice  et  compatir  à  la 
nature  humaine,  qui  est  si  faible.  Si  le  pécheur  doit  être  frappé,  le 


MISÉRICORDE.  309 

prochain  doit  aussi  être  nourri  :  Si  feriendus  est  peccator,  nutriendus 
est  proximus  (Pastor.). 

N'ou! liions  jamais  ce  que  dit  saint  Augustin,  qu'il  n'y  a  pas  df 
péché  commis  par  un  homme,  que  tout  autre  ne  puisse  commettre 
à  Dieu  l'abandonne 

Dans  notre  conduite  envers  le  prochain,  nous  devons  nous  atta- 
cher à  imiter  le  père  de  l'enfant  prodigue. 

Je  partage  votre  douleur,  mes  frères,  dit  saint  Cyprien  ;  avec  vous 
je  trappe  ma  poitrine;  il  me  semble  que  je  suis  tombé  avec  ceux 
d'entre  vous  qui  ont  failli ,  et  l'affection  que  je  vous  porte  m'a  pro- 
sterné à  côté  de  nos  frères  qui  frappent  la  terre  de  leur  front  :  Doleo, 
fratres,  vobîscum  :  cum  singulis  copulo  pectus  meum,  cum  jacentibus 
jacere  me  credo,  cum  prnstratis  fratribus  et  me  prostravit  affectas 
(Serai,  de  Laps.  ). 


MODESTTE. 


nécessité       /~\  tiE  dans  ton?  nn?  mouvements ,  dit  Paint  Augustin  ,  il  n       t 

de  la  /'El  •  • 

modestie.      M     ■  rien  qui  b  regard  de  qui  que  ce  soit,  rien  qui  ne 

\^,  soit  conforme  à  ia  sainteté  du  chrétien  :  In  omnibus  motibus 

noslris,  ml  fiât  quod  cujuspiam  o/jendat  at^ectum  t  sed  quod  nostram 

deceat  sanctitatem  (Regul.  3). 

Que  votre  modestie  soit  connue  de  tous  les  hommes ,  dit  le  grand 
Apôtre  :  Modestia  vestra  nota  sit  omnibus  ho  minibus  (l'hilipp.  îv.  •">). 
Que  tout  ce  qui  est  vrai,  dit-il  encore,  tout  ce  qui  est  pur,  tout  ce 
qui  est  juste ,  tout  ce  qui  est  saint ,  tout  ce  qui  est  aimable ,  tout  ce 
qui  donne  une  bonne  renommée,  tout  ce  qui  appartient  à  la  vertu  et 
qui  mérite  la  louange  se  trouve  en  vous  :  Quœcumque  sunt  vera, 
quœcumque  pudica,  quœcumque  justa,  quœcumque  sancta,  quœcumque 
amabilia,  quœcumque  bonœ  famœ,  si  quavirtus,  si  qua  laits  disciplinœy 
hœc  cogitate  (  Philipp.  îv.  8  ). 

Composez  votre  maintien,  votre  voix,  votre  visage,  votre  démar- 
che de  telle  sorte  que  cela  plaise  à  Dieu,  vous  honore,  et  édifie  le 
prochain,  dit  saint  Ambroise  :  Sic  habit um ,  vocem,  vultam , gressum 
comporte,  ut  deceat  Deum ,  ut  te  omet,  ut  proximvm  œdificet  (De 
Pudicit.  )•  H  faut,  dit  ailleurs  ce  grand  évéque,  il  faut  gar 
modestie ,  même  dans  les  mouvements ,  '  .'À ures  :  Est 

in  ipso  motu ,  gestu,  incessu  tenenda  verecundia  ( Lib.  I  OIB  \,  c.  xxm). 

L'impudicité  d'une  femme  se  lit  dans  la  hardiesse  de 
dit  la  sainte  Ecriture  :  Fornicatio  mulieris  in  extollentia  oculorum 
li.  xxvi.  t2).  11  est  donc  indispensablement  nécessaire  de  s'atta- 
cher à  acquérir  et  à  conserver  la  modestie  des  yeux. 

,stie    Hugues  de  Sautc-Victor  dit  :  Par  l'attitude  du  corps  on  connaît  I  Yt.it 
*    de  Lame  ;  les  mouvements  du  corps  sont  donc  en  qu 

qui  manifeste  les  pensées  et  les  affections  de  l'homme  :  IL 
mentis  in  corporis  statu  cognoscitur;  itaque  vox  quœdum  anitm 
motta  (De  Modestia). 
La  sa  gessedel  hom  me  éclatesur  son  visage,  dit  l'Ecolésiaste  :  Sapienï 
ti   homin  Is  lucet  in  viUtu  ejut  (  vin.  I  ).  Or,  cela  arrive  de  trois  manié- 
.  L°  l'Ame,  par  une  sympathie  naturelle,  se  montre  et  imprima 


<.c 


HOVZàuL.  3U 

ses  passions  et  ses  affections  dans  le  maintien  cm  corps  et  surtout 
dans  les  traits  du  visage...;  2»  la  sagesse,  c'est-u-dire  la  prudence  cv 
ia  modestie,  donnent  certaines  habitudes ,  non-seulement  à  Fàme , 
jnais  même  au  corps ,  et  principalement  au  visage;  elles  lui  impri- 
ment un  cachet  de  gravité,  de  piété,  de  sérénité  et  de  beauté  qu'on 
ne  peut  s'empêcher  de  remarquer...;  3°  la  sagesse  éclate  sur  le 
',  parce  que  le  Saint-Esprit  habitant  l'âme  et  l'éclairant, 
l  lumière  et  sa  beauté  sur  le  visage  et  sur  le  corps  entier; 
ainsi  que  la  lumière  d'une  lampe  pénètre  le  verre  qui  l'enveloppé 
et  Resplendit  au  dehors. 

On  connaît  un  homme  à  sa  tenue,  et  à  l'aspect  de  son  visage  on 
ne  sa  prudence,  dit  l'Ecclésiastique  :  Ex  visu  cognoscitur  vir,  et 
ab  occursu  faciei  cognoscitur  sensatus  (xix.  26). 

Le  vêtement  et  le  rire  de  l'homme,  ainsi  que  la  manière  dont  il 
se  présente,  font  connaître  ce  qu'il  est,  dit  encore  l'Ecclésiastique  : 
Amictus  corporis,  et  risus,  et  ingressus  hominis  cnuntiant  de  Mo 
(  xix.  27  ). 

Le  visage  et  les  yeux  sont  le  miroir  de  l'àme.  Comme  ils  indiquent 
la  joie ,  la  tristesse ,  l'amour  ou  la  haine,  ils  marquent  aussi  la  can- 
deur ,  la  modestie ,  la  ruse  et  l'hypocrisie 

Dans  le  maintien  du  corps  se  voit  l'état  de  l'âme,  dit  saint 
Ambroise;  c'est  par  lui  qu'on  peut  juger  du  plus  ou  du  moins  de 
légèreté,  d'orgueil,  d'incontinence,  ou  au  contraire  du  plus  ou  du 
moius  de  gravité,  de  fermeté,  de  pureté  et  de  maturité  de  l'homme 
qui  se  cache  au  fond  de  notre  cœur  (1). 

Toute  affection  et  tout  mouvement  de  l'àme ,  ditCicéron ,  a  reçu 
de  la  nature  une  expression  de  visage ,  un  son  de  voix  et  une  impres- 
sion qui  lui  sont  propres  :  le  visage  est  l'image  de  l'âme  :  tfoéhis 
motus  animi,  suum  quemdam  a  nature,  habet  vultum,  et  sonum,  et 
Qvztum  :  animi  imago  vultus  est  (  Lib.  111  de  Orat.  ). 

Voici  les  marques  de  la  modestie,  dit  Aristote  :  la  gravité  des  allure?  Quelles  sont 

et  des  mouvements,  la  réserve  et  la  prudence  des  paroles,  un  ton  de  les  3^ues 

voi.v  modéré  exprimant  la  bonté   et  la  douceur,  l'œil  content,  modestie, 
baissé ,  jamais  trop  ouvert  ni  trop  ferme  [Physio§H.,  c.  Vf). 


liabitus  mentis  in  corporis  statu  cernitur.  TTine  honio  cortlis  nostri  absconcîi- 
tus,  aut  levier,  au  tjactantior,  aut  turbid!'1!-;  aut  e  contru,  ^ravior,  et  coustantior. 
et  purior,  et  ..  timatur  (Lib.  I  Oj/tc,  c.  xvhi 


HODT'STIB. 

Modèles  L'autel'^  de  ia  vre  <&  saint  Bernard  (lib.  ÏIÏ,  c.  i)  fait  îe  portrait  su;- 
e  modestie.  YaQj.  ^  ce  grail(j  homme  et  de  ce  grand  saint  :  Une  certaine  grâce 
toute  spirituelle  apparaissait  dans  sa  personne;  un  doux  éclat  qui 
n'avait  rien  de  terrestre,  mais  qui  venait  du  ciel,  brillait  sur  son 
visage;  une  pureté  angéiique  et  une  simplicité  de  colombe  appa- 
raissaient dans  ses  yeux.  La  beauté  de  son  âme  était  si  grande  qu'elle 
se  manifestait  au  dehors  par  ries  signes  très-visibles  ;  et  son  extérieur 
était  abondamment  pénétré  de  la  plénitude  de  pureté  et  de  grâce  qui 
l'inondait.  ^ 

Saint  Malacme,  eveque  v^mande,  se  distinguait  par  une  admi- 
rable modesLie.  Il  ne  remuait  aucun  membre  sans  raison,  dit  t 
Bernard,  entre  les  bras  duquel  il  mourut  à  Ciairvaux  :  Nullum  mem- 
trum  sine  ratione  movebut  (  In  ejus  vita  ). 

Saint  Lucien,  prêtre  et  martyr,  convertit  un  grand  nombre  d'in- 
fidèles uniquement  par  son  aspect  modeste,  joyeux  et  pieux. 
L'empereur  Maximien  ayant  ouï  lire  que  le  visage  de  Lucien  était  si 
modeste  et  inspirait  tant  de  vénération,  que  s'il  le  voyait  une 
seule  fois,  il  serait  tenté  de  se  faire  chrétien,  ordonna  qu'on  le 
couvrit  d'un  voile  avant  de  le  faire  comparaître  en  sa  présence 
'Baronius,  Bist.  Eccles.). 

Dans  tous  les  siècles  et  dans  tou=  ies  jieux  les  justes  et  les  saints  s 

font  fait  remarquer  par  une  grande  et  constante  modestie Que  ne 

les  imitons-nous!... 

Bmite,       Qu'est-ce  que  la  rose?  c'est  la  pourpre  du  printemps.  Qu'est-ce  que 
excellence  et    \à  modestie?  c'est  ia  pourpre  des  vertus 

avantages  de  l  l 

la  modestie.        Euripide  appelle  la  modestie  le  don  le  plus  beau  que  [es  dieux 
aient  fait  aux  hommes  :  Donum  piUeherrimwn  deorum  (In  Medea). 

Le  don  le  plus  beau  pour  une  femme,  dit  saint  l  .ne, 

c'est  le  silence ,  la  modestie  et  l'habitude  de  la  tranquillité  et  de  la 
retraite  :  Feminœ  pulcherrimum  donum  est  silentium ,  et  modestia,  et 
intus  tranquille  manere  (Homil.  ad  pop.  ). 

La  modestie  est  la  fleur  qui  doit  orner  la  jeunesse 

La  modestie  ne  cesse  de  régler  les  paroles,  la  démarche,  le  main- 
tien ,  les  mouvements  et  ,,  

Socrate  engageait  ses  disciplesà  acquérir  trois  choses  :  1°  un  espri 
prudent;  2°  une  Lang  Le  amie  du  silence;  ;:>  un  visage  et  un  exlé^ 
rieur  modestes  (Anton,  in  Meliss.  ). 

La  modestie  est  si  belle,  si  ai  i  si  précieuse,  surtout  <hn<=. 

les  femmes  et  dans  la  jeunesse,  cru'  -    | 


MODESTIE.  313 

respect  et  l'affection  de  tous  les  hommes.  On  rend  une  e?rèce  de 
culte  aux  personnes  vraiment  et  constamment  modestes.  La 
modestie  est  la  plus  belle  fleur  de  l'âme  et  du  corps;  c'est  la  rose  et 
le  lis  réunis  ensemble;  c'est  un  nouveau  paradis  terrestre.  Une 
femme  modeste  est  chérie  de  Dieu,  il  la  visite  et  la  comble  des 
faveurs  les  plus  signalées...;  elle  fait  le  bonheur  de  son  mari  et  la 
gloire  de  ses  parents,  de  la  société  et  de  la  religion 

La  modestie,  dit  saint  Bernard ,  est  la  perle  des  mœurs,  la  vergs 
de  la  discipline,  la  sœur  de  la  continence ,  la  lampe  de  l'âme  chaste  ; 
elle  fait  disparaître  le  mal ,  elle  propage  la  pureté;  elle  est  la  gloire 
spéciale  de  la  conscience,  la  gardienne  de  la  réputation,  l'honneur 
de  la  vie,  le  siège  de  la  force,  les  prémices  des  vertus,  ce  que  la 
nature  a  de  plus  louable,  et  Fornement  de  tout  ce  qui  est  honnête. 
Si  la  pudeur  vient  à  colorer  les  joues  de  son  vermillon ,  quelle  grâce 
et  quel  charme  ne  répand-elle  pas  sur  le  visage!  (1) 

La  modestie  gouverne  l'âme  et  le  corps ,  dit  encore  ce  grand  doc- 
teur; elle  empêche  le  front  de  s'enorgueillir;  elle  détruit  l'air 
farouche,  règle  le  visage,  enchaîne  les  regards,  arrête  les  trop 
grands  éclats  de  rires ,  modère  la  langue ,  met  un  frein  à  la  bouche, 
calme  la  colère  et  ordonne  la  démarche  (De  Modo  bene  vivendi,  c.  ix). 

La  modestie  conduit  à  la  crainte  du  Seigneur,  à  la  richesse ,  à  la 
gloire  et  à  la  vie,  disent  les  Proverbes  :  Finis  modestiœ  timor  Domini, 
divitiœ,  gloria  et  vita  (xxii.  A). 

voilà  les  magnifiques  récompenses  accordées  à  la  modestie 

La  modestie  doit  soumettre  à  ses  lois  les  yeux,  les  oreilles,  les       doit  être 
paroles,  le  visage,  les  pieds,  les  mains,  le  maintien,  les  mou-  et'ëXtériéure. 
vements,  la  marche  ,  etc Elle  doit  régner  sur  l'âme,  l'intelli- 
gence, la  volonté ,  l'esprit  et  Je  cœur 

La  modestie  purement  extérieure  ne  suffit  pas  ;  la  modestie  inté- 
rieure seule  ne  suffit  pas  non  plus  :  il  faut  que  l'une  accompagne 
l'autre 

Les  moyens  d'acquérir  la  modestie  sont  :  1°  la  présence  de  D:eu...;      dï£,7Sr 
2"  la  vigilance  sur  les  sens ,  surtout  sur  les  yeux. . .  ;  3^  l'humiiité.. .  ;    l»  modestie; 

(1)  Verecnndia  est  gemma  morum,  virga  disciplina;,  soror  continents,  lampas 
pudieffi  mentis,  expuntrix  maloruin  et  propagatrix  puritatis,  specialis  gloria  con- 
acienti»  et  famae  custos,  vitae  decus ,  virtutis  sedes ,  virtulum  primitiae,  naturae 
laus  et  insione  totius  honesti.  Rubor  ipse  genarum ,  quem  foi\e  invexerit  pudor, 
quautum  gratiue  et  decoris  sulfuso  afferra  vuitui  solet!  i^emt.  uuuyi  in  Cant.) 


3t4  MODESTIE. 

4°  la  pudeur...  ;  5°  la  douceur  :  la  première  de  ces  vertus,  c'est-à- 
dire  l'humilité,  est  la  mère  de  la  modestie,  la  seconde  est  sa  iille, 
et  la  troisième,  sa  soeur...  ;  6°  la  fuite  des  dangers  :  fuyez  la 
compagnie  des  jeunes  gens  déréglés,  dit  saint  Jérôme,  ne  vous 
exposez  pas  en  public;  ne  fréquentez  que  des  personnes  sages,  pieu- 
ses et  chastes  (FjÀst.)...;  7°  éviter  la  vanité...;  8°  prendre  Marie 

pour  moièle 

(  Voyez  Pureté  ,  Bon  exemple.) 


MONDE. 


M 


oi,  dit  T.  C.  g  ç-:-  apôlr  Si  'je  prierai  le  Père,  et  il  vous  don-     Le  monda 

L  °     r  est  plein 

nera  le  Paraclet  (1)  pour  qu'il  demeure  avec  vous  toujours,    d'erreurs  et 


l'Esprit  de  vérité  que  le  monde  ne  peut  recevoir,  parce  qu'il 
ne  le  voit  point  et  ne  le  connaît  point.  Mais  vous,  vous  le  connaîtrez, 
parce  qu'il  demeurera  en  vous  et  sera  en  vous  (2). 

J;  C.  oppose  le  Saint-Esprit,  qui  est  l'esprit  de  vérité,  à  l'esprit  du 

inonde,  qui  est  l'esprit  de  mensonge J.  C.  dit  que  le  monde  ne 

peut  recevoir  le  Paraclet,  parce  qu'il  ne  le  voit  point  et  ne  le  con- 
naît point.  C'est  déclarer  que  le  monde  est  rempli  d'erreurs  et  de 
ténèbres.  Or,  J.  C.  est  un  juge  qui  ne  se  trompe  pas 

Saint  Paul ,  écrivant  aux  Corinthiens,  leur  dit  :  Pour  nous,  nous 
n'avons  point  reçii  l'esprit  du  monde ,  mais  l'esprit  qui  est  de  Dieu, 
afin  ons  les  dons  que  Dieu  nous  a  fâàta  :  Nos,  non 
sjiïritum  hu.jus  mundi  accepimus,  sed  spiritual  qui  ex  Deo  est,  ut  scia- 
musquœaDeo  donata  sunt  nobis  (I.  il.  43).  L'esprit  du  monde  nt- 
connaît  donc  pas  les  dons  de  Dieu  ;  il  est  donc  dans  l'erreur 

Le  monde  est  tellement  dans  l'erreur,  qu'il  prend  la  vérité  pom 
le  mensonge ,  le  bonheur  pour  le  malheur ,  les  vraies  richesses 
pour  la  pauvreté,  la  mort  pour  la  vie,  et  réciproquement.  C'est  ce 
que  dit  saint  Augustin  :  Tout  ce  que  le  inonde  regarde  comme  une 
croix,  je  le  regarde  moi-même  comme  quelque  chose  de  délicieux; 
et  ce  que  le  monde  déclare  délicieux,  je  le  tiens  pour  une  croix  i 
Qiift'cumque  mundus  reputat  crucem,  ego  ddicias  reputo  ;  et  quœ  mundus 
delicio',  ego  reputo  crucem  (Lib.  de  Civit.). 

Ils  ont  erré  dans  la  solitude,  dit  le  Psalmiste,  dans  une  terre  sans 
eau  ,  et  ils  n'ont  point  trouvé  le  chemin  de  la  cité  habitai  >!«•  :  .'.Y/'a- 
solituditle,  in  inaquoso  :  viam  civitotis  habitaculi  non  inveuerunt 
.ht). 
Livré  à  son  jugement  pervers,  le  monde,  dit  saint  Ci-cgouv 


(1)  Ce  mot  signifie  consolateur. 

ibo  Patrem,  et  alium  Paraeletum  <labit  vobis,  ut  maneat  vobiscura 
veritatis,  quein   mundus  non  potest  accipere,  quia  nou  J  Met 
cuin.  nec  set  eum.  Vos  autena  cognoscetis  eum,  quiu  apud  vos  nianebit,  et  in  vobis 
crit  ^Joann.  Xiv.  lu.  17). 


de mensonge3 


316  MONDE. 

préfère  le  trouble  à  la  tranquillité ,  ce  qui  est  dur  à  ce  qui  est  doux, 
ce  qui  est  pénible  à  ce  qui  est  facile,  ce  qui  passe  à  ce  qui  est  éternel, 
ce  qui  est  suspect  à  ce  qui  est  sur  :  Perversijudicio,  perturbata  iran- 
quillis,  dura  lenibus ,  aspera  mitibus ,  transitoria  œtemis,  suspecta 
securis ,  anteponunt  (Lib.  Moral.). 

Tout  ce  que  le  monde  loue  mérite  le  blâme  ;  ce  qu'il  blâme  est 
digne  de  louange;  ce  à  quoi  il  pense  est  vanité;  ce  qu'il  oublie 
est  excellent;  ce  qu'il  dit  est  faux;  ce  qu'il  condamne  est  bon  ; 
ce  qu'il  approuve  est  mauvais;  ce  qu'il  vante  et  glorifie  est 
infâme 

Jl  n'y  a  sur  la  terre ,  dit  le  prophète  Osée,  ni  vérité,  ni  miséri- 
corde ,  ni  science  de  Dieu  :  Non  est  veritas,  et  non  est  misericordia ,  et 
non  est  scient ia  Dei  in  terra  (  rv.  4  ). 

La  vie  du  monde ,  dit  saint  Augustin,  est  une  vie  misérable, 
ténébreuse,  pleine  dépêchés  et  d'orgueil  (Médît.,  c.  xix). 

0  monde,  ô  traître,  s'écrie  un  célèbre  auteur,  tu  promets  tous  les 
biens,  et  tu  ne  donnes  que  maux  ;  tn  promets  la  vie,  et  tu  donnes  la 
mort;  tu  promets  la  joie,  et  tu  fais  naître  le  chagrin;  tu  promets  le 
repos,  et  tu  n'engendres  que  trouble;  tu  promets  des  fleurs,  mais 
elles  se  fanent  soudain  ;  tu  promets  la  solidité ,  mais  ta  chancelles  et 
tu  tombes!  Malheur  à  celui  qui  se  fie  à  toi;  heureux  celui  qui  te 
résiste  ;  plus  heureux  encore  celui  qui  te  quitte  sans  blessure  !  Que 
tous  les  hommes  prennent  la  parole;  que  le  vieux  père  Adam  se 
lève  avec  sa  nombreuse  famille ,  et  que  tous  disent  s'ils  ont  eu,  dans 
ce  monde  de  déception,  quelque  joie  sans  tristesse,  la  paix  sans  la 
discorde,  le  repos  sans  la  crainte,  la  santé  sans  la  maladie,  la  lumière 
sans  les  ténèbres,  le  pain  sans  le  travail ,  le  rire  sans  les  larmes. 
O  monde  impur  !  habiter  avec  toi  et  n'être  pas  trompé,  abreuvé 
d'amertume,  c'est  impossible;  espérer  en  toi  et  ne  pas  trembler, 
c'est  folie;  t'aimer  et  ne  pas  périr,  c'est  ce  qui  ne  s'est  jamais  vu  I 
Et  ce  monde  qui  passe,  qui  nous  leurre,  qui  nous  agite,  nous  l'ai- 
mons; il  nous  fait  défaut,  et  nous  l'appelons  fidèle;  il  nous  tue, 
:"d  est  lui-même  la  mort ,  et  nous  le  désirons  comme  la  vie.  O  monda 
iéducteur,  ton  miel  et  ta  douceur  n'est  que  fiel,  que  joie  trompeuse, 
/jue  douleur  certaine ,  que  travail  accablant,  que  rep  ■  inqu  1 1;  tu 
es  plein  de  misères,  tu  n'as  pas  de  bonheu •■  à  faire  espérer  (Auctor.. 
terni,  ad  frat.  in  ère t no,  serin,  xxxi). 

Ainsi  les  erreurs  et  les  mensonges  abondent  dans  le  monde  ;  ou 
plutôt,  lemonde  n'est  qu'erreur  et  mensonge 


MONDE.  317 

Dans  le  Verbe  était  la  "rie,  dit  l'évangéliste  saint  Jean,  et  la  vie 
était  la  lumière  des  hommes;  et  la  lumière  luit  dans  les  ténèbres, 
et  les  ténèbres  ne  l'ont  point  comprise  :  In  ipso  vita  erat ,  et  vita  erat 
lux  hominum  ;  et  lux  in  tenebris  lucet,  et  tenebrœ  eam  non  comprehende- 
runt  (i.  4. 5).  Il  était  la  vraie  lumière  qui  éclaire  tout  homme  venant 
en  ce  monde.  Il  était  dans  le  monde,  et  le  monde  a  été  fait  par  lui, 
ii le  ne  l'a  point  connu.  II.  est  venu  chez  soi,  et  les  siens  ne 
l'ont  point  reçu  (l). 

J.  C.  s'adressant  à  son  Père ,  dit  :  Père  saint,  le  monde  ne  vous 
a  pas  connu  :  Pâte?1  sancte,  mundus  te  non  cognovit  (Joann.  xvn.  25). 

L'homme  animal,  dit  le  grand  Apôtre,  ne  perçoit  point  ce  qui  est 
de  l'esprit  de  Dieu;  pour  lui  c'est  folie,  et  il  ne  le  peut  comprendre, 
parce  qu'on  en  juge  par  l'esprit  :  Animalis  homo  non  percipit  ea  quœ 
sunt  spiritus  Dei ,  stultitia  enim  est  illi ,  et  non  potest  intelligere ,  quia 
spiritualiter  examinatur  (I.Cor.  n.  i&).  N'aimez  pas  le  monde,  ni  ce 
qui  est  dans  le  monde,  dit  saint  Jean  :  Nolite  diligere  mundum,  neque 
eaquœ  in  m  ndo  sunt  (I.  n.  15).  Ceux  qui  aiment  le  monde  sont 
aveugles  et  insensés;  ils  préfèrent  ce  qui  passe  à  ce  qui  est  stable, 
ce  qui  périt  à  ce  qui  est  éternel ,  la  terre  au  ciel,  l'homme  à  Dieu, 
le  créé  à  l'incréé.  C'est  pourquoi ,  ils  passent  eux-mêmes  avec  les 
iagatelles  auxquelles  ils  se  sont  attachés  ;  ils  meurent  et  devien- 
nent la  proie  de  l'enfer 

Que  préférez-vous,  dit  saint  Augustin,  ou  d'aimer  les  choses 
temporelles  et  de  asser  avec  le  temps ,  ou  de  ne  pas  aimer  le 
monde,  et  de  vivre  éternellement  avec  Dieu  :  Quid  vis,  utrum 
omare  temporalia,  et  transire  cum  tempore  ;  an  mundum  non  amare ,  et 
in  œternum  vivere  cum  Deo  (Epist.  xxxvi). 

Celui  qui  est  plus  grand  que  le  monde,  ne  peut  rien  demander  au 
monde,  dit  saint  Cyprien  :  Nihil  appetere  de  seculo potest ,  qui  seculo 
major  est  (Serm.  in  Orat.  Dom.). 

L'amour  du  monde ,  dit  saint  Augustin ,  mène  à  tous  les  péchés  : 
Ad  omne  peccatum  amorducit  mundi  (Epist.  xxxvi).  C'est  une  grande 
ignorance  et  un  grand  aveuglement  que  de  s'attacher  au  monde,  qu. 
n'est  que  ténèbres  et  ignorance 

Considérez  la  vie  des  mortels  qui  aiment  le  monde ,  dit  sais 
Paulin  j  vous  le;  verrez  tout  semblables  à  la  bête  de  somme  qui,  le 


Le  monde 
n'est  qu'er- 
reurs, parca 

qu'il  est 

plongé  dans 

l'ignorante 

et  l'aveugle 

ment. 


(1)  Erat  lux  vera  quœ  illuminât  omnem  hominem  venientem  in  hune  muni 
In  mundo  erat,  et  mundus  per  ipsum  factus  est,  et  mundus  eum  non  cognovit.  In 
propria  venit,  et  sui  eum  non  receperunt  (Joann.  i.  9-11). 


31 S  motte. 

\. 

à  l'erreur  de  I  urs  sens  .  aya  t  les  yeux  vie  l'esprit  v<  l'irn- 

pureté  de  leur  vie,  ils  tournent  sans  cesse  tr  înant  un  écr 
fardeau,  et  après  une  douloureuse  existence,  ils  finissant  par  une 
mort  malheureuse  (Ê  'st.       Sever.). 

Le  monde,  dit  saintBernard,  a 
Que  dis-je  le  mou  ]c  a  ses  nui 

et  se  trouve  constamment  plongé  dans  les  ténèl. .  t  mundys 

noctes  suas,  et  non  paucas.  Quid  dico.  quia  noctcs  h 
eum  pêne  totus  ipse  sa  nox ,  et  tnf.us  semner  versetur  in  tènebris? 
(Serm.  lxxv.  ) 

La  terre  les  a  dévorés,  dit  l'Ecriture  :  Dévorant  nos  tara  (Exod. 
xv.  12).  La  terre,  dit  OïL  .' "nui  les  mon- 

dains  impies,  ces  hommes  qui  ne  pensent  qu'à  la    terre, 
n'agissent  que  pour  la  terre,  qui  ne  parlent  que  de  la  terre  ,  qui 
s'arrachent  les  biens  de  la  terre,  qui  ne  désirent  que  I,  I 

qui  mettent  en  elle  leur  (espérance.  Ils  ne  lèvent  jamais  Jeu: 
vers  le  ciel,  ils  ne  songent  point  aux  choses  futures,  ils  ne  c  t 

pas  les  jugements  de  Dieu,  et  ne  désirent  point  le.  bonheur         l 
nous  a  promis.  Si  vous  voyez  un  de  ces  hommes,  dites  :  L  i 
déu.ré  :  Devoravit  eum  terra.  Si  vous  apercevez  quelqu'un  qui  se 
livre  à  l'impureté  et  aux  voluptés  du  corps,  quel  jtfun  sur  !         : 
l'esprit  n'ait  pas  d'empire,  mais  qui  soit  devenu  le 
passions,  dites  :  La  terre  l'a  dévoré  :  Devoravit  eum  ierra  (  t 

la  mort  et  l'enfer  les  dévoreront  à  leur  touir Le  Prophète  I       I 

a  bien  caractérisé  le  monde  aveugle,  en  l'appelant  mie  terre  d'oubli: 
Terra  oblimohis  (lxxxvii.  13).  Tout  e  :  effet  y  est  oublié  :  Dieu,  sa  toi, 
la  religion,  les  bonnes  œuvres,  le  salut,  la  fin  île  l'homme,  la  vie, 
la  mort,  l'éternité Tout  y  est  oublié,  excepté  le  mal 

Dangers       Je  crains,  dit  saint  Paul  aux  Corinthiens  ,  je  crarûs  que  comme  li> 
du  mc.ude.     gj^ent  Séduisit  Eve  pab*  son  astuce,  alns  ofe  settorrom- 

t  et  ne  s*(  i  -implicite  qui  est  dans  le.  Christ  (H.  u.  3). 

ifluence  du  monde.  J'ai  et 
voyage  souvent,  ■  ii  t  ai  l  leurs  Je  grand  Apôtre,  dans  les  périls  de  fleu\  i  s, 

fl)  I'iipio«  ethip    hfldfê  Wra  derorat   :   qui  iéatpee  de  terra  contint,    terrfna 
fariunt,  de  terra  toquuutur,  'i'1-  ul>  tcrram  desiderant  e!  in  ea  gpi  muni, 

ad  cœlum  non  ré'spiciunt,  futura  non  c  citant,  judii  um  Dei  non  tnetuont,  no 
missa  ejus  desÀderant;  talcm  eu  i  quem 

Tideris  luxurisc  et  yoluplal  lihil  aniinus  valut,  6ed 

intumlibid  ■  nonsi^  •   ii.uu.  :  Pevorayit  eum  terra  [Comment,  in  Exod.). 


MONDE.  349 

périls  de  voleur?,  périls  fie  la  part  de  ma  nation ,  périls  de  la  p 
des  gentils,  périls  dans  la  ville,  périls  dans  le  désert,  périls  sur  mer, 
périls  parmi  les  faux  frères  :  In  itineribus  sçepe,  periculis  fluminum  , 
periculis  latronum,  periculis  ex  génère ,  periculis  ex  gentibus,  periculis 
incivitate ,  periculis  in  solititdine,  periculis  in  mare,  periculis  in  falsis 
fratribus  (II.  Cor.  xi.  26).  Voilà  le  portrait  et  l'emblème  des  dangers 
du  monde 

Tout  dans  le  monde ,  dit  saint  Léon  ,  est  plein  de  dangers  et  de 
:  Jes  passions  excitent,  l'attrait  des  plaisirs  tend  des  embû- 
ches, les  gains  flattent,  les  pertes  abattent,  les  langues  sont  amères  : 
Plena  omnia  periculis ,  plena  lequeis:  incitant  cupvlitates ,  insidiantur 
illecebrœ,  blond  iuntur  lucra,  damna  déterrent,  amorce  sunt  obloquen- 
tiumlinguœ  (Serm.  vi.  de  Nativ.  Christi).  Heureux,  dit  saint  Ber- 
nard, heureux  l'homme  qui  ne  poursuit  pas  les  biens  du  monde,  qui 
sont  un  fardeau  pour  celui  qui  les  possède,  qui  souillent  ceux  qui 
Jes  aiment  et  dont  la  perte  déchire  :  Beatus  qui  post  Ma  non  abiit, 
quœ  possessa  onerant ,  amata  viquirxmt,  amissa  cruciant  (Epist.  cm). 

L'apôtre  saint  Jean  peint  en  quelques  mots,  etavec  des  couleurs 
hien  vives,  les  dangers  du  monde  :  Tout  ce  qui  est  dans  le  monde, 
dit-il,  n'est  que  convoitise  de  la  chair,  convoitise  des  yeux  et  orgueil 
de  la  vie  :  Omne  quod  est  in  mundo,  concupiscentia  carnis  est,  et  concu- 
niscentia  oculorum ,  et  superbia    vitœ  (I.  n.  12). 

Personne,  dit  saint  Jérôme  ,  ne  met  le  pied  avec  sécurité  parmi 
les  serpents  et  les  scorpions;  et  vous,  vous  croyez  rencontrer  la  paix 
dans  le  monde,  sur  cette  terre  qui  se  couvre  de  ronces  et  d'épines, 
et  dont  le  serpent  qui  séduisit  Eve  fait  sa  nourriture  :  Nemo  inter 
ter  pentes  et  scorpiones  securus  ingreditur  :  tu  pacem  arbitraris  in  terra 
quœ  tribulos  générât  et  spinas  et  qvam  serpens  comedit  l  (Gen.  m.  44. 
—  Epist.  ) 

Le  mon  le  est  le  séjour  des  douleurs,  une  école  de  vanité,  une 

j)lace  publique  où  circulent  des  imposteurs Toutes  les  fois  que 

Démocrite  sortait  de  sa  maison  et  allait  parmi  les  hommes,  il  riait; 
en  pareille  circonstance,  Heraclite  pleurait.  Ou  leur  demanda  pour- 
quoi ils  se  conduisaient  ainsi?  ils  répondirent,  l'un  qu'il  riait,  l'autre 
qu'il  pleurait  à  cause  de  la  vanité,  des  frivoles  occupations,  des  soi7 
cis  et  des  recherches  des  hommes  (Plutarch.). 

Toutes  les  fois  que  j'ai  été  parmi  les  hommes,  j'en  suis  revenu 
moins  homme  ,  dit  l'auteur  de  l'Imitation  de  J.  C.  :  Quoties  inter 
bomines  fui,  minor  homo  redii{c.  xx). 

Ecoutez  Sénèque  parlant  à  Lucilius  :  Vous  itir  demandez  ce  que 


320  MONDE. 

vous  devez  éviter?  Ja  foule.  Vous  De  vous  abandonnerez  jai 
impunément  à  elle.  Quant  à  moi,  j'avoue  ma  faiblesse,  je  n'en  sur: 
jamais  avec  les  bonnes  habitudes  que  j'y  ai  portées.  Je  reviens  plus 
avare,  plus  ambitieux,  plus  enclin  au  luxe  et  aux  plaisirs;  le 
dira:s-je  ?  plus  cruel  et  plus  inhumain,  et  tout  cela  parce  que  je  me 
suis  trouvé  au  milieu  des  hommes  (1). 

Nul  d'entre  vous,  dit  Sénèque,  ne  peut  résister  au  mouvement 
impétueux  des  vices  qui  arrivent  avec  un  si  terrible  et  si  nombreux 
cortège.  Un  familier  habile  énerve  et  amollit  peu  à  peu;  un  voisin 
riche  irrite  la  convoitise  ;  un  mauvais  compagnon  communique  ses 
vices  même  au  plus  candide  (Epist.  ad  Lucil.  ). 

Quelques  personnes  me  suffisent,  dit  Démocrite;  une  est  assez,  et 
il  ne  me  déplait  pas  d'être  seul  :  Satis  mihi  sunt  pauci;  salis  est 
vnus,  satis  est  nullus  (  Plutarch.  ). 

tmsse  nvcm  ^  sagesse  de  ce  monde  est  folie  devant  Dieu,  dit  le  grand  Apôtre  : 
Sapienlia  hujus  mundi  stultitia  est  apud  Deum  (I.  Cor.  ni.  19  ). 

•T  La  sagesse  du  monde  est  folie;  car  avec  sa  prétendue 
sagesse ,  le  monde  ne  goûte  pas  les  vérités  du  salut  et  les  choses 
divines 

2"  Elle  est  folie;  car  Dieu  n'a  pas  voulu  s'en  servir  pour  annoncer 
/Evangile  et  le  faire  triompher;  mais  il  a  pris  pour  apôtres  des 
hommes  qui  y  étaient  complètement  étrangers.  C'est  ce  quo  dit  saint 
Paul  :  Il  est  écrit  :  Je  perdrai  la  sagesse  des  sages,  et  je  réprouverai 
la  prudence  des  prudents.  Où  est  le  sage?  où  est  le  docteur?  où  est  le 
conquérant  de  ce  siècle?  Dieu  n'a-t-il  pas  changé  en  folie  la  sagesse 
de  ce  monde?  Parce  que  dans  la  sagesse  de  Dieu,  le  monde  n'a  point 
connu  Dieu  par  la  sagesse ,  il  a  plu  à  Dieu  de  sauver  par  la  folie  de 
la  prédication  ceux  qui  croiraient  en  lui.  Les  Juifs  demandent  des 
prodiges  et  les  Grecs  cherchent  la  sagesse.  Quant  à  nous,  nous  prê- 
chons le  Christ  crucifié,  le  Christ  scandale  pour  les  Juifs,  folie  pour 
les  Grecs  ;  mais  pour  les  élus,  Juifs  et  Grecs,  la  vertu  et  la  sagesse 
de  Di  m  ;  parce  que  la  folie  de  Dieu  est  plus  sage  et  sa  faiblesse  plus 
forte  que  les  hommes.  Car  voyez,  frères,  ceux  qui  sont  appelés  parmi 
vous  :  il  y  a  peu  de  sages  selon  la  chair,  wu  de  puissants,  peu  de 


(1)  Qni.l  lihi  rifandum  pr.Tcipuf  r\i«timem,  qurcris?  turbam.  Nnmquam  illi  tnto 
te  commù  '   "   certe  conflteor  imbecillitatrm  mcam,    nnnqi    m   mores  qaos 

txtnli,  rciVrn.  Avarior  redeo,  ambHiosior,  luxuriosior;  imo  vero  crudelior  et  ..îhw 
manior,  quia  iiiter  homines  fui  [Epist.). 


MONDE.  321 

s;  mais  Dieu  a  choisi  ce  que  le  monde  a  de  simple  pour  con- 
i  ii  iv  1rs  sages;  ce  qu'il  y  a  de  faible,  pour  confondre  les  forts;  ce 
qu'il  a  de  bas,  de  méprisable,  et  ce  qui  n'est  pas,  pour  détruire  ce 
qui  est  (I.  Cor.  i.  19.  28). 

3>  La  sagesse  du  monde  est  folie;  car  souvent  cette  sagesse 
est  opposée  aux  dogmes,  à  la  morale  et  aux  œuvres  de  la  foi.  Vou- 
lant tout  comprendre  et  tout  expliquer  par  les  seules  lumières  de  la 
faible  et  aveugle  raison,  elle  nie  la  révélation,  l'incarnation,  la 
rédemption  ,  et  plusieurs  autres  points  delà  doctrine  chrétienne?... 

Dieu  a  parlé,  elle  nie  ce  fait Dieu  a  ordonné  de  croire  à  tel  et  tel 

mystère,  elle  le  nie  encore Elle  vajusqu'à  nier  Dieu Et  quelle 

est  ia  sagesse  du  monde  appliquée  à  la  morale  et  à  la  conduite?  Le 
monde  n'enseigne-t-il  pas  une  morale  contraire  à  la  morale  de  J.C.? 
J.  C.  dit  :  Heureux  les  pauvres;  heureux  ceux  qui  pleurent;  heu- 
re ux  ceux  qui  ont  le  cœur  pur;  heureux  ceux  qui  souffrent!  (Matth. 
v.  )  Le  monde  dit  :  Heureux  les  riches;  heureux  ceux  qui  rient; 
heureux  ceux  qui  se  plongent  dans  les  plaisirs  impurs;  heureux  ceux 
qui  iront  rien  à  souffrir  J  Voilà  deux  morales  bien  contraires.  Qui 
est-ce  qui  se  trompe,  de  J.  G.  ou  du  monde?  Ah!  Ton  connaît  l'arbre 
à  ses  fruits.  Voyez  quelle  différence  existe  entre  le  sage  selon  J.  G., 
et  le  sage  selon  le  monde 

Tous  les  philosophes,  qui  se  sont  vantés  de  connaître  seuls  le& 
principes  de  la  sagesse  et  qui  ont  voulu  les  enseigner ,  n'ont  fait 
que  des  dupes  et  des  malheureux;  ils  ont  entassé  des  ruines.  Leur 
sagesse  n'a  été  qu'une  dangereuse  folie  et  un  fléau  public.  Se  disant 
sages ,  ils  sont  devenus  insensés ,  dit  le  grand  Apôtre  :  Dtcentàs  se 
esse  sapientes,  stulti  f'acti  sunt  (ïk>m.  I.  22;. 

Je  vous  laisse  la  paix,  dit  J.  C.  à  ses  apôtres ,  je  vous  donne  ma  paix;    n  n'y  a  pas 
je  vous  la  donne  non  comme  le  monde  la  donne  :  Paeem  relinquo    ^/mon'ia"'" 
voiis  ,  pacem  rneam  do  voôis  :  non  quo/uodu  mundus  dat,  ego  do  vobis 
(  Joann.  xtv.  27). 

Jamais  le  monde  n'aura  la  véritable  paix  de  l'âme;  car  1°  il  fuit 
ce  qui  la  lui  donnerait  :  la  pratique  du  bien,  l'obéissance  à  la  loi  de 
Dieu...  ;  2°  il  cherche  ce  qui  la  détruit  :  les  richesses ,  les  honneurs , 
la  volupté,  la  satisiaction  de  sa  volonté  qu'il  met  à  la  place  de  cetUe 
de  Dieu. 

Le  Seigneur  ne  se  trouve  pas  dans  l'agitation  et  le  tumulte ,    dit 
l'Ecriture  :  Non  m  coinmoiione  JJominus  (III.  Keg.  xix.  il  j.  Or,  le 
m.  21 


322  MONDE. 

monde  ne  cesse  d'être  dans  cet  état;  il  n'a  donc  point  la  paix,  ni  le 

Dieu  de  la  paL\ 

Il  n'y  a  pas  de  paix  pour  les  impies,  dit  le  Seigneur  :  Non  est  pax 
tmpiis  (Isai.  xlviii.  22).  Or,  se  rencontre-t-il  des  hommes  pieux 
engagés  dans  les  rangs  du  monde? 

Vie  criminelle  Égoutez  saintPaul  : 
et  corrompue    ■i-'1- -^  *■■"»■ 

uu  monde.  Plusieurs,  je  vous  l'ai  dit  souvent,  et  je  vous  le  relis  en  pleurant, 
plusieurs  marchent  en  ennemis  de  la  croix  du  Christ  ;  leur  fin 
B3ra  la  perdition;  ils  se  sont  fait  un  Dieu  de  leur  ventre  ;  ils  se  glo- 
rifient dans  leur  propre  honte,  et  ils  n'ont  de  goût  que  pour  les 
choses  de  la  terre  :  Mulii  ambulant  quos  sœpe  dicebam  vobis  nunc  autem 
et  ftens  dico ,  inimicos  crucis  Christi  :  quorum  finis  inleritus  ;  quorum 
Deus  venter  est,  et  gloria  in  confusione  ipsorum,  qui  terrena  sapiunt 
(Philipp.  m.  18.  19). 

Le  monde  est  adultère,  et  celui  qui  aime  le  monde  l'est  aussi  ;  car, 
en  donnant  son  àme  au  monde,  il  l'enlève  à  J.  C.  dont  elle  devrait 

être  l'épouse Au  lieu  de  s'appliquer  à  connaître,  à  aimer  et  à 

servir  Dieu,  les  mondains  s'efforcent  de  connaître,  d'aimer  et  de 
servir  le  monde.  Pour  lui  plaire ,  ils  méprisent  la  loi  de  Dieu  et 
Dieu  lui-même 

Sodôme  a  été  le  type  du  monde;  et  comme  Lot  s'éloigna  de  cette 
ville,  nous  devons  nous  éloigner  du  monde,  si  nous  ne  voulons  être 
compris  dans  ses  châtiments. 

Comment  le  monde  ne  serait-il  pas  corrompu,  puisque,  d'après 
l'apôtre  saint  Jean ,  tout  ce  qui  est  dans  le  monde  est  convoitise  Je 
la  chair,  convoitise  des  yeux,  et  orgueil  de  la  vie  (I.  n.  16).  Le 
monde,  dit  encore  cet  apôtre,  gît  tout  entier  dans  le  mauvais: 
Mundus  totus  in  maligno  positus  est  (I.  v.  49). 

l"Le  monde,  les  mondains,  appartiennent  nu  mauvais;  ils  sont 
opprimés  par  le  misérable  et  tyrannique  pouvoir  du  démon  ;  courbés 
sous  son  sceptre ,  ils  mènent  une  vie  impure ,  souillée,  criminelle, 
icandaleuse  et  diabolique.  2°  Ils  appartiennent  au  mauvais,  parce 
qu'ils  se  trouvent  livrés  à  la  malice  du  péché  et  sont  la  proie  de  la  brû- 
lante concupiscence,  qui  les  sollicite  et  les  porte  à  tous  les  crimes 

3°  Le  monde  appartient  au  mauvais,  parce  que  tous  les  hommes  nais- 
sent dans  le  péché 4°  Il  appartient  au  mauvais,  c'est-à-dire  aux 

ténèbres,  aux  écueils;  il  occupe  un  lieu  étroit,  dangereux,  semé  de 

pré  ipices Cette  expression  signifie  aussi  que  les  mondains  ont 

i  n  cœur  mauvais,  stérile ,  semblable  à  un  terrain  couvert  de  pieoes 


MONTE.  323 

et  de  ronces,  qui  ne  produit  aucun  bon  fruit  et  que  la  culture 

},  Ils  ont  un  cœur  mauvais ,  c'est-à-dire  dur,  morose, 

avare,  qui  ne  se  donne  jamais  à  Dieu,  qui  ne  fait  rien  pour  l'attirer 

recevoir;  un  cœur  ennemi  de  la  justice,  astucieux,  animé  de 

its diaboliques Le  monde,  dit  le  Prophète  royal,  s'est 

.'ans  la  murt  qu'il  a  préparée  :  Infiscœ  suni  gentes  in  interitu 
fecerunt  (ix.  16). 

mour  du  monde  mène  à  tous  les  vices,  à  tous  'es  excès 

Celui-là  se  trompe,  qui  croit  pouvoir  connaître  ]a  vérité,  tandis 
qu'il  vit  dans  l'iniquité,  dit  saint  Augustin;  or,  vivre  dans  l'ini- 
quité, c'est  aimer  le  monde,  c'est  attacher  un  grand  prix  à  ce  qui 
naitetqui  passe,  c'est  le  désirer,  travaillera  se  le  procurer,  se 
n'j  uir  de  l'avoir  en  abondance,  craindre  de  le  perdre  et  s'affliger 
Vil  est  perdu  (1). 
La  terre  que  nous  avons  parcourue  dévore  ses  habitants,  dirent 
avoyés  de  Moïse  à  ce  chef  du  peuple  de  Dieu  :  nous  y  avons 
vu  des  monstres  :  Terra  guam  lustravimus  dévorât  habitores  suos;  ibv 
vide  mus  monstra  (Num.  xm.  33-3-4).  Ainsi  pourraient  parler  à  bien 
plus  juste  raison  ceux  qui  ont  étudié  le  monde  et  qui  savent  ce  qui 
s'y  passe. 

Saint  Bernard  appelle  le  monde  :  une  étable,  le  chemin  que  sui- 
vent les  pécheurs ,  une  prison ,  la  demeure  de  Satan ,  une  nuit 
épaisse ,  un  champ  d'épines ,  une  croix;  il  ajoute  qu'on  ne  peut  s'y 
fier  ;  que  le  monde  aime  le  néant;  qu'il  est  mu  par  le  souffle  de  la 
vanité,  et  qu'il  est  l'ennemi  de  Dieu  (2). 
Le  monde  est  tellement  porté  au  crime  qu'il  dénature  tout,  qu'il 
fc  tout.  11  attaque  les  dogmes  sacrés  de  la  religion  par  ses 

[  ses  négations 11  corrompt  la  morale  par  ses  enseigne*. 

i.  ;ontraires  à  la  vertu  et  aux  mœurs Il  foule  aux  pieds  '« 

en  le  méprisant^  et  un  jae  donnant  aucun  signe  de  foi  et  de 

pi     

Le  blaspnème,  le  mensonge,  l'homicide,  le  vol,  l'adultère,  ont 
inonde  ia  terre,  et  le  sang  s'y  est  mêlé  au  sang,  dit  le  prophète 


Errât  quisquis  putat  veritatem  se  posse  cognoscere,  cum  adhuc  nequiter  vivat, 
itia  autem  est  îmindum  istum  diligere  ,  et  ea  quac  narcuntnr  et  transeu.it  pro 
o  babere,  et  ea  coiicupiscere,  et  pro  his  laborare  ut  acquirantur ,  et  '  .m 

i  d.  et  timene  ne  pereaut,  et  contristari  cum  pereunt  (  De  Mûrib.); 
cerem,  atrium  diaboli,  noctem,  plenui 

le  vanilatis  impuisum,  inimicam  Deo 


324  MCOT)E. 

Osée  :  Malediclum,  et  mendacium,  et  homicfàitm,  et  furtum,  et  adulte- 
rlum  inundaverunt,  et  sanrjuis  sanguinem  tetigit  (rv.  2).< 

Les  mondains,  dit  la  Sagesse,  ont  immolé  leurs  enfants,  ils  se  sont 
li\rés  à  des  sacrifices  ténébreux,  ils  ont  des  veilles  pleines  de  folie. 
Ils  ne  respectent  plus  la  vie  de  ceux  qui  sont  à  naître,  ni  la  sainteté 
du  lit  nuptial;  ils  se  tuent  par  jalousie  ou  se  contristent  par  l'adul- 
tère. Tout  est  mêlé  et  confondu,  le  sang,  le  meurtre,  le  vol,  la  four- 
1.  ri.-,  la  corruption,  l'infidélité,  le  trouble,  le  parjure,  la  persécution 
«les  justes,  l'oubli  de  Dieu,  la  souillure  des  âme*,  l'avorteraent,  le 
rdre  dans  le  mariage,  et  les  dissolutions  de  l'adultère  et  de  l'im- 
pudicité.  Leurs  joies  sont  de  la  folie;  ils  émettent  des  pré  iictions 
que  l'événement  ne  confirmera  jamais;  ils  vivent  dans  l'injustice  et 
se  butent  de  se  parjurer Mais  la  peine  du  péché  accompagne  tou- 
jours la  prévarication  des  méchants  (I). 

tvnut  Anselme  étant  un  jour  ravi  en  extase  ,    vil;  un  fleuve 
immense,  d'une  rapidité  sans  exemple,  dans  lequel  roulaient  toutes 
les  immondices  de  la  terre;   tellement  qu'il  était  impossible  de 
trouver  rien  d'aussi  fétide,  d'aussi  empoisonné,  d'aussi  dégoûtant. 
e  lieu\e  était  plein  d'hommes,  de  femmes,  de  riches,  de  pau- 
.  que  ses  eaux  noires  et  bourbeuses  avaient  surpris,  saisis,  et 
qu'elles  faisaient  rouler  comme  des  pierres;  et  tous  se  nourrissaient 
de  cette  fange  infecte,  et  buvaient  de  cette  eau  de  cloaque,  à  satiété, 
lient.  Le  saint  ayant  demandé  quels  étaient  cet  abomi- 
nable fleuve  et  ceux  qui  le  re  nplissaient,  il  lui  fut  dit  que  ce  fl  uve 
était  le  mon  Le,  et  que  ceux  qui  s'y  trouvaient  plongés  étaient  les 
amateurs  et  les  adorateurs  du  monde  (  Surius,  in  ejus  vita). 

!|  le     Lï  monde  ,  dit  saint  Cy/prien  ,  sourit  pour  sévir,  il  flatte  pourtrom- 

pi  i  .  m  caresse  pour  tuer,  il  élève  pour  abaisser;  comme  s'il  voulait 

ci  cruel.      recueillir  une  sorte  de  bénéfice  de  ^exercice  du  mal ,  il  prélève  en 

tourments  sur  les  siens  une  usure  d'autant  plus  forte  qu'ils  ont  reçu 

plus  d'honneurs  et  de  dignités  (2). 

(1)  Filios  snos  sacrificantes ,  aut  obscurs  saerifiria  facîentes  ,  aut  irisante  ploti.is 

vigiuaa  inl.ni    .  n  que  vitam,  neque  naptiasmundasjam  custodiunt;  sedalius  alium 

per  invid  ûm  occi  lit ,  aut  adultérant  contristat t  et  omnia  commiBta  nuit ,  sanguis, 

hooiicidium,  furtum  et  ftctio,corruptioe1  infidélités,  turbatio  et  perjurium,  tumultus 

inmemoralio,  anùnarum  toquinatio,  oalivitatis  immulatio,  nupUaruro 

inconstantia,  inordinalio uiœchiœ et impudicitiœ Dum  lstantur,  insaniunt:  aul 

'      ■   >  i.inU'ilo Sed  peccauliuiu  nœu? 

mper iajuslorum prsvari  Sap.  xiv,38-S8.  31). 
ci  iu uu Jus  ut  bdi\iat,  blauu.luc  ut  (allât,  illicit  ut  occidat,  eitollit  ut 


MONDE.  323 

Tout,  dans  l'amour  du  monde,  est  nuisible,  dit  saint  Léon  :  m 
dilectione  mundicuncta  sunt  noxia  (Serm.  y  de  Jejun.). 

Le  monde  est  tout  plongé  dans  la  malce  des  trahisons  et  deâ 
cruautés,  dit  saint  Jeau  (I.  v.  49).  11  trahit  par  les  biens,  par  les 
honneurs,  par  les  plaisirs  qu'il  procure,  par  ses  promesses,  ses 

éloges,  ses  flatteries ,  et  même  par  ses  menaces Il  n'a  jama's 

fait  que  des  dupes,  des  malheureux ,  des  victimes Le  monde, 

c'est  la  sirène  qui  chante,  qui  attire  et  qui  endort,  afin  de  conduire 

à  l'écueil Il  s'arme  d'appâts  et  de  hameçons  empoisonnés  pour 

taire  goûter  au  crime  et  exterminer 

De  deux  choses  l'une,  dit  saint  Augustin,  ou  le  monde  se  joue 
de  nous,  ou  nous  nous  jouons  de  lui  ;  ou  il  nous  méprise,  ou  nous 
le  méprisons  :  Iste  mundus,  aut  ridet  nos,  aut  irridetur  a  nobis;  aut 
despicimur ,  aut  contemnimus  (Serm.  LvdeTemp.). 

Le  monde  est  le  séjour  des  imposteurs  et  des  traîtres 

0  siècle  méchant  et  cruel,  s'écrie  saint  Bernard,  ô  siècle  qui  ne 
sait  rendre  heureux  ses  sectateurs  qu'en  en  faisant  des  ennemis 
jurés  de  Dieu  !  O  seculum  nequam,  quod  solos  tuos  sic  soles  beare  ami- 
cos,  ut  Dei  facias  inimicos!  (Epist.  cvn.  ) 

Ta  demeure ,  ô  mondain ,  est  au  milieu  de  la  ruse ,  dit  Jérémie  : 
Habitatio  tua  in  medio  doli  (ix.  6). 

La  grandeur ,  la  richesse ,  la  caressante  volupté ,  voilà  la  trinifé 
que  reconnaît  le  monde ,  dit  un  poëte  : 

Ambitiosus  honos,  et  opes,  et  blanda  voluptas, 
Haec  tria  pro  trino  nuraine  mum'.us  habet. 

Considérez  l'usage  affreux  du  monde.  Il  enrichit  ceux-ci  pour 
dépouiller  ceux-là;  s'il  donne  à  l'un,  il  plonge  l'autre  dans  la 
misère.  Celui-ci  ne  peut  être  dans  l'abondance  qu'autant  que  celui- 
là  meurt  de  faim  ;  ainsi  le  dernier  porte  envie  au  premier  et  le 
maudit.  Le  soleil  n'éclaire  un  hémisphère,  qu'après  avoir  plongé 
l'autre  dans  les  ténèbres;  une  pompe  n'élève  une  certaine  quantité 
d'eau,  qu'en  en  refoulant  une  autre  :  ainsi,  dans  le  monde ,  nul  ne 
brille  sans  qu'un  autre  rentre  dans  l'obscurité;  nul  ne  s'élève 
sans  qu'un  autre  ne  soit  abaissé 

Au  contraire,  Dieu  est  riche  pour  tous  les  homme-.  Aussi 
Psalmiste  dit-il  du  juste  qui  le  sert  :   La  gloire  et  les    iche    c- 


déprimât  :  frenore  quorlam  nocendi,  quam  fuit  amplior  summa  dignitatis  et  hono-» 
rum,  tam  major  exintur  et  usura  pœaarum  (Epist,  ad  Donat.), 


326  movto. 

abondent  dan?  cn  mar?on:  sa  justice  subsistera  dans  tons  ïftè 

sa  force  sera  couronnée  de  gloire  :  Gloria  et  o  domo  ejus;  et 

justifia  ejv.smanet  in  seculum  seculi Cornu  ejus  exoltabltur  in  gloria 

(cxr.  3.  9).  Et  ailleurs  :  Espérez  dans  le  Seigneur,  et  faites  le  bien; 
habitez  la  terre ,  et  nourrissez- vous  de  ses  richesses.  Mettez  vos 
délices  dans  le  Seigneur,  et  il  remplira  les  désirs  de  votre  cœur. 
Appelez  les  regards  du  Seigneur  sur  la  voie  que  vous  suivez,  et 
espérez  en  lui,  et  il  agira  lui-même;  et  il  fera  briller  votre  justice 
comme  un  flambeau,  et  votre  innocence  comme  le  jour  à  sod 
midi  (1). 

La  sagesse  de  ce  monde,  dit  saint  Grégoire,  consiste  a  cacher  -par 
mille  inventions  ce  que  l'on  a  dans  le  cœur,  à  voiler  ses  sentiments 
sous  des  mots,  à  faire  passer  pour  vrai  ce  qui  est  faux,  et  pour  faux 
ce  qui  est  vrai.  Le  monde  nomme  urbanité 'la  perversité  de  ^esprit. 
Il  invite  à  chercher  le  faite  des  honneurs,  à  se  réjouir  du  vain  éclat 
de  la  gloire  qui  passe,  à  rendre  avec  usure  le  mal  que  l'on  a  reçu 
des  autres,  à  ne  jamais  céder  à  quiconque  résiste.  Au  contraire,  la 
sagesse  des  justes  consiste  à  ne  rien  cacher  sous  de  faux  dehors,  à 
se  servir  de  la  parole  pour  manifester  sa  pensée,  à  aimer  ce  qui  est 
vrai  tel  qu'il  est ,  à  éviter  la  fausseté,  à  faire  le  bien  sans  espoir  de 
récompense,  à  supporter  le  mal  plutôt  que  de  le  commettre,  à  ne 
jamais  chercher  à  se  venger  d'une  injure  et  à  regarder  comme  un 
gain  les  affronts  endurés  pour  la  vérité.  Mais  on  tourne  en  ridicule 
cette  simplicité  des  bons,  parce  que  les  sages  du  monde  re  gardent  la 
pureté  de  vie  comme  une  folie.  Ils  ne  manquent  pas  de  nommer 
sottise  toute  action  faite  avec  une  intention  droite  (2). 

Que  de  trahisons  et  de  cruautés  s'exercent  dans  le  monde  par  la 
peu  ir,  par  la  parole,  par  les  regards,  les  actions  et 

!es( 

(1)  Spera  in  Domino  et  fac  bonitatem,  et  inbabita  terram ,  et  pasceris  in  divitiis 
ej':.:.  Uelcctarc  in  Domino,  et  daliit  tibi  petitiones çordia  tui.  Révéla  Domino  \iani 
tnam,  ctspcra  i;.  l  quasi  lumen  justitiam  tuam,  et  judi- 
cium  lnuin  tain;                     em  'l'ail.  XXXVI.  8  ). 

(2)  IIuji!  ror  nmchinalionibuG  tecrere,  sensum  verbis  velare, 

,  trarfc.  Menti 
urbanitas  vocatur.  Prscipit  bonorura  culmina  qtuerere,  adepta  temporalis 
vanilate  gandere,  ab  nliis  m  la  >re,  nnllia  n 

ccJero.  At  eonixa  sapientia  justorum   est,  nihil  per  ostentionem fingera,  sensum 
P>  "'  a  ml  d  rnala  liben- 

tlus  tolérai  :re,  nullara  ,  pro  veritatc 

liam  lucrum  pnl  loi-um  sini]  r,  quia  ab  hujus  inund 

sapieptibua  pin:  enim  quod  îunocentor  agitu 

;  icul  dubio  stultum  putalur  (Lil>-  .  c  xxvu). 


MONDB.  327 

Comment  le  monde  ne  serait-il  pas  traître  et  cruel?  Il  promet  le 
bonheur  à  tous  ses  sujets,  et  l'on  ne  voit  parmi  eux  que  des 
larmes ,  etc.  Qu'a~t-il  fait,  depuis  six  mille  ans,  de  ceux  qui  l'ont 
aimé?  quelles  récompenses  îeura-t-iî  accordées?  une  vie  misérable, 
une  mort  dans  le  désespoir,  l'enfer  dont  les  tourments  sont  éternels. 
Jamais  le  monde  n'a  sauvé  une  seule  âme.  0  trahison  î  ô  cruauté  !... 

Dans  le  monde ,  tous  cherchent  leurs  intérêts,  et  non  les  intérêts  de      Egoïsmt 
J.  C.  (qui  sont  aussi  ceux  du  prochain),  dit  le  grand  Apôtre  :  Omnes 
quœ  sua  sunt  quœrunt ,  non  quœ  sunt  Jesu  Christi  (Philipp.  n.  21  ). 
Le  monde  agit  toujours  dans  son  intérêt;  il  ne  voit  que  cela.  La 

charité  est  entièrement  morte  en  lui L'égoïsme  règne  partout 

On  ne  rencontre  pas  de  désintéressement On  voit  peu  d'aumônes 

et  peu  de  secours  accordés  au  prochain Un  service  rendu  est 

souvent  reproché Les  riches  eux-mêmes  prêtent  à  usure,  et  la 

confiance  n'existe  pas 

O  soucis  des  hommes,  s'écrie  saint  Jérôme,  ô  quel  néant  est  au  fond        Soucis 
des  choses!  Une  seule  pensée  donne  le  bonheur,  c'est  dépensera  i^hommesdu 
Dieu:  O  cv.ras  hominum ,  o  quantum  est  in  rébus  inane!  Una  cogitai io       monde. 
felix  est,  cogitare  de  Domino  (In  Psal.  xcni). 

Le  monde  court  de  désir  en  désir ,  dit  Cassioclore  ;  voilà  le  cercle 
que  les  impies  sont  condamnés  à  parcourir  :  De  desiderio  in  deside- 
rium  mundus  currit  :  hic  est  circuitus  impiorum  (Tract,  de  Amicit.), 
Mon  Dieu ,  dit  le  Psalmiste ,  infligez  aux  princes  du  monde  le  sort 
d'une  roue  :  Deus  meus,  poneillos  ut  rotam  (lxxxii.  14  ). 

Je  crois ,  dit  saint  Augustin,  je  crois  qu'on  a  comparé  le  monde  à 
un  moulin ,  parce  qu'il  est  emporté  par  la  roue  du  temps  et  qu'il 
broie  ceux  qui  l'aiment  :  Molendinorum  puto  dictum  mundum,  quia 
rota  quadam  temporum  volvitur,  et  amatores  suos  conterit  (In  Psnl. 
xxxvi,  conc.  î). 

Dans  ce  monde,  on  va,  on  vient,  on  avance ,  on  recule;  on  est 

toujours  agité;  on  achète,  on  vend ,  on  fait  des  perles;  on  s'afflige, 

on  se  désespère.  Le  monde  est  un  marché  continuel  dont  le  démon 

la  place  :  on  lui  vend  son  âme,  il  donne  l'enfer  en  échange  : 

tous  les  hommes  se  vendent,  l'un  à  l'avarice,  l'autre  à  l'orgueil,  un 

:meà  l'impureté;  celui-ci  se  fait  le  serf  de  tel  ou  tel  état,  cet 

autre  du  négoce, plusieurs  du  barreau,  un  grand  nombre  des  travaux 

de  la  terre.  Tous  .  's  par  les  soucis.  Soucis  pour  le.  cap.-;, 

pour  l'âme;  soucis  pour  le  temps,  oubli  pour  l'éternité;  soucis 


328  MONDE. 

pour  un  néant,  oubli  pour  des  devoirs  sacrés  et  pour  la  seule  chose 
nécessaire,  qui  est  le  salut 

Misère  Les  liens  du  monde,  dit  saint  Augustin,  nous  procurent  une 
souffrance  réelle  et  une  joie  qui  trompe,  une  douleur  certaine  et  un 
plaisir  incertain  ,  une  crainte  accablante  et  un  repos  inquiet,  la 
plénitude  de  la  misère  et  un  vain  espoir  de  bonheur.  Et  c'est  dans 
ces  fers  que  vous  introduisez  vos  pieds  et  vos  mains!  Les  biens  tem- 
porels que  nous  attendons  ne  cessent  d'enflammer  nos  désirs,  ceux 
qui  nous  arrivent  nous  corrompent,  ceux  qui  passent  et  nous  échap- 
pent nous  torturent.  Quand,  on  les  désire,  ils  brûlent;  quand  on  les 
possède,  ils  perdent  leur  prix;  quand  on  les  perd,  il  n'en  reste 
rien  (l). 

Comparée  à  la  vie  éternelle,  la  vie  présente  mérite  le  nom  de 
mort  plutôt  que  celui  de  vie,  dit  saint  Grégoire  :  Temporalis  vita3 
œternœ vitœ comparata,  morsest  potius  dicenda  quam  vita  ilïoiuil.  XXXVII 
in  Evang.).  Cette  vie  n'est  autre  chose  qu'une  longue  mort 

Dans  ce  monde,  partout  la  mort ,  partout  des  larmes ,  partout  la 
désolation,  dit  le  môme  Père:  Ubique  mors,  ubique  luctus ,  ubique 
desolatio.  Nous  recevons  de  toutes  parts  des  blessures ,  ajoute-t-il;  de 
toutes  parts  nous  sommes  abreuvés  et  rassasiés  d'amertume:  et 
cependant  notre  âme,  aveuglée  par  la  convoitise  de  Ja  chair ,  s'atta- 
che aux  faux  biens  du  monde;  nous  les  poursuivons  lorsqu'ils  - 
gnent;  lorsqu'ils  menacent  de  disparaître  »  nous  nous  attachons  à 
eux  plus  fortement.  Et  ne  pouvant  retenir  ce.  qui  non-  échappe, 
nous  tombons  et  disparaissons  avec  eux,  lorsque  1  temps  nous  l'ait 
aussi  défaut  (JSomil.  xxvm  m  Evang. }. 

Dai  K'3  morts,  dit  saint  Augustin,  on  ne  trouve  que 

travail,  douleur,  crainte,  Iribulai  .  iissements,  soupirs :In 
regione  mortuorum,  labor,  lolor,  timor,  tribulatio,  gemitus,  suspirium 
(In  Epist.  S.  Jacohi).  Dans  le  monde,  dit  en  rand  docteur, 

on  n'a  que  des  jours  mauvais;  avec  Dieu,  ils  sont  tons  'unis: 
Souper  l  in  seculo ,  so/'  iu  Deo  (Ut  supra). 

Le  mont  le.  est  une  terre   inculte ,  sans  roule  H  sans  eau,  dit  le 
Psalmiste  :  Terra  déserta,  invia  çtinaquosa  (i.xir.  3). 

(1)  Yincula  liujus  mundi  BSfleritatein  habent  veram  ,  jucunditatem  falsam;  corMini 
dolorem ,  incertain   voluptatem;  durum  limorcm,  timidam  quielcm;  rem  plenam 
riae,  epem  beatitudiois  inanem.  His  ,  tu  nianus  cl    i  iralia 

bona  non  cessant  nos  inflaoïmare  veulur  i,  coi  i  umpere  ven  cnlia,  lorquere  Ira 
tia;  concupit-.i  îi  adejfU)  Yilescunt,  ara  uni   (Epist.  .\i.. 


MOWDB. 


32H 


Dites  aux  hommes  du  monde  de  prier,  de  penser  à  leur  salut  ; 
ils  n'ont  pas  le  temps,  répondent-ils.  0  misère  et  esclavage!... 

Lorsqu'il  a  été  dit  au  démon  :  Tu  mangeras  la  terre,  il  a  été  dit  au 
pécheur  :  Tu  es  terre,  et  tu  retourneras  en  terre,  dit  saint  Laurent 
Justinien.  Ainsi  le  pécheur  a  été  donné  en  nourriture  au  démon.  Ne 
soyons  pas  terre,  si  nous  ne  voulons  devenir  la  nourriture  du 
serpent  (I). 

Saint  Bernard  appelle  le  monde  la  demeure  du  démon  :  Atrium 
diabtli  (Serm.  in  Psal.  ). 

J.  G.  appelle  le  démon  le  prince  de  ce  monde  :  Princeps  hujub 
mundi  (  Joann.  xn.  3).  Saint  Paul  le  nomme  le  dieu  de  ce  siècle  : 
JDeus  hujus  scculi{ll.  Cor.  iv.  i). 

Le  monde  est  sous  l'empire  du  mauvais,  dit  l'apôtre  saint  Jean 
(I.  v.  19).  Il  est  sous  sa  cruelle  et  tyrannique  domination.... 

Le  monde  a  pour  roi,  pour  père,  pour  guide  le  démon;  mais  ii 
l'aura  aussi  pour  rémunérateur.  En  récompense  de  la  fidélité  avec 
laquelle  les  mondains  ont  prêté  l'oreille  à  ses  paroles ,  lui  ont  obéi, 
et  l'ont  servi,  le  démon  leur  donnera  le  désespoir,  les  flammes  éter- 
nels et  les  grincements  de  dents 


Le  démon  est 
le  roi  cl  le 

tyran 
du  monde. 


Aimez-vous  Dieu,  dit  saint  Augustin,  vous  marchez  sur  les  eaux; 
la  crainte  que  connaît  le  monde  est  sous  vos  pieds.  Aimez-vous  le 
monde,  ii  vous  engloutira;  car  il  sait  dévorer  ceux  qui  l'aiment  et 
non  les  porter  (2). 

Tous  les  jours  du  monde  sont  voués  au  malheur,  dit  encore  samt 
Augustin  (Serm.  xuide  verbis  Dom.  ). 

Malheur  au  monde,  dit  J.  C.  !  Vœ  mundo!  (  Matth.  xvin.  1.  ) 

A  mesure  que  les  souffrances  et  les  épreuves  endurées  pour  J.  C. 
augmentent,  les  consolations  augmentent  aussi.  Au  contraire,  les 
soufi'rances  et  les  épreuves  endurées  pour  le  monde  sont  du  fiel  sans 
une  goutte  de  miel  ;  plus  elles  deviennent  fortes  et  nombreuses, 
plus  les  chagrins,  les  angoisses,  les  malheurs  se  multiplient  et 
do'N  i  nnent  accablants. 

0  aveuglement  1  le  monde  ne  donne  que  des  souffrances  et  des 

(1)  Quandn  dirtnm  est  diabolo  :  Terram  manducahis.  diotum  est  peccatori  :  Terre 
es,  et  in  terrain  ibis.  Datus  est  ergo  in  cibiitn  diabolo  peccator.  Non  simus  terra,  s. 
neiumus  manducari  a  serpente  '  Lib.  de  Ligno  vttœ). 

(2)  Amas  Deum,  ambulas  super  mare;  sub  pedibus  tuis  est  limor  sceuli.  Amas 
seculum  ,  absorbebit  te;  amatores  suos  vorare  novit,  non  portare  (Serm  xiu  dt 
yarlis  Dom<  w  Matth.), 


Malheurs  qui 
sont  le  par- 
tage du 
monde. 


330  MONDE.' 

maux,  et  on  l'aime;  Dieu  De  donne  que  des  consolations  et  des  biens, 
et  on  L'oublie,  on  le  hait  !... 

Malheur,  malheur,  malheur  aux  habitants  de  la  terre,  dit  le 
Seigneur  dan?   l'Apocalypse!    Vœ,  va),  vœ  habitant  ibus  in  terra! 
(mi.  13)        '-"-  lire  malheur  aux  hommes  moulai ns  et  charnels 
qui  s'attachent  de  cœur  et  d'àme  à  la  terre  et  aux  créatures  !... 

Gardez-vous  ,  dit  Eusèbe ,  gardez-vous  de  croire  qu'il  faille  atten- 
dre quelque  félicité  dans  l'arène  du  monde,  où  nous  avons  été  voyés 
pour  combattre  :  Cavete  ne  in  arena  mundl,  in  qna  ad  subeundos  atjdnes 
missi  sumus .  aliquam  felicitatemexspectandam  putetis  (  In  Chronic.  ). 

La  terre  pleurera;  tout  ce  qui  l'habite  languira,  dit  le  proj  ' 
Osée  :  Lvgebit  terra,  et  infirmabitur  omnis  qui  habitat  in  ea  [  iv.  3  ).  11 
est  inutile  de  dire  que  le  prophète  parle  ici  du  monde  et  de  ceux  qui 
ont  voulu  s'y  prépares  une  demeure. 

(  Voyez  la  fin  du  §  Le  monde  est  plein  d'erreurs  et  de  mensonges, 
p.  315.  ) 

ïi  n'y  a  .(ne    Si  le  monde  vous  plaît,  dit  saint  Augustin,  c'est  que  vous  v 

toujours  vivre  dans  l'impureté;  s'il  ne  vous  plait  pas,  puisse  celui 
qui  purifie  habiter  en  vous,  et  vous  deviendrez  pur  :  mais  si  vous 
êtes  pur,  vous  ne  demeurerez  pas  dans  le  monde  (1). 

Aimer  ce  qui  souille  et  ce  qui  rend  vicieux,  c'est  être  souill 
corrompu.  Le  monde  invite  a  satisfaire  toutes  les  concupiscences  et 
toutes  les  passions;  il  pousse  à  tous  les  excès  i 
êelui  qui  l'aime  et  qui  l'écoute  est  donc  mille,  plongé 

dans  la  l'ange  cl  la  boue 

Ceux  qui      II  y  a  une  grande  différence  entre  sortir  du  monde  et  sortir  do  la  voie 
le  monde      du  bien  (2)  :  autre  chose  est  d'aller  à  un  père;  autre  chose,  d', 
Dériront.      ]vnnemi.  Les  Egyptiens  sortirent,  car  en  poursuivant  Je  peuple  de 
Dieu,  ils  ne  demeurèrent  pas  en  Egypte  :  cependant  ils  ne  passèi   ut 


(1Ï  Pi  (Mertat  te  iriundus,  sempor  vis  esse  îmnrandns  :  pi  antem  jam  non  te  dcle 
:tat  Me  muadui,  hnbitet  in  te  qui  mandat,  et  cris  mnnd  wn  fuerismundus, 

non  maoebis  in  mi  kviii). 

(?)  Ici  saint  Au  acceptions  binn  différentes   du  mot  latin 

mand  par  notre  substantif 

peut 
io  du 
bien,  ne  a  retenu 

iteoant  il  .    retrouva 

employé  que  dans  son  né 

..  .itions  nous  ont  semblé  nécessaires  pour  bien  faire  comj-, 
innné  ici. 


MONDB.  331 

pas  de  la  mer  à  la  ferre  promise;  mais  lis  pas=èrent  de  la  mer  à  l'ex- 
termination (Tract,  xxxvm).  C'est  ce  qui  arrive  aux  mondains,  ils 

passent  du  monde  à  la  mort  éternelle Ils  ont  le  sort  des  habitants 

de  Sodôme.  Leurs  passions  et  leurs  crimes  retombent  sur  eux  comme 
une  pluie  de  feu  et  de  soufre,  leur  enlevant  la  vie  spirituelle  et  le3 
ensevelissant  dans  le  lac  enflammé  que  leur  a  préparé  la  colère 
de  Dieu. 

La  croix  est  la  voie  de  la  vie;  le  monde,  la  voie  de  la  ruine,  de 
la  perdition  et  de  la  mort  :  celui  qui  le  méprise  arrive  à  la  vie 

Le  monde  écrase  ceux  qui  l'aiment,  dit  saint  Augustin*  Amatores 
suos  content  (  Tract,  xxxyiii  ). 

Je  ne  prie  pas  pour  le  monde,  dit  J.  C.  à  son  Père  :  Non  pro  mundo  Dieu  a  maudit 
rogo  (Joann.  xvn.  9).  J.  C.  abandonne  donc  le  monde  à  son  sens  l'abandonne! 
réprouvé  :  or,  que  fera  le  monde  sans  Dieu?... 

Ne  savez-vous  pas ,  dit  l'apôtre  saint  Jacques ,  que  l'amour  de  ce 
monde  est  ennemi  de  Dieu?  Quiconque  veut  être  ami  de  ce  monde, 
se  fait  donc  ennemi  de  Dieu  :  Nescitis  quia  amicitia  kujus  mundi 
inimica  est  Dei?  Quicumque  ergo  voluerit  amicus  esse  seculi  kujus,  ini- 
micus  Dei  constituitur  (  iv.  A  ). 

Dieu  et  le  monde  sont  ennemis.  Le  monde  abandonne  Dieu ,  Dieu 
l'abandonne Le  monde  outrage  Dieu,  Dieu  le  maudit 

N'aimez  point  le  monde,  dit  l'apôtre  saint  Jean,  ni  ce  nui  est  dans 
le  monde.  Si  quelqu'un  aime  le  monde ,  l'amour  du  Père  n'est  point; 
en  lui  :  Nolite  diligere  mundum  ,  neqve  ea  quœ  in  mundo  sunt.  Si  quis 
diligit  mundum,  non  est  caritas  Patris  in  eo  (  I.  n.  15  ). 

Nul,  dit  J.  C,  ne  peut  servir  deux  maîtres;  car,  ou  il  aimera  l'un     On  ne  peui 
et  haïra  l'autre ,  ou  il  sera  docile  à  l'un  et  méprisera  l'autre  :  Nemo    cïïe  monde. 
potest  duobus  dominis  servire;  mit  enim  unum  odio  habehit ,  et  aiterum 
diliget ;  aut  unum  sustinebit,  et  aiterum  contemnet  (Matth.  yt.  24). 
Nul  ne  peut  en  même  temps  embrasser  Dieu  et  le  siècle,  dit 
pire  :  Nemo  potest  Deum  simul  amplecti  et  seculum  (  Homil. 
xxxvn  in  Evang.).  Aussi  saint  Paul  recommande-t-ilcle  ne  pas  vivre 
selon  le  siècle  :  No7ite  conformait  huic  seculo  (  Rom.  xn.  2  ).  Si  je  plai- 
sais encore  aux  hommes,  dit  ce  grand  apôtre,  je  ne  serais  point  1 
serviteur  du  Christ  :  Si  adhv.c  hominibus  placerem ,  CJiristi  servus 
non  essem  (Gai.  i.  40).  Ce  qui  m'était  un  gain,   d it- il  encore 3 
l'ai  regardé  comme  une  perte  à  cause  du  Ch   si.  Et  même  j'estime 
que  tout  est  perte ,  près  de  la  science  suréminente  de  J.  C.  mou 


332  HONTE. 

Seigneur ,  pour  qui  je  me  puis  dépouillé  de  toutes  choses,  et  les 
regarde  comme  du  fumier,  afin  de  gagner  le  Christ  (t). 

Deux  amours  ont  fait  deux  cités,  dit  saint  Augustin  :  l'amour  de 
•Jieu jusqu'au  mépris  de  soi-même,  a  fait  la  cité  de  Jérusalem; 
famour  de  soi  jusqu'au  mépris  de  Dieu,  a  fait  la  cité  de  Baby- 
Jone  (2). 

L'amour  du  monde  et  l'amour  de  Dieu ,  dit  le  môme  docteur,  ne 
peuvent  habiter  ensemble  dans  un  cœur;  de  même  que  les  mêmes 
yeux  ne  peuvent  en  même  temps  se  lever  vers  le  ciel  et  s'abaisser 
vers  la  terre  (3) . 

L'amour  du  monde  engendre  et  fait  naître  la  haine  de  Dieu 

Dieu  ne  répand  le  parfum  de  ses  grâces  que  dans  une  âme  libre, 
pure,  qui  évite  avec  soin  les  souillures  du  monde,  et  qui  s'attache  à 
lui  seul 

Méprisons,  dit  saint  Cyprien,  méprisons  tout  ce  qui  est  sous  le  ciel, 
comme  léger,  trompeur,  vain  et  indigne  de  notre  amour  :  Quidquid 
quod  sub  cœlo  est,  tanquam  levé,  fallax,  inane,  et  amore  nostro  indi- 
gnum,  despiciamus  (Lib.  I  de  Hab.  Virg.  ). 

Qu'importe  la  terre  à  celui  qui  possède  le  ciel!  dit  saint  Pierre 
ChrysoJogue.  Qu'importent  les  choses  humaines  à  celui  qui  a  goûté 
aux  choses  divines!  à  moins  qu'il  n'y  ait  du  charme  à  gémir,  que 
le  travail  et  la  peine  ne  soient  à  choisir,  que  les  dangers  n'aient  de 
l'attrait,  qu'une  mort  très-mauvaise  ne  fasse  plaisir  et  qu'endurée 
le  mal  ne  suit  plus  agréable  que  jouir  du  bien!  (4) 

La  patrie  de  l'homme  est  partout  et  nulle  part  sur  la  terre ,  dit 
saint  Grégoire  de  Nazianze  :  Nobis  omnis  terra,  et  nul/a  terra,  patria 
e#(Orat.  x).  Un  grand  principe  de  vertu,  dit  Hugues  de  Saint-Victor, 
c'est  que  l'âme  exercée  peu  à  peu,  méprise  d'abord  tout  ce  qui  est 
visible  et  transitoire ,  alin  de  pouvoir  l'abandonner  ensuite.  Celui 

(1)  Qiuc  milii  fuerunt  lucra ,  bec  'arbitratus  buid  propter  Christum  détriments. 
Verumtamen  existimo  omnia  detrimentum  esse,  propter  eminenlem  scientiara  Jesu 
Cluisti  Domini  moi  ;  propter  qoem  omnia  detrimentum  Feci,  et  arbitror  ut  Btercora, 

ul  Christum  lucrif.uiam  (PBUipp.  m.  7.8). 

(2)  Feccrunt  civilates  duaa  amores  duo,  civitatem  Jérusalem  amor  Dei  usque  ad 
enntemptum  sui;  ci\itatem  Babjlonem  amnr  sni  usque  ad  contemptum  Dei  (Lib.  XIV 

'  .  C.    XXVIll). 

(3)  Mundi  ainor  et  DiVi  pariter  in  un<>  corde  cohabitara  non  possunt  ,  quemndmo- 
duiu  iidem  oculi  cœlum  pariter  et  terrain  nequaquam  aspiciunt  [Gradu.  vu.  lib. 
de Duodecim  Abusion.). 

(*;  Quid  ergo  cum  terra  illi  qui  poaaidct  cœlum?  Quid  i'.li  cum  ha  mania  qui 
adepîus  est  jam  divioa?  Nis,  forte  placent  gemitus,  eliguntur  labores,  placent  peri- 
mIj,  pessima  mors  détectât,  et  lllala  mala  bonis  snnt  graliora  roilatis  [$erm,  vu  ). 


MONDE.  333 

à  qui  son  pays  pîait  est  encore  faible;  celui  à  qui  toute  contrée 
convient  est  fort  ;  mais  celui  pour  qui  le  monde  est  un  exil ,  est 
parfuit.  Le  premier  a  encore  son  cœur  clans  le  monde;  le  second 
lui  donne  une  certaine  impulsion;  le  troisième  l'a  tué  au  dedans  de 
lui-même  (Instit.  Monast.,  c.  vin). 

Si  vous  le  voulez  ,  dit  saint  Augustin,  vous  serez  le  ciel.  Si  vous 
voulez  être  le  ciel ,  chassez  de  votre  cœur  tout  ce  qui  appartient  à  la 
terre.  Si  vous  ne  vous  abandonnez  pas  aux  convoitises  de  la  terre, 
et  que  ce  ne  soit  pas  en  vain  que  vous  répondiez  que  vous  avez 
élevé  votre  cœur,  vous  serez  le  ciel.  Si  vous  êtes  ressuscité  avec  le 
Christ,  cherchez  ce  qui  appartient  à  la  région  supérieure  oùleChrist 
est  assis  à  la  droite  de  Dieu;  ayez  du  goût  pour  les  choses  du  ciel, 
et  non  pour  celles  de  la  terre.  Vous  avez,  dites-vous,  commencé  à 
préférer  les  choses  du  ciel  à  celles  de  la  terre  ;  en  ce  cas ,  n'êtes-vous 
pas  devenu  le  ciel?  Vous  portez  le  fardeau  de  votre  corps,  mais 
votre  cœur  est  plus  haut,,  vous  êtes  le  ciel;  car  votre  vie  sera  dans 
les  cieux  (1). 

Tous  les  chrétiens  doivent  être  morts  au  monde  et  crucifiés  avec 
J.  C;  ils  doivent  être  morts  aux  pompes  et  aux  œuvres  du  monde, 
afin  que  le  christianisme  soit  l'image  de  la  croix,  et  que  le  chrétien 
ressemble  à  J.  C.  attaché  sur  cet  arbre  sacré.  Tous  nous  avons 
promis  cela  au  saint  baptême  ;  nous  devons  être  comme  saint  Paul 
qui  dit  :  Pour  moi,  à  Dieu  ne  plaise  que  je  me  glorifie,  si  ce  n'est 
dans  la  croix  de  Notre-Seigneur  J.  G. ,  par  qui  le  monde  m'est  cru- 
cifié ,  et  moi  au  monde  :  Mihi  autem  absit  glonari ,  nisi  in  cruce 
Domini  nostri  Jesu  Christi  ;  per  quem  mihi  mundus  crucifixus  est ,  et 
ego  mundo  (Gai.  vi.  14). 

Prêtez  l'oreille  aux  paroles  de  saint  Grégoire  :  Il  vivait,  dit-il,  mais 
non  de  la  vie  du  monde,  ie  grand  apôtre  qui  parlait  ainsi  :  Je  vis; 
ce  n'est  plus  moi  qui  vis,  mais  le  Christ  qui  vit  en  moi  :  Vivebat,  sed 
non  mundi  vit  a ,  qui  dicebat  :  Vivo ,  jarn  non  ego ,  vivit  vero  in  me 
Christus  (In  Epkt.  ad  Gai.). 
Oh!  que  la  terre  me  parait  vile  lorsque  je  regarde  le  ciel,  s'écriait 


(1)  Tu,  si  vis,  cœlum  eris.  Si  vis  esse  cœlum,  purga  de  corde  tuo  terram.  Si  terre- 
nas  concupiscenlias  non  habueris,  et  non  frustra  responderis  sursum  te  Labere  cor, 
cœlum  eris.  Si  resurrexistis  cum  Ghristo  ,  quœ  sursum  sunt  quœrite,  ubi  Christus  est 
in  dextera  Dei  sedens;  quce  sursum  sunt  sapite,non  quœ  super  terram.  Cœpisti  sapere 
qua)  sursum  sunt,  et  non  quse  super  terram.  nonne  factus  es  cœlum?  Carnem  portas, 
et  cor  jam  supra,  cœlum  es.  Gonversatio  enim  tua  in  cœlis  erit  {In  Psal.  xcvij. 


but  fuir 
«e  iiiuiiue. 


334  MONDE. 

•Liât  Ignace  de  Loyola!  Quant  sordet  mihi  terra,  cum  cœlum  aspicio! 
(  tibàdéri. ,  in  ejw  vSfà. 

S  aimez  ni  le  monde  ni  ce  qui  est  dans  le  monde,  dit  l'apôtre 
saint  Jean  (I.  n.  15). 
Vous  aimez  la  terre,  dit  saint  Augustin,  vous  serez  terre.  Vous 
a,  vous  serez  Dieu.  Si  donc  vous  voulez  être  des  dieux  et 
=-Haut,  n'aimez  pas  le  monde,  ni  ce  qu'il  y  a  dau»  le 
mon  le  ^1). 
'iuut  ce  qui  est  né  de  Dieu  vainc  le  monde,  dit  saint  Jean  ;  et  la 
ù  vainc  le  monde  est  notre  foi  :  Omne  quod  natum  est  ex 
Ueo,  vincit  mundam  ;  et  kœc  est  Victoria  quai  vincit  inuiidum,  /ides 
nostra  (I.  v.  A). 

Celui  qui  a  passé  sur  la  terre  en  vrai  chrétien,  dit  saint  Augustin, 
a  méprisé  les  caresses  du  monde  ;  il  a  résisté  à  ses  persécuti  : 
i  pourquoi,  victorieux,  il  s'est  approché  de  Dieu  :  Blandicutem 
mundum  ûûnfeïtipsif,  sœvienti  non  cessit  ;  ideo  victor  ad  Deum  accessit  • 
(Enchirid.).  Ayant  suivi  l'Agneau,  il  a  vaincu  le  lion,  ajoute-t-il. 
Le  lion  iVémissait,  mais  le  chrétien  levant  ses  yeux  au  ciel 
i'Auneau,  foulait  ici-bas  le  lion  aux  pieds.  Il  savait  pour  quelle  vie 
il  méprisait  la  vie  présente;  il  savait  pour  quelle  félicité  il  suppor- 
tait des  maux  passagers,  et  pour  quelles  récompenses  il  passait  par- 
dessus les  dommages  qu'il  lui  fallait  endurer  (2). 

Levez-vous,  dit  le  prophète  Michée,  allez;  il  n'y  a  point  ici  de 
rcp«.s  pour  vous,  à  cause  de  l'impureté  qui  remplit  la  terre  :  Sur- 
git?, et  ite;quianon  habetishic  requiem,  propter  immunditiam  (n.  10). 

Fuyez  du  milieu  de  Babylone,  dit  le  Seigneur,  et  que  chacun 
sauve  son  âme  :  Fugiie  de  média  Babylonù,  et  salvet  unusquisgue 
animant  suam  (  Jerem.  li.  G). 

Lè\  e-ti  >i.  dirent  les  anges  à  Lot,  sauve  ta  vie;  ne  regarde  point  der- 
rière toi ,  et  ne  fanvtc  point  '  ilivo;  mais  sauve- 
toi  dans  la  montagne,  de  peur  que  tu  no  périsses  avec  les  autres 
((Jeu.  xix.  15-17). 

Fuyez  le  inonde,  dit  saint  Augustin  ,  6i  vous  voulez  être  pur. 

(\)  Terrain  diligis,  terra  cris.  Deum  dtligis,  Deus  cris.  Pi  orio  wiltis  esse  dii  et 
Clii  alHssinti,  nolite  diligeremumlum,  neq.  lit  mundo  sont  {Tract,  il  in 

nn.). 
p  |  .piia  Apnns* 

batu  ie" 

baut  pro q  ausitoriam  tofelWLtateni  {  flro  qUJ  il  i»ia 

«lamua  conteraneicut  [Encâcrid.  ). 


MONDE.  335 

Fuyez  les  créatures,  si  vous  vouiez  pqssé  Vr  le  Créateur.  Que  toute 
créature  vous  semble  vile,  afin  que  le  Créateur  devienne  les  délices 
de  votre  cœur  (i). 

Le  culte  pur  et  sans  tache  devant  Dieu  notre  père  ,  le  voici ,  dit 
/apôtre  saint  Jacques  :  se  préserver  des  souillures  de  ce  siècle  : 
Religio  munda  et  immacuiata  apud  Deum  et  patrem,  hœc  est  :  imiua- 
culatum  se  custodire  ab  hoc  seculo  (i.  27). 

Ecoutez  saint  Thomas  d'Angleterre  :  Le  monde,  dit-il,  n'est  pas 
pur,  car  il  corrompt  ceux  qui  le  sont;  comment  donc  pourra  être 
pur  celui  qui  reste  au  milieu  du  monde  ? 

Mundus  non  mundus,  quia  mundos  polluit;  ergo, 
Qui  munet  in  mundo,  quoinodo  mundus  crit  ? 

(Ita  Surius.) 

Si  l'on  est  forcé  de  vivre  dans  le  monde,  il  faut  :  4°  se  regarde!'  fa^esif'],uoti;ie1st 

comme  étranger  et  voyageur forcé  de  vivre 

Nos  pères,  dit  saint  Paul  aux  Hébreux,  n'avaient  point  reçu  les     ieQiïnde? 
promesses;  ils  les  voyaient  et  les  saluaient  de  loin,  et  confessaient 
qu'ils  étaient  étrangers  et  voyageurs  sur  la  terre  :  Confiantes  quia 
mregrini  et  hospites  sunt  super  terram  (  xi.  13). 

Bien-aimés,  dit  l'apôtre  saint  Pierre,  je  vous  exhorte,  comme 
étrangers  et  voyageurs,  à  vous  abstenir  des  désirs  charnels  qui 
combattent  contre  l'esprit  :  Charissimi,  obsecro  vos  tanquam  advenas 
et  peregrinos,  abstinere  vos  a  camalibus  desideriis  quœ  militant  adver- 
i,us  animam  (1.  n.  11). 

Rien  ne  doit  nous  intéresser  en  ce  monde,  dit  Tertullien,  si  ce 
n'est  d'en  sortir  au  plus  tôt  :  la  hoc  mundo  nihil  nostra  interest,  nisi 
ut  quamprimum  ex  eo  excedamus  (Epist.  ad  Mart.  ). 

Quiconque  appartient  à  la  cité  céleste  est  étranger  au  monde ,  dit 
saint  Augustin  ;  tant  qu'il  se  sert  de  la  vie,  il  est  dans  un  pays  qui 
n'est  pas  sa  patrie,  et  où,  parmi  beaucoup  de  séductions  et  de  trom- 
peries, il  n'y  a  que  le  petit  nombre  qui  connaisse  et  qui  aime 
Dieu  (2). 

2°  Il  faut  gémir  et  des  iniquités  du  monde,  et  d'être  obligé  de  res- 
ter dans  le  monde.  U  faut  imiter  le  peuple  de  Dieu  captif.  Près  des 

(1)  Fuçre  mundum,  si  vis  esseimmdus.  Fnge  creaturas,  si  vishabere  creatorem. 
Onin -.s  creatura  vilescat,  ut  Creator  in  corde  dulcescat  (In  Médit.). 

(2)  Omnis  qui  ad  supernam  pertinet  civilatem,  peregrinus  estmundi;  et  dam 
irali  utitur  vita,  in  patria  vivit  aliéna,  ubi  inter  iiulta  ilkcebroia  et  multa  fal- 

lacu  Deum  uosse  et  amare  paucorum  est  (Sentent,  xyu). 


336  MONDE. 

fleuves  de  Babylone,  disaient-ils  en  gémissant,  nous  nous  sommes 
assis,  et  nous  avons  pleuré  en  nous  souvenant  de  Sion.  Aux  saules  de 
leurs  rivages  nous  avons  suspendu  nos  harpes.  Là,  ceux  qui  nous 
ont  emmené  en  capthité  nous  ont  demandé  le  chant  de  nos  hymnes. 
Ceux  qui  nous  ont  traînés  captifs  nous  ont  dit  :  Chantez-nous  un  fies 
cantiques  de  Sion.  Comment  chanterons-nous  les  cantiques  du  Sei- 
gneur dans  une  terre  étrangère?  Si  je  t'oublie,  Jérusalem,  que  ma 
droite  s'oublie  elle-même!  Que  ma  langue  s'attache  à  mon  palais, 
si  je  ne  me  souviens  pas  de  toi  (  Psal.  cxxxvi  ). 

3"  11  faut  mettre  en  pratique  les  excellentes  leçons  du  grand  Apô- 
tre aux  Corinthiens  :  Je  vous  dis  ceci,  frères  :  Le  temps  est  court; 
que  ceux  donc  qui  ont  des  femmes,  soient  comme  n'en  ayant  pas;  et 
ceux  qui  pleurent,  comme  s'ils  ne  pleuraient  pas;  et  ceux  qui  se 
réjouissent,  comme  s'ils  ne  se  réjouissaient  pas;  et  ceux  qui  achè- 
tent, comme  s'ils  ne  possédaient  pas;  et  ceux  qui  usent  de  ce  monde, 
comme  s'ils  n'en  usaient  pas;  car  la  iigure  de  ce  monde  passe 
(I.  vu.  29-31). 

4°  Il  ne  faut  suivre  ni  les  maximes,  ni  la  morale,  ni  les  exemples 
du  monde;  mais  suivre  en  tout  la  loi  de  Dieu 


MORT. 


Il  est  décrété  que  tous  les  hommes  meurent  une  fois ,  dit  saint  ^jjj*^ 
Paul  :  Statutum  est  hominibus  semel  mori  (Hebr.  ix.  27).  Les 
impies  et  les  libertins  doutent  quelquefois  des  grandes  vérités 
de  la  religion,  parce  que  la  voix  des  passions  et  de  l'endurcissement 
spirituel  crie  si  fort ,  qu'ils  n'entendent  plus  la  voix  de  Dieu  et  les 
cris  de  leur  conscience;  mais  aucun  n'a  mis  en  doute,  même  durant 
une  minute,  la  certitude  de  sa  mort 

La  mort  n'est  pas  pour  l'homme  la  condition  de  sa  nature .  mais  la  D'ouest  venue 
peine  du  péché,  comme  le  dit  saint  Paul  :  Stipendia  peccati  mors 
(Rom.  vi.  23). 

Par  l'envie  de  Satan ,  dit  la  Sagesse,  la  mort  est  entrée  dans  l'unir 
vers  :  Invidia  diaboli  mors  introivit  in  orbem  terrarum  (n.  24). 

Ce  n'est  qu'après  la  chute  d'Adam  que  Dieu  lui  dit  :  Tu  es  pous- 
sière, et  tu  retourneras  en  poussière  :  Pulvis  es,  et  in  puiverem  rever- 
teris  (Gen.  ni.  19). 

L'homme,  dit  saint  Augustin,  avait  été  créé  immortel  :  il  a  voulu 
être  Dieu;  il  n'a  pas  perdu  sa  qualité  d'homme,  mais  il  a  perdu  l'im- 
mortalité, et  de  l'orgueil  de  la  désobéissance  est  venue  la  peine  de  la 
nature  (1). 

L'homme  n'était  pas  destiné  à  mourir:  cependantce  n'est  pas  Dieu 
qui  est  l'auteur  de  la  mort,  mais  l'homme  seul;  en  péchant ,  il  a  de 
sa  propre  volonté  donné  naissance  à  la  mort.  Le  Seigneur  avait 
prévenu  Adam.  Le  Seigneur,  dit  la  Genèse,  fit  à  l'homme  un  com- 
mandement etluidit  :  Tu  peux  manger  de  tous  les  fruits  du  jardin; 
mais  ne  mange  pas  du  fruit  de  l'arbre  de  la  science  du  bien  et 
du  mal;  car,  au  jour  où  tu  en  mangeras,  tu  mourras  de  mort 
(n.  16.  17).  Adam  voulut  manger  du  fruit  défendu,  et  la  mort 
suivit  cette  grave  désobéissance.  Il  voulut  le  péché  qui  est  la  mort  de 
l'àme,  il  lui  fallut  se  soumettre  à  la  mort  du  corps  qui  est  ia  puni- 
tion de  la  mort  de  l'àme,  ou  plutôt  la  punition  du  péché,  principe 

(1)  IJomo  factus  erat  immortalis  :  Deus  esSe  Votait;  non  perdidit  quod  homo  erat, 
sert  perdidit  quod  iinmortalis  ont;  e^de  inobedientiœ  superbia  contracta  est  pifcia 

llaiiKo:  ^iiùtiul.,. 

IH.  ** 


338  MORT. 

de  cette  mort Voilà  ce  que  produit  le  pécii  ■!  Stipendia  peccati 

mors  (Rom.  vi.  23). 

11  y  a        II  y  a  trois  morts,  dit  le  cardinal  Hugon  :  ce"  i  qui  vient  do  la 
rois  m     .     nature^  cejle  ^  vient  du  péché,  et  celle  qui  vient  de  la  grâce. 

Dans  la  première,  le  corps  meurt;  dans  la  seconde,  l'âme;  dans 
la  troisièm t  .  tout  l'homme.  La  première  sépare  l'âme  du  corps;  la 
seconde  sépare  l'âme  de  la  grâce;  la  troisième  sépare  l'homme  tout 
entier  des  embarras  du  siècle.  La  première  mort  est  pour  tous;  la 
seconde  est  le  partage  des  pécheurs;  la  troisième ,  celui  des  bons. 
Par  la  première,  on  est  enseveli  dans  la  terre;  par  la  seconde,  on  est 
j>  igé  da  s  l'enfer;  par  la  troisième,  nn  s'envole  au  ciel.  De  la 
première,  il  (  lit  dans  Yïl ?clésiastique  (xli)  :  0  mort,  que  ton  sou- 
venir est  amer  !  0  mors  quam  amra  est  memoria  tua!  De  la  sec 
le  Koi-Prophètc  dit  :  La  ort  des  pécheurs  est  très-mauvais  :  Mars 
peccatorum  pessima  (xxxiit.  22  Et  voici  la  troisième  :  Que  mon 
âme  meure  de  îa  mort  des  justes  :  jJoriatur  anima  mea  morte  justo- 
rum  (Num.  xxm.  10.  — Tract,  de  Morte). 

La  mort       La,  mort  est  une  puissante  dominatrice  qui  commande  à  ton- les 

ici-bas.       hommes,  et  qui  sait  se  fairp  obéir.  Elle  veut  qu'on  se  prépare  à 

l'attendre;  elle  désire  que,  dans  son  chemin,  elle  puisse  trouver 

les  hommes  prêts  et  disposés  à  la  recevoir.  Mais  ollo-mêmo  n'attend 

personne;  au  temps  marqué,  elle  appelle  pour  partir,  et  il  faut  la 

suivre  sans  délai Que  le  pécheur,  ttàcréd  Vie  essaient  de 

lui  résister  et  de  lui  désobéir,  eux  qui  résistent  et  désobéissent  h 
Dieu!  Insensés,  ils  ne  peuvent  résister  I  la  mort,  qui  n'est  que  "'urêt 
de  la  respiration,  et  ils  résistent  à  Dieu,  étemel,  infini,  tout-puissant  1 
0  hommes  aveugles  et  pervers  !.. . 

[neertituda     La  certitude  de  la  mort  n'est  pas  effrayante  ;  tous  savent  qu'il  faut 
lo quant  au    mourir,  et  ils  s'y  soumettent.  Mais  c'est  son  incertitude  qui  est 
temps.        terrible! 

Dieu,  dit  saint  Augustin,  vous  promet  que,  le  jour  où  vous  revien- 
drez à  lui ,  il  oubliera  les  péchés  que  vous  aurez  commis;  mais  il  ne 
vous  a  jamais  promis  de  lendemain.  Le  dernier  jour  est  caché  pour 
faire  sanctifier  tous  les  jours  (1  ) . 

(1)  Promisit  tibi  Deus,  qnoniam  quo  die  conYersnn  ftims ,  nbliviscitur  mal*  tua 
praeterita;  sed  nunquam  vitnm  crastini  diei  prtmUit  tibi.  Lalet  ultimus  dies,  ut 
ebserventur  omnes  (lies  (Ilomil.). 


MORT.  3"  9 

Tenez-vous  prêts,  dit  J.  C.  ;  parce  qu'à  l'heure  à  laqui  ' 
no  pensez  pas,  le  Fils  de  l'homme  viendra  :  Et  vos  estote  varati;  quia, 
qua  hora  non  putatis,  Filins  hominis  véniel  (Luc.  XII.  hO). 

Le  jour  du  Seigneur  viendra  comme  le  voleur  dans  la  nuit,  dit 

saint  Paul  :  Dics  Domini sicut  fur  in  nocte,  ita  veniet  (I.  Thess,  v.  2). 

'-Seigneur,  dit  saint  G        ire,  a  voulu  que  la  dernière  heure 

nous  fût  cachée,  afin  que  nous  nous  en  méfiions  toujours;  et  que 

ne  pouvant  la  prévenir,  nous  nous  y  préparions  sans  relâche  (1). 

Conservez  dans  votre  mémoire  cette  belle  sentence  de  Sénèque  : 
Vous  ignorez  en  quel  lieu  la  mort  vous  attend  ;  attendez-la  donc 
vous-même  en  tout  lieu  (Epist.  X3   \). 

Hier  est  à  moi,  et  aujourd'hui,  à  toi  :  Mihi  heri,  tibi hodie  (Eccli. 
xxxvni.  23).  Remarquez,  dit  Hugues  de  Saint-Victor,  que  l'Écri- 
ture ne  dit  pas  :  Demain  est  à  toi,  mais  aujourd'hui,  et  cela, 
soit  parce  que  l'on  meurt  chaque  jour,  soit  parce  que  nul  n'est 
certain  de  vivre  demain  (Lib.  de  Anima). 

Dieu ,  dit  saint  Ghrvsostome ,  a  voulu  que  nous  fussions  incertains 
de  la  durée  de  notre  vie ,  afin  que,  dans  cette  incertitude,  nous  ne 
nous  séparions  jamais  de  la  vertu  :  Idcirco  incerium  voluit  Deus  esse 
quanto  tempore  duraturi  simus  3  ut  exspectatione  incerta,  virtutem 
amplexemur  semper  (Homil.  xxill  in  Act.  apost.). 

Comme  nous  ignorons  complètement  l'année,  le  mois,  la  semaine, 
le  jour,  l'heure  et  l'instant  de  notre  mort,  il  faut,  sous  peine  d'être 
fous,  que  nous  employions  les  instants,  les  heures,  les  jours,  les 
semaines,  les  mois  et  les  années,  à  nous  préparer  à  la  mort 

Nouveau-nés  ,  combien  y  en  a-t-il  parmi  vous  qui  passeront  du  lncci.nn,f!r<  (^ 
berceau  au  tombeau  !  Enfants  et  jeunes  gens,  verrez-vous  les  autres       la  :    ;  - . 

d  °        7  2°  quant  a 

.  vous  l'ignorez.  Votre  enfance,  votre  jeunesse,  voilà  peut-être         ràgo. 
quel  sera  pour  vous,  comme  pour  tant  d'autres,  le  dernier  âge.  Ce 
y  a  de  certain,  c'est  que  la  mort  aime  à  immoler  les  jeunes 
victimes;  elle  a  tant  frappé  depui  *  bientôt  six  mille  ans,  >que  son 

glaive  est  comme  usé,  elle  préfère  ia  chair  tendre 

Et  vous  qui  êtes  dans  1  âge  viril,  quand  mourrez-vous  ?  Dans  vingt 

ans,  dans  dix  ans,  dans  un  an,  demain,  peut-être  dans  une  heure 

Et  vous,  vieillards,  faui-'l  ar.s?i  vous  demander  quand  vous  mour- 
rez? Ah  !  vous  savez  bien  ,;ae  la  mort  n'est  pas  éloignée  de  vous; 

(1]  Horan  ^nmimi*  no=!cr  idcirco  voluit  nobis  esse  inco^nitam,  tl\ 

1  ;  ut  ilum  illam  praevidere  non  possumus,  ad  illam  sin« 
iuterunssioui;  piifijaicniu.'  [Homil.  xm  in  Evang.). 


340  MORT. 

mais  vous  n'y  pensez  pas.  Cependant  vos  cheveux  blancs,  les  rides 
de  votre  visage,  vos  pas  chancelants,  le  bâton  qui  vous  soutient , 
cette  solitude  dans  laquelle  vous  vous  voyez,  car  vous  êtes  clair- 
semés parmi  les  hommes,  vous  disent  assez  haut  et  assez  souvent  : 
Vieillards,  pensez  à  la  mort.  Elle  ne  rencontre  presque  pas  de 
victime  qui  ait  l'âge  de  la  décrépitude.  Sur  mille  personnes,  c'est 

à  peine  si  l'on  trouve  encore  un  octogénaire Tous  les  trente  ans, 

les  générations  se  renouvellent  à  peu  près  en  entier 

ndc  de  Ocelle  sera  la  malalie  qui  sera  le  précurseur  de  notre  mort?  Sera- 
is mort,         v  i 

...lia    t-el  le  longue  ou  de  courte  durée?  Amènera-t-el  le  une  mort  violente 

le  corps.  °11  douce?  Mourrons-nous  d'une  fièvre  lente,  intermittente  ou  per- 
nicieuse? Mourrons-nous  le  matin  ou  le  soir,  de  jour  ou  de  nuit? 
Mourrons-nous  dans  notre  lit,  où  déjà  peut-être  tant  d'autres  sont 
morts;  dans  notre  maison,  dans  notre  terre ,  en  franchissant  le  seuil 
do  notre  porte,  en  voyage,  éveillés  ou  endormis,  seuls  et  sans  secours, 
ou  bien  entourés  des  nôtres?  Mourrons-nous  de  mort  prévue  ou 
subite?  Mourrons-nous  par  le  feu,  par  l'eau,  par  la  foudre,  sous 
l'écroulement  d'un  édifice,  à  la  suite  de  quelque  chute  ou  par  tout 
autre  accident?  Mourrons-nous  de  la  main  d'un  voleur  ou  de  celle 
d'un  assassin?  Mourrons-nous  d'un  mal  de  tête,  de  cœur,  d'entrailles, 
de  poitrine,  ou  comme  tant  d'autres  d'une  attaque  d'apoplexie  fou- 
droyante? Mourrons-nous  à  table,  au  jeu,  durant  une  soirée,  à  un 
bal,  dans  les  plaisirs  ou  dans  l'ivresse?  Ne  sera-ce  point  aussitôt 
après  le  premier  péché  que  nous  commettrons?  Voilà  de  formidables 
questions  auxquelles  nul  homme  ne  saurait  répondre  autrement 
que  par  ces  mots  :  Je  l'ignore 

Casimir  II,  roi  de  Pologne,  mourut  dans  un  grand  festin.  Ladislas, 
roi  de  Hongrie  et  de  Bohême,  succomba  au  milieu  des  préparatifs 
de  son  mariage  avec  Madeleine,  fille  de  Charles,  roi  de  France. 

L'arrêt  de  mort  porté  contre  Balthasar  lui  fut  signifié  durant  une 
f>rgie  sacrilège  .  et  fut  exécuté  la  même  nuit. 

Il  arrive  quelquefois  que  le  jour  d'une  noce,  avant  que  le  soleil 
ait  disparu,  l'un  des  époux  est  déjà  veuf 


udede  Si  c'est  une  chose  terrible  de  ne  pas  savoir  de  quelle  mort  notre 

ilo    corps  sera  frappé,  il  est  infiniment  plus  terrible  d'ignorer  en  quel 

''  état  sera   notre  unie  au  moment  de  son  passage  du  temps  à 

Lé  ! 

Aurons-nouj  le  loisir  de  nous  préparer  à  la  mort  i  1er  n^s 


ilORT.  341 

comptes  avec  Dieu?...  Aurons-nous  la  force  et  l'intelligence  néces- 
saires pour  faire  une  bonne  confession?  Aurons-nous  les  moyens  de 
mettre  ordre  à  notre  conscience;  et  si  nous  les  avons,  aurons-nous 
la  volonté  de  les  employer?...  Aurons-nous  un  repentir  suffisant?... 
Obtiendrons-nous  le  pardon  de  nos  péchés?...  Mourrons-nous  en 
état  de  grâce?  Effrayantes  questions  qui  nous  forcent  de  rester 
muets,  et  de  ne  répondre  que  par  un  tremblement  et  le  silence  !... 

Et  en  présence  de  ces  doutes,  de  ces  questions  que  nul  ne  saurait 
résoudre,  nous  rions...,  nous  nous  amusons..,,  nous  perdons  notre 
temps...,  nous  ne  pensons  pas  à  la  mort!...  Nous  oublions  notre 
Créateur,  nous  ne  le  prions  pas,  nous  dormons  tranquilles,  nous 
négligeons  nos  devoirs,  nous  offensons  Dieu,  nous  no  nous  pré- 
parons aucunement  à  mourir  en  chrétien!... 

Où  sont  les  sages?  Hélas  !  nous  sommes  tous  aveugles  et  insensés!... 

Je  vais  d'un  tombeau  à  un  tombeau,  dit  saint  Grégoire  de  Nazianze       La  mon 
(Distich.).  C'est-à-dire  :  Du  sein  de  ma  mère  où  j'ai  été  enfermé     estPr°che 
neuf  mois  comme  dans  un  véritable  tombeau ,  je  vais  à  la  mort  et 
au  sépulcre. 

Le  berceau  ressemble  à  une  bière  ;  il  annonce  à  l'enfant  qu'il  est 
dans  sa  destinée  de  mourir. 

Notre  vie,  dit  saint  Grégoire  pape,  est  semblable  à  une  naviga- 
tion. Celui  qui  vogue  sur  la  mer  se  tient  debout,  s'asseoit  ou  se 
couche  ;  mais  il  ne  cesse  d'avancer ,  entraîné  qu'il  est  par  la  marche 
du  navire.  Telle  est  notre  vie  :  que  nous  veillions  ou  que  nous  dor- 
mions, que  nous  parlions  ou  que  nous  gardions  le  silence,  que  nous 
marchions  ou  que  nous  nous  reposions  sur  notre  lit ,  de  gré  ou  de 
force,  nous  ne  cessons  chaque  jour  et  à  chaque  instant  de  nous 
approcher  du  terme  où  nous  attend  la  mort  (Lib.  VI,  epist.  xxvi). 

Vous  avez  vingt  ans ,  trente  ans ,  cinquante  ans ,  dites-vous  ;  vous 
vous  trompez;  ces  années  sont  à  la  mort,  elle  les  a  conquises  sur 
vous. 

Tous ,  nous  pouvons  dire  avec  saint  Pierre  :  Je  sais  que  je  plierai 
bientôt  ma  tente  :  Certus  quod  velox  e?t  depositio  tabernaculi  mei 
(II.  i.  14).  Le  temps  se  précipite;  et  tandis  que  nous  n'y  pensons 

pas  ,  nous  périssons L'homme  passe  au  milieu  d'un  songe;  il 

s'agite  en  vain;  il  amasse  des  trésors  et  il  ne  sait  qui  les  recueillera  : 
In  imagine  pertransit  homo ,  sed  et  frustra  conturbatur  ;  thesaurizat, 
et  ignorât  cui  co  t  ea  (Psal.  xxxyiii.  7).  J'ai  disparu  eomma 

l'ombre  qui  décline  ;  Sicut  umbra  >  cum  déclinât ,  ablatvs  smn  (Psal.. 


312  MC' 

cviu.  23).  Mes  jours  ont  décliné  comme  l'ombre,  et  j'ai  séché 
comme  l'herbe  coupée  :  Dlèk  ..icisicut  ambra  décline  ce,  v.nt,  et  ego  sicut 
fœnumarui  (Psal.  et.  12). 

L'Ecriture  compare  la  vie  de  l'homme  et  sa  rapidité  au  passage 
d'une  floche,  au  vol  de  l'oiseau,  au  vaisseau  qui  vogue  à  pleines 

voiles,  à  une  ombre,  au  vent,  à  l'éclair,  à  la  foudre 

Demandez  aux  vieillards  de  quatre-vingts  ans,  à  ces  débris  d'un 
autre  âge,  si  peu  nombreux,  si  la  vie  leur  a  paru  longue?  Il  leur 
semble  qu'ils  ne  sont  nés  que  d'hier.  D'ailleurs .  nie  cent 

ans,  puisqu'il  faut  mourir?  Qu'est-ce  que  cent  ans,  lorsqu'on  les  a 
atteints?  Qu'est-ce  même  que  la  vie  d'aujourd'hui  comparée  à  celle 
des  hommes  d'avant  le  déluge?  À  peine  sortaient-ils  de  l'enfance  à 
l'époque  où  les  vieillards  actuels  sont  déjà  réduits  en  cendres,  eux  et 

les  vers  qui  les  ont  dévorés 

Voilà  pourquoi,  autrefois,  quand  on  couronnait  un  empereur  d'Al- 
lemagne, quatre  sculpteurs  lui  présentaient  des  marbres  de  diverses 
couleurs ,  alin  qu'il  choisit  celle  qu'il  préférait  pour  son  tombeau.  Ils 
l'avertissaient  ainsi  que,  malgré  la  pompe  dont  il  allait  être  entouré, 
il  lui  faudrait  mourir. 

Le  pape  Etienne  IT  siéga  seulement  quatre  jours;  Célestin  IV, 
dix-sept  jours;  Boniface  VI,  quinze  jours;  Sisinnius,  vingt  jours; 
D;unase  H,  vingt-trois  jours;  Die  III,  vingt-six  jours;  Marcellin  H, 
Ain.:)  el  un  jours;  Urbain  Yll,  sept  jours;  Léon  XI,  \  in- t-sept  jours. 
I  !  lui  qui  en  mourant  disait  S  Oh  !  combien  je  serais  plus  heureux 
si, au  lieu  desclefs  du  ciel,  j'eusse  tenu  celles  d'un  mona.-tèiv  !  Qûdto 
du  I  m  <  mihi  fret,  si  monasterii ,  quam  si  cœli ,  claves  tenuissemf 
(llist.  Eccleë*) 
Ainsi  i h  e-t-il ,  dans  toutes  les  conditions,  pour  la  brièveté  et  la 

rapidité  le  la  vie 

Souvonez-A  nus  donc,  vous  dirai-je  avec  l'Ecclésiastique,  Bblttêtlez- 
\ousque  la  mort  no  tarde  pas,  et  que  le  décret  par  lequel  vôii's 
condanu  odre  dans  les  profondeurs  de  la  terre,  vous  a  été. 

communiqué  ;  le  décret  porté  sur  le  taon  le  :  11  mourra  de  mort  : 
Meinor  estu  qwmimn  mors  non  tardât  ;  et  lestamentum  inferorum  qui., 
demonstratumest  tibi;  testament um  enim  hujus  mundi  :  Morte  moi idur 

moment   (XIV.  12). 
re  Doisc 
.  !  i  mort 

;  ,qJJJJJ  Le  temps,  dit  saint  Augustin,  n'est  autre  chose  qu'une  cour 

u»lea   li  mort  :  chaque  jour  nous  mourons;  e.ir  cliaque  jour  la   mort  îlous 
liose,        cnl'.voune  partie  de  nutre  vie  [De  Civil.,  lib.  XIII,  c.  t). 


MORT.  313 

A  mesure  que  nous  croi3sonsen  âge,  notre  vie  décroît,  ditSénèque; 
et  le  jour  même  que  voici ,  nous  l'avons  déjà  partagé  avec  la  mort  •• 
Cum  crescunus ,  vita  decrescit  ;  hum  quem  agimus  diern ,  cum  mor% 
dividimus  (Lib.  III,  c.  xxiv). 

A  notre  entrée  dans  la  vie,  nous  avons  commencé  de  marcher  à  1| 

mort  et  de  sortir  de  la  vie Nous  sommes  nés,  et  soudain  nod 

avons  cessé  d'être ,  dit  la  Sagesse  :  Nos  nati ,  continuo  desivimus  esst 
(v.  13). 

La  nourriture  avec  laquelle  nous  réparons  nos  forces,  prouve  que 
,r  la  mort  nous  enlève  toujours  quelque  chose  ;  le  sommeil  nous  prend 
un  tiers  de  la  vie  ;  pendant  nos  six  premières  années ,  nous  n'avons 
pas  l'usage  delà  raison;  le  travail  abrège  la  vie ,  les  plaisirs  l'altè- 
rent, les  chagrins  la  rongent,  les  maladies  la  dévorent,  etc.  Otez 
tout  cela,  que  reste-t-il  de  notre  existence?  presque  rien.  Laissez 
tout  cela,  quelle  est  sa  durée?  à  peine  un  demi-siècle  qui  disparaît 
comme  une  vapeur  légère. 

La  figure  de  ce  monde  passe,  dit  le  grand  Apôtre  î  Prœterit  figura      La  mort 
hujus  mundi  (I.  Cor.  vu.  31).  Remarquez  que  l'Apôtre  n'appelle  la     néant  et  le 
vie  qu'une  figure,  une  ombre  passagère.  Certes ,  voilà  la  vraie  défi-    ce  îui  exiSte. 
nition  de  la  vie  humaine!... 

Le  jour  que  voici  s'en  va,  dit  un  poëte  ;  nous  ignorons  si  demain 
naitra  pour  nous,  et  s'il  nous  apportera  du  travail  ou  du  repos. 
Ainsi  s'évanouit  la  gloire  du  monde  : 

Prœterit  ista  dies,  nescitur  origo  secundi; 
An  labor,  an  requies  ?  Sic  transit  gloria  mundi. 

Voulez-vous,  dit  Juste  Lipse,  voulez-vous  que  je  vous  parle  à  voix 
intelligible?  Toutes  les  choses  humaines  ne  sont  qu'une  fumée ,  une 
ombre ,  quelque  chose  de  vain  et  qui  ressemble  à  une  pièce  de 
théâtre;  en  un  mot,  rien  : 

Vis  altiore  voce  me  tecum  loqui? 
Humana  cuncta  fumus,  umbra,  vanitas, 
Et  scenae  imago,  et,  verbo  ut  absolvam,  nibil. 

(Inejus  vita.) 

Le  monde ,  en  effet,  est  un  théâtre  sur  lequel  se  joue  la  pièce  de 
la  vie  ;  les  hommes  sont  les  acteuis  ;  ils  entrent  et  ils  sortent.  Le  lieu 
qu'occupe  ce  théâtre  est  la  terre.  Une  génération  passe,  dit  l'Ecclé- 
siastique ,  une  autre  prend  sa  place.  Il  y  a  deux  portes  sur  la  scène , 


344  MORT. 

la  naissance  pour  ceux  qui  entrent, la  mort  pour  ceux  qui  sortent. 
Chacun  revêt  un  costume  :  celui  qui  joue  le  rôle  de  roi,  n'emportera 
pas  sa  pourpre  avec  lui. 

La  pièce  finit  vite 

Ville,  maison,  argent,  dites -moi,  combien  avez-vous  eu  de 
maîtres?  Ville  et  maison,  combien  aurez-vous  encore  d'habitants 
qui  se  succéderont?  Où  est  Samson  ,  l'hercule  de  l'univers?  où  est 
Absalon,  qui  était  si  beau  ?  où  est  Salomon ,  le  plus  sage  des  rois?  où 
sont  l'éloquent  Cicéron  et  le  savant  Aristote ,  etc.  ?  Où  sont  tant 
d'hommes  fameux,  tant  de  conquérants,  tant  de  princes,  tant  de 
/ches?  En  un  clin  d'œil  ils  ont  disparu.  Où  les  trouver  aujourd'hui? 

Cette  vie  n'est  autre  chose  qu'une  lente  mort Je  ne  sais,  dit 

saint  Augustin,  si  j'appellerai  cette  vie  une  mort  qui  vit,  ou  bien 
une  vie  qui  meurt  (  De  Civit.,  lib.  XIII). 

Ecoutez  le  poëte  lyrique  : 

Pulvis  et  umbra  sumus  :  pulvis  nihil  est,  nisi  fumus; 
At  uihil  est  fumus  :  nos  nihil  crgo  sumus. 

Nous  sommes  ombre  et  poussière;  or,  la  poussière  n'est  rien 
qu'une  sorte  de  fumée;  mais  la  fumée  elle-même  n'est  rien  :  nous 
ne  sommes  donc  rien. 

Qui  fut  plus  connu,  plus  honoré,  plus  célèbre  et  plus  victorieux 
qu'Alexandre  le  Grand,  roi  de  Macédoine  ?  Ecoutez  le  portrait  qu'en 
fait  la  sainte  Ecriture  :  Il  régna  premièrement  dans  la  Grèce,  et  sorti 
de  la  terre  de  Cethim,  il  vaincmit  DarâÙ3>T0i "des  Perses  et  dos 
Mèdes.  11  livra  beaucoup  de  batailles;  il  prit  les  a  illes  les  plus  fortes, 
et  il  mit  à  mort  les  rois  de  la  terre.  Il  alla  jus  ju'aux  extrémités  du 
monde;  il  reçut  les  dépouilles  d'une  multitude  de  nations,  et  toute 
la  terre  se  tut  devant  lui  :  S  Huit  terra  in  conspectu  ejus.  Il  assembla 
ses  forces  et  une  armée  excessivement  puissante,  et  son  cœur 
s'éleva  et  s'enfla.  Et  il  se  rendit  maître  des  peuples  et  des  rois  ;  et  ils 
devinrent  ses  tributaires.  Après  cela,  il  tomba  sur  un  lit...,  et  il 
mourut  :  Et  post  Iiœc  decidit  in  leclum...,  et  mortw  l.  Machab.  I. 

1-8).  Hier,  l'univers  entier  ne  lui  suffisait  pas;   aujourd'hui, 
six  pieds  de  terre  lui  suffisent.  Hier,  il  opprimait  la  terre;  aujour- 
d'hui, la  terre  pèse  sur  lui  et  le  couvre.  Mue  dis-j   ?  il  e-ul  pi 
obtenir  ce  qui  est  accordé  aux  moin  1res  des  morti  1s,  la  sépulture: 
car,  par  suite  des  di  ui  s'élevèrent  entre  ses  successeurs, 

gonça  lavro  doni  nseveli. 


MORT.  348 

C'est  ainsi  que  la  mort  prouve  le  néant  Je  l'homme....-; 

Je  suis  sorti  nu  du  sein  de  ma  mère ,  dit  Job ,  et  j'y  retournerai  nu  :    En  «piel  état 
Audus  egressus  sum  de  utero  matris  meœ ,  nudus  revcrtar  Mue  (i.  21  ).      nwuiiae  ' 
Job  donne  le  nom  de  mère  à  la  terre,  parce  qu'elle  lui  fournira  un 
tombeau  qui  lui  rappelle  le  sein  de  sa  mère. 

0  pâture  des  vers,  ô  masse  informe  de  poussière  et  de  corruption, 
ô  goutte  de  rosée,  ô  vanité,  pourquoi  t'enorgueillir  tant!  Que 
cherches-tu  ici-bas?  qu'ambitiomies-tu?...  Etre  cendre  sur  la  terre 
pour  être  cendre  clans  la  terre  :  voilà  l'homme  !... 

Sur  le  point  de  mourir,  Saladin,  roi  d'Egypte  et  de  Syrie,  ordonna 
qu'on  portât,  partout  où  campait  son  armée,  son  drapeau  enveloppé 
d'un  drap  mortuaire,  et  qu'un  héraut  criât  :  De  tout  ce  qu'il  pos- 
sède, voici  le  seul  objet  que  le  dominateur  delà  Syrie  et  de  l'Egypte 
emportera  avec  lui!  {In  ejus  vita.) 

O  homme,  tu  es  poussière,  et  tu  retourneras  en  poussière: 
Pulvis  es ,  et  in  pidverem  reverteris  (Gen.  ni.  19). 

Voyez  ce  malheureux  pécheur  qui  avait  constamment  oublié  Dieu 
pendant  sa  vie,  et  qui  n'avait  jamais  pensé  à  la  mort  pour  s'y  pré- 
parer. Hier,  il  se  portait  bien;  aujourd'hui,  il  est  étendu  sur  un  lit 
de  douleur.  Le  mal  augmente,  la  fièvre  redouble.  Trois  personnes 
sont  appelées,  le  prêtre,  le  médecin,  le  notaire.  Que  d'affaires  à 
régler!  Et  cela  presse  ,  car  le  médecin  déclare  que  la  mort  est  au 
chevet  du  lit.  Tous ,  au  reste ,  s'en  aperçoivent  :  ses  yeux  s'obscur- 
cirent,  il  devient  sourd ,  sa  langue  se  paralyse,  ses  joues  sont  pâles 
et  creuses,  son  intelligence  le  quitte.  Prêtre,  médecin,  notaire, 
hâtez-vous,  la  mort  va  vous  devancer.  Chacun,  en  effet,  s'empresse 
de  remplir  son  devoir,  au  milieu  d'une  famille  éplorée.  La  mort 
arrive  et  frappe.  On  n'a  plus  qu'un  cadavre.  La  première  personne 
qu'on  avertit,  c'est  le  fossoyeur.  Tandis  qu'on  ouvre  la  fosse,  ou 
s'empresse  d'envelopper  d'un  débris  de  linge  ce  débris  de  la  mort. 
Déjà  une  odeur  infecte  se  fait  sentir  :  tout  le  monde  fuit;  seuls,  la 
putréfaction  et  les  vers  approchent.  On  le  jette  sous  six  pieds  de 
terre,  et  la  fosse  est  fermée.  Le  corps  est  abandonné,  et  l'âme  jugée 
pour  l'éternité 

Sur  cette  tombe  il  faut  une  épitaphe,  une  inscription;  le  prophète 
royal  s'est  chargé  de  la  faire  pour  tout  le  genre  humain  ;  la  voici  : 
La  mort  se  repaîtra  d'eux  :  Mors  depascet  eos  (xiviii.  15). 

O  mortels,  vous  foulez  aux  pieds  la  t?iie;  vous  régnez  sur  elle: 
mais,  tirés  de  la  terre,  vous  redeviendrez  terre. 


34G  mort. 

Après  la  mort  les  vers,  dit  un  poète;  après  les  vers  l'odeur  infecte 
et  l'horreur:  ainsi  tout  homme  est  changé  en  quelque  chose  qui  n'a 
rien  de  l'homme  : 

Post  hominem  vermis,  post  vermem  fœtor  et  horror: 
Sic  iii  non  hominem  vertitur  oranis  homo. 

Nous  naissons  sur  la  terre,  dit  saint  Bernard,  nous  mourons  sur 
la  terre ,  retournant  là  d'où  nous  avons  été  tirés  :  In  terra  orimur , 
in  terra  morimur ,  rêver  lentes  in  eam  unde  sumus  assumpti  (Serm.  in 
Psal.). 

Ecoutez  Job  :  J'ai  dit  à  la  pourriture ,  vous  êtes  mon  père  ;  aux 
ver? ,  vous  êtes  ma  mère  et  ma  sœur  :  Putredini  dixi  :  Pater  meus  es; 
mater  mea  et  soror  mea  vermibus  (xvii.  44). 

Quelque  grande  qu'elle  soit,  la  beauté  humaine  se  change  en 
quelque  chose  d'horrible;  elle  devient  la  pâture  des  vers  et  la  proie 

de  la  mort 

Quand  l'homme  mourra,  dit  l'Ecclésiastique  ,  il  aura  pour  héri- 
tage les  reptiles,  et  les  bêtes,  et  les  vers  :  Cum  morietur  homo  hœredi- 
tahit  serpentes ,  et  bestias ,  et  vermes  (x.  13). 

Qu'est-ce  que  l'homme  ?  dit  saint  Ephrem  :  peu  de  chose.  Qu'est-re 
que  l'homme?  quelques  vers.  Qu'est-ce  que  l'homme  ?  un  peu 
cendre  et  de  poussière.  Qu'est-ce  que  l'homme?  un  songe.  Qu'est-ce 
que  l'homme?,  une  ombre.  Il  a  passé,  il  a  cessé  de  paraître  :  Ecce 
trûnsivit,  ecce  cessavit.  Ce  lion  invincible  ,  ce  tyran  si  fort,  si  puis- 
sant ,  si  orgueilleux ,  que  tout  le  monde  redoutait,  a  vu  sa  lin;  il  est 
étendu  sur  sa  couche  fiinèJbre.  Celui  qui  paraissait  plus  grand  que 
totlS  li-  h  nimescst  réduit  à  l'impuissance  ;  celui  qui  maîtrisait  le., 
autres  est  maîtrisé  ;  celui  qui  les  garrottait  de  chaînes  est  garrotté 
(De  iis  qui  in  Cnristà  dormicrunt). 

Et  la  chair  de  Jezabel,  dit  l'Ecriture ,  sera  comme  le  fumier  sur  la 
face  de  la  t.'iro -  et  tous  ceux  qui  pass  mit,  diront  :  Est-ce  là  cette 
.li'zaliel?  Bt  Witnî  cwies  Jezabel  sic  ut  stercus  super  faciem  ternn  ,  ita 
ut  prœtereuntcs  dJcn.it  :  Ilœccine  est  Ma  Jezabel  IV.  Reg.  ix.  37). 
Ayant  été  chargé  de  conduire  au  tombeau  des  rois  le  corps  d'Isa  h  I  lo 
de  \  Quint ,  saint  François  de  Borgia,  duc 

:  è,  iiï  ;       menttrâppé  fie  voir  ce  cadavre  devenu  difforme, 
i  td  coûtant  qu'il  >nnut  pas,  et  qu'il  n'osa  ce. 

.;  :-  '    l'imbérafa  igards, 

n  g     iiu  :  Est-ce  là  Isabelle,  1  impératrice  du  monde?  est-ce  là 


MORT.  34* 

cette  sage  et  pieuse  Isabelle,  la  joie  de  l'Espagne,  l'honneur  de 
l'empire,  l'espérance  de  l'univers?  Où  est  la  beauté  de  son  visage? 
où  est  l'éclat  de  ses  yeux  ?  où  est  la  majesté  du  pouvoir  royal? 
Grand  Dieu!  sa  chair  s'est  changée  en  pourriture ,  sa  beauté  en 
infection.,  sa  splendeur  en  quelque  chose  d'horrible.  Alors,  éclairé 
par  la  grâce ,  et  considérant  attentivement  quelle  était  la  vanité 
des  rois,  des  royaumes  et  de  tous  les  biens  du  monde,  il  résolut 
de  renoncer  à  tout  et  de  servir  Dieu  seul  :  ce  qu'il  exécuta.  Il  vécut 
et  mourut  en  grand  saint  (In  ejusvita). 

Mais  le  cadavre  descendu  dans  le  tombeau  restera-t-il  au  moins  6 
l'état  de  cadavre?  Non.  Il  devient,  dit  Bossue t,  un  je  ne  sais  quoi  qui 
n'a  point  de  nom  dans  aucune  langue.  C'est  ce  que  dit  le  prophète 
Ezéchiel  :  Je  te  réduirai  à  rien ,  et  tu  ne  seras  pas,  et  on  te  cher- 
chera, et  on  ne  te  trouvera  plus  jamais,  dit  le  Seigneur  Dieu  :  In 
nihilum  rectigam  te,  et  non  eris,  et  requisita  non  invenieris  ultra  in 
sempiternum  dicit  Dominas  Deus  (xxvi.  21). 

Il  existe  une  épitaphe  pleine  de  «^u«i  faite  pour  un  roi  de  France,  et 
citée  par  Delrio;  la  voici  : 

J'ai  ri,  et  je  pleure.  J'ai  été,  et  je  ne  suis  plus.  J'ai  eu  mes  préoc- 
cupations, et  je  me  repose.  J'ai  joué,  et  il  n'y  a  plus  de  jeux  pour 
moi.  J'ai  chanté,  et  je  suis  muet.  J'ai  nourri  mon  corps,  maintenant 
j'alimente  les  vers.  J'ai  veillé,  et  je  dors.  J'ai  souhaité  la  bienvenue, 
et  je  dis  adieu.  J'ai  pris,  et  je  suis  pris.  J'ai  été  vainqueur  >  je  suis 
vaincu.  J'ai  combattu,  la  paix  est  mon  partage.  J'ai  vécu  confor- 
mément aux  lois  de  la  nature ,  conformément  à  ces  lois  je  meurs* 
Je  ne  résiste  pas  :  résister  me  serait  impossible.  J'ai  commencé  par 
être  terre,  je  suis  redevenu  ce  que  j'étais.Mon  pouvoir  s'est  évanoui. 
Monde  périssable,  adieu;  et  vous,  vers,  je  vous  salue.  Je  suis  étendu 
sur  ma  couche  dernière. 


Risi ,  ploro.  Fui ,  non  sum.  Studui,  requiesco. 
Lusi,  non  ludo.  Cecini,  nunc  mutio.  Pavi 
Corpus,  alo  vernies.  Vigilavi,  dormio.  Dixi  : 
Salve,  dico  :vale.  Rapui,  rapior.  Superavi, 
Vint-or.  Certavi,  pace  utor.  Jure  fegd  viiî  , 
Jure  igitur  morior.  Non  obsto,  obstare  nequirem. 
Terra  fui  quondam,  rursus  sum  terra.  Niliil  sum. 
Terra  caduca,vale;  vernies  salvete,  recumbo. 


Bientôt  cette  épitaphe  sera  celle  de  chacun  de  nous. 


348  MORT. 

e  pas  penser  Lorsque  le  jour  de  notre  mort  arrivera,  dit  Paint  Grégoire,  que  nous 
'un  "folie?*  servira  ce  que  nous  aurons  poursuivi  avec  tant  de  soin  et  de  peine, 
ce  que  nous  aurons  amassé  avec  tant  de  sollicitude?  Il  ne  faut 
rechercher  ni  les  honneurs ,  ni  les  richesses ,  puisqu'il  faudra  les 
abandonner.  Si  nous  voulons  des  biens,  cherchons  et  aimons  ceux 
que  nous  posséderons  toujours;  si  nous  craignons  des  maux,  crai- 
gnons ceux  que  les  réprouvés  endurent  et  qui  n'auront  pas  de  fin 
(Lib.  IV  Epist.  ad  Andrœam  ). 

L'homme  thésaurise ,  et  il  ne  sait  pour  qui  il  amasse,  dit  le  Psal- 
mistc  :  Thesaurizat  et  ignorât  cui  congregabit  ea  (xxxvm.  7).  L'im- 
prudent et  l'insensé  périront  ensemble  ,  et  leurs  richesses  passeront 
à  des  étrangers  :  le  sépulcre  sera  leur  demeure  :  Simul  insipiens  et 
stullus  peribunt  :  et  relinquent  divitias  suas ,  et  sepulcra  eorum  domus 
illorum{?sa\.  xlvih.  11.  12).  A  leur  dernier  instant,  les  avares  et  tous 
ceux  qui  aiment  le  monde  ne  pourraient-ils  pas  prononcer  ces  paroles 
d'Agag  :  Ainsi  donc  une  mort  pleine  d'amertume  va  me  séparer  de 
tout!  Siccine  séparât  amara  mo?'s  (l.  Reg.  xv.  32).  Allez  donc,  aveu- 
gles enfants  d'Adam,  fils  de  la  terre,  désirez  de  la  posséder  comme  la 
possèdent  les  reptiles;  ajoutez  domaine  à  domaine,  maison  à  mai- 
son, entreprise  à  entreprise,  amusement  à  amusement;  il  vous 
faudra  mourir  demain,  et  peut-être  dès  aujourd'hui!... 

0  soins  des  hommes,  oh!  quel  vide  est  au  fond  des  choses!  0 
ruras  hominum,  o  quantum  est  in  rébus  inanef 

Combien,  à  la  mort,  l'avare  ne  sera-t-il  pas  désolé  d'avoir  loujours 
travaillé  pour  les  autres  qui  l'oublieront  si  vite,  et  de  n'avoir  rien 
l'ait  pour  lui-même  !  Quelle  désespérante  pensée  que  celle-ci  :  de 
tous  les  biens,  de  tous  les  plaisirs,  de  toutes  les  créatures  qui  étaient 
à  ma  disposition,  il  ne  me  reste  que  le  sépulcre  !  Solum  mihi  super- 
est  sepulcrum  (Job.  xvn.  1  ). 

La  pensée  de    Celui  qui  a  toujours  sa  dernière  heure  devant  les  yeux,  méprise  faci- 
[,JJ.    lement  toutes  CÛOBe*,  dit  saint  JéiV.me  :  Facile  conlemnit  omnia,  gui 
BeuSfl  !        semper  cogitât  se  esse  moriiurum  (  Epist.  cm  ). 

L'homme  ira  dans  la  maison  de  son  éternité,  dit  l'Ecclésiaste  : 
Jbit  homo  in  domum  œternitatis  suœ  (xu.  5).  Voilà  ce  à  quoi  nous 

devons  penser 

Méditer  sur  la  mort,  c'est  être  philosophe,  dit  Platon  :  Philoso- 
phia  est,  meditatio  mords  (  De  LegibllS  ). 

Lorsqu'on  se  sent  épris  de  la  beauté  humaine,  dit  saint  Grégoire, 
il  faut  se  demander  ce  que  sera  le  corps  quand  la  vie  l'aura  quitté  : 


MORT.  349 

on  comprendra  alors  ce  que  l'on  aime.  Il  n'y  a  rien  qui  soit  plus 
puissant  pour  dompter  l'appétit  des  sens,  que  de  méditer  sur  ce  que 
sera  après  la  mort  la  personne  que  l'on  aime  vivante  (1). 

Un  solitaire  se  trouvait  tenté  de  se  livrer  à  une  affection  coupable 
pour  une  personne  dont  l'image  ne  le  quittait  pas ,  lorsqu'il  apprit 
qu'elle  venait  de  mourir.  Aussitôt  il  se  rendit  à  son  tombeau,  leva  la 
pierre,  et  plongea  le  manteau  qu'il  portait  dans  le  dégoûtant 
mélange  de  pourriture  et  de  vers  dont  le  cercueil  était  rempli.  La 
tentation  se  représentant  à  lui  après  son  retour  au  désert,  il  con- 
templa le  manteau  souillé,  infect,  en  s' écriant  :  Eh  bien,  mon 
coprs,  tu  as  ce  que  tu  cherchais,  rassasie-toi  !  Et  il  se  mortifia  ainsi 
jusqu'à  ce  que  la  tentation  se  fût  évanouie  (  Vit.  Patr.  ) 

Pensons  à  la  mort,  et  nous  serons  toujours  vainqueurs  du  démon, 
du  monde,  et  des  convoitises  de  la  chair 

Vivez  avec  la  pensée  de  la  mort ,  dit  saint  Jérôme;  l'heure  fuit, 
l'instant  même  où  je  vous  parle  est  déjà  loin  :  Vive  memor  lethi, 
fugit  hora,  hoc  quod  loquor,  inde  est  (Epist.  xvi  ad  Principiam  ). 

Là  où  n'est  pas  la  pensée  de  la  mort  et  sa  crainte,  se  trouvent 
une  vie  dissolue  et  l'abondance  des  péchés  ;  et  où  ces  mœurs  déplo- 
rable? existent,  là  est  la  perte  de  l'âme.  Pour  sauver  son  âme,  il 
faut  donc  penser  à  la  mort. 

Retenez  ces  belles  et  précieuses  paroles  du  même  saint  Jérôme  : 
Soit  que  je  mange ,  dit-il,  soit  que  je  boive ,  soit  que  j'étudie ,  soit 
que  je  fasse  autre  chose,  la  trompette  dernière  sonne  toujours  à 
mes  oreilles  :  Levez- vous,  ô  morts,  venez  au  jugement  :  Sive  comedo, 
sive  bibo ,  sive  studio ,  sive  quid  aliud  ago  ;  semper  ultima  Ma  tubi 
insonat  auribus  meis  ;  Surgite,  mortui,  venue  ad  judicium!  (Epist 
ad  Heliod.  ) 

Omort,  s'écrie  l'Ecclésiastique,  que  ton  souvenir  est  amer  4 
l'homme  qui  vit  en  paix  au  milieu  de  ses  biens!  O  mors,  quam  amari. 
est  memoria  tua  homini  pacem  habenti  in  substantiis  suis/  (xn.  1.  )  O 
moit,  ton  arrêt  est  doux  pour  l'homme  pauvre  et  vertueux  !  O  mors, 
bonwn  est  judicium  tuum  homini  indigenli!  (xli.  3.) 

lîien,  dit  Sénèque,  rien  ne  vous  sera  plus  utile  pour  acquérir  la 
tempérance  en  toutes  choses,  que  la  fréquente  pensée  de  la  briè- 
veté du  temps  et  de  son  incertitude.  Quoi  que  vous  fassiez,  tournez 
vos  regards  vers  la  mort  :  Nihil  œque  tibi  profuerit  ad  temperantiam 

1)  Carocum  concupiscitur  pensetur  quod  sit  exanimis  ,  intelligeturquid  ametur; 
ailquippe  bic  ud  domandwm  desideriorum  carnalium  appetitum  valet ,  quam  ut 
quiàque  hoc  quod  i  ivura  ddigit,  qualc  sit  mortuum  penset  (  Moral-  )• 


ccli» 


350  MORT. 

rerum  omnium ,  quam  (roquons  çogitatio  brevis  ccvi,  et  hujus  incerti. 
Quidquid  faciès,  resjpice  ad  mortem  (Epist.  xm).  C'est  un  païen  qui 
parle  si  bien  !... 

Disons-nous  souvent  à  n-ms-mc ...es  :  Je  mourrai  :  pourquoi  donc 
m'attacher  si  fort  aux  Liens,  à  la  fortune ,  aux  honneurs,  aux  plai- 
sirs, aux  créatures,  à  la  vie,  à  mon  corps?...  Je  mourrai  :  pourquoi 
ne  pas  travailler  à  m' assurer  u»e  bonne  et  sainte  mort ,  par  la  fuite 
du  péché  et  la  pratique  de  toutes  les  vertus?...  Combien  sage  est 
celui  qui  méprise  des  biens  périssables,  et  qui  ne  s'occupe  que  des 
choses  éternelles!... 

[1  rant  se      (]0MMP:  nous  ignorons  l'heure  où  la  mort  se  présentera  à  nous,  et 

préparer  a  la  l 

mort;        qu  apn-s  la  mort  il  est  impossible  de  rien  faire  ,  dit  saint  Grégoire, 

prendre  pour  il  ne  nous  reste  qu'un  parti  à  prendre,  savoir  :  saisir  pour  le  mettre 

à  profit  le  temps  que  Dieu  nous  accorde.  Si  nous  la  redoutons  avant 

qu'elle  se  présente,  elle  ne  se  présentera  que  pour  se  trouver 

vaincue  (1). 

Quoi  que  vous  lassiez,  regardez  la  mort,  dit  saint  Jérôme  :  Quidquid 
faciès,  retpice  mortem  (Epist.  ad  Heliod.  ). 

Mourez  souvent  de  votre  vivant,  afin  de  vivre  après  votre  mort. 
Pour  éviter  la  mort  éternelle ,  il  faut  prévenir  la  mort  par  la  pensée 
de  la  mort  : 

Vivens  ergo  sœpe  morere,  ut  mortuns  vivas  : 
Ne  moriare,  opus  est  morte  in  pra>currere  morte. 

(Epicarmi.) 

Vivez  comme  si  chaque  jour  vous  deviez  mourir,  dit  saint  Jérôme: 
Sic  vive  tanguant  quotidie  moriturus  .  Epist.  xvi  ). 

Chaque  jour  doit  être  employé  comme  s'il  était  le  dernier ,  Hit 
Sénèque  :  Omnis  dies,  velui  utitinus  ordinandus  est  (lu  Prov*.1)'. 

Méprisez  pendant  votre  vie,  dit  saint  CUnsostome,  ce  que  vous 
ne  pourrez  pas  avoir  après  votiv  riiort  :  Contemne  vivens ,  quœ^ust 
mortem  kaberenon  poteris  (  Homil.  ad  pop.  ). 

Vous  pouvez  mourir  à  toute  et  chacune  de  vos  actions 

peut  être  la  dernière Conduisez-vous    comme  vous  désirerez 

l'avoir  fait  à  la  mort  et  an  jugement  de  Dieu. 

(1)  Quia  et  ventura1  mortis  tempos  ignoramus,  et  po«t  mortem  orf-  *r\y\  r.nssu- 
mus;  superest,  ut  ante  mortem  lenipora  indulta  rapi.imus;  sic  enim  iu»ia  VJa  cura 
mènent,  vincetur,  si  pnusquam  reniât,  semper  timeatur  [Moral.). 


XTORT.  351 

Que  la  pensée  de  la  mort  accompagne  toutes  vos  actions  et  vos 
démarches 

Mettez  ordre  à  vos  affaires,  dit  Isaïe  au  roi  Ezéchias;  car  vous 
mourrez  et  vous  ne  vivrez  pas  :  Dispone  domui  tuœ  ;  quia  morieris 
tu,  et  non  vives  (xxxvni.  1  ).  C'est  à  nous  tous  que  ces  paroles 
s'adressent 

Il  faut  prévenir  le  jour  de  la  mort  qui  a  l'habitude  de  nous  préve- 
nir ,  dit  saint  Augutin  :  Prœveniendus  est  dies  qui  prevenire  consuevit 
(Lib.Civit.)- 

La  mort  vous  attend  partout ,  dit  saint  Bernard;  si  vous  êtes  sage, 
vous  l'attendrez  vous-même  partout  :  U bique  te  mors  exspectat;  si 
sapiens  fueris ,  ubique  eam  exspectabis  (  Serm.  in  Caut.  ). 

Voyons  toutes  les  choses  au  flambeau  de  la  mort Examinons 

notre  vocation,  et  prenons  toutes  nos  résolutions  en  vue  de  notre 
dernier  moment.  Asseyons-nous  par  la  pensée  sur  le  tombeau,  afin 
de  connaître  ce  que  nous  sommes,  ce  que  nous  devons  faire,  et 
comment  nous  devons  le  faire 


MORT   DU  JUSTE. 


fctfoeéur 

d'une  bonne 
mort 


IN 


ous  devons,  dit  saint  Ckrysostome,  quitter  notre  corps  avec  la 
même  facilité  qu'un  habit;  il  faut  imiter  Joseph,  abandon- 
nant son  manteau  à  l'Egyptienne  :  Eadcm  facilitate  corpus 
exuere  debemus,  qua  veslem;  uti  Joseph pallium  religuit  SEgyptiœ[\n. 
Epist.  ad  Philipp.  ). 

Les  justes ,  dit  saint  Augustin,  s'arment  de  patience  pour  vivre, 
et  ils  trouvent  des  délices  dans  la  mort  :  Cum  patientia  vivunt,  et 
delectabiliter  moriuntur  (Epist.  ad  Philipp.). 

Les  âmes  des  justes  sont  dans  la  main  de  Dieu ,  dit  la  Sagesse  ,  et 
les  horreurs  de  la  mort  ne  les  atteindront  pas  :  Justorum  animœ  in 
manu  Del  sunt,  et  non  tanget  illos  tormentum  mortis  (  m.  1  ).  Aux  )  eux 
des  insensés,  les  justes  ont  semblé  mourir,  et  leur  fin  a  été  estimée 
une  affliction,  et  leur  sortie  d'au  milieu  de  nous  l'anéantissement  : 
mais  ils  sont  en  paix:  Visi  sunt  ocuiis  insipientium  mori.  et  a  stimula 
est  ajflictio  exitus  illorum  ;  et  quod  a  nobis  est  iler,  cxlerminium  :  Mi 
autem  sunt  in  pace  (Ibid.  ni.  2).  Môme  quand  il  mourra  d'une 
manière  soudaine  ,  le  juste  sera  dans  le  lieu  du  rafraîchissement  et 
du  repos  :  Justus ,  si  morte  prœoccupatus  fuerit,  in  refrigerio  ait 
(Ibid.  iv.  7). 

Il  est  dit  de  Tobie  qu'ayant  beaucoup  avancé  dans  la  crainte  de 
Dieu,  il  mourut  en  paix  :  Cum  bono  profectu  timoris  Dei,  perrcj.it  in 
pace  (xiv.  4).  Commandez,  Seigneur,  disait-il,  que  mon  âme  soit 
reçue  en  paix,  parce  qu'il  vaut  mieux  pour  moi  mourir  que  de 
vivre  plus  longtemps  :  Prœcipe  in  [>ace  rccipi  npirttum  meum-  expedit 
tnim  mihimori  mugis  quam  civere  (m.  G). 

La  mort  de  celui  qui  craint  Dieu  sera  douce,  dit  l'Ecclésiastique  : 
Timenti  Duminumbene  erit  in  extremis  (  1.  13). 

Pour  le  juste,  la  splendeur  du  midi  se  lève  vers  le  soir,  dit  saint 
Grégoire;  en  effet,  au  moment  même  où  sa  vie  s'éteiut,  il  recon- 
naît quelle  clarté  l'attend  :  Justo  meridianus  fulgor  ad  vesperwn  sur' 
gît  ;  quia  quanta  claritas  maneat,  cuuijam  occumbere  cœperit,  agnoscit 
(  Lib.  JUoral.,  c.xnj. 


La  mort       Ceux  qui  dorment  dans  la  poussière  de  la  terre  s'éveilleront ,  dit 
'•emmoû.0     i->umel  :  Qui  dormiunt  m  tarçs pulvere,  coigdabuut  (xil<  2).  Parlant 


MORT  DTT  JUSTE.  353 

fie  Ja  mort  de  Lazare,  J.  C.  l'appelle  un  sommeil  :  Notre  ami  Lazare 

dort,  dit-il,  Lazarus  amicus  noster  dormit Dixerat  autem  Jésus 

de  morte  ejus  (  Joann.  xt.  11-13). 

Pendant  que  les  Juifs  le  lapidaient,  saint  Etienne  priait  pour  ses 
bourreaux,  et,  après  sa  prière,  il  s'endormit  dans  le  Seigneur, 
disent  les  Actes  des  apntres:  Et  cum  hoc  dixisset,  obdorrnivit  in 
Domino  (vu.  60).  Heureux  sommeil,  s'écrie  saint  Pierre  Damienî 
heureux  sommeil!  il  était  accompagné  du  repos,  le  repos  l'était  du 
bonheur,  et  le  bonheur,  de  l'éternité  :  Félix  somnus  cum  requie . 
requies  cum  voluptate,  voluptas  cum  œternitatel  (  In  Epist. ) 

Ma  chair,  dit  le  Psalmiste,  a  reposé  dans  l'espérance  ;  car,  Sei- 
gneur, vous  n'abandonnerez  pas  mon  âme  dans  le  tombeau;  vous 
ne  permettrez  pas  que  votre  saint  voie  la  corruption  (xv.  10.  11). 
Ce  que  le  prophète  dit  de  J.  G.,  on  peut  le  dire  de  la  mort  des  justes 
considérée  comme  un  court  sommeil 

Non,  dit  le  même  prophète,  je  ne  mourrai  point,  mais  je  vivrai; 
et  je  raconterai  les  merveilles  du  Seigneur  :  Non  moriar,  sed  vivam; 
et  narrabo  opéra  Domini  (Psal.  cxvii.  17). 

Aux  yeux  des  insensés,  les  amis  de  Dieu  semblent  mourir ,  dit 
saint  Bernard  ;  mais  aux  yeux  des  sages,  leur  mort  n'est  qu'un  som- 
meil, selon  ces  paroles  du  saint  roi  David  :  Lorsque  le  Seigneur  aura 
envoyé  le  sommeil  à  ceux  qu'il  chérit,  voilà  que  l'héritage  du  Sei- 
gneur leur  arrivera  (I). 

Si  vous  vous  endormez  du  sommeil  de  la  mort,  vous  serez  sans 
crainte,  disent  les  Proverbes  ;  vous  reposerez,  et  votre  sommeil  sera 
délicieux:  Si  dormieris ,  non  timebis;  quiesces,  et  suavis  erit  somnus 
tuus  (m.  24).  Que  ne  suis-je  mort!  disait  Job  à  ses  amis.  Je  dormi- 
rais dans  le  silence,  et  je  me  reposerais  dans  mon  sommeil: JSunc 

enim  dormiens  silerem,et  somno  meo  requiescerem  (m.  13).  Les  morts 
crue  vous  pleurez  vivront,  dit  le  Seigneur  par  la  bouche  d'Isaïe , 
ceux  qui  ont  été  immolés  pour  moi  ressusciteront;  réveillez-vous, 
faites  entendre  des  louanges,  vous  qui  habitez  dans  la  poussière: 
Vivent  mortui  tui,  interfecti  mei  résurgent  :  expergiscimini,  et  Laudate 
qui  habitat is  in  pulvere  (xxvi.  19).  Va,  mon  peuple,  entre  dans  le 
lieu  de  ton  repos,  ferme  la  porte  sur  toi,  dérobe -toi  pour  un 
moment,  jusqu'à  ce  que  l'indignation  du  Seigneur  soit  passée.  Voici 
que  le  Seigneur  sortira  de  son  sanctuaire,  afin  de  visiter  Jes  crimes 

(1)  AmVi  Dci  mori  ^identur  oculis  insipientium,  sed  in  oculis  sapientum  judi- 
cantur  potius  obdormioa  :  Cum  dederit  delectis  suis  somnuin  ecce  haeredi»^ 
Domini  Çfjerm.  lu  in  Çant.). 

nu  M 


334  MORT  DTJ  3VÏTE. 

que  Jes  habitants  de  la  terre  ont  commis  contre  lui  (xxvi.  2l>.  2i  ). 
C'est  la  voix  du  Seigneur  à  ses  saints,  à  ceux  qui  meurent  dans  son 
amour.  Allez,  ô  justes!  entrez  pour  un  peu  de  temps  dans  vos  tom- 
beaux ;  là,  dormez  et  reposez-vous  ;  car  bientôt,  c'est-à-dire  au  jonr 
du  jugement,  je  vous  ressusciterai,  afin  de  vous  faire  jouir  de  la 
récompense  que  vous  avez  méritée.  Reposez-vous  de  vos  travaux  !  La 
mort,  en  effet,  n'est  pas  pénible  pour  le  juste;  mais  elle  est  douce. 

nparé  à  ietoinité,  le  temps  que  Ton  passe  dans  le  tombeau  n'est 
ee  qu  est  une  nuit  de  somuieil  coin  Dorée  à  la  vie  entière   de 
l'homme. 

Le  sépulcre  est  un  lit.  Aussi  les  cimetières  sont-ils  appelés  en  lan- 
gue grecque  des  dortoirs,  des  lieux  de  sommeil. 

Je  les  délivrerai  des  mains  de  la  mort ,  dit  le  Seigneur  par  la 
bouche  du  prophète  Osée;  je  les  rachèterai  de  la  mort.  0  mo 
serai  ta  mort  :  De  manu  mortis  liberabo  eos  ,  de  morte  redimam  eos .' 
ero  mors  tua,  o  mors  (xm.  14). 

1  iuste,  Jk  désire  ma  dissolution  pour  être  avec  J.  C. ,  dit  le  grand  Apôtre 
.  le.  aux  Phihppiens  :  Cupiens  dissolvi ,  et  esse  cum  Christo  (i.  23).  Celui 
qui  désire  de  mourir  pour  être  avec  J.  C. ,  dit  saint  Augustin,  ne 
nieurtpas  dans  la  souffrance;  mais  il  vit  dans  la  souffrance  et  meurt 
avec  délices  :  Qui  desiderat  dissolvi,  et  esse  cum  Christo,  non  patienter 
moritur,  sed  patienter  vivit ,  et  delectabiliter  morilur  (In  Epist.  ad 
Philipp.  ).  Celui  qui  est  animé  de  l'esprit  de  Dieu  ,  foule  aux  pieds 
les  choses  terrestres  et  ne  désire  que  les  biens  célestes  et  éternels  ;  la 
mort  qui  les  lui  procure  est  un  gain  pour  lui ,  comme  le  dit  saint 
Paul  :  Morilucrum  (Philipp.  i.  21  ). 

Malheur  à  moi ,  s'écrie  le  Prophète  royal,  car  mon  exil  a  été 
prolongé!  //eu  milii ,  quia  incolatus  meus  prolongatus est!  (exix.  î>.) 
0  ii  \  r./.,  Seigneur,  déli\rez  mon  âme  de  prison,  afin  que  je  glorifie 
votre  nom;  les  justes  attendent  que  vous  m'accordiez  ma  récom- 
pense :  Educ  de  custodia  animam  meam  ad  confilcndum  nouùai  tuo; 
me  exspeetant  justi,  donec  rétribuas  mihi  (Psaï.  cxli.  8). 
Les  justes  désirent  une  vie  m  ue  celle  de  ce  inonde 

les  Je  n'ai  pojnt  couru  en  vain,  je  n'ai  point  travaillé  en  vain,  dit  saint 
mort.        Paul  :  Mon  in  vacuum  cucurri ,  negue  in  vacuum  laboravi  (Philipp. 
H.  10). 

Je  ne  Veux  pu.-,  fri  i  iez  ce  qui  concerne  ceu*  qui 

doraient, afin  que  vous  ue  soyez  pus  contristés  comme  les  autres  qui 


mot;t  du  jttste.  33$ 

n'ont  point  d'espérance,  écrit  cet  apôtre  aux  Tliessaloni  tiens  : 
Nolumus  vos  ignorare,  fratres ,  de  dormientibus ,  ut  non  coniristeminl 
sicut  et  cœteri  qui  spern  non  kabent  (I.  iv.  12  ).  Le  temps  de  ma  disso- 
lution approche ,  écrit-il  à  son  cher  disciple  Timothée.  J'ai  com- 
lattu  le  bon  combat,  j'ai  achevé  ma  course,  j'ai  gardé  la  foi.  Du 
reste,  m'est  réservée  la  couronne  de  justice,  que  le  Seigneur,  juste 
juge,  me  rendra  en  ce  jour;  et  non-seulement  à  moi,  mais  encore 
à  ceux  qui  aiment  son  avènement  (1). 

De  même  que  l'impiété  redoute  la  venue  du  grand  Dieu ,  dit  saint 
Jérôme,  ainsi  la  piété,  pleine  de  sécurité  dans  ses  œuvres,  la  désire  : 
Sicut  impietas  magni  Deireformidat  adventwn,  ita  secura  de  opère  suo 
vietas,  illum  prœstolatur  (  Comment,  in  Epist.  ad  Tirn.  ). 

Mon  corps  reposera  dans  l'espérance,  dit  le  Psalmiste  :  Caro  mea 
reguiescet  in  spe  (xv.  19). 

Le  juste  espère  dans  sa  mort,  disent  les  Proverbes  :  Speratjustus 
ta  morte  sua  (xiv.  32). 

Qd'il  s'agisse  de  ce  qu'il  quitte,  ou  de  ce  qu'il  trouve,  les  avantages    d^J"{"*^" 
que  le  juste  tire  de  la  mort  sont  nombreux mort  :  i*  Dans 

Quant  à  ce  qu'il  quitte,  ils  peuvent  se  résumer  en  quatre  prin-     CCqquitte.°U 
cipaux  : 

Premier  avantage  :  le  juste  quitte  son  corps.  Pendant  que  nous 
sommes  dans  la  tente  de  nos  corps ,  dit  saint  Paul ,  nous  gémissons 
sous  le  poids  :  Nam  et  qui  sumus  in  hoc  tabernaculo  ingemiscimus 
gravati  (II.  Cor.  v.  4)  ;  sachant  que  pendant  que  nous  sommes  dans 
le  corps ,  nous  voyageons  loin  du  Seigneur  :  Scientes  quoniam  dum 
sumus  incorpore,  peregrinamur  a  Domino  (II.  Cor.  v.  6). 

L'Ecriture  sainte  nomme  le  corps  une  tente  ;  car  :  1°  de  même 
qu'on  n'habite  que  peu  de  temps  sous  une  tente  ;  ainsi  le  séjour  de 

l'âme  dans  le  corps  est  de  peu  de  durée 2°  L'homme  réside  dans 

sa  maison  et  il  y  jouit  du  repos ,  mais  il  sort  de  sa  tente  et  part  ;  ainsi 
l'âme  ne  se  repose  pas  dans  le  corps,  mais  elle  est  toujours  en  mou- 
vement, elle  va,  elle  court  à  la  mort;  et  par  la  mort,  à  l'immorta- 
lité. Car,  dit  saint  Paul  aux  Hébreux,  nous  n'avons  point  ici  une 
cité  permanente,  mais  nous  cherchons  la  cité  future  :  Non  habemus 
hic  manentem  civitatem,  sed  futuram  inquirimus (xin.  14.)  3°  Le 

^1)  Egujamdelibor,  et  tempus  re=olutionis  me*  iustat.  Bonum  certamen  certavi, 
eursum  consuramavi,  fidem  servavi.  lu  reliquo  reposita  est  nnlii  corona  jusliti?, 
quam  reddet  mihi  Dominus  iu  illa  die,  justus  judex.  .Non  solum  autem  mini,  scd  .- 
ks  quidiliguut  adventum  ejus  (XI.  îy.  G-sj. 


356  MORT  DU  JUSTE.' 

nom  de  tente  indique  que  nous  sommes  étrangers  sur  la  terre 

4°  Comme  le  soldat  loge  dans  une  tente ,  ainsi  les  fidèles  soldats  de 
J.  C.  demeurent  dans  leurs  corps.  Ils  ont  à  soutenir  un  combat  assidu 
contre  leur  chair Quitter  ce  corps  de  péché,  soumis  à  la  concupis- 
cence, à  une  foule  de  besoins,  aux  maladies  et  aux  douleurs,  ce  corps 
qui  deviendra  la  proie  de  la  corruption,  etc.;  c'est  se  décharger  d'un 
écrasant  fardeau!...  Quitter  ce  corps,  véritable  et  obscure  prison 
pour  1  ame,  ce  corps  qui  lui  sert  de  chaîne  et  la  tient  dans  l'escla- 
vage, quel  bonheur  ravissant!  Dépouille-toi,  Jérusalem,  dit  te  pro- 
phète  Baruch,  dépouille-toi,  âme  fidèle,  de  la  robe  de  deuil  et 
d'affliction,  et  revêts-toi  de  l'éclat  et  de  l'honneur  delà  gloire  éter- 
nelle ,  qui  te  vient  de  Dieu  :  Exue  te ,  Jérusalem  stola  luctus  et  vexa- 
tionis  tuœ;  et  indue  te  décore  et  honore  ejus ,  quœ  a  Deo  tibiest, 
sempiternœ  gloriœ  (V.  i). 

La  conservation  du  corps,  dit  saint  Grégoire ,  est  de  nulle  valeur 
pour  J  ame  qui  est  percée  des  flèches  de  l'amour  divin  :  Vilis  ei  fit 
ipaa  salus  corporis,  quia  transfixa  est  vulnere  amoris  (Homil.  xv  in 
Ezech.  ) 

Voulez-vous,  dit  Sénèque,  n'être  point  sous  le  joug  de  votre  corps? 
habitez-le  comme  devant  en  sortir;  songez  que  vous  ignorez  quand 
vous  le  laisserez,  et  vous  serez  fort  alors  quil  faudra  vous  en  séparer 
(Prov.). 

Second  avantage  :  le  juste  dit  adieu  au  monde,  au  monde  son 

ennemi  juré Il  abandonne  la  terre,  couverte  de  dangers  et  de 

scandales,  etc.  (  I  oyez  Monde  et  Néant  du  monde.) 

Troisième  avantage  :  le  juste  est  délivré  des  biens  d'ici-bas  ;  car  que 
sont  ces  biens,  sinon  «i  s  pièges  ei  des  maux?..,  {Voyez  Richesses.) 

Quatrième  avantage  :  il  quitte  cette  misérable  vie. 

Comparée  à  la  vie  éternelle  ,  la  vie  présente,  dit  saint  Grégoire, 
doit  plutôt  être  appela'  une  mort  qu'une  vie  :  Temporalls  vita, 
CPternœ  vitir  comparata ,  mors  est  potius  dicenda  .  i/uam  vita 
(Homil.  xxxvn  in  Evan 

La  vie  présente  resseï  on  hiver  rigoureux  et  continuel 

La  vie  éternelle  est  un  printemps,  un  été  et  un  automne  ravis- 
sants  

a  porté  saint  Paul  et  les  autres  saints  à 
rer  la  mort  :  c'est  la  co  isidération  des  trois  liens  qni  nous  tien- 
nent enchaînés  ici-bas  el  i  ent  fortement.  Le  prei    ••   estle 
lien                                         cond .  le  et 
des  péchés;  le  troisième,  le  heu  de  la  t  i:r<   et   les  choses  de  la 


MORT  BU  JUSTE.  357 

terre.  La  mort  brise  tous  ces  Jieiis;  elle  nous  rend  impassibles, 
impeccables,  célestes  et  divins. 

L'homme ,  dit  saint  Bernard ,  a  un  triple  motif  de  se  féliciter  de  la 
mort  :  il  est  délivré  de  tout  travail ,  de  tout  péché,  de  tout  danger  : 
Triplex  in  morte  congratulatio  est,  homines  ab  omni  labore ,  peccato  et 
periculo  liberari (Transitu  S.  Machiee.) 

La  vie  présente  n'est  autre  chose  qu'une  lente  mort. 

Sénèque  enseigne  que  la  mort  n'est  autre  chose  que  la  fin  des 
maux  (Prov.). 

Trois  choses,  dit  saint  Bernard,  rendent  précieuse  la  mort  du 
juste  :  le  repos  après  le  travail  de  la  vie ,  la  joie  causée  par  le  spec- 
tacle nouveau  qui  s'offre  à  lui,  la  certitude  de  ne  jamais  perdre  la 
bienheureuse  éternité  :  Tria  sunt  quœ  mortern  sanctorum  faciunt  pre- 
tiosam  :  quies  a  labore ,  gaudium  de  novitate,  securitas  de  œternitate 
(Serin,  xxv  inter  Parvos). 

Pour  l'âme,  la  mort  n'est  autre  chose  qu'une  sortie  de  prison  ,  la 
fin  de  son  exil  et  de  ses  souffrances,  l'entrée  au  port,  le  terme  de 
son  voyage,  la  décharge  du  fardeau  qui  l'accablait,  la  satisfaction 
de  pouvoir  quitter  un  cheval  furieux  et  une  maison  qui  tombait  en 
ruine,  le  terme  de  tous  les  chagrins,  l'éloignement  de  tous  les  dan_ 
gers,  la  fin  de  tous  les  maux,  la  rupture  de  toutes  les  chaînes,  le 
solde  de  la  dette  qu'elle  avait  contractée  envers  la  nature 

Celui  qui  plaisait  à  Dieu,  dit  la  Sagesse,  est  devenu  son  bien- 
aimé  :  vivant  parmi  les  pécheurs ,  il  a  été  transféré  dans  un  autre 
séjour  ;  il  a  été  enlevé  de  peur  que  le  mal  ne  changeât  son  cœur , 
et  que  l'illusion  ne  déçût  son  âme.  Ayant  vécu  peu  de  temps,  il  a 
rempli  une  longue  carrière.  Son  âme  était  agréable  à  Dieu;  voilà 
pourquoi  le  Seigneur  s'est  hâté  de  le  retirer  du  milieu  des  ini- 
quités (1). 

Quand  on  donne  le  nom  de  mort  à  la  fin  de  cette  vie,  on  n'y  pense 
pas ,  dit  l'évêque  saint  Maxime;  il  faut  plutôt  la  nommer  l'éloigne- 
ment de  la  mort ,  la  séparation  de  l'âme  d'avec  la  corruption ,  la 
disparition  des  ténèbres;  en  un  mot,  la  cessation  de  tous  les  maux 
(Surius,  in e jus  vita). 

En  vivant,  dit  saint  Ambroise,  nous  altérons  souvent  notre  inno- 

nce;  en  mourant,  nous  cessons  de  pouvoir  suivre  la  voie  de 


(1)  Placens  Deo  factus  est  dilectus  :  et  vivons  inter  peccatores ,  tran>la»us  est. 
Raptus  est,  ne  malitia  mutaret  intellecttim  ejus  ;  aut  ne  fictio  deciperet  animam  illius. 
Consummatus  in  brevi,  explevit  tempora  multa.  Placita  erat  Deo  anima  illius;  pro- 
pter  quod  properavit  educere  illura  de  medio  iniquitatuua  (  .*:  ap.  IV.  10-1  v  . 


358  MORT  DU   JOSTE. 

Terreur.  La  mort  nous  procure  donc  un  gain  ;  tandis  que  par  l'usage 
de  la  vie,  semblables  aux  malheureux  débiteurs  d'un  usurier  de 
profession,  nous  augmentons  la  dette  de  nos  fautes  (1). 

Celui  qui  meurt  voit  arriver  la  fin  des  pénibles  et  continuels  tra- 
vaux de  la  vie;  il  est  délivré  des  embarras,  des  douleurs, des  angoisses 
et  des  persécutions  qui  forment  le  cortège  de  l'homme  sur  la  terre; 
il  se  trouve  à  l'abri  des  coups  des  ennemis  avec  lesquels  il  était  en 
guerre;  il  n'a  plus  à  craindre  ni  les  tentations ,  ni  les  embûches  du 

démon 

Le  Seigneur,  dit  le  Psalmiste,  protège  les  âmes  des  saints;  il  les 
délivrera  de  la  main  des  méchants  (par  une  sainte  mort  )  :  Custodit 
Dominus  animas  sanctorum  suorum  ;  de  manu  peccatoris  liber abit  eos 
(xcvi.  10).  En  mourant,  le  juste  peut  dire  avec  le  prophète  :  Le 
Seigneur  a  délivré  mon  âme  de  la  mort,  mes  yeux  des  larmes,  et 
mes  pieds  de  la  chute;  je  marcherai  en  la  présence  du  Seigneur  dans 
la  terre  des  vivants  :  Eripuit  animam  meam  de  morte,  oculos  meus  a 
lacrymis,  pedes  meos  a  lapsu.  Placebo  Domino  in  ?rgione  vivorum 
(Psal.  cxrv.  8.  9). 
Ah  !  mourir  c'est  vivre;  et  vivre  ici-bas ,  c'est  mourir!... 
Je  ne  sais,  dit  saint  Grégoire  de  Nazianze,  si  l'on  ne  devrait  pas 
appeler  notre  vie  une  mort  ;  et  au  contraire  donner  à  la  mort  le  nom 
de  vio  :  llaud  scio  an  hœc  vita  nostra  mors  potins  dicenda  sit}  et  morse 
contra  vitœ  nomme  nuncupunda  (Oratde  Vita  humana). 

»•  Dans  ce     VpKONS  mninfonnnt  aux  avantages  que  le  juste  tire  de  sa  mort,  au 
'}'  ' l'"      ri  >int  de  vue  de  ce  qu'il  trouve. 

trouve.  I  1 

ir  lui,  la  mort  est  une  flèche  d'or;  elle  l'enrichit  en  io 
|i  :  ant 

Qu'est-ce  que  la  mort  du  juste,  sinon  la  fin  de  ses  travaux,  le 
commencement  du  repos  etde  la  paix  ,  la  fuite  de  |a  tristesse,  J'ai" 
ii  la  joie ,  le  calme  après  la  tempête,  le  terme  d'une  périlleuse 

xia\i  :,ilinii.  L'entrée  au  port  du  salut,  une  sortie  d'esclavage  et 
d'exil  ,  le  retour  dans  la  patrie?... 

Au  lit  de  la  mort,  le  juste  ,  dit  saint  Bernard,  considère  les  dan- 
gers auxquels  il  a  échappé,  les  travaux  qu'il  a  suppprl  s,  les 
combats  dans  lesquels  il  a  été  vainqueur;  et  à  la  suite  d'une  vie 


(1)  Vivendo  damna  contraliimus  innorrnfine  ;  morte  fincm  errons  rulipi  i. 

Liirriim  crpo  morte  acquiritur  ;  vita;  autem  usu,  tanquam  miseris  dcbitoribus  usu- 
rarii  nominis,  ad  realum  frenus  augetur  ;  Lil).  Il  de  O/fic,  c.  v). 


-'OBT  Vu   ;-ste.  3^)9 

sa'  te,  il  n'fon  ]  av^  une  confiance  pleine  fle  ?  'ourité  la  bienheu- 
reuse espérance  et  la  venue  de  la  gloire  du  grand  Dieu.  Oh!  combien 
sont  heureux  ceux  qui  meurent  dans  le  Seigneur!  fis  entendent  ces 
consolantes  paroles  du  Saint-Esprit  :  Heureux  ceux  qui  meurent 
dans  lo  Seigneur.  Oui,  dit  l'Esprit,  ils  se  reposeront  de  leurs  tra- 
vaux; car  leurs  œuvres  les  suivront  :  Beati  mortui  qui  in  Domino 
moriuntur.  Amodo  jam  dicit  Spiritus  ut  requiescant  a  laboribus  suis  : 
opéra  enim  illorum  scquuntur  illos  (  Apoc.  xiv.  13).  Ils  n'entrent  pa- 
seulement  en  possession  du  repos,  mais  de  la  joie  qui  résulte  d  i 
spectacle  nouveau  qui  s'offre  à  eux  et  de  la  certitude  de  ne  jamais 
perdre  la  bienheureuse  éternité.  Bonne  mort  que  la  mort  du  juste, 
à  cause  du  repos;  meilleure  à  cause  de  la  nouveauté  qu'il  découvre; 
parfaite,  à  cause  de  l'éternité"  qui  lui  est  assurée  !  Au  contraire,  la 
mort  du  pécheur  est  très-mauvaise.  Pourquoi?  Elle  est  mauvaise 
parce  qu'il  se  trouve  séparé  du  monde;  plus  mauvaise,  parce  qu'il 
éparé  de  son  corps;  très-mauvaise,  parce  qu'il  est  condamné  au 
ver  rongeur  et  au  feu  de  l'enfer  (Serm.  in  Cant.  ). 

La  mort  de  ses  saints  est  précieuse  aux  yeux  du  Seigneur,  dit  le 
Prophète  royal  :  Pretiosa  in  conspectu  Domini  mors  sanctorum  ejus 
(cxv.  15). 

Au  moment  suprême  de  la  mort ,  Dieu  apparaît  à  l'âme  du  juste  : 
Lève-toi ,  lui  dit-il ,  lève-toi,  Jérusalem  (âme  fidèle) ,  toi  qui  as  bu 
de  la  main  du  Seigneur  le  calice  de  ses  épreuves  ;  tu  as  bu  jusqu'au 
fond  de  ce  calice,  tu  l'as  épuisé  jusqu'à  la  lie  :  Elevare ,  elevare, 
consurge ,  Jérusalem ,  quœ  bibisti  de  manu  Domini  calicem  irœ  ejus  : 
usque ad  fundum  calicis  bibisti,  et potasti usque  ad  fœces  ( Isai.  li.  M). 
Je  t'ai  ôté  ce  calice ,  le  calice  de  mes  épreuves;  tu  ne  le  boiras  plus 
désormais!  Ecce  tuli  de  manu  tua  calicem,  fundum  calicis  indigna* 
iionis  rneœ ,  non  adjicies  ut  bibas  illum  ultra  (ïbid.  li.  22  ).  Lève-toi, 
lève-toi,  revêts-toi  de  ta  force ,  ô  Sion;  reprends  les  vêtements  de  ta 
gloire,  Jérusalem,  cité  du  saint:  l'incirconcis  et  l'impur  ne  passe- 
ront plus  au  milieu  de  toi.  Sors  de  la  poussière ,  lève-toi,  Jérusalem  ; 
monte  sur  le  trône  que  je  t'ai  préparé;  romps  les  fers  qui  entourent 
ton  cou,  fille  de  Sion  naguère  captive  (1).  Tes  angoisses  d'autrefoi 
sont  livrées  à  l'oubli,  je  les  ai  fait  disparaître  pour  jamais  :  Oblivioni 


(1)  Cônsur^o,  cossqrge,  induere  fortitudine  tua,  o  Sion,  induere  vestimentis  glo- 
rise  tus,  Jérusalem,  civitas  sancti  :  quia  non  adjiciet  ultra  ut  pertranseat  per  te 
incirr.umcisus  et  immundus.  Excuterc  de  pulvere,  consurge,  sede  Jérusalem  ;  ?o!v<j 
,,,  l  Sion  (Isai.  lu.  1.  2). 


360  MORT   DU   JUSTE. 

traditœ  svnt   ongustiœ  priores ,  et   absconr/itœ  sunt    ab    ooidis  met 
(ïbid.  lxv.  16). 

J'entendis,  dit  l'apôtre  saint  Jean  dan?  l'Apocalypse,  j'entei  i- 
une  voix  du  ciel  qui  nie  disait  :  Ecris  :  Heureux  les  morts  qui  meu- 
rent dans  le  Seigneur!  Audivi  vocem  de  cœlo  dicentem  milti: Scribe  : 
Beati  mortui  qui  in  Domino  moriuntur  !  (  xiv.  13.  ) 

(Au   :  ornent  < le  la  mort)  la  lumière  s'est  levée  sur  le  juste,  dit 
le  Psilmiste ,  et  la  joie  est  descendue  sur  ceux  qui  ont  ie  coeur  dr  >ii  : 
Lux  or  ta  est  justo ,  et  rectis  corde  lœtitia  (xcvi.  \\).  Justes,  réjoui 
vous  dans  le  Seigneur  :  Lœtaminijusti  in  Domino  (Ibid.  xcvi.  12). 

La  mort,  dit  saint  Bernard,  n'a  plus  d'aiguillon;  elle  apporte 
l'allégresse  :  Morsjam  non  est  stimulus,  sed  jubilus  (Serai,  xxvi  in 
Gant.). 


La  mort  met 
le  juste  en 
possession 

du  bonheur 
éternel. 


P'.'iR  les  justes,  la  mort  est  le  commencement  de  la  vie.  Elle  est  leur 
départ  pour  le  ciel 

Nous  savons,  dit  saint  Paul,  que  si  cette  demeure  terrestre  où  nous 
habitons  vient  à  se  dissoudre,  nous  en  avons  une  autre  laite  de  la 
main  de  Dieu,  et  non  de  celle  des  hommes,  et  qui  subsistera  éter- 
nellement dans  les  cieux.  C'est  pour  cela  que  nous  gémissons, 
ajoute  l'Apôtre,  désirant  d'être  revêtus  de  notre  habitation  qui  est  du 
ciel.  Si  cependant  nous  sommes  trouvés  vêtus,  et  non  pas  nus  (1). 
Ou,  comme  le  dit  saint  Paulin,  si,  dépouillés  du  corps ,  ni  m- no 
sommes  pas  nus  de  la  grâce  :  Si,  dispuliatus  a  corpore,  mm  inveaiarii 
nudus  ab  opère  (  Epi  st.  ). 

Pour  moi,  \  I  posséder  le  Christ,  et  mourir  est  un  gain, 

dit  saint  Paul  :  Mihi  vivere  Christus  est ,  et  mori  lucrum  (  Philipp.  i 
21  ).  La  mort  est  l'achat  de  J.  C.  et  de  la  béatitude  qu'il  nous  a  pré* 
;  c'est  l'acquisition  de  la  vie  éternelle..... 

La  mort  est  l'entrée  dans  la  patrie  et  dans  la  gloire 

Par  la  mort,  dit  saint  Cvprien,  nous  passons  à  l'immortalité.  On 
ne  peut  arriver  à  La  vie  éternelle,  sans  sortir  de  la  vie  d'ici-bas;  la 
mort  n'est  pas  une  mort,  mais  un  passage  :  Ad  innnortalitatem  morte 
transnredimur.  A  un  succedere ,  nisi  hinc  contiyerit 

emigrarè;  non  est  exi  us       .  wd  transitus  (De  Mortal.). 

Ici-bas,  dit  saint  Bernard,  le  juste  meurt  plein  de  jours,  et  il 


(1)  Scimus  enim  quoniaia  si  toi  us  nostra  hnjus  babitationts  dissMvn- 

tur,  adilkalioncm  es  Dco  habemus,  ilomum  non  manu  fa<  »  i  a     ternam  in  cœlis. 
Nam  et  in  hoc  i  tionem  nostram,  qu.i  ■  .  superioduj 

CQjpieol  'i  vcbtiti,  non:)  •  .  \     -i). 


HOiiT  DU  JUSTE.  J61 

reparait  là  où  se  trouve  la  plénitude  des  jours  :  Hic  moritur 
jus  tus  plenus  dierum;  et  illic  oritur  in  plenitudine  dierum  (Serai,1 
inSap.). 

La  lumière  (du  juste  mourant)  brillera  comme  l'aurore,  ditïsaïe; 
la  justice  marchera  devant  lui ,  et  il  sera  environné  de  la  gloire  du 
Seigneur  (lyiti.  8).  Votre  lumière,  ô  juste!  brillera  dans  les  ténè- 
bres de  la  mort,  et  ces  ténèbres  seront  pour  vous  comme  le  soleil. 
Le  Seigneur  vous  donnera  un  repos  éternel;  il  environnera  votre 
âme  de  sa  splendeur;  il  ranimera  vos  ossements  ;  vous  serez  comme 
un  jardin  toujours  arror^S,  comme  une  source  dont  les  eaux  ne 
tarissent  jamais:  Requiem  tibi  dabit  Dominus  semper ,  et  implebit 
splendoribus  animam  tuam ,  et  ossa  tua  liberabit ;  et  eris  quasi  hortus 
irriguus,  et  sicut  fons  aquarum,  cujus  non  deficiunt  aquœ  (Ibid. 
Lvm.  10.  41).  La  cendre  dont  ils  couvraient  leur  tête  sera  changée  en 
une  couronne  ,  leurs  pleurs  en  joie,  leurs  vêtements  lugubres  en 
vêtements  de  gloire  :  Et  darem  eis  coronam  pro  cinere,  oleum  gaudii 
pro  luctu,  pallium  laudispro  spiritu  mœroris  (Isai.  lxi.  3). 

Comme  saint  Etienne,  le  juste  mourant  lève  les  yeux  au  ciel ,  et  il 
voit  la  gloire  de  Dieu  et  les  cieux  ouverts  (Act.  vu.  55).  Il  voit 
l'échelle  de  Jacob,  les  anges  qui  descendent  et  qui  viennent  le  cher- 
cher, et,  au  sommet  de  l'échelle,  Dieu  qui  lui  dit  :  Bon  et  fidèle 
seniteur,  parce  que  vous  avez  été  fidèle  en  peu  de  chose,  je  vous 
donnerai  beaucoup;  entrez  dans  la  joie  de  votre  maître  :  Serve  boae 
et  fidclis,  quia  super  pauca  fuisti  fidelis,  supra  multa  te  constituam: 
intra  in  gaudium  Domini  £mj  (Matth.  xxv.  21  ).  Venez,  béni  de  mon 
Père,  lui  dit  J.  C.  ;  possédez  le  royaume  préparé  pour  vous  dès  l'ori- 
gine du  monde  :  Yenite ,  benedicti  Patris  mei,  possidete  paratamvobis 
regnum  a  constitutione  mundi  (  Matth.  xxv.  34  ).  Et  ce  juste  va  dans  la 
vie  éternelle  :  Ibuntjusti  in  vitam  œternam  (  Matth.  xxv.  46). 

Les  païens  eux-mêmes  avaient  conservé  quelque  chose  de  la 
croyance  ,  reçue  par  tradition  ,  que  ,  pour  ceux  qui  avaient 
observé  les  lois  de  la  justice,  la  mort  était  le  passage  à  une  vie 
meilleure. 

Ce  que  les  hommes  appellent  la  mort,  dit  un  philosophe,  est  le 
commencement  de  l'immortalité ,  et  l'acte  qui  crée  pour  eux  la  vie 
future  :  Hoc  quod  mortem  komines  vocant,  idipsum  est  immort alitaiis 
initium ,  et  futurœ  vitœ  procre'Uio  (  Maxim .  Tyr. ,  serm.  xx   ). 

La  mort,  dit  Cicéron ,  nous  sépare  des  maux ,  et  non  des  biens  : 
elle  n'est  pas  une  destruction  qui  enlève  tout  et  qui  elï'ac  i  tout 
mais  une  sorte  d'émigration  et  d  ?  changement  !e  vie,  qui,  pour  les 


302  MORT  PU  JUSTE. 

grands  hommes  et  les  femmes  illustres,  est  d'ordinaire  la  voie  du 
ciel  (l). 

Blessé  à  mort  dans  un  combat  acharné ,  Epaminondas  ,  général 
Thébain,  demanda  s'il  était  victorieux  de  l'ennemi?  Gomme  on  lui 
répondit  affirmativement,  il  dit  :  Ma  vie  touche  à  sa  fin;  mais  une 
vie  meilleure  et  d'un  ordre  supérieur  va  commencer  pour  moi. 
Mourant  comme  il  meurt,  c'est  maintenant  qu'Epaminondas  nait: 
Nunc  finis  vitœ  meœ,  sed.  melius  et  altius  initium  advenit  :  nunc  Epa- 
minondas nascitur,  quia  sic  moritur  (Plutarc). 

Si  nous  en  croyons  Strabon  ,  les  Brachmanes  affirmaient  que  la 
mort  est  une  nativité  à  la  vie  véritable  et  heureuse. 

L'âme,  dit  Pallade,  s'échappe  du  corps  comme  d'une  prison  de 
mort  et  s'enfuit  vers  le  Dieu  immortel  :  Anima  e  corpore  ,  ianquam  e 
carceribusmoiiis,  fugit  ad  Deum  immortalem  (Anton,  in  Mol 

Le  jour  de  la  mort  que  l'homme  redoute  tant,  dit  Sénèque,  est 
la  naissance  du  jour  éternel  (Prov.  ). 

txmplestirés  JE  chanterai  éternellement  les  miséricordes  du  Seigneur,  dit  le  Roi- 

tle  la  mort  ° 

des  saints.     Prophète  :  Misericordias  Domini  in  œternum  cantabo  (  lxx.wih.  \  ). 

Le  juste  meurt  en  chantant ,  dit  saint  Bernard ,  et  en  mourant  il 
chante  :  0  mort  !  mère  du  chagrin,  tu  sers  à  la  joie  :  enne 
gloire,  tu  sers  à  la  gloire;  porte  de  l'enfer,  tu  sors  d'entrée  au  n 
royaume;  abîme  de  perdition,  tu  sers  à  faire  trou  tt;  ô 

mort!  tu  ouvres  aux  fidèles  qui  traversent  tes  domaines  une  largo 
et  joyeuse  sortie  pour  arrivera  la  vie  (2). 

Ainsi,  par  la  grâce  de  J.  C.  et  sa  force,  saint  Laurent,  saint  Vin- 
cent et  tous  les  martyrs  se  moquaient  des  bourreaux,  des  tourments 
et  de  la  mort.  Ainsi  les  confesseurs,  les  anachorèti  -.  etc.,ae  réjouis» 
salent  à  leur  dernière  heure.  Ceux  qui  imitenl  leurs  vertu*  se  réjoui- 
r§nt  comme  eux,  parce  qu'ils  seront  vain  [u  urs  de  la  mort  \ 
nuit  même,  et  passeront  de  la  vie  présente  à  la  vie  éternelle. 

La  mort  est  un  jeu  pour  les  vrais  ebrétiens;  la  vie  leur  est  h 
charge ,  la  mort  fait  l'objet  de  leurs  désirs  et  leur  b< 
ne  leur  est  pas  enlevée,  elle  est  changée  en  une  existence  meilleure. 

(1)  A  malis  mors  abducit,  non  a  )>onis,  rt  murs  non  est  inforitus  omnia  tollons 
atqup  deleos,  sed  qaœdam  quasi  mlgratio  c  iramutalioque  vitac,  qtiœ  in  Claris  viris  et 
femmis  <lu\  in  co>liim  solct  Mie  (  Tusauiart.  1    . 

(2)  Jam  canlan  i>   îimiiin:  et  njoriendo  rnntat  :  TTsurparis  ad  lJBtil 
mater  mœroris  :  usurp                        -  gloria;  inimii'i  ;   isurparis  ad  introitum  i 
porta  tnfori  ;  el  rovea  perdltionis ,  ad  inventionpm  <  aedium 
tui  Hdelipiia  1 ..  ;  m  ■)  lr.Unnuii.>'  i-\i."                  >d  viUin  [Scn/i.  in  Vaut.). 


srôïtï  pp  juste.  303 

Par  la  mort,  ils  cessent  de  mourir,  et  commencent  de  vivre  d'une 
vie  qui  n'aura  point  de  fin 

En  entendant  la  sentence  de  mort  portée  contre  lui,  saint  Cyprien 
s'écria  :  Je  rends  grâces  au  Dieu  tout-puissant  qui  daigne  me  déli- 
vrer des  chaînes  du  corps  (Inejus  vita). 

Notre  adversaire ,  dit  ce  grand  saint,  a  compris  que  les  soldats 
de  J.  C.  sont  invincibles,  et  que,  par  cela  môme  qu'ils  ne  craignent 
pas  de  mourir,  ils  ne  seront  jamais  vaincus:  Intellexit  adversarius 
milites  Christ i  vinci  non  posse,  et  hoc  ipso  invictos  esse,  quia  mori  non 
timent (Ejilst  ad  Cornet.). 

Les  méchants,  dit  saint  Bernard,  appellent  mort  le  passage  à  la 
vie;  mais  je  juste  regarde  la  mort  comme  la  pàque  la  plus  pré- 
cieuse (1);  car  il  meurt  au  monde  pour  vivre  parfaitement  de  Dieu; 
il  entre  dans  la  demeure  admirable  du  Seigneur;  il  pénètre  dans 
fon  sanctuaire  (De  Nat.  et  Dignit.  div.  amor.,  c.  xv). 

Au  moment  de  sa  mort,  saint  Etienne ,  qui  ne  voyait  rien  de  ce 
qui  se  passait  autour  de  lui,  voyait  J.  C,  dit  saint  Grégoire  de 
Nazianze  :  Eo  tempore  quo  cœtera  non  videbat,  Jesum  videbat  (In 
Act.  apost.  ). 

Saint  Nicolas  mourant  s'écriait  :  Seigneur,  je  remets  mon  âme 
entre  vos  mains  (Surius,  in  ejus  vita). 

Saint  Martin  disait  :  Permettez  que  je  regarde  le  ciel  plutôt  que 
la  terre,  afin  que  mon  âme,  prenant  le  chemin  qu'elle  doit  suivre, 
se  dirige  vers  le  Seigneur  (Hist.  Eccles.  ). 

Ecoutez  saint  Ambroise  :  Je  n'ai  pas  vécu  pour  craindre  la  mort;  jt 
ne  la  crains  pas,  car  le  Seigneur  est  bon  (Possidon.  Vit.  S.  August.) . 

Hélas!  s'écriait  saint  Jérôme,  que  mon  pèlerinage  a  été  prolongé  ! 
Comme  le  cerf  qui  court  à  une  source  d'eau  vive,  ainsi,  mon  Dieu, 
mon  âme  vous  désire  (Hist.  Eccles.  ). 

Seigneur,  disait  sainte  Marie  Egyptienne ,  vous  laisserez  partir 
votre  servante  en  paix ,  selon  votre  parole  (In  ejus  vita). 

Le  vénérable  Bède  répétait  :  Gloire  au  Père,  et  au  Fils,  et  au  Saint- 
Esprit  (Surius,  in  ejus  vita). 

Sainte  Gorgonie  disait  :  Je  dormirai  et  je  me  reposerai  en  paix 
(Ribaden.  Vit.  Sonet.). 

Et  saint  François  d'Assise  :  Tirez,  Seigneur,  tirez  mon  âme  de  sa 

(1)  Pour  bien  comprendre  ces  paroles  de  saint  Bernard  et  l'allusion  qu'elles  renfer- 
ment; il  faut  se  rappeler  que  le  mot  pàque  a  un  double  sens  :  par  son  étymologie  d« 
î'hébreu  phasv  ou  phase,  il  signifie  passage:  et  pnKsqn  seps  historique  et  religieuv  , 
■plpnqffé,  fête,  Min,  union  avec  Dieu,  etc. 


364  MORT  DF  JUSTE. 

prison,  afin  qu'elle  loue  votre  nom;  les  justes  attendent  que  je 
reçoive  ma  récompense  (S.  Bonav.  ). 

Voici  ce  que  dit  saint  Pierre  d'Alcantara  :  Je  me  réjouis  de  ce  que 
Ton  vient  de  m'annoncer;  j'irai  dans  la  maison  de  Dieu  (Surius,  in 
ejus  vita). 

Sainte  Marie  de  Belgique  s'écria  :  0  Seigneur  notre  roi,  que  vous 
êtes  beau!  Louez  Dieu  :  Alléluia!  (Ribaden.  Vit.  Sonet.) 

Prêtez  l'oreille  aux  paroles  de  saint  Antoine  :  Lorsque  le  jour  de  la 
résurrection  sera  venu,  je  recevrai  de  la  main  de  J.  G.  ce  corps  que  je 
vais  abandonner,  et  il  sera  incorruptible.  Puis  s 'adressant  à  ses  reli- 
gieux :  Adieu,  mes  enfants,  dit-il,  adieu,  Antoine  s'en  \a(Vit.  Pair.). 

Saint  Bernard  entendit  une  voix  qui  lui  disait  :  Venez,  on  vous 
attend  (  In  ejus  vita  ). 

Saint  Jean  Clirysostome  quitta  ses  habits,  en  prit  de  blancs, 
comme  pour  se  préparer  aux  noces  célestes  de  l'Agneau;  il  commu- 
nia et  dit:  Dieu  soit  glorifié  de  tout.  Ainsi  soit-il  (Surius,  in  ejus 
vita). 

Je  vais  entrer  aujourd'hui  en  possession  d'un  royaume  que  J.  C. 
veut  bien  partager  avec  moi,  dit  saint  Philéas  martyr  (Surius,  in 
ejus  vita  ). 

Saint  Aelred  mourut  en  prononçant  ces  paroles  :  Seigneur,  mon 
Dieu,  je  chanterai  éternellement  votre  miséricorde,  votre  miséri- 
corde ,  votre  miséricorde  !  (Godesc,  in  ejus  vita.) 

Tandis  mie  les  amisde  saint  Laurent  Justinien  pleuraient  autour  de 
lui,  il  s'écriait  dans  des  ravissements  de  joie  :  Voilà  l'Epoux;  allons 
au-devant  de  lui.  Seigneur  Jésus,  je  vais  à  vous  (Surius,  m  ejus  vita). 

Sainte  Maure,  vierge  àTroyes,  mourut  en  prononçant  ces  paroles 
de  L'Oraison  dominicale  :  Que  votre  règne  arrive  (Godesc). 

Saint  Edouard,  roi  d'Angleterre,  voyant  la  reine  .  ndant  en  lar- 
mes  .  lui  dit  :  Ne  pleurez  pas;  je  ne  mourrai  point,  mais  je  vivrai  ; 
j'espère ,  en  quittant  cette  terre  de  mort,  entrer  dans  la  terre  des 
vivante  pour  y  jouir  du  bonheur  des  saints  (Godesc.). 

<»  mon  Seigneur  et  mon  époux,  s'éçriail  sainte  Térèse,  la  voilà 
donc  arrivée  cette  heure  que  je  désirais  si  ardemment  !  Je  touche  au 
moment  de  ma  délivrance.  Que  votre  volonté  soit  laite.  L'heure  est 
enlin  venue  où  je  sortirai  de  mon  exil,  et  où  mon  âme  trouvera 
dans  votre  présence  le  bonheur  après  lequel  elle  soupire  depuis  si 
Longtemps  (Godesc). 

Saint  François  Xavier  ayant  les  yeux  bai-nés  de  pleurs  et  tendr*- 
ment  attaché  sur  son  crucilix  ,  prononça  ces  paroles  :  Seigneur,  i*ai 


MORT  DU  JUSTE.  36* 

mis  en  vous  mon  espérance,  je  ne  serai  jamais  confondu;  et  en  même 
temps,  transporté  d'une  joie  céleste  qui  parut  sur  son  vieage,  il 
rendit  doucement  l'esprit  (Godesc). 

Après  avoir  dit  qu'il  voyait  la  sainte  Vierge  accompagnée  d'une 
troupe  d'anges,  saint  Stanislas  de  Kostka  expira  tranquillement 
(Godesc). 

Saint  Louis  de  Gonzague  remercia  Dieu  de  ce  que  sa  fin  était 
proche ,  et  pria  un  des  pères  de  la  compagnie  de  réciter  le  Te  Dewn 
avec  lui.  Il  dit  à  un  autre  :  Mon  père,  nous  nous  en  allons,  et  nous 
nous  en  allons  avec  joie  (Godesc). 

Ah!  quel  bonheur!  s'écriait  saint  François  Régis;  que  je  meurs 
content!  Je  vois  Jésus  et  Marie  qui  daignent  venir  au-devant  de  moi 
pour  me  conduire  dans  le  séjour  des  saints  (  Godesc). 

Le  bienheureux  Bernard  de  Corléon  contemplait  avec  transport  les 
approches  du  trépas  :  Passons,  mon  âme,  disait-il,  passons  de 
cette  misérable  vie  à  la  félicité  éternelle!  Passons  de  la  souffrance  à 
la  joie  !  Passons  de  la  corruption  du  monde  aux  divins  embrassements 
de  Dieu!  (Godesc) 

Le  bienheureux  Nicolas  de  Longobard ,  recueillant  son  dernier 
souffle,  s'écria  avec  une  sainte  joie  :  Au  paradis!  au  paradis!  et  il 
expira  (Godesc). 

Tous  ceux  qui  assistèrent  à  la  mort  du  vénérable  Paul  de  La  Croix, 
se  disaient,  après  qu'il  eut  fermé  les  yeux  :  Aujourd'hui  nous  avons 
vu  comment  meurent  les  saints  (Godesc). 

Ces  exemples  touchants  de  la  mort  de  quelques  saints  s'appli- 
quent à  tous. 

On  peut  dire  de  chaque  juste  mourant  ce  que  l'Ecclésiastique  dit 
d'Ezéchias  :  Il  vit  ses  derniers  instants  avec  un  grand  cœur  :  Spiritu 
magno  vidit  ultima  (xlviii.  27  ). 

Le  preneur  Pierre,  dit  saint  Chrysostome,  resplendit,  même  après 

sa  mort ,  d'une  lumière  plus  éclatante  que  le  soleil  :  Piscator  Petrus,     la  mort  du 


etiampost  mortem,  resplendet ,  sole clarius  (De  S  Petro). 


juste    et  sa 
mémoire  sont 

On  pourrait  placer  sur  le  tombeau  de  tons  les  saints  l'inscription  enhon"eur  et 

r  r  r  en  vénération. 

si  glorieuse  qu'on  lit  dans  l'église  de  Sainte-Marie-des-Anges ,  à 
Rome,  sur  le  tombeau  du  cardinal  Alciati  :  Virtute  vixit,  memoria 
vivit.  gloria  vivet  :  Il  a  vécu  dans  la  vertu,  il  vit  dans  la  mémoire  des 
hommes,  il  vivra  clans  la  gloire. 
L'Eglise  appelle  le  joui1  de  la  mort  des  saints,  le  jour  de  leur 


366  -MORT  DU  JUSTE. 

naissance.  Leur  précieuse  mort,  en  effet,  les  fait  naitre  à  la  vie, 

à  la  possession  de  la  félicité  éternelle. 
Le  Psalmiste  a  fait  en  deux  mots  Tépitaphe  de  tous  les  justes  :  La 

mémo]ix-du\m{ene-])C'r\ra}amai\s:Inmeinoriaœternaeritjustus(c}ii.'"i). 
Après  avoir  vécu  quatre-vingt-dix-neuf  ans,  Tobie,  dit  l'Ecriture, 

mourut  dans  la  crainte  du  Seigneur,  et  ses  enfants  l'ensevelirent 

avec  une  sainte  joie  (xiv.  16). 

Bénédiction  du  Seigneur  sur  la  tête  du  juste,  disent  les  Proverbes. 

La  mémoire  du  juste  est  un  parfum  qui  s'exhale  dans  l'avenir;  mâîs 

le  nom  de  l'impie  répandra  l'infection  :  Benedictio  Domini  super  Captif 

justi Memoria  justi  cum  laudibus;  et  nomen  impiorum  putrescet  (x# 

6.  7).  Le  souvenir  du  juste  est  agréable  et  doux;  sa  mémoire  est 
honorée,  tellement  que  Dieu  et  les  hommes  le  bénissent,  le  lôtiënt, 
le  célèbrent.  Ainsi  sont  glorifiés  Abraham,  Moïse,  Jean-Baptiste,  les 

apôtres,  etc 

La  maison  de  l'impie  sera  arrachée  de  ses  fondements,  dit  l'Ecri- 
ture; mais  les  tentes  des  justes  subsisteront  à  jamais  :  Domns  impio- 
rum delebitur;  tabernacula  vero  justorum  gerrninabunt  (Pn>\ .  m •, .  1 1). 
Celui  qui  craint  le  Seigneur  jouira  d'une  ineifable  tranquillii é  à 
ses  derniers  instants;  il  sera  béni  au  jour  de  sa  mort,  dit  l'Eolé- 
siastique  :  Timenti  Dominum  bene  erit  in  extremis ,  et  in  die  defun- 
ctionis  suce  benedicetur  (i.  13).  Sa  mémoire  ne  s'effacera  pas ,  et  son 
nom  sera  transmis  de  génération  en  génération  :  Non  recède t  mémo- 
ria  ejus ,  et  nomen  ejus  requiretur  a  generatione  in  generationem 
(Ibid.  xxxix.  13).  Les  peuples  raconteront  sa  sagesse,  et  l'assem- 
blée des  fidèles  célébrera  ses  louanges  :  Sapientiam  ejus  enarrabunt 
génies,  et  laudem  ejus  enuntiabit  ecclesia  (Ibid.  xxxix.  14).  Biches  en 
vertu,  dit  encore  l'Ecclésiastique,  aimant  la  véritable  beauté  et 
vivant  en  paix  dans  leurs  maisons,  les  justes,  nos  pères,  ont  obtenu 
la  gloire,  chacun  parmi  les  fils  de  sa  nation  :  ils  ont  été  loués  pendant 
leur  vie  j  et  ceux  qui  sont  née  d'eux  ont  laissé  un  nom  qui  a  raconté 
leurs  louanges.  Au  contraire,  il  est  des  hommes  dont  la  mémoire 
n'existe  pas  :  ils  ont  péri  comme  s'ils  n'avaient  jamais  été;  ils  sont 
nés,  et  c'est  comme  s'ils  étaient  demeurés  dans  le  néant ,  eux  et 
leQrs  enfants  avec  eux.  Mais  nos  pères  ont  été  miséricordieux,  et 
leur  piété  n'a  jamais  défailli.  Tous  les  biens  seront  le  partage  de 

leur  postérité Leurs  corps  ont  été  ensevelis  en  paix,  et  leur 

nom  vit  de  génération  en  génération,  nue  les  peuples  racontent  leur 
sagesse,  et  que  l'assemblée  des  fidèles  célèbre  leurs  louanges  (uiv. 
6-11. 14.15). 


ifOBT  DU  JUSTE.  367 

1°  Us  sont  eD  paix  ;  car  ils  sont  morts  après  avoir  bien  employé 
leurs  jours  et  chargés  de  saintes  œuvres;  ils  sont  morts  dans  une 
bonne  vieillesse;  et  môme  quand  ils  ont  été  enlevés  à  la  fleur  de 
l'âge,  ils  avaient  une  longue  vie,  parles  vertus,  le  mérite,  la 
sainteté.  2°  Ils  ont  été  ensevelis  en  paix;  parce  que  la  pomp?  dont 
on  a  environné  leurs  funérailles  leur  était  bien  due,  ils  ont  reçu  un 
large  tribut  de  regrets  et  de  prières,  etc.  Si  déjà  ils  ne  sont  pas 
ujssession  de  la  gloire,  ils  participent  à  toutes  les  prières,  à  toutes 
iumùnes,  à  tous  les  sacrifices  de  l'Eglise.  3°  Ils  sont  en  paix  ; 
car  ils  ont  été  ensevelis  par  leurs  amis  au  milieu  de  ceux  qu'ils 
avaient  connus  et  avec  lesquels  ils  avaient  vécu  en  paix ,  en  charité. 
4°  Us  sont  en  paix  ;  car  ils  attendent  la  résurrection  glorieuse.  5°  ils 
sont  en  paix ,  c'est-à-dire  honorés  d'une  excellente  réputation  et 
d'une  glorieuse  mémoire. 

Leur  nom  vit  de  génération  en  génération  :  Et  nomen  eorum  vitoit 
in  generationem  et  generationem  (Eccli.  xuv.  44).  Il  vit  tant  au  ciel, 
auprès  de  Dieu,  des  anges  et  des  bienheureux,  que  sur  la  terre, 
auprès  des  hommes  de  tous  les  lieux  et  de  tous  les  temps.  Pendant 
que  leur  âhie  est  revêtue  des  splendeurs  de  la  gloire  étemelle, 
qu'elle  voit  Dieu  face  à  face  et  le  possède  tout  entier ,  leurs  corps 
sont  exposés  à  la  vénération  publique  sur  nos  autels 

Or,  la  source  et  le  principe  de  ce  souvenir,  de  cet  honneur,  de 
cette  gloire  qui  leur  sont  accordés,  c'est  une  vertu  parfaite  ;  car  la 
vertu  fait  le  nom  et  la  mémoire  ,  et  la  mémoire  engendre  la  gloire 
dans  le  temps  et  dans  l'éternité.  Les  justes  sont  loués,  ils  le  seront 
dans  tous  les  temps  ;  car,  dit  saint  Antoine ,  la  mémoire  des  saints 
est  le  chemin  qui  conduit  à  la  vertu  ;  c'est  un  stimulant  de  sancti- 
fication (Vit  Patr.). 

Que  leur  mémoire ,  s'écrie  l'Ecclésiastique,  soit  en  bénédiction; 
que  leurs  os  se  raniment  dans  leurs  sépulcres;  que  leur  nom 
demeure  éternellement,  et  qu'il  passe  couvert  de  gloire  à  leur  posté- 
rité !(xlvi.  44.  15.) 

Le  Seigneur,  ô  yuste,  te  revêtira  du  manteau  de  justice,  dit  le 
prophète  Baruch  ;  il  mettra  sur  ta  tête  un  diadème  d'éternel  hon- 
neur :  Circumdabit  te  Deus  diploidejustitiœ,  et  imponet  mitram  capiti 
honoris  œterni  (v.  2).  Dieu  fera  voir  en  toi  sa  splendeur  à  tout  ce  qui 
est  sous  le  ciel  :  Deus  enim  ostendet  splendorem  suum  in  te ,  omni  qui 
sub  cœlo  est  (Id.  v.  3).  Car  voici  le  nom  dont  Dieu  te  gratifiera 
pour  jamais  :  La  paix  de  la  justice  ,  et  l'honneur  de  la  piété  :  Nomir 
nabitur  tiùi  nomen  tuum  a  Dec  in  sempiternam  :  Paxjustitiœ,  et  honor 


368  MORT  DU  JUSTE. 

pietatis  (Id:  v.'  A).  Le  Seigneur  conduira  les  justes,  portés  avec 
honneur  comme  fils  du  roi  :  Adducet  illos  Dominus  portatos  in 
honore  sicat  filiosregni  (Id.  v.  6). 

Voyez  les  nombreux  pèlerins  de  toutes  les  nations ,  de  tous  les 
lieux ,  de  tous  les  temps  ,  appartenant  à  toutes  les  conditions  et  à 
tous  les  âges ,  qui  sont  venus  s'agenouiller  auprès  des  tombeaux  des 
saints  apôtres,  et  d'une  multitude  d'autres  saints.  Comptez  les  tem- 
ples, les  chapelles  et  les  autels  élevés  à  la  gloire  de  ces  amis  de 
Dieu.  Prêtez  l'oreille  aux  prières  et  aux  offices  publics  célébrés  en 
lem  honneur.  Toutes  les  paroisses  catholiques  de  l'univers  ont  choisi 
parmi  les  saints ,  chacune  son  patron;  et  combien  de  paroisses  por- 
tent le  nom  d'un  même  protecteur  !  Quand  un  enfant  est  baptisé, 
ne  lui  donne-t-on  pas  le  nom  d'un  saint ,  sous  la  sauvegarde  duquel 
il  se  trouve  placé?...  Et  les  merveilles,  les  miracles  [  ar  lesquels 
Dieu  se  plaît  à  honorer  les  saints,  à  exalter  leur  puissance  et  leur 
gloire,  que  nous  disent- ils?... 

C'est  ainsi  que  Dieu  se  plaît  à  récompenser  la  vertu ,  le  mérite 

La  bonne  vie  Nous  gémissons,  dit  saint  Paul,  désirant  d'être  revêtus  de  notre 

fuit  la  ° 

îumuemort.  habitation  qui  est  du  ciel;  si  cependant  nous  sommes  trouvés  vêtus, 
et  non  pas  nus  :  Nam  et  in  hoc  ingemiscimus  ,  habilationem  nostram, 
guœ  de  cœlo  est,  superindui  cupientes  :  si  tamen  vestiti,  non  nudi  inve- 
niamur  (l\.  Cor.  v.  2.  3). 

Nous  voulons  aller  habiter  avec  le  Seigneur,  ajoute  ce  grand 
apôtre;  c'est  pourquoi,  soit  [résents,  soit  absents,  o  Corintb 
nous  nous  efforçons  de  lui  plaire  :  Bonam  voluntatem  haberma  pne- 
sentes  esse  ad  Dominum  :  et    ideo    contendimus,  sive  absentes,  sive 
prœsentes,  placere  illi  (11.  v.  8.  9). 

Heureux  les  morts  qui  meurent  dans  le  Seigneur.  Oui,  dit  l'Esprit, 
ils  se  reposeront  de  leurs  travaux;  car  leurs  œuvres  les  sui\»  ni  : 
Bcati  mortui ,  qui  in  Domino  moriuntur.  Amodojam  dicit  Spiritm  ut 
requiescant  a  laboribus  suis;  opéra  enim  illorum  sequuntur  illos 
(Apoc.  xiv.  43). 

Une  bonne  mort ,  dit  saint  Augustin,  suit  presque  toujours  une 
bonne  vie;  et  une  mamaise  mort,  une  mauvaise  vie  :  Fere  bonam 
vitam,  bona  mors;  et  malam  i  mors  sequitur  (Lib.  Civit.  ). 

De  même  que  celui  qui  n'a  pas  vécu  à  Rome  ,  qui  n'y  a  jamais 
été  et  qui  n'y  va  pas,  n'y  peut  pas  mourir;  ainsi  celui  qui  ne  vit  pas 
de  Dieu  et  pour  Dieu,  peut-il  mourir  en  D  < .'  L'homme,  au  con- 
traire, qui  \il  nui  à  son  Créateur,  se  repose  en  lui  à  la  mort. 


jronT  fon  juste.  369 

La  mort  est  l'écho  de  la  vie.  Si  la  vie  est  un  concert  de  vertu  ,  de 
charité,  de  bonnes  œuvres,  la  mort,  écho  iidèle,  dit:  Vertu,  cha- 
rité, bonnes  œuvres.  Mais  si,  de  la  vie,  s'élève  un  bruit  de  blasphèmes, 
de  haine,  d'impureté,  de  colère ,  d'impiété  ,  de  scandales  ,  la  mort 
le  répète  et  dit  à  l'éternité  :  Blasphèmes,  haine,  impureté,  colère  , 
impiété ,  scandales.  Le  ciel  entend  cet  horrible  écho  ,  et  l'ange  de  la 
céleste  justice  en  interdit  l'entrée  au  pécheur. 

Les  bons  chrétiens  meurent  de  la  mort  des  justes;  pourquoi?  LePrc* 
phète  royal  en  donne  la  raison  :  Leurs  jours  sont  pleins,  dit-il  :  Dies 
pleni  invenientur  in  eis  (lxxii.  10).  Lors  même  que  la  mort  le  frappe 
dans  sa  jeunesse,  le  juste  a  rempli  une  longue  carrière  par  ses  vertus, 
dit  la  Sagesse  :  Coasummatus  in  brevi,  explevit  temporamulta  (iv.  4  3). 

Le  juste  meurt  plein  de  jours,  dit  saint  Bernard,  et  il  renaît  dans 
la  plénitude  des  jours.  Il  est  comblé  de  toutes  parts  :  ici-bas,  de 
grâce;  dans  le  ciel,  de  gloire;  cai*  le  Seigneur  donnera  la  grâce 
et  la  gloire  (1). 

Abraham ,  dit  la  sainte  Ecriture ,  mourut  dans  une  bonne  vieil- 
lesse et  plein  de  jours  (Gen.  xxv.  8). Le  saint  vieillard  Eléazar  quitta 
la  vie,  laissant  non- seulement  aux  jeunes  gens,  mais  à  toute  sa 
nation ,  le  souvenir  de  sa  mort,  comme  un  exemple  de  courage  et  de 
force,  dit  encore  la  sainte  Ecriture  (II.  Machab.  vi.  31  ). 

Les  justes  sont  riches  en  vertu;  voilà  pourquoi  ils  meurent  dans 
le  Seigneur 

Avant  de  quitter  la  terre,  les  justes  sont  morts  au  monde;  ils 
vivent  de  privations,  de  jeûnes,  de  pénitence,  de  patience;  ils 
vivent  sur  la  croix  ;  mais  après  la  mort,  ils  jouissent  dune  vie  qui 
sera  éternellement  glorieuse. 

Voulons-nous  mourir  de  la  mort  des  justes?  vivons  de  leur  vie 

Vivre  en  pécheur  et  vouloir  mourir  en  juste  ,  c'est  vouloir  l'impos- 
sible ,  à  moins  que  n'intervienne  un  incontestable  miracle  que  Dieu 
ne  doit  pas  et  que  très-probablement  il  ne  fera  pas ,  car  il  ne  l'opère 
que  rarement 


(1)  Hic  moritur  justus  plenus  dierum  ;  et  illic  oritur  inplenitudine  dior.: ....  Ltro- 
bique  plenus,  et  hic  gratia,  et  illio  gloria  :  quiagratiam  et  gloriam  dabit  iJoitinus 
(  Serm.  inSap.). 


24 


ilORT  DU  PÉCHEUR. 


Tous  les  maux  "■"    e  Prophète  royal  peint  en  quelques  lignes  les  maux  qui  lon- 
à  k^is^ur  le  dent  sur  le  pécheur  mourant  :  Les  douleurs  de  la  mort  m'ont 


L 


pécheur  B  A  environné,  dit-il,  et  les  torrents  d'iniquité  m'ont  rempli  de 
trouble.  Les  douleurs  de  l'enfer  m/ont  investi ,  les  rets  de  la  mort 
m'ont  enveloppé  :  Lircumdederunt  me  dolores  mortis,  et  torrentes  ini- 
quitatisconturbaverunt  me.  Dolores  infemicircumdederunt  me,  prœoccu- 
paverunt  me  laquei  mortis  (xvn.  5.  6).  Vos  traits,  Seigneur,  me 
pénètrent  de  toutes  parts ,  et  votre  main  est  descendue  sur  moi. 
Votre  indignation  ne  laisse  rien  de  sain  en  mon  corps,  et  mes  pi'chés 
m'ont  inquiété  jusque  dans  mes  os.  Mes  iniquités  se  font  élevées 
au-dessus  de  ma  tête;  elles  sont  devenues  un  poids  qui  m'accable. 
Mes  plaies  se  sont  corrompues  et  gangrenées  à  cause  de  mes  é 
ments  (1).  Incliné ,  courbé  vers  la  terre,  je  marche  dans  la  douleur. 
Mes  entrailles  sont  pleines  d'un  l'eu  qui  les  dévore;  tout  mon  corps 
n'est  plus  qu'une  plaie  :  Miser  factus  sum  et  curvatus  sum  usque  in 
finem  :  conlristatus  ingrediebar.  Lumbi  met  impleti  sunt  illusionibus  :  et 
non  est  sanitas  in  carne  mea  (Psal.  xxxvu.  7.  8).  Je  suis  languissant 

et  brisé;  je  rugis  dans  les  frémissements  de  mon  cœur Mon 

cœur  est  dans  le  trouble,  ma  force  m'abandonne  :  la  lumière  de 
mes  yeux  s  éteint;  elle  n'est  plus  en  moi  (xxxvu.  9. 1 1  ).  La  terreur 
de  la  mort  a  fondu  sur  moi  :  Formido  mortis  cecitlit  super  me 
(itv.  5  ).  La  crainte  et  la  terreur  m'ont  saisi ,  et  de  toutes  parts  je 
suis  dans  les  ténèbres  :  Timor  et  tremor  venerunt  super  me,  et  con» 
texerunt  metenebrœ[ liv.  6).  Que  la  mort  surprenne  les  méchants, 
ajoute  le  Prophète  royal, qu'ils  descendent  tout  vivants  dans  l'enfer  : 
Veniat  mors  super  illos ,  et  descendant  in  infernum  vi ventes  (liv.  16). 
Ils  sont  revêtus  de  leur  iniquité  et  de  leur  impiété  comme  d'un 
vêtement:  Operti sunt  iniquitate  etimpietatesua  (lxxii.  6).  A  l'heure 
de  la  mort,  les  maux  investiront  L'homme  qui  a  commis  l'injustice: 
Virum  injustum  mata  captent  in  interitu  (cxxxix.  12). 
N'ayant  semé  que  de  l'ivraie,  n'ayant  planté  que  des  arbres 

(1)  Sapittœ  tua?  inflxap  sunt  mihi:  et  confirmasti  super  me  manum  tunm.  Non  est 
sanitas  in  carne  mea  a  facie  ira;  tusc  :  non  est  pax  ossibus  meis  a  facie  peccatorum 
meorum.  Iniquitates  mea;  supergressae  suut  caput  raeum:  et  sicut  onus  brrûve»  gra- 
vatic  sunt  super  me.  Putruerunt,  et  corrupU  sunt  cicatrices  mec,  a  facie  insipientiae 
meœ  (.xxxvu.  3-6). 


moat  du  eéchbpbJ  371 

sauvages,  à  îa  mort  les  pécheurs  mangeront  les  fruits  amers  qu'ils 
se  sont  préparés  :  ils  ont  médité  le  mal  et  ont  conçu  l'iniquité;  ils  se 
rassasieront  de  leurs  conseils,  disent  les  Proverbes:  Comedent  fructus 
vice  sitœ ,  suisque  consiliis  saturabuntur  (i.  31). 

Je  ferai,  dit  le  Seigneur  par  la  bouche  du  prophète  Amos ,  je 
ferai  des  derniers  instants  du  pécheur  un  jour  plein  d'amertume  : 
Ponam  novissima  ejus  diem  amaritm  (  vm.  10  ). 

Mes  jours  ont  passé ,  dit  le  pécheur  mourant  empruntant  les 
paroles  de  Job,  mes  pensées  se  sont  dissipées  en  torturant  n 
cœur  :  Dies  mei  transierunt,  cogitationes  meœ  dissipâtes  sunt ,  torquenL* 
cor  meum  (xvn.  11). 

De  toutes  parts,  dit  saint  Chrysostome,  des  supplices  affreux ,  la 
crainte  de  l'avenir ,  les  souffrances  du  présent,  le  remords  du  passé  : 
Acerba  undique  svpplîcia ,  metus  fulurorum,  labor  prœsentium,  dolor 
prœteritorum  (Homil.  ad  pop.). 

Les  souvenirs  de  ses  crimes,  de  ses  scandales,  de  ses  impiétés, 
fondent  à  la  fois  sur  le  pécheur  mourant.  Pendant  sa  vie ,  il  s'était 
efforcé  de  les  tenir  à  l'écart  et  il  y  avait  presque  réussi  ;  mais  à  sa 
mort,  ils  se  présentent  tous  ensemble  comme  une  armée  ennemie, 
et  lui  disent  :  Nous  connais-tu  maintenant?  nous  sommes  tes 

œuvres Dans  le  présent,  il  voit  le  monde  qui  s'enfuit  et  qui  le 

méprise,  les  richesses,  les  honneurs  et  les  plaisirs  qui  s'éva- 
nouissent...; son  corps  qu'il  adorait,  et  qui,  accablé  de  douleurs, 
commence  à  se  corrompre  et  à  se  dissoudre...  ;  les  démons  qui  l'en- 
vironnent, qui  le  saisissent ,  qui  l'accusent...;  le  juste  jugement  de 
Dieu  qui  l'attend...,  l'enfer...,  le  désespoir  éternel...  :  tous  les 
maux  fondent  à  la  fois  sur  lui 

Le  pécheur  mourant  verra ,  dit  le  Psalmiste ,  il  s'irritera ,  il  grin- 
cera des  dents  et  il  séchera  de  rage;  le  désir  des  pécheurs  périra  : 
Peccator  videbit,  et  irascetur  ,  dentibits  suis  f remet  et  tabescet  :  deside- 
rium  peccatorum  peribit  (cxi.  10).  Le  pécheur  tremble  au  souvenir  de 
sa  vie  infâme  et  à  la  vue  de  ses  accusateurs...;  il  est  accablé  sous  le 
poids  de  ses  souffrances  et  à  la  pensée  de  se  séparer  de  son  corps,  du 
monde  ,  des  biens,  des  plaisirs...  ;  il  a  en  perspective  la  mort ,  les 
jugements  terribles  de  Dieu,  les  horreurs  de  i'eni'er  ,  et  une  éternité 
de  supplices...., 

PABCEqueje  vous  ai  appelés,  dit  le  Seigneur  aux  pécheurs s  et  Dieu 
que  vous  vous  êtes  éloignés;  par  ai  étendu  la  main  ,  et  que    ^^.[ït 

vous  n'avez  point  été  attentifs  ;  parce  que  vous  avez  dédaigné  mes 


372  MORT  DU  PÉCHEUR. 

conseils,  et  négligé  ma  menace  :  moi,  je  rirai  au  jour  de  votre  mort; 
je  vous  raillerai  quand  ce  que  vous  craignez  sera  arrivé  ;  lorsque  le 
malheur  fondra  tout  à  coup  sur  vous,  quand  la  mort  vous  envahira 
comme  la  tempête  et  que  la  détresse  et  l'angoisse  vous  inonderont. 
Alors  ils  m  "invoqueront,  et  je  ne  les  exaucerai  pas  ;  ils  se  lèveront 
dès  le  matin  pour  me  chercher,  et  ils  ne  me  trouveront  point  (1). 

Dieu  traitera  les  pécheurs  comme  ils  l'ont  traité  ;  il  leur  rendra  à 
la  mort  ce  qu'en  bonne  santé  ils  lui  ont  prodigué  :  le  rire,  l'ironie , 

la  dérision,  le  mépris  et  l'abandoD Lorsque,  semblables  aux 

vierges  folles  dont  parle  l'Evangile,  ils  frapperont  à  la  porte  du 
pardon  et  de  la  grâce,  à  la  porte  du  ciel,  en  disant  :  Seigneur, 
Seigneur,  ouvrez-nous  :  Domine,  Domine,  aperi  wo£w(Matth.  xxv. 
\i  ) ,  le  grand  Dieu  leur  répondra  :  En  vérité,  je  vous  le  dis ,  je  ne 
vous  connais  point  :  Amen  dico  vobis ,  nescio  vos  (Matth.  xxv.  12). 
Vous  n'êtes  pas  de  mes  brebis 

Dieu  se  rit  du  pécheur  mourant,  et  il  le  tourne  en  dérision,  4°  en 
Ae  punissant  comme  son  ennemi,  mais  avec  justice ,  à  cause  de  ses 
crimes...  ;  2°  en  l'exposant  à  la  risée  et  aux  railleries  du  ciel,  de  la 
terre  et  de  l'enfer...  ;  3° en  lui  reprochant  ses  iniquités,  comme  il  le 
fera  de  nouveau  au  jugement  universel...  ;  A°  en  se  réjouissant  de  sa 
juste  peine;  en  faisant  que  les  anges  et  les  saints  s'en  réjouissent, 
comme  ils  se  réjouiront ,  d'après  l'Apocalypse ,  du  renversement  de 
la  criminelle  Babylone  qui  représente  les  pécheurs.  Elle  est  tombée, 
elle  est  tombée  cette  Babylone!  elle  est  devenue  la  demeure  des 
démons,  le  refuge  de  tout  esprit  immonde ,  et  le  repaire  de  tout  ce 
qui  est  impur  et  haïssable  :  Cecidit,  cecidit  Babijlon  ;  et  fada. est  habi- 
tatio  dœmoniorum,  et  custodia  omnis  spiritus  immundi ,  et  custodia 
ornais  volucris  immundœet  odibilis  (xviu.  2).  Triomphez  d'elle,  ciel, 
et  saints  apôtres,  et  prophètes,  parce  que  Dieu  a  jugé  :  i.'xsulta 
super  eamcœlum,  et  sandi  upostoli,  et  prophetœi}  quoniam  judïcavit 
Deus  (  Apoc.  xviii.  20).  5u  Dieu  se  rit  du  pécheur  mourant,  en  le 
livrant  à  ses  ennemis  et  surtout  aux  démous,  qui  l'accablent  d'ironie 
en  le  tourmentant ,  le  torturant  et  l'immolant 

Alors ,  dit  le  Seigneur,  ils  m'invoqueront,  et  je  ne  les  exaucerai 
pas  :  Tune  invocabunt  me.  et  non  exaudiam  (  Frov.i.  28).  Maintenant, 

(1)  Quia  vocavi,  et  renuistis:  ezteodi  manuin  meam,  et  non  fuit  qui  aspicerct. 
Dcspevislis  nmne  coiisilium  meum  ,  et  Lncrepationes  meas  neglexistis.  Ego  quoque 
fninteritu  vestro  rîdebo  ,  et subsanuabo,  cum  vobis  id  quod  timebalis,  advencrit. 
«'.uni  ii. u  rit  repent  ia  calamitas,  cl  iiitoilus  (jiiusi  tein pestas  ingruerit;  quundo 
veneril  super  vos  tribulatioet  angustia.  Tune  invocabunt  me,  et  non  uxaudiam  : 
nnsurgeut,  et  non  invenient  me  (Prov.  1.24-28). 


MORT  DU  PË  HEUR.  373 

ils  ne  veulent  pas  écouter  ma  voix  qui  les  appelle;  à  la  mort,  lorsque 
de  toutes  parts  les  angoisses  fondront  sur  eux,  je  ne  prêterai  pas 
l'oreille  à  leur  voix  qui  implorera  mon  secours.  Vous  êtes  sourds, 
pécheurs,  vous  me  trouverez  sourd.  La  douleur  alors  vous  ouvrira 
les  yeux,  ces  yeux  que  vos  impuretés  et  vos  passions  tiennent  main- 
tenant fermés.  Mais  je  ne  vous  exaucerai  pas;  parce  que  pendant 
votre  vie  vous  avez  détesté  la  discipline  ;  et  que  vous  n'avez  pas 
voulu  me  craindre  :  Eo  qaod  exosamhabuerint  disciplinam,  et  tirnorem 
Domini  non  susceperint  (Prov.  i.  29  )  ;  parce  que  vous  n'avez  point 
acquiescé  à  mon  conseil  et  que  vous  avez  accusé  toutes  mes  correc- 
tions :  Nec  acquieverïnt  consilio  meo,  et  deiraxerint  universœ  correptioni 
meœ  (Prov.  i.  30). 

La  raison  pour  laquelle  le  pécheur  mourant  n'est  d'ordinaire  pas 
exaucé  par  le  Dieu  qu'il  invoque,  c'est  qu'il  a  persévéré  dans  les 
quatre  crimes  dont  viennent  de  nous  parler  les  Proverbes,  crimes 
qui  renferment  quatre  graves  injures  faites  à  la  sagesse  divine,  et 
cela  par  gradation  :  la  première ,  en  détestant  la  discipline,  et  par 
conséquent  la  sagesse  de  Dieu  ;  la  seconde ,  en  ne  recevant  point  sa 
crainte  ;  la  troisième ,  en  refusant  d'aquiescer  à  son  conseil ,  qui 
l'aurait  porté  au  bien;  la  quatrième,  en  accusant  et  en  blâmant 
toutes  les  corrections  de  la  Providence 

Au  jour  de  la  mort ,  toutes  les  pensées  des  pécheurs  périront,  dit  le    Le  pecnem 
Psalmiste  :  In  Ma  die  peribunt  omnes  cogitationes  eorum (cxlv.  A.  )  tonVbe^Vans le 

Leur  espérance  a  disparu ,  dit  la  Sagesse  :  Evacuata  est  spes  illorum     désespoir. 
(in.  U). 

La  plaie  du  pécheur  est  désespérée ,  dit  le  prophète  Michée  : 
Desperata  est plaga  ejus  (i.  9).  Combien  y  en  a-t-il  qui,  à  leur  der- 
nière heure,  imitent  Caïn  et  disent  :  Mon  iniquité  est  trop  grande 
pour  que  j'obtienne  grâce  :  Major  est  iniquitas  mea  quam  itt  veniam 
merear  (Gen.  iv.  13). 

Loin  de  se  jeter  dans  les  bras  de  la  miséricorde  de  Dieu,  ils  ne  voient 
que  sa  justice 

Loin  de  considérer  les  mérites  du  sang  de  J.  C. ,  ils  ne  voient  que 
les  nombreux  et  énormes  crimes  dont  ils  se  sont  rendus  coupables..... 

(  Voyez  Désespoir.  ) 

Vous  n'avez  pas  besoin,  frères,  dit  saint  Paul,  que  nous  vous  écri-  La  mon 
vions  au  sujet  des  temps  et  des  moments;  car  vous  savez  très-bien  jeteurs. 
vous-mêmes  que  le  jour  du  Seigneur  viendra  comme  le  voleur  dans 


371  mort  dt;  pécheur. 

la  nuit.  Lorsque  les  pécheur?  diront  :  Paix  et  sécurité,  alors  viendra 
sur  eux  une  soudaine  ruine,  et  ils  n'échapperont  pas  :  Tune  repen- 

Hnus  eis  superveniet  interitus  et  non  effuyient (I.  Thess.  v.  1-3.  )  Ils 

avaient  compté  sur  le  temps,  il  leur  manquera.  La  mort  leur  appa- 
raîtra formidable  et  prompte,  dit  la  Sagesse  :  Hor  rende  et  cito 
apparebit  vobis  (yi.  G). 

Le  malheur  fondra  tout  à  coup  sur  eux,  disent  les  Proverbes;  la 
mort  les  envahira  comme  la  tempête  (i.  27).  Leur  sort  sera  sem- 
blable à  celui  d'une  maison  qui  est  renversée  par  un  puissant  trem- 
blement de  terre ,  à  celui  d'un  navire  qui  fait  naufrage,  coulé  par 
la  tempête,  ou  mis  er  pièces  par  un  invisible  écueil 

Voilà  commer-v  Lieu  frappe  et  châtie  les  impies  qui  méprisent  ses 
lois 

Us  sont  en  danger  et  ils  espèrent  encore  guérir  ;  la  mort  est  là  et 
ils  pensent  à  la  vie;  le  temps  leur  échappe  et  ils  ne  s'occupent  pas 
de  l'éternité.  Ni  leurs  parents,  ni  leurs  amis  n'osent  les  avertir  que 
la  mort  est  proche.  Ils  veulent  se  tromper  et  ils  se  trompent;  ils  veu- 
lent être  trompés  et  on  les  trompe A  demain,  disent-Us,  à  demain 

les  affaires Et  le  lendemain  ne  les  trouve  plus;  ils  sont  entrés 

dans  la  maison  de  leur  éternité !... 

Les  pécheurs  Si  vous  ne  voulez  faire  pénitence  qu'au  moment  où  vous  ne  pourrez 
l'trtipéhitenca;  plus  pécher,  dit  saint  Augustin ,  ce  sera  le  péché  qui  vous  quittera, 
et  non  vous  qui  quitterez  le  péché:  Si  vis  ngere  pœnitcntiam  tune , 
guando  peccare  non  potes;  peccata le  dimùerunt ,  non  tu  Ma  (  Homil.  xli 
inter  l).  A  la  mort,  les  pécheurs  périront*  dit  le  l'sdmiste  :  Pecca- 
torcs peribunt  (xxxvi.  20). 

lis  périront,  parce  que  OlOT  les  abandonner;! 

Mais  en  ce  cas,  direz-vous,  l'invocation  de  bieil  et  la  pénitence  du 
péclieuràla  mort,  sont  donc  inutiles  et  trop  tardives?  .!<■  réponds: 
L'mvocâtïorl  de  Dieu  et  la  pénitence  ,  Si  elles  sofal  liiicèrës,  ne  sont 
jamais  inutiles  laus  cette  vie,  quoi  [i  'elles  puissent  être  tai  lires; 
mai-  LU  si .iit  tardives,  sont  rar  më  t  sincèri  -.  Ûar,â  là  ;  I6rt, 

de,  impie  ;  t  m  durci,  peut  invoquer  Dieu  ; 
mais  i[ii  •  invocation?  Elle  a  p  ur  I .ut  ordinairement  de 

demander  laréni  la  peine,  et  non  le  pardon  de  la  faute.  Le. 

Ipper  à  la  mort .  et  \oih  pourquoi  il 
n'est  pas  e.\a:;  '  : -on  pé.dié  ne  lui  est  pa  remis,  parce  qu'il  rie 
le,.  ■  lors  il  e-Hmpénitent.  Ne  deitiaftdant 


ilORT  liU   PÉCHEUR.  375 

fan     r^misslon  de  sa  taute ,  il  n'a  ni  celle  de  la  peine  ,  ni  celle  de  la 
le;  et  il  meurt  en  réprouvé 

D'ailleurs  invoque-t-il  Dieu  du  fond  de  son  âme?...  se  repent-ii 
de  tout  son  cœur?...  a-t-il  la  volonté,  s'il  revient  à  la  vie  ,  de  ne 
plus  offenser  Dieu  comme  il  Ta  fait  jusqu'au  moment  de  la  maladie? 
Ordinairement  tout  cela  lui  manque;  et  ces  conditions  essentielles 
de  la  contrition  faisant  défaut ,  l'impénitence  est  réelle. 

Le  pécheur  mourra  dans  l'iniquité  qu'il  a  commise ,  dit  le  pro- 
phète Ezéchiel  :  In  injustitia,  quant  operatus  est,  morietur  (xvin.  2G). 
C'est-à-dire,  le  pécheur  endurci  et  sans  repentir  mourra  dans  son 
péché  et  sera  réprouvé 

L'endurcissement  et  la  damnation  doivent  être  attribués  au 
pécheur ,  et  non  à  Dieu.  Le  prophète  Osée  le  proclame  :  Ta  perte ,  ô 
Israël,  vient  de  toi-même;  c'est  ton  propre  ouvrage  :  Perdilio  tua 
ex  te,  Israël  (xni.  9  ).  Ce  n'est  point  Dieu,  mais  toi-même,  ô  pécheur, 
qui  mets  obstacle  à  ce  que  tu  premies  le  chemin  du  salut;  car,  d'une 
part,  tu  fais,  et  tu  veux  faire  ce  que  Dieu  défend  et  déteste;  de  l'au- 
tre, tu  ne  fais  pas  et  tu  ne  veux  pas  faire  ce  qu'il  aime  et  commande. 
Situ  ne  faisais  pas  ce  que  Dieu  hait,  il  viendrait  à  toi.  La  justice  qui 
inflige  les  peines  ne  procède  pas  le  crime  ou  le  péché,  elle  le  suit  et 
le  suppose 

Pécheur,  tu  mourras  dans  une  terre  souillée,  dit  le  prophète 
Amos  :  In  terra  polluta  morieris  (vu.  17),  c'est-à-dire  dans  tor 
corps  souillé  par  le  péché  et  par  le  vice. 

Vous  me  chercherez ,  dit  J.  C. ,  et  vous  ne  me  trouverez  point  ; 
vous  me  chercherez,  et  vous  mourrez  dans  votre  péché  :  Quœretis 
me ,  et  non  invenietis  ;  quœretis  me ,  et  in  peccato  vestro  moriemini 
(Joann.  vu.  34.  vm.  21). 

Vous  me  chercherez  mal ,  c'est  pourquoi  vous  ne  me  trouverez 
pas;  et  ne  me  trouvant  pas ,  vous  mourrez  dans  votre  péché. 

Les  pécheurs ,  dit  saint  Grégoire ,  auraient  voulu ,  s'ils  l'avaient 
pu,  toujours  vivre ,  alin  de  toujours  pécher;  ils  montrent  en  effet 
qu'ils  désirent  toujours  vivre  dans  le  péché ,  puisqu'ils  ne  cessent 
de  le  commettre  tant  qu'ils  vivent  (1).  Si ,  à  leur  dernier  instant,  ils 
cessent  de  pécher,  ce  n'est  pas  leur  volonté  qui  met  obstacle  à  cp 
qu'ils  persévèrent  dans  le  mal ,  mais  la  mort  seule 

(1)  Voluisscnt  si  potuissent ,  sine  fine  tiv ère,  ut  potuissent  sine  fine  pecr^e, 
ostendunt  enim  quia  in  peccalo  semper  vivere  cupiunt ,  qui  nunquam  desinunt  peo- 
taro  dum  vivant  (  HomiL). 


370  MORT  DO  PKCHEnt. 

r.ii  mon  .lu    La  mortdu  pécheur  est  très-mau\aise,  dit  le  Prophète  royal  :  Mors 

pécheur  est  .         .  nr.  . 

très-mauvaise,  peccatorum  pessima  (xxxm.  22). 

La  mort  (du  pécheur)  est  une  mort  terrible  ,  dit  l'Ecclésiastique, 
et  le  tombeau  vaut  mieux  qu'elle  :  Mors  illius  mors  nequissima ,  et 
util i s  potins  infernus  qvam  illa  (xxvm.  25  ). 

La  mort  du  pécheur  est  très-mauvaise  ;  car  il  est  abandonné  de 
Dieu,  des  anges,  des  hommes,  et  condamné  par  sa  raison  et  sa 
conscience  ,  etc.  11  est  écrasé  sous  le  poids  de  ses  péchés;  il  devient 
la  proie  de  la  douleur,  du  désespoir  et  des  démons. 

Sa  mort  est  très-mauvaise;  car  il  voit  déjà,  pour  ainsi  dire,  les 

Uammes  de  l'enfer  prêtes  à  l'envelopper A  la  mort,  dit  le  grand 

Apùtre ,  les  pécheurs  subiront  les  peines  de  l'éternelle  perdition  : 
Qui  pœnas  dabunt  in  interitu  œternas  (II.  ïhess.  i.  9). 

Le  Seigneur,  dit  le  Psalmiste,  rendra  aux  impies  leurs  iniquité?, 
et  il  les  perdra  dans  leur  malice  :  Reddet  Mis  iniquitatem  ipsorum ,  et 
in  malitia  eorum  disperdet  eos  (xcm.  23). 

ïïTompies  Le  Seigneur,  dit  l'Ecriture  ,  frappa  l'impie  Antiochus  d'une  plaie 
îles  méchants*  "^curable  et  invisible;  une  douleur  cruelle  et  d'affreux  tourments 
déchiraient  ses  entrailles  :  Apprehendit  eum  dolor  dirus  viscerwn, 
et  amara  internorum  tormenta  (II.  Machab.  ix.  5).  Des  mis  sor- 
taient du  corps  de  cet  impie  comme  d'une  source  ;  et  il  vivait  au 
milieu  de  ces  grandes  douleurs,  et  toute  sa  chair  tombait  peu  à  peu 
avec  une  infection  que  son  armée  ne  pouvait  soutenir  (Ibid.  îx.  9). 
C'est  ainsi  que  mourut  Antiochus,  maudit  de  Dieu  et  des  hommes. 

Remarquez  quelle  fut  la  mort  de  Pharaon,  l'endurci;  celle  dû 
l'impie  Balthasar ,  et  celle  des  Juifs  déicidw 

Judas  se  pendit  (Act.  i.  18). 

Hérode  Ascalonite,  qui  lit  massacrer  les  saints  Innocents  et  qui  fut 
le  persécuteur  de  J.  G. ,  mourut  au  milieu  de  souffrances  semblables 
à  relies  d'Antiochus.  Son  neveu,  Hérode  Agrippa,  eut  le  même  sort., 
ainsi  qu'Huilerie ,  roi  des  Vandales  (  Hist.  ''(des.). 

Néron,  ayant  perdu  le  pouvoir  etsetr  tuvant  réduit  à  L'extremk'l , 
voulut  se  donner  la  mort;  mais  il  n'en  \intàbout  qu'avec  L'aida 
d'Epaphrodite  ,  son  secrétaire  |  Ibid.  ). 

Domitien  fui  massacré  par un'affranchi  (Ibid.). 

Septûi  chrétiens ,  mourut  de  ehaTrra, 

1  -untun  fils  qui  avait  voulu  lui  ôter  la  vie  et  qui  depuis  tua  son 
propre  frère.  Toute  sa  famille  périt  misérablement  (Ibid.  ), 

Maximien  fut  immolé  par  sesnropres  soldats  (  Ibid.). 


MORT  DU   PÉCHEUR.  377 

Dèce  périt  dans  un  marais  (  Hist.  Eccles.  ). 

Gallus  fut  tué  un  an  après  qu'il  eut  allumé  le  feu  de  la  persécution 
(Ibid.). 

Valérien  et  Aurélien  moururent  de  mort  violente  [Ibid.  ). 

L'empereur  Carus,  qui  avait  osé  prendre  le  titre  de  Dieu ,  fut  tue 
par  la  foudre  [Ibid.).  Numérien,  son  fils,  fut  tué  par  Aper  son  oncle. 
Le  second  fils  de  Carus  fut  tué  par  Dioclétien  (  Ibid.  ). 

Dioclétien  termina  par  le  poison  une  vie  qui  lui  était  à  charge  et 
qu'il  avait  souillée  de  crimes  atroces  [Ibid.  ). 

Maximien  Hercule  fut  forcé  de  s'étrangler  lui-même  [Ibid.). 

Galère  fut  attaqué  d'une  horrible  maladie.  Comme  Antiochus,il 
vit  sa  chair  se  remplir  de  vers  et  tomber  en  lambeaux  [Ibid.). 

Maximin  Daia  mourut  dans  des  douleurs  affreuses  [Ibid.). 

Maxence ,  ayant  été  défait  par  Constantin ,  tomba  dans  le  Tibre  et 
se  noya  [Ibid.). 

Licinius  fut  mis  à  mort  (  Ibid.  ). 

Chacun  sait  comment  périt  Julien  l'Apostat  [Ibid.). 

La  plupart  des  hérésiarques  sont  morts  promptement  et  d'une 
mort  infâme. 

S'étant  élevé  dans  les  airs  avec  l'aide  du  démon ,  Simon  le  Magi- 
cien fut  privé  de  son  point  d'appui  par  les  prières  de  saint  Pierre;  il 
tomba ,  se  brisa  les  jambes  et  expira  dans  de  vives  douleurs  [Ibid.). 

Manès  eut  les  entrailles  arrachées  par  ordre  du  roi  des  Perses 
(Ibid,). 

Montan  se  pendit  (  Ibid.  ). 

Quelques  donatistes  ayant  jeté  la  sainte  eucharistie  aux  chiens, 
furent  mis  en  pièces  par  ces  animaux  (  Ibid.  ). 

Arius,  au  moment  même  où  il  se  rendait  à  l'église  des  catholi- 
ques, afin  de  s'en  emparer  et  de  la  livrer  à  ses  sectateurs,  fut  saisi 
de  douleurs  intolérables  et  il  expira  en  déchirant  ses  entrailles 
(Ibid.  ). 

Priscillien  eut  la  tête  tranchée  par  ordre  du  tyran  Maxime  (Ibid.) 

Léon  l'Arménien,  iconoclaste,  fut  assassiné  dans  l'église  (Ibid.) 

L'empereur  Heraclite ,  qui  avait  embrassé  l'hérésie  des  monothé- 
Vites,  mourut  d'une  mort  subite  et  dégoûtante  (  Ibid.  ). 

Valens ,  sectateur  d'Arius,  fut  vaincu  par  les  Gotbs,  et  brûlé  par 
eux  (Ibid.). 

Les  vers  dévorèrent  la  langue  du  blasphémateur  Nestorius  (Ibid.): 

L'empereur  Anastase,  sectateur  d'Eutichès,  périt  parla  foudre 
(Ibid.). 


périra. 


378  MORT  DU   PÉCHEUR. 

A  la  suite  d'un  souper  splendide ,  Luther  mourut  étouffé*  dans  son 
lit.  Un  historien  contemporain  raconte  qu'une  multitude  de  démons, 
sous  la  figure  de  corbeaux,  volèrent  autour  de  son  cadavre  en  faisant 
entendre  d'horribles  croassements  ,  et  l'accompagnèrent  jusqu'à  la 
tombe. 

Zwingle  fut  tué.  Carlostad  fut  enlevé  par  un  démon  et  disparut. 
Calvin  fut  dévoré  par  les  vers  ;  il  expira  en  blasphémant.  Henri  VIII, 
roi  d'Angleterre ,  mourut  en  désespéré  (Hist.  de  leur  vie). 

Combien  horrible  a  été  en  général ,  dans  tous  les  siècles,  la  fin  de 
lousles  grands  pécheurs!... 

Le  pécheur    Leur  mémoire  s'est  éteinte  avec  le  bruit  qu'ils  ont  fait ,  dit  le  Psal- 

laisse  une  .  .         „     ...  •  „         .;     ,„    ^; 

mémoire       miste  :  Pemt  memonaeorum  cum  sonitu  (ix.  /  ). 

Baa ÏÏ!"1  qui       Pécheur  obstiné,  le  Tout-Puissant  te  détruira  pour  toujours;  il 

'/arrachera  de  ta  demeure  et  t'enlèvera  ;  il  te  déracinera  de  la  terre 

ies  vivants,  dit  le  même  prophète  :  Deus  destrv.et  te  in  finem:  evellet 

te,  et  emigrabit  te  de  tabernaculo  tuo,  et  radicem  tuam  de  terra  viven- 

tium  (Psal.  il.  7). 

Le  Seigneur,  dit  la  Sagesse ,  se  rira  des  impies  (à  leur  mort  ).  Ils 
x>mberont  sans  honneur  et  ils  deviendront  à  jamais  un  ol\j.-t  d'op- 
probre entre  les  morts.  Le  Seigneur  les  brisera  dans  leur  orgueil 
devenu  muet ,  et  il  les  arrachera  de  leur  base  ;  ils  seront  accablés  de 
maux  et  ils  gémiront ,  et  leur  mémoire  périra  (1). 

La  mémoire  du  juste  vivra  au  milieu  des  louanges ,  disent  les 
Proverbes ,  mais  le  nom  de  l'impie  tombera  en  pourriture  :  AfemoHa 
jUsti  cum  laudibas;  et  nomen  impiorum  jmtrescet  (x.  7).  Le  nom 
impies,  leur  réputation  et  leur  gloire  répandent  une  odeur  de  mort  : 
e  mépris  et  l'oubli  seront  leur  partage.  Leur  nom  tombera  en 
pourriture,  c'est-à-dire  il  sera  foulé  aux  pieds,  et  disparaîtra  comme 
farbre  desséché  et  vermoulu  que  la  tempête  a  couché  le  long  du 
chemin.  Manquant  du  sel  de  la  vertu  et  de  la  divine  sagesse,  leur 
réputation  se  corrompt.  Elle  sentira  mauvais  comme  un  cadavre 
dévoré  par  les  vers,  et  par  suite  elle  sera  vouëe  à  l'exécration  et 
1  la  malédiction.  La  gloire  temporelle  des  impies  s  affaiblit  et  dispa- 
rait: en  sorte  que  ies  hommes,  lorsqu'ils  se  souviennent  d'eux, 
■es  déchirent ,  les  blâment ,  les  ont  en  horreur 

(1)  Illos  Dominas  irriuVbit.  Et  crunt  post  hvr  dëcldehleS  sine  honore,  et  in  ronln- 
nclia  inter   Udttdèl  in  pr-rpetiiiim  :  djio  iam  disrumpet  illos  inflal 
commovebit  illos  a  fundamentis  .  1 1   usque  ad  supremum  desolabuntur;  et  erunl 
cémentes,  et  niemnria  illoroin  peribit  (  iv.  18.  li»  ). 


MORT  Î)U  l-ECHETJR,  379 

Ils  sont  de  ceux  dont  on  ne  conserve  aucun  souvenir ,  dit  l'Ecclé- 
siastique; ils  ont  péri  comme  s'ils  n'avaient  jamais  existé;  ils  sont 
nés,  et  c'est  coritme  s'ils  ne  l'étaient  pas.,  et  les  fils  des  impies  parta- 
gent le  sort  de  leurs  pères  :  Et  sunt  quorum  non  est  memoria;  perierunt 
quasi  non  fuerint ;  et  nati  sunt ,  quasi  non  nati;  et  filii  impiorum  cum 
ipsis  (xliv.  9;. 

Détestés  de  leur  vivant ,  ils  le  sont  à  la  mort ,  et  même  après 
leur  sépulture 

Souvent  je  vous  l'ai  dit  ;  écrit  saint  Paul  aux  Philippiens ,  et  pieu-    celai  qm  m 
rant  ie  vous  le  dis  encore,  plusieurs  marchent  en  ennemis  de  la     sai,sl'ieu, 

d  '  *  meurt  en 

croix  du  Christ,  plusieurs  dont  la  fin  sera  la  perdition,  et  qui  ont     réprouvé, 
pour  Dieu  le  ventre;  ils  mettent  leur  gloire  dans  leur  propre  honte5 
et  ils  n'ont  de  goût  que  pour  les  choses  de  la  terre  (1). 

Si  vous  ne  craignez  pas  le  péché ,  dit  saint  Augustin ,  craignez  la 
mort;  car  lorsqu'il  est  consommé,  le  péché  engendre  la  mort. 
Vous  ne  craignez  pas  encore  le  péché ,  craignez  ses  suites ,  craignez 
Fahime  où  il  conduit.  Le  péché  est  doux ,  mais  la  mort  dans  le 
jJéché  est  amère.  Tel  est  le  malheur  des  hommes ,  qu'en  mourant 
ils  quittent  les  objets  pour  la  possession  desquels  ils  s'étaient  aban- 
donnés au  péché,  et  n'emportent  que  leur  péché,  qui  les  brûlera 
durant  toute  l'éternité  (2). 

Quelle  est  l'illusion  des  pécheurs  !  Ils  ne  pensent  point  que  le  plai- 
sir du  péché,  dont  ils  voudraient  toujours  jouir,  leur  échappe  vite> 
et  que  le  châtiment  du  péché,  auquel  ils  voudraient  pouvoir  se  sous- 
traire, ne  cessera  de  s'attacher  à  eux  !... 

Les  nations ,  dit  le  Psalmiste,  ont  été  englouties  dans  la  mort  qui 
est  leur  ouvrage;  leur  pied  a  été  pris  dans  les  filets  qu'elles  avaient 
tendus  :  Infixœ  sunt  gentes  in  interitu,  quem  fecerunt.  In  laqueo  isto 
quem  absconde^unt,  comprehensus  est  pes  eorum  (ix.  46).  Que  les 
impies,  s'écrie-t-il  encore ,  soient  précipités  dans  l'enfer ,  ainsi  que 
toutes  les  nations  qui  ont  abandonné  Dieu  :  Convertantur  peccatores  in 
infernum,  omnes  gentes  quœ  obliviscuntur  Deum  (  Psal.  ix.  18). 

(i)  Multi  ambulant,  quos  saupe  dicelmui  «oins,  îmuo  cmtein  et  tiens  dico,  mimico 
crucis  Christi  :  quorum  Unis  intentas  :  quorum  Deus  venter  est;  et  gloria  in  confu- 
sione  ipsorum,  qui  tcrrena  sapiunt  (ni.  18.  19). 

(2)  Mortem  time  ,  si  peccatum  non  times  :  peccatum  enira  cum  consummatum 
fuerit  ,  générât  mortem.  Nondum  times  peccatum,  time  quo  perducit  peccatum. 
Duke  est  peccatum ,  sed  amara  est  mors.  Ipsa  est  infelicitas  hominum,  propter  quod 
peccant,  inorientes  hic  dimittunt  ;  et  ipsum  peccatum  suuin  portant ,  ut  comburatin 
omnem  aeteraitatem  (  Hornil.  ad  n«?».). 


380  MORT  DU  PÉCFEÏÏR. 

La  vengeance  divine,  dit  saint  Augustin,  punit  le  pécheur  en  per- 
mettant qu'ayant  oublié  Dieu  pendant  sa  vie ,  il  s'oublie  lui-même 
à  la  mort  :  Percutitur  hac  animadversione  peccator,  ut  moriens  obli- 
vîscatur  sui,  qui ,  dum  viveret,  oblitus  est  Dei  (  Homil.  ad  pop.  ). 

Seigneur }  s'écrie  le  Psalmiste ,  vous  les  conduirez  à  l'abime  de 
la  perdition  :  Deduces  eos  inputeum  interitus  (nv.  2i). 

Voilà ,  dit  ailleurs  le  même  prophète ,  voilà  que  ceux  qui  s'éloi- 
gnent de  vous  périront  :  Ecce  qui  elongant  se  a  te,  peribunt 
(Psal.  lxxii.  27). 

Pendant  notre  vie,  disent  les  pécheurs  dans  le  livre  de  la  Sagesse, 
nous  n'avons  voulu  donner  aucune  marque  de  vertu ,  et  nous  avons 
été  engloutis  dans  notre  perversité  :  Virtutis  quidem  nullum  signum 
voluimus  ostendere;  in  malignitate  nostra  consumpti  sumus  (  v.  13). 

I  faut  se  pré-  Précaîjtionnez-vous  contre    le  jour  mauvais,  dit  l'Ecclésiaste  : 

server  de  la  " 

mort        Malum  diemprœcave  (vu.  45).  Il  faut  se  précautionner  contre  lui , 

en  évitant  le  mal  et  en  faisant  le  bien ,  comme  le  dit  le  Prophète 

royal  :  Déclina  a  malo  et  fac  bonum  (xxxvi.  27  ). 

11  ne  faut  pas  imiter  le  pécheur  aveugle  dont  le  même  prophète 

dit  :  11  n'a  pas  voulu  comprendre,  alin  de  ne  pas  s'appliquer  aux 

bonnes  œuvres  :  Noluit  intelligere ,  ut  bene  ageret  (  xxxv.  4). 


server 
mo 
Au  pécheur. 


M 


NÉANT  DE  L'HOMME. 


éditons    sur   les    questions    suivantes  :  I.  Qu'est-ce  que  quS?')  homme 

lhomme  au  point  de  vue  1°  de  son  corps  ou  de  sa  sub-  généralement 

^  r  parlant.' 

stance...;  2"  de  son  étendue...;  3"  de  sa  qualité...;  4°  de 


son  origine...  ;  il  est  fils  d'Adam  pécheur3etil  est  pécheur  lui- 
même...  ;  5°  de  ses  actions...  ;  6°  de  ses  infirmités?... 

II.  Où  est  l'homme  ?  1°  sur  la  terre ,  entre  le  ciel  et  l'enfer...; 
2°  quand  est-il  né  ?...  3°  comment  est-il  né?...  4°  combien  de  temps 
vit-il?  5°  quelle  est  sa  vie?...  6°  quand  mourra-t-il?...  7°  commens 
mourra-t-il?... 

III.  Quel  est  son  état?  Il  est  tantôt  bien,  tantôt  mal...;  tantôt, 
couché,  tantôt  debout,  tantôt  assis;  tantôt  mangeant,  tantôt  dor- 
mant ;  tantôt  riant,  tantôt  pleurant ,  etc 

IV.  1°  Quel  est  son  vêtement?...  2°  quelle  est  sa  nourriture?..; 
Qu'est-ce  que  lhomme?  le  jouet  de  l'infortune ,  l'image  de  l'm- 

constance,  un  être  où  se  voient  toutes  les  corruptions,  une  victime 
pie  le  temps  se  plaît  à  dépouiller ,  un  voyageur,  un  étranger  qu: 
passe,  la  pâture  de  la  mort,  le  but  de  l'envie  et  des  calamités 

A  quoi  l'homme  ressemble-t-il?  au  roseau,  à  une  girouette  expo- 
sée aux  vents Combien  a-t-il  de  compagnons?  quatre  :  la  chaleur 

et  le  froid,  la  sécheresse  et  la  pluie 

Six  choses  le  tiennent  continuellement  en  haleine  :  la  faim  et  la 
nourriture ,  le  repos  et  le  travail,  les  veilles  et  le  sommeil 

Ecoutez  Sénèque  :  Qu'est-ce  que  l'homme?  un  vase  brisé  et  fra- 
gile ,  un  être  nu ,  qui  a  besoin  de  secours  étrangers  et  qui  est  exposé 
à  tous  les  assauts  de  la  fortune,  la  pâture  des  animaux  féroces,  la 
victime  de  tout.  L'odorat,  le  goût,  les  veilles,  le  sommeil,  les  ali- 
ments ,  toutes  choses  dont  il  ne  saurait  se  passer,  deviennent  un 
poison  pour  lui  (  Consolât,  ad  Martiam,  c.  xi). 

L'homme ,  dit  Hippocrate,  est  exposé  à  toutes  les  maladies  dès  sa 
naissance.  Et  qu'est-ce  que  la  maladie  ,  sinon  la  voie  qui  conduit  h 
la  mort,  un  acheminement  vers  elle?  L'homme,  ajoute-t-i  .  est 
inutile  pendant  qu'il  s'instruit  et  qu'il  implore  un  secours  étian^r; 
pendant  qu'il  croît,  il  est  faible  et  dénué  de  sagesse;  dans  la 
vigueur  de  l'âge ,  il  est  audacieusement  imprudent;  dans  e  décours 
de  la  vie,  il  est  misérable  (Ita  Maxim.). 


382  NÉANT  DE  L'HOMME. 

Sachez,  dit  saint  Augustin  ,  que  vous  êtes  homme,  homme  dont 
la  conception  est  une  faute;  la  naissance,  une  misère;  la  vie,  une 
peine,  et  pour  lequel  mourir  est  une  nécessité.  Réfléchissez  donc 
avec  soin  sur  ce  que  vous  faites ,  et  sur  ce  que  vous  avez  à  faire  : 
Scito  quoniam  homo  es,  çujus  conceptio  culpa,  nasci  miseria,vivere  pœna, 
necesse  mori.  Attende  er go  sollicite  quid  agas,  vel  quid  agere  debeas 
(  Lih.  de  Spiritu  et  Anima,  n.  51  ). 

ÇU'iertc"orpsqUe  ^E  corPs  doit vous  apprendre  lui-même  ce  qu'il  est ,  dit  saint  Pierre 
de  l'homme?  Damien;  ce  qu'il  offre  après  la  mort,  il  le  montre  déjà  pendant  la 
vie  :  Quid  sitcaro,  doceat  ipsa  caro;  quodque  perhibet  mortua ,  testetur 
etviva  (Epi st. ). 

L'homme  est  de  tous  les  êtres  le  plus  misérable,  le  plus  infirme, 
ie  plus  dégoûtant,  le  plus  chargé  de  souffrances  et  de  malad'n  -.  le 
plus  corrompu  dans  ses  penchants,  celui  qui  répand  le  plus  d'infec- 
tion et  pendant  la  vie,  et  surtout  après  la  mort Aussi  saint 

Bernard  dit  :  0  homme ,  si  tu  considères  ce  qui  sort  de  ta  bouche  ,  de 
tes  narines,  et  de  toutes  les  ouvertures  de  ton  corps,  tu  n'auras 
jamais  rencontré  un  aussi  vil  fumier  :  0  homo ,  si  considères ,  quid 
per  os,  quid  per  nares  ,  cœterosque  meatus  corporis  ,  egrediatur;  nun- 
quam  vilius  sterquilinium  invenisti  (  Médit.,  c.  m). 

Qu'avez-vous  été?  dit  le  même  Père;  qu'ètes-vous?  que  BflMf- 
vous  ?  Ce  que  vous  avez  été  ?  un  vil  néant  ;  ce  que  vous  êtes  ?  un 
vase  plein  de  corruption  ;  ce  que  vous  serez?  la  pâture  des  vers: 
Quid  fuisti?  quid  es?  quid  eris?  Quid  fuisti?  sperma  fœtidum;  quid 
es?  vas  stercorum ;  quid  eris?  esca  vermium  ( Formul.  Vitae  honestae). 

Solon,  l'un  des  sept  sages  de  la  Grèce,  dit  :  L'homme ,  à  sa  nais- 
sance, est  la  faiblesse  même;  pendant  la  vie,  il  a  les  instincts  de 
/animal;  lorsqu'il  meurt,  les  vers  le  mangent  (Teste  Laertio). 

Le  corps,  ditTrismégisle,  est  un  lieu  de  corruption,  une  mort 
qui  vit,  un  cadavre  qui  a  l'usage  de  ses  sens,  un  sépulcre  qui  se 
meut,  un  voile  opaque  (Anton,  in  Meliss.  ). 

Qu'est-ce  que  le  corps,  sinon  de  la  pourriture  et  des  vers?  dit 
saint  Grégoire.  Et  quiconque  est  dévoré  de  désirs  charnels,  qu'aime- 
t-il  autre  chose  qu'un  amas  de  vers?  Car  le  tombeau  témoigne  de  ce 
qu'est  la  substance  du  corps.  Quel  est  le  parent,  quel  est  l'ami 
fidèle  qui  peut  toucher  le  cadavre  fourmillant  de  vers  de  son  ami, 
quelque  cher  que  celui-ci  lui  ait  été  (1). 

(1)  Quid  caro,  nisi  putredo  ne  venais  est?  Et  quisquis  carnalibus  desideriis  anbe- 
At,  quid  oli ud  quaui  vermem  aiuat?   Quai  enkn  sit   curai*  subslantia ,  testantuf 


NÉAXT  DE  LHOMME.  383 

Ma  chair,  dit  Job,  est  couverte  de  poussière  et  de  pourriture ,  ma 
peau  s'est  desséchée  et  s'est  contractée  :  Indutaestcaro  mea  putredine 
et  sordibus  pulveris,  cutis  mea  aruit,  et  contracta  est  (  vn.  5).  J'ai  dit 
à  la  pourriture  :  Tu  es  mon  père  ;  et  aux  vers  :  Vous  êtes  ma  m^re 
et  ma  sœur  :  Putredini  dixi  :  Pacer  meus  es  ;  mater  mea,  et  soror  mea, 
vermibus  (Job.  xvn.  14). 

Saint  Grégoire  de  Nazianze  dit  avec  raison  :  Je  ne  comprends  pas 
le  mélange  qui  est  en  moi;  je  suis  l'image  de  Dieu,  et  par  mon 
corps,  je  suis  dans  la  boue.  Mon  corps  jouit-il  de  la  santé?  il  me 
fait  une  guerre  à  mort;  je  ne  puis  le  vaincre  qu'en  lui  faisant  la 
guerre  à  mon  tour,  et  alors  il  m'accable  de  tristesse.  Je  l'aime  comme 
un  serviteur  et  un  compagnon ,  et  je  le  hais  comme  un  ennemi.  Je 
le  fuis  comme  mie  chaîne  pesante,  et  je  le  crains  parce  qu'il  adhère 
à  mon  être.  Si  je  m'applique  à  l'affaiblir  et  à  l'épuiser,  je  ne  saii 
plus  à  qui  avoir  recours  pour  les  grandes  actions  :  si,  au  contraire, 
je  le  ménage  comme  un  aide  et  un  compagnon,  il  ne  laisse  passer 
aucune  circonstance  sans  se  ruer  sur  moi  et  sans  m'éloigner  de 
Dieu;  il  me  jette  à  terre,  il  m'y  attache,  il  me  foule  aux  pieds.  Cest 
un  ennemi  candide  et  doux  en  apparence ,  et  un  ami  qui  à  chaque 
pas  me  tend  des  pièges  effrayants  et  très-dangereux.  Union  et  désu- 
nion étonnante!  0  miram  conjunctionem  et  alienalionem  !  J'embrasse 
ce  dont  j'ai  peur,  et  je  redoute  ce  que  j'aime  :  Quod  metuo,  amplector; 
quod  amo,  pertimesco.  Si  je  ne  lui  fais  pas  la  guerre,  il  m'aime,  et 
en  m'aimant  il  me  tue  :  je  me  méfie  de  lui,  et  je  n'aurai  la  paix  que 
lorsqu'il  mourra  (  Orat.  xvi  ). 

Jamais  homme  n'a  parlé  d'une  manière  plus  sensée  que  Cratès, 
lorsqu'il  disait  à  un  jeune  homme  qui  prenait  grand  soin  de  bien 
vêtir  et  de  bien  nourrir  son  corps  :  Malheureux ,  cesse  de  fortifier  à 
ton  détriment  la  prison  où  tu  es  renfermé  !  0  miser,  desine  adversus 
temetipsum  carcerem  munir e  !  (  Ita  Maxim.  ) 

Le  corps  qui  se  corrompt  appesantit  l'âme ,  dit  la  Sagesse  ;  et 
cette  habitation  terrestre  abat  l'esprit  :  Corpus  quod  corrumpitur, 
aggravât  animam;  et  terrena  habitatio  deprimit  sensum  (rx.  15).  Le 
Roi-Prophète  avait  bien  compris  cette  vérité ,  lorsqu'il  disait  :  Sei- 
gneur, mon  être  est  devant  vous  comme  le  néant  :  Substantia  mea 
tanquam  nihilum  ante  te  (xxxvm.  6). 

Dieu,  dit  la  Genèse,  forma  l'homme  du  limon  de  la  terre: 
Formavit  Dominus  Deus  hominem  de  limo  terra?  (ii.  7).  Le  corps  se 

sepulera.  Qui*  parentum,  quis  amicorum  fidelium,  qnarolibet  dilecti  sui ,  tangere 
carnem  scaturientem  vermibus  potest?  {Moral.,  lib.  XVI). 


384  NÉANT  DE  L'HOMME. 

ressent  toujours  de  son  origine;  tiré  de  la  boue  ,  il  voudrait  s'y  vau- 
trer constamment 

Celui  qui  habite  sous  une  tente  ,  éprouve  beaucoup  de  misères , 
d'incommodités  et  de  besoins,  il  manque  de  lit  et  de  siège  et  souvent 

de  couverture  et  de  rafraîchissements L'âme  subit  les  mêmes 

épreuves  sous  l'abri  du  corps,  qui  n'est  qu'une  tente,  selon  l'expres- 
sion de  l'Ecriture.  Et  comme  une  tente  est  exposée  à  la  pluie ,  aux 
vents ,  aux  injures  de  l'air ,  aux  accidents  du  voyage  et  du  combat, 
ainsi  en  est-il  de  notre  corps 

Le  tyran  Mézenze  faisait  lier  à  des  personnes  vivantes  des  cada- 
vres déjà  corrompus,  afin  de  leur  infliger  un  horrible  supplice. 
Voilà  à  peu  près  quelle  est  la  triste  position  de  l'àme  vis-à-vis  du 
corps 

n'e.'/ que  Ecoute  ,  ô  mon  âme,  ce  que  tu  es,  dit  Hugues  de  Saint-Victor  ;  tu  es 
misère  et  que  chargée  de  péchés,  les  filets  du  vice  t'arrêtent,  t'enveloppent;  séduite 
par  les  caresses  des  sens,  tues  attachée,  enchaînée  aux  membn  s  de 
ton  corps ,  déchirée  de  soucis ,  tirée  en  sens  contraire  par  les  affaires, 
pressée  par  la  crainte,  accablée  de  douleurs,  livrée  à  l'erreur, 
tourmentée  par  les  soupçons,  fatiguée  par  les  sollicitudes,  étrangère 
sur  une  terre  ennemie  et  souillée  par  tes  relatious  avec  des  morts 
(De  Spiritu  et  Anima  ). 

Je  comptais  autrefois  sur  ma  force,  dit  saint  Augustin,  et' je 
n'étais  que  faiblesse  :  lorsque  j'ai  voulu  courir,  m'en  croyant  capa- 
ble, c'est  alors  que  je  suis  tombé  le  plus  promptemenx.  Plus  j'ai  cru 
pouvoir  par  moi-même ,  moins  j'ai  toujours  pu  :  Quod  maçjis  credïdi 
passe  per  me,  minus  semper  potui.  Je  disais  :  Je  ferai  cela,  j'achèverai 
cette  affaire,  et  je  ne  faisais  ni  l'un  ni  l'autre.  Avais-je  la  volonté, 
je  n'avais  pas  le  pouvoir  d'agir;  et  lorsque  j 'avais  ce  pouvoir,  la 
^Olonté  me  manquait ,  parce  que  je  me  confiais  à  mes  forces  : 
A'derat  voluntas,  nonerat  fncultas;  aderat  facilitas,  non  erat  voluntas  : 
quia  de  meis  viribus  con/idebam.  Maintenant,  je  le  confesse,  ô  mon 
Dieu  ,  l'homme  ne  doit  pas  s'appuyer  sur  ses  forces  qui  ne  sont  que 
faiblesse;  car  il  ne  lui  appartient  pas  de  vouloir  ce  qu'il  peut,  ni  de 
pouvoir  ce  qu'il  veut,  ni  même  de  connaître  ce  qu'il  veut  et  ce  qu'il 
peut.  Vous  seul,  ô  Seigneur,  savez  diriger  ses  pas.  C'est  par  vos 
forces,  et  non  par  les  nôtres,  que  nous  pouvons  vaincre  nos  ennemis. 

ïaaouffranca    La  douleur  naît  avec  nous,  et  elle  nous  accompagne  jusqu'au  tom- 
d*  mimiiie.    beau,  lit  Ménandré  (Stob.,  serm.  lxxxix). 


NÉANT   DE   ï/H  CIME.  385 

La  vie  d'ici-bas  est  pleine  de  tant  de  maux  que,  mise  en  regard, 
la  mort  paraît  plutôt  un  remède  qu'un  châtiment,  dit  saint 
Àmbroise  {De  Offlc). 

Salomon,  ce  grand  roi  qui  avait  en  abondance  tous  les  biens  que 
l'on  peut  trouver  sur  la  terre,  dit  dans  le  livre  de  la  Sagesse  :  Et  moi 
aussi  je  suis  homme  mortel  semblable  à  tous ,  et  de  la  race  de  celui 
qui  le  premier  naquit  de  la  terre.  A  ma  naissance ,  j'ai  respiré  l'air 
commun  à  tous,  j'ai  été  déposé  sur  une  terre  où  je  devais  trouver 
d'égales  douleurs;  et  comme  il  arrive  à  tous  les  enfants ,  mes  pre- 
miers accents  ont  été  des  pleurs  :  Primam  vocem ,  similis  omnibus, 
emisi , plorans  (vu.  J-3). 

L'enfant ,  dit  saint  Augustin,  pressent ,  et  sans  le  savoir  prophé- 
tise les  mille  tribulations  qui  l'attendent,  et  déjà  il  les  déplore  : 
In  fans  pressentit ,  quasi  inscius,  et  prophetat  mille  vitœ  œrumnas  sibi 
subeundas ,  quas  déplorât  (Lib.  de  Spiritu  et  Anima).  Voilà  pourquoi 
Jérémie  s'est  écrié  :  Maudit  soit  l'homme  qui  est  venu  dire  à  mon 
père  :  Un  fils  vous  est  né,  et  qui  l'a  comblé  de  joie  !  Maudit  soit  le 
jour  de  ma  naissance  !  Qu'aucune  bénédiction  ne  tombe  sur  le  jour 
où  ma  mère  m'a  enfanté  !  (xx.  1-4.  15.) 

Pour  avoir  une  juste  idée  des  souffrances  auxquelles  l'homme  est 
sujet,  il  faut  visiter  les  hôpitaux»  les  prisons,  etc 

L'entrée  et  la  sortie  de  la  vie  sont  les  mêmes  pour  tous,  dit  la    „Comb!e", 

r  '  l'orgueil  de 

Sagesse  :  Unus  introitus  est  omnibus  ad  vitam,  et  similis  exitus  (  vu.  C>).    l'homme  est 
Vous  brillez  par  les  richesses,  dit  saint  Augustin,  et  vous  vous    suVtoiiWi'ia 
vantez  de  la  noblesse  de  vos  ancêtres;  vous  vous  enorgueillissez  de      vumolrct  la 
votre  patrie,  de  la  beauté  de  votre  corps,  des  honneurs  que  les 
hommes  vous  rendent  :  regardez-vous  vous-même;  vous  êtes  mor- 
tel, formé  de  terre,  et  vous  retournerez  à  la  terre.  Considérez  ceux 
qui,  avant  vous,  ont  joui  des  mêmes  prérogatives  que  vous.  Où  sont 
les  hommes  dont  on  enviait  la  prétendue  grandeur?  Où  sont  les 
empereurs  invincibles?  où  sont  ceux  qui  composaient  les  assemblées 
de  la  noblesse  et  qui  donnaient  des  fêtes?  Où  sont  les  chevaliers  intré- 
pides, les  généraux  d'armée,  les  gouverneurs  de  province  ?  Mai;  te- 
nant tout  cela  est  poussière  et  cendre  :  leur  mémoire  est  en  ou1  li. 
Ouvrez  les  tombeaux,  et  voyez  quel  est  le  servi;     :   et  q 
maître,  quel  est  le  pau\  ré  et  piel  est  le  riche?  Distinguez,  si  vous  le 
pouvez,  le  roi  du  Le  foi  le,  l'homme  doué  de  beau! 

nain  et  du  crétin.  Souvenez-vous  donc  de  votre  pour  ne 

jamais  vou.-  e .    i gueillir  ;  et  ce  néant  vous  ne  l'oublierez  plis  si 
m.  ** 


386  NÉaxt  TE  i/ii  iMMBi. 

vous  considérez  attentivement  vous-même  {Sentent.,  sentent,  ult.). 
Mes-  jours,  dit  le  Roi-Prophète,  ont  décliné  comme  l'ombre,  et  moi 
/ai  séché  comme  l'herbe  :  Dies  mei  sicut  umbra  dedinaverunt,  et  ego 
sicut  fœnv.m  arui  (ci.  12). 

Nous  sommes  un  peu  de  poussière,  une  ombre,  un  nuage  qui 

passe;  nous  ne  sommes  rien Tu  es  poussière,  et  tu  retourneras 

en  poussière,  dit  le  Seigneur  à  Adam  coupable,  et  dans  sa  personne, 
à  tous  ses  descendants  :  Pulvis  es,  et  in  puluerem  reverteris  (Gen.  m. 
19).  Tous  les  hommes  ne  sont  que  terre  et  cendre,  dit  l'Ecclérias- 
tique  :  Omnes  hommes  terra  et  cinis  (xvn.  31  ).  La  poussière  ou  la 

terre  signifie  l'origine  de  l'homme,  et  la  cendre,  sa  fin Il  ne  nous 

reste  ici-bas  que  le  tombeau,  pouvons-nous  dire  avec  Job  :  Sohun 
mild  superest  sepulcrum  (xvn.  \  ). 

Que  notre  vanité  grandisse  donc  à  la  vue  de  notre  néant  ;  pensons 
et  persuadons-nous  que  nous  sommes  quelque  chose  de.  grandi 
Si  nous  voulons  vivre  d'erreur,  nous  pouvons  nous  nourrir  d'or- 
gueil!... 

:  homme  est    Si  l'homme,  dit  saint  Bernard,  échappe  à  une  tentation,  uno  an 
■  :,■  "tcuutions.  l'assaille.  La  vanité  l'attaque,  la  curiosité  le  conduit,  la  convoitise 

sollicite,  la  volupté  le  séduit,  la  luxure  le  souille.  L'envie  le  tour- 
mente, la  colère  l'agite,  la  tristessele  déchire.  Ainsi,  par  des  chutes 
déplorables,  il  se  plonge  dans  tousles  vice-.  El  cela  pourquoi?  parce 
qu'il  a  abandonné  Dieu,  qui  seul  pouvait  lui  suffire  :  Quoniam  unum 
Deum,  qui  ei  sufficcre  poterat,  dimisit.  Il  s'occupe  de  mille  choses  ;  il 
cherche  çà  et  là  de  quoi  se  reposer  et  ne  trouve  rien  qui  puisse  le 
satisfaire,  jusqu'à  ce  qu'il  retourne  à  Dieu.  Il  va  de  pensée  en  pen- 
sée, pour  trouver  la  paix;  il  varie  selon  ses  occupations,  ses  alléc- 
tions  et  ses  tentations;  mais  la  paix  lui  échappe  ,  parce  qu'il  ne  la 
cherche  pas  où  elle  est.  Le  démon  le  tente  le  monde  l'aveugle,  la 
concupiscence  le  presse.  Au  dehors  des  combats,  au  dedans  des 
craintes  (De  Tentât.). 

Toutes  ces  tentations  ne  sont-elles  pas  l'indice  de  la  miscro  et  du 
néant  de  l'homme  ? 

De  son  fonds    Nous  ne  sommes  point  suffisants,  dit  saint  Paul,  pour  produire  par 

'  !'•' "i'è""ecii6.  nous-mêmes  et  comme  de  nous-mêmes  quoi  que  ce  soit  en  notre 

esprit  ;  mais  notre  sullisance  est  de  Dieu  :  Non  sumus  sufflcientes  cogir 

tare  aliquid  a  nobis  quasi  ex  nobis;  sed  sufficientia  nostra  ex  Deo  est 

Ul.  Cor.  m.  5). 


NÉANT  DE  L'HOMME.'  387 

Sans  moi,  dit  J.  C,  vous  ne  pouvez  rien  faire  :  Sine  me  nihil  pote- 

ttisfacere  (Joann.  xv.  5).  Voila  la  mesure  de  nos  forcespour  le  b;en 

Mais  l'homme  qui  ne  peut  faire  le  bien  par  lui-même,  peut  faire  le 
mal,  et  le  fait  souvent.  C'est  même  de  son  propre  fonds  seul  que  sort 
le  mal;  car  c'est  sa  volonté  qui  engendre  tous  les  péchés.  Le  mal  er| 
l'œuvre  de  l'homme;  il  lui  appartient 

Personne,  dit  saint  Augustin,  n'a  de  son  propre  fonds  autre  chosa 
que  le  péché  et  l'erreur  :  Ncmo  habet  de  suo,  nisi  peccatum  et  menda- 
cium  (Sentent.,  num.  cccxxxn). 

Pour  que  l'homme  puisse  faire  le  bien,  il  faut  que  Dieu  soit  avec 
lui  ;  mais  il  fait  le  mal  tout  seul  ;  et  c'est  parce  qu'il  est  seul  et  qu'il 
n'est  pas  avec  Dieu,  qu'il  fait  le  mal 

0  homme,  dit  saint  Bernard,  si  tu  te  voyais,  tu  ne  te  complairais 
pas  en  toi-même,  et  tu  plairais  à  Dieu;  mais  parce  que  tu  ne  te  vois 
pas,  tu  te  complais  en  toi-même,  et  tu  déplais  à  Dieu.  Viendra  le 
temps  où  tu  ne  plairas  ni  à  Dieu  ni  à  toi;  tu  ne  plairas  pas  à  Dieu, 
parce  que  tu  as  péché  ;  tu  te  déplairas  à  toi-même,  parce  que  tu  seras 
plongé  dans  les  flammes  éternelles  (1). 

Si  quelqu'un  pense  être  quelque  chose,  tandis  qu'il  n'est  rien,  il  L'homme 
s'abuse  lui-même,  dit  saint  Paul  :  Si  quis  existimat  se  aliquid  esse,  n'es't  riejl; 
cum  nihil  sit,ipse  se  seducit  (Gai.  vi.  3). 

Vanité  des  vanités,  tout  est  vanité,  dit  l'Ecclésiastique  :  Vanitas 
vanitatum,  et  omnia  vanitas  (  i.  2  ). 

L'homme,  dit  Sophocle,  est  un  fantôme  et  une  ombre  légère  : 
Est  simulacrum  et  tenuis  timbra  (Anton,  in  Meliss.  ).  L'homme  est  le 
rêve  d'une  ombre,  dit  Pindare  (Anton,  in  Meliss.  ). 

L'homme,  selon  l'expression.  d'Isaïe,  est  une  goutte  de  rosée,  un. 
brin  d'herbe,  une  fleur,  le  grain  de  sable  qui  suffit  pour  faire  pen- 
cher la  balance,  un  néant.  C'est  la  réunion  de  toutes  les  vanités,  dit 
le  Psalmiste  :  Universa  vanitas  omnis  homo  vivens  (xxxvin.  6). 

L'homme  disparait  avec  la  rapidité  du  courrier  qui  porte  une 
nouvelle,  du  navire  dont  le  vent  gonfle  les  voiles,  de  l'oiseau  qui 
vole,  de  la  ïièche  lancée  au  but.  Telles  sont  les  comparaisons  dont 
se  sert  l'Ecriture  pour  peindre  le  peu  de  durée  des  choses  de  la  terre 
la  vie  de  l'homme  (  Sap.  v.  9-13).  Il  est  poussière  et  o<  n  e 
dit  la  Genèse  (xvm.  27). 

(])  O  homo,  si  te  videres,  tibi  displiceres,  etmihi  placerps;  sed  quia  te  non  vides 
libi  places,  et  mihi  displices.  Veuiet  tempns,  cum  ;iee  mihi,  nec  tibi  ulacebis  :  mihi 
quia  ueccasti;  tibi,  ^uia  iu  sternum  aivebis  (  6er,n.  in  Cant.). 


388  NEANT  DE  i/HOMME. 

Comme  le  nom  de  Dieu  est  l'être  :  Je  suis,  dit-il,  celui  qui  suis; 
c'est  mon  nom  dès  l'éternité  :  Ego  sum  qui  sum  ;  hoc  nomen  mihi  est 
in  œternum  (Exod.  in.  44. 45)  ;  le  nom  des  créatures  est  le  non-être, 
le  néant.  Si  la  terre,  l'homme  et  l'ange  étaient  interrogés,  et  qu'on 
leur  demandât:  Qui  êtes- vous  ?  comment  vous  appelez-vous?  Ils 
pourraient  et  devraient  répondre  :  Nous  sommes  néant,  notre  nom 
est  néant.  Pourquoi?  parce  que,  1°  toute  chose  créée  ,  avant  de 
l'avoir  été ,  était  néant  ;  2°  parce  que  si  elle  est  corruptible  et  péris- 
sable, elle  sera  de  nouveau  néant;  et  que  si  elle  est  incorruptible, 
comme  l'ange,  elle  peut  néanmoins  être  rendue  au  néant.  En 
effet,  son  être  est  au  pouvoir  de  Dieu,  qui  le  lui  conserve  libre- 
ment ,  et  qui  peut  à  tout  instant  le  lui  ôter;  3»  parce  que,  tandis 
qu'elle  existe,  elle  est  variable  et  changeante,  et,  par  conséquent, 
mêlée  avec  le  néant;  car  tout  changement  renferme  une  sorte  de 
négation  d'être;  4°  parce  que  tout  ce  qui  est  créé  tient  plus  du 
néant  que  de  l'être.  Par  exemple,  l'homme  a  seulement  l'être 
d'homme  ;  mais  considéré  comme  terre,  ciel,  ange,  etc. ,  il  est 
néant,  c'est-à-dire  que  son  être  est  étranger  à  celui  des  créatures 
dont  nous  venons  de  parler  et  de  toutes  les  autres  créatures. 
L'homme  a  donc  un  seul  mode  d'existence  et  un  grand  nombre  de 
non-être. 

Combien  est  sage  celui  qui  sait  que  son  être  ne  lui  appartient  pas! 
Saint  Jean-Baptiste  avait  cette  précieuse  connaissance  ;  car  lorsqu'un 
lui  demanda  :  Etes-vous  le  Christ?  êtes-vous  un  prophète?  Non, 
répondit-il;  je  ne  suis  qu'une  voix  qui  crie  dans  le  désert  (Joann.  i. 
20.  21.23). 
Vantez-vous,  hommes  orgueilleux ,  répétez  :  Je  suis  ceci,  je  suis 

cela Vous  mentez,  vous  n'êtes  rien 

Nous  pouvons  tous  dire  avec  vérité:  De  moi-même  je  ne  suis 

rien,  je  ne  sais  rien,  je  ne  puis  rien,  je  ne  vaux  rien Voilà  ce 

que  vous  êtes.  Venus  du  néant,  vos  œuvres  sont  stériles,  dit  Isaïe  : 
Ecce  vos  estis  ex  nihilo,  et  opus  vcstrum  ex  eo  quod  non  est  (  xli.  24  ). 

Lève-toi,  dit  le  Seigneur  à  Jérémie,  et  descends  dans  la  maison 
d'un  potier,  et  là  tu  entendras  mes  paroles.  Et  je  descendis,  et  le. 
potier  faisait  un  vase  d'argile  sur  sa  roue,  et  le  vase  se  brisa  dans 

sa  main (xvin.  2-4.  )  Dieu  nous  ordonne  à  tous  de  descendre 

dans  la  maison  du  potier,  afin  de  voir  quelle  a  été  notre  origine  et 

quel  est  notre  néant 

Parce  que  nous  avons  livré  une  fois  notre  esprit  à  l'orgueil,  dit 
saint  Grégoire,  nous  portons  chaque  joui-  une  boue  inii  d^jj  va: 


chose. 


NÉANT  DE  i/HOMME.  3S0 

Quia  elatwn  semé!  sumpsimus  spiritum,  ccce  defluens  quotidie  portamm 
lutum  (Lib.  Moral.). 

On?  celui-là  qui  comprend  son  néant  dompte  sa  chair  par  les  jeûnes    Ce  qu'il  i.-.i, 

~  r  .  faire  pont- 

et les  mortifications;  qu'il  imite  samt  Paul  :  Je  chahe  mon  corps,    être  quelqu 

dit  cet  apôtre,  et  je  le  réduis  en  servitude  :  Castigo  corpus  meum,  et 

in  servitutem  redigo  (T.  Cor.  ix.  27).  Qu'il  humilie  son  esprit,  en  se 

rappelant  que,  selon  le  témoignage  du  prophète  Michée,  il  porte 

en  lui  tous  les  motifs  d  humiliation  :  Humiliatio  tua  in  medio  tui 

(vi.  1-i). 

Rien,  dit  saint  Grégoire,  n'est  aussi  capable  de  vaincre  la  chair  et 
le  péché,  que  de  considérer  l'état  auquel  la  mort  réduit  ce  que  nouï 
aimons  plein  de  vie.  L'Ecriture  dit  avec  raison  que  le  voluptueux, 
en  aimant  la  volupté,  aime  les  vers  ;  car  celui  qui  brûle  de  désirf 
impurs,  brûle  pour  un  amas  de  pourriture  infecte  (Lib.  XVT  Moral.). 

Le  tombeau ,  la  poussière  et  les  vers  ,  voilà  ce  qui  attend 
l'homme,  ce  néant  révolté;  voilà  ce  qui  peut  lui  servir  de  remède 
et  l'aider  à  devenir  quelque  chose.  Que  l'homme  travaille,  dit  Bos- 
su et,  à  s'accroître,  à  se  multiplier  dans  ses  titres,  ses  possessions,  ses 
vanités,  il  ne  faut  toujours  pour  l'abattre  qu'une  seule  mort.  Mais 
il  n'y  pense  pas,  et  dans  sa  vanité  il  ne  s'avise  jamais  de  se  mesurer 
à  son  cercueil,  qui  seul  néanmoins  le  mesure  au  juste. 

A  Fane,  dit  l'Ecriture,  l'herbe,  la  verge  et  le  fardeau;  à  l'esclave 
le  pain,  la  punition  et  le  travail  :  Cibaria,  et  virga,  et  onus  asino; 
panis,  et  disciplina,  et  opus  servo  (  Eccli.  xxxin.  25).  La  bête  de  somme 
et  l'esclave  de  l'âme  c'est  le  corps,  auquel  on  doit,  par  conséquent, 
trois  choses  :  une  nourriture  ordinaire,  la  flagellation,  et  une  occu- 
pation continuelle  et  pénible 


NEa:>t  ur  TtfONDE. 


••,.  --'e.' 


monde  eri  "W  Tors  métrez  votre  espoir  clans  l'argent,  von»  vous  livrez  à  la 
%/  vanité ,  »  lit  saint  Augustin;  vous  mettez  votre  espoir  dans 
T  l'honneur,  vous  vous  livrez  à  la  vanité;  vous  mettez  votre 
espoir  dans  quelque  ami  puissant ,  vous  vous  livrez  à  la  vanité. 
Pendant  que  vous  espérez  en  toutes  ces  choses ,  ou  vous  mourez  et 
vous  les  laissez  ici-bas;  ou,  si  vous  vivez,  elles  périssent  et  vous 
défaillez  dans  votre  espoir.  Isaïe  rappelle  cette  vanité  ,  quand  il  dit  : 
Toute  chair  est  comme  l'herbe ,  et  toute  sa  gloire  comme  la  fleur 
des  champs  :  l'herbe  s'est  séchée  et  la  fleur  est  tombée  (I). 

Ecoutez  saint  Grégoire  de  Nazianze  :  Que  suis-je?  où  étais-je  avant 
de  naître?  que  deviendrai-je?  Le  chemin  de  cette  vie  est  semé  d'af- 
flictions; il  n'y  a  parmi  les  hommes  aucun  bien  réel  et  solide;  tout 
est  plein  d'imperfections.  Les  richesses  sont  un  piège;  le  faste  d.'s 
grandeurs  et  la  pompe  des  trônes  les  plus  élevés  sont  une  sorte  de 
v.'\e.  Etre  forcé  de  se  soumettre  à  un  autre  est  pénible;  la  pauvreté 
rend  esclave,  la  beauté  ne  dure  qu'un  jour  et  disparait  comme 
l'éclair.  La  jeunesse  n'est  rien;  la  vieillesse  est  le  triste  déclin  de  la 
vie.  Les  paroles  passent  et  s'évanouissent  ;  1  <  -t  une  fumée; 

la  noblesse,  un  sang  vieilli;  laforce  nous  est  commune  avec  le  pan- 
;  le  mariage  est  un  esclavage  ;  les  places  publiques  sont  L'école 
;  le  repos,  une  marque  de  faiblesse;  le  travail,  une  peine; 
une  partie  des  navigateurs  périt,  et  la  patrie  elle-même  peut  devenir 
un  gouffre.  Dans  le  monde,  tout  est  embarras,  vanité,  indigence, 
fausseté.  Tout  est  crainte,  joie  menteuse,  ombre,  rosée,  souille  qui 
■  ',  course  rapide,  vapeur  qui  se  dissipe,  rêve,  flot  inconstant, 
navire  entraîné  par  le  vent,  vestige  qui  s'efface,  poussière.    Qu'il 
oie,  qu'il  se  lève,  qu'il  aille,  qu'il  \ienne,  qu'il  tourne,  qu'il 
tombe,  tout  homn     i         ichainé  au  temps  qui  s'envole;  il  e 
jouet  du  jour,  de  la  nuit,  des  travaux,  des  chagrins,  des  maladies, 
des  calamités  et  de  la  mort  (  De  Vitœ  itiner.  ). 

(1)  Spcrasin  peennia,  observas  vnnilatem  ;  speras  in  honore,  observas  vanitatom; 
i  polcnlc,  «!>  .  In  lus  omnibus,  cuin  speras,  aut 

tu  expiras,  ete&hic  dimittis:  aut,  cum  vivis,  omnia  pereunt,  et  in  spe  tua  de 
Islam  \anitatcm  commémorât  Isaiat .  dicen    :  Omnis  naro   fœnum  ,  et  omnis  gloria 
«ius  quasi  Dos  agri ;  aruit  [ioentUB,  et  ilos  ejus  ilccidit  (Lia.  Civit.  ). 


NÉANT  DC   MONDE.  391 

0  homme ,  que  dites-vous?  s'écrie  saint  Chrysostome.  Appelé  au 
royaume  du  Fils  de  Dieu ,  vous  demeurez  dans  la  torpeur  !  Nous 
partageons  le  sort  des  oiselets  paresseux  qui  veulent  toujours  reste» 
dans  leur  nid;  plus  ils  y  demeurent,  plus  ils  deviennent  faibles;  car 
la  vie  présente  est  une  sorte  de  nid  fait  de  brins  de  paille  et  de  boue. 
El  si  vous  me  montrez  de  magnifiques  édifices,  et  même  les  pair'- 
des  rois  qui  resplendissent  d'or  et  de  pierres  précieuses,  je  ne  mettrai 
aucune  différence  entre  eux  et  les  nids  d'hirondelles.  L'hiver  venu , 
tous  tombent  également  d'eux-mêmes  (1). 

Toutes  les  félicités  du  siècle,  dit  saint  Augustin,  ressemblent 
aux  rêves  qu'on  fait  pendant  le  sommeil.  Celui  qui  compte  ses  trésors 
en  songe,  se  croit  riche;  mais  à  son  réveil  il  ferra  fa  pauvreté: 
ainsi  en  sera-t-il  des  hommes  qui  se  réjouissent  des  vanités  du  siècle. 
S'ils  ne  s'éveillent  pas  maintenant  que  ce  réveil  leur  serait  utile ,  ils 
se  réveilleront  un  jour  malgré  eux.  Réveillez-vous  donc,  secouez  le 
sommeil  qui  s'est  emparé  de  vous  (2). 

Voilà  que  ce  monde  tant  aimé  s'enfuit,  dit  saint  Grégoire;  voilà 
qu'il  sèche  en  lui-même,  et  cependant  il  fleurit  encore  dans  no? 
cœurs!  Ecce  mundus  qui diligitur,  fugit ;  ecce  jam  mundus  in  seip.o 
cruit,  et  adhuc  in  cordibus  noslris  floret  !  (  Homil.  xxxvn  in  Evang.  ) 
Tous  ceux  qui  aiment  le  monde  sont  des  chercheurs  de  bagatelles, 
dit  le  vénérable  Bède  :  Omnes  amatores  mundi ,  omnes  inquisitores 
nugarum  (Collectan.  ). 

Vanité  des  vanités,  dit  l'Ecclésiaste;  vanité  des  vanités,  et  tout  est 
vanité  :  Vanitas  vonitatinn,  et  omnia  vanitas  (i.  2).  Qu'est-ce  que 
l'homme  a  de  plus  de  tout  le  travail  qu'il  accomplit  sous  le  soleil  ? 
Qvid  habet  amplius  homo  de  universo  labore  suo,  quo  laborat  sub  sole? 
(i.  3.  )  Cette  sentence,  qui  paraît  vraie  pendant  la  vie,  plus  vraie 
au  dernier  moment,  devient  incontestable  après  la  mort.  L'impie, 
le  mondain,   se  consument  dans  la  peine  sous  le  soleil,  et   ils 


(1)  Quîs  dicis,  homo?  Adregnum  vocatus  Filii  Dei ,  torpes?  Nunc  vero  idem  pati- 
mur  quod  evpnit  et  aviutii  pullis  pigrescentibus.  semperque  in  nido  manere  cupien- 
tibus.  Illœ  qvianto  diutius  ha?serint,tantoredduntur  imbecilliores.Nidiis  enimq  i 

est  pressens  hacc  vila  ex  festucis  et  luto  compactus.  Et  si  magnificas  milii  ostendero 
a-dos.  etiam  ipsas  regias  auro  multo  et  lapidibas  pretiosis  splendidas;  nihil  lamen  illas 
ab  liirundinum  nidis  differre  putabo.  Ingrueniecnim  hieme  cadunt  omnia  sponte  sn» 

(2)  Omnes  islae  félicitâtes  qure  videntur  seculi,  somnia  sunt  dormientium.  Et  quo- 
modo  qui  videt  thésaurus  in  somnis,  dormions,  dives  est  ;  sed  evigilabit ,  et  pauper 
erit  :  sic  omnia  ista  vana  Inijus  seculi.  de  quihus  homines  gaudent.in  somno  gandent. 
Evigilabun!  quando  noient,  si  non  modo  vigilant,  nuando  utile  est.  Evigila  ,  excute 
somnum  {In  Psal.  cxxxi). 


392  NÉANT  DU   MONDE. 

se  préparent  rie?  tourment?  éternels.  L'homme  sage  et  pieux,  au 
contraire,  travaille  clans  une  région  supérieure  à  celle  qu'occupe  le 
roi  des  astres;  car  amassant  dos  bonnes  œuvres  et  les  mérites  des 
vertus,  il  place  son  trésor  dans  le  ciel,  vit  de  Dieu,  et  reçoit  de  lui 
la  vie  éternelle. 

Il  y  a,  dit  le  vénérable  Bède,  sept  choses  qu'on  ne  trouve  pas  dans 
le  monde,  ce  qui  prouve  sa  pauvreté  et  son  néant  :  la  vie  sans  la 
mort,  la  jeunesse  sans  la  vieillesse,  la  lumière  sans  les  ténèbres,  la 
joie  sans  la  tristesse,  la  paix  sans  la  discorde,  la  volonté  sans  la  résis- 
tance, un  royaume  sans  changement  (1). 

Or,  ôtez  du  milieu  du  monde  la  certitude  de  la  vie,  la  jeunesse, 
la  lumière,  la  joie  et  la  paix  sans  altération,  la  possibilité  de  faire  sa 
volonté,  la  stabilité  de  l'ordre,  que  reste-t-il?  rien,  sinon  le  trouble 
«t  le  malheur. 

Je  regarde,  dit  Barlaam,  les  années  pendant  lesquelles  j'ai  servi  le 
monde,  comme  des  années  passées  dans  la  mort  plutôt  que  dans  la 
vie  :  Reliquos  quibus  servivi  mundo  annos,  non  vitœ,  sed  mortis  com- 
puto  (Anton,  in  Meliss.). 

Oh!  que  le  Prophète  royal  jugeait  sagement  du  monde,  lorsqu'il 
disait  :  Seigneur,  détournez  mes  yeux  pour  qu'ils  ne  s'arrêtent  pas 
à  la  vanité  :  Averte  oculos  meos,  ne  videant  vanitatem  (cxvin.  37). 

Vanité  des  vanités,  tout  est  vanité  :  Yanilas  vanitatum,  et  omnia 
vanitas  (Eccle.  i.  2). 

Si  les  riches  et  les  puissants  pesaient  cette  sentence,  dit  saint  Chry- 
sostome,  ils  l'écriraient  sur  tous  les  murs,  sur  Leurs  vêtements, dans 
la  place  publique,  dans  leur  maison  et  sur  les  porte  ;  car  il  y  a  beau- 
coup de  faces  à  toutes  choses  et  beaucoup  de  fausses  apparences  qui 
trompent  ceux  qui  ne  sont  pas  sur  leurs  gardes.  Il  faut  donc  chaque 
jour  s'incliner  devant  ce  vers;  il  faut  que  dans  les  repas  et  dans 
les  réunions  chacun  dise  à  son  voisin  :  Vanité  des  vanités,  et  tout  o.-t 
vanité  (2). 

Vanité,  c'est-à-dire  ombre  fugitive,  chos  •  qui  no  rassasie  pas  le 
désir,  qui  est  de  nui  prix,  et  pleine  de  néant.  Tout  ce  qu'il  y  a  dans 

(l)  Septem  sunt  quœ  non  invoniuntur in  hoc  mundo:  vita  sine  morte,  juventits 
sine  scncclute,  ln\  sine  tenebris,  gaudium  Bine  Iristi  ia,  pax  sine  discordia,  roi  tas 
sine  injuria,  regnum  sine  commulalione  (  (' 

(i,  ilunc  versiculum  qui  in  potentia  rersantur,  in  parielibus  omnibus, 

et  in  vci-tibus  sui  .   in  doino  ,   in  ingrassibus; 

muluB  sunt  rerum  faciès,  multse  imagines  falsœ,  quaî  decipiui  or- 

tel  nuotiJw  Balutarecarm.cn,  et  in  prandiis,  et  in  conventu,  unumquem  pie  proximq 
•uo  ca  ici''  •  quia  vanitas  vauilii'        |  |  înni.i  \anitas  {Para/net.  ad  Euttop. )■ 


neà>:t  du  monde.  393 

le  monde  est  de  peu  de.  durée,  de  peu  de  valeur,  futile,  changeant, 
sujet  à  la  corruption,  faux  et  séduisant. 

Tout  ce  qu'il  y  a  dans  le  monde  est  appelé  par  l'Ecriture  vanité, 
des  vanités,  pour  trois  raisons  principales  :  1°  parce  que  toute  créa- 
ture comparée  à  Dieu,  au  Créateur,  qui  est  l'océan  de  l'être  et  de 
toute  perfection,  est  comme  un  néant...  ;  2°  parce  qu'aucune  chost 
créée  ne  peut  rendre  l'homme  heureux,  ni  rassasier  ses  désirs  qui 
sont  immenses...  ;  3°  parce  que  l'homme,  dans  sa  folie,  ahuse  de 
toutes  les  choses  créées  pour  la  vanité  ,  c'est-à-dire  s'en  sert  pour 
satisfaire  ses  vaines  concupiscences,  qui  le  conduisent  rapidement  â 
la  mort  temporelle  et  étemelle 

Les  riches  du  monde  ont  dormi  leur  sommeil,  dit  le  Psalmiste,  eJ 
tous,  au  réveil  (au  réveil  de  la  mort),  n'ont  rien  trouvé  dans  leurs 
mains  :  Dormierunt  somnum  suum,  et  nihil  invenerunt  omnes  viridivi. 
tiarum  inmanibus  suis  (lxxv.  6). 

Les  pensées  des  mortels,  dit  Phi  Ion,  ressemhlent  aux  rêves  ;  eliei 
vont,  elles  viennent,  elles  se  présentent,  elles  s'éloignent  ;  on  vem 
les  saisir,  elles  ont  fui  (Lib.  I  de  Joseph.). 

Ne  vous  mettez  pas  à  la  poursuite  des  choses  vaines,  dit  l'Ecriture  : 
Nolite  declinare post  vana  (I.  Reg.  xn.  21  ).  En  comparaison  des  bien? 
éternels,  tout  est  vain,  dit  saint  Grégoire,  même  les  biens  temporels; 
car  tout  ce  qu'il  y  a  d'heureux,  d'agréable,  de  grand,  de  prospère 
dans  le  siècle,  est  certainement  vain,  puisqu'on  se  Je  procure  diffici- 
lement, et  qu'on  le  perd  vite.  Les  grandeurs  du  monde  s'écroulent 
soudain,  ses  beautés  passent,  son  bonheur  et  sa  prospérité  s'éva- 
nouissent. Au  moment  où  l'on  voit  le  monde  entouré  de  toutes  ses 
fleurs  prodiguer  ses  caresses,  un  accident  soudain  le  jette  dans  le 
trouble,  ou  la  mort  rapide  le  renverse  et  l'enferme  dans  le  tombeau. 
Les  joies  du  monde  sont  donc  vaines,  elles  qui  flattent  ceux  qui  les. 
aiment  en  leur  promettant  de  durer,  et  qui  les  plongent  dans  la 
déception  en  passant  rapidement  (1). 

Voulez-vous  savoir  quelles  sont  les  vanités  et  les  faussetés  qu- 
existent  dans  toutes  les  choses  créées,  et  quel  est  leur  nombre?  or 


(1)  In  coniparatione  œternorum  bonorum  ,  vana  sunt  orania,  etiam  bona  tempo 
ralia.  Quidquid  enira  in  hoc  seculo  laetura  ,  delectabile  ,  sublime  ,  aut  prosperum 
cernitnr,  vanuni  profecto  est;  quia  difficile  habetur ,  et  cito  amiltitur.  Repente  qui- 
dem  alta  seculi  corruunt,  pulchra  transeunt,  lseta  et  prospéra  evanescunt.  Nam  cum 
in  his  Qoribus  suis  mundus  blandiens  cernitur,  repentina  fortuna  turbatur,  aut 
feslina  deluibante  morte  concluditur.  Vana ergo  sunt  gaudia  seculi,  quœ  quasi  manen- 
iia  bî and iuntur  ,  sed  araatores  suos  cito  transeundo  decipiunt  ( Lib.  V  in  I  Reg. , 


59-i  NÉANT  DU  W03SBE. 

ne  saurait  les  compter.  Cependant  il  y  en  a  douze  qui  dominent  toute* 
les  autres  et  qui  sont  contraires  à  autant  de  vérités  et  de  biens  réels 
qui  sont  en  Dieu  et  au  ciel  :  la  première,  c'est  la  pauvreté  de  toute 
créature...;  la  seconde,  c'est  son  inutilité,  ce  qui  signifie  que  toute 
créature  est  bone  et  néant...  ;  la  troisième,  c'est  son  insatiabilité...  • 
la  quatrième,  sa  courte  durée...;  la  cinquième,  son  instabilité...; 
la  sixième,  sa  fausseté...;  la  septième,  son  insensibilité...;  la 
huitième,  son  infidélité:  en  effet,  tout  nous  trompe,  et  le  champ,  et 
la  vigne,  et  l'arbre,  etc.;  la  neuvième,  l'incertitude  qui  l'accom- 
pagne...; la  dixième,  sa  faiblesse...;  la  onzième,  le  dégoût  et  le  vide 
qu'elle  laisse...;  la  douzième,  son  terme,  la  mort.  En  un  clin  d'oeil  et 
d'un  seul  coup,  tout  prend  fin,  tout  disparait.  Ainsi  ceux  qui  aiment 
le  monde  ont  reçu  leur  récompense,  dit  saint  Augustin;  pleins  de 
vanité,  ils  n'ont  eu  que  des  chj&es  vaines  :  Aecepenmt  mercedem 
suam,  vani,  vanam  (De  Civit.  ). 

Ce  monde  est  une  comédie  qui  finira  par  tin  dénonemefirt  tragi- 

que Tout  dans  le  monde  est  ténèbres  et  rêve;  quand  le  grand 

jour  de  Dieu  paraîtra,  tout  s'évanouira 

< l'était  une  ombre,  dit  saint  Chrysostome,  et  elle  a  passé;  une 
fumée,  et  elle  s'est  dissipée  ;  une  toile  d'araignée,  et  elle  a  été  déchi- 
rée :  Umbra  erat,  et  pertransiit  ;  fumus,  et  dissolu  tus  est;  araneœ  telœ, 
etdiscissœ  surit  (ïn  Psal.). 

Où  est  aujourd'hui  le  fastedeNemrod?Où  estla  puissance  d'Assué- 
:'us,  qui  commandait  à  cent  vingfcsépt provinces?  Qu'est  devenue  la 
gloire  queCyrus  s'était  préparée  par  tant  de  peines?  Que  sont  il 
nus  les  trésors  de  Crésus?  Où  est  le  règne  brillant  de  Darius  ?  (  >ù 
les  innombrables  armées  rie  Xorxès  ?  Où  se  trouvent  le  vaste  empire 
d'Alexan  Ire,  et  l'immense  puissance  de  Pompée,  et  la  fortune  Invin- 
cible de  César,  et  la  gramle  monarchie  d'Auguste?  Que  sont  deve- 
nues les  dégoûtantes  voluptés  de  Callgula,  et  le  faste  du  cru  I 
Vanité  des  vanités,  tout  est  passé,  tout  est  retombé  dans  le  néant 
Où  sont l'orguefl  et  la  merveilleuse  puissance  de  Sémiramis,  la  fatale, 
beauté  d'il  ''  ■  "■  I  ces  volu|  I      mheur    ! 

Livie,  les  parures  d'Agrippine?  Vanité  des  \  anitS. 

Qu'est  devenue  La  BUperbe  Babylon©,  l'immense  Mempliis,  Car! 
la  terreur  de  l'epipire,  Argos  si  illusl  ille  Corinthe,  I 

riche,  Rome  la  ville  des  triomphes  et  la  .  Jérusar 

lei.i  la  sainte?  Vanité  des  vanités,  tout 
temples  les  plus  fameux,  les  palais  les  plus 
meiiis  les  plus  durables?  Ce  ne  sont  partout  que  des  ruines.  Va.uit(î 


NÉANT  DU  MONDE.  393 

des  vanités,  tout  est  vanité  :  Vanitas  vanitatum,  etomnia  vanitas.  1] 
faut  donc  renoncer  à  tout  ce  qui  est  dans  le  monde,  et  s'attacher  à 
l'ieu  seul. 

Vous  aimez  le  siècle,  dit  saint  Augustin,  il  vous  engloutira  :  Amai 
seculum,  absorbebit  te  (In  Psal.  ). 

La  volupté  ment  ;  ce  n'est  pas  un  plaisir,  mais  une  douleur  et  uu 
tourment.  L'abondance  des  richesses  ment;  ce  n'est  pas  une  abon- 
dance, mais  une  privation  des  vraies  richesses  qui  sont  au  ciel. 
Les  honneurs  mentent;  ce  ne  sont  pas  des  honneurs,  mais  un  fardeau 
et  le  jouet  du  siècle 

Le  vrai  bonheur,  dit  saint  Eucher,  consiste  à  mépriser  le  bon heui 
du  monde  et  à  rechercher  avec  ardeur  les  choses  divines,  en  négli- 
geant celles  de  la  terre  :  Vera  beatitudo  est  seculi  beatitudinem  sper- 
nere,neglectisque  terrenis,  in  divina  flagrare  (Epist.  ad  Valerian.  ). 

Sortons  d'ici,  dit  saint  Grégoire  de  Nazianze  ;  devenons  hommes, 
renonçons  aux  songes,  allons  au  delà  des  ombres.  Disons  adieu  aux 
trônes,  aux  grandeurs,  aux  richesses,  à  l'éclat  ;  tout  cela  n'est  que 
vile  et  méprisable  gloriole,  que  jeux  du  grand  théâtre  du  monde  « 
que  bagatelles  et  comédie  (1). 

J'ai  vu  que  le  rire  est  trompeur,  dit  l'Ecclésiaste,  et  j'ai  dit  à  la 
joie  :  Pourquoi  me  séduis-tu  vainement?  Risum  reputavi  errorem,  et 
gaudio  dixi  :  Quid  frustra  deceperis?  (n.  2.  ) 

Ceux  qui  pleurent  pour  des  vanités  pleurent  en  vain,  dit  saini 
Augustin;  et  ceux  qui  rient  des  vanités  rient  de  leur  propre  mal- 
heur ;  ils  sont  dans  l'erreur,  parce  qu'ils  se  réjouissent  où  il  faudrait 
s'affliger,  et  qu'ils  rient  où  ils  devraient  pleurer.  Ils  ressemblent 
aux  enfants  qui  jouent  et  rient  même  pendant  que  leurs  parents 
meurent  (2). 

Néant  du  monde  !  L'homme,  dit  l'Ecclésiaste,  est  sorti  nu  du  sein 
de  sa  mère ,  et  il  s'en  retournera  nu,  n'emportant  rien  de  ce  que  lu; 
aura  procuré  son  travail  :  Sicut  egressus  est  nudus  de  utero  matris  suce, 
sic  rêver titur,  et  nihil  aufert  secum  de  labore  suo  (v.  14).  0  misère 
profonde  !  comme  il  est  venu,  il  s'en  ira.  Et  que  lui  reviendra-t-il 
d'avoir  tant  travaillé  pour  du  vent?  (  lbid.  v.  15.  ) 

(!)  Migremus  hinc,  \iri  efficiamur,  somnia  projiciamus,  urabras  praetereenius. 
Valeant  Ihroni,  principatns,  opes,  splendores;  vilis  haec  et  despicabilis  gloriola ,  ac 
deniq'ic  macnoe  hujus  scenœ  ludicra,  nnsrœque  theairicœ  (Epist.  i,YU). 

(2)  Qui  ploranlde  rébus  vanis,  inaniter  plorant;  et  qui  raient  de  rébus  vani»,  de 
malo  suo  rident.  Errant  ;  quia  gaudentubi  dole-.-e.  rident  ubi  flero  deberent.  S:  pt 
infantes  ludiint  et  rident  eiiam  dum   parentes  eortroi   ivorhuilnr  (In 
i  çcles.  ). 


396  lfÉA!TT  Dïï  MONDE. 

Les  royaumes  les  plus  florissants,  avec  leurs  richesses  et  leur 
gloire,  ne  sont  que  du  vent;-ils  s'attaquent,  luttent  les  uns  contre 
es  autres  et  passent  comme  les  vents;  ils  sont  terribles  comme  les 
.empotes ,  et  soudain  ils  disparaissent  en  poussière  d'orage 

Tous  les  biens  de  ce  monde  sont  trompeurs;  ils  ont  l'apparence 
et  non  la  réalité  ;  ils  excitent  la  faim  et  la  soif,  mais  ils  ne  peinent 
l'apaiser;  ils  sont  l'amusement  des  yeux  et  non  la  nourriture  de 
/âme.  La  raison  en  est  que  lame  a  été  créée  à  l'image  de  Dieu ,  et 
que  par  là  elle  est  devenue  capable  de  jouir  d'un  bien  infini,  c'est-à- 
dire  de  Dieu  ;  elle  a  été  faite  pour  Dieu,  elle  ne  peut  donc  être  satis- 
faite ni  remplie  par  aucun  bien  fini,  ombre  et  néant  comme  toutes 
Aes  choses  de  la  terre.  Aussi  à  peine  jouit-elle  d'une  chose,  qu'elle 
en  cherche  une  autre  pour  étanchor  sa  soif.  L'âme  terrestre  et  char- 
nelle ressemble  au  chien,  qui,  en  dévorant  le  morceau  de  pain  qu'on 
:ui  a  jeté,  en  considère  et  en  convoite  un  autre.  Dieu  seul  est  le  vrai 
repos  et  le  rassasiement  de  l'âme 

Voyez,  ô  homme  misérable ,  dit  saint  Bernard ,  voyez  que  tout  ce 
|ue  vous  faites  en  ce  monde  est  vanité,  folie,  démence,  excepté  cela 
seul  que  vous  laites  en  Dieu,  pour  Dieu,  et  en  l'honneur  de  Dieu.  Et 
vous  aimez  le  monde,  et  vous  abandonnez  Dieu!  Celui  qui  aime  le 
monde  est  toujours  dans  la  détresse  :  vivre  pour  le  monde,  c'est  la 
mort;  seule  l'âme  qui  est  morte  au  monde  vivra.  Tandis  que  vous 
vivez  dans  votre  corps,  mourez  au  monde,  afin  qu'après  la  mort 
du  corps ,  vous  commenciez  à  vivre  de  Dieu  (l). 

Le  pécheur  qui  cherche  sa  joie  et  son  bonheur  dans  les  créatures 
>l  non  dans  le  Créateur,  le  place  dans  une  ombre,  dans  un  néant; 
mais  que  les  ombres  des  créatures,  dans  les  ténèbres  de  cette  vie, 
paraissent  grandes  à  l'homme  aveugle!  Au  coucher  du  soleil,  les 
ombres  qui  descendent  des  montagnes  s'allongent  et  deviennent 
colossales;  ainsi,  quand  Dieu  disparait,  les  ombres  que  projettent 
.es  vanités  dfi  la  terre  s'étendent,  et  le  mondain  admire  et  recher- 
che ces  grandes  ombres,  qui  cependant  ne  sont  pas  moins  insai- 
sissables que  l'ombre  ordinaire.  Il  imite  le  chien  d'Esope,  qui, 
voyant  se  refléter  dans  l'eau  le  morceau  de  viande  qu'il  portait  à  la 
gueule,  l'abandonna  pour  saisir  ce  qui  n'en  était  que  l'ombre,  et 

(l)  Vide,  miser Lomo,  quiatotum  estvanitas,  lotum  stultitia,  totum  demontia 
laidquid  ficis  in  boc mande,  preterid  solnm  qnod  in  Deum,et  propter  Dcum,  et 
ad  honorent  Dei  i'acis.  El  innndiuii  <lili;j;is,  el  Deum  rdinquis  !  Mnndum  qui  diligit, 
semper  est  in  angOStia  •  tmindo  \iverc,  mors  est  ;  mundo  anima  mortua,  vivet.  Dutn 
vivis  in  carne,  moricre  mundo, ut  post  mortem  enrnis,  Deo  vivere  incipias  [Serm, 
le  Mi  serin.  humuna). 


NÉANT   DU  MONDE.  397 

perdit  l'un  et  l'autre.  Voilà  à  la  lettre  ce  qui  arrive  aux  mondains; 
ils  abandonnent  la  suprême  vérité,  le  suprême  bonheur  qui  est  Dieu, 
pour  saisir  l'ombre,  et  ils  n'ont  ni  Dieu  ni  l'ombre  :  tout  leur 
échappe 

L'étable  de  Bethléem  crie,  la  crèche  crie,  les  larmes  de  Jésus 
naissant  crient.,  les  langes  crient,  la  croix  crie,  le  sang  de  J.  C.  crie; 
et  que  disent-ils?  ils  prêchent  l'humilité,  la  pauvreté,  la  pénitence, 
l'austérité  de  la  vie  et  le  mépris  des  richesses,  des  plaisirs  et  des 
grandeurs  du  monde.  Voilà  ce  que  J.  G.  n'a  cessé  de  recommander 
depuis  la  crèche  jusqu'au  Calvaire,  et  non-seulement  de  bouche, 
mais  surtout  d'action. 

Enfants  des  hommes,  s'écrie  le  Prophète  royal,  jusques  à  quand 
aurez- vous  le  cœur  appesanti;  pourquoi  aimez-vous  la  vanité  et 
cherchez- vous  le  mensonge?  Filii  hominum,  usquequo  gravi  corde; 
ut  quid  diligitis  vanitatem,  et  quœritis  mendacium?  (iv.  3.)  Les 
richesses  du  monde,  ses  pompes  ,  ses  plaisirs ,  ses  honneurs,  ses 
promesses  sont  vanité,  néant  :  méprisez-les  et  ambitionnez  les  seules 
choses  qui  soient  solides  et  désirables.  Les  richesses,  les  pompes,  le? 
délices,  les  honneurs,  la  gloire,  le  bonheur  véritables  sont  au  ciel, 
en  Dieu;  et  non  sur  la  terre,  dans  des  créatures 

La  terre  n'est  qu'un  exil 

Paul  Orose,  ami  de  saint  Augustin ,  disait  :  J'use  momentané-  Le  moIlde  esl 

.  .,  ..  ,  un  exil ,  un 

ment  de  la  terre  comme  d  un  exil;  car  la  vraie  patrie,  la  patrie  que  instant ,   une 
j'aime,  n'est  nulle  part  ici-bas.  Je  n'ai  rien  perdu  là  où.  je  n'ai  rien     c°  mort!  6 
aimé;  et  j'ai  tout,  quand  celui  que  j'aime  est  avec  moi.  Il  est  le 
même  envers  tous  ;  c'est  lui  qui  m'éclaire  et  m'unit  à  lui  (  Teste 
S.  Augustino  ). 

0  homme ,  s'écrie  saint  Chrysostome ,  pourquoi  cherchez-vous  ici- 
bas  des  joies  solides  et  durables  ?  Tout  ce  que  vous  voyez  est  péris- 
sable et  de  peu  de  durée  :  Quid  ,  o  homo,  longa  hic,  quid  solida  gaudiu 
quœris?  brève  est  et  caducum  quidquid  hic  vides   (In  Epist.  ad  Rom.). 

Dans  son  chemin,  il  boira  de  l'eau  du  torrent,  dit  le  Psalmiste  : 
De  torrente  in  via  bibet  (  x.  7  ).  Un  torrent,  dit  saint  Augustin,  repré- 
sente le  passage  de  la  race  humaine  soumise  à  ia  mort.  Comme  un 
torrent  se  l'orme  des  eaux  de  pluie ,  se  gonfle,  fait  fracas,  court,  et 
en  courant  passe,  c'est-à-dire  achève  sa  course,  ainsi  va  le  cours 
de  la  vie.  Les  hommes  naissent,  ils  vivent,  ils  meurent;  et  tandis 
que  les  uns  meurent ,  les  autres  naissent.  Qu'y  a-t-il  ici-bas  qu'on 
■cuisse  rendre  stable?  qu'y  a-t-il  qui  ne  décline  avec  rapidité  et  qui 


398  NÉANT   DU   MONDE. 

ne  se  rende  dan?  l'abîme,  comme  la  réunion  des  eaux  de  la  pluie  se 
rend  dans  la  mer?  (1) 

L'homme  passe  comme  la  fleur  de  la  prairie ,  dit  l'apôtre  saint 
Jacques  (i.  10). 

J'ai  vu  l'impie  élevé  au-dessus  des  cèdres  du  Liban,  dit  le  Psal- 
miste;  j'ai  passé,  et  il  n'était  plus;  je  l'ai  cherché,  et  je  n'ai  même 
pas  trouvé  sa  place  :  Vidi  impium  superexaltatum ,  et  elevutum  sicut 
cedros  Libani;  et  transivi ,  et  ecce  non  erat;  et  quœsivi  eum,  et  non  est 
inventus  locus  ejus  (  xxxvi.  35.  30  ). 

Que  l'homme  donc,  Seigneur,  vive  pendant  un  matin,  comme 
l'herbe;  qu'il  fleurisse  au  matin,  et  qu'il  accomplisse  sa  destinée; 
que  le  soir  il  tombe,  durcisse  et  se  dessèche  :  Mane  sicut  herba 
transeat ,  mane  floreat ,  et  transeat;  veapere  décidât,  iuduret  et  arescat 
(  Ps.  lxxxix.  6  ).  L'homme  est  semblable  au  néant;  ses  jours  décli- 
nent comme  l'ombre  :  Homo  vanitati  similis  factus  est  ;  dies  ejus 
sicut  umbra  prœtereunt  (Psal.  ex  lui.  4). 

uansiernonde  Dans  le  monde  tout  change  ;  Dieu  seul  est  celui  qui  est  :  Ego  sum 
qui  sum  (Exod.  m.  14);  c'est-à-dire,  Dieu  seul  est  immuable  :  Je 
suis  le  Seigneur,  et  je  ne  change  pas,  dit-il  :  Ego  Dominus ,  et  non 
mutor  (  Malach.  ni.  6  ).  Vous,  Seigneur,  vous  êtes  éternellement  le 
même,  dit  le  Psalmiste  :  Tu  idem  ipse  es  (ci.  28). 

Au  contraire ,  le  titre  que  pourrait  porter  l'homme ,  le  monde  et 
toute  créature ,  est  celui-ci  :  Je  suis  créé ,  et  je  change;  je  change  de 
corps,  je  change  d'esprit,  je  change  de  volonté,  je  change  de 
désirs  et  d'affection  ;  enfin ,  je  suis  dans  un  mouvement  et  un  chan- 
gement continuels.  Etant  dépendante,  faible,  imparfaite,  altérée, 
mobile,  la  nature  créée  change  constamment.  Voilà  pourquoi  ceux 
qui  mettent  leur  espérance  et  leur  amour  dans  l'homme ,  ou  dans 
quelque  créature  que  ce  soit,  sont  pressés  d'une  faim  et  d'une  soif 
qu'ils  ne  peuvent  apaiser;  ils  se  trouvent  assaillis  de  désirs  et  de 
craintes;  ils  passent  d'un  sentiment  et  d'une  alternative  à  l'autre, 
selon  ces  paroles  de  Jérémie  :  Jérusalem  s'est  enfuncée  dans  son 
péché  ;  aussi  a-t-elle  perdu  toute  stabilité  :  Peccatum  peccauit  Jéru- 
salem ,  propterea  instabilis  facta  est  (Lanieut.  i.  8). 

(1)  Torrens  profluxio  mortalitatis  humuute  est;  sicut  emm  torretis  pluvial i bus 
aquis  colligitur,  redundat,  perstrepit,  currit,  et  currendo  decurrit ,  td  est,  cm-sum 
Suit;  sicut  otimis  isle  cursus  mortalitatis.  Mascunlur  liomines,  vivunt,  moriuiitur, 
et  aliis  monenlibus,  alii  nascunlur.  Quid  Lie  tenetur  ?  quid  hic  non  decurrit?  quid, 
«an  quasi  de  jpluvia  coilectuju  est  in  mare,  iu  abjssum?  (In  hoc  versic.  Puai.) 


NÉANT   Di     MONDE.  399 

Voulez-vous,  malgré  votre  faiblesse,  être  constant  et  immuable t 
attachez-vous  à  la  nature  immuable  et  au  bien  solide,  qui  est  Dieu. 
Dieu  ue  change  jamais;  les  créatures,  elles,  changent  toujours; 
elles  veulent,  et  bientôt  elles  ne  veulent  plus;  elles  aiment,  et  bien- 
tôt elles  haïssent;  elles  plaisent  le  matin,  et  déplaisent  le  soir. 
Aujourd'hui  elles  vous  protègent,  demain  elles  vous  persécuteront 
et  ^  ous  renverseront;  aujourd'hui  elles  veulent,  mais  elles  ne  peuvent 
pas;  demain  elles  pourront,  mais  elles  ne  voudront  pas.  Aujourd'hui 
elles  sont  élevées  au  comble  de  la  fortune  et  des  honneurs,  demain 
elles  seront  dans  la  disette  et  au  dernier  rang;  à  l'heure  présente 
elles  vivent,  dans  un  instant  elles  seront  mortes 

Les  nations  sont  troublées  et  les  royaumes  penchent  vers  leur  ruine,  Dans  Le  monde 

tout  UlSUUl'411. 

dit  le  Prophète  royal  :  Conturbatœ  sunt  gentes,  et  inchnata  sunt  régna 
/xiv.  7). 

L'arrêt  de  mort  du  genre  humain  a  été  prononcé  par  l'Eternel, 
depuis  bientôt  six  mille  ans  :  Tu  es  poussière ,  et  tu  retourneras  en 
poussière  :  Pulvis  es,  et  in  pulverem  reverteris  (Gen.  m.  19  ). 

Une  voix  m'a  ordonné  de  crier,  dit  Isaïe;  et  j'ai  répondu  :  Que 
crierai-je  ?  Toute  chair  est  comme  l'herbe  ,  et  toute  sa  gloire  comme 
la  fleur  des  champs.  L'herbe  s'est  desséchée  et  la  fleur  est  tombée  : 
Vox  dicentis  :  Clama.  Et  dixi  :  Quid  clamabo  ?  Omnis  caro  fœnum,  et 
ymnis  gloria  ejus  quasi  flos  agri.  Exsiccatum  est  fœnum  et  cecidit  flos 
(xl. G.  7). 

Méditées  avec  humilité ,  ces  paroles  rendent  facile  tout  ce  qui  est 
le  et  ardu;  elles  détruisent  tous  les  vices,  font  pratiquer  toutes 
les  vertus,  et  a  tirent  toutes  les  grâces  de  Dieu 

Remarquez  en  passant  combien  peu  de  chose  est  le  corps  de 
l'homme ,  puisque  le  Saint-Esprit  le  compare  à  l'herbe  et  à  la  fleur 
Jes  champs,  qui  ne  durent  que  quelques  jours. 

Toute  la  splendeur  du  genre  humain,  honneurs,  pouvoirs 
richesses,  est  une  fleur  des  prairies,  dit  saint  Augustin:  Totu 
splendor  g <ener is  humani ,  honores ,  potestates ,  divitiœ ,  flos  fœni  est. 
(InPsal.  cix).  Cette  maison  fleurit,  ajoute  ce  grand  docteur;  elle 
devient  une  grande  maison;  cette  famille  fleurit;  combien  d'années 
vivent-elles?  Tout  ce  qui  est  en  vigueur,  tout  ce  qui  brille,  tout  ce 
qui  est  beau  ici-bas,  ne  dure  pas  (1). 

(1)  Floret  illa  domus,  et  magna  domus;  floret  illa  familia;  quam  multis  annis 
vivunt?  Quidquid  ibi  viget,  quidquid  ibi  caudet,  quidquid  ibiuukhrum  est,  non 
perennat  [lu  Psal.  cixj. 


-400  NÉANT  DU  MONDE. 

Que  sont,  sur  la  terre,  les  hommes  les  plus  remarquables,  dit 
saint  Grégoire,  sinon  des  fleurs  des  champs  ?  La  vie  présente  est  une 
fleur  (Lib.  XI  Moral.,  c.  xxvi). 

L'homme  est  une  bulle  de  savon  et  la  vie  une  pièce  de  théâtre 

Les  damnés  comprennent  cela,  mais  trop  tard.  A  quoi  nous  a  servi 
l'orgueil,  disent-ils?  que  nous  a  procuré  la  vanité  des  richesses? 
Tout  cela  a  passé  comme  une  ombre  ,  comme  un  navire  qu'emporte 
le  vent,  comme  un  oiseau  qui  fend  l'air ,  comme  l'éclair.  Oh  !  qu'il 
voit  juste  celui  qui ,  pendant  la  vie,  s'occupe  de  pareilles  pensées l 
Pourquoi ,  malheureux  et  aveugle  mortel,  convoitez- vous  la  posi- 
tion élevée  de  tel  ou  tel  homme,  puisque  vous  devez  mourir  demain, 
et  peut-être  aujourd'hui?  Pourquoi  la  beauté  de  cette  personne 
éveille-t-elle  vos  passions?  Vous  désirez  une  fleur  des  champs  qui 
dans  quelques  heures  sera  fanée  ;  car,  ne  l'oubliez  pas ,  omnis  caro 
fœnum.  Pourquoi  faire  charger  cette  table  de  mets  délicats?  Pour- 
quoi prendre  tant  de  soin  de  votre  chair?  Omnis  caro  fœnum. 

0  homme,  souviens-toi  que  tu  es  terre ,  et  que  tu  retourneras  eu 
terre  :  Mémento  homo  quia  puîvis  es,  et  in  pulverem  reverteris, 

0  enfants  des  hommes ,  pourquoi  aimez-vous  la  vanité  et  vous 
attachez-vous  au  mensonge  ( Psal.  iv.  4).  Pourquoi  obéissez-vous 
aux  convoitises  de  cette  chair  qui  n'est  que  de  l'herbe  et  de  la 
cendre?... 

Saint  Jérôme  dit  excellemment  :  0  misérable  condition  del'homme, 
tout  le  temps  que  nous  vivons  sans  J.  C.  est  un  temps  perdu!  0 
miserabilis  humana  conditio  ;  et  sine  Christo  vanum  omne  quod  vivimus  l 
(Epitaph.  Nepotiani.  ) 

Faites  attention,  le  monde  s'en  va,  dit  saint  Augustin;  faites 
attention ,  le  monde  tombe  ;  et  si  vous  voyez  cela,  prenez  garde ,  car 
il  entraine  tout  avec  lui  :  Attende,  quia  finit  (mundus);  attende ,  quia 
labitur  :  et  si  attendas ,  quia  {luit  et  labitur ,  cave  quia  trahit  (In 
Psal.  cix). 

Vaincs       (3  mon  Dieu,  dit  le  Psalmiste,  qu'ils  soient  comme  une  roue,  ^mme 
°(ju  n'ioudc.     ta  paille  que  le  vont  emporte  :  Deus  meus  pone  illos  ut  rotam;  et  sicut 
Stipulant  ante  faciem  veiiti  (lxxxii.  \\). 

Ils  se  confient  au  néant,  ditlsaïe,  et  ne  disent  que  des  choses 
vaines;  ils  ont  conçu  le  mal  et  enfanté  L'iniquité;  ils  ont  ourdi  des 
toiles  d'araignée  :  Conjidunt  in  ni/iilo  ,  et  loquuntur  vanitates  :  couce- 
perunt  laborem ,  et  peperemnt  xniquitatern  ;  lelas  araneœ  texuerant 
(lix.  4.  5). 


\ 


NÉANT   DU   MONDE.  401 

Ourdir  des  toiles  d'araignée,  dit  saint  Grégoire,  c'est  faire  quoi 
que  ce  soit  sous  l'empire  de  la  convoitise  de  ce  monde  :  ces  œuvres 
d'ayant  aucune  solidité,  le  vent  de  la  vie  mortelle  ne  manque  pas 
de  les  emporter  (1).  Nous  voyons  l'araignée  s'appliquer  à  travailler, 
à  ourdir,  à  s'arracher  les  entrailles;  mais  qu'ourdit-elle?  une  toile 
dégoûtante  et  sans  consistance.  Ainsi  les  hommes  charnels  et  mon- 
dains travaillent  constamment  pour  le  monde,  ils  se  fatiguent, 
s'exténuent,  abrègent  leurs  jours;  et  que  font-ils?  des  toiles  d'arai- 
gnée, c'est-à-dire  quelque  chose  de  frivole,  de  vain,  de  périssable,  que 
le  moindre  accident  détruira  :  Telas  araneœ  texuerunt.  0  marchands 
et  ourdisseurs,  qui  travaillez  sur  le  néant,  sur  ce  qui  passe  en 
un  clin  d'œil;  qui  ourdissez  des  vices,  et  qui  échangez  des  biens 
infiniment  précieux  et  éternels  contre  des  bagatelles  et  contre  le 
fruit  du  péché;  vous  qui  donnez  le  ciel  pour  la  terre ,  l'âme  pour  le 
corps,  la  vertu  pour  le  vice,  le  Créateur  pour  la  créature,  la  liberté 
pour  l'esclavage,  le  bonheur  pour  le  malheur ,  la  vie  pour  la  mort; 
quel  est  votre  déplorable  aveuglement,  votre  stupidité  et  votre 
folie!... 

Au  lieu  d'imiter  l'araignée,  que  ne  prenez-vous  pour  modèle  le  ver 
à  soie  ,  dont  l'œuvre  est  belle,  utile  et  durable  !... 

Vous  avez  semé  beaucoup  ,  dit  le  prophète  Aggée ,  et  vous  avez 
peu  recueilli  ;  vous  avez  mangé,  et  vous  n'avez  pas  été  rassasiés; 
vousavez  bu,  et  vous  n'avez  pas  été  désaltérés;  vous  vous  êtes  vêtus, 
et  vous  ne  vous  êtes  pas  réchauffés  :  celui  qui  ramassé  de  l'argent, 
l'a  mis  dans  un  sac  percé  (2). 

0  vaines  occupations  des  mondains  !  oh!  si  placés  sur  une  haute 
montagne ,  nous  pouvions  voir  la  terre  entière  sous  nos  pieds,  dit 
saint  Jérôme,  je  vous  montrerais  des  ruines  sans  nombre,  les  nations 
se  heurtant  contre  les  nations  et  les  royaumes  s'écrasant  tour  à  tour  : 
vous  verriez  ceux-ci  torturés ,  ceux-là  mis  à  mort  ;  ceux-ci  engloutis 
dans  les  flots,  ceux-là  traînés  en  esclavage;  ici  des  noces  et  de  la 
joie ,  là  le  deuil  et  les  gémissements  :  vous  verriez  les  uns  naître, 
les  autres  mourir;  les  uns  comblés  de  biens,  les  autres  dans  la  plus 
affreuse  pauvreté  et  mendiant  leur  pain;  et  les  armées,  et  tous  les 
hommes  qui  habitent  la  terre  et  qui  sont  maintenant  pleins  de  vie, 

(1)  Telas  araneœ  texere,  est  pro  hi'jus  mundi  concupiseentia,  temporalia  qu;i!ibet 
operari;  quae  dum  uulla  stabililate  jolidata  suiit,  ea  procul  dubio  ventus  vit£  mor- 
talis  rapit  (  Lib.  XV  Moral.,  c.  is  . 

[■i    Seinioaslis  multum,  et  intulistis  parurn  ;  comedistis,  et  non  estis  satiati  ;  bibi- 
stis,  et  non  e?t:s  inebriati;  operuistis  vos,  et  non  eslis  calefacti;  et  qui  mercedes 
congregavit,  misit  eas  in  sacculuw  pertusuoi  (i,  6  ). 
m.  26 


408  XÏANT  DU  MOXDE. 

destinés  a  mourir  dans  an  court  espace    le  temps  {Epist.  r 
Heliod.). 

Le  monde  est  dans  un  mouvement  perpétuel  :  ses  enfants  vont  et 
viennent ,  montent  et  descendent.  Le  travail  des  nains,  le  négoce, 
les  voyages,  les  procès,  les  accusations,  les  défenses,  les  jugements^ 
les  querelles,  les  haines,  les  vengeances,  etc.:  voilà  quelles  sont  leurs 
occupations.  Ils  construisent,  démolissent,  entassent  projets  sur 
projets ,  etc.  Et  au  milieu  de  toutes  aions ,  aucun  d'eux  ne 
pense  à  Dieu,  aucun  ne  se  prendre  à  ia  mort 

Le  monde      Ils  ont  péri ,  dit  le  Prophète  royal,  et  leurs  cadavres  ont  engraissé 
f  jîou  tousses*  *a terre  :  Oispericrunt ,  facti  sunt  ut  stercus  terrœ  (lxxxii.  -H  ). 

ices  que      insensés  qui  ne  voulez  pas  servir  Dieu ,  vous  poursuivez  ce  monde 

i  on  fait  pour  ?.  J  „   .        . 

lui.  volage,  méchant ,  cruel,  ingrat,  et  il  vous  mit.  vous  vous  sa' 

pour  lui,  et  il  vous  oublie;  vous  le  flattez,  vous  le  louez,  et  il  vous 

méprise;  vous  l'embrassez,  et  il  vous  immole 

jJà  comment  le  monde  récompense  les  siens.  Vous  lui  donnez 
votre  corps,  votre  âme,  votre  conscience,  votre  affection,  le  ci»!  et 
Dieu;  il  vous  rend  en  échange  des  douleurs,  des  hlimlliali  <n> ,  des 
déceptions,  des  chagrins,  des  larmes, -le  déshonneur,  une  mort 
affreuse,  et  enfin  l'enfer  éternel.  11  n'a  jamais  donné,  il  ne  peut 
donner  autre  chose  à  ses  aveugles  adorateurs  !... 

On  trouve  le  service  de  Dieu  trop  pénible;  mais  les  sacrifices  qu'il 
demande  sont-ils  comparables  à  ceux  qi. 

si  le  service  de  Dieu  coûte  quelque  chose,  la  as  et  la  gloire 

dans  le  ciel,  ne  sont  elles  pas  d'amples  dé  lomma 
au  contraire  les  compensations  qu'accorde  le   monde?  Hélas!  en 
échange  des  tortures  qu  il  inflige  à  ses  créatures  en  cette  vie,  il  leur 
assure,  en  l'autre,  des  tortures  inexprimables  et  qui  n'auront  pas  de 
fin 

Combien      La.  vie  de  ce  monde  est  laborieuse,  dit  saint  Grégoire  ;  elle  est  plus 

;, ",;1,"1l'i^   vaine  que  les  fables,  plus  rap  uncouràerii  se  sur 

"in-  l'instabilité,  s'appuie  sur  la  fai  i  n'a  aucune  f-       .    Ile  est 

i  vie  qu'il  une  suite  de  résolutions  inconstante.-,  d'agitations  s  .do 

UiCl,c'        travaux  sans  relâche.  Quel  est  celui  une  la  douleur  ne  déchire  pas, 

que  les  sollicitude  pas,  que  la  r/  i  ite  ne  ter; 

pas?  Les  larmes  suis  eut  les  rires ,  la  tristes-  ae  la  joie, 

une  satiété  pénible  et  tans  ch,,,  et  la  irfm,  à 

la  satiété.  Durant  la  nuit,  on  désire  le  jourj  ^^uauitlb  joujou 


NÉANT  DU   MONDE.  403 

goupire  après  la  nuit;  s'il  fait  froid,  on  voudrait  de  la  chaleur;  s'il 
fait  chaud,  on  demande  de  la  fraîcheur.  Appétit  et  désir  avant  le 
repas;  après,  troubie,  gêne,  engourdissement.  L'indignation  ,  la 
colère  et  une  l'oule  de  passions  tyranniques  ne  cessent  d'agiter  les 
hommes  (Lib.  VI  Moral.). 

11  n'y  a  ni  véritable  courage,  ni  héroïsme  parmi  les  mondain?.  La 
vertu  les  effraie;  ils  n'ont  d'ardeur  que  pour  le  désordre  et  la 
crime 

Q  fest-ce  que  l'homme  ,  môme  le  plus  fort,  le  plus  riche ,  le  plus 
puisant,  s'il  abandonne  la  vertu,  la  religion  et  Dieu;  et  s'  Dieu,  la 
religion  et  la  vertu  l'abandonnent?  11  n'est  qu'un  composé  de  fai- 
blesses, l'image  de  la  folie,  la  proie  des  convoitises,  des  vices, 
chutes,  des  rechutes,  des  tentations,  des  démons ,  du  monde,  de  la 
chair ,  de  la  mort ,  de  l'enfer ,  en  un  mot  de  toutes  les  misères  tem- 
porelles et  éternelles 

Les  jours  sont  mauvais,  ditle  grand  Apôtre  :  Dies  rnalisnntCEph.es.  v.  Le  monde  en 
46).  C'est-à-dire,  les  jours  de   cette  vie  sont  pleins  d'angoisses,  de  se? 
de  douleurs ,  de  tourments,  de  chagrins,  de  soucis  ,  d'ennuis  ,  de        e,1,  d% 

°  ■  '  malheurs. 

tristesse,  de  gémissements,  de  pleurs,  de  tentations,  de  dangers, 
de  malaises  de  tout  genre 

Cette  vie  est  si  misérable,  elle  est  exposée  à  tant  de  souffrances  et 
de  malheurs,  que  beaucoup  de  personnes  préfèrent  la  mort  à  la  vie  : 
même  quand  celle-ci  est  très-courte ,  elle  leur  parait  encore  bien 
longue.  La  mort  est  un  refuge  contre  les  innombrables  afflictions 
d'ici-bas.  Si  l'on  a  vécu  en  bon  chrétien,  il  ne  faut  pas  redouter 
son  arrivée,  mais  plutôt  la  désirer.  Ceux  qui  aspirent  à  voir  leur  vie 
se  prolonger  devraient  plutôt  pleurer  sur  leurs  années  écoulées; 

La  terre  est  dans  la  tristesse  et  elle  languit,  dit  Isaïe  ;  elle  est  cou- 
verte de  souillures  :  Luxit  et  elanguit  terra,  obsordu.it  (xxxiii.  9). 

Que  nous  crie  le  monde,  qui  nous  cause  chaque  jour  tant  de  dou- 
leurs, sinon  de  ne  pas  l'aimer?  dit  saint  Grégoire  :  Mundus  qui  tôt 
nobis  quotidie  dolores  ingeminat ,  quid  uobis  aliudquamnediligatur , 
clamât?  (Lib. VI Moral.) 

La  vie  présente,  dit  saint  Augustin,  est  un  pèlerinage  fatigant; 
elle  est  fugitive ,  incertaine ,  laborieuse;  elle  expose  à  toutes  les 
souillures;  elle  traîne  à  sa  suite  tous  les  maux;  elle  est  la  reine  des 
orgueilleux  ;  pleine  de  misères  et  d'erreurs.  On  ne  doit  pas  l'appe- 
ler vie,  mais  mort.  En  effet,  l'homme  meurt  à  cha-ue  instant,  et  uo 
cesse  de  chanoer  que  pour  subir  divers  genres  de  mort. 


404  NÉANT  DU  MONDE. 

Pouvons-nous  appeler  vie  le  temps  que  nous  passons  en  ce 
inonde?  Qu'est-ce  qu'une  vie  que  les  humeurs  altèrent,  que  les  dou- 
leurs épuisent,  que  les  chaleurs  dessèchent,  qu'un  souffle  empoi- 
sonne, que  les  plaisirs  dissolvent,  que  le  chagrin  consume,  que 
l'inquiétude  abrège,  et  dont  le  sentiment  s'émousse  par  la  sécurité? 
Les  aliments  nous  gonflent,  les  jeûnes  nous  exténuent,  les  richesses 
nous  portent  à  la  jactance  et  à  l'ostentation,  la  pauvreté  nous  humi- 
lie, la  jeunesse  nous  enorgueillit,  la  vieillesse  nous  courbe,  la 
maladie  nous  brise,  la  tristesse  nous  accable.  A  tous  ces  maux 
succède  l'implacable  mort,  et  elle  met  tellement  fin  à  toutes  les 
joies  de  cette  misérable  vie,  que  lorsque  celle-ci  a  cessé,  on  s'ima- 
ginerait volontiers  qu'elle  n'a  jamais  existé.  Cette  mort  est  vraiment 
la  vie,  et  la  vie  une  espèce  de  mort  (Médit.,  c.  xxi). 

Je  ne  sais  quel  nom  donner  à  cette  triste  vie.  dit  ailleurs  le  même 
Père ,  et  s'il  faut  l'appeler  une  via  uni  «a«urt  ou  bien  une  mort 
qui  ^  it. 

Ici-bas ,  la  chair,  le  monde ,  le  démon  nous  tentent  tour  à  tour  et 
souvent  en  même  temps.  Tantôt  on  est  poursuivi  par  les  scrupules  ; 
tantôt  on  est  victime  de  soupçons  mal  fondés  et  injurieux,  de  médi- 
sances, de  calomnies,  d'affronts,  de  reproches,  de  railleries  et  de 

haines,  etc 

Méprisons  donc  la  terre,  dit  saint  Grégoire,  et  oubliant  ou  foulant 
aux  pieds  toutes  les  choses  du  temps,  achetons  les  biens  éternels  : 
Despiciamus  quœ  terrena  sunt  ;  relictis  temporalibus,  merccmur  œterna 
(Homil.  in  Evang.  ). 

Tout  ce  qu'ont  désiré  mes  yeux,  je  le  leur  ai  donné,  dit  Salomon 
iaus  i'Ecclésiaste,  et  je  n'ai  pas  défendu  à  mon  cœur  de  goûter  les 
plaisirs  et  de  se  complaire  dans  tout  ce  que  j'avais  prépars,  et  j'ai 
cru  que  ma  part  était  de  jouir  du  fruit  de  mes  sueurs;  et  lorsque 
je  me  suis  tourné  vers  les  ouvrages  de  mes  mains,  vers  les  travaux 
où  je  m'étais  fatigué  vainement,  en  tout  cela  j'ai  vu  vanité  et  afflic- 
tion d'esprit  (1). 

La  couronne  des  rois  eux-mêmes  est  pesante  et  épineuse  ;  elle  est 
faite  de  travail,  do  soucis,  d'inquiétude,  d'embarras,  d'insomnies, 
de  jalousie,  de  dangers,  de  tourments  de  toute  sorte.  Aussi  le  roi 


(1)  Omnia  quœ  rum  oCuli  mci,  non  neguvi  eis  :  nec  prohibui  cor  meum 

quiu  omni  voluptate  frueretur  ,  et  oblcctaret  se  in  his  quac  prxparavcram  :  et  liane 
ralussura  partent  meam,  ai  uterer  labore  meo.  Guuique  me  convertisscm  ad  uni- 
versaoperâ,  quœ  fecerunt  manùs  meœ,  et  ud  labores,  in  qinbuslrustrajjuu'aYCJuui , 
vidi  ia  omnibus  vaaiiateni  et  aftlictiouem  Mirai (u,  10.  11). 


NÉANT  DU   MONDE.  405 

Anfrâfone  disait-il  à  son  fils  :  Ne  savez-vous  pas ,  mon  fils,  que  notre 
pouvoir  n'est  qu'un  noble  esclavage?  An  non  novisti,  fili,  nostrum 
regnum  essenobilem  servitutem?  (Anton,  in  Meliss.  ) 

Les  logions  romaines  pressant  Saturnin  de  prendre  la  pourpre 
impériale,  ce  général  leur  répondit  :  Vous  ignorez,  ô  soldats  !  com- 
bien régner  est  pénible  et  dangereux.  Le  glaive  menace  les  têtes 
couronnées;  elles  n'aperçoivent  que  lances  et  que  flèches.  Les  gardes 
eux-mêmes  sont,  à  redouter,  et  les  amis  sont  à  craindre.  Celui  qui 
règne  ne  prend  pas  sa  nourriture  quand  il  veut,  il  ne  va  pas  où  il 
veut,  il  ne  fait  ni  la  guerre  ni  Ja  paix  selon  qu'il  le  désire;  et  com- 
bien vite  tombent  les  royaumes  et  les  roisf  Anton,  in  Meliss.). 

Le  cardinal  Bellarmin  disait,  en  parlant  de  son  élévation  :  Vous 
ne  savez  pas  combien  de  longues  épines  sont  cachées  sous  cette 
pourpre  :  Nescitis  quantœ  sub  hac  purpura  lateant  spince  !  (  Tn 
ejusvita.) 

La  terre,  dit  saint  Augustin,  est  la  région  des  scandales,  des  tenta-  Le  monde  es* 
tions  et  de  tous  les  maux,  afin  que  nous  gémissions  ici-bas  pour    a  iniquités- 
mériter  de  nous  réjouir  dans  le  ciel.  Ici-bas  les  tribulations,  dans  le 
ciel  les  consolations.  Ici-bas,  dans  cette  région  des  morts,  la  douleur, 
la  crainte,  les  gémissements  et  les  soupirs  (I). 

Maudit  soit ,  dit  Jérémie ,  maudit  soit  l'homme  qui  se  confie  en 
l'homme  (c'est-à-dire  au  monde),  qui  s'appuie  sur  un  bras  de  chair, 
et  dont  le  cœur  s'éloigne  de  l'Eternel!  Il  sera  comme  la  bruyère  du 
désert;  il  ne  verra  pas  venir  de  rafraîchissement;  mais  il  habitera  au 
milieu  de  l'aridité  des  lieux  incultes  et  solitaires,  sur  une  terre  cou- 
verte de  sel  et  inhabitable  (2). 

Que  les  hommes  cessent  de  mettre  leur  espoir  dans  les  choses  qui   n  faut  s'éloi- 
passent  et  de  les  aimer,  dit  saint  Augustin  :  Desinant  sperare  et  dili-  mog"e,r  du. 
gère  temporalia  (Lib  de  Civit.).  Pas  two 

Malheur  à  moi,  s'écrie  le  Prophète  royal,  car  mon  exil  est  pro- 
longé !  Heu  mihi,  quia  incola  tus  meus  prolongatus  est!  (cxix.  5.  ) 

Ne  descendons  point  au  milieu  du  monde,  mais  cherchons  le  ciel, 

(1)  Utique  regio  ista  scandalorum  est,  et  tentationura  ,  et  omnium  malorum;  ut 
gemamus  hic,  et  mereamur  gaudere  ibi  ;  hïc  tribulari,  et  consolari  ibi.  la  régions 
mortuorum  dolor,  timor,  gemitus  et  suspirium  (  Lib.  Civit.  |. 

(2)  Maledictus  homo  qui  confidit  in  homine,  et  ponit  carnem  brachium  suum  ,  et 
a  Domino  recedit  cor.  Eril  enim  quasi  mricae  in  descrto,  et  non  videbit  cum  venerit 
bonum  :  sed  habitabit  in  siccitate  in  dcserto,  in  terra  salsuginis  et  inhabitaLili 
(xvii.  5.61 


406  .VÉANT  DU  MOXDE. 

dit  saint  Chrysostome.  Tant  que  les  oiseaux  se  tiennent  dans  les 
airs,  on  ne  les  prend  pas  facilement  ;  tant  que  l'homme  contemple 
le  ciel  et  qu'il  s'y  élève,  ses  ennemis  ne  peuvent  le  prendre  i'acile- 
ment  dans  leurs  filets  ni  dans  leur*  pièges.  Le  démon  et  le  monde 
sont  des  chasseurs;  plaçons-nous  au-dessus  d'eux  pour  ne  pas  être 
arrêtés  ni  misa  mort  par  eux.  Celui  qui  s'élève  vers  Dieu ,  n'admire 
rien  sur  la  terre.  Vues  du  haut  d'une  montagne,  las  villei  el  les 
maisons  paraissent  petites,  et  les  hommes  semblables  à  des  fourmi.-; 
vues  du  haut  des  choses  divines,  les  choses  de  la  terre  perdent  de 
leur  fausse  grandeur;  elles  semblent  petites  et  viles.  De  là.  riches 
gloire,  puissance,  honneur,  créatures,  tout  deviendra  méprisable  à 
nos  yeux  (flomil  xv  ad  pop.  ). 


jeunesse. 


NÉCESSITÉ  DE  SERVIR  DIEU  DÈS  LA  JEUNESSE. 


T%  Toïïs  voyons  une  foule  de  jeunes  gens  farw  frr?  <re  sens  que   Combien  est 

^    les  vieillards,  dit  saint  Bernard,  et  représenter  un  grand  âge  ceS'™?1^,., 
J_    ^j   par  leurs  bonnes  mœurs;  ils  devancent  le  temps  par  leurs    Djeu  dès  1» 
mérites,  et  compensent  par  leurs  vertus  ce  qui  manque  à  leurs 
années  (I). 

Celui  qui  plaît  à  Dieu  (dès  la  jeunesse)  devient  son  bien-aimé, 
dit  la  Sagesse  :  Placens  Deofactusest  dilectus  (iv.  40). 

Quoique  ïobie ,  dit  l'Ecriture ,  fût  le  plus  jeune  de  toute  la  tribu 
de  Nephtali ,  sa  jeunesse  ne  parut  dans  aucune  de  ses  actions  :  Clini- 
que essèt  junior  omnihus,  nihil  tamcn puérile  <je>sit  in  opère  (i.  A).  Saint 
Bernard  l'ait  le  même  éloge  de  saint  JMalachie ,  évoque  irlandais  : 
Quoique  bien  jeune,  JMalachie,  dit-il,  agissait  avec  la  gravité  et  les 
mœurs  des  vieillards;  il  n'avait  rien  de  la  pétulance  de  l'enfance  : 
Agebut  smexa  morilms,  annis  puer,  exspers  iasciviœ  puerilis  (In  ejus 
morte). 

Voici  une  maxime  de  saint  Augustin,  qui  mériterait  d'être  écrite 
en  lettres  d'or  :  Que  votre  vieillesse  tienne  de  l'enfance,  et  votre 
enfance  de  la  vieillesse  ;  c'est-à-dire,  que  votre  sagesse  soit  dépourvue 
d'orgueil ,  et  votre  humilité  accompagnée  de  sagesse,  afin  que  vous 
louiez  le  Seigneur  maintenant  et  jusque  dans  l'éternité  (2). 

Ayant  toujours  craint  Dieu  ers  son  enfance,  et  gardé  tous  ses 
commandements  ,  ïobie ,  dit  encore  l'Ecriture,  ne  s'attrista  point  et 
ne  murmura  point  parce  que  Dieu  l'avait  affligé  de  la  perte  de  la 
vue;  mais  il  demeura  ferme  dans  la  crainte  de  Dieu,  lui  rendant 
grâce  tous  les  jours  de  sa  vie  (3). 

Voyez ,  dans  le  second  livre  des  Machabées ,  l'exemple  des  sept 
itères  qui,  dès  leur  jeunesse,  donnèrent  leur  vie  pour  Dieu,  et 

(1)  Multos  juniorum  videmqs  super  scnos  intelligcre  ,  et  moribus  antiquare  dics, 
prsevt  et  quod  a-tali  deest  ,  compensais  viïlutibus  (  Serm.  in 
i 

(2)  Sit  senectus  vesira  puerilis,  et  sit  pucrilia  scnilis  ;  id  est,  ut  nec  snpicniia  vestra 
sil  cum  superbia,  nec  humilitas  sine  sapientia,  ut  laudclis  Dominum  ex  hoc  mine  et 
usque  in  seculum  (Senient.). 

(3  Nam  cum  ab  adolescenlia  sua  semper  Deum  timuerit,  et  mandata  cjns  eusto- 
diciit,  .ou  esl  coufrjstatus  contrai  ium,  quod  plaga  ca?cilatis  evenerit  ci;  sed 
i«imobi|is  in  J 'ci  timoré  pftcmansit ,  agéns  gratias  Deo  omnibus  diebus  \itae  sua» 
(il.  13.  14). 


":UÛÏS3C. 


408  'nécessité  de  servi:,  DIEU  DÈS  LA  JEUNESSE. 

subirent  un  douloureux  martyre (vu.  )  Comb;en  d'anfres  ont 

tenu  la  même  conduite  !...  Quoi  de  plus  doux  et  de  plus  b^au  aux 
yeux  de  Dieu ,  des  anges  et  des  hommes,  que  la  vue  d'un  jeune 
homme  ou  d'une  jeune  personne  qui  passent  cet  âge  dans  la  modes- 
tie, la  pureté,  la  sagesse,  la  prudence,  l'obéissance,  l'humilité,  la 
prière  et  la  piété?  0  spectacle  ravissant,  d'autant  plus  doux  qu'il 
est  aujourd'hui  plus  rare!... 

H  est  fccnc    L'époque  et  les  circonstances  les  plus  favorables  pour  la  greffe  sont 

de  servir  Dieu  .  l  x       .   .       , 

dès  la        le  printemps  et  le  vent  chaud  du  midi.  La  greffe  spirituelle  réussit 

merveilleusement  au  printemps  de  la  vie,  à  l'âge  où  les  sentiments 

sont  dans  leur  fleur,  et  quand  le  Saint-Esprit  fait  sentir  le  souffle 

biùlant  et  sacré  de  son  amour;  car  la  jeunesse  ressemble  à  un 

jeune  tronc  :  elle  est  flexible  et  reçoit  facilement  la  g]         divine 

qui,  nourrie  de  la  sève  de  Ja  grâce,  forme  un  arbre  fertile,  l'arbre  de 

vie.  Jeunes  gens,  une  voix ,  qui  est  la  voix  du  Seigneur,  vous  dit  : 

Ecoutez-moi,  sujets  divins,   et  fructifiez  comme  le  rosier  planté 

au  bord  des  ruisseaux  ;    répandez    une  odeur  parfumée  comme 

le  Liban.  Donnez  vos  fleurs  comme  le  lis ,  exhalez  une  douce  odeur , 

parez-vous  d'un  vert  feuillage,  faites  entendre  un  cantique  de 

louange  et  bénissez  le  Seigneur  dans  ses  œuvres.  Glorifiez  son  nom 

et  ren  lez-lui  témoignage  par  les  paroles  de  vos  lèvres  (I). 

Lorsque  j'étais  encore  jeune,  dit  l'Ecclésiastique,  j'ai  recherché 
la  sagesse  par  mes  prières;  je  la  demandais  à  Dieu  dans  le  temple, 
et  je  disais  :  Je  la  chercherai  jusqu'à  la  fin  de  ma  vie;  et  elle  a  fleuri 
en  moi  comme  une  vigne  qui  produit  des  fruits  précoces  ,  et  mon 
cœur  s'est  réjoui  en  elle.  Mes  pieds  ont  marché  dans  la  voie  droite. 
Je  l'ai  trouvée  dès  ma  jeunesse;  j'ai  incliné  un  peu  1  oreille,  et 
je  l'ai  reçue  (-2). 

La  jeunesse  est  plus  rapprochée  de  l'âge  de  l'innocence  que  toute 
autre  époque  de  la  vie  ;  elle  est  plus  apte  à  recevoir  les  bonnes  im; 

prompte  à  faire  une  bonne  action.  C'est  l'âge  chéri  de 

l    ïn  voce  dieit  :  0!>.iti<i;>  me  ,  divirii  froctus,  et  qnasi  rosa  plantain  snper  rivos 
aqnanim,  iructifkate.  Quasi  Libanas  «•  orem  raavitatis  habele.  Florete  Hures, 
lilium,  et  data  odor  im  .  i  ;  frondete  in  .  rati    n,el    ollaudate  canticum  ,  t-l  benedicito 

Domiuumin  openbus  suis.  Date  im qjus  magniGcentiam,  et  coniitemini  iUi  voce 

lobiorum  (  Eçcli.  ax\  •..  !T- 

Cum  adhuc  junior  essom ,  quœshri  gapientiam  palam  in  oratione  mca.  Aota 
templuui  poslulabam  prailla,  et  usque  in  novissimis   inquiram  eaui.    : 
taïujiiam  pr  i  col  uva  ;  lœlatojn  est  cor  raeum  in  ea.  Ambulavit  pes  meus  iter  rectum, 
a  juvénilité  iuvesligabaiq  eam.    Inclinavi  niodice  aurciu  nieain,    et  exr.epi  illam 

lU.t-1 


tfftŒSSrÏjS  DE  SERVIR  MET!  DÈS  1A  JEUNESSE.'  409 

Dieu  :  Laissez  venir  à  moi  les  enfants,  disait  J.  C.  :  Sinîte  parvidoss 
et  no  'ite  eos  prohibere  ad  me  venire  (  Matth.  xjx.  14). 

Saint  Benoit  recevait  dans  son  ordre  surtout  les  jeunes  gens,  afin 
que  de  bonne  heure  ils  s'accoutumassent  à  l'austérité  et  à  la  discipline 
monastiques. 

Autrefois  on  disposait  les  enfants ,  les  jeunes  et  tendres  vierges  i 
aux  tourments  et  au  martyre.  La  mère  dont  il  est  parlé  dans  le 
second  livre  des  Machabées  et  sainte  Félicité   en  fournissent  de 
beaux   exemples.  L'une   et    l'autre    élevèrent    saintement   leurs 
enfants,  et  les  conduisirent  au  supplice.  Ainsi  agit,  sous  le  tyran 
Dunaan,  roi  d'Arabie,  une  pieuse  mère  qui  avait  instruit  et  pré- 
paré au  martyre  son  enfant  encore  ta  la  mamelle.  Cette  femme 
héroïque  fut  enlevée  à  son  nourrisson  et  condamnée  à  être  brûlée 
vive.  Ayant  déjà  le  désir  du  martyre  ,  l'enfant,  qui  avait  cinq  ans, 
pleurait  en  regrettant  sa  mère.  Dunaan  lui  ayant  demandé  lequel  il 
aimait  mieux  ou  d'être  avec  lui  dans  un  palais,  ou  d'être  avec  sa  mère 
dans  une  chaudière  embrasée ,  il  repondit  :  Je  préfère  être  avec  ma 
mère ,  afin  qu'elle  me  prenne  pour  me  mener  avec  elle  au  martyre; 
car  elle  n'a  cessé  de  m'exhortera  donner  ma  vie  pour  J.  C.  Et  Dunaan 
lui  demandant  ce  que  c'était  que  le  martyre,  cet  enfant  répondit  : 
C'est  mourir  pour  J.  C.  afin  de  vivre  de  nouveau.  —  Qu'est-ce  que  J.  C? 
répliqua  le  tyran.  —  Venez  à  l'église,  lui  dit  l'enfant,  et  je  vous  le 
montrerai.  Dunaan  cherchant  de  nouveau  à  le  gagner  par  des  flatte- 
ries et  des  promesses,  cet  admirable  enfant  lui  dit  :  Arrêtez-vous,  ô 
monstre,  je  cherche,  je  veux  ma  mère  et  non  pas  vous.  Réuni  à  sa 
mère,  il  l'embrassa  et  reçut  avec  elle  la  couronne  du  martyre  {Hist. 
Eccles.  ). 

Ccrx  qui  me  cherchent  de  bonne  heure ,  dès  le  matin  de  leur  vie,  Avantages  que 

me  trouveront,  dit  le  Seigneur  :  Qui  marie  vigilant  ad  me ,  inventent    \0el^ox^^ 

me  (  Prov.  vin.  17  ).  .  dès  la 

Jeunesse. 
Lorsqu'on  est  arrivé  à  une  bonne  vieillesse ,  on  goûte  les  fruits 

recueillis  pendant  la  jeunesse  :  la  joie ,  la   sagesse ,  l'autorité,  le 

droit  de  conseil ,  l'honneur  et  l'espoir  de  la  bienheureuse  éternité. 

On  a  des  fils  et  des  petits-fils  sages,  prudents ,  graves  et  honorés 

Au  contraire,  si  la  jeunesse  a  été  mal  employée,  on  recueille 

plus  tard  les  chagrins,  la  tristesse,  le  mépris,  le  déshonneur  et  le 

désespoir,    soit  par  suite   de  la  vie  criminelle  qu'on  a  menée, 

Eoit  par    l'inconduite  des  enfants  et  des  petits -enfants Mon 

,  dit  le  Seigneur,  si  ton  jeune  esprit  est  sage,  mon  cœur  su 


410  NÉCESSITÉ  DE  PERVT?.   ÏMBETJ  DÈS  LA  JETTTESSE. 

réjouira  avec  toi  :  FM  toi,  si  sapiens  fuerit  animus  tmis,  gavdehit 
tecum  cormeum  (  Prov.  xxin.  lo).  Mon  fils,  dès  ta  jeunesse,  r. 
l'instruction,  et  tu  obtiendras  la  sagesse  jusque  dans  tes  derniers 
jours  :  FM,  a  javentute  tua  excipe  docirinam,  et  usque  ad  canos  inve- 
rties sapientiam  (Eccli.  vi.  18).  Approche-toi  de  la  sagesse  comme 
celui  qui  laboure  et  qui  sème,  et  qui  attend  en  paix  sa  moisson  ; 
dans  ce  travail,  il  y  a  peu  de  fatigue  ,  et  tu  te  nourriras  bientôt  de 
ses  fruits:  Quasi  is  qui  arat ,  et  stnr.no t ,  accède  ad  eom ,  et  sasline 
lonns  fruclu$illius;in  opère  enim  ipsius  cziguum  laborabh,  eteilo  edes 
de  qenerationibus  illius  (Ibid.  vi.  19.  20). 

Cherchez  la  vertu  durant  votre  jeunesse,  dit  l'Esprit-Saint,  et 
vous  la  trouverez  comme,  un  fruit  précoce  ;  vous  serez  comblé  de 
bonheur  {Eccli.  li.  18-20). 

Je  me  suis  souvenu  de  vous,   dit  le  Seigneur  par  la  bouche  de 
Jérémie;  j'ai  eu  pitié  de  votre  jeunesse  et  de  mon  amour  pour  votre 
âme,  qui  est  mon  épouse  :  Record  a  tus  sum  lui,  miserons  ^dolesccnliam 
tuam ,  et  caritatem  desponsationis  tuœ  (n.  2).  Je  me  suis  souvenu, 
âme  infidèle,  et  je  vous  ai  rappelé  votre  premier  âge,  pendant 
lequel,  moi  votre  Dieu,  non  point  à  cause  de  votre  beauté  ,  de  \ 
sagesse ,  de  vos  richesses,  ou  de  votre  mérite,  mais  par  pure  m'séri- 
corde,  je  vous  ai  prise  pour  épouse,  vous  faible,  pauvre  et  m 
je  vous  ai  attirée  à  moi,  je  vous  ai  protégée,  je  vous  ai  donné  ou  dut 
le  baptême,  la  science  chrétienne,  la  grâce  ,  etc.  Je  vous  ai'  "< 
d'habits  très-riches  et  très-précieux,  d'ornements  resplendissants, 
afin  que  vous  me  gardiez  la  fidélité  que  les  épouses  doivent  à  leurs 
époux 

Tl  est  bon  à  l'homme  de  porterie  joug  du  Seigneur  dès  l'adoles- 
cence, dit  encore  Jérémie  :  Bonum  est  vira  cum  portaverit  fugum 
Domini  ah  adolcscentia  sua  (Lament.  in.  27  ).  Porter  le  joug  du 
gneur,  c'est  obéir  à  sa  loi  ,  à  ses  commandements;  c'est  se  courber 
BOus  les  obligations  qu'impose  le  service  de  Dieu,  être  humble, 
doux  et  patient  dans  les  adversités,  etc 

I  n    rase,  dit  saint   Jérôme,  conserve  longtemps  l'odeur  et  la 
sapeur  de  la  première  li  fueur  qu'on  y  a  versée  :  Testa  iiui 
n      el  et  odt.rem  ;  quo  prhnuth  imbuta  est  (  Epist.  ). 

Celui,  dit  saint  Ambroiso.  relui  qui  a  porté  le  joug  du  S  ùgneu* 

•sprrm:  'es  et  qui  a  Fourni  ■  :>   l'unù 

sage  modération  .  sera  merveilleusem  ; 

il  possédera  la  tranquillité  et  la  paix;   ;1  dominera  ses  -eus  et 

les   convoitise?   de  la  chair;    il    saura    combattra   les   diverses 


NÉCESSITÉ  DE  SERYTT,   DIEU  DÈS  LA  JEUNESSE.  i\\ 

passions  qui  pourraient  naître  dans  son  cœur.  Le  joug  puissant  et 
aimable  du  Seigneur  porte  à  désirer  Dieu  et  à  le  chercher  :  quand, 
on  captive  sous  ce  joug  la  jeunesse,  qui  est  presque  indomptable, 
tout  devient  délices  (  In  Psal.  cxyiii.,  serm.  xix  ). 

Eest  par  le  joug  de  son  service  que  Dieu  dompte  les  jeunes 
gens,  qu'il  les  maintient  debout,  les  préserve  des  chutes  dan- 
gereuses, les  rend  doux,  les  l'orme  au  bien  et  enfin  les  perfectionne. 
11  a  coutume  de  l'alléger  et  d'y  faire  trouver  la  vraie  félicité  en 
comblant  ceux  qui  le  portent  de  grâces  et  de  consolations  spiri- 
tuelles. J.  C.  le  dit  lui-même  :  Mon  joug  est  doux,  et  mon  fardeau, 
léger  :  Jugum  meum  suave  etonus  meum  levé  (  Matth.  xi.  30). 

Combien  sage  et  généreuse  est  l'âme  qui  s'est  instruite  de  bonne 
heure  et  qui  a  voulu  se  conserver  vraiment  libre,  en  s'astreignant 
au  joug  divin,  ou  qui  gémit  d'avoir  passé  quelques  jours  soustraite 
à  cette  discipline  et  à  cet  esclavage ,  principe  de  vie  et  de  force  !  Elle 
veut,  cett;  àme  héroïque,  se  soumettre  et  s'appliquer  jusqu'à  la  mort 
au  service  du  Seigneur ,  dans  le  silence ,  la  patience ,  la  résignation; 
ne  secouant  jamais  ce  joug,  et  évitant  tout  murmure;  car  lame 
qui  cherche  à  s'en  débarrasser  ne  le  porte  qu'avec  peine;  elle  le 
traîne  et  le  déteste;  il  l'écrase  alors,  et  elle  perd  tout  mérite 

Tl  est  très-utile  et  très-avantageux  de  s'accoutumer  dès  la  jeunes?*.- 
à  la  discipline,  à  la  mortification,  à  l'austérité,  à  la  patience,  à  la 
pratique  de  la  vertu,  en  un  mot,  au  service  de  Dieu.  C'est  ainsi  qu'on 
assure  son  salut  et  qu'on  devient  un  grand  saint.  Dès  leur  jeunesse, 
Samson  et  Samuel  s'abstinrent  de  vin  et  de  bière  et  furent  consacrée 
Nazaréens.  A  peine  âgé  de  deux  ans,  saint  Jean-Baptiste  se  retira 
dans  le  désert,  se  revêtit  d'un  cilice,  vécut  de  sauterelles  et  mérita 
d'être  le  précurseur  et  le  martyr  de  J.  C.  Ce  divin  Sauveur  com- 
mença dès  la  crèche  à  pratiquer  la  pauvreté  et  l'obéissance,  à  mener 
une  vie  pénible,  et  à  se  préparer  à  la  croix.  Aussi  dit-il,  par  la 
Louche  de  son  prophète  :  J'ai  été  pauvre  et  dans  le  travail  dès  ma 
jeunesse  :  Pauper  sum  ego,  et  in  laboribus  a  juventute  mea  (Psal. 
lxxxvit.  16). 

J.  C.  aime  l'enfance,  qui  le  sert,  dit  saint  Léon,  cette  enfance  qu'il 
pnt  dans  son  âme  et  dans  son  corps.  J.  C.  aime  l'enfance,  qui  est  un 
rao  .  d'humilité,  d'innocence  et  de  douceur.  J.C.  aime  l'enfance, 
s  Ion  laquelle  il  forme  les  mœurs,  à  laquelle  il  ramène  la  vieille-se, 
et  u'il  donne  pour  exemple  à  ceux  qu'il  appelle  à  entrer  dans  le 
royaume  des  cieax  (/n  Epiphan.,  n.  7). 

Où  trouver  des  avantages  semblables  à  ceux  qu'on  rencontre  dan*- 


412  NiCÉSSITÉ  DE  SETITTR  DTET7  DÈS  1A  TÊtOTSSE. 

le  service  de  Dieu  accepté  dès  la  jeunesse?  Servir  Dieu  dès  la  jeunesse, 
c'est  conserver  son  innocence,  sa  pureté  ;  c'est  plaire  à  Dieu  ;  c'est 
garder  en  soi  Dieu,  sa  grâce,  toutes  ses  faveurs  et  toutes  ses  bénédic- 
tions; c'est  ne  jamais  perdre  les  précieux  trésors  du  saint  baptême, 
et  demeurer  fidèle  aux  engagements  sacrés  qu'on  y  a  contractés; 
c'est  aller  de  vertu  en  vertu,  et  augmenter  chaque  jour  et  chaque 
année  ses  mérites  et  sa  couronne;  c'est  garder  la  paix  du  cœur,  et  se 
préparerdes  consolations  inexprimables;  c'est  assurer  sonsalut;  c'est 
rester  le  temple  du  Saint-Esprit,  orné  de  tous  ses  dons;  c'est  se  mon- 
trer un  digne  membre  de  J.  G.;  c'est  être  maître  et  vainqueur  de 
l'enfer,  du  inonde  et  de  soi-même;  c'est  commencer  sur  la  terre  la 
vie  des  anges,  et  avoir  un  avant-goût  des  délices  ineffables  de  la  cité 
céleste;  c'est  faire  la  consolation  du  Père,  du  Fils,  du  Saint-Esprit,  de 
Marie,  des  anges,  des  saints,  de  l'Eglise,  de  la  société  et  de  sa  propre 
famille;  c'est  porter  partout  la  bonne  o  leur  de  J.  C,  et  engager  les 
autres,  par  son  exemple,  à  en  faire  autant,  à  éviter  le  péché,  à  prati- 
quer la  vertu  et  à  se  sanctifier. 

Heureuse,  mille  fois  heureuse  et  pour  le  temps  et  pour  l'éternité, 
la  jeunesse  qui  sert  le  Seigneur  de  tout  son  cœur,  de  toute  son  âme, 
de  toutes  ses  forces,  et  qui  a  le  bonheur  de  persévérer  dans  ce  doux 
et  salutaire  service  !... 

il  faut  servir    QuEST-cE  que  la  jeunesse?  un  âge  qui  passe  comme  la  fleur,  éclose  le 
jeunesse?  car  matiu  et  fanée  le  soir;  c'est  une  vapeur  légère,  un  songe,   une 
goutte  de  rosée  au  lever  du  soleil,  le  vol  d'un  oiseau,  un  éclair 

Que  sont  tous  Jes  âges  pris  séparément  ?  qu'est  même  la  vie  entière 
surtout  si  on  la  compare  à  l'éternité? 

Et  combien  de  personnes  dont  la  jeunesse  est  le  dernier  âge!  Com- 
bien qui  seront  forcées  dédire  avecEzéchias,  roi  de  Juda  :  Au  milieu 
de  mes  jours,  je  descends  aux  portes  du  tombeau...;  ma  vie  a  été 
roulée  tout  à  coup  comme  une  tente  de  berger  ;  elle  a  été  coupée 
comme  la  trame  du  tisserand.  Tandis  que  je  croissais  encore,  votre 
main,  Seigneur,  ma  retranché;  du  matin  au  soir  vous  m'avez  pré- 
senté ma  fin.  J'espérais  \ivre  jusqu'à  l'aurore,  mais  le  mal  a  brisé 
mes  os  comme  L'eu!  lait  un  lion  (Isai.  xxxvnr.  10-13). 

On  peut  dire  de  plus  d'un  homme  ce  que  Jérémie  disait  du  peupîf) 
de  Jérusalem  :  Le  soleil  a  disparu  pour  lui,  dus  le  milieu  du  jour  . 
Ocadit  ci  sol,  cum  adkuc  csset  dies  (xv.  9). 

Pourquoi  la  morta-t-elle  frappé  prématurément  ce  jeune  homme 
vertueux?  En  voici  la  raison  :  Celui  qui  plaii  à  Dieu,  dit  la  Sagesse, 


1°  cet  âge 
passe  \ite. 


NÉCESSITÉ  DE   SERVIR   DIEU   DÈS   LA   JEUNESSE.'  443 

devient  son  bien-aimé;  vivant  au  milieu  des  pécheurs,  il  a  été  trans- 
porté dans  un  lieu  meilleur  :  Placens  Deo  factus  est  dilectus ,  et 
vivens  inter  peccatores  translatas  est  (  ïv.  40  ).  Il  a  été  enlevé,  de  peur 
que  le  mal  ne  changeât  son  intelligence,  et  que  l'illusion  ne  déçût 
son  cœur  :  Raptus  est  ne  malitia  mutaret  intellectum  ejus,  aut  ne  fictio 
deciperet  animam  illius  (Id.  ïv.  14).  Car  la  fascination  qu'exercent  les 
frivolités  obscurcit  les  biens,  et  l'inconstance  des  désirs  égare 
l'homme  sans  malice  {Id.  ïv.  42).  Consommé  en  peu  de  jours,  il  a 
rempli  une  longue  carrière  :  Consummatus  in  brevi,  explevit  tempora 
multa  (Id.  ïv.  43).  Son  âme  était  agréable  à  Dieu  ;  c'est  pourquoi  il 
s'est  hâté  de  le  retirer  du  milieu  des  iniquités.  Mais  les  peuples 
voient  et  ne  comprennent  pas;  ils  ne  mettent  point  en  leur  cœur 
cette  pensée  :  Que  la  grâce  et  la  miséricorde  du  Seigneur  descendent 
sur  ses  saints,  et  son  regard  sur  ses  élus.  Le  juste  mort  condamne 
les  impies  vivants;  et  une  jeunesse  rapidement  accomplie,  la  lon- 
gue vie  du  méchant  {Id.  ïv.  44-46). 

Pourquoi  la  mortfrappe-t-elle  non  moins  prématurément  ce  jeune 
homme  corrompu  et  impie  ?  Dieu  a  ses  secrets  insondables  ;  il  faut 

les  adorer  en  silence Mais  cependant  il  est  permis  de  dire  qu'il 

est  abattu  à  la  fleur  de  l'âge  :  4°  en  punition  de  sa  vie  criminelle...  ; 
2°  pour  qu'il  n'allonge  pas  davantage  la  chaîne  de  ses  iniquités,  et 
qu'il  n'augmente  pas  le  terrible  compte  qu'il  a  déjà  à  rendre  à 
Dieu...;  3°  pour  mettre  fin  aux  scandales  qu'il  donne...;  4°  pour 
servir  d'exemple  à  ceux  de  son  âge  :  aux  sages,  afin  qu'ils  persévè- 
rent; aux  coupables,  afin  qu'ils  se  convertissent...;  5°  parce  qu'il 
était  mûr  pour  l'enfer!... 

La  brièveté  de  la  jeunesse  dit  à  haute  voix  aux  jeunes  gens  qu'il 
y  a  nécessité  pour  eux  de  consacrer  cet  âge  au  service  de  Dieu 

Votre  vieillesse  sera  semblable  aux  années  de  votre  jeunesse,  dit  le    H  fam  servir 
Seigneur:   Sicut  dies  juventutis  tuœ,  ita  et  senectus    tua  (Deuter.  jeuifeLV-Yu-, 

XXXII1.25).  2o  telle  la' 

jeunesse,  tels 

L'adolescent,  disent  les  Proverbes,  suivra  la  voie  dans  laquelle  il    sont  les  âges 
s'est  engagé,  et  il  n'en  sortira  pas  même  lorsqu'il  sera  devenu  vieux  : 
Adolescens  juxta  viam  suam,  etiam  cum  senuerit,  non  recède t   ab  ea 
(xxu.  6). 

Les  os  de  l'impie,  dit  Job,  seront  pénétrés  des  vices  de  la  jeunesse 
et  ils  dormiront  avec  lui  dans  la  poussière  du  tombeau  :   Ossa  ejus 
implebuntur  vitiis  adolescent iœ  ejus,  et  cum  eo  in  puivere  dormient 
(xx.  U). 


qui  la  suivent. 


41-4  NÉCESSITÉ  DE  SERVIR  DIEU  DÈS  LA  JE'^'E       . 

Le  vieux  Vase,  lit  un  poëte,  conserve  l'odeur  de  la  ligueur  qu'il  a 
reçue  étant  neuf  : 

Quod  nova  testa  bibit,  inveteratî  sapit. 
Il  faut  servir    j    jeunegse  dit  saint  Basile,  est  très-légère  et  elle  incline  facilement 

Lieu  «les  la  J  '  '  ° 

jeunesse  ;      yers  le  mal  :  elle  est  exposée  aux  convoitises  indomptées  et  sans  frein, 

s°  cet  âge  est  aux  colères  cruelles  et  féroces ,  à  l'incontinence  de  la  langue,  à  l'in- 

Pn'ia|l  qucles"  solence  qui  outrage,  à  l'arrogance,  et  au  faste  qui  nait  de  l'orgueil. 

autres  âges.    j)es  eScaims  je  vices  innombrables  se  pressent  autour  d'elle  et  lui 

l'ont  cortège  (1). 

La  jeunesse  est  un  âge  plein  d'ignorance,  d'inexpérience,  de  fai- 
blesse et  de  présomption»  Le  démon  fait  à  la  jeunesse  une  guerre 
plus  vive  qu'aux  autres  âges,  pour  quatre  raisons  principales  :  la 
première  est  qu'il  sait  que  Dieu  aime  d'un  amour  privilégié  les  jeunes 
gens  pieux;  c'est  pourquoi  il  met  tout  en  œuvre  pour  enlèvera 
Dieu  la  ravissante  fleur  de  l'âge  et  de  la  vertu...  ;  la  seconde  est  que 
par  ce  moyen  il  engage  dans  la  voie  du  crime  tous  les  autres  â  ges...  ; 
la  troisième  est  que  les  jeunes  gens  sont  plus  faciles  à  séduire,  et 
qu'une  fois  pris  dans  ses  filets,  ils  ne  peuvent  presque  plus  les  bri- 
ser  et  en  sortir...;  la  quatrième  est  que,  lorsqu'ils  pèchent,  ils 

pèchent  immodérément 

Le  monde  et  la  chair  font  aussi  à  la  jeunesse  une  guerre  plus 

cruelle  qu'aux  autres  âges 

Puisque  la  jeunesse  est  exposée  à  tant  de  dangers,  de  passions,  de 
tentations  et  d'ennuis,  et  qu'elle  a  d'ailleurs  fort  peu  d'expérience, 
n'y  a-t-il  pas  nécessité  absolue  de  la  consacrer  au  service  de  Dieu, 
afin  de  ne  pas  faire  un  irréparable  naufrage?... 

ti  faut  servir    Tous  les  âges  appartiennent  au  souverain  maître  de  toutes  choses; 
Dieu  dès  la  .  .  °        **  -  ..     ■  ±.i  ... 

jeunesse  ;      mais  la  jeunesse  surtout  doit  cire  a  Dieu.  Les  jours  de  la  jeunesse 

^ceUge     sont  ^cs  PrL'm'ce?  (lp  'a  v'e  î  nr>  les  prémices  ont  toujours  été  offertes 

apartient      au  Seigneur Les  belles  fleurs  du  printemps,  et  surtout  les  pre- 

spécialement  .  ,        ,         ,     .„  , 

■  Dieu.       mières,  sont  toujours  les  plus  agréables,  les  plus  odoriférantes,  celles 

qu'on  préfère  et  qu'on  choisit  pour  les  offrir  à  celui  que  l'on  aime. 

La  jeunesse  est  la  plus  belle  fleur  du  jardin  du  Seigneur;  elle  doit 

donc  lui  être  consacrée. 

(1)  Adolescentia  levisslma  est,  et  ad  flagitia  mobilis;  reti  surit  iiidomitre  et  efTrœ- 
ncs  concupiscente,  belluina!  rt  iamanca  irai,  lingua  incontiuentia,  conlumeli.e, 
arrogantia,  fastus  ex  animi  elatione.  Examina  innumerabiliuni  viliorum  se  agglomé- 
rant et  adjiuuguût  juventuti  [liomil.  in  l'sul.). 


NÉCESSITÉ  DE   SERVI!.   DIEU   DÈS  LA  JEUNESSE.  4t5 

C'est  à  la  fleur  de  l'âge  que  J.  G.  a  donné  sa  vie  pour  le  salut  du 
monde  ;  il  convient  d'employer  cette  époque  de  la  vie  au  service 
deJ.  0 

Notre  jeunesse  n'est  pas  à  nous  ',  la  ravir  à  J.  C,  c'est  un  vol  que 
nous  lui  faisons 

La.  plupart  do?  jeunes  cens  s'engagent  dans  une  voie  fausse;  ils  Combien  il  «?l 

L  •'  °  °  .        honteux  île 

disent  :  Je  donnerai  ma  jeunesse  au  plaisir,  et  ma  vieillesse  à  la  péc  i-      çerdre  sa 

unce;  ma  jeunesse  au  repos  et  aux  passions,  et  ma  vieillesse  au  tra-      Jeuness 
vail  du  salut  et  à  la  vertu;  ma  jeunesse  à  la  chair,  au  monde,  au 

démon,  et  ma  vieillesse  à  mon  âme  et  à  Dieu Quoi  de  plus  dan- 

;  de  plus  honteux  que  de  do  mer  au  démon  la  fleur  et  le 
Irait  de  la  vie,  et  à  Dieu  ses  derniers  débris!  Quoi  de  plus  insensé 
que  de  consacrer  à  l'oisiveté,  à  la  mollesse  une  jeunesse  apte  au  tra- 
vail, et  d'astreindre  à  un  labeur  inaccoutumé  une  vieillesse  faite, 
pour  le  repos!  Comment  se  conduit  l'homme  prudent  qui  vit  selon 
le  siècle?  il  dit:  U  faut  que,  dans  la  force  de  l'âge,  je  travaille  à  me 
procurer  des  ressources  afin  de  passer  tranquillement  mes  vieux 
i  pourquoi  ne  pas  faire  de  même  quand  il  s'agit  de  1  aine  ?... 

le  danger  que  de  s'abandonner  au  désordre,  sous  la 
vaine  et  incertaine  espérance  d'une  longue  vie  d'abord,  puis  du 
-  nécessaire  à  la  pénitence  !...  Il  appartient  à  la  jeunesse  de  pré- 
parer, à  la  vieillesse  de  jouir,  dit  Séneque  :  Juveni  pamadurn,  seni 
utendam  (Prov.).  Offenser  Dieu  dans  ia  jeunesse,  l'abandonner 
et  l'oublier  :  c'est  une  grave  imprudence  et  une  noire  ingratitude. 
Quoi,  s'écrie  Jérémie,  vous  avez  abandonné  le  Seigneur  votre  Dieu 
au  jour  où  il  vous  guidait  dans  la  route!  Vous  avez  abandonné  la 
source  d'eau  vive  pour  boire  une  eau  dégoûtante,  l'eau  trouble  du 
flem  e  du  monde  et  des  passions  !  Votre  malice  vous  accusera,  et  votre 
haine  s'élèvera  contre  vous.  Comprenez  et  voyez  combien  il 
funeste  et  amer  d'avoir  abandonné  Je  Seigneur  votre  Dieu,  et  de 
n'avoir  plus  sa  crainte  près  de  vous,  dit  le  Seigneur  Dieu  des  armée9. 
Dès  le  commencement  vous  avez  brisé  mon  joug,  vous  avez  rompu 
mes  liens,  qê  tous  avez  dit  :  Je  n'obéirai  pas  (J). 

(1)  Dereliquisti  Dotr.innm"Deum  tuum  eo  tempore,  (juo  dncehat  te  perviamîEt 
mine  qu'ici  libi  vis  in  via  ^Egypli,  ut  bibas  aquam  turbitlam,  aqviam  fuuiiiuis?  Arguct 
te  malilia  tua  ,  et  aversio  tua  increpabit  te.  Scilo,  el  vide,  quia  malum  et  araarum 
est  reiiquissa  te  Doininmii  Deum  tuum  ,  et  non  esse  timorcm  mei  apud  te.  dicit 
Douiinus  Deus  cxercituuni.  Çonfjrégisti  jugum  meum,  ;uuisli  viucula  mea,  et  dixisti: 
Nou  servidin  ^Jeieru.  n.  17-20  j. 


410  NÉCESSITÉ  DE  SERVIR  DIEU  DÈS  LA  JEUNESSE. 

C"omh?ewxnl  ^E  feu  des  passions  a  dévoré  les  jeunes  gens,  dit  lePsalrniste  :  Juve- 
ceux  qui  Per-  nés  comedit  ignis  (lxxvii.  63).  Ils  se  sont  égarés  dès  leur  naissance; 
jeunesse.  dès  le  sein  de  leur  mère,  ils  se  sont  complu  dans  l'erreur  *  Alknati 
sunt  peccatores  a  vulva,  erraverunt  ub  utero  (Psal.  lvii.  A). 

La  plupart  des  jeunes  gens  ont  vu  la  lumière,  dit  le  prophète 
Baruch,  et  ils  ont  vécu  d'une  vie  charnelle;  ils  ont  ignoré  la  voie  de 
la  sagesse,  ils  n'ont  pas  connu  ses  sentiers  et  ils  ne  l'ont  pas  reçue* 
elle  s'en  est  allée  (1). 

Enfants,  dit  le  Seigneur,  jusqu'à  quand  aimerez-vous  l'enfance? 
Jusqu'à  quand  les  insensés  désireront-ils  ce  qui  leur  est  nuisible,  et 
les  imprudents  haïront- ils  la  science?  Usquequo  parvuli  diligitis 
infantiam,  et  stulti  ea,  quœ  sibi  sunt  noxia,  cupient,  et  imprudentes  odi- 
bunt  scientiam  ?  (Prov.  i.  22.  )  Jusqu'à  quand  détesterez-vous  la  science 
de  la  vertu  et  du  salut,  et  chérirez-vous  les  frivolités,  les  jeux,  la 
perte  du  temps,  le  péché  et  la  mort?...  Ce  que  vous  n'avez  pas 
amassé  dans  votre  jeunesse,  dit  l'Ecclésiastique,  comment  le  trouve- 
rez-vous  dans  votre  vieillesse?  Quœ  injuventute  tua  non  congregasti, 
quomodo  in  senectute  tua  invenies?  (  xxv.  5.  ) 

Hélas  !  où  sont  les  jeunes  gens  qui  ont  conservé  leur  innocence? 
où  sont  les  jeunes  gens  humbles,  modestes,  chastes,  dociles,  sages  et 
édifiants?  Combien  le  nombre  en  est  petit,  et  combien  est  grand,  au 
contraire ,  le  nombre  de  ceux  qui  ont  perdu  ces  trésors  et  ces  belles 
vertus!... 

Châtiments     Réjouissez-vous  dans  votre  adolescence,  jeune  homme,  dit  l'Ecclé- 

ceuxqnine    siaste,  marchez  dans  les  voies  que  préfère  votre  cœur  et  selon  le 

ryrven}.  Pa.s     regard  de  vos  yeux  pervers,  et  sachez  que  pour  toutes  ces  choses 

jeunesse.       Dieu  vous  appellera  eu  jugement  :  Lœlare,  juvenis,  in  adolescentia 

tua,  ambula  in  viis  cordis  tui,  et  in  intuitu  oculorum  tuorum:  et  scito 

quod  pro  omnibus  his  adducet  te  Deus  injudicium  (xi.  9). 

Les  enfants,  dit  Jérémie,  ont  été  entraînés  en  captivité  devant  la 
face  du  dominateur  :  Parvuli  ducli  sunt  in  captivitatem,  ante  faciem 
tribulantis  (Lament.  i.  5);  c'est-à-dire  devant  la  face  du  démon, 
selon  que  l'expliquent  les  interprètes* 

Ils  n'ont  point  abordé  (dans  leur  jeunesse)  la  voie  de  la  sagesse; 
c'est  pourquoi  ils  ont  péri,  dit  le  prophète  Baruch  :  iXeque  viam 
disciplinée  invenerunt  :  propterea perierunt  (m.  27). 

(i)  Juvenes  viderunt  lumen,  et  habitaverunt  super  terram  :  viam  disciplinée  îgno- 
raverunt,  ueque  intellexerunt  seimtas  ejus,  neçiue  susceperunt  eam;  a  facie  eoruui 
longe,  facta  est  (m.  20.  21  ). 


NÉCESSITÉ  DE  SERVIR   DIEU  DES  LA  JEUNESSE.  417 

Voici  comment  le  Saint-Esprit  peint,  parla  bouche  de  Job,  les 
châtiments  qui  suivent  une  jeunesse  coupable  :  Seigneur,  vous 
m'avez  pénétré  d'amertumes;  vous  voulez  me  consumer  par  les 
péchés  de  ma  jeunesse:  Scribis  contra  me  amaritudines,  et  consu- 
mere  me  vis  peccatis  adolescentiœ  meœ  (xm.  26).  Vous  avez  placé 
mes  pieds  dans  des  entraves,  vous  avez  observé  tous  mes  sentiers, 
et  je  serai  dévoré  comme  le  corps  que  dévore  la  gangrène,  comme 
le  w'tement  qui  est  rongé  par  les  vers  (Jd.  xm.  27.  28). 

Tar  ce  qui  précède,  on  voit  que  Dieu  menace  de  cinq  malheurs  et 
châtiments  la  jeunesse  désobéissante  et  impie  :  1°  du  pire  des  escla- 
vage, celui  du  démon...  ;  2°  de  l'amertume  du  remords...  ;  3°  d'une 
ruine  totale...;  4°  d'une  mort  affreuse...;  5°  d'un  jugement  for- 
midable  

Quel  horrible  malheur  que  de  perdre  l'innocence,  le  bel  âge, la 
vertu,  son  âme  et  Dieu!...  Quel  formidable  châtiment  que  d'être 
vendu  au  vice  et  au  démon  ! 

Il  y  a  plusieurs  moyens  à  prendre  pour  servir  Dieu  dès  la  jeunesse     Moyens  a 

prendre  pour 

et  se  corriger  de  ses  défauts  :  servir  Dieu 

Premier  moyen,  l'observance  de  la  loi  de  Dieu.  Gomment,  Seigneur,  jeunesSse)aet  se 
dit  le  Prophète  royal,  comment  la  jeunesse  redresse  - 1  -  elle  ses  corriger  da  ses 
voies?  en  gardant  vos  préceptes  :  In  quocorrigit  adolescentior  viam 
suam?  in  custodiendo  sermones  tuos  (cxvin.  9j. 

Second  moyen ,  le  souvenir  de  Dieu.  Souvenez  -  vous  de  votre» 
Créateur,  aux  jours  de  votre  jeunesse ,  dit  l'Ecciésiaste  :  Mémento 
Créât:  ris  tui  in  diebus  juventutis  tua?  (xn.  1). 

Troisième  moyen,  la  crainte  de  Dieu.  Tobie  apprit  à  son  fils  à  crain- 
i  re  Dieu  dès  l'enfance ,  et  à  s'abstenir  de  tout  péché  :  Filium  ak 
infant/,  timere  Deum  docuit ,  et  abstinere  ab  ornni  peccato  (i.  10) 

Quatrième  moyen,  la  prudence.  Sortez  de  l'enfance  et  vivez,  et 
liez  dans  le  voies  <!e  la  prudence,  disent  les  Proverb     :  Relin- 
quite  infantiam ,  et  vivite  ;  et  ambulate  per  vias prudentiœ  (ix.  6). 

Cinquième  moyen,  l'instruction  chrétienne.  Mon  fils,  dit  l'Ecclésias- 

■  ue,  recevez  l'instruction  dès  votre  jeunesse,  et  vo      trouverez  la 

;se  jusqu'à  l'âge  où  les  cheveux  deviennent  blancs  :  Fili  mi ,  in 

juvénilité  tua,  exe  pe  doctrinam,  et  usque  ad  canos  invenies  sapientiam 

(vi.  18). 

Sixième  moyen,  mettre  Dieu  au-dessus  de  tout,  et  se  rappeler  que 
1'  '       est  le  trésor  le  plus  précieux  qui  ait  été  confie'  à  l'homme 

Sep  ème  moyen,  aimer  la    ienheureuse  Vierge  Marie  de  tout  s  n 
m.  S7 


4i8  nécessité  de  servir  dieu  dès  la  ïËtfNïssE; 

cœur,  comme  la  mère  du  Fils  de  Dieu  ;  se  recommander  à  elle  tous 
les  jours,  et  n'en  pas  passer  un  seul  sans  l'honorer  par  quelque  pra- 
tique spéciale. 

Huitième  moyen,  ne  jamais  garder  sur  sa  conscience  un  péché  mor- 
tel; mais  se  repentir  chaque  jour  des  fautes  que  l'on  a  commises, 
et  les  confesser  au  plus  tôt 

Neuvième  moyen,   penser  souvent  à  la  mort;  penser  qu'apr 
mort,  si  on  a  été  sage  dès  sa  jeunesse,  on  sera  éternellement  àyec 
Dieu  et  ses  anges;  qu'au  contraire,  si  on  oublie  Dieu  à  l'aurore  de  la 
vie,  on  est  très -exposé  à  brûler  éternellement  avec  les  démons 
dans  l'enfer 

Dixième  moyen,  se  respecter  soi-même,  soit  en  public,  soit  en  par- 
ticulier  

Onzième  moyen,  faire  toutes  ses  actions  comme  si  l'on  était  sous 
ies  yeux  de  personnes  respectables..... 


NOM  DE  JÉSUS. 


Le  nom  de  Jésus  veut  dire  sauveur  et  rédempteur.   Eu  lajoguo    ^J 
hébraïque ,  dit  saint  Epiphane,  Jésus  signifie,  celui  qui  guérit        Jésus? 
ou  médecin  et  sauveur  :  Jésus,  hebrœa  lingua,  curator  appella- 
tur ,  aut  meclicm  et  salvator  (  De  Christo  ). 

IAnge  Gabriel  donne  lui-même  ce  sens  au  nom  de  Jésus,  quand 
il  dit  à  Joseph  :  Joseph,  fils  de  David ,  ne  craignez  point  de  prendre 
Marie  pour  votre  épouse,  car  ce  qui  est  né  en  elle  est  du  Saint-Esprit. 
Elle  enfantera  un  lils,  et  vous  lui  donnerez  le  nom  de  Jésus  ;  parce 
que  lui-même  délivrera  son  peuple  de  ses  péchés  :  Vocabis  nomen 
ejusJesum;  ipse  enim  salvum  faciet  populum  suum  a  peccatis  corum 
(Matth.  i.  20.21). 

Il  n'y  a  pas  de  salut  en  aucun  autre  que  J.  C.  de  Nazareth,  dit 
l'apôtre  saint  Pierre,  ni  sous  le  ciel  aucun  autre  nom  donné  airs 
hommes  ,  par  lequel  nous  devions  être  sauvés  :  Et  non  est  in  alio 
aliquo  salus,  nec  enim  aliud  nomen  est  sub  cœlo  datum  hominibus ,  in 
qao  oporteat  nos  salvos  fieri  (  Act.  iv.  12). 

Mon  nom  est  nouveau,  dit  J.  C.  dans  l'Apocalypse  :  Nomen  meum 
novum  (m.  42  ).  Le  nom  dont  il  s'agit  ici  est  celui  de  Jésus;  c'est  ce 
nom  qu'il  remt  à  la  circoncision. 

Seigneur,  disait  Jacob  mourant,  j'attendrai  votre  salut  :  Saluiare  Ce  nom  dWm 
tuum  exspectabo ,  Domine  (Gen.  xlix.  18).  Je  me  réjouirai  dans  le    am^ncé  pat- 
Seigneur,  dit  le  prophète  Habacuc,  je  tressaillirai  de  joie  dans  Jésus  les  Pr°Phetes- 
le  Dieu  de  mon  salut  :  Ego  autem  in  Domino  gaudebo  3  et  exsultabo  in 
DeoJesu  meo  (in.  18). 

Ecoutez  maintenant  Isaïe  :  Cieux ,  s'écrie-t-îl ,  versez  votre  rosée; 
que  les  nuées  envoient  le  juste  comme  une  pluie  bienfaisante;  que 
la  terre  s'ouvre  et  qu'elle  enfante  le  Sauveur  :  lîorate  cœ(i  desuper, 
et  nubes  pluant  justum;  aperiatur  terra  et germinet  Salvatorem  (xlv.  8). 

Dieu  a  élevé  le  Christ,  dit  le  grand  Apôtre,  et  il  lui  a  donné  un  nom    Combien  le 
qui  est  au-dessus  de  tout  nom  :  afin  qu'au  nom  de  Jésus  tout  genou  n°ést^aml*US 

fléchis?.;  au  ciel,  sur  la  terre  et  dans  les  enfers  :  Exaltavit  illum     fœpMtabJe  et 

7  adorée. 

et  aouavU  illi  nomen  quod  es:  .,-«;■«   ut  in  nuiuiuc  Jesu  omne 


420  NOM   DE  JJÉSCJS. 

genu  flectatur ,  cœlestium ,  terrestrium ,  et  infernorum  (  Philipp.  Il» 
9.  40). 

Le  Père  éternel  a  donné  au  Christ  4°  le  nom  de  Dieu  et  de  Fils  de 
Dieu  :  or,  Je  nom  se  prend  pour  la  chose  qu'il  signifie;  le  nom  de 
Dieu,  c'est  donc  Dieu  lui-même,  c'est  la  divinité.  2°  Dieu  a  donné 
au  Christ  le  nom  de  Jésus,  c'est-à-dire  la  renommée  et  la  glorifica- 
tion de  ce  nom,  afin  qu'en  qualité  de  Messie  et  de  Sauveur,  Jésus 
fût  connu,  nommé  en  tous  lieux  et  à  jamais ,  et  célébré  sur  la  terre , 
au  ciel  et  jusque  dans  les  enfers.  3°  Par  son  humilité  et  son  obéis- 
sance jusqu'à  la  mort,  le  Christ  a  mérité  le  nom  sublime  de  Jésus, 
qui  est  le  titre  de  sauveur  et  de  rédempteur  ;  et  par  la  mort  de  la 
croix,  il  est  en  effet  devenu  le  sauveur  et  le  rédempteur  du  monde. 

Le  nom  de  Jésus  est  un  nom  au-dessus  de  tous  les  noms.  Il  n'y  a 
pas  sous  le  ciel  un  autre  nom  donné  aux  hommes ,  par  lequel  nous 
devions  être  sauvés  (Act.  iv.  12).  La  raison  en  est  que  le  nom 
de  Jésus  est  le  nom  propre  du  Verbe  incarné.  Ainsi  le  nom  de 
Jésus  signifie  toute  l'économie  de  l'incarnation  du  Christ  et  de  la 
rédemption  dans  lesquelles ,  plus  que  dans  aucune  des  autres 
œuvres  de  Dieu,  brillent  et  s'unissent  la  sagesse  de  Dieu,  sa  puis- 
sance ,  sa  bonté,  sa  majesté ,  et  tous  ses  ùi\  ins  attributs.  Qu'est-ce  en 
effet  que  J.  C,  sinon  la  suprême  majesté,  le  suprême  amour  par 
lequel  nous  arrivent  et  nous  sont  donnés  le  salut,  la  grâce,  la  gloire, 
tous  les  biens  du  corps  et  de  l'âme ,  tant  en  cette  vie  que  dans  la  vie 
future  et  bienheureuse,  durant  toute  l'éternité?  11  suit  de  là  que  le 
nom  de  Jésus  est  d'une  manière  absolue  plus  grand,  plus  saint, 
plus  vénérable ,  que  ne  l'est  le  nom  de  Dieu  lui-même ,  le  nom  de 
Jéhovah.  En  voici  la  raison  fondamentale  :  Jéhovah  signifie  Dieu 
comme  créateur  et  seigneur;  mais  Jésus  signifie  Dieu  comme  sauveur 
et  rédempteur.  Et  comme  le  bienfait  et  l'œuvre  de  la  rédemption  sont 
une  œuvre  et  un  bienfait  plus  grands  que  la  création  ,  ainsi  le  nom 
de  Jésus  ou  de  sauveur  est  plus  grand,  plus  saint,  plus  vénérable 
que  ne  l'est  le  nom  sacré  de  Jéhovah  ou  de  créateur.  Ce  qui  fait  dire  à 
i'Eglise,  d'après  saint  Grégoire  :  La  naissance  de  l'homme  n'était  rien 
sanslarédemiitii.ii  :  Nihil  nasci profuit,  nisi  redemi  profuisset  (Exsultet 
j.uii,  etc.,  in  benedict.  ccreipaschalis).  Ajoutez  que  le  nom  de  Dieu 
rédempteur  renferme  le  nom  de  Dieu  créateur,  tandis  que  le  nom  do 
Dieu  créateur  ne  renferme  pas  le  nom  de  i-ieu  rédempteur;  car  la 
Lppose  la  création,  et  la  création  ne  présuppose  pas  la 
ion.  Voulez-vous  mieux  comprendre  celle  merveille!  Ecou- 
tez ;  Le  nom  de  Jéhovah  signifie  celui  Qui  est;  il  est  en  réalité  et  par 


NOM  DE  JÉSTJS.  421 

essence  le  même  que  celui  que  s'est  donnéDieu  (Ttland  il  a  dit  à  Mo'ise  : 
Je  suis  celui  qui  suis  :  Ego  sum  qui  sum  (Exod.  ni.  14  );  Jésus  signifie 
celui  qui  crée  et  qui  sauve  ceux  qui  sont  perdus,  qui  les  vivifie,  les 
justifie,  les  béatifie,  les  déifie.  Jéhovah  est  la  source  et  le  principe  do 
l'être  ;  Jésus  est  la  source  et  le  principe  de  la  grâce ,  du  salut  et  de 
la  gloire.  Jéhovah  est  le  vainqueur,  le  dominateur  de  Pharaon  et  de 
l'Egypte;  Jésus  est  le  vainqueur,  le  dominateur  du  démon  et  de 
l'enfer.  Jéhovah  est  le  législateur  des  Juifs ,  l'auteur  de  l'Ancien 
Testament;  Jésus  est  le  législateur  de  tous  les  chrétiens,  l'auteur 
du  Nouveau  Testament.  Jéhovah  conduit  à  travers  la  mer  Rouge  les 
Hébreux  dans  la  terre  de  Chanaan;  Jésus,  à  travers  les  flots  de  son. 
sang,  dans  lequel  nous  sommes  baptisés  et  lavés,  nous  conduit 
au  ciel. 

Voilà  pourquoi  les  pieux  fidèles  inclinent  la  tête  ou  font  la  génu» 
flexion  au  nom  de  Jésus ,  ce  qu'ils  ne  font  pas  en  prononçant  ou  en 
entendant  prononcer  le  nom  de  Jéhovah.  Celui  qui  insulte  et  blas- 
phème le  nom  de  Jésus,  pèche  plus  grièvement  que  celui  qui  insulte 
et  blasphème  le  nom  de  Dieu. 

Comme  le  nom  de  Jésus  est  le  propre  nom  du  Verbe  incarné,  il 
renferme  et  surpasse  tous  les  autres  noms  du  Christ;  tellement 
qu'il  est  le  nom  au-dessus  de  tous  les  noms  :  Nomen  quod  est  super 
omne  nomen  (Philipp.  n.  9).  Il  faut  donc  qu'au  nom  de  Jésus  tout 
genou  fléchisse  au  ciel,  sur  la  terre,  et  dans  les  enfers  :  Ut  in  nomme 
Jesu,  omne  genu  flectatur,  cœlestium,  terrestrium,  et  infernorum 
(Philipp.  il.  10). 

Tout  genou  doit  fléchir  au  nom  de  Jésus,  c'est-à-dire  tous  les  êtres 


doués  d'intelligence  doivent  adorer  ce  saint  nom 

Le  ciel  révère  et  adore  le  nom  de  Jésus,  parce  que  c'est  en  ce  nom 
que  les  anges  ont  été  confirmés  en  grâce  et  en  gloire.  La  terre  le 
révère  et  l'adore,  parce  que  c'est  en  ce  nom  qu'elle  a  été  rachetée  et 
sauvée  L'enfer  frémit  en  l'entendant  "prononcer,  et  il  le  respecte, 
parce  que  celui  qui  le  porte  est  le  vengeur  des  lois  divines,  le  juge  et 
le  maître  des  démons  et  des  réprouvés. 

Que  toute  langue,  dit  le  grand  Apôtre,  confesse  que  le  Seigneur 
J.  G.  est  dans  la  gloire  de  Dieu  le  Père  :  Omnis  liagua  confiteatur  quia 
.Dominus  Jésus  Chrislus  in  gloria  est  Dei  Patris  (Philipp.  n.  lt  )• 

Ces  paroles  signifient  que ,  comme  Dieu ,  Jésus  a  l'essence ,  la 
gloire,  la  majesté  et  la  puissance  de  son  Père,  et  que,  comme  homme, 
il  a  été  élevé  à  la  droite  de  son  Père  et  placé  a  j-dessus  de  tous  les 
hommes  et  de  tous  les  anges  ;  qu'il  participe  de  si  près  et  à  un  si 


422  NOM  Î)E  JÉ-US. 

haut  degré  à  la  gloire  de  son  Père,  qu'on  nont  dire  en  réalité' 
qu'il  est  dans  la  même  gloire,  et  iniinimenl  plus  que  tous  les  anges  et 
tous  les  saints,  qui,  chacun  a  leur  manière,  sont  aussi  dans  la  gloire 
de  Dieu  le  Père. 

Que  le  nom  de  Notre-Seigneur  J.  C,  dît  saint  Paul,  soit  glorifié  en 
vous ,  et  vous  en  lui ,  par  la  grâce  de  notre  Dieu  et  du  Seigneur  J.  C.  : 
Cl<:rificetur  ûoiiwn  Dàmmi  nostri  Jesu  Christi  in  rubis ,  et  vos  in  Mo, 
secunduni  gratium  bel  nostri ,  et  Domini  Jesu  Christi  (  ÎI.  Thess. 
I.  12  ). 

Combien  le     Q  nom  béni,  s'éc rie  saint  Bernard,  huile  précieuse  répandue  en 

i  nom  de  ,.,*,-  i  •        i     /  »  ii  »i 

Jésus  est  pré-  tous  lieux!  Depuis  combien  de  temps  ce  nom  n  est-il  pas  vénéré  an 

ï,X  oSant  ciel,  en  Judée,  et  de  là  par  toute  la  terre  !  L'Eglise  élève  la  vota 

et  avantageux  (1-ur)e  extrémité  à  î  autre  de  l'univers,  et  dit  :  Votre  nom ,  ô  Jésus, 
eu  tout.  ' 

est  une  huile  douce  et  suave  répandue  partout  et  pleinement  rép  i  - 
due;  elle  ne  remplit  pas  seulement  le  ciel  et  la  terre,  mais  elle 
pénètre  jusque  dans  les  enfers;  tellement  qu'au,  nom  de  Jésus  tout 

»u  lléchit  au  ciel,  sur  la  terre  et  dansles  enfers.  Que  Unité  langue 
confesse  et  dise  :  Votre  nom  est  une  huile  délicieuse  versée  abondam- 
ment en  tous  lieux  (Se?-m.  xv  in  Cant.  ). 

huile,  continue  le  même  Père,  éclaire,  nourrit,  adoucit;  elle 
entretient  le  feu,  nourrit  le  corps,  adoucit  la  douleur;  c'est  à  !a 
fois  une  lumière,  un  aliment  et  iïnfemède.  Voyez  les  mêmes  i 
merveilleux  produits  par  le  nom  de  Jésus.  Annoncé,  ce  nom  divin 
éclaire  ;  médité,  il  nourrit;  invoqué,  il  adoucit  et  guérit.  Etudions 
en  détail  chaque  merveille  :  d'où  pensez-vous  qù  ait  pu  sortir,  pour 
s'étendre  sur  l'univers,  la  lumière  de  la  foi,  si  grande  et  si  sou- 
de Jésus  annoncé,  prêché',  proclamé?  N'est-ce  pas  par 
la  lumière  de  ce  nom  que  Dieu  nous  a  appelés  à  son  admirable 
lumière?  Nous  éclairant,  ii  afaii  brille]  à  lumière  dans 

fe lumière  <jue  répandait  le  nom  de  Jésus?  Paul  dit  avec  raison: 
Autrefois  vous  étiez  ténèbres ,  maintenant  vous  êtes  1  m  nièce  dans  le 
Seigneur;  Le  nom  de  Jésus  n'es!  pas  seulement  une  lumière,  il  est 
encore  une  nourriture.  N'êtes-vous  pas  .  M  que  fois  que  vous 

rappelez  dans  votre  mémoire  ce  pi  jieiii  n  m?  Qu'est-ce  qui 
me  soutient  autant  qu'une  pareil]  .'  q  Li  ranime 

aussi  bien  mes  sens  abattus  par  l'exercice  et  lé  îravail?  qu'. 
qui  affermit  autant  les   vertu  t-ce  qui  donne  autai 

vigueur  aux  mœurs  I  mî ■<   ? 

autant  les  chastes  afiectionsi  loute  noùrtitûi  ne  est  sèche  et 


NOM  DE  JÉSUS.  423 

insipide .  si  ^lle  n'est  arrosée  et  pénétrée  de  cette  huile  si  douce  ;  elle 
est  fade,  si  elle  n'est  assaisonnée  de  ce  sel  céleste.  Je  ne  goûte  pas 
vos  écrits ,  si  je  n'y  lis  pas  le  nom  de  Jésus.  Je  ne  puis  supporter  vos 
raisonnements,  ni  vos  entretiens,  ni  vos  discours,  si  le  nom  de 
Jésus  n'y  retentit  pas.  Jésus  est  du  miel  dans  la  bouche ,  une  mélo- 
die pour  l'oreille,  un  tressaillement  de  joie  pour  le  cœur  :  Jésus,  mel 
inore,  in  aure  rndos ,  in  corde  jubilus.  Enfin ,  le  nom  de  Jésus  est 
un  remède.  Quelqu'un  d'entre  vous  est-il  triste,  affligé,  souffrant? 
qu'il  se  jette  dans  le  sein  de  Jésus,  qu'il  pénètre  dans  son  cœur  sacré, 
qu'il  ait  son  nom  sur  la  langue;  et  à  l'apparition  de  cette  lumière,  de 
ce  nom  resplendissant ,  tout  nuage  s'évanouira ,  et  l'air  redeviendra 
serein.  Quelqu'un  tombe-t-il  dans  le  crime,  court-il  se  suspendre  à  la 
corde  du  désespoir  ?  le  souffle  de  la  vie  lui  sera  rendu  aussitôt  qu'il 
aura  invoqué  ce  nom  vivifiant.  Est-ce  que  jamais  la  dureté  de  cœur, 
la  torpeur ,  née  de  la  lâcheté ,  la  corruption  de  i'âme,  la  langueur 
de  la  paresse,  ont  résisté  à  ce  nom  salutaire?  Rien  ne  calme  la  vio- 
lence de  la  colère  et  ne  dissipe  l'enflure  de  l'orgueil  aussi  bien  que 
lui.  Il  guérit  la  plaie  de  l'envie,  arrête  i'épanchement  de  la  luxure , 
éteint  le  l'eu  de  la  passion  infâme ,  étanche  la  soif  de  l'avarice  et 
apaise  l'excitation  de  tous  les  mauvais  instincts  qui  pourraient 
enlever  l'honneur.  Car,  lorsque  je  nomme  Jésus,  ma  pensée  se 
porte  sur  un  homme  doux  et  humble  de  cœur,  bon,  sobre,  chaste, 
miséricordieux ,  en  un  mot ,  remarquable  par  toute  pureté  et  toute 
sainteté.  Je  nomme  le  même  Dieu  tout-puissant  qui,  par  son  exem- 
ple et  son  secours  incomparable,  guérit  et  fortifie.  Toutes  ces  mer- 
veilles sonnent  à  la  fois  pour  moi,  dans  l'audition  du  nom  de  Jésus. 
Qu'il  soit  toujours  dans  votre  cœur,  toujours  dans  votre  main;  que 
par  ce  précieux  nom  tous  vos  sentiments  et  toutes  vos  actions  se 
dirigent  vers  Jésus ,  qu'elles  l'aient  pour  principe  et  pour  terme.  Ne 
vous  y  invite-t-ii  pas  lui-même  ,  quand  il  dit  dans  le  Cantique  des 
cantiques  :  Mettez-moi  sur  votre  cœur  comme  un  sceau,  comme  un 
sceau  sur  votre  bras  :  Pone  me  ut  signaculum  super  cor  tuum,  ut  signa- 
culum super  èrachium  tuant  (vin.  6.  — Serm.  xv  in  Cant.  ). 

Redisons  avec  saint  Pierre  :  Il  n'y  a  pas  de  salut  en  aucun  autre 
que  J.  C.  de  Nazareth.,  ni  sous  le  ciel  aucun  autre  nom  donné  aux 
hommes ,  par  lequel  nous  devions  être  sauvés  :  Jïon  est  in  alio  ali- 
quo  salus  ,  nec  ehim  aliud  nomen  est  sub  cœlo  datum  hominiens  j  in  guo 
tettt  nos  salvos  fieri  (  Act.  iv.  12).  Mais  par  ce  nom  auguste,  tous 
peuvent  l'être 

Si  vuus  invoquez  Jésus,  dit  saint  Chrysostome,  le  démon  s'enfuit 


42  \  NOM   DE  JÉSUS. 

soudain  :  Si  Jesum    invoces,   repente  dijfugit  dœmon  (Homil.  ad 

pop.). 

Les  démons  redoutent  ce  nom  qui  les  fait  trembler ,  dit  samt 
Justin;  encore  aujourd'hui,  ils  nous  obéissent  lorsque  nous  les 
ad  jurons  au  nom  de  J.  C.  crucifié  :  Ejus  nominis  potentiam  dœmones 
tremunt  et  reformidant  :  hodie  qwq  *e  illiper  nomen  Jesu  Christi  cru- 
ci jixi  adjurati,  nobis  parent  (  Homil.  vin  in  Epist.  ad  Rom.  ).  Quel- 
que part  que  soit  le  nom  du  Seigneur  ,  ajoute  ce  même  Père,  tout  y 
prospérera  :  Ubicumque  fuerit  nomen  Domini,  ibi  prospéra  erunt 
oui  m'a  (Ut  supra). 

11  n'y  a  que  deux   noms  qui  portent  avec  eux  la  paix,  l'ordre; 
l'harmonie,  la  vertu  et  le  bonheur  ;  ce  sont  les  doux  et  puissants 

noms  de  Jésus  et  de  Marie 

Le  saint  nom  de  Jésus ,  i°  calme  les  tempêtes  et  apaise  toutes  les 
passions...;  2°  il  lait  plus,  il  répand  la  grâce  et  la  miséricorde...  ; 
3°  il  nourrit  lame  et  l'embrase  d'un  amour  et  d'une  ardeur  c 
tes...;  A°  il  apporte  des  consolations  ineffables  et  divines...;  5°  il 
procure  une  bonne  réputation...  ;  0°  il  fait  disparaître  la  tristesse  et 
réjouit  le  cœur...;  7°  il  fortifie  les  martyrs  et  tous  les  fidèles  qui 
combattent  pour  la  foi  ;  il  les  fait  triompher  généreusement  et  avec 
joie  de  toutes  les  épreuves,  de  tous  les  obstacles,  de  toutes  les  souf- 
frances, de  toutes  les  persécutions,  et  de  la  mort  même  la  plu:, 
cruelle;  ce  nom  sacré  couronne  les  vainqueurs...;  8°  il  guérit  t( 
les  plaies,  toutes  les  maladies  et  infirmités  de  l'âme  et  du  corps...; 

9°  il  enchaîne  le  démon,  le  monde  etla  concupiscence  do  la  chair 

Le  nom  de  Jésus  et  la  puissance  de  la  croix  sont  pour  nous  dos 
enchantements  spirituels,  dit  saint  Chrysostome.  Non-seulement  ils 
chassent  le  dragon  de  sa  caverne  et  le  précipitent  dans  le  feu,  mais 
il-  Lruérissent  encore  les  blessures  qu'il  a  faites  à  notre  âme.  Le  nom 
de  Jésus  est  terrible  aux  émons,  et  salutaire  pour  calmer  nos  agi- 
tations et  nous  rendre  la  santé.  Qu'il  devienne  donc  notre  orne- 
ment et  qu'il  nous  protège  comme  un  mur  (1). 

il  y  a  dans  le  nom  de  Jésus,  dit  Origène,  une  si  grande  force 
contre  les  démons,  qu'en  le  prononçant  on  obtient  l'effet  que  l'on 
désire.  C'est  ce  qu'enseignait  J.  C.  quand  il  disait  :  Plusieurs,  au 


(1)  Sunt  nobis  incantationes  spirituales,   tum  ipsum  nomen  Domini  nostri  Jesu 
Christi,   tum  ipsiii*  miris  potentia.   Hujnsniodi  incantatio,  non  solum  draconi 
BpelOOCU  .il.ijit,  atqucila  in  ignem  con.jicit;  sed  et  vulneribus  quofjue  medetur.  Hoc 
monibus  terribile  est,  et  perturbationibus  et  œ^ritudinibu  •  salulare.   Hoc  i^itur 
ornemur  ipsi:  hoc,  tanquam  muro,  muniamur  (//«.. 


NOM  DE  JÉSTÎS.  4-25 

jour  du  jugement,  me  diront  :  Nous  avons  chassé  les  démons  en  votre 
nom  (I). 

Il  nous  suffit  de  prononcer  le  nom  de  Jésus  pour  nous  faire  res- 
pecter au  plus  haut  point  par  notre  adversaire ,  dit  Théodoret  :  Suf- 
ficit  nobis  nominîs  mentio ,  ad  efficiendum  ut  revereatur  vel  maxime 
adversarius  (Epist.  ad  Philemon.  ). 

Nous  savons,  dit  un  auteur  de  poids,  qu'il  est  ordonné  sérieu- 
sement aux  magiciens ,  et  à  ceux  qui  se  vouent  de  propos  délibéré 
au  démon ,  que,  dans  leurs  assemblées  nocturnes ,  ils  s'abstiennent 
absolument ,  eussent-ils  abjuré  J.  C. ,  de  prononcer  même  une  seule 
fois  son  nom.  Nous  savons  que  le  démon  et  toute  sa  légion  dispa- 
raissent soudain,  lorsque  quelqu'un  de  la  compagnie ,  même  sans 
en  avoir  l'intention,  prononce  le  nom  de  Jésus  (Tyreus.  De  Dœmon., 
c.  xlii,  n°  22  ). 

Saint  Ignace  de  Loyola  voulut  que  sa  congrégation  ne  portât  pas 
son  nom,  mais  celui  de  Jésus,  afin  que  ce  nom  fut  un  stimulant  qui 
la  portât  toujours  à  agir  avec  énergie ,  et  à  braver  les  supplices  et  la 
mort.  C'est  parce  que  cette  admirable  société  porte  ce  divin  nom , 
qu'elle  s'est  toujours  maintenue,  qu'elle  a  fait  tant  de  bien,  et  qu'elle 
se  maintiendrait  continuera  d'en  faire,  malgré  les  efforts  satani- 
ques  des  méchants.  Elle  ne  cessera  d'être  l'un  des  principaux  soutiens 
et  ornements  de  l'Eglise  de  J.  C 

Le  nom  du  Seigneur  (  et  surtout  celui  de  Jésus  )  est  une  tour  très- 
forte,  disent  les  Proverbes;  le  juste  aura  recours  à  lui  et  il  sera  élevé  : 
Turrié  fortissima  nomen  Domini;  ad  Ipsum  curritjustus ,  et  exaltabitur 
(  xvm.  10). 

J.  C,  dit  saint  Augustin,  s'est  fait  notre  forteresse  en  présence  do 
Tennemi;  prenez  garde  d'être  blessé  par  le  démon;  réfugiez-vous 
dans  la  forteresse.  Les  traits  de  Satan  ne  vous  y  ont  jamais  atteint  ; 
vous  y  serez  protégé  et  en  sûreté  (2). 

Par  l'invocation  du  nom  de  Jésus,  on  obtient  toute  ea  protection  ; 
et  tous  les  secours  désirables 

Et  il  sera  ainsi,  dit  le  prophète  Joël  :  quiconque  invoquer.  U 
n  m  du  Seigneur,  sera  sauvé  :  Et  erit  :  omnis  qui  invocaverit  nomen. 
Domni,  salvus  erit  (il.  32). 

(1)  Tanfa  -vis  nomini  Jesu  inest  contra  daemones ,  ut  a  nobis  nominatum;  sit  ifii- 
cax.Quod  docens  Jésus,  dicebat  :  Multi  milii  dicent  in  die  Ula:  In  nomine  fuû 
dxmo  iaejecitnus  {Contra  Cels.). 

Christ  s  factus  est  nobis  turris  a  facie inimici  :  cave  ne  feriaris  a  diabolo;  fuj; 
ad  turrim.  Nunqtiam  te  ad  iliam  turrim  diabolica  jacula  secuta  sunt  ;  ibi  stub;^ 
înui.itus  et  ûxus  (  In  Psal.  ), 


426  NOM  Dfe  JÉ3TJS. 

Le  Roi-Prophète  dit  de  même  :  Je  louerai  et  i 'invoquerai  le  nom 
du.  Seigneur ,  et  je  serai  délivré  de  mes  ennemis  :  Laudans  ùwocabo 
Domiiwin,  et  ab  inimicis  meis  salvus  cro  (xvn.  A). 

Je  me  réjouirai  dan.-  I  ieiir,   dit  le  prophète.  Iïabacuc;  je 

tressaillirai  de  joie  dans  Jésus  le  Dieu  de  mon  salut  :  Eyo  autcm  in 
JJomino  fjaudebo  ;  et  exsultabo  in  Deo  Jesu  meo  (m.  18). 

Ces  prophètes  nous  apprennent  combien  est  aimable  et  précieu? 
le  nom  de  JeViis  .  alin  que  nous  nous  réjouissions  et  que  nous  le 
prenions  toujours  pour  protection  et  pour  guide. 

Le  nom  de  Jésus  signifie,  1°  que  tous  les  biens  nous  sont  donnés 
par  lui  ;  car  le  salut  que  nous  a  apporté  le  Sauveur  renferme  tous 
1<  -  -  le  Dieu  et  tous  les  biens.  Comme  les  eaux  sortent  de  leur 
source,  comme  les  rayons  du  soleil  émanent  de  cet  astre  et  que  les 
bras  de  mer  tiennent  à  l'Océan;  ainsi  toute  vertu,  toute  grâce,  t 
saintet-,  dans  leur  principe,  leur  moyen  et  leur  lin,  viennent  'e 
Jési;  sus  qui  par  son  sang  efface  toutes  les  souillures  de  nos 
péchés;  c'est  lui  qui  calme  les  ardeurs  de  la  concupiscence,  qui 
rompt  les  chaînes  de6  mauvaises  habitudes,  qui  dompte  la  fureur  des 
ni  nous  soustrait  au  joug  et  à  la  tyrannie  du  démon;  c'est 
lui  qui  rend  la  liberté  à  l'esprit,  qui  orne  lame  par  sa  grâce,  et  en  fait 
la  fille,  l'épouse  et  le  temple  de  Dieu;  c'est  lui  qui  tranquillise  et 
rend  sereine  la  conscience,  qui  vi\  ifie  nos  sentiments  et  notre  esprit, 
qui  éclairé  noire  intelligence  par  la  connaissance  des  choses  divines, 
qui  enflamme  notre  volonté  pour  nous  porter  à  les  rechercher,  qui 
fortifie  notre  faiblesse  et  qui  nous*  donne  là  victoire  dans  les  tenta- 
tions, et  le  triomphe  dans  le  combat 

Si  vous  êtes  dans  la  désolation,  invoquez  Jésus;  vous  éprouverez 
le  prompl  et  puissant  secours  de  ce  consolateur.  Si  les  craintes,  les 
scrupul  s,  les  anxiétés  vous  pressent  de  toutes  parts,  invoquiez  Ji 
jl  élargira  votre  coeur ,  le  délivrera  et  le  rendra  libre  et  joyeu 
la  uèvre  des  souffrances  corporelles  où  des  passions  vous  brûle  et 
vous  dévore,  invoquez  le  fiel  de  sa  passion,  le  miel  de 

sa  mis  iseront   et  la    feront 

disparaître.    Si   la   pài  là    maladie,    les  tribulations,    les 

ennemis  du  sa  lui  ipitent  sur  voilé,   invoquez  Jésus  avec 

confiance  el   |    r-  ipérieur  à  toutes  les  épreu- 

\      ,\    Hl  triomp!  tmt.   et1  nrouné  des  mains 

mômes  de  Jésus Voilà  pourq  ont  conti- 

I •■ment  à  la  boucle  les  doux  noms  de  Jésus  et 

•  nie,  et  y  recourent  saoi  cesse.    De  tous  ceux  qui,  à  toutes  les 


N'031   DE  rèsUS.  i:>7 

époques,  ont  invoqué  les  noms  do  Jésus  et  de  Marie  ,  personne  n'a 
péri  et  n'apU  péril-,  dit  saint  Bernard  (Serm.  xv  in  Cent.  ). 

2"  Le  nom  de  Jésus  ne  signifie  pas  seulement  le  Sauveur  et  le  salut 
qu'il  nous  a  donné;  mais  encore  la  manière  dont  il  nous  a  sauvés. 
qui  est  excellente  et  admirable.  Car  il  ne  nous  a  pas  réparés  parune 
parole,  comme  lors  de  la  création,  mais  il  a  pris  sur  lui  nos  infirmi- 
tés, afin  de  nous  en  guérir;  il  a  pris  sur  lui  nos  péchés,  et  les  a 
expiés  par  des  peines  très-dures  du  corps  et  de  l'âme ,  afin  de  les 
détruire  en  nous.  Il  a  accepté  la  mort  à  laquelle  nous  étions  condam- 
ifm  de  tuer  notre  mort  et  de  nous  rendre  à  la  vie  de  la  grâce  et 
de  la  gloire.  Lors  donc  que  nous  prononçons  le  nom  de  Jésus,  nous 
exprimons  que  le  Verbe  s'est  fait  chair,  que  Dieu  s'est  fait  homme 
pour  nous,  qu'il  est  né  dans  une  étable,  s'est  couché  dans  la  crèche,a 
été  circoncis ,  a  travaillé,  sué  et  pleuré;  qu'il  a  enduré  la  faim,  la 
soif,  la  chaleur  et  le  froid;  qu'il  a  été  pris  pour  nous,  flagellé,  cons- 
pué, fouetté,  tourné  en  dérision,  couronné  d'épines,  abreuvé  de  fiel, 
cloué  à  la  croix  et  mis  à  mort.  Le  nom  de  Jésus  rappelle  tout  cela. 
C'est  pourquoi  il  est  infiniment  aimable,  vénérable,  adorable  pour 
les  hommes  et  pour  les  anges;  il  est  aussi  infiniment  redoutable 
aux  démons,  tellement  que  lorsqu'ils  l'entendent,  ils  frémissent, 
tremblent  et  prennent  la  fuite 

Que  Jésus  soit  toujours  dans  votre  cœur,  dit  saint  Bernard,  et  que    q  faut  i„«,- 
iainais  l'image  du  crucifié  ne  sorte  de  votre  esprit.  Que  Jésus  soit    quersouvent 

0  "  i  ^  ■J""     ie  saint  nom 

votre  nourriture  et  votre  breuvage,  votre  douceur  et  votre  conso-      de  Jésus. 
lation,  votre  miel,  l'obj  et  de  vos  désirs,  votre  lecture  et  votre  médi- 
tation, votre  prière  et  votre  contemplation,  votre  vie,  votre  mort  et 
votre  résurrection.  Jésus  est  du  miel  dans  la  bouche ,  une  mélodie 
aux  oreilles,  un  sujet  d'allégresse  pour  le  cœur  (1). 

Que  Jésus  soit  notre  amour  et  le  centre  de  nos  affections.  Qu'il 
soit  notre  respiration  et  le  sujet  de  nos  entretiens.  Qu'il  soit  notre 
âme  et  notre  vie.  Qu'ainsi  que  nous  sommes,  que  nous  vivons,  que 
nous  agissons  en  lui  et  par  lui;  de  même  nous  ne  servions  que  lui, 
nous  ne  cherchions  à  plaire  qu'à  lui,  nous  ne  parlions  que  de  lui  et 
à  lui  seul:  que  nous  l'ayons  sans  cesse  sous  nos  yeux,  que  nous 

(1)  Sit  tibi  Jésus  semper  in  corde ,  et  nunquam  imago  crucilixi  ab  animo  tuo 
recédât.  Hic  tibi  sit  cibus  et  potus,  dulcedo  et  consolatio  tua,  me!  tuum  et  des.de- 
rium  tuum,  lectio  tua  et  meditatio  tua,  oratio  et  contemplatio  tua,  \ila,  mors  et 
resurrectio  tua.  Jésus  est  mel  in  ore,  melos  in  aure, .  jubilus  in  corde  (  Serm.  xv  in 

Çuid.,. 


428  NOM  BI  JÉSUS. 

marchions  en  sa  présence,  que  nous  travaillions  et  souffrions  pour 
lui ,  que  nous  soyons  prêts  à  lui  faire  tous  les  sacrifices,  quelque 
difficiles  et  pénibles  qu'ils  soient  :  que  nous  mourions  enfin  par  lui , 
en  lui  et  pour  lui ,  afin  que  nous  régnions  éternellement  avec  lui 
dans  le  séjour  du  bonheur  et  de  la  gloire 


OBÉISSANCE. 


J 


rsus -Christ,  dit  l'Évangile,  était  soumis  à  Joseph  et  à  Marie  :        j,  c. 

Erat  subditus  Mis  (Luc.  n.  51  ).  Par  trente  ans  de  soumission  M  modèle 

.  dobeissanca 
à  ses  parents ,  J.  C.  a  voulu  nous  enseigner  que  la  perfection 


de  la  vertu  et  de  la  religion  consiste  principalement  dans  l'obéis- 
sance. J.  C,  dit  saint  Paul,  a  préféré  perdre  la  vie  plutôt  que  de 
manquer  à  l'obéissance  :  Factus  obediens  usque  ad  mortem,  mortem 
autem  cmcis  (Philipp.  n.  8). 

Ma  nourriture ,  dit  J.  C.  aux  Juifs,  est  de  faire  la  volonté  de  celu, 
qui  m'a  envoyé ,  et  d'accomplir  son  œuvre  :  Meus  cibus  est  ut  faciam 
voluntatem  ejus  qui  misit  me ,  ut  perficiam  opus  ejus  (Joann.  iv.  34). 
Je  suis  descendu  du  ciel,  non  pour  faire  ma  volonté,  mais  la  volonté 
de  celui  qui  m'a  envoyé  :  Descendi  de  cœlo ,  non  ut  faciam  volunta- 
tem meam ,  scd  voluntatem  ejus  qui  misit  me  (Joann.  vi.  38).  Je  ne 
cherche  point  ma  volonté,  mais  la  volonté  de  celui  qui  m'a  envoyé  : 
Non  quœro  voluntatem  meam,  sed  voluntatem  ejus  qui  misit  me 
(Joann.  v.  30).  Se  trouvant  au  jardin  des  Oliviers  et  plongé  dans 
une  profonde  agonie ,  que  dit  ce  grand  Dieu  à  la  vue  des  souffran- 
ces qui  l'attendaient  :  Père,  si  vous  le  voulez,  éloignez  de  moi  ce  calice; 
cependant  que  votre  volonté  se  fasse,  et  non  la  mienne  :  Pater  ,  si 
vis,  transfer  calicem  istum  a  me  :  verumtamen  non  mea  voluntas ,  sed 
tua  fiât  (  Luc.  xxn.  42  ). 

Parlant  par  la  bouche  de  David  son  prophète,  J.  C.  dit  à  son  Père  : 
Me  voici!  Il  a  été  écrit  en  tête  du  livre  que  je  ferai  votre  volonté; 
>ron  Dieu,  je  l'ai  voulu  ;  Ecce  venio.  In  capite  libri  scriptum  est  de  me 
ut  facerem  voluntatem  tuam  :  Deusmeus,  volui  (Psal.  xxxrx.  8). 
Quoique  Fils  de  Dieu,  dit  saint  Paul ,  J.  C.  apprit,  par  ce  qu'il  souf- 
frit ,  l'obéissance  :  Et  quidem ,  cum  esset  Filius  Dei,  didicit  exiis  quœ 
passus  est,  obedientiam  (Hebr.  v.  8). 

J.  C.  a  fait  et  dit  de  grandes  choses  pendant  les  trente  premières 
années  de  sa  vie ,  et  l'Évangile  les  renferme  toutes  dans  ces  deux 
paroles  :  Il  leur  était  soumis  :  Erat  subditus  illis  (Luc.  u.  51). 
J.  C.  faisait  tout  par  obéissance  :  l'obéissance  est  donc  d'un  mérite 
infini 

De  même  que  l'obéissance  du  second  homme,  dit  saint  Augustin, 


430  OBÉT^A^CE. 

est  d'autant  pin?  louable,  qu'il  s'est  fait  obéissant  jusqu'àla  mort; 
ainsi  la  désobéissance  du  premier  homme  est  d'autant  plus  détesta- 
ble, qu'il  a  été  désobéissant  jusqu'à  la  mort  (1). 

A  l'exemple  de  J.  C. ,  les  saints  de  tous  les  siècles  ont  pratiqué 
l'obéissance 

L'obéissance    Oj'a  j-^  j#  ç  par  ?on  obéissance  ,  dit  saint  Ambroise  ,  si  ce  n'est 

est  nécessaire.     ^ 

accomplir  le  devoir  de  la  piété  ?  (  Lib.  III  O/flc,  c.  v.  )  Qu'a  l'ait  J.  C.  au 

milieu  de  nous,  dit  le  vénérable  Bède ,  sinon  obéir  pour  nous  mon- 
trer la  nécessité  de  uice  ?  (  Collectan.  )  J.  C.  a  l'ait  un  précepte 
de  l'obéissance  .  lorsqu'il  a  dit  à  ses  apôtres  :  Celui  qui  vous  écoute, 
m'écoute;  et  celui  qui  vous  méprise,  me  mémife  :  Qui  vos  audit,  me 
audit;  et  qui  vos  spevnit ,  me  spernit  (Luc.  x.  16). 

Si  vous  obéissez,  dit  Clément  d'Alexandrie ,  vous  aurez  la 
lumière  éternelle  ;  si  vous  n'obéissez  pas,  vous  aurez  l'enfer  :  Si  obe- 
dieris ,  lucem  ;  si  non  obedieris ,  ignem  (  habebis)  (  Lib.  III  Strom.  ). 

Enfants ,  obéissez  à  vos  parents  dans  le  Seigneur ,  dit  saint  Paul  : 
Filii,  obedite  parentibus  vestris  in  Domino  (Epbcs.  vr.  1).  Esclaves, 
obéissez  à  vos  maîtres  :  Servi,  obedite  dominis  (Ivphes.  vi.  5).  Si  - 
Paul,  dit  saint  Chrysostome ,  ordonne  ainsi  aux  enfants  d'obtir  à 
'^urs  parents ,  et  aux  serviteur?  d'obéir  à  leurs  maîtres,  considérez 
avec  quel  soin  nous  devons  obéir  à  Dieu,  qui  nous  a  tirés  du  néant. 
qui  nous  nourrit ,  qui  nous  revêt,  qui  nous  conserve  à  tout  instant 
^  qui  nous  a  rachetés  (  Homil.  ad  pop.  in  Epist.  ad  Ephes.  ). 

Avertissez-les  d'être  soumis  aux  princes  et  aux  puissants,  dit 
saint  Paul ,  d'obéir  à  la  parole ,  d'être  prêts  à  toute  bonne  œuvre  : 
Admone  illos  principibus  et  potestatibus  subdïtos  esse,dicto  obedire ,  ad 
omne  opus  bonum  paratos  esse  ( Tit.  ni.  1  ). 

Ce  passage  de  la  lettre  du  grand  Apôtre  uTite,  son  disciple, 
ordonne  l'obéissance  à  regard  de  tous  les  supérieurs  spirituels  et 
temporels 

11  est  nécessaire  que  dans  tons  ses  mouvements  l'homme  soit 
contenu  par  les  prescriptions  de  la  règle,  qu'il  obéisse  çç 
bête  de  somme  maintenue  par  la  bride  et  le  harnais ,  et  qu'il  vive 
conformément  au  lois  éternelles,  dit  saint  (irégoire  (-2). 

(1)  Sicut  obediontia  senindi  bominia  eo  pr-pdirabilior  est,  quo  foetus  est  o 
nsque  ad  mortcin;  ita  ninludi' uti.i  primi   lioniinis  eo   drlesUldUor,  •[iio  fac tus  est 
Inobediens  usqac  ad  roortern     De  <   u^t.,  lib.  XIV,  c.  xv  . 

(2)  Ncccs<c  es!  ut  n'éihfl  in  canctis suis  aiotibùs,  sud  dlspositiorte  iscfplidai  rcli- 
getur,  ci  laoqaam  domcsticum  animal  loris  vinctum  serviat,  atque  ojterois  disposilio» 
uibus  restnctuiii  vivat    Lib  Moral.}. 


OBÉISSANCE.  431 

Il  faut  obéir  à  Ta  volonté  de  Dieu  comme  l'argile  obéit  au  potier, 
dit  saint  Justin,  martyr  :  Cedendum  est  voluntati  Dei,  sicut  lutum 
obsequitur  suo  figulo  (Epist.  ). 

Comme  on  ne  doit  pas  s'attendre  à  remporter  la  victoire  sans  êti-é 
conduit  par  un  chef  et  qu'on  n'arrive  pas  au  port  sans  pilote;  ainsi, 
sans  l'obéissance,  dit  saint  Laurent  Justinien,  il  est  impossible 
(l'échapper  aux  dange  rs  de  l'océan  de  la  vie  (1). 

Es.-oe  que  Dieu  veut  des  holocaustes  et  des  victimes,  dit  Samue. 
au  roi  Saiil;  ne  préfère-t-il  pas  qu'on  obéisse  à  sa  voix?  L'obéissance 
vaut  mieux  que  tous  les  sacrifices  :  Numquid  vv.lt  Dominns  holo- 
causta  et  victimas;  et  non  potius  ut  obediatur  voci  Domini?  Melior  est 
enfin  obedientia  quam  victimœ  (I.  Reg.  xv.  22). 

Ecoutez,  mon  fils,  dit  le  Seigneur  dans  les  Proverbes,  écoutez  les 
remontrances  Je  votre  père,  et  ne  méprisez  pas  les  commandements 
de  votre  mère  :  Audi,  fili  mi^  disciplinant  patris  tui}  et  ne  dimiltas 
legem  matris  tuœ  (i.  8). 

Lorsque  Dieu  fait  entendre  sa  voix,  dit  saint  Augustin,  il  faut 
obéir  et  non  raisonner  :  Divino  intonante  prœcento,  obediendum  est, 
non  disputandum  (Lib.  Ci  vit.). 

Les  inférieurs  doivent  voir  dans  leurs  supérieurs  la  personne  même    il  faut  obéir 

....  surtout  à    ses 

de  J.  C,  et  se  conformer  à  leurs  ordres  ,  comme  s  ils  émanaient     supérieurs. 

de  la  bouche  même  du  Sauveur Que  ce  soit  Dieu  ou  l'homme 

son  représentant  qui  nous  transmette  un  ordre  quelconque ,  dit 
saint  Bernard,  il  faut  obéir  avec  le  même  soin  et  le  même  res- 
pect. Dans  tout  ce  qui  n'est  pas  visiblement  contre  Dieu,  nous 
devons  écouter  comme  Dieu  lui-même  celui  qui  pour  nous  tient 
la  place  dé  Dieu  (2). 

Le  même  Père  dit  excellemment  :  Si  l'âme  désire  de  régner  sur  la 
chair,  il  est  nécessaire  qu'elle  soit  soumise  elle-même  à  son  supé- 
rieur ;  parce  qu'elle  trouvera  son  inférieur  tel  qu'elle  se  sera  montrée 
vis-à-vis  .ie  son  supérieur;  car  la  créature  s'arme  pour  venger  l'in- 
jure de  son  Créateur.  Que  rame  donc  qui  trouve  la  chair  rebelle 


(1)  Slent  sine  duce  non  confiditur  de  -Victoria,  ac  sine  gubernatore  Don  pervenitar 
ad  pnrtum:  ila  et  absque  obedientia  impossibile  est  in  vitae  liujus  pelago  nonpericli- 
tari  (1(6.  de  Ligno  vitœ,  c.  m  ). 

(2)  Sive  Deus,  sive  homo  vicarius  Dei  ,  mandatum  quodeumque  tradiderit,  pari 
p  recto  obsequendum  est  cura,  pari  reverentia  référendum.  Ipsum  quem  pro  Deo 
babemus,  tanquam  Deum ,  in  his  quse  apert  non  sunt  contra  Deuai,  audire 
ttebeinus  (Senn.  in  F*--t.  omtu  Sanct.). 


432  OBÉISSANCE. 

sache  qu'elle  n'est  point  assez  soumise  elle-même  aux  puissances 
supérieures  (l). 

L'àme  raisonnable,  dit  saint  Augustin,  est  la  maîtresse  de  son 
corps  ;  mais  elle  ne  saura  pas  commander  à  cet  inférieur,  si  elle  ne 
sert  pas  Dieu  son  maître  avec  toute  la  soumission  de  la  charité  : 
Rationalis  anima  est  domina  corporis  sui,  quœ  inferiori  non  bene  impe- 
rabit,  nisi superiori  se  Deo  tota  caritatis  subjectione,  servierit  (Enchirid.). 

Obéissez  à  ceux  qui  sont  placés  à  votre  tête,  dit  le  grand  Apôtre, 
et  soyez-leur  soumis;  afin  que,  veillant  comme  devant  rendre 
compte  de  vos  âmes,  ils  le  lassent  avec  joie  et  non  en  gémissant; 
car  cela  ne  vous  est  point  expédient  (2). 

Soyez  soumis  à  Dieu,  dit  l'apôtre  saint  Jacques  :  Subditi  estote  Deo 
(xm.  47  );  et  à  vos  supérieurs,  comme  tenant  à  votre  égard  la  place 
de  Dieu. 

Soyez  assuré ,  dit  saint  Jérôme,  que  tout  ce  que  commande  un 
supérieur  de  monastère  est  salutaire  ;  ne  jugez  pas  ses  ordres  :  votre 
devoir  est  d'obéir,  d'accomplir  ce  qui  est  ordonné  et  d'observer  ce 
que  dit  Moïse  :  Israël,  écoute  et  tais-toi  :  Audi  Israël,  et  tace  (Epist. 
ad  Rustic). 

Les  moines  d'Egypte,  dit  Cassien,  recevaient  les  ordres  de  leurs, 
supérieurs  comme  s'ils  fussent  venus  directement  de  Dieu;  et  ils 
s'empressaient  de  s'y  conformer  sans  aucune  discussion  (Vit.  Patr.). 

Celui  qui  a  bien  appris  à  obéir,  dit  saint  Grégoire,  ne  sait  ni  discu- 
ter ni  juger  :  Nescit  judicare  quisquis  perfecte  didicit  obedire  (  Lib.  II 
in  I  Reg.  ). 

Réponse       Mais,  dira-t-on,   il   est  trop  difficile  d'obéir.  Votre  obéissance 

a  celle  ■ 

objection  :     a-t-elle  été  éprouvée  comme  Dieu  éprouva  celle  d'Abraham?  Vous 

difficile  <To-    a_t-°n  ordonné  des  choses  aussi  pénibles  et  aussi  dures?  K 

b(i'ir-         l'Ecriture  :  Dieu  éprouva  Abraham  et  lui  dit  :  Abraham,  Abraham. 

Abraham  répondit  :  i\le  voici.  Et  Dieu  lui  dit  :  Prends  ton  fils  unique 

que  tu  chéris,  lsaac,  et  va  dans  la  terre  de  vision  ;  et  lu  tu  l'offriras 

en  holocauste  sur  une  des  montagnes  que  j  e  t'aurai  munir 

(4)  Aiiima,  si  regnare  desiderot  super  membre  sua ,  necesse  est  ut  sit  ip<' 
rio:-i  uo  subjecU;  quoniam    talem  inveniel  ioferius  suum ,  qualcm  se.  exhib    i  ■' 
siu  criori.  Arinatiii- fiiiin  <  ri  itui.i    ad   ulcisceodam   sui    injuriam  creatoris.  Et   icjeo 
noverit  anima,  quœ  rebellem  sibi  invenit  carnem  suam,  se  quoque  minus  quam 
teat  superioribus  potestal  bus  i  —    sui  jectam  [Serm.  i  in  Fest.  omn.  Sanct.  )■ 

(2)  Obcdite  prœpositis  résilia,  1 1  subjacete  eu.  [psi  enim  pervigilant  quasi  ralio- 
iici.'i  pro  animabus  veatris  reddiluri  .  ut  cum  gaudio  hoc  faciant ,  ci  i-o 
hoi-  enim  dou  expedit  vobis  \llel»-.  xm.  17). 

(2)  Tentavit  Deus  Abraham,  cl  clixit  ad  eu>n  :  Abraham,  Abraliam.  Al  Ûlfl 


OBÉISSANCE.  43S 

Remarquez  l'obéissance  prompte  et  entière  du  saint  patriarche. 
Dieu  l'appelle;  il  répond  aussitôt  :  Me  voici  :  Adsum.  Dieu  lui  fait 
connaître  sa  volonté,  mais  chacune  de  ses  paroles  est  un  coup  de  poi- 
gnard :  1°  Prends,  non  pas  un  étranger,  mais  ton  fils...  ;  2°  ton  fils 
unique...  ;  3°  ton  fils  que  tu  chéris  et  que  tu  dois  chérir  en  effet...  ; 
4°  ton  Tsaac,  ta  joie 5°  Va  dans  la  terre  de  vision,  et  là  tu  l'offri- 
ras. Le  Seigneur  ne  dit  pas  :  Tu  le  feras  immoler  par  une  main 
étrangère,  mais  tu  l'offriras  toi-même;  toi  qui  es  son  père,  tu  rem- 
pliras les  fonctions  de  sacrificateur 6<>  Tu   me  l'offriras 

Seigneur,  pouvait-il  répondre,  où  sont  vos  promesses?...  Mais  il  ne 

dit  pas  un  mot 7°  Tu  l'offriras  en  holocauste,  afin  que  ni  soc 

corps,  ni  aucune  partie  de  son  corps  ne  te  reste  à  toi  son  père;  mais 
que  ton  Isaac  unique,  chéri,  seul  objet  de  toutes  tes  espérances,  soit 

réduit  en  cendres  tout  entier 8°  Toile,  prends-le  maintenant,  de 

suite,  point  de  retard  dans  l'exécution 9°  Supporte  les  fatigues 

d'un  long  voyage  et  d'une  pénible  ascension  sur  une  montagne 
escarpée 

Notre  obéissance  est  -  elle  soumise  aux  mômes  épreuves  que  ie 
lut  celle  de  Job.. .,  celle  de  Tobie...,  celle  de  la  mère  des  Mâchâ- 
mes?*.. 

avons-nous  à  obéir  à  des  ordres  aussi  terribles  que  ceux  auxquels 
J.  G.  se  soumit,  comme  un  agneau  conduit  à  la  boucherie,  sans  faire 
entendre  un  cri?  Et  Marie,  et  les  apôtres,  n'eurent-ils  rien  de  diffi- 
cile à  accomplir?  Courbant  la  tête,  les  apôtres,  dit  saint  Basile, 
subirent  le  joug  de  l'obéissance  et  ils  affrontèrent  joyeusement  les 
places  publiques,  les  affronts,  les  lapidations,  les  ignominies,  les 
sroix  et  divers  genres  de  mort  (1). 

Qu'exige-t-on  de  vous  ?... 

La  désobéissance  d'Adam  a  perdu  tous  les  hommes,  l'obéissance  de 
J.  C  les  a  tous  sauvés. 

Le  pape  Jean  XXII  dit  :  La  pauvreté  est  un  grand  bien,  la  chasteté 
est  un  plus  grand  bien,  mais  l'obéissance  est  le  plus  grand  de  tous: 


respondit:  Adsum.  Ait  illi  :  Toile  filium  tuum  unigenitum,  quem  diligis,  Isaac,  et  vaJe 
in  lerram  visionis  :  atque  ibi  offeres  euin  in  bolocaustum  super  unumrnontiumquein 
monstravero  tibi  (Ge«.  xxu.  1.  2). 

(1)   Apostoli,    submissa  mentis  cervi:e ,    obedientiae  jugum  subierunt  alaciique 
animo  in  fora  ,  in  contumelias ,  in  lapklationes,  iû  iguominias,  in  cruces,  in  varia? 
nece>  procescere  ^.lOmil.in  Act.  Apost.). 
m.  28 


Excel'uic* 
l'obéissance. 


43 \  t-\\ce. 

car  la  pauvreté  ne  règne  que  bu  \térieures  etde  peu  de 

valeur;  la  chasteté,  que  sur  la  chair;  tandis  que  l'obéissance  règne 
sur  l'esprit  et  sur  le  cœur  {Ilist. 

L'obéissance  est  si  excellente  qu'elle  soumet,  1°  l'homme  à  Dieu, 

et,  par  un  étonnant  retour,  Dieu  à  l'homme 2°  L'obéissance 

i  amole  à  Dieu  ,  en  holocauste ,  les  plus  nobles  facultés  de  l'homme, 
snçe  et  sa  i  <  >lonté, auxquelles  il  renonce  et  qu'il 
consacre  à  Dieu  dans  la  personne  de  ses  supérieurs.  De  là  vient 
qu'expliquant  ces  paroles  de  Samuel  à  Salïl  :  L'obéissance  vaut 
mieux  que  les  sacrifices,  saint  Grégoire  dit  :  Le  prophète  s'exprime 
ainsi ,  parce  que  le  sacrifice  des  victimes  est  l'immolation  d'une 
chair  étrangère ,  tandis  que  l'obéissance  est  l'immolation  de  la 
volonté  propre  :  Quia  per  victimas,  aliéna  caro,  per  obedientiam  vol/ta- 
tas  propria  mactatur  (Lib.  XXX v-  .  c.  x  ).  3°  Tout  ce  qu'on  l'ait 

par  obéissance  acquiert  nn.mérite  infini  et  procure  une  foule  do 
biens.  Parlant  de  saint  François  d'Assise,  saint  Bonaventure  dit  : 
Ce  grand  saint  assurait  que  l'obéissance  obtient  des  récompens  i 
ali  niantes  que  ceux  qui  la  pratiquent  ne  passent  pas  un  instant 
sans  recevoir  quelque  grâce 4°  L'obéissance  est  la  mère  des  ver- 
tus. C'est  ce  qui  fait  dire  à  saint  Grégoire  :  L'obéissance  est  la  seule 
vertu  qui  sème  les  autres  vertus  dans  l'âme,  et  qui,  les  ayant 
semées,  les  conserve  :  Sola  virtus  est  obedientia,  qvœ  virtutes  ca 
menti  inscrit ,  iusertasque cusiadit  (Lib.  XXXV  Moral.,  c.  Xj. 
guide  d'une  manière  certaine  et  assurée  celui  qui  se  soumet  à  ses 
supérieurs,  et  il  le  conduit  diiv.  au  port  du  salut.  Ecoutez 

saint  Jean  Climaque  :  L'obi  dit-il,  est  une  parfaite  abné- 

gation de  l'âme  et  dû  corps;  c'est  une  mort  volontaire,  une  vie 
sans  inquiétude  ,  une  navigali  jers,  la  sépulture    e  la 

volonté,  une  vie  d'humilité;  ell  i!  laides  à  nu  hoirimo 

qui ,  tout  en  dormant ,  marcherait  et  avancerait  vers  le  but  de  son 
voyage*  Vivre  dans  F 

fardeau  sur  les  épaules  d'autrui ,  nager  avec  le  soutien  d'une  main 
étrangère,  être  porté  sur  1<  -  pas  se  noyer,  ettra 

ser  sans  danger,  par  la  \<>ie,  la  plus  courte  et  la  plus  commode,  io 
grand  et  périlleux <  .  iv). 

L  ;e  est  si  excell  unie  nous  l'avons  déjà 

dit,  api  11  s'est  fait  obéissant  jusqu'à  la 

tnoi't,  et  la  mort  do  la  croix  ,  Paul.  Mais  voyez  la  récom- 

pen  >'•  ■  pourquoi,  ajoute  1  A] 

des  nations ,  Dieti  l'a  exalté  el  lui  a  donné  un  nom  au-dessus  de  tout 


OBÉISSANCE.  435 

îiom ,  afin  qu'au  nom  de  Jésus  tout  genoux  lléchisse  au  ciel,  sur  la 
et  dans  les  enfers  (I). 

L'obéissance,  dit  saint  Jean  Climaque,  est  une  vie  qui  ne  sacrifie 
rien  à  la  curiosité,  et  qui  esta  l'abri  du  danger,  une  excuse  immé- 
diate auprès  de  Dieu,  une  marche  sûre,  If  déposition  d'un  juge- 
ment qui  souvent  égare  ;  elle  met  sur  autrui  toute  sa  responsabiliff 
devant  Dieu  et  devant  les  hommes;  elle  est  le  renoncement  à  tout 
désir  dangereux.  Comme  les  arbres  qui  sont  agités  par  le  vent  se 
soutiennent  par  de  solides  et  profondes  racines;  ainsi  ceux  qui  prati- 
quent l'obéi-sance  et  qui  y  sont  exercés  et  éprouvés,  maintiennent 
leur  âme  forte  et  inébranlable  (Grad.  iv). 

Celui  qui  obéit  volontiers,  est  chéri  de  ses  compagnons;  il  aime 
à  être  utile  à  tous  et  à  n'être  à  charge  à  personne;  il  est  pieux  envers 
Dieu ,  bon  envers  ses  semblables ,  réservé  envers  le  monde  ;  il  est  le 
serviteur  fidèle  de  Dieu,  l'ami  du  prochain,  le  maître  de  soi-même 
et  du  monde 

L'obéissance  vaut  mieux  que  les  sacrifices  :  -1°  parce  que  l'obéis- 
sance ,  nous  l'avons  déjà  dit,  est  l'immolation  de  la  volonté,  et  que 
la  volonté  de  l'homme  a  une  valeur  supérieure  à  celle  de  tous  les 
troupeaux.  L'homme,  dit  saint  Bernard,  plaît  à  Dieu  d'autant  plus 
promptement  qu'il  s'immole  avec  le  glaive  du  précepte ,  après  avoir 
réprimé  l'orgueil  de  sa  liberté  :  Tanto  quisque  Deo  citius  placeat, 
quan'o  oculis  ejus,  repressa  arbitra  suppi'bia,  gladio prœcepti  se  immolât 
(Epist.  ). 

2°  Parce  que  l'obéissance  rend  notre  volonté  conforme  à  la  volonté 
de  Dieu ,  qui  est  très-sainte ,  et  la  forme  et  la  règle  de  toute  vertu 
et  de  toute  sainteté.  On  peut  appliquer  à  la  volonté  humaine  ainsi 
transformée  les  paroles  du  Seigneur  dans  ïsaïe  :  Vocaberis  voluntas 
mea  :  Tu  seras  appelée  ma  volonté  (  lxii.  4). 

3°  Parce  que  l'obéissance  fait  de  la  volonté  un  sacrifice  vivant  et 
continuel  offert  à  Dieu;  tandis  que  les  anciens  sacrifices  ne  se  compo- 
saient que  de  la  chair  des  animaux  immolés  et  ne  duraient  i  ue 
quelques  instants.  L'obéissance  est  un  holocauste ,  mystique  à  la 
vérité,  mais  très-noble,  ^ui  dévoue  l'homme  entier  à  son  Créateur. 
Dans  ce  sacrifice ,  la  volonté  est  immolée  comme  une  victime;  elle 
meurt  et  cependant  elle  vit;  elle  meurt  à  elle-même,  et  elle  vit  en 
Dieu  et  dans  la  volonté  divine. 

(1)  Proptcr  qimd  et  Peus  exaltavit  illum ,  et  donavit  illi  nomen  quod  est  super 
onuic  nomen  :  ut  in  nomme  Jesu  omne  genuflcctatur,  cœlestiuin  ,  terreslrium  et 
injfeniorum  {PIulit  p-  m  S). 


436  OBÉISSANCE. 

li  j  a  l)eaucoup  plus  de  mérite,  dit  saint  Grégoire  ,  h  soumettre 
sa  propre  volonté  à  la  volonté  d'autrui ,  qu'à  macérer  son  corps  par 
de  longs  jeûnes,  ou  à  s'immoler  par  un  sacrifice  secret  sous  l'inspi- 
ration de  la  componction.  Celui  qui  a  appris  à  faire  parfaitement  la 
volonté  de  ses  supérieurs ,  surpasse  en  mérites  et  en  gloire  dans  le 
ciel  ceux  qui  jeûnent  et  ceux  qui  pleurent  (1). 

Celui  qui  obéit  avec  simplicité  et  modestie ,  est  digne  de  com- 
mander. Se  commander  et  se  vaincre  ,  c'est  le  plus  grand  des 
empires,  c'est  la  plus  belle  et  la  plus  précieuse  des  royautés. 

Ecoutez ,  ô  mon  fils,  dit  le  Seigneur  dans  les  Proverbes,  écoutez 
les  remontrances  de  votre  père,  et  ne  méprisez  pas  les  ordres  de  votre 
mère  ;  afin  que  vous  receviez  une  couronne  pour  votre  tête,  et  un 
collier  pour  votre  cou  :  Audi,  fili  mi,  disciplinam  pat?*is  tui ,  et  ne 
dimittas  legem  matris  tv.œ  ;  ut  addatur  gratia  capiti  tuo ,  et  torques 
colla  tuo  (  i.  8.9).  Cette  couronne,  ce  collier,  récompenses  de 
l'obéissance,  sont  l'emblème  de  la  parure  que  cette  vertu  apporte  à 
l'âme;  elle  l'orne  comme  une  couronne  d'or,  comme  un  collier  de 
perles  ou  de  diamants  ornent  la  tète  et  le  cou.  Plusieurs  couronnes, 
principe  de  grâce  et  de  beauté,  sont  promises  à  l'obéissance. 

La  première  ,  c'est  la  couronne  de  l'amour  de  Dieu  et  de» 
hommes 

La  seconde,  la  couronne  de  toutes  les  vertus;  car  l'obéissance  les 
rend  obligatoires  ou  les  conseille.  Elle  commande  des  actes  tantôt  de 
religion,  tantôt  de  sobriété,  tantôt  de  mortification,  tantôt  de  péni- 
tence, tantôt  de  modestie,  tantôt  d'humilité,  tantôt  d'aumône,  tantôt 
é,  tantôt  de  toute  autre  vertu.  Voilà  comment  celui  qui  s'ap- 
plique à  l'obéissance  dans  l'exercice  de  toutes  les  vertus ,  se  forme 
une  belle  et  riche  couronne,  et  se  prépare  un  magnifique  collier. 
Le  collier  signifie  aussi  la  pratique  constante  des  vertus,  leur 

union  hab  luelle;  et  la  couronne,  leur  valeur 

L'abbé  Jean,  au  lit  de  la  mort,  répondit  à  ses  religieux  qui  lui 

,     an  laient  comment  il  était  parvenu  à  une  si  haute  perfection 
Je  n'ai  jamais  fait  ma  propre  volonté,  et  je  n'ai  jamais  rien  ordonné 
que  je  oe  l'aie  tait       à-mème  le  premier  (  Cassian.  de 
Instit.  monach.,  lib.  V,  c.  xxvm  ). 

e  couronne  de  l'obéissance,  c'est  l'abondance  et  l? 

(1)  Longe  altioris  est  priam  voluataem  alie.iœ  semper  voluiUati  subji» 

cerc,  quain  magnis  jejun.is  corpus  atli  r ,■,-.■ ,  aut  per  compuïictionem  se  in  secretioil 

ificio  roac'tare  :  qui  perfette  volunlatera  pr  ceproris  implere  didicit.  iacttlesU 

regno,  et  abslineutibus  et fleuUbus  excella  (    .     ...,. 


OBÉISSANCE.  IX 

plénitude  des  jgrâcésj  que  Dieu,  rémunérateur  de  Vobéissapce'j 
accorde  à  l'homme  qui  pratique  exactement  cette  sublime  vertu.  Le 
Seigneur  a  coutume  de  combler  de  toute  espèce  de  biens,  de  grâces 
|t  de  faveurs  l'homme  obéissant 

La  quatrième  couronne ,  c'est  celle  du  triomphe  et  du  royaume 
îéleste 

L'obéissance  est  le  salut  de  tous  les  fidèles Elle  est  la  mère 

de  tous  les  saints;  par  elle  ils  sont  engendrés,  mis  au  monde, 
allaités,  nourris,  vêtus;  par  elle  ils  croissent,  se  fortifient,  mar- 
chent, montent  et  arrivent  à  la  perfection.  L'obéissance  montre  à 
l'homme  le  royaume  des  cieux ,  elle  le  lui  ouvre  ,  l'y  fait  entrer  et 

le  place  sur  un  trône Il  est  juste  que  la  tète  qui  s'est  courbée 

ici-bas  sous  un  joug  volontaire,  soit  relevée  et  couronnée  de  gloire;  il 
est  juste  que  le  collier  de  l'honneur  entoure  le  cou  de  celui  qui  a 
enchaîné  sa  volonté  pour  l'amour  de  Dieu  ! 

IjE  premier  avantage  de  l'obéissance ,  c'est  qu'elle  nous  rend  vie-  Avanies  ,> 
torieux  :  L'homme  obéissant  racontera  ses  victoires,  disent  les  Premier'"'.  ri- 
Proverbes  :  Vir  obediens  loquetur  victorias  (xxi.  28  ).  tage,la 

Voulez-vous  que  tout  vous  soit  soumis,  dit  Sénèque,  soumettez- 
vous  à  la  raison  :  Si  vis  tibi  omnia  subjicere ,  subjice  te  rationi  (  Epist. 
xxxvii  ).  Soumettez-vous  à  la  raison,  et  avant  tout  à  Dieu,  qui  est  la 
raison  suprême 

L'homme  obéissant  racontera  ses  victoires.  Car,  dit  saint  Bernard, 
lorsque  nous  nous  soumettons  humblement  à  une  voix  étrangère , 
nous  nous  domptons  nous-mêmes  au  fond  du  cœur  :  Quia  dum  aliénée 
voci  hurniliter  subdimur ,  nosmetipsos  in  corde  superarnus  (Serm.de 
Virt.  obed.  ).  Si  par  votre  obéissance  vous  vous  soumettez  pleinement 
à  Dieu ,  à  sa  loi  et  à  sa  volonté ,  afin  de  lui  plaire  en  tout ,  il  arrivera 
que  vos  sens ,  vos  appétits ,  votre  corps,  vos  pensées,  les  tentations, 
la  concupiscence  se  soumettront  à  votre  esprit  et  à  votre  volonté  ; 
vous  les  calmerez  facilement ,  vous  les  dominerez,  comme  Adam  les 
domina  dans  le  paradis,  tant  qu'il  obéit  à  Dieu.  Mais  dès  qu'il 
désobéit,  il  sentit  soudain  sa  chair  se  révolter ,  et  la  concupiscence 
s'empara  de  lui.  C'est  la  juste  peine  du  taiion.  Si  vous  vous  soumet- 
tez à  votre  supérieur,  tout  ce  qui  nous  est  inférieur  vous  sera  soumis. 
Au  contraire,  si  vous  vous  révoltez  contre  lui,  tout  ce  qui  est 
au-dessous  de  vous  se  révoltera  contre  vous. 

Il  était  injuste,  dit  saint  Augustin,  parlant  d'Adam  désobéissant, 
il  était  injuste  que  son  serviteur ,  c'est-à-dire  son  corps  lui  obéit,  q 


438  OBÉTSSAXCE. 

lui  qui  n'avait  pas  obéi  à  son  Seigneur.  Dan  le  châtiment  de  ce 
péché,  quelle  peine  a  été  infligée  à  la  dé.- obéissance ,  tinonune 
autre  désobéissance  ?  (1) 

L'homme  obéissant  racontera  ses  victoires  :  Vit  ohediens  loquctur 
victorias.  L'obéissance  seule  tient  la  palme ,  dit  saint  Au.ii-ti  ;  et 
la  désobéissance  seule  trouve  punition  :  Sola  obedientia  tenet  palmain; 
sola  inobedientia  invertit pœnam  (In  Psal.  lxxui  ). 

J.  C,  obéissant  à  son  Père,  et  même  à  Pilate,  à  Anne,  àCaïphe 
et  à  ses  bourreaux,  jusqu'à  la  mort  de  la  croix  ,  triompha  de  tottJ , 
du  péché,  de  la  mort  et  de  l'enfer.  La  croix  l'ut  le  char  triomphal  et 
le  trône  du  Sauveur;  c'est  sur  la  croix,  où  il  monta  par  obéissance, 
qu'il  fut  déclaré  roi;  c'est  là  qu'il  remporta  la  victoire  sur  tous  ses 
ennemis 

L'homme  obéissant  racontera  ses  victoires,  1°  sur  le  démon  et  sur 

toutes  ses  légions Lorsque  nous  nous  soumettons  aux  hommes 

en  vue  de  Dieu,  dit  saint  Grégoire,  nous  domptons  les  esprits  super- 
bes. Par  les  autres  vertus,  i!  est  vrai,  nous  combattons  les  démons; 
mais  par  l'obéissance  nous  remportons  sur  eux  la  victoire.  Oux 
\vlï  obéissent  sont  donc  des  vainqueurs;  car  en  soumettant  parfai- 
tement leur  propre  volonté  aux  autres,  ils  dominent  les  anges  tom- 
bés par  désobéissance  (2). 

Une  des  principales  raisons  pour  lesquelles  l'obéissance  donne  la 
victoire  sur  les  démons,  c'est  qu'à  l'aide  de  cette  j  tç£cieu,se  \orlu 
lions  découvrons  leurs  ruses  et  leurs  fourbei-irs.  \\n\h  p  mrquui 
paint  Antoine  disait  :  11  faut  que  le  religieux  fasse  connaître  a.uant 
que  possible  tous  ses  pas  et  toutes  ses  démarches  à  ses  supérieurs, 
afin  qu'il  suive  toujours  la  voie  droite  {Vil.  J'clr.). 

L'homme  obéissant  racontera  ses  victoires,  2°  sur  le  moud", 
ml  jamais  sa  volonté,  mais  toujours  c  U  i  de  Dieu,  le  ' 
de  ses  supérieur»,  il  ne  fera,  par  là  même,  jamais  pelle  du 
qui  est  opposée  à  celle  de  Dieu,  à  celle  de  l'Eglise  et  à  celle  de  ses 
Wipérieurs 

L'homme  obéissant  racontera  ses  victoires,  3°  sur  un  ennemi 
très-dangereux,  le  plus  dangereux  de  tous  :  sur  soi-nn'nic  Aussi 

(t)  ïiijiistiiiTi  enim  ernt  :it  ohtemprrnrplur  n  srrvn  sur»,  i<1  est.  a  corporp  ?<in ,  t»i 
qui  non  obtemperaverat  Domino  suo.  lu  illius  peccati  pœna,quicl  inob<  i 

inobedientia  retributa  <  .  vin  in  Epist.  S. 

(1    Dam  pro  Deo  lu  >  1 1  j  1 1 1 1  i  >  ;i  •  Miiijinmur,  superbos  spirjtqs  supcranpus  :  ci 
quiilom  virtutibus,  daemones  impugnamus ,  \  er  obc-dienliam  vincimus.  Viclores  er  fo 
sunt qui  obediunt;  quia,  >iuni  volautalern  suam  aliis  perfeetc  subjiciunt ,  ipsi  lapsia 
per  inobedientiam  uu0cii:>  domioaatur  t.  Lil>.  IV  in  I  Heg.,c.  v). 


CBÈIS3ANCÏ.  439 

est-il  dit  dans  VJmftation  de  J.  C.  ;  Celui  qui  ce  se  soumet  pas  volon- 
tiers et  spontanément  à  son  supérieur,  l'ait  voir  que  sa  chair  ne  lui 
est  pas  encore  parfaitement  assujettie,  mais  que  souvent  elle  mur- 
mure et  se  révolte  (Lib.  III,  c.  xm,  n.  1  ). 

Par  l'obéissance  l'homme  se  vainc  et  dompte  sa  volonté  et  son 
propre  jugement.  Se  servir  de  sa  volonté,  c'est  chose  très-dange- 
reuse ;  s'en  servir  comme  il  faut,  c'est  chose  très-difficile  et  presque 
impossible;  en  triompher  par  l'obéissance,,  c'est  la  plus  glorieuse  et 
la  plus  avantageuse  des  victoires. 

En  vérité,  dit  Alvarez,  se  vaincre  soi-même,  c'est  la  principale  vic- 
toire de  l'obéissance.  En  se  domptant,  l'homme  qui  vainc  tout  le 
reste,  se  montre  très-puissant  ;  et  il  tire  plus  de  gloire  de  cette 
grande  action  que  de  toute  autre  victoire.  Par  l'obéissance,  l'homme 
triomphe  de  lui-même;  car  il  lie  son  jugement,  il  enchaîne  sa 
volonté,  il  préserve  d'une  trompeuse  liberté  son  corps  et  tous  ses 
dangereux  penchants;  et  il  met  toutes  ses  facultés  au  service  de 
Dieu.  11  triomphe  de  lui-même;  car  il  fait  violence  à  ses  désirs,  et 
pour  l'amour  de  Dieu  se  soumet  volontairement  à  la  volonté  d'au- 
trui  (  Tract,  d  lent.): 

L'homme  obéissant  proclamera  donc  et  célébrera  ses  victoires, 
victoires  remportées  sur  l'enfer,  sur  le  monde,  sur  lui-même  ;  il 
recevra  de  J.  C.  d'immenses  récompenses,  selon  ces  paroles  de  l' Apo- 
calypse :  Au  vainqueur  je  donnerai  à  manger  de  l'arbre  de  vie  ejui 
est  dans  le  paradis  de  mon  Dieu  :  Vincenti  dabo  edere  de  ligno  vitœ, 
quod  est  in  paradiso  Dei  mei  (n.  7).  Celui  qui  vaincra  ne  sera  point 
blessé  par  la  seconde  mort  :  Qui  vicerit  non  Icedetur  a  morte  secundo, 
(n.  11).  Au  vainqueur  je  donnerai  une  manne  cachée,  et  je  lui  don- 
nerai une  pierre  blanche;  et  sur  la  pierre  sera  écrit  un  nom  nou- 
veau, que  nul  ne  connaît  que  celui  qui  le  reçoit  :  Vincenti  dabo  manna 
ahsconditum,  et  daboilli  calculum  co.ndidum  ;  et  in  calculo  nomennovum 
tum,  quod  nemosci',  nisi  qui  accipit  (n.  17).  A  celui  qui  aura 
vaincu  et  persévéré  jusqu'à  la  fin  dans  mes  oeuvres    je  donnerai 
puissance  sur  les  nations  :  Qui  vicerit,  et  custodierit  usque  in  fînem 
opéra,  mea,  dabo  illi potestatem  super  qentes  (n.   26).  Celui  qui  aura 
vaincu  sera  vêtu  de  vêtements  blancs,  et  je  n'effacerai  point  son  nom 
du  livre  de  vie,  et  je  confesserai  son  nom  devant  mon  Père  et 
devant  ses  anges:  Qui  vicerit,  vestietur  vestimentis  albis,  et  non  delebo 
'e  libro  vitœ,  et  confitebor  nomen  ejus  coram  Pâtre meo, 
t  angelis  ejus  (m.  5).  Je  ferai  de  celui  qui  aura  vaincu  une 

colonne  pour  le  temple  de  mon  Dieu,  et  il  n'en  sortira  plus;  et  j'écrirai 


-440  OBÉISSANCE. 

sur  lui  le  nom  rie  mon  Dieu,  et  le  nom  de  la  ville  de  mon  Dieu, 
de  la  nouvelle  Jérusalem,  qui,  de  mon  Dieu,  descend  du  ciel,  et  mon 
nom  nouveau  :  Qui  viccrit  faciam  illum  columnam  in  templo  Dei  mei, 
et  foras  non  egredietur  anvplius  :  et  scribam  super  eum  nomen  Dei  mei, 
et  nomen  civilatis  Dei  mei  novœ  Jérusalem,  quœ  descendit  de  cœlo  a  Deo 
meo,  et  nomen  meum  novum  (m.  12).  A  celui  qui  aura  vaincu,  je  don- 
nerai de  s'asseoir  avec  moi  sur  mon  trône  :  Qui  vicerit,  dabo  eisedere 
mecum  in  throno  meo  ( ni.  21  ).  Celui  qui  vaincra,  possédera  ces  choses  ; 
et  je  serai  son  Dieu,  et  il  sera  mon  fils  :  Qui  vicerit,  possidebit  hœc ;  et 
ero  illi  Deus,  et  ille  erit  mihi  filius  (xxi.  7). 

Jamais  on  n'a  entendu  de  promesses  aussi  belles  et  aussi  avanta- 
geuses !  Or  J.  C.  les  accomplira  toutes  en  faveur  de  celui  qui  aura  pra- 
tiqué l'obéissance;  car  c'est  celui-là  seul  qui  remporte  les  véritables 
victoires 

4°  L'homme  obéissant  sera  vainqueur  de  tous  les  ennemis  qui  lui 

font  la  guerre;  car  l'obéissance  d'une  année  fait  sa  force Il  sera 

vainqueur  des  païens,  des  hérétiques,  et  en  général  de  tous  les 
hommes,  quelque  impies  qu'ils  soient 

5°  Voulez-vous  que  Dieu  vous  exauce,  obéissez-lui.  Si  vous  lui 
obéissez,  il  soumettra  à  vos  ordres  tout  ce  qu'il  a  créé  ;  il  vous 
communiquera  sa  tonte- puissance,  car  il  est  écrit  :  Le  Sei-nour 
fera  la  volonté  de  ceux  qui  lui  obéissent  et  qui  le  craignent  : 
Voluntatem  timentium  se  faciet  (Psal.  cxliv.  19).  Saint  Domii: 
disait  que  par  son  obéissance,  il  obtenait  tout  ce  qu'il  demandait 
à  Dieu  (In  ejus  vita).  Tous  les  saints,  dans  tous  les  temps,  ont 
fait  la  même  expérience.  Dieu  leur  obéissait,  parce  qu'ils  lui  obéis- 
saient  

L'obéissance  nous  rend  victorieux  de  la  terre,  des  animaux,  de  la 
mer,  du  feu,  du  soleil,  du  ciel  et  de  l'enfer.  Tout  ce  qui  est  entrepris 
par  obéissance  esl  ordinairement  couronné  d'un  heureux  succès, 
parla  vertu  lu  Dieu  auquel  en  est  soi-même  soumis.  En  obéissant  à. 
Dieu,  Moïse  triomphe  de  la  mer  Rouge;  Josué  dix  iso  le  Jourdain  et 
commando  au  soleil  (x.  !  trois  enfants  jetés  dans  la  four- 

naise sont  préservés  du  feu,  etc.  (  Daniel,  m.  ).  En  obéissant  à  J.  C, 
Tierre  marche  impunéme  !  gur  .  mv.  29  ).  La  terre 

entière  est  soumise  à  l'homme  i  '  ivent  de  grands  saints 

ont  arrêté  des  tremblemenl  faux. 

Enfin,  pour  nous  r.  ■  lliommo  obéis- 

sant, et  l'enfer  lui-même  est  !..  ..  ù celui  qui  obéit 

M 


ouÉissANcr.'  441 

Le  second  avantage  de  l'obéissance,  c'est  qu'elle  est  une  excellente 
nourriture  pour  l'âme.  Ma  nourriture ,  dit  J.  C,  est  de  faire  la 
volonté  de  celui  qui  m'a  envoyé  :  Meus  cibus  est,  ut  faciam  volunta. 
tem  ejus  misitme  (  Joann.  iv.  34). 

Que  les  chrétiens  sachent  que  leur  aliment  spirituel  doit  être 
l'obéissance;  car  1°  elle  nourrit  lame...  ;  2°  elle  la  fortifie,  comme 
le  pain  fortifie  le  corps...;  3°  de  même  que  la  nourriture  ordi- 
naire fait  croître  les  enfants  et  les  transforme  en  hommes,  ainsi 
l'obéissance  fait  arriver  les  chrétiens  à  Yàge  viril  du  Saint-Esprit 
et  de  la  vertu 


Second 
Avantage  de 
l'obéissance, 
elle  nourrit 

i'àrae. 


Le  troisième  avantage  de  l'obéissance  c'est  qu'elle  purifie  l'âme  et 
la  guérit,  et  quelquefois  le  corps  lui-même.  Elie  ordonne  à  Naam an 
le  Syrien  d'aller  se  laver  sept  fois  dans  les  eaux  du  Jourdain  :  il  obéit, 
et  la  lèpre  qui  couvrait  tout  son  corps  disparaît  aussitôt  (  IV.  Reçj.  v). 
Les  dix  lépreux  reçurent  de  J.  G.  l'ordre  d'aller  se  montrer  aux  prê- 
tres; ils  obéirent,  et  en  y  allant  ils  furent  guéris  :  îte,  ostendite  vos 
sacprdotîbus;  et  dum  irent ,  mundati  sunt  (  Luc.  xvi  ). 


Troisièmfc 

avantage  de 

l'obéissance, 

elle  est  ua 

remède. 


Le  quatrième  avantage  de  l'obéissance  c'est  qu'elle  élève  l'homme, 
le  fait  croître  en  dignité  et  l'ennoblit.  Moïse  obéit  à  Dieu ,  il  devient 
le  chef  du  peuple  de  Dieu  ;  il  opère  de  nombreux  et  éclatants  pro- 
diges; il  fait  pâlir  l'Egypte  et  son  roi  criminel  et  endurci.  Les  apôtres 
obéissent  à  J.  G.,  et  ils  deviennent  par  leur  obéissance  les  fondateurs 
de  la  chrétienté,  les  princes  de  l'Eglise  militante  et  triomphante 


Quatrième 

avantage  de 

l'obéissance, 

elle  élève 

l'homme. 


Dieu  répand  ses  bénédictions  les  plus  abondantes  sur  ceux  qui  lui     cinquième 

Obéirent.  avantage  de 

1  obéissance, 

Par  son  obéissance,  Abraham  mérite  cette  grande  promesse  et  elle  attire  les 
bénédiction  de  Dieu  :  Je  te  mettrai  à  la  tête  d'une  grande  nation,  je      de  Dieu. 
te  bénirai,  j'exalterai  ton  nom,  et  tu  seras  béni.  Je  bénirai  ceux  qui 
te  béniront,  je  maudirai  ceux  qui  te  maudiront;  et  en  toi  toutes  les 
nations  de  la  terre  seront  bénies  (1). 

Dans  les  paroles  de  Dieu  à  Abraham,  le  cardinal  Cajétan  remar- 
que sept  bénédictions,  récompenses  de  l'obéissance.  La  première  est 
que  le  saint  patriarche  se  trouve  établi  le  prince  ou  le  père  d'une 


(i)  Faciam  le  in  gentem  magnam,  et  benedicamtibi,  et  magnificabonomen  tuum, 
erisque  benedictus.  Benedicam  benedicentibus  libi ,  et  maledicam  malediceutibu.3 
tibi  ;  at iiue  io.  te  ^epâdicentur  univeiw  «osrnntîonea  terrse  (  Gc?i.  xn.  2.3), 


44,2  OBÉISSANCE. 

grande  nation.....  La  seconde  est  une  bénédiction  fie  richesses  et  de 

fruits  signifiée  par  ces  mots  :  Je  te  bénirai I*  troisième  est  la 

célébrité  et  la  gloire  promises  à  son  nom i,u  quatrième  est    a 

réunion  de  toutes  les  bénédictions  et  de  tous  les  bieas,  signifiée  par 

ces  mots  :  Et  tu  seras  béni La  cinquième  est  la  promesse  de  bénir 

ceux  qui  le  béniront La  sixième  est  celle  d'être  son  gardien  et 

son  vengeur La  septième  est  la  déclaration  que  toutes  les  nations 

de  la  terre  seront  bénies  en  lui  :  Parce  que  tu  m'as  obéi}  lui  dit  le 
Seigneur,  et  que  pour  moi  tu  n'as  pas  épargné  ton  fils  unique,  toutes 
les  nations  de  la  terre  seront  bénies  en  toi  (  Gcn.  xxu-  10-18.  — 
Delrii  Comment,  in  Gcn.). 

A  cause  de  son  obéissance,  Abraham  est  comblé  de  bénédictions 
temporelles  et  spirituelles;  et  il  contribue  à  la  grande  bénédiction 

de  l'univers  ,  résultant  de  l'incarnation  du  Verbe 

Après  avoir  transmis  les  tables  de  la  loi  aux  Israélites,  Moïse  leur 
dit:  Je  mets  aujourd'hui  devant  vous  la  bénédiction  et  la  malé \\c- 
tion  :  la  bénédiction,  si  vous  obéissez  aux  commandements  du  Sei- 
gneur votre  Dieu;  la  malédiction,  si  vous-:  /  r.  xr. 
20-28  ).  La  voix  intérieure  de  Dieu  fait  entendre  à  chacun  de  nous  lu 
môme  promesse  et  la  même  menace. 


Sixième 
av,ui(.i'-i'  dp 
l'obéissance , 
<■  le  est  la 
première  des 
a  ■  ois  ci  des 
pratiques  de 

la  \ie 
chrétienne. 


Quatre  religieux  vinrent  trouver  saint  Pamhon  et  lui  demander  S 
vivre  sous  sa  direction.  Le  vénérable  abbé  n'en  voulant  recevoir 
qu'un  seul,  s'informa  de  la  manière  dont  ils  comprenaient  la  perfec- 
tion monastique.  Le  premier  jeûnait  constamment  ;  le  second  prati- 
quait la  pauvreté  ;  le  troisième,  la  charité;  le  quatrième,  l'obéissance. 
Saint  Pambon  préféra  ce  dernier.  Les  trois  autres,  dit -il,  tiennent 
de  leur  propre  volonté  la  vertu  qu'ils  possèdent;  tandis  que  celui-ci, 
brisant  la  sienne,  se  fait  le  serviteur  d'une  volonté  étrangère,  et 
peut  arriver  ainsi  h  tentes  les  vertus. 

La  conduite  et  les  paroles  de  saint  Pambon  montrent  combien 
l'flbéissance  est  avantageuse  et  désirable 


Jésus-Chmst  dit  a  Simon  :  Avancez  en  mer,  et  jetez  vos  filets  pour 

bt.  Simon  lui  répondit  :  Maître,  : 

nuit  sans   rien   pr> 

L'ayant  jeté,  ils  prirent  tua  uahtité  de  poissons, go» leur 

surtout  e    filet  se  rompait  (1). Voilà  les  fruits  sance 

spirituelle. 


Septième 
avantage  île 
l'obéissance , 
cil'  est    ua 
principe  de 

prospérité 


(1)  Dixit  ad  Simonem  :  Duc   in  al'   ..i ,  et  [axate  relia  vestra  in  capturam.  El 


OBÉISSAffCB.  4i3 

Combien  d'hommes  obérants  les  apôtres,  prôc!:nr.'  au  nom  do 
J.  CL,  ont-iJs  tirés  de  l'abîme  et  conduits  au  ciel  ! 

Lors. |up  saint  François  Xavier  partit  pour  les  Indes,  ses  amis  cher- 
chaient à  l'en  ''(.'tourner  en  lui  peignant  les  dangers  que  lui  feraient 
courir  l'extrême  chaleur ,  la  difficulté'  de  subvenir  à  ses  besoins,  la 
barbarie  des  habitants,  qui  employaient  le  fer  et  le  poison,  même 
contre  les  leurs;  le  grand  missionnaire  leur  répondit  :  Je  me  crée- 
rais des  dangers  bien  plus  redoutables,  si  je  n'obéissais  à  Dieu  qui 
m'appelle.  Il  partit  donc;  et  dans  la  seule  ville  de  Tolo,  il  convertit 
!-cinq  mille  indigènes  dont  il  fit  de  fervents  chrétiens.  Voilà  le 
fruit  de  l'obéissance  (In ejus  vita). 

L'QEfassÀNCE  procure  le  vrai  bonheur.  Le  prophète  Samuel  mettait      Huitième 

.,.  i-i      avantage  de 

ra  joie  et  son  bonheur  à  obéir  à  Héli.  Et  par  cette  obéissance,  ait    v>0béissance, 
raint  Hphrem,  il  mérita  d'entendre  la  vpjx  de  Dieu  (Serm.  ni).  elle  v™CUT& 

Heureux  ceux  qui  pratiquent  l'obéissance,  qui  supportent  le  frein,  vrai  bonheur, 
qui  font  tout  ce  que  Dieu  veut  et  qui  prennent  pour  rênes  ses  pré- 
ceptes, dit  Origène  :  ils  ne  marchent  pas  selon  leur  volonté,  mais  en 
tout  ils  sont  menés  et  ramenés  par  la  volonté  de  Dieu;  ce  qui  est  la 
source  du  plus  grand  bonheur  (Homil.  i  in  Cant.  ). 

Quel  bonheur  est  comparable  à  celui  d'être  assuré  de  faire  con- 
stamment et  en  toutes  choses  la  sainte  volonté  de  Dieu  !  Quel  plus 
grand  avantage  !... 


I/oEÉissAittnB  est  la  marque  la  plus  certaine  de  la  prédestination. 
Obéir  à  Dieu  ,  c'est  le  sceau  unique  et  évident  du  salut.  Au  contraire, 
désobéir  à  Dieu,  c'est  la  marque  et  la  cause  de  l'abandon  de  Dieu 
et  de  la  réprobation;  car  on  désobéit  à  Dieu  pour  suivre  ses  propres 
inclinations,  ses  volontés,  ses  passions,  ses  cupidités  perverses  et 
corrompues.  J.  G.  dit  aux  Juifs  :  Mes  brebis  écoutent  ma  voix;  je  les 
connais,  et  elles  me  suivent;  et  je  leur  donne  la  vie  éternelle,  et 
elles  ne  périront  jamais ,  et  nul  ne  les  ravira  de  ma  main  (1).  Vola 
pourquoi  celui  qui  réfléchit  et  qui  a  son  salut  à  coeur ,  doit  désirer 
toujours  et  demander  cette  seule  chose,  savoir  :  que  Dieu  le  dirige 


Neuvième 

avantage  de 

l'obéissance, 

elle  est  une 

marque  de 

P,v  les- 

tination. 


répondons  Simon,  dixit  illi  :  Pr  ceptor,  per  totam  u<  c  ni  Lai  o  antes ,  r.ihsl  copi- 
mus  :  in  verbo  autem  tuo  laxabo  rete.  Et  cuni  hoc  f'ecissent,  conciuserunt  piscium 
m  Uilndiuem  copiosam,  rumpebatur  auteru  :ete  eorum  (Luc.  v.  :-6), 

(1)  Oves  meœ  vocera  meam  audiunt ,  et  ego  çognosco  e:s ,  et  sequunt'ir  me;  et 
crr<\  vitan  ;  lernam  do  eis,  et  non  peribunt  in  ceternum,  e  non  rapiet  easquisqunm 
de  il  u»unica(x.  t"i.  1i). 


m  OBÉISSANCE.' 

dans  ses  occupations,  ses  affaires,  ses  actions ,  et  que  lui-même  ait 
\a  volonté  de  le  suivre,  de  lui  obéir,  et  de  n'obéir  qu'à  lui.  Car  les 
roies  préparées  par  Dieu  sont  sûres  et  certaines,  et  ne  pas  les  quitter, 
t'est  la  prédestination  même.  Ceux  qui  sont  ainsi  conduits  et  qui  se 
montrent  dociles,  sont  à  l'abri  du  danger  de  pécher  et  de  compro- 
mettre leur  salut ,  danger  auquel  sont  exposés  les  autres  hommes 
qui,  voulant  passer  pour  sages  et  intelligents,  ne  prennent  pas 
Dieu  pour  guide,  mais  se  choisissent  eux-mêmes  leurs  voies. 

Jonas,  fuyant  Dieu,  le  mécontenta ,  perdit  sa  patrie,  l'usage  du 
temple  et  presque  la  vie,  essuya  les  dangers  de  la  mer,  et  n'eut  pour 
autel  sacré  que  la  terre  profane  de  Tharse.  Ainsi,  les  désobéissants  se 
précipitent  dans  Jes  dangers  les  plus  terribles,  perdent  J.  C.  le  vrai 
pilote,  et  font  naufrage;  tandis  que  ceux  qui  obéissent  et  qui  sont 
dirigés  par  J.  C,  voguent  impunément  sur  la  mer  du  momie;  la 
traversent  sans  naufrage,  et  arrivent  heureusement  au  port  du 
salut. 

Comment  mon  âme  ne  serait-elle  pas  soumise  au  Seigneur,  dit  le 
Psalmiste,  n'est-ce  pas  de  lui  seul  que  vient  mon  salut?  Nonne  Deo 
Hubjecta  erit  anima  mea  ?  ab  ipsn  enim  salut  are  meum.  (  lxi.  1). 

Dixième       Saint  Jérôme  écrivant  à  Eustochie  au  sujet  de  la  mort  de  sainte 
avantage  de  d 

l'obéissance,    Paule ,  lui  dit  :  Votre  mère  a  reçu  la  couronne  d'un  long  martyre. 

et  la  gloire  du  Car  ce  n'est  pas  seulement  l'effusion  du  sang  qui  est  réputée  confes- 

martyre.      sion  de  la  foi;  mais  la  servitude  sans  tache  d'une  âme  pieuse  est 

elle-même  un  martyre  quotidien  (1). 

Onzième       I/HOMME  obéissant  meurt  dans  la  paix  du  Seigneur.  Se  trouvant  sur 
avantage  dû  ,  .  .      ,  .  .   . 

l'obéissance,    le  poinl  d  expirer,  1  abbe  Jean  était  plein  dejoie:Je  meurs  content, 

elle  Picore    ^j^jt-il,  parce  que  je  n'ai  jamais  fait  ma  volonté  (  Vit.  Patr.). 

bonne  mort.  Par  l'obéissance,  en  effet,  on  accomplit  ce  que  dit  le  Prophète 
royal  :  Eloignez-vous  du  mal  et  faites  le  bien  :  Déclina  a  malo ,  et  [ne 
bonum  (xxxvi.  11).  Or  ,  comment  celui  qui  n'a  pas  fait  le  mal ,  mais 
qui  a  vécu  dan*  la  pratique  de  la  vertu  et  qui  ne  s'est  jamais  chargé 
d'aucune  ahilité,  serait-il  inquiet  sur  son  lit  de  mort? 

Obéir,  \<>ilà  donc  le  secret  d'entendre   sans  trembler  sonner  la 
dernière  heure. 

M)  Mater  tua  lonçrn  martyrio  coronataest.  Non  solum   enim  effila  sanguinis  in 
confenione  reputatur;   $al  devottu  quoque  mentis  servitus  immaculata  quulidianu.ni 
rtyrium  est  (  Epist.). 


OBÉISSANCE.  445 

Que  la  volonté  propre  cesse ,  dit  saint  Bernard ,  et  il  n'y  aura  plus     Dotrzième 

,  .    /.  ..  /  r.  i        avantage  de 

d'enfer:  Cesset  voluntas  propria,  et  infernus  non  erit  (Serai,  ni  de    l'obéissance, 

Resurrect.  ).  Mais,  seul,  l'obéissant  renonce  à  sa  volonté;  seul  donc  P^ÎJ35« 
il  n'est  pas  exposé  à  la  damnation.  Au  contraire,  il  est  assuré  d'ar-  le  ciel, 
river  au  ciel ,  selon  ces  paroles  de  J.  C.  :  Courage,  bon  et  fidèle  ser- 
viteur, parce  que  vous  avez  été  fidèle  en  chose  de  peu ,  entrez  dans 
la  joie  de  votre  Seigneur  :  Euge,  serve  bone,  et  fidelis ,  quia  super  pauca 
fuisti  fidelis,  intra  in  gaudium  Domini  tui  (Matth.  xxv.  21);  c'est-à- 
dire  entrez  en  possession  de  la  vie  éternelle. 

Comment  faut-il  obéir?  Saint  Paul  le  dit  :  Faites  tout  sans  murmures     Comment 
ni  disputes;  afin  que  vous  soyez  irréprochables  et  purs,  enfants  de 
Dieu,  sans  reproche  :  Omnia  facite  sine  murmurationïbus  et  hœsita- 
tionibus;  ut  sitis  sine  querela,et  sirnplices  ,  filii  Dei ,sine  reprehensione 
(Philipp.  ii.  14.  15). 

Voyez  Saul  abattu  sur  le  chemin  de  Damas.  Tombant  à  terre,  il 
entend  une  voix  qui  lui  dit  :  Saul,  Saul ,  pourquoi  me  persécutes- 
tu?  Qui  êtes- vous,  Seigneur?  dit-il.  Je  suis  Jésus  que  tu  persécutes 
(Act.  ix.  3-5).  Aussitôt  Saul  dit  :  Seigneur,  que  voulez-vous  que  je 
fasse?  Domine,  guid  me  vis  facere?  (Act.  ix.  6.)  Et  immédiatement  il 
exécute  les  ordres  qui  lui  sont  donnés.  Voilà  comment  on  obéit. 
Celui  qui  auparavant  persécutait  les  fidèles  et  sévissait  contre  eux. 
déjà  se  prépare  à  obéir,  dit  saint  Augustin.  Déjà  de  persécuteur  il  est 
devenu  apôtre;  de  loup,  agneau;  d'ennemi,  soldat  de  J.  C.  :  Jam 
parât  se  ad  obediendum,  qui  prius  sœviebat  ad  persequendum.  Jam 
formatur  ex  persecutore  prœdicator,  ex  lupo  ovis,  ex  hoste  miles 
(Serm.  cclxxix  :  de  Paulo  Apost.). 

L'homme  vraiment  obéissant ,  dit  saint  Bernard,  tient  ses  oreilles 
prêtes  à  entendre,  sa  langue  prête  à  répondre ,  ses  mains  prêtes  au 
travail,  ses  pieds  prêts  à  partir;  il  se  recueille  ainsi  tout  entier  en 
lui-même,  afin  d'obéir  aussitôt  aux  ordres  qui  lui  seront  donnés  (' ;  • 

L'homme  vraiment  obéissant,  dit  saint  Grégoire ,  ne  discute  pai 
l'intention  de  celui  qui  lui  donne  des  ordres;  il  ne  discerne  pas  entrj 
es  diverses  choses  qui  lui  sont  prescrites  :  parce  que  celui  quia 
soumis  la  direction  de  toute  sa  vie  à  son  supérieur,  ne  connaît  pas 
d'autre  joie  que  de  faire  exactement  ce  qui  lui  est  commandé;  seule 
l'obéissance  lui  parait  un  bien  (2). 

(1)  Verus  obediens  parât  aures  auditui,  linguam  voci,  manus  operi ,  pedes  itiueri 
et  sic  se  totura  intra  se  colligit,  ut  mandatum  peragat  imperantis  [Iract.de  Prœcepto 
.  t  Dï<//ensat.  ). 

(2j  Verus  obediens,  necprœceptorum  intentionem  discutit,  nec  prscepta  ùisceruit  ; 


446  obéissance. 

Voyez  ce  qui  arrive  à  Eve,  qui  hésite  à  obéir  et  qui  discute.  Dieu 
affirme  que  si  Adam  et  elle  touchent  au  fruit  défendu,  ils  mourront  : 
Àloriemini.  Mais  Eve  doute;  le  serpent  la  tente;  Eve  lui  répond  :  Nous 
ne  devons  pas ,  car  nous  pourrions  mourir  :  Ne  forte  monamur  La 
serpent  nie  :  Xeqiwquom  vioriemini.  Et  pour  avoir  hésite  à  suivre  les 
ordres  du  Seigneur,  elle  perd  l'innocence  et  entraine  ses  fils  dans  sa 
ruine  (Gca.  m). 

Les  supérieurs  ordonnent,  les  inférieurs  balancent,  discutent;  le 
démon  arrive ,  nie  l'obligation  d'obéir ,  et  on  a  le  sort  d'Adam  et 
d'Eve 

Comment  faut-il  obéir?  Comme  Abraham.  Sors,  lui  dit  le  Sei- 
gneur, sors  de  la  terre  qui  t'a  vu  naitre,  du  milieu  de  ta  parenté,  et 
delà  maison  de  ton  père,  et  viens  dans  la  terre  que  je  te  montrerai. 
Et  Abraham  s'en  alla,  ainsi  que  le  Seigneur  le  lui  avait  commandé: 
Egredere  de  terra  tua,  de  cognatione  tua,  et  de  domo  patris  tui;  et  ceni 
in  terram  quam  monstrabo  tibi.  Egressus  est  itaque  Abraham  sicut  prœ- 
ceperat  ei  Dominus  (Gen.  xn.  1-4). 

Etudiez  dans  la  conduite  d'Abraham  les  conditions  et  les  qualités 
d'une  parfaite  obéissance. 

La  première  qualité,  c'est  d'obéir  promptement  et  volontairement; 
Abraham  ne  résiste  pas  un  seul  instant 

La  seconde,  c'est  d'obéir  avec  simplicité  :  ce  qui  arrive  lorsque 
nous  soumettons  notre  jugement  à  celui  de  nos  supérieurs.  Abraham 
part  sans  savoir  où  il  irait.  Appelés  par  J.  C,  Pierre  et  André  le  sui- 
vent aussitôt  sans  s'inquiéter  de  la  manière  dont  ils  vivront;  sans 
examiner  comment,  pécheurs  ignorants,  ils  deviendront  pécheurs 
d'hommes.  Ayant'  tout  abandonné,  ils  suivirent  J.  C,  dit  levangé- 
liste  :  Relictis  omnibus,  secutisunt  eum  (Luc.  v.  1 1  ). 

Soyez  certain  que  tout  ce  qu'ordonne  un  supérieur  est  salutaire, 
dit  saint  Jérôme;  ne  jugez  pas  (Epist.  ad  Jiust.).  Celui  qui  sait  bien 
obéir,  ne  sait  pas  juger,  dit  saint  Grégoire  {In  Samuel.). 

La  troisième  qualité,  nécessaire  pour  que  l'obéissance  soit  par- 
faite, c'est  d'obéir  avec  joie.  Les  apôtres  se  sont  conduits  ainsi  au 
sein  des  plus  cruelles  épreuves,  des  persécutions  et  de  la  mort 

La  quatrième,  cVest  o  obéir  avec  humilité 

La  cinquième,  c'est  d'obéir  avec  courage  et  constance.  Coi;,  Vz- 
vous  constamment  à  Dieu,  dit  saint  Augustin;  abandonnez  tout  à 

quia  quî  omnis  vitre  sure  judicium  majori  subdidit ,  in  lioc  solo  g-.indet,  si  quod  sîbl 
praccipitur  ,  operatur;  quia  hoc  tantuin  bouum  uutat ,  si  pncccpiii  obediat  (In 
Samueie). 


OBÉISSANCE.  447 

fui,  autant  que  vous  le  pouvez  :  il  ne  cessera  de  vous  soulever  jus- 
qu'à lui  et  il  ne  permettra  pa^  qu'il  vous  arrive  rien  qui  ne  vous  soit 
avantageux^  même  à  votre  insu  (1). 

La  sixième  qualité,  c'est  d'obéir  indifféremment.  Peu  importait  a 
Abraham  le  lieu  où  Dieu  l'appelait;  il  se  reposait  entièrement  sur 
lui  Ju  soin  de  son  avenir. 

Nous  ne  pouvons,  dit  saint  Augustin,  offrir  à  Dieu  rien  de  plus  agréa- 

ile  de  lui  dire  avec  Isaïe  :  Possédez-nous  :  ISihil  gmfim  Deopossh- 

mus offerre ,  quant  ut dlcamus  ei  cura Isaia  : Posside nos (InP.-al.cxxxi.) 

La  septième  qualité,  c'est  d'obéir  avec  persévérance Ainsi 

J.  C.  obéit  jusqu'à  la  mort 

Celui  qui  obéit  fidèlement  ne  sait  pas  user  de  délai,  dit  saint  B  - 
nard;  il  fuit  le  lendemain,  il  ignore  le  retard,  il  prévient  celui  qui 
commande  :  Fidelis  obediens  nescit  moras,  fugit  cras  iaum,  igaorat  tardi- 
tatem,  prœripit  prœcipientem  (Serai,  de  Virtut.  obedient. ).  Celui  ^ui 
est  vraiment  obéissant,  dit  ailleurs  ce  Père,  ren.nce  à  se  servir  de 
son  désir  ou  cîe  sa  résistance,  afin  de  pouvoir  dire  :  Mon  cœur  est 
prêt,  ô  mon  Dieu  :  prêt  à  faire  tout  ce  que  vous  ordonnerez,  prêt  à 
obéir  aussitôt  au  moindre  signe,  prêt  à  s'occuper  de  vous,  à  servir  le 
prochain,  à  me  garder  moi-même,  et  à  se  reposer  dans  la  contem- 
plation des  choses  célestes  (2). 

Samuel  est  un  véritable  modèle  d'obéissance  :  appelé  à  diverse» 
reprises,  il  obéit  constamment  (1.  Reg.  m). 

Humblement  soumis  à  Héli,  et  soutenu  par  l'obéissance,  cei 
enfant,  dit  saint  Grégoire,  est  appelé,  et  il  vient;  il  est  renvoyé,  et  n 
part;  et  cela  jusqu'à  trois  fois  consécutives.  Qui  de  nous,  dans  une 
semblable  épreuve,  s'abstiendrait  de  murmurer?  Qui  contiendrait  son 
impatience,  si,  appelé  souvent,  il  recevait  pour  réponse  qu'on  ne  l'a 
pas  appelé?  (  la  Samuel.  ) 

Après  avoir  reçu  les  dernières  instructions  de  son  père,  Tobie  lui 
répondit  :  Sîon  père,  je  ferai  tout  ce  que  vous  m'avez  ordonné  : 
Ouiitia  quœcumque  prœcepisti  inihi  faciam,  pater  (v.  -1). 

L'esprit  du  juste  médite  l'obéissance,  disent  les  Proverbes  :  Mens 
justi  meditatur  obedientiam  (xv.  28).  Il  réfléchit  sur  les  motifs  qui 


(O  Conslanter  Deo  crede,  cique  totum  commîtte,  quanium  potes  :  ita  enim  ipse 
te  ad  se  Bublcvare  non  desinet;  nihilque  tibi  evenire  permittet,  nisiquod  tibi  prosit, 
etiarosi  nesc  as  (  Lib,  l  Soliloq.,  c.  xv). 

{%)  Bonus  obediens  dat  suuni  velle  et  suum  nolle,  ut  possit  dicerc  :  Parât  uni  cor 
meum,  Deus;  para  uni,  quodemnque  praeceperis,  facere;  pâràtum  ad  nu t uni  cilius 
obedire;  paratura  tibi  vaeare,  proxnnis  mipistrare,  meipsum  cuatodive ,  et  in  cœle- 
sliuna  coutcmplaliôné  requiescere  ( In  Serm.  de  Epiph.). 


M8  OBÉISSANCE. 

l'engagent  à  obéir,  il  s'efforce  d'amoindrir  la  rigueur  des  ordres  qu'il 
présume  lui  avoir  été  donnés;  afin  qu'au  moment  même  où  son  supé- 
rieur l'appellera  et  lui  commandera  quelque  chose  de  pénible,  il  dise 
avec  Samuel  :  Me  voici  :  Ecce  ego  (I.  Reg.  m);  et  avec  saint  Paul  : 
Seigneur,  que  voulez-vous  que  je  fasse  :  Domine,  qu'ai  me  vis  facere? 
(Act.  ix.  6.)  ïl  médite  surtout  l'obéissance  de  J.  C,  qui  s'est  fait 
obéissant  jusqu'à  la  mort,  et  à  la  mort  de  la  croix,  pour  nous  appren- 
dre à  obéir  et  pour  nous  sauver  par  l'exemple  de  son  obéissance, 
nous  qui  étions  perdus  par  la  désobéissance  d'Adam.  C'est  dans  ce 
sens  qu'il  est  dit  :  Regardez,  et  faites  d'après  l'exemplaire  qui  vous 
a  été  montré  sur  le  Calvaire  :  Inspice,  et  fac  secundum  exemplar  quod 
tihiin  monte  monstratum  est  (Exod.'xxv.  40). 

Le  juste  médite  sur  les  divers  degrés  de  l'obéissance,  afin  de  les 
atteindre  peu  à  peu.  Ces  degrés  sont  au  nombre  de  trois  :  le  premier, 

le  moins  parfait,  c'est  de  faire  ce  qui  est  ordonné Le  second, 

c'est  de  vouloir  le  travail  prescrit,  de  l'aimer  et  de  s'en  acquitter 

volontiers,  promptement  et  avec  courage Le  troisième,  c'est 

non-seulement  de  vouloir  ce  qui  est  prescrit,  mais  de  le  juger  meil- 
leur que  tout  ce  que  l'on  voudrait  soi-même;  dételle  sorte  que, 
non-seulement  on  soumette  sa  volonté  à  son  supérieur,  mais  encore 
son  jugement,  et  qu'on  croie  que  ce  que  1g  supérieur  ordonne  vaut 
mieux  que  ce  que  l'e^nrit  particulier  eu  toute  autre  personne 
suggèrent 

Le  juste  se  propose,  comme  le  dit  l'Apôtre,  d'obéir  avec  joie  et 
non  avec  tristesse  ou  par  nécessité  :  Cum  gaudio,ct  non  gementesj  hoc 
enim  non  expedit  (Hebr.  xm.  47).  La  sérénité  sur  le  visage  et  la  dou- 
ceur dans  les  paroles  donnent  une  belle  attitude  à  l'obéissance. 
Quelle  place  a  cette  vertu  là  où  se  trouve  l'aigreur  de  la  tristesse? 
Les  signes  extérieurs  indiquent  la  disposition  de  l'âme;  et  il  est 
difficile  que  ceux  qui  ont  mauvaise  volonté  ne  le  montrent  pas  sur 
leurs  traits 

L'obéissance  parfaite  ignore  quels  motifs  dirigent  celui  qui  com- 
mande :  elle  n'est  point  arrêtée  par  des  ordres  durs,  ou  donnés  dure- 
ment, ni  par  les  rudes  épreuves  auxquelles  elle  peut  être  soumise* 
mais  elle  s'appuie  sur  une  large  volonté,  et  s'élèv  e  à  la  hauteur  de  la 
charité.  Armée  d'un  courage  actif,  d'une  résolution  prompte,  d'une 
abnégation  entière,  elle  embrasse  tout  ce  qui  lui  est  commandé 

Joignez  à  l'obéissance  la  charité  qui  est  sa  sœur;  elles  doivent  être 
unies  et  associées;  l'une  perfectionne  l'autre.  Les  parfaits  1"  obéissent 
en  aimant,  et  ils  aiment  en  obéissant  :  l'amour  de  L'obéissance  porte 


OBÉISSANCE.  449 

à  aimer  les  supérieurs  comme  ses  propres  parents...;  S^ils  aiment 
ce  qui  leur  est  ordonné...  ;  3°  ils  aiment  leur  obéissance,  et  cet  amour 
la  rend  facile  et  parfaite.  Car,  comme  le  dit  saint  Léon,  l'amour  de 
l'obéissance  adoucit  l'ordre  d'obéir;  on  n'obéit  plus  par  une  dure 
nécessité,  dès  qu'on  aime  ce  qui  est  prescrit  (Serm.  iv  deJejun.). 

Commentant  ces  paroles  du  Psalmiste  (cxviii):  Levavi  manus  meas 
ad  mandata  tua  quœ  dilexi  :  Seigneur,  j'ai  tendu  mes  mains  vers  vos 
préceptes  et  j  en  es  ai  aimés ,  saint  Ambroise  dit  :  David  aimait  les 
commandements  du  Seigneur,  afin  de  les  accomplir  volontiers.  Car 
celui  qui  aime  fait  volontairement  ce  qui  lui  est  commandé  :  au 
contraire,  celui  qui  craint  n'obéit  que  par  nécessité  :  Legem  diligebat, 
ut  legem  libenter  impleret.  Qui  enim  diligit,  ex  voluntate  facit  quœ  sibi 
sunt  imperata;  qui  timet,  ex  necessitate  (Serm.  xm). 

Il  y  a  une  triple  obéissance,  dit  saint  Bonaventure  :  l'obéissance 
par  nécessité,  l'obéissance  par  cupidité,  et  l'obéissance  par  charité. 
Seule  l'obéissance  par  charité  est  grande  (Procès,  vi  Religios.,  c.  xl). 

Il  n'appartient  qu'à  la  charité  de  rendre  l'obéissance  agréable  et 
acceptable  à  Dieu,  dit  saint  Bernard  :  Sola  est  darîtcts  quœ  obedientiam 
qratam  facit  et  acceytabilem Deo  (Serm.  in  Fe^î.  omn.  rfanct.). 


m. 


L 


ORDilE  OU  RÈGLE. 


yu'est-ce  que  "H~     >ordre  est  le  commun  bien  de  tout  l'univers,  et  conséquem- 

l'urtlrc  '! 

ment  de  toutes  ses  parties L'ordre,  dit  saint  Bernard,  est 

une  disposition  de  parties  telle  que  chaqut^chose  est  à  sa 
place  {Libi  Consid.). 

L'ordre  dans  les  animaux,  c'est  le  repos  réglé  des  appétits.  L'ordre 
dans  le  corps  humain,  c'est  la  proportion  réglée  des  diverses  parties 
et  leur  position 

L'ordre  dans  l'homme  raisonnable,  c'est  l'accord  de  la  pensée  et 
de  l'action  avec  la  conscience.  L'ordre  du  corps  et  de  l'âme,  c'est 
une  vie  disciplinée,  c'est  la  soumission  de  la  chair  à  la  raison.  L'ordie 
entre  Dieu  et  l'homme,  c'est,  du  coté  de  Dieu ,  prendre  soin  de 
l'homme,  et  du  côté  de  l'homme,  obéir  à  Dieu.  L'ordre  dans  une 
maison,  c'est  le  commandement  et  l'autorité  dans  les  parents,  la 
dépendance  et  l'obéissance  dans  les  enfants.  L'ordre  dans  une  ville , 
dans  une  nation,  est  du  même  genre.  L'ordre  dans  la  société,  c'est  la 
concorde.  L'ordre  dans  la  cité  céleste,  c'est  la  société  très-réglée, 
très-unie  de  tous  les  élus ,  jouissant  et  vivant  de  Dieu 

Il  existe  deux  ordres  :  l'ordre  physique...,  l'ordre  moral 

îsécessité  de    L'ordre  est  nécessaire  en  tout  lieu,  en  tout  temps,  en  toutes  choses. 

toutes  choses.  Dans  la  nature ,  l'ordre  est  nécessaire.  Il  faut  de  l'ordre  dans  le 

soleil,  la  lune,  les  étoiles,  la  terre,  les  mers,  les  montagnes  et  les 

vallées;  dans  l'air,  le  feu,  le  froid,  la  chaleur;  dans  les  plantes,  les 

arbres,  les  édifices,  les  travaux,  les  instruments  de  travail;  dans Jea 

animaux;  dans  la  pluie,  le  beau  temps,  les  saisons,  etc 

Si  l'ordre  général  de  l'univers  était  violé,  ce.  serait  la  fin  de  la 

création  et  le  chaos Si  l'ordre  des  parties  de  l'univers  était  violé,] 

ce  serait  encore,  le  désordre  el  le  chaos 

Dans  l'ordre  moral ,  il  faut  la  vertu  et  les  moyens  de  la  prati- 
quer  Il  faut  la  -  h  au  Créateur  et  l'obéissance  à  ses  lois....; 

11  faut  L'obéissance  aux  puissances  établies  de  Dieu Il  faut  dans 

les  supérieurs,  la  conscience,  la  bout  '•,  la  fermeté,  la  charité,  l'intel- 
ligence, etc Dans  une  armée ,  l'ordre  est  nécessaire  ;  c'est  lui  qvL 

la. rend  forte  et  invincible.  Ainsi  en  est-il  dans  l'E  la 

•h  société,  dans  la  famille Afin  de  contribuer  à  l'ordre,  chacun. 


ORDRE  OU  RÈGLE-  4al 

doit  être  discret,  modéré,  réglé,  dévoué;  tout  ce  qui  est  inconstant , 
confus,  immodéré,  déréglé,  égoïste  est  contraire  à  Tordre,  ou  parti- 
culier ,  ou  général,  et  déplaît  à  Dieu  qui  est  l'auteur  de  Tordre  et 
qui  l'aime 

Il  faut  de  Tordre  jusque  dans  l'enfer;  il  y  est;  c'est  la  justice  de 
Dieu  quiPy  maintient 

On  doit  commencer  par  mettre  de  Tordre  en  soi-même.  Il  faut 
apprendre  à  se  dominer  et  à  se  conduire.  Montrez-vous  discret, 
modéré  et  ordonné  en  toutes  choses,  dit  saint  Bernard  ;  toi 
e9t  dénué  de  modération  et  de  stabilité,  toute  confusion  et  tout 
désordre  déplaisent  à  Dieu  :  Discretum ,  modération,  et  ordinatum,  te 
in  omnibus  exltibeas  ;  quia  Deo  nunquam  plaçait  aliquid  immodtraiwn, 
bile,  confusion,  inordinalum  (De  Consid.). 

Vous  serez  roi,  si  vous  savez  vous  imposer  Tordre  et  la  règle 

Je  me  réjouis  en  voyant  Tordre  qui  est  parmi  vous,  et  votre  fer-      Con 
meté  à  le  maintenir,  dit  saint  Paul  aux  Colossiens  :  Gaudens  etvidens 
ordinem  vestrum  et  firmamentum  ejus  (h.  5). 

De  Tordre  naît  la  paix,  Tunion,  Tamour  et  la  concorde;  non- 
lement  dans  l'homme,  mais  avec  Dieu,  avec  les  anges,  avec  les 
autres  hommes  et  toutes  les  créatures;  comme  cela  existait  en 
Adam  dans  l'heureux  état  d'innocence ,  lorsque  le  corps  était  sou- 
mis à  l'esprit,  l'esprit  à  la  raison,  la  raison  à  Tàme  et  l'âme  à  Dieu. 

On  sent  combien  sont  grands  et  précieux  les  avantages  de  Tordre 
en  les  étudiant  :  d°  dans  la  hiérarchie  des  esprits  célestes...; 
2°  dans  la  disposition  et  le  mouvement  régulier  des  cieux,  des  astres, 
des  éléments  et  de  toutes  les  créatures...;  3°  dans  les  membres  du 
corps  humain...;  4°  dans  la  famille...;  o°  dans  un  royaume  ou 
dans  une  république 

Seigneur,  dit  la  Sagesse,  vous  avez  disposé  toutes  choses  avec 
nombre,  jaoids  et  mesure  :  Omnia  in  inensura,  et  numéro ,  et  pon.crt 
disposuistt  (xi.  21  ). 


ù< 


ORGUEIL. 


"orgueil*"  '  'orgueil  est  une  estime  déréglée  de  soi-même.  Avoir  de 

et  comment  l'orgueil,  c'est  se  mettre  au-dessus  des  autres;  c'est  s'attribuer 

rcconnait-on?  JL^ce  qui  nous  vient  de  Dieu 

On  reconnaît  l'orgueil  à  quatre  marques  :  1°  l'orgueilleux  croit 
tenir  de  lui-même  ce  qu'il  possède...  ;  2°  il  croit  ne  le  devoir  qu'à 
son  propre  mérite...  ;  3°  il  se  vante  d'avoir  ce  qu'il  n'a  pas...  ;  -4°  il 
méprise  les  autres  et  désire  que  chacun  sache  qu'il  a  beaucoup 


Si  nous  disons  que  nous  n'avons  point  de  péché  ,  dit  l'apôtre  saint 


séduction. 


l.V-.;neil  D'est 
iigîe- 
mentet       jean }  I10us  n0us  trompons  nous-mêmes  ,  et  la  a  érit  nt  en 

nous  :  Si  dixerimus  quoniam  peccatum  non  habemus,  ipsi  nos  sedvei- 

mus,  et  vd'itas  in  noiisnon  est  (ï.  H.  8). 

Si  quelqu  un ,  dit  le  grand  Apôtre ,  estime  être  quelque  chose 
tandis  qu'il  n'est  rien,  il  s'abuse  lui-même  :  Si  quis  existimat  se  ali- 
quid  esse,  cum  nihil  sit ,  ipse  se  seducit  (Gai.  vi.  3). 

Les  orgueilleux  se  complaisent  en  eux-mêmes,  ils  y  mettent  leur 
confiance;  ils  se  persuadent  qu'ils  sont  vertueux,  et  ils  vivent  dans 
une  aveugle  sécurité,  comme  ne  manquant  de  rien  et  n'ayant  rien 
à  craindre 

Homme  inintelligent!  tu  dis  :  Je  suis  riche  en  mérites  et  n'ai  besoin 
de  personne;  et  tu  ne  sais  pas  que  tu  es  à  plaindre,  et  misérable, 
et  pauvre,  et  aveugle,  et  nu,  dit  l'Apocalypse  :  Dicis  ,  quia  dives 
sum,  et  nul  lias  egeo;  et  nescis  quia  tu  es  miser,  et  miserabilis,  et  pau- 
i  et ,  et  cœcus,  et  nudus  (m.  17  ). 

L'orgueilleux  croit  savoir  même  ce  qu'il  ignore...;  il  ne  veut 
receveur  ni  Leçons ,  ni  conseils...;  il  est  entêté...  :  voilà  pourquoi  il  y 

a  peu  d'espoir  de  le  voir  se  convertir Tels  étaient  les  scribes  et 

les  pharisiens,  qui,  pleins  d'eux-mêmes,  méconnurent  J.  C,  Je  vra^ 
docteur,  et  ne  voulurent  recevoir  de  lui  aucune  lumière  ni  aucune 

instruction Tels  sonl  les  Juifs Tels  sont  encore  tous  les  héré- 

tiques  obstinés..*  ;  ils  ne  veulent  pas  s'instruire  ni  voir  la  vérité,  et 

ils  veulent  enseigner Que  savez-vous,  orgueilleux,  si  vou>  ne 

connaissez  pas?  et  si  vous  vous  connaissez,  comment,  cendre 
et  poussière,  vous  enorgueillissez-vous  ?... 

L'orgueil  est  la  plus  l'orte  et  la  plus  dangereuse  séduction  à  laquelle 


0BGUE1L.  153 

l'homme  puisse  céder;  elle  le  plonge  clans  les  ténèbres  les  plu? 

étranges 

L'orgueilleux  voit  mal  toutes  choses,  soit  en  lui-même,  soit  dan* 
les  autres....  Il  voit  où  il  n'y  a  rien  à  voir ,  et  il  ne  voit  rien  où  il  fau- 
drait voir  quelque  chose Toujours  aveuglé  et  séduit,  il  est  con- 
vaincu de  sa  clairvoyance  et  de  son  impartialité 

Saint  Chrysostome  assure  que  l'orgueil  est  la  suprême  folie  ;  qu'il  f  ol"ie 
n'y  a  pas  d'insensé  comparable  à  l'orgueilleux.  Qu'y  a-t-il  en  effet 
de  plus  insensé  que  de  résister  à  Dieu ,  et  de  vouloir  lui  faire  la 
guerre?  Qu'y  a-t-il  de  plus  insensé  que  de  se  priver  et  de  se  dépouiller 
volontairement  de  la  faveur ,  de  la  grâce  et  du  secours  de  Dieu,  de 
qui  tout  dépend  et  à  qui  tout  appartient  ?  Qu'y  a-t-il  de  plus  insensé 
que  d'avoir  pour  antagoniste  et  pour  ennemi ,  non  pas  un  homme, 
non  pas  un  ange  ,  non  pas  même  le  démon  ;  mais  Dieu  en  personne, 
et  d'oser  le  provoquer  comme  à  un  duel?  {Homil.  ad  pop.) 

L'orgueilleux  étant  un  insensé  et  l'orgueil  une  insigne  folie,  ils 
sont  souverainement  méprisables  et  souverainement  méprisés 

Se  disant  sages  ,  ils  sont  devenus  fous ,  dit  saint  Paul  :  Dicentes  se 
esse  sa pientes ,  stulti facti sunt  (Rom.  i.  22). 

Avez-vous  vu  un  homme  qui  s'estime  sage?  disent  les  Proverbes; 
il  y  a  plus  à  espérer  de  l'insensé  que  de  lui  :  Vidisti  komînem  sapien- 
temsibi  vider  i?  Magisillo  spera  habebit  insipiens  (xxvi.  12).  Celui  qui 
se  croit  sage  ,  est  souverainement  insensé  ,  dit  un  proverbe  accré- 
dité :  Qui  sibi  sapit ,  summe  desipit.  Ceux  qui  se  croient  sages,  sont 
trompés  facilement  par  le  démon,  et  ils  se  perdent.  Celui  au  con- 
traire qui  reconnaît  son  peu  de  sagesse,  cherche  un  guide  éclairé; 
il  marche  ainsi  en  sûreté  et  se  sauve  facilement 

L'orgueil  nait  de  la  démence ,  dit  saint  Chrysostome.  11  ne  peut 
pas  exister  d'orgueilleux  qui  ne  soit  insensé;  l'orgueilleux  est  pleki 
de  folie  :  Ex  amentia  hoc  vit  htm  nascitur.  Non  potest  esse  superbus  qui 
f'atuus  non  sit ;  stultitia  plenus  est  superbus  (  Homil.  ad  pop.). 

L'humilité  est  la  sagesse  de  l'âme ,  l'orgueil  en  est  la  folie  ;  car 
l'humilité  repose  sur  la  vérité;  l'orgueil,  lui,  n'est  que  vanité,  men- 
songe ,  erreur 

Pourquoi  s'enorgueillissent  la  terre  et  la  cendre?  dit  l'Ecclésiasti- 
que: Quid  superbit terra  et  cinis?  (x.  9.)  0  homme,  terre  et  cendre, 
pourquoi  t'enorgueillis-tu,  dit  saint  Bernard  ,  toi  dont  la  conception 
est  une  faute,  la  naissance  une  misère ,  la  vie  une  peine  et  la  mort 
line  angoisse;  pourquoi  est-tu  pétri  d'orgueil  ?  Quid  superbis^  ierru  e* 


454  oa«rm. 

cinis ,  cujus conceptvs culpa ,  nascimiseria ,  vfverepœna,  morî angwtià? 

(Serai.  inCant.) 

L'orgneilleut    La  réprimande,  qui  rend  meilleurs  les  humble,  est  intolérable  aux 
êtrSrÏÏf    orgueilleux ,  dit  saint  Cyrille  :  Redargutio  quœ  mansuetôê  transfert  in 
melius ,  superbis  intoltrabiU  tolei  b.n.  A). 

Combien  est  misérable  la  conscience  qui,  blâmée  par  la  parole  de 
Dieu,  se  persuui  eeoaik  un  aifron  .   dit  la  vénérable  Bède 

(  Collcct.  ). 

Seigneur,  dit  le  Psnlmiste,  ne  lairsez  pi>  mon  cœur  se  tourner 
vers  les  paroles  de  malice ,  afin  de  trouver  lèse  touses  <  mes  péchés: 
Non  déclines  cor  meum  in  verba  maliii>e,  ad  excmanda»  excmationes  in 
'peccalis  (cxl.  4). 

Vovez  l'orgueilleux  ;  on  a  droit  de  le  reprendre ,  il  le  mérite.  Que 
de  plaintes  il  fait  entendre,  que  d'excuses  il  apporte,  que  de  fausses 
raisons  il  allègue!  On  ne  me  connaît  pas...;  on  invente...;  on, 

exagère...;  on  n'a  point  de  charité...;  on  est  plein  de  fiel De  quoi 

se  mèle-t-on?...  Je  sais  me  conduire...  ;  je  ne  fais  point  de.  mal... 

L'orgueilleux  ne  veut  jamais  avoir  tort Touchez  les  monta- 
gnes volcaniques ,  et  elles  fumeront ,  dit  le  Prophète  royal  :  Tange 
montes,  et  fumigabunt  (cxliii.  5).  Chez  les  orgueilleux,  dont  ces 
montagnes  sont  l'emblème,  il  y  a  fumée  noire,  grondements  sourds, 
coups  de  tonnerre.  Il  s'en  échappe  des  laves  de  Sarcasmes ,  d'ironies 
tantes  et  d'injures  qui  oeuvrerai  l'homme  charitable,  aussitôt 

il  se  permet  de  les  avertir  et  de  chercher  à  les  ramener 

Comme  la  désobéissance  a  l'orgueil  pour  racine,  les  désobéissants 

outume  de  prêter  l'oreille  à  celui  qui  fait  ressortir  l'énormité 

ur  faute,  mais  non  pas  de  la  réparer  en  la  confessant  hnmble- 

l  paraître  très-grands,  ils  ne  s'occupent  point  de  I 

voir  leurs  chutes.  En  conséquence,  tandis  qu'ils  mettent  en  avant 

ils  pré  tendent  avoir  eu  raison  au  fond,  car  ils  rougis- 

fc-cif.  de  paraître  pécheurs  (1). 

Parlant  de  la  chute.  d'Adam  causée  par  l'orgueil,  ot  do  IVmise 
que  .  t; •■•  premierpère  a  présentée  à  Dieu,  excuse  inspire  aussi  par 
l'orgueil ,  saint  Bernard  montre  combien  l'apologie  du  mal  est  grave, 

(1)  Quia  pt  radicp  niperbisc,  ipsa  rulpn  innnrdirntire  nascitur,  «oient  inobedien'cs 
re.itns  s  ii  i  mi  fnitndinem  audire,  sed  non  humiliter  co  i  ? 

sulilimcs  videri  appetunt,  lapstu  suoa  ostead  re  dedignantur.  Et  id.'o,  du  m 
■ationes  prol'erunt  ,  justitiaiu  frœteadunt,  quia  apparere  peccatorei  cru!' 
(  Moral.  ). 


ORGUEIL.  4o5 

et  combien  Dieu  la  déteste.  On  croit,  dit-il,  que  cette  antique  et  s. 
fameuse  et  si  nuisible  prévarication  eût  trouvé  facilement  indul- 
gence, si  un  humble  aveu  et  non  une  apologie  l'eût  suivie.  Car, 
bien  que  faite  après  délibération,  la  transgression  n'a  pas  autant  nui 
que  l'obstination  avec  laquelle  une  excuse  préméditée  lui  a  étt' 
adjointe  (1). 

L'orgueilleux  ressemble  au  hérisson.  Voyez  courir  ce  quadrupède 
von?  apercevez  ses  pattes,  ses  oreilles,  son  museau;  mais  si  vous 
l'a  prêchez,  si  vous  voulez  le  saisir,  ce  n'est  plus  qu'une  boule 
hérissée  de  pointes  qui  vous  ensanglantent  les  mains.  De  quelque 
manière,  par  quelque  côté  que  vous  preniez  l'orgueilleux,  c'est  ur 
hérisson  qui  picmeet  qui  blesse 

Mis  au-dessus  de  toutes  les  créatures  lors  de  sa  création,  le  d4mr>n,  Différence 
notre  mortel  ennemi,  dit  saint  Grégoire,  voulut,  plein  d'orgueil ,  et  l'bumiiite. 
qu'on  le  considérât  comme  supérieur  à  tout.  Au  contraire,  notre 
Rédempteur,  si  grand  et  qui  est  infiniment  au-dessus  de  tout,  a  dai- 
gné se  faire  petit  en  tout.  L'auteur  de  la  mort  dit  :  Je  monterai 
au  ciel;  l'auteur  de  la  vie  dit  :  Mon  âme  est  remplie  de  misères,  elle 
en  est  comme  anéantie.  Satan  dit  :  Je  placerai  mon  trône  par  dtlà 
les  astres  du  ciel;  J.  G.  dit  au  genre  humain  :  Voici  que  je  viens  pour 
habiter  au  milieu  des  hommes.  Satan  dit  :  Je  m'assiérai  sur  la 
montagne  de  l'alliance,  à  côté  de  l'aquilon;  J.  C.  dit  :  Je  suis  un 
ver,  et  non  un  homme ,  je  suis  l'opprobre  des  hommes  et  l'abjection 
du  peuple.  Satan  dit  :  Je  monterai  sur  la  hauteur  des  nuées,  et  je 
serai  semblable  au  Très-Haut;  et  J.  C.  s'est  anéanti  en  prenant  la 
l'orme  d'esclave  (Lib.  XXXIV  Moral,  c.  xxi). 

Le  péché  avec  l'humilité  est  moins  mauvais  que  l'innocence  avec      enormiu 
l'<  >rgueil,  dit  saint  Optât,  évêque  de  Milève  (  Contra  Parmen.  ).  ',(i  l'or?uei1- 

Tout  orgueilleux  se  met  au-dessus  de  Dieu,  dit  saint  Bernard  ; 
Dieu  veut  qu'on  fasse  sa  volonté ,  et  l'orgueilleux  veut  qu'on  fasse  la 
sienne  :  Omnis  superbus  extollitur  supra  Deum  :  vv.lt  Leus  fieri  volunta- 
tem  suam;  sapo-bus  vult  fieri  suam  (Serai,  iv  in  Vigil.  nativ.  ).  Celui 
qui  s'efforce  de  faire  tourner  vos  dons  à  sa  gloire  et  non  à  la  vôt-e 


(1)  Antiqna  illa  tam  nota  et  tain  noxia  prœvaricatio ,  facile,  ut  creditur,  indui- 
gentiam  consequeretur,  dummodo  confetfyo,  et  non  defensio  sequeretur.  Neque  euin 
tanluui  nocuit ,  qu&mvis  ex  deliberatione  transgressio  ,  quanl  JJfiaaju 

tioniscum  prameditatione  ob.-tiuatio (  Tract,  de  Prœcepto  et  Dispensât,). 


48t$  ORôtfm. 

ô  Seigneur,  est  un  voleur  et  un  larron,  dit  saint  Augustin;  il  est 
semblable  au  démon  qui  a  voulu  voler  votre  gloire  (1). 

J'ose  dire,  ajoute  le  même  Père,  j'ose  dire  aux  orgueilleux  demeu- 
rés chastes,  qu'il  est  avantageux  pour  eux  de  tomber.  J'ose  dire  aux 
ovirueilleux  qu'il  leur  est  utile  de  tomber  dans  quelque  faute  ouverte 
et  manifeste,  qui  les  porte  à  se  déplaire ,  eux  gui  sont  tombés  en  se 
complaisant  en  eux-mêmes  (2). 

D'après  ce  saint  docteur,  Dieu  aurait  permis  aux  barbares ,  qui 
venaient  de  ravager  Rome  et  d'autres  villes ,  de  violer  des  vierges 
chrétiennes ,  ou  parce  qu'elles  étaient  orgueilleuses  ;  ou  parce  qu'il 
y  avait  danger  qu'elles  ne  tombassent  dans  l'orgueil,  en  devenant 
vaines  de  leur  chasteté  {De  Civit }  lib.  I,  c.  xxvm). 

Le  Prophète  royal  disait  donc  avec  raison  :  Seigneur,  préser- 
vez-moi de  la  venue  de  l'orgueil  :  Non  veniat  mihi  pes  superbiœ 
(  xxxv.  12). 

Quel  qu'il  soit,  l'homme  hautain  est  en  abomination  au  Seigneur, 
disent  les  Proverbes  :  Abominatio  Dornini  est  omnis  arrogans  (xvi.  5). 
La  raison  en  est  que  l'orgueilleux  est  l'émule  et  l'antagoniste  de  Dieu  ; 
nouveau  Lucifer,  il  veut  s'égaler  à  lui,  et  mettre  sa  propre  volonté 
à  la  place  de  celle  du  Tout-Puissant. 

L'orgueil  est  un  grand  mal,  car  il  attaque  Dieu  comme  par  des 
reproches  et  des  moqueries  ;  il  le  soufflette,  il  le  couvre  de  crachats . 
il  le  provoque  au  combat  malgré  lui 

Le  crime  de  l'orgueil  est  très-grand,  dit  saint  Chrysostome;  il  vaut 
mieux  être  fou  qu'orgueilleux  ;  la  folie  n'est  que  l'empêchement  de 
l'action  de  l'âme,  tandis  que  l'orgueil  est  une  folie  volontaire.  Le  fou 
garde  pour  lui  seul  son  malheur;  mais  l'orgueilleux  fait  le  malheur 
des  autres  (  Homil.  xxxix  ad  pop.  ). 

L'orgueil  fait  sa  propre  volonté;  l'humilité  fait  la  volonté  de  Dieu,' 
dit  saint  Augustin  :  Superbia  facit  voluntatem  suam,  humilitas  facit 
voluntalcm  Dei  (De  Civit.). 

L'orgueil  de  l'homme  débute  par  apostasier  Dieu,  dit  l'Ecclésias- 
tique; en  effet,  le  cœur  de  l'orgueilleux  se  retire  loin  de  celui  qui  !  a 
fait,  et  l'orgueil  est  le  commencement  de  tout  péché  :  lnitium  superbiœ 

latro,  ct  budiIu  est  diabolo,  qui  volait  rarari  floriam  tuara  (De  Civit] 

J?„n  ,de°i,IiCm'  STCrl:iS  conlU,wUbu8.  «Peflit  cadere.  Audeo  dicere  ,  superbi, 

au.  fua  Mb;  piacendo  cecidcrapt  U>  t..  «'-pucex.it. 


ORGUEIL.  457 

homir.is,  apostatare  a  Deo:  quoniam  ab  eo,  qui  fecit  iîlum ,  récessif  cor 
ejus  :  quoniam  initium  omnis  peccati  est  supe?,bia  (x.  1-4-15). 

Aussi  Dieu ,  dit  l'apôtre  saint  Jacques ,  résiste  aux  superbes  :  Deu* 
superbis  resistit  (rv.  6). 

Le  commencement  de  tout  péché  est  l'orgueil,  dit  l'Ecclésiastique  :  j^f^ua 
Initium  omnis  peccati  est  superbia  (  x.  15).  cause  de  lous 

ês  m*nix 

L'orgueil  est  la  source  de  tous  les  maux,  dit  saint  Chrysostome  : 
Superbia  omnium  malorum  fons  est  (Homil.  xv  in  Matth.).  Par  l'or- 
gueil on  secoue  le  joug  et  la  loi  de  Dieu L'orgueil  les  a  saisis;  ils 

sont  couverts  d'iniquité  et  d'impiété ,  dit  le  Psalmiste  :  Tenuit  eos 
superbia  ;  operti  sunt  iniquitate  et  impietate  (lxxii.  6).  Avant  que  je 
n'eusse  été  humilié,  je  n'ai  cessé  de  pécher ,  dit-il  ailleurs  :  Prius- 
quam  humiliarer ,  ego  deliqui  (  cxvni.  67). 

L'humilité,  dit  saint  Bernard,  rend  les  hommes  semblables  aux 
anges,  et  des  anges  l'orgueil  fait  des  démons.  L'orgueil,  comme  je  le 
démontrerai,  est  le  commencement,  la  fin  et  la  cause  de  tous  les 
péchés;  car  non-seulement  l'orgueil,  pris  en  lui-même,  est  un 
péché ,  mais  aucun  péché  n'a  pu,  ne  peut  et  ne  pourra  exister  sans 
l'orgueil  (1). 

Aussi  Tobie  disait-il  à  son  fils  :  Ne  laissez  jamais  l'orgueil  domi- 
ner dans  vos  pensées  ou  dans  vos  paroles;  car  c'est  par  l'orgueil  que 
commence  toute  perdition  :  Superbiam  nunquam  in  tuo  sensu,  aut  in 
tuo  verbo,  dominari  permittas  :  in  ipsa  enim  initium  sumpsiû  omnis  per- 
ditio  (iv.  14). 

11  n'y  a  point  de  péché  sans  orgueil,  dit  saint  Prosper  ;  car  qui- 
conque pèche,  se  préfère  et  préfère  son  appétit  à  Dieu  et  à  sa  loi ,  ce 
qui  est  véritable  orgueil  (De  Vit.  contempl. ,  c.  xxv). 

L'orgueil  est  le  commencement  de  tout  péché,  dit  saint  Chryso- 
stome. De  l'orgueil  naît  le  mépris  des  pauvres,  la  convoitise  de  l'ar- 
gent, l'amour  de  la  domination,  le  désir  de  la  gloire.  L'orgueilleux 
ne  peut  supporter  aucune  épreuve  de  quelque  part  qu'elle  vienne, 
soit  de  ses  supérieurs,  soit  de  ses  inférieurs  [Homil.  ad  pop.  ). 

Comme  la  racine  des  arbres  est  cachée,  mais  nourrit  le  tronc  et 
les  branches  ,  ainsi,  dit  saint  Grégoire ,  l'orgueil  se  cache  au  fond  du 
cœur  et  alimente  des  vices  manifestes  et  nombreux.  11  n'y  aurait 

(1)  Humilitas  homines  simile  angelis  facit  ;  et  superbia  ex  angelis  daemones^  facit. 
Et  ut  evidenter  ostendam,  ipsa  omnium  peccatorum  initium,  finis  et  causa  :  qu  a 
non  solum  peccatum  est  ipsa  superbia.  sed  etiam  nullum  peccatum  potuit,aut  pottst 
dut  poterit  esse  sine  superbia  (  Epist.)< 


4!58  ORGUEIL. 

aucun  péché*  public,  si  l'orgueil  ne  possédait  l'âme  en  secret 
[ Moral.,  \\b.  XXXIV,  c.  xvn). 

L'orgueil  produit  les  disputes,  les  dissensions,  les  haines,  les 
médisances  ,  les  calomnies,  les  procès,  les  guerre?,  les  schismes,  les 

hérésies,  etc L'humilité,  au  contraire,  est  la  mère  de  la  paix,  de 

la  concorde,  de  l'union,  de  la  charité,  etc 

On  ne  tombe  dans  le  mal  que  par  orgueil,  par  orgueil  secret  du 

moins Pour  n'avoir  pas  voulu  se  faire  les  disciples  de  la  vérité , 

les  orgueilleux,  dit  saint  Augustin,  sont  devenus  dos  maîtres 
d'erreur  :  Superbi  magistri  erroris  existant ,  quiaveritatis  discipuli  esse 
noluemint  (De  Pelag.). 

L'orgueil  précède  les  impies,  en  portant  une  torche  devant  eux; 
afin  de  les  conduire  au  crime 

L'orgueil  est  le  père  de  tous  les  maux  et  de  toutes  les  maladies; 
car  les  unes  et  les  autres  viennent  du  péché.  Il  n'y  a  pas  de  péché 
sans  l'orgueil ,  car  le  péché  n'est  autre  chose  qu'une  révolte  contro 
Dieu,  que  le  mépris  de  sa  loi;  or,  la  rébellion  et  le  mépris  viennent 

directement  de   l'orgueil L'orgueil  est.   le  péché  de  Lucil'er  , 

d'Adam,  etc 

Comme  l'orgueil ,  dit  saint  Bernard ,  est  le  principe  de  tous  les 
crimes;  il  est  aussi  la  ruine  de  toutes  les  vertus.  L'orgueil  est  le  pre- 
mier dans  la  voie  du  péché,  et  le  dernier  dans  celle  du  repentir  (I). 

La  superbe  (8)  est  la  bjum  îles  vices,  dit  saint  Grégoire  :  Vitiorum 
regina  superbia  (Lih.  III  Moral.,  c.  xvtii). 

Saint  Bernard  dit  énergiquement  :  La  superbe  a  conçu  la  dou- 
leur dans  le  ciel,  et  elle  a  enfanté  l'iniquité  <Uins  le  paradis  terrestre; 
la  douleur,  tille  du  péché  ;  l'iniquité,  mère  de  la  mort  et  de  toutes  les 
calamités  :  In  cœlo  concept t  dolorem,  et  inparadisopeperit  iniquitatem, 
prolemmalitiœ,  mat  rem  mortis  et  œrumnarnm  omnium,  prima  parents 
superbi  a  (Serm.  xvn  in  Gant.). 

(1)  Superbia,  ricut  ori^o  est  omnium  rriminum  ,  ita  est  ruina  omni  m  virtut-.T,, 
Ipsa  enim  in  peccato  prima,  ipsa  in  coniuctu  postrema  (Tract,  de  inter.Qomo. 

C.  XLl). 

Nous  nous  srniivn  de  ■  mot  dans  la  traduction  d«  qu'-lqnes  passades  {les 
iVn's  afin  île  demeurer  fidèles  à  l'image  qu'ils  ont  voulu  produire,  Au  reste  ,  quoi- 
que vieilli,  de  terme  n'esl  point  deve  lu  étranger  à  notre  langue,  qui  s'appauvrirait  et 
le  pi'iïlant.  En  ell'et,  (M  •       B  if  plus  qu'.  !   I  ■(■  uperli"  emporte. 

avec  elle  une  idée  de  faste,  d'arrogance,  de  dédain  ,  d'insolence.  L'orgueilleux  est 
pkuu  de  lui-même  ,  le  superbe  en  esl  b  >uffi.  L'abbé  Roubaud  regrette  que  ce  mot 
nesoit.pas  plus  employé,  a  II  plaisait  tant  à  l'ore:  lit-il,  il  renchérit 

si  visiblement  stlr  celui d'orgweiJ?  il  imprime  ire  re  si  dislinctif,  cjuâ 

la  langue  séttibld  le  réclamer  cdi  .    ,r,  présent, 

C  e-t  au  il,  ■  .  :hlc 


ORGUEIL.  4"!  3 

Comme  l'orgueil  est  le  principe  de  tous  les  péchés ,  ainsi  l'humi- 
lité est  la  source  de  toutes  les  vertus,  dit  saint  Ghrysostome  (Ilomil 
ad  pop.  ). 

L'orgueil  est  1°  le  péché  des  démons...;  2*  un  péché  dont  on  ne  s^ 
corrige  presque  jamais...;  3°  un  péché  source  de  tous  les  désor- 
dres...; 4°  il  est  la  cause  des  hérésies 

Le  seul  orgueil  s'élève  contre  toutes  les  vertus,  dit  saint  Bernard; 
comme  un  venin  général,  il  les  corrompt  toutes  :  Sola  superbia  con- 
tra cunctas  animi  virtutes  se  erigit,  et  quasi  gener'alis  et  pestifer  morbus 
ontnes  corrumpit  (Serm.  xvn  in  Cant.  ). 
L'orgueil  engendre  surtout  la  curiosité,  la  jactance,  l'hypocrisie. 

les  querelles,  l'entêtement,  la  discorde  et  la  haine 

Saint  Chrysostome  compare  l'orgueil  aux  tempêtes  de  la  mer.  Ce 
crime,  dit-il,  aveugle  l'esprit;  il  n'est  point  de  mal  qui  l'égale;  il  fait 
de  1  homme  un  démon,  un  insulteur,  un  blasphémateur,  un  par- 
jure :  Exœcat  mentis  intuitum,  nullum  malum  par  elationi,  hominem 
reddit  dœnwem,  contumeliatorem,  blasphemum,  perjurum  (Homil. 
ad  pop.). 

L'orgueil,  dit  saint  Grégoire,  empêche  de  juger  avec  équité.  Il  fait 
élever  la  voix;  il  inspire  un  silence  amer,  une  gaieté  dissolue ,  une 
tristesse  furieuse ,  des  actes  impudents ,  une  démarche  altière ,  des 
réponses  aigres.  Lame  des  orgueilleux  est  toujours  forte  pour  infli- 
ger un  affront  et  faible  pour  le  supporter;  elle  est  paresseuse  à 
obéir,  importune  à  harceler  autrui,  lente  à  faire  ce  qu'elle  doit,  et 
prête  à  fane  ce  qu'elle  ne  doit  pas.  Aucune  exhortation  ne  peut  l'in- 
cliner vers  ce  dont  elle  ne  se  soucie  pas,  et  au  contraire  elle  cherche 
à  être  contrainte  de  faire  ce  quelle  désire  (1). 

Quiconque  pèche  est  un  orgueilleux,  dit  saint  Isidore;  car  en 
péchant  il  méprise  les  divins  préceptes.  Les  orgueilleux  se  nourrissent 
d  e  vent.  L'orgueil  est  le  plus  grand  de  tous  les  crimes  ;  il  cause  la 
niort  de  l'âme,  tant  en  détruisant  toutes  les  vertus,  qu'en  engen- 
di  a:.t  tous  les  vices  (  Epist.  de  forma  bene  vivendi). 

A/orgueil  est  partout,  il  se  mêle  à  tout  :  on  doit  le  craindre  même 
dar.'S  les  bonnes  actions,  dit  saint  Augustin  :  Superbia  etiam  in  recie 
foctiS  tunmdu  est  (Jn  Médit.  ).  C'est  un  poison  qui  corrompt  les 

(1)  Judicii  sequitatem  perdit.  Clamorio  locutione,  amaritudo  in  silcntio,  dissolutio 
in  hihwdale,  furor  in  tmtitia,  inhouestas  in  actione. ,  erectio  in  incessa  ,  raneor  in 
•  usioue;  horuin  mens  scfnper  est  ad  irrogandas  contumelias  valida,  ad  lolerau- 
«las  infirma,  ad  obediendum  pigra,  ad  lacessandos  alios  importuna,  ad  ea  quœ  facere 
débet,  igwava;  ad  ea  auleui  quai  t'acere  hou  débet  patata:  quod  non  appétit ,  nulla 
exhoitatio.iie  ilectitur;  quod  desiderat,  quairit  UtCOgatOf  '  Lib.  Moral.). 


160  ORGUEIL. 

prières,  les  confessions,  les  communions,  le  chant,  le  talent ,  la 
beauté,  l'esprit,  l'âme,  le  cœur,  etc.  Mal  suprême,  il  change  en 

mal  le  bien  même 

Il  y  a  l'orgueil  du  cœur,  dit  saint  Bernard,  l'orgueil  de  la  langue, 
l'orgueil  des  œuvres,  l'orgueil  des  manières  et  du  vêtement  :  Est 
superbia  cordis,  superbia  oris,  superbia  operis,  superbia  habitas  (Serai, 
in  Cant.  ). 

Rien  ne  rend  l'homme  plus  étranger  à  l'amour  divin,  dit  saint 
Chrysostome,  rien  ne  le  précipite  aussi  facilement  dans  l'enfer,  que 
la  folie  de  l'orgueil.  Ce  vice  souille  toute  notre  vie,  quelque  remar- 
quable qu'elle  soit  par  la  pudeur,  la  virginité',  le  jeûne,  les  prières, 
l'aumône,  enfin  par  la  vertu  (1). 

L'orgueil  est  répandu  sur  toute  la  face  de  la  terre;   il  se  trouve 

dans  le  cœur  de  presque  tous  les  hommes Comme  c'est  ce  vice 

qui  a  perdu  les  mauvais  anges,  ils  s'en  servent  de  préférence,  pour 
perdre  la  race  humaine 

L'orgueil,  dit  le  pape  Innocent  III,  a  renversé  la  tour  de  Babel ,  a 
confondu  les  langues  ,  a  défait  Goliath,  a  dressé  le  gibet  d'Aman,  a 
fait  mourir  Nicanor,  a  frappé  Antiochus,  a  submergé  Pharaon,  a  tué 
Sennachérib.  Hélas!  d'où  vient  ce  faste  de  l'homme;  de  l'homme 
dont  la  vie  se  déroule  sous  le  coup  qui  lui  impose  le  travail  comme 
un  châtiment;  de  l'homme  que  rend  au  repos  la  nécessité  de 
mourir,  châtiment  plus  grand  encore;  de  l'homme  dont  l'exis- 
tence compte  à  peine  un  instant,  et  pour  lequel  la  vie  est  un  nau- 
frage et  le  monde  un  exil;  de  l'homme,  enfin,  que  la  mort  ou  saisit, 
ou  menace  de  saisir  (2). 

C'est  l'orgueil  qui  a  poussé  les  anges  à  se  révolter  dans  le  ciel;  c'est 
l'orgueil  qui  en  a  fait  des  démons  ;  c'est  lui  qui  a  creusé'  l'enfer ,  et 
qui  les  y  a  précipités;  c'est  lui  qui  a  changé  en  supplices  éter- 
nels les  délices  dont  ils  devaient  jouir 

C'est  l'orgueil  qui  l'ait  tomber  Adam;  c'est  lui  qui  l'a  chasse  du 
séjour  du  bonheur  et  qui  l'a  livré  au  travail,  aux  soucis,  au  chagrin,' 

(1)  Nihil  tam  alienum  a  divino  ainorc  hominem  reddit,  nihil  tam  facile  in  gehf;n- 
nam  intrudit ,  quain  raperbis  utsanià;  sub  qua  oinnis  noslra  vita  immunda  rjst, 
quaiii vis  pudicitia,  virgioitate,  jejanio  ,  oralionibus,  eleemosyna;  quamvis  dc;n  iqne. 
virtiite  prestemos   Homil.  ad  pop.  ). 

(2)  Superbia  turrim  Babel  avertit,  linguam  confudit,  prostravit  Goliath  ,  snsjiendit 
Aman,  internait  Nicanorem ,  peremit  Antiochum ,  Pharaonein  submenit,  Sentit' 
rlierib  interemit.  Beu!  undfi  iste  hominis  fastus?  cujus  vilam  laboriosa  devolTil 
pœnalitas,  CUjtu  pSBntlUttem  pœnalior  nmrtis  concludit  neces.-it.is  ;  -  i  esse  raomen- 
timi  ,  mi.i  naufragiuin ,  mondai  exilium  est;  cui  mors,  aut  ir.slat,  an»  minatur 
•nstantiam  fL>l>.  I  île  Yilit.  hovànit) 


ORGUEIL.  461 

à  la  nudité,  à  l'aveuglement,  aux  douleurs,  aux  maladies,  à  la 
mort  et  à  la  pourriture 

Qu'y  a-t-il  de  plus  détestable  et  déplus  digne  de  sévères  châtiments,     L'orgueil  est 
u  -ii  >m  i         i     •  ^i  i)        tv  •    >  „t.  uu  vice  detes- 

que  1  orgueilleux  s  élevant  sur  la  terre,  a  la  vue  d  un  Dieu  qui  s  est        lal)le# 

fait  homme  !  C'est  une  intolérable  impudence  que  là  où  s'est 
anéantie  la  suprême  majesté  ,  un  petit  ver  s'enfle  et  s'enor- 
gueillisse! Intolerabilis  impudent ia  est,  ut  vbi  se  exinanivit  maj estas, 
vermiculus  infletur  et  intumescat  (  Serm.  i  de  Nativ.  ). 

Tous  les  deux,  c'est-à-dire  le  démon  et  l'homme,  ont  désiré  avec 
ardeur  la  grandeur  ;  celui-là  de  la  puissance,  celui-ci  de  la  science, 
dit  le  même  Père  :  Ambo,  sciticet  diaboluset  horno,  affectarunt  altitudi- 
nem;  Me  potentiœ,  iste  scient iœ  (Ut  supra).  Le  démon  a  trouvé  la 
suprême  dégradation  ,  et  l'homme  la  suprême  ignorance 

Seigneur,  dit  l'Ecriture,  dès  le  commencement  les  superbes  voub 
ont  déplu  :  Nec  superbi  ab  initio  placuerunt  tibi  (Judith,  ix.  16). 

L'orgueilleux  méprise  souverainement  les  autres  ;  il  les  tourne  en 
ridicule ,  il  les  insulte,  il  s'élève  au-dessus  d'eux  par  le  mépris  et  le 
sarcasme.  Malheur  à  vous  qui  méprisez  !  dit  le  Seigneur;  ne  serez- 
vous  pas  méprisés  à  votre  tour?  Vœ  qui  spernis  !  nonne  et  tu  sperne- 
ris?  (  Isai.  xxxm.  1.)  L'orgueilleux  se  prépare  donc  le  mépris  et  ici: 
humiliations. 

L  orgueilleux  est  méprisé  de  tout  3e  monde  ;  chacun  le  craint,  lf 
fuit  ef  le  maudit.  Dieu  le  déteste;  le  ciel,  la  terre,  l'enfer,  les  angeC 
les  ho'iimes  et  les  démons  le  détestent  également. 

Il  y  a  toujours  des  débats  parmi  les  orgueilleux,  disent  les  Pro- 
verbes :  Inter  superbos  semper  jurgia  sunt  (xm.  10).  Voilà  pourquoi 
nous  voyons  parmi  les  hérétiques  autant  de  sectes  et  d'opinions 

différentes  qae  d'individus Les  orgueilleux  se  haïssent  les  ims 

.es  autres Rien  n'est  sacré  pour  les  orgueilleux;  mais  ils  préten- 
dent être  sacrés  eux-mêmes.  0  conduite  souverainement  injuste  J 
détestable  !... 

L'orgueil  est  le  chemin  de  l'ignominie Lorsque  l'orgueil  morûù 

et  croit,  l'homme  décroit  et  descend  jusque  dans  la  boue 

Dieu  et  les  hommes  ont  en  horreur  l'orgueil,  dit  l'Ecriture  :  Odi- 
bilis  coram  Deo  est  et  hominibus  superbia  (Eccli.  X.  7). 

Parler  avec  dédain  et  arrogance,  et  agir  par  orgueil,  c'est  se  rendre 
semblable  au  démon,  dit  saint  Basile  :  Fastidio  et  arrogantiaejuri, 
et  lutuimuusse  gerere,  est  diabolo  similem  se  facere  (In  Psal.). 


465  oRGrm. 

Dieu  humilie    Seignecb,  dit  le  Psalmiste,  il  est  bon  que  vous  m'ayez  humilié: 
:  «rffueiUeux.     Bonum  mihi,  quia  humiliasti  me  (cxvm.  71  ). 

Voyez  quelles  armées  Dieu  lève  et  lance  contre  les  orgueilleux 
Egyptiens,  pour  combattre  en  faveur  d'Isarël  et  remporter  la  vic- 
toire !  ce  sont  des  grenouilles,  des  sauterelles,  des  moucherons.  Le 
roi  Pharaon.  si  puisant  et  si  fort,  est  vaincu  par  une  sauterelle.  Lui 
qui  avait  osé  lever  son  Iront  contre  Dieu,  est  forcé  de  le  baisser  bous 
Un  moucheron 

Les  humiliations  de  la  chair  accompagnent  toujours  l'orgueil  de. 

l'esprit Dieu  change  en  bête  l'orgueilleux  Nabuchodonosor,  qui 

se  glorifie  dans  sa  grande  ville  de  Babylone.  Dieu  abat  le  dédaigneux 
Balthasar,  fils  de  Nabuchodonosor  ;  il  ne  se  sert  pour  l'humilier  et  le 
laire  pâlir  que  d'une  main,  et  même  que  de  l'ombre  d  une  ma  m 
(Daniel,  v).  L'arrogant  Antiochus  est  dévoré  vivant  par  des  vers..... 

Fier  de  ses  forces,  plein  de  son  importance  superbe,  Goliath, 
dit  saint  Augustin,  commence  par  placer  en  lui  seul  la  victohv  de 
tout  son  parti.  Et  parce  que  tout  orgueil  a  l'impudence  du  front,  il 
reçut  une  pierre  au  milieu  même  du  front  et  fut  terrassé.  Le  Iront 
qui  avait  l'impudence  de  son  orgueil  a  élé  brisé  ;  et  le  front  qui  a\  ait 
l'humilité  de  la  croix  du  Christ  est  demeuré  vainqueur  (1). 

Seigneur,  dit  Judith,  vous  n'abandonnez  pas  ceux  qui  se  confient 
en  vous;  mais  vous  humiliez  ceux  qui  se  confient  en  eux-mêmes,  et 
qui  se  glorifient  de  leur  force  :  Non  derelmquis prœsumenles  de  te:  et 
prœsumentes  de  se,  et  de  sua  virtute  glorùm/c>s,  humilias  (vi.  15). 

L'orgueilleux  Aman  est  humilié  jusqu'à  mourir  sur  une*  potence 
haute  de  cinquante  coudées,  élevée  par  lui  pour  y  pendre  l'humble 
Mardochée.  Voyez  comment  cet  orgueilleux  est  humilié;  Irrité  de  ce 
que  Mardochée  ne  fléchissait  pas  le  genou  devant  lui,  blessé  de  cet 
affront  prétendu,  il  jure  la  mort  des  Juifs  et  fait  dresser  une  potence 
pour  Mardochée.  Mais  tout  àcoup  les  ch<  «ôsi 'diangentd'une  manière 
frappante  :  Mardochée,  destiné  à  une  mort  ignominieuse,  est  revêtu 
du  manteau  royal  par  Aman  lui-même,  son  mortel  ennemi,  qui  se 
trouve  contraint  «l'agir  ainsi.  Les  douleurs  les  plus  vives,  les  humi- 
liations les  plus  amèresetles  plus  accablantes  fondent  sur  l'àrfègfent 
favori  d'Assuérus  :  car,  1°  l'honneur  immense  qu'il  s'était  préparé 

(1)  Goliath  de  viribus  suis  superbus,  elatus,  inflatus  ,  primo  totam  victoriam  uni- 
vers* partis  suœ  in  se  uno  constituit.  Et  quia  orauis  Buperbia  habei  impucU»Uam 
frontis,  in  ipsà  frttote,  lapide  vebiénte,  dejectus  est.  Evacuata  estfronsquœ  babebat 
tmpudeptUa  superbiai  suœ;  «t  vicit  frous  quae  habebat  humilitatem  crue»  Chri»t| 
{tiomil.  xu  i  j. 


ORGUEIL.  403 

dans  son  cœnr  superbe,  lai  est  enlevé  ;  2°  cet  honneur  est  accordé  à 
l'humble  Mardochée;  3°  c'est  Aman  lui-même  qui  est  l'instrument 
du  triomphe  de  Mardochée;  4°  lui  qui  auparavant  se  faisait  adorer 
par  tous  les  Perses  comme  un  Dieu,  n'est  plus  que  l'écuyer,  le  héraut 
d'un  vil  juif  qu'il  déteste;  5°  ces  affronts,  ces  humiliations  fou- 
droyantes et  inattendues  tombent  soudain  et  toutes  à  la  fois  sur  lui, 
car  le  Très-Haut  terrasse  et  brise  les  superbes  ;  6°  Aman  est  con- 
damné à  être  pendu  au  même  gibet  qu'il  avait  fait  dresser  pour 
Mardochée  (Lib.  Esther). 

Dieu,  dit  la  très-sainte  Vierge,  a  déployé  la  force  de  son  bras;  iï 
a  dispersé  les  superbes.  Il  a  renversé  de  leur  trône  les  puissants,  et 
il  a  élevé  les  petits  :  Fecit  potentiam  in  brachio  suo  :  dispersa  super- 

bos Déposait  potentos  de  sede,  et  exaltavit  humiles  (Luc.  i.  51.  52). 

Dieu,  dit  l'apotre  saint  Jacques  ,  résiste  aux  superbes,  et  il  donne 
6a  grâce  aux  humbles  :  Deus  superbis  resistit,  hurnilibus  autem  dot 
graliam  (  iv.  6  ). 

Quiconque  s'élève  sera  abaissé,  dit  J.  G.,  et  celui  qui  s'abaisse  sera 
élevé  :  Uiuïiis  qui  se  exaltât  huouluibitur ,  et  qui  se  humiliât  exaltabi- 
tur  (Luc.  xyiil.  14). 

Partout  où  entre  l'orgueil ,  l'ignominie  suit  de  près  ,  disent  les 
Proverbes  :  (Jbi  fuerit  superbia,  ibi  erit  et  contumelia  (xi.  2).  L'arro- 
gance précède  l'humiliation ,  et  l'orgueil ,  la  ruine  ,  disent  encore 
les  Proverbes  :  Contrit ionem  prœcedit  superbia,  et  ante  ruinant  exalta- 
tur  spiritus  (xvi.  18). 

En  pleurant  et  en  s'humiliant,  Pierre,  dit  saint  Augustin,  se  con- 
damnait et  se  sauvait;  quand,  satisfait  de  lui-même  ,  il  se  fia  à  ses 
propres  forces,  il  se  perdit  (In  Psal.  xxxvn  ).  C'est  la  pensée  qu'expri- 
mait le  Psalmiste  quand  il  s'écriait  :  Seigneur ,  couvrez-les  d'ignomi- 
nie, et  ils  chercheront  votre  nom  :  Impie  faciès  eorum  ignoiiiinia  ?  et 
quœrent  nomen  tuum,  Domine  (  lxxxii.  17  ). 

Que  l'orgueil  de  l'impie ,  dit  Job  ,  s'élève  jusqu'aux  cieux;  que  sa 
tète  touche  les  nues  :  il  n'en  finira  pas  moins  par  périr  comme  un 
objet  souillé,  et  ceux  qui  l'avaient  vu  diront  :  Où  est-il?  S/  ■'■•co- 
dent usque  ad  cœlos  superbia  ejus ,  et  caput  ejus  nubes  tetigerit  :  qunsi 
sterquilinium  in  fine  perdetur;  et  qui  eum  videront ,  dicent  :  (Jbi  est? 
(  xx.  6.  T.  )  Les  orgueilleux  s'élèvent  pour  un  peu  de  temps ,  dit 
encore  Job,  mais  ils  ne  subsisteront  pas;  ils  seront  renversés,  ils 
seront  foulés  comme  des  épis  murs:  Elevati  sunt ,  et  non  subsi- 
stent, et  humiliabuntur ,  et  auferentur,  et  sicut  summitates  spi  *um 
conlerentur  (xxiv.  24). 


464  ORGUEIL 

Voilà  comment  Dieu  traite  les  superbes. 


Châtiments     rES  humiliations  que  Dieu  fait  pleuvoir  sur  les  orgueilleux  sont 

infligés 

&  l'orgueil,     déjà  un  terrible  châtiment;  mais  il  leur  en  réserve  d'autres ,  dans  les 
trésors  de  sa  colère. 

4°  Dieu  se  détourne  de  l'orgueilleux.  L'homme,  dit  le  Psalmiste, 
montera  au  faîte  de  son  cœur  :  Dieu  s'élèvera  davantage  :  Accedet 
homo  ad  cor  altum:  et  exaltabitur  Deus  (  LXin.  7.  8).  Du  haut  de  son 
trône,  le  Seigneur  regarde  les  humbles;  il  rejette  loin  de  lui  les 
superbes  :  Excelsus  Dominus,  et  humilia  respicit:  et  alla  a  longe  cognoscit 
(Psal.  cxxxvn.  6). 

2"  Dieu  résiste  à  l'orgueilleux  et  le  combat 

3°  Un  Dieu  vengeur  s'attache  aux  pas  de  l'orgueilleux,  dit  Sénè- 
que  :  Sequitur  superbos  ultor  a  tercjo  Deus  (  In  Hercule). 

4°  Dieu  châtie  l'orgueilleux  en  le  livrant  à  lui-môme.  Méprisé  et 
détesté  par  les  autres,  l'orgueilleux  s'afflige  du  mépris  qu'on  fait  de 
lui;  il  s'en  offense,  il  en  est  torturé.  Si  vous  êtes  orgueilleux,  dit  saint 
Augustin  ,  vous  serez  puni  et  abattu.  Dieu  ne  manque  pas  de  poids 
qui  vous  fasse  descendre.  Ce  poids  sera  celui  de  vos  pécbés  ;  il  vous 
les  jettera  à  la  face,  et  vous  serez  anéanti  {HomiL).  L'orgueil  est  un 
bourreau  qui  persécute  les  orgueilleux 

5°  Dieu  a  renversé  le  trône  où  voulaient  s'asseoir  les  superbes ,  dit 
l'Ecclésiastique  :  Sedes  superborum  destruxit  Deus  (x.  47).   Lucifer 

et  ses  anges,  Adam,  etc.,  altestent  cette  vérité Dieu  a  fait 

sécher  les  nations  superbes  jusqu'à  la  racine,  dit  encore  l'Ecclésias- 
tique :  Radiées  gentium  superbarum  arefecit  Deus  (x.  48).  Ainsi, 
Dieu  a  chassé  de  la  terre  sainte  et  a  complètement  détruit  sept 
nations  de  Chananéens,  à  cause  de  leur  orgueil,  et  il  les  a  rem- 
placés par  le  peuple  hébreu.  Ainsi,  Dieu  a  enlevé  toute  foi, 
toute  grâce  et  toute  gloire  aux  Juifs  orgueilleux,  qui  repoussaient 
J.  G.  humilié 

6°  Dieu  a  effacé  le  souvenir  des  superbes ,  dit  l'Ecclésiastique: 
tfllemoriarii  superborum  perdidit  Deus  (x.  21  ).  Tous  les  orgueilleux 
seront  comme  la  paille,  dit  le  prophète  Malachie;  et  l'avenir  les 
saisira  comme  la  llanime ,  ot  il  ne  leur  laissera  ni  germe ,  ni  racine  : 
Erunt  omnes  superbi  stipula  :  et  infiammabit  eos  dies  veniem ,  quœ  non 
derelinquel  gtg  rudice>n  et  germen  (  îv.  1  ). 

7°  Si  Dieu  n'a  pas  épargné  les  anges  orgueilleux,  dit  saint  Ber- 
nard, combien  moins  vous  épargnera-t-il,  vous  qui  êtes  poussière  et 
Termisseauî  L'ange  n'a  pas  agi,  il  n'a  en  qu'une  prns'.'o  'l'orgueil; 


ORGUEIL.  *65 

et  on  un  instant ,  en  un  clin  d'oeil  ,  il  a  été  précipité  sans 
retour.  Fuyez  l'orgueil,  frères,  je  vous  en  conjure;  myez-le  de 
toute?  vos  forces,  cet  orgueil  qui  a  si  promptement  plongé  dans  les 
res  Lucifer,  plus  brillant  que  tous  les  astres;  cet  orgueil  qui  a 
changé  un  ange,  et  le  premier  de  tous  les  anges,  en  démon  (  Serm.  i 
de  Adventu). 

8°  L'orgueil  a  produit  la  mort.  L'homme,  dit  saint  Augustin, 
avait  été  lait  immortel;  il  a  voulu  être  Dieu;  il  n'a  pas  perdu  la 
qualité  d'homme,  mais  il  a  perdu  l'immortalité;  par  suite  de 
l'orgueil  de  sa  désobéissance,  il  a  été  condamné  aux  maladies,  à 
toutes  les  souffrances,  et  à  la  mort.  Ainsi  la  mort  introduite  sur  la 
terre  par  l'orgueil,  est  elle-même  le  châtiment  de  l'orgueil 
(Sentent,  cglx  ). 

9°  Voulant  le  plus  grand  bien  de  tous  les  hommes,  Dieu  tout-puis- 
sant et  souverainement  bon ,  dit  Raban-Maur .  a  été  forcé ,  en  quel- 
que sorte,  de  placer  sous  la  domination  des  anges  orgueilleux  les 
hommes  superbes;  afin  que ,  persécutés  par  eux,  ils  apprissent  la 
différence  infinie  qui  existe  entra  le  servira  de  Dieu  et  celui  du  démon 
(De  Adept.  virtut.  ). 

L'orgueilleux  qui  refuse  de  se  soumettre  à  Dieu,  devient  l'esclave 
de  Satan  ,  des  convoitises  de  la  chair  et  de  toutes  les  passions;  ce  qui 
est  un  effroyable  châtiment 

10°  L'orgueil  tarit  la  source  des  grâces.  Seigneur,  dit  le  Psalmiste, 
vous  envoyez  des  fontaines  dans  les  vallons;  leurs  eaux  couleront 
entre  les  montagnes:  Emittis  fontes  in  convallibus ,  intër  médium 
montium  pertransibunt  oquœ  (cm.  10).  Ces  vallons  arrosés  sont  les 
humbles  qui  reçoivent  les  grâces  du  ciel ,  et  les  montagnes  qui  ne 
profitent  pas  des  eaux,  signifient  les  orgueilleux,  devenus  semblables 
à  des  rochers  desséchés  et  arides 

Cum  plena  fuissent  vosa,  stetit  oleum  :  Les  vases  étant  pleins, 
l'huile  s'arrêta  (Lib.  IV  Reg.  iv.  b).  L'orgueilleux,  plein  de  lui- 
même,  ne  laisse  aucune  place  à  la  grâce La  privation  de  la 

grâce  est  une  preuve  de  l'existence  de  l'orgueil ,  comme  L'abon- 
dance des  grâces  est  une  preuve  de  l'existence  de  l'humilité. 
Si  donc  vous  êtes  privé  de  la  grâce  et  des  dons  de  Dieu,  sachez- 
le,  c'est  que  vous  êtes  orgueilleux.  L'orgueil  dissipe  toutes  les 
grâces.  Or,  il  n'y  a  pas  de  pire  punition  que  d'être  privé  de  la 

grâce 

•Il"  L'oi  g;  eil  attire  tous  les  châtiments  :  l'aveuglement  spirituel, 
l 'endurcissement  du  cœur,  l'impénitence  finale,  une  mort  funeste, 
in.  ao 


466  ORGUEIL. 

un  jugement  form i fiable ,  une  condamnation  I 

éternel 

De  tous  les  péché? ,  celui  que  Dieu  déleste  et  punit  le 
ment,  c  neil.  Dieu  seul  est  grand ,  et  tout  or  atta- 

quant cette  grandeur  n'obtient  presque  jamais  miséricorde. 

dlement  les  chutes  de  faiblesse  ;  mais  a\ec  dif- 
ficulté les  chutes  d'orgueil 

nvertement,  dit  saint  Grégoire, 
est  la  marque  la  plus  évidente  de  la  réprobation,  et  l'humil 
signe  des  prédestinés.  Apen  "imus,  quod  évident  issimum  repro- 

borum  signum  est  superbia  :  e  contra ,  humùitas ,  electorum  (M< 
lib.XXXJV,  q.  xtiii).  Cette  manière  de  voir  est  celle  de  tous  les  l 
et  de  tous  les  théologiens;  c'est  l'enseignement  de  l'Eglise  et  cei 
la  sainte  Ecriture 

rs  degrés  fiy  a  sept  degrés  d'orgueil  :  4°  ne  pas  porterie-  autres  à  nous  re 
01guu  '  (1er  comme  peu  de  chose...  ;  2°  ne  pas  être  satisfait  de  se  voir  mépri- 
ser...; 3°  no  pas  avouer  qu'on  mérite  de  l'être...  ;  4°  ne  pas  endurer 
le  mépris  avec  égalité  d'humeur...;  5°  ne  pas  supporter  patiem- 
ment un  auront...;  0°  s'irriter  des  humiliations...;  7°  se  refuser  à 
reconnaître  qu'on  n'a  nulle  valeur.... 

Motibque     Voici  neuf  principaux  motifs   qui  doivent  nous  engager  à  fuir 
!  on  a  fie  se 

erverde    l'orgueil:   1°  l'orgueil  est  odieux  à  Dieu  et  aux  homrai 

orguei .  ^  cause  d'injustices,  Je  rapines ,  de  tro m  i    - 

3°  Fùt-il  très-puissant,  fùt-il  môme  roi.  L'homme  de  sa  natur 

très-peu  de  chose -i°  Ton;  est  très-peu  de  chose,  âne 

considérer  même  que  la  brièveté  et  la  vanité  de  la  vie ■> 

mort,  l'homme  devient  la  pâture  des  vers 0°  L 

abandon  que  upus  faisons  de  Dieu ,  7"  L'orgueilest 

•e  [  rii  ci  e  .  la  racine  tous  i  is 

8°  L'orgueilleux  cesse  en  [uelque  de  Dieu, 
pour  devenir  celle  du  démon,..;  U°  il  s'attire  une  iouio  de  châti- 
ments  

n(       Il  est  dit  dans  l'I  ue  David,  march; 

gjj       sit  dans  un  !  il  il  se  servit 

■    i  es  de 

torrcnlc  (I.  Reg.  xvn.  40),  i   i 
cinq  moyens   par   lesquels   uous  n  iversons  Goliath,  c'est-à-dire 


ORGUEIL.  467 

l'orgueil  :  1°  la  menace  des  peines...;  2°  la  promesse  des  récom- 
penses...; 3"  l'amour  de  Dieu...;  4°  l'imitation  des  saints...; 
5°  l'oraison  (Serm.  super  Missus  est). 

i,  se  connaître  soi-même  :  voilà  un  remùle infailli- 
ble contre  l'orgue'! 

11  faut  pratiquer,  autant  qu'il  est  nous,  la  belle  et  sublime  vertu 

i  Un 'l'orgueil 


OFBtl  DE  DIEU. 


%s 


te  de  personne-  dans  le  mon^  aux  n  lie?  on  peni  a 
"accablant  et  honteux  reproche  que  saint  J  a  l- 
r  sait  aux  Juifs  aveu  les  :  Tl  y  en  a  un  au  milieu  de  vous  que 
vous  ne  connaissez  pas  :  Médius   vestrum  stetit  quem  vos  7iescitis 
(Joann.  i.  20). 

La  lumière,  dit  saint  Jean  parlant  de  J.  C,  luit  dans  les  té  lèbi 
et  le?  ténèbres  (c'est-à-dire  le  monde)  ne  l'ont  point  comprise  :  Lux 
in  tenebris  lucet,  et  tenebrœ  eam  non  comprehenderitnt  (i.  5).  11  était 
dans  le  monde,  et  le  monde  a  e'té  fait  par  lui,  et  le  monde  ne  l'a 
U  :  In  mundo  erat,  et  mundus  yer  ipsuin  factus  est ,  et  mun- 
eum  non  cognovit  (Id.  1. 10). 
J.  C.  se  plaignait  à  son  Père  que  le  monde  eût  oublié  Dieu  :  Père 
juste,  dit-il,  le  monde  ne  vous  a  point  connu  :  Pater  juste,  mu 
non  te  cognovit  (Joann.  xvn.  25  ). 

Lorsque  saint  Paul  se  leva  au  milieu  de  l'Aréopage  d  s,  il 

dit  :  Athéniens  j  je  vous  vois  en  tout   i  jusqu'à 

int  et  voyant  vos  simulacres ,  j'ai  trouvé  un  autel 
où  il  est  écril  :  Au  Dieu  inconnu  :  Ignoto  Deo  (Act.  xv;i.  22-27). 

Hélas!  combien  y  a-t-il  aujour  l'hui  <!e  pers  unes  dans  le  monde 
pour  ijai  lJieu  est  inconnu  !  Quelle  innombrable  multitude  se  pres- 
autour  d'un  pareil  autel,  si  tous  ceux  qui  ont  oublié  Dieu  s'y 
réunissaient  !... 

Oh!  que  le  Prophète  royal  a  bien  caractéri  'int  le  monde 

en  l'appelant  une  terre  d'  >ubli  :  Terra  oblivionis!  Vos  merveilles, 
Seigneur,  dit-il,  seront-elles  connues  dans  les  ténèbres,  et  votre  jus- 
ii     dans  la  terre  de  l'oubli?  Numquid  i-ognoscenlur  in  tenebris  mira* 
bilia  tua,  ctjusliUa  tua  in  terra  oblivi                   ni.  13.) 
L'oubli  de  Dieu  dans  le  monde  tient  les  parents,  les  enfants,  l'ado 
QCe,  la  jeunesse,  I     .     viril,  la  vieillesse,  les  hommes   et   le? 
.  les  riche-  <t  .      p  livres:  on  \<>  rencontre  da  ls  le  négoce, 
u                        .dais  la  famille,  dans  l'administra- 
t                 .;.-,  dans  la  Bociété.  Partout  on  pourrait  dresser  l'autel 
d'Athènes  a\ec  son  inscription  :  Au  utcu  inconnu 


OCBLI  DE  DTEÏÏ.  46^ 

Le  Prophète  royal  découvre  lui-môme  la  cause  pour  latpiell     le     dlfp"^:,..t 
monde  oublie  Dieu  :  Le  monde,  dit-il ,  n'a  pas  voulu  comprendre,     volontaire, 
de  peur  de  faire  le  bien  :  Noluit  intelligere  ut  bene  ageret  (xxxv.  A).  Ils 
n'ont  pas  gardé  l'alliance  du  Seigneur,  dit-il  ailleurs;  ils  n'ont  pas 
voulu  marcher  dans  sa  loi  :  Non  custodierunt  testamentum  Dei,  et  in 
lege  ejus  noluerunt  ambulare(LXXVU.  10 ). 

Tous,  écrit  saint  Paul  aux  Romains,  tous  n'obéissent  pas  à  l'Evan- 
gile; car  Isaïe  dit  :  Seigneur,  qui  a  cru  à  ce  qu'il  a  ouï  de  nous?  I\ 'on, 
omnes  obediunt  Evangelio  ;  Isaias  enim  dicit  :  Domine ,  guis  credidit 
auditui nostro?  (Rom.  x.  46.  ) 

Excusera-t-on  cet  oubli  de  Dieu  en  disant  qu'on  n'a  pas  été 
instruit?  Mais  nous  pouvons  répondre  avec  le  grand  Apôtre , 
employant  les  paroles  du  Psalmiste  :  La  voix  des  œuvres  de  Dieu  a 
retenti  par  toute  la  terre  et  jusqu'aux  extrémités  du  mor.de  :  In 
omnem  terrant  exivit  sonus  eorum,  et  in  fines  orbis  terrœ  verba  eorum 
(Rom.  x.  18.  —  Psal.  xvm.  5). 

La  première  cause  de  l'oubli  de  Dieu,  c'est  la  volonté  perverse  de      Cause*  de 
l'homme,  comme  nous  l'avons  déjà  dit de  Dieu 

La  seconde  cause,  c'est  l'ignorance.  On  ne  connaît  pas  assez  Dieu, 
sa  bonté,  son  amour  et  tous  ses  divins  attributs 

La  troisième  cause,  c'est  la  corruption  du  cœur  et  l'amour  du 
monde. 

La  quatrième  cause,  c'est  l'influence  qu'exercent  le  scandale,  le 
inonde,  ses  erreurs,  ses  fausses  maximes,  sa  morale  complaisante, 
et  criminelle 

La  cinquième  cause,  c'est  la  perte  de  la  foi..... 

C'est  un  crime  énorme  d'oublier  celui  qu'on  ne  peut  ignorer,  dit        Voxl 
Tertullien  :  Hœc  est  summa  delicti  nolentîum  recognoscere  quem  igno-      un  cri    e. 
rare  non  possunt  (De  Resurrect.  ). 

Tout  parle  de  Dieu  dan;  l'univers,  sur  la  terre  et  au  ciel Tout 

rappelle  Dieu:  le  soleil,  la  Lune  elles  astres  qui  forment  leur  cor- 
tège; les  éléments,  les  éclairs  et  la  foudre;  la  terre  et  ses  produc- 
tions j  les  animaux,  les  montagnes  et  les  vallées,  avec  l'Océan,  son 

étendue  et  ses  abimes Un  seul  être,  le  seul  ici-bas  qui  ait  été 

créé  à  L'image  dé  Dieu  et  racheté  de  son  sang,  le  seul  qui  se  it  capa- 
ble de  le  connaître,  de  l'aimer  et  de  le  servir,  l'oublie!  Dieu  est 
visible  en  tout  lieu  par  ses  œuvr  irables  et  sa  providence;  et 

on  ne  ie  voit  p:^'  Au  Dieu  inconnu:  Ignoto  Deo! 


470  •  OUBLT   DE  DIEU. 

L'homme  qui  oublie  le  vrai  Dieu  pense  pans  ce??*  èXtt  (WêTix 
étrangers  qu'il  s'est  fait  :  l'avarice,  l'ambition,  l'impureté,  l'or- 
gueil, etc.  Quel  crime !... 

L'oubli  de  \i£  ont  oublié  les  bienfaits  de  Dieu,  dit  le  Psalmlste,  et  les  merveille 
iTun'wîlne  qu'il  a  manifestées  :  Obliti  sunt  benefactorum  cjus,  et  mirabiluan  tjv* 
iLngratiiude.  qil(l> 0^cndit eis  [ixwu.  \\).  Ils  oublièrent  vite  ses  prodiges,  et  ne 
supportèrent  point  ses  conseils  :  Citô  obliti  Simtoperum  ejus,  et  non 
sustinuerunt  consilium  cjus  (  cv.  13).  Ils  oublièrent  le  Dieu  qui  les  a 
sauvés ,  le  Dieu  qui  a  fait  de  grandes  choyés,  des  dhoses  a  huirables 
et  terribles:  Obliti  sunt  Deum  qui  salvaviù  cas,  qui  fecit  magnolia  t 
mirabilia,  terribilia  (cv.  21.  2-2). 

Tu  as  abandonné  le  Dieu  qui  t'a  engendré,  tu  as  oublié  le  Dieu  ton 
créateur,  dit  l'Écriture  :  Ùeum  qui  te  genuit,  ripreliquiiti;  et  ohfifM 
es  Domini  créât oris  tui  (Deuter.  xxxil.  18). 

S'adressant  aux  chrétiens  infidèles  :  Vous  avez  irise1  mon  joug,  dit 
le  Seigneur  par  la  bouche  de  Jérémie,  vous  avez  rompu  mes  liens 
d'amour,  et  vous  avez  dit  :  Je  n'obéirai  pas  :  Confregiilijugum  meum. 
dirupisti  vincuia  mea ,  et  dixisti  :  Non  serviam  (n.  20).  Je  vous  ai 

dé  comme  une  vigne  choisie  ;  comment  ètes-vous  devenu  | 
i     i  une  vigne  étrangère,  qiiî  porte  des  fruits  amers?  Ego  pla< 
te  vineam  e'ectam  :  quomodo  ergo  conversa  es  inilii  in  pracum  ,  vinpa 
aliéna? (Id.  ri.  21.) 

Il  n'y  a  pas  de  crime  qui  indique  plus  l'ingratitude  que  l'oubli  de 

Di     Oublier  son  créateur,  son  rédeîtîpteur,  son  père,  son  ami, 

lence  ,  son  guide,  son  bienfaiteur,  son  appui ,  sa  vie  :  fut-il 
i  titude  plus  o  lieuse?  Né  s'Odctiper  que  dés  ennemis  de 
Dieu  ,  que  du  monde,  que  de  soi-même ,  n'est-ce  pas  porter  l'in 
titn  I                         '       '     esl  renouveler  l'acte  infâme  par  lequel 
l'érèrent  BarrabasàJ.  G 

J)iei  n'es!  pasdevanl  les  yeux  du  pécheur,  dit  te  r  :  s.-.s 
en  tout  temj  s  :  Nt  n  est  Deusin  consjfctu  ejv* 
. 
L'oubli  de  Dieu  en                                ;  de  :  i               ,-■•  e1  de  \â 
spirituelle  (  '  \                     ;  la  conçu               ;  el  rie  l/t  Ann- 
uités  

Qmcon  L,  s'abandonn  |  s'en 

.r..it  de9  idoles Parlantdes  rdsquiatte  tèrem 

à  Ja  chasteté  de  Suzanne,  l'Ecriture  dit:  Ils  bi 


■ 

Dieu 

OUBLI  DE  DIEU.  471 

corrompus ,  ils  troubleront  leur  raison,  et  ils  détournèrent  les  yeux 
afin  de  ne  pas  voir  le  ciel ,  et  de  ne  point  se  souvenir  des  justes 
jugements  :  Exarserunt  in  concupiscentiam  :  et  everlerunt  scnsum 
twnm,  et  declinovcrunt  oculos  suos  ut  non  vidèrent  cœlum ,  neque  recor- 
darenturjudiciorumjustorum  (Dan.  xjii.8.  9). 

Par  l'oubli  de  Dieu,  on  s'éloigne  de  sa  loi,  dit  '  Psalmiste  :  A 
loge  tua  longe  facti  sunt(cxxm.  150).  Le  salut  est  loin  des  pécheurs, 
parce  qu'ils  n'ont  pas  cherché  vos  ordonnances  :  Longe  a  peccatori'jux 
s"hi$ ,  quiajustificaliones  tuas  non  exquisierunt  (Psal.  cxviii.  155). 

us  avez  oublié  et  abandonné  le  Seigneur  votre  Dieu,  afin  de 
•  des  eaux  fangeuses,    les  eaux  du  fleuve  de  Babylone,  dit 

i'e  :  Dercliauisti  Dominwn  Deum  tuum,  utbibas  aquam  turbidam 
utôibas  aquam  fluminîs  (Babylonis)  (h.  17.  18). 
Le  démon  ,  le  mon  le,  la  concupiscence,  les  passions,  les  vices, 

tous  les  excès  n'oublient  pas  celui  qui  oublie  Dieu Il  va  d'erreur 

en  erreur,  d'abîme  en  abime,  jusqu'à  ce  qu'il  s'arrête  à  jamais  au 

■os  gouffres  de  l'enfer 

Celui  qui  oublie  Dieu,  oublie  le  prochain  et  s'oublie  soi-même  : 

i  l'océan  de  tous  les  désordres ,  la  mer  où  se  pressent  tous  les 
vices  :  Hoc  mare  magnum  :  illic  reptilia  quorum  non  est  munerus 
(Psal.  cm.  25). 

L'homme  qui  oublie  Dieu,  néglige  de  travailler  à  son  saïut,  et  Malheurs  ei 
il  l'expose.  Car,  dit  saint  Augustin  ,  Dieu  qui  a  promis  le  pardon  à  qUfsuivent 
criai  qui  se  repen  t ,  n'a  point  promis  le  lendemain  à  celui  qui  diffère       dr  °rjbl1 

convertir  :  Qui  pœnitenti  promisit  indulgentiam ;  dissimulanli , 
diem  crastinam  non  spopondit  (Lib.  Confess.  ). 

Vous  qui  avez  abandonné  le  Seigneur  et  oublié  sa  montaene 
sainte  ,  dit  îsaïe,  vous  serez  comptés  et  livrés  au  glaive  :  parce 
je  von  i  es,  et  que  vousn'avez  pas  ré  pondu  ;  j'ai  parlé ,  et  vous 

prêté  l'oreille  (  lxv.  11 .  12).  C'est  pourquoi ,  voici  ce  que 
neur  :  Vous  aurez  faim  et  vous  aurez  soif,   et  vous  serez 
confond  ierez  dans  la  douleur  du  cœur,  et  vous  gémirez 

c ,  hœc  dicit  Dominus  Deus  :  E 
et  clamabitis  prœ  dolore  cordis,  et  prœ  contritione 
.  i3.  14). 
J'oublierai  ceux  qui  m'oublient,  dit  le  '  par  la  bouche 

r  'à  le  plus  grand  cl.  aux  pécheurs; 

v.  -      e  de  leur  impénitence  et  de  leur  réprobation.  Dieu 

Oubli  ur,  et  très-justement,  parce  que  lui-même  oublie  Dieu; 


472  OUBLI  DE  LIEU. 

c'est  la  peine  du  talion.  Celui  qui  oublie  Dieu  méY:te  que  Dieu 
l'oublie.  Voulez -vous  qu'il  en  soit  autrement,  voulez -vous  que  le 
Seigneur  se  souvienne  constamment  de  vous?  ne  l'oubliez  pas; 
ayez -le  toujours  présent  devant  vos  yeux,  à  votre  esprit  et  à 
votre  cœur 

Comblé  de  faveurs,  de  préférences,  heureux,  riche,  honoré,  le 
peuple  juif  perd,  pour  avoir  oublié  Dieu,  toute  cette  gloire,  tout  ce 
jionheur,  tous  ces  privilèges  et  même  sa  patrie 

Seigneur ,  dit  Jérémie ,  tous  ceux  qui  vous  ont  oublié  seront  con- 
fondus; les  noms  de  ceux  qui  s'éloignent  de  vous  seront  écrits  sur 
la  poussière,  parce  qu'ils  ont  abandonné  la  source  des  eaux  vives, 
le  Seigneur  :  Domine,  omnes  qui  te  derelinquunt ,  confundentur  .  recé- 
dantes a  te ,  in  terra  scribentur ;  quoniam  dereliquerunt  venamaQiia'i&n 
vivent ium  Dominum  (xvn.  13). 

La  mort  de  celui  qui  oublie  Dieu  est  semblable  à  sa  vie.  En  puni 
tion  de  ce  que  ses  années  se  sont  écoulées  dans  l'oubli  de  Dieu ,  Dieu 
l'oublie  à  la  dernière  heure;  et  lui-même  ne  se  préoccupe  point  du 

sort  qui  l'attend Il  est  juste ,  dit  saint  Augustin ,  il  est  juste  que 

celui  qui  a  vécu  dans  l'oubli  de  Dieu,  meure  en  s'oubliant  lui-même  : 
Juste  moriens  obliviscitur  sui,  qui  vivens  oblitus  est  Dei  (  Homil.  ). 

Je  t'accuserai, pécheur,  dit  le  Seigneur  par  la  bouche  du  Psalmiste, 
^e  t'exposerai  à  tes  propres  yeux.  Comprenez  maintenant,  vous  qui 
oubliez  Dieu,  de  peur  que  je  ne  vous  saisisse,  et  qu'il  ne  se  trom  i 
sonne  qui  vous  délivre  :  Arguant  te,  et  statuam  contra  faciem  tuam. 
Intelligite  hœc  qui  obliviscimini  Deum  :  nequando  rapiat,  et  non  sit  qui 
triplât  (xlix.  21.  22). 

n  font  gémir    Seigneur,  dit  le  Prophète  royal,  l'ardeur  de  mon  zèle  me  consume, 
Dieu,  et  de  le  parce  que  mes  ennemis  ont  oublié  vos  paroles  :  Tabescere  me  fecit 
voir  oublie.     ze^m  meus  .  qUia  0(jHti  sunt  verba  tua  inimici  mei  (cxviu.  130). 

Comprenez,  dit  Jérémie,  et  voyez  combien  il  est  funeste  et  amer 
l'avoir  oublié  et  abandonné  le  Seigneur  votre  Dieu  :  Scito  et  vide, 
quia  malumet  amarum  est  reliqidsse  te  Dominum  Deum  tuum  (il.  19). 
Avoir  oublié  Dieu,  l'être  par  excellence,  la  source  de  tous  les  biens 
et  la  grandeur  même,  quel  aveuglement,  quel  malheur,  que! 
le  larmes  et  de  regrets!  S'être  attaché  au  néant!...  Ah!  que  do 
•notifs  de  se  repentir  et  de  déplorer  un  criminel  passé  !... 


PAIX. 


D 


ieu,  la  paix  même,  dit  saint  Bernard ,  met  la  paix  partout  D'eu  seni  est 

-     i   i     i  -i        i                      i             •     ,   »,                    ■       .     .  l'auteur  de  la 

ou  il  habite  :  le  contempler ,  c  est  être  au  sein  de  la  paix  :  paix  véritable; 
TronquiUus  Deus  tranquillitat  omnia  ;  et  quietum  aspicere, 


donne. 

quiesccre  est  (Serm.  xxmin  Gant.). 

Isaïe  appelle  J.  C.  fait  homme,  le  Prince  de  la  paix  :  Princept 
pacis(ix.  6). 

Que  le  Seigneur  de  la  paix  vous  donne  lui-même  la  paix  toujours 
et  en  tout  lieu,  dit  saint  Paul  aux  Thessaloniciens  :  Ipse  autem  Dorai* 
nus  pacis,  det  vobis  pacem  sempiternam  in  omni  loco  (IL  m.  16). 

J'ai  créé  la  paix ,  le  fruit  de  mes  paroles  ,  pour  celui  qui  est  près 
comme  pour  celui  qui  est  éloigné ,  dit  le  Seigneur  par  la  bouche 
d'Isate  :  Creavi  fructum  labiorum  pacem,  pacem  ei  qui  longe  est,  et  qui 
<?  (lvii.  19). 

Parlant  du  Messie,  le  prophète  Michée  dit  :  Celui-ci  sera  la  paix  : 
Erit  istepax  (v.  5).  J.  C. ,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  porte  le  nom 
de  Prince  de  la  paix,  voilà  pourquoi  Satomon,  qui  en  fut  la  figure, 
est  appelé  Pioi  de  la  paix. 

Les  prophètes  ont  nommé  J.  C.  Prince  de  la  paix  : 

1°  Parce  qu'il  l'a  donnée  au  inonde  et  qu'il  la  lai  a  léguée  dans  sou 
testament,  en  mourant  :  Je  vous  laisse  la  paix,  dit-il ,  je  vous  donne 
ma  paix  :  je  vous  la  donne,  non  comme  le  monde  la  donne  :  Pacem 
relinquo  vobis,  pacem  meam  do  vobis  :  non  quomndn  round  us  dat,  cijo  io 
vobis  (Joann.  xiv.  27). 

2°  Parce  qu'en  mourant,  J.  G.  a  détruit  le  mur  de  sépara  ci  o  •  i 
existait  entre  Dieu  et  l'homme  ;  il  a  uni  l'homme  à  Dieu,  le  ciel  à 
la  terre  ,  la  suprême  grandeur  à  la  suprême  misère 

En   venant  au  monde,  J.  C.,  dit  saint  Paul,  nous  a  apporté  la 

bonne  nouvelle  de  la  paix Tous  par  lui  nous  avons  ace  js  en  un 

même  Esprit  près  du  Père  (  E plies,  n.  17. 18). 

Lorsque  nous  étions  ennemis,  dit  cet  apôtre,  nous  avons  .'  ' 
réconciliés  à  Dieu  par  la  mort  de  son  Fils  :  Cum  inimici  essemus  , 
réconciliait  sumus Deo per  mortem  Filiiejus  (Rom.  v.  10).  Aussi  saint 
Léon  dit-il  avec  piété  et  énergie  :  Le  jour  de  la  naissance  du  Seigneur 
est  le  jour  delà  naissance  de  fa  ,  aix  :  que  tous  les  fidèles  offrent  donc. 


474  patx- 

auPèreîa  5  enfants  parques  :  A7     "    P     rnl    rthtWt 

est  pacis  :  ergo  singu  s   obérant  Patri  pacij  orum  concordictm 

fliorum  (Serm.  deNativ.). 
J.  C.  est  apj  clé  le  Prince  de  la  paix  : 
3«  Parce  qu'il  a  apporté  dans  le  monde,   et  au  ciel,  une  paix 

éternelle 

X"  Parce  que  J.  C.  c:t  l'auteur  de  la  paix  intérieure  dont  jouit  la 

conscience  des  justes 

Son  empire  se  multipliera,  dit  Tsa'ie,   et  la  paix  n'aura  pas  de 
terme  :  Mulliplicabitur ejus  imperium  ,  ei  pacis  non  i\.  7). 

Ce  prophète  avait  dit  que  l'enfant  qui  devait  naître  serait  le  prince 
de  la  paix,  lien  donne  la  raison  en  ajoutant  que  la  paix  destinée  à 
agrandir  et  à  conserver  son  immense  royaume  n'aura  pas  de  terme  : 
El  pacis  non  erit  finis  (ix.  7). 

Il  faut  entendre  par  ce  royaume,  par  cotte  paix  ,  la  p:."-  ^"ri- 
tuelle, qui  consiste  tans  la  tranquillité  et  la  consolation  i 
de  rame.  Voilà  pourquoi  saint  Paul  dit  :  Le  royaume  de  Dieu  n'est 
ni  le  manger  ni  le  boire ,  mais  justice,  et  paix,  et  joie  dans  l'Esprit- 
Saint  :  Aon  est  regnum  Dei  esca  et  porus,sed  justifia  et  pax  et  gain 
in  Spiritu  Sonclo  (Rom.  xiv.  17  ). 

Par  ies  paroles  du  Pater,  nous  demandons  tous  les  jours  que 
royaume  nous  arrive  :  Adveniat  regnum  tuum  (Luc.  xi.  2). 
demandons  pas  d'aller  aussitôt  au  ciel;  mais  que  le  royaum 
démon  et  du  péché  soit  détruit,  et  qu'à  sa  place  succè  le  le  roya 
de  J.  C;  que  ce  divin  Sauveur  régie  en  nous  et  i\;\.^  h  us  les  C 
par  sa  grâ  ;è.  C'est  de  ce  règne  que  parle  J.  C.  en  saint  Luc.  lors  [u'i! 
affirme  que  le  royaume  de  Dieu  est  au  dedans  de  nous  :  Regnum  Dei 
intra  vos  est  (xvn.  21  ). 
Le  r  cette  paix  dans  l'âme  des  justes  n'a  pas  de  fin,  comrrio 

il  sai   ;  Basile,  saint  Cyrille,  ei  surtout  saint Chrysoslome, 
dans  l'homélie  In  his  Verbis  :  Quando  venit  regnum  Dei ,  où  il  expli- 

cette  paix  de  quatre  manières  :  l°J.  C,  dit-il,  nousaei 
sôum  l'esprit;  par  ce  moyen,  la  guerre  cesse  dans 

i  il  de  la  paix;  -  '  il  non-  iliés  avec 

et  u  nous  a  il  a  uni  i 

.1  le  licné 

grâc 

i-  aix  n'aura  point  de  Gn  .   ;  ar 

cert  .       ■  s  u  Père .  «  '  ■•  r  •  ■  le  niain- 

t "  11  î :  ei  1     perpétuer  1  vous  laisse  la  paix,  a-  t-iî 


PAIX.  Alt 

dit.  je  von?  donne  ma  paix  :  je  vous  la  donne,  non  comme  lemor.de 
la  donne.  Que  votre  cœur  ne  se  trouble  point  et  ne  s'effraie  point 
(Joann.  xiv.  27). 

Justifiés  par  la  foi,  écrit  saint  Paul  aux  Romains,  ayons  la  paix 
avec  Dieu,  par  Notre-Seigneur  J.  G.  :  Justiftcati  ex  fide,  pacem  habea~ 
mus  ad  Deum,  per  Dominutn  nostrum  Jesum  Christian  (  v.  1  )  :  par  qui, 
continue  l'Apôtre  ,  nous  avons,  au  moyen  de  la  foi ,  accès  à  cette 
grâce  (de la  paix)  dans  laquelle  Hotte  sommes  établis,  et  nous  tin  nâ 
notre  gloire  de  l'espérance  de  la  gloire  des  enfants  de  Dieu  :  Par 
qiïetn  et  habemus  accessum  per  fidem,  ingràtlatiï  islam,  in  qv.a  sta.itus 
et  gloriamur  in  spe  çjloriœ  fiUorum  Dei  (Ici.  v.  2). 

La  paix  admirable  dont  il  est  question  clans  ce  passage  de  sain 
Paul,  est  la  paix  que  J.  C.  a  apportée  du  ciel  sur  la  terre.  Voilà 
pourquoi  les  anges,  à  la  naissance  du  Sauveur,  entonnent  ce  sublime 
Ci  ntique  d'allé  presse  :  Gloire  à  Dieu  dans  les  hauteurs  ,  et  paix  sur 
la  terre  aux  hommes  de  bonne  volonté  :  Gloria  in  altissimis  Deo ,  et 
in  terra pax  hominibus  bonœ  voluntatis  (Luc.  n.  14). 

Dieu,  dit  l'apôtre  saint  Pierre,  a  envoyé  la  prédication  aux  iils 
d'Israël,  annonçant  la  paix  par  J.  G.,  qui  est  îe  Seigneur  de  tous  : 
Ycrbum  misit  D  eus  fil  Us  Israël  ;  annuniians  pacem  per  Jesum  Christum; 
hic  est  omnium  Dominns  (  Act.  X.  30). 

Commentant  ces  paroles  du  Seigneur  danslsaïe  :  Je  ne  donnerai 
pas  ma  gloire  à  un  autre  :  Gloriam  meam  alteri  non  dalo  (xlii.  8), 
saint  Bernard  dit  :  Que  nous  donnerez- vous  donc,  Seigneur,  que 
nous  donnerez-vous?  Je  vous  donne  la  paix,  dit-il ,  je  vous  laisse  ma 
paix.  Cela  me  suffit,  Seigneur  :  je  reçois  avec  reconnaissance  ce  que 
s  me  laissez;  et  je  laisse  ce  que  vous  vous  réservez.  Cela  vousp'ait 
ainsi;  je  ne  doute  pas  que  ce  ne  soit  dans  mes  intérêts.  Je  pr 
contre  la  gloire,  je  la  refuse  ;  de  crainte  que  si  j'usurpais  ce  qu'il  ne 
m'est  pas  accordé  déposséder,  je  ne  perdisse  à  juste  titre  ce  qii 
m'est  offert.  Je  veux  la  paix,  je  désire  la  paix  ,  et  rien  de  plus.  A 
celui  à  qui  la  paix  ne  suffit  pas,  vous  ne  suffisez  pas  vous-même  : 
car  vous  êtes  notre  paix.  Que  votre  gloire,  Seigneur,  vous  reste 
i  .'..;cte.  J'ai  tout  ce  qu'il  me  faut  si  je  possède  la  paix  (l).Quvl 


(1)  Gloriam  moam  alteri  non  dabo.  Quid  ergo  dabis  nobis,  Domine  ;  quid   dabis 
nobis?  Pacem,  inquit,  do  vobis  ,  pareil!  vobis.   SufQcit   mibi.   Gratulanier 

suscipio  quod  relinquis,  et  relinquo  quod  rétine;;.  Sic  placet  ,  sic  mea  intéresse  non 
dubito.  Aiijuro  gloriam  prorsus  ,  ne  forte  si  usurpavero  non  coucessum  ,  per.lam. 
merito  et  oblalum.  Pacem  vi  >ro  ,  et  nihil  amplius.       '  non  sufficit 

pax,  non  sufhcis  tu  :  tu  es  enim  pax  nostra.  Tibi,  Domine,  tibi  glor 
îllibula.  Mecuuibcue  agitur,  si  paccin  habueio  (Serm.  xm  in  Vaut.). 


476  paix. 

ravissant  langage,  et  comme,  il  est  plein  de  vérité!  Quel  trésor 
que  la  paix  véritable  que  Dieu  seul  peut  donner  ! 

r.xcellence  La  paix  est  si  précieuse ,  si  excellente,  que  c'est Ja  première  chose 
de  la  paix,  que  J.  C.  souhaita  à  ses  apôtres  après  sa  résurrection.  Ils  étaient 
réunis  ensemble,  lorsque  J.  C.  parut  au  milieu  d*eux  et  leur  dit  : 
La  paix  soit  avec  vous  :  Pax  vobis  (Joann.  xx.  19).  S'il  y  eût 
eu  quelque  souhait  plus  riche  et  plus  parfait,  il  le  leur  eût 
adressé.,..* 

Le  grand  Apôtre  estime  tellement  la  paix,  qu'écrivant  aux  Philip- 
piens,  il  s'exprime  ainsi  :  Que  la  paix  de  Dieu,  qui  surpasse  tout 
sentiment,  garde  vos  cœurs  et  vos  esprits  en  J.  C.  :  Pax  Dei  quœ 
exsuper at  omnem  sensum,  custodiat  corda  vestra  et  intelligentias  vestras 
in  Christo  Jesu  (iv.  7).  Si  la  paix  de  Dieu  surpasse  toute  pensée,  tout 
sentiment,  comme  l'affirme  l'Apôtre,  elle  est  donc  une  chose  excel- 
lente, et  d'un  prix  infini 

La  paix  de  Dieu,  c'est  Dieu  lui-même;  sa  nature  est  la  paix ,  dit 
saint  Ambroise  (  De  Jacob.  ).  La  paix  de  Dieu,  c'est  Dieu  possédé  par 
Ja  grâce  ici-bas  et  par  la  gloire  dans  le  ciel 

Ecoutez  Isaïe  s'écriant  :  Qu'ils  sont  beaux  sur  les  montagnes  les 
pieds  de  celui  qui  annonce  et  quiprèchelapaix,  de  celui  qui  anno  ice 
le  bien ,  qui  prêche  le  salut  et  qui  dit  à  Sion  :  Ton  Dieu  va  régner  ! 
Quam  pulchri  super  montes  pedes  annuntiantis  et  prœdicanlis  pacem; 
annunliuatis  bonum ,  prœdicantis  salut  em  ,  diccntis  Sion:  Regnabit 
Deus  tuusf  (vn.  7.) 

La  paix  que  J.  C.  souhaite  renferme,  1°  l'amitié  de  Dion...;  2°  la 
tranquillité  et  la  sérénité  de  l'âme  dans  les  tentations  et  les  persé- 
cutions...; 3°  la  concorde  avec  tous  les  hommes Je  ne  vous  donne 

pas  la  paix  comme  If  monde  la  donne,  dit  le  Sauveur  :  Non  quo- 
modo  mundus  dut,  ego  do  vobis  (Joann.  xiv.  27).  En  effet,  loin  tic 
renfermer  l'amitié  d<  ûx  du  monde  nous  fait  ses  ennemis  ; 

loin  de  oous  tranquilliser  dans  les  tentations  et  les  persécutions,  elle 
nous  abandonne)  <>u  nous  fait  murmurer,  blasphé  ner,  succomber; 
loin  d'établir  la  concorde  entre  les  hommes,  elle  y  sème  la  ha' 
la  désunion 

La  paix  de  Dieu  es!  la  réconciliation  de  Dieu  avec  les  hommes, 
et  l'union  de  l'àme  sainte  avec    ieu 

La  paix  véritable  es!  un  imp  bouclier  qui  protège  le 

tien  contre  les  attaques  de  la  chair,  du  monde  et  desd< 
1    -    démons,  qui.   connais  paix  de  Dieu  et  ses  avanfci 


ml-.  477 

s'efforcent  de  nous  l'enlever  en  nous  sollicitant  au  péché,  ou  de  la 
troubler  par  îles  scrupules,  par  la  défiance,  les  chagrins,  les  ennuis, 
les  tentations  de  désespoir  :  eux  qui  n'ont  point  la  paix  et  qui  ne 
l'auront  jamais,  sont  jaloux  et  furieux  de  la  paix  de  l'âme  fidèle  ;  ils 
font  tous  leurs  efforts  pour  la  troubler  et  la  faire  perdre."  On  leur 
résiste  par  cela  seul  qu'on  la  conserve. 

La  paix  de  Dieu  ,  1°  met  le  calme  dans  l'âme...  ;  2°  elle  fait,  naître 
en  elle  la  joie...;  3°  elle  lui  inspire  une  confiance  inaltérable...; 
4°  elle  la  rend  magnanime 

Que  la  paix  du  Chris!  tressaille  dans  vos  cœurs,  dit  saint  Paul  aux 
Colossiens,  la  paix  en  laquelle  vous  avez  été  appelés  à  former  un 
seul  corps  :  Pax  Christi  exsultetin  cordioua  vestris,  in  qua  et  vucuii  estis 
in  uno  cor  pore  (m.  \o). 

La  paix,  dit  saint  Augustin,  est  sérénité  d'âme ,  tranquillité  d'es- 
prit, simplicité  de  cœur  ,  un  lien  d'amour,  l'inséparable  compagne 
de  la  charité.  Elle  empêche  les  rivalités ,  arrête  les  guerres,  com- 
prime les  emportements,  foule  aux  pieds  les  orgueilleux,  aime  les 
humbles,  apaise  ceux  qui  sont  en  désaccord  et  réconcilie  les  enne- 
mis; elle  est  douce  pour  tous;  elle  ne  convoite  pas  le  bien  d'autrui 
et  ne  défend  pas  aigrement  le  sien;  elle  enseigne  à  aimer,  elle  qui 
ne  sait  pas  haïr  ;  elle  ignore  l'orgueil  et  ne  connaît  pas  l'entêtement. 
Que  celui  donc  qui  la  possède  la  conserve  avec  soin  ;  que  celui  qui 
ne  l'a  plus  la  redemande;  que  celui  qui  l'a  perdue  la  cherche;  car 
celui  qui  ne  sera  pas  trouvé  en  sa  compagnie ,  sera  méconnu  par  le 
Père,  c.éshérité  par  le  Fils  et  regardé  comme  étranger  par  le  Saint- 
Esprit  (i). 

La  vraie  paix  produit  l'humilité 

Le  fruit  de  la  justice ,  dit  l'apôtre  saint  Jacques ,  est  semé  dans  la 
paix  par  ceux  qui  l'ont  les  œuvres  de  la  paix  :  Fructus  autern  justi- 
fies in  pace  seminatur ,  facientibus  paccm  (m.  48). 

Remarquez  combien  sont  grands  et  nombreux  les  avantages  de  la 
paix  :  1°  elle  est  très-agréable  à  Dieu  ,  puisqu'il  s'appelle  Dieu  de  la 
paix  et  de  la  charité 2°  Elle  nous  conduit  au  ciel  et  nous  dorme  un 


(1)  Pax  est  serenitas  mentis,  tranquillitas  anirai  ,  simplicitas  cordis,  amoris  vincu- 
luni,  consortium  cantatis.  Hruc  est  qnœ  siniuUates  tollit,  bella  compescit,  comprimit 
iras,  superbos  calcat,  humiles  amat,  discordes  sedat,  inimic  s  concordat  ;  cunctis  est 
placida;  non  quœrit  alienum ,  nihil  disputât  suum  ;  docet  amare,  quae  odisse  non 
novit;  nescit  extolli  ,  nescit  instari.  Hanc  ergo  qui  accepit,  tepeat;  qui  perdujit» 
répétât;  qui  ami.-it,  cxquirat:  quoniam  qui  in  eadera  non  fuerit  inventus,  alulicatur 
a  Pâtre,  ejferedaUur  a  F dio,  a  Spiritu  Sancto  *3ienus  eûicitur  {Serai,  txxv  de  ver- 
bis  Dominij. 


478  TATK. 

avant-g«  ait  de  la  vie  céleste  ;  car  le  ciel  est  la  patrie  fie  la  - 

et  éternelle  paix 3-  Elle  est  l'image  de  D  ai  et  de  la  t. 

Trinité 4°  C/esf  pour  apporter  aux  homro 

avec  eux-mêmes  que  J.  C.  est  descendu  du  cl 
vie  douce  et  heureuse 

Ecoutez  saint  Basile  :  1"  Celui  quiaccueille  lf  la 

paix  et  qui  lui  donne  place  dans  son  âme,  prépare  une  dero  .n    à 
J.  C. ;car  J.  G.  est  la  paix,  et  il  dé.-irese  reposer  dans  la  paix; 
l'homme  envieux  et  turbulent  est  détestable  à  fous  les  points  de 
vue 2°  L'homme  pacifique  a  tquj<  urs  le  pgeur  tran  ni i lie  et  con- 
tent; mais  l'homme  turbulent  et  envieux  est  semblable  à  un  na 

agité  parlesjtempêtesde  la  mer 3  '  L'homme  paci fi  j:  i 

âme  avec  sécurité;  il  est  à  l'abri  de  toutes  pai\? i'  Le  paci 

ressemble  à  une  vigne  qui  porte  en  abondance  des  fruits  délicie  ; 
mais  l'en\ieux  et  le  turbulent  est  plongé  dans  l'indigence  et  la 
misère:  autant  le  premier,  inondé  delà  joie  du  Seigneur,  est  heu- 
reux, autant  le  second  est  accablé  de  douleur  et  de  maux 5°  Le 

pacifique  se  fait  reconnaître  à  la  douce  joie  qui  le  remplit;  le  turbu- 
lent se  distingue  par  son  visage  pâle  et  plein  de  fureur G'  Le 

pacifique  mérite  de  participer  à  la  société  des  anges;  l'envieux  et  le 

turbulent  partage  le  sort  des  démons 7°  La  paix  éclaircit  les 

mystères  de  lame;  l'envie,  pleine  de  fureur,  appelle  les  ténèbres  sur 

les  secrets  du  cœur 8°  La  paix  chasse  la  discorde  et  la  fa 

raitre;  la  jalousie  turbulente  augmente  la  haine  et  les  désirs  de  ven- 
geance   9°  En  présence  de  la  splendeur  de  la  paix,  toutes  les 

ténèbres  s'évanouissent;  là  où  se  trouve  l'envie  tracassière,  il  n'y  a 
qu'obscurité,  ténèbres  intérieures  et  extérieures.  Pratiquez  donc  la 
paix,  ô  mon  iils!  et  méritez  le  nom  désirable  de  pacifique,  afin  que 
vous  puissiez  jouir  des  fruits  de  la  paix.  Détestez  l'envie,  amie  des 
querelles,  afin  de  ne  pae  éprouver  tous  les  maux  (  Fpist.  ). 

11  a  établi  sa  demeure  dans  la  paix,  dit  le  Psalmiste;  et  là  il  a 
détruitla  puissance  de  l'arc,  le  bouclier,  le  glaive  et  la  guerre  :  Foetus 
est  in  pace  locus  cjus  ;  ibi  confregU  patentiez  arcuum,  scutum,  glailima 
et  belluni  (LXXV.  3.  4). 

Ceux  qui  aiment  votre  loi,  Seigneur,  jouissent  d'une  paix  pro- 
fonde, dit  le  même  prophète;  rien  n'ébranlera  leur  fidélité  :  Pax 
mulla  dilùjenlibus  legem  tuant,  et  non  est  Mis scandalum  (cxvm.  \(Jo). 
Que  la  paix  soit  dans  vos  forteresses  et  l'abondance  dans  vos  tours  : 
Fiat  pax  in  virtutc  tua,  et  a  a  in  turribui  tuis  (Psal.  cxxi.  7). 

Pour  l'avantage  de  mes  frères  et  de  mes  amis,  je  demandais  toujours, 


PAIX.  i"29 

6  Jérusalem  !  que  tu  fusses  en  paix  :  Propter  fraîrcs  meos  et  vroxir 
mos  mcot,  loqvchnr  pacem  de  te  (  Psal.   cxxi.  8). 

0  paix ,  s'écrie  saint  Ephrem,  échelle  céleste  !  ô  paix,  voie  du 
royaume  des  cieux  !  ô  paix,  mère  de  la  componction!  ô  paix,  conci- 
liai r:ce  de  Ja  pénitence  !  ôpaix,  miroir  des  pécheurs ,  qui  faites  voy 
à  l'homme  ses  fautes  î  ô  paix,  qui  faites  couler  de  délicieuses  larmes; 
ô  paix ,  mère  de  la  mansuétude  !  ô  paix,  compagne  inséparable  de 
l'humilité!  ù  paix,  sécurité  de  l'àme  !  ô  paix,  joug  aimable  et  fardeau 
F,  qui  fortifiez  lame  et  qui  soutenez  celui  qui  vous  porte  !  ô 
paix ,  joie  de  l'àme  et  du  cœur  !  ô  paix,  frein  des  yeux,  des  oreilles 
et  de  la  langue  !  ôpaix,  qui  abattez  l'effronterie  et  quiètes  l'ennemie 
de  l'impudence  !  ù  paix,  source  féconde  de  piété  et  de  religion  !  ô  paix, 
prison  des  passions!  ôpaix,  guide  de  la  vertu!  ô  paix,  qui  don- 
nez lhospitalité  et  qui  aimez  la  pauvreté  volontaire!  ôpaix,  champ 
de  J,  G.,  pr  Luisant  d'abondants  et  délicieux  fruits  !  ô  paix,  insépa- 
rable de  la  divine  crainte,  rempart  et  forteresse  de  ceux  qui  désirent 
combattre  pour  le  royaume  des  cieux  !  [De  Patientia  et  Consummat. 
seculi.  ) 

Si  l'on  demande  qu'est-ce  qui  procure  la  paix,  saint  Augustin  Qhw-,v  C(ul 
répond:  La  paix  du  corps,  c'est  le  tempérament  bien  ordonné  de  la,  paix? 
ses  parties^  la  paix  de  l'âme  irraisohnable ,  le  repos  bien  ordonné  de 
ses  appétits  ;  la  paix  de  l'àme  raisonnable,  l'accord  bien  ordonné  de 
la  connaissance  et  de  l'action;  Ja  paix  du  corps  et  de  lame,  la  vie  et 
la  santé  bien  ordonnées  île  l'être  animé;  la  paix  de  l'homme  mortel 
et  de  Dieu ,  l'obéissance  bien  ordonnée  dans  la  foi  sous  la  loi  éter- 
nelle. La  paix  des  hommes,  c'est  l'union  dans  l'ordre;  la  paix 
domestique ,  c'est ,  entre  les  hôtes  du  même  foyer,  l'union  et  l'ordre 
du  commandement  et  de  l'obéissance;  la  paix  sociale,  c'est,  entre  les 
citoyens,  l'union  et  L'ordre  de  l'autorité  et  de  la  soumission  ;  la  paix 
de  la  cité  céleste,  c'est  l'or  :re  parfait,  c'est  l'union  suprême  dans  la 
jouissance  de  Dieu,  dans  la  jouissance  mutuelle  de  tous  en  Dieu; 
la  paix  de  toutes  choses,  c'est  l'ordre  et  la  tranquillité  {De  Civit.. 
liit.  XIX,  c.  xiii  ). 

Qu'est-ce  qui  procure  la  paix?  le  témoignage  d'une  bonne  con- 

:e Qu'est-ce  qui  procure  la  paix?  la  fuite  du  mal  et  la  pra- 

s  du  bien Qu'est-ce  qui  procure  la  paix?  c'est  de  quitter  le 

péché  et  de  persévérer  dans  la  grâce  et  la  vertu Qu'est-ce  qui 

•ure  la  paix?  c'est  d'être  bien  avec  Dieu. 

En  faisant  ce  qu'on  peut  pour  plane  ù  Dieu,  il  faut  conserver  la 


480  paix. 

paix  et  ne  pas  craindre  la  vengeance  divine  ni  la  condamnation;  il 
faut,  puisque  Ton  est  bien  avec  Dieu,  avoir  l'esprit  libre  et  dégagé 
des  terreurs  d'une  conscience  erronée.  La  paix  de  la  conscience  n'a 
pas  besoin,  comme  le  veulent  les  protestants,  d'être  assise  sur  une 
certitude  de  foi  divine,  par  laquelle  on  soit  assuré  que  les  péchés  que 
l'on  a  commis  sont  pardonnes;  mais  il  surfit  qu'elle  repose  sur  cer- 
taines marques  et  conjectures  qui  donnent  une  sorte  de  certitude 
morale  que  l'on  se  trouve  en  état  de  grâce.  Lorsque  la  conscience 
rend  témoignage  qu'on  a  fait  du  mieux  possible  sa  confession,  qu'on 
a  reçu  l'absolution,  et  accompli  la  pénitence  imposée,  qu'on  s'appli- 
que à  ne  pas  retomber,  et  qu'on  observe  les  commandements  de  Dieu 
et  de  l'Eglise,  il  faut  se  garder  de  se  troubler  et  demeurer  fermement 
en  paix.  Cette  assurance  suffit  :  les  péchés  sont  pardonnes,  on  est 
l'ami  de  Dieu 

Ce  qui  procure  la  paix,  dit  saint  Léon,  c'est  de  vouloir  ce  que  Dieu 
commande,  et  de  ne  vouloir  pas  ce  qu'il  défend.  Car  comment  avoir 
la  paix,  si  on  voulait  ce  que  Dieu  ne  veut  pas,  et  si  on  ne  voulait  pas 
ce  qu'il  veut?  (Serm.  i  de  Quadrag.  ) 

La  parfaite  conformité  de  notre  volonté  a  la  volonté  de  Dieu  :  voilà 
ce  qui  procure  la  véritable  et  solide  paix 

L'homme,  dit  le  même  Père,  a  la  paix  et  la  vraie  liberté,  lorsque 
la  chair  est  gouvernée  par  lame  raisonnable,  et  que  l'âme  est  gou- 
vernée par  Dieu,  et  qu'elle  lui  obéit  :  Pax  hominis  et  vera  liber  tas , 
quando  caro,  animojudice,  regitur;  et  animus,  Deo  prœside,  guberna- 
tur  (Serm.  i  de  Quadrag.). 

Il  faut  vivre  en  paix  avec  tout  le  monde,  dit  saint  Paul  :  Pacem 
sequimini  cum  omnibus  (Hebr.  xn.  14). 

*  # 

lu  a  une      1L  y  a  une  triple  paix  :  la  paix  avec  Dieu,  la  paix  avec  le  prochain, 

triple  paix.     et  [a  jiajx  avec  soi_mème J.  C.  donne  cette  triple  paix.  Vuulez- 

vous  la  posséder?  allez  à  lui,  demandez-la-lui  :  il  est  notre  paix,  la 
vraie  et  divine  paix.  Faites  en  sorte  que  J.  C.  habite  dans  votre  cœur, 
cl  la  paix  y  descendra  avec  lui.  Cumin»'  le  :-oleil  ne  peut  être  sans 
lumière,  le  feu  sanschal  ur,  un  roi  sans  royaume  ;  ainsi  J.  C.  ne  peut 
être  sans  la  paix,  car  tout  en  lui  est  paix 

Moyens  d'ac-  1°  Pour  acquérir  la  paix,  il  faut  la  désirer Que  la  grâce  et 

quérir  la      u  Dajx  fle  yieu  soient  en  vous,  dit  saint  Paul  :  Grati   < 

paix.  v 

a  ucu  ^uuluss.  î.  2).  Aou&  nuub  exhortons,   dit  ce  grand  apôtre,  à 


FAIX.  AM 

rechercher  la  paix,  vous  occupant  de  ce  qui  peut  vous  la  procure»1 
(I.  Thess.  iy.  dO.  11). 

Que  la  paix  s'accomplisse  en  vous,  dit  l'Apôtre  saint  Pierre  :  Vobis 
pax  adimpleatur  (IL  i.  2).  Que  la  paix  soit  avec  vous,  dit  l'apôtre 
saint  Jean  :  Sit  vobis  pax  (II.  3). 

2°  Se  conformer  à  cette  recommandation  de  saint  Antoine  :  Fuyez 
la  gourmandise  et  la  luxure,  l'esclavage  du  siècle  et  l'ambition,  et 
vous  aurez  la  paix  (  Vit.  Pair.  ). 

3°  Faire  la  guerre  à  ses  passions..... 

4°  Pratiquer  la  douceur.  Ceux  qui  sont  pleins  de  mansuétude, 
he'ri feront  de  la  terre,  dit  le  Psalmiste;  et  ils  se  réjouiront  dans 
l'abondance  et  la  paix  (xxxvi.  41  ). 

5°  Ecouter  la  voix  de  Dieu.  J'écouterai,  dit  le  même  prophète, 
j 'écouterai  ce  que  Dieu  me  dira  au  fond  du  cœur,  parce  que  ses  paroles 
sont  des  paroles  de  paix  :  Audiam  quid  loquatur  in  me  Dominus  Deusy 
quoniam  loquetur  pacem  (lxxxiv.  9). 

6°  Obéir  à  la  loi  divine  :  Que  n'avez-vous  été  attentif  à  mes  pré- 
ceptes, dit  le  Seigneur  par  la  bouche  d'Isaïe;  votre  paix  eût  été 
comme  un  fleuve  :  Utinam  attendisses  mandata  mea;  facta  fuisset  sicut 
/lumen pax  tua  (xlviii.  18). 

Si  vous  aviez  marché  dans  la  voie  de  Dieu,  dit  le  prophète  Baruch, 
vous  habiteriez  au  sein  d'une  éternelle  paix  :  Si  in  via  Dei  ambulas- 
ses,  habitasses  utique  in  pace sempiterna  (m.  -13). 

11  n'y  a  point  de  paix  pour  lïmpie,  dit  Isaïe  :  Non  est  pax  impiis 
(lvii.  21).  Si  l'on  veut  la  paix,  il  faut  donc  fuir  et  détester  l'im- 
piété  

La  paix  grande,  solide  et  durable,  n'est  qu'au  ciel Si  nous  vou- 
lons en  jouir  un  j  ur.  travaillons  constamment  et  uniquement  en  vue 
drt  l'éternité. 


si 


PARABOLE 

DE   1,'lIOMME    QUI    TOMBE    ENTRE    LES    MAINS    DES    VOLEURS 
(Luc.    XXX - XXXVII ). 


tfion 
rarabole. 


L 


'homme  qui  tombe  entre  les  mains  des  yojeurs  sur  le  chemin 
de  Jéricho,  c'est  Adam  et  en  sa  personne  le  genre  humain...  ; 
les  voleurs  sont  les  démons...;  le  prêtre  et  \e  lévite  sont 
l'ancienne  loi,  qui  a  été  impuissante  pour  guérir  la  chute  d'Adam...  ; 
le  charitable  samaritain,  c'est  J.  C...  ;  l'hôtellerie,  c'est  l'Eglis "...; 
le  vin  versé  dans  les  plaies,  c'est  le  sang  de  J.  C...  ;  l'huile,  c'est  Ja 
miséricorde,  la  clémence  et  la  douceur  do  J.  C...;  le  maître  d'hùlrl, 
c'est  saint  Pierre  et  les  papes  ses  successeurs...;  les  deniers  sont  la 

eroix,  les  sacrements ,  les  grâces 

Origène  complète  l'explication  de  cette  parabole  :  L'homme 
dépouillé  par  les  voleurs,  couvert  de  blessures  et  laissé  à  demi  mort, 
c'est  Adam...  ;  Jérusalem,  d'où  il  vient,  est  le  paradis...  ;  Jéricho,  où 
il  se  rend,  est  le  monde...  ;  le  prêtre  qui  passe  outre  ,  signifie  la  loi 
impuissante  à  guérir  l'homme...  ;  le  lévite  signifie  les  prophètes  qui 
ne  pouvaient  non  plus  conférer  la  grâce...  ;  le  charitable  samaritain, 
c'est  J.  C....;  les  blessures  sont  l'emblème  de.  la  désobéissance  de 
l'homme  (  Comment.  inEvang.). 


PARADIS  TERRESTRE* 


]e  Seigneur,  dit  Ja  Genèse,  avait  planté,  dès  le  commence- 
ment, un  jardin  de  délices:  il  y  avait  placé  l'homme  qu'L 
.Savait  formé  (n.  8).  Et  le  Seigneur  fit  sortir- le  la  terre  une 
multitude  d'arbres  beaux  à  voir  et  dont  les  fruits  étaient  doux  à 
manger.  Au  milieu  du  jardin  étaient  l'arbre  de  la  vie,  et  l'arbre 
de  la  science  du  bien  et  du  mal  (Ibid.  n.  9.  )  De  ce  lieu  de  délices 
coulait  un  fleuve  qui  arrosait  le  jardin  et  se  divisait  en  quatre 
canaux  {Ibid.  n.  10). 

Saint  Augustin  et  saint  Ambroise  disent  rm'allégoriquement  le 
paradis  terrestre  est  l'Eglise;  que  les  qatre  fleuves  sont  les  quatre 
Evangiles;  que  les  arbres  à  fruits  sont  les  saints;  que  les  fruits  sont 
les  œuvres  des  saint?  ;  que  l'arbre  de  vie  est  J.  G.,  le  Saint  des  saints; 
que  l'arbre  de  la  science  du  bien  et  du  mal  est  le  libre  arbitre  (In 
Gènes.). 

Au  milieu  du  jardin  était  l'arbre  de  vie  (Gen.  n.  9).  Il  est  de 
foi  que  cet  arbre  de  vie  était  un  arbre  véritable.  Il  est  appelé  o.rbre 
de  vie ,  c'est-à-dire  vivifiant,  chassant  les  maladies  et  la  mort,  con- 
servant les  forces,  donnant  l'immortalité Adam  ne  goûta  pas  du 

fruit  de  cet  arbre  merveilleux 

Dans  le  sens  allégorique,  l'arbre  de  vie  c'est  J.  C.,  sa  croix,  l'eu^ 
charistie 

Dans  le  sens  tropologique ,  l'arbre  de  vie  c'est  la  bienheureuse 

vierge  Marie,  de  laquelle  est  née  la  Yie C'est  aussi  le  juste  qui 

produit  des  œuvres  saintes  ,  principe  de  la  vie  de  la  grâce  et  de  la 
gloire  ;  selon  les  paroles  suivantes  des  Proverbes  :  Fructus  justi 
ligvmn  vitce  :  Le  fruit  du  juste  est  l'arbre  de  vie  (xi.  30  ), 

Dans  le  sens  anagogique,  l'arbre  de  vie  est  la  béatitude  et  la  vision 

de  Dieu Je  donnerai  à  manger  de  l'arbre  de  vie  à  celui  qui  aura 

vaincu ,  dit  le  Seigneur  dans  l'Apocalypse  :  Vinceati  dabo  edere  de 
ligno  vitœ.  (il.  7. 

On  n'a  jamais  pu  savoir  positivement  où  était  placé  le  paradis 
terrestre.  Il  est  probable  qu'il  a  été  détruit,  ou  tellement  changé 
qu'un  n'a  jamais  pu  le  reconnaître.  S'il  existe  encore  tel  qu'il  était  au 


484  PARADIS  TERRESTRE. 

lendemain  de  la  création,  le  Seigneur  n?a  pas  permis  à  l'homme  de 
le  retrouver  et  d'y  pénétrer. 

Saint  Justin,  Tertullien,  saint  Epiphane  ,  saint  Augustin, 
laint  Jean  Damascène,  saint  Thomas  et  d'autres  docteurs  et 
Pères  de  l'Eglise  disent  qu'Hénoch  et  Elie  habitent  le  paradifc 
terrestre. 


PARDON  DES  INJURES. 


D 


ieu  a  fait  aux  chrétiens  une  obligation  non-seulement  de     Obligation 

,  i      •    •  ,-i  •      i  i  .de  pardonner. 

pardonner  les  injures  qu  ils  auraient  reçues,  de  ne  pas  haïr 


leurs  ennemis  et  de  ne  pas  chercher  à  s'en  venger;  mais 
même  de  les  aimer  et  de  leur  faire  du  bien. 

Ecoutez  J.  C.  :  Vous  avez  entendu  qu'il  a  été  dit  :  Vous  aimerez, 
votre  prochain  et  vous  haïrez  votre  ennemi;  moi  je  vous  dis  :  Aimez 
vos  ennemis ,  faites  du  bien  à  ceux  qui  vous  haïssent ,  et  priez  pour 
ceux  qui  vous  persécutent  et  vous  calomnient  :  Audistîs  quia  didum 
est  :  Diliges  proximum  tuum  et  odio  habebis  inimicum  tuum.  Ego  autem 
dico  vobis  :  Diligite  inimicos  vestros ,  benefacite  his  qui  oderunt  vos,  et 
orate  pro  persequentibus  et  calumniantibus  vos  (  Matth.  v.  4-4).  Saint 
Luc  rapporte  les  paroles  suivantes  du  Sauveur  :  Je  vous  le  dis,  aimez 
vos  ennemis,  faites  du  bien  à  ceux  qui  vous  haïssent.  Bénissez  ceux 
qui  vous  maudissent,  et  priez  pour  ceux  qui  vous  calomnient.  A  celui 
qui  vous  frappe  sur  une  joue ,  présentez  encore  l'autre  (1). 

Vous  aimerez,  dit  aussi  J.  G. }  vous  aimerez  le  Seigneur  votre  Dieu, 
de  tout  votre  cœur,  de  toute  votre  âme  et  de  tout  votre  esprit.  C'est 
là  le  premier  et  le  plus  grand  commandement.  Le  second  lui  est 
semblable  :  Vous  aimerez  votre  prochain  comme  vous-même.  Ces 
deux  commandements  renferment  toute  la  loi  et  les  prophètes  (2). 

Et  encore  :  Je  vous  commande  ceci ,  de  vous  aimer  les  uns  les 
autres  :  Hœc  mando vobis,  ut  diligatis  invicem  (Joann.  xv.  17). 

Prenez  garde ,  écrit  le  grand  Apôtre  aux  Thessaloniciens ,  prenez 
garde  que  nul  ne  rende  à  autrui  le  mal  pour  le  mal;  mais  cherchez 
toujours  le  bien  les  uns  des  autres,  et  de  tous  :  Videte  ne  quis  malum 
pro  malo  alicui  reddat  :  sed  semper  quod  bonum  est  sectamini  in  invi- 
cem et  in  omnes  (  I.  v.  15). 

Nous  avons  ce  commandement  de  Dieu ,   que  celui  qui  aimt* 


(i)  Vobis  dico:  Diligite  inimicos  vestros,  benefaciie  bis  qui  oderunt  vcs.  Benedicitc 
malalicenlibus  vobis,  et  orate  pro  calumniantibus  vos.  Et  qui  te  percutit  in  maxil- 
lam,  prœbe  et  alterain  (vi.  27-29). 

(2)  Diliges  Dominum  Deum  tuum  ex  toto  corde  tuo,  et  in  tota  anima  tua,  et  in 
tota  meule  tua.  Hoc  est  maximum  et  primum  mandaium.  Secundum  autem  simila 
est  huic  :  Diliges  proxinumi  tuum  sicut  teipsom.  In  his  cluobus  mar.datis  universa 
lexpenùetet  propbet.i1  (Mattb.  xxn.  37-40), 


485  PAHD0X  DES  INJURES. 

Dieu,  aime  aussi  ?on  frère,  dit  l'apôtrè  saint  Jean  :  Hoc  man- 
dalum  habemus  a  Deo ,  ut  qui  diligit  Deum,  diligat  et  f rat  rem  suum 
(I.  iv.  21  ). 

Si  tu  vois  lane  de  ton  ennemi  gisant  sous  Le  fardeau,  dit  le  Sei- 
gneur dans  I"E.\ode ,  tu  ne  passeras  pas  au  del?  ;  mais  tu  le  relèveras 
avec  lui  :  Si  I  :mmi  odientis  te  jacere  sud  oncre,  non  pertrunsi- 

bis ,  sed  subtevabis  cum  eo  (xxni.  5). 

Suppoilix  vos  ennemis,  dit  saint  Grégoire;  mais  aimez  comme 
des  frères  ceux  que  vous  supportez  :  Tolerate  adversarios  vestros ,  sed 
ut  fratres  diligite  quos  ideratis  (  Moral.  ). 

j.  c.  nous  a  j)n  ]aau^  t]e  ia  crojx     Jésus  disait  :  Mon  Père,  pardonnez-leur  ,  car 
donne  I  •■xem-  '  \  * 

plede  l'amour  ils  ne  savent  pas  ce  qu'ils  font  :  Jésus  autan  dicebat  :  Pater ,  dimitte 

des  ennemis.  ^.^  ^^  ^.^  sciunt  j^y  fodunt  (Luc.  xx.  31).  Se  pressant  autour 

de  lui ,  ses  ennemis,  transportés  de  fureur  et  animés  d'une  haine 
implacable,  criaient  :  Cruciiiez-le  !  J.  C.  dit  à  son  Père  :  Pardonnez- 
leur 

Isaïe  avait  prédit  que  le  Sauveur  prierait  pour  ses  persécutons- 
Pro  transyressoiibus  rorjavit  (  lui.  12). 

J.  C.  met  sur  tout  le  mystère  de  sa  passion  le  Sceau  ub  Sd  .  insi- 
gne et  admirable  amour.  Oubliant  en  quelque  sorte  ses  cru  !  - 
douleurs,  et  s'oubliant  lui-même,  il  prie  pour  ses  ennemis  et  pour 
ceux  qui  le  crucilient.  J.  C.  nous  apprend  ainsi  à  triompher  du  mal 
en  iaisant  le  bien ,  à  rendre  de  bons  offices  en  échange  des  torts  que 
I  s  cause,  à  aimer  nos  ennemis  et  à  les  \  ancre  si  héroï^nc- 
îni:  tl  qu'ils  dr\  inm.'iit  îms  amis  et  les  amis  de  Dieu 

J.  G.  est  un  miroir  vivant  de  miséricorde^  et  son  exemple  est  le 
plus  puissant  aiguillon  qui  puisse  nous  porter  a  pardonner.  Par  les 
-  de  Sa  i  ;':  ni  <n-de,  il  s'est  levé  dans  les  hauteurs  du 
ciel  afin  de  nous  visiter  :  Per  visecra  miscricrû'diœ  vhilavit  nos 
vi  ims  ex  alto  (Luc.  i.  78).  Il  est  venu  afin  de  soulager  et  de  guérir 
nos  misères  qui  étaient  très-nombreuses  et  très-gi  nie?.  Quoique 
Hou-  iw--i  n-  -   -  ennemis,  il  a  répandu  sur  non-  :s  «le 

sa  bonté,  soit  dans  l'incarnation ,  soit  durant  sa  vie,  soit  sui 
sur  la  croix.  Voulez-vous  avoir  une  vive  image  de  la  tendresse ,  de 
la  miséricorde  et  de  la  charité  de  J.  C?  contemplez-le  sur  la  croix, 
où  il  est  tout  misère,  douleur  et  blessures  ,   parce  qu'il  est  tout 
charité,!  et  .  Non-seulement  il  indus 

sur  nous,  ces  trésors,  dans  son  in  :  .  durant  sa  vie  et  à  sa 

mort,  mais  après  sa  résurrection;  et  il  noua  les  prodiguera  dlirânl; 


T»AHDON  DES  ..nJUBES.'  487 

toute  l'éternité  :  il  a  été ,  il  est  et  il  sera  tout  charité,  tout  misé- 
ricorde. Comme  le  dit  saint  Thomas  dans  une  des  belles  hymnes  de 
l'office  du  saint  sacrement  :  J.  C.  par  sa  naissance  s'est  fait  notre 
.aie,  notre  compagnon;  vers  la  fin  de  sa  vie,  il  s'est  fait  notre 
nourriture  ;  à  sa  mort,  il  a  été  le  prix  de  notre  liberté  ;  dans  le  ciel , 
où  il  règne ,  il  se  donne  à  nous  en  récompense  : 

Se  nascens  dédit  socium, 
Convescens  in  edulium, 
Se  moriens  in  pretium, 
Se  regnans  dat  in  prœmium. 

Ecoutez  saint  Bernard  :  J.  C.  est  frappé  de  verges,  couronne 
d'épines;  lia  les  mains  et  les  pieds  percés  de  clous;  il  est  attaché  à 
la  croix,  rassasié  d'opprobres,  et  cependant,  oubliant  toutes  ses  dou- 
leur? ,  il  s'écrie  :  Mon  Père ,  pardonnez-leur ,  car  ils  ne  savent  ce 
qu'ils  l'ont.  Oh  !  qu'il  est  prompt  à  oublier  les  outrages  et  à  les  par- 
dunner!  0  Seigneur,  que  vos  miséricordes  sont  grandes  et  multi- 
pliées! Oh!  que  vos  pensées  sont  éloignées  des  nôtres  !  Oh  !  comme 
vous  avez  pitié  de  l'impie  !  Chose  frappante  !  J.  C.  s'écrie  :  Par- 
donnez-leur; et  les  Juifs  :  Crucifiez-le  :  llle  clamât  :  Ignosce;  Judœi: 
Crucifuje.  0  Juifs,  vous  avez  des  cœurs  de  rocher;  vous  frappez  la 
miséricorde  incarnée  d'où  sort  l'huile  de  la  charité.  De  quelles 
délices,  ô  Seigneur!  n'enivrez-vous  pas  vos  amis  dans  le  ciel ,  vous 
qui  répandez  l'huile  de  votre  miséricorde  sur  ceux  qui  vous  cruci- 
fient en  vous  maudissant!  (Serm.  de  Pass.  Dom.) 

La  charité,  dit  saint  Chrysostome,  ignore  ce  qui  est  un  opprobre 
et  un  deshonneur;  elle  couvre  de  ses  ailes  d'or  les  vices  de  tous  ceux 
qu'éiîe  embrasse  :  Probrum  et  dedecus  quid  sit,  ignorât  caritas ;  dis 
nureis omnium  qilos  comnlectitur,  vitia  tegit  (In  Catena). 

Lr.s  saints  n'ont-ils  pas  été  de  beaux  modèles  de  la  manière  dont  il      ,  os  saint3 
faut  ries  injures?  Voyez  le  chaste  et  charitable  Joseph,     l'ont  imité. 

On  doit ,  dit  saint  Ambroise  .  on  doit,  ajuste  titre,  admirer  Joseph 
qui,  avant  la  prédication  de  l'Evangile,  s'est  conduit  comme  il  suit: 
blessé,  il  ne  s'est  pas  vengé;  attaqué,  il  a  pardonné;  vendu,  il  n'a 
pas  appliqué  la  peine  du  talion,  mais  a  rendu  bienfait  pour  outrage. 
Tous,  par  la  prédication  de  l'Evangile,  nous  avons  appris  à  nous 
conduire  de  même,  et  nous  ne  pouvons  y  parvenir!(l). 

{])  Jure  mirandus  Joseph, qui  hoc  ferit  anle  Evangehum, ut  lapsus,  parceret;  appe- 
lilus  ,  iguuscerei  ;  n ,  non  referret  iujuHam  :  seJ  graliam  pro  contuuielia 


488  PARD0X   DES  IXJUBES. 

Les  Juifs,  pleins  d'une  aveug'e  fureur,  lapident  saint  Etienne,  qui 
tombe  à  genoux  et  s'écrie  :  'eigneur,  np  leur  im[>utez  point:  ce 
péché  :  Positis  genibus ,  clamvvît  voce  magna,  dicens  :  Domine,  ne  sta- 
tuas Mis  hoc peccatum  '(Act.  vu.  58.  59). 

Nous  sommes  maudits,  et  nous  bénissons,  dit  le  grand  Apôtre  ; 
nous  sommes  persécutés,  et  nous  le  supportons  ;  injuriés ,  et  nous 
prions  :  Maledicimur ,  et  benedicimus ;  persecutionem  patimur,  et  susli- 
nemus;  blasphemamur ,  et  obsecramus  (  I.  Cor.  rv.  42.  13  ). 

Saint  Ambroise  rendait  toujours  le  bien  pour  le  mal,  et  ne  se  ven- 
geait des  injures  que  par  des  bienfaits  (  Ita  Augustinus). 

Avant  de  livrer  bataille  contre  Eugène,  l'empereur  Théodose 
publia  un  édit  par  lequel  il  pardonnait  toutes  les  injures  qu'on  avait 
pu  commettre  contre  sa  personne,  soit  en  paroles,  soit  en  actions.  Si 
c'est,  disait-il,  par  une  légèreté  indiscrète,  que  quelqu'un  a  parlé 
contre  nous,  nous  ne  devons  pas  y  faire  attention;  si  c'est  par  folie; 
nous  devons  avoir  pitié  de  lui;  si  c'est  de  propos  délibéré,  nous  vou- 
lons lui  pardonner.  (Socrat.,  Hist.  eccles.,  lib.  Vif,  <•.  xxn  ). 

S'étant  révoltés  à  l'occasion  d'un  nouvel  imrôt  que  l'empereur 
Théodose  avait  établi,  pour  faire  la  guerre  au  tyran  Maxime,   le? 
habitants  d'Antioche  portèrent  l'insolence  jusqu'aux  derniers  excès  : 
ils  traînèrent  ignominieusement  dans  les  rues  la  statue  de  l'empe- 
reur, ainsi  que  celles  de  son  frère,  de  ses  deux  fils  et  de  l'impératrice, 
et  les  brisèrent.  Théodose  résolut  de  châtier  sévèremei  t  cette  \  ille 
coupable.  De  son  côté  Flavien ,  évoque  d'Antioche,  tenta  d'apaiser 
l'empereur  irrité.  Il  alla  le  trouver  et  lui  dit  entre  autres  choses  :  Il 
est  vrai  que  les  habitants  d'Antioche  m'ont  député  vers  vous  afin  de 
tâcher  d'obtenir  nue  grâce  dont  ils  se  jugenl  tout  à  fait  indignes; 
mais  je  viens  encore  de  la  part  du  souverain  Seigneur  des  auges  et 
des  hommes,  pour  vous  déclarer  en  son  Dom,  que  si  vous  pardon- 
nez les  fautes  commises  contre  vous,  il  vous  pardonnera  relies  dont 
vous  vous  êtes  rendu  coupable  envers  lui.  Bien  différent  des  autres 
députés,  qui  paraissent  devant  vous  avec  de  riches  présents,  je  n'v 
parais,  moi,  qu'avec  la  loi  de  Dieu,  et  que  pour  vous  exhorter  à 
imiter  l'exemple  qui  vous  a  été  donne  par  le  Sauveur  expirant  sur 
la  croix.  L'empereur,  attendri  jusqu'aux  larmes,  ne  répondit  que 
•h  de  mots  :  si  .f.  <:.,  notre  souverain  Seigneur,  a  pardonne  a  >■  s 
bourreaux,  et  a  mente  prie  pour  eux,  dois-je  balancer  de  pardonner 

•olvereL  Qimd  post  Evangelium  omnes  diJiciinus,  et  servare  non  possiTius!  (Lib.  II 
Offre,  c.  vu.) 


PARDON  DES  INJURES?  489 

à  ceux  qui  m'ont  offensé,  moi  qui  ne  suis  qu'un  hmr\me  morte, 
comme  eux,  et  serviteur  du  même  maître?  (  Socrat.,  Hist.  eccles.j 
lib.VII,  c.  xxn). 

On  ne  peut ,  disait  saint  Pœmen ,  chasser  le  mal  par  le  mal  : 
quand  donc  quelqu'un  vous  fait  du  mal,  faites-lui  du  bien;  afin  que 
vous  puissiez  vaincre  le  mal  par  le  bien  (  Vit.  Patr.  ). 

Qu'elles  sont  belles  les  paroles  prononcées  par  saint  Léon  martyr 
au  moment  où  on  le  faisait  le  plus  souffrir  :  Seigneur,  qui  ne  vou- 
lez point  la  mort,  mais  la  conversion  des  pécheurs,  s'écria-t-il,  faites 
que  les  auteurs  de  ma  mort  vous  connaissent,  et  obtiennent  le  par- 
don de  leurs  crimes ,  par  les  mérites  de  votre  Fils  unique  J.  C.  notre 
Sauveur;  et  il  expira  ( In  ejus  vita  ).  *> 

Des  moines  égarés  par  la  haine  mirent  du  poison  dans  la  coupe 
de  saint  Benoit.  Au  moment  où  il  se  préparait  à  boire,  le  saint  ayant, 
selon  sa  coutume ,  formé  le  signe  de  la  croix  sur  le  vase,  celui-ci  se 
brisa  aussitôt.  Le  célèbre  abbé  reconnut  à  ce  prodige  que  le  verre 
contenait  un  breuvage  mortel;  mais,  loin  de  paraître  étonné,  il  dit 
avec  douceur  à  ces  monstres  :  Que  Dieu  vous  le  pardonne  (Surius  , 
in  ejus  vita  ). 

Saint  An tonin  pardonna  généreusement  à  un  assassin  qui  lui  avait 
porté  un  coup  de  poignard  (  Surius,  in  ejus  vita  ). 

Saint  Ubald  fut  renversé  à  terre  par  un  liomme  furieux. Le  peuple, 
indigné  ,  menaça  le  coupable  d'un  châtiment  terrible.  Alors  il  se 
jeta  aux  pieds  du  saint  qui,  pour  toute  punition,  se  contenta  de  l'em- 
brasser et  de  le  préserver  du  châtiment  (  Surius,  in  ejus  vita). 

Le  frère  de  Jean  Gualbert ,  issu  d'une  riche  famille  de  Florence  ~, 
ayant  été  assassiné  dans  des  temps  de  trouble  par  un  de  ses  ennemis, 
Jean  résolut  de  tenter  l'impossible  pour  venger  sa  mort.  L'occasion 
s'en  présenta  bientôt.  Le  jour  même  du  vendredi  saint,  il  rencontra 
son  ennemi  dans  un  passage  si  étroit,  que  ni  l'un  ni  l'autre  ne  pou- 
vaient s'éviter.  Jean  met  l'épée  à  la  main  ,  et  il  se  prépare  à  la  lui 
passer  au  travers  du  corps.  Le  meurtrier,  se  voyant  perdu,  se  jette  à 
ses  pieds,  et  les  bras  étendus  en  croix  Je  conjure,  par  la  passion  de 
J.  C,  de  ne  pas  lui  ùter  la  vie.  Gualbert,  touché  de  ce  spectacle,  lui 
dit  :  Je  ne  puis  vous,  refuser  ce  que  vous  me  demandez  au  nom  de 
L  G.  :  je  vous  accorde  non-seulement  la  vie,  mais  encore  mon  ami- 
tié; et  il  l'embrassa.  Béni  de  Dieu,  surtout  pour  cette  généreuse 
action,  Jean  Gualbert  devint  un  grand  saint  et  le  fondateur  d'un 
ordre  célèbre  dans  l'Eglise  ,  sous  le  nom  de  congrégation  de  Vallom- 
breuse  In  ejus  vita). 


400  PARDON  LES  IXJTIŒS. 

Oh  pourrait  cit  ruué  infinité  d'exemples  aussi  remarquables  du 
pardon  des  injures 

eu  y-mêmes  Da\s  le  douzième  livre  I  s  -Histoires  diverses.  F.lien  raconte  que 
C"  à'ciirs"116  P^ôcioDj  général  athénien,  fut  condamné  à  m  turir  par  le  poison, 
ennem  is.  qU0i  mqi  |ut  innocent.  Au  moment  oii  le  bourreau  lui  présentait  la 
coupe  fatale,  on  lui  demanda  s'il  n'avait  rien  à  faire  dire  à  son  fils, 
il  répondit:  Je  lui  recommande  d'oublier  le  breuvage  que  les  Athé- 
niens m'ont  présenté  et  que  je  bois  :  Mando  ei  ut  cLUviscatur  potus 
h'jus.  quem  nunc  ab  Atheniensibiis  ablation  bibo. 

Le  roi  Antigone  avait  coutume  de  dire  que  le  pardon  était  plus 
puissant  que  la  vengeance  (Anton,  in  Meliss.  ). 

César-Auguste  pardonna  à  China,  qui  avait  tramé  sa  mort.  111e  fit 
venir  et  lui  dit  :  Cinna ,  je  vous  laisse  la  vie ,  quoique  vous  ayez  été 
d'abord  mon  ennemi,  et  puis  un  conspirateur  et  un  parricide.  L'em- 
pereur lui  offrit  même  le  consulat.  Voulez-vous  connaître  le  résultat 
de  ce  généreux  pardon?  Tant  de  générosité  toucha  China  ai  point 
qu'il  fut  depuis  très-attaché  à  Auguste  qui,  en  mourant,  lui  I 
une  partie  de  sa  fortune  privée  [Senec.  de  Clementia). 

Démosthène  ayant  été  insulté  par  un  de  ses  rivaux ,  lui  dit  :  Je  ne 
veux  pas  engager  avec  vous  un  combatdans  lequel  il  vaut  mieux  être 
vaincu  que  vainqueur  (Plutarc,  Vit.  illust.  vir.). 

Quelqu'un  ayant  injurié  Arisiipps  de  Cyrène,  c3  philosophe  lui 
répon  lit  :  Vous  avez  le  pouvoir  de  ih'oùtrager,  mais  j'ai  ce.ai  de 
vous  écouter  avec  calme  (Plutarc. ,  ibid.). 

Le  pardon  «les  Qicéron  dit  de  Jules-César  :  Il  n'a  coutume  d'oublier  que  les  injures  : 
injures  est  , 

une  marque    JSihil  oblivisci  solet  nisi injurias  ^Orat.  pro  Marcello). 

de  (rraniiuur  T  ,. .  ,  ,      ,  ,  ... 

d'àme,  une         Le  sage ,  dit  Séneque ,  est  au-d  e  1  injure  :  sapiens  injuria 

victoire  et  on  maerior  est  (De  Clementia). 
triomphe.  *  \  ' 

Les  mondains  estiment  vil  ei  honteux  de  pardonner  une  injure; 

ils  se  trompent,  car  il  esl  saisir  l'occasion  <1 

cer  un  acte  de  vertu  héroïque,  comme  l'est  l'acte  de  pardonner,  de 

se  réconcilier,  d'aimer  son  ennemi.  Voilà  pourquoi  L'Hômmeqoi  sait 

oublier  et  pardonner  une  onens       I        -  aucun  doute  un  homme 

supérieur.  Maître  'I    sa  tolère  et  d  ion  de  la  vengeance,  il 

mérite  gloire  et  e.-ii 

De  rien,  dit  E  rripide,!    hngue  imprudente  fait  mttrë  dé  grai 

altercations,  de  proi ondes  ha    es  ei     le  déplora! .les  luttes;  Uldis 

l'homme  sa-'e  se  gar  le  bi  n  d'exciter  des  querelles  et  de  provoquer 


PAUDON  DES  INJdRES.  491 

des  offenses:  par  sa  magnanimité,  il  calme  les  liâmes  les  plus  ter- 
ribles (Plutarc.,  Vit  illust.  vir.). 

Il  vaut  mieux,  il  est  plus  digne  d'un  grand  cœur  de  pardonner 
une  injure  que  de  demeurer  vainqueur  dans  un  différend,  dit  Muso- 
nius  :  Satins  est,  et  excelso  viro  dignius  3  injuriam  vincere  quam  litem 
(Anton,  in  Meliss.  ). 

Pittacus  j  l'un  des  sept  sages  de  la  Grèce,  rencontrant  l'occasion  dt 
se  venger  d'une  injure,  s'abstint  d'en  profiter  et  dit  :  Le  pardon 
vaut  mieux  que  la  vengeance:  celui-là  est  le  propre  d'un  caractère 
doux;  celle-ci  ne  plait  qu'à  un  esprit  féroce  :  Venia  idtione  melior 
est  :  Ma  namque  mitis  est  ingenii,  hœc  ferini  f  Ita  Laertius  ). 

Pythagore  dit  :  Regardez  comme  une  grande  habileté  de  pouvoir 
supporter  l'inexpérience  des  autres  :  Magnam  peritiam  existimato. 
qu.fi  ferre  potes  aliorum  imperidam  (Plutarc,  Vit.  illust.  vir.). 

Celui  qui  se  venge  à  son  détriment  d'un  ennemi,  dit  Théophraste, 
se  punit  plutôt  qu'il  ne  le  châtie;  ne  tirez  pas  de  vos  ennemis  une 
vengeance  telle  que  vous  nuisiez  plus  à  vous  qu'à  eux-mêmes  :  Qui 
inimicum  suo  cum  malo  vindicat,  dat  potiuspœnam,  quam  ab  illo  sumat  ; 
non  aulem  ita  inimicos  ulciscaris  3  ut  tibi  magis  quam  illis,  obsis  (Plu- 
tarc, ibid.). 

Garder  le  silence  lorsqu'on  est  insulté,  ditPlutarque ,  est  un  acte 
si  grand ,  qu'il  tient  de  Socrate  et  d'Hercule  ;  car  l'un  et  l'autre 
méprisaient,  comme  le  bourdonnement  d'un  insecte,  les  paroles 
injurieuses  (  Anton,  in  Meliss.  ). 

Se  taire  en  présence  de  quelqu'un  qui  vous  insulte,  et  no  ri  n 
répondre  à  celui  qui  vous  provoque,  est  une  victoire  complète,  dit 
Valère-AIaxime  :  Plena  Victoria  est  ad  clcmantem  tacere  3  nec  respon- 
dere  provocanti  { Plutarc.  ). 

En  effet,  l'homme  qui  agit  ainsi  trouve  sa  récompense  et  sa  gloire 
clans  sa  patience  et  dans  la  guérison  du  prochain.  Comme  il  n'y  a 
rien  de  plus  insensé  que  de  répondre  à  ceux  qui  sont  furieux ,  il  n'y 
a  rien  de  plusbeau,  de  plus  utile  que  de  garder  le  silence  lor;:  u'on 
est  provoqué  ;  l'homme  sage  et  prudent  ne  s'émeut  point  de  >  arole- 
injurieuses  qu'on  lui  adresse  :  il  se  rappelle  cette  sentence  d  S;_'nè- 
que  :  Le  blâme  des  méchants  est  une  louange  :  A  raalis  vitupéra  . 
laudari  est  (De  Clementia). 

Saint  Chrysostome  parle  admirablement  de  cette  grandeur  d'ânâe , 
dp  c-tte  victoire  qui  pardonne  les  injures.  Il  enseigne  qu'.l  fauî 
a  acre  son  ennemi,  non  par  la  vengeance  ;  mais  par  la  pat ;  nce ,  le 
mépris  des  outrages  et  des  railleries.  Dans  les  combats  olympiques, 


492  PARDON'  DES  INJURES. 

consacrés  au  démon ,  la  loi  est  de  vaincre  en  faisant  du  mal  à  son 
adversaire  ;  mais  dans  la  Lice  ouverte  par  J.  C. ,  elle  est  bien  diffé- 
rente. Ici,  ce  n'est  pas  celui  qui  frappe  qui  doit  être  couronné, 
mais  celui  qui  est  frappé.  Si  nous  étions  pleins  de  mansuétude,  nous 
serions  invincibles,  et  aucune  offense  ne  nous  atteindrait.  Demandez 
à  votre  ennemi  s'il  ne  souffre  pas  et  s'il  ne  se  regarde  pas  comn.e 
vaincu ,  lorsque  vous  riez  et  que  vous  méprisez  ses  insultes  (4). 

On  demandait  à  Théodose  le  Jeune  pourquoi  il  ne  punissait  pas 
sévèrement,  et  même  de  la  peine  capitale,  ceux  qui  l'outrageaient; 
Plût  à  Dieu ,  dit-il ,  qu'il  me  fût  permis  de  rappeler  les  morts  à  la 
vie,  loin  de  mettre  à  mort  les  vivants!  (Socrat.,  FTist.  eccles.,  lib.YII, 
c.xxii). 

L'âme  où  règne  la  charité  et  la  clémence  ressemble  au  ciel.  Comme 
le  ciel  très-spacieux  embrasse  la  terre ,  l'échauffé  par  les  rayons  du 
soleil,  la  féconde,  l'arrose  de  pluies  bienfaisantes  ,  la  rafraîchit  par 
de  douces  rosées  ;  ainsi  une  âme  élevée  embrasse  dans  sa  générosité, 
sa  douceur  et  sa  charité,  les  habitants  de  toute  la  terre,  les  bar- 
bares, et  ses  ennemis  eux-mêmes;  elle  l'ait  du  bien  à  tous  ceux  à 
qui  elle  peut  en  faire;  elle  arrose  de  sa  miséricorde,  comme  d'une 
pluie  céleste,  les  lieux  les  plus  arides  et  les  plus  affreux,  les  déserts 
remplis  de  ronces  et  d'épines,  c'est-à-dire  les  cœurs  pleins  do  haine 
et  de  vices;  et  elle  en  fait  le  champ  fertile  de  J.  C.  Puis ,  comme  le 
firmament  et  tous  les  astres  conservent  toujours  leur  pureté,  leur 
éclat  et  leur  splendeur,  comme  les  m  plus  noirs,  les  vents  , 
les  tempêtes,  le  tonnerre  et  la  foudre,  ne  peuvent  les  atteindre; 
ainsi  une  âme  grande  et  charitable  est  au-!  sssus  de  toute  offense  et 
de  toute  irritation;  rien  de  tout  cela  n'arrive  jusqu'à  elle 

Sachez  que  rien  n'est  plus  grand,  plus  noble,  plus  glorieux  que 
d'oublier  un  outrage 

Lorsqu'on  vous  frappe  et  qu'on  vous  outrage  ,  dit  saint  Ignace  de 
Loyola,  tenez-vous  ferme  comme  une  enclume:  il  est  d'un  géné- 
reux athlète  d'être  fraj  pé  et  <ie  vaincre  :  Firmiter  durit  asà 
quasi  incus  stato;  gencrosi  athlelœ  est  cœdiet  vincerc  (In  ejus  vit  i). 

Les  offerte?  son!  r  la  vei  tu  .  dit  saint  Grégoire  de 

Nazianzc  ;  les  adversités  la  font  ressortir  et  l'embellissent.  Il  n'y  a 


(1)  In  olympiis  certaminibus diabolo  congecratis  lex  est,  malcfaciondo  vincere;  in 
sUdio  Christ i,  omnitio  lex  est  contraria:  hic  enim,  non  eum  qui  percutit ,  sed  qui 
•  rentitar  coroaari  décrétant  f  st.  Si  mansuetudinem  exl  i  eremus,  essemusoinniboi 
uuuperabiles;  ner  alla  ad  nos  injuria  perveniret.  Roga  inimicuua  an  non  doleat,  an 

non  censcat  se  viclum,  cum  rides,  cum  contemnis  rjus  injurias?  {îhm.ii.  ad  . 


PARDON   DES  INJURES.  493 

rien  de  plus  fort  que  ceux  qui  sont  prêts  à  tout  supporter  :  Virtutis 
materia  est  moiestia,  et  adversis  ornatior  redditur.  Nih.il  est  fortius  Us 
gui  ferre  omnla  parati  sunt  (  Distich.  ). 

Bien  ne  rend  digne  de  respect  comme  de  savoir  supporter  une 
injure,  dit  saint  Chrysostome  :  Nulla  res  œque  facit  venerab'des , 
atque  injuriam  sustinere  (Moral.). 

Dire  qu'il  faut  se  venger  en  pardonnant  et  en  aimant ,  est  regardé 
par  le  monde  aveugle  comme  un  paradoxe,  comme  une  opinion 
folle  et  extraordinaire;  cependant  c'est  la  plus  belle  des  vengeances, 
c'est  une  vengeance  glorieuse  et  divine.  Voilà  comment  J.  C.  s'est 
vengé  du  genre  humain  coupable;  et  comment,  à  leur  tour,  se  sont 
vengés  tous  les  saints. 

Il  n'y  a  pas  de  cœur  aussi  grand,  aussi  noble,  aussi  respecta- 
ble que  celui  qui  est  assez  large  pour  donner  toujours  place  au 
pardon.  11  n'y  a  pas  de  cœur  plus  vil ,  plus  étroit ,  plus  digne  de 
mépris,  que  celui  qui  n'a  jamais  su  pardonner. 

Prêtez  l'oreille  aux  paroles  de  J.  C.  :  Si  vous  remettez  aux  hommes  Avantage»  qne 
leurs  offenses,  dit-il,  votre  Père  céleste  vous  remettra  les  vôtres  ;    . r°n,J h'°"\e 

7  *  '    dans  le  pat  «ou 

mais  si  vous  ne  remettez  pas  aux  autres  leurs  offenses,  votre  Père    des  injures, 
céleste  ne  vous  remettra  pas  non  plus  les  vôtres  (1). 

L'abbé  Jean  disait:  Supporter  les  injures,  c'est  s'ouvrir  la  porte  du 
ciel  :  Porta  cœli  est  injuriarum perpessio  (Vit.  Patr.,lib.  VH^  c.iv). 

Celui  qui  vous  insulte ,  vous  met  dans  le  cas  d'exercé]*  un  acte  de 
granc'  vertu  et  de  grand  mérite  ;  il  vous  fournit  l'occasion  de  rem- 
porter une  victoire  et  de  cueillir  une  couronne  :  ce  n'est  donc  pas 
un  mal  qu'il  vous  fait;  mais  un  bien  qu'il  vous  procure ,  si  toutefois 
vous  savez  prendre  patience.  Voilà  pourquoi  cet  homme  ne  doit  pas 
rencontrer  haine  et  vengeance;  mais  plutôt  amour,  reconnaissance 
et  remerciements.  Ceux  qui  nous  attaquent  de  parole  et  de  fait ,  ne 
sont  pas  des  ennemis,  des  tortionnaires,  mais  des  tresseurs  de 
couronnes  ;  loin  de  nous  nuire ,  ils  nous  servent 

Ceux  qui  supportent  une  offense  avec  résignation ,  demeurent  vic- 
torieux du  démon  ,  qui  a  fait  naître  l'insulte  et  qui  les  pousse  à  la 
colère  et  à  la  vengeance;  de  lïnsulteur,  qui  voit  son  attaque  inutile; 
d'eux-mêmes,  qui  auraient  pu  céder  à  l'envie  de  châtier  leur  adver- 
saire. Us  triomphent  devant  Dieu,   qui  les  récompense  par  de 

(1)  Si  dimiseritis  hominibus  peccata  eorum ,  dimittet  et  vobis  Pater  vester 
cœlestis  delicta  vestra  ;  si  autem  non  dimiseritis  hominibus  ,  nec  Pater  vester 
dimittet  vobis  peccata  vestra  (Matth.  vi.  14.  15J. 


404-  PARDOX  BES  TNJrRES. 

très-gran  les  grâces  et  en  leur  destinant  la  gloire  éternelle;  entin, 
devant  les  auditeurs  et  les  témoins,  qui  admirent  leur  prudence,  leur 
patience,  leur  bonté,  leur  charité,  et  qui  se  sentent  portés  à  les 
imiter 

Nous  devons  tout  souffrir  pour  Dieu,  afin  qu'il  nous  tolère  lui- 
même.  Supportons-nous  les  uns  les  autres  avec  patience,  afin  que 
Dieu  nous  supporte  tous  avec  douceur,  indulgence  et  miséricorde 

Il  est,  dit  saint  Grégoire  de  Nazianze,  il  est  utile  et  avantageux 
d'enchaîner  l'audace  par  la  mansuétude  et  de  rendre  meilleurs  ceux 
qui  nous  offensent  en  supportant  patiemment  ce  qu'ils  nous  font 
endurer:  Utile  est  audaciam  mansuetudine  vinciri,  et  meliorcs  reddere 
injuriant  facienlcj ,  quœ  nobis  in  feruntur  patienter  ferendo  (  Distieh.  ). 

Lorsque  quelqu'un  vous  insulte,  dit  saint  Chrysostomc,  ne  laites 
pas  attention  à  lui,  mais  au  démon  qui  le  pousse,  et  faites  retom- 
ber sur  ce  dernier  toute  votre  colère  ;  quant  au  malheureux  qui 
suit  l'impulsion  du  démon,  ayez-en  pitié  (I). 

Si  je  prends  patience  dans  les  injures,  ditTertullien,  je  ne  souffri- 
rai pas;  et  ne  souffrant  pas,  je  ne  désirerai  pas  de  me  venger  :  Si 
patîentîœ  incubnbo,  non  dolebo;  si  non  dolebo,  ulcjsçi  non  desiderabo 
(De  Patient.,  c.  ix). 

Dieu,  ajoute  ce  grave  auteur,  se  charge  de  garder  ce  que  lui  cpii- 
fîe  la  patience.  Si  vous  lui  donnez  en  dépôt  l'offense  qu'on  vous  a 
faite,  il  en  sera  le  vengeur;  si  le  préjudice  qu'on  vous  a  porté,  il 
le  réparera;  si  la  douleur  qu'on  vous  a  causée,  il  la  guérira,  si  Ja 
mort  soufferte  sans  plainte,  il  vous  ressuscitera  (2). 

Vous  retirez  trois  grands  avantages  de  la  patience  que  vous  mon- 
trez à  ceux  qui  vous  insultent  et  du  pardon  que  vous  leur  accordez  : 
vous  remportez  la  victoire  sur  votre  ennemi ,  vous  édifiez  le  pro- 
chain et  vous  méritez  les  récompenses  du  Seigneur  votre  Dieu.  Ainsi 
Saiil,  touché  d'un  bienfait  de  David,  reconnut  ses  torts  et  lui  dit  : 
Tous  êtes  meilleur  que  moi;  car  vous  m'avez  fait  du  bien,  et  moi 

je  vous  ai  payé  d'ingratitude Si  vous  avez  de  bons    procédés 

envers  votre  ennemi ,  vous  confondez  et  vous  torturez  le   démon , 
qu     -'  l'auteur  de  toute  l'inimitié  que  vous  porte  votre  adversaire. 


H)  Cujn  quis  te  uileu.i.l ,  aolj  ad  i|»>um  nspicere  ,  sed  ad  daemonem  iippellentcm , 
et  iram  totam  in  illum  elTuudito;  illius  uuU-in  miserere,  qui  a  cfsmone  impellitur 
(Homil.  ad  pop.  ). 

(2)  Sequcstcr  palientiac  est  Deus;  si  injuriam  deposucris  pencs  eum.  ullor  est; 
fii  damnum,  restitutor  est;  si  dolorem  ,  medicus  est;  si  mortera  ,  resuscitator  est 
{De  Patient.,  c.  xc). 


PARDON   DES   VNJ.RES.  ':°iû 

Car  noire  charité  et  notre  patim"  !  oarmentent  le  démon,  qui  est 
dévoré  d'envie,  de  malice  etdehain  

La  misérî  :orde  est  reine,  dit  saint  Chrysostome,  vraiment  reine; 
elle  ren  1  \e$  hommes  semblables  à  Dieu  :  Misericordia  regina  est , 
vere  regina, similea  faciens  homines Deo  (Moral.). 

Les  hommes  cruels  et  sans  pitié  sont  exposés  à  la  vengeance  dç 
chacun;  à  chaque  pas  ils  ont  à  craindre  leur  ruine,  parce  que  leur 
iniquité  les  précède,  et  que  la  haine  de  Dieu  et  des  hommes  les  pour- 
suit; au  contraire,  les  hommes  de  miséricorde,  ceux  qui  savent 
I  mner,  n'ont  à  craindre  ni  injure  ni  violence,  parce  que  leur 
douceur,  la  grâce  de  Dieu  et  l'amitié  du  prochain  les  précèdent, 
les  accompagnent  et  les  suivent 

I'  utez  J.  G.  :  Moi  je  vous  dis  :  Aimez  vos  ennemis,  faites  du  bien 
à  ceux  qui  vous  haïssent,  et  priez  pour  ceux  qui  vous  persécutent  et 
vous  calomnient  ;  afin  que  vous  soyez  les  enfants  de  votre  Père  qui 
pst  dans  les  cieux.  qui  fait  lever  son  soleil  sur  les  bons  et  sur  les 
m  '  ihanfô,  et  descendre  la  pluie  sur  les  justes  et  sur  les  injustes  : 
car  si  vous  n'aimez  que  ceux  qui  vous  aiment,  quelle  récompense 
en  aurez-wus?  Les  publicains  aussi  ne  le  font-ils  pas?  Et  si  vous  ne 
>z  que  vos  frères,  que  faites-vous  de  plus  que  tous  les  hommes? 
Les  païens  ne  le  font-ils  pas?  Soyez  donc  parfaits,  comme  votre  Père 
g  cieux  (--.a'.1  11.  y,  44-48). 

hje  haie  son  frère  est  ho  mie  H  e,  dit  l'apôtre  saint  Jean  :  Omnis  Ne  Tioint  nar- 
gui  odit  frairem  suum,  homicida  est  (I.  ni.  -15).  Il  le  tue  dans  son  cœur  011^rime.  uu 
en  i  en  expulsant,  et  en  lui  souhaitant  du  mal 

La  haine  du  prochain  ne  peut  habiter  avec  l'amour  de  Dieu  :  Si 
quelqu'un  dit  :  J'aime  Dieu,  et  qu'il  haïsse  son  frère,  ajoute  le  même 
apôtre,  il  est  menteur;  car  s'il  n'aime  point  son  frère  qu'il  voit, 
comment  peut-il  aimer  Dieu  qu'il  ne  voit  pas?  (1) 

L'homme  haineux  est  très-coupable,  dit  saint  Basile  (HomiL). 

Ne  point  pardonner  est  un  péché  tel,  que  si  nous  ne  pardonnons  pas,    rjjeu  agjra  à 

Dieu  ne  nous  pardonnera  pas.  Et  pardonner  est  un  acte  si  méritoire    notre  e?ard 
1  ri  comme  bous 

qu'en  l'accomplissant  nous  sommes  sûrs  du  pardon.  Dieu  agit  à  notre     aurons  agi 

.  .  .     .         ,  envers  le 

egar  l  comme  nous  agissons  envers  notre  prochain  :  lorsque  nous      prochain. 

pardonnons,  Dieu  nous  pardonne;  lorsque  nous  nous  vengeons.  Dieu 

(1)  Si  quis  dixerit  quoniam  diligit  Deum,  et  fratrem  suum  oderit ,  mendax  est. 
Qui  enim  non  diligit  fratrem  suum  quem  videt,  Deum  queni  non  videt  quomodo 
potest  diligere?  (I.iv.  20.) 


496  PARDON   DES   1XJUBES. 

se  venge.  Dieu  nous  a  ainsi  laissé  le  choix  du  jugement  qui  devait 
nous  être  appliqué  :  doux,  si  nous  pardonnons;  inexorable,  si  nous 
conservons  de  la  haine  contre  nos  ennemis 

J.  C.  le  dit  expressément  :  Si  vous  remettez  aux  hommes  leurs 
offenses,  votre  Père  céleste  vous  remettra  les  vôtres;  mais  si  vous  ne 
remettez  pas  aux  autres  leurs  offenses,  votre  Père  céleste  ne  vous 
remettra  pas  non  plus  les  vôtres  (Matth.  vi.  44.  15). 

Méchant  serviteur,  dit  dans  l'Evangile  le  maître,  ou  plutôt  J.  C, 
méchant  serviteur,  je  t'ai  remis  toute  ta  dette,  parce  que  tu  m'en  as 
prié.  Comme  j'ai  eu  pitié  de  toi,  ne  devais-tu  pas  avoir  pitié  de  ton 
compagnon?  Et  le  maître  irrité  le  livra  aux  exécuteurs,  jusqu'à  ce 
qu'il  payât  toute  sa  dette.  Ainsi  vous  fera  mon  Père  céleste,  conclut 
J.  C,  si  chacun  de  vous  ne  remet  de  cœur  à  son  frère  ce  que  son  frère 
lui  doit  ;  Sic  et  Pater  meus  cœlestis  faciet  vobis,  si  non  remiseritis 
unusquisque  fratri  suo  decordibus  vestris  (Matth.  xvm.  34.  35). 

On  vous  mesurera  avec  la  mesure  dont  vous  vous  serez  servi  envers 
les  autres,  dit  J.  G.  :  In  qua  mensura  rnensi  fueritis,  remetietur  vobis 
(Matth.  vu.  2). 

Tn  jugement  sans  miséricorde  attend  celui  qui  n'a  point  fait  misé- 
ricorde, dit  l'apôtre  saint  Jacques  :  Judicium  sine  miseiicordia  illiqui 
non  fecit  miserieordiam  (n.  13). 

Celui  qui  veut  se  venger,  dit  l'Ecclésiastique,  rencontrera  la  ven- 
geance du  Seigneur  qui  tiendra  en  réserve  les  péchés  qu'il  aura  com- 
mis: Qui  vindicari  vult,  a  Domino  inveniet  vindictam  ;  et  peccataillius 
servans  servabit  (xxvm.  4  ). 

Pardonne  à  ton  procnain  qui  te  nuit,  dit  encore  l'Ecclésiastique,  et 
quand  tu  prieras  tes  péchés  te  seront  remis  :  Relinque  proximo 
nocenti  te;  et  tune  deprecanti  tibi peccata  solverttur  (xxvm.  2). 

Dieu  ne  pardonne  pas  à  celui  qui  ne  pardonne  pas  à  s^n  prochain  : 
la  haine  est  donc  un  crime 

Celui  qui  ne  Si  nous  conservons  de  la  haine,  nous  prononçons  notre  condamna- 
pard0mfamn?  tluu  ^ans  *e  ^ater  (Sae  nous  récitons  tous  les  jours.  Seigneur, 
Uù-mtae.  disons-nous ,  pardonnez-nous  nos  offenses,  comme  nous  pardon- 
nons à  ceux  qui  nous  ont  offensés  :  D'uni '/te  nobis  débita  nostra,  sicut 
et  nos  dimitttmus  debitoribus  nostris  (Mattii.  vi.  12).  Si  donc  nous  ne 
pardonnons  point,  Seigneur,  ne  nous  pardonnez  pas.  Serviteur 
méchant,  je  te  juge  par  ta  propre  bouche,  dit  J.  C.  :  Ex  ore  tvn  t§ 
judico,  serve  nequam  (Matth.  \vm.  32  i. 

Qiifi  personne,  exerçant  ses  mi  .àtié*,  n'ait  a*st;z  d'auiaco  iwu* 


PARDON  DES  INJURES.  497 

s'approcher  de  Dieu  afin  de  le  prier,  dit  saint  Chrysostome  :  Nemo 
adeo  audax  sit  ut ,  inimicitias  exercens }  ad  Leum  pergat  orandum 

(Moral.). 

L'homme ,  dit  l'Ecclésiastique,  garde  sa  colère  contre  l'homme , 
et  il  demande  à  Dieu  sa  guérison.  Il  n'a  pas  pitié  d'un  homme  sem- 
blable à  lui,  et  il  intercède  pour  ses  propres  péchés.  Lui  qui  n'est  , 
que  chair  garde  sa  colère ,  et  il  implore  la  clémence  de  Dieu.  Qui 
priera  pour  les  péchés  qu'il  a  commis  ?  (1) 

La  haine  est  à  juste  titre  comparée  à  l'abeille  qui,  pour  se  venger, 
enfonce  son  aiguillon  dans  le  corps  de  celui  qu'elle  poursuit,  et  qui, 
ne  pouvant  le  retirer,  perd  son  aiguillon  et  la  vie.  Ainsi  celui  qui  se 
refuse  à  pardonner,  murmure,  fait  du  bruit,  s'agite  et,  pour  se  ven- 
ger et  blesser  son  prochain,  se  blesse  lui-même  le  premier,  donnant 
la  mort  à  son  âme  par  le  péché  mortel.  Le  Prophète  royal  avait  en 
vue  cette  ressemblance  lorsqu'il  disait  :  Ils  se  sont  jetés  sur  moi 
comme  un  essaim  d'abeilles  :  Circumdederunt  me  sicut  apes  (gxyii.  12). 


Combien  est  éloigné  de  la  vertu  mère  du  pardon,  le  vulgaire  des    Aveuglement 

1  méchaiicel 
ie  celai  qui 
se  refuse  à 
pardonner. 


hommes!  disait  le  bienheureux  Thomas  Morus.  La  plupart  d'entre  ^JJÏÏÏiïï* 
eux  inscrivent  les  bienfaits  sur  le  sable,  et  gravent  les  offenses  sur     fl^f^f 
le  marbre!  Quam  longe  ab  hac  virtute  abest  vidgus  hominum ;  bénéficia 
mdecri,  rnalefïcia  marmori  insculpunt!  (  In  ejus  vita.  ) 

Celui  qui  dit  être  dans  la  lumière  (delà  raison,  deTEvangue,  ae 
la  foi,  de  la  grâce),  et  qui  hait  son  frère,  est  encore  dans  les  ténè- 
bres, dit  l'apôtre  saint  Jean.  Celui  qui  aime  son  frère  (et  qui  lui  par- 
donne ses  offenses),  demeure  dans  la  lumière,  et  il  n'y  a  point  de 
sujet  de  chute  en  lui.  Mais  celui  qui  hait  son  frère,  est  dans  les 
ténèbres  et  il  marche  dans  les  ténèbres,  et  il  ne  sait  où  il  va,  parce 
que  les  ténèbres  ont  aveuglé  ses  yeux  (2). 

Si  vous  avez  commencé  à  être  un  homme  de  lumière  ,  dit  sain 
Cyprien,  conduisez-vous  comme  il  appartient  à  un  disciple  du  Chrisl , 
car  le  Christ  est  lumière  et  jour.  Pourquoi,  vous  abandonnant  à 
l'aveuglement  de  la  haine,  éteignez-vous  en  vous  toute  lumière  de 

(1)  Homo  homini  réservât  iram,  et  a  Deo  quœrit  medelam?  In  hominem  similem 
sibi  non  habet  raisericordiam  ,  et  de  peccalis  suis  deprecatur?  Ipse  cum  caro  fit. 
réservât  iram,  et  propitiationem  petit  a  Deo?  quis  exorabit  pro  delictrè  illius* 
lixrm.  3-5.  ) 

(2)  Qui  dicit  se  in  luce  esse  ,  etfratrem  suum  odit ,  in  tenebris  est  usque  aJhuc. 
Qui  diligit  fratrera  suum  ,  in  lamine  îuanet,  et  scandalumin  eo  non  es'.  Qui  aulem 
Odit  fràtrcni  suum,  in  tenebris  e;  .  et  in  tenebris  ambulat ,  et  nescit  u..o  eat  ;  quia, 
tenei  .  uit  ooulos  ejus  (  I.  il.  9-11). 

m.  sa 


4,y*  PARDON  DES  INTCBES. 

paix  et  de  charité?  Pourquoi  retournez-vous  au  démon  auquel  vous 
aviez  renoncé?  Pourquoi  ressemblez-vous  à  Caïn?  (1) 

Comme  celui  qui  a  la  charité  a  Dieu  en  lui,  ainsi  celui  qui  a  la 
haine  a  le  démon  en  lui,  dit  saint  Basile  :  Sicut  qui  caritaiem  Imbet, 
Dev.m  in  se  habet;  ita  qui  odium  habet,  dœmonium  in  se  continet  (Homil. 
inEpist.  S.  Joann.). 

Celui  qui  hait  son  frère  marche  dans  les  ténèbres,  et  il  ne  sait  où 
il  va.  Car,  dit  encore  saint  Cyprien,  sans  le  savoir,  il  va  dans  l'enfer. 
Ignorant  et  aveugle,  il  court  au  châtiment;  et  cela  parce  qu'il  s'éloi- 
gne de  la  lumière  du  Christ  qui  l'avertit  et  qui  lui  dit  :  Je  suis  la 
lumière  du  monde;  celui  qui  me  suit  ne  marche  point  dans  les  té.iè- 
àres,  mais  il  aura  la  lumière  de  vie  (2). 

Il  est  certain  qu"il  n'y  a  pas  de  vice  qui  égare  Ja  raison  et  qui  rende 
l'homme  méchant,  comme  la  colère,  la  jalousie  et  la  haine 

C'est  l'aveuglement  spirituel  et  la  méchanceté  du  cœur  qui  sont 
les  vraies  causes  des  injures  que  l'on  l'ait,  et  du  refus  de  pardonner 
celles  que  Ton  a  reçues. 

Ut  a  honte  et  Ecoutez  Aristote  :  Comme  il  est  d'un  estomac  faible,  dit-il,  de  ne 
à  ne  point      pouvoir  digérer  des  aliments  plus  lourds  que  ceux  au     u       l  est 

pardonner  et  accoutUmé;  ainsi  il  est  d'un  esprit  faible  et  bas  de  ne  pouvoir  sup- 
porter une  parole  un  peu  dure  :  Sicut  enim  debilis  stomac/ti  est, 
cibum  duriorem  non  posse  concoquerc  :  ita  pusillanimi  est,  verbum 
duriusculum  non  passe  suslinere  (Lib.  IV,  c.  m). 

Quoi!  dit  saint  Augustin,  tant  d'hommes,  de  femmes,  d'enfants, 
de  nobles  et  délicates  vierges,  ont  supporté  avec  égalité  d'âme  d'être 
jetés  dans  le  feu  ou  exposés  aux  bêtes,  et  nous  disons  que  nous  ne 
pouvons  supporter  les  injures  des  hommes.  Je  ne  puis  comprei  dre 
de  quel  front,  avec  quelle  nce  nous  désirons  avoir  part,  en 

c  .inpagnie  de  tous  les  saints,  à  l'éternelle  béatitude,  nous  qui  nous 
«•efusons  à  imiter  leurs  exemples  dans  les  moindres  choses  (3) . 

(1)  Si  homo  lucisesse  crepisti,  qu-e  sunt  Chri?ti,  ;rerc  :  quia  lux  et  dies  Christus 
est.  Quid  imiili  i  meti  exslinguis?  Qnid  ad  dia- 
bolum  cui  renuntiaveras,  redis  ?  Quid  Caln  similis  existis?  [De  Unit.  Ec 

(2)  Illc  enim  ii  hennam,  ignarus  et  cœcus  in  pœnam,  recédées  prilirct 
a  Cbrisli  lumine,  monentis  :  I  i  sum  lux  mundi  ;  qui  sequitur  me,  qod 
ambulat  in  tenebris,  sed  habebit  lumen  vit;c  (  De 

(3)  Tôt  \iri,  lot  mu  .  liante  el  ara  del  i al  c  puella?,  flnmmas  ,  et  iernes, 
etbeslias  œquanimiler  pertulerunt ;  et  nos  hominum  con\icii  dicimus  toléra  i 
pos«e.  Undc,  di                     inte,  nec  qna  conscient»,  cum  omnibus  sani  I 

nabealitndine  habere  dcsidcranius ,  quorum  excmpla  sequiiu  rébus  uiiuiuiiJ 
aou  acquiescuuus  1  (  Scrm.  lxi  de  Temp.) 


faucon1  des  rxjrnrs.  499 

Être  fort  pour  nuire ,  c'est  avoir  la  puissance  de  la  peste ,  dit 
Sénèque  :  Pestifera  vis  est  vale?*e  ad  nocendum  (Lib.  I  de  Clément.  ). 
En  voulant  montrer  qu'il  ne  mérite  pas  une  injure,  celui  qui  ro 
laisse  promptoment  émouvoir  par  elle  prouve  qu'il  la  mérite,  dit  saint 
Ambrpise.  Celui  donc  qui  méprise  une  injure,  est  plus  estimable  que 
celui  oui  s'en  plaint.  Car  celui  qui -la  méprise ,  la  dédaigne  comme 
s'il  ne  la  sentait  pas;  tandis  que  celui  qui  s'en  plaint  montre  par  là 
qu'elle  fait  son  tourment  (1). 

Dans  les  injures  et  les  outrages,  le  vainqueur  est  plus  faible  et 
plus  misera1  (loque  le  vaincu,  dit  saint  Basile;  car  il  sort  de  la  lutte 
plus  chargé  de  péchés  (lie gui.  Brevior.  clxxvi). 

11  vaut  mieux,  dit  saint  Grégoire  de  Nazianze,  être  vaincu  en  con- 
servant la  décence,  que  de  vaincre  avec  danger  et  injustice.  Ceux 
qui  aiment  les  disputes  cherchent  leur  gloire  dans  une  chose  évi- 
demment mauvaise,  et  ils  se  glorifient  de  leur  déshonneur  (2). 

L'homme  impatient,  haineux,  vindicatif,  est  si  faible,  qu'il  est 
vaincu,  1°  par  une  injure...  ;  2" par  celui  qui  la  lui  adresse...;  3°  par 
la  colère...  ;  4° par  le  démon...;  5°  parles  témoins  de  sa  lâcheté,  qui 
le  blâment  et  le  condamnent...;  6°  par  Dieu,  qui  l'abandonne  et 

qui  le  destine  à  subir  des  peines  éternelles 

Nul  n'est  plus  fort  que  celui  qui  est  résolu  de  tout  souffrir,  dit 
saint  Grégoire  de  Nazianze.  Mais  aussi,  nul  n'est  plus  faible  ,  plus 
lâche  que  celui  qui  ne  peut  rien  supporter,  pas  même  une  parole 
(Jjislich.). 

Si  vous  vous  emportez  contre  celui  qui  vous  injurie,  dit  saint 
Basile,  vous  prouvez  que  vous  méritez  l'outrage  qui  vous  est  fait. 
Car  qu'y  a-t-il  de  plus  insensé  que  la  colère  ?  Mais  si  vous  demeurez 
calme,  vous  couvrez  de  honte  celui  qui  vous  insulte  (3). 

Oh!  qu'insulté ,  Dieu  se  conduit  bien  autrement  que  les  hommes  ! 
L'homme  prépave  la  vengeance;  Dieu  prépare  le  pardon  etlarécon- 
ciliation. L'homme  sévit  pour  perdre;  Dieu,  pour  corriger  et  sauvée 
L'homme  obéit  à  la  passion,  à  la  colère,  à  la  haine;  Dieu  agit  sans 
émotion  et  par  raison.  L'homme  se  venge;  Dieu  exerce  sa  justice,  sa 

(1)  ls  qui  cifo  injuria  movetur,  facitso  dignum  videri  contumelia,  dum  vult  ea 
indignus  probari.  Melior  est  itaque  qui  contenmit  injuriant  quam  qui  dolet  :  qui  enim 
conlemnit,  quasi  non  sentiat ,  ita  despicitj  qui  autem  dolet,  quasi  seuserit,  torque  - 
tur  (Lib.  I  Offic,  c  xxvi  ). 

(2)  Procstat  honeste  vir.ci ,  quam  periculose  et  injuslc  vincere.  Qui  ingenio  simt 
bèllicoso  ,  gloriam  suam  ex  publico  malo  \cnantur,  et  dedecore  suo  gloriantur  {In, 
Distich.). 

(3)  Si  irasceris  convicianti,  convicia  approbasli.    Quid   enim  ira  ins;pienti;. 
•vero  b9h1  moveris  ùrajn,  injuriait!  fauetiUnipudoieaùccisti  ^InReyul.  ùiev.cixxvi). 


500  PARDON  DES  INJURES. 

clémence,  sa  douceur.  L'homme  agit  promptement  et  en  aveugle; 
Dieu  agit  lentement  et  avec  intelligence.  L'homme  ne  pèse  ni  ce 
quïl  dit.,  ni  ce  qu'il  fait;  Dieu  opère  avec  poids  et  mesure. 

puoi  "et  mal-  LES  Posées  de  l'homme  haineux  et  irrité  ressemblent  aux  petits  de 

heureux  est    ja  vjpère,  qui  rongent  les  entrailles  de  leur  mère,  dit  saint  Jérôme  :  v 

I  homme  qui  r  * 

ne  pardonne    Irati  hominiscogitationes ï^artus  sunt  viperœ,  visccramatriscorrodentcs 

ra'"  (Epist.). 

L'homme  qui  insulte ,  et  celui  qui  ne  peut  supporter  l'outrage, 
sont  l'un  et  l'autre  torturés  par  l'injure,  la  colère,  la  jalousie,  la 
haine,  les  projets  de  vengeance,  enfin  par  le  démon;  ils  sont  détestés 
de  Dieu  et  des  hommes 

Méprisant  l'humilité,  les  hommes  haineux,  dit  saint  Augustin  , 
veulent  se  venger,  comme  si  le  mal  d'autrui  pouvait  être  utile  à  qui 
que  ce  soit.  Celui  qui  a  été  lésé ,  offensé,  veut  se  venger;  il  cherche 
un  adoucissement  à  sa  peine  dans  le  mal  d'autrui,  et  s'attire  un 
grand  tourment.  Vous  pensez  que  c'est  beaucoup  que  de  vous  venger 
de  votre  ennemi;  mais  si  vous  voulez  absolument  vous  venger  d'un 
ennemi ,  tournez-vous  du  côté  de  votre  colère;  car  elle  est  vraiment 
votre  ennemie,  elle  qui  tue  votre  âme.  Voilà  pourquoi  vous  devez 
prier  Dieu,  afin  qu'il  fasse  périr  non  votre  ennemi,  mais  votre 
inimitié:  agir  ainsi  est  une  sainte  vengeance  (1). 

Se  venger  en  se  donnant  un  plaisir  cruel,  c'est  imiter  les  démons, 
qui  nous  l'ont  du  mal  autant  qu'ils  peuvent  par  pure  méchanceté. 
Mais  comme  le  vain  plaisir  qu'ils  trouvent  à  nous  persécuter  et  à 
nous  rendre  malheureux  n'adoucit  pas  leurs  supplices;  de  même 
le  plaisir  que  l'homme  vindicatif  puise  dans  la  haine  et  dans  Ja  ven- 
geance n'adoucit  pas  ses  maux  et  ses  tourments;  au  contraire,  il 
ne  fait  que  les  augmenter 

Il  n'est  pas  d'hommes  aussi  malheureux  que  ceux  qui  ne  veulent 
pas  pardonner.  La  vue  de  leur  ennemi  les  torture;  penser  à  lui  est 
un  supplice.  Si  quelqu'un  loue  cet  ennemi ,  ou  l'estime,  ou  l'aide , 
cela  les  rend  malades  d'envie  et  de  fureur;  s'il  prospère,  sa  prospé- 
rité les  tue.  ils  n'ont  jamais  de  repos  :  leur  conscience  les  fatigue, 


(1)  Caru  humiliari  dedignantur  ,  vindicari  volunt,  quasi  pœna  cuique  pro 
possit  aliéna:  lœsus ,  injuriant  passas ,  vindicari  vult  ;  de  aliéna  pœna  sibi  g 
m  idicamenlum,  et  acquirit  grande  tormentum.  Magnum  aliqui  i  pulas,  si  te  de  loi- 
mico  tno  vindicas;  sol  site  vis  vindicare  de  inimico  tuo,ad  ipsam  iram  le  con  verte; 
qaoniam  ipsa  est  initnica  tua.  qv  e  occi  litanimam  tuam.  Quarc  orandus  i 
occidat,  non  iuiiiiieuin,  sed  inimicitiam  :  l'^c  enim  estsancta  vindicta  (  ■ 


PARDON  DES  ÏKJÏÏRES.  r>0  ï 

leurs  crimes  sont  toujours  présents  à  leurs  yeux,  la  justice  de  Dieu 
les  poursuit,  l'image  de  leur  ennemi  les  accompagnera  haine  et  l'in- 
dignation publiques  s'attachent  à  eux;  ils  se  harcèlent  eux-mêmes 
comme  s'ils  se  détestaient,  les  démons  les  entourent;  en  un  mot,  ils 

trouvent  l'enfer  dès  ici-bas 

Celui  qui  cherche  à  l'aire  du  mal  à  son  prochain  ne  lui  nuit 
en  rien,  dit  saint  Chrysostome;  mais  il  se  prépare  un  trésor  de 
tourments  qui  ne  finiront  jamais.  Les  frères  de  Joseph,  en  le  per- 
sécutant ,  l'ont  couvert  de  gloire ,  et  se  sont  accablés  eux-mêmes 
d'ignominie  (1). 

Ne  vous  vengez  point  vous-mêmes ,   bien-aimés ,  dit  le  grand  n  faut  laisse? 
Apôtre  aux  Romains,  mais  laissez  agir  la  coière  de  Dieu;  car  il  est  leJ^lenous 
écrit  :  A  moi  la  vengeance ,  et  je  l'accomplirai,  dit  le  Seigneur  :       venger. 
Non  vos  defendentes ,  carissimi ,   sed  date  locum  irœ;  scriptum  est 
enim  :  Mihi  v indicta ,  ego  rétribuant ,  dicit  Dominus  (xii.  19).  Mais^ 
continue  l'Apôtre,  si  votre  ennemi  a  faim,  donnez-lui  à  manger; 
s'il  a  soif,  donnez-lui  à  boire;  car  en  faisant  cela,  vous  amasserez 
des  charbons  de  feu  sur  sa  tête  :  Sed  si  esurierit  inimicus  tuus,  ciba 
illum;  si  sitit ,  potumdailli  :  hoc  enim  faciens,  carbones  ignis  congères 
super  caput  ejus  (Rom.  xii.  20  ).  Laissez  agir  la  colère  de  Dieu,  c'est- 
à-dire  gardez  le  silence  ,  cédez  à    .l'homme  emporté ,   souffrez 
patiemment  ses  offenses,  pardonnez -lui,  dilatez  votre  cœur  pour 
y  faire  entrer  la  charité ,  et  si  votre  ennemi  ne  profite  pas  de  l'exemple 
que  vous  lui  donnez ,  il  aura  à  répondre  à  Dieu  de  sa  conduite. 

C'est  à  moi  qu'appartient  la  vengeance,  et  je  l'accomplirai,  dit  le 
Seigneur  :  Mea  est  ultio  ;  et  ego  retribuam  (Deuter.  xxxn.  35). 

Quoi  que  vous  ayez  souffert ,  dit  Platon,  vous  ne  devez  jamais 
user  d'insultes  ni  vous  venger  :  Nullo  modo  injuriandum  est ,  neque 
ulciscendum,  quidcumque  ipse  passus  fueris  (De  Legibus). 

Ne  dites  point,  je  me  vengerai;  mais  attendez  le  Seigneur,  et  il 
vous  délivrera,  disent  les  Proverbes  :  Ne  dicas  :  Reddam  malum; 
ezspecta  Dominum,  et  liber abit  te  (xx.  22).  Ne  dites  point  ni  de 
|  'e  ni  de  vive  voix:  Je  me  vengerai;  car,  rendre  le  mal  pour 
I  al,  ce  n'est  pas  un  acte  de  justice,  mais  de  vengeance  ;  acte 
défendu  par  le  droit  et  par  toutes  les  lois.  Il  faut  repousser  l'injure 


(1)  Qui  proximum  affligera  tentât,  illi  qu'idem  nihil  tiocet;  sibi  r.r.'rm  immortalia 
iormenta  thesaurizai.  Fralrcs  persequendo  Joseph ,  ipsum  £  seipsos  ignominis 

aflecenmt  (  In  Psal.  ). 


502  PAltDON  DES  HS'JTIVES. 

avec  le  bouclier  de  la  patience ,  et  non  par  le  trait  de  la  ven- 
geance  

Attendez  le  Seigneur,  et  il  vous  délivrera.  Cela  signifie  que  l'offensé 
doit  désirer  sa  délivrance,  mais  non  le  châtiment  du  provocaîeur. 
Cela  veut  dire  aus?i  que  l'homme  insulté,  blessé,  doit  recourir, 
non  à  ses  amis,  ni  à  lui-même,  ni  à  des  gens  armés  ,  mais  à  Dieu  ;  ne 
voir  que  Dieu,  mettre  en  lui  seul  sa  confiance,  et  attendre  de  lui  sa 
délivrance.  Il  doit  embrasser  la  croix  de  tout  son  cœur  ,  et  l'appliquer 
sur  ses  blessures  comme  un  remède  très-efficace.  J.  C.  est  toujours 
prêt  à  venir  au  secours  de  celui  qui  est  affligé,  et  qui  l'invoque 
conformément  aux  paroles  du  Psalmiste  :  Comme  le  serviteur  tient 
les  yeux  attachés  sur  son  maître,  une  servante  sur  sa  maiti 
ainsi  mes  regards  sont  fixés  sur  le  Seigneur  notre  Dieu,  jusqu'à  co 
qu'il  ait  pitié  de  nous  (1). 

Voyez  avec  quelle  attention  et  quelle  persévérance  le  chien  regarde 
son  maitre  et  se  tient  près  de  lui,  lorsqu'il  est  à  table,  attendant 
patiemment  que  celui-ci  lui  donne  à  manger;  regardez  aussi  Jésus, 
ne  le  quittez  pas ,  et  il  vous  accordera  toutes  les  grâces 

Quand  votre  ennemi  tombe,  disent  les  Proverbes,  ne  vous  réjouis- 
sez pas  de  sa  ruine  et  que  votre  cœur  ne  tressaille  pas  de  joie.  Ne 
dites  pas  :  Je  lui  ferai  comme  il  ma  fait;  moi  le  Seigneur,  je  rendrai 
à  chacun  selon  ses  œuvres  (2). 

Il  font       Pierke  s'approchant  de  Jésus ,  lui  dit  :  Seigneur ,  si  mon  frère  pèche 
toujoursTet    contre  moi,  combien  de  fois  lui  pardonnerai-je?  jusqu'à  sept  i' 

nonseu"oment  ^é5US  lui  ^  ''  Je  ne  vous  ^S  PaS   JUSlIu'a  seljt  ioii >  m;us  jttflJU'à 
"-      septante  fois  sept  fois  (3). 

remml,  mais        AT  *     .  ,  ,  .  ...  .  ,    ,     ,,  ... 

de  cœur.  I>e  soyez  pas  vaincu  par  le  mal ,  dit  le  grand  Apôtre,  mais  triom- 
phez du  mal  par  le  Licrî  :  NoK  vinci  a  molo ,  sed  vince  in  iono  malum 
(  lîom.  xu.  21  ).  Il  ne  triomphe  pas  du  mal  par  le  bien  celui  qui  n'est 
bon  qu'en  apparence,  dit  saint  Augustin, et  qui  est  mauvais  au  fond; 
celui  qui  épargne  d'action,  et  qui  gévit  de  cœur;  celui  qui  a  la  main 

(I)  Sicut  oruli  servorum  in  manions  clominonim  suorum  ,  sicut  oculi  ftacillffi  in 
mauibus  domina:  sua;;  ita  oculi  nosiri  ad  DoininumDcum  îioslrum,  doiiociniscrealur 
nostri  (cxxn.  2). 

(2,  Cum  cccidcrit  inimirus  tnus,  ne  gaudeas  ;  et  in  ruina  pjusne  cxsnltnt  cor  tuum. 
Ne  dieu  :  Qaomodo  fecit  mihi,  sic  faciam  ci  :  reddam  uniquique  secundam  opus 
suum  (xxiv.  17.  29). 

(3)  Accodens  Pclrus  ad  cnm,  dixit  :  Domine,  qnolies  peccabit  in  me  ïr 
■tdimitlam  .i?  Dsque  septies?   Dicit  itli  Jésus  :  Non  dico  tibi  usque  I 

Usquc  leptaagies  Beptici  (.MovUh.  xviii.  21.  21). 


PARDON  DES  INJURES.  503 

douce,  et  la  volonté  cruelle  (1).  Tel  est  l'homme  qui  cache  par  hypo- 
crisie  sa  haine  et  ses  désirs  de  vengeance.  Le  pardon  qui  ne  part  pa3 
du  cœur  ne  vaut  rien,  pas  plus  que  le  repentir  qui  n'existe  que  sur 
les  lèvres 

Le  pardon  doit  à  la  fois  exister  dans  le  cœur ,  et  se  manifester  à 
l'i  .'rieur  par  la  réconciliation.  Le  pardon  extérieur  est  nécessaire 
l'édification  du  prochain;  et  le  pardon  intérieur  pour  satisfaire 
à  Dieu  qui  sonde  les  reins  et  les  cœurs.  Dieu  exige  l'un  et  l'autre. 
Pardonner  intérieurement,  sans  vouloir  pardonner  extérieurement, 
c'est  scandale  ;  pardonner  extérieurement,  sans  pardonner  de  cœur, 
c'est  hypocrisie. 

Celui  qui  cache  dans  son  cœur  le  souvenir  des  injures ,  dit  saint 
Ephrem ,  ressemble  à  celui  qui  nourrit  un  serpent  dans  son  sein;  il 
se  fait  plus  de  mal  qu'il  n'en  fait  aux  autres  (2). 

11  va,  dit  saint  Augustin ,  plusieurs  espèces  d'oeuvres  de  miséri- 
corde qui,  employées,  nous  sont  d'un  grand  secours  pour  obtenir 
le  pardon  de  nos  péchés  ;  mais  il  n'y  en  a  pas  de  plus  grande  que  de 
pardonner  de  tout  son  cœur  les  offenses  reçues  (3). 

AccoiiDEZ-vors  promptement  avec  votre  adversaire,  pendant  que  nnef*»it  pus 

vous  cheminez  avec  lui  ;  de  peur  que  votre  adversaire  ne  vous  livre  j   différer 

'        u         -1  de  paruoancr. 

au  juge,  que  le  juge  ne  vous  livre  à  l'appariteur,  et  que  vous  iis 
soyez  jeté  en  prison,  dit  J.  C.  Je  vous  le  déclare  en  vérité,  vous  n'en 
sortirez  point  que  vous  n'ayez  rendu  jusqu'au  dernier  quadrant  (i). 
Que  le  soleil  ne  se  couche  point  sur  votre  colère,  dit  saint  Paul  : 
Sol  non  occidat  super  iraeundiam  vestram  (Ephes.  iv.  26).  Ces  paroles 
signifient  qu'il  faut  promptement  réprimer  sa  colère,  et  que  le  par- 
don des  offenses  ne  doit  pas  se  faire  attendre.  Que  le  soleil  ne  se 
couche  pas,  c'est-à-dire  que  J.  G. ,  qui  est  le  vrai  soleil,  ne  dispa- 

8  pas  avant  crue  vous  ayez  pardonné 

I  Augustin  :  Que  le  soleil,  dit-il,  ne  se  couche  pas  sur 
votre  colère,  de  peur  que  J.  G.  n'abandonne  votre  âme;  car  J.  C.  ne 

(4]  Non  \incit  in  bono  malum  ,  qui  in  superficie  bonus  est,  et  in  alto  malus;  opère 
parcens,  eorde  saeviens;  manu  mitis,  roluntate  crudelis  [Sentent,  ccxlvii). 

Qui  inemoriana  irijuriarum  abscondit  in  corde  suo  ,  similis  est  ei  qui  in  sinu 
suo  serpentera  nutrit;  inique  sihi  magis  quam  alii-  nociturum  (  D<;  Tint.  I 

ulta  sunt  gênera  miscrationum,  quœ  cura  facimus,  adjuvamur  ut  dimilfantur 
nobis  uo.-tra  peccata;  sed  eanihilest  uiajus  qua  ci  corde  dimitlimus  quae  quisquo. 
pecciMi  ( .-  U  Temp.). 

(4,  li'sto  consentions  adversario  tuo  cilo  dnm  ps  in  via  cum  eo  ;  ne  forte  (radat  te 
adversarius  judici,  et  judex  tradat  ministro,  et  incarcerem  mitlaris.  Amen  dico  libi, 
non  exics  iiule,  donec  reddas  novissinium  quadrantem  (  Matth.  v.  23.  26). 


$04  PARDON  DES  INJURES. 

veut  pas  habiter  avec  la  colère  et  la  haine.  Chassez-les  de  votre  cœur, 
avant  que  la  lumière  visible  disparaisse,  de  peur  que  J.  C, 
lumière  invisible,  ne  vous  abandonne  (1). 

Ti  faut  faire    gr  offrant  votre  don  à  l'autel,  dit  J.  C. ,  vous  vous  souvenez  que 

les   premières  .  ,  ,   .  .        ,  . 

'marches  de  votre  irère  a  quelque  chose  contre  vous,  laissez  votre  don  devant 
réconciliation.  j'autel,  et  allez  d'abord  vous  réconcilier  avec  votre  frère;  et  après 
vous  viendrez  offrir  votre  don  (2).  J.  C.  ne  dit  pas  :  Si  vous  avez  de  la 
haine,  déposez-la;  mais  si  votre  frère  a  lui-même  quelque  haine 
contre  vous,  allez  le  premier  le  conjurer  de  renoncer  à  sa  haine. 
Aitez-y  avant  de  faire  l'offrande  de  votre  cœur  et  de  vos  prières  à 
Dieu,  avant  d'entrer  dans  le  lieu  saint,  avant  de  vous  confesser  ou 

de  communier 

C'est  un  aveuglement  et  un  malheur  de  ne  pas  chercher  à  se 
réconcilier,  et  même  de  ne  pas  faire  soi-même  les  premières 
démarches. 

Plongés  dans  les  ténèbres  de  l'erreur,  les  mondains  regardent 

comme  quelque  chose  de  honteux  et   de  dégradant  de  faire  des 

avances  :  mais  ils  se  trompent;  car  il  n'y  a  rien  de  plus  honorable 

que  d'accomplir  un  acte  d'héroïque  vertu,  tel  que  celui  dont  il  est 

ici  question.  Voilà  pourquoi,  fût-il  le  moins  coupable  des  deux  ,  ne 

le  fut-il  même  pas,  celui  qui  prévient  son  adversaire  et  qui  l'invite 

à  la  paix,  est,  sans  aucun  doute ,  estimable,  généreux,  noble  et 

magnanime.  Vainqueur  de  la  colère  et  de  la  haine ,  il  mérite  éloges , 

gloire  et  récompense;  car  il  met  à  néant  les  pensées  et  les  projets 

hostiles  qui  existaient  soit  en  lui-même  ,  soit  dans  ses  ennemis.  11 

imite  la  divinité.  Dieu  infiniment  grand  et  à  qui  tout  honneur  et 

toute  gloire  sont  dus,  ne  prévient-il  pas  par  sa  grâce  les  pécheurs  , 

qui  sont  ses  ennemis?  Ne  les  avertit-il  pas,  ne  les  presse-t-il  pas  de 

vouloir  bien  se  réconcilier  avec  lui  et  d'accepter  son  pardon? N'a-t-il 

pas  envoyé  dans  ce  but  sur  la  terre,  J.  C.  son  Fils  unique,  selon  ces 

paroles  de  l'Apôtre:  Dieu  était  dans  le  Christ,  se  réconciliant  le 

monde?  Deuserat  in  Christo  mund innreconcilians  sibi  (II.  Cor.  v.  19). 

Ainsi,  par  son  exemple.  Dieu  a  honoré  et  glorifié  l'acte  de  se 

(1)  Fol  non  occidat  super  iracundiam  vestram  ,  ne  Christusde?erat  mentem  tuam  : 
quia  non  \ult  Christus  babitare  cum  iracundia.  Ejice  iram  de  corde,  antequam  occi- 
dat lux  isla  risibilis,  ne  te  dcseral  lux  illa  in\  isi!>;li>     In  Psal.  XXVI . . 

(2)  Si  olïers  mumis  tuum  ail  altare,  <•[  >l.\  i  ueris  quia  (Valcr  Unis  hanei 
ali.,  m  le;  relinque  ibi  tnun  is  l  tum  anlc  ail  ire,  et  vade  i  uiliari 
fralri luo ; ettiinç Teni                  nynus  tuuip  '..'uitli.  v. 23  24}, 


îA'ntlON  MES  INJCT.ÈS.  "OS 

réconcilier  avec  ?on  ennemi,  et  de  faire  les  premières  démarches. 
J.  C.  n'alla-t-il  pas  le  premier  au-devant  de  Judas  qui  venait  ù  lui 
pour  le  trahir  et  le  livrer  aux  bourreaux?  Ne  lui  donna-t-il  pas  le 
nom  d'ami?  Qui  oserait  estimer  déshonorant  ce  que  Dieu  a  regardé 
comme  très-honorable,  môme  pour  lui?... 

Les  hommes  stupides  qui  n'ont  ni  religion  ni  charité  se  figurent 
que  la  grandeur  d'âme,  que  l'honneur,  que  le  caractère  consistent 
à  se  montrer  intraitables  en  présence  des  offenses  reçues.  C'est  là  lire 
pensée  et  une  conduite  dignes  du  démon,  une  imitation  de  ses  acl  .-. 
C'est  par  suite  de  l'orgueilleuse  opiniâtreté  qui  se  refuse  à  faire  des 
avances,  que  les  inimitiés,  les  haines,  les  vengeances  se  perpét 
parmi  les  pécheurs  du  monde,  ni  l'un  ni  l'autre  des  deux  coupables 
ne  consentant  à  commencer  de  se  réconcilier,  encore  moins  à  deman- 
der pardon,  fùt-il  le  premier  agresseur.  C'est  même  ordinairement 
le  plus  coupable  qui  met  le  plus  d'entêtement  à  éviter  une  démai*- 
che  si  belle,  si  édifiante,  si  honorable,  si  digne  déloges.  Que  mon 

saire  fasse  les  premiers  pas.  dites-vous;  et  si  votre  advers 
on  dit  autant,  vous  mourrez  donc  l'un  et  l'autre  sans  vous  être  ni 
/.ciliés,  ni  parlé,  ni  même  vus;  vous  quitterez  la  terre  avec  la 
haine  dans  le  cœur,  laissant  pour  tout  souvenir  un  scandale  affreux; 
et  vous  paraîtrez  ainsi  au  tribunal  de  Dieu!  Ah!  vous  êtes  déjà 
jugés  et  condamnés  !  Ces',  alors  que  vous  ne  sortirez  pas  des  mains 
du  Juge  souverain  des  vivants  et  des  morts,  avant  ;d'avoir  payé 
jusqu'à  la  dernière  obole.  Mais  n'ayant  plus  de  quoi  payer  et  ne  le 
pouvant  plus ,  vous  serez  à  jamais  détenus  dans  le  lieu  de  la  haine 
éternelle 

Celui  qui  se  réconcilie  le  premier  fait  preuve  d'une  âme  libérale, 
maitresse  delà  colère  et  de  la  haine,  d'une  âme  douce  et  généreuse; 
je  dirai  plus,  d'une  âme  céleste  et  divine. 

Saint  Chrysostome  montre  admirablement  combien  il  est  honora- 
ble et  méritoire  de  prévenir  son  ennemi,  et  de  l'inviter  ù  la  réconci- 
liation, en  ce  que  cette  démarche  est  un  acte  de  vertu  héroïque,  et 
un  très-grand  bien  pour  tous  les  deux.  Or,  l'auteur  de  ce  grand  bien 
t  pas  celui  qui  est  prévenu  et  prié,  mais  celui  qui  prévient  et 
qui  prie  son  adversaire  de  se  réconcilier  et  de  pardonner.  Celui  qui 
lait  les  avances,  dit  ce  saint  docteur,  a  tout  le  mérite  et  la  récom- 
pense de  l'action.  Car,  si  vous  n'abandonnez  la  haine  et  la  vengeance 
îue  parce  qu'on  vous  en  a  prié  et  qu'on  s'est  humilié  devant  vous, 
«uel  mérite  avez-vous?  Il  appartient  tout  à  celui  qui  vous  a  ainsi 
prévenu  et  supplié.  Ce  n'est  pas  en  obéissant  à  Dieu  que  vous  avez 


506  PARDON  DES  INJURES. 

accompli  la  loi  [du  pardon,  mais  en  faisant  orgueilleusement 
grâce  (l). 

J.  C.  n'est-il  pas  dc-à:::idu  !e  premier  vers  nous,  afin  de  nous 
appeler  à  lui,  de  nous  réconcilier  et  de  nous  pardonner;  cependant 
il  était  innocent,  et  nous  étions  coupables  et  très-coupables.  Celui-là 
seul  donc  est  chrétien  et  de  la  suite  de  J.  C,  qui  imite  le  Sauveur  et 
qui  fait  les  premières  démarches 

Il  n'appartient  qu'à  une  âme  petite  et  étroite  d'entretenir  les  ini- 
mitiés; au  contraire,  les  faire  disparaître  est  d'une  âme  grande  et 
élevée.  Voilà  pourquoi  Moïse,  demandant  à  Dieu  qu'il  voulût  bien 
pardonner  aux  Juifs  révoltés,  fit  entendre  ces  remarquables  parules  : 
Que  la  force  du  Seigneur  apparaisse  dans  t  ute  sa  gloire,  comme 
vous  l'avez  juré  lorsque  vous  avez  dit  :  Le  Seigneur  est  patient  et 
riche  en  miséricorde;  il  enlève  les  iniquités  et  les  crimes.  Pardon- 
nez, je  vous  prie,  le  péché  de  ce  peuple,  selon  la  grandeur  de  votre 
miséricorde  (2). 

Motifs        Premier  motif.  Nous  avons  outragé  Dieu  mille  fois  plus  qu'on  ne 

qui  oli'.igent  ,  ,  , 

,ic.  nous  a  outrages;  nous  avons  donc  un  besoin  immense  que       eu 

pardonner.     nous  parJ0nne Mais  Dieu  ne  nous  pardonnera  qu'à  la  condition 

que  nous  pardonnerons  nous-  mè mes;  nous  devons  donc  par- 
donner  

Second  motif.  Notre  faiblesse.  Il  n'y  a  pas  de  crimf*  commis  par  un 
homme  que  tout  autre  homme  ne  puisse  commettre,  si  Dieu,  qui 
nous  a  créés  et  qui  nous  dirige,  1  ne,  dit  saint  Augustin: 
JNullum  est  peccatum  quod  fecit  homo  ,  quod  non  possit  facere  aller 
homo  ,  si  desit  Hector  a  quo  factus  est  homo  (Soliloq.,  c.  xv).  Soyons 
donc  indulgents  envers  ceux  qui  nous  offensent 

Troisième  motif.  Notre  parenté  en  Adam  et  en  J.  C.  n.irmolons- 
nous  que  nous  sommes  membres  les  uns  des  autres,  dit  saint  Paul  : 
Sumns  invicem  membra  (Ephes.  iv.  25). 

Autres  motifs.  Nous  sommes  tous  1°  créés  à  l'image 
2°  enfants  de  Dieu... ,  3"  rachetés  j  de  J.  C... ,  i°  membres 

de  J.  C... ,  .'i°  enfants  de  la  '...,  6°  frères  en    di 

J.  C.  et  en  l'Eglise...,  7"  d  i  ciel...,  8°  issus  da  la  même 

(1)  Qui  enim  prinr  venit ,  is   iotum  lucrum  anticipât.  Si  enim  ab  alio  exoratn«, 
iram  relinquis,  illi  unputetur,  cujus  precibus  impclratum  c.-;!. 
permis,  sed  illi  gratifl  i  adimplct  o  .  . 

(i)  Magnificelu  iljuiasli,  d  cens  :  Dominus  patieps,  et 

wuli  iniquilalcm  c!        era ;  dimitte ,  ob  i  ccalurr 

populi  bajusècoodum  i  is  rnîtiidinem  u  ■  tuui  [Kum.  xiv.  n-iy). 


pàrïiON  des  muites.  507 

son rli e  etfnus  mortels;  sous  ces  deux  rapports  nous  sommes  par- 
faitement égaux 0°  Nous  avons  tous  besoin  d'indulgence,  étant 

tous  faibles  et  pécheurs 10°  Le  précepte  de  Dieu,  qui  est  eifo;- 

mel ,  n'excepte  personne 11°  Notre  salut  et  notre  bonheur  éter- 
nel sont  à  ce  prix 

Nous  supportons  facilement  les  injures,  lorsque  nous  passons  en 
revue  au  fond  de  notre  conscience  les  péchés  que  nous  avons  corn- 
mi?,  et  que  nous  voyons  que  nous  en  avons  mérité  de  plus  grandes, 
dit  saint  Grégoire  :  Tune  Mata  convicia  hene  tale-wmw,  cum  in  secreto 
mentis  ad  ma  la  perpétrât  a  recurrimus,  et  mt^^^nos  meritos  videmus 
(Moral.,  lib.  XXXI,  c.  xvn). 

Il  faut  se  dire  avec  un  cœur  contrit  et  humilié  :  J'ai  offensé  Dieu 
mortellement;  j'ai  mérité  de  brûler  durant  toute  l'éternité  dans 
l'enfer  et  d'être  insulté,  bafoué,  méprisé,  tourmenté  par  les  démons, 
et  je  ne  supporterais  pas  avec  résignation  cette  parole,  cette  légère 
insulte  d'un  de  mes  semblables?...  Mais  si  l'on  savait  combien  en 
effet  je  suis  coupable,  on  m'en  dirait  et  on  m'en  ferait  bien  davan- 
tage  Cette  injure,  cet  affront  n'est  pas  la  millième  partie  de  ce 

crue  je  mérite 

Toutes  les  injures  qu'on  peut  nous  adresser  ne  sont  rien,  si  nous  les 
comparons  à  ce  que  nous  méritons,  dit  encore  saint  Grégoire  :  de  là 
vient  qu'elles  méritent  plutôt  de  la  reconnaissance  que  de  la  colère  (I). 

Voici  encore  deux  puissants  motifs  qui  nous  engagent  à  pardon- 
ner :  le  premier  ,  c'est  le  sort  de  l'homme  qui  ne  pardonne  pas  :  il 
est  tourmenté  au  dedans  de  lui-même;  il  est  détesté  de  Dieu  et  des 
iiommes ,  maudit  du  ciel  et  de  la  terre...  ;  le  second ,  c'est  le  bonheur 
que  goûte  celui  qui  sait  pardonner  généreusement  :  il  a  la  paix  du 
cœur,  la  tranquillité  de  la  conscience;  il  est  aimé  et  honoré ,  béni 
de  Dieu  et  des  hommes;  il  passe  une  vie  heureuse,  meurt  de  la 
mort  des  justes,  et  s'assure  le  ciel 

Que  toute  amertume,  et  colère,  et  indignation,  et  clameur,  et      II  faut  Fe 
pardonner 
détraction  soit  ùtée  de  vous  ,  avec  toute  malice,  dit  saint  Paul  aux      mutueiie- 

Ephésiens.  Soyez  bons  et  miséricordieux  les  uns  envers  les  autres; 

\ous  pardonnant  les  uns  aux  autres,  comme  Dieu  vous  a  pardonné 

enJ.Ç.  (2) 

(1)  Levé  quippe  videtur  qnod  injuria  perculimur,  ihim  in  actione  nostra  per?pi- 
cimus.  quipejus  est  quod  meremur  :  sicquefit  ut  conlumcliis  gratia  magis  quam  ira 
debeatur  (Moral.,  lib.  XXXI,  c.  xvn). 

(2)  Omuis  amariludo,  et  ira,  et  indignalio  ,  et  clamor  ,  et  blaspbemia  toilatur  u, 


meut. 


508  rMDO!J  BËS  njtfRE^ 

0  sublime  et  divine  morale  t  que  l'univers  serait  heureux,  si  elle 
était  observée  ! 

Soyez  donc  les  imitateurs  de  Dieu,  comme  ses  enfants  bien- aimés, 
continue  le  grand  Apôtre;  et  marchez  dans  l'amour,  à  la  suite 
du  Christ  qui  nous  a  aimés ,  et  s'est  livré  lui-même  pour  nous  en 
oblation  à  Dieu  et  en  hostie  de  suave  odeur  (1). 

Ayez  une  charité  abondante,  écrit-il  aux  Thessaloniciens ;  con- 
servez la  paix  entre  vous.  Nous  vous  en  prions,  reprenez  les  turbu- 
lent*, consolez  les  affaissés ,  soutenez  les  faibles,  soyez  patients  avec 
tous.  Prenez  garde  que  nul  ne  rende  à  autrui  le  mal  pour  le  mal; 
mais  cherchez  toujours  le  bien  les  uns  des  autres,  et  de  tous.  Je 
vous  adjure ,  par  le  Seigneur ,  que  cette  lettre  soit  lue  à  tous  les 
frères.  La  grâce  de  Notre-Seigneur  J.  C.  soit  avec  vous  (2). 

Pourquoi  nous  offenser  les  uns  les  autres?  dit  saint  Chrysostome.' 
Pourquoi  nous  faire  la  guerre?  Ne  nous  est-il  pas  ordonné  de  nous 
aimer  tous ,  et  même  nos  ennemis  les  plus  mortels  ?  (  Moral.  ) 

Prétextes     i<>  JE  ne  veux  pas  pardonner...  ;  2°  je  ne  le  peux  pas...  ;  3°  c'estmoi 

qu'on   allègue         .'•'»•■  r  ■    t>  •  *> 

pour  ne  pas  qui  ai  ete  insulte...;  4°  je  n  avais  pas  lourni  d  occasion...  ;  ou  mon 
paine  point  **  nonneur  serait  compromis...  ;  6°  on  se  rirait  de  moi...  ;  7°  l'injure 
se  réconcilier,  est  trop  forte...  ;  8°  mon  adversaire  est  un  méchant  homme...  ;  9°  si 
je  pardonne,  il  recommencera...;  10°  il  a  cherché  à  me  ravir  ce  que 
je  possède...  ;  11°  il  a  attaqué  ma  réputation...  ;  12°  il  a  attenté  à  ma 
vie...  ;  13°  qu'il  fasse  du  moins  les  premières  démarches...  ;  44°  je 
lui  pardonne,  mais  je  ne  veux  ni  le  voir  ni  lui  parler...;  15°  je  lui 

parlerai,  mais  je  garderai  ma  rancune 

Toutes  ces  plaintes,  tous  ces  prétextes,  tous  ces  accommodements 
tombent  devant  ce  que  nous  avons  dit  plus  haut. 

Quelle,  est  la    \\yy.z  vos  ennemis,  dit  J.  C,  faites  du  bien  à  ceux  qui  vous  haïss 
vraie  manière  .  1  •      *      n;- 

«le  m  venger    et  priez  pour  ceux  qui  vous  persécutent  et  vous  calomnient  :  Dui- 

rictorieuse^    0l(c  inimicos  vestros  ;  bene facile   his  gui  oderunt  vos ,  et  orate  pro 
Tient  et  sain- 
temen  .         vobis,  rum   omui  nrirtilia.  Estotc  autem  invieem  benïgni ,  miséricordes ,  donantos 
invieem,  sicut  et  Dcus  iu  Chrislo  dona*.  it  vobis  (IV.  SI.  33  ). 

(1)  Estote  ergo  iinilatorcs  Dui  ,  sicut  lilii  carissimi.  Et  ambnlatc  in  dilectiono 
sîcut  et  Christus  dilexit  nos,  et  tradidit  semetipsum  pro  nobis  oblationcm  et  hostiain 
Deo  in  odorem  suavitatis  [Ephes.  v.  1.  2). 

(2)Rogamusvosuthabcalis  illofl  in  cantate...;  pacem  babetc  cum  eis Rogamus 

vos, corripite  inquietos,  consolamini  pusillanimes, suscipi te  infirmos,  pat: 
admîmes.  Videte  ne  quis  malom  pro  malo  alicui  reddat:  sed  semper  quo  : 

uniniin  invieem,  cl  in  omnes.  Adjuro  vos  per  Dominum,  ut  legatur  episl 
omnibus  fratribus.  Gratia  Domini  nostri  JcsuChristi  vobiscum  (  1.  v 


PARDON  DES  INJURES.  509 

pcrsequentibuset  calurnniantibus  vos  (Maith.  v.  44).  Voilà  comment 
J.  C.  s'est  vengé.  Oh  !  Ja  belle,  la  sublime,  la  divine  vengeance  !... 

Si  votre  ennemi  a  faim,  donnez-lui  à  manger,  dit  saint  Paul;  s'il 
a  soif,  donnez-lui  à  boire;  car  en  faisant  cela  vous  amasserez  des 
charbons  de  feu  sur  sa  tète  :  Si  esurierit  inimicus  tuus,  ciba  illum;  si 
sitit,  potum  da  ïlli.  Hoc  enim  fociens,  carbones  ignis  congères  super  coput 
ejus  (Rom.  xii.  20).  Votre  ennemi  sera  confondu,  il  rougira  de  sa 
conduite  et  en  changera.  Vous  amasserez  des  charbons  de  feu  sur  sa 
tête,  c'est-à-dire  vous  amasserez  sur  sa  tête  le  feu  de  la  charité  et  de 
l'amour  !... 

Celui  qui  obéit  à  la  haine  et  qui  se  venge,  n'est  pas  vainqueur  de 
son  ennemi;  il  est  vaincu.  Car,  dit  Tertullien,  celui  qui  vous  blesse 
vous  blesse  pour  vous  faire  souffrir;  le  fruit  qu'il  veut  recueillir  est 
votre  douleur.  Lors  donc  que  vous  trompez  son  attente  en  ne  faisant 
entendre  aucune  plainte,  c'est  lui  qui  nécessairement  en  vient  à 
souffrir  d'avoir  manqué  son  but.  Ainsi,  non-seulement  vous  vous 
retirerez  sans  blessure,  mais  encore  avec  le  plaisir  d'avoir  trompé 
l'attente  de  votre  adversaire,  et  de  vous  être  préservé  de  toute  souf- 
france (1). 

Comme  le  feu  éteint  l'eau;  ainsi  la  patience  et  la  bonté  apaisent 
la  haine  et  la  soif  de  la  vengeance. 

Comme  un  boulet  de  canon  perd  de  sa  force  en  frappant  un 
sac  plein  de  laine;  ainsi  les  injures  s'arrêtent  devant  la  mansué- 
tude. 

Si  vous  voulez  vivre  heureux,  et  vous  venger  noblement  de  votre 
ennemi,  dit  l'abbé  Agathon,  devenez  semblable  à  une  statue  qui,  si 
on  l'insulte,  ne  s'irrite  pas;  et  si  on  la  loue,  ne  s'enorgueillit  pas 
(  Vit.  Pair.,  lib.  VII.,  c.  xltii). 

L'écho ,  dit  saint  Basile,  ne  renvoie  pas  mieux  un  cri  à  celui  qui 
l'a  jeté,  que  l'injure  ne  retombe  sur  son  auteur,  lorsqu'on  prend 
patience  (Serm.  contra  Irascent.). 

Lorsqu'on  essuie  un  outrage,  il  faut  s'armer  de  patience,  de 
calme,  de  douceur,  de  résignation ,  d'espérance  en  Dieu  :  par  ces 
moyens  on  triomphe  de  l'injure,  de  son  auteur,  de  soi-même,  du 
démon ,  et  en  quelque  sorte  de  Dieu  auquel  on  ravit  les  céleste* 
récompenses 

(1)  Idcirco  qui  te  lœsit,  utdoleas;  qui  fructus  ltedentis  in  dolore  laesi  est.  Ergo, 
cuin  fructum  ejus  everteris  non  dolendo,  ipse  doleat  necesse  est,  amissione  fructus 
sui.  Tune  tu,  non  modo   illœsus  abibis,  sed  insuper  et  adversarii  tui  frustrations 

UelecUUus,  et  dolore dei'ensus  {De  Patient.,  c.  vmj. 


510  PARDON  DES  INJURES. 

Les  injures  et  les  affronts  s'arrêtent  devant  la  douceur ^  dit  saiDt 
Grégoire  de  Nysse  (Serm.  x^ti  ). 

On  doit  prier  Dieu  de  détruire,  non  pas  celui  qui  nous  insulte, 
mais  le  pè"ché  qui  résulte  de  ses  offenses  et  de  sa  Laine 

La  haine  se  dompte  par  les  armes  de  la  charité.  Heureuse  et  sûre 
victoire!... 

On  demandait  à  saint  Dorothée  quel  moyen  il  fallait  prendre  pour 
se  mettre  au-dessus  des  injures,  et  ne  pas  s'en  irriter?  Si  vous  vous 
mépri.-ez  vous-même,  répondit  ce  pieux  cénobite,  vous  n'éprouverez 
aucun  trouble  :  Si  tcipsum  contempscris,  non  periùrbaèeris  (Vit.  Pair.). 

Vous  a-t-on  injurié,  vous  a-t-on  blâmé?  fermez  la  bouche ,  dit 
saint  Chrysostome  :  si  vous  l'ouvrez,  vous  exciterez  bien  davan- 
tage cette  sorte  de  vent.  Vous  voyez  ce  qui  se  passe  dans  un  édifice , 
quand  deux  portes  opposées  sont  ouvertes,  et  qu'un  violent  courant 
d'air  s'est  établi.  Si  vous  fermez  une  des  portes,  vous  ôtez  toute  force 
au  souille  qui  se  faisait  sentir.  Ici  aussi  il  y  a  deux  portes  :  votre 
bouche  et  celle  de  celui  qui  vous  insulte  (1). 

Enuroératioh'  Dans  l'amour    des   ennemis,  saint    Chrysostome    indique   neut 

d'amour  des*  degrés  :  le  premier  consiste  à  ne  pas  chercher  à  leur  nuire...;  le 

ennemis, qui    seoond?  à  ne  pas  repousser  par  l'injure,  l'injure  qu'ils  adressent...; 

de  moyens  de  le  troisième,  à  demeurer    calme...;  le   quatrième,  à  ne  pas  se 

dérober  aux  affronts...;  le  cinquième,  à    accepter  volontiers  un 

outrage  plus  grand  que  celui  qui  est  fait...;  le  sixième  ,  à  ne  point 

haïr  celui  qui  injurie...;  le  septième,  à  l'aimer...;   le  huitième- 

à  le  combler  avec  plaisir  de  bienfaits...;  le  neuvième,  à  prier  Dieu 

pour  lui  (  IJomil.  xvm). 

(1)  Conviciatus  est  quisquam?  vihipernvif  ?  Tu  clarido  os  fuum  :  si  enîm  illud 
apteriieris,  concflâbM  migfà  fèrilnm  h'tinc.  Nunc  v  dès  In  rcdibûs,  qu.imlo  direele  duae 
japtue  oppôsitœ  sunt,  et  ilalus  véhément  imierit  ;  si  i  Ltciam  claaseris,  nihil  valeat 
efRcere  flalus.  Ua  et  bic  dua:  suut  jauua:,  os  tuuni ,  et  os  illius  (  Uomil.  u  in  I  ad 
Zhess.). 


PARESSE, 


Tn  pore  de  famille,  dit  J.  C,  sortit  de  grand  matin,  afin  de  louer   Le  paresseux 

r  '  9  °  '  est  un  cire 

des  ouvriers  pour  sa  vigne.  Et  vers  la  troisième  heure  étant  »ul- 
H_J  sorti  de  nouveau,  il  fn  vit  d'autres  qui  étaient  oisil's  dans  la 
place.  Il  sortit  encore  vers  la  sixième  heure  et  la  neuvième.  Enfin, 
étant  sorti  vers  la  onzième  heure,  il  en  trouva  d'autres  qui  étaient 
là  oisifs,  et  il  leur  dit  :  Pourquoi  êtes-vous  ici  tout  le  jour  sans  rien 
faire?  Quid  hic  status  tota  die  oliosi?  (Matth.  xxi.  1-3.  5.  6.  )  Voilà  le 
portrait  des  paresseux  qui  passent  toutes  leurs  années  dans  l'inac- 
tion. 

Salomon  peint  en  quelques  mots  la  vie  du  paresseux  :  Vous  dor- 
mirez un  peu,  lui  dit-il ,  vous  sommeillerez  un  peu,  vous  croiserez 
un  peu  les  bras  pour  dormir  :  Paululum  dormies ,  paululum  dormi- 
tabis,  ■paululum  conseres  manus  ut  dormias.  Le  paresseux  veut  et  no 
veut  pas,  dit-il  ailleurs  :  Vult  et  non  vult  pigev  (xm.  A). 

Il  y  a  trois  manière  3  de  ne  rien  faire  :  1°  demeurer  oisif...  ;  2°  ne 
pas  faire  ce  qu'on  d  :vrait  faire ,  ou  faire  ce  qu'on  ne  devrait  pas 
faire...  ;  3°  faire  nui  ce  qu'on  fait 

La  vie  du  paresseux  ne  sert  à  rien;  il  est  un  être  inutile ,  par  con- 
séquent, il  mériterait  de  ne  pas  exister 

Les  paresseux  sont  des  arbres  sauvages,  stériles  et  desséchés,  qui 

occupent  inutilement  la  terre On  peut  comparer  une  vie  oisive  à 

un  arbre  sans  racines.  Les  paresseux  ne  sont  bons  à  rien  ;  ce  sont  des 
monstres  dans  la  société. 

L'oisiveté,  dit  Thémistocle,  est  l'ensevelissement  de  l'homme  tout 
vivant  :  Otium  est  vivi  hominis  sepultura  (Plutarch.  Vit.  illust.  vir.  ). 
Sénèque  exprime  la  même  pensée  (Prov.).  Démétrius  qualilie  de 
mer  morte  la  vie  oisive  :  Vita  otiosa  mare  mortuum  (Epist.  lxyti). 


Au  lieu  de  faire  valoir  le  talent  qu'il  avait  reçu,  le  serviteur  pares- 
seux dont  parle  l'Evangile  le  cacha  dans  la  terre.  Son  maître ,  qui 
lui  en  demandait  compte ,  lui  dit  :  Serviteur  mauvais  et  paresseux, 
tu  devais  tirer  profit  de  ce  talent.  Puis,  s'adressant  à  ses  autres  ser- 
viteurs :  Reprenez-le-lui  donc,  a jouta-t-il,  et  donnez-le  à  celui  qui 
a  dix  talents;  car  on  donnera  à  celui  qui  a,  et  il  sera  dans  l'abon- 
dance; mais  à  celui  qui  n'a  pas .  on  ôtera  même  ce  qu'il  semble  avoir 


Le  paresseux 
est  pauvre, 
il  n'a  rien. 


512  PARESSE. 

(  Matth.  xxv).  On  ôtera  à  celui  qui  n'a  pas,  c'est-à-dire  à  celui  qui 
ne  se  sert  pas  de  son  talent..... 

Celui  gui  maintenant,  par  lâcheté  d'âme  et  par  paresse ,  néglige 
de  bien  agir,  dit  saint  Grégoire,  mendiera  la  vie  éternelle ,  lorsque 
le  Soleil  de  justice  se  lèvera  dans  toute  sa  splendeur  pour  juger; 
mais  elle  lui  sera  refusée  :  Qui  nunc  propter  pavorem  mentis  atque 
torporem,  bene  operari  negligit;  cum  Sol  justitiœ  injudicio  clamer it , 
mendicabit  vita.111 ,  sed  non  accipiet  (  Moral.  ). 

S'il  est  comblé  des  biens  d'ici -bas,  le  paresseux  ressemble  à 
l'homme  dont  il  est  parlé  dans  l'Apocalypse,  et  à  qui  le  Seigneur 
adresse  ces  paroles  :  Vous  dites  :  Je  suis  riche  et  opulent,  et  n'ai 
besoin  de  personne;  et  vous  ne  savez  pas  que  vous  êtes  misérable  et 
à  plaindre,  et  pauvre ,  et  aveugle ,  et  nu  :  Dicis  :  Quod  d'wes  sum,  et 
locupletatus ,  et  nullius  egeo  :  et  nescis  quia  tu  es  miser,  et  miserabilis , 
et  pauper ,  et  cœcus,  et  nudus  (  m.  17  ).  Vous  êtes  misérable  ,  pauvre 
et  nu ,  car  vous  n'avez  rien  des  vraies  richesses,  des  richesses  de 
l'âme;  aussi,  je  vous  le  déclare,  vous  êtes  à  plaindre. 

»,a  paresse  L'oisiveté  a  enseigné  tout  vice ,  toute  perversité,  dit  la  sainte  Ecri- 
ft  iu  mère  tic  tare  '•  Mullammalitiam  docuit  otiositas  (Eccli.  xxxin.  29  ). 

L'oisiveté,  dit  le  prophète  Ezéchiel,  a  été  l'iniquité  de  Soclôme  : 
Hœc  fuit  iniquitas  Sodomœ,  otium  (  xvi.  49).  Elle  a  été  la  cause  de 
toutes  ses  abominations. 

Comme  une  terre  qui  n'a  été  ni  semée ,  ni  plantée ,  produit  toute 
espèce  de  mauvaises  herbes,  dit  saint  Chrysostome  ;  ainsi  l'âme, 
toutes  les  fois  qu'elle  n'a  rien  à  faire,  s'abandonne  aux  actes  de 
dépravation  (1). 

Sa  m  son  lit  la  guerre  aux  Philistins,  il  fut  invincible,  et  conserva 
ses  forces  merveilleuses;  mais  lorsqu'il  se  livra  à  l'oisiveté  dans  la 
maison  de  Dalila,  il  perdit  sa  chevelure  et  ses  forces,  fut  pris,  et  eut 
les  yeux  crevés:  l'inaction  lui  ota  la  \uede  l'âme,  et  Dieu  se  retira  de 
lui.  Tant  que  David  se  trous  a  au  milieu  des  adversités  et  accablé  par 
les  travaux  d'un  pénible  commencement  de  règne,  il  fut  à  l'abri  des 
tentations  de  la  chair;  mais  lorsqu'il  s'abandonna  à  un  repos  trop 
prolongé,  il  devint  adultère  et  homicide.  Tant  que  Saloirion  fut 
occupé  à  la  construction  du  temple,  il  demeura  victorieux  de  ses 
ions;  mais  quand  ii  obéit  à  la  séduction  de  loisirs  énervants,  il  se 

(1)  Sicut  terra  non  occupata  semeote,  aui  consitione,  quamlibel  herbnin  produ* 
eit;  sic  el  aaima,  quolies  non  babel  quod  agut,  pravis  actionibus  se  tradit  [HomiL 
»•!.  in  II  aà  Cor.). 


tous  les 
crimes. 


PARESSE.  513 

plongea  dans  les  voluptés,  et  courba  le  genou  devant  des  idoles.  Le 
travail  avait  maintenu  chastes  ces  trois  grands  hommes;  l'oisiveté 
les  corrompit. 

Vous  demandez,  dit  Ovide  lui-même,  vous  demandez  pourquoi 
Egisthe  devint  adultère  ?  La  réponse  n'est  pas  difficile  :  il  était  livré  à 
l'oisiveté  : 

Quœritur  jEgisthus  quare  sit  factus  adulter? 
la  promptu  causa  est  :  desidiosus  crat. 

{Fabul.) 

La  paresse  enfante  les  railleries,  les  calomnies,  les  médisances, 
l'amour  du  jeu,  le  vol,  l'intempérance,  le  libertinage;  elle  nourrit 
tous  les  vices  et  porte  à  tous  les  excès 

Comme  les  vers  s'engendrent  et  se  multiplient  dans  les  bois  tei-.- 
dres  et  mous,  dit  saint  Basile;  ainsi  toutes  les  impiétés  de  l'esprit 
prennent  naissance  dans  les  âmes  trop  molles  :  Sicut  venues  in  lignis 
mollioribus  nascuntur  ;  ita  animi  impietates  in  mollioribus  hominum  men 
tibus  oriuniur  (Homil.  de  Grat.  agend.  ). 

Il  n'y  a  point  de  vertu,  quelque  facile  qu'elle  soit,  que  la  paresso 
ne  rende  très-pénible  et  presque  impossible  à  pratiquer,  dit  saint 
Chrysostome  (Anton,  in  Meliss.,  c.  xlv). 

Saint  Chrysostome  enseigne  que  c'est  l'oisiveté  d'Adam  qui  fut  ïa    KavaSfa  «i 
cause  de  sa  chute;  si  Adam  eût  été  occupé,  il  n'aurait  pas  écouté  le      l'oisiveté. 
serpent  {Homil.  xv  in  Gènes.  ). 
La  paresse  donne  asile  au  démon  ;  elle  est  la  source  de  toutes  les 

pensées  mauvaises  et  de  tout  péché Plongés  dans  la  torpeur  de 

l'oisiveté,  les  paresseux,  dit  saint  Bernard,  sucent  le  crime  {Da 
Acedia). 

Qu'est-ce  que  l'oisiveté,  dit  saint  Cyrille,  sinon  la  perte  de  l'heure 
qui  passe  et  qui  ne  revient  plus,  l'effusion  de  la  vie,  le  retour  en 
arrière  de  celui  qui  avance  dans  son  voyage?  L'oisiveté  produit  la 
mollesse  de  la  chair,  engendre  l'orgueil,  enflamme  la  volupté,  délie 
la  langue,  entretient  l'indigence  et  amène  le  vol.  L'eau  qui  ne  coule 
pas  se  corrompt;  l'épée  qui  ne  sert  pas  se  couvre  de  rouille  ;  le  pied 
qui  ne  s'exerce  pas  s'engourdit ,  et  la  teigne  impitoyable  dévore  les 
vêtements  que  l'on  a  quittés  (■]). 

(1)  Quid  enitn  est  olium,  nisi  perdit;.)  irrevocabilis  horae,  effusio  vita?,  reli'c    :ida- 
tio  proficicwis?  Hinc  gigait  carnis  d&iJiam,  parit  superbiam,  acceudit  luxunau» 
111.  83 


514  PARESSE. 

Celui  qui  demeure  oisif  sera  plonaé  dans  Fin  'iarence,  disent 
Proverbes  :  Qui  sectatur  otium  replcbitur  egestate  (xxvnr.  19).  Le 
paresseux,  dit  Cassien,  sera  accablé  par  la  pauvreté  visible  ou  invi- 
sible, corporelle  ou  spirituelle,  etlrès-souventpar  l'une  et  l'autre  à  la 
fois;  il  ne  peut  éviter  d'être  la  proie  d'une  foule  de  vices;  il  éprouve 
de  1  eloignement  pour  la  pensée  et  la  contemplation  de  Dieu,  et  est 
dénué  de  richesses  spirituelles  [De  Instit.  monach.,  lib.  X,  c.  n). 

Le  paresseux  étouffe  sa  conscience;  il  laisse  se  perdre  ses  richesses, 
sa  santé,  sa  réputation  et  sa  vie.  Les  oisifs  sont  ordinairement  grands 
parleurs  :  conservant  leurs  mains  inactiyes,  ils  font  tra\  ailler  leur 
langue. 

Saint  Bernard  dit  que  la  vie  oiseuse  est  la  mère  des  bagatelles",  et 
la  marâtre  des  vertus  :  Otiosa  vita  mater  est  nuyarum,  novcrcu  virtvr, 
tum  (De  Consid.,  c.  xm). 

Les  oisifs  sont  curieux,  médisants  et  menteurs.  Ne  faisant  rien,  ils 
s'occupent  a  examiner,  à  peser  et  à  juger  les  actions  d 'autrui, 
censurer,  à  recueillir  les  faits,  à  se  moquer  et  à  railler  ;  il- 
senties  censeursde  tous  les  hommes  et  se  croient  plus  habiles  qu'au- 
cun d'eux.  C'est  ce  qu'écrit  le  grand  Apôtre  aux  Thessuloniciens  : 
Nous  avons  appris  que  parmi  vous  plusieurs  marchent  sans  . 
travaillant  point,  mais  prenant  pour  mobiles  de  leurs  actes  la  curio- 
sité :  Awlivimus  inîer  vos  quosdam  ambulare  inquiète,  nihil  opérantes, 
sed  curiose  arjentes  (II.  m.    11).  C'est-à-dire,   comme   l'explique 
Maxime,  que  ne  faisant  rien  eux-mêmes,  ils  ne  s'occupaient  ;u  a 
scruter  avec  curiosité  les  œuvres  des  autres  :  Nihil  ope/  is  ipsi  facien- 
tes,  sed  in  aliéna  opéra  curiose  inq\  Anton,  in  IVTeliss.).  Le  pro- 

pre de  ceux  qui  ne  l'ont  rien,  die  Théophilacte,  est  de  s'enquérir  de 
là  vie  des  autres  :  Eorum  qui  nihil  agunt,  proprium  est  aliénas  scisci- 
tari  vi/as  (Anton,  in  Meliss.  ). 

Baint  Bernard  décrit  comme  il  suit  les  tristes  effets  et  les  affreux 
ravages  de  la  paresse  :  Lorsque  le  froid  de  la  paresse  s'est  une  fois 
emparé  de  lame,  elle  s'engourdit  et  son  activité  se  ralentit  ;  elle  feint 
de  n'avoir  plus  de  forces;  elle  aperçoit  ce  que.  les  austérités  ont  de 
rebutant;  elle  se  trouve  envahie  par  la  crainte  de  la  pauvreté  et 

ni  étroite;  la  grâce  lui  esl  soustraite,  le  temps  lui  parait  I 
la  raison  s'assoupit,  l'intel1:  teint,  la  première  ferveur  dimi- 

nue, la  tiédeur  et  ses  ennuis  ai;  -  . ,  t ,  la  charité  fraternelle  se 

suivit  lingnam,  nutrit  indigentiam,  et  introducit  rapinam.  Aqua  putrescit  immobilis 

•  quietus  obstupescit,  et  vestem  deposi- 
tamdirus  tiaeieden*  •  orfodit  ^Cutectt.,  lib.  II,  c.  i?j. 


PARESSE.  515 

rcfr.  idit,  la  volup'é  fait  sentir  ses  caresses,  la  sécurité  où  l'on  est 
trompe,  l'habitude  entraine.  Pourquoi  m'étendrais-je  davantage?  La 
loi  est  méconnue,  le  droit  et  la  règle  sont  mis  de  côté,  le  devoir  est 
proscrit,  la  crainte  du  Seigneur  abandonnée.  Enfin  on  cède  àl'im- 
;  et  ce  téméraire  qui  court  à  sa  perte,  cet  homme  couvert  de 
honte,  plein  d'ignominie  et  de  confusion,  devient  présomptueux. 
Alors  il  tombe  des  hauteurs  de  la  vertu  dans  l'abîme  du  vice,  d'un 
chemin  propre  et  bien  pavé  dans  une  boue  infecte,  du  trône  dans  un 
cloaque ,  da  ciel  sur  la  terre,  du  cloître  dans  le  monde  ,  du  paradis 
dans  l'enfer  (1). 

Le  paresseux ,  disent  les  Proverbes,  n'a  point  voulu  labourer  à 
cause  du  froid;  il  mendiera  aux  jours  de  la  moisson  et  il  ne  lui  sera 
rien  donné  :  Propter  frigus  piger  arare  noluit  :  mendicoMt  œstate ,  et 
non  dabitur  Mi  (xx.  A).  Tout  paresseux  est  toujours  dans  l'indigence, 
disent  encore  les  Proverbes  :  Omnis  piger  semper  in  egestate  est 
(xxi.  o).  J'ai  passé  par  le  champ  du  paresseux  et  par  sa  vigne,  et 
voilà  qu'ils  étaient  pleins  d'orties;  les  épines  en  couvraient  la  surface, 
et  l'enceinte  de  pierres  qui  les  protégeait  était  tombée  :  Per  agrum 
hominis  pigri  transivi,  et  ecce  totum  repleverant  urticœ  ,  et  operuerant 
super fteiem  ejus  spinœ,  et  maceria  lapidum  destructa  erat  (Prov.  xxiv. 
30.  31) 

Autant  une  fournaise  "ardente  lance  d'étincelles,  autant  une  âme 
oiseuse  a  de  désirs  divers.  Celui  qui  veut  se  soustraire  aux  funestes 
convoitées ,  doit  donc  fuir  le  repos,  et  s'adonner  au  travail 

La  paresse  corrompt  la  vertu,  et  le  sentiment  du  devoir  s'efface 
dans  une  aine  oiseuse,  dit  Démocrite  (Anton,  in  Meliss. ,  c.  xlv). 

La  mollesse,  une  faiblesse  féminine,  la  torpeur,  l'amour  de  la  vie, 
sont  les  compagnes  inséparables  de  l'oisiveté,  dit  Aristote  :  Comitatur 
ignaviam  mollities,  cffëminatio,  torpor,  vitœ  cupiditas  (Plutarch.  ). 

Comme  l'eau  pénètre  par  une  fente  dans  la  cale  d'un  navire,  sans 
qu'on  s'en  aperçoive,  et  s'y  amasse,  jusqu'à  ce  que ,  par  l'incurie  des 
matelots,  il  coule  à  fond;  ainsi,  par  l'oisiveté  et  la  paresse,  dit  sain: 

Pigritiae  frigus,  si  semel  animum  pervaserit,  subit  quidam  animi  rigor,  e'. 
\i_rnr  lente?cit  :  languor  fingitur  virium  ,  horror  austeritalis  intenditur,  limor 
citât  pauperlatis,  cou  trahi  tur  auimus ,  sublrahitur  gratia  ,  protrahitur  Iongitudo 
\it;e,  sopitur  ratio,  spiritus  exstinguitur,  defervescit  novitius  fervor,iugravc-cit  Upor 
fastidiosus,  rcfrrgi  suit  fratcriia  caritas  ,  blanditur  voluptas,  fallit  securitas  ,  revocat 
consuetudo.  Quid  plura?  dissimulatur  lex,  abdicatur  jus  ,  fas  proscribitur,  derelin- 
quitur  timor  Domini.  Dantur  postremo  impudentiœ  mânus;  prxsumitur  ille  teme- 
rarius,  ille  perdeudus  ,  ille  turpissimus ,  ille  plenus  ignominia  et  confusione  :  sallus 
de  excelso  in  abyssum,  de  pavimeolo  in  Bterquilinium,  de  solio  in  cloacam,  de  cœlo 
iu  scaviain,  de  claustio  iu  seculuui,  de  paradiso  iu  iui'eruum  [Serai,  lxui  in  Gant.). 


516  PARESSE. 

Bernard,  les  pensées  mauvaises  et  les  convoitises  se  multiplient  clans 
le  cœur,  jusqu'à  ce  que,  succombant  sous  le  poids,  cette  faible 
nacelle  s'enfonce  dans  l'abîme  du  péché  (1). 

On  place  dans  un  endroit  obscur  les  oiseaux  qu'on  veut  engraisser 
pour  les  manger,  et  on  les  y  garde  sans  mouvement  :  ainsi,  plongés 
dans  les  ténèbres  du  vice ,  et  livrés  à  l'inaction,  les  oisifs  vont  à  une 
mort  prématurée,  dit  Sénèque  ( Prov.). 

Comme  l'eau  qui  croupit  dans  un  marais  se  corrompt,  devient 
impropre  aux  usages  de  la  vie,  et  se  remplit  d'animalcules  et  de  rep- 
tiles venimeux  :  ainsi  le  corps  du  paresseux  contracte  des  souillures 
et  se  trouve  livré  aux  convoitises  charnelles,  qui  font  perdre  à  l'âme 
le  sentiment  du  juste  et  de  l'honnête,  dit  saint  Laurent  Justinicn 
(De  Inter.  conflictu). 

La  paresse  paralyse  et  les  forces  de  l'âme  et  celles  du  corps 

Voyez  une  maison  qu'on  néglige  d'entretenir...,   un  jardin  ou 

une  terre  qu'on  laisse  sans  culture L'oisiveté  nuit  non-seule: 

dans  les  choses  spirituelles,  mais  même  dans  les  choses  temporelles, 

Celui  qui  s'aban  lonne  à  l'oisiveté  est  très-insensé,  dit  l'Ecriture  .* 
Qui  sectatur  otium  stultissimusest  (Prov.  xn.  U  ).  Pourquoi  le  parés» 
seux  est-il  très-insensé?  1°  Parce  que  la  paresse  amène  la  pauvreté. 
Jusqu'à  quand  dormirez-vous,  paresseux? dit  l'auteur  des  Proverbes. 
Quand  sortirez-vous  de  votre  sommeil?  Vous  dormirez  un  peu,  vous 
sommeillerez  un  peu,  vous  croiserez  un  peu  vos  bras  pour  dormir; 
et  l'indigence  vous  arrivera  comme  un  voyageur;  la  pauvreté  fondra 
sur  vous  comme  un  homme  armé  :  Usquequo  piger  dormies?  Quando 
consurges  e  somno  tuo?  Paululum  dormies ,  paululum  dormit abis , pau- 
ItUum  conseres  manus  ut  dormias  :  et  veniet  tibi  quasi  viator  egestas  et 

pauperies  quasi  vir  armatus (vi.  9-H.)  2°  Parce  que  la  paresse 

rend  lame  faible  ,  lui  enlève  le  courage  et  i'hébète.  Celui  qui  est 
volontairement  oisif,  dit  saint Chrysostome,  parle  et  agit  très-souvent 
témérité  ;  il  ne  fait  rien  durant  tout  le  jour,  son  âme  est  pleine 
de  langueur  et  de  souillures  :  Qui  est  otiosus,  et  multa  temere  loquitur, 
et  mtdla  agit  temere;  et  tota  die  nihil  operutur  ;  torpore  et  veterne 
mentent  repletam  liabct  (  Homil.  v  in  I  ad  Cor.  ). 

La  paresse,  dit  ailleurs  le  môme  Père,  amène  l'ignorance  et  un 
dé!  le  pa   ées  mauvaises.  Elle  chasse  les  bannes  pensées, 

M,  Sicul per rimaiH  tenter  intrat ,  et excrescit ,  donec  navis  per 

rura  incuriam  fleoiergalur  ;  ila  ex  otioatque  ignavia  cogitationes  pravœ  eteon- 

muUiplicantur,  douce  uaws  cordis  eis  succumbciis  ,  iupeccatO  peïictf- 
UllU  (burin.  Lxm  i/J  Cant.). 


PÀftESSE.  317 

les  bons  désirs,  les  lumières,  la  grâce,  la  vertu,  et  tout  bien 
(Homil.  xv  in  Gènes.  ). 

Par  la  paresse ,  l'homme ,  dit  saint  Pierre  Chrysologue,  rend  inu- 
tiles les  dons  de  la  nature ,  les  facultés  de  l'âme,  le  bienfait  de  la 
raison ,  la  supériorité  de  son  intelligence ,  le  jugement  de  son  esprit; 
son  aptitude  aux  arts,  le  bien  de  l'éducation;  il  refuse  à  son  Créateur 
le  fruit  que  devraient  porter  toutes  ces  choses  et  la  reconnaissance 
qui  devrait  les  suivre.  ïl  mérite,  comme  un  arbre  stérile,  d'être 
coupé  et  jeté  au  feu.  S'il  est  un  homme  public,  il  nuit  essentiellement 
à  la  société  (Serm.  cvi). 

L'oisiveté  tue  le  corps ,  et  l'indolence  tue  l'âme ,  dit  saint  Chryso- 
stome;  l'exercice  embellit  admirablement  l'un  et  l'autre  :  Oiium 
corpus,  mentem  necat  socordia;  exercitatio  utrumque  pulcherrimum  facit 
(Homil.  lit). 

C'est  un  grand  mal  que  la  paresse;  elle  paralyse  tout,  dit  le  même 
saint  docteur  (  Ibid.  ) . 

Il  faut  craindre  et  éviter  le  repos  dans  le  repos,  dit  saint  Ber- 
nard :  Cavendum  est  oiium  in  otio  (De  Consid.);  c'est-à-dire,  il 
faut  régler  le  repos  dont  on  a  besoin ,  ne  pas  trop  s'y  abandonner, 
l'offrir  à  Dieu ,  et  le  changer  en  vertu ,  comme  les  repas ,  le  som- 
meil, etc 

La  paresse  est  une  peste  pour  les  mortels,  dit  Platon  :  Pesiis  mor- 
talibusest  ignavia  (De  Republ.  ). 

Ne  faire  attention  à  rien,  c'est  être  insensé;  ne  rien  faire,  c'est 
être  mort  quoique  vivant,  dit  Sénèque  (Prov.). 

L'homme  vertueux  abhorre  l'oisiveté,  dit  Valère  Maxime  (  Lib.  IL 
c.  vu). 

En  ne  faisant  rien ,  nous  apprenons  à  mal  faire,  dit  Caton  :  Nihil 
agendo,  maie  agere  discimus  (InDesid.). 

Rome ,  dit  saint  Augustin ,  a  péri  par  l'oisiveté ,  et  Carthage  a  été 
détruite  par  ce  même  vice  (  Lib.  I  de  Civit.). 

L'homme  qui  travaille  n'est  attaqué  que  par  un  démon ,  dit  Cassien;     La  paressa 
mais  le  paresseux  est  la  proie  de  légions  d'esprits  infernaux  :  Ope-  le^fôutâtioi?? 
rantem  dœmone  uno  pulsari  ;  otiosum  vero  ab  innumeris  spiritibus 
devastari  (  De  Instit.  monach.,  lib.  X,  c.  vu). 

Il  est  dit  dans  l'Apocalypse  que  le  dragon  se  tint  sur  le  sable  du 
rivage  de  la  mer  ;  Stelit  draco  supra  arenam  ma)is  (xir.  -18).  Ces 
paroles  signifient  que  le  démon  prévaut  sur  les  paresseux,  qu'il  les 

.  agitent  pf  emportent  je  «nble  \ 


518  PARESSE. 

ell<s  signifient  aussi  que  le  paresseux,  cpii ,  semblable  au  sable  des 
rives  de  l'Océan,  ne  produit  rien,  est  la  demeure  du  démon 

L'oisiveté  fait  courir  des  dangers  à  ceux  que  les  guerres  n'avaient 
pu  dompter,  dit  saiut  Ambroise  :  Tentant  otia  quos  bella  non  frege- 
rant  (Serin,  n  in  Psal.  cxyiii). 

La  paresse,  dit  saint  Bernard,  est  la  mère  de  toutes  les  tenta- 
tions :  PUjritia  mater  est  omnium  tentât ionum  (Ad  fratres  de  Monte 
Bei). 

La  paresse,  dit  saint  Thomas,  est  l'hameçon  avec  lequel  le  démon 
prend  les  âmes  :  Otium  est  hamus  diaholi  (  De  Peccat.  ). 

Comment  le  démon  ne  vaincrait-il  pas  le  paresseux,  puisqu'il  le 
trouve  sans  armes,  sans  défense,  sans  précautions?...  C'est  une 
maison  ouverte  à  tous  les  voleurs  de  l'enfer 

Vc  quelle      S'abandon^er  au  luxe  et  à  l'oisiveté  est  le  propre  des  esclaves,  dit 
le  pa-   Alexandre  le  Grand  :  Servile  est  otio  et  luxui  vacare  (  Plutarch. ,  Vit. 
;:»,'',T"ilIu,t.vir.). 

esclave  Allez  à  la  fourmi ,  paresseux,  dit  l'Ecriture,  considérez  ses  voies, 

sable.  r  . 

et  devenez  sage  :  Vade  ad  formicam,  o  piger ,  et  considéra  vias  ejus  ,  et 

disce  sopientiam  (Prov.  vi.  6).  Elle  prépare  sa  nourriture  pendant 

Vête}  elle  rassemble  sa  provision  durant  la  moisson  :  Parât  in  œstate 

cibum  saum,  et  congregat  in  messe  quod  comedat  ( Ibid.  vi.  8). 

0  paresseux  impudent!  s'écrie  saint  Bernard;  mille  millions 
d'anges  servent  Dieu,  et  dix  mille  millions  se  tiennent  prêta  à  exé- 
cuter ses  ordres;  et  toi  tu  prétends  te  reposer  !  (  De  Acedia). 

Voici  de  quoi  humilier  le  paresseux  ,  voici  qui  prouve  combien  il 
est  méprisable.  Le  paresseux,  dit  l'Ecriture,  a  été  lapidé  avec  une 
poignée  de  boue;  tous  parleront  du  mépris  qui  lui  a  été  infligé  :  In 
le  hrfeo  lapidatus  est  piger  ;  et  omnes  loquenur  super  aspernationem 
illius  (Eccli.  xxii.  i).  Le  paresseux  a  été  lapidé  avec  de  la  Jiente  de 
bœuf;  quiconque  le  touchera,  secouera  ses  mains  :  De  stercore 
boum  lapidatus  est  piger  ;  et  omnis  qui  letigerit  cum  excutiet  manus 
(Ibid.  xxn.  2). 

La  paresse  est  tellement  odieuse  et  coupable  que  les  hommes 
regarderont  celui  qui  s'y  abandonne  comme  digne  d'être  lapidé; 
mais  le  mépris  qu'ils  éprouveront  pour  lui  sera  si  grand,  qu'au  lieu 
de  pierres,  ils  se  serviront  de  boue  et  de  fiente  de  bœuf.  Ensuite, 
tous  s'éloigneront  de  lui  comme  d'un  èlre  vil,  tous  le  repousseront, 
et  celui  qui  l'aura  touché  secouera  ses  mains  mouillées  et  se  hâtera  do 
l«'s  laver Ces  paroles  delà  sainte  Ecriture  montrent  aussi  que  le 


PARESSE.  M  0 

parp??eux  est  la  faiblesse  irtême ,  puisque  un  peu  de  boue  et  de 

fumier  suffît  pour  l'accabler  et  l'abattre 

De  quelle  honte  ne  devrait  pas  être  couvert  le  paresseux,  lui  c  m 
ne  l'ait  rien  tandis  que  tout  est  actif  dans  l'univers!  Depuis  la  créa- 
tion ,  le  soleil,  la  lune  et  les  étoiles,  ne  remplissent -ils  pas  la  fonction 
i  a  été  confiée  ?  La  terre  et  l'Océan  ont-ils  cessé  de  produire? 

animaux ,  les  oiseaux,  les  insectes  ne  suivent-ils  pas  la  voie  qui 
leur  a  été  tracée?  De  tous  ces  êtres  dépourvus  d'intelligence,  il  n'en 
est  aucun  qui  ne  travaille  à  sa  manière  ;  seul,  le  paresseux  ne 
rien!  11  ressemble  aux  poteaux  placés  le  long  des  grands  chemins, 
poteaux  qui  voient  passer  les  voyageurs  et  qui  restent  eux-mêmes 
toujours  à  la  même  place,  jusqu'à  ce  qu'ils  pourrissent,  qu'ils  tom- 
bent,  et  qu'on  les  jette  au  feu.  Que  dis-je?  ces  poteaux  immobiles 
indiquent  au  moins  aux  voyageurs  la  direction  qu'ils  doivent  pren- 
dre, tandis  que,  loin  de  montrer  la  bonne  voie,  le  paresseux,  par 

exemple ,  entraîne  dans  l'abîme  ceux  qui  ont  le  malheur  de 
l'imiter 

>:e  des  paresseux  est  hérissée  d'épines,  disent  les  Proverbes  :     Combien  ie 

r.         •  •  •  / in\    r%      '  •  paresseux  est 

lier  pigrorum  quasi  sepes  spinarum  (xv.  19).  Ces  épines  que  rencon-    malh 

iront  les  paresseux  sont  les  désirs  mauvais  qui  les  assiègent,  les 
convoitises  qui  les  environnent  comme  une  tempête  furieuse,  les 
tentations  qui  les  assaillent, les  passions  qui  les  dévorent,  la  pauvreté 
qui  les  presse,  les  maladies  qui  ruinent  leur  santé,  et  qui  leur  pré- 
parent une  mort  précoce 

La  paresse,  dit  saint  Bernard,  est  la  mère  du  chagrin,  de  l'ennui, 
de  la  pusillanimité  et  du  désespoir  :  Pigritia  mater  est  mœroris 3 
tœdu.pusiUanimitatis,  desperationis  (  De  Àcedia  ). 

Semblable  à  Caïn,  le  paresseux  est  errant  et  vagabond;  il  esl 
accablé  de  reproches  bien  mérités..,.. 

Détesté  de  Dieu  et  des  hommes,  poursuivi  par  les  remords  de  sa 
conscience,  flagellé  par  l'exemple  de  tous  ceux  qui  l'entourent  e: 
qu'il  voit  travailler,  tourmenté  par  les  passions,  comment  le  pares- 
seux pourrait-il  être  heureux?...  Jamais  il  ne  prospérera  ;  et  celui 
qui  ne  prospère  pas  est  malheureux 


Votant  un  figuier  sur  le  bord  du  chemin,  J.  C.  s'en  approcha  ;  mais     Combien  i& 
il  n'y  trouva  que  des  feuilles  et  il  dit  :  Que  ja 
i         -de  toi;  à  l'instant,  le  %  lier  sécha  (iMattJ 
seuxest  ce  figuier  stérile,  il  aura  le  même  sort. 


il  n'y  trouva  que  des  feuilles  et  il  dit  :  Que  jamais  aucun  fr  dtne    paressiVx 

^      J  puni. 

naisse  de  toi;  à  l'instant,  le  %  lier  sécha  (iMatth.  xxi.  19).  Le  pares- 


520  PAMÏSSE. 

Voilà  trois  an?,  dit  le  maitre  de  la  vigne  dont  parle  l'Evangile, 
voilà  trois  ans  que  je  viens  chercher  du  fruit  dans  cet  arbre,  et  je 
n'en  trouve  point  :  coupez-le  donc  ;  à  quoi  bon  occupe-t-il  la  terre  : 
Ecce  anni  très  sunt  ex  quo  venio  quœrens  fructum  in  ficulnea  hac,  et 
non  invenîo  :  succide  ergo  illam  :  ut  quid  etiam  terram  occupât?  (Luc. 
xiii.  7.) 

Déjà  la  cognée  a  été  mise  à  la  racine  de  l'arbre,  dit  saint  Jean- 
Baptiste.  Tout  arbre  donc  qui  ne  porte  pas  de  bon  fruit  sera  coupé 
et  jeté  au  feu  :  Jam  securis  ad  radicem  orborum  posita  est.  Omnis  ergo 
arbor  quœ  non  facit  fructum  bonum,  excidetur,  et  in  ignem  mittetur 
(Luc.  m.  9). 

Dieu,  dit  J.  C,  est  comme  un  homme  qui,  partant  pour  un  long 
voyage,  appela  ses  serviteurs  et  leur  remit  ses  biens.  A  l'un  il  donna 
cinq  talents,  à  un  autre,  deux,  à  un  autre,  un,  à  chacun  selon  sa  capa- 
cité, et  aussitôt  après  il  partit.  Celui  qui  avait  reçu  cinq  talents  les  fit 
valoir,  et  en  gagna  cinq  autres.  Et  pareillement  celui  qui  en  avait 
reçu  deux,  en  gagna  deux  autres.  Mais  celui  qui  n'en  avait  reçu 
qu'un  s'en  alla  creuser  la  terre,  et  y  cacha  l'argent  de  son  maitre. 
Longtemps  après,  le  maitre  de  ces  serviteurs  revint,  et  leur  fit  ren- 
dre compte.  Celui  qui  avait  reçu  cinq  talents  s'approcha,  et  lui  en 
présenta  cinq  autres,  disant  :  Seigneur,  vous  m'aviez  remis  cinq 
talents,  en  voilà  de  plus  cinq  autres  que  j'ai  gagnés.  Son  maitre  lui 
dit  :  Bien,  serviteur  bon  et  fidèle  ;  parce  que  vous  avez  été  fidèle  en 
chose  de  peu,  je  vous  confierai  beaucoup  :  entrez  dans  la  joie  de 
votre  maitre.  Celui  qui  avait  reçu  deux  talents  vint  aussi,  et  dit: 
Seigneur,  vous  m'aviez  remis  deux  talents  ;  en  voilà  deux  autres  quo 
j'ai  gagnés.  Son  maitre  lui  dit  :  Bien,  serviteur  bon  et  fidèle  ;  parce 
que  vous  a\ez  été  fidèle  en  chose  de  peu,  je  vous  confierai  beau- 
coup :  entrez  dans  la  joie  de  votre  maitre.  S'approchant  après,  celui 
qui  n'avait  reçu  qu'un  talent  dit  :  Seigneur,  je  sais  que  vous  êtes  un 
homme   dur;   vous  moissonnez   où    vous  n'avez  point  semé,  et 
recueillez  où  vous  n'avez  point  répandu  de  semence.  Craignant  donc, 
je  m'en  suis  allé,  et  j'ai  caché  votre  talent  dans  la  terre  :  le  voici,  je 
vous  rends  ce  qui  est  à  vous.  Son  maitre  lui  répondit:  Serviteur 
mauvais  et  paresseux,  tu  Bavais  que  je  moissonne  où  je  n'ai  point 
semé,  et  que  je  recueille  où  je  n'ai  point  répan  lu  de  semence  :  il 
fallait  donc  remettre  mon  argent  aux  banquiers,  afin  qu'à  mon 
retour  je  reçusse  avec  usure  ce  qui  est  à  moi.  Reprenez-lui  donc  le 
talent,  et  jet^z  ce  serviteur  inutile  dan?  les  ténèbres  extérieures  :  là 
ont  les  pleurs   et  le    grincement   de  dents  ;  Toll<,n  itaque  tf 


PARESSE.  521 

talentum,  et  inutitem  servum  ejicite  in  tenebras  exferiores  :  illic  erit 
letus  et  stridor  dentium  (Mat th.  xxv.  1 1-30).  Cette  parabole  nous 
apprend  quel  sera  le  sort  du  serviteur  laborieux,  et  combien  le  servi- 
teur oisif  sera  sévèrement  puni.  Ce  qui  lui  avait  été  donné  lui  sera 
ôté,  et  Dieu  lui  retirant  ses  grâces,  il  se  trouvera  plongé  dans  les 
ténèbres  extérieures  de  l'aveuglement  spirituel ,  puis  clans  les 
ténèbres  de  l'enfer  :  là  seront  les  pleurs  et  le  grincement  de 
dents. 

Serviteur  paresseux  et  inutile,  secouez  donc  votre  paresse,  et  faites 
valoir  le  talent  que  le  Seigneur  vous  a  confié;  faites  valoir  vos  yeux, 
vos  oreilles,  votre  langue,  vos  mains  et  vos  pieds,  votre  intelligence, 
votre  mémoire  et  votre  volonté;  le  temps,  la  grâce,  les  dons  tempo- 
rels et  spirituels  qui  vous  ont  été  accordés;  consacrez  tout  cela  au 
service  de  votre  Créateur.  Mais  si  vous  demeurez  inactif,  si  vous  abu- 
sez de  tout,  prenez  garde;  vous  serez  dépouillé  de  tout  et  livré  à  des 
supplices  qui  ne  finiront  jamais. 

Le  paresseux  imite  les  vierges  folles  dont  parle  l'Evangile,  il  rece- 
vra le  même  châtiment.  Lix  vierges,  dit  J.  C,  ayant  pris  leurs  lam- 
pes, allèrent  au-devant  Je  l'époux  et  de  l'épouse.  Cinq  d'entre  elles 
étaient  folles,  et  cinq  sages.  Les  cinq  folles,  ayant  pris  les  lampes,  ne 
se  pourvurent  point  d'huile.  Mais  les  sages  prirent  de  l'huile  dans 
leurs  vases  avec  les  lampes.  Or,  l'époux  tardant  à  venir,  toutes  s'as- 
soupirent et  s'endormirent.  Mais  au  milieu  de  la  nuit,  un  cri  s'éleva  : 
Voici  l'époux  qui  vient,  allez  au-devant  de  lui.  Lors  toutes  ces  vierges 
se  levèrent  et  préparèrent  leurs  lampes.  Et  les  folles  dirent  aux 
sages  :  Donnez-nous  de  votre  huile,  car  nos  lampes  s'éteignent.  Les 
sages  répondirent  :  De  peur  qu'il  n'y  en  ait  pas  assez  pour  nous  e'; 
pour  vous,  allez  plutôt  à  ceux  qui  en  vendent  et  achetez-en.  Or, 
pendant  qu'elles  allaient  en  acheter,  l'époux  vint;  et  les  sag^s  qui 
étaient  prêtes  entrèrent  avec  lui  dans  la  salle  des  noces,  et  la  porte 
lut  fermée.  Enfin  les  autres  vierges  vinrent  aussi,  disant  :  Seigneur, 
Seigneur,  ouvrez-nous.  Mais  il  leur  répondit  :  En  vérité,  je  vous  le 
dis,  je  ne  vous  connais  point  (Matth.  xxv.  d-12). 

Les  vierges  sages  qui  se  tinrent  prêtes  et  entrèrent  avec  l'époux 
dans  la  salle  du  festin  des  noces,  sont  les  hommes  vigilants  et  labo- 
rieux. Les  vierges  folles  représentent  les  paresseux  qui  dorment,  qui 
Vont  point  l'huile  de  la  foi  et  des  bonnes  œuvres,  et  qui  par  consé- 
Ijuent  ne  seront  point  admis  dans  le  ciel  au  festin  deTEpoux  :  la  porte 
JL-ur  sera  fermée.  Comme  les  vierges  folles,  les  paresseux  à  la  mort 
prieront:  Seigneur,  Seigneur,  ouvrez-nous;  m,ais  le  souverain  juge^ 


525  PAKESSE. 

qui  rend  à  chacun  selon  ses  œuvres,  leur  dira  :  En  vérité,  je  ne  vous 
cornais  pas 

Les  paresseux  font  partie  de  ces  blessée  de 7a  mort,  dont  parle  le 
pgalmiste,  qui  dorment  dans  le  sépulcre,  éfffecés  du  souvenir  du  Sei- 
gneur et  retranchée  par  sa  main  du  livre  de  vie  :  Sicut  vulnerati  dor- 
•nrientes  in  sepulcris,  quorum  non  es  mentor  amplius ;  etipside  manu  tua 
repnhi  sunt  (lxxxuï.  Q)^ 

Le  rovaume  de  Dieu  ne  sera  pas  donné  aux  oisifs,  dit  saint  Ber- 
nard :  Ifcgnum  Dei  non  dabitur  otiosis  (De  modo  bene  vivendi,  c.  •  t). 

Si  les  riches  de  la  terre  méprisent  le  domestique  paresseux,  ne  lui 
donnent  point  de  gage  et  le  renvoient  avec  justice;  comment  Dieu 
récompenserait-il  l'homme  qui  le  bèrt  avec  négligence,  com: 
plutôt  ne  le  punirait-il  pas  avec  sévérité?... 

L'oisif  Esatl  perdit  la  bénédiction  attachée  au  droit  d'aineçse, 
dit  saint  Ambroise  :  Otiosus  Esau  amisit  primatus  bcnidictionem 
(Serm.  xi  in  Psal.  cxvm  ). 

Malheur  à  vous  qui  vous  perdez  dans  des  pensées  et  des  projets 
inutiles  !  dit  le  prophète  ÎMichée  :  Yœ  qui  cogitatis  inutile!  (n.  \.) 

Ne  vous  y  trompez  pas,  dit  le  grand  Apôtre  aux  Galates,  on  ri 
rit  point  de  Dieu.  L'homme  recueillera  ce  qu'il  aura  semé  :  Nolite 
errare,  Deus  non  ùriuetur.  Quœ  enim  seminuuerù  ktmi,  hœc  et  mctct 
(vi.  7.8). 

Une  terre  qui  boit  la  pluie  dont  elle  est  souvent  arrosée,  et  qui 
produit  une  herbe  utile  à  ceux  qui  la  cultivent,  reçoit  la  bénédic- 
tion de  Dieu;  mais  celle  qui  produit  des  épines  et  des  ro 
méprisée  et  comme  maudite,  et  à  la  fin  livrée!  u  i.  7.8).  La 
bonne  terre  est  l'emblème  de  l'homme  laborieux  ;  la  mauvaise  i 
qui  ne  produit  que  des  ronces  et  qui  est  maudite  et  livrée  au  feu, 
représente  l'homme  paresseux  et  lâche 

Remèdes      Ox  doit  secouer  la  par" -se.....  Et  maintenant,  qu'a'! 
k  i> 'resse.     tœ>  dft  Ànanie  à  Saul  :  Etnunc,quid  mor  urge{kct. 

Il  faut  que  le  paresseux  ne  resl  ans  son  triste  état;  il  faut 

qu'il  se  lève  et  qu'il  change  de  vie 

Le  vrai  remède  contre  la  paresse  ,  C'est  l'amour 
rite,  dit  saint  Grégoire,  donne  des  forces  :  Vires  caritas  sut 
(Pa-tor.). 

Ne  fuyez  pas  le  travail,  afin   de  ne  pas  perdre  îa  couronne,  'it 
saint  Ephrem  :  Nefugias  lobèrent,  u  non  ..  y). 

Dieu  nous  a  donné  des  mains  et  des  forces  pour  tr;  Le 


PARESSE.  893 

temps  prient  est  le  temps  du  travail;  le  temps  à  venir  ou  l'éternité 
sera  1  "époque  de  la  récompense  et  du  repos 

Saint  Antoine  entendit  une  voix  qui  lui  disait  :  Antoine,  voulez- 
vous  plaire  à  Dieu?  priez;  lorsque  vous  ne  pourrez  pas  prier,  tra- 
vaillez des  mains  et  faites  toujours  quelque  chose  :  Ora ,  et  dum 
orare  non  poteris,  manibus  labora,  et  semper  aliquid  facito  (Vit.  Pair.  ). 

Quelle  est  la  meilleure  eau ,  dit  saint  Chrysostome,  de  celle  qui 
coule  ou  de  celle  qui  croupit?  Le  fer  vaut-il  mieux  en  se  reposant 
qu'en  travaillant?  (Homil.  xxxv  in  Act.  Apost.) 

Faites  toujours  quelque  chose,  afin  que  le  démon  vous  trouve 
toujours  occupé,  dit  saint  Jérôme  :  Facito  aliquid  operis,  ut  te  semper 
diabolus  inventât  occupation  (Epist.  iv  ad  Rustic);  car  l'oisif  est 
dévoré  de  mauvais  désirs. 

Si  vous  vous  privez  de  loisirs ,  vous  aurez  hrisé  l'arc  de  Cupidon, 
le  dieu  de  l'amour  impur,  dit  Ovide  :  Otia  si  tollas,  periere  Cupidinis 
arcus  (Fabul.  ). 

Un  travail  assidu,  dit  Virgile,  vient  à  bout  des  choses  les  plus 
difficiles  :  Lobor  improbus  omniavincit. 

Travailler  est  le  propre  des  rois,  dit  Alexandre  le  Grand  :  Regium 
est  laborare  (Pastor.) . 

Je  ne  suis  jamais  moins  seul,  dit  saint  Ambroise,  que  lorsque  je 
parais  l'être;  et  jamais  je  ne  suis  moins  oisif,  que  lorsque  je  me 
repose  :  Nunquam  minus  sum  solus,  çuarn  cum  solus  esse  videor  ;  nec 
minus  otiosus,  quam  cum  otiosus  (Serm.). 

Travaillez  dans  la  jeunesse  pour  avoir  de  quoi  vivre  dans  votre 
vieillesse  ;  amassez  des  mérites  sur  la  terre ,  afin  qu'ils  vous  procu- 
rent la  béatitude  céleste 

Vous  ne   pouvez  trop    méditer  ces  paroles  de  saint  François 
d'Assise  :  Un  peu  de  travail  et  une  gloire  immense  ;  un  peu  do  plai- 
sir et  un  châtiment  éternel  :  Modicus  lahor,  gloria  immensa;mi 
voluplas.  pœna  œterna  (S.  Bonav.,  in  ejus  vita) 

Le  travail  tue  la  volupté,  dit  >aint  Isidore  :  Ceeîdit  libido  operibus 
(Sentent.  ). 


PAROLE  DE  DIEU. 


Véracité  et 


autorité  de  la   1%  /H~0N  discours  ct  raa  prédication ,  dit  le  grand  Apôtre  aux 


M 


'PïvIe  W  ■   Corinthiens,  consistent  non  dans  les  paroles  persuasives  de 

la  sagesse  humaine ,  mais  dans  la  manifestation  de  l'esprit 

et  de  la  puissance;  afin  que  votre  foi  repose  non  sur  la  sagesse  des 

hommes,  mais  sur  la  vertu  de  Dieu Pour  nous,  nous  n'avons 

point  reçu  l'esprit  de  ce  monde,  mais  l'esprit  qui  est  de  Dieu,  afin 
que  nous  connaissions  les  dons  de  Dieu,  que  nous  annonçons,  non 
avec  les  doctes  paroles  de  la  sagesse  humaine ,  mais  selon  la  doc- 
trine de  l'Esprit-Saint.  Nous,  nous  avons  l'esprit  du  Christ  (I). 

Si  nous-mêmes,  écrit  cet  apôtre  aux  Galates,  nous  vous  évangé- 
lisions,  ou  si  un  ange  du  ciel  vous  évangélisait  autrement  que  nous 
vous  avons  évangélisés,  anathème  sur  le  coupable.  Comme  nous 
l'avons  dit,  ainsi  derechef  je  le  dis  :  Si  quelqu'un  vous  annonce 
un  autre  Evangile  que  celui  que  vous  avez  reçu,  qu'il  soit  ana- 
thème. Car  je  vous  déclare  ,  frères,  que  l'Evangile  que  je  vous  ai 
prêché  n'est  point  selon  l'homme.  Ce  n'est  point  d'un  homme  que 
je  l'ai  reçu  ni  appris  ,  mais  par  la  révélation  de  J.  C.  (2). 

Vous  avez  été  instruits  en  J.  C.  selon  la  vérité  de  la  doctrine, 
écrit-il  aux  Ephésiens  :  In  ipso  edocti  estis  sicut  est  ve7'itas  in  Jesu 
(iv.  21). 

Annoncez  la  parole,  dit-il  à  son  disciple  Timothée;  insistez  a 
temps  et  à  contre- temps,  reprenez,  suppliez,  gourmandez,  en 
toute  longanimité  et  doctrine:  Pradica  verbum ,  insta  opportune, 
importune  ;  argue  ,  obsecra,  increpa  in  omnipotentia  et  doctrina  (II. 
iv.  1). 

(1)  Sermo  meus  et  predicatio  mea,  non  in  penuasibilibus  hiimanre  sapicnliœ  Terbis, 
sed  in  ostensione  spiritus  et  virlutis;  ul  fldes  vestra  non  sit  in  sapientta  hominum, 
sed  in  virlute  Dei.  Nus  aulera  non  ipiritum  bujus  mundi  accepimus,  sed  spiriturn 
qui  ex  Deo  est,  ut  sciamui  qu;e  a  Deo  donalo  sunt  nohis;  quœ  et  loquimor,  non  in 
doctis  humanx  sapienthn  verbis ,  sed  in  doctrina  Spiritus.  Nos  autein  sensum  Cbristi 
habemiis  (I.  u.  4.  5. 12.  13.  16  . 

(2)  Sed  licet  nos,  eut  angélus  de  cœlo,  evancrolizet  vobis  prrrlorquam  quod  evan- 
gelizavimus  vobis,  analbema  sit.  Sicut  prœdiximus ,  et  nunc  iterum  dico  :  Si  quis 
vobia  evangelizaverit  pneter  i>l  quod  accepistis,  anathema  sit.  Nolum  enim  vobis 
facio,  (ratres,  Evangelium  quod  evangeliratum  est  a  me,  quia  non  est  secondum 
hominem  :  neque  enim  ego  ab  homiue  accepi  illud  ne.|ue  didici,  sed  per  revclulio- 

"  lesn,  ("!iri  !i  'l.  S.  9,  11.  12) 


PAROLE   DE   DIKLT.  525 

Il  est  rapporté  dans  les  Actes  des  apôtres  que  le  Seigneur  dit  en 
vision  à  saint  Paul  :  Gardez -vous  de  craindre,  mais  parlez  et  ne 
"vous  taisez  point;  car  je  suis  avec  vous  :  Dixit  autem  Dominus  per 
visionem  Paulo  :  Noli  timere,  sed  loqucre ,  et  ne  taceas:  propter  quod 
ego  sum  tecum  (  xvm.  9.  -10). 

Parole  de  Dieu!  combien  grand  et  majestueux  est  ce  titre!  Quelle 
véracité  et  quelle  autorité  il  indique!  quel  respect  il  impose?  C'est 
la  voix  de  Dieu,  dit  le  Psalmiste  :  Vox  Domini  (xxvm.  A  ). 

La  vérité  du  Seigneur  demeure  éternellement,  dit  le  Prophète 
royal:  Veritas  Domini  manet  in  œternum  (Psal.  cxvi.  2).  Or,  la 
parole  de  Dieu  est  la  vérité  même. 

La  parole  du  Seigneur  demeure  éternellement ,  dit  à  son  tour 
Isaïe.  Vous  qui  évangélisez  Sion,  montez  sur  le  sommet  des 
montagnes;  élevez  la  voix  avec  force  et  autorité,  vous  qui  évan- 
gélisez Jérusalem;  élevez  la  voix,  et  ne  craignez  point.  Dites  aux 
villes  de  Juda  :  Voici  votre  Dieu  (1).  La  bouche  des  apôtres  du  Sei- 
gneur est  comme  un  glaive  aigu,  dit  ailleurs  le  même  prophète;  ils 
sont  des  llèches  choisies  tenues  en  réserve  dans  son  carquois  :  Domi- 
nus posuit  os  meum  quasi  gladium  acutum;  posuit  me  sicut  sagittam 
electam,in  pharetra  sua  abscondit  me  (  xlix.  2  ). 

Le  Seigneur  étendit  sa  main,  dit  Jérémie;  il  toucha  ma  bouche, 
et  me  dit  :  Voilà  que  j'ai  mis  ma  parole  dans  votre  bouche;  voilà 
qu'en  ce  jour  je  vous  ai  établi  sur  les  nations  et  sur  les  royaumes, 
pour  arracher  et  pour  détruire,  pour  perdre  et  pour  dissiper,  pour 
édiiier  et  pour  planter  (2). 

Le  prêtre  est  un  autre  Elie,  un  homme  de  Dieu,  et  la  parole  du 
Seigneur  est  véritable  en  sa  bouche  :  Vir  Dei  es  tu,  et  verbum  Domini 
in  ore  tuo  verumest  (III.  Reg.  xvn.  24). 

Le  ciel  et  la  terre  passeront ,  mais  mes  paroles  ne  passeront  point, 
dit  J.  G.  :  Cœlum  et  terra  transibunt ,  verba  autem  mea  non  prœteribunt 
(  Matth.  xxiv.  35  ).  Je  vous  le  dis  en  vérité  :  Le  ciel  et  la  terre  ne 
passeront  point  que  toute  la  loi  ne  soit  accomplie  ,  jusqu'à  la  der- 
nière lettre  et  au  dernier  point  :  Amen  quippe  dico  vobis:  donec 
transeat  cœlum  et  terra ,  iota  unnm  aut  unus  apex  non  prœteribit  a  lege, 
donec  omnia  fiant  ( jSIatth.  v.  18  ). 

(1)  Verbum  Domini  manet  in  reternum.  Super  montera  excelsum  ascencie  tu,  qui 
êvangelizas  Sion  :  exalta  in  fortiti:  !ine  vocem  tuam,qui  evangelizas  Jérusalem  : 
exalta,  noli  timere.  Die  civitatibus  Juda  :  Ecce  Deus  vesler  (  xl.  8.  9). 

(2)  Ecce  cledi  verba  mea  in  oie  tuo  :  ecce  constilui  te  hodie  super  gentes,  et  super 
régna,  ut  evellus,  et  destiuas,  et  dispeidas,  et  dissipes,  et  édifices,  et  plantes 
(i.  9.  10). 


526  PAROLE  I>E  DIEÏÏ. 

Excellence  La  parole  de  Dieu  est  si  excellente ,  que  le  prophète  ïsaïo  va  jusqu'à 
fe  dSml*  célébrer  les  pieds  de  ceux  qui  l'annoncent  :  Qu'ils  sont  beaux,  s'écrie- 
t-il,  qu'ils  sont  beaux  sur  les  montagnes,  les  pieds  de  celui  qui 
annonce  et  qui  prêche  la  paix,  qui  annonce  le  bien,  qui  prêche  le 
salut,  et  qui  ditàSion  :  Ton  Dieu  va  régner!  Quam  pulchri  super 
montes  ped es  annuntiantis  et  prœdicantis  pacem  ;  anm/nHuntis  bonum, 
prœdicantis  salutem,  dicentis  Sion  :  Iiegnabit  Deus  tuus!  (lu.  7.) 

La  parole  de  Dieu,  dit  saint  Paul ,  est  vivante  et  efficace,  et  plus 
pénétrante  qu'un  glaive  à  deux  tranchants;  elle  atteint  jusqu'à  la 
division  de  lame  et  de  l'esprit,  des  jointures  et  des  moelles;  et  elle 
discerne  les  pensées  et  les  mouvements  du  cœur.  Aucune  créature 
n'est  invisible  devant  elle  ;  mais  tout  est  à  nu  et  à  découvert  aux 
yeux  de  celui  de  qui  nous  parlons  (1). 

La  parole  de  Dieu  est  vivante,  afin  que  vous  croyiez,  dit  llucrues 
de  Saint-Victor  ;  elle  est  efficace,  afin  que  vous  espériez;  el!  I 
pénétrante,  afin  que  vous  craigniez.  Elle  est  vivante  dans  ses  pré- 
ceptes et  dans  ses  prohibitions,  efficace  dans  ses  promesses  et  i Unis 
ses  menaces,  pénétrante  dans  ses  jugements  et  dans  ses  condam- 
nations. De  ce  que  la  parole  de  Dieu  est  vivante,  nous  devons  croire 
que  ce  qu'elle  promet  est  la  vérité;  de  ce  qu'elle  est  elïicace,  nous 
devons  croire  qu'elle  accomplira  ses  promesses;  de  ce  qu'elle  est 
pénétrante  et  quelle  ne  peut  être  induite  en  erreur,  nous  devons 
nous  repentir  de  l'avoir  offensé ,  et  à  l'avenir  nous  garder  de  l'of- 
fenser de  nouveau  (2). 

La  parole  de  Dieu  est  le  miroir  du  chrétien.  Comme  le  miroir,  dit 
Clément  d'Alexandrie,  n'est  pas  l'ennemi  de  l'homme  difforme, 
par  cela  qu'il  le  montre  tel  qu'il  est:  comme  le  médecin  n'est  pas 
cruel  pour  son  malade ,  par  cela  qu'il  lui  annonce  la  fièvre;  car  le 
mé  leciii  b'est  pas  la  cause  de  la  fièvre  ;  il  se  borne  à  l'accuser  lors- 
qu'elle existe  :  ainsi  la  parole  de  Dieu,  qui  reprend  et  condamne  celui 


;i)  Vivus  est  scrmo  Dei,  et  efBcaz,  et  penctrabilior  nmni  gladio  ancipiti,  et  per-o 
tingens  usque  ad  divisi<>ne:n  anfrnal  ftC  Bplfitus,  compagum  qunquc  ac  medullarUtti, 
et  discretor  MgîtaUoontii  ci  inlcuiioiiuiii  cordia.  Et  non  est  ulla  ereatura  iaviabilis 
in  conspectu  (jus  :  omnia  aulem  nuda  et  aperta  suut  ouulis  cjus  ad  guem  nobis 
)ernio  Jlebr.  iv.  12. 13). 

(2)  Vivus  est  senne-  Dei  ut  rredas,  effirax  ut  speres,  penctrabilis  ut  timras.  Vivus 
est  in  prsceptis  ël  prôhibilionibus  ;  cflicai  in  proraissis  el  comminalionibus;  pene- 
trabilis  in  jddiciis  et  daniûalionibus.  Quia  igitur  \  ivus  est  sernio  Dei,  credendum  est 
eum  vcia  protoittere  ;  quia  efficax,  credendum  est  euni  promissa  perficere;  quia 
pcnetrabilis  est  et  lalli  non  polesl  ,  cuiu  oÛeudisse  lugendurn  est;  et  de  ta;tero  offen- 
dere,  c&vendum  est  {In  Joël.,  c.  lu). 


PAROLE  LE  DIEU.  52" 

dont  l'âme  est  malade,  n'ei  •  s  elle  lui  montre 

les  péchés  qu'il  a  commis,  afin  qu'il  s'en  corrige  (I). 

Jean  dit  du  Verbe  de  Dieu  fait  homme,  qu'en  lui  e-t ,o  - ;  }, 

et  que  la  vie  est  la  lainière  des  hommes;  qui]  est  la  vraie  lumière 

qui  éclaire  tout  homme  venant  en  ce  monde  :  In  ipso  vita  erat,  et  vita 

num.  Erat  lux  vera  quœ  illuminât  omnem  kominem  venien- 

i  c  .     ndum  (i.  4-9).  Voilà  aussi  ce  qui  fait  l'excellence  de  la 

de  Dieu;  comme  J.  C,  elle  a  la  vie  en  elle,  et  elle  est  la  vraie 

ièie  qui  éclaire  le  mon,le  et  dissipe  les  ténèbres  où  il  était 

p!oi'. 

Entre  la  parole  de  Dieu  et  la  lumière,  il  y  a  d'admirables  rap- 
ports  :  le  solei  lu  à  l'immense  voûte  des  cieux,  est  ce  qu'il 

y  a  de  plus  noble  et  de  plus  beau  dans  la  nature;  sa  lumiè;  e  est  très- 
pure  ,  très-pénétrante  ,  très-active,  impassible;  quoiqu'elle  pénètre 
dans  des  Unix  sales  et  infects,  elle  ne  peut  être  souillée;  elle  est 
très-belle  j  elle  embrasse  une  vaste  étendue  et  dure  depuis  le  com- 
mencement du  monde.  Le  soleil  nous  apporte  la  clarté,  la  '.leur, 
la  fécondité,  la  joie  et  le  bonheur  ;  il  nous  fait  voir  toutes  chose?;  il 
ressuscite  ce  qui  semblait  mort  et  donne  la  vie  et  la  force  à  tous  les 
êtres.  La  parole  de  Dieu  vient  de  Dieu  même;  elle  est  tiès-pure; 
elle  éclaire  et  pénètre  les  intelligences;  elle  est très-active  et  impas- 
sible ;  elle  descend  dans  les  âmes  les  plus  souillées,  sans  en  rien  f  oul- 
frir;  elle  s'étend  à  tout  et  embrasse  le  ciel,  la  terre,  tous  les  siècles 
et  l'éternité,  Elle  porte  avrec  elle  la  clarté,  la  chaleur,  la  fécondité, 
la  paix,  la  joie  et  le  bonheur;  elle  ressuscite  ceux  qui  étaient  morts 
à  la  grâce;  elle  fait  voir  toutes  choses  sous  leur  véritable  aspect; 
enfin,   elle  donne  la  vie  et  la  force  à  tous  les  cœurs  et  à  tous  les 

esprits 

La  parole  de  Dieu ,  dit  David ,  est  une  parole  chaste ,  un  argen 
qui  a  été  mis  au  creuset,  éprouvé  par  le  feu  et  purifié  jusqu'à  sept 
fois:  Eloquia  Domini,  eloquia  casta ;  argentum  igné  examinatum,pn,- 
balum,  purgatum  septuplum  (xi.  7).  Purifié  jusqu'à  sept  fois,  c'est 

à-dire  pénétré  des  sept  dons  du  Saint-Esprit 

Seigneur ,  dit  le  même  prophète ,  vous  m'avez  montré ,  par  votre 
parole,  le  chemin  de  la  vie;  vous  me  comblerez  de  joie  en  me 

(1)  Sicut  spéculum  non  est  malum  defonr.i,  quod  ipsum  ostendat  qualis  sit;  et  sicut 
medicus  non  est  œgrolo  malus,  quod  ci  febiem  annuntiet;  non  enim  medicus  est 
causa  febris;  sed  ipse  febrim  aiguit  :  ita  nec  is  qui  reprehendit,  ei  maie  vult  qui  Libé- 
ral animo,  sed  ea  quoe  adsuut  -jeccata  ostendit,  ad  boc  ut  averlatur  ab  hujusmodi 
studiis  [Pedag.,  lib.  I,  c.  uj. 


528  PAROLE  DE  DIEU. 

dévoilant  votre  face  :  Notas  mihi  fecisti  vias  vitœ,  adimplebis  me  lœti- 
tia  cum  vultu  tuo  ( xv.  M). 

La  parole  du  Seigneur  est  droite,  elle  réjouit  les  cceurs;  les  pré- 
ceptes du  Seigneur  sont  lumineux ,  ils  éclairent  :  Justifia?  Domini 
recta',  lœtificantes  corda;  prœceptum  Domini  lucidum ,  illuminans  ocu- 
los  (Psal.  xviii.  9). 

Les  cieux,  dit  encore  le  Psalmiste,  racontent  la  gloire  du  Sei- 
gneur, et  le  firmament  annonce  l'œuvre  de  ses  mains.  Le  jour  parle 
au  jour,  et  la  nuit  à  la  nuit.  11  n'est  point  de  langue,  point  d'idiome 
dans  lequel  on  n'entende  cette  voix.  Son  éclat  a  parcouru  toute  la 
terre,  et  les  paroles  qu'elle  a  fait  entendre  ont  retenti  jusqu'aux 
extrémités  du  monde.  Dieu  a  placé  le  pavillon  du  soleil  au  milieu  des 
cieux,  et  semblable  à  un  nouvel  époux  qui  sort  du  lit  nuptial,  cet 
astre  s'élance  comme  un  géant,  afin  de  parcourir  sa  carrière.  11 
part  des  extrémités  de  l'aurore,  il  s'abaisse  aux  bornes  du  couchant; 
et  personne  ne  peut  se  dérober  à  la  chaleur  de  ses  rayons.  Telle  est 
la  loi  du  Seigneur,  belle,  pure  et  convertissant  les  âmes  :  la  parole 
de  Dieu  est  iidèle,  elle  donne  la  sagesse  aux  petits  :  Lex  Domini 
immaculata,  convertens  animas  :  testimonium  Domini  /idele,sapientiam 
prœstans  parvulis  (xviii.  1-8). 

La  parole  de  Dieu,  dit  saint  Augustin ,  n'est  pas  moins  excellent 
que  le  corps  de  J.  C.  :  aussi  devons-nous  apporter  autant  de  sollici- 
tude à  ne  pas  laisser  sortir  de  notre  cœur ,  en  nous  livrant  à  d'autres 
pensées,  la  parole  de  Dieu  qu'il  reçoit,  que  nous  en  apportons  à  ne 
pas  laisser  tomber  à  terre  la  moindre  parcelle  du  corps  de  J.  C. . 
lorsqu'on  uous  le  distribue  (1). 

n"ïa"  «u''îa  Dieu  parle,  et  l'univers  est  tiré  du  néant Il  parle,  et  le  soleil, 

pa^ie  de     ia  lune,  les  étoiles  disent  :  Nous  voici Il  parle,  et ,  se  formant, 

l'immense  Océan  respectera  les  limites  qui  lui  ont  été  assignées 

Dieu  parle  ,  et  la  terre,  devenue  féconde ,  produit  toute  espèce  de 

fruits 11  parle,  et  crée  a  son  image  l'homme,  roi  de  l'univers, 

qui  pieu  1  plaie  à  la  tête  de  la  création Dieu  parle,  et  les  eaux 

du  déluge  couvrent  la  terre Il  parle,  et  la  mer  Rouge,  ainsi  qi  u    e 

Jourdain,  donn  aux  Israélites Il  parle,  et  la  manne 

tom  l "te  ans;  les  rochers  arides  laissent 

(1)  Non  est  minas  \  qu&m  corpus  Chi  isli  :  et  ideo  quanta  sollicitudinc 

observatnus  quando  nobis  Cbristi  corpus  minislratur,  ut  nihil  ex  ipso  iu  terrain 
cadat;  tanta  solli-iludine  observanduin  est  ne  verbum  Dei  quod  nobis  erogatur,  data 
aliquid  cogilamus,  de  corda  uoslro  pereat  (  Lib.  Ciuit.j. 


PAROLE  DE  DIEU.  829 

échapper  des  sources  d'eau  vive;  les  murs  de  Jéricho  s'écrou- 
lent. 11  parle,  et  le  Verbe  éternel  se  fait  chair  et  sauve  le  monde 

Dieu  parle,  et  douze  hommes,  sans  lettres,  sans  fortune,  san3 
appui  et  sans  défense ,  armés  de  la  seule  parole ,  surmontent  tous 
les  obstacles,  renversent  les  idoles  et  les  temples  païens,  dissi- 
pent les  ténèbres  qui  depuis  quarante  siècles  couvraient  la  face  delà 
terre  et  répandent  partout  la  lumière  du  jour  même  de  l'éternité; 
L'univers  païen  se  convertit  et  se  prosterne  au  pied  de  la  croix  de 

J.  C Dieu  parle,  et  les  nuages,  la  pluie,  la  grêle,  les  tempêtes 

et  la  foudre  se  tiennent  prêts  à  exécuter  ses  ordres Il  parle,  et 

le  jour  serein  reparait.  A  la  fin  du  monde,  il  fera  entendre  ces 
paroles  :  Levez- vous ,  ô  morts ,  venez  au  jugement;  et  soudain  tous 
les  morts  ressusciteront,  et  se  trouveront  réunis  au  pied  du  tribu- 
nal du  juge  suprême 

Nous  marchons  dans  la  chair,  dit  le  grand  Apôtre ,  mais  nous  ne 
combattons  point  selon  la  chair.  Les  armes  de  notre  milice  ne  sont 
point  charnelles ,  mais  elles  consistent  dans  la  puissance  de  Dieu 
pour  la  destruction  des  remparts.  Nous  allons  détruisant  les  raison- 
nements et  toute  hauteur  qui  s'élève  contre  la  science  de  Dieu ,  et 
réduisant  en  captivité  toute  intelligence,  sous  l'obéissance  du  Christ, 
prêts  à  punir  toute  désobéissance  (l). 

Les  armes  si  puissantes ,  si  efficaces ,  si  victorieuses ,  dont  parlo 
saint  Paul,  et  dont  il  se  sert,  sont  la  parole  de  Dieu,  accompagnée  du 

Saint-Esprit 

La  force  et  l'efficacité  de  la  parole  de  Dieu  brille  non-seulement 
dans  cette  parole  prise  en  elle-même,  mais  encore  dans  la  prédi- 
cation que  l'on  en  fait.  Elles  brillent  en  ce  que  i°  un  petit  nombre 
d'apôtres,  pauvres  pêcheurs,  sans  études ,  obscurs ,  juifs ,  rebutés 
de  tout  le  monde,  ont  soumis  à  la  croix  le  monde  entier.  2J  En  ce 
qu'ils  ont  vaincu,  renversé,  converti  leurs  plus  mortels  ennemis,  et 
surmonté  les  démons,  le  péché,  la  mort,  l'enfer,  les  princes,  les 
rois ,  les  philosophes,  les  orateurs ,  les  Grecs ,  les  Romains ,  les  bar- 
bares, les  lois,  les  coutumes,  les  jugements  ,  les  religions  les  plus 
anciennes  et  les  plus  commodes  pour  les  passions,  les  préjugés,  les 
vices,  les  ténèbres,  l'ignorance  et  toutes  les  erreurs  de  tant  de 


(1)  In  carne  enim  ambulantes,  non  socundum  carnem  militamus.  Nam  armn 
militire  nostrac,  non  carnalia  sunt,  sed  polenlia  Deo  aJ  destructionem  inunttionum, 
consilia  destruentes,  et  omnem  altiliidinem  cstollenlem  se  adversus  scientiam  D.  . 
et  in  captivitalem  redigentes  omnem  intellcctum  in  obsequium  r  'îristi,  e'  > 
piomptu  habemes  ulcisci  omnem  iaobedientiara  (II.  Cor.  x.  8-6). 
ni.  &4 


530  PAROLE   DE  DIET". 

siècles 3°  En  ce  qu'ils  ont  persuadé,  convaincu  et  fait  croire,  non 

par  la  force  des  armes ,  ou  de  la  sagesse ,  ou  de  l'éloquence ,  ou  do 

l4or;  mais  par  la  simple  prédication  delà  croix 4-°  En  ce  que  Si 

promptement  et  en  si  peu  de  temps  ils  ont  répandu  et  établi  la  foi  de 

J.  C.  dans  tout  l'univers 5°  En  ce  que ,  par  la  parole  de  Dieu , 

accompagnée  de  la  grâce  de  J.  C. ,  ils  ont  triomphé  des  menaces  et 
deâ  coups,  de  tourments  au-dessus  des  forces  de  la  nature ,  des 

chaînes,  des  prisons  et  de  mille  genres  de  morts G"  En  ce  qu'ils 

ont  fait  recevoir  et  pratiquer  la  doctrine,  non  d'un  Dieu  plein  de 
gloire,  mais  d'un  crucifié;  obligeant,  par  la  simple  parole  de  Dieu,  le 
monde  à  croire  que  ce  crucifié  est  le  Sauveur  du  monde J  amenant 
les  hommes  à  l'adorer  et  faisant  admettre  et  pratiquer  la  loi  de  J.C., 

opposée  à  la  nature  et  à  la  chair 7°  En  ce  que  les  loups        [ 

devenus  des  agneaux ,  les  persécuteurs  des  modèles  de  douceur  et 
leé  plus  ardents  défenseurs  de  la  religion  (De  S.  Paulo). 

Oh!  que  le  célèbre  et  grave  Tertullien  fait  bien  ressortir  la  puis- 
sance et  l'efficacité  de  la  parole  de  Dieu!  Salomon,  dit-il,  régna , 
mais  seulement  dans  la  Judée,  depuis  Dan  jusqu'à  Bersabée.  Darius 
régna  sur  la  Babylonie  et  le  pays  des  Parthes,  mais  non  ailleurs. 
Pharaon  régna  sur  les  seuls  Egyptiens.  Nabuchodonosorvit  la  Judée 
et  l'Ethiopie  former  les  limites  de  son  empire.  Le  grand  Alexandre 
ne  posséda  jamais  l'Asie  entière;  souvent  les  contrées  auxquelles  il 
imposait  son  joug  lui  échappaient  aussitôt  par  la  révolte.  11  en  fut 
de  même  des  Germains,  des  Bretons,  des  Mauritaniens.  Les  Romains 
eux-mêmes  ont  connu  des  bornes.  Mais,  par  la  puissance  de  la  par»  .le 
de  Dieu,  le  nom  et  le  royaume  de  J.  C.  s'étenient  dans  toutes  les 
Contrées  de  la  terre;  tous  les  peuples  croient  en  lui,  toutes  les 
nations  le  servent;  il  règne  partout,  il  est  adoré  partout;  il  accueille 
également  tous  les  hommes;  il  est  le  roi,  le  juge,  le  mai tre  et  le 
Dieu  de  l'univers  (Apolog.). 

Reprenez  les  pécheurs  en  présence  de  tous  les  fidèles  ,  afin  que 
tous  aient  la  crainte,  dit  l'Apôtre  h  son  disciple  Timothée  :  Pcccantes 
cm  oui  omnibus  argue,  ut  et  cœleri  timorem  habeant  (  I.  v.  20). 

Voix  du  Seigneur  dans  la  puissance. ,  dit  le  Prophète  royal  ;  voix 
du  Seigneur  dans  la  magnificence:  Vox  Domini  in  virtute:vnx  D , 
inmognificcntia  (xxvm.  4).  Voix  du  Seigneur  qui  brise  les  cèdres  : 
Vox  Domini  confringentis  cedros  (Ibil.   xxviu.  5).  Le  S  bri- 

sera les  cèdres  du  Liban;  il  les  fera  bondir  comme  I  ;  il 

i  a  trembler  comme  le  faon  du  da  du  qui 

entrouvre  lea  mers,  et  eu  fuit  sortir  L  .  voix  ùu  Sf*ujpieur 


TAIK'LE   DE    DTE'1.  531 

i  ni  ébranlq  la   solitude^  el  cpii  jette  l'épouvante  d?.ns  les  .léscrts 
de  Cadès  {Ibid.  xx.vnr.  G.  7  ) . 

Le  Seigneur  donnera  une  voix  pleine  de  puissance  à  ceux  qui  évam 
ut;,  dit  le  Psalmiste  :    Dominas  dabit  verbum  evangrlizondbu? 
viriute  multa  (lxvii.    13).  Voici  qu'il  donnera  à  sa  voix  l'éloquence 
de  .a  force  :  Ecce  dabit  voci  suœ  vocem  virtutis  (Psal.  lxvii.  34). 

En  ce  temps-là  ,  dit  lsaie,  on  entendra  la  trompette  de  la  psi-  I 
de  Dieu  et  ses  bruyants  éclats;  et  ceux  qui  avaient  été  perdus  sur 
la  terre  viendront  et  ils  adoreront,  le  Seigneur  sur  la  montagne 
rainte  :  In  die  Ma  clangetur  in  tuba  magna,  et  venient  qui  perditi  fue- 
rant  de  (erra,  et  adorobunt  Domiuum  in  monte  sancto  (xxvn.  f3). 

Mes  paroles  ne  sont-elles  pas  comme  le  ieu,  et  comme  le  marteau 
qui  brise  la  pierre?  dit  le  Seigneur  par  la  bouche  de  Jérémie  :  Num- 
quid  non  verba  mea  suni  quasi  lynis,  et  quasi  malleus  contèrent  fietrètm? 
(xxin.  29.) 

Toute  écriture  inspirée  de  Dieu,  dit  saint  Paul  à  son  disciple  T imo-  Heun 

thée,  est  utile  pour  enseigner,  pour  reprendre,  pour  redresser,  pour    j1.^., 

instruire  dans  la  justice,  afin  une  l'homme  de  Dieu  soit  pariait ,  et  Dieu  et  avan- 

,  t. in- 

apte à  toute  œuvre  bonne  (1).  mahi  ■■  \  \  ei 

La  parole  de  Dieu,  dit  saint  Ambroise,  est  un  feu  qui  brûle,  alir       eeowen . 
de  purifier  la  conscience  du  pécheur,  mais  non  pour  le  perdre  : 
Urit  sertno  diviuus  ut  corriyut  conscient iam  peccatoris ,  non  exurit  ut 
perdat  (In  Psal.  cxvui,  serm.  xvni). 

A  garder  la  parole  de  J.  C.  consiste  l'amour  parfait  de  Dieu, 
dit  saint  Jean  ;  en  cela  nous  connaissons  que  nous  sommes  en  lui  : 
Quiautem  sénat  verbum  cjus ,  vere  in  hoc  caritas  Dei  perfecta  est  :  et 
in  hoc  scimus  quoniam  in  ipso  sumus  (I.  il.  5). 

Seigneur,  dit  le  Psalmiste,  j'annoncerai  votre  parole  auxméchants, 
et  les  impies  se  convertiront  à  vous  :  Docebo  iniguos  vias  tuas,  et  irrtpii 
ad  le  converlenlur  (l.  15). 

J'écouterai  ce  que  le  Seigneur  dira  au  dedans  de  moi  ;  parce  qii'il 
me  fera  entendre  des  paroles  de  paix  sur  son  peuple  et  sur  si 
et  sur  ceux  qui  sont  convertis  de  cœur  :  Àudiam  quia  loquatur  in  me 
Dorninus  Deus ;  quoniam  loquetur  pacem  in  pleberti  svam ,  et  super  san- 
ctos  suos }  et  m  eos  qui  convertuntur  ad  cor  (Psal.  lxxxiv.  9). 

(1)  Omnis  scriptura  divinitr.s  ïnspirata  utilis  est  ad  docendum,  ad  argnrndum,  ad 
corripieuduni,  ad  crudiei.dum  in  jusliliu  :  ut  perfectus  sit  homo  L>t;,  ad  oume  opus 
Luuuui  îastructui  ^ II-  ni.  L6i 


532  PAROLE  DE  DIEU. 

La  parole  de  Dieu  enflamme  ,  dit  le  Prophète  royal  :  Eloquium 
Domini  inflammavit  eum  (civ.  19). 

L'âme  vertueuse,  dit  saint  Bernard,  cherche  cette  parole  qui  cor- 
rige, qui  instruit  et  qui  éclaire,  qui  fortifie  la  vertu,  qui  véî 
mœurs  et  prépare  à  la  sagesse,  qui  orne  le  cœur  ,  qui  unit  l'âme  à 
Dieu  et  la  rend  féconde  en  bonnes  œuvres,  qui  comble  de  bonheur 
(Serm.  lxxiv). 

Ils  étaient  attaqués  en  haine  de  votre  parole,  Seigneur,  dit  la 
Sagesse;  et  ils  étaient  sauvés  soudain  :  In  memoria  sermonum  tuorum 
examinabantur,  et  velociter  salvabantur  (xvi.  H).  Car  votre  parole  con- 
serve ceux  qui  croient  en  vous  :  Sermo  tuus  hos  qui  in  te  crediderint , 
conservât  (Ibid.  xvi.  26). 

Tu  as  entendu  la  voix  de  Dieu,  et  tu  as  vécu ,  dit  Moïse  au  peu- 
ple d'Israël  :  Audisti,  et  vixisti  (Deuter.  iv.  33).  Nous  avons  entendu 
la  voix  du  Seigneur  notre  Dieu,  dit  le  peuple;  et  nous  avons  éprouvé 
que  Dieu  parle  à  l'homme  sans  que  celui-ci  perJe  la  vie  :  Vocem  cjus 
audivimus,  et  probavimus  quod,  loquente  Deo  cum  homme,  vixerit  liomo 
(Deuter.  v.  24). 

Le  Seigneur,  dit  Moïse  au  peuple,  vous  a  donné  pour  nourriture 
la  manne  qui  était  inconnue  à  vous  et  à  vos  pères ,  afin  de  vous  faire 
voir  que  l'homme  ne  vit  pas  seulement  de  pain,  mais  de  toute  parole 
qui  sort  de  la  bouche  de  Dieu  :  Dédit  tibicibum  munna,  quod  ignorabas 
tu  et  patres  tui;  ut  ostenderet  tibiquod  non  in  solo  pane  vivnt  homo,  sed 
in  omni  verbo  quod  egreditur  de  ore  Dei (Deuter.  vin.  3).  C'est  ce  que 
répondit  J.  C.  au  tentateur  qui  lui  disait  :  Si  tu  es  le  Fils  de  Dieu , 
ordonne  que  ces  pierres  deviennent  des  pains.  Il  est  écrit  ,  dit  le 
Sauveur  :  L'homme  ne  vit  pas  seulement  de  pain ,  mais  de  toute 
parole  qui  sort  de  la  bouche  de  Dieu  (Mattli.  iv.  3.  -4). 

La  parole  de  Dieu  tue  tous  les  ennemis  de   l'Ame Celui  qui 

écoute  ma  parole  reposera  sans  crainte ,  dit  le  Seigneur  dans  les 
Proverbes;  délivré  de  l'appréhension  des  maux,  il  jouira  de  L'abon- 
dance :  Qui  me  audierit ,  absque  terrore  requicscet ,  et  abundantia  per- 
fruetur,  timoré  malorum  sublato  (  i.  33  ). 

Mon  fils,  si  vous  recevez  mes  paroles,  si  vous  gardez  mes  préceptes 
dans  votre  caur,  alors  vous  comprendrez  la  crainte  du  Seigneur  et 
vous  trouverez  la  science  de  Dieu  :  FM  mi,  sisusceperi 
meos ,  et  mandata  mea  absconderis  pênes  te;  tune  intelliijcs  timorem 
Domini,  et  scientiam  Dei  inventes  (Prov.  II.  4-5). 

Mon  fils,  recevez  m*  îoments,  inclinez  votre  oreille  à 

voix;  mes  paroles  sont  la  vie  pour  tous  ceux  qui  les   -        :    ,  et  la 


PAROLE  I)E  PIEU.  533 

guérison  de  toute  chair  :  Fili  mi,  osculta  sermones  meos,  et  ad  eloquia 
inclina  aurem  (uam;  viia  enim  sunt  invenientibus  ea,  et  universœ  carni 
sanitas  (Prov.  iv.  20.  22), 

Si  votre  cœur  est  endurci,  dit  saint  Bernard,  souvenez-vous  de 
l'Ecriture  qui  dit  :  Dieu  fera  entendre  sa  parole  et  il  amollira  leur 
cœur  {Psal.  cxlvii.).  Et  encore  :  Sitôt  que  mon  bien-aimé  me  parla, 
mon  âme  fut  attendrie  (  Cant.  v).  Si  vous  êtes  tiède,  et  que  vous 
trembliez  d'être  rejeté,  ne  cessez  de  méditer  la  parole  du  Seigneur, 
et  elle  vous  embrasera ,  parce  qu'elle  est  tout  de  feu  (1). 

Les  paroles  sages  et  à  bien  plus  forte  raison  la  parole  de  Dieu  sont 
comparables  à  un  rayon  de  miel,  disent  les  Proverbes;  elles  sont  la 
joie  de  l'àme  et  la  santé  du  corps  (  xvi.  24).  Le  miel  nourrit,  adou- 
cit et  guérit;  tels  sont  aussi  les  effets  qu'opère  la  parole  de  Dieu 

Le  miel  guérit .  la  parole  de  Dieu,  pleine  de  suavité,  corrige  les 
mauvaises  mœurs;  elle  adoucit  les  chagrins  et  les  fait  disparaître, 
ainsi  que  les  ennuis,  les  amertumes,  la  colère  et  l'envie  qui  torturent 
l'âme,  la  rongent  et  la  consument.  Le  miel  nourrit:  la  parole  de 
Dieu  est  un  pain  vivifiant  auquel  on  peut  appliquer  ce  que  J.  C.  dit 
de  la  divine  eucharistie  :  Celui  qui  mange  ce  pain,  vivra  éternelle- 
ment :  Qui  manducat  hune  panem  vivet  in  œternum  (  Joann.  vi.  52). 
Le  miel  fortifie  :  la  parole  de  Dieu  augmente  les  forces  de  l'âme, 

l'aide  à  agir  et  à  soutenir  de  grands  et  pénibles  travaux 

Toute  parole  de  Dieu  est  une  flamme  et  un  bouclier,  disent  les 
Proverbes  :  Omnis  sermo  Dei  ignitus,  clypeus  est  (  xxx.  5). 

La  parole  de  Dieu,  dit  saint  Ambroise ,  est  un  feu  bienfaisant  qui 
réchauffe  et  qui  ne  sait  brûler  que  les  vices.  Ce  feu  purifie  l'âme  et 
consume  l'erreur  (2).  Le  même  Père  dit  que  le  feu  dé  la  parole  de 
Dieu  a  trois  merveilleux  effets  :  il  purifie,  il  éclaire,  il  enflamme 
(  In  Psal.  cxviii  ,  serm.  xvm  ). 

Saint  Jérôme  dit  que  la  parole  de  Dieu  est  appelée  feu,  parce 
qu'elle  rend  l'âme  qui  la  reçoit  semblable  à  l'or  purifié  dans  la  iuui- 
naise  (  In  Psal.  xvii  ). 

La  parole  de  Dieu  est  un  feu;  car  elle  consume  et  détruit  la  rouille 

et  les  immondices  du  péché,  des  passions  et  des  vices 

La  parole  de  Dieu  est  aussi  appelée  une  flèche,  parce  qu'elle 

(1)  Si  cor  tuum  induratum  est,  mémento  Scripturœ  dicentis  :  Emittet  verbura 

suum,  et  liquefaciet  ea Anima  mea  liquefacta  est  ut  dilectus  meus  loculus  est.  Si 

tepidus  es,  et  evomi  jam  formidas,  non  discedas  ab  eloquio  Domini  :  et  inflammabit 
te,  quia  eloquium  ejus  iguitum  valde  [Setin.  lxxiv). 

(2)  Bonus  ignis  qui  calefacere  novit ,  nescit  exurere  nisi  sola  peccata.  Maudat  ergo 
bjç  ignis  animam,  consumit  errorem  (  in  Psal,  cxvm,  serm.  xvm), 


534  parole  de  dieu. 

frappe  et  WesSa  mortellement  l'esprit  orgueilleux  et  le  cœur  cor- 
rompu. Expliquant  ces  paroles  du  Palmiste  :  Vps  flèches,  Seigneur, 
se  sont  enfonce'es  en  moi  :  Sanittœ  tuœ  infixœ  simt  mihi  (  xxxvn.  3  ), 
OrLèiie  dit  :  Celui  qui  prêche  la  parole  de  Dieu  lance  des  flèches; 
et  lorsqu'en  l'employant  il  châtie  et  corrige,  il  pénètre  d'un  trait 
céleste  le  cœur  de  son  auditeur  (  In  Psal.  xxxvn  ). 

A  propos  de  ces  autres  paroles  du  Psalmiste  :  Snrp/tœ  patent  h 
acutœ ,  cum  carlonibus  desolatoriis  (cxix.  4)  :Les  flèches  de  celui  qui 
est  puissant  sont  aiguës,  elles  dévorent  comme  des  charhons  ardents, 
saint  Augustin  dit  dune  manière  admirable  :  Les  flèches  aiguës  de 
celui  qui  est  puissant  sont  les  paroles  de  Dieu.  Voici  que  ces  flèches 
sont  lancées  et  qu'elles  percent  les  cœurs;  mais  lorsque  les  cœurs 
sont  percés  des  flèches  de  la  parole  du  Seigneur,  l'amour  y  nait 
et  la  mort  s'en  éloigne.  Le  Seigneur,  sait  lancer  des  flèches  pour 
se  faire  aimer,  et  personne  n'atteint  ce  but  mieux  que  lui  (I). 

Tout  ce  qu'opère  le  feu  sur  une  matière  qui  lui  convient,  la  parole 
de  Dieu  l'opère  sur  l'esprit  et  le  cœur.  Considère/  donc  quelles  sont 
les  qualités  du  feu  et  quels  effets  il  produit  principalement  sur  les 
métauxeomme  l'or,  l'argent  et  le  fer,  et  attribuez-les  mystiquement 
à  la  parole  de  Dieu,  c'est-à-dire  à  la  sainte  Ecriture,  ù  la  loi,  aux 
inspirations  et  aux  promesses  divines.  C'est  ainsi  que  l'a\< 
Didyme  déclare  que  la  parole  de  Dieu  est  comparée  au  feu,  parce 
qu'elle  embrase  tellement  lame,  qu'elle  consume  comme  de  la  paille 
les  pensées  et  l'amour  des  choses  terrestres  :  ElogwQ  Dci  dicunt>ir 
imita,  ffda  ita  mentem  siicecndunt ,  ut  terrenarum  rerum  et  coyilado- 
nttm  pakas  abswnant  (  In  Psal.  xvn  ). 

La  parole  de  Dieu  est  de  feu  ,  dit  l'auteur  de  la  Chaîne  des  Grecs; 
elle  est  de  feu,  car  elle  dévore  toutes  les  épines  et  les  ronces  qui 
naissent  dans  l'âme  ;  elle  dégage  ro  quelle  y  trouve  de  pur  et  pro- 
cure le  salut L'assimilation  de  la  parole  de  Dieu  au  feu  indique 

1'efilcacilé  et  la  force  de  pénétration  de  la  parole  de  Dieu  qui  va  jus- 
qu'au fond  même  de  J'àme,  la  purifie,  l'éelaire,  l'embrase,  la 
d'ninise.  En  t'iisant  fondro  l'or  et  l'argent ,  le  feu  les  dégage  ainsi 
d  •  toute  scorie  et  les  rend  très-brillants  :  en  embrasant  lame, 
la  parole  de  Dieu  la  débarrasse  des  affections  mauvaises  et  met 
à  la  place  des  affections  très-précieuses  aux  yeux  de  Dieu  et  des 

(1)  Sagitte  poteqlia  açut$,  verba  D,m  snnt.  Ecce  jaciuotur  et  transfl<pint  corda; 
ecd  cum  transffca  fuerint  corda  sagillis  verbi  Domini,  amor  cxcitalnr,  non  interitm 
comparalur  :  tiovit  Dominus   sagillâre  ad  amorem,  et  nemo  pulchri 
amorem  (In  Psn/.  vu). 


PAÏ101E  DE  PTEU.  33$ 

chréUeua,  dos  affections  célestes  qui  transforment  l'homme  terres- 
tre et  charnel  en  saint.  Voilà  ce  qu'expriment  les  paroles  du  pro- 
phète .Malachie,  qui  dit  en  parlant  de  J.  C.  :  C'est  un  l'eu  qui  dévore; 
i!  sera  açsis,  Tondant  et  épurant  l'argent;  et  il  puriûera  les  entants  de 
Lévi,  comme  l'or  et  l'argent  passés  par  le  l'eu;  et  ils  offriront  au 
Seigneur    es  salifiées  de  justice  (I). 

i.a  parole  de  Dieu,  dit  Solonius,  est  appelée  par  l'Ecriture  feu  et 
bouclier,  parce  qu'elle  embrase  du  l'eu  de  la  charité  les  cœurs  des 
snt  leur  espérance  en  Dieu,  et  qu'elle  les  éclaire  de  la 
oqe  de  la  vérité;  parce  qu'elle  consume  la  rouille  des  vices  qu'elle 
trouve  en  eux  et  les  en  purifie;  enfin,  parce  qu'elle  les  protège  contre 
es,  les  embûches  de  leurs  ennemis  et   contre  toutes  les  adver- 
sités (2). 

(La  parole  de  Dieu)  le  nourrira  du  pain  de  vie  et  d'intelligence,  dit 
l'Ecclésiastique;  elle  l'abreuvera  de  l'eau  de  la  sagesse  et  du  salut; 
elle  prendra  racine  en  lui,  et  il  ne  sera  plus  ébranlé.  Elle  le  soutien- 
dra, et  il  ne  sera  point  confondu;  elle  le  mettra  en  honneur  parmi 
roches,  et  il  ouvrira  la  bouche  au  milieu  de  l'assemblée;  elle 
le  remplira  de  l'esprit  de  sagesse  et  d'intelligence ,  et  elle  le  couvrira 
d'un  vêtement  de  gloire.  Elle  lui  amassera  des  trésors  de  joie  et  d'al- 
légresse, et  elle  le  rendra  possesseur  d'un  nom  éternel.  Les  hommes 
insensés  ne  comprendront  point  cette  parole  vivifiante,  mais  les 
hommes  prudents  iront  à  sa  rencontre Les  menteurs  ne  se  sou- 
viendront pas  d'elle,  mais  les  hommes  sincères  s'en  entoureront,  et 
marcheront  heureusement  jusqu'à  la  vue  de  Dieu  (xv.  3-8). 

Que  mes  enseignements  se  pressent  comme  la  pluie,  que  ma  parole 
descende  comme  la  rosée,  comme  la  pluie  sur  l'herbe,  comme  les 
gouttes  d'eau  sur  le  gazon  :  Concrescat  ut  pluvia  doctrina  mea,  fluat 
ut  ros  eloquium  meum}  quasi  imber  super  herbam,  et  quasi  stillœ  super 
gramina  (Deuter.  xxxn.  2). 

L'assimilation  de  la  parole  de  Dieu  à  la  pluie  et  à  la  rosée  indique 
4°  l'abondance  de  sagesse  qui  se  trouve  dans  la  parole  de  Dieu...  ; 
2°  sa  suavité...  ;  3°  sa  fécondité...;  4°  son  origine  :  elle  vient  du  ciel 


(1)  Tp"o  enim  quasi  ignîs  eonflans;  et  sedebit  conflans,  et  emundans  argentum;  et 

.;,  et  cn'abit  eos  quasi  aurum  et  quasi  argentum;  et  crunt  Domino 
i  -  ■  in  juftiiia  (m.  2.  3). 

(2)  Sermo  divins  auçtorjlatis,  iJcirco  igneus  et  clypeus  dicitur,  quia  corda  electo- 
rum  qui  spem  suam  in  Deo  ponunt,  et  igné  caritatis  accendit?  et  scientia  veritatis 
illuminât,  et  sordes  vitiorum  quas  in  eis  reperit,  consumitet  pàrgat;  ac  ab  insidiis 
hostiuœ  cunctisque  défendit  adversilatibus  (InEpitt.  ad  Ephes.). 


53ft  PAROLE  DE  DIEU: 

et  non  de  la  terre.  C'est  pour  cela  que  saint  Gfrè'froirc  appelle  les  doc- 
teurs et  les  prédicateurs  hyades,  c'est-à-dire  étoiles  de  la  pluie  (7a 
PsnL).  Le  Seigneur,  dit  l'Ecclésiastique,  dirigera  les  conseils  et  les 
instructions  du  sage;  et  il  méditera  les  secrets  de  Dieu  :  Et  ipse 
diriget  consilium  ej us ,  etdisciplinam,  et  in  absconditis  suis  consiliabitur 
(xxxix.  10).  Le  Seigneur  donne  à  l'apôtre  fidèle  l'esprit  d'intelligence, 
afin  qu'il  sache  quand,  où  et  comment  il  doit  annoncer  la  parole 
divine;  il  dirige  les  projets  de  sa  bonne  volonté  et  la  prudence  de 
ses  enseignements;  il  le  fortifie  en  l'inondant  de  consolations  inté- 
rieures, afin  que,  parmi  les  adversités  et  les  contradictions  du  monde, 
il  remplisse  ses  fonctions  sans  crainte,  avec  zèle  et  énergie 

En  répandant  la  divine  parole  comme  une  bienfaisante  pluie,  Je 
chrétien  produit  trois  fruits  insignes  :  1°  il  loue  Dieu  avec  sagesse  ; 
2°  il  se  conduit  lui-même  prudemment,  selon  le  conseil  et  la  direc- 
tion de  Dieu  ;  3°  il  instruit  et  sauve  son  prochain. 

Le  Seigneur  dirigera  les  conseils  et  les  enseignements  de  l'apôtre," 
et  celui-ci  conduira  ses  auditeurs  de  l'expression  de  sa  pensre  à  des 
œuvres  qui  seront  droites,  intègres,  solides,  persévérantes;  tellement 
que  ses  disciples  ne  seront  ébranlés  ni  par  la  violence  de  leurs  enne- 
mis, ni  par  les  tentations,  ni  par  les  épreuves Il  manifestera  la 

règle  de  conduite  qui  ressort  de  sa  doctrine,  dit  l'Ecclésiastique,  t 
il  se  glorifiera  dans  la  loi  de  l'alliance  du  Seigneur  :  Ipse  palam  faciet 
disciplinam  doctrinœ  suœ ,  et  in  lege  testamenti  Domini  gloriabitur 
(xxxix.  11  ).  La  multitude  louera  sa  sagesse  qui  ne  tombera  jamais 
dans  l'oubli  :  son  souvenir  ne  s'effacera  pas  de  la  mémoire  des 
hommes,  et  son  nom  sera  transmis  de  génération  en  génération. 
Les  nations  raconteront  sa  sagesse,  et  l'assemblée  des  vieillards  célé- 
brera ses  louanges.  Tant  qu'il  vivra  son  nom  sera  plus  connu  que 
celui  de  mille  autres,  et  quand  il  reposera,  il  sera  heureux  (EcclL 
xxxix.  12-15). 

La  parole  de  Dieu,  dit  Isaïe,  est  un  glaive  aigu,  une  flèche  choisie  : 
Posuit  osmeum  quasi  gladium  acutum;  et  posuit  me  sicut  sagittam  ele- 
ctam  (xlix.  2). 

La  parole  de  Dieu  perce  et  tue  les  péchés  et  les  vices,  afin  qu"  la 
chair,  c'est-à-dire  la  vie  animale,  périsse,  et  que  l'esprit  vive.  La 
pré  lication  de  l'Evangile  trappe  les  crimes,  les  passions,  Jes  convoi- 
tises et  les  démons.  C'est  ce  qu'exprimait  J.  C.  lorsqu'il  disait  :  Ne 
pensez  pas  que  je  sois  venu  apporter  la  paix  sur  la  terre;  je  ne  suis 
pas  venu  apporter  la  paix,  mais  le  glaive  :  Nolite  arbitrari quia  pncem 
venerim  mittere  in  terrain  :  i»  cem  mittere,  sed  gladium  (JVJalth, 


PAROLE  DE   DÏETT.  537 

x.  34).  C'est-à-dire,  ma  parole  fera  la  guerre  au  démon,  au  monde 
pervers,  aux  passions  abrutissantes De  sa  bouche,  dit  l'Apoca- 
lypse, sortait  une  épée  à  deux  tranchants  :  De  are  cju.s  yladius  utraque 
parte  acutus  exilât  (t.  16).  La  parole  de  Dieu  est  en  effet  une  arme  qui 
sert  à  deux  fins  :  elle  détruit  les  vices  et  protège  les  vertus 

Le  grand  Apôtre  entre  dans  cet  ordre  de  vérités,  lorsqu'il  dit  : 
Munissez-vous  de  l'armure  de  Dieu,  afin  que  vous  puissiez  résister 
au  jour  mauvais,  et  demeurez  fermes.  Soyez  fermes,  ceignant  vos 
reins  avec  la  vérité,  revêtant  la  cuirasse  de  la  justice,  et  tenant  vos 
pieds  prêts  à  porter  partout  l'Evangile  de  paix.  En  toutes  choses  pre- 
nez le  bouclier  delà  foi,  afin  que  vous  puissiez  éteindre  tous  les  traits 
enflammés  du  Mauvais  ;  prenez  aussi  le  casque  du  salut,  et  le  glaive 
de  l'esprit,  qui  est  la  parole  de  Dieu  (Ephes.  vi.  13-17).  Voilà  com- 
ment doit  être  le  soldat  de  J.  C.  annonçant  l'Evangile. 

Toutes  les  armes  dont  il  est  parlé  ici  sont  données  au  chrétien 
qui  écoute,  médite  et  pratique  la  parole  de  Dieu.  Tous  les  passages 
de  la  sainte  Ecriture,  dont  il  vient  d'être  fait  mention,  décrivent 
l'efficacité,  la  force,  les  fruits  et  les  avantages  de  cette  admirable 
parole. 

J.  C.  est  le  glaive  du  Père,  une  flèche  brillante  et  choisie  dont  se 
sont  servis  les  apôtres  et  les  autres  saints;  flèche  d'amour  cachée  dans 
le  carquois  de  son  humanité.  Le  Verbe  envoie  cette  flèche  où  il  veut; 
il  Fenfonce  par  sa  parole ,  par  l'adversité  ,  par  les  afflictions  ;  avec 
elle  il  Messe,  ouvre,  pénètre  les  âmes  des  fidèles  et  détruit  leurs 
vices  et  leurs  imperfections.  Ainsi  parlent  saint  Jérôme,  saint  Chry- 
sostome,  saint  Cyrille.  Frappé  par  cette  flèche,  Jérémie  disait  :  J'ai 
trouvé  le  repos  en  vous  prenant  pour  pasteur  :  Non  sum  turbatus,  te 
pastorem  seqùens  (xvn.  16).  Et  David  :  Mon  âme  s'est  attachée  à 
vous  :  Adhœsit  anima  mea  post  te  (lxti.  9).  Et  saint  Pierre  :  Sei- 
gneur, vous  savez  que  je  vous  aime  :  Domine ,  tu  scis  quia  amo  te 
(Joann.  xx.  15).  Et  saint  Paul  :  Qui  nous  séparera  de  l'amour  de 
J.  C?  Quis  nos  separabit  a  caritate  Christi?  (Rom.  vin.  3o.  )  Et 
l'Epouse  des  Cantiques:  Je  languis  d'amour  :  Amorelanguco  (il  5). 
L'amour  de  Dieu  et  de  J.  C,  voilà  la  flèche  qui  vivifie  en  donnant  la 
mort;  qui  vivifie  la  vertu  et  donne  la  mort  au  péché,  dit  saint 
Ambroise  (In  Pso.L  cxvm). 

Qu'on  est  heureux  d'être  blessî  et  abattu  par  cette  flèche,' 
s'écrie  Origône  (In  Psal.  xxxvn).  Elle  a  été  enfoncée  dans  le  cœur 
de  Madeleine,  de  Pierre,  de  Saul,  d'Augustin,  et  de  tous  les 
pécheurs  convertis.  Et  qui  l'envoie'?  la  parole  de  Dieu,  blessés* 


o38  PAUOtr   T)E  TÏÏET7. 

par  cette  arme  céVste ,  les  apôtres  et  ton?  les  faints  l'ont  lancée  & 
leur  tour  en  faisant  entendre  les  enseignements  de  la  divine  parole, 
et  >'n  priant  avec  ferveur.  Ils  ont  éti  eux-mêmes  des  flèches  qui  ont 
frappe  le  monde  pervers  et  l'ont  guéri 

Et  j'entendis  un  des  quatre  animaux,  et  sa  voix  était  semblable  au 
bruit  du  tonnerre,  et  il  dit  :  Venez  et  voyez.  Et  je  \  is,  dit  saint  Jean 
dans  l'Apocalypse  :  et  voilà  qu'un  cheval  blanc  parut,  et  celui  nui 
était  dessus  avait  un  arc;  et  une  couronne  lui  fut  donnée,  et  il  par- 
tit vainqueur  afin  de  vaincre  (encore)  :  Et  audivi  unum  de  quatuor 
animaliùus  diceim,  tanquam  vocem  fonitrui  :  Veni ,  et  vide.  Et  vidi  : 
et  ecce  equus  albus;  et  qui  sedebat  super  illum  habebat  arcum,  et  data  ci 
rorona,  et  exivït  vincens  ut  vinceret  (vi.  t.  2  ).  Ce  cheval  blanc  est  la 
iigure  des  apôtres,  des  docteurs  et  des  pasteurs  de  tom  Les  séries. 
Celui  qui  est  dessus,  c'est  J.  C;  l'arc  et  les  flèches  sont  la  préilication 
de  l'Evangile;  la  couronne  signilie  la  victoire  que  remporte  la  parole 
de  Dieu,  la  conversion  des  pécheurs  et  le  triomphe  qui  en  est  la 
suif<\ 

Le  Seigneur,  dit  Isaïe,  m'a  donné  une   langue  éloquente,  afin 
de  soutenir  'par  ma  parole  celui  qui  est  affligé  et  [accablé  :  Dorn 
dédit  ïni'n  linguam  eruditam ,  ut  sciam  sustentare  cum  qui  lassus  est 
verbo  (l.  A). 

Les  prédicateurs  annoncent  et  font  connaître  trois  choses:  J.  C, 
le  bonheur,  et  le  salut  éternel  de  lame  et  du  corps 

Prêtez  l'oreille  et  venez  à  moi,  dit  le  Seigneur  par  la  bouche 
d'Isaï"-;  écoutez,  et  votre  âme  vivra;  et  j  avec  vous  1  < 

nelle  alliance  de  miséricorde  promise  à  mon  serviteur  David  :  Jnrll- 
nate  aurem  ves'ram,et  venue  ad  me  :  audite,  et  vivet  anima  vesfra ; 
et  feriam  vobisçum  pactum  sempitcnw.m,  misericordias  David  fidèles 
(LT.3). 

Comme  la  neige  et  la  pluie  descendent  du  ciel^  et  n'y  retournent 
plus,  mais  pénètrent  la  terre,  la  fécpnd,en{  et  font  gernaer  la  semence 
espoir  du  laboureur,  dit  le  Seigneur  par  la  bouche  du  même  pro- 
phète; ainsi  ma  parole  ne  reviendra  pas  à 

accomplira  ce  que  j'ai  voulu,  et  pr 
auxquels  je  l'ai  em  >yé?e.  Vous  sortirez  dans  lajoie,  et  vous  marphe- 
rez  dans  la  paix;  i  i  le  Si  igoeur  sera  connu  sous  un  nom  éternel  que 
rien  n'effacera  (  lv.  1  (.)- 1 3  ) . 

Ecoutez  ma  parole,  dit  le  S  igneur  par  la  I 
je  serai  votre  Dieu,  et  vous  serez  mon  peuple-  et  maniiez    'ans  la 
voie  que  je  vous  ai  prescrit  de  suivre 3  afin  que  vous  vous   en 


trouviez  bien  :  Audit e  vocem  meamy  et  ero  vohis  Beug,  et  vos  eritis 
mild  populus  :  et  ambulate  in  via  quom  mandavi  vobis,  ut  bene  sic 
vobis  (vit.  23). 

J'ai  trouvé  vos  enseignement?,  Seigneur,  ditJérémie,  et  je  m'en 
suis  iMuri  i  ;  et  votre  parole  est  devenue  la  joie  et  les  délices  de  mon 
cœur  :  Inventi  sunt  sermones  lui,  et  comedi  eos  ;  et  faction  est  mihi  ver- 
bum  tuum  in  gaudium  et  in  lœtitiam  cordis  rnei  (xv.  16  ). 

La  parole  de  Dieu,  dit  saint  Bernard,  est  vivante  et  efficace;  cIjs 
qu'elle  entre  dans  l'âme,  elle  la  tire  de  son  sommeil;  elle  émeut, 
amollit  et  blesse  le  cœur,  ce  cœur  endurci,  ce  cœur  de  pierre  et  to:ié 
malade.  Elle  commence  aussi  à  arracher  et  à  détruire,  à  édifier  et  à 
planter,  à  arroser  ce  qui  était  aride,  à  éclairer  ce  qui  était  dai:s  1^'. 
ténèbres,  à  ouvrir  ce  qui  était  fermé,  à  embraser  ce  qui  était  glacé, 
à  redresser  ce  qui  était  tortueux,  à  aplanir  les  chemins  raboteux; 
tellement  qu'alors  l'âme  bénit  le  Seigneur,  et  que  toutes  ses  facul- 
tés Jouent  son  saint  nom  (■!). 

Voici  sur  les  montagnes  les  pieds  de  celui  qui  évangélise,  de  celui 
qui  annonce  la  paix,  dit  le  prophète  Nahum.  Juda,  célèbre  les  solen- 
nités, accomplis  tes  vœux,  parce  que  Bélial  ne  passera  plus  au 
milieu  de  toi,  il  a  péri  tout  entier  (2). 

S'ils  écoutent  et  observent  la  parole  du  Seigneur,  dit  Job,  ils  pas- 
seront leurs  jours  dans  le  bonheur,  et  leurs  années  dans  la  gloire  : 
Si  auttierinl  et  observaverint,  complebunt  dies  suos  in  bono,  et  annos  suos 
in  gloria  (xxxvi.  11). 

Heureux,  dit  J.  C,  heureux  ceux  qui  écoutent  la  parole  de 
Dieu,  et  qui  la  mettent  en  pratique  :  Beati  qui  audiunt  verban  Dci, 
et  cuslodiun't  illud  (Luc.  xi.  28).  Le  monde  aveugle  ignore  où  est  le 
bonheur;  il  le  place  dans  les  richesses,  les  honneurs,  les  plaisirs: 
il  se  trompe.  Seul,  J.  C.  sait  où  se  trouve  le  vrai  bonheur  et  il  le  dit  : 
Hemeux  ceux  qui  écoutent  la  parole  de  Dieu,  et  qui  la  mettent  en 
pratique. 

Le  titre  de  mère,  dit  saint  Bernard,  n'eût  servi  de  rien  à  Marie,  si 


{')  Vh um  et  efficax  est  Dci  verbum;  moiqueut  intus  venit,  expenrefeeït  dormien- 

lem  animam;  raovit,  et  mollivit,  et  vulneravit  cor,  quoniam  durum  lapideumque 

■t  malc  samiin.  CœpU  quoque  evellere,  et  destruere,  et  eedifleare,  et  plantare; 

arida,  tepebrosa  ilUiminare,  clausa  reseràrl,   frigida  inflammare;  nec  non  et 

■fi  prava  in  directa,  et  a>pera  in  vias  planas  :  ita  ut  benedicat  anima  Domino. 

lia  q:!te  inlra  J'int,  nomini  sancto  ejus  (Serm.  lxxiv). 

(2)  Eccc  super  montes  pedes  evangelizantis  et  annuntiantis  pacem  :  célébra,  Jtida, 

festivitates  tuas,  et  redde  vola  tua  :  quia  non  adjiciet  ultra,   ut  pertranseat  in  to 

Belial,  universus  interiit  (i.  15). 


!U0  PAROLE  LE  DIEU? 

elle  n'eût  pas  eu  le  honneur  de  porter  J.  C.  dans  son  cœur  plutôt 
que  dans  son  sein.  Marie  est  donc  plus  heureuse  d'avoir  reçu  la  foi 
du  Christ,  que  de  lui  avoir  donné  un  cor  )s  (i). 

Ecoutez  J.  G.  :  En  vérit : ,  en  vériti ,  je  vous  le  dis  :  Si  quelqu'un 
garde  ma  parole,  il  ne  verra  jamais  la  mort  :  Amen  ,  amen  dico 
vobis  :  Siqnis  sermonem  meum  servaverit,  non  gustabit  mortem  in  œter- 
raim  (Joann.  vin.  51).  Si  quelqu'un  m'aime,  dil-il  encore,  il  gardera 
ma  parole,  et  mon  Père  l'aimera  ,  et  nous  viendrons  ù  lui ,  et  nous 
demeurerons  en  lui  :  Si  quis  diligit  me ,  sermonem  meum  servabit  ;  et 
Pater  meus  diliget  eum;  et  ad  eum  veniemus ,  et  mansionem  apud  facic- 
rnus  (Joann.  xiv.  23).  0  pre'cieuse  promesse  !  Elle  nous  apprend 
comment  on  trouve  Dieu,  comment  on  le  possède!  L'auguste  Tri- 
nité vient  à  nous,  lorsque  nous  allons  à  elle,  dit  saint  Augustin  ; 
elle  vient  à  nous  pour  nous  aider,  nous  éclairer,  nous  remnj  r  e 
grâce;  nous  allons  à  elle  en  obéissant,  en  considérant,  en  sa. s  s- 
sant  :  Veniunt  ad  nos,  dum  venimus  ad  eos  ;  veniunt  subveniendo,  illu- 
minando,implendo;  venimus  obediendo,intuendo,  capiendo  (Tract,  lxxvi 
in  Joann.). 

La  foi  vient  de  l'ouïr,  dit  saint  Paul  aux  Romains ,  et  l'ouïr  par  la 
parole  du  Christ  :  F  ides  ex  auditu ,  audilus   autem  per  verbum  Dei 
(x.  17).  La  parole  de  Dieu  procure  donc  le  don  sublime  de  la  1' 
non-seulement  de  la  foi,  mais  de  toutes  les  vertus 

Les  écrivains  inspirés  ont  consigné  dans  les  saints  livres  la  doc- 
trine de  la  sagesse  et  de  la  science.  Heureux  celui  qui  s'occupe  sans 
cesse  de  ces  utiles  enseignements  !  dit  l'Ecck'siasti  jue.  Celui  qui  les 
conserve  dans  son  cœur  ,  sera  toujours  sage  :  s'il  les  met  en  pra- 
ti  jue  .  il  sera  propre  à  toutes  choses,  parce  que  la  lumière  de  Dieu 
conduira  ses  pas  (2). 

Quels  avantages  inestimables  procure  la  parole  de  Dieu!  quels 
heureux  effets ,  quels  fruits  abondants  elle  produit,  lorsqu'un  est 
bien  disposé  à  la  recevoir  et  à  en  profiter  1... 

U  pnmiode    La  parole  de  Dieu  est  une  semence,  dit  Job  :  Semen  est  verliv.m  Dn 

*"    (Luc.  vin.  M). 
ui.c  sentence. 

(i)  Maferna  propinquitai  nîliîl  Maris  profuisset ,  nisi  frlicius  Christum  corde 
qaamcaru  BeaMor  Wgo  Maria  pcrcij  endo  lidcm     iu;sti,  q  am  con  î- 

picinlo  carneii)  Clirisli  [Serm.  i.wi.  ). 

(2)  Doctrinam  sapienlitB  et  disciplinas  scripsit.  Bcalus  qui  in  istis  vcrsaturl 
qui  (.«i;, a  illa  in  corde  suo,  sapient  cril  cuira  hxc  fecerit,  ad  omoia 

lui:  quia  lux  Dj  au  tjus  csl  (  i..  2U-3J  ), 


PAKCLE  DE  DfEïï.  54.4 

Entre  la  semence  et  la  parole  de  Dieu  se  trouvent  les  rapports  sui- 
vants :  i»  Comme  la  semence  est  jetée  dans  la  terre;  de  même  la 
parole  de  Dieu  est  jetée  dans  les  âmes,  qui  sont  le  champ  du  Sei- 
gneur  2o  La  semence  confiée  à  la  terre  y  germe  ;  la  parole  de  Dieu 

doit  germer  dans  nos  cœurs 3°  Les  semences  contiennent  en 

germe  tous  les  végétaux;  la  parole  de  Dieu  est  le  principe  de  toutes 

les  vertus  et  de  toutes  les  grâces 4°  Sans  les  semences  qu'on 

confie  à  la  terre,  elle  ne  produirait  que  des  épines  et  de  mauvaises 
herbes;  sans  la  parole  de  Dieu  ,  nos  cœurs  ne  produiraient  que  des 

péchés  et  aucune  vertu 5°  Pour  fructifier,  la  semence  demande 

une  bonne  terre;  pour  donner  naissance  à  des  vertus,  la  parole  de 
Dieu  veut  des  âmes  dociles  et  bien  disposées 6°  Avant  de  pro- 
duire, la  terre  doit  être  cultivée;  pour  que  la  parole  de  Dieu  soit 
ieconde,  nos  cœurs  doivent  être  cultivés  par  la  charrue  de  la  péni- 
tence  7°  La  semence  a  besoin  de  pluie  et  de  soleil;  1  ame  a  besoin 

que  la  parole  de  Dieu  répande  sur  elle  la  pluie  de  la  grâce,  la  lumière 

des  bonnes  inspirations  et  les  rayons  de  la  charité 8°  Pour  se 

multiplier,  la  semence  doit  se  dépouiller  de  son  enveloppe  et  mourir; 
pour  que  la  semence  de  la  parole  de  Dieu  multiplie  en  nous  ses 
effets,  il  faut  que  notre  âme  se  dépouille  des  affections  terrestres  et 
qu'elle  meure  à  elle-même 9°  La  semence  doit  germer,  se  déve- 
lopper, fleurir  et  mûrir;  la  parole  de  Dieu  doit  suivre  la  même 

marche  dans  nos  cœurs 10J  Toute  la  puissance  de  la  plante  et 

de  ses  fleurs,  de  l'arbre  et  de  ses  fruits  est  dans  la  semence;  toutes 
les  vertus  sont  dans  la  parole  de  Dieu 11°  Chaque  semence  pro- 
duit un  végétal;  chacune  des  sentences  de  l'Evangile  produit  son 
fruit  :  la  foi,  l'espérance,  la  charité,  l'humilité,  l'obéissance ,  la 

soumission ,  la  pureté,  etc 12°  Il  faut  l'union  de  la  semence  et 

de  la  terre  pour  que  la  semence  se  développe  et  fructifie  ;  il  faut  que 
l'âme  s'unisse  à  la  parole  de  Dieu  pour  que  cette  parole  produise  au 
centuple 43°  La  terre  produit  en  raison  de  sa  bonté  et  de  sa  cul- 
ture; la  parole  de  Dieu  agit  dans  un  cœur  selon  ses  dispositions 

Si  j'évangélise,  dit  le  grand  Apôtre,  la  gloire  n'en  est  pas  à  moi  ;  ce  Nécessité  pour 

m'est  une  nécessité  :  malheur  à  moi  si  je  n'évangélise  !  Si  evan-     d'iimww"'^ 

aelizavero,  non  est  mihi  qloria;  nécessitas  enim  mi/ri  incumbit:  vœ  enim    la  'êritabla 
J  u  parole  dû 

milù  est,  si  non  evangelizavero!  (I.  Cor.  IX.  16.)  Dieu. 

11  faut  bien  se  garder  de  corron:.  ._  j  la  parole  de  Dieu.  Nous  ne 

sommes  pas  comme  plusieurs,  dit  le  même  apôtre,  qui  adultèrent 

la  parole  de  Dieu;  mais  nous,  parlons  dans  le  Christ,  avec  sincérité, 


542  PARLE  DE  DIEU. 

comme  venant  de  Dieu,  et  devant  Dieu  :  Non  surnns  sicut  plurimi , 
adultérantes  verbum  Dei;  sed  ex  sinecritate  ,  sed  sicut  ex  Deo  ,  coram 
Deo,  in  Christo  loquimur  (  U.  Cor.  n.  17). 

Comme  les  eaux  d'une  fontaine  coulent  toujours,  lors  même  que 
personne  n'y  va  puiser ,  ou  qu'on  y  va  rarement ,  dit  saint  Chry^w- 
stome  ;  de  même  le  prédicateur  doit  toujours  remplit  son  devoir,  et 
annoncer  la  parole  de  Dieu ,  lors  même  que  peu  de  personnes  l'écou- 
tent  et  se  convertissent  (  Homil.  i  de  Lazaro  ). 

Ayez  pour  modèle,  dit  saint  Paul  à  Tirnothée,  les  saines  paroles 
que  vous  avez  entendues  de  moi  dans  la  foi  et  l'amour  qui  sont  en 
J.  C.  :  Formam  habe  sanorum  verborum  quœ  a  me  audisti  in  fuie  et  in 
dilectione  in  Christo  Jesu  {\\.  i.  13  ).  Conservez  ,  par  1  Esprit-  Saint 
qui  habite  en  nous,  le  bon  dépôt  que  je  vous  ai  coolie  :  Bonum  Hepo- 
situm  custodi,  per  Spiritum  Sanctum  qui  habitat  in  nobis  [Ibid.il.  i.  1-4). 
Endurez  la  peine  comme  un  bon  soldat  du  Christ  :  Labora  sicut 
bonus  miles  Christi  (Ibid.  II.  n.  3).  Ayez  grand  souci  d'être  aux 
yeux  de  Dieu  fidèle  dispensateur  de  la  parole  de  vérité.  Evitez  les 
discours  profanes  et  vains  :  Sollicite  cura  te  ipsum  exhibere  Deo  recie 
tractantem  verbum  veritatis.  Profana  et  vaniloquia  devita  (Ibid.  II. 
il.  15.  16).  Annoncez  la  parole;  insistez  à  temps  et  à  contre-temps; 
reprenez,  suppliez,  gourmandez  en  toute  longanimité  et  doctrine  : 
Prœdica  verbum;  insta  opportune,  importune  ;  argue,  uùscc/'u,  merepa, 
in  omnipotentia  et  doctrina  (Ibid.  II.  IV.  2). 

Pour  vous,  écrit  cet  apôtre  à  Tile  son  disciple,  répandez  la  saine 
doctrine  :  Tu  aulem  loquere  sanam  dcclrinam  (il.  1  ). 

Si  quelqu'un  parle,  dit  l'apôtre  saint  Pierre,  que  sa  parole  soit    , 
comme  de  Dieu  :  Si  quis  loquitur,  quasi  sermones  Dei  (I.  iv.  11  ). 

Soyez  vigilant,  dit  dans  l'Apocalypse  le  Seigneur  à  le\èque  de 
Sardes;  souvenez-vous  de  ce  que  vous  avez  reçu  et  entendu,  et  gar- 
dez-le :  Esto  vigilans:  in  mente  habe  qualiter  acceperis,  et  audiens,  et 
serva  (  m.  2.  3). 

Il  n'est  pas  permis  à  celui  qui  a  été  établi  dispensateur  de  la 
parole  de  Dieu,  de  négliger  la  fonction  sacrée  de  la  prédication;  en 
effet,  il  lui  est  ordonné  de  nourrir  le  troupeau  de  J.  C.  :  Paissez  mes 
brebis  ,  dit  J.  C.  à  Pierre  :  Pasce  oves  mcas  (Joann.  xxi.  17).  Paissez 
le  troupeau  qui  vous  est  confié  ,  dit  l'apôtre  saint  Pierre,  veillant  et 
vous  faisant  le  modèle  du  troupeau:  Puscite  qui  in  vobis  est  gregem 
Dei,  /jrovidentes ;  fomia  factigregis  ex  animo  (1.  v.  2.  3). 

Les  lèvres,  des  sages  répandiont  la  science,  disent  les  Proverbes; 
Labia  supicnlum  dUsemtnabuiU  scientiam  (xv.  7). 


PAROLE   DE   DIEtf.  543 

Les  préîicateurs  doivent  imiter  le  laboureur  qui  sèmfe  le  grain. 
4° Le  laboureur  nettoie  sa  semence  et  la  débarrasse  de  la  zizanie;  le 

icateur  doit  séparer  la  parole  de  Dieu  de  toute  erreur ±  Lt 

laboureur  porte  avec  lui  le  grain  qu'il  jette  en  terre;  celui  qui 
cœurs  la  divine  semence,  doit  commencer  parla 

posséder  en  lui-même,  au  moyen  de  l'étude  et  de  la  piété 3°  Le 

labouivur  répand  là  semence  volontiers  et  avec  libéralité,  dans 
l'espoir  d'une  abondante  moisson  ;  le  prédicateur  doit  répandre  avec 
bonheur,  et  abondamment  la  parole  de  Dieu  dans  les  âmes,  espérant 
une  abondante  moisson ,  pour  lui  et  pour  ses  auditeurs  en  cette  vie, 
et  surtout  dans  l'éternité 

I\  ajoutez  pas  aux  paroles  du  Seigneur,  disent  les  Proverbes,  de 
peur  que  vous  ne  soyez  repris  et  trouvé  menteur  :  Ne  addas  quidquara 
verùts  iiliits,  et  arguaris  inveniarisque  mendax  (xxx.  G).  ' 

Je  l'ai  dit  :  Malheur  à  moi,  parce  que  je  me  suis  tù!  ditlsaïe  :  Et 
di'i  :  Yen  mihi ,  quia  tacuil  (vi.  5.  ) 

Montez  sur  le  sommet  de  la  montagne,  vous  qui  évangélisez  Sion; 
élevez  la  voix  avec  force  ,  dit  le  Seigneur  par  la  bouche  du  même 

prophète (xl.  9.)  Criez  et  ne  vous  lassez  point;  faites  retentir 

votre  voix  comme  les  éclats  de  la  trompette;  annoncez  à  mon  peuple 
ses  crimes,  à  la  maison  de  Jacob  ses  prévarications  :  Clama,  ne  cesses, 
quasi  tuba  exalta  vocem  tuam;  et  annuntia  populo  meo  scelera  eorum, 
et  donna  Jacob  peccata  bofufn  (tsai.  lviii.  1  ). 

Que  celui  qui  a  ma  parole,  l'exprime  fidèlement,  dit  encore  le 
Seigneur  par  la  bouche  deJérémie  :  Quihabet  sermonem  meurn,  loquo- 
tur  sermonem  meum  vere  (xxm.  28).  Fils  de  l'homme,  dit -il  au 
prophète  Ezéchiel,  je  vous  ai  établi  sentinelle  dans  la  mvson 
d'Israël;  vous  entendrez  la  parole  de  ma  bouche,  et  vous  leur 
parlerez  en  mon  nom  :  Fili  hominis ,  speculatorem  dedi  te  donna 
i  ci;  et  audies  de  ore  meo  verbum  ,  et  annuntiabis  eis  ex  me  (  ni.  17). 
Si,  quand  je  dis  à  l'impie  :  Tu  mourras  de  mort,  vous  ne  le  lui 
annoncez  pas,  si  vous  ne  lui  parlez  pas  pour  qu'il  se  retire  de 
sa  voie  impie,  et  qu'il  vive,  l'impie  mourra  dans  son  iniquité; 
mais  je  vous  demanderai  compte  de  son  sang  :  Sanguinem  autem 
ejus  de  manu  tua  requirarn  (Ibid.  m.  48).  Que  si  vous  l'annoncez  à 
l'impie,  et  qu'il  ne  se  retire  pas  de  son  impiété  et  de  sa  voie  crimi- 
nelle ,  il  mourra  dans  son  iniquité;  mais  vous  vous  avez  sauvé  votre 
ânv  :  Tu  antenLonimam  tuam  liberasti  (Ibid.  m.  49). 

I  essité  pour  celui  qui  a  charge  d'âme,  d'annoncer  la 

parole  de  Dieu;  mais  il  y  a  nécessité  aussi  pour  le  fidèle  d'écouter 


S44  PAROLE  DE  DIEU. 

cette  parole.....  Si  vous  ne  m'écoutez  pas,  disait  saint  Augustin  à  son 
peuple,  je  ne  me  tairai  pas  pour  cela,  et  je  sauverai  mon  âme;  mais 
je  ne  veux  pas  me  sauver  sans  vous.  Vous  qui  ne  voulez  pas  m'en- 
ten  Ire,  vous  êtes  l'ennemi  du  médecin,  et  moi  je  ?uis  l'ennemi  de 
votre  maladie;  vous  haïssez  le  zèle  que  je  mets  à  vous  avertir,  et 
moi  j'en  veux  à  la  peste  qui  vous  tue  (1). 

1]  y  a  obligation,  1°  d'annoncer  la  parole  de  Dieu...;  2°  de  l'an- 
noncer souvent  et  de  ne  pas  se  lasser...  ;  3°  d'annoncer  la  véritable 
parole  dj  D'eu,  et  non  des  idées  profanes  ou  des  erreurs...;  A"  de 
prêcher  avec  force ,  prudence  ,  science ,  et  de  ne  craindre  personne, 
si  ce  n'est  Dieu  seul ,  à  qui  le  pasteur  aura  à  rendre  compte  du  trou- 
peau qui  lui  a  été  confié 

Mais  le  troupeau,  de  son  côté,  est  obligé  ,  4°  d'écouter  la  parole  do 
Dieu ,  et  de  ne  pas  se  lasser  de  l'entendre...  ;  2°  de  mettre  en  prati- 
que ce  que  le  Seigneur  ordonne...  ;  3°  de  se  dire  qu'il  de\ra  renlre 
compte  de  l'abus  qu'il  aura  fait  de  la  divine  parole.  Nous  reviendrons 
sur  ce  sujet 

Au  résumé,  les  prédicateurs  et  les  fidèles  doivent  remplir  les  obli- 
gations que  Dieu  leur  impose 

^quùmîo"1"'  Ij0RSQUE  vous  enseignez  dans  l'Eglise  ,  dit  saint  Jérôme,  faites  naître 

convonabio-  les  gémissements  du  peuple  et  non  ses  applaudissements;  que  les 

ment  la  parole  ,  ,  ,.     ,  r,  .     f     ,     xl  n        /,'■■ 

de  Dieu.  larmes  de  repentir  de  vos  auditeurs  soient  votre  éloge  :  Doccnt,  te  in 

Ecclesia,  non  clamorpopuli,  sed  gemitus  susciietur;  lacrymœ  auditomm 
laudes  tuœ  sint  (Ad  Nepotianum). 

Que  vos  discours,  dit  saint  Paul,  soient  toujours  assaisonnés  du 
gel  de  la  grâce,  de  sorte  que  vous  sachiez  comment  vous  devez 
répondre  à  chacun  :  Sermo  vester  semper  in  gratia  sale  sit  conditus,  ut 
scialis  quomodo  oportcat  vos  unicuique  respondere  (Goloss.  IV.  G). 

Les  instructions  d'une  médiocre  longueur  sont  plus  agréables  et 
mieux  goûtées.  Exposez  clairement  et  brièvement  ce  que  le  Seigneur 
ordonne,  afin  que  les  âmes  dociles  le  sachent  et  s'en  souviennent 

Y  eùt-il  dans  un  discours  d'amples  recherches,  et  un  esprit  prer 
fond,  et  de  l'éloquence,  et  l'intelligence  de  la  situation,  si  l'Esprit- 
Saint,  qui  donne  la  force  aux  paroles,  est  absent,  dit  saint  Jérù  ne, 
tout  est  inutile  et  perte  de  temps  (2). 

(1)  Si  me  non  audierilis,  ot  tamen  ego  non  tacucro,  libernbo  oniraam  mcam  ;  scJ 
nolo  salvus  c.-sc  sine  vobis.  Tu  iniinicua  es  modico,  c^'o  niorboj  tu  diligeulùe  :::cx, 
ego  peslilcr.tiœ  lucc  [Ho7)iil.  xxvm  inter  l). 

(2)  Licet  sit  ample  sermonis  supellcx,  et  nions  proHinda, et  cloquenlia  ,  et  int.ili- 
genlia;  si  non  aUsiiSnirilus  qui  vira  suppeilitat,  otiosa  suntomoio  (Ad  Isepolut 


PAROLE  DE  DIEU.  545 

11  est  dit  dans  les  Actes  des  apôtres,  qu'Hérode,  revêtu  du  manteaiL 
royal ,  s'assit  fur  son  trône,  et  harangua  si  bien  les  députés  deo 
Tyriens  et  des  Sidoniens ,  que  le  peuple  s'écria  :  C'est  la  voix  d'un 
Dieu,  et  non  celle  d'un  homme.  En  ce  moment,  un  ange  du  Seigneur 
le  frappa,  parce  quil  n'avait  pas  rendu  gloire  à  Dieu;  et  il  mouru* 
il'  par  les  vers  (xn.  21-23).  Les  prédicateurs  ne  doivent  jamais 
perdre  de  vue  ce  fait,  qui  leur  est  d'un  grand  enseignement. 

Celui  qui  n'écoute  pas  la  parole  de  Dieu  dans  le  fond  de  son  £me , 
la  fait  retentir  en  vain  au  dehors,  dit  saint  Augustin  :  Verbi  Dei  ina- 
nis  est  forinsecus  prœdicator,  qui  non  est  intus  audit  or  (Epist.  cxxxn). 

L'action  est  plus  puissante  que  la  parole,  dit  saint  Grégoire  de 
Nazianze  :  Opus  sermone  fortius  est  (Orat.  xxvn).  Prêcher  d'exemple, 
voilà  la  meilleure  des  prédications.  En  effet,  possédassiez-vous  la  terre 
entière,  si  vous  la  laissez  inculte,  quel  fruit  en  retirer ez-vous?... 

Saint  Vincent  deLérins  disait  :  Ne  prêchez  pas  des  nouveautés, 
ïnais  dites  les  choses  d'une  manière  nouvelle  ;  c'est-à-dire,  parlez  de 
manière  à  captiver  l'attention  de  vos  auditeurs  :  Non  dicas  nova,  sed 
nove  (In  ejus  vila). 

Celui  qui  a  la  sages^  du  cœnv  sera  éloquent,  dit  l'Ecritura 
(Prov.  xvi.  21). 

Pour  qu'un  discours  soit  éloquent,  il  faut  :  i°  qu'il  soit  plein  de 
sagesse  et  de  prudence...;  2°  qu'il  convienne  à  la  circonstance  et  aux 
auditeurs  ;  que  toutes  ses  parties  se  trouvent  disposées  aveo  oi-ure; 
qu'il  soit  clair,  solide  et  facile  à  comprendre...  ;  3°  qu'il  plaise...; 
4°  enfin  et  surtout,  qu'il  parte  d'un  cœur  «ixleùx  de  foi,  de  douceur, 
de  bonté  et  de  charité 

Ce  n'est  pas  sans  raison  que  la  sainte  Ecriture  compare  un  discours 
à  un  rayon  de  miel  ;  car,  1°  comme  le  miel  est  doux ,  ainsi  l'orateur 
doit  être  plein  de  douceur  dans  ses  paroles 2°  Le  miel  est  le  déli- 
cieux résultat  du  travail  des  abeilles,  qui  sont  elles-mêmes  le  modela 
et  le  symbole  de  la  prudence  et  de  la  chasteté;  le  discours  doit  partir 

d'une  âme  prudente  et  pure 3°  Les  abeilles  composent  leur  miel 

du  suc  des  fleurs  et  des  herbes  odoriférantes;  il  convient  qu'où 
sage  prédicateur  compose  ses  discours  à  l'aide  des  fleurs  parfumée» 
de  la  sainte  Ecriture  et  des  Pères 4°  L'orateur  a  trois  effets  à  pro- 
duire :  instruire,  plaire  et  toucher;  le  miel  a  trois  propriétés  ana- 
logues à  ces  trois  effets  :  il  fortifie,  adoucit  et  guérit.....  Ecoutez  saint 
Augustin,  qui  a  tant  étudié  et  qui  possédait  si  bien  tous  les  secrets 
de  L'art  oratoire  :  Un  homme  éloquent  a  dit,  et  il  a  dit  vîw,  que 
pou,'  être  éloquent,  il  fallait  instruire ,  plaire  et  toucher.  Insîi  .  , 
nu         *  •                                 85 


546  PAROLE  DE  CffiU. 

c'est  nécessité;  plaire,  c'est   suavité;   toucher,  c'est  remporter  la 

victoire (Epist.  cxxxn.  )  5°  Les  abeilles  font  leur  miel  avec  un  art 

admirable;  l'orateur  doit  disposer  son  discours  avec  prudence,  ordre 
et  méthode  ;  ce  qui  donne  à  ses  paroles  un  charme  puissant  et  une 

douce  efficacité 

Appliquez-vous,  dit  saint  Ambroise ,  à  tirer  de  la  parole  de  Dieu, 
qui  est  tout  feu,  trois  effets  qui  sont  de  purifier,  d'éclairer,  d'em- 
braser. Pour  procurer  aux  auditeurs  ces  trois  biens ,  il  faut  avoir  la 
parole  de  Dieu  dans  la  bouche,  dans  le  cœur  et  clans  les  œuvres,  La 
parole  de  Dieu  doit  éclairer  l'esprit,  stimuler  la  volonté  et  orner  ld 
mémoire  (In  Psal.  cxvm). 

Dans  un  discours,  dit  saint  Augustin,  il  faut  aimer  la  vérité  et 
non  la  grâce  de  l'élocution  :  In  verbis  verum  nmare  ?  non  verba  (In 
Psal.  vu). 

Un  discours  limé  et  fait  avec  art,  enlève  de  leur  force  et  de  leur 
relief  aux  vérités  que  l'on  émet,  dit  saint  Prosper;  les  pensées  ne 
sont  pas  établies  pour  les  paroles,  mais  les  paroles  pour  rendre  les 
pensées  :  Sententiarum  vivacitatem  sermo  ex  industria  caltus  énervât  : 
fion  res  pro  verbis  ,  sed  pro  rébus  enuntiandis  verba  sunt  insiituta  (  In 
Sentent.). 

Un  même  discours  ne  convient  pas  à  tous  ;  parce  que  tous  n'ont 
pas  le  même  âge ,  la  même  intelligence,  le  m£me  caractère,  la 
même  condition,  la  même  piété ,  les  mêmes  mœurs.  Il  y  a  des 
choses  qui  nuisent  aux  uns,  et  qui  sont  utiles  aux  autres  ;  comme  il 
y  a  des  herbes  qui  nourrissent  certains  animaux  et  qui  en  ment 
d'autres.  Un  léger  sifflement  calme  le  cheval  et  irrite  le  lion;  le 
remède  qui  diminue  une  maladie,  eu  aggra\  e  une  autre;  le  pain  qui 
fortifie  l'homme  tuerait  le  malade  ou  Pépiant  à  la  mamelle.  Il  faut 
donc  préparer  ses  enseignements  et  les  distribuer  avec  discernement, 
alin  de  donner  à  chacun  ce  qui  lui  convient,  sans  s'écarter  cependant 

des  règles  générales 

Méditez  les  recommandations  admirables  que  saint  François  d'As- 
sise fait  aux  prédicateurs  de  son  ordre  :  Je  veux,  mes  très-chers 
frères,  dit-il ,  que  les  ministres  de  la  parole  de  Dieu  soient  tels,  q-^e 
s'appliquant  aux  études  spirituelles,  ils  ne  s'inquiètent  pas  du  reste; 
car  vous  êtes  choisis  par  le  grand  Roi  pour  annoncer  ses  oracles  aux 
peuples.  Le  prédicateur  4onç  doit  puiser  dans  des  prières  sec 
-entiments  qu'ensuite  il  manifestera  dans  ses  discours  sacrés;  il 
qu'avant  de  parler,  il  soit  embrasé  d'amour  de  Dieu;  carie 
ministère  de  la  parole  est  vénérable,  et  doit   être  vénéré.   Les 


PATI  OLE   DE   DTEU. 

prédicateurs  sont  le? adversaires  des  démons  e!.  pe  du  monde. 

Ceux  d'entre  eux  qui  s'appliquent  à  eux-mêmes  et  qui  pratiquent  les 
premiers  ce  qu'ils  enseignent  aux  autres,  méritent  d'être  loués;  mais 
ceux  qui  donnent  tout  à  la  prédication  ,  et  rien  ù  la  dévotion ,  sont 
de  mauvais  ouvriers;  et  l'on  ne  saurait  trop  pleurer  le  triste  fort  de 
peux  qui,  pour  une  vaine  louange,*vendent  au  démon  leurs  travaux. 
L'office  de  la  prédication  est  agréable  au  Père  des  miséricordes,  sur- 
tout lorsqu'on  s'y  livre  uniquement  par  esprit  de  ciiuriié,  et  qu'on 
emploie  l'exemple,  plutôt  que  les  paroles;  les  prières  ferve; 
plutôt  que  les  phrases  éloquentes  et  multipliées.  Il  faudrait  g' 
sur  l'orateur  qui  chercherait  des  éloges  plutôt  que  le  salut  des  âmes, 
ainsi  que  sur  celui  qui  détruirait  par  une  vie  déréglée  l'autorité  de 
ses  enseignements:  un  simple  prédicateur,  de  peu  de  talents,  mais 
de  beaucoup  de  vertu,  est  préférable  et  fait  infiniment  plus  de  bien. 
Le  prédicateur  qui  sacrifie  à  la  vaine  gloire,  est  stérile  :  qu'il  se  garde 
de  se  glorifier  de  produire  du  fruit;  s'il  en  produit,  il  est  perdu  pour 
lui.  Mais  ordinairement  il  est  stérile  pour  les  autres  comme  pour 
lui-môme;  parce  que  Dieu  ne  bénit  ni  lui  ni  son  ministère  (Ojpusc. 
collât,  xvn ). 

Saint  Bonaventure  dit  de  saint  François  d'Assise  :  Sa  parole  était 
un  feu  ardent,  qui  pénétrait  le  fond  des  cœurs,  et  remplissait  ses 
auditeurs  d'admiration.  Dans  ses  instructions,  l'on  ne  sentait  pas 
l'action  de  l'art  humain  ;  mais  le  souffle  des  inspirations  et  des  révé- 
lations divines.  Il  prêchait  la  vérité  avec  une  coniiance  impertur- 
bable; il  ne  savait  pas  épargner  les  vices  ;  il  les  attaquait  avec  fermeté 
et  ne  flattait  pas  les  pécheurs,  mais  les  poursuivait  vivement  pour 
les  terrasser ,  et  en  faire  des  saints  (  In  ejus  vita). 

La  force  des  orateurs  sacrés  retentit  et  brûle,  dit  saint  Grégoire: 
elle  brûle  par  le  désir  du  bien  qu'elle  communique  ;  elle  retentit  par 
la  parole  qu'elle  fait  entendre.  Lue  prédication  animée  ressemble  donc 
à  l'airain  embrasé  :  Vis  pvœdicantium  et  sonat  et  ardet  :  ardet  desi- 
derio ,  sonat  verbo  :  œs  ergo  cundens  est  prœdicalio  accensa  (  Homil,  m 
ie  Ezech.), 

>ux  qui  annoncent TEvangilepar manière  d'acquit,avec  mollesse, 
ou  avec  cramte;  ceux  qui  cherchent  dans  la  prédicaiit  :i  un  autre 
fruit  que  la  conversion  des  hommes  et  leurs  progrès  spirituels,  ne 
comprennent  ni  ce  qu'est  la  parole  de  Dieu, ni  la  dignité  de  ministre 
de  J.  C. ,  ni  la  responsabilité  qui  pèse  sur  eux.  Les  ap'  ires  qui  méri- 
tent vraiment  ce  nom  ,  portent  Lieu  avec  eux;  ils  l'éliront,  ils  le 
donnent  :  que  peut-on  comparer  à  cette  subliaio        ,     .?... 


548  PAROLE  DE  DIEU. 

Saint  Bernard  enseigne  que  les  prédicateurs  doivent  se  retirer  sur 
la  montagne  avec  J.  C. ,  c'est-à-dire  tendre  au  ciel  par  les  désirs  de 
'/âme  et  par  une  sainte  vie,  et  s'efforcer  d'atteindre  le  sommet  des 
vertus  {Serm.  inPsal.  ). 

Les  prédicateurs  de  la  parole  de  Dieu  doivent  4°  être  envoyés  de 
Dieu,  et  lui  servir  d'instruments...  ;  2J  être  unis  à  Dieu  par  l'oraison 
et  par  une  obéissance  parfaite...;  3°  être  actifs  et  zélés...;  4°  être 
pleins  de  force  et  d'onction...  ;  5°  être  exempts  de  vices  et  resplen- 
dissants de  vertus,  afin  de  devenir ,  comme  saint  Jean-Baptiste,  des 
lampes  ardentes  et  brillantes...;  6°  ils  doivent  lancer  leurs  flèches 
directement  au  but,  c'est-à-dire  frapper  le  cœur,  le  pénétrer  de 
crainte  et  d'amour  de  Dieu ,  et  ne  pas  s'arrêter  à  frapper  simple- 
ment les  oreilles 

Enfin ,  il  faut  que  le  prédicateur  qui  mérite  ce  nom ,  soit  une 
flèche ,  et  par  ses  exemples  et  par  ses  paroles  ;  c'est  ainsi  qu'il  péné- 
trera sûrement  dans  le  cœur  de  ses  auditeurs  :  sa  vie  entière  doit 
être  une  prédication  continuelle. 

Qu'il  vous  plaise,  ù  divin  Jésus,  que  nous  soyons  des  flèches  arden- 
tes, des  traits  puissants  et  pénétrants  pour  les  pécheurs,  afin  qu'ils 
puissent  dire  avec  l'Epouse  des  Cantiques  :  Vous  avez  blessé  mon 
cœur;  je  languis  d'amour  pour  Dieu:  Vuînerasti  cor  meum  ;  amore 
langiteo  (iv.  9.  n.  5). 

C'est  un  don  inestimable  qu'une  langue  sage  et  éloquente;  il  faut 
prier  tous  les  jours,  afin  que  le  Seigneur  nous  le  conserve,  et  dire 
avec  le  Psalmiste  :  Souverain  Maître,  vous  ouvrirez  mes  lèvres,  et  ma 
bouche  annoncera  vos  louanges  :  Domine ,  labia  rnea  aperies ,  et  os 
meum  annuntiabît  laudem  tuam  (l.  17). 

Dieu,  dit  saint  Grégoire  ,  ouvre  les  lèvres  de  celui  qui  réfléchit 
non-seulement  à  ce  qu'il  dira;  mais  quand,  où  et  à  quelles  personnes 
il  le  dira.  Que  tous  nos  discours  soient  donc  pesés  à  la  balance  de  la 
justice,  afin  qu'ils  soient  pleins  de  gravité,  dans  le  sens,  dans  les 
paroles,  et  dans  la  manière  de  l'orateur.  Ne  parlons  que  lorsque  cela 
est  utile  :  examinons  si  nous  devons  ou  non  passer  sous  silence  telle 
ou  telle  chose;  si  le  moment  est  favorable  pour  nous  en  occuper; 
enfin ,  si  nous  ne  sortons  sous  aucun  rapport  des  règles  de  la  pru- 
dence, de  la  sagesse,  de  la  modestie  et  de  la  charité  (In  Psal.  l). 

Un  médecin  habile  et  compatissant,  qui  désire  guérir  une  cruelle 
blessure,  n'épargne  pas  dans  le  seul  but  d'épargner;  il  n'a  pas  pitié 
du  patient  uniquement  afin  d'en  avoir  pitié  :  voilà  comment  doit  agir 
le  prédicateur  (In  Psal.  xvn). 


PAROLE  DE  BIEïï.  ÎUÔ 

Saint  Bernard  énumère  sept  degrés  que  doit  franchir  quiconque 
désire  être  digne  d'annoncer  la  parole  de  Dieu,  sept  vertus  qu'il  doit 
posséder;  ce  sont  :  4e  la  contrition...;  2°  la  dévotion...;  3°  la  péni- 
tence...; 4°  exercer  les  œuvres  de  piété...  ;  5°  l'amour  de  l'oraison...; 
6°  l'habitude  de  la  contemplation...;  7°  la  plénitude  de  l'amour  de 
Dieu 

Enseigner  et  ne  pas  faire  ,  c'est  non- seulement  ne  rien  gagner, 
mais  nuire  au  grand  nombre.  Une  condamnation  terrible  est  réservée 
à  celui  qui  s'occupe  de  l'agencement  de  ses  discours ,  mais  qui 
néglige  de  les  corroborer  par  ses  œuvres.  L'apôtre  doit  s'attacher  à\ 
montrer  l'excellence  des  principes  qu'il  s'efforce  d'inculquer  aux 
autres.  Il  n'aura  pas  de  famille  spirituelle,  s'il  tue  par  ses  exemples 
ceux  à  qui  ses  paroles  auront  donné  la  vie  :  il  fera  mourir  par  la 
négligence  de  sa  conduite  celui  que  la  vigilance  de  sa  langue  avait 
enfanté  (1). 

Aristote  lui-même  déclare  que  ceux  qui  s'inquiètent  peu  de  rendre 
leurs  actes  conformes  à  leurs  paroles  détruisent  la  vérité  (  Anton: 
in  Meliss.  ). 

Personne,  à  mon  avis,  dit  Sénèque,  ne  nuit  davantage  aux  hommes 
et  n'est  plus  digne  de  châtiment  que  ceux  qui  vivent  autrement 
qu'ils  ne  le  recommandent  :  Nullos  pejus  mereri  de  omnibus  mortali- 
bus  judico,  quam  qui  aliter  vivunt  quam  vivendum  esse  prœcipiunt  (In 
Proverb. ). 

Les  exemples  de  ceux  qui  agissent  ainsi  détruisent  l'effet  qu'ont 
pu  produire  leurs  enseignements  :  apôtres  de  l'humilité,  ils  sont 
guidés  par  l'orgueil;  ne  cessant  de  représenter  l'obéissance,  la 
résignation,  la  pureté,  la  charité,  etc.,  comme  des  vertus  utiles, 
nécessaires,  admirables  et  faciles,  ils  inculquent  plus  fortement 
encore  le  contraire  par  leurs  scandales,  et  condamnent  tantôt  leurs 
œuvres  par  leurs  paroles,  tantôt  leurs  paroles  par  leurs  œuvres. 
Ainsi,  de  l'ensemble  de  leur  vie  ressort  une  sentence  de  réproba- 
tion; et  au  jour  du  jugement  ils  seront  condamnés  autant  de  fois 
par  leur  propre  bouche,  qu'ils  auront  exhorté  leur  prochain  à  la 
pratique  d'une  vertu  qui  leur  a  été  étrangère.... 

Et  maintenant,  dit  le  prophète  Aggée,  voici  ce  que  dit  le  Seigneur 

(1)  Doccre  et  non  facere,  non  solum  nibil  lucri,  sed  etiam  damni  plurimum 
affert.  Grandis  enim  condemnatio  est  componenti  quidem  sermonem  suum,  sed  opère 
négligent!.  Doclor  ipse  prior  débet  bonum  ostendere  quod  alios  contenait  edo.:ere. 
Doctoris  progenies  eradicatur,  quando  is  qui  por  verbum  nascitur,  per  cxemphim 
necatur;  quia  quera  lingua  vigllans  gignit.  viiee  negligentia  qçcidit  (Lib.   X  Moral.), 


550  FAHOT.E  DE  DIEU. 

des  armées  :  Appliquez  vos  cœurs  à  vos  voies  :  vous  avez  semé 

beaucoup,  et  vous  avez  peu  récolté Celui  d'entre  vous  quia 

amassé  un  trésor  la  mis  dans  une  bourse  percée  (i.  5.  6), 


F.a  croix 
esl  un  excel- 
lent  prédica- 
teur. 


La  parole  de  la  croix,,  dit  le  grand  Apôtre,  est  folie  à  ceux  gui 
périssent;  mais  à  ceux  qui  sont  sauvés,  à  nous,  elle  est  la  vérin 
de  Dieu:  Ycrbum  crucis  pereuntibus  stultitla  est;  his  autem  qui salvi 
fiunt,  id  est  nobis,  Dei  virtus  est  (  I.  Cor,  1. 18).  Nous  prêchons, 
nous,  le  Christ  crucifié,  scandale  pour  les  Juifs,  folie  pour  les 
Grecs;  mais  pour  ceux  qui  sont  appelés,  Juifs  et  Grecs,  la  vertu 
et  la  sagesse  de  Dieu  :  parce  que  la  folie  de  Dieu  est  plus  sage  que 
les  hommes  et  la  faiblesse  de  Dieu  plus  forte  qu'eux  (  I.  Cor.  i. 
23-25). 

Que  nous  dit  la  croix,  que  nous  prêche  la  croix?  L'amour  infini  de 
Dieu... ,  la  chute  de  l'homme...,  ses  crimes...,  ses  misères... ,  ses 
châtiments...,  sa  résurrection...;  le  prix  et  la  nécessité  de  la  péni- 
tence, des  souffrances,  de  la  résignation,  du  détachement  et  de  la 
pauvreté  ;  le  néant  du  monde  et  de  la  vie... ,  la  laideur  du  péché..., 

la  beauté  de  la  vertu...,  la  valeur  de  lame  et  la  nécessité  du  salut 

Elle  nous  montre  le  chemin  du  ciel  et  nous  enseigne  ce  qu'il  faut 
faire  pour  le  conquérir  et  y  arriver 


Nécessité      Heureux  ceux  qui  écoutent  la  parole  de  Dieu  et  qui  la  mettait  en 
llteDieu  pratique,  &*  J»  C.  :  Deati  qui  audiunt  verbum  Dd , 

<t  de  la  mettre   /luc,  xi#  28).  L'homme  est  fait  pour  lebonheur,  il  Je  lui  faut:  or. 

cupratiqae.     v  *  '       ' 

d'après  J.  C,  le  bonheur  est  dans  l'audition  de  la  parole  de  Dieu  ,  et 

dans  la  conformité  de  notre  conduite  à  cette  parole;  nous  dei 

donc,  sous  peine  d'être  malheureux,  l'écouter  et  la  metlro  en 

pratique. 

Ceux  qui  écoutent  la  loi ,  ne  sont  pas  justes  devant  Dieu ,  dit  saint 
Paul  aux  Romains;  mais  ceux-là  seulement  seront  justifiés  j  qui 
accomplissent  la  loi  :  Non  enim  ovdi'orcs  legisjusti  sunt  apud  Dcum. 
sed  factures  leqis  justificabuntur  (  n.  13  ). 

Tous  ceux  qui  ni  ont  :  Seigneur,  Seigneur,  n'entreront  pas  âans 
le  royaume  des  cieux;  mais  celui  qui  fait  la  volonté  de  mon  l'ère  qui 
est  dans  les  cieux ,  celui-là  entrera  dans  le  royaume  des  cieuï,  dit 
J.  C.  :  Non  omnisqui  tiicitthiki,  Domine.  Domii  e,  intrabitin  regnum 
cœlorum;  sccl  gui  facit  voluntaiem  Pat  ris  meiqui  incœlis  est,  ipse  intra- 
bitin regnum  cœlorum  (Matth.  vu.  21  ).   Et  qui  est-ce  qui  fait  la 


PAROLE  I>E  METS  gg| 

volonté  de  Dieu,  sinon  l' homme  qui  se  conforme  à  ses  enseigne- 
ments?... 

Gardez-vous  de  rejeter  celui  qui  vous  parle  du  ciel ,  dit  saint  Paul 
(Ifelr.xu.2o). 

Mettez  la  parole  en  pratique,  dit  l'apôtre  saint  Jacques ,  et  ne  vous 
bornez  pas  à  i'écouter,  vous  trompant  vous-mêmes  :  Estote  factures 
verbi ,  et  non  auditoires  tantum ,  f attentes  vosmetipsos  { i.  22  ). 

Cueillez  le  fruit ,  évitez  l'épine,  dit  saint  Augustin;  en  écoutant 
celui  qui  vous  dit  de  bonnes  choses ,  n'imitez  pas  celui  qui  fait  le 
mal  :  Botrum  carpe ,  spinam  cave;  cum  audis  bona  dicentem,  ne  imiteris 
mala  facientem  (Tract.  xiviinJoann.  ). 

Est-ce  qu'on  méprise  l'or  par  qu'il  est  entouré  de  terre?  jdit  saint 
Chrysostome.  Non;  mais  on  choisit  l'or  et  on  laisse  la  terre  :  ainsi 
vous-mêmes,  recevez  la  doctrine,  et  laissez  les  mauvaises  mœurs 
Les  abeilles  sucent  les  fleurs  et  ne  s'inquiètent  point  de  leurs  tiges  : 
ainsi  vous-mêmes,  cueillez  les  fleurs  de  la  saine  doctrine,  et  ne  vous 
in  juiétez  pas  du  reste  (Moral.). 

Celui  qui  dit  :  Je  connais  J.  C,  et  qui  ne  garde  point  sa  parole,  est 
un  menteur ,  et  la  vérité  n'est  point  en  lui ,  dit  l'apôtre  saint  Jean  : 
Çv.l  dicit  senosse  eum,et  mandata  cj us  non  custodit ,  mendaxest,  et 
vcritas  in  eo  non  est  (  T.  n.  4  ). 

Sans  la  connaissance  de  son  Créateur,  l'homme  est  une  brute,  dit 
saint  Jérôme  :  Absque  notifia  creatoris  sui  homo pecus  (Comment,  in 
Joann.  ).  Or,  c'est  la  parole  de  Dieu  qui  découvre  Dieu  à  l'homme 
et  qui  le  lui  fait  connaître  ;  l'homme  doit  donc  l'écouter  et  s'y  con- 
former ,  sous  peine  de  ressembler  à  la  brute  et  de  vivre  comme 
elle 

Si  vous  entendez  aujourd'hui  la  voix  de  Dieu,  n'endurcissez  pas 

vos  cœurs,  dit  le  Psalmiste  :  Hodie,  si  vocem  ejus  audieritis,  nolite 

(hdnrare  corda  vcstra(xciv.  8  ).  Je  méditerai  votre  parole,  Seigneur, 

je  ne  l'oublierai  jamais,   dit  le  même  prophète  :  Jnjmtificatiombn- 

neditabor ,  non  obliviscar  sermones  tuos  (  cxvm.  10  ). 

Veillez  sur  vos  pas  en  entrant  dans  la  maison  de  Dieu,  dit  l'EccI  ■'- 
skste,  et  approchez  pour  écouter  sa  parole  :  Custodi  pedem  tuum 
ingrediens  domum  Dei ,  et  appropinqua  ut  av.dias  (  iv.  17  ). 

Gardez  dans  votre  esprit  la  parole  de  Dieu  que  vous  recevez  de  la 

bouche  du  prédicateur,  dit  saint  Grégoire;  car  la  parole  de  Dieu  est 

l'aliment  de  lame.  Cependant,  comme  l'estomac  malade  rejette  la 

.nturequil  a  prise,  ainsi  la  mémoire  qu  '  's  ne  conserve 

pas   les  ensc  -  =;iis   û  faut    ceitaint  aeat 


552  PAROLE  DE  DIEU. 

désespérer   de   la  "vie  de    quiconque    De   peut    supporter  d'ali- 
ments (1). 

Nous  devons  aimer  la  parole  de  Dieu.  Désirez  mes  paroles,  dit  le 
Seigneur,  aimez-les,  et  vous  aurez  la  sagesse  :  Concupiscite  sernwnes 
mcos,  diligite  illos,  eihabebitis  disciplinam  (Sap.  vi.  12). 

CcmbiMi  il     T)jEU   dit  saint  Augustin,  n'ordonne  pas   l'impossible  ;  mais  en 

est  facile  de  '  . 

mettre  en  pra-  ordonnant,  il  vous  avertit  de  faire  ce  que  vous  pouvez,  et  de  deman- 
tiq'deDieu™le  der  la  force  d'accomplir  ce  que  vous  ne  pouvez  pas,  puis  il  vous 

aide  à  agir  :  Deus  impossibilia  non  jubet  ;  sed  jubenio  monet,  et  faccre 

guod  possis,  et  petere  quod  non  possis,  et  adjuvat  ut  possis  (  In  Epict. 

ad  Rom.  ). 
Mon  joug  est  doux,  et  mon  fardeau,  léger,  dit  J.  C.  :  Jugummeum 

suave  est,  et  onusmeum  levé  (Matth.  xi.  30). 
Outre  que  la  parole  de  Dieu  est  douce  et  qu'elle  n'impose  rien  que 

de  facile,  la  grâce  l'accompagne  toujours  dans  le  cœur  de  celui  qui 

la  reçoit.  Or,  on  peut  tout  avec  la  grâce 

Tous  enten-  La  foi  vient  de  l'ouïr,  et  l'ouïr  par  la  parole  de  Dieu,  dit  le  p -, 
Clde  Dieu™  Apôtre  aux  Romains  :  F  ides  ex  auditu,  auditus  per  verbum  Dei 
(x.  17).  Mais  je  dis  :  Est-ce  qu'ils  n'ont  point  ouï  ?  Leur  voix,  certes, 
a  retenti  par  toute  la  terre,  et  jusqu'aux  extrémités  du  monde  :  Sed 
dico  :  Numquid  non  audierunt ?  E t  quidem  in  omnem  terrante  ïirit 
sonus  eorum,  et  in  fines  orbis  terrœ  verba  eorum  (  Ibid.  x.  18  ). 

Allez  donc,  dit  J.  C,  et  enseignez  toutes  les  nations  :  Euntes  ergo 
docete  omnes  gentes  (  Matth.  xxvin.  19).  Vous  recevrez  la  vertu  fie 
l'Esprit-Saint  qui  surviendra  en  vous,  dit-il  à  ses  apôtres,  et  vous 
me  serez  témoins  à  Jérusalem,  dans  toute  la  Juiée,  et  dans  la  Sama- 
rie,  et  jusqu'aux  extrémités  de  la  terre  :  Accipietis  virtvtem  superve- 
nientis  Spiritus  Sancti  in  vos  ;  et  critis  mihi  testes  in  Jérusalem,  et  in 
omni  Judœa,  et  Samaria,  et  usque  ad  ultimum  terrœ  (Act.  i.  8). 

Votre  foi  est  annoncée  dans  tout  l'univers,  disait  déjà  saint  Paul 
aux  Romains  :  Fidcs  vestra  annuntialur  in  universo  mundo  (i.  8). 
Depuis  les  apôtres  jusqu'à  nos  jours,  L'Evangile  a  été  annoncé 

dans  le  monde  entier.  Les  persécutions  le  prouvent 

Dieu  est  mort  pour  le  salut  de  tous,  dit  le  grand  Apôtre  :  Pro 

(1)  Verba  Domini  qure  ore  percipitu,  mente  retinete.  Cihus  enim  mentis  est  sermo 
Dei  ;  et  quasi  acceptas  cibus,  stomacbo  languente,  r  jicilur,  quan  lo  auditus  sermo  in 
centre  mémorise  non  tenetur.  Sed  quisquis  alimenta  non  retinct,  hujus  profeçto  vita 
desperatur  (ftemil  xui  in  Ew>>-- 


< 


PAROLE  DE  DIEU.  553 

omnibus  mortuusest  Christus  (IL  Cor.  v.  14  ).  Pieu  veut,  dit-il  ailleurs, 
que  tous  les  hommes  soient  sauvés,  et  viennent  à  la  connaissance  ch 
la  vérité  :  Vult  omnes  homines  salvos  fieri,  et  ad  agnilionem  veritatis 
venire  (I.  Tim.  n.  4). 

Ce  Jésus  que  vous  avez  crucifié,  dit  saint  Pierre  aux  Juifs,  est  la 
pierre  qui,  rejetée  par  vous,  architectes,  est  devenue  le  sommet  de 
l'angle.  Et  il  n'y  a  de  salut  en  aucun  autre,  ni  sous  le  ciel  aucun 
autre  nom  donné  aux  hommes,  par  lequel  nous  devions  être  sau- 
vés :  Et  non  est  in  alio  aliijuo  salus  ;  nec  enim  aliud  nomen  est  sub  cœlo 
dation  hominibus,  in  quo  oporteat  nos  salvos  fieri  (Act.  iv.  11.  12  ). 

Puisque  J.  C.  est  mort  pour  tous  les  hommes,  qu'il  veut  les  sauver 
tous,  et  qu'il  n'y  a  de  salut  en  aucun  autre  nom,  J.  C.  leur  donne 
donc  à  tous  les  moyens  suffisants  pour  le  connaître,  l'aimer  et  le 
senir.  Mais  les  démons,  les  passions,  les  préjugés,  l'exemple  et  les 
paroles  des  incrédules  et  des  impies,  sont  des  obstacles  au  salut 

Comment  tous  les  hommes  n'entendraient-ils  pas  la  parole  de 
Dieu  ?  Tout  dans  l'univers  est  une  voix  qui  nous  parle  de  lui  ;  le 
soleil  n'est-il  pas  un  grand  et  excellent  orateur,  qui  s'est  adressé 
à  tous  les  lieux,  à  tous  les  siècles,  à  toutes  les  générations?  La  lune 
et  son  cortège,  les  étoiles  brillantes  de  beauté  n'annoncent-elles  pas 
qu'elles  sont  l'œuvre  de  Dieu?  La  terre,  l'Océan,  les  montagnes  et  les 
vallées,  les  arbres  et  les  fleurs,  les  oiseaux  et  les  insectes  ne 
pu!  ilient-ils  passa  puissance  et  sa  bonté?  Oui,  l'univers  et  ses  mer- 
veilles témoignent  de  l'existence  de  Dieu,  de  sa  providence  et  de 
ses  attributs;  ils  pressenties  hommes  de  l'adorer,  de  le  craindre,  de 

le  servir  et  de  l'aimer La  loi  naturelle  ne  fait-elle  pas  entendre 

la  parole  divine?...  Et  la  révélation,  soitde  l'Ancien  Testament,  soit 
du  Xouveau,  n'est-elle  pas  une  voix  irrésistible,  la  voix  publique  de 
Dieu?... 

La  parole  de  Dieu  ,  qui  réprimande  et  rend  les  bons  meilleurs,  est      combla 
insupportable  aux  orgueilleux,  dit  saint  Cyrille:   Redargutio  quœ  s0"('l"pv^'!ï;'st's 

mansuetos  transfert  in  melius,  superbis  intolerabilis  essesoiet  (  Homil.).   etmalhcùrcni 

,  .  -'iii  ceux  qui 

Combien,  s'écrie  le  vénérable  BèJe,  combien  est  misérable  la  n'écoutent  pas 

conscience  qui,  après  avoir  entendu  la  parole  de  Dieu,  se  croit  ^Dieuï 

outragée  !  Quam  misera  conscientia  quœ,  audito  Dei  verbo,  contume-         ';e  la 

*  a  metient  pnsctB 

liam  sibi  fieri  putat  !  (In  Evang.  )  pratique. 

Les  Juifs  non  plus,  dit  saint  Paul,  ne  pouvaient,  ou  plutôt  ne 

voulaient  pas  porter  cette  divine  parole  :  Non  enim  portabant  qwd 


qui 


554  tÀHOLE  DE  DIE'/. 

De  nos  jours  on  compterait  beaucoup  d'orateurs  sacrés*  qui  prê- 
chent dans  le  désert,  ou  parce  qu'on  ne  va  pas  les  entendre,  ou  parce 
qU'on  ne  veut  pas  profiter  de  leurs  enseignements  :  Vox  clamantisin 
désert o  (Isai.  XL.  3). 

Oh  !  qu'ils  sont  à  plaindre,  aVeugles  et  malheureux  les  chrétiens 
qui  ne  tirent  aucun  fruit  de  la  prédication  !  Celui,  dit  J.  G.j  celui  qui 
me  méprise  et  qui  ne  reçoit  pas  ma  parole,  a  un  jtigèi  La  parole  que 
j'ai  fait  entendre  le  jugera  elle-même  au  dernier  jour  :  Qui  spernit 
me,  et  nonaccipit  verbamea,  habet  quijudicet  eum  :  sermoquem  locutus 
sum,  ille  jndicabit  eum  in  novissimo  die  (Joann.  xn.  48). 

Le  saint  vieillard  Sinléon  dit  de  J.  C.  :  Celui-ci  est  venu  pourlaruine 
et  la  résurrection  de  plusieurs  :  Positus  est  hic  in  ruinant  et  in  resur- 
rectionem  multorum  (Luc.  n.  34).  il  en  est  de  même  de  sa  divine 
parole  :  elle  est  le  salut  de  ceux  qui  1  écoutent  et  qui  la  mettent  en 
pratique  ;  mais  elle  est  la  ruine  des  indifférents,  des  incrédules,  des 
impies,  qui  la  fuient  et  qui  la  méprisent.  Comme  la  lumière  du  soleil 
réjouit  et  fortifie  les  yeux  sains  tandis  qu'elle  blesse  les  yeux  lai I des 
et  malades,  comme  le  feu  purifie  l'or  et  consume  la  paille  :  ainsi  la 
parole  de  Dieu  plaît  à  l'âme  saine,  lui  donne  des  forces  et  la  purifie; 
tandis  qu'elle  ennuie,  fatigue  et  rend  plus  coupable  encore  l'âme 
malade,  criminelle,  gangrenée,  infâme  et  maudite 

Ma  parole  ne  reviendra  pas  à  moi  saris  fruit,  dit  le  Seigneur  par  la 
bouche  d'Isaïe;  mais  elle  accomplira  mes  desseins  :  Verbum  meum 
non  revertetur  ad  me  vacuum,  sed  faciet  quœcumque  volui  (lv.  11). 
Elle  fait  naître  des  fruits  de  bénédiction  dans  la  nie  de  ceux  qui  sont 
bien  disposés,  qui  l'écoutent  et  qui  la  mettent  en  pratique  ;  et  des 
fruits  de  malédiction  dans  le  cœur  de  ceux  qui  en  abusent 

Pourquoi      Celui  qui  ne  m'aime  point,  dit  J.  C,  ne  garde  point  mes  paroles  : 

l'on  n'écoute     ^    .....    . 

fias  la  parole    Qui  non  diligit  me,  sermones  meos  non  servat  (Joann.  xiv.  24).  On 

rojrçàè"  (on   rt'aimô  t*&  Dileu>  Voilà  pourquoi  on  foule  au\  pieds  sa  parole 

n'en  pvoiiie  Celui  qui  est  de  Dieu,  écoute  la  paroi-  de  Dieu,  dit  encore  J.  C. 
Vbûs  n'émule?,  point,  pain-  ,]iie  vous  nï'tes  point  de  Dieu  :  Qui  ex 
Deo  est,  rerhn  Ù  i  audit;  ^ropterea  vos  non  auditis,  quia  ex  Deo  non 
eslis  (Joann.  vin.  47). 

Quechai iA⧧ demandé  s'il  reçoit  dans  son  coeUr  la  parole  de  Dieu  ; 
et  il  comprendra  de  qui  il  est,  dit  saint  Grégoire.  J.  C.  déclare  que  la 
marqua  de  la  pré  leetittattdti  diVIûti  ésl  d'eiiten  Ire  la  parole  de  Dieu 
et  d'obéir  à  ses  saintes  inspirations;  mais  que  la  rejeter  est  le  signe 
de  la  réprobation  {Honni,  xvin  in  Joann.). 


PAROLE  DE  DIEU.  535 

Je  suisse  bon  pasteur,  dit  J.  G.,  et  je  connais  mes  brebis,  et  elles 
me  c.uinaissent  :  Ego  sum  pastor  bonus  ;  et  cognosco  meas ,  et  cogno- 
scunt  me  meœ  (Joann.  x.  14).  Vous  ne  croyez  point  parce  que  vous 
n'êtes  pas  de  mes  brebis.  Mes  brebis  écoutent  ma  voix  ;  je  les  connais, 
et  elles  me  suivent  ;  et  je  leur  donne  la  vie  éternelle,  et  elles  ne  péri 
ront  jamais ,  et  nul  ne  les  ravira  de  ma  main  (l)k 

Nous,  nous  sommes  de  Dieu,  dit  l'apôtre  saint  Jean.  Celui  qui 
connait  Dieu,  nous  écoute;  celui  qui  n'est  pas  de  Dieu,  ne  nou.0 
écoute  point:  à  ce  signe,  nous  connaissons  l'esprit  de  vérité  ei, 
l'esprit  d'erreur  :  Nos  ex  Deo  sumus.  Qui  novit  Deum,  audit  nos  ;  qui 
non  est  ex  Deo,  non  audit  nos  :  in  hoc  cognoscimus  spiritum  veritatis,  et 
spiritum  erroris  (I.  iv.  G). 

Je  suis  né,  et  je  suis  venu  dans  le  monde  pour  rendre  témoignagt 
à  la  vérité,  dit  J.  G.  à  Pilate  :  quiconque  appartient  à  la  vérité,  écoute 
ma  voix  :  Ego  in  hoc  natus  sum  et  ad  hoc  veni  in  mundum  ut  testimonium 
•perhibeam  veritati:omnisqui  est  ex  veritate,  audit  vocem  meam  (Joann. 
xviii.  37).  Pilate  lui  dit  :  Qu'est-ce  que  la  vérité?  Et  après  ces  paroles 
il  sortit...  :  Dixit  ci  Pilatus  :  Quid  est  veritas?  Et  quum  hoc  dixiswt) 
exivit (ïd.  xviii.  38.)  Remarquez  l'ignorance  de  Pilate  et  son  indif- 
férence; il  ne  sait  ce  qu'est  la  vérité;  il  le  demande  et  il  s'en  va  sans 
attendre  la  réponse  de  J.  C.  Oh!  combien  Pilate  a  d'imitateurs  qui 
se  dérobent  à  la  lumière,  à  l'onction  et  à  la  puissance  de  la  parole  de 
vérité!... 

Les  fils  d'Israël,  s'écrie  le  Seigneur  par  la  bouche  d'Isaïe,  les  fils 
d'Israël  disent  aux  prophètes  :  Ne  voyez  pas  ;  et  à  ceux  qui  sont 
attentifs  à  mes  paroles  :  N'écoutez  pas  ces  paroles  sévères  :  parlez- 
nous  un  langage  qui  nousplaise  :  Loquimini nobis placent ia  (xxx.  10). 
Dites-nous  des  choses  qui  flattent  nos  passions  et  nos  caprices  :  Loqui- 
mini nobis  placentia.  Voilà  le  langage  que  font  encore  entendre  les 
avares,  les  ambitieux,  les  orgueilleux,  les  voluptueux,  les  partisans 

du  monde  et  de  la  vanité Ils  trouvent  la  morale  évangélique  trop 

sévère,  trop  gênante;  ce  qui  signifie  qu'ils  sont  la  faiblesse  et  Ja 
lâcheté  mêmes 

Ainsi  les  causes  qui  nous  empêchent  d'écouter  la  parole  de  Dieu 
ou  de  la  mettre  en  pratique  sont  :  1°  l'absence  d'amour  de  Dieu: 
2°  ne  pas  se  rattacher  au  bercail  de  J.  G. ,  mais  au  parti  du  démon 


(I)  Vos  non  crédita,  quia  non  estis  ex  ovibus  mois.  Oves  meœ  vocem  meau. 
KadUmt  ;  et  ego  cognosco  eas,  et  scquunlur  me;  et  ego  vitam  œternam  do  eis  ;  et 
mm  penbuut  in  «Bleui um,  et  non.  vapiet  eas  iiuisiiuain  de  manu  mea  (Joann.  x.  26«28). 


836  PAROLE  DE  DIEU. 

3°  le  défaut  de  connaissance  de  Dieu  ;  4°  le  manque  de  foi  ;  5°  l'aver- 
sion ou  l'indifférence  pour  la  vérité  ;  6°  la  corruption  du  cœur,  les 
passions,  les  mauvaises  habitudes 

Châtiments  Ceux  qui  résistent  à  la  voix  de  Dieu,  dit  Job,  seront  livrés  au  glaive, 

ceux  qui  et  mourront  dans  leur  aveuglement  :  Si  non  audierint,  transibunt  per 

"la^aroiede8  #^<"m>  et censumentur  in  stultitia  (xxxv'i.  12). 
Dieu  et  qui  uc       si  quelqu'un  entend  ma  parole  et  ne  la  garde  point,  ie  ne  le  juge 

M  mettent  pas  i    .   *  .     l  .  &  •  i  i 

eu  pratique,  pas,  moi,  dit  J.  C;  car  je  ne  suis  pas  venu  pour  juger  le  monde, 
mais  pour  le  sauver.  Celui  qui  me  méprise  et  qui  ne  reçoit  pas  ma 
parole  a  un  juge.  La  parole  que  j'ai  l'ait  entendre  le  jugera  elle- 
même  au  dernier  jour  (1). 

Mon  peuple  n'a  point  écouté  ma  voix,  dit  le  Seigneur  par  la 
bouche  du  Psalmiste;  Israël  n'a  pas  voulu  de  moi  ;  et  je  les  ai  livrés 
aux  désirs  de  leurs  cœurs,  ils  s'enfonceront  dans  leurs  inventions 
erronées  (2).  Si  mon  peuple  m'avait  écouté,  si  Israël  avait  marché 
dans  mes  voies,  j'aurais  humilié  et  réduit  à  rien  ses  ennemis;  mon 
bras  se  serait  appesanti  sur  ceux  qui  l'ont  foulé  aux  pieds.  Les  enne- 
mis du  Seigneur  auraient  été  contraints  de  lui  rendre  hommage,  et 
son  bonheur  aurait  eu  la  durée  des  siècles;  je  l'aurais  nourri  du  plus 
pur  froment;  j'aurais  fait  couler  pour  lui  le  miel  du  rocher.  (  Psal. 
ixxx.  42-15).  Mais  parce  qu'il  a  méprisé  ma  parole,  ses  ennemis 
triompheront;  je  le  frapperai  et  il  sera  malheureux,  et  il  souffrira 
de  la  faim  ;  et  au  lieu  de  miel,  il  aura  du  fiel 

Je  me  vengerai,  dit  le  Seigneur  dans  le  Deutéronome,  je  me  ven- 
gerai de  celui  qui  ne  voudra  pas  écouter  les  paroles  de  l'envoyé  qui 
parlera  en  mon  nom  :  Qui  verba  ejus,  quœ  loquetur  in  nomine  meo , 
audirenoluerit,  ego  ullor  existam  (  xvnt.  19). 

Si  vous  n'écoutez  point  la  voix  du  Seigneur,  dit  Samuel  au  peuple 
d'Israël,  et  si  vous  irritez  sa  parole,  la  main  du  Seigneur  sera  sur 
vous,  comme  elle  a  été  sur  vos  pères  :  Sinon  audieritis  vocem  Domini, 
sed  exasperaveritis sermones  ejus,  erit  manus  Domini  super  vos,et  super 
paires  vestros  (  I.  Reg.  xn.  i5).  Le  même  Sûmuel  ne  dit-il  pas  à 
Saùl  :  Parce  que  vous  avez  rejeté  la  parole  du  Seigneur,  le  Seigneui 

(1)  Si  quisaudierit  verba  mea,  et  non  custodieiit  ,  ego  non  judico  oum:  non  enim 
\eni  atjadicem  mandant,  sed  ut  salvificcm  mundum.  Qui  spernit  me,  et  non  accipit 
verba  mea,  habet  qui  judiect  eiun  :  scrino  quein  locutussum,  illc  judicabit  cum  in 
novissimo  die  (Joann.  xti.  17-48). 

(2)  Non  audivit  populus  meus  voeem  meam,  et  Israël  non  lnlendit  mini  :  et  dimisi 
sos  secuuduw  desideiia  cordjs  eoruin,  ibuiit  in  adiijventiooibus  suis  ( l*xx.  12  m 


PAROLE  DE  DIEU.  loi 

vous  a  rejeté  à  son  tour?  Quia  projecisti  sermonem  Domini,  pro- 
jecit  te  Dominus  (ï.  Reg.  xv.  26  ). 

Parce  que  vous  n'avez  pas  voulu  entendre  la  voix  du  Seigneur, 
voici  qu'un  lion  vous  tuera  ,  dit  un  fils  de  prophète  au  roi  Achab  : 
Quia  noluisti  audire  vocem  Domini,  ecce  percutiet  te  leo  (III.  Reg. 
xx.  36).  Le  Seigneur  adresse  la  même  menace  à  quiconque  ferme 
l'oreille  à  sa  parole  sainte.  Le  lion,  c'est  le  démon  qui  rôde  autour 
des  hommes,  et  qui  se  tient  prêt  à  les  dévorer. 

Il  faut  :  1°  estimer  beaucoup  la  parole  de  Dieu...  ;  2°  la  respec-    Dispositions 
,,            ,,,,,.                           ,•  nécessaires  et 

ter...;  3*  se  préparer  à  1  entendre...  ; 4°  1  écouter  avec  attention moyens 

5°  Quelle  que  soit  la  bouche  qui  l'annonce ,  et  de  quelque  manière    pêu^protuer 
qu'elle  s'en  acquitte,  avec  éloquence  ou  simplement,  on  doit  la    dedianp.arol(î 
recevoir  et  ne  s'occuper  que  de  la  parole  de  Dieu  prise  en  elle- 
même 6°  Il  faut  la  méditer...;  7°  y  appliquer  sa  mémoire,  son 

intelligence  et  surtout  sa  volonté...  ;  8°  en  faire  la  règle  de  sa  con- 
duite...; 9°  ne  pas  l'oublier;  10°  remercier  Dieu  du  bienfait  qu'il 
nous  a  accordé  en  nous  faisant  entendre  ses  enseignements. 


PASSION  DE  JÉSUS-CHRIST, 


Nous  devons     V  T ous  devez  à  J.  C.  votre  vie  tout  entière ,  dit  saint  Bernard ,  car 
tout  a  j.  c.       %/    ^  a  donne-  sa  vie  pour  la  vôtre ,  et  il  a  souffert  les  plus  cruels 
Y     tourments  pour  vous  préserver  des  tourments  éternels.  Lors 
donc  que  je  lui  aurai  donné  tout  ce  que  je  suis  et  tout  ce  que  je  puis, 
cela  comparé  à  ce  qu'il  a  fait  pour  moi  ne  sera-t-il  pas  ce  qu'une 
étoile  est  au  soleil ,  une  goutte  d'eau  à  un  fleuve ,  une  pierre 
à  une  montagne.  Si  je  me  dois  tout  à  lui  parce  qu'il  m'a  créé , 
que  lui  donnerai-je  pour  m'avoir  racheté,  et  pour  m'avoir  racheté 
comme  il  l'a  fait?  Car  je  n'ai  pas  été  réparé  aussi  facilement  que  j'ai 
été  créé  :  celui  qui  m'a  créé  en  un  instant  et  d'un  seul  mot,  a  pour 
me  réparer  fait  entendre  bien  des  paroles ,  a  opéré  d'incomparables 
merveilles  et  a  supporté  des  traitements  pénibles  ;  et  non-seulement 
pénibles,  mais  indignes.  Dans  le  premier  œuvre ,  il  m'a  donné  moi- 
même  à  moi-même;  dans  le  second,  c'est  lui  qui  s'est  donné;  et  en 
se  donnant,  il  m'a  rendu  à  moi-même.  Mis  et  remis  en  possession 
de  moi-même,  je  me  dois  en  retour  et  je  me  dois  deux  fois.  Mais  que 
rendrai- je  au  Seigneur  pour  le  don  qu'il  m'a  fait  de  lui-même? 
Quand  je  pourrais  me  donner  mille  fois,  que  suis-je  auprès  de 
Dieu?  (1) 

J.  C,  dit  le  grand  Apôtre,  J.  C.  qui  s'est  soumis  â  la  malédiction 
pour  nous,  nous  a  rachetés  de  la  malédiction  de  la  loi,  selon  qu'il 
est  écrit  :  Maudit  celui  qui  est  pendu  au  bois  :  Christus  nos  redemit  de 
maledicto  leyis,  factuspro  nobis  maledictum;  quia  scriptum  est  :  Male- 
dictus  omnis  qui  pendet  in  Hgno  (Gai.  m.  13). 

Les  outrages  de  J.  G.  sont  notre  gloire ,  dit  saint  Jérôme.  Il  est 
mort  pour  nous  rendre  à  la  vie  ;  il  est  descendu  du  ciel  pour  nous  y 


(1)  Christo  Jcsu  dcbes  omtii-m  vilam  tuam  ,  quia  ipse  \itam  suam  posuit  pro  tua  , 
et  cruciatus  amaros  suslinuit ,  ne  tu  perpetuos  sustineres.  Cum  ergo  ei  donavero 
quidquid  sum,  qnidqaid  poMam,  nonne  istud  e?t  siait  est  Stella  ad  solem  ,  gutta  ad 
fluvium,  lapis  ad  monlem?  Si  totum  me  deboo  pro  me  facto  ,  quid  addam  jam  pro 
refecto,  et  refecto  hoc  modo?  Ncc  enim  lam  facile  refectus  quam  factus  ;  nam  qui 
scmel  et  lantum  dicendo  fecit,  in  reficiendo  profecto,  etdixit  mulla,  et  gessit  mira, 
et  pertulit  dura;  ncc  lantum  dura,  sed  et  Indigna.  In  primo  opère,  me  mihi  dédit;  in 
secundo,  se  :  et  ubi  se  dédit,  me  mihi  reddidit.  Datus  ergo  et  redditus,  me  pro  me 
debco,  et  bis  debeo.  Quid  Deo  relribuam  pro  se?  Nam  etiamsi  nulliesme  rependero 
posscm,  quid  sum  ego  ad  Deum?  (  Serm.  de  Quadrupl.  Debitor.  ) 


PASSION  DE  JÉSUS-CHRIST.  659 

faire  monter.  Il  s'est  fait  folie,  pour  nous  rendre  sages;  il  a  été  sus- 
pendu à  l'arbre  de  la  croix ,  afin  d'effacer  ainsi  le  péché  que  nous 
avions  commis  par  l'arbre  de  la  science  du  bien  et  du  mal  (I). 

Comprenons  si  nous  le  pouvons  quelle  est  la  largeur ,  et  la  lon- 
gueur, et  la  hauteur,  et  la  profondeur  de  l'amour  de  J.  G.  et  des 
douleurs  qu'il  a  souffertes  pour  nous. 

Quelle  est  la  largeur  de  la  passion?  J.  C.  a  souffert  dans  tous  ses 
membres,  dans  toutes  les  puissances  de  son  âme,  de  la  part  de  toute 
espèce  d'hommes,  et  même  de  celle  des  anges ,  et  de  Dieu  son  Père, 
dont  il  a  été  comme  abandonné.  Il  a  enduré  tous  les  genres  de  tour- 
ments. Il  a  été  dépouillé  de  tous  les  biens  de  la  fortune,  de  la  répu- 
tation, de  l'honneur  et  delà  vie 

Quelle  est  la  longueur  de  la  passion  ?  Pendant  trente-trois  ans  qu'i. 
a  vécu,  J.  G.  a  ressenti  dans  son  corps,  dans  son  âme,  dans  son 
esprit  et  dans  son  cœur,  les  douleurs  qui  devaient  terminer  sa  vie  et 
le  supplice  de  la  croix  :  il  voyait  tout  cela  constamment 

Quelle  est  la  hauteur  de  la  passion?  Durant  toute  sa  vie,  J.  C.  a  été 
cruellement  affligé  et  torturé  par  une  claire  considération,  et  par  une 
parfaite  connaissance,  soit  de  la  grandeur  de  Dieu  offensé ,  soit  de  la 
gravité  du  péché,  soit  des  douleurs  auxquelles  devait  être  soumise  sa 
personne  sacrée,  soit  des  peines  passées,  présentes  et  à  venir,  qui 
fondaient  à  la  fois  sur  lui ,  soit  de  la  multitude  des  réprouvés  à  qui 
ses  souffrances  seraient  inutiles 

Quelle  est  la  profondeur  de  la  passion?  Qui  dira  l'intensité  des 
douleurs  et  le  poids  des  ignominies  qui  ont  été  le  partage  de  Jésus 
crucifié?... 

J.  C.  est  venu  en  ce  monde  pour  sauver  les  pécheurs,  desquels  je 
suis  le  premier ,  dit  saint  Paul  à  Timothée  :  Christus  Jésus  venit  in 
hune  mundum  peccatores  salvos  facere ,  quorum  primus  ego  sum  (I.  Cor. 
I.  la). 

Un  grand  médecin  est  venu  du  ciel,  dit  saint  Augustin ,  parce 
qu'un  grand  malade  gisait  sur  la  terre  :  Magnus  de  cœlo  venit  médi- 
ats, quia  magnus  per  totum  orbem  lerrœjacebat  œgrotus  (In  Passione). 
Pour  nous  aimer  de  toute  éternité ,  Dieu  n'a  eu  besoin  que 
d'une  pensée...;  pour  nous  créer,  il  a  suffi  d'une  parole...:  mais  pour 
nous  racheter,  il  a  fallu  l'incarnation,  l'anéantissement,  toutes  les 

(1)  Domini  injuria  nostra  est  gloria.  Ille  mortuus  est,  ut  nos  viveremus;  ille  des- 
cendit ,  ut  nos  ascenderemus  in  cœlum.  Ille  factus  est  stultitia  ,  ut  nos  sapientia 
fieremus.  Ille  pedendit  in  ligno,  ut  peccatum  quod  commiseramus  in  ligno  scientiae. 
ligno  deleret  qpuensus  [In  Marcwn). 


560  PASSION  DE  JÉSUS-CHRIST. 

humiliations,  les  douleurs  et  les  ignominies,  le  corps,  le  sang, 
1  arae  et  la  divinité  de  J.  C.  ;  enfin,  sa  mort  sur  une  croix. 

Abîmes       Dans  la  passion,  s'offrent  de  toutes  parts  d'innombrables  abîmes 

d'amour  et  de  r 

douleurs;      que  nul  ne  saurait  mesurer. 
fin^tiuide       Du  côté  de  J.  C. ,  abîme  d'amour,  de  douleurs ,  de  patience  ,  de 

ctdecruauiés.   miséricorde,  de  mansuétude,  océan  de  biens 

Du  côté  de  Dieu  le  Père,  abîme  de  justice 

Du  cùté  de  l'homme,  abîme  de  misères,  d'aveuglement,  d'ingra- 
titude ,  de  crimes,  de  fureur,  de  cruautés 

La  Cène.  Jésus  dit  à  ses  disciples  :  Vous  savez  que  la  pâque  se  fera  dans  deux 
jours,  et  que  le  Fils  de  l'homme  sera  livré  pour  être  crucifié 
(Matth.  xxvi.  1.2).  Allez  donc  dans  la  ville,  chez  un  tel,  et  dites 
lui  :  Le  Maître  dit  :  Mon  temps  est  proche,  je  ferai  chez  vous  la  pàque 
avec  me?  disciples  (Id.  xxvi.  18). 

Considérons  que  1°  ce  Dieu  d'amour  se  donne  la  veille  de  sa  mort: 

In  qua  nocte  tradebatur (I.  Cor.  xi.  23.)  2°  11  presse  ses  disciples  de 

préparer  la  pâque  :  Allez mon  temps  est  proche  :  Ite tempus 

meum  propeest (Matth.  xxvr.  18.)  3°  Il  établit  l'auguste  sacrement 

de  nos  autels,  et  se  donne  à  ses  disciples  au  moment  môme  où 
l'on  conspire  sa  perte  et  où  Judas  le  met  à  prix  :  Que  voulez-vous 
me  donner,  et  je  vous  le  livrerai?  Quid  vultis  mild  dare ,  et  ego  eum 
vobis  tradam?  (Matth.  xxvi.  15.)  Vends  ton  maître,  ô  Judas,  cela  t'est 
facile;  tu  vas  le  recevoir  ;  il  va  se  donner  à  toi  par  la  communion!... 
4°  J.  C.  voit  la  trahison  et  le  baiser  de  Judas,  la  fuite  de  ses  disciples, 
son  agonie ,  sa  sueur  de  sang ,  les  chaînes ,  les  fouets,  les  crachats, 
les  soufflets  ;  il  entend  le  reniement  de  Pierre ,  les  railleries,  les  faux 
témoignages,  les  blasphèmes ,  sa  condamnation  à  mort;  il  pressent 
la  couronne  d'épines,  la  croix,  les  clous,  l'abandon  de  son  Père  et 
des  hommes.  Et  c'est  ce  moment  qu'il  choisit  pour  laisser  à  son 
Eglise  l'admirable  monument  de  son  éternel  amour!...  5°  Il  établit 
le  sacrement  de  l'eucharistie  pour  se  donner  à  ceux  mômes  qui  vont 
le  vendre,  le  renier,  l'abandonner,  le  crucifier.  Rien  ne  l'arrête,  son 

amour  franchit  tout G  »  Les  outrages,  les  moqueries ,  les  mépris , 

les  profanations ,  l'hypocrisie,  les  sacrilèges,  les  persécutions  dont 
cet  auguste  sacrement  sera  l'objet  jusqu  à  la  fin  du  monde,  sont 
devant  ses  yeux  ,  et  il  passe  outre. 

Mes  chers  disciples,  dit-il  à  ^es  apôt:vs,  mes  amis,  je  vais  vous 
quitter,  je  vais  mourir  pour  voui  et  pour  le  salut  du  monde;  mais 


PASSION    DE  JÉSUS-CHRIST.  561 

auparavant  prenez  et  mangez  :  Ceci  est  mon  corps  :  Hoc  est  corpus 
rrieum  (Matth.  xxvi.  26).  Buvez,  car  ceci  est  mon  sang,  le  sang  du 
nouveau  testament  qui  sera  répandu  pour  plusieurs  (pour  tous) ,  en 
rémission  des  péchés  (Matth.  xxvi.  27.  28).  Sur  la  croix,  ce  sang 
v  us  unira  à  mon  Père  ;  dans  l'eucharistie, il  vous  unira  à  moi.  J'ai 
-vivement  désiré  de  manger  cette  pâque  avec  vous,  avant  de 
souffrir  !  Desiderio  desideravi  hoc  pascha  manducare  vobiscum,  ante- 
quampatiar  !  (Luc.  xxn.  15.  )  Voici  mon  testament  :  Je  vous  prépare 
Je  royaume ,  comme  mon  Père  me  l'a  préparé  ;  afin  que  vous  man- 
giez et  buviez  à  ma  table  dans  mon  royaume,  et  que  vous  siégiez 
sur  des  trônes  pour  juger  les  douze  tribus  d'Israël  :  Ego  dispono 
vobis,  sicut  disposuit  mihi  Pater  meus  regnum,  ut  edaliset  bibatis  super 
mensam  meam  in  regno  meo;  et  sedeatis  super  thronos  3  judicant es  duo- 
decim  tribus  Israël  (Luc.  xxn.  29.  30). 

0  amour  infini  d'un  Dieu  ! 

Judas  était  présent;  il  s'était  mis  à  table  avec  J.  C.  etles apôtres,  et 
il  communia  sacrilégement!... 

Aussitôt  après  avoir  communié,  Judas  sortit.  Et  il  était  nuit.  Exivit  Ji>d*sven!*so- 

■"  divin  Maître. 

continuo.  Erat  autem  nox  ( Joann.  xm.  30).  Où  va  ce  monstre?  Poussé 

par  l'avarice  et  par  le  démon  qui  s'était  emparé  de  lui  pendant  la 
crue,  et  surtout  au  moment  de  son  indigne  communion  :  Postbuccel- 
lam,  introiuit  in  eumSatanas  (Joann.  xm.  27),  il  va  trouver  les  enne- 
mis déclarés  du  Sauveur.  Que  voulez-vous  me  donner,  leur  dit-il,  et 
je  vous  le  livrerai?  Quid  vv.ltis  mihi  dare ,  et  ego  eum  vobis  tradam? 
(Matth.  xxvi.  15.)  Arrête,  infâme!...  Et  que  pourra-t-on  te  donner 
qui  puisse  remplacer  ton  Dieu  !  Que  te  manquait-il  avec  lui  ?  Il 
t'avait  pris  pour  disciple  ,  et  élevé  à  la  dignité  d'apôtre;  il  n'avait 
cessé  de  te  combler  de  ses  faveurs  ;  tu  avais  été  l'heureux  témoin  de 
sa  vie  céleste ,  de  ses  bienfaits ,  de  ses  miracles,  de  ses  promesses  !... 

Et  vous,  pécheurs,  qui  pour  un  vil  plaisir,  une  misérable  passion, 
abandonnez  J.  C.  et  Je  vendez  au  démon,  n'imitez-vous  pas  Judas? 
N'ètes-vous  pas  aussi  des  traîtres?  Ne  dites-vous  pas  :  Satan,  pas- 
sio.;s,  que  voulez-vous  me  donner,  et  je  vous  livrerai  mon  Dieu;  je 
vous  sacrifierai  mon  salut,  ma  couronne,  mon  trône,  mon  bonheur, 
;Vnon  âme?  Chair  pleine  de  convoitises,  donne- moi  cette  misérable 
\  Vlupté ,  ce  plaisir  qui  m'est  commun  avec  les  animaux  immondes; 
e\  t  oi ,  Satan,  prends  J.  C,  je  te  le  livre  ,  je  te  l'immole  ;  je  neveux 
poj  it  de  lui  :  je  piends  pour  divinité  ma  volonté,  ma  chair,  la 

u:   ire ,  L'avarice ,  la  gourmandise ,  la  haine  ,  la  paresse  :  Quid  vultis 

86 


562  PASSION   DE  JÉSUS-CIfRIST. 

mi/ti  dare,  et  ego  eum  vobis  tradam?  Judas  sortit  donc.  \\  sortait,  dit 
saint  Amur  îse;  il  sortait  de  la  loi;  il  sortait  de  rassemblée  et  du 
rang  des  apôtres;  il  sortait  du  festin  du  Christ,  pour  gagner  le  repaire 
du  démon;  il  sortait  de  la  grâce  de  la  sanctification,  pour  prendre  le 
lacet  de  la  mort;  il  sortait  dehors,  lui  qui  laissait  les  mj  stères  de  la 
vie  intérieure  (1). 

Lorsque  Judas  sortit,  il  était  nuit,  dit  l'Evangile  :  Érat  autem  nox 
(Joann.  xiii.  30).  Oui,  pour  Judas,  ii  était  nuit!  11  venait  d'abandon- 
ner celui  qu'il  avait  reçu  indignement,  celui  qui  éclaire  tout  homme 
venant  en  ce  monde,  celui  qui  est  la  vraie  lumière  ;  et  il  se  trouvait 
plongé  dans  les  ténèbres  mêmes  de  l'enfer.  Aussi  ne  savait-il  où  il 
allait  quand  il  dirigeait  ses  pas  déicides  vers  la  demeure  des  princes 
des  prêtres,  aiîn  de  leur  vendre  son  maître.  11  ne  voyait  pas  qu'il 
commettait  le  plus  grand  des  forfaits,  et  qu'il  se  livrait  à  l'avancé 

qui  le  conduirait  au  désespoir,  à  la  corde  et  à  renier 11  étiit 

nuit  :  Erat  autem  nox. 

Hélas!  tous  les  pécheurs  ne  sont-ils  pas  eux-mêmes  plongés  dans 
une  nuit  épaisse.  Si  la  lumière  ne  les  avait  pas  abandonnés,  iraient- 
ils  en  riant  se  précipiter  dans  un  océan  de  malheurs,  pour  saisir  une 
ombre  de  satisfaction  criminelle?  Les  ténèbres  qui  enveloppaient 
Judas,  enveloppent  encore  la  conscience  des  pécheurs  endurcis 

Judas  vend  son  mailre  trente  deniers  !  Que  voulez-vous  me  donner, 
dit-il  aux  princes  des  prêtres,  et  je  vous  le  livrerai?  Ceux-ci  lui  pro- 
mirent trente  pièces  d'argent.  Et  dès  cet  instant  Judas  cherchait 
l'occasion  de  le  livrer  :  At  ilti  constituerunt  ci  ti  iginta  argenlcos.  Et 
èxxnde  quœrebat  oitporturtitatem  ut  eum  tradfret  (Mattk.  xxvi.  15-16), 

Otraitre,  s'écrie  saint  Ambroise,  tu  estimes  à  trois  cents  deniers  lo 
parfum  que  Madeleine  répand  sur  J.  C,  en  mémoire  de  sa  passion, 
et  tu  vends  sa  passion  elle-même  trente  deniers  !  Tu  es  riche 

s  dans  ton  estimation,  et  tu  es  vil  dans  ton  crime  :  lu  vends  ton 
Dieu  au  taux  des  esclaves.  J.  C.  ne  veut  pas  qu'un  le  prise  aavantage, 
afin  que  toué  puissent  Cacheter,  et  qu'aucun  pauvre  ne  soit  effraye" 
lu  prix  (2> 

(1)  Exivit  rontinuo  !  (Joann.  xiii.  30.  ilur  igitur  Judas;  egrediebalur  otj 

Gdc;   egreilicbalur  de   concilie»  et   nura  dftnrivfyo 

Cbrisliad  latrociii;uin  di.ibm  lalurdegral  rniiiii  ino-r- 

tis;  egrcdicbalur  foras,  qui  vilse  intern  e  mj    eri  i  relinquebat    In 

(2;  0  Jtula  prodilor,  unguentum  passionis  cjus  Ireccntis  denarirs  teslimas ,  et  pas» 
s.oiiiin  cjus  Iriginla  orgenteis  vendis  !  i  imaliuiic,  vil  ts  in  scclcrc.  Tdi  i  vili 

auctione  vult  œsliinari  se  Uirislus,  ul  ab  omnibus  cmalur,  ne  quis  louper  deUuca- 
iur  ^Lib.  1U  de  S^int.  Saact.,c.  xvm  etc.  vu  Luc.;. 


piséroN  DE   JÉSUS-CHRIST.  SG3 

-r-i  t6  e  "n  no  somme  si  modique,  J.  C.  devient  le  prix  de 

us  1rs  pédhëurs  et  de  tout  l'univers.  Judas,  pour 
avoir  vendti  le  Sauveur  trente  deniers,  et  les  Juifs,  pour  l'a\  ir, 
acheté,  sont  les  uns  et  les  autres  frappés  par  t)ieu  de  trente»] 

énumérées  par  le  Prophète  royal  dans  le  psaume  cvm  :  ir 

r,  dit-il,  placez  mon  ennemi  sous  le  joug  de  l'impie.  2? 
Sa'an  se  tienne  debout  à  sa  droite,  o2  Lors  [u'oh  le  traJuira  èii . 
ment,  qu'il  sorte  condamné.  4e  Que  sa  prière  se  chaîne  en    êché. 
5e  Que  ses  jours  soient  abrégés.  Ge  Qu'un  autrj  reçoive  sa  îh:£  :  n. 
ants  deviennent  orphelins,  8e  Et  sa  femme,  veuve. 
9e  Que  ses  fils  soient  vagabonds  et  transférés  parmi  les  nations  élr.    - 

:  qu'ils  mendient  leur  pain.  iC8  Que  l'usure  dévore  c  1 

.11*  Que  les  étrangers  s'approprient  le  fruit  de  son  travail. 
j2«  Que  personne  ne  lui  vienne  en  aide.  13e  Que  personne  n'ait 

•  Qls  orphelins.  44e  Que  sa  race  soit  dévouée  à  la  mort.  15e  Que 
son  nom  s'éteigne  après  une  seule  génération.  iG':  Que  l'iniquité  !e 
ses  pères  revienne  dans  la  mémoire  du  Seigneur.  \T  Que  le  péché 
de  sa  mère  ne  soit  point  effacé.  48e  Que  ses  fils  soient  toujours  les 
ennemis  du  Seigneur.  19e  Que  leur  souvenir  périsse  sur  la  terre. 
20e  II  a  aimé  la  malédiction,  elle  lui  arrivera.  21e  II  n'a  pas  voulu  la 
bénédiction,  elle  s'éloignera  de  lui.  22e  II  s'est  revêtu  de  la  malé  lic- 
tion  comme  d'un  manteau.  23e  Elle  est  entrée  clans  ses  entrailles 
comme  l'eau.  24e  Elle  a  pénétré  dans  ses  os,  comme  l'huile.  25°  Qu'elle 
soit  à  jamais  son  vêtement.  26s  Qu'elle  forme  la  ceinture  qui  presse 
ses  reins.  27e  Qu'il  disparaisse  comme  l'ombre  qui  décline.  28e  Qu'il 
soit  chassé  comme  la  sauterelle.  29e  Qu'il  soit  accablé  de  honte. 
30tf  Qu'il  se  trouve  livré  à' l'ignominie. 

Après  la  cène,  J.  C.  se  dirigea  vers  le  jardin  des  Oliviers  :  1°  pour       J.  U. 
prier,  car  c'était  un  lieu  solitaire...  ;  2°  pour  prouver  qu'il  ne  fuyait     Jo.i  \e  ■ 
pas  là  mort,  mais  qu'il  la  désirait;  car  cet  endroit  était  connu  de 
Ju  las...;  3°  pour  aborder  sa  passion...;  4"  pour  montrer  sa  miséri- 
corde et  sa  douceur 

Adam  nous  a  perdus  dans  un  jardin;  c'est  dans  un  jardin  que  J.  C. 

nous  sauvera Adam  nous  a  perdus  dans  un  jardin  de  délices; 

c'est  dans  un  jardin  de  douleur  que  J.  C.  commencera  la  rédemption 

du  monde Adam  sort  du  paradis  terrestre  enqor  ant  la  mort 

pour  lui  et  toute  sa  race  ;  J.  G.  sort  du  Jardin  des  Oliviers,  afin  de 
nous  ren  Ire  la  vie  à  tous 

Arrivé  dans  ce  lieu,  J.  G.  se  prosionjtj  la  face  contre  terre:  Procidit 


56-i  PASSION  DE  JÉSUS-CimTST. 

in  faciem  suam  (Matth.  xxvt.  39).  Par  cet  acte  d'humilité,  il 
montre  1  «  l'affliction  qui  le  remplit...;  2°  le  profond  anéantissement 
où  il  setrouve...;  3°  il  témoigne  à  Dieusonpère  un  respect  infini...; 
-4°  il  indique  combien  est  accablant  le  fardeau  de  nos  péchés  qn  il 
a  voulu  prendre  sur  lui...;  5°  il  se  met  à  notre  place  et,  pénitent,  il 
s'offre  en  victime  d'expiation  à  son  père,  demandant  à  être  seul  châ- 
tié pour  les  péchés  dos  hommes. 

J.  C.  commença,  dit  l'Ecriture ,  à  tomber  en  grande  peine  et 
tristesse.  Alors  il  dit  à  ses  apôtres  :  Mon  âme  r?t  triste  jusqu'à  la 

mort Et  s'étant  éloigné  un  peu,  il  se  prosterna  la  lace  contre 

terre,  priant  et  disant:  Mon  Père,  s'il  est  possible,  faites  que  ce 
calice  passe  loin  de  moi!  Cependant  qu'il  n'en  soit  pas  comme  je 
veux,  mais  comme  vous  voulez  (Matth.  xxvi.  37-39).  Il  prie  trois 
fois  :  ce  n'est  qu'à  la  troisième  fois  qu'un  ange  vient  afin  de  le  for- 
tifier. Apprenons  par  cet  exemple  à  ne  pas  nous  décourager  dans  la 
prière,  mais  à  persévérer,  surtout  dans  les  temps  d'épreuve. 

J.  C.  prie  trois  fois  pour  nous  apprendre  à  prier  et  à  demander  : 
1°  grâce  pour  nos  péchés  passés...;  2°    secours  afin  de  ne  par* 

:omber  présentement...;   3°  d'être  préservés  des  maux  luturs 

j.  C.  prie  trois  fois  afin  de  nous  enseigner  aussi  que  toutes  nos 
prières  doivent  être  dirigées  vers  l'auguste  Trinité,  Père,  Fils  et 
Saint-Esprit,  et  afin  d'obtenir  le  salut  ri*  ******  esprit,  de  notre  cjeur 
et  de  notre  corps 

J.  C.  prie,  et  quelle  est  sa  prière  :  Mon  Père,  s'il  est  possible, 
t'aitfs  que  ce  calice  passe  loin  de  moi  :  Pater,  si  possibileest ,  transeai 
a  me  calix  iste  (Matth.  xxvi.  39  ).  Oui  ,  mon  Jésus,  ce  calice  est 
amer,  car  il  renferme  la  justice  de  votre  Père  et  toutes  nos  ini- 
quités ;  mais ,  si  vous  ne  le  buvez,  tout  est  perdu  pour  nous  !  Il  le 
boira,  car  il  ajoute  :  Cependant,  qu'il  n'en  soit  pas  comme  je  veux, 
mais  comme  vous  voulez  :  Venant  amen  non  sicut  ego  volo ,  sed  %icut 
tu  ( Matth.  xxvi.  39  ).  Cette  parole  de  notre  chef,  dit  saint  Léot ,  a 
été  le  salut  du  corps  entier  :  elle  a  formé  tous  les  fi  lèles,  elle  a 
enflammé  de  zèle  tous  les  confesseurs,  elle  a  couronné  tous  les 
oarlyrs  (Serai,  vu  de  Passione). 

A  la  vue  du  calice  d'amertume  qui  lui  est  réservé,  J.  C.  entre 
dans  une  profonde  tristesse  :  Mon  âme  est  triste  jusqu'à  la  mort, 
s'écric-t-il  :  Tn'stisest  anima  mea  usque  admortem  (Matth.  xxvi.  33). 
Par  cette  tristesse  le  Sauveur  expie  les  coupables  joies  d'Adam  etde 
lès  pécheurs.  Il  est  triste  en  voyant  ia  trahison  de  Judas,  le 
reniement  de  Pierre,  l'abandon  de  ses  apôtres,  toutes  les  douleurs 


PASSION  DE  JÉSUS-CHRIST.  5G5 

et  toutes  les  ignominies  :.  -  -nt  fondre  sur  lui.  Il  est  triste 
parce  qu'il  porte  tous  les  crimes  passés,  présents  et  futurs  de  toutes 
Jes  générations.  Il  est  triste  parce  qu'il  aperçoit  dans  l'avenir  les 
supplices  qui  attendent  ses  apôtres  et  les  martyrs,  les  épreuves 
réservées  à  son  Eglise,  l'ingratitude  des  hommes  et  la  damnatim 
d'un  grand  nombre  de  pécheurs,  malgré  la  valeur  infinie  du  sang 
qu'il  va  répandre  pour  eux.  Il  est  triste  enfin  de  la  tristesse  profond* 
de  sa  tendre  et  divine  mère. 

La  tristesse  de  J.  C.  est  libre,  volontaire;  c'est  une  tristesse 
d'amour,  et  par  conséquent  une  tristesse  très-méritoire L'ado- 
rable Sauveur  est  accablé  de  tristesse,  afin  de  nous  rendre  la  mor 
douce 

Vous  gémissez ,  Seigneur,  non  sur  vos  souffrances  et  vos  douleurs, 
mais  sur  nos  blessures;  non  sur  votre  mort,  mais  sur  notre  faiblesse, 
dit  saint  Ambroise  :  Doles,  Domine ,  non  tua,  sed  mea  vulnera;  non 
tuam  mortem  ,  sed  nostram  infirmitatem  (  In  Luc.  xxn.  44  ). 

Jésus  se  troubla  en  son  esprit  :  Turbatus  est  spiritu  (Joamù 
xm.  21). 

J.  C.,  dit  saint  Augustin ,  s'est  troublé  par  puissance,  et  non  pai 
faiblesse  :  Christus  jMestate,  non  infirmitate  turbavit  seipsum  (  Jr 
Passione  ). 

Voyez,  dit  saint  Bernard,  voyez,  si  vous  y  faites  attention,  la  joie 
qui  satiriste,  la  confiance  qui  tremble,  la  santé  qui  souffre,  la  vie 
qui  meurt,  la  force  qui  s'affaisse  ;  mais  cette  tristes^  .-«^nit.  cette 
crainte  réconforte ,  cette  mort  vivifie  (I). 

J.  C.  se  lève  ,  il  vient  à  ses  apôtres,  et  les  trouve  endormis  :  inve 
nit  eos  dormientes  (Matth.  xxvi.  40).  Veillez  et  priez,  leur  dit-il: 
Vigilaie  et  orale  (  Id.  xxvi.  41  ).  11  les  réveille  pour  prouver  que  sa 
passion  est  le  réveil  de  ceux  qui  dorment  dans  le  péché,  dit  sain 
Iréuée;  car,  qui  pourrait  dormir  dans  le  péché  en  voyant  J.  G.  souf- 
frir tous  les  tourments  pour  expier  le  péché?  (flist.  Eccles.) 

De  ses  apôtres,  il  retourne  à  la  prière;  toujours  plongé  dans  un 
océau  de  tristesse,  il  tombe  en  agonie,  et  prie  plus  longuemeni 
encore  :  Et  factus  in  agonia,  prolixius  or  abat  (  Luc.  xxn.  43).  Il  a  une 
sueur,  comme  de  gouttes  de  sang  qui  tombent  à  terre  :  Et  factus  es 
sudor  cjus,  sicut  guttœ  sanguinis  decurrentis  in  terrain  (Luc.  xxn.  44). 

J.  G. ,  dit  saint  Bernard ,   ne  s'est  pas  contenté  des  larmes  qui 

(1)  Videas,  si  attendas,  tristari  laetitiam  ,  pavere  fîduciam  ,  salutem  patî  ,  vitam 
mori,  fortiludinem  infirmait  :  sed  est  haec  Uistitia  lœtificans,  pavor  confoi'tans,  mor% 
vivilicaos  (Homil.  u  super  ilissus  est  j. 


"6G  passion  de  jÉsus-ramisT. 

tombent  des  yeux,  mais  il  a  voulu  pleurer  et  laver  nos  péchés  avec 
des  larmes  de  sang  qui  coulaient  de  lout  son  corps  :  Christm  non 
contentus  fuit  lacrijmis  oculorum,  ?ed  totius  corporis  sanguîneis  lacrymis, 
peccala  nostra  flcre  et  lavare  voluit  (Homil.  super  Missus  est  ). 

Cependant  le  traître  Judas  approche  :  Voici  Judas  l'un  des  douze  : 
Ecce  Judas  unus  de  duodecim  (  Mallh.  xxvi.  47).  Fcce  :  voici  une 
abomination  nouvelle  et  inconnue,  un  forfait  dont  aucun  siècle 
n'avait  entendu  parler.  Judas,  l'un  des  apùtres,  est  devenu  non- 
seulement  un  voleur,  mais  il  a  vendu  son  auguste  et  divin  maitre; 
il  s'est  fait  le  chef  des  traitres,  des  bourreaux ,  des  assassins ,  qui  ont 
tué  J.  C.  C'est  pourquoi  saint  Luc  dit  qup  Judas  marchait  devant.  Il 
vint,  dit  saint  Matthieu  ,  et  à  sa  suite  une  troupe  nombreuse  armée 
d'épées  et  de  bâtons.  11  mène  avec  lui  une  cohorte  en  fureur;  il  la 
précède,  comme  le  chef  et  le  guide  des  scélérats  :  Anlecedcùat  eos 
(xxii.  47). 

Consi  lérez  la  folie  et  l'aveuglement  de  Judas  et  des  Juifs.  Judas 
savait  que  J.  C.  était  le  grand  prophète,  le  Messie,  le  Fils  de  Dieu, 
qui  ne  pouvait  ni  être  pris  ni  être  vaincu;  les  princes  des  prêtns 
le  taxaient  aussi  par  expérience  :  mais,  poussés  par  l'avarice,  le  res- 
sentiment et  la  haine,  possédas  du  démon,  ils  s'avancent.  Oh! 
Ju  las,  prétends-tu  lier  Dieu,  et  être  plus  fort  que  lui?  Et  vous  Juifs, 
voulez-vous  combattre  contre  votre  Créateur,  votre  bienfaiteur, 
celui  que  vous  attendez  depuis  si  longtemps,  le  désiré  des  nations? 
Hélas  !  les  pécheurs  n'imitent-ils  pas  Judas  et  les  Juifs?... 

C'est  l'avarice  de  Ju  las  qui  l'a  porté  à  un  tel  excès,   dit  saint 
Chrysostome.  L'avarice  rend  cruels  et  barbares  tous  ceux  qt, 
de  :  Avarilia  enim  illi  furorem  immistt.  Avarilia  omnes  qui 
ierviunt,  crwidesefflcit  atque  atroces  (In  Passione). 

Celui  qui  l'a  trahi  leur  avait  donné  un  signe  :  Celui  que  je  baie- 
rai, c'est  lui;  saisissez-vous-en  :  Qui ' autem tradidit  cum,  dédit  il/h 
m  :  Qucmcumque  osculatus  fuero,  ipse  est,  ienete  cum  (xxvi.  48). 
Tremblant  de  perdre  ses  (rente  deniers,  car  il  nelesavait  pasencoro 
reçus,  Judas  craignait  que  J.  C.  ne  lui  échappât. 

Levez- vous ,  allons,  dit  J.  C.  à  ses  apôtres;  voici  qu'approche 
celui  qui  me  livrera  :  Suri  iropinguavit  qui  me  tra- 

i      (  Matth.  xxvi.  4l>).  Jusqu'à  ce  moment,  la  tristesse,  la  sueur  et. 

avaient  accablé  le  Sauveur,  parce  qu'il  le  voulait  a 
mais  le  voilà  qui  reprend  ses  forces  divines;  il  va  lui-même 
\      assuré  droit  à  ses  ennei  i  -•        ;  cherchez-vous?  leur  dit-il.  — 
relh.  —  |  ;  :  Quem  quœritis?  —  Jewm  .V^zar, 


PASSION  DE  JÉSUS-CHRIST.  !"G7 

—  Ego  sum  (Joann.  xviri.  4.  5).  Aussitôt  dono  rnj'il  leur  eut 
ait  :  C'est  moi,  ils  furent  renversés  et  tombèrent  à  terre  :  Ut  ergo 
di.rit  cis  :  E<;o  swn  ;  abierunt  retrorsum,  et  ceciderunt  in  terrain  (Id. 
Xviii.  G).  A  la  voix  de  J.  C,  dit  saint  Léon,  la  troupe  impie  est  ren- 
versée ,  et  elle  ne  se  rélève  que  lorsqu'il  le  veut.  Qup  ne  pourra  pas 
sa  majesté  venant  pour  juger  le  monde,  puisque  son  humilité  prête 
à  être  jugée  a  pu  de  si  grandes  choses?  Ad  vocem  ejus,  turba  proster- 
n'dur  impiorum.  Quid  jampoterit  majestas  ejus  judicatura,  en  jus  hoc 
potirit  hitmilùus  judicanda  ?  (  Serm.  I.  )  C'est  moi,  dit-il,  c'est  moi 
qui  suis  le  Jésus  que  vous  cherchez;  c'est  moi  qui  suis  l'Eternel,  et 
voilà  pourquoi  je  vous  fais  sentir  ma  puissance  :  un  seul  mot  de  ma 
bouche  vous  a  renversés 

Le  renversement  de  Judas  et  des  siens  était  la  figure  de  l'irrépa- 
rable destruction  des  Juifs.  Parlant  dp  ce  miracle,  saint  Cyrille  dit  : 
Ce  renversement  est  la  figure  de  ce  qui  attend  tous  ceux  qui  font  la 
guerre  à  J.  C.  ;  le  même  sort  est  réservé  à  tous  ses  ennemis  dans 
tous  les  siècles  {In  xvm  Joann.). 

Où  est  maintenant  la  cohorte  des  soldats?  s'écrie  saint  Augustin; 
où  est  la  terreur  et  la  force  des  armes  ?  11  n'est  pas  besoin  de  trait; 
un  seul  mot  a  frappé,  repoussé,  renversé  une  troupe  que  la  haine 
rendait  féroce  et  ses  armes  terribles.  C'est  que  Dieu  était  caché  sous 
les  dehors  de  l'homme.  Que  fera  donc,  lorsqu'il  viendra  juger,  celui 
qui ,  près  de  comparaître  devant  un  tribunal  ,  a  manifesté  ainsi  sa, 
puissance?  (I) 

Les  envoyés  des  princes  des  prêtres  n'auraient  pu  se  relever,  si 
J.  C.  ne  le  leur  eût  permis.  La  miséricorde  dont  il  fit  preuve  envers 
eux  aurait  dû  les  toucher  et  les  convertir,  surtout  Ju  las;  mais  vendu 
à  Satan,  l'apôtre  infidèle  avait  résolu,  de  livrer  son  Dieu  par  un  bai- 
ser, et  il  exécuta  son  infâme  projet.  S'approchant  aussitôt  de  Jésus, 
il  dit  :  Salut,  maitre.  Et  il  le  baisa  :  Et  confeslim  accedens  ad  Jesum, 
duil  :  Ave,  Rabbi.  Et  oscuUdns  est  eum  (Matth.  xxvi.  49).  Et  Jésus 
lui  dit  :  Mon  ami,  qu'ètes-vous  venu  faire?  Dixit  ci  Jésus  :  Amke, 
ad  quid  venisU?  (Matth.  xxvi.  50.  )  Judas,  trahissez-vous  le  Fils  de 
une  par  un  baiser?  Juda,  osculo  Filium  hoministradis?  (Luc. 
xxn.  48.  )  Le  nom  d'ami  que  lui  donnait  J.  C,  le  touchant  et  ter 
re    ■  »che  qu'il  lui  adressait,  auraient  dû  briser  le  cœur  de  Jmla?., 

M)  Ubi  nunc  militum  cohors?  Obi  terror  et  munimen  nrmnrum?  Una  vox  turtam 
odiis  furocein,  ar.n  is  lerribilcm,  sine  telo  uilo  percussit ,  repalit ,  stravrt  :  Deus  erân 
latebat  ia  cumo.    Quul    judicalunis   i'aàet ,  qui  judicandus  hoc    .tat?(/n    jpm 
Joann. ) 


3G8  PASSION  L£  JÉSUS-CHRIST. 

comme  bientôt  un  regard  brisera  le  cœur  de  Pierre,  qui  aura  eu  la 
faiblesse  de  renier  le  Sauveur. 

Quoique  J.  C.  sentit  vivement  la  trahison  do  Judas  exécutée  par 
un  baiser,  il  ne  le  repoussa  pas,  i°  afin  de  souffrir  pour  nous...; 
>  afin  de  toucher  et  de  changer  le  cœur  du  traitrc...  ;  3^  afin  de 
nous  apprendre  à  ne  pas  haïr  nos  ennemis,;mais  à  leur  pardonner  et 

à  les  aimer. 

Après  avoir  miraculeusement  abattu  ses  ennemis,  J.  C.  opéra  un 
second  prodige,  en  ne  permettant  pas  qu'ils  s'emparassent  de  ses 
apôtres,  et  surtout  de  Pierre,  qui  avait  blessé  l'un  d'eux.  Il  fit  un 
troisième  prodige,  en  replaçant  l'oreille  de  celui  à  qui  Pierre  l'avait 
coupée.  Voyez  l'aveuglement  de  ces  criminels  émissaires.  Les 
miracles  auraient  dû  leur  ouvrir  les  yeux;  mais  non,  il  en 
fut  autrement,  rien  ne  les  éclaira,  rien  ne  les  toucha,  rien  ne  les 

arrêta 

Ils  se  jetèrent  sur  J.  C.  et  l'enchaînèrent  :  Manus  injerenau  m 
Jesum  ettenuemnt  (Matth.  xxvi.  50).' 

Qui  pourrait  peindre  la  barbarie  avec  laquelle  les  Juifs  se  saisi- 
rent du  Sauveur?...  1°  Ils  portèrent  la  main  sur  lui  comme  sur  un 
voleur  ;  et  J.  C.  est  l'innocence  et  la  bonté  même,  le  Saint  des  saints. 

le  Verbe  éternel,  le  Fils  de  Dieu  et  Dieu  lui-même 2°  Les  ennemis 

de  J.  C.  étaient  vils  et  cruels,  tous  ennemis  jurés  les  uns  des  autres; 
car  les  scribes  détestaient  les  pharisiens ,  et  réciproquement.  D'où 
nous  pouvons  juger  avec  quelle  inhumanité  et  quelle  barbarie  ils  le 

traitèrent,  le  garrottant,  l'insultant  et  le  frappant  à  l'envi 3"  Us 

saisirent  J.  C.  abandonné  de  ses  apôtres  et  demeuré  seul,  agneau 
sans  tache  au  milieu  de  loups  furieux. 

Par  ses  chaînes,  J.  C.  a  voulu  :  1°  briser  la  chaîne  dont  Adam 
avait  chargé  le  genre  humain,  la  chaîne  du  péché  originel...  : 
2°  rompre  les  chaines  dont  le  démon  et  le  péché  ont  accablé  chacun 
de  nous...;  3°  sanctifier  les  chaines  que  les  martyrs,  les  confes- 
seurs et  tous  les  persécutés  devaient  porter  pour  la  gloire  de  son 
nom...;  4°  nous  lier  des  chaînes  de  son  amour,  comme  il  l'avait 
annoncé  par  la  bouche  du  prophète  Osée,  disant  :  In  funiculis  trahcun, 
eos,  in  vinculis  caritatis  :  Je  les  attirerai  par  les  liens  qui  séduisent 
les  hommes,  par  les  liens  de  l'amour...;  5°  enfin  accomplir  f'S  pro- 
phéties de  l'Ancien  Testament,  et  remplacer  les  figures  parla  réalité. 

lsaac,  figure  de  J.  C,  axait  été  lié' 

Les  chaines  du   Sauveur  ont  été  d'autant  plus  lourdes  et  plus 
dures,  que  celles  des  pécheurs  sont  plus  redouta! îles  et  plus  pesantes^ 


TASSION  DE  JÉSUS-CHRTST.  569 

Le  Christ,  le  Seigneur  a  été  enveloppé  de  nos  péchés,  dit  Jérémie: 
Christus  Dominas  captas  est  in  peccatis  nostris  (Lament.  iv.  20). 

En  diverses  occasions,  J.  C,  sur  le  point  d'être  pris  par  ses  ennemis 
et  ses  persécuteurs,  passa  inaperçu  au  milieu  d'eux  (  Luc.  iv  ).  Car, 
dit  saint  Âmbroise,  il  se  laisse  prendre  quand  il  veut,  il  s'échappe 
quand  il  veut,  et  il  est  mis  à  mort  seulement  lorsqu'il  y  consent  : 
auparavant,  son  heure  n'était  pas  encore  venue  :  Etenim  quando 
vuii  capitur ,  quando  vult  elabitur ,  quando  vult  occiditur  ;  quia 
nondum  venerat  hora  ejus  (  In  Luc.  xxn  ). 

J.C.  appelle  sa  passion  un  calice,  parce  qu'il  Fa  soufferte  très- 
volontairement  et  l'a  désirée  ardemment  :  il  l'a  désirée  comme  un 
homme  dévoré  d'une  soif  ardente  soupire  après  une  coupe  pleine 
d'eau  fraîche  et  bienfaisante. 

11  a  été  sacrifié  parce  qu'il  l'a  voulu,  dit  Isaïe  :  Oblatus  est  quia  ipse 
voluit  (  lv.  7  ).  Contemplons,  dit  saint  Paul,  contemplons  l'auteur  et 
le  consommateur  de  la  foi,  Jésus,  qui,  à  cause  delà  joie  qui  lui  était 
proposée,  a  souffert  la  croix,  méprisant  la  honte  :  Asto/< imites  in 
auctorem  fidei ,  et  consummatorcm  Jesv.m,  qui ,  propcsito  sibi  gaudio  , 
sustinuit  crucem ,  confusione  contempta  (  Hebr.  xn.  2  ).  Il  m'a  aimé ,  et 
il  s'est  livré  pour  moi,  dit  encore  le  grand  Apôtre  :  Dilexit  me ,  eu 
tradidit  semelipjsum pro  me  (Gai.  n.  20). 

J.  C.  le  déclare  lui-même  :  Mon  Père  m'aime,  parce  que  je  donne 
ma  vie ,  afin  de  la  prendre  une  seconde  fois.  Personne  ne  me  la 
ravit;  mais  je  la  dorme  moi-même,  et  j 'ai  le  pouvoir  de  la  donner 
et  le  pouvoir  de  la  reprendre  (1). 

Les  prophètes  ont  prédit  les  outrages  faits  à  Notre-Seigneur  ;  et  ce  Ce  que  J.  c.  a 

qu'il  a  enduré  jusqu'au  moment  où  on  l'a  tramé  à  Jérusalem.  souffert  jus- 

*  .  .  qu  u. si  sortie 

Ea\id  a  prédit  la  trahison  de  Judas  :  L'homme  de  ma  paix,  de  ma  cl".  Ja,tli"  des 

confiance,  dit-il,  celui  qui  mangeait  à  ma  table,  s'élève  insolem-  prédit  par  les 

ment  contre  moi  :  Etenim  homo  pacis   meœ,   in  quo  speravi ,  qui     Proi,iletes- 

edebat  panes  rneos,  magnificavit  super  me  supplantât ionem  (  xl.  10  ). 

Le  même  prophète  annonce  l'agonie  de  J.  C.  et  son  abandon  par  les 

apôtres  :  Mon  cœur  a  attendu  l'outrage  et  la  souffrance;  j'ai  espéré 

quelqu'un  qui  prit  part  à  ma  tristesse,  mais  en  vain;  quelqu'un  qui 

me  consolât,  et  je  ne  i'ai  pas  trouvé  iLnproperium  exspectavit  cor  meum 


(1)  Me  dili git  Pater  :  quia  ego  pono  animam  meam,  ut  iterum  sumam  eam.  Nenio 
tollit  eam  a  me  :  sed  ego  pono  eam  a  meipso  ,  et  potestatem  fiabeo  ponendi  eam;  et 


pote 


ouatera  habeo  iterum  sumendi  eam  (Joanu.  x,  17«  **':-. 


570  rASSTON  DE  JÉSUS-CTïHIST. 

et  miserî-am  :  et  mslinui  qui  s'mul  contris'.arelur t   et  non  fuit;  e!  çvi 

consolaretvr ,  et  non  inveni  (  lxviii.  21  ). 

Le  prophète  Zaeharie  prédit  que  J.  C.  sera  vendu  trente  deniers  : 
Appenderunt  mercedem  meam  triginta  argenfeos  (xi,  12  ). 

Jérémie  voit  Judas  et  sa  cohorte  qui  s'avanc  nt  pour  saisir  J.  C,  : 
J'ai  entendu  les  outrages  d'un  grand  nombre  d'hommes,  et  autour  de 
moi  régnait  la  terreur.  Poursuivez-le,  et  nous  le  poursuivrons;  tels 
étaient  les  cris  de  ceux  qui  se  tenaient  à  mes  côtés;  ayons  puissance 
contre  lui ,  et  vengeons-nous  (I). 

O -"» «onffre  ()N  ne  peut  douter  que  dans  le  trajet  du  jardin  des  Oliviers  chez 
Jéiiiiaipm.     Caïphe,  J.  G.  chargé  de  chaînes  n'ait  été  abreuvé  d'outrages  et 

<•  Ctiez  Anne,     ,..         ,, 

fou-n» ■-..  de  d  insultes 

Ca^he.  lc  tribun,  sa  cohorte  et  les  satellites  des  Juifs  conduisirent  Jésus 

d'abord  chez  Anne ,  parce  qu'il  était  le  beau-père  de  Caïphe,  lequel 
était  grand  prêtre  cette  année-là  (  Joann.  xvm. -12.  13).  Le  grand 
prêtre  interrogea  Jésus  touchant  ses  disciples  et  sa  doctrine  {Id.  xvm. 
19).  Jésus  lui  répondit  :  J'ai  parlé  publiquement  au  monde;  j'ai 
toujours  enseigné  dans  la  synagogue  et  dans  le  temple,  où  tous  les 
Juifs  s'assemblent,  et  je  n'ai  rien  dit  en  secret.  Pourquoi  m'inter- 
rogez-vous? Interrogez  ceux  qui  ont  entendu  ce  que  je  leur  ai  dit  : 
ceux-ci  savent  ce  que  j'ai  dit  (2). 

Qu'avait-il  enseigné,  en  effet?  les  huit  béatitudes,  etc....  Qu'avait- 
il  fait?  11  avait  guéri  les  malades,  rendu  la  vue  aux  aveugles,  l'ouïe 
aux  sourds,  la  parole  aux  muets,  l'usage  de  leurs  pfeds  aux  paralyti- 
ques, la  vie  aux  morts;  il  avait  multiplié  les  pains,  chassé  les 
démons  ,  calmé  les  tempêtes;  en  un  mot,  il  avait  passé  en  faisant  le 

nien Qui  pouvait  être  trompé?  Mais  voulant  être  regardés  comme 

des  juges  intègres, Caïphe  et  ceux  qui  avaient  juré  la  mort  du  Messie 
l'interrogeaient  et  se  faisaient  ses  accusateurs 

Sur  les  paroles  de  J.  C.  :  Pourquoi  m'iutemgez-vons?  un  des 
satellites  lui  donna  un  soufflet,  en  di  ainsi   que  tu 

réponds  au    grand  prêtre?   Jésus  lui    dit  ;   JSi  j'ai    mal  parlé, 


(1)  Audivi  enim  contunielias  innltornm  et  lerrnrem  in  eîrcnifn  :  Perpoquimini  et 
parcequnmur  emn ;  ab  omnibus  \nis  custodlentcs  laïus  nicuin...;  ptMvaleamiu 
advenus  eu  m  ,  et  cousequamur  ultioncm  ex  co  (xx.  10). 

(2)  Respondit  ei  Jésus  :  K?o  palam  loculus  sum  mundo  ;  e.^n  çemper  dicui    in 

!  in  templo  quo  oinncs  Juilai  conwniuut  ;  et  in  occulta  Imu!  \s  sum 
p;hl.  (juid  me  interrogasî  Intcrroga  eos  qui  auclicrunt  yyj  I  iocutu.  sùn  ii^Jî;  ecca 
h>i  sciunt  qux-  dixcrini  ego  (  Joann.  yvm.  20.  21). 


PASSION  DE  JÉSUSrCIfllïST.  571 

rçndez  témoignage  du  mal  que  j'ai  dit;  mais  si  j'ai  Lien  parlé,  pour* 
quoi  me  frappez-vous?  (Joann.  xyiii.  22.  23.  ) 

Or,  les  princes  des  i  Vè  1res  et  toute  l'assemblée  cherchaient  un  faux 
témoignage  contre  Jésus,  pour  je  faire  mourir  (  Matth.  xxvi.  50  ), 
Ils  étaient  résolus  de  le  crucifier;  mais  quoiqu'ils  fussent  nombreu?: . 
rusés,  méchants  et  pleins  de  haine,  ils  ne  trouvaient  aucun  chef 
d'accusation  contre  lui,  tant  sa  vie  et  sa  morale  étaient  irréprocha- 

Voilà  pourquoi  ils  avaient  besoin  de  faux  témoins.  Enfin, 

il  en  vint  deux  qui  dirent  :  Celui-ci  a  dit  :  Je  puis  détruire  le  temple 
de  Dieu,  et  le  rebâtir  après  trois  jours.  Et  le  prince  des  prêtres  se 
levant  dit  à  Jésus  :  Vous  ne  répondez  rien  à  ce  que  ceux-ci  témoi- 
gnent contre  vous  (  Matth.  xxvi.  60-62  ).  Mais  Jésus  se  taisait  :  Jésus 
autem  tocebot  { Ici.  xxvi.  63). 

Jésus  se  taisait;  car  I"  l'accusation  était  nulle...  ;  2°  il  savait,  dit 
saint  Jérôme,  que  quoi  qu'il  répondit,  on  incriminerait  ses  paroles 
(Iri  Evang.  Matth.  .  Et,  comme  le  dit  saint  Chrysostome,  il  n'y 
avait  là  qu'une  ombre  de  jugement;  dans  la  réalité,  c'était  une 
attaque  de  brigands  :  Nam  figura  ibi  duntaxat  judicii  erat ,  re  autem 
ipsa ,  lalronum  im petits  (  In  Passione)...  ;  3°  Jésus  se  taisait,  attendu 
qu'il  se  soumettait  tout  entier  à  la  condamnation  et  à  la  mort  décré- 
tées par  son  Père...;  &°  le  silence  du  Christ  a  expié  les  excuses 
d'Adam,  dit  saint  Jérôme  :  Taciturnitas  Christi  apologiam  Adœ  absolvit 
(In  Marcum,  c.  xiv). 

Cependant  le  prince  des  prêtres  dit  au  Sauveur  :  Je  vous  adjure 
par  le  Dieu  vivant  de  nous  dire  si  vous  êtes  le  Christ  Fils  de  Dieu  : 
Adjuro  te  per  Deum  vivum  ut  dicas  nobis  si  tu  es  Chrislus  Fdius  Dci 
(Matth.  xxvi.  63).  Caïphe  parlait  ainsi ,  non  pour  arriver  à  la  con- 
naissance de  la  vérité ,  mais  pour  acquérir  les  éléments  d'une 
condamnation.  Jésus  lui  répondit  :  Vous  l'avez  dit  :  cependant  je  vous 
le  déclare ,  vous  verrez  un  jour  le  Fils  de  l'homme  assis  à  la  droite 
de  .a  puissance  de  Dieu,  et  venant  dans  les  nuées  du  ciel  :  Tu  dixisti: 
verumtamen  dico  vobis.  Amodo  videbitis  Filium  hominis  sedentem  a  dex- 
tris  virtutis  Dci,  et  venientem  in  nubibus  cœli  (Matth.  xxvi.  6i).  Alors 
le  prince  des  prêtres  déchira  ses  vêtements,  disant  :  Il  a  blasphémé; 
qu'avons-nous  encore  besoin  de  témoins?  Vous  venez  d'entendre  le 
blasphème  :  Tune  princeps  sacerdotum  scidit  vestimenta  sua ,  dicons  : 
Blasphemavit  :  quid  adhuc  egemus  testibus  ?  Ecce  nunc  audistis  blas- 
pkemïam  (Matth.  xxvi.  65).  Voilà  cet  hypocrite  pontife  qui  se  fait 
accusateur.  11  s'adresse  aux  ennemis  de  J.  C. ,  à  ceux  qui  le  lui  ont 
amené  pour  le  juger,  et  il  les  invite  à  formuler  une  sentence.  Tous 


572  PASSION  DE  JÉSTJS-CFRi;7 

répondent  :  Il  mérité  la  mort  :  Reus  est  mortis  (Matth.  xxvi.  G6 ).  Ce 
sont,  dit  saint  Chrysostome,  ce  sont  les  mêmes  individus  qui  accu- 
sent, qui  discutent  qui  prononcent  la  sentence  :  Iosi  accusant,  ipsi 
discutiunt ,  ipsi  sentent iam  prof erunt  (In  Passione). 

[[s  condamnent  J.  C.  à  mort,  parce  qu'il  avait  dit  qu'il  était  le 
Messie.  Et  ne  l'avait-il  pas  prouvé  durant  toute  sa  vie  ?  11  dit  la  vérité, 
et  ils  le  condamnent  comme  un  blasphémateur.  Ce  sont  eux  qui 
bravent  et  insultent  Dieu.  Mais  le  Sauveur  avait  pris  sur  lui  la  sen- 
tence de  mort  portée  contre  Adam 

Aussitôt  on  lui  cracha  au  visage,  on  le  frappa  à  coups  de  poing, 
on  le  souffleta,  disant:  Christ,  prophétise-nous  qui  est  celui  qui 
t'a  frappé?  (1) 

Ciel ,  terre ,  et  vous  êtres  qui  peuplez  l'univers ,  soyez  saisis  d'hor- 
reur en  voyant  comment  on  traite  la  face  du  divin  Sauveur  :  cette 
face  ,  dit  saint  Chrysostome,  en  présence  de  laquelle  les  flots  de  la 
mer  se  sont  calmés,  et  que  le  soleil  a  vénérée  en  voilant  ses  rayons, 
lorsqu'elle  s'est  inclinée  sous  le  poids  de  la  mort  {In  Luc.  xxn). 
Pourquoi  de  tels  outrages  envers  un  condamné?  Pourquoi  tant  d'in- 
sultes? Les  mœurs  féroces  des  ennemis  de  l'Homme-Dieu  se  mon- 
traient en  tout 

J.  C.  est  accusé  comme  un  impie,  il  est  souffleté  comme  un  inso- 
lent, couvert  de  crachats  comme  le  plus  vil  et  le  plus  méprisable 

des  hommes,  frappé  à  coups  de  poing,  comme  un  voleur 0 

Dieu  !  qu'est-ce  donc  que  l'homme  obéissant  en  aveugle  à  l'impulsion 
Je  ses  passions  et  du  démon!...  J.  C.  parle  avec  la  dignité  et  la  puis- 
sance de  seigneur  et  de  maître;  il  se  tait  comme  un  innocent;  il  est 
condamné  comme  un  sacrilège.  Sa  face  divine,  qui  est  la  pureté 
même  et  la  beauté  du  paradis,  est  souillée  par  les  crachats!  On 
frappe  avec  le  poing  celui  qui  de  sa  main  mesure  l'Océan ,  et  qui 
d'un  doigt  pèse  les  cieux  !  On  outrage  par  des  soufflets  le  visage  qui 
est  la  splendeur  et  la  gloire  du  Père  !  On  voile  les  yeux  de  celui  qui 
voit  tout  et  qui  scrute  tout!  0  Juifs,  plongés  dans  les  ténèbres  de 
l'enfer  ,  c'est  vous  qui  vous  frappez  vous-mêmes  ,  qui  vous  désho- 
norez, et  qui  vous  voilez  les  yeux  :  vous  ne  verrez  plus  la  face  de 
Dieu;  vous  ne  serez  plus  son  peuple.  Celui  qui  tue  Dieu  n'en  a 
olus  !... 


(1)  Tune  expuerunt  in  faciem  ejus,  et  colaphis  ciun  ceeidertint;  alii  mitern  pnliWU 
in  Faciem  ejus  dedcrunl  :  diceulo  :  l'mphcliza  nobis,  Çhriste  ,  quis  est  qui  le.  per. 
cussitï  [  Maltu.  xxvi.  o7.  Ci.  I 


PASSION   DE  JÉSUS-CHRIST.  573 

Adam  et  Eve  avaient  péché  par  les  yeux  et  par  la  bouche  ;  en  r~r- 
metlant  qu'on  lui  voilât  les  yeux  et  qu'on  le  frappât  à  la  bouche, 
J.  C.  obtenait  miséricorde  pour  ce  crime. 

Afin  de  tout  expier,  J.  C,  dit  saint  Augustin,  a  souffert  par  toi* 
les  membres  par  lesquels  l'homme  a  péché ,   et  pèche  encore  : 
Christuspassusestin  omnibus  membris ,  quibus  peccavit  et  peccat  homo  . 
ut  omnia  expiant  (In  Passione  ). 

Comme  J.  C.  n'a  été  que  douceur,  dit  saint  Chrysostome,  se» 
bourreaux  n'ont  été  qu'outrage  et  impiété;  en  actions,  en  paroles 
et  en  désirs,  ils  ont  épuisé  sur  lui  toute  leur  rage  (In  Passion.). 

J.  C.  a  voulu  souffrir  toutes  les  insultes  et  tous  les  affronts  :  l°afin 
de  satisfaire  pour  toutes  les  offenses  dont  on  se  rend  coupable  envers 
Dieu;  car,  autant  qu'il  est  en  lui ,  le  pécheur  crache  sur  Dieu,  le 
soufiiette  et  le  frappe ,  en  le  méprisant  et  en  lui  préférant  la  créa- 
ture. 11  le  dépouille  de  l'honneur  qui  lui  est  dû  et  presque  de  la 
divinité  en  se  donnant  d'autres  dieux  :  l'avare,  l'or  et  l'argent:  l'im- 
pudique, les  plus  vils  plaisirs;  l'ivrogne,  quelque  liqueur,  etc.,  ou 
plutôt  les  passions  et  les  démons.  2°  Afin  de  nous  préserver  de  l'op- 
probre, nous  qui  l'avions  mérité  :  ses  opprobres  ont  effacé  le  nôtre,  dit 
saint  Jérôme  :  Opprobria  ejus  nostrum  abstulere  opprobrium  (In  c.  xxv: 
Matth.).  3°  Afin  d'honorer  Dieu  et  de  satisfaire  à  sa  justice.  La  pas- 
sion du  Sauveur  honore  infiniment  plus  Dieu ,  que  la  chute  d'Adam 
ne  l'a  outragé.  Où  le  péché  avait  abondé,  la  grâce  a  surabondé,  ditsaint 
Paul:  Ubi  abundavit  delictum  ,  superabundavit  gratia  (Rom.  v.  20).  0 
péché  d'Adam,  certainement  nécessaire,  s'écrie  l'Eglise  !  0  heureuse 
faute  qui  nous  a  valu  un  tel  Rédempteur  !  0  certe  necessariumAdœ  pec- 
catumi  0  fclix  culpa, quœ  talem  ac  tantwn  meruit  habere  Redemptorem  ! 
(  Exultet.  in  bened.  Cerei  pasch.  ) .  4°  Afin  de  montrer  sa  suprême 
patience  et  de  nous  servir  d'exemple —  Dans  la  passion,  dit  saint 
Bernard,  il  convient  déconsidérer  surtout  trois  choses  :  l'œuvre, 
la  manière  et  la  cause.  Dans  l'œuvre  éclate  la  patience;  dans  la 
manière,  l'humilité;  dans  la  cause,  la  charité  (i).  5°  Afin  d'animer 
et  enflammer  tous  les  martyrs  et  tous  les  chrétiens,  et  de  les  porte. 
à  ne  craindre  ni  obstacles,  ni  menaces,  ni  supplices;  mais  à  triom- 
pher de  tout  pour  assurer  leur  salut 

Parles  outrages  qu'ils  ont  adressés  à  J.  C,  les  Juifs  ont  mérité  de 

(1)  In  hac  passione  tria  specialiter  convenit  intueri  :  opus ,  modum,  cansam 
Nain  in  opère,  patientia;  in  modo,  huniilitas;  in  causa,  caritas  eominendatur  (Serm. 
in  *ë>m  sexta  hebdomadis  pœnosœ). 


***&  ÎASSIÔN  DE  JÉSUS-CHRIST. 

subir  toutép  les  humiliât!».,  humiliations  è"tèrheîles.  11s  ont 

donné  à  J.-C.  des  soufflets,  dit  Origène  ,  et  ils  ont  reçu  un  soufflet 
qm  ne  s'effacera  jamais  :  Receperunt  ùlàpâfn  œternam  (  In  Evan   .   . 

Ceux  qui  ont  osé  combattre  l'incorruptible,  se  sont  corrompus, 
dit  saint  Bernard;  ceux  qui  ont  outragé  l'immortel,  sont  morts 
(Serm.  de  Cruce). 

Pendant  toute  la  nuit  du  jeudi  an  veildredi,  J.  C.  est  abreuvé 
d'outrages  et  d 'affronts  de  toute  espèce. 

lieue  reuie    C'est  dans  cette  nuit  si  cruelle  que,  pour  comble  de  douleurs.  I 

a  renié  trois,fois  son  divin  Maître,  et  J.  G.  a  tout  enduré  avec  uno 

sublime  résignation 

Où  Pierre  renie-t-ilJésus?  dit  saint  Ambroise:  dans  le  prétoire  des 
Juifs,  dans  la  société  des  impies  (In  xxu  Luc).  Oh!  combien  sont 
nuisibles,  dit  le  vénérable  Bède,  les  entretiens  et  la  compagnie  des 
méchants!  Pierre,  au  milieu  des  impies,  renie  J.  G.  même  comme 
homme,  lui  qui  l'avait  confessé  comme  Fils  du  Dieu  vivant,  lors- 
qu'il était  avec  ses  collègues  (In  Marc.  Fvang.,c.  xiv).  Vraiment, 
réduit  à  ses  propres  forces,  l'homme  est  bien  faible!  Sans  leSa'mt- 
Esprit,  Pierre  pâlit,  tremble,  et  renie  son  Maître  à  la  voix  d'une 
simple  servante;  avec  le  Saint-Esprit,  il  ne  cède  ni  aux  princes,  ni 
aux  rois,  ni  aux  Juifs,  ni  aux  gentils;  il  brave  les  chaînes  ,  les  pri- 
sons ,  les  tourments  et  la  mort.  Toutes  les  menaces  et  tous  les  sup- 
plices ne  sont  qu'un  jeu  pour  lui.  Il  dit  hardiment  à  ceux  qui ,  sous 
les  peines  les  plus  terribles,  lui  défendent  de  prêcher  J.  C.  :  Il  faut 
obéir  à  Dieu  plutôt  qu'aux  hommes  :  Obedire  oportet  Deomagis  quam 
Aoiiiinibus  (Act.  v.  29). 

Pierre  tombe  pour  plusieurs  causes  :  Premièrement ,  parce  qu'il 
se  fie  trop  à  lui-même.  Quand  J.  C.  lui  disait  :  Je  vous  le  dis  en 
Vérité ,  cette  nuit  même,  avant  que  le  coq  chante ,  vous  me  renierez 
trois  fois,  Pierre  lui  dit:  Quand  il  me  faudrait  mourir  avec  vous,  je 
ne  vous  renierai  point  (  Matth.  xxvi.  34.  35).  Secondement,  parce 
que  connaissant  sa  faiblesse  et  sa  crainte,  il  se  jette  imprudemment 

au  milieu  d'une  multitude  impie Troisièmement,  part*  qu'il 

suit  J.  C.  de  loin ,  tiède  qu'il  est  :  Sequebalur  eum  a  longe  (Matth.  xxvi 

58).  Quatrièmement,  pane  qu'il  avait  déjà  oublié  sa  promesse 

Cinquièmement,  Dieu  permit  cette  chute  afin  que  Pierre,  qui  devait 
être  le  souverain  pasteur  de  l'Eglise,  fût  compatissant  et  plein  d'in- 
dulgence    Sixièmement,  Dieu  la   permit  afin  de  donner  aux 

oécheurs  un  grand  exemple  de  repentir  et  de  pénitence.  Car,  tftutit 


PASSroN  DE  JSSUS-CHRIBT» 

sorti,  Pierre  pleura  anièremâat  :  Egrmus  foraë ,  flcvit  am 
(Matth.  xxvi.  73).  Les  larmes  des  pénitents  sont  le  vin  des  anges, 
(lit  saint  Bernard  :  Lacrymœ  pœnitcntium  viaum  sunt  antyelohtm 
(Serin,  xxx  in  Cant.)  Les  larmes  effacent  le  péché,  dit  saint  Ambroise; 
elles  ne  demandent  pas  le  pardon ,  elles  le  méritent  :  Lacrymœ 
lavant  delictum ;  lacrymœ  veniam  non  postulant,  sed  merentur  (In  xxiï 
Luc.  ). 

Saint  Clément,  qui  fut  le  disciple  et  le  successeur  de  saint  Pierre, 
assure  que  cet  apôtre  se  repentit  tellement,  que  tant  qu'il  vécut,  la 
nuit,  au  chant  du  coq,  il  se  prosterna  et  versa  des  larmes  amères 
et  abondantes.  Aussi  ses  yeux  étaient  toujours  rouges  (IJcst. 
Eccles.  ). 

Le  matin  venu ,  tous  les  princes  des  prêtres  et  les  anciens  du  peu-         T  C. 
pie  tinrent  conseil  contre  Jésus  pour  le  l'aire  mourir  :  Marie  ttutëttt 
facto  consilium  inierunt  omnes  principes  sacerdolum,  et  seniores  populi 
adversus  Jesum,  ut  eum  morti  tradereni  (i-iatth.  xxvii.  I  ). 

Le  matin  venu,  remarquez,  dit  saint  Jérôme,  leur  empressement 
pour  le  mal  ;  selon  la  parole  du  Roi-Prophète ,  leurs  pieds  se  hâtent 
pour  répandre  le  sang  {Psal.xui.  G. — De  Judœi>).Loi  haine,  la  fureur, 

le  démon  les  excitent  et  les  pressent Caïphe  avait  réuni  chez  lui 

tout  le  conseil  des  Juifs  pour  condamner  J.  C,  afin  qu'ensuite  Pilate 

ne  put  l'absoudre C'est  ce  matin-là,  Juils,  s'écrie  saint  Léon,  c'est 

ce  matin-là  que  Dieu  renversa  votre  temple  et  vos  autels;  qu'il  vous 
enleva  votre  loi  et  vos  prophètes,  votre  royaume  et  votre  sacerdoce; 
et  qu'il  changea  vos  fêtes  en  larmes  éternelles  (Serm.  m  de 
Passione). 

Ayant  lié  Jésus  ,  ils  l'emmenèrent,  et  le  livrèrent  au  gouverneur 
Ponce-Pi late  :  Et  vinctum    adduxerunt  eum,   et  tràdiderunt  Pontio 
Pilato  prœsidi  (Matth.   xxyii.  2).  Ils  le  conduisirent  à  Pilate  ,  afin 
que  celui-ci  prononçât  la  sentence  de  mort.  Ils  l'auraient  fait  eux- 
mêmes  mille  fois,  s'ils  en  eussent  eu  le  pouvoir;  car  ce  désir  déicide 
les  dévorait;  mais  les  Romains  leur  avaient  enlevé  le  droit  de  justice 
souveraine.  Ils  le  proclament  eux-mème..  En  effet,  lorsque  Pilate 
leur  dit:  Prenez-le ,  et  le  jugez  selon  vo»  ,yloi.  Ils  répondirent  :  Il 
ne  nous  est  pas  permis  de  mettre  personne*  à  mort  :  Nobis  non  licet 
inlerficere quemquam  (Joann.  xvm.  31).  Et  si  plusieurs  fois,  pendant 
la  vie  de  J.C.,  ils  avaient  tenté  de  le  lapider;  si  plus  tard  ils  lapidèrent 
saint  Etienne,  ils  ne  le  tirent  pas  parce  qu'ils  en  avaient  le  droit, 
mais  comme  des  assassins  qui  obéissent  à  la  haine  et  à  la  fureur 


576  PASSTON  DE  JÉSUS-cmïST. 

Ils  livrèrent  donc  ie  Sauveur  à  Pilate,  afin  que  celui-ci  le  condam- 
nât à  mort.  Mais  ils  avaient  plusieurs  motifs  d'en  agir  ainsi  : 

4»  Ils  voulaient  ne  pas  prendre  sur  eux  l'infamie  de  !a  mort  de 
J.  C.,  quoiqu'ils  l'eussent  tout  entière,  puisqu'ils  le  livraient  à 
Pilate  par  envie  et  l'accusaient  en  le  calomniant.  Us  se  proposaient 
aussi  par  là  de  faire  croire  au  peuple  que  J.  C.  avait  mérité  la  mort, 
puisque  Pilate,  qui  n'était  pas  Juif  etqui  passait  pour  unhommej  uste, 
l'avait  condamné» 

2°  Ils  voulaient  détruire  l'honneur  et  la  gloire  de  J.  C,  et  prouver 
qu'il  n'était  pas  le  Christ,  mais  un  faux  prophète  ;  car  pour  leur 
plaire  Pilate  devait  le  placer  dans  la  catégorie  des  hommes  dange- 
reux et  le  condamner  soit  comme  malfaiteur,  soit  comme  rebelle  à 

César 

3°  Le  jour  où  avaient  lieu  les  événements  que  nous  venons  de 
rappeler,  les  prêtres  devaient  se  trouver  dans  le  temple,  et  s'abstenir 

du  sang Ils  n'attendirent  pas  que  la  fête  de  Pâques  fût  passée  pour 

livrer  J.  C.  à  Pilate,  persuadés  que  la  flétrissure  du  supplice  qui  lui 
était  réservé  serait  en  rapport  avec  la  multitude  accourue  de  tous  les 
points  de  la  Judée  à  Jérusalem,  afin  de  célébrer  la  principale  solen- 
nité de  la  loi. 

4°  Enfin  ils  voulaient  qu'en  exerçant  ses  fonctions  déjuge,  malgré 
la  sainteté  du  jour,  Pilate  fût  regardé  comme  un  profanateur. 

Or,  Dieu  infligea  aux  Juifs  déicides  la  peine  du  talion.  Comme  ils 
avaient  livré  J.  C.  à  Pilate  proconsul  romain,  afin  que  celui-ci  le 
condamnât,  Dieu  les  livra  aux  empereurs  romains  Tite  et  Vespasien, 
qui  les  battirent,  détruisirent  Jérusalem  et  anéantirent  la  natioua- 

Uté  juive 

Les  ennemis  du  Sauveur  n'enirèrent  point  dans  le  prétoire,  afin 
de  ne  se  point  souiller  :  Et  ipsi  non  intj'oienint  in  ■prœtoi^um  m  non 
cont amincirent ur  (Joann.  xvm.  28). 

0  hypocrisie!  o  folie  et  aveuglement  de  l'impiété!  s'écrie  saint 
Augustin.  Ils  n'entrent  pas  dans  le  prétoire  afin  de  ne  se  point 
souiller  par  le  contact  d'étrangers,  et  ils  se  comrent  d'une  lâche 
étemelle  par  leur  propre  forfait!  (  De  Passione.  ) 

Voilà  Jésus  de\a.:t  ie  président  Pilate  :  Stetit  Jésus  anlc  président, 
(Maltb.  XXVII.  H).  Pilate  interrogea  les  accusateurs  :  Quelle  accusa- 
tion portez-vous  contre  celhomme?  leur  ùemanda-t-il  :  Quam  accusa- 
tioncm  afferlis  at/cersus  homim  m  lium-  ?  lig  répi  w  liront  avec  orgueil  :  Si 
ce  n'était  pas  un  malfaiteur,  nous  ne  vous  l'aurions  point  aminé  : 
-Si  no»  esset  lac  maie faclur,  non  tïbi  Irudidissemus  eum?  (Juami.xvnr. 


PASSION  DE  JÉSUS-CHUIST.  577 

29-30.)  Juifs  calomniateur?,  expliquez-vous,  quel  est  son  crime?  Alors 
Pilate  leur  dit  :  Prenez-le  vous-mêmes,  et  le  jugez  selon  votre  loi: 
Accijiitc  eum  vos,  et  secundwn  legem  vestram  judicate  (Joann.  xvin. 
31  ).  Pilate  ne  voulait  pas  s'en  mêler;  il  apercevait  déjà  l'iniquité  des 
Juifs  et  l'innocence  de  J.  C.  En  effet,  il  savait  qu'ils  l'avaient  livré 
par  envie  :  Sciebut  enim  quod  per  invidiam  tradidissent  eum  (Matth, 
xxvii.  18). 

Alors,  craignant  que  Pilate  ne  le  renvoyât,  les  ennemis  du  Sau- 
veur ne  l'accusèrent  plus  de  blasphème,  comme  auparavant,  parce 
que  la  connaissance  de  ce  crime  n'était  pas  du  ressort  de  Pilate  :  les 
blasphémateurs  n'attaquaient  que  la  loi  juive  et  ne  pouvaient  être 
que  lapidés;  mais  à  ce  supplice  n'était  pas  attachée  une  note  d'infa- 
mie comme  au  supplice  de  la  croix.  La  croix  était  le  supplice  des 
séditieux,  des  voleurs,  des  assassins;  supplice  par  conséquent  très- 
ignominieux  ;  et  voilà  pourquoi  J.  C.  y  fut  condamné.  Afin  de 
réussir  dans  leurs  mauvais  desseins ,  ils  prirent  le  parti  d'accu- 
ser Jésus  de  trois  crimes  dignes  de  la  croix  :  1°  Nous  avons, 
dirent-ils,  trouvé  celui-ci  pervertissant  notre  nation:  Hune  invenimus 
subvertentem  gentem  nostram  (Luc.  xxm.  2.),  c'est-à-dire  l'excitant  à 
la  révolte  :  ce  qui  attaquait  directement  les  Romains  maîtres  de  la 
Judée.  2°  Il  défend  de  payer  le  tribut  à  César  :  Et  prohibentem  tribuia 
darc  Cœsari  (Id.  xxm.  2).  3°  Il  se  dit  le  Christ-Roi  :  Et  dicentemse 
Christum  regem  esse  (ld.  xxm.  2). 

Pilate  méprisa  ces  accusations  qu'il  savait  fort  bien  être  dénuées  de 

fondement,  et ,  s'adressant  à  Jésus  lui-même,  il  dit  :  Votre  nation  ei 

vos  prêtres  vous  ont  livré  à  moi  ;  qu'avez- vous  l'ait?  Gens  tua  et 

ponti fiées  tradiderunt  le  mihi;  quid  fecisti?  (Joann.  xvm.  35.  )  Etes- 

fous  le  roi  des  Juifs?  Tues  rex  Judœorum?  (Id.  xvm.   33.)  Jésus 

répondit  :  Mon  royaume  n'est  pas  de  ce  monde  :  si  mon  royaume  était 

de  ce  monde,  mes  serviteurs  combattraient  pour  que  je  ne  fusse  point 

livré  aux  Juifs;  mais  mon  royaume  n'est  pas  maintenant  d'ici  (1). 

Pilaie  lui  dit  :  Vous  êtes  donc  roi?  Ergo  rex  es  tu?  (Id.  xvm.  37.) 

Jésus  répondit  :  Vous  le  dites,  je  suis  roi.  Je  suis  né  et  je  suis  venu 

dans  le  monde,  afin  de  rendre  témoignage  à  la  vérité  :  Tu  dicis,  quia 

rex  sum  ego.  Ego  in  hoc  natus  sum,  et  ad  hoc  vent  in  mundvtn  ut  testimo- 

nium perhibeam  veritati  (ld.  xvin.  37).  Je  suis  venu  pour  prêcher  la 

vérité  évangélique,  qui  consiste  principalement  en  trois  choses  : 

(1)  Responclil  Jésus  :  Reijnum  meum  non  est  de  hoc  mundo;   si  ex  hoc  mundo 
esset  regnum  nieum,  ministri  mei  utique  decertarent  ut  non  traderer  Judieis;  nunc 
dutem  regnum  meum  non  est  lune  (Joann.  xvm.  36 1. 
III.  87 


578  ci*  DE  JÉSCS-C3RTST. 

!•  'ans  la  vraie  connaissance  de  Dieu  j  2*  dans  la  connaissance  de 

l'incarnation  ;  3°  dans  la  connaissance  de  la  vraie  béat'tude C'est 

alors  qu'avec  une  coupable  indifférence,  Pilate  répliqua  :  Qu'esl-ce 
que  Za  vérité?  Quid  est  veritas?  Et  ayant  dit  cela  (sans  attendre  la 
réponse),  il  sortit,  alla  aux  Juifs  et  leur  dit  :  Je  ne  trouve  en  lui 
aucun  crime  :  Ecjo  nullam  invenio  in  eo  causam  (Joann.  xyiii.  38). 

princes  des  prêtres  insistèrent  dans  leurs  accusations;  Jésus  ne 
répondit  rien:£7  cum  accusarctur  a  princ'pibus  sacerdolum  ni/til  respon- 
dit  (Matin,  xxvn.  42).  Car  1°  tout  ce  qu'on  lui  reprochait  était  faux...  ; 
z    .  savait  que  ses  réponses  seraient  inutiles...;  3°  il  se  taisait  afin  ce 

re  pas  renvoyé  par  Pilate,  mais  d'être  Condamné  par  lu:...; 

I  se  taisait  afin,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  d'expier  par  sen 
silence  les  mensonges,  les  parjures,  les  médisances,  les  calomnies,, 
tes  blasphèmes,  en  un  mot  tous  les  crimes  que  les  hommes  avaient 
commis  par  la  parole. 

Pilate,  reprenant  son  interrogatoire,  dit  à  Jésus  :  Yentendcz-vous 
pas  combien  de  choses  ils  disent  contre  vous?  Non  midis  quanta  adver- 
sum  te  dicunt  testimonial  (Matin,  xxvn.  4  3.)  Mais  Jésus  ne  r 
dit  rien,  de  sorte  que  le  gouverneur  s'étonnait  grandement  :  Et  non 
respondit  ci  ad  ullum  verbum,  ila  ut  mirarelur  prœses  velicn  t 
(Matin,  xxvn.  14-).  Pilate  admirait  l'innocence,  la  douceur,  la 
patience,  la  résignation,  la  force  de  cet  accusé.  Voilà,  dit  saint  Àtha- 
nase,  voilà  dans  le  Sauveur  quelque  chose  de  bien  grand  et  de  bien 
admirable  :  en  se  taisant,  il  persuadait  si  efficacement  son  jug*,  que 
malgré  les  trames  et  les  conspirations  ourdies  contre  lui,  celui-ci  le 
reconnaissait  et  le  déclarait  innocent  (t). 

.   J-,9-  t      Déstreux  de  sauver  J.  C,  Pilate  prit  le  parti  de  l'envoyer  à  ïïérode 
(Lucxxm.7).Hérode,  voyant  Jésus,  en  eut  une  car  depuis 

longtemps  il  désirait  le  voir, parce  qu'il  avait  entendu  dire  beaucoup 
de  choses  de  lui,  et  qu'il  espérait  le  soir  opérer  quelque  prodige.  11 
.  ;  :r  arrogea  donc  longuement;  mais  Jésus  ne  lui  rép  mdihien  (1  ■l.xxiu. 
3.0).  C'est  ainsi  que  ce  grand  Dieu  agit  vis-à-vis  des  curieux,  des 
orgueilleux,  des  impies,  clc.  :  il  se  tait.  La  voix  de  sa  grâce,  de  ses 
u.piati  n- .  du  rémords  ,  etc.,  ne  se  fait  plus  entendre  à  eux  :  At 
.pse  n  Uni  illi  r  es  pond  ' 
Démarque^  l'acharnement  C^  Juifs  à  poursuivre  .T.  C.  Or,  dit 

(1)  Majrnum  id  certs  et  ni'iT-ificunc  in  Salvuiuie,  qui  Uiàulft,  t<nn  effîrnx  crat  in 
[ttrsuadendo,  ut  judex  ultro  ficlioncs  conspiralioncsquo  adversus  cimi  i.i>'.as ,  et 
IjiDsccret  cl  cooillGi'Clur  (Sa-m.  de  Pqssione  ci  Cruce). 


PASSION    DE  JÉSUS-CUT'.'  570 

saint  Luc,  les  princes  des  prêtres  et  les  scribes  là  présents  l'aecu- 

I  ;ivec  opiniâtreté  :  Stabant  aufem  principes  sacerdotum  et  scribœ. 
'nier  accusantes  eum  (  xxui.  10). 
Mais  Hérode  et  sa  cour  le  méprisèrent;  et  l'ayant  par  moquerie 
revêtu  d'une  robe  blanche ,  ce  roi  le  renvoya  à  Pilate  :  S  prévit  àutèm 
Herodes  cum  exercitu  suo;  et  illusit  indutvm  veste  albn,  et  remisit 
ad  Pilatum  (Luc.  xxm.  \  1  ).  Ali!  loin  d'être  l'indice  de  la  folie,  ce 
vêtement  blanc  était  la  marque  de  l'innocence,  delà  pureté,  de  l'im- 
mortalité et  de  la  gloire  de  J.  C,  l'insigne  de  sa  victoire. 

On  le  voit,  parmi  les  Juifs,  il  y  a  unité  de  conspiration,  de  mépri* 
et  d'outrages  contre  l'Homme-Dieu. 

Pilate  ayant  convoqué  les  princes  des  prêtres,  et  les  magistrats,  et  le  t.  c.  »vî*n'i 
peuple,  leur  dit  :  Vous  m'avez  présenté  cet  homme  comme  souleva»,  t  nt  PUah? 
le  peuple;  et  voilà  que,  l'interrogeant  devant  vous,  je  n'ai  rien 
trouvé  en  lui  de  ce  dont  vous  l'accusez  .  Hérode  non  plus,  car  je 
vous  ai  renvoyés  à  lui ,  et  on  ne  l'a  convaincu  de  rien  qui 
mérite  la  mort.  Je  le  renverrai  donc  après  l'avoir  fait  châtier  (I). 
ant  que  Pilate  siégeait  sur  son  tribunal,  sa  femme  lui  envoya 
dire  :  Ne  vous  mêlez  point  de  ce  qui  touche  ce  juste;  car  j'ai  été 
aujourd'hui  étrangement  tourmentée  en  songe  à  cause  de  lui 
(Matth.  xxvn.  19).  A  la  naissance  du  monde,  dit  saint  Augustin, 
use  conduisit  son  époux  à  la  mort;  lors  de  la  passion  de  J.  C, 
l'épouse  pressa  son  époux  de  se  sauver:  In  nativilate  mundi,  uxor 
duiit  virum  admortem;  in  passions  Chrisli,  uxor  provocat  ad  salutem 
(In  Serai,  cxxi  de  Temp.). 

Dans  tous  les  siècles ,  c'est  la  femme  chrétienne  qui  a  commencé 
le  bien  ,  qui  a  invité  les  hommes  à  l'accomplir  ,  et  qui  s'est  mise  à 
la  tête  de  toutes  les  œuvres  de  chanté,  de  compassion,  de  bien- 

mee 

Pilate,  de  concert  avec  son  épouse,  reconnaît  l'innocence  de  Jésus; 

il  est  trop  faible Hélas  !  que  de  personnes  imitent  la  lâcneté 

de  Pilate!... 
Ce  juge  injuste  emploie  un  odieux  moyen  pour  délivrer  le  Sau- 
„.  A  la  solennité  de  Pâques,  le  gouverneur  avait  coutume  de 


(!)  Obtiilislis  milii  h-nc  hominem,  quasi  avertentem  populum  ,  et  eccc  ego  coram 
.  null.mi  causdin  inveni  in  domine  isto  ex  lii>  in  quibus  cum  accu- 
rmjuc   Herodes:  nam  remisi    vos  ai   illum.et  eccc   mhil  dignuin  u.orlo 
actum  est  ci.  EmcuJaluiu  ergo  illum  dimiUuiu  ^Luc.  vx;u.  io-auj 


580  PASSION  DE  JÉSTJS-CÏTRÏST. 

mettre  en  liberté*  un  prisonnier,  celui  que  le  peuple  voulait.  Or,  il  y 
avait  alors  dans  la  prison  un  insigne  voleur  nommé  Barrabas  (Matin, 
xwir.  15.  16),  lequel,  à  cause  d'une  sédition  qui  s'était  faite  dans  la 
ville  et  d'un  meurtre,  avait  été  mis  en  prison  (Luc.  xxm.  19). 
Pilate,  s'adressant  aux  Juifs,  leur  fit  cette  proposition  :  Lequel  des 
deux  voulez-vous  que  je  vous  délivre ,  Barrabas  ou  Jésus ,  appelé 
Christ?  Qucm  vullis  dimittam  vnbis,  Barrabam  an  Jesum,  qui  dicitur 
C/tn'.ilus?  (Mattli.  xxvit.  17.  )  Mais  les  princ?s  des  prêtres  et  les 
anciens  persuadèrent  au  peuple  de  demander  Barra! ias,  et  de  faire 
périr  Jésus  (Mattli.  xxvn.  20).  Le  gouverneur  donc  dit  de  nouveau  : 
Le  juel  des  deux  voulez-vous  que  je  vous  délivre?  lis  lui  répondi- 
rent :  Barrabas.  Pilate  répliqua  :  Que  ferai-je  donc  de  Jésus,  appelé 
Christ?  Quid  igitur  faciam  de  Jesu  qui  vocatur  Cltristus?  (Matth. 
xxvn.  21 .  22.  )  Tous  dirent  :  Faites  mourir  celui-ci,  et  remettez-nous 
Barrabas  (  Luc.  xxm.  18).  Que  Jésus  soit  crucifié  :  Dicunt  omnes  : 
Crucifigatur  (Matth.  xxvn.  23).  Le  gouverneur  leur  dit  :  Quel  mal 
a-t-il  fait?  Mais  ils  criaient  encore  plus  haut,  disant  :  Qu'il  soit  cru- 
cifié !  Ait  illis  presses  :  Quid  enim  mali  fecit?  Al  illi  nvgis  cîamabunt, 
dicenles  :  Crucifigatur!  (Id.  xxvn.  23.)  Pilate  leur  dit  pour  la  troi- 
sième fois  :  11  est  innocent;  je  ne  trouve  rien  en  lui  qui  mérite  la 
mort.  Mais  ils  insistaient  avec  de  grands  cris,  et  leur  voix  s'éle>  lit 
de  plus  en  plus:  Crucifiez-le,  crucifiez-le:  Al  illi  instabant  vocibus 
magnis,  et  invalescebant  voces  eorum:  Crucifige,  crucifige  eum  (Luc. 
xxm.  23.21). 

Quelle  in  ligne  préférence!  quelle  fureur!  quel  crime!...  Les 
Juifs  deman  lent  L'élargissement  de  Barrabas  et  la  condamnation  de 
J.  C.  :  Non  hune,  sed  Barrabam  (Joann.  xvm.  40).  Aveugles  et  mal- 
heureux pécheurs,  nous  renouvelons  le  même  choix  busqué  nous 

péchons   mortellement!   Nous  préférons    Barrabas  à  J.  C Que 

dis-jeî  nous  faisons  pis  que  les  Juifs;  car  bien  que  très-criminel  , 
Barrabas  était  un  homme;  mais  celui  que  par  le  péché    nous  ; 
rons  à  J.  C. ,    celui   que   nous  choisissons  pour    maître,    quel 
est-il? 

La  demanile  que  les  Juifs  ont  obtenue  avec  tant  de  peine  s'est  atta- 
chée à  eux  depuis  lors  jusqu'à  nos  jours,  dit  le  vénérable  B 

it  la  liberté  du  choix  et  aya  un  voleur,  à  leur 

Sauveur  un  meurtrier,  à  celui  qui  donne  la  vie  celui  qui  avait 
donné  la  mort,  ils  ont  perdu  très-justement  le  salut  et  la  vie;  il» 
ont  été  tellement  entraînés  au  pillage  et  aux  séditions,  qu'ils  ont 
perdu  leur  royaume  et  leur  patrie;  pour  n'avoir  pas  voul  la 


PASSION  DE  J*STTS-CnitTST.  581 

liberté  que  J.  C.  leur  offrait,  ils  ont  vendu  à  jamais  leur  liberté  cor- 
porelle etsp:rituelle  (In  Marc,  c.  xv). 

Voyant  qu'il  ne  gagnait  rien,  mais  que  le  tumulte  allait  croîs* 
sant,  Pilate  prit  de  l'eau,  et,  se  lavant  les  mains  devant  le  peuple,  il 
dit  :  Je  suis  innocent  du  sang  de  ce  juste;  à  vous  d'en  répondre 
(  Matlh.  xxvii.  24  ).  Tu  peux  laver  tes  mains,  juge  lâche  et  inique, 
tu  ne  laveras  ni  ta  conscience,  ni  ton  honneur,  ni  ta  mémoire.  Tu 
te  déclares  innocent  du  sang  du  Juste ,  et  c'est  toi  qui  prononces 
l'arrêt  de  sa  mort!... 

Tout  le  peuple  répondit  :  Que  son  sang  soit  sur  nous  et  sur  nos 
enfants  !  Et  respondens  universus populus,  dixit  :  Sanyuis  ejus  swper  nos} 
et  super  fdios  nostros  (Matth.  xxvii.  25). 

Alors  Pilate  leur  délivra  Barrabas,  et  après  avoir  fait  flageller 
Jésus,  il  le  leur  livra  pour  être  crucifié  :  Tune  dimisit  illis  Barra- 
bain  :  Jesum  autem  flagellatum  tradidit  eis  ut  cruci figer etur  (  Matth. 
(xxvii.  26^. 

Cependant  Judas,  celui  qui  trahit  Jésus,  voyant  qu'il  était  condamné,  Judas  renfI  les 

,     t  ,         •  i  .  t        trenletleniers, 

se  repentit ,  et  reporta  les  trente  pièces  d  argent  aux  princes  des     et,  plein  de 
prêtres  et  aux  anciens,  disant  :  J'ai  péché,  en  livrant  le  sang  inno-  u^Snd're. 
cent.  Mais  ils  lui  dirent  :  Que  nous  importe?  c'est  ton  affaire.  Sur 
quoi ,  ayant  jeté  l'argent  dans  le  temple,  il  se  retira  et  s'alla  pendre 
(Matth.  xxvii.  3-5). 

Judas  l'ut  touché  de  repentir  ;  mais  non  d'un  repentir  véritable  et 
sincère;  car  le  repentir  véritable  renferme  l'espérance  du  pardon, 
et  le  pardon  lui-même  :  mais  le  repentir  de  Judas  était  contraint  et 
plein  de  désespoir ,  comme  est  le  repentir  né  dans  la  conscience 
tourmentée  et  déchirée  des  damnés,  que  dévorent  les  flammes  de 
l'enfer. 

Judas  reporta  les  trente  pièces  d'argent  et  les  jeta  dans  le  temple. 
Quoique  le  repentir  de  Judas  fût  faux  et  nul,  ce  traître,  dit  saint 
Ambroise,  éprouva  cependant  une  espèce  de  honte  et  de  pudeur  en 
reconnaissant  son  crime,  et  quoiqu'il  n'ait  pas  été  absous,  l'impu- 
dence des  Juifs  s'est  trouvée  dévoilée.  En  effet,  la  même  démarche 
qui  révélait  et  dénonçait  la  trahison  de  Judas  prouvait  que  les  Juifs 
avaient  fait  avec  lui  un  contrat  odieux  et  coupable  {In  Luc.   xxu). 

Mais  les  princes  des  prêtres  lui  dirent  :  Que  nous  importe?  c'est 
ton  affaire  (Matth.  xxvn.  4).  Ils  refusent  l'argent,  de  peur  d'être 
obligés  de  rompre  le  contrat,  et  de  renvoyer  Jésus.  Judas  j  tte  l'ar- 
gent dans  le  temple  ,  en  présence  de  tout  'e  peuple,  Ain-i  chacun 


382  PASSION  DE  JÉSUS-CUIUST. 

put  voir  que  Jésus  avait  étô  trahi,  venin,  livré  in  'ustoment  et  qu'il 
était  innocent..... 

Si  Judas  eût  demandé  grâce,  et  n'eût  pas  désespéré,  il  aurait 

obtenu  son  pardon Hais,  dit  saint  Léon,   c'a  dressant  à  lui  : 

Homme  endurci,  esprit  allant  au  mal,  et  n'en  revenant  pas,  tu  as 
suivi  la  rage  de  ton  cœur. Tu  avais  le  démon  à  ta  droite,  et  tu  as  l'ait 
retomber  sur  ta  tête  l'iniquité  que  tu  avais  commise  conlrc  le  Saint- 
Esprit.  Comme  ton  crime  avait  dépassé  toute  mesure  de  haine  et  de 
vengeance,  ton  impiété  t'a  constitué  ton  propre  juge,  et  ton  repentir 
Valait  ton  propre  bourreau;  tu  t'es  pendu  de  tes  mains (Serm.  ni 
de  Passione). 

Plusieurs  docteurs  disent  que  Judas  s'ett  pendu  à  un  arbre  de 
l'espèce  de  celui  dont  Adam  avait  mangé  le  fruit 

Ecoutez,  écoutez,  avares,  s'écrie  saint  Ghrysostoma  :  Méditez  sur 
ie  sort  de  Judas  :  il  a  perdu  son  argent ,  il  a  commis  un  crime  et 
n'a  pu  s'en  débarrasser,  il  a  perdu  son  âme.  Voilà  ce  que  l'atroce 
tyrannie  de  l'avarice  a  coutume  de  produire.  Judas  ne  s'est  pas  servi 
de  l'argent,  ni  de  la  vie  qu'il  avait  reçus;  et  il  ne  jouira  pas  de  la 
vie  future  :  il  a  tout  perdu  à  la  fois.  Après  avoir  donné  une  mauvaise 
opinion  de  lui-même  ù  ceux  ù  qui  il  avait  livré  son  Dieu,  et  en 
général  ù  tous  les  hommes,  il  a  mis  fin  par  une  corde  à  sa  triste  et 
infâme  existence  {De  Avaritia). 

Judas,  dit  le  vénérable  Bède ,  a  trouvé  un  châthflant  digne  de  son 
crime.  Le  gosier  d'où  était  sortie  la  voix  de  la  trahison  a  été  serré 
par  un:)  corde;  celui  qui  avait  livré  à  la  mort  le  Beignet»  des  hom- 
meset  des  anges,  a  péri  suspendu  dans  l'air  entre  le  ciel  et  la  h-rre 
qui  le  repoussaient;  les  entrailles  qui  avaient  conçu  la  perfldi 
Ja  trahison  se  sont  rompues,  et  elles  se  sont  répandues  suri 
(/ni  AJ.). 

Le  ventre  de  Jndas ,  cet  associé  des  pu'  Viennes,  dit  swlnl 

Bernard,  se  rompit  au  milieu  ^esairp,  de  telle  sorte  que  le  ciel  ne 
reçût  pas  et  que  la  terre  ne  supportât  point  celui  qui  avait  trahi 
Jésus,  vrai  Dieu  et  vrai  homme  descendu  du  ciel  sur  la  terre  p<  -y 
opérer  le  salut  du  monde  (t). 

Le  ciel  ni  la  terre  ne.  veulent  pas  de  Judas  qu'ils  e*éd  :  L'iùr 
l'a  également  en  horreur,,  et  lui  fait  djfaut 

\))  Juùasin  acre  crcpuH  meelîo,  aemrur.i  collegn  potesîatum;  ntpMr»  r^rn  vr.vï 
Doi  et  hominis  ,   qui   de  cœlo  venisset  operalurus  sali   cm   in  nicilio  ten 
inquam,  prjditorem  MO  cœlum   rccipciit ,    nec    (erra  sustineiei  (Ser:,t.    \. 
JW.  xcx). 


PASSION  DE  JÉST7c-CTmiST.  583 

Ce  rn-te  Judas  fit  à  son  corps,  dit  saint  Augustin,  eut  lieu  aussi 
pour  son  âme.  Comme  ceux  qui  s'étranglent  se  tuent,  parce 
!  air  n'arrive  plus  à  leur  poitrine;  de  même  ceux  qui  déses- 
pèrent de  la  miséricorde  de  Dieu  mettent  obstacle  à  la  respira- 
tion de  leur  âme,  quj  le  souffle  de  l'Esprit-Saint  ne  peut  plus 
vis  ter  (I). 

Tari  aveu  de  sa  faute  etparson  désespoir,  Judas  rendit  un  double  e 
frappant  témoignage  de  l'innocence  de  J.  C,  témoignage  qui  aurai 
dû  an èter  les  Juifs  engagés  dans  la  voie  du  déicide,  s'ils  eussent  eu 
un  reste  de  conscience  ou  de  pudeur;  mais  tout  était  mort  en  eux; 
excepté  la  haine  et  la  volonté  de  commettre  le  crime. 

Voyez  la  ruse  et  la  méchanceté  du  démon  ,  et  déjouez-le  :  il  con- 
duit Judas,  1°  à  l'avarice;  2°  au  sacrilège,  par  une  communion 
indigne;  3°  à  vendre  son  maître  ;  4°  à  le  trahir  par  un  baiser;  5°  à 
s  "abandonner  lui-même  au  désespoir  ;  C°  à  se  pendre;  7°  enfin,  à 
l'enfer.  Voilà  comment  de  degré  en  degré  il  fait  passer  l'homme  par 
tous  les  crimes,  et  le  précipite  dans  l'abîme  d'où  l'on  ne  sort  pas. 
Méfions-nous  de  son  ingénieuse  perfidie. 

Aïaiic  pris  l'argent  jeté  dans  le  temple  par  Judas,  les  princes  des 
prêtres  dirent  :  Il  n'est  pas  permis  de  le  mettre  dans  le  trésor,  parce 
que  c'est  le  prix  du  sang  (Mal th.  xxvn.  6).  Quelle  hypocrisie!  ils 
feignent  de  la  délicatesse,  du  zèle  pour  la  religion ,  des  principes  de 
justice,  et  ne  permettent  pas  qu'on  place  dans  le  trésor  des  obligations 
le  prix  du  sang  de  J.  C,  parce  que,  selon  eux,  ce  sang  est  impur; 
mais,  par  une  étrange  contradiction,  ne  l'avaient-ils  point  tiré,  cet 
argent,  du  trésor  pieux  où  ils  ne  voulaient  pas  le  replacer?  Refuser 
de  le  reprendre ,  c'était  reconnaître  implicitement  qu'en  se  servant 
de  sommes  destinées  à  de  bonnes  œuvres ,  pour  payer  le  traître  qui 
avait  remis  J.  C.  entre  leurs  mains,  ils  avaient  commis  une  préva- 
rication. S'étant  donc  consultés  entre  eux ,  ils  en  achetèrent  le  champ 
d"un  potier  pour  la  sépulture  des  étrangers  (Matth.  xxvn.  7).  Nou- 
infamie  ;  ils  savaient  que  J.  C.  était  né  parmi  eux  et  ils  le  re- 
gardaient comme  un  étranger...  C'est  pourquoi  ce  champ  est  encore 
aujourd'hui  appelé  IJoceldama  ,  c'est-à-dire  le  champ  du  sang.  Alors 
fut  accompli  ce  qu'avait  dit  le  prophète  Jérémie  :  Ils  ont  reçu  tr 
pièces  d'argent,  prix  de  celui  mis  à  prix,  suivant  l'appréciation  des 

(1)  Qiiod  in  rnrporc  sno  fecit  (Judas),  Tioc  fàcfum  est  in  anima  ipsius.  Quomoc'f 
qui  sibi  colium  ligunt ,  indc  se  occulunt,  quia  non  ad  eus  inliat  <piritus  acris  huju^ 
sic  illi  qui  desperant  de  îndulgcntia  Uei ,  ipsa  desptraiione  intus  se  suffocant ,  ut  cos 
Spirilus  Suuclus  visitare  nonpossit  (Lib.  L,  Homil.  xxvn). 


58-4  passion  de  rfsts-eflftïsîî 

enfants  d'Israël  ;  et  ils  les  ont  données  pour  le  champ  d'un  poher 
(Matth.  xxvii.  8-10). 

Le  nom  donné  à  ce  lieu,  dit  saint  Chrysostome,  proclame  plus 
haut  que  le  son  de  la  trompette  l'horrible  cruauté  que  déployèrent 
les  Juifs  en  faisant  mourir  J.  G.  S'ils  avaient  mis  cet  argent  dans  le 
trésor  des  offrandes,  d'où  ils  l'avaient  tiré,  leur  infamie  n'aurait  pets 
été  si  manifeste;  mais  en  achetant  le  champ  d'un  potier,  et  en  lui 
donnant  le  nom  de  Champ  du  sang ,  ils  ont  transmis  la  mémoire  de 
leur  ignominie  à  toutes  les  races  jusqu'à  la  fin  du  monde.  Ce  lieu 
sera  le  champ  du  sang  jusqu'au  dernier  jour.  11  ne  cessera  de  porter 
ce  nom,  et  toujours  pèsera  sur  leur  tète  criminelle  la  malédiction 
appelée  par  eux  lorsqu'ils  se  sont  écriés  :  Que  son  sang  tombe  sur 
nous  et  sur  nos  enfants  (  De  Avaritia  ). 

J.  C.  permit  que  le  champ  payé  avec  les  trente  deniers  de  Judas 
fut  mis  à  l'usage  des  étrangers  parce  qu'il  est  mort  pour  tous,  et  que 
son  sang  devait  être  le  salut  des  nations.  Les  Juifs  ont  acheté  ce 
champ  pour  les  étrangers ,  ils  ont  traité  J.  C.  comme  un  étranger  ; 
eh  bien!  J.  C.  le  leur  deviendra,  il  ne  les  connaîtra  plus,  ils  ne  seront 
plus  son  peuple  :  le  sang  du  Sauveur  sera  leur  ruine  et  leur  con- 
damnation pour  le  temps  et  pour  L'éternité 

châtiments     Les  Juifs  aveuglés  s'écrient  :  Que  son  sang  retombe  sur  nous  et  sur 
dévides.       nos  enfants  :  Sanguis  ejus  super  nos  et  super  fdios  nostros   (.\la!th. 
xxvii.  25  ). 

Voilà  bientôt  deux  mille  ans  que  le  sang  de  J.  C,  répandu  pour  le 
salut  du  monde,  imprime  sur  le  front  des  Juifs  l'opprobre  et  la  malé- 
diction. Jérusalem  est  détruite  :  la  nation  juive  est  sans  roi  et  sans  ca  [  i- 
tale;  elle  n'a  plus  ni  loi ,  ni  temple ,  ni  sacrifices,  ni  prophètes,  ni 
pontifes,  ni  lévites;  ses  enfants  sont  errants  dans  tout  l'univers, 
esclaves  de  toutes  les  nations,  maudits  de  tous  les  peuples  et  dans 
toutes  les  langues;  ils  portent  partout  et  toujours  le  sceau  de  Caïn; 
ils  courbent  la  tète  sous  la  réprobation  de  Dieu  et  sous  les  reproches 
des  hommes;  ils  ressemblent  à  un  corps  disloqué ,  mis  en  pièces, 
dont  tous  les  membres  sont  dispersés.  Ils  font  voir  à  toutes  les 
familles  de  la  race  humaine  et  à  tous  les  siècles  leur  déicide,  le 
châtiment  qui  en  a  été  la  suite ,  et  la  vengeance  qu&  Lieu  a  Urée  de 
y\  mort  de  ^n  Fils. 

0  Juifs,  écriez-vous  :  Que  son  sang  retombe  sur  nous  et  sur  nos 
«niants!  V  s  souhaits,  inspirés  par  une  fureur  infernale,  s'accom- 
plissent  


PASSION  de  je'stts-chrïst.  S8ÏS 

Au  siège  de  Jérusalem ,  les  Juifs,  pressés  par  la  famine,  s'échap- 
paient d'une  ville  qui  devenait  leur  tombeau  ;  afin  de  les  y  retenir  et 
de  les  forcer  ainsi  à  se  soumettre ,  Tite  en  fit  crucifier  plus  de 
cinq  cents  chaque  jour  :  de  telle  sorte,  dit  l'historien  Josèphe, 
que  les  Romains  manquèrent  à  la  fois  et  de  croix  et  d'espace  pour 
les  dresser.  Est-il  possible  de  ne  pas  reconnaître  dans  ce  fait  une 
juste  punition  du  crucifiement  de  J.  C? 

0  déicides,  écriez-vous  :  Que  son  sang  retombe  sur  nous  et  sur  nos 
enfants!... 

Qu'es-tu  devenu,  peuple  qui  autrefois  étais  le  peuple  de  Dieu,  la 
nation  sainte;  toi  du  sein  duquel  étaient  sortis  les  patriarches  et  les 
prophètes  ;  toi  qui  vis  tant  de  miracles  et  qui  possédas  les  tables  de 
la  loi ,  l'arche  d'alliance  et  le  temple  du  vrai  Dieu;  toi  dans  le  seiu 
duquel  prirent  naissance  Marie,  J.  C.  et  les  apôtres?  Où  es-tu?  Vois 
i'énormité  de  ton  crime,  et  l'expiation  qui  t'a  été  imposée'... 

Ecoute ,  malheureux ,  ce  que  David,  l'un  de  tes  rois,  a  prédit: 
Que  leurs  yeux  s'obscurcissent,  afin  qu'ils  ne  voient  pas;  Seigneur, 
courbez  leur  dos  sous  la  servitude  :  Oùscurentur  oculieorum  ne  videant, 
et  dorsum  eorum  semper  incurva  (  lxviii.  24  ).  Répandez  sur  eux  votre 
colère,  que  le  feu  de  votre  courroux  les  saisisse;  que  leur  demeure 
soit  déserte,  et  que  personne  n'habite  sous  leurs  tentes  :  Effunde 
super  eos  iram  tuam;  et  furor  ira?  tua?  comprehendat  eos.  Fiat  habita- 
tio  eorum  déserta ,  et  in  tabernaculis  eorum  non  sit  qui  inhabitet 
(  lxviii.  23.  2(5  ).  Parce  qu'ils  ont  persécuté  celui  que  vous  avez 
frappé,  et  qu'ils  ont  ajouté  à  là  douleur  de  mes  plaies  :  Quoniam 
quem  lu  percussisli  persecuti  sunt ,  et  super  dolorem  vulnerum  meorum 
addtderunt  (  lxviii.  27  ).  Permettez  qu'ils  entassent  iniquité  sur 
iniquité  ,  et  faites  qu'ils  ne  deviennent  jamais  justes  à  vos  yeux  : 
Apporte  iniquitalem  super  wiquitatem  eorum ,  et  non  intrent  in  justi- 
tiam  tuam  (lxviii.  28).  Que  leurs  noms  soient  effacés  du  livre  de 
vie,  et  qu'ils  ne  prennent  point  place  parmi  ceux  des  justes  :  Delean- 
tur  de  libro  vioentiwn,  et  cumjustts  non  scribantùr  (  lxviii.  29). 

0  déicides,  écriez-vous  :  Que  son  sang  retombe  sur  nous  et  sur 
nos  enfants  '... 

Peuple  endurci ,  prête  l'oreille  aux  paroles  de  Daniel,  l'un  de  tes 
plus  grands  prophètes  :  Le  Christ  sera  mis  à  mort,  dit-il,  et  le 
peuple  qui  doitle  renier  ne  sera  plus  son  peuple.  Un  peuple  viendra, 
cou  luit  par  un  chef  de  guerre,  et  il  détruira  la  ville  et  le  sanctuaire, 
et  il  terminera  son  œuvre  par  la  dévastation ,  et  après  la  guerre  aura 
lieu  la  désolation  qui  a  été  décrétée L'oblation  et  le  sacrifice 


S8G  TAS3T0N  DE   JÉ^S-CTTRIST. 

cesseront;  et  l'annnvnation  de  la  d.'solation  sera  dans  le  temple ,  et 
elle  persévérera  jusqu'à  la  consommation  et  à  la  fia  (ix.  2G.27  ). 

Ecoute  maintenant  Os.'e,  qui  a  pris  place  aussi  parmi  les  pro- 
phètes î  Les  enfanté  d'Israël,  dit-il,  seront  dorant  do  longs  jours  saoa 
roi  et  sans  prince,  et  sans  sacrifice  et  sans  autel,  et  sans  éphod  et 
sans  théraphim  (  in.  4).  Mon  Dieu  lec  rejettera,  parce  qu'ils  ne  l'oit 
pas  écouté ,  et  ils  seront  dispersés  parmi  les  nations  :  Ahjkiet  ces 
Deus  meus,  quia  non  audierunt  cum  :  et  crunt  vagi  in  nalioniim 
(Kl.  îx.  -17). 

Ecoute  le  Sauveur  lui-même  :  Comme  J.  C.  approchait,  dit  saint 
Luc ,  voyant  la  ville  de  Jérusalem,  il  pleura  sur  elle  en  disant  :  Si, 
du  moins  aujourd'hui,  tu  connaissais  ce  qui  ferait  ta  paix!  Mais 
maintenant  ces  choses  sont  cachées  à  tes  yeux.  Des  jours  viendront 
sur  toi ,  où  tes  ennemis  t'environneront  de  tranchées ,  et  t'enlérme- 
rout  et  te  serreront  de  toutes  parts ,  et  te  jetteront  à  terre  aii.si  que 
tes  enfants,  qui  sont  au  milieu  de  toi ,  et  ils  ne  laisseront  pas  en  toi 
pierre  sur  pierre,  parce  que  tu  n'as  point  connu  le  temos  où  tu  es 
été  visitée  (  xix.  44-44). 

0  déicides,  écriez-vous  :  Qu<t*nn*»*»g  rftwmbe «u? nouait sur  BCI 
enfants!... 

Hugues  de  Saint-Victor  met  dans  la  bouche  du  peuple  juif  les 
paroles  que  voici  :  Nous  avons  vu  J.  C.  et  nous  n'avons  pas  voulu  le 
reconnaître;  nous  l'avons  vu,  et  nous  ne  l'avons  pas  reçu.  Noua 
l'avons  entendu,  et  nous  l'avons  méprisa.  Il  ne  nous  a  fait  que  du 
bien,  et  pendant  qu'il  priait  pour  nous,  nous  l'avons  crucifié.  > 
avons  ouï  ses  paroles,  nous  avons  été  comblés  de  ses  bienfaits;  nous 
avons  été  témoins  des  grands  et  nombreux  prodiges  qu'il  a  0] 
publiquement  :  mais  nous  avons  foulé  aux  pieds  ses  avertissements, 
nous  avons  été  ingrats  pour  ses  bienfaits,  nous  avons  tourné  en  rid- 
eule  ses  miracles,  et  nous  n'y  avons  pas  cru.  Nous  l'avons  entendu, 
alors  qu'il  nous  instruisait  sur  la  moi  t  i_n  -.  mais  nous  avons  | 
en  fermant  Tortille;   de   là   viennent  les  maux  que  nous  endu- 
pons-  .nous  l'avons  vu  nourrir  la  foule  qui  ait,  mais  nous 

l'avons  tourné  en  ridicule;  de  là  notre  \v\Ae  état.  Nous  l'avons  vu 
attaché  à  la  croix,  mais  nous  l'a\ons  blasphémé  et  mandltj  île  là 
notre  terreur  et  notre  ruine.  Nous  avons  entendu  sa  doctrine  nnous 
saums  qu'il  nous  apportait  la  \ie,  niais  nous  avons  choisi  la  n  rt. 
Ses  instructions  dissipaient  nos  tel  mail  nous  n'.  vous  pas 

I  11  les  prendre  pour  guide.  Il  nous  offrait  Je  salut  et  la  vie,  mais 
non»  avoi.s  rei'usé  l'un  et  l'autre.  Sa  mort  a  ressuscité  les  gentils, 


PASSION  DE  J  '   rs-:.ITTl1ST. 

ïflaïs  nous  qui  formions  autrefois  son  peuple,  cette  mort,  note 
i  oas  a  frappé  de  réprobation  [De  Anima). 

Oui,  dit  saint  Jérôme,  oui,  l'imprécation  :  Que  son  sang  retombe 
Burnous  et  sur  nos  enfants,  a  eu  son  effet  jusqu'à  ce  jour,  et  elle 
Paura  jusqu'à  la  fin.  Le  sang  du  Seigneur  sera  toujours  sur  eux.  Ce 
sang,  comme  le  dit  le  Roi-Prophète,  fait  peser  sur  eux  un  éternel 
opprobre  :  Opprobriumsempilernum  dédit  Mis  (ïn  Daniel.). 

Ce  NTTxrONS  la  sanglante  histoire  de  la  passion  du  Sauveur  Jésus.  Ce  Fîtjellation. 
gran.l  bien  est  attaché  à  une  colonne  pour  être  flagellé.  La  flagella- 
tion était  chez  les  Romains  le  châtiment  des  esclaves.  C'était  donc 
infliger  ù  J.  C.  une  nouvelle  humiliation,  en  même  temps  qu'un  nou- 
veau supplice;  c'était  le  mettre  au  rang  des  esclaves,  et  des  esclaves 
révoltés,  lui  qui  est  le  roi  du  ciel  et  de  la  terre  !  Les  bourreaux  frap- 
pent son  corps  sacré  avec  des  cordes  pleines  de  nœuds,  à  coups 
redoublés  et  avec  acharnement.  Le  sang  ruisselle  de  toutes  parts; 
bientôt  les  chairs  se  détachent  et  tombent  en  lambeaux.  Isaïe,  qui 
lavait  contemplé  dans  ce  trkle  état,  s'écrie  :  11  n'a  ni  éclat  ni 
lea.U';  et  nous  l'avons  vu,  et  i  était  méconnaissable  :  Non  est  spe- 
cies  ci,  ncqucdcccr;  et  vidimus  c  .m,  et  non  erat  aspectus  (lui.  2).  Nous 
l'avons  vu  méprisé,  devenu  le  dernier  des  hommes,  un  homme  de 
douleurs,  et  connaissant  la  faiblesse.  Son  visage  était  comme  caché 
sous  les  marques  du  mépris;  et  nous  l'avons  compté  pour  rien  : 
Despectum  et  novissimum  v'.rorum,  virum  dolorum  et scientem in/irinita- 
tem;  et  quasi  aùsconditus  vid'^sejus,  et  despectus,  unde nec reput avimus 
eum  (lui.  3  ). 

Le  Roi-Prophète  Ta  vu  ai:  si,  et  il  a  déclaré  que  les  bourreaux  en 
ont  compta  tous  les  os  :  Dinumcrayervnt  omnia  ossa  me  a  (xxi.  -18). 
Cependant  l'Agneau  sans  tache  ne  fit  entendre  aucune  plainte 

C'est  dans  l'affreux  état  dont  nous  venons  de  parler  que  Pilate  pré*     tste 
scnla  J.  C.  au  peuple,   espérant  exciter  sa  commisération.  "Voilà 
l'homme,  dit-il  :  Ecce  homo  (Joann.  xix.  5).  Juifs  barbares,  -\ 
l'état  où.  vous  avez  réduit  le  Verbe  fait  chair  ;  voilà  votre  ouvrage  : 
Ecce  homo.  Blasphémateurs,  impudiques,  ivrognes,  pécheurs  de  toute 

sorte,  voilà  aussi  le  résultat  de  votre  conduite  :  Ecce  homo 

En  condamnant  le  Sauveur  à  mort,  Pilate  commettait  une  triple 
injustice  :  1°  il  usurpait  sur  J.  C.  un  pouvoir  et  une  juridiction  qu'il 
n'avait  pas...;  2'  il  renversait  les  règles  de  la  justice,  car  il  fléchissait 
ôeva!  '  es  Juifs,  et  condamnait  J .  C.  non  comme  coupable, 


588  PASSION  DE  JÉSUS-CHUtST. 

mais  à  cause  des  cris  de  ses  ennemis...;  3°  il  violait  le  droit  et  la  loi; 
car  il  condamnait  un  innocent,  de  peur  de  passer  pour  ennemi  de 
César. 

- •  C.  entre  les   Voici  de  nouveaux  outrages  et  de  nouvelles  souffrances  pour  J.  C. 

mains 
oes  soldats.    Après  qu'il  fut  condamné,  les  soldats  du  gouverneur  1  amenèrent 

clans  le  prétoire,  assemblèrent  autour  de  lui  toute  la  cohorte,  le 
dépouillèrent  de  ses  vêtements,  le  couvrirent  d'une  chlamyde  ou 
manteau  militaire,  couleur  d'écarlate,  et  courbant  des  branches  épi- 
neuses, ils  en  formèrent  une  couronne,  la  posèrent  sur  sa  iète  et 
mirent  un  roseau  dans  sa  main  droite.  Puis  fléchissant  le  genou 
devant  lui,  ils  le  raillaient  en  disant  :  Salut,  roi  des  Juifs.  Et  cra- 
chant sur  lui,  ils  prenaient  le  roseau  et  en  frappaient  sa  tète  (Matth. 
xx vu.  29-30). 

Toute  la  cohorte  se  réunit  pour  faire  du  Sauveur  une  sorte  de  roi 
;ie  théâtre,  et  pour  se  moquer  de  lui..... 

Parlant  de  la  manière  dont  les  membres  de  l'Eglise  doivent  sup- 
porter les  souffrances,  saint  Bernard  dit  :  Il  ne  convient  pas  qu'un 
corps  dont  la  tète  est  couronnée  d'épines,  ait  des  membres  délicats  : 
non  decet  sub  capite  spinis  coronato,  membra  esse  delicata  (Serm.  de 
i'assione). 

Saint  Agapit,  martyrisé  à  l'âge  de  quinze  an?,  fut  soumis  par  ses 
bourreaux  à  diverses  tortures  ;  entre  autres,  ils  lui  mirent  sur  la  tête 
des  charbons  ardents.  Le  saint  enfant  se  souvenant  de  la  couronne 
u  épines  de  Notre-Seigneur,  s'écria  :  Il  importe  peu  qu'une  tête  qui 
doit  être  couronnée  dans  le  ciel,  soit  entourée  de  feu  et  brûlée  sur 
la  terre.  Oh!  qu'une  tête  couronnée  de  souffrances  et  blessée  pour 
j.  C,  sera  ornée  d'une  belle  et  riche  couronne  de  gloire  !  (Surius. 
.,,  rjus  vit  a.) 

Quoiqu'ils  eussent  couronné  J.C.  par  dérision,  les  soldats  romains. 
cfit  saint  Bernard,  confessèrent  sa  royauté.  Ils  le  déclarèrent  roi  sans 
se  douter  qu'il  l'était  en  effet  (  In  Passionc)* 

Elu  roi  de  Jérusalem,  Godefroid  de  Bouillon  refusa  de  mettre  sur 
sa  tête  la  couronne  royale,  en  disant  qu'il  ne  convenait  pas  qu'un  roi 
chrétien  portât  une  couronne  d'or,  dans  la  ville  où  J.  C.  avait  été 
couronné  d'épines  [Uist.  des  Croisades)» 

J.  C.  a  été  couronné  d'épines  pour  nous  mériter  le  céleste  dia- 
ie.  La  couronne  il'épinei  qu'a  portée  le  Sauveur  était  la  figure  de, 
006  péchés 


PASSION   DE  JE  US-CHRIST.  589 

Fléchissant  le  genou  devant  lui,  les  soldats  le  raillaient  et 
disaient  :  Salut,  roi  des  Juifs  :  Ave,  rex  Judœorum  (  Matth.  xxvn.  29). 

Toute  langu:-,  dit  saint  Paul,,  confessera  que  le  Seigneur  Jésus  est 
dans  la  gloire  de  Dieu  le  Père  [Philipp.  il.  M  ).  Ils  fléchissaient  le 
genou  devant  lui  :  Au  nom  de  Jésus,  dit  encore  le  grand  Apôtre, 
tout  genou  doit  fléchir  clans  le  ciel,  sur  la  terre  et  dans  les  enfers 
(Philipp.  h.  10).  Salut,  roi  des  Juifs  :  J.  C.  est  effectivement  roi;  il 
règne  au  ciel  par  sa  gloire,  sur  la  terre  par  sa  croix  et  par  sa 
grâce,  dans  l'enfer  par  sa  justice.  Il  est  le  Roi  des  rois,  le  Seigneur 
des  seigneurs  :  Rcx  regum,  Dominus  dominantium  (Apoc.  xix.  16). 

J.  C.  a  enduré  les  dérisions  dont  il  a  été  l'objet  dans  le  prétoire, 
1°  afin  de  nous  faire  connaître  la  vanité  du  monde  et  des  honneurs...; 
2°  atin  de  nous  apprendre  que  pour  régner  avec  lui,  il  faut  fouler  aux 
pieJs  les  honneurs  et  les  voluptés,  et  nous  mépriser  nous-mêmes...; 
3°  parce  que  les  humiliations  devaient  être  les  armes  de  sa  victoire 
sur  Lucifer 

Il  est  impossible  de  savoir,  de  comprendre  et  de  décrire  toutes  les 
atrocités  que  les  soldats  romains,  animés  par  les  démons,  ont  fait 
endurer  à  J.  C,  depuis  le  moment  où  Pilate  le  leur  livra,  jusqu'à 
celui  où  on  le  chargea  de  sa  croix.  Dans  cet  intervalle,  l'enfer  tout 
entier  fut  déchainé,  et  les  hommes  qui  devinrent  ses  instruments 
accomplirent  à  la  lettre  ces  prophéties  de  la  Sagesse  :  Foulons  aux 
pieds  le  juste...,  entourons-le  de  pièges,  parce  qu'il  nous  est  inutile 
et  qu'il  est  contraire  à  nos  œuvres,  parce  qu'il  nous  reproche  nos 
fautes  contre  la  loi,  et  qu'il  tourne  contre  nous  les  mauvais  résultats 
de  nos  doctrines.  11  se  vante  d'avoir  la  science  de  Dieu,  et  il  se 
nomme  le  Fils  de  Dieu.  Il  a  manifesté  nos  pensées.  Il  nous  est  odieux 
même  à  voir;  car  sa  vie  est  différente  de  la  vie  des  autres,  et  ses 
voies  ne  sont  pas  les  nôtres.  11  nous  regarde  comme  livrés  à  la  fri- 
volité; il  s'abstient  de  suivre  nos  traces  comme  on  se  préserve  d'une 
souillure  ;  il  préfère  la  mort  des  justes,  et  se  vante  d'avoir  Dieu  pour 
père.  Voyons  si  ses  paroles  sont  véritables,  éprouvons  ce  qui  lui 
arrivera,  et  nous  saurons  quelle  sera  sa  fin  :  car  s'il  est  vraiment  le 
Fils  de  Dieu,  Dieu  le  soutiendra  et  le  délivrera  des  mains  de  ses 
ennemis.  Interrogeons-le  par  l'outrage  et  par  le  supplice,  afin  que 
nous  connaissions  sa  douceur  et  que  nous  éprouvions  sa  patience. 
Condamnons-le  à  la  mort  la  plus  infâme  (n.  10-20). 

Remarquez  les  douze  raisons  par  lesquelles  les  impies  motivent 
leur  haine  et  leurs  persécutions  contre  J.  G.  :  La  lre,  c'est  qu'il  leur 
est  inutile,  c'est-à-dire  contraire.  La  2%  c'est  qu'il  attaque  leurs 


590  PASSION  DE  JÉSrS-CTITlIST. 

œuvres.  La  3?,c'estqu'il  leur  reproche  la  violation  V  la  1  '.  Lai- . 
qu'il  se  dit  le  Fils  de  Dieu,  et  soutient  qu'il  enseigne  la  science  et 
'a  doctrine  divines.  La  oe,  c'est  qu'il  révèle  leurs  mauvaises  pe 
et  les  condamne.  La  Ce,  c'est  que  sa  gravité,  sa  modestie,  sa  sainteté, 
ses  vertus  blessent  leurs  yeux.  La  7e,  c'est  que  sa  \  ie  n*est  pas  comme 
la  leur.  La  83,  c'est  que  ses  voies  et  ses  pauvres  sont  parfaites.  1 
c'est  qu'il  les  regarde  comme  ne  s'occupant  que  de  frivolité»  et  de 
bagatelles.  La  10e,  c'est  qu'il  s'éloigne  d'eux  comme  d'hommes  Cor- 
rompus. La  \  Ie,  c'est  qu'il  préfère  la  fin  du  juste  à  la  leur.  La  1-2  , 
c'est  qu'il  se  glorifie  d'avoir  Lieu  pour  père 

j.  c.  est       Après  avoir  fait  à  Jésus  toute  espèce  d'outrages ,  on  chargea  d'une 

chargé  de  sa     ,         ,  . 

evoiï.         lourde  croix  ses  épaules  ensanglantées. 

J.  C.  était  accablé  d'une  lassitu  le  mortelle  et  entièrement  brisé.  Il 
avait  passé  une  partie  de  la  nuit  au  jardin  des  douleurs,  où  il  avait 
clé  trahi,  livré  et  chargé  de  liens.  De  là  on  l'avait  entraîné  chez  Anne 
et  Caïphe,  ensuite  chez  Pilate,  qui  l'avait  envoyé  à  H 'rôle;  celui-ci 
l'avait  renvoyé  à  Pilate.  Et  dans  tous  ces  lieux,  pour  lui  comparables 
à  l'enfer  plein  de  démons,  il  avait  été  en  butte  à  la  haine,  à  la  fureur, 
aux  calomnies,  aux  insultes,  à  des  outrage?  inouïs.  Pilate  l'avait  fait 
attachera  une  colonne  et  battre  de  verges.  Puis  les  sol  lais  lui  avaient 
mis  une  couronne  d'épines  sur  la  tôle,  un  manteau  de  pourpre  sur 
les  épaules,  un  sceptre  de  roseau  à  la  ma  n,  et  le  gouverneur  de  la 
Judée  l'avait  présenté  en  cet  état  au  peuple  comme  un  jotiet.  Après 
YEcce  Aomo,le  Sauveur  était  retombé  entre  les  mains  des  soldats,  qui 
l'avait  de  nouveau  maltraité.  Et,  sauf  lui  donner  un  instant  de  repos, 
on  l'avait  chargé  de  la  croix  ,  alin  qu'il  la  portât  jusqu'au  moment 
où,  cloué  sur  elle,  il  y  expirerait. 

D'après  la  tradition,  la  croix  avait  cinq  mètres  de  longueur,  et  ses 
bras  trois  mètres.  Elle  était  d'une  grosseur  proportionnée.  J.  C.  fut 
contraint  de  la  porter  sur  ses  épaules  meurtries  et  ensanglaut- 1  s. 
C'était  l'habitude  que  le  condamné  portât  L'instrument  de  son  sup- 
plice. Epuisé,  ù  demi  mort,  le  divin  Uédempteur  tomba  trois  fois 
dans  le  long  trajet  qu'il  avait  à  faire,  et  trois  fois  on  le  releva  à  coups 
de  fouets  et  de  bâtons.  11  alla  pieds  nus,  laissant  sur  son  passage  une 
j-ace  de  sang 

Voyant  néanmoins  que  J.  C.  ne  pouvait  seul  porter  sa  croix,  le» 
bourreaux  forcèrent  un  habitant  de  Cyrônej  nommé  Simon,  à  lui. 
donner  de  l'aide.  Ce  n'était  point  par  pitié  ni  par  charité  qu'ils  en 
agissaient  ain&i,  mais  ils  craignaient  que  J.  C.  ne  mourût  en  chemin. 


-siox  le  jÉsus-cimisT.  591 

et  ils  voulaient  le  traîner  jnsyu'au  Calvaire,  afin  de  racorihlcr  de  dou- 
leurs plus  cruelles  encore  et  de  l'abreuver  à  leur  aise  d'opj  robrcs  et 
d'humiliations.  Ils  désiraient;  ussi  qu'il  aKàt  plus  vite,  afin  depouvoir 
le  crucifier  de  meilleure  heure  el  s'en  retourner  doucement  prendre 
du  repos  dans  leurs  familles. 

Simon  est  appelé  à  porter  la  croix,  pour  que  nous  sachions  bien 
que  la  croix  n'était  pas  due  à  J.  C,  u  ais  à  l'homme  coupable;  et 
afin  que  nous  apprenions  à  la  porter  à  !a  suite  du  Sauveur,  sekn 
ces  paroles  de  J.  C.  lui-même  :  Celui  qi.i  ne  prend  pas  sa  croix  et 
ne  me  suit  pas,  n'est  pas  digue  de  moi.  Qui  non  accipit  crucem  suam, 
et  sequitur  me,  non  est  me  dignus  (Matth.  x.  38). 

Sur  le  chemin  du  Calvaire,  J.  C.  rencontra  quelques  femmes 
pieuses  qui  fondaient  en  larmes.  11  leur  jeta  un  regard  détendre 
charité,  et  leur  dit  :  Filles  de  Jérusalem,  ne  pleurez  point  sur  moi, 
mais  sur  vous-mêmes  et  sur  vos  enfants  (  Luc.  xxin.  28  ).  Misérables 
pécheurs  que  nous  sommes,  pleurons  nos  péchés  qui  sont  la  cause 
des  souffrances  et  de  la  mort  du  Fils  de  Dieu. 

E^FTBr,  J.  C.  arriva  sur  le  Calvaire Calvaire. 

TçriulJjen,  Origène,  saint  Cyprien,  saint  Athanase,  saint  Cyrille, 
saint  Ambroise,  saint  Augustin  et  plusieurs  autres  Pères  disent 
qu'Adam  a  été  enseveli  sur  le  Calvaire.  On  attribue  le  nom  que 
porte  la  montagne  du  crucifiement  à  la  présence  de  la  tête  du  pre- 
mier homme;  et  c'est  pour  se  conformer  à  cette  tradition  que  Iff 
peintres  mettent  une  tête  de  mort  au  bas  de  la  croix.  Ainsi,  le  sang 
de  J.  C.  aurait  coulé  sur  les  derniers  restes  du  père  de  la  race 
humaine.  0  toi  qui  dors  dans  ton  repentir  depuis  des  siècles ,  Adam, 
lève-toi ,  sors  d'entre  les  morts,  ton  Dieu  meurt  pour  te  ressusciter. 

Le  Calvaire  était  le  lieu  du  supplice  des  plus  grands  scélérats;  et 
en  y  expirant ,  Jésus-Christ  expiait  par  une  humiliation  plus  pro- 
fonde les  abominables  iniquités  du  monde.  C'est  là  que  le  Sauveur  a 
rendu  les  souffrances  honorables  et  méritoires  ;  c'est  là  qu'il  les  a 
sai.ctifites. 

Saint  Jérôme,  saint  Augustin,  le  vénérable  Bèdc  ,  etc.,  ensei- 
gnent que  le  Calvaire  est  la  montagne  sur  laquelle  Dieu  avait 
î-rdonné  à  Abraham  de  lui  sacrifier  Isaac.  Il  s'ensuit  que  l'Agneau 
«ans  tache ,  J.  C,  aurait  été  immolé  à  l'endroit  môme  où  Abraham 
vit,  embarrassé  par  les  cornes  dans  des  épines,  un  agneau  qu'il 
eûrit  à  la  place  de  son  fils.  Figure  admirable  et  ravissante  de  J.  C. 
couronné  d'éoines  et  immolé  sur  le  Cahairu 


«92  PASSION  DE  IÉSTJS-CHIUST. 

Parlant  du  Sauveur  chargé  de  la  croix  et  gravissant  la  montagne 
du  Calvaire  ,  saint  Augustin  s'écrie  :  Grand  spectacle  !  si  L'impiété 
y  jette  les  yeux,  elle  y  aperçoit  une  immense  et  cruelle  dérision;  si 
la  piété  le  contemple  ,  (lie  y  découvre  un  profond  et  sublime  mys- 
tère. Si  l'impiété  y  jette  les  yeux ,  elle  y  trouve  une  grande  leçon 
d'ignominie;  si  la  piété  le  contemple,  elle  y  voit  un  grand  monu- 
ment de  la  foi.  Si  l'impiété  y  jette  les  yeux,  elle  se  rit  du  roi  qui , 
pour  tout  sceptre  de  commandement,  porte  le  bois  de  son  supplice; 
si  la  piété  le  contemple ,  elle  reconnaît  son  roi  qui  porte  le  bois  sur 
lequel  il  doit  être  attaché ,  bois  qui  plus  tard  fera  l'ornement  du 
diadème  des  souverains ,  la  croix  que  les  impies  méprisent  et  que 
les  saints  trouvent  glorieuse  (  Tract,  cxvn  in  Joann.  ). 

David,  gravissant  le  Calvaire,  pieds  nus ,  pleurant  et  fuyant  ses 
ennemis,  est  aussi  la  figure  de  J.  C.  (11.  Reg.  xv.  30 ). 

Crucifiement.  Arrivés  au  sommet  du  Calvaire,  les  bourreaux  se  hâtèrent  de  dépouil- 
ler J.  C.  de  sa  tunique,  et  ils  la  jetèrent  au  sort.  En  lui  enlevant  sans 
pitié  un  vêtement  qui  était  collé  à  sa  chair,  ils  rouvrirent  toutes  ses 
plaies,  et  le  sang  ruissela  en  abondance  de  chaque  partie  de  son 
corps.  Puis,  ils  étendirent  sur  la  croix  l'innocente  victime,  et  se 
préparèrent  à  l'immoler.  Dieu  tout-puissant,  vous  qui  arrêtâtes  la 
main  d'Abraham  près  de  frapper  Isaac,  laisserez-vous  mettre  à 
mort  votre  Fils  unique  ,  Dieu  avec  vous  et  comme  vous?  Arrêtez, 
Père  céleste ,  arrêtez  le  bras  des  bourreaux  !  Mais  non  :  infiniment 
outragé  par  les  hommes  qui  ne  peuvent  expier  leurs  offenses ,  Dieu 
veut  pour  victime  un  Dieu  qui  efface  les  forfaits  des  hommes.  Le 
sang  d'Isaac  n'aurait  pas  lavé  la  terre  ,  le  déluge  lui-même  ne  l'a 

pas  lavée;  seul ,  le  sang  de  J.  C.  la  rendra  nette  et  pure 

Divin  Agneau,  laissez- vous  donc  élever  en  croix;  mourez,  6 

Jésus,  mourez  pour  racheter  l'univers  coupable Puisque  c'e.-t 

ainsi  que  vous  devez  calmer  la  colère  de  votre  Père ,  satisfaire  à  sa 
justice,  déchirer  l'arrêt  de  mort  porté  contre  l'homme,  ouvrir  le 
ciel,  fermer  l'enfer,  abattre  la  mort,  vaincre  et  lier  Satan,  mou- 
rez! Voyez  comment  les  bourreaux,  monstres  sans  entrailles,  s'em- 
pressent d'étendre  le  Sauveur  sur  la  croix!  Voyez-les  à  l'œuvre, 
clouant  ses  mains  et  ses  pied-  avec  d'énormes  clous!  Considérez 
avec  quelle  rage  ils  s'empressent  de  le  suspendre  entre  le  ciel  et  la 
terre  ! 

J.  C.  en  croix  endura  di    t  irment-  principaux:  :  Premier  tour- 
ment, ses  mains  et  ses  pi  ds  étaient  déchirés  par  les  clous 


TASSION  DE  JÉSUS-CHRIST.  503 

Second  tourment,  tout  Je  poids  de  son  corps  se  trouvait  supporté 

par  ses  mains  et  ses  pieds  cloués Troisième  tourment,  il 

demeura  suspendu  à  la  croix  durant  trois  heures Quatrième 

tourment ,  ses  membres  étaient  tellement  disloqués,  qu'on  pouvait 

compter  tous  ses  os Cinquième  tourment,  il  fut  placé  entre 

deux  larrons,  comme  s'il  eût  été  leur  chef Sixième  tourment, 

il  était  dépouillé  de  tous  ses  vêtements Septième  tourment,  il 

éprouva  une  soif  dévorante Huitième  tourment,  il  n'eut  que  du 

fiel  pour  l'apaiser Neuvième  tourment,  il  entendit  les  blas- 
phèmes éclater  de  toutes  parts  contre  lui Dixième  tourment,  ses 

regards  tombaient  sur  sa  sainte  mère,  qui  souffrait  à  ses  pieds 

0  vous  tous  qui  passez  par  le  chemin ,  regardez  et  voyez  s'il 
est  une  douleur  comparable  à  la  mienne,  s'écrie  l'Homme -Dieu 
par  la  bouche  de  Jérémie  :  0  vos  omnes  qui  transitis  per  viam,  atten- 
dite  et  videle,  si  est  dolor  sicut  dolor  meus  (  Lament.  i.  12). 

Il  a  été  sacrifié ,  parce  qu'il  l'a  voulu ,  dit  Isaïe,  et  il  n'a  pas  ouvert      Uonceui 
la  bouche  :  il  sera  conduit  à  la  mort  comme  une  brebis ,  il  sera  muet      P'yie£cc 
comme  un  agneau  devant  celui  qui  le  tond  :  Oblatus  est  quia  ipse 
voluit,  et  non  aperuit  os  suum  :  sicut  ovis  ad  occisionem  ducetur,  et 
yuasi  agnus  coram  tondente  se  obmutescet,  et  non  aperiet  os  suum  (lui.  7). 

Ce  n'est  pas  un  peu  de  laine  qu'on  enlève  à  cet  agneau  divin, 
c'est  son  corps  que  l'on  déchire ,  son  sang  et  sa  vie  qu'on  lui  arra- 
che ;  et  il  ne  se  plaint  pas,  il  ne  résiste  pas  ;  mais  il  supporte  tout 
avec  la  plus  douce  et  la  plus  entière  patience 

Saint  Jean-Daptiste  faisait  allusion  aux  paroles  d'Isaïe  que  nous 
venons  de  citer  quand  il  disait  aux  Juifs,  en  montrant  J.  C.  :  Vcilà 
{'Agneau  de  Dieu  :  Ecec  Agnus  Del  (Joann.  1.  36);  c'est-à-dire, 
voilà  l'agneau  préJil  par  ïsaïe,  figuré  par  l'agneau  pascal,  et  par 
l'agneau  pris  par  les  cornes  dans  un  buisson  d'épines  et  immolé  par 
Abraham 

Au  temps  de  Noé  ,  Dieu  s'est  montré  comme  un  lion  et  il  a  tiré 
.■ance  des  péchés  qui  couvraient  la  terre  en  ensevelissant  les 
hommes  sous  les  flots  du  déluge;  J.  C,  lui,  est  venu  les  expier  avec 
la  douceur  d'un  agneau.  Les  eaux  du  déluge  ont  tué  les  hommes ,  et 
non  les  péchés;  le  sang  de  l'agneau  tue  les  péchés  et  ressuscite  les 
hommes. 

Je  suis,  dit  le  divin  Sauveur  par  la  bouche  de  Jérémie,  je  suis 
comme  un  agneau  paisi.^e  qu'on  porte  à  l'autel  :  Ego  quasi  agnus 
mansuetus  qui  portatur  ad  victmam  (  xi.  19). 

1U.  88 


894  PASSION  DE  JÉSUS-CHRIST. 

Comme  l'agneau  qu'on  tond  perd  sat<  ison,  dit  saint  Jérôme;  ainsi 
J.  C.  a  donné  son  corps  et  a  gardé  sa  divinité  (  De  Judœis). 

J.  C.  a  été  Pilate  écrivit  une  inscription  en  hébreu ,  en  grec  el  en  latin,  et  il  la 
deClacroix.SUr  nt  mettre  au  haut  de  la  croix;  elle  était  ainsi  conçue  :  Celui-ci  est 
Jésus  roi  des  Juifs  :  Hic  est  Jésus  rex  Judœorum  (  Matth.  xxvn.  37  ). 
Beaucoup  de  Juifs  lurent  cette  inscription,  et  les  princes  des  prêtres 
dirent  à  Pilate  :  N'écrivez  point  :  lloi  des  Juifs;  mais  qu'il  a  dit  :  Je 
suis  le  roi  des  Juifs.  Pilate  répondit  :  Ce  qui  est  écrit,  est  écrit  : 
Éespondit  Pilatus  :  Quod  scripsi,  scrip&i  { Joann.  23X.  20-22).  Juifs 

déicides,  vous  ne  le  voulez  pas  pour  roi  ;  il  sera  le  roi  des  nations 

J.  C.  est  le  roi  et  le  prince  des  douleurs;  il  triomphe  royalement 
de  toutes  par  sa  patience  et  sa  charité  divines.  Régnez  donc,  ô  Jésus, 
dans  le  palais  du  Calvaire,  sur  le  troue  de  la  croix ,  sous  la  pourpre 
de  votre  sang,  avec  le  sceptre  de  vos  clous  et  votre  couronne 
d'épines.  Vous  portez  ce  titre  :  Roi  des  Juifs  ,  "c'est-à-dire  roi  des 
hommes  les  plus  injustes  et  des  ennemis  les  plus  cruels.  Pour 
courtisans,  vous  avez  des  accusateurs;  pour  gardes  d'honneur,  des 
larrons;  au  lieu  d'une  armée  prête  à  vous  défendre,  des  bourreaux 
acharnés  à  vous  faire  souffrir.  Sur  le  Calvaire ,  vous  êtes  dans  votre 
empire,  dans  toute  la  pompe  et  l'appareil  de  la  royauté,  vous 
triomphez.  0  roi  de  douleurs ,  votre  table  est  servie  de  fiel  et  de 
vinaigre;  vous  avez  pour  parfums  l'odeur  des  crimes;  pour  feux  de 
joie,  des  ténèbres  épaisses;  pour  symplionie,  les  blasphèmes  et  le 
tremblement  de  terre;  pour  tapis,  des  ossements  de  suppliciés;  pour 
collier  d'or  et  pour  bracelets,  la  plaie  brillante  de  votre  cœur. 
le  ciel  que  nous  comprenions  ce  que  nous  devons  être  sous  un  tel 
roi  et  dans  un  tel  royaume  ! 

Mais  si  Jésus-Christ  est  déclaré  roi  sur  la  croix,  ce  n'est  pas  sans 
motif;  c'est  par  la  royauté  de  sa  croix  qu'il  devient  roi  de  tous  les 
cœurs  ;  qu'il  triomphe  du  péché ,  de  la  mort,  des  démons  et  de 
l'enfer 

ea     Les  passants  le  blasphémaient  nrard-  et  lisant  :  Toi  r.n 

co  e  .  .  (]^ruis  ]e  temple  ,|e  liUu,  cl  le  rebâtis  en  trois  jours,  que  ne 
te  sauves-tu  toi-même?  Si  tu  es  le  Fils  de  Dieu,  descends  de  la  croix. 
Les  prin  uvs  aussi,  et  les  scribes ,  et  les  anciens,  disaient 

avec  moquerie:  li  a  sauvé  les  autres,  et  il  ne  peut  se  sauver  lui- 
môme  :  s'il  est  le  roi  d'Israël,  qu'il  descende  maintenant  de  la  croix, 
et  nous  croirons  en  lui.  Il  se  aaQ$6  en  Dieu;  que  Dieu  le  délivre.,  s'il 


PASSION  EE  JÉSUS-CRUTST.  595 

i  :  car  il  a  dit  :  Je  suis  le  Fils  de  Dieu.  Les  voleurs  qu'on  avait 
crucifiés  avec  lui ,  lui  adressaient  les  mûmes  reproches  (Matth. 
xxvi  r.  39.  44). 

0  blasphémateurs  !  il  descendrait  s'il  le  voulait ,  mais  le  mon  le  no 
;  pas  sauvé  ;  il  ne  quittera  le  trône  où  vous  l'avez  placé  que 

il  aura  accompli  son  œuvre 

Jésus  dit  :  J'ai  soif  j  on  l'abreuva  de  fiel  et  de  vinaigre  (  Joann. 
xix.  29). 

Un  des  voleurs  suspendus  en  croix  blasphémait  J.  C,  disant  :  Si  Boutait' 
tu  es  le  Christ,  sauve-toi,  et  sauve-nous.  Mais  l'autre  le  reprenait, 
disant  :  Ne  crains-tu  point  Dieu,  toi  non  plus,  qui  subis  la  même 
condamnation?  Pour  nous  c'est  justement,  car  nous  recevons  ce  que 
nos  actions  méritent;  mais  celui-ci  n'a  rien  fait  de  mal  (  Luc.  xxui. 
39-41  ).  Au  milieu  de  la  multitude  d'ignorants,  d'aveugles  et  de 
blasphémateurs  qui  couvraient  le  sommet  du  Calvaire,  ce  voleur  tout 
à  coup  ce  sentit  pris  du  repentir  de  ses  crimes;  il  confessa  l'inno- 
cence et  la  divinité  de  J.  C,  il  tourna  vers  lui  ses  yeux  pleins  de 
larmes  et  lui  adressa  cette  prière  :  Seigneur,  souvenez-vous  de  moi 
quand  vous  arriverez  dans  votre  royaume.  Et  Jésus  lui  répon  lit  :  En. 
vérité,  je  vous  le  dis,  aujourd'hui  vous  serez  avec  moi  dans  11 
paradis  (  Luc.  xxm.  42.  43). 

Réfléchissez ,  dit  saint  Ambroise ,  et  vous  verrez  que  la  croix  est 
un  tribunal.  Suspendu  à  ses  bras,  est  le  juge;  le  larron  qui  croit 
est  sauvé  ;  celui  qui  insuite  est  condamné.  Déjà  J.  C.  montrait  ce 
qu'il  ferait  au  jour  des  vivants  et  des  morts ,  lorsqu'il  placerait  les 
uns  à  sa  droite  et  les  autres  à  sa  gauche?  (  Comment,  in  Luc.  xxm.  ) 

Que  dites -vous,  ô  Jésus?  s'écrie  saint  Chrysostome.  Vous  êtes 
attaché  à  la  croix  par  des  clous,  et  vous  promettez  le  paradis!  — 
Oui,  je  le  promets,  afin  que  tu  apprennes  la  vertu  de  ma  croix 
{Homii.  de  Cruce  et  Lazaru). 

PêHDàKT  que  J.  C.  versait  son  sang  pour  le  salut  du  monde,  Marie  se  Mario  au  pied 
tenait  au  pied  de  la  croix:  Stabat  autem  juxta  crucem  Jesu  mater  de  la  croix. 
ejus  (Joann.  xix.  25  ).  C'est  là  surtout  que  s'accomplit  la  terrible 
Drophélie  qu'avait  fait  entendre  le  saint  vieillard  Siméon,  lorsque 
Jésus  enfant  fut  présenté  au  temple  par  sa  divine  mère  :  Un  glaive 
de  douleur,  lui  dit-il,  percera  votre  âme  :  Tuant  ipsius  animam  per- 
tramibit  gladius  (Luc.  n.  35).  La  très -sainte  Vierge  sou'l'rit  1°  des 
horribles  souffrances  de  son  fils  chéri  et  adorable;  elle  les  partagea: 


50G  PASSION  DE  JÉSUS-CHIUST. 

l'amour  de  Marie  est  la  mesure  de  sa  douleur;  et  comme  jamais 
mère  n'a  autant  aimé  un  fils ,  jamais  mère  n'a  éprouvé  une  do  r 
comparable  à  celle  de  Marie.  Chez  les  martyrs  et  les  autres  sainte, 
l'amour  était  un  adoucissement  à  leurs  souffrances ,  un  baume 
divin;  plus  ils  aimaient,  moins  ils  ressentaient  les  tortures  qu'en 
leur  taisait  subir.  En  Marie ,  c'est  le  contraire  ;  plus  elle  aime  ,  plus 
elle  souffre;  et  comme  elle  aime  infiniment,  elle  souffre  infini- 
ment  Ajoutez  que  les  souffrances  de  Marie  augmentent  celles  de 

son  adorable  fils 

Quel  spectacle  pour  la  plus  tendre  des  mères,  devoir  son  fils  uni- 
que, son  fils  bien-aimé  ,  son  Dieu  couvert  de  sang  et  de  plaies*  les 
membres  brisés,  les  pieds  et  les  mains  percés,  suspendu  à  une  croix, 
accablé  de  blasphèmes,  abandonné  de  Dieu  et  des  hommes  et  près 
d'expirer  !  Quel  spectacle  pour  Jésus  d'apercevoir  à  ses  pie  Is .  arr» 
sée  de  son  sang,  sa  mère  toute  sainte,  qu'il  aimait  d'un  amour  divin 
et  mille  fois  plus  que  tous  les  anges  et  tous  les  hommes  réuni-  !.., 

2°  Marie  souffrit  par  compassion;  toutes  les  douleurs  de  son  Gis 
étaient  les  siennes 

3°  Elle  souffrit  en  raison  de  ladignitéde  son  fils  et  de  la  sienne 

4°  Elle  soutint  en  raison  de  la  longueur  des  tourments 

5°  Elle  souffrit  par  sollicitude;  elle  voyait  J.  C.  souffrir  seul,  aban- 
donné de  ses  apùtres,  de  ceux  qu'il  avait  soulagés  et  guéris,  des 
hommes,  des  anges  et  de  son  Père  lui-même 

6°  Elle  souffrit  des  horribles  calomnies,  des  blasphèmes,  des 
imprécations,  des  malédictions  dont  on  accablait  son  fils 

7°  Elle  souffrit  de  l'avoir  continuellement  sous  les  yeux  et  d'ètra 
le  témoin  de  chacune  de  ses  douleurs 

Il  n'y  a  rien  d'étonnant  si  les  saints  Pères  et  tous  les  docteurs 
enseignent  que  la  bienheureuse  vierge  Marie  mère  de  Dieu,  fut  mar- 
tyre et  plus  que  martyre,  le  glaive  de  douleur  ayant  seulement 
déchiré  le  corps  des  martyrs,  tandis  qu'il  a  percé  l'âme  de  J.  C.  et 
de  Marie  :  Et  tuam  ipsius  animam  pertransibit  gladius  (Luc.  il.  3r>). 
Comme  J.  C.  a  infiniment  plus  souffert  que  tous  les  martyrs  réunis. 
ainsi  Marie  a  plus  souffert  aussi  que  tous  les  martyrs  pris  ensemble  ; 
Marie  a  connu  toutes  les  douleurs  du  crucifié.  Chacune  des  torturci 
subies  par  le  Sauveur  l'a  été  par  elle.  Ses  souffrances  furent  in  lie  - 

Lies L'amour  de  Mario  est  plus  fuit  que  la  mort;  r  Ile  fait  sa 

mort  de  la  mort  de  J.  C. 

La  très-sainte  Vierge  aussi  pouvait  emprunter  ces  paroles  de  Jéré* 
mie  :  U  \ous  tous  qui  passez  par  ie  chemin,  regardez  et  voyez  s'il  esL 


PASPIO::  DE  JESUS-CHRbT.  507 

une  douleur  pareille  à  la  mienne  :  Ovos  omnes  qui '  trânsitis per  viarn, 
attendite  et  videte  si  est  dolor  sicut  dolor  meus  (i.  12. 

Saint  Bernardin  de  Sienne  dit  :La  douleur  d  ;  Marie  fut  ri  grande, 
que  si  elle  était  partagée  entre  tous  les  hommes,  ils  mourraient 
soudain  :  Tantus  fuit  dolor  Virginis,  quod  si  in  omnes  creatur as  divi- 
derctur,  omnes  subito  interirent  (T.  II,  serm.LXi). 

La  langue,  dit  saint  Bernard,  ne  pourra  jamais  exprimer,  ni 
l'intelligence  comprendre  de  quelle  douleur  le  cœur  pieux  de  Marie 
était  déchiré  :  Nec  lingua  poterit  loqui ,  nec  mens  cogitare  valebit, 
quanto  dolore  afficiebantur  pia  viscera  Mariœ  (Serm.  xxix  in  Cant.  ). 
Maintenant,  continue  saint  Bernard,  maintenant,  ô  tendre  mère, 
vous  payez  avec  usure  les  souffrances  que  vous  a  épargnées  la  nature 
lors  de  votre  enfantement.  Vous  n'avez  pzs  ressenti  de  douleur  en 
mettant  au  monde  votre  fils,  mais  à  sa  mort  vous  êtes  percée  de  mille 
glaives  {Ut  supra). 

Marie  était  plongée  dans  les  plus  cruelles  douleurs,  dit  saint  Chry- 
sostome  :  Stabat  doloribus  immersa  (De  Cruce). 

Au  milieu  d'une  si  cruelle  épreuve ,  la  bienheureuse  vierge  ne  se 
pVignit  pas;  elle  partagea  la  douceur,  la  patience,  la  résignation  de 
son  divin  fils... ,  résignation  entière  à  la  volonté  de  Dieu 

Combien  la  douleur  de  Marie  augmenta,  lorsqu'à  sa  place  Jésus 
lui  laissa  saint  Jean  pour  fils  !  Dixit  matri  sua?  :  Mulier,  ecce  filius  tuus 
(  Joann.  xix.  26).  O  mon  fils,  quel  échange  !  eût-elle  pu  dire.  Est-C2 
qu'un  des  enfants  des  hommes  peut  me  dédommager  de  la  perte  que 
je  fais?... 

Du  haut  de  la  croix,  J.  C.  s'écria  :  J'ai  soif:  Sitio  (Joann.  xix.  28).         Sitio. 
Les  cruelles  et  longues  douleurs  que  le  Sauveur  avait  endurées  lui 
avaient  donné  une  soif  brûlante.  Ma  langue  s'est  attachée  à  mon 
palais ,  dit-il  par  la  bouche  de  son  Prophète  :  Et  lingua  mea  adhœsit 
faucibus  meis  (Psal.  xxi.  16). 

Mais  par  ce  mot  sitio  il  voulait  exprimer  une  soif  bien  plus  péné- 
trante que  celle  qui  accable  le  corps  :  la  soif  du  salut  des  âmes ,  la 

soif  d'être  aimé  des  hommes C'est  son  amour  pour  nous  qui  le 

dévorait 

Dieu,  dit  saint  Paul,  a  manifesté  l'amour  qu'il  nous  porte,  en  ce 
que,  dans  le  temps  même  où  nous  étions  pécheurs,  le  Christ  est 
mort  pour  nous  :  Commendat  carita'.em  suam  Deus  in  nobis ;  quoniam 
cum  ad  hue  peccatores  essemus,  Chrislus  pro  nobis  morluus  est  (  Rom.  v. 
i>  9).  Aussi,  dit  cet  incomparable  apôtre ,  pour  lui  témoigner  mon 


508  PASSION  de  ït$vfc«k[St2 

amour  et  ma  reconnaissance,  je  me  suis  cloué  à  la  croîs  du  Christ. 
Et  je  vis ,  non  plus  moi ,  mais  le  Christ  vit  en  moi.  Je  vis  pour  lui 
qui  m'a  aimé ,  et  qui  s'est  lui-môme  livré  pour  moi  :  Çhristo  confi- 
xus  sum  ervei.  Viuo  autem,  jam  non  ego;  viuit  vero  in  me  Christ  us , 
qui  dilexit  me,  et  tradidit  seipswn  pro  me  (Gai.  n.  19.  20).  Marchez, 
écrit-il  aux  Ephésiens,  marchez  dans  l'amour,  comme  le  Christ 
nous  a  aimés ,  et  s'est  livré  lui-même  pour  nous  en  oblation  à  Dieu, 
et  en  hostie  de  suave  odeur  :  Ambulate  in  dilectione ,  sicut  et  Christus 
dilexit  nos ,  et  tradidit  sometipsum  pro  nobis,  oblalionem  et  hostiam  in 
odorern  suavitatis  (  v.  2). 

Sitio  :  J'ai  soif.  J.  C.  nous  a  aimés  tendrement  et  efficacement, 
non  en  paroles,  mais  en  action;  car  par  amour  pour  nous,  il  a 
livré  volontairement  et  très-librement,  non  ses  richesses,  non  ses 
frères  et  ses  amis,  non  ses  anges,  mais  lui-même  tont  entier.  Pour 
nous  pécheurs  et  ses  ennemis,  pour  l'expiation  de  nos  fautes,  ;  ' 
livré,  non  pas  en  oblation  verbale  et  peu  coûteuse,  mais  en  oblation 
sanglante  et  vivifiante 

Il  a  vraiment  lui-même  porté  nos  infirmités,  dit  Tsaïe;  il  s'es" 
chargé  de  nos  douleurs  :  Y  ère  languores  nosiros  ipse  tulii,,  et  dUora 
nostros  ipse  port  avit  (lui.  4). 

Le  Prophète  dit  nos  infirmités,  nos  douleurs,  parce  que  la  tache 
du  péché  était  notre  fait,  et  que  la  peine,  par  conséquent,  ne  devait 
tomber  que  sur  nous. 

Des  châtiments  nous  étaient  réservés  ;  l'obligation  de  soulîrir  s'était 
attachée  à  nous;  nous  avions  mérité  les  douleurs  du  temps  et  de 
l'éternité.  Dans  la  soif  ardente  de  son  amour  pour  noue,  J.  C.  s'est 
chargé  de  toutes  nos  dettes. 

U  a  porté  nos  péchés  dans  son  corps  sur  le  bois ,  dit  l'apôtre  saint 
Pierre,  afin  que,  morts  au  péché,  nous  vivions  à  la  in  st  lui 

qui,  par  ses  plaies,  nous  a  guéris  :  Peccata  nostra  ipse  pcrlulit  in  coi*- 
pore  suo  super  lignum  ;  ut  peccalis  mortui ,  justitiœ  viuamus  ;  cujuslivorc 
sanati  eslis  (l.  u.  2  i).  Effaçant  l'obligation  que  non*  a\  ions  sou 
et  qui  était  contre  nous,  il  l'a  prise  et  l'a  clouée  àla  croix,  dit  saint 
Paul  aux  Colossiens  :  Delens  qund  adversus  nos  erat  chirogrophum 
decreti,  quod  erat  contrarium  nobis ,  et  ipsum  tulit  de  medio ,  af/igen$ 
illud  cruti  (n.  14). 

T,r*sept      Jésus-Christ  crucifié  prononça  ces  paroles  pleines  de  sagesse*  do 
Psm''u croix.*  bonté,  d'amour,  de  miséricorde,  de  puissance  : 

i"  Mon  Père,  pardon  nez -leur,  car  ils  ne  savent  ce  qu'ils  tant  : 


ÏASSÏON  DE  JÉSUS-CHMSÏ.  §09 

Pater,  dimitte  illis;  non  enfin  sciunt  quid  faciunt  (Luc.  îxïïi.  34). 
Écoutez  saint  Bernard  :  J.  G.  a  été  flagellé,  couronné  d'épines,  percé 
de  clous ,  attaché  au  gibet ,  rassasié  d'opprobres  ;  et  oubliant  tant 
d  outrages  et  de  douleurs  :  Pardonnez-leur,  dit-il,  car  ils  ne  savent 
ce  qu'ils  font.  0  Seigneur,  que  vous  êtes  riche  en  miséricorde  ! 
Combien  votre  douceur  abonde!  Que  vos  pensées  sont  au-dessus  de? 
nôtres.!  Que  votre  clémence  va  loin  à  l'égard  des  plus  grands 
pécheurs  et  des  impies!  Chose  admirable!  ce  Dieu  d'amour  crie  : 
Mon  Père,  pardonnez-leur  ;  et  les  Juifs  :  Crucifiez-le  :  Mira  res!  Me 
clamât  :  Iynosce  ;  Judœi  :Crucifige.  De  quel  torrent  de  délices  n'abreu- 
verez-vous  pas.  Seigneur,  ceux  qui  vous  désirent,  vous  qui  versez  si 
abondamment  l'huile  de  votre  miséricorde  sur  ceux  qui  vous  cruci- 
fient !  Qaomodo  potabis,  Domine,  desiderantes  te,  torrente  voluptatistuœ, 
qui  sic  perfundis  cruci/igentes  te  oleo  misericordiœ  tuœ!{Serm.  de  Pass.). 
L'homme  qui  se  sent  tenté  d'obéir  à  la  haine  et  à  la  vengeance 
doit  toujours  avoir  présents  à  l'esprit  cette  prière  et  l'amour  que  le 

Sauveur  a  témoignés  à  ses  ennemis 

La  seconde  parole  de  J.  C.  sur  la  croix  fut  adressée  au  bon  larron 
qui  implorait  sa  bonté  :  Aujourd'hui,  lui  dit-il,  tu  seras  avec  moi 
dans  le  paradis  :  Hodie  mecum  eris  in  paradiso  (Luc.  xxiu.  43).  Il 
parla,  et  c'était  pour  promettre  sa  gloire.  Ne  mourait-il  pas  en  effet 
pour  ouvrir  le  ciel  aux  pécheurs  ? 

La  troisième  parole  de  Jésus-Christ  fat  adressée  à  sa  mère  ;  lui 
montrant  saint  Jean,  il  dit  :  Femme,  voilà  votre  fils.  Et  ensuite  au 
disciple  :  Voilà  votre  mère  :  Dicit  matri  suœ  :  Mulier ,  ecce  fdius  tuus. 
Deinde  dicit  discipido  :  Ecce  mater  tua  (Joann.  xrx.  2G.  27).  Nouveau 
témoignage  d  amour;  le  Sauveur  donnait  sa  propre  mère  pour 

mère  à  tous  les  hommes  dans  la  personne  de  saint  Jean 

La  quatrième  parole  de  Jésus-Christ  fut  un  appel  à  son  Père  :  Mon 
Dieu ,  mon  Dieu,  s'éciia-t-il,  pourquoi  m'avez-vous  délaissé  ?  Deus 
meus,  Deus  meus,  ut  quid  dereliquisti  me?  (Matth.  xxvii.  46.) 
Prise  dans  le  sens  de  la  croix  et  de  la  mort ,  cette  sorte  de  plainte 
signifie  non  pas  que  J.  C.  était  abandonné,  mais  que  son  père 
voulait  qu'il  mourût.  A  plus  forte  raison  ne  signifie-t-elle  pas 
que  J.  C.  se  désespérait,  comme  le  prétend  l'infâme  blasphémateur 

Calvin 

La  cinquième  parole  de  J.  C.  crucifié  fut  celle-ci  :  J'ai  soif  :  Sitio 
(Joann.  xix.  28). 

La  sixième  déclara  que  tout  était  ce;  -ommé  :  Consummatum  est 
(Joann.  xix.  30). 


COO  PASSTON  DE  JÊSUS-CHIIIST. 

La  septième  fut  la  parole  suprême  du  mourant  :  Père,  je  remets 
mon  esprit  entre  vos  maius  :  Pater,  in  manus  tuus  commendo  spiritum 
meiim  (Luc.  xxm.  46). 

Et  baissant  la  tète,  il  rendit  l'esprit  :  Et  inclinato  capite  ,  tradidit 
Spiritum  (Joann.  xix.  30).  Tout  est  vraiment  consommé;  notre  Dieu 
est  mort,  nos  péchés  l'ont  immolé 

ré- çsttfJ.C.  Pourquoi  J.  C.  est-il  mort,  et  surtout  pourquoi  a-t-il  enduré  une 

uàub.ime telle  .  „   ,      _  .        .  ,,        .     .    .  .    .  „  „  .  v,        ■    . 

mort.  mort  à  la  fois  si  cruelle  et  si  ignominieuse?  Nos  crimes  ,  dit  saint 
Athanase,  nos  crimes  étaient  exécrables;  voilà  pourquoi  J.  C,  afin 
de  les  expier,  a  enduré  le  supplice  le  plus  infâme  :  Scelera  nostra 
crant  exsecrabilia ;  itoque  Christus  ad  eu  expianda,  passus  est  supplicium 
cxsecrabilius  (Serm.  de  Pass.  et  Cruce). 

Celui  qui  est  suspendu  au  bois  est  maudit,  dit  le  Seigneur  au 
Deutéronome  :  Exsecrabilis  quicumque  in  ligno  pendet  (xxi.  23.) 
Devenu  malédiction  pour  nous,  J.  C,  dit  le  grand  Apôtre,  nous  a 
rachetés  de  la  malédiction  de  la  loi,  selon  qu'il  est  écrit  :  Maudit 
celui  qui  est  pendu  au  bois!  afin  que  sur  les  nations  descendit  la 
bénédiction  d'Abraham  en  Jésus-Christ,  et  que  nous  reçussions  par 
la  foi  l'Esprit  qui  avait  été  promis  (1). 

Le  Sauveur,  dit  saint  Anselme  ,  a  choisi  une  mort  aussi  pénible 
afin  de  tuer  toutes  les  morts  :  Tarn  pessirnam  mort  cm  Salvator  elegit , 
ut  omnem  mortem  occideret  (In  Epist.  ad  Puilipp.,  c.  w.)  J.  C,  dit 
saint  Augustin ,  a  voulu  mourir  ainsi  afin  que  ses  disciples ,  non- 
seulement  ne  redoutassent  pas  la  mort  en  elle-même,  mais  n'eussent 
en  horreur  aucun  genre  de  mort.  Ne  craignez  pas  les  affronté,  et  les 
croix,  et  la  mort;  car  si  ces  choses  nuisaient  à  l'homme ,  il  n'aurait 
pas  à  les  endurer,  lui  que  le  Eils  de  Dieu  a  racheté  (2). 

Du  côté  des  Juifs,  la  cause  de  la  mort  de  J.  C.  sur  une  croix  a  été 
la  haine  qu'ils  lui  avaient  vouée,  haine  implacable  et  aveugle  qui 
les  conduisit  à  choisir  le  crucifiement  comme  le  supplice  le  plus 
infâme  et  le  plus  cruel.  Du  côté  d'Adam  et  du  genre  humain,  la  cause 
de  ce  genre  de  mort  a  été  qu'Adam  ayant  péché  par  le  bois  en  man- 
quant du  fruit  défendu,  il  était  convenable  que  J.  C.  expiât  par  le 

(i)  Christus  nos  redemit  de  maledicto  lc^is,  factus  pro  nobis  mnlcdiclnm  :  qui.\ 
scriplum  c:>t  :  MdlcJictus  omms  qui  pendet  in  ligno  :  ut  in  gentibus  benedictio 
Abrabs  fieret  in  Christo  Jcsu,  ut  pollicilationcm  Spiritus  accipiamus  per  (idem 
{Cal.  lit.  13.  14). 

(i)  Ut  et  discipuU  eius  mortem  non  modo  non  timerent ,  sed  nec  gor.us  mortis 
borrescerent  Nolite  timoré  contunelias,  et  crnces,  et  mortem;  quia  si  nocereul 
hvuifli» non  ÇA  jwtoretur  bowo,  quew lufcepit  Fil.us  Dei  [In  l'sal. çxl). 


*ÀS3ïô:ï  IE   ^SUS-CHRIST.  G01 

boï?  cette  désobéissance  et  en  réparât  les  suites;  C'est  ce  "qu'exprime 
l'Eglise  dans  la  préface  de»  l'êtes  de  la  sainte  cro'x  :  Il  est,  dit-elle, 
véritablement  juste  et  raisonnable  de  vous  rendre  grâces,  o  Père  éter- 
nel, qui  avez  attaché  le  salut  du  genre  humain  à  l'arbre  de  la  croix,' 
afin  que  ce  qui  ava't  causé  la  mort  de  l'homme  devint  pour  lui  la 
source  d'un j  nouvelle  vie,  et  que  le  démon,  qui  s'était  servi  d'un 
arbre  pour  tromper  l'homme  et  le  subjuguer,  fût  aussi  vaincu  sur  un 
arbre  par  J.  C.  (I).  Du  côté  de  Dieu  offensé ,  la  cause  de  la  mort  de 
J.  C.  sur  une  croix  fut  l'amour  de  la  justice  :  par  un  tel  supplice  la 
gravité  de  la  faute  d'Adam  et  de  sa  race  devenait  visible  à  tous  les 
:  l'expiation  était  immense,  parce  que  la  faute  avait  été  très- 
grande.  Du  côté  de  J.  C,  la  cause  de  cette  mort  a  été  l'immensité 
de  son  amour  pour  les  hommes,  et  le  désir  d'af  prendre  à  ses  disci- 
ples à  tout  supporter 

Si  elle  est  conforme  à  l'Evangile ,  toute  la  vie  de  l'homme  est 
une  croix  et  un  martyre,  dit  saint  Augustin  :  Tota  vila  hominis,  si 
secundum  E 'vangelwm  vivalur ,  crux  est  ai  que  martyrium  (In  Psal.  cxl). 

Le  péché  est  un  bien  grand  mal,  puisqu'il  a  coûté  tant  à  un  Dieu!... 

PoiTYEZ-Yors  boire  Je  calice  que  ie  dois  boire?  dit  J.  C.  aux  deux' fils     , 

1       °  La  passion 

deZébé'ée  :  Potestisb  ibère  calicem  quem  ego  bibiiurus  sum?  (Malth.  xx    de  J.  c.  est 

22.)  On  n'arrive  au  ciel  que  par  la  passion  et  la  croix,  sachons-le 

bien 

Comme  un  médecin  compatissant  et  digne  de  louanges ,  J.  C. ,  dit 
saint  Bernard,  a  goûté  le  premier  le  breuvage  qu'il  préparait  aux 
siens;  c'est-à-dire ,  il  a  enduré  la  passion  et  la  mort,  et  est  entré 
ainsi  en  possession  de  l'immortalité  et  de  l'impassibilité,  enseignant 
aux  siens  à  prendre  avec  confiance  le  breuvage  qui  engendre  la  santé 
et  la  vie  (2). 

J.  C.  appelle  sa  passion  un  calice,  une  coupe,  parce  qu'il  l'a 

recherchée  et  l'a  désirée Il  la  nomme  ailleurs  un  baptême ,  parce 

qu'il  s'y  est  plongé  par  la  mort;  et  parce  que  ses  souffrances  nous 
ont  lavés,  purifiés,  sanctifiés 


(1)  Vcre  dignum  est  et  justum  est  tibigratias  agere œterne  Dcus,  qui  salutem 

humuni  generis  in  liyno  crucis  constituisli ,  ut  unde  mors  oiiebaiur,  inde  vitaiesur- 
"■cret  cl  *] ii î  in  ligno  vincebat,  in  ligne-  quoque  vinecretur  per  Christian 

(2)  Ipso,  tanqisam  pius  et  laudabilis  medicus,  prius  bibit  polionem  quam  parafât 
suis;  id  est,  passionem  et  mortein  sustinuit,  et  sic  sanilatein  immortalilalis  accepit 
et  impassibilitdlis;  docens  suosut  conlidejiter  biberent  potionem  quœ  générât  sanj«= 
latejneUUtuu  [Servi,  xi  ex  Pan, 


602  PASSION  DE  JÉSU.^CHBTST. 

Nous  nous  sommes  tous  éiarés  comme  des  brebis,  clitïsale  :  cha- 
cun de  nous  a  suivi  sa  voie;  et  le  Sei  neur  a  fiit  tomber  sur  lui 
(sur  J.  C.)  l'iniquité  de  nous  tous  :  Omnes  nos  quasi  >-ves  erravimus , 
unusquisque  in  viam  suam  declinavit ;  et  posuit  Dominus  in  eo  iniqui- 
tatem  omnium  nostrum  (lui.  6). 

Nos  péchés  ont  entouré  le  Sauveur;  ils  se  sont  précipités  sur  lui  : 
mais  en  expirant,  J.  C.  leur  a  porté  un  coup  mortel.  Considérez  ici 
que  vos  péchés  et  les  miens  ont  fait  partie  de  l'armée  qui  a  saisi 
l'Homme-Dieu  et  qui  l'a  crucifié 

Le  Seigneur  s'est  chargé  de  nos  iniquités;  il  a  voulu  que ,  pesant 
sur  lui  seul,  elles  le  signalassent  au  juge  suprême  comme  le  seul 
coupable  et  le  seul  qui  dût  être  puni  et  sacrifié.  La  croix  la  plus 
lourde  qu'ait  eu  à  porter  J.  C,  l'innocence  même  et  l'ennemi  né  «lu 
péché,  a  été  le  poids  de  nos  fautes.  Cette  croix  l'a  accablé  mille 
plus  que  la  comparution  devant  Caïphe,  Pilate,  Hérode  et  le  peuple 
juif;  elle  lui  a  causé  de  plus  vives  douleurs  que  la  flagellation,  le 
couronnement  d'épines  et  le  crucifiement.  Mais  ces  péchés,  il 
laissés  cloués  à  l'instrument  de  son  supplice 

Vous  êtes ,  dit  saint  Pierre,  vous  êtes  appelés  à  faire  le  men  et  à 
souffrir  avec  patience,  parce  que  J.  C.  a  souffert  pour  nous,  vont; 
laissant  un  exemple,  afin  que  vous  suiviez  ses  traces  :  In  hoc  çnim 
vocati  estis,  quia  et  Christus  passus  est  pro  nobis,  vobis  rd&çucaa 
exemplum,  ut  sequamini  vestigia  ejus  (I.  Cor.  n.  21). 

J.  C,  continue  le  même  apôtre,  a  porté  nos  péchés  clans  son 
corps  sur  le  bois,  afin  que  morts  au  péché  ,  nous  vivions  à  la  jus- 
tice :  Peccata  noslra  ipse  pertulit  in  cor  pore  suo  super  lignwn,  ut  pec- 
çatis  mortui ,  justiliœ  vivamus  (  I.  Cor.  n.  24). 

ba  passion  est  II  a  été  blessé  à  cause  de  nos  iniquités,  dit  ïsaïe,  il  a  été  frappé 
ouvrage.  Pour  nos  cnmes  :  le  châtiment  qui  doit  nous  procurer  la  pai.\  s'est 
appesanti  sur  lui,  et  nous  avons  été  guéris  par  ses  meurtrissures  : 
Ipse  aident  vulneratus  est  propler  iniquitates  notlras ,  attritus  est  pro- 
pter  scclcra  noslra  :  disciplina  pacis  noslrœ  super  eum ,  et  livorc  ejus 
sanati  mmxu  (lui.  5). 

Ton  amour  pour  la  bonne  chère,  ô  gourmand,  a  abreuvé  J.  C.  de 
fiel  et  de  vinaigre;  ton  orgueil,  ô  ambitieux,  l'a  crucifié  entre  dèui 
voleurs;  ta  vanité ,  ô  mondain  ,  l'a  couronné  d'épines  ;  tes  plaisirs, 
ô  impudique ,  l'ont  flagellé  et  <  ni  ensanglanté  tout  son  corps,  ils  ont 
percé  sespieds  et  ses  mains  et  l'ont  attaché  au  gibet;ton  insensibilité, 
o  homme  sans  entrailles,  a  percé  son  cœur  sacré  ■  tes  malédiction* 


passion  de  jéstts-cïïtust.  603 

et  tes  blasphème*;  ô  impie,  ont  couvert  de  crachats  et  de 
souffleta  la  foce,  divine  que  les  anges  ne  regardent  qu'avec  respect  et 
n'adorent  qu'avec  amour;  ton  avarice  ,  ô  insatiable  des  biens  de  la 
terre,  l'a  contraint  à  n'avoir  aucun  lieu  où  il  pût  reposer  sa  tète. 
Désires-tu,  pécheur,  désires-tu  avoir  une  vive  image  de  ton  àme 
criminelle?  regarde  J.  G.  accablé  d'outrages,  battu  de  verges,  raillé, 
frappé,  couronné  d'épines  et  crucifié.  Considère  ce  corps  sanglant, 
livide,  qui  n'est  qu'une  plaie;  contemple  ton  Sauveur  défiguré  et 
devenu  semblable  à  un  lépreux:  voilà  ton  âme  dont  J.  C.  a  reçu  la 
ressemblance  en  lui-même,  ressemblance  qu'expriment  ses  plaies  et 
son  triste  état.  Fcce  homo ,  voilà  l'Homme-Dieu  tel  que  l'ont  fait  tes 
fautes.  Fcce  hemo,  voilà  ton  àme,  tel  le  que  l'ont  faite  ces  mêmes  fautes. 

Prie  le  Sauveur  miséricordieux,  frappé  par  toi,  de  guérir  les  bles- 
sures de  ton  àme  par  les  siennes 

Oh  !  somle  et  admire  de  nouveau  l'abîme  de  l'amour  de  J.  G. ,  qui  a 
voulu  satisfaire  pour  toi  à  la  justice  de  son  Père,  qui  a  souffert  pour 
toi  tant  et  de  si  cruels  tourments,  qui  pour  toi  et  pour  tes  crimes  s'est 
fait  victime  et  holocauste.  Autant  il  y  a  de  blessures  et  de  stigmates 
sur  ce  corps  sacré ,  autant  tu  as  de  marques  et  de  preuves  de  l'amour 
infini  que  le  Sauveur  t'a  témoigné.  'Vois,  pécheur,  sa  tendresse 
pour  toi  est  écrite  sur  tout  son  corps;  qnedis-je?  elle  y  est  gravée  en 
traits  ineffaçables.  O  amour,  amour,  combien  vous  nous  avez  aimés! 
Avec  quelle  douleur,  ou  plutôt  avec  quel  amour  vous  nous  avez 
enfantés  à  la  vie  1  La  mesure  de  la  douleur,  c'est  l'amour;  mais  la 
mesure  de  l'amour  n'est  pas  la  douleur;  et  quoique,  ô  Jésus,  votre 
douleur  ait  été  immense,  votre  amour  l'a  surpassée  :  votre  affection 
pour  nous  a  absorbé  votre  douleur,  comme  l'Océan  absorbe  les  eaux 
des  fleuves.  Aimable  Jésus,  faites  que  je  vous  aime,  que  je  dise  avec 
saint  Ignace  :  Amor  meus  cruxifixus  est  :  Mon  amour  est  crucifié  (  In 
ejw  vit  a);  et  avec  saint  François  d'Assise  :  O  mon  Seigneur,  que  je 
meure  d'amour  pour  vous  qui  avez  daigné  mourir  d'amour  pour 
moi  (S.  Bonav.,  in  e jus  vit  a).  Faites  que  nous  ne  nous  séparions 
ïamais  de  vous;  que  nous  mourions  pleinement  au  monde  et  à  la 
chair;  que  nous  vivions  pour  vous;  que  nous  demeurions  dans  vos 
blessures  ;  qu'ici-bas,  par  votre  grâce,  et  dans  le  ciel,  par  votre  gloire, 
nous  nagions  dans  l'océan  de  votre  amour.  Inspirez-nous  les  senti- 
ments de  votre  vierge  sainte  Itale,  qui,  brûlante  et  enivrée  d'amour, 
vous  contemplait  sur  la  croix,  en  s'écriant  :  O  Dieu,  ô  amour,  ô 
ivresse  de  l'amour;  donnez-moi  une  voix  si  puissante,  qu'elle  soit 
entendue  de  l'orient  à  l'occident,  du  ciel  à  l'enfer,  pour  criera 


604  PASSION  DE  JiSUS-OIRÏSTV 

toutes  les  créatures  :  Aimez  Dieu.  0  amour ,  que  vous  êtes  peu 
connu,  que  vous  êtes  peu  aimé  !  Ames  créées  pour  cela,  aimez  votre 
amour  qui  -vous  a  tant  aimées  sur  la  croix  !  (  In  ejus  vita.  ) 

Lors  de  la  création ,  dit  saint  Bernard ,  Dieu  dit,  et  tout  fut  fait  : 
mais  lors  de  la  rédemption ,  ses  paroles  rencontrèrent  des  contradic- 
teurs ;  ses  actions,  des  persécuteurs  ;  ses  tourments  et  sa  mort,  des 
railleurs  et  des  blasphémateurs  (  De  diligenclo  Deo  ). 

J.  C. ,  dit  saint.  Thomas,  a  souffert  dans  ses  amis,  qui  l'ont  aban- 
donné; dans  sa  réputation,  par  les  calomnies  qu'on  inventa  contre  lui  ; 
dans  son  honneur  et  sa  gloire,  par  les  moqueries  et  les  affronts  dont 
on  l'accabla;  dans  ses  biens,  puisqu'il  a  été  dépouillé  de  ses  vête- 
ments; dans  son  âme,  par  la  tristesse,  l'ennui  et  la  crainte;  dans  son. 
corps,  par  les  blessures  et  les  coups.  Il  a  souffert  dans  sa  tête,  de  la 
couronne  d'épines  qu'il  a  portée;  dans  ses  mains  et  ses  pieds,  des 
clous  qu'on  y  a  enfoncés;  sur  son  visage,  des  soufflets  et  des  crachats 
qu'il  a  reçus;  dans  tout  son  corps,  de  la  flagellation  qu'on  lui  a 
infligée.  11  a  souffert  par  tous  ses  sens  :  par  le  tact,  ayant  été  flagellé 
et  percé  de  clous;  par  le  goût,  ayant  été  abreuvé  de  fiel  et  de  vinai- 
gre; par  l'odorat,  ayant  été  mis  en  croix  dans  un  lieu  que  les 
cadavres  rendaient  fétide  et  qu'on  appelait  le  Calvaire;  par  l'ouïe  , 
ayant  été  attaqué  par  les  paroles  de  ceux  qui  le  blasphémaient  et  qui 
s?e  moquaient  de  lui  ;  par  la  vue,  en  voyant  pleurer  sa  mère  et  le 
disciple  qu'il  aimait  (De  Peccatis  ). 

Voilà  notre  ouvrage,  pécheurs!  voilà  le  fruit  de  nos  fautes!... 

0  homme,  s'écrie  saint  Augustin,  apprends  ce  que  tu  vaux  et  ce 
que  tu  dois;  et  en  considérant  la  grande  dignité  à  laquelle  t'élève  la 
rédemption,  rougis  de  tes  péchés.  Voici  qu'au  Jieu  de  l'impie,  c'est 
la  piété  qui  est  battue  de  verges;  au  lieu  de  l'insensé,  c'est  la  sagesee 
qui  est  tournée  en  ridicule;  au  lieu  du  menteur,  c'est  la  vérité  que 
L'on  immole;  au  lieu  de  l'inique,  c'est  la  justice  qui  est  condamnée; 
au  lieu  du  cruel,  c'est  la  miséricorde  qui  est  frappée  ;  au  lieu  du 
misérable,  c'est  la  pureté  que  l'on  abreuve  de  vinaigre  et  la  dou- 
ceur que  l'on  enivre  de  fiel;  au  lieu  du  coupable,  c'est  l'inno- 
cence qui  est  punie;  au  lieu  du  mort  spirituel,  c'est  la  vie  qui 
meurt.  La  nature  entière  s'effraie  du  crime  des  hommes,  et  la  terre 
tremblante,  le  soleil  fugitif,  attestent  que  celui-là  est  Je  maître  du 
monde  et  le  roi  du  ciel  que  la  créature  révoltée  méconnaît  (I). 

(1)  Agnosce,liomo  quantum  valeas,  cl  quantum  debcas,  et  dum  tantam  rerf.>i.i- 
ptioiiLS  tua:  perspicis  digniialcm,  ipse  tibi  iudicito  peccaudi  pudoreu).  Fcce  prq  mipiç 


TASSION  DE  JÉSÏÏS-CïirJST.  CÔ5 

Fsaïc  appelle  J.  C.  le  mépris  des  hommes,  le  dernier  de  tous, 
l'homme  des  douleurs,  qui  a  connu  la  faiblesse,  dont  le  visage  est 
comme  obscurci,  et,  ajoute-t-il,  nous  ne  l'avons  pas  reconnu: 
Bespectum,  et  novissimum  virorum,  virum  dolorum ,  et  scientem  iufr- 
miiatcm,  et  quasi  absconditus  vul tus  ej us;  unde  nec  rejiutaoimus  ejus 
(LUI.  3). 

Despectum  :  il  est  méprisé,  non-seulement  à  l'époque  de  sa  pas- 
sion, mais  durant  toute  sa  vie.  Il  nait  dans  une  étable,  parce  qu'il 
n'y  a  pas  de  place  pour  lui  dans  les  hôtelleries  ;  le  monde  le  rejette 
déjà.  La  circoncision  lui  apporte  une  nouvelle  et  profonde  humilia- 
tion ;  elle  le  met  au  rang  des  pécheurs.  11  passe  pour  le  fils  de 
Joseph,  pour  un  enfant  ordinaire.  Il  travaille  et  verse  ses  sueurs 
comme  le  vulgaire.  Nicodème  vient  le  trouver  de  nuit  de  peur  d'être 
en  butte  aux  sarcasmes  des  docteurs  de  la  loi  (Joann.  xix.  39). 
Aucun  des  chefs  de  la  nation  j  uive  et  des  pharisiens  ne  croyait  en  lui; 
ils  blâmaient  la  foule  qui  le  suivait,  et  déclaraient  ses  disciples  mau- 
dits. Quand,  guéri,  l'aveugle-né  osa  exprimer  la  pensée  que  le 
Sauveur  était  un  prophète,  ils  le  jetèrent  hors  de  la  synagogue 
(Joann.  ix.  3-4).  Plusieurs  personnages  considérables  ayant  cru  en 
lui,  n'osèrent  lui  rendre  témoignage  à  cause  des  pharisiens,  et 
pour  ne  pas  être  chassés  de  la  synagogue  (Joann.  xn.  42).  Les 
princes  des  prêtres  le  méprisaient,  l'excommuniaient,  le  chassaient 
des  synagogues  et  lui  dressaient  des  embûches.  Voilà  le  fruit  de  nos 
péchés  !... 


Nov issimum  virorum  :  pourquoi  J.  C.  a-t-il  voulu  devenir  le  der- 
nier des  hommes?  parce  que  Lucifer  ainsi  qu'Adam  avaient  voulu 
devenir  des  dieux  et  s'élever  au-dessus  du  Tout-Puissant.  Lucifer 
ne  prétendait-il  pas  détrôner  l'Eternel  et  prendre  sa  place?  J.  G.  a 
voulu  frapper  leur  criminel  orgueil.  Si  donc  la  superbe  veut  s'em- 
parer de  vous,  regardez  J.  C.  se  faisant  le  dernier  des  hommes  et 
l'abjection  du  peuple.  Si  l'on  vous  méprise,  réjouissez -vous, 
car  vous  avez  l'honneur  insigne  et  le  bonheur  de  ressembler 
à  J.  C 

0  le  dernier  et  le  premier  !  s'écrie  saint  Bernard;  ô  vous  qui  êtes 


pietas  flagellatar;  pro  slulto  sapientia  illuditur;  pro  mendace  veritas  necatur;  dam- 
nalur  justilia  pro  iniquo;  misericordia  affligitur  pro  crudeli  ;  pro  misero  replelu? 
smecritas  aceto ;  incbrialur  felle  dulcedo;  addicitur  innocentia  pro  reo;  morilur  vita 
pro  mortuo.  Expavit  scelus  hominum  natura  rerum  ;  et  quem  creatura  rcbellis  non 
agnoscil,  eum  mundi  dominum  tremens  terra  teslatur,  et  cœh  re0feiii  sol  fugieas 
coalitetur  (Serm.  ouv  de  Temp.j. 


3C6  5ASSI0N  DE  JÉSUS-  CHRIST. 

îiumble  et  sublime,  l'opprobre  des  hommes  etiâ  gloire  des  anges! 
personne  ne  vous  égale  en  grandeur  et  en  humilité  (1). 

Virum  dolorum:  l'homme  des  douleurs,  c'est-à-dire  celui  qui  a 
été  assiégé  par  toutes  les  douleurs  et  qui  les  a  toutes  éprouvées ,  de 
sorte  qu'il  n'était  que  douleurs,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi. 

I.  J.  G.  a  connu  toutes  les  douleurs  de  Fume  :  Mon  âme,  dit-il 
dans  le  jardin  des  Oliviers,  mon  âme  est  triste  jusqu'à  la  mort  :  Tristis 
est  anima  n:ea  usque  ad  mortem  (Matth.  xxvi.  38).  Cette  tristesse 
s'est  manifestée  par  des  larmes  et  une  sueur  de  sang.  Si  l'on 
demande  d'où  venaient  les  souffrances  que  J.  G.  a  endurées  dans 
son  âme ,  les  Pères  et  les  docteurs  de  l'Eglise  répondent  que  : 
1°  J.  C.  avait  présents  à  l'esprit  tous  les  péchés  des  hommes  qui 
ont  été,  qui  sont  et  qui  seront;  tous  les  horribles  forfaits  commis 
dans  le  cours  des  siècles,  blasphèmes,  sacrilèges,  adultères,  meur- 
tres, etc.  ;  il  était  affligé  de  tous  et  de  chacun  d'eux,  comme  s'il  les 
eût  commis  lui-même;  il  s'en  était  chargé,  afin  de  les  expier  et  de 
satisfaire  à  la  justice  de  son  Père  par  cette  sujième  douleur  et  con- 
trition. 2°  Du  premier  instant  de  sa  conception  jusqu'à  son  dernier 
soupir,  J.  C.  vit  et  contempla  constamment  les  travaux  et  les  souf- 
frances qu'il  devait  endurer  pendant  sa  vie  et  surtout  à  sa  mort;  il 
se  les  représentait  à  toute  époque  de  sa  vie  avec  une  vivacité  et  iine 
force  qui  équivalait  à  la  réalité,  de  sorte  que  sa  vie  entière  a  été  une 

passion  et  une  mort  continuelles 3°  11  ne  cessa  d'a\  it  les 

yeux  les  tourments  des  martyrs,  les  insultes  et  les  injustices  faites  à 
ses  serviteurs,  les  jeûnes,  les  mortllications  et  les  pénitences  des 
saints,  les  combats  héroïques  des  vierges,  et  il  souffrait  de  tout  cela 

en  lui-même 4"  Il  savait  combien  serait  grand  le  nombre  de 

ceux  qui  ne  tiendraient  pas  compte  de  ses  souffrances,  de  ceux  à  qui 
elles  seraient  inutiles,  et  qui,  flattant  leur  volonté  perverse,  so 
damneraient  malgré  sa  mort,  et  quoique  une  seule  goutte  de  son 
sang  fût  suffisante  pour  racheter  tous  les  pécheurs,  et  même  puur 

les  tirer  de  l'enfer  ,  si  cette  goutte  pouvait  y  pénétrer 5°  L'amour 

iniini  de  J.  C.  pour  les  hommes  rendait  ses  douleurs  inlinies  et  ses 

tourments  inexprimables 

11.  J.  G.  a  connu  toutes  les  douleurs  du  corps.  Chacun  de  ses 
membres  et  chacun  de  ses  sens  avait  sa  douleur  propre,  qui  était 


(1)  0  nnvissimum  et  alti^imum!  o  huniilmi  pt  suhlimem  !  o  opprobrium  hotni- 
uuin  et  gloriain  augclorumi  neino  tllo  silblimior ,  uemo  humilior  (De  Passione 
Domùti }» 


PASSION  DE  JÉSUS-CHRIST.  60" 

des  plus  vives.  En  J.  C,  le  toucher  et  les  autres  sens  étaient  très- 
délicats  et  très-parfaits;  aussi  sentait- il  plus  vivement  que  tout 
autre  toutes  les  douleurs.  Sa  vue,  son  ouïe,  son  odorat,  sa  langnp, 
ses  mains  et  ses  pieds  ont  eu  leurs  souffrances  spéciales,  et  ils  les  unt 

eues  toutes  en  même  temps J.  C.  a  souffert  sans  consolation 

11  a  souffert  de  la  part  d'hommes  de  toute  espèce,  de  tout  état,  de 
toute  condition  :  Juifs,  gentils,  peuple,  princes,  prêtres,  laïques;  de 
la  part  d'Anne,  de  Caïphe,  de  Pilate  et  d'Hérode;  enfin,  de  la  part 
de  ses  apôtres  eux-mêmes.  L'homme,  en  général,  sent  seulement  ses 
propres  douleurs  ;  J.  C.  a  ressenti  celles  de  tous  les  hommes 

Et  quasi  absconditus  vultus  ejua;  Son  visage  était  comme  obscurci. 
En  effet,  1°  la  splendeur  et  la  divine  puissance  de  J.  C.  étaient 
cachées  sous  le  voile  de  son  corps,  dit  saint  Jérôme  ( In  Isai.).  2°  Son 
visage  n'était  pas  reconnaissable;  il  ressemblait  à  celui  d'un  lépreux; 
il  était  tellement  déchiré,  couvert  de  sang  et  de  crachats,  que  les 
passants  ne  pouvaient  en  reconnaître  les  traits. 

J'ai  vu,  dit  saint  Jean  dans  l'Apocalypse,  j'ai  vu  dans  la  droite  de 
celui  qui  était  assis  sur  le  trône,  un  livre  écrit,  scellé  de  sept 
sceaux  (v.  1).  Par  ces  sept  sceaux,  les  docteurs  entendent  sept 
mystères  de  la  passion  de  J.  C.  Le  premier  est  la  suprême  impuis- 
sance du  Tout  -  Puissant;  le  second,  la  suprême  souffrance  de 
l'Impassible;  le  troisième,  l'immense  folie  dont  parut  faire  preuve 
aux  yeux  des  hommes  J.  G.,  la  sagesse  divine;  le  quatrième, 
L'extrême  pauvreté  qu'endura  le  Dieu  des  richesses;  le  cinquième, 
l'incomparable  ignominie  que  subit  ia  majesté  suprême  ;  le  sixième, 
le  complet  abandon  par  Dieu  le  Père  de  celui  qui  lui  est  uni  de 
la  manière  la  plus  intime  ;  le  septième ,  l'extrême  sévérité  du 
Père  coexistant  avec  l'amour  infini  qu'il  a  pour  son  Fils 

Usera  rassasié  d'opprobres,  dit  Jérérnie  :  Saturabitur  opprobriis 
(Lament.  ni.  30).  Pensez  à  ces  paroles,  méditez-les,  chrétiens,  lors- 
que vous  avez  à  supporter  des  railleries,  des  affronts,  des  calomnies. 
J.  C.  s'est  sacrifié  tout  entier  pour  vous  à  la  justice  de  Dieu;  pour 
vous  il  s'est  livré  à  ses  ennemis  et  aux  bourreaux.  A  votre  tour, 
donnez-vous  au  Sauveur  sans  réserve;  offrez-vous  à  lui  tout  entier, 
:etez-vous  dans  ses  bras,  afin  qu'il  fasse  de  vous  et  de  tout  ce  qui 
vous  appartient  ce  qu'il  lui  plaira.  Abandonnez-lui  votre  corps  pour 
être  la  proie  des  maladies,  des  souffrances,  des  supplices  et  de  la 
mort;  abandonnez-lui  votre  âme  pour  le  servir,  l'aimer  et  le  bénir  : 
c'est  ainsi  qu'ont  fait  les  apôtres,  les  martyrs  et  tous  les  saint  


C08  rASSTON  DE  JÉSUS-CHRIST. 

J-  C*.        Les  victoires  mie  J.  C.  a  remportées  par  sa  croix  et  par  sa  mort 

a  triomphe  par    "  ,.,,  •  i  i  t    ■         i 

?a  passion  sont  vraiment  admirables,  mervei.leuscs  et  di\  nés  ! 
etpar  saïuort.  L'Komme-Dieu  meurt;  et  voilà  que  le  voile  du  temple  se  trouve 
déchiré  en  deux,  depuis  le  haut  jusqu'en  bas  :  Et  cece  vélum  icmp'i 
scissum  est  in  duas  partes  a  summo  usque  deorsum  (  Matth.  xxvn.  51  ). 
Le  voile  qui  cachait  le  saint  des  saints  fut  miraculeusement 
déchiré,  pour  montrer  que  le  règne  de  l'ancienne  loi  cessait,  que 
Dieu  s'était  retiré  du  temple  de  Jérusalem,  et  que  ce  n'était  plus 
qu'un  lieu  profane. 

Dans  le  sens  mystique,  le  voile  déchire"  et  le  saint  des  saints  mis  à 
découvert  signifient  que  la  chair  de  J.  C,  déchirée  dans  sa  passion, 

nous  a  ouvert  le  ciel 

La  tunique  de  J.  C.  ne  fut  pas  partagée,  pour  montrer  que  l'Evan- 
gile restait  entier 

La  grande,  la  véritable  victime  a  rris  la  pla~e  des  anciennes,  qui 
n'en  étaient  que  la  ligure;  la  réalité  est  venue,  les  omjres  s'en 

sont  allées 

Ce  qui  restait  des  vêtements  de  J.  C,  dit  saint  Athanase,  fut  divisé 
en  quatre  parts,  pour  montrer  que  J.  C.  sauvait  également  l'Orient 
et  l'Occident,  le  Septentrion  et  le  Midi  [Serm.  de  Cruce). 

11  était  environ  la  sixième  heure ,  et  les  ténèbres  couvrirent  toute 
la  terre  jusqu'à  la  neuvième  heure.  Et  le  soleil  s'obscurcit  :  Erat 
aulem  fere  liora  sexta,  et  tenebrœ  factœ  sunt  in  uniuersam  terram  usque 
in  horam  nonam.  Et  obscuratus  est  sol.  (Luc.  xxni.  44. 45).  Il  est  prouvé 
que  cet  obscurcissement  du  soleil  ne  venait  point  d'une  éclipse  ,  une 
éclipse  étant  impossible  à  l'époque  de  la  mort  de  J.  C.  La  terre  fut 
couverte  d'épaisses  ténèbres  ;  mais  pour  les  disciples  du  Sauveur, 
cette  nuit,  ces  ténèbres  se  changèrent  en  lumière Le  soleil  s'at- 
trista; il  refusa  sa  lumière  aux  déicides;  il  annonça  à  l'univers  entier 
la  mort  de  son  créateur.  Les  ténèbres  alors  furent  si  épaisses,  si 
extraordinaires,  que  Denis  i'Aréopagite  s'écria  :  Ou  le  Dieu  de  la 
nature  souffre,  ou  la  machine  du  monde  se  dissout  :  Aut  Deusnaturœ 
patiiur,  aut  mundi  machina  dissolvitur  (Epist.  ad  Apoll.  ). 

11  y  eut  un  terrible  et  universel  tremblement  de  terre,  les  rochers 

se  brisèrent  :  Terra  -muta  est,  et  petrœ  scissœ  sunt  (Matth.  xxvn.  51  ). 

Les  sépulcres  s'ouvrirent,  et  plusieurs  corps  des  saints  qui  étaient 

rndormis  se  levèrent;  et  sortant  de  leurs  tombeaux,  vinrent  dans  la 

cité  sainte  ,  et  furent  vus  de  plusieurs  (  IMattu.  xxvn.  52.  53). 

Le  centurion  et  ceux  qui  étaient  avec  lui,  gardant  Jésus,  vovant 
îa  tremblement  de  terre  et  iuui  ce  gui  te  passait,  furent  saisis  d  une 


PASSION  DE  Jicr=-CHMST.  600 

grande  crainte,  et  dirent  :  Celui-ci  était  vraiment  le  Fils  de  Dieu; 
Vcre  Filcus  Dei erat  iste  (Malth.  xxvn.  Si  ). 

Votre  croix,  ô  Jésus,  s'écrie  saint  Léon,  est  la  source  de  toutes 
les  bénédictions  et  la  cause  de  toutes  les  grâces  :  par  elle  les 
croyants,  de  faibles  deviennent  forts;  ils  tirent  leur  gloire  de  l'op- 
probre de  J.  C,  et  leur  vie  de  sa  mort  (Serm.  de  Cruce  ). 

Adam  etEvese  perdent  en  levant  leurs  mains  vers  l'arbre  défendu  j 

J.C.  efface  leur  péché  en  étendant  ses  bras  sur  l'arbre  de  la  croix 

Nous  étions  tombés  au  pied  de  l'arbre  de  vie,  nous  avons  été  relevés 
par  l'arbre  d'ignominie,  dit  saint  Grégoire  de  Nazianze  :  Ad  vitœ 
lignum  exciderumus ,  per  ignominiœ  lignum  revocati  sumus  (Orat.  de 
seipso  ad  Arianos).  La  mort  nous  est  venue  par  un  arbre  et  la  vie 
par  la  croix  ,  dit  saint  Ambroise  :  Mors  per  arborem,  vita  percrucerr 
(Comment  in  Luc.,c.  îv). 

La  prédication  de  la  croix,  dit  le  grand  Apôtre,  est  une  folie  pour 
ceux  qui  périssent;  mais  pour  ceux  qui  sont  sauvés,  pour  nous,  elle 
est  la  vertu  de  Dieu.  Pour  nous,  dit-il  encore,  nous  anuonçons  le 
Christ  crucifié,  scandale  pour  les  Juifs,  folie  pour  les  Grecs;  mais 
pour  ceux  qui  sont  appelés  Juifs  et  Grecs ,  la  vertu  et  la  sagesse  de 
Dieu  (I). 

J.  C.  est  suspendu  entre  le  ciel  et  la  terre,  pour  réconcilier  î& 
terre  avec  le  ciel Effaçant,  dit  saint  Paul,  la  sentence  de  con- 
damnation portée  contre  nous,  l'abolissant,  l'attachant  à  la  croix ,  et 
dépouillant  les  principautés  et  les  puissances  (de  l'enfer),  il  les  a 
menées  captives,  triomphant  d'elles  hautement  en  lui-même  (2). 

J.  C,  dit  saint  Ambroise,  étendit  ses  mains  sur  la  croix,  afin 
d'attiier  tout  à  lui  :  M  anus  in  cruce  extendit ,  quo  omnia  ad  se  tralteret 
(In Luc,  c.  iv ).  J.  C.  l'avait  prédit  :  Et  moi,  dit-il,  quand  je  serai 
élevé  de  terre  (crucilié) ,  j'attirerai  tout  à  moi  :  Et  ego,  si  exaltatus 
fuero  c  terra,  omnia  traham  ad  meipsum  (Joann.  xn.  32). 

ôatan,  dit  saint  Basile,  a  été  crucifié  par  celui  qu'il  espérait  cruci- 
fier; il  a  été  frappé  de  mort  par  celui  qu'il  croyait  anéantir  à.  l'ait! 


(1)  Vcrbum  crucis,  pereuntibus  quicl  -m  stnltitia  est  :  iis  autem  qui  salvi  tibint,  id 
estnobis,  Dei  virtus  est N03  autem  pfœdfcàmus Christunr crucitixùm  :  Jiulei; 

i   scandai um  ,   genlibus  autem  stultitiam  ,  ip-is  autem  vocalis  Judceis   atijue 
gracis  C  rislum  Dei  virtutem,  et  Dei  sapientiam  (I.  Cor.  1. 18-24). 

(2)  Delens  quod  ndversus  nos  erat  chîrographura   decreti,  quod  erat  contrarinm 
nobis,  et  ipsum  lulit  de  medio,  afllgcns  i.lu  i        ci;  et  ex-poliuns  principattis  ..  t 
polcslates  traduxit   coaûdenter ,  piUiu  tiium^Liana  ilios  ia  semcUpso  (  Coloss 
14.15). 

III.  » 


Ô1Û  PASSION  DE  JÉsc?-:,.]rj?T. 

de  la  mort  :  Diaholus  in  eo  cruel  fixas  est,  qv.em  se  ûruàitîxv^Utn  ;  et  in 

eo  mortuus, quemmorte  se  extincturum  speraverat  (Honiil.  de  Htlinilit.). 

Dieu  a  établi  son  règne  par  le  bois  de  la  croix,  chante  l'Eglise 
dans  l'hymne  de  la  Passion  :  Begaavit  a  l'ujno  Deus.  J.  C,  dit  saiflt 
Augustin,  a  triomphé  du  monde,  non  parle  glaive,  mais  parle  bois  : 
Christus dornkii  brbeih,  non  ferra,  sed  li<jno  (De  Cri 

L'homme  a  été  créé  le  sixième  jour,  dltThéophilacte  ;  à  la  sixième 
neure  il  a  mangé  du  fruit  de  .l'arbre  détendu.  Or,  à  l'heure  même 
où  Dieu  a  créé  l'homme,  à  l'heure  où  l'homme  est  tombé,  Dieu  l'a 
guéri  et  l'a  sauvé.  C'est  le  sixième  jour,  à  la  fttàètne  heure,  que  .).  <  . 
a  été  attaché  à  la  croix.  Le  sixième  jour,  un  vendredi,  jour  consacré 
h  Vénus,  il  est  mort  pour  tuer  l'adoration  de  la  chair;  et  il  est  mort 
vers  la  lin  du  sixième  âge  du  monde  (  Gomm  nt.  in  Evaug.  ). 

Dans  sa  passion,  J.  C,  dit  Lactance,  a  étendu  sur  la  croix  ses 
mains  qui  ont  mesuré  la  terre,  pour  signifier  que  de  l'orient  à  l'occi- 
dent un  grand  peuple,  parlant  toutes  les  langues  et  formé  de  toutes 
1er,  nations,  se  réunirait,  viendrait  ^uus  sa  \ lui&e&Bti  pro- 

tection, et  qu'il  recevrait  le  signe  de  la  croix  sur  le  iront,  comme  le 
plus  grand  et  le  plus  sublime  des  signes  (De  Inslit.  divin.,  li'o.  IV, 
c.  xxvi ). 

La  justice  de  Dieu  irriié,  le  monde ,  le  péché,  la  mort  et  l'enfer 
combattaient  contre  J.  C.  au  moment  de  su  passion;  maispaj 
souffrances  et  par  sa  mort  il  a  triomphé  de  son  Père,  du  monde, 
du  péché,  de  la  mort  et  des  légions  infernales,  comme  Moïse  avait 
triomphé  de  Pharaon  et  de  l'armée  égj  ptiennej  lors  du  miraculeux 
passage  de  la  mer  Rouge.  Le  sang  de  J.  C,  figuré  par  la  m 
sauve  un  peuple  d'élus  et  en  perd  les  ennemis,  lieu,  dit  Moïse, 
a  jeté  dans  la  mer  les  chars  de  Pharaon  et  son  armée  :  Cursus  Pha- 
ravnis  et  exercitum  ejus  projecit  in  mare  (Exod.  xv.  A).  Les  abîmes 
les  ont  couverts;  ils  sont  descendus  dans  les  profondeurs  comme  Ja 
pierre;  ils  se  sont  enfoncés  comme  le  plomb  dans  les  eaux  qui  se 
précipitaient  avec  violence  :  Submersi  suât  quasi  plumbwrn  in  aqms 
vehement.ibus  (Exod.  xv.  5.  6.  10). 

La  mort  de  J.  C.  est  la  fin  de  ma  mort,  dit  saint  Basile  :  Mors  ejus, 
mords  meœest  extinctio  (Homil.  de  Humilit.  ).  Le  saûg  de  J.  C.  est  la 
clef  du  paradis,  dit  saint  Jérôme  :  Ùanguis  Ch/istiest  clavis  puradtsi 
xIn  Evang.  ). 

Lacroix  de  J.  C.  a  fait  disparaître  de  la  porte  du  paradis  l'ange 
ftV6G  un  glaive  flamboya,  i  dou^  a  amenants,  engaiwui 

6e  pour  que  peraonne  n  y  péoâtBflfti 


PASSION  DT:  JÊSÔS-OTRÎST.  CM 

La  pûssion  de  J.  C.  est  notre  vie.  voila  pourquoi  Jérémic  a  pro- 
noncé ces  paroles  :  Le  Christ,  le  Seigneur  a  été  enveloppe  clans  nos- 
péchés;  nous  lui  avons  dit  :  Nous  vivrons  sous  voire  ombre  :  C,'/ri~ 
stus  Domihus  captus  est  in  peccatis  nosti'is:  cui  diximus:  In  timbra  tua 
vivemus  (Lameut.  iv.  20);  c'est-à-dire,  nous  vivrons  à  l'ombre  Jr 
Votre  croix  et  de  votre  passion. 

La  mort  de  J.  G.  est  la  vie,  dit  saint  Ambroise,  ses  blessures  sou 
la  vie,  son  sang  est  la  vie,  sa  sépulture  est  là  vie,  sa  résurrection  est 
la  vie  de  tous  :  Ipsius  mors  vita  est ,  ipsius  vulnus  vita  est,  ipsius  san- 
guis  vita  est,  ipsius  sepuïiura  vita  est,  ipsius  resurrectio  vita  est  univer- 
sorum  (In  Luc.,c.  xxin).  Voulez-vous  savoir  comment  sa  mort  est  la 
vie?  ajoute  le  même  Pore.  Nous  sommes  baptisés  dans  sa  mort,  dit 
le  grand  Apôtre,  afin  que  nous  marchions  avec  lui  dans  une  nouvelle 
\  te.  Et  J.  C.  lui-même  a  dit  :  Si  le  grain  de  froment  qui  tombe  sur 
la  terre  ne  meurt,  il  demeure  seul;  mais  s'il  meurt,  il  porte  beau- 
coup de  fruit  (  Joann.  xu.  24. 23).  Ainsi  la  mort  de  J.  C.  est  le  iruit 
dévie  (Ut  supra). 

J.  C.  faisait  trembler  la  terre,  dit  encore  saizxt  Ambroise,  et  il  étai 
attaché  à  la  croix  ;  il  était  anéanti,  et  il  remplissait  tout  ;  ses  plaies 
étaient  ouvertes,  et  il  en  sortait  la  guérison  du  monde  entier  :  Terram 
movebat,  et  hœrebat  licjno  ;  exinanitus  erat,  et  reptebat  omnia;  vulnus 
inflictum  erat,  et  flucbat  iingucntum  (Ut  supra). 

La  passion  de  J.  C.  soutient  le  ciel,  gouverne  le  monde,  ouvre  les 
limbes  :  par  elle  les  anges  sont  confirmés  en  grâce,  les  hommes  sont 
rachetés,  les  démons  sont  abattus  et  dépouillés  de  leur  puissance  ;  ce 
qui  existe  est  consolidé,  ce  qui  respire  est  vivifié  et  réconforté,  lefc 
corps  sont  glorifiés,  les  âmes  sont  éclairées  et  divinisées  (Raban.,  de 
Laude  crucis). 

ÎJieu  permet  que  J.  C.  soit  mis  à  mort,  lui  dont  le  trésor  de  divi 
nité  est  renfermé  dans  la  nature  humaine,  comme  en  un  vase  ira 
gile,  en  un  vase  de  terre  ;  il  le  permet  afin  que  ce  vase  étant  brisé,  la 
splendeur  de  la  divinité  brille  et  terrasse  les  démons,  comme  autre- 
fois, lorsque  les  vases  de  terre  des  soldats  de  Gédéon  furent  brisés, 
les  lampes  qu'ils  renfermaient  épouvantèrent  les  Madianites  et  cau- 
sèrent leur  perte. 

Dans  sa  passion  J.  C.  est  inébranlable  et  invincible.  H  faut  qu 
nous-mêmes  nous  nous  montrions  tels  pour  lui  et  pour  notre  foi ,  e 
qu'au  milieu  de  toutes  les  souffrances,  les  angoisses,  les  persécutions 
et  même  en  présence  de  la  mort,  nous  demeurions  fermes  comme  m 
rocJUer^  èunpoi'taat  courageusement  l'épreuve  à  laide  du  secours  dt 


6i2  PASSION  DE  JESïïS-CmiîST. 

Dieu,  de  notre  espérance  en  lui,  et  de  l'amour  que  nous  lui  portons. 
De  cette  manière,  nous  sentirons  moins  les  croix  :  notre  courage  tt 
notre  constance  les  feront  presque  disparaître. 

Au  commencement  le  peuple  admira  les  miracles,  la  doctrine  et 
la  vie  de  J.  G.  ;  mais  bientôt  le  voyant  sans  gloire,  c'est-à-dire  vendu, 
trahi,  pris,  condamné,  battu  de  verges,  raillé,  couvert  de  crachats  et 
de  plaies,  défiguré  et  crucifié,  il  le  méprisa,  et  de  la  même  bouche 
avec  laquelle,  peu  auparavant,  il  avait  crié  :  Hosanca  au  fils  de 
David  :  béni  soit  cslui  qui  vient  au  nom  du  Seigneur  :  Hosanna  sur 
les  hauts  lieux  (Matth.  xxi.  9 ),  il  criera  :  Qu'il  meure,  qu'il  meure, 
crucifiez-le!  Toile,  toile,  crucî/îge  eum!  (Joann.  xix.  15.)  Tous  les 
nommes  sont  changeants  !  Faisons  donc  comme  J.  C,  détachons- 
nous  du  monde. 

Suspendu  à  la  croix,  J.  C.  paraît  difforme,  et  comme  un  prodige 
de  souffrances  ;  il  est  exposé  aux  railleries  et  aux  mépris  ;  mais  par 
cette  même  croix,  il  est  devenu  le  plus  beau  des  enfants  des  hommes. 
Les  chrétiens,  les  princes,  les  rois,  contemplent  avec  bonheur  sa 
divine  face  meurtrie  et  ensanglantée;  aucune  autre  no  leur  parait 
aussi  belle,  aussi  pleine  d'attraits.  Rien  n'orne  une  poitrine,  un  dia- 
dème, un  monument  comme  le  fait  une  croix J.C.,dit  Isaïe, 

arrosera  de  son  sangles  nations  et  il  les  purifiera;  devant  lui  les  rois 
garderont  un  respectueux  silence;  ils  l'ont  contemplé  avec  admira- 
tion :  Iste  asperget  génies  multas,  super  ipsum  continebunt  reges  os 
suum:  contemplati  sunt  (  lu.  !  "i  ). 

Qui  est-ce  qui  a  cru  aux  choses  qu'il  nous  a  entendu  annoncer? 
dit  le  môme  prophète.  A  qui  le  bras  de  Dieu  a-t-il  été  révélé?  Quis 
credidit.  nuditui  nostro?  Et  brachium  Domini  cui  revclalum  est?  (lui. 
4.)  Qui  est-ce  qui  a  cru  que  le  crucifié  dont  je  parle,  serait  le  Fils  de 
Dieu,  le  Messie  promis?  Qui  est-ce  qui  a  cru  que  le  monde  entier 
Fadorerait  comme  son  créateur  et  son  sauveur?  Le  bras  de  Dieu, 
disent  Tertullien,  saint  Cyrille  et  saint  Augustin,  est  le  Christ  Fils  de 
Dieu,  qui  procède  du  Père  comme  le  bras  procède  du  corps,  et  qui 
lui  est  consubstantiel  ;  le  bras  de  Dieu  c'est  la  puissance  que  Dieu  a 
montrée  en  J.  C.,etla  force  qu'il  lui  a  communiquée  pour  supporter 
•uffrances  et  la  mort.  Les  douleurs  et  les  opprobres  auxquels  le 
Sauveur  s'est  soumis,  la  mort  qu'il  a  endurée  paraissent  aux  mon- 
dains aveugles  les  signes  d'une  faiblesse  et  d'une  impuissance 
suprêmes  ;  mais  Dieu  leur  fera  voir  que  là  est  son  bras  et  la  force 
par  laquelle  il  soumettra  l'univers  à  la  croix?  N'est-ce  pas  ce  dont 
nous  sommes  va  intenant  témoins?  Le  crucifié  a  conquis  le  monde 


PASSION  DE  JÉSUS-CHRIST.  613 

par  1'..,.  u Qment  de  son  supplice;  il  s'est  fait  adorer  des  rois,  des 
empereurs  et  de  l'univers  entier?  Saint  Paul  parlait  de  ces  mer- 
veilles lorsqu'il  nommait  J.  C.  et  sa  croix  la  vertu  et  la  sagesse  de 
Dieu  :  Prœdicarnus  Jesum  cruci/ixum,  Dei  virtutem  et  Dei  sapientiam 
(I.  i.  23). 

Il  existe  trois  sources  de  pe'chés  et  de  maux,  que  saint  Jean  signale 
ainsi  :  Tout  ce  qui  est  dans  le  monde  est  convoitise  de  la  chair,  et 
convoitise  des  yeux,  et  orgueil  de  la  vie  :  cela  n'est  point  du  Père  : 
Omne  quod  est  in  mundo,  concupiscentia  carnis  est,  et  concupiscent ia 
oculorum,  et  supcrhia  vitœ;  quœ  non  est  ex  Pâtre  (I.  n.  4G).  J.  C.  a 
détruit  l'effet  de  ces  trois  sources  empoisonnées  par  trois  préservatus 
infaillibles  :  car,  1°  pour  guérir  l'orgueil  de  la  vie,  il  s'est  humilié, 
exposé  au  mépris,  et  s'est  fait  Je  dernier  de  tous  :  Novissimum  viro- 

rum (Isai.  lui.  3.)  2°  Pour  guérir  la  concupiscence  des  yeux,  il  s'est 

réduit  à  la  pauvreté  et  à  un  dépouillement  complet 3°  Pour  gué- 
rir la  concupiscence  de  la  chair,  la  gourmandise  et  la  volupté,  il  est 

devenu  l'homme  des  douleurs Dans  la  mise  en  usage  de  ces  trois 

préservatifs  se  trouve  la  patience  et  la  vertu  parfaites,  la  victoire 
sur  le  monde  elles  vices,  la  sainteté  et  l'amour  de  Dieu  porté  au  der- 
nier degré. 

Le  souvenir  de  la  passion  de  J.  C.  adoucit  toutes  les  tribulations, 
comme  le  bois  jeté  par  Moïse  dans  les  eaux  de  Mara  les  rendit  bonnes 
à  boire,  d'amères  qu'elles  étaient  (Bxod.  xv).  Quelles  qu'elles  soient, 
les  adversités  et  les  souffrances  semblent  peu  de  chose  si  l'on  pen.-e 
à  ce  que  le  Sauveur  a  souffert  dans  sa  passion  :  alors  ce  qui  avait 
l'amertume  du  fiel  semble  doux  comme  le  miel.  Par  cette  pensée, 
en  effet,  la  foi  s'éclaire,  l'espérance  se  fortifie,  la  patience  est  excitée, 
la  charité  s'enflamme  ,  l'humilité  prend    naissance ,    ia  pureté 

règne,  etc Saint  Grégoire  l'avait  bien  senti  :  11  n'y  a,  dit-il,  rien 

de  pénible  qu'on  ne  souffre  avec  résignation,  si  l'on  se  remet  en 
mémoire  la  passion  de  J.  C.  :  Nihil  adeo  grave  est,  quod  non  œquani- 
miter  toleretur ,  si  Christi  po.ssio  ad  memoriam  revocetur  (Homil.  in 
Evang.).  Avec  quelle  facilité,  dit  le  même  Père,  ne  supportons-nous 
pas  de  petites  peines,  si  nous  nous  rappelons  combien  de  paroles 
cruelles,  combien  de  coups  plus  cruels  encore  et  de  supplices  d'une 
uté  sans  égale  J.  C.  a  endurés  pour  nous,  lui  quia  porté  sur  la 
tête  une  couronne  d'épines  et  qui  a  eu  les  yeux  couveits  d'un  ban- 
ii,  les  oreilles  blessées  par  les  insultes ,  la  bouche  abreuvée  de 
fiel  et  de  vinaigre,  la  face  couverte  de  crachats  et  meurtrie  par  les 
soufflets,  les  épaules  chargées  d'une  croix,  le   cœur  rempli  de 


6|4  PAssTûïj  fip  3f^T's-rmiTST. 

tristesse ,  les  entrailles  déchirées ,  les  mains  et  Tps  pff^â  tierces.  En 
un  mot,  de  }a  plante  des  pieds  au  sommet  de  Ja  tête ,  il  a  spuffert  de 
douleurs  et  de  blessures  sans  nombre  (1). 

Et  ce  doux  Sauveur,  cet  innocept  Agneau  a  tout  supporté  avec 
prudence,  humilité,  patience,  force,  constance,  etc.  Voilà  notre 
modèle;  imitons-le..... 

Le  cluipiinent  qui  devait;  nous  procurer  la  paix  s'est  appesanti  sur 
lui,  dit  Isaïe;  nous  avons  été  guéris  par  ses  meurtrissures  :  Disci- 
plina pacis  nostrçs  super  eum;  et  livore  ejus  sanati  sumus  (lui.  5). 

La.  passion  est  une  pharmacie  qui  renferme  des  remèdes  pour 
tous  les  maux,  un  arsenal  où  l'on  trouve  les  armes  nécessaires  pour 

vaincre  tous  les  ennemis 

Parmi  les  visions  que  raconte  saint  Jean  dans  l'Apocalypse,  se 
trouve  celle-ci  ;  L'a  des  vieillards  me  dit:  Ne  pleurez  pas;  voici  que 

le  lion  de  la  tribu  de  Juda  a  vaincu Et  je  vis  un  agneau  debout, 

qui  paraissait  pomme  immolé...  :  Unus  de  senioribus  dixit  mihi:  Ne 

fleverjs;  çcce  vicit  leç>  de  tribu  Juda Et  vidi  agnum  stantem  çiinai 

occiswn (v.  G.  7.) 

Remarquons  l'admirable  victoire  qu'a  remportée  ce  très-doux 
Agneau  et  la  force  de  lion  qu'il  a  déployée.  Il  a  dompté  le  monde. 
qui  n'était  qu"un  immense  troupeau  de  loups  allâmes  et  furieux.  Il 
en  a  triomphé,  non  pas  avec  le  fer,  mais  avec  sa  croix;  non  pas  en 
frappant,  mais  en  souffrant;  non  pas  en  menaçant,  mais  en  mourant. 
Cet  Agneau  est  le  lion  de  la  tribu  de  Juda  :  1°  garce  qu'il  a  vaincu 
Je  péché,  la  chair,  le  monde,  le  démon  et  renier;  2<>  parce  que 
d'une  part  il  est  doux  dans  cette  vie  pour  ses  serviteurs,  et  qu'il  le 
sera  au  tjour  du  jugement  pour  ses  élus;  tandis  que  de  l'autre  il 
se  montrera  terrible  comme  un  lion  aux  réprouvés,  qui ,  Fra 
d'épouvante,  diront  aux  rochers  et  aux  m  :  Tombez  sur 

nous,  et  dérobez-nous  à  la  vue  de  celui  qui  est  assis  sur  le  traie 
et  à  la  colère  de  l'Agneau  :  Et  dicent  montibus  et  pétris  :  Çadite 
nos  et  abscondite  nos  a  faci"  sedentis  super  thrQ^\im,  et  ab  ira 
(Anoc.  vi.  10);  3^  parce  que  cet  Agneau  change  les  li 
loups  en  agneaux.  Aussi,  parlant  de  la  convi  rsion  de  saint  Paul,  le 


(1)  Ut  parva  enim  toleramus,  si  recordemur  quani  dura  vorha,  durinra  vorbera, 
duri>sima  Mipplit-ia  pro  nopis  ille  passussit;  qui  in  capite  tujif  cprqnam  ,  in   q 
Telamen,  in  auribus  convicia,  in  on:  fel  el  acelum,in  facie  sputa  et  alapas,  in  humerii 
Crucem,  incorde  mœrorem,in  visceribus  concussioncm,  in   manih  isper« 

fbssioqeoa.  Deniqne  a  capite  ad  pedum  plantas  usque  imminent  sustinuit  vu 
el  Uolorcs  (Iloi,'  •        ■/.). 


gran^1  rVque  dTïippone  dit  :  J.  G»,  agneau  mis  à  mort  par  Tes  loups, 
a  fait  un  agneau  de  Paul,  qui  était  un  loup:  Occisus  [Ch/istus)  a 
lupis,  et  fecit  (Paulum)  agnum  de  lîtpo  (De  S.  Paulo). 

L'Agneau  est  venu,  dit  encore  saint  Augustin;  et  quel  Agneau? 
celuj  que  les  loups  craignent.  Quel  Agneau?  celui  qui,  mis  à  mort, 
a  tué  le  lion.  Car  le  démon  a  été  appelé  lion?  qui  tourne  autour  de 
nou|  en  rugjssanf:  et  en  cherchant  quelqu'un  à  dévorer.  Ce  lion  a  été 
vaincu  par  le  sang  de  l'Agneau.  Voici  le  spectacle  des  chrétiens  : 
notre  Roi  a  triomphé  du  démon  par  sa  douceur.  L'un  déployait  sa 
rage,  l'autre  la  supportait;  celui  qui  déployait  sa  rage  a  été  vaincu, 
et  celui  qui  la  supportait  a  remporté  la  victoire.  C'est  par  cette  dou- 
ceur que  l'Église  triomphe  de.  ses  ennemis  (l). 

J.  C.  a  vaincu  par  la  douceur;  les  martyrs  et  tous  les  chrétiens  ont 
triomphé  et  triompheront  aussi  par  Ja  dpuceur.  Le  divin  Agneau. 
aime  les  agneaux;  il  aime  les  doux  et  les  purs,  les  vierges,  les  mar- 
tyrs et  Jes  pénitents.  Voici,  a-t-il  dit  à  ses  plus  chers  amis,  voici 
que  je  vous  envoie  comme  des  agneaux  au  milieu  des  loups  :  Ecce 
ego  r.xitto  vos  sicut  agnos  inter  lupos  (Luc.  x.  3). 

Qui  racontera  sa  génération,  dit  Isaïe  :  Generationem  ejus  guis 
enorrolit?  (o3.  8.)  Ces  paroles  peuvent  s'entendre  de  l'immense 
fécondité  de  Ja  croix  de  J.  C,  qui  a  engendré,  dans  tous  les  siècles  et 
dans  tous  les  lieux,  et  qui  engendrera  ius-Tii'à  la  fin  du  monde,  des 

millions  de  saints,  de  martyrs,  de  viefgp§,  d'élus Elles  s'acepr- 

dpnt  avec  les  autres  paroles  du  même  p-'^hète  :  Parce  qu'il  adonné 
sa  vie  pour  expier  le  péché,  il  aura  iu>  ■  Viice  immortelle  :  Siposuerit 
pro  peccato  animant  suam,  videbit  semen  i^ngœvum  (lui.  10).  ' 

Mais,  dans  ce  passage,  il  s'agit  ici  surtout  de  la  génération  divine 
et  Je  la  génération  humaine  de  J.  C,  Contemplant  les  opprobres  et 
les  douleurs  du  Messie,  et  considérant;  en  même  temps  sa  personnes 
et  sa  dignité,  Isaïe,  ravi  hors  de  lui-même,  s'écrie  plein  d'admira- 
tion :  Generationem  ejus  guis  enarrobit?  Qui  racontera  sa  gépération? 
Q  juifs,  comment  osez-vous  Je  crucifier  ?  comment  osez-vous  infliger 
au  Christ  de  si  cruels  tourments,  lui  dont  l'àgp.  la  génération  et  la 
vie  sont  ineffables?  Si  vous  le  considérez  comme  Dieu,  son  à-;e  est 


(1)  Venit  Agnns;  qualis  Agiras  est?  qnem  lupi  liment.  Oualis  a?mis  est9  qu>  leonem 
tecisus  occidit.  Dicius  est  cuuii  diabolo  leo  circumier.s  et  rugie.is ,  qtiserens  quem 
iDevoret  :  sanguine  Agni  vietns  est  leo.  Ecce  spectaculum  christianornm  :  Rex  noster 
tnansuetudine  vicit  diabolum.  Sacvieb  il  il  le.  iste  sufferebat.  V  ictus  est  qui  s;e\iebat, 
likit  qui  sufierébat,  lu  isia  inansuetudine  Bccléria  mincit  iuimicos kSerta.  vdeCott- 
vers   S.  Pauli). 


616  PÀSSTCW  DE  JÉSl^-OTATST. 

l'éternité.  Le  Père  l'a  engendré  avant  tous  1rs  temps,  semblable  et 
égal  à  lui  ;  il  est  donc  coéternel  au  Père.  Lui-même  vous  l'a  fait  cou* 
naiire  :  Moi  et  mon  Père,  vous  a-t-il  dit,  nous  sommes  un  :  Ego  et 
Pater  union  sumvs  (Joann.  x.  30).  Si  vous  le  consi  !érez  comme 
homme,  sa  génération  est  miraculeuse,  divine,  ineffable;  elle  vient 
du  Saint-Esprit.  Sa  naissance  est  nouvelle  et  admirable;  il  est  né 
d'une  vierge.  Conçue  par  une  opération  divine,  l'humanité  du  Christ 
est  unie  hypostatiquement  à  la  divinité,  au  Verbe  de  Dieu;  et  cette 
union  est  indissoluble,  éternelle  :  de  l'homme  elle  l'ait  un  Dieu. 
Et  c'est  ce  Dieu  l'ait  homme  que  vous  osez  renier,  outrager, 
crucifier  !... 

11  distribuera  les  dépouilles  des  forts,  dit  encore  ïsnïe  :  Fortium 
dividet  spolia  (lui.  \1).  Les  dépouilles  des  forts  sont  celles  des 
démons,  des  rois  et  des  puissants,  etc.  11  les  enlèvera  par  sa       c  , 

par  les  enseignements  de  ses  apôtres,  etc Il  les  enlèvera  en 

dépouillant  les  hommes  du  péché  et  en  les  révélant  de  la  grâce, 
de  la  vertu  et  de  la  gloire  éternelle 

Jéhovah,  dit  le  prophète  Zacliarie,  sortira  et  combattra  contre  h  s 
nations.  Et  ses  pieds  reposeront  en  ce  jour-là  sur  la  montagne  qui 
est  vis-à-vis  de  Jérusalem;  et  la  montagne  sera  fendue  en  \ 
parts,  de  l'orient  à  l'occident  (xiv.  3.  A).  En  ce  jour,  des  eaux  v  ves 
jailliront  de  Jérusalem.  Jéhovah  deviendra  le  roi  de  tout?  la  terre  : 
il  sera  le  Dieu  unique  ;  il  n'y  aura  plus  que  son  nom  :  Et  erit  i  e 
Ma  :  Exibunt  aqvœ  vivœ  de  Jérusalem.  Et  erit  Dominus  rex 
omnem  terrain  :  in  die  Ma  erit  Dominus  unus ,  et  erit  nomen  ejus  vnom 
(Id.  xiv.  8). 

Isaïe,  dans  le  chapitre  Line  de  ses  prophéties,  annonce  la  passion 
de  J.  C.  avec  tant  de  clarté,  de  précision  et  de  détails,  qu'il  parle  en 
évangéliste  plutôt  qu'en  prophète.  11  semble  qu'il  ne  pré  lit  pas 
l'avenir,  mais  qu'il  est  au  temps  de  la  passion,  qu'il  en  est  témoin; 
qu'il  la  voit  tout  entière.  Aussi  ce  chapilra  pourrait-il  être  intitulé  : 
Passion  de  J.  C.  selon  haïe.  Il  décrit  d'une  manière  si  frappante 
l'état  où  se  trouvera  J.  C,  les  coups  qu'il  recevra,  les  plaies  qui  le 
couvriront,  les  douleurs  et  les  humiliations  dont  il  sera  abreuvé,  sa 
patience,  son  sacrifice  volontaire,  sa  mort,  sa  mise  au  rang  dc3 
scélérats,  sa  sépulture,  la  cause  et  le?  résultats  de  la  passion,  quo 
les  Juifs  ne  peuvent  rien  objecter  ni  répondre.  (  Voyez  cechapilrp.\ 

Sépuitnre  de    Un  décurïon  nommé  Joseph  d'Arimathie,  homme  bon  et  juste .  alla 
trouver  Pilate,  et  lui  demanda  le  corps  de  Jésus.  Et,  l'ayant  uéteoha 


PASSTON  DE  réSÏÏS-CHMST.  61*? 

cîe  la  ^ro;:  .  il  l'enveloppa  d'un  linceul,  et  le  mit  rla:i-  un  sépulcre 
taillé  dans  le  roc,  où  personne  n'avait  encore  été  mis  (Luc.  xxiu. 
50.  53).  Comme  avant  J.  C.  ni  après  lui,  personne  n'a  été  conçu  clans 
le  sein  d'une  femme  demeurée  vierge  ;  ainsi  personne  n'avait  été  mis 

ni  ne  l'ut  placé  depuis  dans  le  tombeau  de  J.  G Le  prophète  lsaïe 

a  prédit  la  gloire  qui  dc\ait  environner  ce  tombeau  :  En  ce  jour- à, 
dit-il,  le  rejeton  de  Jessé  sera  élevé  comme  un  étendard  à  la  vue  des 
peuples;  toutes  les  nations  l'invoqueront ,  et  son  sépulcre  sera  glo- 
rieux :  In  die  Ma  radis  Jesse ,  qui  sfat  in  sîgnum  pnpulorum,  ipsum 
génies  dcprccabinitur,  et  erit  sepulcrumejus  gloriosum('Ki.  -10). 

Le  tombeau  de  Jésus-Christ  a  été  environné  de  glcire,  car  1°  le 
séjour  qu'y  lit  le  Sauveur  fut  précédé  d'un  tremblement  de  terre 
incomparable,  et  d?  la  résurrection  de  plusieurs  saints  personnages 
(  Matth.  xxvn.  51-53  ).  2u  L'impératrice  sainte  Hélène  enferma  ce 

tombeau  dans  un  temple  magnifique 3°  A  toutes  les  époques,  et 

même  depuis  que  les  Ottomans  ont  conquis  la  terre  sainte,  de  tous 
les  points  de  la  terre  de  pieux  pèlerins  sont  venus  en  grand  nombre 
le  visiter  et  y  prier.  4°  11  s'y  est  fait  et  il  s'y  fait  encore  de  grands  et 
de  nombreux  miracles  :  les  pécheurs  s'y  convertissent,  les  démons  y 

sont  mis  en  fuite,  les  malades  sont  guéris 5°  Chaque  année,  le 

samedi  saint,  il  s'y  célèbre  une  fête  solennelle.  On  y  dresse  un  tom- 
beau commémoratif,  très-orné  et  resplendissant.  (5°  Enfin,  le  tom- 
beau de  J.  C.  a  éi  '  r  n  lu  glorieux  par  le  miracle  de  la  résurrection 
du  Sauveur. 


PASSIONS  (LE8).  (Voyez  Concupiscence.) 


Pn'ordrM     ""■"    'homme  qui  s'abandonne  aux  passions  est  semblable  aux  bètes 
passions.  qui  se  laissent  mouvoir  par  l'impétuosité  de  leurs  penchants, 

M-^M  et  qui  ne  sont  point  conduites  par  le  jugement  de  la  raison. 
Quedis-je?  il  est  pire  qu'une  bête  :  car  les  animaux  de  même  espèce  ne 
s'attaquent  pas  les  uns  les  autres,  tandis  que  l'homme  qui  suit  ses 
passions  attaque  l'homme.  A  lui  seul  il  réunit  la  jalousie  du  chien, 
la  voracité  du  loup,  l'orgueil  du  lion,  la  férocité  du  tigre,  la  paresse 
de  l'âne,  la  méchanceté  du  serpent,  la  ruse  du  renard,  etc. 

0  homme  qui  obéis  à  tes  passions  dévorantes,  où  vas-tu?  que. 
deviendras-tu?... 

Vous  ne  pouvez  pas,  dit  un  grave  auteur,  vous  ne  pouvez  p;u> 
continuer  de  mettre  au  rang  des  hommes  celui  que  vous  ypyej; 
métamorphosé  par  les  passions  ;  l'apparence  humaine  qui  ]\\\  reste 
prouve  quïl  était  autrefois  un  homme;  mais  il  ne  l'est  plus.  L'ava- 
rice qui  le  dévore  le  pousse-t-elle  à  ravir  violemment  le  bien  d'autrui  ? 
rangez-le  parmi  les  loups.  Cédant  à  ses  emportements  et  à  ses  agi- 
tations, se  livre-t-il  à  des  cris,  à  des  injures,  à  des  querelles?  rang 
parmi  les  chiens.  Se  réjouit-il  d'avoir  trompé  son  prochain  par  d 
ruses  secrètes?  égalez-le  aux  renards.  La  colère  et  la  fureur  le  pos- 
sèdent-elles? croyez  qu'il  a  un  cœur  de  lion.  Timide  et  peureux , 
s'enfuit-il,  même  quand  il  ne  court  aucun  danger?  comparez-le  au 
cerf.  Se  montre-t-il  paresseux  et  stupide?  mettez  sa  vie  au  niveau 
de  celle  de  l'âne  ?  Fait-il  preuve  de  légèreté  et  d'inconstance?  vous 
le  comparerez  justement  aux  oiseaux  et  surtout  aux  papillons.  Se 
plonge-t-il  dans  les  sales  et  dégoûtantes  voluptés  de  la  chair?  placez- 
le  entre  un  porc  et  un  bouc,  et  tous  trois  seront  dignes  l'un  de 
l'autre.  Ainsi  l'hoiv  c  qui  abandonne  Dieu,  la  justice  et  la  vertu  se. 
change  en  bète  i.umonde  ou  cruelle  (Boethius,  de  Consolatione , 
lib.  IV). 

Toutes  le?  voluptés  et  toutes  les  passions  enivrent  l'âme,  c'est-à- 
dire  la  maîtrisent,  l'aveuglent,  l'énervent,  l'hébètent,  lajettenthors 
d'elle,  à  peu  près  de  la  même  manière  que  l'ivresse  du  vin  maîtrise 
le  cor  s,  trouble  la  tête  et  enlève  le  bon  sens.  Comme  la  sobriété 
est,  si  jepnis  m'exprimer  de  In  sorte,  la  sagesse  et  la  vertu  du  corps: 


passions  (ms).  619 

ainsi  fout  yic$,  toute  passion  est  l'ivresse  pf;  la  foliçde  l'Ame ,  ivresse 
et  folie  produite  par  le  vin  du  mal  tiré  du  raisin  de  la  passion;,  que 

le  démon,  sinistre  hôtelier,,  lui  présente  pt  lui  l'ait  boirp Ivres 

de  passion,  les  mondains,  dit  saint  Grégoire ,  ne  sep tent  plus  les 
péchés  horribles  qu'ils  commettent  et  qu'ils  font  commettre  [Lib. 
in  Luc). 

L'iniquité  dévore  les  hommes  qui  s'y  abandonnent,  pomme  le  fer 
dévore  la  paille. 

Elevé  en  honneur,  l'homme,  dit  le  Roi-Prophète,  n'a  pas  compris 
sa  destinée;  il  s'est  mis  au  rang  des  animaux  qui  n'ont  pas  l'intel- 
ligence, et  il  leur  est  devenu  semblable  ;  Homo,  eu-w  in  honore  esset, 
non  intcllexit  ;  comparatifs  est  jument is  insipientibus,  pt  similis  factus 
est  il  lis  (xpvni.  13).  Voilà  le  portrait  de  l'homme  qui  prête  l'oreille  à 
ses  passions 

Vous  tous,  s'écrie  Isaïe,  vous  tous  qui  avez  allumé  dans  votre  cœur 
le  feu  des  passions  et  qui  êtes  entourés  de  flânâmes,  marchez  à  la 
lueur  de  votre  feu,  au  sein  des  flammes  que  vous  avez  excitées  :  Ecce 
vos  omnes  accendentes  ignem,  accincti  flammis,  ambulate  in  lumine  ignis 
Vt  itris  et  in  flammis  quas  succendistis  (l.  11  ).  Vous  avez  laissé  se  déve- 
lopper en  vous  des  passions  dévorantes,  vous  en  serez  ki  victime; 
l'incendie  que  vous  n'avez  pas  arrêté  vous  consumera  3  vous  et  ceux 
qui  se  trouveront  autour  de  vous. 

Les  passions  sont  les  étincelles  du  feu  de  l'enfer 

David  se  souille  de  deux  crimes;  éco^tez-le  décrivant  s#  situ^vtiqn :      conit>ieu 
Le  sentiment  de  mes  fautes,  dit-il,  s'élève  chaque  jour  coptre  moi;     ^êSn? 
et  la  confusion  qui  est  montée  à  mon  visage  m'a  couvert  tout  entier:  rh<wme  i -;  1g 

co  livrent 

Tota  die  verecundia  mea  contra  me  est,  et  çonfusio  faciei  meœ  cooperuit   de  confusion. 
me  (xliii.  16). 

L'apôtre  saint  Jude  trace  ainsi  le  portrait  des  hommes  conduits 
par  les  passions  :  Ils  blaspbènient,  dit-il,  tout  ce  qu'ils  ignorent,  et 
se  corrompent  dans  tout  ce  qu'ils  savent  naturellement  comme  les 
animaux  muets.....  Ils  fpnt  tache  dans  leurs  repas,  se  gorgpant  sans 
retenue  et  prenant  leur  pâture  :  nuées,  ^ans  eau,  emportées  çà  et  là 
par  les  vents  ;  arbres  d'autpmne,  flétrjs,  stériles,  dpux  fpis  morts, 
déracinés;  flots  d'une  mer  furjeusp,  rejetant  l'écume  de  leurs  hontes; 
astres  errants,  une  tempête  de  ténèbres  J  eur  est  réservée  pour  l'étpr- 
nité.  Us  sont  murmurateurs  et  se  plaignant  sans  e:sse:  ils  marchent 
selon  leurs  convoitises,  et  leur  bouche  articule  des  paroles,  pleines  de 


620  TASSIONS  (les). 

faste Ils  se  séparent  de  Dieu  :  hommes  de  vie  animale  qui  n'ont 

plus  en  eux  le  Saint-Esprit (x.  12.  13.  16.  19.) 

Les  désordres  de  toute  sorte  ,  l'ignominie ,  l'esclavage ,  la  dégra- 
dation sont  la  famille  des  passions  qui  s'emportent  et  que  l'on  ne 
refrène  point 

Adam  et  Eve  péchèrent;  aussitôt  les  yeux  de  l'un  et  de  l'autre 
furent  ouverts,  et  la  honte  devint  leur  partage.  Et  ils  entendirent  la 
voix  du  Seigneur  qui  s'avançait  dans  le  jardin,  et  pour  éviter  la  i  ré- 
gence de  Dieu,  ils  se  cachèrent  parmi  les  arbres  couverts  de  feuillage. 
Mais  le  Seigneur  Dieu  appela  Adam,  et  lui  dit:  Où  es-tu?  Adam 
répondit  :  J'ai  entendu  votre  voix  ,  et  comme  j'étais  nu,  j'ai  été 
saisi  de  crainte  et  de  honte,  et  je  me  suis  caché  {Gcn.  m.  7-10). 

Nous  dormirons  dans  notre  confusion,  dit  Jérémie,  et  notre  igno- 
minie nous  couvrira  tout  entiers,  parce  que  nous  avons  péché  con- 
tre le  Seigneur  notre  Dieu  :  Dormiemus  in  confusione  nostra,  et  operiet 
nos  ignoiuinia  nostra,  quoniam  Domino  nostro  peccavimus  (m.  2>  . 

Les  hommes  qui  s'abandonnent  à  leurs  passions ,  dit  le  même 
propliète  ,  seront  profondément  confondus,  parce,  qu'ils  n'ont  pas 
compris  l'opprobre  éternel ,  que  rien  ne  peut  effacer  :  Confundenttir 
véhément er ,  quia  non  intellexerunt  opprobrium  sempitemum,  quod  uun- 
quam  delcbilur  (  xx.  1 1  ). 

Us  tomberont  sans  honneur,  dit  la  Sagesse,  en  opprobre  S  jamais 
entre  les  morts  :  Et  crunt  post  hœc  decidentes  sine  honore  et  in  con- 
tumelia  inter  mortuos  in  perpetumn  (  iv.  19  ). 

Combien       ]\ous  nous  sommes  lassés  dansla  voie  de  l'iniquité  et  de  la  perdition; 
rendent0'     <ii:ient  les  hommes  qui  satisfont  leurs  désirs  déréglés;  nous  avons 

coi.pnbiesct    marché  dans  des  voies  difficiles  et  nous  avons  ignoré  la  voie  du  Sei- 
mauicuieux.  ~ 

gneur  .  Lassai  i  sumus  in  va  iniquilatis  et  perdit  ionis,  et  ombulavimus 

vias  difficiles;  viam  autem  Domïni  ignoravimus  (Sap.  v.  7). 

Us  se  sont  pervertis,  dit  le  Psalmiste  ,  et  ils  se  sont  rendus  abomi- 
nables :  Corrupti  sunt ,  et  abominabiles  facti  sunt  (xill.  2).  Ils  Se 
e"c  rtés  du  droit  chemin,  ils  se  sont  mutuellement  pervertis  :  Omnes 
declinaverunt ,  simul  inutiles  facti  sunt  (Ibid.  xm.  3). 

La  douleur  et  !<i  malheur  les  suivent;  ils  n'ont  pas  connu  le  che- 
min de  la  paix,  dit  encore  le  Psilmiste  :  C  ntritio  ci  in  félicitas  in  viis 
eorum,  et  viam  pacis  non  cognoverunt  (  xm.  3). 

Ou  peut  appliquer  à  la  tyrannie  que  les,  passions  exercent  sur 
J'ame  ce  que  Jérémie  dit  de  l'oppression  que  les  ennemis  de  Ja  lille 
de  Sion  laisaient  peser  sur  (;lle.  Tous  ses  persécuteurs  l'ont  saisie  et; 


PASSIONS  (LES);  621 

plonrrée  flans  l'angoisse  :  Omnes persécutons  ejus  opprehcndcnmt  CQïïl 
inter  augvstias  (Lament.  i.  3). 

On  peut  encore  lui  appliquer  la  sentence  du  prophète  Michée  : 
L'homme  a  rencontré  ses  ennemis  au  seuil  de  sa  propre  maison  : 
Inimici  kominis  domestici  ejus  (vu.  6);  c'est-à-dire  ici  dans  son  âme, 
au  fond  de  son  cœur. 

Agésilas,  roi  des  Lacédémoniens,  disait  qu'il  préférait  vaincre 
ses  passions  plutôt  qu'une  année  ennemie,  tant  les  passions  sont 
funestes  (Ita  Laertius). 

Etqu'on  ne  prétende  pas  qu'on  ne  saurait  vaincre  :  vouloir  c'est 
pouvoir.  Avec  la  grâce  de  Dieu  et  une  ferme  volonté,  rien  n'est 
impossible.  Si  vos  passions  sont  si  vives  et  si  fortes,  c'est  vous  qui  en 
avez  été  la  cause,  par  vos  imprudences ,  par  votre  peu  de  vigilance, 
de  pieté  et  de  crainte  de  Dieu 

Toutes  les  passions  mauvaises,  dit  saint  Augustin,  sont  les  portes  Diendptpste 
d^  l'enter  :  Oinnes  pravœ  cupiditates  sunt  portos  mferi  (  oen-  les  passons, 
tent.  cxxxvi). 

Ayant  en  horreur  les  hommes  qui  se  livrent  à  leurs  passions,  Dieu 
les  punit  en  celte  vie  par  la  privation  de  ses  grâces,  par  l'aveugle- 
.  ment  et  par  l'endurcissement;  à  la  mort,  par  lïmpénitence  finale; 
dans  L'éternité  .  par  le*  flammes  de  l'enfjr 


-  ....« 


PATER  (LE). 


«ïience  du  ~W~    e  Pater  ou  le  Notre  père  est  la  prière  la  plu?  pirfaite ,  la  plus 


Pater. 


L 


Piihlime,  la  plus  sainte,  la  plus  avantageuse  de  toute?  , 
deux  raisons  majeures  :  la  première  est  que  le  Pater  est  une 
prière  composée  par  un  Dieu;  la  seconde  est  que  dette  prière  ren- 
ferme tout  ce  que  Dieu  demande  de  noUs ,  et  tout  ce  que  nous 
avons  à  demander  à  Dieu  pour  nos  besoins,  quels  qu'ils  soient...... 

Le  Pater  ren-  \L  y  a  sept  demandes  dans  le  Pater.  Les  trois  premières  :  Que  votre 

ferme  sept  . 

îemaodes.  nom  soit  sanctifié  ,  Que  votre  règne  arrive,  Que  votre  volonté  soit 
faite  sur  la  terre  comme  au  ciel,  concernent  l'hoaneur,  le  service, 
l'amour  ,  l'adoration  dus  à  Dieu.  Les  quatre  dernières  :  Donnez-nous 
aujourd'hui  notre  pain  de  chaque  jour,  Pardonnez-nous  nos  offenses 
comme  nous  pardonnons  à  ceux  qui  nous  ont  offensés^  Ne  nous  lais- 
sez pas  succomber  à  la  tentation ,  Mais  délivrez-nous  du  mal ,  con- 
cernent notre  utilité  et  embrassent  tous  nos  besoins 

Notre  Père!  Le  mot  pater ,  père,  s'adresse  principalement  à  la  première  per- 
sonne de  la  très-sainte  Trinité,  qui  est  le  Père  ;  mais  ce  mot  s'a  lresse 
également  au  Fils  unique  et  au  Saint-Esprit;  il  s'adresse  à  l'auguste 
Trinité  tout  entière. 

Dieu  est  notre  père,  1°  parce  qu'il  nous  a  créés...;  2°  parce  qu'il 
nous  a  rachetés...;  3°  parce  qu'il  nous  a  régénérés  dans  les  eaux 
du  baptême...;  4°  parce  qu'il  nous  a  adoptés  pour  enfants...; 
5°  parce  que  sa  providence  veille  sur  nous...;  6°  parce  qu'il  nous  a 
appelés  à  l'héritage  céleste ,  nous  ayant  établis  les  cohéritiers  de 
J.  C.  Que  ne  donnera  pas  à  ses  fils  celui  qui  leur  a  donné  d'être  sr>s 
fils?  dit  saint  Augustin:  Quid  enim  non  det  filiis,  qui  dédit  ut  /i,'li 
essent  ?  (Serm.  m.)  Quelle  dignité,  quelle  gloire  et  quel  bonlnur 
pour  nous  de  pouvoir  appeler  Dieu  notre  père  :  Pater  noster!  et  qu'il 
le  soit  en  effet!...  Quel  honneur  que  nous  puissions  appeler  Dieu 
notre  père ,  s'écrie  saint  Cyprien,  et  que  de  même  que  J.  C.  est  le 
Fils  de  Dieu,  nous  soyons  aussi  nommés  fils  de  Dieu ,  fils  auxquels 
l'éternité  est  promise  1  Nous  ne  devons  pas  oublier  que  si  nous 
appelons  Dieu  notre  père,  nous  devons  agir  en  fils  de  Di  , 
afin  que,  connue  nous  sommes  heureux  d'avoir  pour  ^cre  uûDieuj 


?ATER   (LE).  623 

il  soit  satisfait  de  nous  avoir  pour  iils.  Conduisons-nous  comme 
étant  les  temples  vivants  de  Dieu,  afin  qu'il  devienne  évident  que 
Dieu  habite  en  nous  (1). 

Notre  père ,  Pater  noster...,  père  de  tous  les  hommes,  qui  par  con- 

séquent  sont  frères Nous  sommes  donc  tenus  de  prier  les  uns 

pour  les  autres ,  de  nous  aimer  comme  des  frères ,  de  nous  secourir 

nous  entr'aider Saint  Ambroise  dit:  Chacun  prie  pour  tous, 

et  tous  pour  chacun.  11  en  résulte  ce  grand  avantage,  qu'à  chacune 
des  prières  de  chaque  lidèle  sont  acquis  les  suffrages  de  tout  le 
peuple  [c2j. 

J.  C.j  dit  saint  Cyprien,  veut  que  chacun  prie  pour  tous ,  comme 
lui-même  nous  a  portés  tous  en  lui  :  Or  are  unum  pro  omnibus  volait, 
quomodo  in  uno  ornnes  ipse portavit  (De  Orat.  tract.  ). 

Priant  pour  tous,  nous  avons  part  à  la  prière  de  tous 

Vous  m'appellerez  père,  dit  le  Seigneur  par  la  Louche  de  Jéré- 
mie  :  Patrem  vocabis  me  (ni.  49). 

Dieu,  dit  saint  Thomas,  est  appelé  père:  1°  parce  qu'il  est  le 
créateur  de  l'univers,  selon  ces  paroles  de  J.  C.  :  Je  vous  rends 
gloire,  mon  Père,  Seigneur  du  ciel  et  de  la  terre  :  Confiteor  tibi, 
Paler,  Domine  cœli  et  terrœ  (Matth.  xi.  25)  ;  2°  parce  qu'il  nous  a 
adoptés,  selon  ces  paroles  de  saint  Paul  aux  Romains  :  Vous  avez 
reçu  l'esprit  d'adoption  des  fds  de  Dieu,  esprit  en  qui  nous  crions  : 
Père ,  Père  :  Accepistis  spiritum  adoptionis  filiorum  Dei,  in  quo  cla- 
rnamus  :  Abba,  Paler  (  vin.  15)  ;  2°  parce  qu'il  nous  a  instruits,  selon 
ces  paroles  d'Isaïe  :  Le  père  fera  connaitre  à  ses  enfants  la  vérité  : 
Pater  fdiis  notam  faciet  ver itatem  (xxxm.  19);  4°  parce  qu'il  nous 
corrige,  selon  ces  paroles  des  Proverbes  :  Le  Seigneur  châtie 
celui  qu'il  aime ,  et  il  se  compîait  en  lui  comme  dans  son  fils  : 
Quem  enim  ddujit  Dominas,  corripit ;  et  quasi  pater  in  filio  complacet 
sibi  (m.  xn.  —  1.5.  art.  7). 

(Notre  pèr^  aui  êtes  aux  cieux  :  Qui  es  in  cœlis.  Ces  paroles  signifient    Qui  êtes  aux 

ciôux 
1°  la  touie-^uissance  de  Dieu...  ;  2°  que  Dieu  notre  père  habite  le 

(1  )  Quantus  honor  ut  Deum  pal  rem  vocemus ,  et  ut  est  Chrislus  Dei  Filius  ,  sic  et 
nos  Dei  filios  nUhcapemiis,  quibus  :eîernitas  repromittitur.  Meminisse  debemus,  quia 
quamlo  patrem  Deum  dicimus,  quasi  filii  Dei  agere  debemus; ut  quomodo  nos  nobis 
placemus  de  Deo  paire,  sic  sibi  placeat  et  de  nobis.  Converaemur  quasi  Dei  templa, 
ut  Deum  in  nobis  constet  habitare  (De  Orat.  dont.), 

(2)  Singuli  orant  pro  omnibus,  et  c-mues  pro  singulis.  Tta  magna  remuneratio  est, 
ut  oralionibus  gingulorum  acquiraulur  singulis  totius  plebis  sufTragia  (JDe  Cain. 


621  ÏATER   (LE). 

plus  haut  des  cieux,  et  que  le  ciel  e?t  notre  patrie,  notre  héritage...  ; 
3°  la  nécessité  d'élever  notre  âme  au-dessus  des  choses  de  la  terre...  ; 
4°  qu'il  ne  faut  demander  et  désirer  que  ce  qui  conduit  au  fi  A...  ; 
5°  que  nous  devons  nous  regarder  comme  étrangers  sur  la  terre  et 
mépriser  le  monde,  ses  biens,  ses  plaisirs,  ses  honneurs  et  ses  pro- 
messes... ;  6°  que  nous  devons  éviter  l'enfer  et  par  conséquent  le 
péché  qui  y  conduit,  et  résister  au  démon  qui  voudrait  devenir  notre 
père,  afin  de  nous  tuer  pour  l'éternité 

Premif»-*  de-  Qce  votre  nom  soit  sancti  fié  :  Sanctificetur  nomen  tvum.  Par  ccsparoles 
nous  demandons  d'abord  la  conservation  des  grâces  que  nous  avons 
reçues  au  baptême...  ;  2°  notre  sanctification  quotidienne...  ;  3°  que 
tous  les  hommes  arrivent  à  la  sainteté...  ;  4°  que  Dieu  soit  adoré, 
servi,  aimé  par  toutes  les  créatures...  ;  5°  que  tous  les  divins  attri- 
buts de  Dieu  soient  célébrés  et  sa  gloire  répandue  d'un  pôle  à 
l'autre. 

Que  votre  nom  soit  sanctifié  :  Sanctificetw  nomen  tuum.  C'est-à- 
dire,  Seigneur,  que  votre  majesté,  votre  grandeur,  votre  puissance, 
votre  bonté,  votre  miséricorde,  votre  justice,  votre  providence,  etc., 
snt  connues,  bé  ies,  glorifiées  en  tous  temps  et  en  tous  lieux,  et 

à  jamais Que  chacun  vous  loue,  vous  aime,  vous  remercie  et 

vous  craigne 

becondede-  Que  votre  règne  arrive  :  Âdveniat  regnurn  tuum.  Dans  la  première 
demande,  nous  témoignons  le  désir  que  Dieu  soit  connu,  aimé,  servi, 
adoré  par  toutes  les  créatures,  et  que  nous-mêmes  arrivions  à  la  sain- 
teté. Dans  la  seconde,  nous  exprimons  le  souhait  rie  voir  rétablir  le 

règne  de  Dieu 

Il  y  a  quatre  règnes  de  Dieu  :  le  premier  est  le  règne  de  Dieu  su/ 
toutes  les  créatures.  Votre  règne,  Seigneur,  dit  le  Prophète  royal, 
est  un  règne  qui  embrasse  tous  les  siècles;  et  votre  empire  s'étend 
des  générations  aux  générations  :  llerjnum  tuum,  regnum  omnium  secu~ 
lorum;et  dominatio  tua  in  omni  générât ionc  et  generattonem  (cxliv.  13). 
Le  second  est  un  règne  mystique,  le  règne  de  Dieu  dans  les  âmes 
par  la  foi  et  par  la  grâce.  Il  nous  soustrait  à  la  tyrannie  du  péché, 
du  démon ,  du  monde  et  de  la  chair;  et  fait  naître  en  nous  toutes  les 

vertus 

Le  troisième  est  le  règne  de  Dieu  dans  le  ciel.  Quand  nous  disons: 
Que  votre  règne  arrive  ,  nous  deman  '.ions  donc  de  voir  s'ouvrir  pouf 
nous  le  règne  de  Dieu,  rémunérateur  des  saints. 


PATER   (LE).  G23 

Le  quatrième  est  le  règne  de  Dieu  tel  qu'il  aura  lieu  au  jugement 
universel,  règne  qui  sera  le  prélude  du  règne  éternel 

Qr-E  votre  volonté  soit  faite  sur  la  terre  comme  au  ciel  :  Fiat  voîuntas  TroWc-m-  de-r 
twi  sicul  in  cœlo  et  in  terra.  Il  y  a  deux  volontés  en  Dieu  :  la  volonté       milude» 
absolue  et  la  volonté  de  désir. 

La  volonté  absolue  est  celle  par  laquelle  Dieu  veut  définitivement 
une  chose;  par  exemple,  la  création.  A  cette  volonté,  rien  ne  peut 
résister 

La  volonté  de  désir  est  celle  d'après  laquelle  Dieu  nous  instruit  de 
ce  qu'il  veut  que  nous  observions  dans  sa  loi.  C'est  de  cette  volonté 
qu'il  est  question  dans  les  paroles  du  Pater  :  Que  votre  volonté  soiî 
faite  :  Fiat  voîuntas  tua.  Par  ces  mots,  nous  nous  souhaitons  à  nous- 
mêmes  tous  les  biens;  car  les  élus  qui  font  pleinement  la  volonté 
de  Dieu,  sont  pleinement  heureux  et  comblés  de  toutes  les  richesses 
de  la  divinité 

Que  votre  volonté  soit  laite.  Or ,  dit  saint  Paul ,  la  volonté  de  Dieu 
est  votre  sanctification  :  II œc  est  voîuntas  Dei ,  sanctificatio  vestra 
(I.  ïhess.  iv.  3). 

Quiconque,  dit  J.  C. ,  fait  la  volonté  de  mon  Père  qui  est  dans  les 
cieux,  celui-là  est  mon  frère,  et  ma  sœur,  et  ma  mère  :  Quicumque 
fecerit  voluntalem  Patris  mei  qui  in  cœlis  est ,  ipse  meus  frater  et  soror 
et  mater  est  (Matth.  xn.  50). 

Je  suis  descendudu  ciel  non  pour  faire  ma  volonté,  mais  la  volonté 
de  celui  qui  m'a  envoyé,  dit  encore  le  Sauveur.  Or,  ceci  estL 
volonté  du  Père  qui  m'a  envoyé,  que  de  tout  ce  qu'il  m'a  donné, 
rien  ne  se  perde;  mais  que  je  le  ressuscite  au  dernier  jour.  Ceci  est 
la  volonté  du  Père  qui  m'a  envoyé,  que  quiconque  voit  le  Fils,  et 
croit  en  lui,  ait  la  vie  éternelle;  et  moi  je  le  ressusciterai  au  dernier 
jour  (Joann.  iv.  38-40). 

La  volonté  de  Dieu  que  J.  C.  a  faite  et  qu'il  a  enseignée ,  dit  saint 
Cyprien ,  c'est  L'humilité  dans  la  conduite ,  la  stabilité  dans  la  foi,  la 
modestie  dans  les  paroles ,  la  justice  dans  les  actes,  la  miséricorde 
dans  les  œuvres,  la  discipline  et  la  sagesse  dans  les  mœurs;  c'est  ne 
pas  savoir  faire  une  injure,  et  pouvoir  supporter  l'injure  reçue; 
c'est  avoir  la  paix  avec  tous  et  aimer  Dieu  de  tout  son  cœur,  l'aimer 
en  tant  que  père  et  le  craindre  en  tant  que  Dieu;  préférer  J.  C.  à 
tout,  car  il  nous  a  préféré  lui-même  à  tout;  adhérer  inséparablement 
à  son  amour;  s'attacher  fortement  et  avec  confiance  à  la  croix;  et 
quand  il  est  question  de  son  nom  et  de  son  honneur,  montrer  de  la 
m.  *o 


626  PATER   (LE). 

fermeté  à  lui  rendre  témoignage  dan?  no?  paroles,  delà  constance  à 
combattre  pour  lui,  et  de  la  patience  à  la  mort,  afin  d'être  couronné. 
En  agissant  ainsi ,  on  devient  le  cohéritier  de  J.  C.  ;  on  accomplit  le 
précepte  du  Seigneur;  on  fait  parfaitement  la  volonté  du  Père 
céleste  (De  Orat.  dom.). 

Nous  devons  conformer  notre  volonté  à  celle  de  Dieu  :  \°  dans 
notre  conduite,  c'est-à-dire  vouloir  ce  qu'il  veut,  obéir  à  sa  loi...; 
2°  dans  nos  pensées,  nos  projets,  nos  aspirations.  Ici,  comme  dans 
nos  actes,  notre  volonté  doit  avoir  celle  de  Dieu  pour  objet,  c'est-à- 
dire  lavoir  en  vue  et  ne  voir  qu'elle  :  par  conséquent  elle  doit  ne 
vouloir  que  des  choses  bonnes,  conformes  à  la  droite  raison,  à  la 
conscience  éclairée;  et  même  dans  ces  conditions,  ne  les  vouloir 
qu'autant  qu'elles  pourraient  plaire  à  Dieu. 

Que  votre  volonté  soit  faite  sur  la  terre  comme  au  ciel.  Les  élus 
dans  le  ciel  font  et  feront  éternellement  la  volonté  de  Dieu  d'une 
manière  admirable  et  parfaite  ;  ce  sera  leur  bonheur.  Il  faut,  autant 
qu'il  est  en  nous,  prendre  les  élus  pour  modèles.  Oh!  que  les 
hommes  seraient  heureux  s'ils  ne  cherchaient  que  la  sainte  volonté 
de  Dieu!  Dieu  ferait  lui-même  la  volonté  des  hommes,  qui  seraient 
tous  des  saints;  et  la  terre  se  changerait  en  paradis  ! 

Que  votre  volonté  soit  faite  sur  la  terre  comme  au  ciel.  Par  lo 
mot  terre  on  entend  aussi  le  corps;  et  par  le  mot  ciel,  l'esprit. 
Dans  ce  sens,  en  récitant  ces  paroles  du  Pater ,  l'homme  i 
que  son  corps  fasse  la  volonté  de  Dieu,  aussi  bien  que  son  esprit; 
ou,  comme  le  dit  saint  Cyprien,  que  le  corps  soit  soumis  à  l'esprit 
comme  l'esprit  l'est  à  Dieu  (De  Orat.  dom.  ). 

D'autres,  par  le  mot  terre,  entendant  les  pécheurs;  et  par  le  mot 
eicl,  les  justes.  Selon  cette  explicati  m  ,  le  passage  du  Pater  dont  il 
question,  contiendrait  le  souhait  que  les   pécheurs  lissent  la 
volonté  de  Dieu  comme  la  font  les  ju 

far  le  ciel,  saint  Augustin  entend  J.  C.  ;  et  par  la  terre ,  l'Église 
fpflUS  ce  qui  donne  la  demande  :  Que  l'Église,  ô  mon 

Di.îii,  accomplisse  votre  volonté  comme  J.  C,  l'a  accomplie  (De  Orat. 
dom.  ). 

La  paix,  le  repos,  la  joie,  la  sainteté,  la  perfection  du  chrétien 
consistent  à  faire  abnégation  de  sa  volonté  pour  se  conformer  à  celle 
de  Dieu.  is  la  prospérité ,  soitdans  L'  dversîtéj  soit  da      la 

fanté,  soit  dans  les  maladies  ;  soitdans  la  vie, soit  dans  la  n 
Qu'est-ce  que  Dieu  déteste  et  punit ,  sinon   la  volonté  propre?  dit 
saint  Dernui  J.  Que  cette  vol  -e,  et  L  n'y  aura  plus  d'enfer  : 


PATER    (LE).  fi27 

Q.'.'JmJ''  rnhttcm?  Cesseû  voïvnfaa  pnopvia ,  et 

infernus  noti  crit  (Sera},  de  iNvorrcet.  ). 

Une  entière  conformité  à  la  volonté  divine,  dit  le  même  Père,  unit 

l'âme  au  Verbe  comme  l'épouse  l'est  à  son  époux  :  falis  enim  con- 

iVerttQ($èer  t.  xxvui  in  Cant;). 

iritable  épouse ,  une  épouse  digne  de  ce  nom  ,  ne 

veut  que  ce  qui  plait  à  son  époux;  et  que ,  de  son  côté  ,■  l'époux  ne 

fait  rien  qui  puisse  déplaire  à  sxi  épouse  :  ainsi  lame  qui  veut  être 

le  J.  C,  ne  veut  que  ce  qui  plait  à  J.  G.;  et  celui-ci  ne  fait 

ai  Un  déplaise.  0  riche  use  union 

La  volonté  de  Dieu  étantex  't  parfaite,  il  n'.y.  a  rien  d'auss: 

avantageux  quedes'y  sou:*.;  froment.  Agir  ainsi,  c'est  aller 

à  une  ha..  ■'.[  c'e^t  i'a\oir  atteinte,  car  toute  la 

perfection  est  là,  et  elle  n'est  que  là 

Dieu  sait  très-bien  ce  qui  nous  convient,  ce  qu'il  nous  faut  et  tout 
(â  qui  peut  nous  rendre  heureux ,  soit  pour  le  temps,  soit  pour 
l'éternité,  tandis  que  nous  l'ign;  .      lus  sommes  d;  .   : 

aveugles  et  ennemis  de  nous-mêmes ,  quand  nous  m  otre 

vol  n,é  à  la  place  de  celle  de  Dieu.  Quarrive-t-il  aku  no 

La  volonté  de  Dieu  ,  ni  la  nôtre Pharaon  -■>  e  sa 

dé  et  il  résiste  à  celle  de  Die.:;  tiil  aboutit Moïse 

fait  en  tout  la  volonté  de  Dieu;  admirez  comment  cà  son  tour  Dieu 
fait  celle  de  Moïse,  en  Egypte,  au  bord  de  la  mer  Rouge,  et  .".ans  le 
désert.  Les  anges  rebelles  refusent  de  faire  la  volonté  de  Dieu ,  que 
deviennent-ils?...  Adam  suit  ia  même  voie,  quel  est  son  so:v?  .. 

Donnez -nous  aujourd'hui  notre  pain  de  chaque  jour  :  Panem  Quatrième 
noslrum  quoi  idianum  da  nobis  hodie.  Par  cette  qu  demande        1Mll<Je' 

nous  prions  Dieu  de  nous  accorder  tout  ce  qui  e:  à  la 

vie  de  notre  âme  et  à  celle  de  notre  corps 

Nous  demandons  ce  qui  e.  a  ::.  autres 

Les  rois  aussi  bien  que  'es  der  '  '  leurs  sujets  sont  les  m  - 
diants  de  Dieu.  Le  mendiant  vous;  demande  l'aucvàne,  dit  saint 
Augustin  ;  et  vous  êtes  voi  ant  de  Dieu  :  Petit  a  te 

licus,  et  tu  es  Uei  ..  .  Que  vous  demande  le  men  liant? 

du  pain;  et  vous  que  d  -        s  à  Lieu,  :i  ion  J.  C,  qui  dit  : 

Je  suis  le  pain  vivant  descendu  du  ciel?  Quid  a  te  petit  mendiai*? 
m;  et  tu  ,  quid  pelis  a  Dco  ,  nisi  Christian,  qui  di.at  :  Ego  sum 

vfvus  qui  de  cœlo  de^cendt'/  (Serm- 
th..) 


G28  PATER    (LE). 

Donnez-nous  notre  pain  :  Panem  nostrum.  Le  prûn ,  dit  saint  Gré- 
goire, est  un  don  de  Dieu;  il  est  à  nous,  parce  que  Dieu  nous  le 
donne,  et  que  nous  l'acceptons  (Ilomil.  in  Evang.)* 

Donnez-nous  notre  pain,  panem  ;  nous  ne  demanderas  pas  autre 
chose  ;  car  le  pain  seul  suffit...  :1e  pain  du  corps...,  le  pain  de  1 
Nous  le  demandons  pour  nous  et  pour  les  autres  :  Donnez-n  us; 
et  non  donnez-moi  :  Da  nobis.  Donnez-nous  notre  pain  de  chaque: 
jour,  guotidianum.  Nous  ne  demandons  pas  le  pain  du  lendemain; 
car  le  lendemain  n'est  pas  à  nous.  Par  là,  Dieu  nous  enseigne  à  ne 
pas  amasser  sous  l'inspiration  de  l'avarice  et  à  ne  pas  nousinqu 
de  l'avenir 

Le  mot  pain  renferme  la  santé,  le  vêtement,  le  logement,  été 

Donnez-nous  aujourd'hui ,  hodiè ;  il  nous  est  nécessaire,  et  néces- 
saire présentement. 

Nous  demandons  le  pain  matériel...;  mais  nous  demandons  sur- 
tout le  pain  spirituel  de  l'âme  :  la  grâce...,  l'eucharistie...,  lo 
salut...,  la  gloire  éternelle 

de-  Pakdonnez-nous  nos  offenses  comme  nous  pardonnons  à  ceux  qui 
nous  ont  offensés  :  Dimitte  nobis  débita  nostra,  sicut  et  nos  dimittimus 

debiioribus  nostris Dans  les  quatre  premières  demandes  nous  s  1- 

licitons  des  biens;  dans  les  trois  dernières,  nous  demandons  l'éloi- 
gné m  ont  des  maux 

Pardonnez-nous  :  Dimitte  nobis;  car  nous  sommes  tous  plus  ou 

moins  coupables De  peur,  dit  saint  Cyprien ,  de  peur  que 

quelqu'un  ne  se  complaise  en  lui-même,  s 'imaginant  être  innocent, 
et  qu'il  ne  s'épargne,  enivré  d'orgueil ,  la  voix  divine  lui  apprend, 
lui  révèle  qu'il  pèche  chaque  jour,  puisqu'il  lui  est  ordonné  d'im- 
plorer chaque  jour  le  pardon  de  ses  péchés  :  Ne  guis  sibi  quasi  innocens 
placent,  et  se  exlollendo  plus  parcat ,  instruilur  et  docelur  peccare  se 
yuotidie,  dum  quotidie pro  peccatis  orare  jubetur  (De  Orat.  don.). 

Pardonnez-nous  nos  péchés  :  Débita  nostra.  Le  péché  est  le  prin- 
cipe de  la  plus  grande  dette  que  l'homme  puisse  contracter  ei 

Dieu,  à  cause  de  l'injure  infinie  qu'il  fait  à  Dieu Celte  injuiv  est. 

si  grande,  que  ni  l'homme  .  ni  l'ange,  ni  aucune  créature  n'a  pu  la 

réparer Il  a  fallu  pour  cela  q  uc  1  e  ■  fil  homme  et  répandit 

son  sang  sur  la  croix 

Pardonnez-nous  comme  nous  pardonnons  à  ceux  qui  nous  ont 
offensés  :  Sicut  et  nos  dimittimus  debiioribus  nostris.  Voilà  la  <  i 

le  Dieu  attache  notre  pardon.  Si  nous  voulons  qu'il 


PATER  (LE).  G23 

pardonne,  nous  devons  pardonner Il  résulte  de  là  qu'en  pronon- 
çant res  paroles  du  Pater,  ce!ui  qui  conserve  de  la  haine  ou  des 
désirs  do  vengeance  dans  son  cœur,  et  qui  refuse  de  les  rejeter,  pro- 
nonce son  jugement  et  sa  condamnation.  Car,  dit  J.  C,  si  vous 
remettez  aux  hommes  leurs  offenses,  votre  Père  céleste  vous  remet- 
tra les  vôtres;  mais  si  vous  ne  remettez  pas  les  leurs  aux  autres, 
votre  Père  céleste  ne  vous  remettra  pas  non  plus  les  vôtres  (1).  Par- 
donnez, et  vous  serez  pardonné  :  Dimittite  et  dimit ternira  (Luc.  vi.  37). 
Car  on  usera  pour  vous  de  la  même  mesure  dont  vous  aurez  usé  pour 
les  autres  :  Eadem  quippe  mensura  qua  mensi  fueritis,  remetietur  vobit 
(Luc.  vi.  38). 

Et  ne  nous  laissez  pas  succomber  à  la  tentatioD  :  Et  ne  nos  inducas  sixième  m.- 
in  tentationem.  Remarquez  qu'il  n'est  pas  dit  :  Délivrez-nous  de  la  maudj' 
tentation;  car,  par  elle-même,  la  tentation  n'est  pas  un  péché; 
autrement  J.  C.  n'aurait  pas  permis  au  démon  de  la  lui  faire  subir. 
L'unique  mal  qui  puisse  se  trouver  dans  la  tentation,  c'est  d'y  con- 
sentir. Le  mal  vient  de  la  volonté  de  l'homme  qui  s'abandonne  aux 
sollicitations  de  la  chair  et  du  démon;  la  tentation  est  un  bien  :  elle 
éprouve,  elle  excite  la  vigilance,  elle  porte  à  se  défier  de  soi-même 
et  à  fuir  le  danger;  elle  est  la  cause  de  grands  mérites  pour  ceux 
qui  la  combattent.  Aussi  les  grands  saints  ont  été  ordinairement  les 
plus  tentés.  Succomber  à  la  tentation ,  c'est  se  perdre  :  y  résister , 
c'est  plaire  à  Dieu  qui  aide  à  vaincre;  c'est  orner  sa  couronne, 

accroître  sa  récompense,  s'assurer  le  salut,  aller  au  ciel Les 

apôtres  enseignaient  que  par  beaucoup  de  tentations  il  nous  faut 
entrer  dans  le  royaume  de  Dieu  :  Per  multas  tribulationes  oportet  nos 
intrare  in  regnum  Dei  (  Act.  xiv.  21 .  ) 

Ne  nous  laissez  pas  succomber  a  la  tentation;  c'est-à-dire  :  Sei- 
gneur, je  ne  vous  demande  pas  de  m'en  délivrer,  si  telle  n'est  pas 
votre  volonté;  mais  faites-moi  la  grâce  d'y  résister,  de  vaincre,  de 

sortir  triomphant  du  combat Ces  paroles  nous  indiquent  qu'il 

faut  craindre,  et  ne  pas  nous  lier  à  nos  forces Elles  nous  avertis- 
sent du  besoin  constant  que  nous  avons  de  la  prière  et  de  la  grâce  de 
Dieu  pour  ne  pas  prêter  l'oreille  à  la  tentation  et  y  succomber 

Sans  moi,  dit  J.  C,  vous  ne  pouvez  rien  faire  :  Sine  me  nihil  pote- 
stis  facere  (Joann.  xv.  5).  Je  puis  tout,  dit  le  grand  Apôtre,  en  celui 

(11  Si  enim  flimi?eritis  bominibus  peccala  corum,  dimiltet  et  vobis  Pater  veste* 
is  delicta  vestra.  Si  autem  non   dimiseritis  bominibus,  née  P;iler  Tester  di 


G30  PATER    (LE). 

qui  me  fortifie  :  Omnia  possum  in  co  qui  me  confortât  (  Philipp.  rv.  43). 
Si  Dieu  est  pour  nous,  qui  sera  contre  nous?  dit  encore  l'Apôtre  : 
Si  Deux  pro  nabis ,  guis  contra  /?o.;.v  (  Rom.  vin.  31.) 

Ne  nous  laissa  pas  succomber  à  la  tentation  :  1°  du  démon}*,. 
2°  du  moule;...  3°  de  la  chair;...  4°  des  misères  de  cette  vie;... 
5°  du  péché 

Septième  de-  MAft  délivrez-nous  du  mal  :  Sed  libéra  nos  a  malo ,  c'est-à-dire  du 
mande.       r/fafoé ici  oieu  nous  ordonne  de  demander  notre  entière  déli- 
vrance du  péché.;  parce  que,  de  sa  nature,  le  péché  est  mauvais, 

tan  lis  que  la  tentation  ne  l'est  pas 

Par  ces  paroles,  nous  demandons  aussi  detre  préservés  des  maux 
du  corps,  de  la  maladie,  etc.;  mais  nous  ne  demandons  c 
qucconditionnellement,  si  c'est  le  bon  vouloir  de  Dieu;  car  les  maux 
du  corps  ne  sont  pas  des  péchés.  Il  en  est  autrement  dos  maux  de 
l'Ame,  qui  66  ré. luisent  au  péché,  parce  qu'il  n'y  a  que  le  péché  qui 
puisse  lui  nuire  et  ta  souiller;  aussi  demandons-nous  que  le  Bel» 
ur  nous  en  délivre. 


Muu-.i  iimon. 


Aixpi  soit-il  :  Amen.  Ce  souhait  qui  termine  le  Pater  est  une  courte 
et  brûlante  prière  qui  demande  l'accomplissement  de  tout  ce 
renferme  le  Notre  père.  Que  votre  nom  soit  sanctilié;  ainsi  soit-il. 
Que  votre  règne  arrive;  ainsi  soit-il.  Que  votre  Volonté  soit  l'ail. 
la  terre  comme  au  ciel;  ainsi  soit-il.  Donnez-nous  aujourd'hui  notre 
pain  de  cha   ne  jour;  ainsi  soit-il.  Par  tonnez-nous  comme  nous 
donnons;  ainsi  suit-il.  Ne  nous  laissez  pas  succomber  à  la  tentation; 
ainsi  soit-il.  Délivrez-nous  du  mal;  ainsi  soit-il; 

Remarquez  que,  dans  le  Pater,  il  n'est  pas  nominativement  qui  -:- 
tion  de  génie,  dosante,  de  adgesse  humaine,  de  force, 
d'épouse,  d'enfants*  d               •,  d'honneur,  de  gloire  et  d 
biens  de  la  nature,  parce  :;.             ela  est  in  lii  érent,  et  qu'on  ne 
g  choses  ou  quelqu'un  qu'autant 

qu'elle-  ;                     utiles  à  la  gloire  de  Dieu,  i  ',  au 

salut  et  à  la  sac  îtification  ;  i  

Le  Pater,  dil  avec  ferveur,  est  un  a  vertus.  On  fait 

un  acte  de  foi  par  ces  paroles  :  -  a        lui.  On  fait 

un  .  ;:ce  en  dii        : 

mt:  n  fait  uu 

>" 

i  re  comme  auc     •       a       dcr< 


pateh  (le).  631 

Donnez-nous  notre  pain  de  chaque  jour;  un  acte  de  charité  frater- 
nelle en  disant  :  Pardonnez-nous  comme  nous  pardonnons;  un  acte 
tinte  de  Dieu  et  de  défiance  de  soi-même  par  ces  paroles  :  Ne 
lions  laissez  pas  succomber  à  la  tentation.  Enfin,  on  fait  un  acte  de 
contrition  et  de  détestation  du  péché  en  disant  :  Délivrez  -  nous  du 
mal.  Le  Pater  ou  Notre  père  renferme  donc  les  vertus  de  foi,  d'espé- 
rance, d'amour  de  Dieu  et  du  prochain,  d'obéissance,  d'humilité, 
de  crainte  de  Dieu ,  de  pureté ,  de  contrition Heureux  par  consé- 
quent celui  qui  fait  souvent,  avec  attention  et  ferveur,  cette  admirable 
et  précieuse  prière  !... 

Y  orcï  le  Pater  de  sain  t  François  d'Assise  qu'il  récitait  à  chaque  heure        Pater 
de  la  journée  :  Très-saint  notre  père ,  notre  créateur,  notre  rédemp-  François  d'As, 
teur,  notre  sauveur ,  notre  consolateur  ;  qui  êtes  aux  cieux,  dans         *'*** 
les  anges,  dans  les  saints;  les  éclairant  afin  qu'ils  vous  connaissent, 
parce  que  ,  Seigneur ,  vous  êtes  lumière  ;  les  enflammant  de  votra 
divin  amour,  parce  que,  Seigneur,  vous  êtes  amour;  habitant  en 
eux  j  et  les  remplissant  de  bonheur",  parce  que,  Seigneur,  vous  êtes 
i      ien  suprême  et  éternel,  de  qui  viennent  tous  les  biens  et  sans 
lequel  il  n'y  a  aucun  bien  véritable.  Que  votre  nom  soit  sanctifié; 
faites- vous  connaître  à  nous,  afin  que  nous  n'ignorions  pas  la  lar- 
geur de  vos  bienfaits,  la  longue  étendue  de  vos  promesses,  la  hauteur 
de  votre  majesté,  et  la  profondeur  de  vos  jugements.  Que  votre  règne 
arrive ,  afin  que  vous  régniez  en  nous  par  votre  grâce ,  et  que  vous 
nous  fassiez  parvenir  à  votre  royaume,  où  se  trouvent  la  claire 
vision,  le  parfait  amour,  la  bienheureuse  société  et  l'éternelle  pos- 
session de  vous-même.  Que  votre  volonté  soit  faite  sur  la  terre  comme 
au  ciel ,  afin  que  nous  vous  aimions  de  tout  notre  cœur ,  pensant 
constamment  à  vous;  de  toute  notre  âme,  vous  désirant  sans  cesse; 
de  tout  notre  esprit,  dirigeant  vers  vous  toutes  nos  intentions  et 
cherchant  votre  honneur  en  toute  chose;  de  toutes  nos  forces, 
appliquant  toute  notre  énergie  et  toutes  les  facultés  de  notre  âme  et 
de  notre  corps  à  l'exercice  de  votre  amour  et  non  ailleurs;  afin  ; 
que  nous  aimions  notre  prochain  comme  noi  >  l'excitant  de 

ton',  notre  zèle  à  vous  aimer,  nous  réjouissant  du  bonheir*  des  autres 
comme  du  nôtre ,  compatissant  à  leurs  maux  et  n'offensant  personne. 
Donnez -nous  aujourd'hui  notre  pain  quotidien  :  donnez -nous 
aujourd'hui  Notre-Seigneur  J.  G.  voire  Fils,  en  nous  portant  à  rap- 
peler ire  .  à  c  mprendre  et  à  honorer  l'amour  qu'il 
nous  a  témoigné,  ainsi  que  tout  ce  qu'il  a  fait,  dit  et  enduré  ;   ur 


632  PATER   (LE). 

nous.  Pardonnez-nous  nos  offenses,  par  votre  miséricorde,  et  l'ineffa- 
ble vertu  de  la  passion  de  votre  Fils  bien-aimé  Notre-Seigneur  J.  G. ,  et 
par  [es  mérites  et  l'intercession  de  la  bienheureuse  vierge  Marie,  et 
de  tous  les  saints.  Pardonnez-nous  comme  nous  pardonnons  à  ceux  qui 
nous  ont  offensés.  Et  parce  que  nous  ne  pardonnons  jamais  assez,  fai- 
tes, Seigneur,  que  nous  pardonnions  entièrement,  que  nous  aimions 
nos  ennemis  pour  l'amour  de  vous,  et  que  nous  intercédions  dévote- 
ment pour  eux  ;  faites  que  nous  ne  rendions  à  personne  le  mal  pour  le 
ma!,  et  qu'avec  votre  aide  nous  puissions  leur  être  utiles  en  toutes 
choses.  Ne  noos  laissez  pas  succomber  à  la  tentation,  soit  cachée,  soit 
évidente,  soit  soudaine  et  passagère,  soit  persévérante  et  importune; 
mais  délivrez-nous  du  mal,  passé,  présent  et  futur.  Ain-i  scit-il, 
selon  votre  volonté,  Seigneur,  et  comme  il  vous  sera  agréable 
[BMolh.  SS.  Patrum ,  t.  V  ). 


PATIENCE. 


a  patience,  dit  le  grand  Apôtre  aux  Hébreux,  vous  est  nécoç-  Ncce?sii 
saire,  afin  que,  Taisant  la  volonté  Je  Dieu,  vous  remportiez  le      PaUeucc« 
JE  A  prix  promis  :  Patienlia  vobis  necessaria  est,  ut  voluntatem  Dci 
facientes.  reportetis  promissionem  (x.  3G). 

Si  vous  supportez  patiemment  les  épreuves  en  faisant  le  bien, 
c'est  une  grâce  près  de  Dieu,  dit  l'apôtre  saint  Pierre.  A  cela  vous 
a\ez  été  a}  pelés,  [arec  nue  le  Christ  a  souffert  pour  vous,  vous  lais- 
sant un  exemple ,  afin  que  vous  suiviez  ses  traces  (1). 

Soyez  patients  avec  tous,  dit  saint  Paul  :  Patientes  estote  ad  omnc$ 
(I.  Thess.  v.  U).  Nous  avons  tous  constamment  besoin  de  patience  ; 
car  tout  ici-bas  l'exerce.  Comme  le  grand  Apôtre,  nous  sommes 
éprouvés  et  en  péril  dans  les  voyages,  sur  les  fleuves,  du  côté  des 
voleurs,  parmi  les  nôtres ,  dans  les  villes,  dans  la  solitude,  du  eut:.' 
des  faux-frères  (I.  Cor.  xi.  26.  27  ).  Que  de  travaux,  de  chagrins,  de 
veilles,  de  privations,  da  souffrances,  de  déceptions!  A  combien 
d'attaques  de  la  part  de  l'envie,  de  la  jalousie,  de  la  médisance,  Ù3 
la  calomnie,  de  la  haine  ne  sommes-nous  pas  exposés  ?  Le  démon,  la 
mon  te,  la  concupiscence  ne  cessent  de  nous  taire  la  guerre.  Sans  la 
patience,  que  deviendrions-nous? 

Si  notre  patience  est  exercée,  si  elle  nous  est  nécessaire,  ce  n'est 
pas  chose  nouvelle.  Par  suite  de  la  chute  d'Adam,  tous  les  homme^ 
ont  à  souffrir. 

Le  monde  est  un  lieu  d'exil;  c'est  une  terre  étrangère,  maudite, 
couverte  de  ronces  et  d'épines,  qu'habitent  les  pleurs,  et  toutes  les 
misères,  les  maladies  et  la  mort.  Tous  les  enfants  d'Adam  sont  appe- 
lés à  subir  mille  afflictions  diverses.  A  tous,  sans  exception,  il  faut 
donc  la  patience  :  Patientia  vobis  necessaria  est  (  Hebr.  x.  36  ). 

Qu'y  a-t-il  de  plus  doux  et  de  plus  patient  que  les  brebis  et  l'agneau?  Exempts 

Quelque  mal  que  vous  leur  tassiez,  jamais  ils  ne  se  plaignent.  Or,  donné?'1-™ 

les  prophètes  comparent  le   Sauveur  à    ces  deux  emblèmes  de  *mC\1'} 
patience  et  de  douceur.  Il  a  été  sacrifié  parce  qu'il  l'a  voulu,  dit 

(1)  Si  benc  facientes  patienter  suslinetis,  haec  est  gratia  apud  Deum.  In  hoc  enira 
•vocali  eslis  :  quia  etClu-istus  passus  est  pro  nobis  ,  vobis  relinqucns  exe;nplum,  u< 
sequaaiinj  vestigia  ejus  (I.  u.  20,  il  ). 


saints. 


534  PATIENCE. 

Isaïe  parlant  de  J.  C. ,  et  il  n'a  pas  ouvert  la  bouche;  il  sera  conduit 
à  la  mort  comme  une  brebis  ;  il  sera  muet  comme  l'agneau  entre  les 
mains  de  celui  qui  le  tond  :  Oblatus  est  quia  ij,sc  coluit ,  et  non  ape- 
ruit  os  suum  :  slcut  ovis  ad  occisionem  ducetur,  et  quasi  agnus  coram 
tondenle  se  obmutescet  (lui.  7). 

El  moi,  dit  J.  C.  par  la  bouche  de  Jérémie,  j'ai  été  comme  un 
doux  agneau  qu'on  porte  à  l'autel  :  Et  ego  quasi  agnus  mansuetus 
gui  port atur  ad  victimam  (m.  19). 

Seigneur,  s'écrie  Isaïe  parlant  du  Messie,  envoyez  l'Agneau  qui 
régnera  sur  la  terre  :  Ernitte  Agnum  domînalorêm  terrœ  (xvi.  1  ). 

Saint  Jean-Baptiste  voyant  venir  à  lui  J.  C,  s'écrie  :  Voici  l'Agneau 
'Je  Dieu  :  Ecce  Agnus  Dei  (  Joann.  i.  20). 

Voyez  quelle  admirable  et  constante  patience  J.  C.  a  montrée,  sur- 
tout durant  sa  passion Si  ce  diun  pasteur  a  été  immolé  comme 

un  agneau,  sans  faire  entendre  de  plainte,  que  le  troupeau  Sache 
marcher  sur  ses  traces. 

Job  sur  son  fumier,  Abraham  tant  éprouvé,  Joseph  vendu  par  ses 
frères,  David  persécuté,  Tobie  devenu  aveugle,  Daniel  dans  la  fosse 
aux  lions,  Suzanne  calomniée,  Lazare  couvert  d'ulcères,  etc.,  sont 
des  modèles  d'une  patience  inaltérable 

Etudiez  la  vie  et  la  mort  des  apôtres,  contemplez  les  millions 
de  martyrs  qui  ont  enduré  tous  les  tourments  avec  une  patience 
d'agneau 

L'abbé  Etienne  était  si  patient,  que  celui  qui  l'insultait  ne  pon- 
dait S'empêcher  de  voir  et  de  croire  que  ce  saint  l'aimait.  11  poussait 
la  vertu  jusqu'à  remercier  ceux  qui  le  faisaient  souffrir  (Surius, 
in  cjus  vit  a). 

L'empereur  Théodose  donna  un  bel  exemple  de  patience  quand  il 
porta  ledit  suivant  :  Si  quelqu'un  s'échappe  jusqu'à  diii'amer  notre 
nom,  notre  gouvernement  ou  notre  conduite,  nous  ne  voulons  | 
qu  il  toit  sujet  à  la  peine  ordinaire  portée  par  les  Lois,  ou  que  nos 
officiers  lui  fassent  Souffrir  aucun  traitement  rigoureux  ;  car  si 
par  légèreté  qu'il  ait  mal  parlé  de  i  it  le  mépriser;  si  c'est 

par  une  aveugle  folie,  il  e.-!  digne  aë  compassion;  et  si  c'est  par 
malice  ,  il  faut  lui  pardonner  {iiist.  Ecoles.). 

La  vie  des  saints  est  rétablie  impies  de  la  plus  gubli 

patience 

L  APOTRE  saint  Paul  énumère  douze  motifs  qui  doivent  non 
n       cmlre      -  .  ..  . 

a  pratiquer   la  patience  :  Le  premier,  c  nous  soin 


PATIENCE.  635 

héritiers  cîe  Dieu  et  ftôMrîllêrê  de  J.  C,  si  toutefois  nous  prenons 
patien  le  avec  lui  et  à  son  exemple  :  Hœredes  Dei,  cohœredes  autem 
Christi,  si  tamen  compatimur  (Rom.  tiii.  17).  Le  second,  c'est  qu.D 
si  nous  prenons  patience,  nous  ,'orifiés  :  Si  compatimur,  ut 

ctconglorificcmvr  (Rom.  vin.  17).  Le  troisième,  c'est  que  les  souf- 
frances de  ce  temps  ne  sont  pas  en  proportion  de  la  gloire  futurs 
qui  sera  révélée  en  nous  :  Non  sunt  condignœ  passiones  hujus  temporis 
ad  futùram  gloriarri  quœ  rcvelabitur  in  nobis  (Rom.  vin.  18  ).  Avec  la 
patience  dans  les  épreuves  et  les  afflictions,  on  acquiert  la  gloire 

i'lle;  c'est,  infiniment  plus  que  si  l'on  achetait  le  mond: 
entier  avec  une  obole.  Le  quatrième,  c'est  que,  supportées  avec; 

ice,  les  tribulations  momentanées  et  légères  dïci-bas  opèrent 
en  nous,  au-dessus  de  toute  mesure,  un  éternel  poids  de  gloire  : 
Id  etlim  quod  in  pressenti  est  momentaneum  et  levé  tribulationis  nostrœ, 
supra  modum  in  sullimltate  œtermtm  gloriœ  pondus  opère tur  in  nobL 
(Iï.  Cor.  iv.  il).  Le  cinquième,  c'est  que  les  créatures  ont  l'assu- 

■  rj'être  délivrées  de  la  servitude  de  la  corruption  :  Quia  et 
ip      creatura  liberabitur  a  servitute  corruptionis    (Rom.  vm.  21). 
Cette  certitude  doit  nous  encourager  à  la  patience.  Le  sixième,  cYs- 
que  de  la  servitude  delà  corruption,  nous  passerons  à  la  liberté  de 
la  gloire  des  enfants  de  Dieu  :  A  servitute  corruptionis  in  libertatem 
gloriœ  'filiorum  Dei  (Rom.  vin.  21).  Le  septième,  c'est  que  toute 
créature  gémit  et  souffre  :  Scimus  enim  quod  omnis  creatura  ingemi- 
scit  et  parturit  usquè  o.dhuc  (Rom.  vm.  22).  Depuis  le  commence- 
ment du  monde,  les  créatures  ont  connu  la  douleur  ;  l'homme  qui 
n'a  que  peu  de  temps  à  souffrir  doit  donc  prendre  patience  e!  h 
pas  chercher  une  exemption  de  maux  qui  n'atteindrait  quel  n.  Le 
huitième,  c'est  que  nous  attendons  la  rédemption  de  notre  co  •  ?  : 
L\j:<..ectantes  redemptionem  corporis  nostri  (Rom.  vin.  23  ).  Par  la 
patience,  ce  corps  chargé  d'infirmités  deviendra  impassible  et  glo- 
rieux. Souffrons  donc  avec  joie.  Le  neuvième,  c'est  que  notre  salut 
vient  de  l'espérance  :  Spe  enim  salvi  fâcti  sitmns  (  Rom.  vm.  ù'.  . 
Puisque  nous  devons  avoir  le  ferme  espoir  d'être  bientôt  délivrés  et 
sauvés,  nous  devons  aussi  ne  pas  nous  impatienter  ni  nous  décou- 
rager. Le  dixième,  c'est  que  l' Esprit-Saint  aide  notre  faiblesse  et 
demande  lui-môme  pour  nous  avec  des  gémissements  ineffables: 

itus  adjuvaî  infirmitatemnostram  ;  ipse  S piritus postulat  pro  nobis 
gcmiiibus  inenarrabilvjus  (Rom.  vm.2o).  Comment,  avec  un  tel  aide, 
pouvons-nous  murmurer  et  nous  plaindre  !  Le  onzième,  c'est  que 
nous  savons  que  pour  ceux  qui  aiment  Dieu,  tout  coopère  au  bien  : 


036  PATTENCE. 

Scimus  autem  quoniam  diligentibns  Deum,  omnia  cooperantar  in  bonum 
^Rom.  Tiir.  28).  Ainsi  les  opprobres,  l'indigence,  les  maladies,  les 
persécutions  et  tous  les  maux  tournent  à  notre  avantage,  si  nous  les 
acceptons  avec  re'signation  pour  l'amour  de  Dieu.  Le  douzième,  c'est 
que  ceux  qui  sont  patients  par  amour  de  Dieu  sont  prédestinés 
(Rom.  vin.  20.  30).  La  patience  assure  donc  notre  salut  et  notre 
bonheur  éternel 

Tout  païen  qu'il  était,  Bion  disait  que  c'était  un  grand  mal  do 
n'avoir  pas  la  patience  dans  les  maux;  car  sans  la  patience,  il  n'y  a 
pas  de  moment  heureux  dans  la  vie  (Diog.  Laert.  de  Vit.PIdL,  lib. 
IV,  c.  vu). 

Lassez  par  votre  patience  la  méchanceté  d'autrui,  dit  Tertullien  : 
Fatigetur  aliéna improbitas  patientia  tua  (De  Palientia,  c.  vm).  Pour 
moi,  ajoute-t-il,  je  serai  patient  en  toutes  choses;  autrement  mon 
impatience  serait  mon  bourreau:  In  omnibus  patiens  ero,  alioquin 
cruciabor  in  impiatientia  mea. 

Parlant  des  cruels  tourments  que  le  tyran  Dacien  fit  souffrir  à 
saint  Vincent,  diacre  et  martyr,  saint  Augustin  dit  :  Tout  est  passé, 
et  la  colère  de  Dacien,  et  les  souffrances  de  Vincent.  Mais  mainte- 
nant les  tourments  sont  pour  Dacien,  et  la  couronne  pour  Vincent  : 
Jam  illa  omnia  transierunt,  et  ira  Daciani,  et  pœna  Vincent ii.  Nunc 
autem  pœna  Daciano,  corona  vero  manet  Vincentio  (Serm.  cclxxiv  iu 
S.Vincent.). 

Envoyé  en  exil  et  voyant  les  chrétiens  pleurer  sur  son  passage, 
saint  Athanase  dit  :  Courage,  mes  enfants,  c'est  un  léger  nuage  qui 
bientôt  disparaitra  (Ilist.  Eccles.). 

Attendez  patiemment  le  Seigneur,  et  il  vous  délivrera,  dis  "it  le.; 
Proverbes  :  Exspecta  Dominum,  et  liber  ab'U  te  (xx.  22). 

fTcf-npin-e  j\ous  sommes  maudits,  et  nous  bénissons;  persécutés,  et  nous  le  sup- 
m^rtS?'  portons;  injuriés,  et  nous  prions,  dit  saint  Paul:  Maledicimur,  et 
qu'elle  opère,  bçnedicimus ;  persecutioncm  patimur,  et  suslinemus;  blasphemamur,  et 
obsecramus  (l.  Cor.  iv.  12-13).  En  tout,  dit  encore  le  grand  Apôtre, 
nous  sommes  froissés,  mais  non  brisés;  retardés,  mais  non  arrêtés; 
persécutés,  mais  non  délaissés;  abattus,  mais  sans  périr  :  In  omnibus 
tribulationem  patimur,  sed  non  angusliamur;  nporiamur,  sednon  destin 
tuimur;  persecutionem  pâli  mur,  sed  non  derclinquimur  ;  dejicimur,sed 
nonperimus  (IL  Cor.  iv.  8.  0).  Voilà  les  services  que  rend  la  pratique 
de  la  patience  et  les  merveilles  qu'elle  opère  !...  Lorsqu'elle  rencon- 
trera la  patience,  toute  injure,  faite  soit  avec  la  langue,  soit  avec  la 


PATTÈNCE.  621 

main  ,  aura  le  sort  du  trait  lancé  contre  la  pierre  la  plus  dure,  dit 
Tertullien  (i). 

Une  once  de  patience  vaut  mieux  qu'une  livre  de  victoire,  dit  le 
cardinal  Bellarmin  (Comment.  inPsal.). 

Germon  dit  excellemment  :  Comme  l'arche  de  Noé  s'élevait  à 
mesure  que  Jes  eaux  du  déluge  croissaient;  ainsi  l'àme  pleine  do 
patience  s'élève  à  mesure  que  les  tribulations  grandissent  (2). 

Celui  dont  la  patience  ne  peut  être  vaincue  prouve  qu'il  est  par- 
fait, dit  le  vénérable  Bède  :  Cvjus  patieniia  vinci  non  potest,  Me  per- 
fectus  esse probalur  (In S.  Jac.  Comment.  ). 

Portée  au  plus  haut  degré,  la  patience  désire  les  insultes  et  les 
souffrances,  de  quelque  manière  qu'elles  viennent,  et  quelques 
graves  qu'elles  soient 

L  "épreuve  de  la  foi  engendre  la  patience,  dit  l'apôtre  saint  Jacques . 
la  patience  produit  une  œuvre  parfaite  ;  de  telle  sorte  que  vous  soyez 
accomplis,  juîtes,  et  ne  manquant  de  rien  :  Probatio  fulei  patient iam 
operatur;  patientia  autem  opus  perfectum  habet,  ut  sitis  perfecti ,  et 
integri,  in  nitllo  déficientes  (i.  3.  A  ). 

La  patience  rend  parfait  de  plusieurs  manières  : 

Premièrement,  supportant  tout,  et  persévérant  jusqu'à  la  fin  ,  la 
patience  doue  l'homme  de  vertus  consommées,  et  elle  les  lui  con- 
serve. La  patience  peut  se  comparer  au  toit  des  édifices  qui  garantit 
de  la  chaleur  et  du  froid  leurs  habitants;  aux  sacs  pleins  de  laine 

qui  amortissent  le  coup  des  boulets,  etc Sans  la  patience  ,  il  n'y 

a  point  de  vertu;  car  toutes  les  vertus  sont  le  résultat  d'épremes 
subies;  or,  la  patience  est  nécessaire  pour  supporter  quelque 
épreuve  que  ce  soit 

Secondement,  la  patience  aide  l'homme  à  achever  sa  course  et  ù 
atteindre  l'extrémité  de  la  lice  ;  elle  lui  met  sur  la  tète  une  riche  et 
divine  couronne.  La  patience  dont  parle  l'apôtre  saint  Jacques  est 
la  persévérance  dans  les  souffrances;  c'est  cette  patience  qui  produit 
un  e  œuvre  pariai  te 

Troisièmement,  la  patience  est  un  bouclier  et  un  casque  qui 
repousse  et  brise  tous  les  traits  des  ennemis  du  salut  et  des  passions. 


ijuria,seu  lingna,  scu  manu  incuba  ,  cum  pntienliam  oflendcrlt, 
Lu  dispangetur,  quo  telum  aliquod  in  pelra:  constaulissimae  duriîiem  libra- 
tum  {Lib.  de  Patientia,  c.  Ylll). 

(2)  Ut  arca  Noe,  quo  niagis  abundarent  aqune  diluviî ,  tanto  allias  ferebalur;  si  - 
ipansuelus  atumus  ,  qao  majores  erunt  tribjlxiionis  aquas ,  taulo  erit  excelsiof 
(Part.  II,  Serm.  de  Omnibus  sanctis ). 


638  patience.' 

Elle  éloigne  tous  les  maux,  unit  des  bl-:-.soppor 

Il  en  résulte  pour  l'âme  une  douce  et  précieuse  paix.  L'hotume 

patient  est  maître  de  lui-même  et  de  ses  affections;  il  leur  commande 

en  roi.  Un  tel  homme  n'est -il  pas  parfait?  C'est  ce  qu'exprima 

J.  C.  quand  il  dit  :  Vous  posséderez  ves  :  In 

patientia  vestra  passidebitis  animas  vestras  (  x\i.   10).  Et 

Heureux  les  patients  et  les  doux,  parce  qu'il-  rout  la  t 

Beati mites,  quoniamipsi  possidebunt  tara/m  (  Malth.  T.  A). 

Il  est  dit,  fait  remarquer  saint  Thomas,  il  est  dit  que  l'homme 
possédera  son  âme  par  la  patience  ;  parce  que  coite  vertu  détruit  entiè- 
rementlespassionsquirendentmalheureux:  par  e  la  'ri- 

ia  colère,  l'envie,  la  vengeance,  etc.,  passions  qui  kule versent 
l'âme  (2.  2.  q.  136.  art.  2). 

Sans  la  patience,  les  vertus  ressemblent  ù  une  muraille  sans 

ciment,  qui  ne  tarde  pas  à  s'écrouler 

Quatrièmement,  rien  ne  manque  à  celui  qui  alapaiience  :  elle 
supplée  à  tout  ce  qui  lui  fait  défaut,  et  le  conduit  in. 
un  haut  degré  de  sainteté;  ce.  qui   fait  dire  à  saine  Grégoire  :  La 
patience  est  la  racine  et  la  gardienne  de  toutes  les  m tIlis  :  Patientia 
est  radix  et  custos  omnium  vïrtutum  (Homil.  xxxv).  Elle  est  lava 
et  la  gardienne  de  toutes  les  vertus,  d'abord,  parce  que  les  adw\ 
que   supporte  merveilleusement   la  patience,   él  l'ai  m  air- 

propre,  cause  de  toute  imperfection  et  de  tout  mal;  puis,  parce 
que  la  patience  produit  six  œuvres  parfaites:  l°elle  subjugue  la  colère, 
la  jalousie  et  les  autres  passions...;  2>  elle  éprouve  l'homme  et  ses 
vertus...;  3°  elle  s'éprouve  elle-même...;  4U  elle  procure  la  joie  de 
l'esprit...;  5°  elle  gouverne  toutes  les  actions  de  l'homme,  de  telle 
sorte  qu'en  chacune  il  soit  modéré  et  circonspect...;  0°  elle  a 
la  vie  étemelle..... 

Cinquièmement,  la  patience  rend  parfait,  ut  sitisperfecti,  intenri, 
in  nullo  déficientes ,  parce  que ,  semblable  au  tronc  de  l'arbre  qui 
porte  les  branches,  les  feuilles,  les  lieu rs  et  les  fruits  ,  elle  porte 
tout  le  poids  de  l'homme  et  de  ses  vertus,  tout  ce  qu'il  y  a  de  péni- 
ble et  de  lourd  dans  la  vie  :  les  contradictions,  les  peines,  les 
souffrances,  les  humiliations,  les  privations,  etc.  ;  elle  lui  cous*  rve 
un  esprit,  une  parole  ,  un  visage  calmes  et  paisibles.  Aussi  Cl 
d'Alexandrie  assurc-t-il  que  la  patience  nous  procure  tout  bien: 
Omnc  bonum  patientai  /.éditât  (  Ilomil.,  t.  1  j. 

Sixièmement,  la  patience  a  Dieu  pour  guide  et,  -  rpre?s;oit 

de  Tertuliien,  pour  dépositaire.  Dieu,  dit  ce  grave  auteur,  devient 


PATIENCE.  639 

pour  la  patience  un  admirable  dépositaire;  si  vous  remettez  entre 
ses  mains  une  injure  qu'on  vous  aura  faite,  il  en  sera  le  vengeur; 
si  un  dommage,  il  le  réparera;  si  une  douleur,  il  la  guérira;  si 
votre  dernier  soupir ,  il  vous  ressuscitera.  Autant  que  la  patience  le 
veuf.  Dieu  se  fait  son  débiteur  (1). 

Saint  Augustin  compare  la  patience  à  une  harpe,  dont  les  tribula- 
tions seraient  les  cordes  harmonieuse?.  En  effet,  dit-il,  tout  acte  île 
patience  e?t  un  hymne  agréable  à  Dieu;  que  si  vous  vous  laissez 
abattre  dans  les  tribulations,  vous  avez  brisé  votre  harpe  :  Omnis 
enim paticntia  didcis  est  Deo;  si av.tem  in  ipsis  tribulationibus defece/is , 
citharam  fregisti  (In  Psal.  xlîi  ). 

Septièmement,  la  patience  produit  une  œuvre  parfaite  :  Pattentia 
opns perfection  habct;  car  son  œuvre  par  excellence  c'est  l'acceptation  du 
martyre ,  c'est-à-dire  l'acte  le  plus  noble  et  le  plus  beau  que  l'homme 
puisse  accomplir  avec  l'aide  de  Dieu.  La  patience  enfante  les  confes- 
seurs de  la  foi  et  elle  les  couronne.  Sa  vie  elle-même  est  un  martyre. 
La  patience  triomp'ie  de  tout,  même  de  Dieu 

Huitièmement,  la  patience  nous  rend  très-semblables  à  J.  C.,qui 
est  la  patience  par  excellence 

Neuvièmement,  celui  qui  souffre  les  maux  avec  patience,  les 
change  en  biens;  il  sort  de  cette  épreuve  victorieux,  purifié  et 
très-bon. 

La  patience  est  un  remède  à  tous  les  maux;  car  par  elle  nous 
nous  unissons  à  Dieu  qui  est  tout  bien. 

Montrer  de  la  patience,  surtout  dans  les  injures,  les  oublier,  par- 
donner, combler  de  biens  ceux  qui  exercent  notre  longanimité  en 
nous  faisant  du  mal,  c'est  une  œuvre  vraiment  royale,  ou  plutôt 
divine. 

Il  appartient,  dit  Sénèque,  il  appartient  à  un  grand  cœur  d'être 
calme,  tranquille,  et  de  mépriser  les  injures  et  les  offenses.  Se  livrer 
aux  emportements  de  la  colère  est  le  propre  d'une  femme  :  M/ifjni 
anima  est  propriv.m,  placidum  esse,  tranquillum  ;  et  injurias  atque 
offensiones  despicere.  Mv.liebre  est  furere  in  ira  (In  Prov.).  Voilà  de 
quelle  manière  les  païens  eux-mêmes  considéraient  la  patience. 

Le  juste  ne  s'attriste  d'aucun  événement,  disent  les  Proverbes  : 
A'on  contrisfobit  jnsfum  quidquid  ei  acciderit  (xn.  21  ).  L'Ecriture  ne 

(1)  Adeo  satis  kloneus  patientiae  sequester  Deus  :  si  injuriait!  deposueris ,  pênes 
eum  ultor  est  ;  si  damnum  ,  restitutor  est;  si  dolorem  ,  meJicus  est;  si  mortem  , 
resuscitator  est.  Quantum  patientiae  licet ,  ut  Deum  habeat  debitoreui  [Lib.  de 
Pattentia ,  c.  xvj. 


C40  PATIENCE. 

dit  pas  qu'il  n'arrive  aucun  mal  au  juste  qui  se  fait  remarquer  par  sa 
pat'ence.  Nous  voyons  souvent  le  contraire  :  ainsi  Job,  Joseph, 
David,  Tobic,  Daniel,  etc.,  ont  été  soumis  aile  grandes  tribulations. 
Mais  l'Ecriture  dit  :    La  patience  et  l'égalité  d'âme  du  juste  sont 
au-dessus  de  toute  épreuve;  il  supporte  avec  résignation,  joie,  éner- 
gie, toutes  les  tribulations  qui  lui  viennent  soit  de  Dieu,  soit  des 
hommes,  soit  du  démon,  soit  de  toute  autre  créature,  soit  même  de 
son  propre  fonds.  Aucune  affliction  ne  le  trouble,  aucun  chagrin  ne 
l'abat  ni  ne  s'empare  de  lui;  mais  au  milieu  de  toutes  les  adversités, 
il  reste  debout,  ferme,   inébranlable,    patient  et  plein  de  dou- 
ceur; caria  patience  est  le  vrai  remède  des  maux  de  la  vie.  Préparez 
votre  âme  aux  épreuves,  et  vous  serez  heureux;  le  persécuteur  no 
peut  vous  enlever  le  bonheur  que  procure  la  patience  et  que  Dieu  lui 
a  promis. 

Saint  Thomas  enseigne  que,  dans  J.  C.  et  dans  les  justes,  la  tris- 
tesse a  consisté  à  prévoir  et  à  ressentir  les  maux,  mais  non  à  s'en 
troubler  (2.  2.  q.  136.  art.  2). 

Les  causes  pour  lesquelles  le  juste  ne  se  trouble  ni  ne  s'afflige  de 
rien ,  sont  : 

Premièrement,  le  pou  de  cas  quïl  fait  de  toutes  les  choses  de  co 
monde;  il  ne  s'y  attache  point,  mais  les  méprise  :  voilà  pourquoi, 

lorsqu'elles  lui  sont  ravies,  il  ne  s'abandonne  point  au  chagrin 

Songez,  dit  Isocrate,  songez  que  rien  de  ce  qui  appartient  à  l'homme 
n'est  stable  :  ainsi,  dans  la  prospérité,  vous  ne  vous  lh  rerezpas  à  une 
joie  outrée;  ni,  dans  l'adversité,  à  une  tristesse  excessive  :  Ejuistima 
nihil  ftumanum  esse  stabile  ;  sic  enim  neque  fortunutus  cris  prœter  moUum 
lœlus  ;  ncque  m  for tuna'us  prœter  modvm  tristis  (PI  utarc.  ). 

Secondement,  le  soin  avec  lequel  il  met  un  l'rein  à  ses  passions, 
source  de  péchés,  et  par  conséquent  de  troubles  et  d'agitations,  selon 
ces  paroles  de  Jérémie  :  Jérusalem  a  péché,  et  par  suite  elle  a  perdu 
la  stabilité  :  Peccatum  peecavit  Jérusalem,  propter  ca  instaùtlis  / acto 
est  (Lament.  I.  8). 

Renonçons  volontiers  aux  biens  de  la  terre,  dit  Tcrtullien,  mais 
détenions  ceux  qui  nous  viennent  du  ciel.  Que  m'importe  que  le 
monde  périsse,  pourvu  que  j'acquière  la  patience  :  Libcntcr  lerrena 
amillamus,  cœlestia  tueamur.  Tulum  licel  tcculuui  pereat,  dum  patierfr 
tiamlucrlfaciam  (Lib.  de  Pa  tien  lia  ). 

Troisièmement,  la  préférence  qu'il  accorde  à  la  paix  sur  toutautre 
bien.  Quoi  qu'il  lui  en  coûte,  il  s'attache  à  la  patience 

Quatrièmement,  la  conviction  où  il  est  que  lui-même  et  tout  ce 


PATIENCE.'  641 

rpril  possède  est  enîre  les  mains  de  Dieu,  et  sous  la  garde  de  la  Pro- 
vidence. Il  se  repose  sur  la  bonté  et  la  vigilance  du  père  commun 
des  hommes.  Le?  enfants  des  dieux  sont  invulnérables,  dit  Pindarc  : 
frwvlneral/iles  filii  deorum  (Anton,  in  Meliss.). 

Cinquièmement,  l'union  de  son  Ame  avec  Dieu,  union  si  étroite 
viue  cette  âme  ne  fait,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi,  qu'un  avec  lui. 
Et  comme  Dieu  est  immuable,  impassible,  il  rend  tels  les  hommes 
patients  et  les  justes  unis  à  lui 

Il  n'y  a  rien  d'aussi  funeste  que  d'avoir  Dieu  pour  adversaire,  dit 
saint  Çhrysostome.  S'il  vient  à  notre  aide,  ni  le  malheur,  ni  les  embû- 
ches, ni  toute  autre  chose,  ne  pourront  nous  nuire;  mais  de  même 
qu'un  charbon  enflammé  s'éteint  si  on  le  plonge  clans  l'eau;  ainsi, 
quelque  grande  que  soit  la  tristesse  qui  fond  sur  une  âme,  elle  se 
diss'peraet  s'évanouira  facilement,  si  elle  tombe  sur  une  conscience 
sans  reproche.  On  n'est  blessé  que  par  soi-même  (!). 

Vous  mL:ii'erez  d'être  maître  de  tout,  lorsque  vous  pourrez  vous 
gouverner  vous-même,  dit  Claudien  :  Tune  omnia  jure  tendis,  cum 
po.'ei  is  rexesse  lui  (Anton,  in  Meliss.). 

La  victoire  qui  ren  I  maître  des  villes  est  moms  grande  que  celle 
qu'on  remporte  sur  soi-mtme  par  ia  patience,  dit  saint  Grégoire;  en 
effet,  dans  le  premier  cas,  on  soumet  une  puissance  extérieure,  tan* 
dis  ^ue,  dans  le  second,  l'àmese  dompte  et  se  subjugue  elle-même  (2). 

Il  faut  plus  de  force  pour  endurer  patiemment  les  adversités,  qui 
pour  faire  ces  actions  d'éclat  ;  et  cela  pour  trois  raisons,  dit  saint 
Thomas  :  î°  parce  que  les  adversités  qui  fondent  sur  nous,  nous 
semblent  plus  fortes  que  nous;  tandis  que  c^ui  qui  fait  une  act:on 
héroïque,  la  fait  comme  ayant  puissance,  comme  étant  plus  fort 
qu'elle;  or,  il  est  plus  difficile  de  combattre  contre  quelqu'un  qui 
vous  est  supérieur  en  force  que  contre  un  inférieur;  2°  parce  que 
celui  qui  résiste  patiemment  aux  adversités  sent  les  dangers  de  la 
lutte;  tandis  que  celui  qui  attaque  une  ville,  regarde  les  dangers 
comme  étant  encore  éloignés  :  or,  il  est  plus  difficile  de  n'être  pas 
impressionné  par  des  maux  présents  que  par  des  maux  ù  venir j 

(1  wîhil  alind  fam  molestum  est  quam  Deum  hnbere  ofTensiim.  Si  arfsit.ncn 
affliii.it,  non  ms.tli.c,  uou  aiia  res  ulla  r.:ole»liuiii  a  (Terre  potest  :  seJ  queuiadmodum 
scintillait),  si  in  prufuiulam  aquam  inunergas,  exs  inxer:r,;  ita, quamvis  rragna  animi 
dcject.o,  si  in  bonain  inciciit  conscientkwn,  périt,  Cac  le.jue  evauescit,  Neuiu  Le-ilur 
nbi  a  seipso  (  Homil.  vi  in  Act.). 

(?)  Uinor  enim  est  Victoria  urbium,  qma  extra  sunt  qiwe  subigttuntar  ;  vaîdô 
autcia  majus  est  quod  per  patientiam  viuciiur,  qui.-.  \n~c  a  se  auimus  supcralur,  et 
semetiiisum  sibimelipsi  subjicit  {Homil.  ixxv  in  Evaug.)- 

nu  4i 


642  PATIENCE. 

i)°  parce  que,  dans  les  tribulations.,  le  combat  n'a  pas  de  trêve;  tandis 
qu'une  attaciue  à  main  armée  a  lieu  subitement,  et  d'ordinaire  ne 
dure  pas  sans  relâche  (2.  2.  q.  13G.  art.  3  ). 

Rien  n'égale  la  force  de  la  patience:  celui  qui  a  cette  vertu  nepcut 
jamais  souffrir  extrêmement; car  son  âme  est  comme  impassible 

Ne  pas  se  venger,  c'est  être  semblable  à  Dieu,  dit  saint  Jean  Chry- 
sostome  :  Non  ulcisci,  Deo  facit  œqualem  (Ilomil.  vi  in  Act.). 

Vous  faites  preuve  d'une  grande  vertu  si  vous  ne  répondez  pas  ù 
une  offense  par  une  autre  offense,  dit  saint  Isilore;  vous  montrez 
une  grande  force  d'âme  si,  étant  offensé,  vous  parlonnez;  vous 
acquérez  une  grande  gloire,  si  vous  épargnez  un  ennemi  auquel 
vous  pouviez  nuire  :  Magna  est  virtus  si  non  lœclas  eum  a  quo  Imsus 
es;  maqna  est  fortitudo,  si  etiam  lœsus ,  remittos;  magna  est  gloria 
si,  cui  potuisti  nocere ,  varcas  (Lib.  Sentent.).  La  patience  fait  tout 
cela.  Le  propre  d'une  âme  forte  est  de  m  priser  les  injures,  dit 
Sénèque;  le  propre  d'un  homme  faible,  vil,  misérable,  es-tcle  rip  &■ 
ter  à  celui  qui  l'a  offensé.  Il  imite  les  rats  et  les  fourmis,  qui  ouvrent 
une  bouche  impuissante,  et  qui  se  croient  blessés  si  on  les  touche 
[Epist.  lxxvii). 

La  patience,  dans  quelque  événement  que  ce  soit,  est  le  signe 
caiactéristicue  d'une  grande  âme.  La  partie  supérieure  du  mon  le, 
la  plus  belle,  la  plus  riche,  la  mieux  ordonnée,  c'est  le  firmament. 
Or,  elle  n'est  ni  plongée  dans  les  brouillards,  ni  sillonnée  parles 
tempêtes,  ni  sujette  aux  tourbillons  de  vents  et  à  la  poussière  :  elle 
ne  connait  pas  l'agitation  et  le  trouble;  la  fondre  se  forme  dans  des 
régions  inférieures.  De  même  l'homme  patient  ne  perd  jamais  la 
paix;  il  se  met  au-dessus  de  ce  qui  le  troublerait,  s'attire  le  respect 
et  acquiert  de  grands  mérites.  L'âme  qui  sait  souffrir  avec  m<>  lé- 
ration  et  douceur,  et  sans  murmurer,  est  belle,  grande,  élevée  et 
parfaitement  ordonnée;  elle  se  tient  près  de  L'éolataal  Soleil  de  l'éter- 
nité  

La  patience  est  une  vraie  puissance.  Dieu  est  tout-puissant  parce 
qu  il  est  très-patient.  La  colère  et  l'impatience  sont  une  maraafi 
d'impuissance,  de  faiblesse  et  de  pusillanimité 

Le  chrétien,  dit  saint  Maxime,  souffre  avec  résignation  pour 
mériter  la  récompense  qui  lui  a  été  promise,  et  pour  donner  l'exem- 
ple à  ses  co:. citoyens  :  il  souffre  en  patience  pour  s'assurer  le  repos, 
et  pour  procurer  le  salut  de  son  prochain  :  Sibi  patilur  ad  prœmium, 
civiuus  ad  exemplum  ;  siùi  patdur  ad  requiem,  ciutùus  ad  sulutcm  (la. 
ejus  \ila). 


PATIENCE.  643 

Ijifnïïeïïtieïïx  1rs  doux,  lès  patients,  dit  J.  C,  car  ils  posséderont  la    Av-mbcesde 
terre  :  Beaiî  mites,  quoniam  ipsi  possidebunt  terrain  (Mattn.  v.  4).  I's 
posséderont  la  terre,  c'est-à-dire  même  les  richesses  d'ici-bas,  car 

personne  ne  songe  à  leur  susciter  des  ennuis  et  des  obstacles.  Pais 
celui  qui  a  la  douceur  et  la  patience,  ss  contente  du  peu  qu'il  pos- 
sède, ce  qui  équivaut  à  une  fortune.  Mais  la  terre  qui  leur  est  pro- 
mise est  surtout  la  terre  des  vivants,  le  ciel.  Par  la  terre  que  doivent 
posséder  les  hommes  doux,  saint  Bernard  entend  le  corps  et  lame 
qu'ils  gouvernent  dans  la  patience,  régnant  sur  tous  les  mouvements 
du  coeur  et  des  sens  (fn  Ikpc  verba  Malt  h.). 

La  patience,  dit  Terîullien,  protège  la  foi,  gouverne  la  paix,  cùde 
ia  charité,  fait  grandir  l'humilité,  attend  le  repentir,  marque  le 
moment  convenable  pour  la  confession  publique,  maîtrise  les  sens, 
garde  l'espiit,  met  un  frein  à  la  langue,  retient  la  main,  foule  aux 
pieds  les  tentations ,  éloigne  les  scandales,  consomme  le  martyre, 
console  le  pauvre,  modère  le  riche,  soulage  le  faible,  n'épuise  pas 
le  fort,  réjouit  le  fidèle,  attire  le  pa'ien,  recommanlc  le  serviteur  au 
maître  et  le  maître  à  Dieu,  orne  la  femme,  rend  l'homme  digne 
d'estime,  plaît  dans  l'enfant,  mérite  les  louanges  dans  le  jeune 
homme,  est  admirée  dans  le  vieillard;  enfin  elle  est  belle  dans  tous 
les  sexes  et  dans  tous  les  âges.  La  patience  a  le  visage  tranquille  et 
calme,  un  front  pur,  sur  lequel  la  tristesse  ni  la  colère  n'ont  im- 
primé de  rides  ;  tes  yux  sont  baissés  sous  le  sentiment  de  l'humilité 
et  non  du  malheur;  sa  bouche  fermée  rend  hommage  à  l'habitude 
du  silence  (I). 

Ecoutez  saine  Cyprlen  :  La  patience,  dit-il,  nous  recommande  et 
cous  conserve  a  Dieu.  C'est  elle  qui  tempère  ta  colère,  met  un  frein 
à  la  langue,  gouverne  1  "âme,  conserve  la  paix.,  règle  la  discipline, 
arrête  1  élan  de  la  volupté,  comprime  l'explosion  de  l'orgueil,  éteint 
le  feu  de  la  haine;  elle  met  des  bornes  à  la  puissance  des  ri  'lies, 
au  secours  des  pauvres,  protège  la  bienheureuse  intégrité  des 
vierges,  ia  chasteté  laborieuse  ces  veuves,  l'amour  et  l'union  des 

r1)  PaÏ,Cïï\A  fi.icm  munit ,  T'^'in  glrtiefhat  ,  (iiteMîonpni  arij  fat ,  numililatem 
instruit,  ptfcniletitiam  exspeciat ,  exomolo  jnat,carricrii  re.^it,  spirilum  ser- 

val, linguaifl  t'ncnat,  maïuim  coulinct,  têiitatfohûs  iticulcat,  scandala  pellit.  mariyria 
consummat;  pauperem  consolatur,  divitein  temporal,  infirmum  non  exlendit.  vaten- 
nm  m>n  cu.i.-umif,  (il  tat,  genlilcm  invitât,  sèrvum  Dôuilrio,  domt'iiura 

Doo  commendat;  feminam  exornat.  viruin  approbat;  dmatur  ifl  pliero,  Iaudalur  in 
..>.  su>picilur  in  sene  ;  in  omni  sexu  ,  in  omni  relaie  formosa  est.  Vultus  illi 
tianqir.lliis  et   pladdus,  fions  pura  ,  niilla  mœroris  aul  ira  nt.^viUlc  Contracta; 
nculis  liunûliinl  .  ■     wrfe  iiga«**tt  (*#.  a'e 

¥aUenlia,Çt  uj« 


644  PATIENCE. 

époux  ;  elle  rend  humbles  ceux  qui  prospèrent ,  forts  ceux  rpi)  -  nt 
dans  le  malheur,  doux  ceux  qui  essuient  des  injures  et  des  affronts; 
elle  enseigne  à  pardonner  aussitôt  à  ceux  qui  ne  remplissent  pas 
leurs  devoirs ,  et  à  prier  beaucoup  et  longtemps  lorsque  cela  nous 
arrive  à  nous-mêmes;  elle  surmonte  les  tentations,  supporte  les 
persécutions.,  conduit  à  la  victoire  par  les  souffrances  et  le  mar- 
tyre (1). 

Mon  fils,  dit  saint  Basile,  dans  l'Avertissement  à  son  fils  spirituel, 
mon  fils,  efforcez-vous  d'acquérir  la  patience ,  parce  quelle  ont  la 
plus  grande  vertu  de  l'âme;  saisissez-la,  afin  d'arriver  promptemei  t 
au  sommet  de  la  perfection.  La  patience  est  le  souverain  remède  .e 
l'âme;  mais  l'impatience  e?t  le  poison  du  cœur  (2). 

Personne  ne  peut  nuire  à  la  vraie  patience  :  l'attaquer,  c'est  la 
rendre  plus  belle  et  la  couronner.  Tous  les  bien?  qu'o:i  1  i  r  vit, 
tous  les  maux  qu'on  lui  fait ,  elle  les  place  dans  1.  s  trésor  e  Dieu, 
qui  la  dédommagera  au  centuple 

La  sagesse  et  la  gloire  de  l'homme  patient  consistent  à  pouvoir 
dire  sans  mensonge  :  Je  vis  de  l'amour  de  Dieu  et  du  désir  du  ciel 
Dieu  ,  ce  fleuve  de  vie,  apaise  ma  soif;  Dieu,  ce  pain  vivant,  est  ma 
nourriture;  la  pauvreté  m'enrichit;  je  méprise  la  mort;  j'ai  lesLici.s 
réel*,  rien  ne  me  manque 

L'abbé  Jean  aimait  à  répéter  à  ses  disciples  :  La  patience,  surtout 
à  l'égard  des  injures,  est  la  porte  du  ciel  (  Vit.  Pntr.  ). 

Parce  que  tu  as  gardé  ma  parole  de  patience,  dit  le  Seigneur  'ans 
l'Apocalypse  à  l'ange  de  Philadelphie,  moi  aussi  jeté  garderai  à 
l'heure  de  l'épreuve  :  Quoniam  servasti  verbum  put<enliœ  mua:,  cjo 
servabo  te  ab  hora  t  entai  imis  (m.  40). 

Rien  n'est  plus  doux ,  plus  agréable ,  ni  plus  digne  de  FhommD , 
:me  d'opposer  la  patience  à  toutes  les  offenses 

La  patience,  disent  les  Proverbes,  est  une  grande  sagesse;  l'homme 


i,  Patientia  est  ,  qnx  nos  Deo  et  cm;  servat.  Ipsa  est  qnœ  iram  : 

perat,  qutc  lingnam  Crœnat ,  qnm  raentem  gnbernat  ,  pacem  cusio  lit ,  dise  pli  ïam 
libidinis  impetum  (rangi! ,  tumoris  viulentiara  comprimit ,  iueeniiium  siiuul- 
taiis  exsliuguit ,  coercet  potentiam  divitura,  inopiani  pauperum  reCovel,  tuetur  in 
virginibus  beatam  iotegrilalem,  in  viJuis  laborio;  un  caslitalem  ,  in  cunjunctis  in  li- 
«  in  caritatem  •  racit  bannies  in  prosperis,  in  ad  ver  sis  fortes,  rouira  injurias  1 1 
conturaelias  mileB,  docet  deliuqu  e;  si  ipse  delioquas,  diu  et 

mulium  roj  expngnat,  persecutiones  tolérât,  passwntt  et  ourijua 

m  mat  (  Lib.  de  Dono  patient  tœ). 

patienlîam  arripe ,  qnia  tnaxima  est  virtus  a        »,  al      loc'^r  ad  subli- 
;  ossis  ascendere.  talienlia  grandis  est  inedelu  anima:  :  iuipa- 
-  autan  est  pénuries  cordis. 


PATIENCE.  64K 

emporté  proclame  ea  folie  :  Qui  paliens  est ,  mvîto  gubernatur  prw- 
dentii  :  qui  autem  impatiens  est,  exaltât  stui'iiiam  suam  (x  -.29). 
L'homme  emporté  proclame  sa  folie  à  hau!c  voix  par  ses  cris  ,  par 
les  mouvements  de  ses  mains  et  de  ses  bras  :  il  ne  diminue  pas  son 
mal  ;  il  l'augmente,  il  le  double,  il  le  triple 

L'homme  patient,  dit  saiDt  Ephrem ,  se  laisse  diriger  par  unb 
grande  prudence.  Qu'y  a-t-il  de  plus  avantageux  et  de  plus  admi- 
rable? Il  est  toujours  joyeux,  il  a  son  espérance  en  Dieu,  il  est  étran- 
ger à  tout  accès  de  colère,  il  supporte  tout;  il  ne  s'irrite  pas,  il 
n'insulte  personne,  il  ne  prononce  aucune  parole  qui  puisse  nuire. 
L'offense-t-on?il  ne  s'en  aigrit  point;  il  ne  lutte  pas  contre  ceux  qui 
sont  d'un  avis  contraire  au  sien  ;  dans  toutes  les  occasions,  il  se 
montre  constant  et  fort;  il  se  réjouit  des  épreuves  et  supporte  les 
envieux.  On  lui  donne  un  ordre,  il  obéit;  on  le  blâme,  il  ne  sî  plaint 
point  ;  il  s'exerce  sans  cesse  à  persévérer  dans  la  patience  (  Serm.  v  ). 

La  prudence  de  l'homme  qui  a  de  la  patience  et  l'imprudence  de 
celui  qui  en  manque,  se  manifestent,  1°  en  ce  que  l'homme  patient 
se  me  ntre  le  martre  de  la  colère,  et  que  l'impatient  laisse  voir  qu'il  en 
est  l'esclave.  Le  patient  domine  ses  affections  et  se  domine  lui-même; 
voilà  pourquoi  il  est  dans  une  paix  constante  et  parfaite:  l'impatient, 
au  contraire,  est  toujours  travaillé  par  ses  passions;  aussi  ne  cesse- 
t— il  d'être  dans  l'agitation  et  dans  le  trouble.  2°  En  se  taisant  et  en 
demeurant  calme,  l'homme  patient  est  vainqueur  non-seulement 
de  sa  propre  colère ,  mais  de  la  colère  d'autrui  ;  tandis  que  f'im  - 
tient  est  esclave  de  l'une  et  de  l'autre.  3°  Par  la  douceur  et  la  modé- 
ration ,  l'homme  patient  convertit  souvent  l'homme  emporté,  il  lui 
communique  sa  patience;  l'homme  emporté,  au  contraire,  trans- 
forme quelquefois  l'homme  patient  en  un  véritable  furieux.  Le 
premier  ressemble  à  un  fiévreux;  et  le  second,  à  un  médecin  qui 
modère  les  accès  de  la  fièvre  et  qui  rend  le  bon  sens  à  ceux  qu'il 
soigne  ,  en  l:s  replaçant  dans  des  habitudes  de  patience 

Ecoutez  saint  Pierre  Chrysologue  :  N'est-il  pas  vrai ,  dit-il ,  que 
toutes  les  fuis  qu'une  fièvre  brûlante  s'empare  d'un  malheur 
elle  lui  donne  le.  délire  et  le  rend  furieux?  Les  sens  du  malade 
sont  tro  b  es,  son  esprit  n'y  est  plus,  la  férocité  le  domine,  l'hu- 
manité lui  est  inconnue  ;  il  grince  des  dents,  il  frappe  ceux  qui 
l'approchent  et  mord.  Alors ,  à  la  louange  de  la  charité  ,  à  la  gloire 
de  l'art,  à  l'honneur  de  son  savoir  et  de  son  humanité,  le  médecin 
s'arme  de  patience;  il  méprise  les  injures  du  liévreux,  sup 
ses  coups,  ses  morsures,  les  fatigues  et  les  ennuis.,  aiin  de.  Je  guérir 


646  PATIENCE.' 

ou  du  moins  de  diminuer  ses  souffrances  :  il  l'adoucit  en  employant 
l'huile  de  la  patience;  il  l'environne  de  soins  et  lui  fait  pren  Ire  les 
remèdes  convenables,  assure  qu'il  est  que  le  malade  ,  revenu  à  lui- 
même  et  à  la  santé ,  sera  plein  de  reconnaissance,  et  paiera  large- 
ment  les  peines  qu'il  se  sera  données  (  Serin,  m  ).  L'homme  emporté 
peut  être  comparé  à  ce  fiévreux,  et  celui  qui  est  doué  de  patience, 
au  médecin  charitable.  Soyons  des  médecins  spirituels,  sauvons 
l'âme  de  nos  frères  et  la  nôtre;  travaillons  à  les  guérir  île  tout 
emportement  par  notre  patience  et  notre  charité;  et  quand  ils  seront 
guéris  ,  ils  nous  remercieront  et  nous  aimeront 

L'homme  emporté  provoque  les  querelles;  l'homme  patient  calme 
celles  qui  se  sont  élevées ,  disent  les  Proverbes  :  Vir  iracundus  pro- 
vocal  rixas ;  qui  patiens  est  mitigat  ntscitalas  (xv.  18.). 

La  colère  enlève  à  l'homme  trois  trésors  inappréciables  :  la  gra- 
vité, la  sagesse  et  la  paix 

Laissez,  dit  Sénèque,  laissez  à  autrui  l'initiative  des  querelles,  et 
prenez  toujours  celle  de  la  réconciliation  :  Semper  dissenaio  ab  aho 
incipiot ,  a  te  reconciliatio  (  Epist.  lxxxvii). 

Personne,  dit  saint  Grégoire  de  Nazianze,  n'arrête  un  persécuteur 
aussi  facilement  que  celui  qui  a  de  la  patience  :  Nihil  persecu/orem 
ita  svp,crat ,  ut  patiens  (  Orat.  xix). 

Le  fer  embrasé  plongé  dans  l'eau ,  dit  saint  Chrysostome ,  ne  perd 
pas  plus  promptement  sa  chaleur,  que  l'homme  emporté  sa  colère , 
quand  il  a  affaire  à  une  âme  pleine  de  longanimité.  Si  nous  sommes 
patients  et  doux,  nous  seront  forts  et  puissants  (l). 

Ecoutez  un  poète  :  La  force  remporte  bien  des  victoires,  mais  la 
patience  en  remporte  davantage.  Voulez-vous  être  impeccable? 
Boyez  patient,  sachez  vous  contenir.  Le  meilleur  moyen  de  punir  ceux 
qui  outragent,  c'est  de  leur  témoigner  de  la  patience.  Cette  vertu 
vous  aidera  à  supporter  ce  que  vous  ne  pourrez  corriger.  La  patience 
est  la  reine  du  monde. 


|Iulta  tropTa  vis  cripit,  plura  sed  patienlia. 
Impcccibilis  essequacris?  Sis  palieus,  sis  conlinens. 
Nil  sic  conlumcliosos  urit ,  ni  prient  a. 
Quidquid  emcnclare  non  est ,  lenias  palienlia. 
Regina  rerum  omnium  patientia. 


(1)  Nequc  Tcrrum  ignitnm  nqin  inlinefum  illico  coclorem  nmiltit,  sicut  si  incidat 
in  animais  longanimem  vir  iracua  '.us.  Si  simus  letie^  o;  pntirn'"<;,  eiimu<;  fortes  et 
[Homtl.  vi  in  Act.). 


PATIENCE.  647 

L'homme  patient  vaut  mieux  que  le  guerrier  plein  de  courage; 
C'-lui  c;ui  maitrve  son  cœur  l'emporte  sur  celui  qui  a  pris  d'assaut 
dis  villes,  disent  les  Proverbes  :  Melior  est  paliens  viro [uni  :  et  Qui 
dominntur  animo  suo,  cxpugnalore  urèium  (xvi.  32). 

Celui  qui  sait  se  vaincre  lui-même,  dit  un  poëte,  est  plus  fort  que 
le  capitaine  qui  a  soumis  les  villes  les  mieux  défendues;  la  lorca 
ne  peut  aller  au  delà  : 

Fortior  est  qui  se ,  quam  qui  fortissiraa  vinci» 
Oppida  ;  nec  virtus  altius  ire  potest. 

Se  mettre  au-dessus  des  outrages  par  la  patience  est  la  pins  bellb 
dfs  victjires,  dit  saint  Chrysostome.  Dieu  nous  a  donné  des  forces 
pour  vaincre,  non  pas  à  main  armée,  mais  par  la  patience.  On  célèbre 
partout  le  triomphe  de  Joseph,  qui  a  supporté  l'adversité  avec  tant 
de  courage.  Par  sa  patience,  il  est  sorti  victorieux  des  embûches  que 
lui  avaient  tendues  ses  frères  et  la  femme  impudique.  Job,  par  sa 
patience,  est  demeuré  vainqueur  des  efforts  du  démon,  des  insultes 
de  son  épouse,  des  outrages  de  ses  amis,  de  la  pauvreté,  de  la  maladie 
et  de  mille  souffrances  ;  par  sa  patience,  il  a  été  plus  fort  que  Samson, 
qui  a  battu  si  souvent  les  Philistins.  En  souffrant  avec  résignation 
et  patience  la  haine  de  ses  frères,  l'exil,  la  calomnie,  la  prison,  Joseph 
s'est  maîtrisé  lui-même;  il  s'est  assuré  la  faveur  de  Pharaon  et  est 
devenu  le  maître  et  le  sauveur  de  l'Egypte.  David  a  montré  plus  de 
furce  en  triomphant  de  Saûl  par  sa  patience,  qu'en  abattant  le  géant 
Coliath  (  Homil.  vi  in  Act.  ). 

La  patience  triomphe  même  des  démons  pleins  d'orgueil  et  de 
rage 

La  patience  est  la  fille  de  l'humilité;  avec  son  aide  l'homme  sup- 
porte sans  se  plaindre  les  persécutions,  les  attaques  des  calomnia- 
teurs, les  maladies  et  toutes  les  adversités;  il  triomphe  de  toutes  les 
épreuves. 

Le  sage  comprend  que,  dans  cette  vie  malheureuse  et  misérable, 
l'homme  doit  s'attendre  à  une  multitude  d'afflictions  :  voilà  pourquoi 
il  se  prépare  à  les  recevoir  et  à  les  endurer  avec  patience;  car  il 
n'ignore  pas  que  s'il  les  recevait  avec  impatience  et  emportement, 
il  augmenterait  le  mal  et  la  douleur  qu'il  lui  cause.  En  effet,  il  se  ait 
alors  torturé  et  par  le  mal  et  par  le  ressentiment  né  de  sa  colère; 
tandis  que,  grâce  à  la  patience,  il  n'éprouve  que  le  mal  inséparable 
de  la  nature  déchue;  encore  est-il  tellement  amoindri  par  Japatience, 


648  PATIENCE. 

qu'il  ne  le  sent  presque  pas.  Ajoutez  que,  s'il  s'emportait  et  serévoV 
tait,  il  offenserait  Dieu,  et  s'attirerait  en  punition  de  sa  colère  des 
peines  nouvelles  et  plusredoutables.il  souffrirait  par  conséquent 
beaucoup  plus,  perdrait  tout  le  mérite  qui  pourrait  résulter  de  s~s 
maux  et  encourrait  les  peines  éternelles.  Celui  qui  mé  lite  ces  vérités 
et  qui  les  goûte  se  met  en  garde  contre  l'impatience,  et  s'applique 
à  tout  supporter  avec  résignation. 

D'ailleurs  ,  le  sage  sait  que  le  véritable  bien  de  son  âme  ici-bas, 
c'est  la  paix;  mais  il  sait  aussi  que  la  paix  ne  vient  que  de  la 
patience.  Voilà  pourquoi,  dans  toutes  les  adversités,  il  s'attache  à 
pratiquer  cette  vertu,  afin  de  se  procurer  un  bien  aussi  désirajJo 
pour  son  âme  que  l'est  la  paix. 

L'homme  patient  ne  s'inquiète  ni  des  outrages  ni  des  afflictions; 
supérieur  au  monde,  il  fixe  son  âme  eu  Dieu  et  ne  s'occupe  que  du 
ciel ,  qui  doit  être  son  héritage. 

Les  tribulations  nous  pressent,  dit  Senèque;  si  elles  sont  faible?, 
supportons- les,  et  la  patience. les  adoucira;  si  elles  sont  gran- 
des, supportons  -  les  encore,  et  notre  gloire  ne  se  pourra  mesurer 
(  Epist.  ). 

Qualités       II  faut  être  patient  envers  tous  les  hommes.  Supportez-vous  pitiem- 
<ine  duii  avoir  .  ,  •  .         ,         ,      .       .,,     •...      .    .  n      ,  .      ,   , 

la  patience     ment  les  uns  les  autres  dans  la  cnarite,  dit  saint  Paul  aux  Lphe  lens: 

pour  être  Cum  patienlia  supportantes  invicem  in  caritate  (  iv.  2).  Nous  vous  en 
prions,  frères,  soyez  patients  avec  tous:  Rogamus  vos  fratres,  pa- 
tientes estole  ad  orunes  (I.  Thess.  V.  I i). 

La  patience  produit  une  œuvre  parfaite,  dit  l'apôtre  saint  Jacques: 
Patienlia  o^us  perfection  liabct  (  I.  4).  Or,  pour  produire  une  œuvre 
parfaite,  la  patience  doit  :  1°  supporter  les  maux  avec  force  et  per- 
sévérance; 2°  être  parfaite  dans  sa  fin,  c'ei..-à-dire  tout  endurer  pour 
la  foi  de  J.  C,  pour  la  justice  et  pour  la  vertu;  3°  êtreaccoinpa&u'd 
des  autres  vertus. 

Voici  les  principaux  devoirs  que  doit  accomplir  la  patience  pour. 
devenir  parfaite  et  méritoire:  1°  pardonner  à  celui  qui  oTense...  J 
£«  lui  faire  du  bien  (ians  l'occasion...  ;  3°  recevoir  l'épreuvo 
comme  un  excellent  remède...;  4°  se  mettre  au-dessus  d.çj 
injures 

Il  y  a  trois  degrés  dans  !a  patience  :  le  premier  consiste  à  souffrir 
avec  résignation...;  le  seçoiid,  à  souffrir  volontiers...;  le  troisième^ 
à  souffrir  a\ec  joie 

Pourquoi  iaut-il  se  réjouir  dans  les  afflictions? 


PATIENCE.  049 

i°Pnrre  que  les  afflictions  nous  détachent  du  siecK  Pieu,  dit 
saint  Grégoire,  nous  les  envoie  (!e  peur  que  nous  ne  nous  plaisions 
trop  dans  le  chemin,  et  que  nous  ne  ie  préférions  à  notre  patrie 
qui  est  le  ciel  :  Ne  v'win  pro  pntrin  diligamus  (  Moral.,  c.  xxni  ). 
Les  tribulations,  dit  à  son  tour  saint  Augustin,  ne  cessent  de  peser 
sur  l'homme  de  peur  que,  voyageur  vers  la  patrie,  il  ne  préfère  une 
pauvre  étable  a  la  maison  qui  l'attend  :  Ne  vintor  tendens  ad  patriam. 
stuèulum pro  dumo  diUgat  (In  Sentent,  clxxxyi). 

2- Parce  que  les  afflictions  sont  la  marqua  de  l'élection  et  delà 
prédestination  divines 

Il  faut,  dit  saint  Thomas,  supporter  avoc  patienea  et.  a-"»c  joie  les 
coups  de  Dieu,  à  cause,  1°  de  l'affection  que  nous  porte  celui  ou: 
nous  frappe,  selon  ces  paroles  des  Proverbes:  Mon  fils,  ne  t'aigris 
point  contre  les  ('preuves  du  Seigneur,  car  le  Seigneur  châtie  celui 
qu'il  aime  et  il  se  complait  en  lui  comme  le  père  dans  son  (ils  :  Disd- 
plinam  Dominij  flinu,  ne  abjictas  :  quem  enim  diligit  Do  m'nvs,  corri- 
pit ;  et  quasi  puter  in  filio  complacet  sibi  (ni.  11.  1-2)  ;  2°  à  cause  de 
la  conscience  de  notre  culpabilité.  Je  porterai  la  colère  du  Seigneur, 
parce  que  je  l'ai  offensé,  dit  le  prophète  Michée  :  Iram  Domîni  por. 
teibo  quantum  peccavi  ci  (vu.  9);  3°  à  car  se  de  l'espérance  de  la  récom- 
pense. Heureux  l'homme  qui  supporta  les  épreuves  avec  patience, 
dit  saint  Jacques;  car  après  a\oir  été  éprouvé,  il  recevra  la 
couronne  de  vie  que  Dieu  a  promis  à  ceux  qui  l'aiment  :  Uejtus  v'r 
qui  suffert  tenlationem;  quoniam  cum  probatus  fuerlt ,  ac>:i/jiet  coronam 
vitŒs  quam  repromisil  Deus  diligentibus  se  (i.  12)  ;  4()  à  cause  de  l'inu- 
tilité des  murmures,  selon  ces  paroles  de  Jérémie  :  Pourqu  »i  donc 
murmure  l'homme  vivant,  l'homme  puni  pour  ses  péchés?  Quid 
murmuravit  homo  vivens,  vir  pro  peccatts  suis?  (Lanient.  ni.  30.) 

Kn  vgt-S  défendez  pas,  mais  faites  place  à  la  colère,  dit  saint  Paul  :   ,    Moyens 

,  ,  ,    ,        ,  •        /n  .  „ .     „ ,     ,     apremlrpi-.oiït 

Non  vosmetipsos  defendentes,  sed  dute  loium  irœ  (Rom.  xn.  !y).  L  est-    ar,.iUT  n  ., 
à-dire,  laissez  à  Dieu  le  soin  de  vos  intérêts,  et  quant  à  vous,  fuyez,  pr^J£^J l* 

gardez  le  silence,  cédez  à  celui  qui  est  en  colère Souffiezavec 

résignation 

Lorsque  votre  patience  est  exercée  par  quelque  épreuve,  dites  :  Si 
j'ai  mérité  cette  croix,  je  la  porterai,  afin  de  satisfaire  pour  mes 
péchéj.  Si  je  ne  l'ai  pas  méritée,  je  la  supporterai  également,  à 
1  temple  de  J.  C.  et  de  sa  très-sainte  mère  j  ma  couronne  en  sera 
plus  belle, 


650  PATIENT. 

Enfin  il  faut  penser  à  la  passion  de  J.  0.  Il  n*y  a  rien  de  tellement 
accablant,  qu'on  ne  supporte  avec  pat:n  e,  i  l'on  se  souvient 
4e  la  passion  de  J.  C,  dit  s  tint  Grégoire  :  N  hil  a  Vo  gr  *ve  est,  quod 
fi,on  (.eqnrni miter  toleretur,  si  Christi  passio  ad  memoriam  adducatur 
(Tract,  deCoûflict.  virtul.  çt  vit.) 


PAUL   (SATNT). 


.U:\T  Paul  était  Juif  et  de  famille  noble.  La  première  richesse  et      rr-n'^t. 

prérogative  de  saint  Paul ,  c'est  son  caractère Pourquoi  n^^ti»eSe 

Paul  est-il  appelé  un  vase  d'élection?  dit  saint  Jérôme  :  parce    saiut  pauIî 
qu'il  était  une  arche  précieuse  de  la  loi  et  des  saintes  Ecritures  :  Cur     caraaèroj 
dicitu.r  Paulus  vas  clcclionis?  quia  legiset  sanclarum  Scripturarum  erat 
armorium  (Ad  Paulin.]. 
Saint  Paul  était  d'un  caractère  élevé  ,  magnanime  ,  héroïque...... 

Qui  l'a  égalé?  qui  a  autant  travaillé  que  lui?  qui  a  été  aussi  souvent 
emprisonné  ?  qui  a  enduré  des  souffrances  plus  gran  les  et  plus  nom- 
breuses? qui  a  déployé  autant  d'intrépidité  dans  les  dangers?  qui  a 
jamais  été  aussi  hardi,  aussi  persévérant  dans  ses  entreprises?  qui 
a  opéré  tant  et  de  si  grandes  merveilles?  En  toute  circonstance  son 
caractère  est  demeuré  le  même,  doux,  aimant,  ferme,  généreux, 
sublime,  inébranlable 

La  vocation  de  saint  Paul  est  remarquable  en  ce  qu'il  a  été  appelé*     Deuxième 
du  haut  du  ciel  par  J.  C.  immortel  et  glorieux,  tandis  que  les  autres  prérogative  de 
apôtres  ont  été  choisis  et  appelés  par  J.  C.  vivant  sur  la  terre.  Elle  a    fift  £™ 
cela  d'extraordinaire  encore  que  J.  G.  a  triomphé  de  cet  apôtre  au 
moment  même  où  sa  haine  contre  les  chrétiens  était  plus  exaltée. 
Eespirant  les  menaces  et  le  meurtre  contre  les  disciples  du  Seigneur, 
Saul,  disent  les  Actes  des  apôtres,  alla  trouver  le  prince  des  prêtres  : 
Saidus  spirans  rninarum  et  cœdis  in  discipulos  Domini  accessit  ad  princi- 
pem  sacerdoium  (ix.  1  ),  et  il  lui  demanda  des  lettres  pour  les  syna- 
gogues de  Damas,  afin  que  s'il  y  trouvait  des  hommes  et  des  fem- 
mes engagés  dans  la  voie  chrétienne ,  il  les  conduisit  enchaînés  à 
Jérusalem  :  Ut  si  quos  invenisset  hujus  viœ  viros  ac  mulieres,  vinct03 
verduceret  in  Jérusalem  (Act.  ix.  \.  2). 

Comme  il  était  en  chemin,  et  qu'il  approchait  de  Damas,  tout  à 
coup  une  lumière  du  ciel  brilla  autour  de  lui.  Et  tombant  à  terre, 
il  entendit  une  voix  qui  lui  disait  :  Saul ,  Saul ,  pourquoi  me  persc- 
cutes-tu?  Saule,  Saule,  quid  me  persequeris?  Il  dit  :  Qui  êtes- vous, 
Seigneur  ?  Et  le  Seigneur  dit  :  Je  suis  Jésus  que  tu  persécutes  ;  il  t'est 
dur  de  regimber  contre  l'aiguillon  :  Quidixit  ;  Quisest,  Domine?  Et 


sa  vocation. 


C52  PAUL  (sauyt). 

Ule  :  Ego  sum  Jésus  qucm  tu  persequerb;  durum  est  ttbi  contra  sti-« 
mulum  calcitrare.  Plein  de  stupeur  et  de  tremblement.  Paul  reprit  : 
Seigneur,  que  voulez-vous  que  je  lasse?  Et  tremcnset  stupens,  dixit  : 
Domine,  quid  n:evis  facere?  (Act.  ix.  3-G.) 

Quelle  vocation  miraculeuse!  et  quelle  grâce  efficace!  Elle;; 
changent  soudain  un  persécuteur  :  d'un  loup  vorace ,  d'un  lion 
furieux  et  rugissant  elles  font  un  agneau;  d'un  grand  pécheur 
endurci  elles  l'ont  le  plus  admirable  des  pénitents,  le  premier  des 
apôtres,  le  pins  glorieux  des  saints!  Quelle  bonne  volonté!  quelle 
prompte  correspondance  à  la  giâce!... 

Quel  est  le  pécheur  ou  le  pénitent  qui  désespérerait  du  pirrlon 
en  voyant  la  subite  conversion  de  saint  Paul  par  l'infinie  bonté  le 
Dieu?  Combien  grande  fut  la  grâce  par  laquelle  J.  C.  fit  de  Saul  le 
docteur  des  nations,  le  précepteur  de  l'univers!  Mais  aussi  comme 
Sanl correspondit  merveilleusementà la  grâce  !...UétaitsemJ >Ui  baux 
démons,ne  respirant  queles  persécutions  et  Jesangdeslidè)es;changé 
en  apôtre,  il  devint  le  modèle  de  toutes  les  vertus,  ne  respirant  que 

la  gloire  de  Dieu,  ne  cherchant  qu'elle  et  le  salut  des  nations 

Celui  qui,  peu  auparavant,  combattait  J.  C.  et  exterminait  les 
chrétiens,  désire  de  mourir  pour  eux;  il  leur  donne  sa  vie  tout 
entière;  il  ne  cesse  de  s'exposer  aux  fatigues  des  voyages  ,  à  l'acca- 
blement du  travail ,  aux  persécutions  ,  à  la  faim,  à  la  soi!',  à  l'em- 
prisonnement,-aux  flagellations,  aux  naufrages,  aux  menaces,  aux 
tourments,  à  mille  morts,  pour  l'aire  connaître  le  nom  de  J.  C.  et 
conquérir  des  enfants  à  l'Eglise  ;  tellement  qu'il  était  tout  à  t  »us,  et 
comme  transformé  enJ.  C.  Aussi  dit-il  :Le  Christ  est  ma  sie  :  Mihi 
vivere  Christus  (Philipp.  i.  21  ).  Je  \is,  ce  n'est  plus  moi  qui  vis, 
mais  J.  C.  vit  en  moi  :  Vioo,  jam  non  ego,  vioit  vero  in  me  Christus 
(Gai.  n.20). 

Par  la  vertu  de  l'Agneau  qui  a  donné  sa  vie  pour  ses  brebis,  Paul 
est  transformé  de  loup  en  agneau  ,  dit  saint  Augustin  :  Au  agno  pro 
ovibus  mortuOf  fit  ovis  de  lupo  ( Serin,  xiv  de  ^anctis). 

Qui  ètes-vous,  Seigneur?  s'écrie  cet  apôtre  à  peine  converti.  Je 
suis  Jésus  que  tu  persécutes.  Seigneur,  que  voulez-vous  qi  eje  fasse? 
Déjà  ,  dit  saint  Augustin  ,  déjà  se  prépare  à  ol  éir  celui  qui  aupara- 
vant exerçait  toutes  les  rigueurs  de  la  persécution.  Le  persécuteur 
changé  en  apôtre;  le  luup,  en  brebis;  l'ennemi  déclaré,  en  fil,  b 
et  inlrépi  le  soldât  :  J  nn  parât  se  ad  obediendum,  quiprius  sœviebat  ad 
perscqumdimi.  Jam  fmniatur  ex  persecutore  prœdicalor ,  ex  lupo  ovis,  ex 
huste  mile»  (  Serin,  xiv  de  Sanctis). 


PAUL  (saïst).  653 

Le  voilà  devenu  un  vase  choisi  par  J.  C.  :  Vas  de  t'onîs  est  mihi 
Mte(Act.  ix.  13).  Levoiià  com  U  de  j  aie  au  milieu  de  toutes  les 
tribulations  :  Superabundo  gaudio  in  omni  trib  lat  one  nostra  (II.  Cor. 
vu.  \  .  Le  voilà  ravi  jusqu'au  troisième  ciel  :  Rrptum  usque  ad  ter- 
tium  cœlum  (11.  Cor.  xu.  2).. 

Saint  Augustin  et  saint  Thomas  enseignent  que  dans  ce  ravisse- 
ment, saint  Paul  vit  l'essence  même  de  Dieu  (De  S.  Paulo ). 

Su.xt  Paul  traite  des  «choses  les  plus  merveilleuses  et  les  plus     Troisième 

sublimes,  et  il  en  parle  divinement prérogative  de 

Moïse  reçut  communication  de  la  loi  de  Dieu  sur  la  montagne  du    sainl  p,Ml!;  „ 

p  sa  sa^essoetsa 

Sinaï  :  Paul  alla  puiser  dans  le  ciel  les  mystères  de  l'Eternel  :  Je  science, 
sais,  dit-il  en  parlant  de  lui-même ,  je  sais  que  cet  homme  fut  ravi 
dans  le  paradis,  et  entendit  des  paroles  secrètes,  qu'il  n'est  pas  per- 
mis à  l'homme  de  proférer  :  Audivit  arcana  quœ  non  licet  homini 
loqui  (II.  Cor.  xu.  4).  Non,  s'écrie- t-il  encore,  non,  l'œil  do 
l'homme  n'a  point  vu ,  son  oreille  n'a  point  enten  lu ,  son  cœur  n'a 
point  compris  ce  que  Dieu  a  préparé  pour  ceux  qui  l'aiment  :  Oarfus 
non  vidit ,  nec  auris  audivit ,  nec  in  cor  kominis  ascendit ,  quœ  prœpa~ 
ravit  L'eus  iis  qui  diligunt  eum  (I.  Cor.  il.  9  ). 

Saint  Denis  l'Aréopagite  appelle  saint  Paul  le  soleil  des  intel- 
ligences (De  S.  Paulo). 

Paul ,  dit  saint  Chrysostome,  est  un  ciel  où  brille  le  soleil  de  jus- 
tice ;  il  est  l'océan  très-pur  et  très-profond  de  la  sagesse  :  Paulus  est 
cœli<m  ,  solem  hobens  justitiœ  ;  ipse  mare  sapimliœ  pvriss'nvna  et  pro- 
fundissimum  (  Homil.  iv  Laud.  S.  Pauli).  Paul  est  l'abîme  sans  fond 

de  la  sagesse  divine U  est  l'archétype  de  tous  les  biens  ,  ajoute 

le  même  Père  ;  Dieu  lui  a  confié  toute  la  prédication  ,  les  intérêts  de 
l'univers,  tous  les  mystères  et  la  dispensation  universel!*  des 
lumières  et  des  grâces  :  Paulus  archetypus  bonorum ,  cui  omnem  prœ- 
dicationem,  res  orbis ,  mysteria  cuncta,  universamque  dispensalionem, 
Deus  concessit  (Homil.  iv  de  Laud.  S.  Pauli). 

Paul,  dit  saint  Jérôme  ,  est  un  vase  d'élection,  la  trompette  de 
l'Evangile  ,  le  rugissement  du  lion ,  le  fleuve  de  l'éloquence  chré- 
tienne :  Paulus,  vas  elec/ionis,  tuba  Evangelii ,  rugitus  leonis ,  flumci 
sloquentiœ  chrUUanœ  (  Epist.  lxi  ad  Pammachum). 

Saint  Paul  est  le  modèle  de  toutes  les  vertus.  Il  instruit  les  nations     QiwîriMie^ 

.  richesse  i* ii)  é- 

par  ses  paroles  et  par  ses  œuvres Comme  Jean-Baptiste,  il  est     rogativeîta 

une  lampe  ardente  et  qui  projette  une  vive  lumière  :  Erat  lucerna    ^"vertus.' 


654  PAFL    (SArNT). 

ardens  etlucens  { Joann.  v.  33).  Sa  vie  est  un  éclair;  sa  prédication, 
un  toancrre. 

Comme  le  fer  ptoiigè*  dans  la  fourhà'sé  ue\ient  tout  feu  ,  dit  saint 
Chrvsostome,  ainsi  Paul,  embrasé  d'amour  ,  est  tout  charité.  Aussi, 
tantôt  par  ses  lettres,  tantôt  par  ses  exhortation?,  tantôt  par  ses 
priereê,  tantôt  par  se$  menaces,  tantôt  par  lui-même ,  tantôt  par 
les  siens  ,  s'eff  >roait-il  avec  un  soin  parfait  d'encourager  ceux  qui 
travaillaient,  d'affermir  ceux  qui  persévéraient,  de  relever  ceux 
qui  étaient  tombés,  de  guérir  ceux  qui  étaient  blessés  et  meurtris  , 
de  ranimer  les  tièdes,  d 'abattre-  les  ennemis  :  comme  un  chef  excel- 
lent, comme  un  grand  capitaine  et  un  habile  médecin,  il  prenait 
tous  les  rôles  et  toutes  les  fonctions  (1). 

Nous  sommes,  écrit-il  aux  Corinthiens,  nous  sommes  la  bonne 
odeur  de  J.  C.  :  Christ i  bnnus  odor  sumus  (II.  il.  13).  Paul , 
dit  saint  Bernard,  est  un  vase  choisi;  en  effet,  il  renferme  le 
parfum  le  plus  pénétrant  et  répand  la  plus  douce  odeur  :  Paulus,  vas 
electionis;  rêvera,  vas  aromaticum,  Vas  odoriferum  (De S.  Paulo  ). 

Semblables  aux  plantes  aromatiques  qui  laissent  échapper  une 
odeur  d'autant  plus  suave  qu'on  les  froisse  plus  rudement,  J.  C, 
les  apôtres,  les  martyrs,  et  tous  les  saints,  ont  exhalé  d'autant 
mieux  la  délicieuse  odeur  des  plus  sublimes  vertus,  qu'ils  ont  élj 
comme  brisés  et  broyés  par  les  tribulations  et  les  persécutions.  Or, 
les  épreuves  de  saint  Paul  ont  surpassé  celles  de  tous  les  apôtres ,  do 
tous  les  martyrs  ,  de  tous  les  saints 

Paul  est  le  plus  parfait  modèle  de  foi,  d'espérance,  d'amour, 
de  charité,  d'humilité,  d'obéissance,  de  zèle,  d'abnégation,  do 
patience  ,  etc 

Paul ,  dit  saint  Augustin  ,  a  été  constitué  le  docteur  des  nations, 
Le  molèle  des  martyrs,  la  terreur  des  démons,  le  juge  indulgent 
des  coupables,  la  source  de  toutes  les  vertus  :  Paulus  magister  factus 
est  gentium  ,  forma  martgrum,  formldo  dœmonum,  indultur  criminum, 
fonsque  virtutum  (  In  Serm.  i  de  apost.  Petro  et  Paulo). 

Paul,  dit  saint  Cbrysostome,  est  un  habitant  du  ciel,  la  colonne 
de  toutes  les  Eglises,  un  ange  terrestre,  un  homme  céleste  :  /'. 


(I)  Sicut  ferrum  missum  in  ignem  ,  totnm  ip;nis  cTficitnr,  sic  Paulus  raritnfe  nie. 
census,  tolus  faclus  esl  cariius.    L'u>le  uunc  per  episloJas,  mine  \>ov  exhortait»! 
nuiie  per  preces,  mute  per  minas,  nunc  per  se,  nunc  persuos,  omui  studio  conntalm 

erigéVc  lalioraiik'S  slnules  lirmaie,  liimii  jaeeulesallnllere.  satui  CColltritos,  lorp 
aiumarc,  bAlea  relueolerfe;  more  opium  uuns,  mililis  et  inedici, omnium  olucioiuai 
peisouos  cliuunia  unuà  ipse  subibat  /  Uomii.  m  de  Luudiù.  $,  PumU). 


PAtJL  (SAfflT).  #55 

cceti  tfVîSÎ  I~ccl<'sîn)'itm  eolumfiù,   ungelus  tencstr's ,  àœlni'.i  homo 
(H 'iv.il.  i  deLnud.  S.  Pauli  ). 

Lortqitfe  chaque  jour  il  voyait  les  tentatinns  et  le«  épreuve-  Rftft. 
dr  ■  sur  lui-môme  comme  des  avalanches ,  Paul ,  dil  le  mîm  \  Père , 
se  réjouissait  et  se  conduisait  comme  s'il  se  lût  tro'ivé  au  milieu  du 
paradis  :  f'aulus ,  rum  vidcret  quasi  Mvïi  cumulos,  tenfah'onvs  q>m'idie 
ingruentes  ;  nm  aliter  quam  si  in  medio  pafodisi  vixùsct,  ila  gaudcbut 
gestiebatque  (Hnmil.  i  in  II  ad  Cor.),  Je  surabonlc  de  joie  dans 
toutes  nos  tribulations,  s'éCriait-il  :  Supcrabundo  gattdio  in  omni  tri- 
bulatiune  vomira  (  II.  Cor.  tti.  A).  Pour  moi ,  écrit-il  aux  Galates,  à 
Dieu  ne  plaise  que  je  me  glorifle ,  si  ce  n'est  dans  la  croix  de  Norîr- 
Seigneur  J.  C,  par  qui  le  monde  m'est  crucifié,  et  par  qui  je  sus 
crucifié  au  monde  :  Mihi  aUtem  absit  gloriari ,  ttiii  in  cruce  ùvtirini 
nostri  Jcsu  Chrisli ;  per  qaerti  toihi  mandas  crvrifi.cus  est,  et  ego 
inundo  (  vr;  -14  ). 

Chaque  jour,  frères,  je  nieci-s  pour  la  gloire  que  j'ai  eu  vrttfë,  curas 
le  Glirist  iNutre-Sei.neur ,  écrit-il  aux  Corinthiens  :  Quolidie  mbrior, 
per  vesfram  gl  riam  ,  f,  aires >  quam  lutbeo  in  Christo  Jcsu  (  I.  XV.  31  ). 
Je  suis  dans  le  travail  et  dans  les  soucis,  dans  les  veilles  nombreuses, 
daiir  la  faim  et  la  soif,  dans  les  jeûnes  fréquents,  dans  lé  froid  et  la 
nudité;  et  cure  ces  épreuves  du  dehors,  j'ai  les  soins  de  chaque 
jour,  la  sollicitude  de  toutes  les  Eglises.  Qui  est  faible,  sans  qu:  je 
sois  faible?  Qui  est  scandalisé,  sans  que  je  brûle?  (I) 

Son  zèle  le  porte  à  dire  aux  Romains  :  Je  désirais  ardemment 
d'être  moi-même  par  le  Christ  anathème  pour  mes  frères  :  Vptabam 
ego  ipse  anaihema  esse  a  Christo  pro  frainbusmeis  (îx.  3). 

Saint  Chrysostome  lisait  assidûment  saint  Paul  et  développait  ses     C'mmème 
enseignements,  ce  qui  le  lit  appeler  bouche  d'or  :  Xpuco;  t-toua.  richesse^  pre- 

Plein  de  zèle,  de  science,  de  charité,  saint  Paul  parcourt  le  inonde    f;1"'.1  R"''  » 

*  le  licuciie  et 

entier  et  le  convertit les  fruits 

Ecoutez  saint  Chrysostome  :  Comme  au  lever  du  soleil,  dit-il,  les    "abon.ian.s 
ténèbres  sont  mises  en  fuite ,  les  animaux  sauvages  se  cachent,  les      apostolat 
voleurs  se  retirent;  ainsi  devant  l'éclatante  prédication  de  saint 
Paul  qui  répandait  la  bonne  nouvelle,  l'erreur  était  mise  en  fuite  et 
ia  vérité  re\enait:  l'idolâtrie,  l'ivresse,  l'amour  de  la  bonne  chère,, 

(1)  Inlaborc  et  aerumna,  in  tigiliis  multis,  in  fane  et  sili,  in  jejuniis  mullis,ia 
frigore  et  nmlitaie  :  praeter  illa  quœ  cxlrinsccus  sunt,  instunliu  mea  quolidi.uia,  solii* 
eitiulo  omnium  Eccli'siarum.  Quis  inlirma  ur.  et  ego  non  infimior?  Quis  scanda» 
lisatur,  et  ego  non  uror?  ^11.  Cor.  xi.  27-29.) 


$56  *AÏÏL  (SAINT). 

la  débauche,  l'adultère  et  les  autres  crimes  dont  il  ne  convient  pas 
de  prononcer  le  nom  disparaissaient  et  s'évanouissaient  comme  la 
cire  qui  se  fond  à  la  chaleur  du  feu,  et  comme  la  paille  dévorée  par 
les  flammes  d'un  incendie  (I). 

Enchaînez,  si  vous  le  pouvez,  les  rayons  du  soleil  ouïe  soleil  lui- 
même,  dit  encore  l'éloquent  archevêque  de  Comtantinople;  arrêtez 
sa  course  :  que  si  vous  ne  le  pouvez  pas,  vous  ne  pourrez  pas  davan- 
tage mettre  des  limites  à  l'action  de  Paul  qui,  comme  le  soleil,  habite 
le  ciel  et  répand  sur  la  terre  les  rayons  de  sa  lumière  et  de  sa  doc- 
trine :  Injice  radiis  solis,  aut  soli  ipsi  vincula  ;  siste  cursum  ejus,  si 
potes  :  si  non  potes,  nec  Poulum,  qui  quasi  sol  in  cœlo  convertitur,  lucis- 
que  et  doctrinœ  suce  radios  in  terra  dispergit  (Homil.  x). 

Arrachant  les  épines  et  semant  partout  la  parole  de  la  piété, 
Paul ,  dit-il  ailleurs,  dissipe  les  erreurs ,  ramène  la  vérité  ,  et  trans- 
forme les  hommes  en  anges;  je  dirai  plus,  des  hommes  qui  étaient 
de  vrais  démons ,  il  fait  des  esprits  célestes  (2). 

A  beaucoup  plus  juste  titre  que  Jules-César,  saint  Paul  pouvait 
s'appliquer  ces  trois  mots  :  Vcni,  vidi }  vici  :  Je  suis  venu ,  j'ai  va , 
j'ai  vaincu. 

Laissons  encore  parler  saint  Jean  Bouche-d'or  :  Paul,  dit-il,  cou- 
rait le  monde  entier;  il  se  hâtait  de  faire  de  tous  les  hommes  de 
fidèles  sujets  de  Dieu,  en  instruisant ,  en  promettant,  en  méditant, 
en  priant,  en  suppliant,  en  effrayant,  en  mettant  en  fuite  les  démons 
corrupteurs  des  âmes;  tantôt  par  ses  lettres,  tantôt  par  sa  présence; 
ici  par  ses  discours,  là  par  ses  actes  (3). 
Dans  la  même  homélie  se  trouve  le  passage  suivant  : 
Comme  des  épines  auxquelles  on  m 't  le  feu  sont  peu  â  peu  con- 
sumées ,  ce  lent  aux  flammes  et  finissent  par  être  dévorées  ;  ainsi ,  à 
la  voix  de  Paul  qui  retentit  et  se  précipite  ,  plus  puissante  que  l'n- 
^endie  ,  tout  cédait;  le  culte  des  démons  mis  en  fuite  disparaissait, 


(1)  Sicut  radiis  solis  orientibus.  ftlganlur  tenebrœ,  fera;  Imitant,  rccednnt  se 
Aires  :  sic  prsediratione  fulgenle,  et  Evangelium  disséminante  Paulo,  fugabaMir  error, 
Verîtasque  remeubal  :  idololatrin,  ebi  ielas,  cornes  aliones,  stupre,  aduilci .. ,  alinque 
dictu  l'ieda  defererdnl,  ntque  consumpla  snnt,  instar  cerne  iguis  vapnre  pereuntis;  et 
instar  palearum,  quu: subito  creinanlur  iucendio  [Homil.  iv  de  Laudib,  S.  Pauli). 

(2  Paulus  spinas  evellens,  et  verbum  seminans  ubique  piutalis,  fugans  errores, 
eritatem  reducens,  ex  hominibns  angelos  lacions;  quiniino  ipsos  bomiues  ex  d.uno- 
nibus  in  angclos  provehens  [  Ibid.). 

(3)  L'nivcrsum  munduni  currebut;  omnes  in  regnum  Dei  feslinabat  indneere, 
docendi),  pollicendo,  incditando,  orando,  supplicando,  icncndo,  d  aumônes  animarutn 
cormptorcs  i  guado,  uliquaudo  epistoli»,  atiquaudo  unesenlia,  noue  sermouc,  nunr 
rebus  {Ibid.). 


paui  C saint).  65^ 

et  les  mœurs  nationales ,  et  les  fureurs  des  peuples ,  et  les  menaces 
des  tyrans,  et  les  embûches  domestiques,  et  les  malignes  manœu- 
vres des  faux  apùlres.  Gomme  au  lever  du  soleil  tout  devient  visible, 
la  terre,  la  mer,  les  montagnes,  les  villes,  la  vaste  étendue  de? 
campagnes;  ainsi,  à  l'arrivée  de  Paul,  tout  s'éclaire,  etc.  (1). 

Entouré  de  difficultés,  Paul,  dit  saint  Cyprien,  se  montre  plus 
fort  qu'elles  ;  prisonnier,  il  fut  supérieur  à  ceux  qui  le  tenaient 
captif;  gisant  à  terre,  il  fut  plus  grand  que  ceux  qui  étaient 
debout;  chargé  de  chaînes,  il  fut  plus  ferme  que  ceux  qui 
l'avaient  enchaîné;  jugé,  il  fit  pâlir  ses  juges  par  sa  majesté  (2). 

Ne  nous  lassons  pas  de  citer  saint  Chrysostome,  et  étudions  l'ad- 
mirable portrait  qu'il  nous  trace  de  l'apôtre  qui  porte  à  si  juste  titre 
le  nom  de  grand.  Paul ,  dit-il,  fut  un  vase  d'élection  ,  le  temple  de 
Dieu,  la  bouche  du  Christ,  la  lyre  du  Saint-Esprit,  le  docteur  de 
l'univers;  il  parcourut  la  terre  et  la  mer,  il  arracha  les  épines  des 
péchés  et  répandit  les  semences  de  la  religion.  Lui  qui  fut  plus 
opulent  que  les  rois,  plus  puissant  que  les  riches,  plus  philosophe 
que  les  philosophes  eux-mêmes,  et  plus  éloquent  que  les  orateurs; 
lui  qui  n'avait  rien,  et  qui  possédait  tout;  dont  l'ombre  ressuscitait 
les  morts,  dont  les  vêtements  mettaient  en  fuite  les  maladies ,  qui 
érigea  des  trophées  sur  les  flots,  qui  fut  ravi  jusqu'au  troisième  ciel 
et  entra  dans  le  paradis,  qui  fut  l'apôtre  par  excellence  de  la  divinité 
de  J.  C,  il  dit  :  Quoique  je  ne  me  reproche  rien,  je  ne  suis  pas  pou? 
iela justifié  (1.  Cor.  îv.  4).  Vivant  sur  la  terre,  il  se  conduisait  en 
toutes  choses  comme  s'il  eût  joui  de  la  société  des  anges;  car  encore 
captif  dans  un  corps  soumis  à  la  souffrance  et  à  la  mort,  il  avait  leur 
perfection  ;  sujet  à  tant  de  fragilités,  il  s'efforçait  de  ne  se  montrer 
inférieur  en  rien  aux  vertus  célestes.  Comme  s'il  eût  eu  des  ailes,  il 
parcourut  le  monde  entier  répandant  partout  ses  enseignements; 
comme  s'il  eût  été  incorporel ,  il  brava  toutes  les  fatigues  et  tous 
le.*  dangers;  comme  s'il  eût  déjà  possédé  le  bonheur  céleste,  il  foula 
aux  pieds  toutes  les  choses  de  la  terre;  comme  s'il  eût  vécu  parmi 


(1)  Sicut  igne  succenso,  paulatim  spinœ  consumantur,  et  cedunt,  flammisquo 
guperantur  ;  sic  eliam  insonunle  Pauli  liugua,  et  omni  igné  vebementius  ir mente, 
cedebant  omnia,  fugiebant  dasmonum  cultus,  mores  patrii,  populoru.n  furores,  lyran- 
norum  mime,  iusidia;  domcslicorum,  pscudoapostolorum  opcraliones  maligiue.  i:cut 
radiis  solis  orientibus,  lucida  efliciuiitur  omnia,  terra,  pelagus,  inoutes,  urbes  , 
regioncs  :  sic  eliam  Paulo,  etc.  (Homil.  de  Laudib.  S.  Pauli). 

(2)  Jacuit  ialer  pœnas,  peenis  suis  fortior  ;  incluses  includenlibus  major;  jaceni 
ttantibus  celsior;  -vincentibus  hrmior  vinctus;  sublimior  judicautibus  judicalui 
[Epist.  ad  Martyr.  ). 

m.  43 


Ô3fl  PAUL  (SAINT). 

les  pures  intelligences,  il  eut  la  vigilance  d'une  âme  maltresse 
d'elle-même  par  l'intention.  A  la  vérité,  le  soin  des  diverses  nations 
a  été  remis  aux  anges;  nais  aucun  d'eux  n'a  exercé  sur  le  peuple 
placé  sous  sa  garde  une  domination  pareille  à  celle  que  Paul  a 
exercée  sur  l'univers.  La  nation  juive  a  été  confiée  à  l'archange 
(Michel;  mais  les  terres  et  les  mers,  ainsi  que  tous  les  lieux  habités 
)3  l'ont  M  à  Paul.  Comment  ne  pas  admirer  et  ne  p» 
s'étonner  en  voyant  une  parole  sortie  d'une  bouche  mortelle  met- 
tre la  mort  en  fuite,  détruire  les  péchés,  dissiper  les  ténèbres  de 
l'aveuglement ,  et  par  un  changement  merveilleux  l'aire  de  la  terre 
le  ciel?  (1) 


Sixième 

j  ichesseelpré- 

ogative   de 

.1  i ri t  Paul, 

ses  miracles. 


Saint  Paul  brilla  par  de  très- grands ,  très-publics  et  très-nombreux 
miracles.  Dieu,  disent  les  Actes  des  apôtres,  opérait  par  la  main  de 
Paul  des  vertus  non  communes  :  de  sorte  même  que  l'on  mettait 
sur  les  malades  les  linges  et  les  vêtements  qui  avaient  touché  son 
corps,  et  ils  étaient  guéris  de  leurs  langueurs,  et  les  esprits  mauvais 
sortaient  (2). 

Saint  Chrysostome  atteste  que,  l'ombre  de  saint  Paul,comm^ 
celle  de  saint  Pierre,  non -seulement  guérissait  tout  à  cou^t  j<js 
malades ,  mais  uu'ali^  ressuscitait  les  morts  (Ilumil.  x)« 


(1)  Paulus  apostolus,  vas  electionis,  Dei  templum,  os  Cîiristi,  l\ia  Ppiritus,  rW;,.i 
orbis  terrarum  ;  qui  terrain  et  mare  peragra\it,  qui  pcccàtorum  Spinas  révulsif,  qui 
religionis  seiniiia  jactavil.  I lie  reu'ibus  opulcntior,  ille  divitibus  poleulior,  ilie  magis 
philosophas  quam  ipsi  pliilosoplii  ,  ille  diserlior  oratonbus  ;  qui  nihil  habebat,  et 
omnia  possidebat  ;  qui  morteni  timbra  sua  solvebat;  qui  niorbos  suis  vestimentis 
fugabat;qui  tropœa  erexit  in  mari;  qui  ad  lertium  usqirc  cœlufn  raplus  est,  et  in 
paradisum  ingressus;  qui  i  lnistum  Deum  pra'dkavit  :  ille  dicit  :  Nihil  niihi  coi 
sum  ,  sed  non  in  hoc  justificatus  su  m.  Paulus  in  terra  gradiens,  sic  se  agebat  in 
cunctis,  quasi  angclorum  soeielale  frtieretur.  N.im  passihili  adhuc  c'olligatns  corporï, 
illoruiii  perfeciione  gaudebat,  tantsque  fragililalibus  suhuitus  ,  in  iiuilo  inLi  inr 
supernis  virtutibus  apparere  certabat.  Nam  et  tanquam  pciinalus  f  totuin  dnecudo 
pcrvolavit  oihem,  et  velut  incorporons,  faborés  omnes  periculaquccontempsit  ;  et 
quasi  jain  cœluin  possidens  ,  cuncta  prorsus  terrena  despexit  ;  et  tanquam  cum  ipsis 
incorporels  degerei,  ila  jugi  mentis  inteqlione  vigilavit.  El  augelis  quideai  sape 
di\«rsarum  genlium  cura  commissa  est ,  sed  nultus  eoi  uni  ila  creditum  sibi  guber- 
navit  populum,  ut  Paulus  iumvi-um  irubernavit  oihem.  Mfichael  gens  COlBinissà.est 
Ji:  l.i'onim;  Paulo  vero  terra?  ac  maria,  atque  univers)  orbis  habiïatio.  Ouoniodo  non 
admirabile  hoc  alqtio  iirnrovisum  videtuV,  (  nui  ex  (errena  lingua  sermo  prosiliens, 
modem  fugat.  prcrala  dis-olvit,  téttebras  c.ecitatis  illuminât,  et  mutationc  mirihea, 
terrain  convertit  in  cœlum?  (  Homil.  xviu.  ) 

{%  Virtules  non  quaslibet  faciebat  Deus  per  ir.anum  Pauli  :  ita  ut  etiam  super 
.an_,ui.l,>s  (' •!'  nvntm  n  corpore  ejus  sudana  <■>  semicinctià,  et  recedebant  ab  eis 
languor.s,  et  spirit»",  nequain  egredieba.,    |r    xix.  11. 12  J. 


paul  (satnt).  0r>9 

Saint  Paul  eut  à  un  degré  parfait  le  don  des  langues  et  celui  de 

prophétie Il  fut  ravi  jusqu'au  troisième  ciel Il  ne  cessa  de 

faire  des  miracles ,  et ,  à  elle  seule,  sa  vie  était  un  très-grand  et  con- 
tinuel prodige Sa   conversion  fut  unique  dans  les  fastes  do 

l'Eglise,  et  il  convertit  des  millions  d'infidèles Sa  mort  fut  la 

plus  belle  des  morts:  il  mourut  martyr Enfin,  depuis  le  témoi- 
gnage qu'il  a  rendu  à  J.  C.  au  prix  de  son  sang,  il  a  opéré  beaucoup 
de  miracles  éclatants  et  il  en  opère  encore 

Le  martyre  de  saint  Paul  fut  très-glorieux;  car  il  fut  mis  à  mort,      SetWèw 
1°  sous  Néron,  le  plus  cruel  des  hommes;  2°  à  Rome,  capitale  du    rosaiivc  ' 
monde;  3°  pour  la  cause  de  la  chasteté;  parce  qu'il  reprochait  à    ^"^artyi 
Néron,  ce  monstre  couronné,  sa  vie  impure.  4°  Lorsque  sa  tète  lut 
coupée,  il  ne  jaillit  pas  du  sang,  mais  du  lait,  symbole  d  innocence 
et  de  charité.  5°  11  convertit  ses  bourreaux.  6°  Sa  tête  en  tombant 
toucha  trois  fois  la  terre ,  comme  par  bonds ,  et  là ,  trois  fontaines 
jaillirent.  Le  lieu  où  elles  se  trouvent  est  très-célèbre  à  Rome. 
7°  Son  tombeau  attire  une  immense  affluence  de  peuple.  8°  Au  Meu 
où  il  fut  martyrisé,  beaucoup  de  saints  ont  prié  pour  obtenir  le 
martyre  et  ont  été  exaucés. 

J.  C.  avait  dit  à  Ananie  :  Je  lui  montrerai  combien  il  faut  qu'il  souf- 
fre pour  mon  nom  :  F  go  ostendam  illi,  quanta  oporteat  eum  pro  nomine 
meopati  (Act.  ix.  46).  Celui  qui  avait  voulu  eifacer  le  nom  de  J.  G. 
de  la  surface  de  la  terre ,  dut  souffrir  pour  le  faire  connaître  et  le 
rendre  glorieux,  dit  saint  Augustin.  Omiséiïcor  lieuse  rigueur!  Qui 
faciebot  contra  nomen, paliatur pro  nomine.  0  sœviiia  misericors  (Serm. 
xiv  de  Sanct.)  La  vie  entière  de  saint  Paul,  depuis  sa  conversion 
miraculeuse,  n'a  été  qu'un  long  et  précieux  martyre  ,  qu'il  a  con- 
sommé en  laissant  pour  Jésus-Christ  sa  vie  sous  le  glaive,  comme 
il  avait  vécu  pour  J.  C.  par  la  croix 


On  peu'  avoir  une  idée  de  la  renommée  et  de  la  gloire  de  saint      Huitième 

■       -  i  .      ~   .  ,  •   i    •        l    -L'    i  ricbessëel 

Paul,  si  Ion  pense,  1°  a  toutes  les  louanges  qui  lui  ont  ete  don-     rogative  de 

nées...;  2°  que,  comme  Moïse  a  été  appelé  le  législateur,  le  guide  et  g^^ire  <5  sa 
le  chef  du  peuple  juif,  Paul  a  été  nommé  le  législateur  et  le  guide     renommée. 
de  toutes  les  nations...;  3°  que  saint  Pierre  et  saint  Paul  ont  tou- 
jours été,  aux  yeux  des  nations  catholiques,  les  deux  princes  de 
l'Église...;  4°  que  de  toutes  parts  et  dans  tous  les  siècles  on  s'est 
rendu  à  Rome  pour  honorer   les  reliques  et  ±e  co^iueau  de  cet 


660  PAUL  (saint). 

apôtre...;  5"  que  l'empereur  Constantin  lui  a  élevé  une  célèbre  basi- 
lique ,  et  qu'en  mille  lieux  on  a  construit  et  on  construit  encore  des 

temples  en  son  honneur  et  à  sa  gloire 

Saint  Paul  en  mourant  a  légué  son  àme  au  ciel ,  sa  renommée  et 
sa  gloire  à  l'éternité ,  des  fidèles  à  l'Eglise,  son  corps  et  son  sang  p 
Home,  sa  loi  à  tout  l'univers 


PAUVRETÉ. 


Dieu  ne  se  trompe  jamais;  il  ne  peut  se  tromper.  Or,  il  déclare    Le  bonheur 
que  les  riches  sont  voués  au  malheur;  car  il  dit  :  Malheur  à  est  ^eTa1'"8 
vous, riches  !  Vœ  vobis,  divitibusl  (Luc.  yt.  24.)  Au  contraire,      pauvreté, 
il  commence  son  discours  sur  la  montagne  par  les  paroles  suivantes: 
Heureux  les  pauvres  ;  car  le  royaume  des  cieux  est  à  eux  :  Beati 
pauperes;  quoniam  ipsorum  est  regnum  cœlorum  (Matth.  v.  3). 

La  Vérité  parle,  dit  saint  Bernard,  cette  vérité  qui  ne  peut  ni  se, 
tromper,  ni  être  induite  en  erreur;  et  elle  dit  :  Heureux  les  pauvres! 
Enfants  insensés  d'Adam,  vous  cherchez  les  richesses,  vous  les 
désirez;  tandis  que  le  bonheur  des  pauvres  est  proclamé  par  Dieu, 
annoncé  au  monde ,  et  cru  par  les  hommes  sur  lesquels  descendent 
les  lumières  de  la  grâce.  Que  le  païen  cherche  les  richesses,  lui  qui 
vit  sans  Dieu;  que  le  juif  les  cherche  aussi ,  lui  qui  a  reçu  les  pro- 
messes terrestres,  cela  se  conçoit;  mais  comment  le  chrétien  ose-t-il 
les  chercher  ou  les  désirer,  après  que  J.  C.  a  déclaré  les  pauvres 
heureux?  (Serm.  in  Fest.  omn.  Sanct.  ) 

L'or  et  les  richesses  sont  un  lourd  fardeau  qui  accable  ceux  qui 
le  portent. 

Heureux  les  pauvres  desprit  :  Beati  pauperes  spiritu  (Matth.  v.  3;; 
c'est-à-dire,  selon  l'interprétation  de  saint  Jérôme,  de  saint  Basile  et 
de  saint  Bernard  :  Heureux  les  pauvres  qui  le  sont  par  une  volonté 
inspirée  du  Saint-Esprit.  L'expression,  pauvre  desprit,  indique  le 
but  de  la  pauvreté;  elle  signifie  que  l'esprit  doit  mépriser  les 
richesses ,  n'aimer  que  les  biens  spirituels ,  et  ne  chercher  qu'à 
saisir  ces  derniers. 

Lazare  le  mendiant  mourut,  et  il  fut  porté  parles  anges  dans  le 
sein  d'Abraham ,  dit  J.  G.  Le  riche  mourut  aussi,  et  il  fut  enseveli 
dans  les  enfers  :  Factura  est  ut  mnreretur  mendicus,  et  pnrtaretur 
ab  cnt.elis  in  sinum  Abrahœ.  Mortuus  est  autem  et  dives,  et  sepullus  est 
in  in  fer  no  (Luc.  xvi.  22). 

Vous  avez  vu  Lazare  dans  le  vestibule  du  riche,  dit  sain!; 
Ghrysustorne;  voyez-le  aujourd'hui  dans  le  sein  d'Abraham;  vous 
l'a\cz  vu  lorsque  les  chiens  léchaient  ses  plaies,  voyez-le  entouré 
par  le*  ansr?s;   vous  l'avez  vu  dan?  sa  grande  pauvi  ■!'•,  voyez-J^ 


662  PAUVRETÉ. 

comblé  de  biens  ;  vous  l'avez  vu  langui ssa  i    voyez-le  pTi 

dans  les  délices;  vous  l'avez  vu  dans  le  combat ,  voyez-le  portant  la 
couronne  de  vainqueur;  von--  !  :  \  '■::  vu  travaillant,  voyez-le  récom- 
pensé. Parce  que  Lazare  a  été  t*è»-pauvre  et  très-méprisé  sur  la 
terre ,  il  est  très-riche  et  très-honoré  dans  le  ciel  (  Concion.  n  de 
Lazaro  ). 

Le  riche  mourut ,  et  il  fut  enseveli  dans  les  enfers ,  dit  J.  C.  (Luc. 
xvi.  22).  Où  se  trouve  le  vrai  bonheur?...  Le  pauvre,  dit  saint 
Augustin,  a  acheté  le  bonheur  en  mendiant;  et  le  riche  ,  un  éternel 
supplice  en  possédant  :  Pauper  beatitudinem  émit  mendicitate,  etdives 
sùjpplicium  facv.lt ate  (Serm.  ccxxvn  ). 

Riches,  voulez-vous  être  heureux?  écoutez  le  Prophète  royal  : 
Heureux,  dit-il,  heureux  celui  qui  compatit  aux  maux  et  qui  les 
soulage  !  11  ne  sera  jamais  ébranlé  :  Jacundus  homo  qui  miseretur  et 
commodat  ;  in  œternum  non  commovebitur  (cxi.  5).  Il  a  répandu  ses 
dons  sur  le  pauvre;  sa  justice  subsistera  dans  tous  les  siècles;  sa 
force  sera  couronnée  de  gloire  :  Dispersit,  dédit  pauperibus  :  jutitt'a 
ejus  manet  in  secvlum  seculi,  cornu  ejus  exaltabitur  in  gloria  (cxi.  '.)). 
Voilà  la  voie  que  doivent  suivre  les  riches  pour  arriver  au  bonheur. 

Ils  ne  seront  heureux  que  par  les  pauvres 

Consolez-vous,  pauvres,  dit  saint  Augustin,  vous  qui  mendiez  et 
qui  vivez  d'aumônes,  consolez- vous;  votre  tribulation  sera  changée 
en  joie,  et  votre  douleur,  en  allégresse.  Ne  regardez  point  Mtre 
pauvreté  comme  un  malheur  et  ne  murmurez  jamais  contre  Dieu  ; 
car  le  Seigneur  est  juste  et  miséricordieux  dans  toutes  ses  œuvres. 
11  a  fait  les  pauvres,  afin  que,  supportant  une  indigence  de  peu  de 
• ,  ils  pussent  acquérir  la  vie  éternelle;  il  a  fait  les  riches  afin 
de  distribuer  d'abondantes  aumônes ,  et  d'obtenir  parce  moyen  le 
m  de  leurs  péchés.  C'est  pourquoi  soyez  patients,  etattenleis 
!     •  -Lueur  (Serai,  vu  ). 

Le  pauvre  ne  boit  que  gou4te  à  goutte  le  calice  d'amertume  qui 
lui  cA  yersé  ;  il  boira  largement  et  éternellement  au  ileuve  de  vie. 

uvretése  changera  en  une  opulence  éternelle 

A  la  pla^c  de  la  joie  qu'éprouve  le  riche  d'avoir  des  terres,  des 
maisons,  de  l'or,  le  pauvre,  dit  Cassien,  recevra  même  dès  ici- 
bas  des  biens  qui  la  surpassent  au  centi  ».  lopté  comme  enfant 
de  iîieu,  il  possédera  tout  ce  que  p  aour, 

en  force:  à  l'imitation  de  J.     .  Dieu,  il  pourra 

.n'aie  Père  i  moi  :  Omnia  guœ  habet  Pater,  m-a  s/m' 

(Jo  ■  ISt.PJein  d'ail  do  sécurité  ;'  aur  • 


mêmes  de  Dieu ,  que  l'apôtre  énumère  quand  il  dit  î  TojgÉ  est  h 

tous  ,  soit  le  monde ,  soit  la  vie ,  soit  la  mort  t  soit  les  choses  pré» 
sentes,  soit  les  choses  futures  :  tout  est  à  vous;  et  vous  êtes  au 
Christ,  et  le  Christ  à  Dieu  :  Omnia  vesfra  sunt ,  sive  mundus,  sive 
vita ,  sive  mors ,  sive  prœsentia ,  sive  futura  :  omnia  vestra  sunt  .*  vol 
autem  Christi,  Christus  autem  Dei  (I.  Cor.  m.  22.  23.  — Collât.  ). 

Le  pauvre  qui  est  soumis  à  la  volonté  de  Dieu  est  vraiment 
heureux 


Ceux  qui  n'ont  ni  terre ,  ni  maison,  ni  pièces  d'or  et  d'argent,  sont  Richesse  de  \* 
pauvres  aux  yeux  du  monde  aveugle;  mais ,  aux  yeux  de  Dieu,  ils      pauTr 

sont  riches Ils  sont  pauvres  des  biens  du  siècle;  mais  ils  sont 

riches  de  ceux  de  J.  C 

Les  vraies  richesses  ne  se  composent  pas  des  biens  de  ce  monde...  ; 
piles  consistent  dans  la  grâce,  la  vertu,  l'amitié  de  Dieu 

Quel  est  celui  qui  est  pauvre  ?  C'est,  dit  saint  Grégoire,  celui  qui 
a  besoin  de  ce  qu'il  n'a  pas  ;  car  celui-là  est  riche  qui,  n'ayant  rien, 
ne  désire  rien.  La  pauvreté  consiste  dans  l'indigence  de  l'âme,  et 
non  dans  la  somme  de  richesses  qui  fait  défaut.  En  effet,  celui  qui 
se  trouve  bien  dans  la  pauvreté,  ne  peut  être  appelé  pauvre  (1). 

Le  pauvre  qui  a  la  foi  et  les  œuvres  est  très-riche;  au  contraire, 
le  riche  qui  se  conduit  mal,  qui  est  avare,  impie,  scandaleux,  est  très- 
pauvre 

De  tous  les  biens,  de  toutes  les  richesses  de  la  terre,  J.  C.  n'a  pris  Exemples 
que  deux  choses,  une  crèche  à  sa  naissance  et  une  croix  à  sa  mort  !...  saints. 
Il  naît  pauvre  dans  une  étable  en  ruines ,  et  passe  sa  vie  entière  dans 
le  dénùment  le  plus  absolu.  Lui  -  même  le  fait  remarquer  :  Les 
renards,  dit-il,  ont  leurs  terriers,  et  les  oiseaux  du  ciel,  leurs  nid  s: 
mais  le  Fils  de  l'homme  n'a  pas  où  reposer  sa  tête  :  Vulpés  foveas 
liaient,  et  voluavs  cœli  nidos  ;  Filius  autem  hominis  non  habet  ubi  caput 
rcclinet  (Luc.  ix.  58).  Marie  sa  très- sainte  mère  est  pauvre;  la 
demeure  qu'il  habite  est  chétive  ,  et  il  ne  veut  pas  de  riches  pour 
apùlres.  Ce  que  la  mon  le  a  d'insens :,  d't  saint  Paul,  Dieu  l'a  choisi 
pour  confondre  les  sages;  et  ce  que  le  monde  a  de  faible,  pour  con* 
foudre  les  forte;  et  ce  que  le  monde  a  de  bas,  de  méprisable,  et  ca 

(V  Ille  paupnr  est  qui  ea;et  eo  «on  :  non  babet;  nam  et  qui  non  habens  MVre  non 
gppetit,   dises  es  .  tas  quippe  i.,  inopia  mentis  est ,  non  in  quantita  e  po *e**, 

Sumisji eu  l  ,îit,non  est  pauper  ;Lib.  XVI,epist.  cxc). 


66-ï  PAUVRETÉ. 

qui  n'est  pas,  pour  détruire  ce  qui  est;  afin  que  nulle  chair  ne  se 
glorifie  devant  lui  ( I.  Cor.  1.27-29). 

J.  C,  les  apùtres  et  les  premiers  chrétiens  pratiquaient  à  la  lettre 
la  pauvreté.  Lorsque  nous  avons  la  nourriture  et  le  vêtement, 
soyons  satisfaits,  écrit  saint  Paul  à  son  disciple  Timothée  :  Habentcs 
alimenta,  et  quibus  tegamur,  his  conterai  sirnus  (I.  VI.  8). 

Parlant  des  premiers  lidèles,  les  Actes  des  apôtres  s'expriment 
ainsi  :  Nul  ne  disait  d'aucune  chose  qu'il  possédait  qu'elle  lut  sienne; 
mais  tout  leur  était  commun  :  JScc  quisquam,  eorum  quœ  possidebat , 
ilïquid  suum  esse  dicebat,  sed  erant  Mis  omnia  communia  (Act.  17.  32  ). 
Voyez  les  princes  de  la  sainteté ,  saint  Antoine,  saint  François 
d'Assise,  saint  François  deBorgia,  saint  igftace  de  Loyola,  sainte 

Elisabeth  de  Hongrie,  etc Quelle  estime  ils  font  de  la  pauvreté, 

et  comme  ils  la  préfèrent  à  tous  les  biens  de  la  terre. 

Voyez  les  ordres  religieux  à  leur  naissance  ;  se  peut-il  indigence 
plus  absolue  que  la  leur?  Lorsque,  par  la  permission  de  Dieu,  quel- 
ques-uns d'entre  eux  sont  tombés  dans  le  relâchement,  c'est  la 

richesse  qui  en  a  été  la  cause En  même  temps  que  l'argent  entre 

dans  un  cloitre,  l'esprit  de  Dieu  et  les  biens  de  la  grâce  et  de  la 

vocation  céleste  en  sortent 

Voyez  le  bon  chrétien,  que  d'aumônes  abondantes  il  distribue.. T.i 
J.  C,  dit  saint  Ambroise,  monta  nu  sur  la  croix.  Que  celui-là 
donc,  ajoute -i-il,  qui  se  prépare  à  vaincre  le  monde,  se  dépouille, 
et  qu'il  ne  cherche  pas  les  vêtements,  c'est-à-dire  les  biens  du  siècle. 
Adam,  qui  chercha  à  se  couvrir,  fut  vaincu;  Joseph,  qui  sut  aban- 
donner son  manteau,  lut  victorieux  (I). 

Vous  connaissez,  dit  saint  Paul  aux  Corinthiens,  vous  connaissez, 
la  tendresse  de  Notre- Seigneur  J.  C.  qui,  étant  riche,  s  est  fuit 
pauvre  pour  vous,  afin  que  par  sa  pauvreté  vous  devinssiez 
riches  :  Scitis  gratiam  Domini  nostri  Jcsu  Christ i,  quonian,  propter 
vos,  egenus  factus  est,  cum  esset  dives,  ut  illius  inopia  vos  divites  essetis 
(II.  Cor.  vin.  9). 

Que  seront  donc  les  richesses  de  celui  dont  la  pauvreté  nous  a 
enrichis?  s'écrie  saint  Augustin  :  Qukl  facturée  sunt  divittœ  ejua, 
cujus  paupertas  nos  divites  fecit?  (InEpist.  al  Cor.  II.  ) 

Les  hommes  de  plaisir,  dit  le  même  Père,  désirent  la  richesse,' 


(1)  Nudus  crucom  ascendit  (Christus).  Talis  erjo  aseendat  qui  seculam  rincera 
parnt,  et  smili  vi'-i'miMiU  dm  quant,  VictlU  est  Adam,  4m  alimenta  qUj 
Tiçitiilo  au{Yfttitywt«  UepoMiit  (Lib,  I  0//«..,  c.  iv). 


*ArvnETÉ.  C>6l 

qui  leur  est  pernicieuse;  J.  C,  lui,  a  voulu  être  pauvre  {De  vera 
fteligione,  c.  xv). 

Saint  Justin  l'ait  le  portrait  que  voici  des  chrétiens  de  son  temps  » 
T  erre  étrangère  est  leur  patrie,  et  toute  patrie  leur  est  comme 

étrangère.  Ils  ont  un  corps  de  chair,  mais  ils  ne  vivent  pas  selon  la 
chair  ;  ils  habitent  la  terre,  mais  leur  esprit  est  dans  le  ciel  ;  ils  sont 
pauvres,  et  ils  enrichissent  un  grand  nombre  de  personnes;  ils 
manquent  de  tout,  et  ils  ont  tout  en  abondance  (l). 

Quelques  païens  eux-mêmes  ont  estimé  la  pauvreté  et  en  ont 
donné  l'exemple.  Priène,  patrie  de  Bias,  ayant  été  emportée 
d'assaut  par  l'ennemi ,  ce  philosophe  se  retira  sans  rien  emporter. 
Quelqu'un  lui  en  ayant  fait  la  remarque,  il  répondit  :  J'ai  tous  mes 
biens  avec  moi  :  Omnia  mea  meewn  parto  (Diog.  Laert.  de  Vit.  phil.  ). 

Alexandre,  roi  de  Macédoine,  ayant  envoyé  cent  talents  à  Phocion, 
qui  était  pauvre,  celui-ci  demanda  pour  quelle  raison  et  dans 
quelle  vue  Alexandre  lui  faisait  ce  don.  —  C'est,  lui  répondit-on, 
qu'il  vous  juge  le  seul  homme  de  Lien  et  le  seul  vertueux  parmi 
tous  les  Athéniens. —  Qu'il  me  permette  donc,  répliqua-t-il,  de 
passer  pour  tel  et  de  l'être  en  effet  (  Ita  vElian.,  lib.  II). 

Epaminondas  aussi  vivait  dans  la  pauvreté.  Artaxercès  ,  roi  des 
Perses,  lui  ayant  envoyé  de  riches  présents  pour  obtenir  l'alliance 
des  Thébains,  ce  grand  capitaine  ne  voulut  pas  même  permettre 
qu'on  les  mit  sous  ses  yeux.  Si  votre  maître,  dit-il  à  l'ambassadeur, 
ne  veut  que  des  choses  avantageuses  à  ma  patrie,  il  est  inutile  qu'il 
me  sollicite  ;  mais  si  ses  intentions  sont  contraires  à  mes  devoirs,  il 
n'est  pas  assez  riche  pour  acheter  mon  suffrage  (Plutarch.  ). 

Le  fameux  Aristide  ne  laissa  pas  de  quoi  payer  ses  funérailles 
( Ejusd. ). 

Etre  pauvre,  dit  Minutius  Félix,  ce  n'est  pas  une  infamie,  mais  une    La  pailvPete 
gloire.  Celui  qui  ne  convoite  rien  n'est  pas  pauvre:  il  est  riche  en  est  un  honneur 

1  x        x  et  une  gloire. 

Dieu  (Octav.  ). 

Le  pauvre,  il  est  vrai,  tend  une  main  suppliante,  dit  saint  Jear. 
Damascène  ;  mais  c'est  Dieu  qui  reçoit  :  Pauper  guidem  supplicem 
manum  extendit,  Deus  aute.m  est  qui  accipil  (Parallel.  III,  c.  xxxvn). 

Tous  les  pauvres,  dit  saint  Ainbroise,  ne  sont  pas  saints;  et  toutes 


(1)  Omnis  peregrina  regio  patria  corum  est,  et  omnis  patria  est  peregrina.  In  çarnç 
sunt,  sed  non  secundum  carnem  vivunt  :  iu  lerra  degunt,  sed  in  cœlo  con versanlur ; 
paupercs  sunt,  et  mullos  ditaut  ;  omnibus  indigent ,  et  omnibus  abundant  (Epist.)y 


666  PAUVRETÉ. 

les  richesses  ne  sont  pas  criminelles  ;  mais  comme  le  vire  déshonore 
ordinairement  les  richesses,  ainsi  la  sainteté  souvent  accompa0ne  la 
pauvreté  et  la  rend  recommandable  (In  Matlh.). 

Mettez-vous  au-dessus  de  la  pauvreté,  dit  Sénèque  ;  personne  ne 
vit  dans  un  dénùment  aussi  absolu  que  Tétait  celui  dans  lequel  il 
s'est  trouvé  à  sa  naissance  :  Contemnite  paupertatem  ;  nemo  tara  pau* 
per  vivit  quam  natus  est  (Epist.  ad  Lucil. ). 

Oh  !  que  Ja  dignité  du  pauvre  est  grande  !  s'écrie  saint  Chrysostome. 
Dieu  s'estcaché  sous  le  voile  de  la  pauvreté  (  Apud  Maxim.,  Serm.  xn) . 

Aux  yeux  des  sages,  aux  yeux  de  l'Eglise,  les  pauvres  ont  une 
dignité  spéciae.  On  peut  leur  appliquer  les  paroles  de  l'Evangile  : 
Les  derniers  seront  les  premiers  :  Erunt  novissimi  primi  (.Matth. 
xix.  30). 

L'Eglise  accorde  aux  pauvres  la  prééminence,  puisqu'elle  n'admet 
les  riches  dans  son  sein  qu'à  la  condition  qu'ils  serviront  les  pauvres. 
C'est  à  ceux-ci  qu'elle  réserve  ses  grâces  les  plus  précieuses  et  ses 
bénédictions  les  plus  douces.  L'Eglise  est  la  ville  des  pauvres,  la  ville 
des  affranchis.  L'indigence  et  les  afflictions,  surtout  lorsqu'on  les 
supporte  religieusement,  rendent  l'homme  vraiment  grand  et  hono- 
rable :  Amenez  dans  ma  maison  les  pauvres  et  les  débiles,  les  aveu- 
gles et  les  boiteux,  dit  J.  G.  :  Pauperes  ac  débiles,  cœcos  et  claudos, 
ïntroduc  hue  (Luc.  xiv.  21  ). 

C'est  un  aveuglement  déplorable  que  de  ne  pas  honorer  les  pau- 
vres, auxquels  Dieu  lui-même  a  fait  cet  honneur  de  leur  donner  la 
prééminence  dans  son  Eglise 

En  voyant  les  pauvres,  Abraham,  dit  saint  Pierre  Chrysologue, 
oublie  qu'il  est  maitro,  et  se  fait  leur  serviteur.  Déjà  ce  grand 
patriarche  respecte  J.  C.  dans  leur  personne  (Serm.  vu  ). 

Les  pauvres  sont  les  portiers  du  ciel;  ils  ont  le  privilège  de  l'ouvrir 
ou  de  le  fermer  aux  riches. 

J.  C.  a  épousé  la  pauvreté,  et  par  cette  alliance  l'a  ennoblie. 

Saint  Ambroise  apporte  plusieurs  raisons  pour  démontrer  qu'il 
faut  accorder  des  faveurs  et  des  bienfaits  aux  pauvres  plutôt  qu'aux 
riches  :  1°  dit-il,  J.  C.  veut  qu'on  invite  aux  noces  les  pauvres  et  non 
les  riches...;  2°  lorsqu'on  invite  les  riches,  ils  ren  lent;  mais  les  pau- 
vres ne  pouvant  rendre  eux-mêmes,  chargent  Dieu  de  nous  récom- 
penser, Dieu  qui  s'est  fait  leur  caution  et  même  leur  débiteur...; 
3°leriche  souvent  dédaigne  le  bienfait  et  ne  se  soucie  pa-  l'être  obligé 
d'en  témoigner  de  la  reconnaissance;  le  pauvre,  au  Contran 
avec  reconnaissance  la  ni<>mlrc  faveur...  J  4°  le  pauvre  rend  plus 


PAUVRETE.  667 

qu'il  ne  reroit:  il  prie  pour  ses  bienfaiteur?  et  leur  obtientla  rémis- 
sion d  ?  péebép  qu'ils  ont  commis,  des  grâces  nombreuses  et  la  gloire 
éternelle  {Offic,  lib.  II,  c.  ni). 

En  choisissant  la  pauvreté,  J.  C.  l'a  rendue  digne  de  louanges  et 
d'honneur.  Lorsque  nous  honorons  les  pauvres,  nous  honorons  donc 
et  nous  glorifions  le  Sauveur  des  hommes. 

Le  pa;.\re  est  tout-puissant.  Nous  le  voyons  par  l'apôtre  saint 
Pierre  :  Je  n'ai  ni  argent  ni  or,  dit-il  au  boiteux  qui  lui  demandait 
l'aumône;  mais  ce  que  j'ai,  je  te  le  donne  :  au  nom  de  Jésus  de  Naza- 
reth, lève-toi  et  marche  :  Argentum  et  aurum  non  est  mihi;  quod 
autem  habeo,  hoc  tibido:in  nomine  Jesu  Nazarœni  surge ,  et  ambulc 
(Act.  m.  6). 

Dieu,  dit  l'apôtre  saint  Jacques,  u'a-t-il  pas  choisi  les  pauvres  en  ce    t.ps  pauvres 
..        -i         i        ,    p  ■     ^^        i  tv        sontlesfavom 

monde  pour  être  riehes  dans  la  loi,  et  héritiers  du  royaume  que  Dieu       <ie  Dieu. 

a  promis  ù  ceux  qui  l'aiment  :  Nonne  Deus  elegit  pauperes  in  hoc 
vnundo.  divif.es  in  fide,  et  hœredes  regni  quod  repromisit  Deus  diligen- 
tiùus  se?  (n.  5.)  Dieu  a  choisi  ceux  qui  ne  possédaient  pas  les  biens 
d'ici-»as,  et  il  leur  a  prodigué  les  richesses  de  la  foi  ;  ceux  qui  ne 
\}  avaient  paslecens,  et  il  leur  a  donné  l'intelligence  des  choses  divi- 
nes. On  voit  par  les  paroles  de  l'Apôtre  que  l'or  et  l'argent  ne  sont 
pas  de  vrais  Liens ,  mais  seulement  la  foi  et  les  vertus  qu'elle  l'ait 
naître  :  comme  aussi  le  manque  des  richesses  périssables  ne  fait  pas 
la  pauvreté  et  les  pauvres,  mais  la  cupidité  et  l'impiété.  Oh  1  que  de 
riches  sont  pauvres,  et  que  de  pauvres  sont  très-riches  !... 

Les  pauvres  sont  les  héritiers  du  royaume  de  Dieu  :  Hœredes  regm. 
Puisque  le  royaume  de  Dieu  est  aux  pauvres,  dit  saint  Amhroise,  y 
a-t-il  quelqu'un  déplus  riche  qu'eux  :  Cum  regnum  Vei  puuperum  sUy 
(jv.id  Ucuplelius  esse  potest?{Serm.  x). 

Les  causes  pour  lesquelles  Dieu  a  préféré  assurer  aux  pauvres 
plutôt  qu'aux  riches  les  biens  de  la  foi  et  l'héritage  de  son  royaume, 
sont  évidentes. 

La  première  est  que  la  distribution. convenable  des  dons  exige  que 
ceux  qui  manquent  des  richesses  terrestres,  aient  celles  ou  ciel  en. 
abondance;  et  qu'au  contraire  ceux  qui  sont  comblés  des  Mensdïci- 
bas  soient  privés  le  ceux  de  l'autre  vie 

La  seconde  est  que  la  richesse  donne  l'ambition,  l'avarice,  la 
gourmandise,  la  luxure,  l'orgueil,  la  vanité  et  t.r.s  les  vices  qui  pré- 
cipitent en  enfer;  tandis  que  la  pauvreté  inspire  l'humilité,  la 
Sobriété,    \  continence,  la  chasteté,  la  modestie  ec  toutes  les  vertus 


669  pAimtETÉ. 

qui  conduisent  au  ciel.....  La  pauvreté",  dit  saint  Bernard,  a  de 
grandes  ailes  avec  lesquelles  on  s'élève  rapidement  jusqu'au  séjour 
des  saints  (Senn.  iv  de  Adventu). 

La  troisième  est  qu'en  méprisant  le  monde ,  les  pauvres  achètent 
de  Dieu  l'éternité  bienheureuse.  Comme  pour  lui,  ils  renoncent  à 
tout,  et  principalement  aux  désirs;  il  se  rend  leur  débiteur  et  leur 
accorde  son  royaume.  Voilà  pourquoi  saint  Grégoire  de  Nazianze  dit  : 
Heureux  celui  qui  emploie  sa  fortune  entière  à  acheter  J.  CI 

Félix  qui  Cbristnitt  fortimîs  omnibus  omit! 

(  Carm.  de  Beatiiudine.  ) 

Qu'y  a-t-il,  dit  à  son  tour  saint  Augustin,  qu'y  a-t-il  de  plus 
glorieux  pour  l'homme  que  de  vendre  ses  biens,  et  d'acheter  J.  C? 
Quid  gloriosius  homini  quam  sua  vendere,  et  Christum  cmere  ?  {Serm. 
ultim.  de  diversis.  ) 

La  quatrième  est  que  Dieu  cherche  un  cœur  vide  des  choses  de 
la  terre ,  pour  y  entrer  et  le  posséder  tout  entier.  D'un  autre  côté,  le 
riche  qui  ne  pense  qu'à  l'or  et  à  l'argent  ne  songe  guère  aux  biens 
éternels;  mais  le  pauvre  qui  ne  peut  s'occuper  des  biens  d'ici-bas 

qu'il  n'a  pas ,  recherche  ceux  du  ciel  qu'il  espère 

Dieu  n'apas  oublié  les  cris  des  pauvres,  dit  le  Prophète  royal  :  Non 
est  oblitus  clamorcm  paupetum  (ix.  13).  Le  pauvre  ne  sera  pas  en 
oubli  à  jamais;  la  patience  déployée  par  les  pauvres  ne  périra  ; 
Quoniam  non  in  finem  oblivio  erit  pauperis;  patient  ta  pauperum  non 
peribit  in  finem  (  Psal.  îx.  19).  Seigneur,  le  pauvre  vous  a  été  aban- 
donné :  vous  serez  l'appui  de  l'orphelin  :  Tibi  derelictus  est pm 
orphano  tu  eris  adjutor  (P^al.  x.  14  ).  Le  Seigneur  est  le  refuge  du 
pauvre;  il  est  son  aide  dans  le  besoin,  au  jour  de  la  tribulution  : 
Foetus  est  Dominus  refugium  pauperi ,  adjutor  in  opporlunitatibus ,  in 
iribulalione  (  Psal.  ix.  10).  Le  Seigneur  a  exaucé  le  désir  du  pauvre  : 
voire  oreille,  ô  mon  Dieu,  a  entendu  la  prière  de  leur  cœur  :  Dcsi- 
der'unn  pauperum  exaudîvit  Dominus  :  prœparationem  cordis  eorwn 
ouilivit  auris  tua  (Psal.  x.  17).  Soyez  le  juste  juge  de  l'orphelin  et 
de  l'homme  de  basse  condition  :  Judicare  pupillo  et  humili  (Psal.  x. 
18).  Le  Soigneur  tire  l'indigent  de  la  poussière,  et  il  relève  lo 
pauvre  de  dessus  son  fumier;  pour  le  placer  parmi  les  princes, 
parmi  les  princes  de  son  peuple  :  Suscitons  a  terra  inopem,  et  de 
•core  érigent  pavperem  ;  ut  collocet  eum  cum  principibus ,  cum  print 
cipibuspoputi  sui  f  Psal,  c\u,  7.  b). 


ÏÀUVBETÉ.  669 

Opprimer  l'infligent,  c'est  insulter  celui  qui  l'a  créé;  avoir  pitié 
du  pauvre,  c'est  honorer  Dieu,  disent  les  Proverbes  :  Qui  calumnia» 
tur  egenlem ,  exprolrat  faclori  suo ;  honorai  autem  Deum  qui  miserelur 
pauperis  (  xiv.  31  ). 

Dieu  étend  sa  protection  sur  les  pauvres  que  le  monde  abandonne, 
repousse,  opprime;  il  prend  d'eux  le  soin  qu'une  mère  prend  de  ses 
enfants.  Les  pauvres  ont  Dieu  pour  tuteur  et  pour  économe,  Diou 
qui  gouverne  les  cieux  et  devant  qui  se  prosternent  les  maitres  du 
monde.  C'est  pourquoi  J.  G.  dit  :  En  vérité,  je  vous  le  dis,  ce  que 
vous  avez  fait  à  l'un  des  plus  petits  d'entre  mes  frères,  vous  me 
l'avez  fait  à  moi-même  :  Amen,  dico  vobis,  quandïu  fecistis  uni  ex  Jus 
fratribus  meis  minimis,  mihi  fecistis  (Matth.  xxv.  40).  Aussi,  au  jour 
du  jugement,  prononcera-t-il  une  sentence  de  bénédiction  sur  les 
hommes  qui  auront  eu  soin  des  pauvres,  et  une  sentence  de  malé- 
diction sur  les  avares  et  sur  les  riches  qui  les  auront  méprisés  et 
auront  été  pour  eux  sans  entrailles 

En  s'incarnant,  en  venant  au  monde,  le  Verbe  éternel  a  honoré, 
consacré  et  comme  déifié  la  pauvreté;  car  il  se  l'est  unie  hypostati- 
quement  dans  son  humanité.  Le  pauvre  est  donc  la  vive  image  de 
J.  C.  pauvre,  comme  dit  saint  François  d'Assise  (lïegul.,  c.  vi). 

Dieu,  qui  se  suffit  à  lui-même,  est  infiniment  au-dessus  de  toutes 
les  créatures  ;  le  pauvre,  qui  est  humble,  qui  méprise  les  choses  de 
la  terre,  qui  ne  désire  que  celles  du  ciel  et  qui  se  repose  en  Dieu,  est 
supérieur  à  la  plupart  des  hommes ,  tristement  esclaves  des  biens 
d'ici-bas 

La  bouche  du  pauvre  est  la  bouche  de  Dieu,  et  l'oreille  de  Dieu 
est  l'oreille  du  pauvre  :  Dieu  l'écoute  et  l'exauce  toujours;  ce  qui  le 
rend  tout-puissant  auprès  de  lui.  J.  C.  promet  son  royaume  aux 
pauvres,  la  consolation  à  ceux  qui  pleurent,  la  nourriture  à  ceux 
qui  ont  faim,  la  joie  éternelle  à  ceux  qui  souffrent.  Tous  les  droits, 
toutes  les  grâces,  toutes  les  faveurs,  tous  les  privilèges  de  l'Evan- 
gile sont  aux  faibles,  aux  indigents  et  à  ceux  qui  souffrent 

La  pauvreté  est  un  port  tranquille,  dit  saint  Chrysostome  :  Pauper-     Avantages  t 
tas  est  portus  tranquillus  (Hornil.  ultima  in  Matth.).  °  a  iAUlvrc  * 

Gardez- vous,  dit  saint  Bernard,  gardez- vous  d'aimer  les  biens 
dont  la  possession  est  un  fardeau ,  dont  l'amour  souille  et  dont  la 
perte  déchire  :  JXoli  amare  bona  quœ ,  possessa,  onerant;  amata,  inqui- 
nant ;  amissa,  cruciant  (Epist.  cm). 

11  nous  faut  lutter  nus  contre  les  démons  qui  sunt  nus,  dit  saint 


670  PAUVRETÉ. 

Grégoire  :  Nudi  cwii  midis  (demonibus)  luctari  debcinus  (Homil.  xxxïl 
in  Evang.).  Car,  ajoute-t-il,  si  Un  homme  vêtu  lutte  contre  quel- 
qu'un qui  ne  l'est  pas,  il  est  promptement  terrassé,  son  adversaire 
ayant  par  où  le  saisir.  Or,  que  sont  les  biens  de  la  terre,  sinon  les 
vêtements  du  corps  (1)? 

La  pauvreté  débarrasse  l'homme  de  mille  soucis  et  inquiétudes 

Elle  l'éloigné  des  créatures,  p'our  le  porter  à  se  donner  au  Créateur, 
en  qui  se  trouve  le  bonheur  suprême.  Alors  il  peut  dire  avec  le 
Psalmiste  :  Le  Seigneur  est  la  part  qui  constitue  mon  héritage  ;  il 
est  la  coupe  qui  m'est  réservée  :  c'est  vous-rhême,  d  mon  Dieu,  qui 
me  rendez  ce  qui  devait  être  mon  patrimoine  :  Dominus  pars  luvre- 
ditatis  mece  et  calicis  rtiëi  :  tu  es  qui  restitues  herreditatem  meam  milii 
(xv.  6).  Qu'y  a-t-il  pour  nioi  dans  le  ciel,  et  qu'ai-je  désiré  de  vous 
sur  la  terre  ?  sinon  vous,  le  flieu  de  mon  coiur,  qui  êtes  mon  par- 
tage pour  l'éternité  :  Quid  mihi  est  in  cœlo  ?  et  a  te  quid  volai  super 
terrain  ?  Deus  cordis  mei ,  et  pars  mea  Deus  in  œterrium  (P£al.  Lxxii. 
24.  25). 

Là  p'auvretë  volontaire  est  là  voie  du  salut,  la  nourrice  de  l'humi- 
lité, la  racine  de  la  perfection lorsqu'on  méprise  les  biens  du 

monde,  on  a  ceux  du  ciel 

tfous  sommes  pauvres,  dit  le  grand  Apôtre,  et  nous  enrichissons 
les  autres  ;  nous  n'avons  rien,  et  nous  possédons  tout  :  Sicut  egentes, 
tnidtos  autein  locapletantes ;  tanquam  nihil  kabenles,  et  omnia  possiden- 
les  (II.  Cor.  vi.  10).  Le  pauvre  volontaire  est  libre...,  maître..., 
vainqueur...,  roi..,  heureux...,  infiniment  riche...;  se  reposant  sur 

Dieu,  il  est  exempt  de  sollicitude 

La  pauvreté  est  une  reine  qui  marche  à  la  suite  de  J.  C 

La  pauvreté,  dit  saint  François  d'Assise,  est  un  trésor  caché,  pour 
l'achat  duquel  il  faut  vendre  tout  le  reste  et  mépriser  ce  qu'on  ne 
peut  pas  vendre.  Tous  les  biens  de  la  terre  ne  sont  rien  comparés  à 
la  valeur  de  la  pauvreté  (Rcgul.,  c.  vi).  C'est  ce  que  dit  J.  C.  à  un 
jeune  homme  :  Si  vous  voulez  être  parfait,  allez,  vendez  ce  que 
vous  avez  et  le  donnez  aux  pauvres,  et  vous  aurez  des  trésors  dans  le 
ciel  ;  venez  ensuite,  et  suivez-moi  :  Si  vis  perfectus  esse,  vade,  vende 
quœ  habes,  et  da  pauperibus,  et  habebis  tlœsaurum  in  cœlo  :  et  veni 
sequere  me  (Matth.  XIX.  21). 
Combien,  dit  saint  Augustin,  combien  est  grand  le  bonheur  des 

(l)  Nam  si  vestitus  quisquam  cum  mulo  luctatur,  citius  ad  terram  dejicitur,  quia 
habet  unde  teneatur.  Quid  enim  sunt  tenena  omnia,  nisi  quœdam  corporis  indu- 
menta?  (Ut  supra.) 


PAUVRETÉ.  67* 

chrétiens  auxquels  il  a  été  donné  d'acheter  le  royaume  des  cieux 
avec  la  pauvreté.  Gardez-vous  de  la  trouver  déplaisante.  Il  ne  se  peut 
rien  de  plus  précieux.  Voulez-vous  connaître  ce  qu'elle  vaut?  elle 
achète  le  ciel  (■!). 

Remarquez  que  J.  C.  ne  dit  pas  :  Heureux  les  pauvres,  parce  que 
le  ciel  leur  sera  donné,  ou  leur  appartiendra;  mais  :  Heureux  les 
pauvres,  car  le  royaume  des  cieux  est  à  eux  :  Beati  paupcres,  quo- 
niam  ipsorum  est  reynum  cœlorum  (Matth.  v.  3).  Le  ciel  est  actuelle- 
ment à  eux ,  il  leur  est  dû  ,  ils  en  ont  la  certitude  :  Ipsorum  est 
regnum  cœlorum.  J.  C.  met  la  pauvreté  au  nombre  des  huit  béati-; 
tudes,  et  il  la  met  la  première 

Quelle  folie,  dit  saint  Chrysostome,  de  placer  vos  richesses  là  où 
vous  ne  resterez  pas,  et  de  ne  pas  les  placer  là  où  vous  irez  pour 
toujours!  Placez  vos  trésors  dans  votre  patrie,  qui  est  le  ciel 
^Homil.  xlviii). 

L'âme  du  pauvre  qui  se  soumet  volontairement  à  la  pauvreté, 
brille  comme  l'or;  elle  resplendit  comme  le  diamant  ;  elle  a  la  beauté 
et  le  parfum  de  la  rose. 

La  pauvreté  ne  craint  ni  la  teigne,  ni  les  voleurs.  Elle  n'est  pas 
l'esclave  du  démon  ,  elle  ne  prend  point  place  parmi  les  courtisans 
des  rois;  mais  elle  se  range  parmi  les  serviteurs  de  Dieu  et  met  son 

trésor  non  pas  sur  la  terre  mais  dans  le  ciel Le  pauvre  n'a  ni 

voiture ,  ni  chevaux  de  race,  ni  domestiques,  ni  flatteurs;  mais 
celui  qui  s  "élève  au-dessus  des  nuées  et  qui  doit  aller  au  ciel,  porté 
par  les  anges,  a-t-il  besoin  d'un  pareil  attirail?  Il  doit  habiter  avec 
J.  C;  que  lui  faut-il  autre  chose?  Le  divin  Sauveur  ni  les  apôtres 
n'eurent  rien  de  tout  cela;  et  cependant  l'Eglise  brilla  d'une  vive- 
lumière,  le  monde  païen  brisa  ses  idoles,  renversa  ses  temples,  et 
se  convertit.  Cest  parce  que  les  premiers  chrétiens  ont  renoncé  aux 
biens  de  la  terre  et  les  ont  distribués  aux  pauvres  que  tant  de  mer- 
veilles se  sont  opérées 

La  pauvreté  conduit  à  la  perfection  et  au  ciel;  comme  la  cupidité 
mène  à  tous  les  maux  et  à  l'enfer. 

La  pauvreté  :  1°  met  à  l'abri  des  richesses,  des  honneurs,  des 
plaisirs,  qui  sont  la  source  et  l'aliment  de  tous  les  vices...;  "2°  elle 
engendre  l'humilité,  qui  est  le  principe  de  la  sainteté...  ;  3°  elle  est  la 
voie  du  salut,  la  mère  de  toutes  les  vertus,  la  racine  de  tous  les 

(1'  Félicitas  magnaehristianorum  ,  qtiibus  datum  est,  nt  paupertatc-m  faciant  pre- 
tium  regni  cœlorum.  Non  tibi  displiceat  paupertas  tua;  nihil  ea  potest  ditius  ^ivc-niri. 
Vis  uosae  qudui  locuples  sit?  cœ.um  émit  {Serm.  xxviu  de  verbis  Ayost. ,. 


672  PAUVRETÉ. 

arbres  qui  portent  de  bons  fruits 4°  La  pauvreté  volontaire  ne 

connaît  pas  les  soucis;  elle  s'occupe  de  la  pratique  du  bien,  comme 
l'abeille  est  tout  entière  au  soin  d'amasser  du  miel 5°  La  perfec- 
tion consiste  clans  l'amour  de  Lieu  et  du  prochain  ;  or,  la  pauvreté 
fait  acquérir  ces  deux  vertus;  car  elle  détruit  le  tieu  et  le  mien, 
d'où  viennent  les  disputes,  les  haines,  l'envie ,  les  procès,  les  injus- 
tices, les  guerres,  Jes  révolutions  :  d'un  autre  côté,  en  éloignant 
l'homme  de  la  recherche  et  de  l'amour  des  biens  d'ici-bas,  elle  l'at- 
tache à  Dieu  seul,  et  le  porte  à  ne  vouloir  que  lui  ;  et  quand  on  a 
Dieu,  on  n'est  pas  à  plaindre;  rien  ne  manque 

On  objectera  que  pour  avoir  le  mérite  de  la  pauvreté  volontaire, 
jl  n'est  pas  nécessaire  de  renoncer  à  la  richesse  et  qu'il  suffit  de  ne 
point  s'y  affectionner.  Cela  est  vrai  :  garder  les  biens  de  la  terre  sans 
s'y  attacher,  c'est  une  sorte  de  pauvreté  qui  a  son  mérite;  mais  elle 
est  inférieure  à  la  pauvreté  réelle,  qui  sacrifie  et  l'amour  de  la  richesse 
et  la  richesse  elle-même.  En  effet,  il  est  difficile  de  ne  point  avoir  un 
certain  attachement  pour  une  chose  que  l'on  conserve.  L'homme 
qui  dort  et  qu'on  lie  pendant  son  sommeil,  ne  connait  qu'à  son 
réveil  l'état  où  il  se  trouve.  Ainsi  ceux  qui  sont  attachés  par  une 
secrète  affection  à  leurs  richesses,  ne  s'en  aperçoivent  au'.a.u  moment 
où  ils  les  perdent  ou  les  abandonnent. 

Quiconque,  dit  Jésus-Christ,  laissera  sa  maison,  ou  ses  frères,  ou 
ses  sœurs,  ou  son  père,  ou  sa  mère,  ou  sa  femme,  ou  ses  fils,  ou  sr^s 
champs,  à  cause  de  mon  nom,  recevra  le  centuple  et  possédera  la  vie 
éternelle  (1).  Par  Je  centuple,  saint  Ambroise  entend  Dieu  ;  car  Dieu 
se  fait  le  père,  la  mère,  le  frère  et  la  sœur  de  celui  qui  renonce  à  tout 
pour  lui.  Et  l'homme  qui  a  Dieu  pour  partage  possède  la  nature 
entière  :  Cui  portio  Dcus  est,  totius  possessor  est  natures.  Dieu  est  son 
champ,  et  ce  champ  est  assez  vaste,  assez  riche,  assez  fertile;  il  lui 
suffit,  car  il  produit  toujours  des  fruits  abondants,  excellents  et 
impérissables.  Dieu  est  sa  demeure,  et  elle  lui  suffit,  car  c'est  le 
palais  de  l'éternité.  Qu'y  a-t-il  de  plus  précieux  que  Dieu?  qu'y  a- 
t-il  de  plus  splendi  le  que  le  ciel?  quel  bonheur  est  comparable  à 
celui  que  donne  la  possession  du  Seigneur  ?  (In  Matth.,  c.  XIX.  ) 

Celui  qui  est  riche  selon  Dieu  est  pauvre  en  or,  dit  saint  Augus- 
tin: Dco  clives,  est  inops  auri  (Serm.  xxvin  de  verbis  Apost.). 

Celui  qui  \cut  être  riche  selon  Dieu,  dit  le  vénérable  Bède,  ne  doit 

())  Omnis  qui  reliquerit  donmim.  vel  f  m  très,  mit  sorores,  aut  pat  retn,  mit  mntrem, 
mit  uxorcm,  nul   lilios,  aut  .''gros,  propter  nomeu  uicuiu  ,  cenluplum  accù)iet, 
vilain  eteruaui  po&sidobit  (Matlti,  xix.  29). 


PAUVRETÉ.  C73 

pas  thésauriser,  mais  distribuer  aux  pauvres  ce  qu'il  possède  :  Qui 
vult  in  Deum  esse  dives,  non  sibi  thezaurizet  f  sed  pauperibus  possessa 
distribuât  (In  Evang.  Luc,  c.  xn). 

Le  ciel  appartient  aux  pauvres,  et  ils  y  envoient  leurs  bienfai- 
teurs  

Celui,  dit  saint  Gyprien,  celui  qui  n'a  rien  sur  la  terre  est  riche 
dans  le  ciel;  c'est  un  être  céleste,  angélique  et  divin.  En  effet,  du 
haut  du  ciel,  les  anges  bienheureux  regardent  avec  dédain  ce  petit 
point  qu'on  appelle  la  terre,  ses  biens  et  ses  richesses,  et  ils  en  rient; 
car  il  appartient  à  une  àme  grande  et  généreuse  de  n'admirer  que 
Dieu  <i). 

La  pauvreté,  dit  saint  Jean  Climaque,  est  une  abdication  des  sol- 
licitudes du  siècle,  un  chemin  sans  obstacles  vers  Dieu,  l'expulsion 
de  toute  tristesse,  le  fondement  de  la  paix ,  la  pureté  de  la  vie;  elle 
nous  exempte  du  soin  des  choses  d'ici -bas,  et  nous  conduit  à  l'ob- 
servation parfaite  des  commandements  de  Dieu  (Grad.  xvit). 

Par  la  pauvreté,  nous  renonçons  à  des  objets  de  peu  de  valeur  et 
nous  entrons  en  possession  de  biens  d'un  grand  prix,  dit  saint 
Jérôme:  Parvadimisimus,et  grandia  possidemus  (Lib.  super  Matth.). 

Si  vous  n'avez  rien  ici-bas,  dit  le  même  Père,  vous  êtes  débarrassé 
d'un  grand  fardeau;  suivez,  dépouillé  de  tout,  J.  C.  qui  est  nu: 
Si  non  habes,  grandi  onere  liberatus  es;nudum  Christum,  nudus  sequere 
(Epist.  ad  Rusticurn). 

Abandonnez  les  biens  de  la  terre,  dit  saint  Augustin,  et  vous 
recevrez  ceux  du  ciel  ;  car  la  pauvreté  achète  le  royaume  des  cieux  : 
Dimitte  terrena,  et  accipies  cœlestia;  est  enim  paupertas  regni  cœlestis 
vretium  (Serm.  ccxxxm  de  Temp.). 

Ceux-là,  dit  saint  Grégoire,  ceux-là  volent  vers  Dieu,  qui  ne  tou- 
chent pour  ainsi  dire  pas  la  terre,  parce  qu'ils  n'y  désirent  rien: 
Volant,  qui  terram  quasi  non  tangunt,  quia  in  ipsa  nihil  appetunî 
(Homil.  xvm  in  Ezechiel). 

va  pauvreté,  dit  saint  François  d'Assise,  est  le  chemin  du  salut, 
le  fondement  de  l'humilité  et  de  la  perfection.  L'argent  n'est  autre 
chose  que  le  démon  et  qu'un  serpent  plein  de  venin  (Hegul.,c.  vi). 

Je  suis  pauvre  et  je  mendie,  dit  le  Psalmiste;  mais  le  Seigneur  a 
soin  de  moi  :  Ego  mendicus  sum  et  pauper  :  Dominus  sollicitus  est  nui 

(1)  Pauper  soli,  dives  est  cœli;  ideoque  homo  cœlestis,  angelicus  et  divinus.  An  *  '* 
enim  et  beati  es  alto  despiciunt  et  rident  exiguum  hoc  terrée  punctum,omnesque  <  ,,;;- 
opes  et  dotes.  Generosi  enim  magnique  anirai  est,  nihil  .adrairari  praeter  De  > 
{Epist.  ad  Martyr.). 

III.  43 


^4  *ATP.  RETÏ. 

(xxxix.  18).  Dans  votre  douceur,  Se tgti 

pauvre  ce  qui  lui  est  nécessaire  :  Par  asti  in  dulcedtne  tua  p'>.;<: 

Deus  (Psal.  lxvii.  11). 

Dieu  a  voulu  que  la  plus  grande  pirtie  des  hommes  fussent  pau- 
vres, soit  afin  qu'ils  acquissent  le  mérite  de  la  patience  et  une  pi 
confiance  en  Dien,  soit  atin  qu'ils  fussent  o  \  ailler,  de 

cultiver  les  champs  et  d'exercer  les  arts  mécaniques ,  faut 
la  vie  humaine  et  l'ordre  de  l'univers  ne  pourraient 
comme  le  dit  saint  Chrysostome ,  si  la  pauvreté 
terre ,  l'ordre  social  serait  anéanti,  et  tout  genre  de  vie  bouler        : 
il  n'y  aurait  plus  ni  matelot,  ni  pilote,  ni  cultivateur,  ni  tisseï 
ni  cordonnier,  ni  maçon,  ni  charpentier,  ni  peintre,  ni  ou 
quelconque.  Or,  ces  ouvriers  manquant,  tout  manquerait  à  la 
La  pauvreté  estime  maîtresse  nécessaire  pour  inviter  et,  a 
pour  forcer  chacun  à  accomplir  l'œuvre  qui  lui  est  confiée.  Si  tous 
les  hommes  étaient  riches ,  tous  vivraient  dans  le  repos  e  I 
paresse;  tous  se  corrompraient  et  périraient.  Il  y  aurait  une  pau- 
vreté, une  famine,  une  ruine  complètes  et  universel  1  es  (#wî/7.  ante/M- 
<nult.,L  V). 

Saint  Jean  Climaque  assure  qu'un  simple  moine,  dans  sa  grande 
pauvreté,  est  en  quelque  sorte  le  maître  du  monde;  et  qu'ayant  mis 
xën  Dieu  seul  tout  son  espoir,  il  peut  regarder  les  nations  comme  si 
elles  étaient  ses  esclaves.  Le  saint  abbé  ajoute  que,  serviteur  de 
©ieu-,  le  pauvre  n'aime  aucune  chose  terrestre  sérieusement.  En 
«Set,  ce  qu'il  a,  et  ce  qu'il  peut  avoir,  n'existe  pour  ainsi  dire  pas 
$our  lui  ;  et  s'il  le  perd,  il  ne  s'en  inquiète  point  (  Grad.  xvn). 

C'est  dans  ce  sens  que  saint  Bernard,  commentant  ces  paroles  de 
5.  C.  :  Quand  je  serai  élevé  de  terre,  j'attirerai  tout  à  moi  (  Joann. 
xn.  32  ),  dit  avec  raison  que,  p.;  hement  de  toutes  les  choses 

périssables,  les  vrais  chrétiens  en  font  autant.  11  est  certain,  ajoute- 
t-il,  que  moins  on  désire  les  richesses,  plus  oi  est  libre,  maître  de 
soi-même  et  vraiment  riche.  L'homme  détaché  de  tout  possède  tout, 
et  le  possède  pleinement;  car  l'adversité,  aussi  bien  que  la  pr 
rite,  lui  est  soumise  et  co>  >ère  à  son  bien.  L  "a\ure  a  faim  dos  c! 
de  la  terre  comme  un  mendant;  le  fidèle,  au  contraire,  les  méprise 
comme  un  maître.  En  les  possédant,  le  premier  les  mendie;  en  les 
méprisant,  le  second  Jes  possède:  Avarus  terrena  esurit  ut  mendiew} 
fidelis  contemnit  ut  dominus  :  Me ,  possulendo,  mendicat;  iste,  content-* 
nendo,  servat  (Serm.  xxi  in  Cant.). 

Peu  de  bien  avec  la  crainte  du  Seigneur  vaut  mieux,  disent  Jes 


feumtctl.  575 

Proverbes ,  qu'un  grand  trésor  avec  le  désir  insatiable  de  l'augmen- 
ter  :  Melwt  est  //arum  cum  timoré  Domini,  quam  tkesauri  magni  et 
imati ailles  (xv.  16).  Une  petite  fortune  rend  modeste,  humble, 
sobre,  chaste,  ami  du  travail;  une  grande  fortune  rend  hardi, 
orgueilleux,  gourmand,  impudique  et  paresseux.  Aussi  Fauteur  des 
Proverbes  dit-il  encore  :  Seigneur,  ne  me  donnez  ni  Findigeiiee  ni  les 
richesses;  accordez-moi  seulement  le  nécessaire  de  la  vie  :  Mendici- 
tatem  et  divitias  ne  dederis  mihi;  tribue  tantum  victuimeo  necessaria 
(xxx.  8). 

Les  pauvres  sont  à  l'abri  des  plus  grands  maux,  dit  Démocrite; 
ils  n'ont  à  craindre  ni  les  embûches,  ni  l'envie,  ni  la  haine,  qui  ne 
cessent  de  s'attacher  aux  riches  :  Maxima  mala  effugerunt  pauperes, 
insidias,  invidiam,  odium,  in  quibus  divites  quotid  ie  versantur  (Anton. 
in  Meliss.,  part.  I,  serm.  xxxui). 

La  pauvreté,  dit  saint  Chrysostome,  est  un  asile  sûr,  un  port 
tranquille,  une  sécurité  constante,  un  bonheur  exempt  de  danger, 
une  jouissance  réelle;  elle  procure  une  vie  sans  trouble  et  ne  connaît 
pas  le  naufrage  (l). 

Hugues  de  Saint-Victor  dit  éloquemment  :  La  pauvreté  volontaire 
est  une  espèce  de  martyre  ;  car,  qu'y  a-t-il  de  plus  admirable  et  quel 
plus  grand  supplice  que  d'endurer  la  faim  à  une  table  bien  servie, 
que  d  avoir  froid  quand  il  serait  si  facile  de  se  vêtir,  ou  que  de  rester 
pauvre  au  miiieu  des  richesses  que  le  monde  présente,  que  le  démon 
oiï're  et  que  notre  convoitise  désire  ?  G  est  chose  merveilleuse  de  tou- 
cher du  feu  et  de  ne  pas  se  brûler ,  de  manier  des  épines  et  de  ne 
pas  se  piquer,  de  porter  des  pierres  et  de  ne  pas  se  blesser.  Or,  les 
richesses  sont  à  la  fois  du  feu,  des  épines  et  des  pierres  :  Et  divitiœ 
iyuis  surit,  et  spince,  et  lapides  (  Instit.  monast.  ). 

0  pauvreté  volontaire  et  patiente,  combien  tu  es  précieuse,  com- 
bien aussi  tu  es  rare  !... 

Cherchez  premièrement  le  royaume  de  Dieu  et  sa  justice ,  et  tout    Si  le  pauvre 
le  reste  vous  sera  donné  par  surcroît,  dit  J.  G.  :  Quœrite  \  .■'..  im  'luUaaDuueT 

.  ei ,  etji  sti  unit  ejus;  et  heee  omnia  adjicienivr  vobis  (  JNiatth. 
vi.  33).  Déposez  vos  soucis  dans  le  sein  de  Dieu,  dit  le  Prophète  royal, 
et  ii  soutiendra  votre  âme  :  Jacta  super  JJominum  curam  tuam,  et  ips% 


(1)  Paupeitas  tuluiu  est  as\tuifl,  portus  trarviuillus,  perpétua  securitas ,  deliciae 
perkuluruin  expertes,  voluptas  sineera,  vita  turJûalioiiiuu  îiescia,  viallucLuuui  iguara 
,  iioiniî.  de  recipiendo  Seuena/io  ' 


676  PAUVRETÉ. 

te  enutriet  (  liv.  22  ).  Les  riches ,  dit  encore  le  même  prophète ,  O!  t 
souffert  l'indigence  et  la  faim  ;  mais  ceux  qui  cherchent  le  Seigneur 
auront  tous  les  biens  en  abondance  :  Divites  eguerunt  et  esurierunt  ; 
inquirentes  autem  Dominum  non  minuentur  omni  bono  (xxxm.  11). 
Ne  vous  amassez  point  des  trésors  sur  la  terre ,  où  la  rouille  et  les 
vers  rongent,  et  où  les  voleurs  fouillent  et  dérobent;  mais  amassez- 
vous  des  trésors  dans  le  ciel ,  où  ni  la  rouille  ni  les  vers  ne  rongent, 
et  où  les  voleurs  ne  fouillent  ni  ne  dérobent  (1). 

Les  biens  du  ciel  sont  incorruptibles;  on  ne  les  perd  qu'autant 
qu'on  le  veut;  ils  sont  à  l'abri  des  revers  et  durent  éternellement. 

Que  votre  âme  ne  s'enfouisse  pas  dans  l'or,  mais  qu'elle  s'élève  au 
ciel ,  dit  saint  Jérôme  (  Epist.  ). 

Nous  sommes  pauvres ,  dit  saint  Paul ,  et  nous  enrichissons  les 
autres;  nous  n'avons  rien,  et  nous  possédons  tout  :  Sicut  egentes, 
multum  autem  locupletant.es ;  tanguam  nihil  habentes,  et  omnia  possi- 
dentes  (II.  Cor.  vi.  10). 

La  vie  des  apôtres,  dit  saint  Grégoire  de  Nazianze,  est  la  richesse 
dans  l'indigence,  la  possession  durant  le  pèlerinage,  la  gloire  dans 
!e  mépris,  la  patience  dans  les  épreuves  :  Vila  eorum,  sunt  opes  in 
egestate ,  possessio  in  peregrinationc ,  gloria  in  contemptu,  patientia  in 
m/irmitate  (Orat.  xn). 

Tous  les  vrais  fidèles  sont  riches,  dit  le  vénérable  Bède  ;  que  per- 
sonne ne  s'estime  moins  qu'il  ne  vaut.  Le  iidèle  est  pauvre  en  argent, 
mais  riche  en  vertu;  il  dort  plus  paisiblement  couché  sur  la  terre, 
que  celui  qui  a  de  l'or  et  qui  repose  sur  la  pourpre  :  Omnes  boni 
fidèles  sunt  divites;  nemo  se  contemnat  :  pauper  in  cella,  dives  in  con- 
scient ia;  securior  dormit  in  terra  quamauro  dives  in  purpura  (  In  Epist. 
ad  Cor.  II). 

Ecoutez  le  poëte  :  Qui  est-ce  qui  est  riche?  o*l»»>  <»*»  -ne  convoite 
rien;  qui  est-ce  qui  est  pauvre?  l'avare  : 

Quis  dives?  qui  nil  cupit  :  et  quis  pauper?  avarus. 

Ne  recherchons  ni  les  honneurs  ni  les  richesses  qu'il  nous  faudra 
laisser  un  jour,  dit  saint  Grégoire  :  si  nous  cherchons  des  biens, 
attachons-nous  à  ceux  que  nous  posséderons  éternellement  :  Non 


.    .\.ilit(!  •hezaurizare  vobis  tbesauros  in  terra,  ubi  a?rugo  et  tinca  demolilur,  et 
ubi  flirts  cfTodiunt  et  furanlur.   Thesaurizatc  nutem  \ol>is  tliesauros  in  cœlo  ,   ubi 
aequo    .xrugo  ,  ncque  tinea  demolilur ,  et  ubi  l'ures  nua  cflodiunt,  nec  furaatur 
Katth,  vi.19.t0). 


PAUVKETÉ.  677 

honores  aut  divitiœ  quœrendœ  sunt  quœ  dimittuntur;  siboria  quœrarnus^ 
Ma  diligamus ,  quœ  sine  fine  habebimus  (Lib.  Moral.  ). 

Les  richesses ,  dit  l'Ecclésiastique ,  sont  bonnes  à  celui  dont  la; 
conscience  est  sans  reproche;  la  pauvreté  est  très-mauvaise  à  l'im- 
pie, qui  murmure  :  Bona  est  substantiel  cui  non  est  peccatum  in  con- 
scien(ia;et  nequissima  paupertas  in  ore  impii  (  xm.  30). 

Les  pauvres  mangeront  et  seront  rassasiés,  dit  le  Roi-Prophète 
et  ils  loueront  le  Seigneur  :  Edent  pauperes ,  et  saturabuntur,  et  lau* 
dabunt  Domimm  (xxi.  27  ). 

Ne  craignez  point,  dit  Tobie  à  son  fils  :  il  est  vrai  que  nou& 
menons  une  vie  pauvre;  mais  nous  aurons  de  grandes  richesses,  si 
nous  craignons  Dieu,  si  nous  nous  éloignons  de  tout  péché,  et  si  nous 
faisons  le  bien  :  Nolitimere,  fili  mi,  panperem  quidem  vitam  gerimus, 
sed  multa  bona  habebimus ,  si  timuerimus  Deum ,  et  recesserimus  àb 
omni  peccato ,  et  fecerimus  bene  (  iv.  23).  Non-seuiement  dans  la  vie 
future  ,  mais  même  dans  la  vie  présente,  nous  aurons  l'honneur  et 
le  mérite  d'avoir  pratiqué  la  vertu  et  de  n'avoir  point  abandonné  les 
sentiers  de  la  piété 

Comme  Dieu  est  riche  en  grâces  et  en  force,  le  pauvre  l'est  en 
intelligence  surnaturelle 

Combien,  s'écrie  saint  Ambroise,  combien  est  riche  celui-là  qui 
connaît  Dieu,  qui  travaille  pour  l'éternité,  qui  amasse  des  trésors, 
non  point  d'or,  d'argent  ou  de  choses  précieuses,  mais  de  vertus  ! 
Ne  vous  parait-il  pas  riche  celui  qui  a  la  paix  de  l'âme,  la  tranquil- 
lité, le  repos;  qui  ne  désire  rien,  qui  ne  se  trouble  de  rien,  qui  ne 
se  dégoûte  pas  des  choses  qu'il  a  depuis  longtemps ,  et  qui  n'en 
cherche  pas  de  nouvelles?  (  Serm.  x.  ) 

Le  pauvre  qui  est  humble  envie  ce  qu'il  est  permis  d'envier  :  ia 
pureté,  la  sainteté,  la  perfection  qui  rendent  l'homme  agréabie  à 
Dieu;  il  travaille  à  conformer  sa  volonté  à  la  volonté  divine;  il  veut 
ce  que  veut  son  Créateur ,  comme  s'il  ne  faisait  qu'un  avec  lui  ;  et 
en  agissant  ainsi,  il  imite  la  stabilité  de  Dieu  et  son  éternité 

Le  pauvre,  dit  saint  Chrysostome,  ne  craint  rien  et  jouit  de  la 
sécurité  la  plus  complète;  au  contraire,  le  riche  et  le  puissant 
redoutent  toujours  quelque  danger  (Homil.  xxx  in  Matth.  ). 

C'est  une  chose  qui  mérite  d'être  honorée  qu'une  pauvreté  joyeuse; 
dit  Sénèque;  ce  n'est  pas  pauvreté,  mais  richesse  de  cœur.  Le  véri- 
table pauvre  n'est  pas  celui  qui  a  peu ,  c'est  celui  qui  désire  avoir 
plus  qu'il  n'a.  Qu'importe  que  les  coffres  de  l'avare  soient  pleins, 
que  ses  greniers  regorgent,  qu'il  amasse  chaque  jour  avec  usure 3 


678  PAÏÏVRETÉ. 

s'il  convoite  le  bien  des  autres,  si,  non  content  de  ce  qu'il  possède,  il 
a  soif  de  ce  qui  lui  manque?  Vous  me  demandez  le  moyen  de  s'en- 
richir? c'est  d'abord  d'à v  ior  le  nécessaire,  et  ensuite  de  le  trouver 
suffisant  (  Epist.  n  ad  Lucilium). 

Le  pauvre  qui  hait  la  pauvreté  mène  une  vie  misérable;  au 
contraire,  celui  qui  non-seulement  la  supporte  avec  résignation, 
mais  qui  est  content  de  son  sort,  vit  heureux 

Le  mal  n'est  pas  dans  la  pauvreté,  dit  encore  Sénèque,  il  est  dans 
le  pauvre.  Gelui  qui  accepte  volontiers  la  pauvreté  est  riche.  Le  mal 
n'est  pas  dans  la  pauvreté,  il  est  dans  l'esprit  de  l'homme.  Ce  qui 
rend  la  pauvreté  pénible  ôte  au?si  aux  richesses  tout  leur  charme. 
De  même  qu'il  n'y  a  pour  le  malade  aucune  différence  entre  se 
trouver  couché  sur  un  lit  de  bois  ou  sur  un  lit  d'or,  et  que  partout 
où  on  l'étend  il  porte  avec  lui  sa  maladie  :  ainsi  peu  importe  que 
l'esprit  malade  de  cupidité  et  de  convoitise  se  trouve  au  milieu  des 
richesses,  ou  bien  au  sein  de  la  pauvreté;  son  mal  ne  le  quitte 
pas  (Lib.  1  de  Remcdiïs  fortunée). 

Le  pauvre  a  la  situation  qu'il  se  fait  :  s'il  s'ennuie  et  se  révolte, 
ses  jours  sont  laborieux,  pénibles,  misérables;  s'il  se  résigne,  ses 
maux  s'adoucissent  et  s'effacent 

Le  pauvre  qui  a  une  bonne  conscience  est  infiniment  plus  riche 
que  le  pauvre  qui  n'en  a  pas. 

On  se  plaint  souvent  de  la  pauvreté  ;  on  murmure  contre  Dieu 

Tant  qu'il  en  est  ainsi,  la  pauvreté  semble  un  fardeau  accablant 
et  demeure  sans  mérite 

Au  reste,  combien  de  personnes  qui  sont  pauvres  par  leur  faute  ! 

Vous  perdez  au  jeu  et  dans  la  débauche,  ce  que  vous  gagnez  pendant 

que  vous  jouissez  de  la  force  de  l'âge  ;  vous  n'amassez  rien;  plus 

far  !  vous  languirez  dans  l'indigence  et  la  misère  :  ne  l'aurez-vous 

ouhi?.,. 

au'z  une  famille  ;  au  lieu  de  la  soigne*  e!  d'épargner,  vous 
isez  en  dépenses  inutiles  ce  quevo..  ,0us  serez 

i      3  la  détresse,  et  yog     .'ants  iront  à  demi  nus  :  ne  l'aurez-vous 
pas  voulu?... 

Combien  de  pauvres  qui  seraient  à  leur  a:se,  s'ils  s'éiiient  chré- 
jemeut  conduits!  Mais  loin  d'être  bénie  de  Dieu,  cette  pauvreté 
tst  maudite.  La  grâce  s'éloigne  de  ceux  qui  s'y  sont  laissé  tom- 
:  ils  souffrent  sans  consolation  et  sans  mérite,  parce  que      sont 

tuilesyontc  nduits,  et  non  pas  la  volonté 
de .  i  u 


PAÏÏVRETÉ.  679 

Pour  avoir  le  mérite  de  la  pauvreté,  il  faut  :  1°  renoncer  à-  l'amour-    ce  qu'il  faut 

propre  et  à  la  vanité...;  2°  ne  pas  se  fier  à  son  intelligence;  ne  pas  aTo?/?eKte 

écouter  exclusivement  son  propre  jugement  et  sa  volonté...;  3°  se        dc  la 

-y,  ,         >    •  ■      «  .  pauvreté. 

considérer  comme  n  ayant  rien  par  soi-même,  mais  comme  tenant 

tout  de  Dieu  et  de  sa  grâce...  ;  4°  méditer  sur  le  néant  des  biens  du 
monde...;  5°  demeurer  convaincu  qu'on  mérite  déplus  grande* 
peines  que  l'indigence...;  6<>  avoir  en  vue  la  récompense  promise 
aux  pauvres  voloutaires  ou  résignés...;  7°  ne  s'attacher  qua  Dieu 
seul...;  8°  penser  souvent  à  la  mort...;  9°  offrir  à  Dieu  les  priva- 
tions et  les  souffrances  que  l'on  endure. 

Il  faut  être  patient ,  ne  pas  murmurer,  ne  pas  se  défier  de  la  Pro- 
vidence, ne  point  se  décourager 

Il  y  avait,  dit  l'Evangile,  il  y  avait  un  mendiant  nommé  Lazare, 
qui,  couvert  d'ulcères,  était  couché  à  la  porte  d'un  riche  avare 
(Luc.xvi.  20).  Saint  Chrysostome  énumère  neuf  cruelles  afflictions 
qui  pesaient  sur  Lazare:  d°la  pauvreté...;  2°  une  grave  maladie...; 
3°  l'abandon...;  4°  sa  position  à  la  porte  d'un  riche  qui  était  vêtu 
magnifiquement  et  passait  sa  vie  dans  les  festins...  ;  5°  la  cruauté  de 
ce  riche...;  6°  le  manque  absolu  d'ami...;  7°  l'espérance  des  biens 
que  doit  apporter  la  résurrection  moins  affermie  qu'elle  ne  le  fut 
après  J.  G...;  8°  la  longue  durée  de  ses  maux...  ;  9°  la  faim ,  la  s. 
le  froid,  la  nudité {Homil.  i  de  Lazaro.) 

On  trouverait  difficilement  un  pauvre  qui  fût  sujet  à  tant  de  maux, 
à  tant  de  misères Cependant  Lazare  s'est  résigné,  il  n'a  pas  mur- 
muré ni  désespéré 


fÉCHÉ  CONTRE  LE  SAINT-ESPRIT. 


f  îf^ouT  péché  et  tout  blasphème  sera  remis  aux  hommes,  dit 
J.  C.  ;  mais  le  blasphème  contre  le  Saint-Esprit  ne  sera  point 
remis.  Et  à  quiconque  aura  parlé  contre  le  Fils  de  l'homme, 
il  sera  remis;  mais  à  celui  qui  aura  parlé  contre  l'Esprit-Saint ,  il  ne 
sera  remis  ni  en  ce  siècle,  ni  dans  le  siècle  futur  (I). 

Quel  est  le  péché  dont  il  s'agit  ici,  et  qui  ne  sera  remis  ni  en  ce 
siècle,  ni  dans  le  siècle  futur  ? 

1"  Plusieurs  docteurs  ont  pensé  que  c'est  l'hérésie  d'Eunomius, 
qui  a  nié  que  le  Saint-Esprit  fût  Dieu. 

2°  Saint  Hilaire  dit  que  le  péché  contre  le  Saint  -  Esprit  consiste 
dans  la  négation  de  la  divinité  de  J.  C.  (  De  Peccat.  ) 

3° Saint  Ambroise  le  place  dans  le  schisme  et  dans  la  simonie;  car 
Simon  voulut  acheter  à  prix  d'argent  le  pouvoir  miraculeux  accordé 
par  le  Saint-Esprit  aux  apôtres  (Lib.  II  de  Pœnit.  ). 

4°  Le  pape  Gélase  regarde  comme  coupables  de  ce  péché  ceux  qui, 
frappés  d'anathème,  restent  et  veulent  rester  pécheurs,  et  qui  par 
conséquent  ne  sont  absous  niici-bas,  ni  dans  l'autre  vie  (Hist.  Eccles.). 

5°  Saint  Cyprien  fait  consister  ce  péché  dans  la  négation  de  la  foi 
en  temps  de  persécution  (Lib.  III ,  epist.  xiv). 

6°  Richard  de  Saint-Victor  le  place  dans  la  haine  et  le  mépris  for- 
mels de  Dieu  (  Tract,  de  Blusphem.  in  Spiritu  S.  ). 

Les  théologiens  comptent  six  crimes  contre  le  Saint-Esprit  :  se 
livrer  à  la  présomption...,  s'abandonner  au  désespoir... ,  combattre 
la  vérité  connue... ,  détruire  par  jalousie  la  charité  fraternelle..., 

demeurer  dans  l'impénitence...,  s  obstiner  dans  la  voie  du  mal 

Ces  péchés,  en  effet ,  s'attaquent  méchamment  à  la  bonté  de  Dieu, 
bonté  qui  est  attribuée  au  Saint-Esprit 

Dans  le  passage  que  nous  avons  cité,  J.  C.  ne  parle  pas  de  tout 
péché  contre  le  Saint-Esprit;  mais  seulement  du  blasphème  contre 
cette  troisième  personne  de  l'adorable  Trinité,  blasphème  qui  con- 
siste à  calomnier  les  œuvres  évidemment  divines  et  miraculeuses 


(1)  Omue  peccatum  et  blasphcmia  rcmitletur  hominibus  :  Spjritus  nutem  blasphc- 
mia non  remiltctur.  Et  quicuinque  dixerit  verbum  contra  Filium  hominis,  remit- 
tetur  ei  :  qui  autein  dixerit  contra  Spiritum  Sanctum,  non  rcuiitlelur  ci .  neque  io 
boc  secuio   noque  m  futuro  (  Malth,  xu.  91,  32), 


ÏÉCHÉ  CONTRE  LE  SAINT-ESPRIT.  681 

pieuses  et  saintes  que  Dieu  opère  pour  le  salut  des  hommes  et  par 
lesquelles  il  confirme  leur  foi  et  'la  vérité  de  sa  parole  :  telles  sont 
chasser  les  démons,  etc.;  ces  œuvres  émanant  de  la  bonté  et  de  la 
sainteté  de  Dieu,  appartiennent  spécialement  au  Saint-Esprit.  Cette 
manière  de  voir  est  celle  de  saint  Athanase,  de  saint  Ambroise,  de 
saint  Jérôme  et  de  saint  Chrysostome. 

Le  péché  contre  le  Saint-Esprit  ne  sera  pas  remis  :  Non  remittetur; 
c'est-à-dire,  il  ne  sera  remis  que  ditficilement,  et  rarement.  Mais 
Dieu,  qui  est  la  volonté  et  la  puissance  môme,  peut  remettre  et  remet 

tous  les  péchés,  lorsqu'on  s'en  repent  sincèrement Ce  péché  ne 

sera  pas  remis  même  dans  le  siècle  futur  :  Neque  in  futuro;  car  qui- 
conque meurt  en  état  de  péché  mortel,  va  en  enfer,  et  ne  doit  plus 
espérer  d'en  sortir 

Tout  péché  de  malice  est  péché  contre  le  Saint-Esprit,  dit  saint 
Thomas  d'Aquin  :  Omne  peccatum  ex  malitia ,  est  contra  Spiritum 
Sanctum{De  Peccat.  ). 


PÉCHÉ  mortel; 


Qo'est-ee  que     «g      e  péché  est  une  désobéissance  à  la  loi  de  Dieu Qu'est-ce 

]o  pécht'* 

et  surtout  ie      ■       que  le  péché?  dit  saint  Chrysostome  :  c'est  l'abandon  de  la 
pèche  mortel.  J^J  volonté  au  démon  ;  c'est  une  folie  à  laquelle  on  se  livre  do 
plein  gré:  Est  voluntorv.is dœmon ,  et  spontonea  insania  (Moral.). 

Qu'est-ce  que  le  péché?  c'est  la  complète  dégradation  île  l'homme, 
sa  souveraine  misère,  le  mal  suprême  de  l'homme  et  de  Dieu;  car 
il  est  absolument  opposé  au  bien  suprême. 

Le  péché  n'est  pas  une  substance ,  ce  n'est  pas  un  être  ;  car  tour 
être  est  bon.  Le  péché  est  la  privation  de  l'être 

Le  péché,  dit  saint  Augustin,  est  la  négation  de  l'être;  c'est  fe 
néant  :  Peccatum  est  non  eus,  peccatum  est  nihil  (  Sentent.  ). 

Pécheurs  qui  vous  réjouissez ,  vous  vous  réjouissez  dans  le  néant ,' 
dit  le  prophète  Amos  :  Lœtarnini  in  nihilo  (vi.  14). 

Le  péché  est  appelé  la  négation  de  l'être,  le  néant:  1°  parce  qu'en 
lui-même  il  est  quelque  chose  de  vil,  de  nulle  valeur...;  2°  parce 
que  le  plaisir  du  péché  passe  vite  et  s'évanouit...;  3"  parce  que  le 
péché  conduit  celui  qui  le  commet  à  une  sorte  de  néant,  c'est-à- 
dire  à  la  mort  présente  et  éternelle...;  4°  parce  qu'il  est  la  négation 
de  l'être  au  point  de  vue  de  la  vertu  ou  du  bien  moral  ;  car  le  péché 
est  un  mal  moral...;  5°  parce  qu'il  est  une  privation  de  bien;  or 
une  privation  n'est  pas  quelque  chose  de  positif,  mais  de  négatif, 

c'est-à-dire  rien 6°  Le  péché  mortel  sépare  l'homme  de  Dieu,  qui 

est  l'être  par  excellence ,  le  créateur  de  tout ,  sans  lequel  rien  aJ 
fait  et  rien  ne  vivrait;  il  s'ensuit  que  le  péché  conduit  au  néant. 

Seigneur,  dit  saint  Augustin  «comme  rien  n'a  été  fait  sans  vous  ' 
en  faisant  le  péché  qui  n'est  que  néant,  nous  sommes  devenus  des 
néants;  sans  vous,  par  qui  tout  a  été  fait  et  sans  lequel  rien  n'a  été 
l'ait, nous  ne  sommes  rien.  Malheur  à  moi,  devenu  si  souvent  un 
vrai  néant  par  le  péché!  Je  suis  devenu  misérable,  j'ai  été  réduit  à 
rien,  et  je  l'ai  ignoré.  Mes  iniquités  m'ont  conduit  au  néant.  Rien 
n'est  bon  sans  le  bien  suprême.  Le  mal  n'est  autre  chose  que  la  pri- 
vation du  bien;  comme  la  cécité  n'est  autre  chose  que  la  privation 
delà  lumière.  Ainsi  le  péché  est  néant,  parce  qu'il  n'a  pas  été  fait! 
Mais,  continue  saiut  Augustin,  s'il  n'a  pas  été  fait,  comment  est-il 
mal?  Parce  que  le  mal  est  la  privat">n  du  Bien  par  qui  le  bien  a  clé 


PÉCHÉ  MORTEl?  68* 

fait.  Etre  sans  le  Verbe  est  mal  ;  c'est  n'être  pas  :  il  n'y  a  Tien  sans  le 
Verbe.  Etre  séparé  du  Verbe,  c'est  être  sans  voie,  sans  vérité,  sans 
vie.  Voila  pourquoi ,  sans  lui,  c'est  le  néant,  et  ce  néant  est  le  mal, 
parce  qu'il  est  séparé  du  Verbe  ,  par  qui  tout  ce  qui  a  été  fait  est 
boû.  Mais  être  séparé  du  Verbe  ,  par  qui  tout  a  été  fait ,  ce  n'est 
pas  autre  chose  que  faillir,  et  du  fait  passer  au  non-fait,  puisque  sans 
le  Verbe,  il  y  a  néant  (  In  Evong.  S.  Joann.  ). 

Par  lui-même  et  de  sa  nature  le  péché  est  néant,  parce  qu'en  le 
commettant,  l'homme  s'attache  aux  créatures  et  met  en  elles  son 
bonheur,  les  opposant  au  Créateur  et  les  lui  préférant;  mais,  com- 
parées au  Créateur,  les  créatures  ne  sont  que  l'ombre  de  l'être ,  et 
par  conséquent  que  néant.  Voici,  en  effet,  l'essence  et  le  nom  de 
Dieu  :  Je  suis  celui  qui  suis  :  Fgosum  qui  sum  (Exod.  m.  14).  Je 
suis  celui  qui  seul  possède  l'être  véritable,  entier,  immense,  infini, 
tel;  et  les  créatures  participent  de  moi  comme  une  ombre;  car 
leur  être  est  si  pauvre,  si  changeant,  si.  fragile,  si  rapide,  si  peu 
Stable,  ue,  comparé  au  mien  ,  il  doit  être  appelé  néant  plutôt 
qu'être.  Or,  comme  les  créatures  n'ont  pas  l'être  véritable,  elles  n'ont 
pas  non  plus  le  vrai  bien,  mais  seulement  l'ombre  du  bien;  car 
l'être  réel  et  le  bien  vont  ensemble  :  tel  être  et  tel  degré  d'être,  tel 
bien  et  tel  degré  de  bien  :  le  bien ,  en  effet,  est  l'intime  propriété  de 
l'être.  Le  vrai  bien,  comme  l'être  véritable,  appartient  à  Dieu  seul, 
et  non  à  l'homme.  Aussi  Dieu  est  appelé,  dans  l'Ecriture,  seul  sage, 
seul  puissant ,  seul  immortel ,  seul  Seigneur,  seul  bon ,  seul  grand , 
seul  juste,  seul  pieux,  seul  glorieux,  parce  que  lui  seul  a  la  sagesse, 
la  puissance ,  l'immortalité ,  la  domination ,  la  bonté ,  la  grandeur,  la 
justice,  la  sainteté,  la  gloire  véritables,  infinies,  incréées. 

En  mettant  son  bonheur  dans  les  créatures,  et  non  dans  le  Créa- 
teur, le  pécheur  se  réjouit  donc  d'une  ombre,  d'un  néant  :  Lœtamini 
in  nihilo.  Mais  que  les  ombres  des  créatures,  dans  les  ténèbres  de  cette 
vie,  paraissent  grandes  à  l'homme  aveugle  !  Au  coucher  du  soleil, 
les  ombres  qui  descendent  des  montagnes  s'allongent  et  deviennent 
i  -sales;  ainsi, quand  Dieu  disparait,  les  ombres  que  projettent, 
.es  choses  de  la  terre  s'étendent ,  et  le  mondain  les  admire  et  les 
poursuit;  mais  son  attente  est  déçue  :  il  imite  le  chien  d'Esope,  qui, 
vovant  se  refléter  clans  l'eau  le  morceau  de  viande  qu'il  portait  à  la 
gueule,  l'abandonna  pour  saisir  ce  qui  n'en  était  que  l'ombre,  e 
perdit  l'un  et  l'autre. 

Ah  !  Seigneur,  que  votre  jour  se  lève,  le  jour  de  votre  éternelle 
clarté ,  et  que  les  ombres  du  jour  ténébreux  d'ici-bas ,  de  ce  joui'  de 


684  PÉCHÉ  MORTEL. 

vanité  et  de  mortalité,  disparaissent.  Dissipez  le  nuage  qui  nous 
enveloppe ,  afin  que  nous  abandonnions  les  créatures  et  le  péché ,  et 
que  nous  nous  attachions  à  vous  qui  êtes  l'être  infini  et  le  bien 
véritable 

Qu'est-ce  que  le  péché?  C'est  un  doux  poison  qui  donne  une  mort 
pleine  d'amertume  au  pécheur...;  c'est  une  goutte  de  miel  vénéneux 
qui  se  change  en  un  océan  de  fiel...;  c'est  une  blessure  à  laquelle  on 
ne  peut  survivre...;  c'est  une  fièvre  accompagnée  de  délire  et  qui 
tue  promptement...;  c'est  la  perte  de  l'âme...;  c'est  le  plus  redouta- 
ble ennemi  de  l'homme ,  qu'il  sépare  de  Dieu,  et  qu'il  fait  l'esclave 
de  Satan 

Le  péché ,  dit  saint  Augustin ,  est  la  cause  de  tous  nos  maux  : 
Malorum  omnium  nostrorum  causa  peccatum  est  (  De  Morib.  ). 

Le  mort,  dit  saint  Ambroise,  est  préférable  au  vivant,  parce 
qu'il  a  cessé  de  pécher;  celui  qui  n'est  pas  né  est  préférable  au 
mort ,  parce  qu'il  n'a  jamais  péché  :  Mortuus  prœfertur  viventi,  quia 
peccare  desinit  ;  mortuo  prœfertur  qui  natus  non  est ,  quia  peccare 
nescivit  (Serm.  v). 

Génération  Le  libre  vouloir  peut  être  appelé  le  père  du  péché ,  et  la  concupis- 
6t  péché!  dU  cence  habituelle  sa  mère;  réunis,  ils  donnent  naissance  à  tous  les 
crimes.  Ou  bien  le  péché  n"est  qua  demi  formé  et  comparable  à  un 
embryon;  alors  c'est  le  péché  véniel  :  ou  bien  il  est  entièrement 
formé  ;  alors  c'est  le  péché  mortel ,  commis  après  délibération  et  de 
plein  gré.  Le  premier-né  du  péché,  c'est  la  mort ,  tant  présente  que 
future  et  éternelle  ;  car  le  péché  a  engendré  celle  qui  devait  le  châ- 
tier; il  a  enfanté  sa  peine. 

A  un  autre  point  de  vue ,  le  premier  père  du  péché  c'est  Lucifer 
dans  le  ciel,  et  le  serpent  dans  le  paradis  terrestre.  Ses  premiers-nés, 
eont  le  péché  des  anges  et  le  péché  originel. 

Adam         Adam  a  commis  huit  péchés  :  1°  péché  d'orgueil ,  en  aimant  mieux 
le  premier     ^re  son  maitre  que  de  rester  soumis  à  la  puissance  divine...;  2°  péché 

homme  ,  L 

a  commis  huit  de  trop  grande  complaisance  pour  son  épouse  qui  lui  présentait  le 
fruit  défendu  ,  et  à  laquelle  il  ne  voulut  pas  déplaire...;  3°  péché  de 
curiosité...;  4°  péché  d'incrédulité,  en  n'ajoutant  pas  fui  aux 
menaces  de  son  Créateur...;  5°  péché  de  présomption ,  en  considé- 
rant la  défense  qui  lui  avait  été  faite  comme  une  défense  légère...- 
ti° péché  de  gourmandise...;  7°  péché  de  désobéissance...;  8°  péché, 
eu  s'excusant   au  lieu  d'avouer  humblement  sa  faute,,.,.  Voilà 


pèches. 


PÈCHE  MORTEL.  685 

l'origine  de  tous  les  maux  qui  inondent  l'univers  depuis  bientôt  six 
mille  ans 

La  volonté  est  tellement  essentielle  pour  faire  un  péché ,  que  si  elle    Le  péché  wt 

dans 

manque  ,  il  n'y  a  pas  de  pe'ché  ,  dit  saint  Augustin  :  Pcccatum  ita  m     ia  volonté. 
sua  essentia  incluait  voluntarium,  ut  si  hoc  desiû ,  desinat  esse  pecca. 
tum  (Lib.  I,  retract,  xv). 

Tout  est  dans  la  volonté,  le  bien  comme  le  mal.  Sans  volonté, 
point  de  péché  ni  de  vertu...;  sans  elle,  point  de  mérite,  point  de 
salut,  point  de  ciel. 

Que  la  volonté  propre  cesse ,  dit  saint  Bernard,  et  il  n'y  aura  plus 
d'enfer:  Cesset  voluntas  propria,  et  infernus  non  erit  (Serm.  de 
Resurrect.). 

Nous  repoussons  de  vous  les  hontes  secrètes ,  dit  saint  Paul  aux  En  lui-même, 
Corinthiens:  Abdicamus  occulta  dedecoris  (II.  rv.  2).  La  turpitude  esthonïbleet 
aime  les  ténèbres honteux. 

Ecoutez  Sénèque,  un  philosophe  païen  :  Quand  bien  même,  dit-il, 
je  saurais  que  les  hommes  l'ignoreront,  et  que  Dieu  me  le  pardon- 
nera ,  je  ne  voudrais  pas  commettre  le  mal,  et  cela  à  cause  de 
l'indignité  d'un  pareil  acte  :  Etiamsi  scirem  homines  ignoraturos ,  et 
Deum  ignosciturum,  tarnen  peccare  nollem  ob  peccati  turpitudinem  (In 
Prov.). 

Le  remède  du  péché  est  dans  le  péché  lui-même,  c'est-à-dire, 
dans  la  considération  de  sa  laideur,  de  la  tache  qu'il  imprime  à 
l'âme  et  de  ses  funestes  conséquences 

Le  péché  renferme  bien  des  hontes  et  bien  des  maux  :  il  les  com- 
prend tous;  cependant  il  en  est  cinq  qui  lui  sont  propres  :  1°  Il  est 
**>ntraire  à  la  droite  raison,  qu'il  déshonore.  2°  Chaque  péché  est 
opposé  à  telle  ou  telle  vertu  en  particulier  :  ainsi ,  l'orgueil  attaque 
i'humilité;  l'impureté,  la  pudeur  et  la  pureté,  etc.;  on  peut  même 
*iire  que  chaque  péché  attaque  toutes  les  vertus  à  la  fois.  Or,  les 

vertus  sont  le  bien  et  la  perfection  des  hommes  et  des  anges S'Dès 

ici-bas,  le  péché  appelle  sur  celui  qui  le  commet  une  foule  de  maax: 

par  exemple,  le  déshonneur,  les  maladies,  les  châtiments,  ete 

-4°  Il  est  une  offense  commise  contre  Dieu ,  le  souverain  mal  •  la 
divinité  qu'il  insulte  et  provoque.  Car ,  par  le  péché ,  l'homme  s'at- 
tache aux  créatures,  aux  plaisirs,  à  l'or,  etc.;  il  les  préfère  au 
Créateur,  et  place  interprétativement  en  elles  soi  bien  suprême; 
par  conséquent ,  il  nie  autant  qu'il  le  peut  la  souveraine  bonté  et 


686  PÉCHÉ   MORTEL. 

l'excellence  de  Dieu 5°  Le  péché  nous  prive  de  la  vie  éternelle 

Les  théologiens  prouvent  très -bien  que  l'acte  du  péché  pa^sé,  le 
péché  laisse  une  tache  dans  l'âme,  une  tache  hideuse  et  habituelle, 
qui  la  rend  infâme  et  abominable  aux  yeux  ue  Dieu..... 

Le  péché      II  y  a  plus  d'un  point  de  ressemble.  :ce  enî:-e  la  fièvre  du  corps  et  le 
est  une  lièvre,  pg^é ,  qui  est  la  fièvre  de  l'âme  :  1°  La  fièvre  aîluiblit  le  corps; 

le  péelié  affaiblit  l'âme 2°  La  fièvre  agite  le  sang  et  les  humeurs; 

le  péché  agite  les  pensées  et  les  affections 3"  On  connaît  la  fièvre 

par  le  dérèglement  du  pouls  ;  l'état  de  péché  se  décèle  par  ks 

préoccupations  et  les  sollicitudes  qui  s'emparent  de  l'homme 

4°  La  fièvre  occasionne  une  soif  ardente;  lame  pécheresse  est  brûlée 

par  les  désirs  de  la  concupiscence  et  par  le  feu  des  passions 

5°  La  fièvre  commence  par  des  frissons ,  et  finit  par  une  chaleur 
intense:  la  fièvre  de  l'âme  commence  par  la  tiédeur ,  la  négligence , 
la  paresse,  l'inertie;  viennent  ensuite  le   développement  et  les 

ardeurs  de  la  passion  :  orgueil,  luxure,  colère,  gourmandise  ,  etc 

uu  La  fièvre  déprave  le  goût  ;  le  péché  ôte  le  goût  de  la  prière  ,  de 

l'oraison ,  de  la  mortification ,  des  sacrements ,  etc 1°  La  fièvre 

enlève  à  l'homme  la  force  ,  la  beauté ,  la  raison,  etc.;  le  péché  pro- 
duit les  mêmes  effets 8°  La  fièvre  fait  cruellement  souffrir;  le 

péché  aussi 9°  Un  accès  de  fièvre  succède  à  un  autre  accès; 

l'âme  possédée  de  la  fièvre  du  péché  va  de  chute  en  chute 

:.   -ôohé      Le  péché  peut  être  comparé  à  la  paralysie.  En  ellet,  1°  la  paralysie 

1  ai'ïie       i,e  *e  corPsJ  si  l'on  Peut  s'exprimer  ainsi  ;  le  péché  enchaîne  1  âme 

2°  La  paralysie  empêche  tout  mouvement  des  nerfs  et  des  muscles  ; 

le  péché  met  obstacle  aux  mouvements  de  la  grâce  et  de  la  volonté 

3e  La  paralysie  est  la  suite  de  l'apoplexie;  l'immobilité  de  l'âme  dans 
le  mal  est  la  suite  de  la  chute  dans  le  péché,  que  l'on  peut  nommer 

l'apoplexie  de  l'âme 4°  Par  la  paralysie,  le  corps  devient  un  poids 

inerte;  par  le  péché,  l'âme  est  soumise  à  un  fardeau  qui  J'acca- 
ble  5°  La  paralysie  est  un  mal  presque  incurable;  souvent  aussi 

Létat  où  le  péché  réduit  lame  devient  comme  incurable  parla  mau- 
vaise volonté  du  pécheur,  par  son  obstination  à  ne  pas  se  corriger, 
et  par*  la  privation  des  grâces 

Le  péché      Le  péché  peut  encore  être  comparé  au  feu.  En  ellet,  i°  de  même 

est  un  feu.    qUe ]e  feu  juroit' certains  corps  el  blesse  ou  consunu    I  ces; 

ainsi  le  péché  blesse .  endurcit  et  consume  l'âme  :  le  AJéché  mortel 


ÈÉfflM  MrmTEi.  08*7 

ressemble  au  fer  rouge,  dont  le  seul  contact  brûle  profondément..**. 
2°  Le  feu  produit  des  flammes  :  le  péché  développe  les  flammes  des 
convoitises,  de  la  colère,  de  la  haine,  de  la  luxure ,  etc..  ;  il  allume 
le  feu  de  la  colère  et  de  la  vengeance  divines...;  il  a  donné  nais* 

sance  au  feu  de  l'enfer 

Voici,  s'écrie Tsaïe ,  voici  qu'ayant  allumé  le  feu  (du  péché)  vous 
êtes  entourés  de  flammes  ;  marchez  à  la  lueur  de  l'incendie  que  vous 
avez  produit,  au  milieu  des  flammes  que  vous  avez  fait  naître  :  Ecce 
vos  accendentes  ignem,  ac'cincti  ftammis;  ambulate  in  lumine  ignis  ve- 
stri,  et  in  flamrnis  quas  succendislis  (l.  xi). 

En  commettant  le  péché,  l'âme,  qui  était  et  devait  demeurer  l'épouse  Le  pèche 
de  J.  C,  le  rejette;  elle  cède  aux  suggestions  du  démon,  devient  aâultère. 
adultère  et  se  prostitue  au  mortel  ennemi  de  Dieu  et  des  hommes, 
adultère  lui-même  dès  le  commencement.  Quelle  abomination! 
■enlever  son  âme  à  J.  G.,  cette  âme  qu'il  a  rachetée  au  prix  de  tout 
son  =ang,  et  la  livrer  au  démon ,  la  promettre  à  l'enfer  !  quelle  fré- 
nésie !.-.. 

L'h< ""me  qui  vit  dans  le  j^ohé  mortel  abandonne  le  vrai  Dieu;  il  se       Le  "HO,c 

mortel  est  un-: 

choisit  une  autre  divinité  qu'il  adore.  Cette  divinité  c'est  lui-même ,       idolâtrie. 
c'est  sa  volonté  propre ,  ce  sont  les  créatures.  L'avare  adore  For  et 

l'argent;  l'impudique,  la  chair;  l'ivrogne,  le  vin,  etc Le  pécheur 

se  fait  l'esclave  des  passions  les  plus  viles  et  les  plus  dégradantes 

O  funeste  idolâtrie  !... 

Vous  avez  souillé  ma  terre,  dit  le  Seigneur  par  la  bouche  de  Jéré- 
mie ,  vous  ave~  changé  mon  héritage  en  un  lieu  d'abomination  : 
Contaminastis  ierram  meam  ,  et  hœreditatem  meam  posuistis  in  abomi- 
nât ionem  (n.  7).  Mon  peuple  a  échangé  contre  une  idole  ce  qui  faisait 
sa  gloire  :  Popidv.s  meus  mutavit  gloriam  suam  in  idolum  (  Id.  n.  14  ).  O 
deux,  soyez  dans  la  stupeur;  portes  du  ciel,  que  votre  désolation  soit 
profonde  !  Obstupescite  cœli  supjer  hoc,  et  portœ  ejus  desolamini  vehe- 
menter  (  Id.  n.  12  ).  Mon  peuple  a  fait  deux  maux  ;  il  m'a  abandonné, 
moi  la  source  d'eau  vive  ;  et  il  s'est  creusé  des  citernes ,  fosses  cre- 
vassées qui  ne  peuvent  contenir  l'eau  :  Duo  mata  fecit  populus  meus  : 
me  dereliquerunt  fontem  oquœ  vives,  et  foderunt  sibi  cisternas }  cistemas 
dissipatas,  quœ  continere,  non  valent  aquas  (Id.  il.  13). 

En  abandonnant  Dieu ,  source  de  vie,  tout  pécheur  cherche  des 

ses  et  corrompues.  En  effet,  dans  tout  péché  mortel ,  i. 

y  a  :  -*°  e. ornement  pour  Dieu  qui  est  le  bien  incréé  et  infini  ,  et 


688  PÉCHÉ  MORTEL. 

attachement  aux  biens  périssables  et  dégoûtants...;  2°  mépris  pour 
Dieu  et  amour  pour  les  créatures...;  3°  renoncement  ù  Dieu  en  tant  que 
fin  dernière,  et  substitution  des  créatures  au  Créateur  pour  être  notre 
terme  et  notre  souverain  bien.  N'est-ce  pas  là,  de  toutes  les  idolâtries, 
la  plus  insolente ,  la  plus  monstrueuse  et  la  plus  criminelle?... 

Israël  s'est  abaissé  jusqu'à  Baal,  et  il  est  mort,  dit  Osée:  Israël 
deliquit  in  Baal ,  et  mortuus  est  (  xm.  1  ). 

Le  pèche      j  E  péché  mortel  est  le  souverain  mal  de  Dieu,  de  l'ange,  de  l'homme, 

mortel  est  le  r  ii,p  •  .     '  j. 

mal  suprême   de  toutes  les  créatures  et  môme  de  1  enter  et  des  damnés ,  dit 

desanges"  des  Bellarmin;   car  un  nouveau  damné  augmente  la  souffrance  et  le 

hommes,  et  de  châtiment  de  ceux  qui  l'ont  précédé  dans  les  flammes  éternelles, 
toutes  -j  x- 

ies créatures,  l'un  affligeant  et  tourmentant  l'autre  (  In  PsaL). 

En  péchant  mortellement,  dit  saint  Anselme,  non -seulement 
nous  méritons  d'éprouver  la  colère  de  Dieu*,  mais  nous  insultons 
toutes  les  créatures,  et  nous  les  soulevons  contre  nous.  La  terre  peut 
dire  :  Loin  de  vous  nourrir,  je  devrais  vous  engloutir,  parce  que 
vous  me  souillez.  Nos  aliments  et  notre  breuvage  peuvent  dire  : 
Loin  de  vous  faire  vivre,  nous  devrions  vous  servir  de  poison;  car 
vous  nous  profanez  en  péchant  contre  celui  qui  nourrit  les  oiseaux 
du  ciel.  Le  soleil  peut  dire  :  Je  ne  dois  pas  vous  éclairer  pour  faire 
votre  bonheur ,  mais  plutôt  pour  appeler  sur  vous  la  vengeance  de 
mon  Dieu,  qui  est  la  lumière  des  lumières,  et  le  forcer  de  vous 
punir  (  Lib.  de  Similit.,  c.  ci  ). 

Aussi  l'Ecriture  assure  qu'au  grand  jour  des  vengeances  tout 
l'univers  combattra  avec  Dieu  contre  les  pécheurs  insensés  :  Pugna- 
bit  cum  Mo  orbis  terrarum  contra  insematos  (Sap.  v.  21  ). 

Le  Tiérhé  Les  pécheurs  s'éloignent  de  Dieu  et  Dieu  s'éloigne  d'eux.  Seigneur, 
md!CDicu°ne  ait  le  Psalmiste  ,  voilà  que  tous  ceux  qui  s'éloignent  de  vous  péri- 
ront; vous  avez  conduit  à  leur  perte  tous  ceux  qui  vous  sont  adul- 
tères :  Ecce  qui  elongant  se  a  te ,  peribunt ;  perdidisti  omnes  qui 
fomicantur  abs  te  (lxxu.  27).  Votre  main  les  a  retranchés,  comme 
ces  blessés  de  la  mort  qui  dorment  dans  le  sépulcre  et  que  vous  avez 
effacés  de  votre  souvenir  :  Sicut  vidnerati  dormientes  in  sepulcris , 
quorum  non  es  memor  amplita  :  et  ipsi  de  manu  tua  rcpulsi  sunt 
(lxxxvii.  5). 

Demeura- sions- nous  impunis,  pécher  serait  subir  un  rran  1 
supplice  ,  dit  saint  Chrysostome;  car  le  péché  nous  sépare  de  Dieu. 
Celui  qui  pèche  est  le  plus  malheureux  des  hommes:  il  esc  d'autant 


PÉCHÉ   MORTEL.  689 

plus  malheureux  qu'il  est  moins  puni  et  qu'il  a  moins  à  souf- 
frir (I). 

&  nous  ne  péchons  pas,  Seigneur,  dit  la  Sagesse,  nous  savons  que 
nous  sommes  près  de  vous  :  Si  non  peccaverimus,  scimus  quoniam 
apud  te  sumus  computati  (xv.  2)  ;  mais  si  nous  péchons,  nous  nous 
éloignons  de  vous 

Vos  crimes  ont  établi  une  barrière  entre  Dieu  et  vous,  dit  Isaïe  ; 
vos  péchés  vous  ont  voilé  sa  face,  et  vous  empêchent  d'être  exaucés  : 
Iniquitates  veslrœ  diviserunt  inter  vos  et  Deum  vestrum;  et  peccata 
vestra  aùsconderunt  faciem  ejus  a  vobis  ne  exaudiret  (nx.  2). 

Vous  nous  avez  rejetés  et  repoussés  ,  Seigneur,  dit  Jérémie,  votre 
colère  s'est  allumée  contre  nous  d'une  manière  terrible  :  Projiciens 
repulisti  nos.  iratus  es  contra  nos  vehementer  (Lament.  v.  22). 

Comme  la  lumière  est  en  opposition  avec  les  ténèbres,  la  beauté 
avec  la  laideur,  la  pureté  avec  les  souillures,  la  vérité  avec  le  men- 
e  ,  la  sincérité  avec  la  fourberie  ,  la  vie  avec  la  mort,  la  bonté 
avec  la  méchanceté  ;  ainsi  la  sainteté  est  en  opposition  avec  le 
péché ,  et  la  sainteté  par  essence  ,  Dieu ,  l'a  en  horreur.  Aimant  la 
sainteté  d'un  amour  infini ,  il  déteste  aussi  d'une  haine  infinie  le 
péché  mortel.. «f 

Lé  caractère  de  la  révolte  du  pécheur  ressort  des  paroles  suivantes      Le 

de  Jérémie  :  Voici  ce  que  dit  le  Seigneur  :  Arrêtez- vous  sur  lesche-  mortel  est  une 

1  grave 

mins ,  et  voyez ,  et  interrogez  les  anciens  sentiers  pour  connaître  la    désobéissance 
bonne  voie,  et  marchez-y;  et  vous  trouverez  le  repos  pour  vos  âmes. 
Mais  ils  m'ont  répondu  :  Nous  n'y  marcherons  point.  Et  j'ai  établi 
au-dessus  de  vous  des  sentinelles,  et  je  vous  ai  dit  :  Ecoutez  le  bruit 
de  la  trompette.  Et  ils  ont  répondu  :  Nous  ne  l'écouterons  point  (2). 

Dès  le  commencement ,  dit  encore  le  Seigneur ,  vous  avez  brisé 
mon  joug,  vous  avez  rompu  mes  liens,  et  vous  avez  dit  :  Je  ne 
servirai  pas  :  A  seculo  confregistijugum  meum,  rupisti  vincula  mea,  et 
dixisti  :  Non  serviam  (Jerem.  h.  20). 

La  loi  vous  défend  telle  ou  telle  infraction,  et  vous  dites  :  Je  veux 


(1)  Magnum  supplicium  est  peccare  ,  etiamsi  non  puniamur  :  peccata  enim  nos  a 
Deo  séparant.  Peccans  omnium  est  miserrimus;  et  tune  maxime  miser,  cum  non 
punitur,  el  grave  nihil  patilur  (Homil.  ad  pop.). 

(-2)  Hu>c  dicit  Dominus  :  State  super  vias,  et  videtc  ,  el  interrojate  de  semitis  anli- 
quis.  quer  sit  via  bona,  et  ambulate  in  ea  ;  et  invenietis  refrigerium  animabus  vestris. 
:  Non  ambulabimus.  Et  constitui  super  vos  spcculatvres.  Audile  vocem 
tubce.  lit  duôvunt  :  Non  audiemus  (,vi.  16.  17  j. 
III.  44 


pecue 


à  Dieu. 


600  KÊtHÉ  MORTEL. 

la  commettre...;  elle  vous  ordonne  tel  ou  tel  acte,  et  vous  dites  : 
Je  ne  le  ferai  pas  :  Non  serviam.  yotre  Créateur  vous  adresse  celte 
invitation  :  Marchez  dans  la  voie  de  mes  commandements;  vous 
répliquez  :  Nous  n'y  marcherons  point  :  Non  ètmbhlabimtè.  Il  ajoute: 
Ecoutez  ma  voix  ;  vous  persistez  et  vous  laites  entendre  ces  tact 
Nous  ne  i'écouterons  point  :  Non  audiemus. 

Y  ici  les  préceptes  que  le  Seigneur  a  donnés  à  l'homme  :  Un  Seul 
Dieu  tu  adoreras  et  aideras  parfaitement.  Le  pécheur  obstiné  répond  : 
Je  ne  veux  ni  redorer  ni  l'aimer  :  Ne  i:  —  Dieu  en  vain  tu  ne 

jureras.  —  Il  ihe  plaît  de  le  blasphémer  :  Non  serviam.  —  Les  diman- 
ches tu  garderas.  —  Ma  liberté  serait  entravée  par  l'assistance  à  la 
messe  et  air:  offices  :  Non  serviam.  — Tes  pères  et  mères  h  moreras; 
tu  leur  obéiras,  tu  les  secourras.  —  Je  ne  suis  plus  à  là  li 
pour  me  laisser  conduire  sans  résistance.  Ma  raison  a 
mon  avenir  aussi.  Qu'ils  s'arrangent;  chacun  pour  soi.  Non  sert 

—  Pères  et  mères,  vous  élèverez  vos  enfants  dans  la  crainte  du  Sei- 
gneur; a  ous  les  surveillerez,  vous  les  corrigerez,  vous  le  ■/.. — 
Ce  serait  trop  de  gêne.  Que  deviendraient  nos  affaires  et  nos  plaisirs  ? 
Des  étrangers  bien  payés  en  auront  soin  :  Non  sWvfàm.  —  Ilomi 
point  ne  seras.  Tu  respecteras  le  corps  et  surtout  l'ame  de  ton  pro- 
chain. Pas  de  scandales,  pas  de  haine  ni  de  désirs  de  vengeance.  — 
Tant  pis  pour  ceux  qui  se  scandalisent;  et  quant  à  la  vengeance,  i 

le  plus  doux  des  plaisirs  :  Non  serviam.  —  Luxurieux  point  ne  seras. 

—  La  passion  est  plus  forte  que  moi.  Etre  chaste  est  au-dessus  des 
forces  de  la  nature  :  Non  serviam.  —  Respecte  ce  qui  ne  t'apparti<  nt 
pas.  —  Chacun  poursuit  le  gain  à  tout  prix.  La  vie  est  une  guerre 
pu  les  scrupuleux  seuls  ont  tort  :  Non  serviam,  etc. 

Pécheurs,  J.  C.  veut  régner  sur  vous  par  sa  loi,  par  sa  grâce  et  par 
gloire;  mais  semblables  aux  Juifs  maudits,  vous  réponde:  :  Nous 
:ie  voulons  pas  que  celui-ci  règne  sur  nous  :  Noluuius  hune  t\gnare 
super  nos  (Luc.  xix.  1  \). 


Le  pécheur     Par  le  péché  mortel,  l'homme  déchire  Ta  1  >i,  -don  l'expression  d'un 
.ic'iiièu.101   Prophète  :  Lacerata  est  lex  (Habac.  i.  4).  Il  la  méconnaît,  la  méprise 
la  foule  aux  pieds  et  la  tourne  en  dérision;  il  ^e  rit  des  menaces 
et  des  promesses  de  Dieu 

Le  péché 

i  est  du  Toutes  les  fo'.s  que  nous  commettons  un  péché,  ou  de  pensée  ,  ou 
me  i  is  pour      ,  ,  ,.     ,.  ...      ,, .  .  l 

Dieu.        de  parole,  ou  d  action,  dit  saint  Augustin,,  nous  détruisons  le 


PÉrffÉ   MORTEL.  C9I 

temple  de  Dieu,  et  nous  faisons  une  injure  à  celui  qui  habite  en 
nous(l). 

Par  la  préférence  qu'il  donne  aux  créatures,  le  pécheur  témoigne 
à  Dieu  un  mépris  souverain  et  renouvelle  le  crime  dont  les  Juifs  se 
sont  rendus  coupables  en  préférant  Barrabas  à  J.  C.  :  Non  hnnc,  sed 
Barrabam  (Joaan.  xviii.  40).  Préférer  le  mal  au  bien  ,  le  vice  à  la 
vertu,  la  terre  au  ciel,  une  sale  volupté  aux  pures  délices  de  la  grâce, 
le  néant  à  Dieu,  se  peut-il  égarement  et  insulte  plus  gratis! 

Dieu,  par  la  bouche  d'isaïe ,  se  plaint  amèrement  d'une  telle  con- 
duite :  A  qui  m  "avez-vous  comparé,  dit-il,  à  qui  mavez-vous  égalé? 
Oui  aasimilaalis  me  et  adœquastis,  dicit  sanctus?  (xi.  23.) 

Malheur,  dit-il  encore,  malheur  à  vous  qui  me  méprisez  !  Ne  serez- 
vous  pas  méprisés  ù  votre  tour?  Vœ  qui  spernis,  nonne  et  ipse  sperneris  'S 
(Isai.  xxxiu.  I.) 

Cieux,  écoutez;  terre,  prêtez  l'oreille,  s'écrie  le  même  prophète; 
le  Seigneur  a  parlé  :  J'ai  nourri  des  enfants,  je  les  ai  élevés;  et  ils 
m  ont  méprisé.  Le  taureau  connaît  son  maître;  l'âne,  son  étable  : 
Israël  m'a  méconnu  (2). 

Celui  qui  me  méprise,  a  qui  le  jugera,  dit  J.  C.  :  Qui  spernitme, 
habet  qui  judicet  eum  ( Joann.  xn.  48.) 

Dieïï  est  notre  créateur,  notre  rédempteur,  notre  providence,  notre      Le  p^!  e 
père;  il  nous  comble  de  biens  temporels  et  spirituels...;  il  nous    noire hîgra- 
promet  une  gloire  et  un  bonheur  qui  ne  finiront  point.  Mais,  loin    *»*u^^vers 
de  se  montrer  reconnaissant,  le  pécheur  lui  témoigne  la  plus  noue 
ingratitude...;  il  se  sert  des  dons  de  Dieu  pour  l'outrager 

C  e  n'est  pas  seulement  à  la  loi  de  Dieu  que  le  pécheur  s'attaque;  il      Le  pédie 

j  ,  ,         i  ,   r*-        i    •  -i  i   •         -i  x       î    mortel  attaque 

déclare  la  guerre  a  Dieu  lui-même...;  il  aiguise  son  glaive,  il  tend         :    .. 

:rc,  il  lance  ses  flèches  contre  le  Tout-Puissant directéœeni; 

Insensé!  criminel  soldat  de  Satan!  ton  chef  voulut  aussi  lutter 

contre  Dieu.  Quel  fut  son  sort?  Vaincu,  renversé,  maudit,  il  lui    i  ;- 

cipité  pour  jamais  au  plus  profond  de  l'enfer.  Oh!  n'imitez  pas  le 

démon,  si  vous  voulez  éviter  sou  irrémédiable  malheur 


(1)  Quoties  aliquod  peccutum,  ant  cogitando ,  aut  loquendo,  aut  opérande  perfi- 
citnus.  templura  Dei  destruimus,  et  ei  qui  in  nobis  habitat  injurias  irrogamus  (Lib.  I 
. 

Audi  te  cttli ,  et  auribus  percipe  terra;  quoniam  Dominiis  locutns  est  :  Filio8 
eDuliivi,  et  exaltavi;  ipsi  autem  sprevAunt  me.  Cognovit  bps  possessorejn,  suuni,  et 
Aaïuus  prgesepe  domini  sur  Israël  auîem  me  iioû  cojjnovit  il,  %  3J. 


602  PÉcnÉ  MORTEL. 

morUAfet-     ^jE  V^hé  mortel  est  une  sorte  de  déicide.  Si  Dieu  pouvait  être  mis 

for»  ■  d'anêan-  à  mort,  il  le  serait  par  le  trait  empoisonné  du  péché Le  pèche,  r 

lir  Dieu 

tue  Dieu,  au  moins  de  désir,  dit  saint  Cbrysostôme  :  Peccator,  quan- 
tum ad  vohmfutem  suam,  Deum  perimit  Homil.  ad  pop.).  Le  péché 
mortel  est  l'annihilation  de  Dieu,  dit  saint  Thomas:  Pcccatum  est 
annihilatio  Dei  (De  Peccat.). 

Répétons-le,  si  la  puissance  du  pécheur  répondait  à  sa  vol  nté 

perverse,  il  détruirait  Dieu Mais,  ne  pouvant  l'anéantir  ni  dans 

son  essence,  ni  dans  le  ciel,  ni  dans  ses  œuvres,  il  l'anéantit  du 
moins  dans  son  propre  cœur.  Et  l'homme  qui  agit  ainsi  ne  suppor- 
terait Dieu  nulle  part S'il  avait  sur  lui  quelque  pouvoir,  il  sou- 
haiterait qu'il  n'y  eût  pas  de  Dieu,  parce  qu'il  voudrait  qu'il  n'y  eût 
ni  loi  pour  le  forcer  à  obéir,  ni  justice  pour  le  punir;  or,  ce  désir 
emporte  avec  lui  le  désir  de  Panéantisse::ient  de  lieu 

Quand  le  Fils  de  Dieu  est  venu  sur  la  terre,  ne  l'a-t-on  pas  cruci- 
fié ?...  S'il  d^scen  lait  une  seconde  l'ois  parmi  nous ,  les  péch  lui 
feraient  subir  de  nouveau  toutes  les  douleurs  de  la  passion;  et  si 
J.  C.  pouvait  encore  souffrir,  le  péché  mortel  lui  donnerait  la 
mort 

Malheureux  pécheurs,  y  pensez-vous?...  Depuis  que  vous  êtes  en 
état  de  péché  mortel,  votre  cœur  est  un  trihel  où  vous  immolez 
votre  Sauveur;  et,  toutes  les  fois  que  vous  péchez,  vous  crucifiez  de 
nouveau  le  I  u  au  dedans  de  vous,  comme  le  dit  saint  Paul  : 

Rw  u., n  crucifigentes  siùimetipsis  Filium  Dei  (Hebivvi.  G.). 

i ,  le  péché  mortel  a  été  la  véritable  et  unique  cause  de  la  mort 
de  J.  C.  Reconnaissez,  ô  pécheurs,  combien  sont  graves  les  blessures 
du  péché,  puisque  pour  les  guérir,  J.  C,  couvert  de  blessures,  a 
versé  tout  son  sang  !  Si  la  plaie  que  le  péché  i'a'ù  à  l'âme  n'était  pas 
mortelle,  et  mortelle  pour  i  éternité,  jamais  le  Fils  ùe  Dieu  ne  serait 
mort  pour  la  fermer. 

0  li'imine ,  s'écrie  saint  Augustin,  reconnais  ce  que  tu  vaux  et  oh 
que  tu  dois.  En  considérant  la  grai 

'on,  apprends  à  craindre  et  à  fuir  le  péché.  Voici 
l"im  est  battue  de  verges;  pour  l'insensé,  la  Sagesse  est 

-:on;  pour  le  menteur,  la  Vérité  est  immolée;  pour 
Lee  .  La  Justice  est  condamnée;  pour  Pin 

corde  est  frappée;  pour  le  .  la  Pureté  est  abrem  ée  de  \ 

;;re  et  la  Doue  w  ei  fiel;  l'Innocence  prend  la  place  du 

iable  cri:,  i  i    meurt  pour  ressusciter  celui 

mort  {De  Pabsio/ie). 


PÉCHÉ  MORTEL.  693 

La  malice  d'un  seul  péché  mcrtel  est  si  grande,  c'est  un  tel  outrage  De  sa  nadjre», 
envers  la  Majesté  infinie,  que  toutes  les  prières,  les  humiliations,  mortel"  est 
les  austérités,  les  loua ---ps,  les  adorations  des  saints  et  des  anges  incurable, 
seraient  impuissantes  à  expier  un  seul  péché  mortel.  Tout  ce  qu'ils 
feraient  de  grand  et  d'admirable  ne  pourrait  compenser  ce  qu'un 
seul  péché  mortel  a  d'abominable.  De  sa  nature,  le  péché  mortel  est 
u:i  mal  irréparable.  Un  exemple  nous  le  fera  comprendre  :  Lorsque 
Nabuchodonosor  fit  jeter  dans  la  fournaise  ardente  les  trois  jeunes 
Hébreux,  il  les  brûla  autant  qu'il  était  en  lui ,  bien  que  Dieu  les  ait 
sauvés.  Ainsi,  lorsque  nous  commettons  un  péché  mortel,  nous 
donnons  la  mort  à  notre  àme;  et  quoique  Dieu  puisse  nous  res- 
susciter, nous  assurons  néanmoins,  autant  qu'il  est  en  nous,  les 
effets  du  péché  que  nous  avons  commis  et  notre  damnation  éter- 
nelle ;  en  un  mot,  nous  éteignons  la  vie  jusqu'à  Ja  dernière  étincelle. 
Il  faut  considérer  ce  que  produit  le  péché,  et  non  ce  que  peut  la 
toute-puissance  du  Seigneur.  Celui  qui  renonce  une  fois  à  Dieu,  y 
renonce  pour  toujours  ;  parce  qu'il  est  de  la  nature  du  péché  de 
rendre  éternelle,  autant  qu'il  le  peut,  notre  séparation  d'avec  Dieu.' 
Etant  tombé  dans  le  péché  mortel,  l'homme  n'avait  à  attendre  ni  de 
lui-même  ni  des  anges  aucun  remède  qui  put  le  replacer  dans  l'état 
d'innocence  et  lui  rendre  les  biens  qu'il  avait  perdus.  Alors,  dans  sa 
miséricorde,  le  Fils  de  Dieu,  la  sagesse  incréée,  par  qui  tout  a  été 
fait,  a  pris  une  résolution  merveilleuse,  ineffable,  incompréhensible 
aux  anges  et  aux  hommes;  il  s'est  uni  à  notre  nature  et,  en  elle  et 
par  elle ,  il  a  réparé  le  genre  humain,  qui  était  dégradé  tout  entier. 

Nul  homme  ne  souhaite  voir  ia  fin  de  son  bonheur;  or,  le  pécheur    Le  Pécheu< 

met  son  bonheur  dans  le  péché Tut^eT 

S'ils  le  pouvaient,  les  pécheurs,  dit  saint  Grégoire ,  voudraient  afin  de  pécher 

.  r.,,-  ^i_  i.  .   n         .        toujours. 

toujours  M\re,  afin  de  toujours  pécher,  lis  montrent  qu>  telle  est 
leur  disposition,  en  ne  cessant  de  pécher  qu'autant  qu'ils  cessent  de 
vivre.  Qu'ils  ne  disent  dune  plus  :  Pourquoi  un  enfer  éternel  ?  Il 
appartient,  ajoute  le  même  Père,  il  appartient  à  la  justice  du  Juge 
suprême  de  ne  jamais  mettre  fin  au  supplice  de  ceux  qui,  en  cette 
vie,  n'ont  jamais  voulu  être  sans  péché  (1). 


(1)  Voluissent,  si  potuissent,  sine  fine  vivere,  ut  potuissent  sin«.  fine  peccare, 
Ostendunt  euim  quia  in  peccato  semp&j  vivere  cupiunt,  qui  nunquam  desinunt  pec- 

care  duin   vivunt Ad  œagnam  ergo  justitiain  judicantis  pertinct,  ut  nunquam 

careant  supplicio ,  qui  in  hac  vita nunquam  voluerunt  çârere  peccalo  {De  Partit, , 
eau.  lx)- 


H10!'1 

i 
HUC    l'cUicl' 


604  PÉCHÉ  MORTEL. 

m?,pMC!!ft.     Êi™^  au  véritable  point  de  vue ,  le  péché  est  pire  fpiP  fa  mort ,  que 
la  réprobation  et  que  l'enfer,  parce  que  le  péché  est  en  lui-même 

une  tache ,  un  mal  ;  tandis  que  la  mort ,  la  réprobation  et  l'enfer  ne 
sont  que  la  peina  du  péché.  L'enfer  n'est  pas  un  mal.  il  en  est  le 
juste  châtiaient  :  ce  qui  est  un  niai,  c'est  ce  qui  conduit  en  enfer, 

c'est-à-dire  le  péché 

Si,  dit  saint  Anselme,  si  je  voyais  d'un  côté  le  péché  mortel,  et 
de  l'autre  l'enfer,  et  que  je  fusse  dans  la  nécessité  de  choisir  l'un 
de?  deux,  j'aimerais  mieux  me  jeter  dans  l'enfer  que  de  commettre 
le  péché  (1). 

Le  péché      Mo:sT  fils,  dit  l'Ecclésiastique,  l'uvez  devant  le  péché  comme  à  l'as- 

morlfl  com-  ,  .  ..... 

paré  au  pect  du  serpent;  car  si  vous  ypus  en  approchez,  n  vous  saisira. 
5  rPïi'ouCt  a'1  ^es  dents  sont  les  dents  du  lion;  elles  tuent  les  âmes  :  Fili ,  q\  <  j 
a  focie  colubri  f\ge  peccata  :  et  si  accesseris  ad  Ma,  suscipient  te.  Ventes 
leords,  dentés  ejus.  inter/icientes  animas  hominum  (xxi.  1-3).  Le  Saint- 
Esprit  compare  le  péché  au  serpent  armé  de  vmin,  et  dont  les 
atteintes  sont  cichées  et  mortelles.  Il  compare  ses  effets  à  ceux  que 
produisent  les  dents  du  li  >n  qui  déchirent  et  qui  broient,  ne  laissant 
rien  subsister  de  la  victime  qu'elles  ont  saisi 

Lorsqu'on  présenta  au  vieux  patriarche  Jacob  la  robe  ensan- 
gtanti't!  de  son  fi!.-;  Joseph;  il  s'écria  :  Une  bête  cruelle  l'a  d£i 
une  bête  a  dévoré  Joseph  :  Fera  pessima  comsditeum;  ùestia  dccurublt 
Jusc/j/i  |  Oep.  xxxvu.  38  ).  Voilà  ce  que  fait  le  péché  mortel 

Le  sanglier  de  la  font  a  déraciné  votre  vigne,  Seigneur,  dit  le 
Psalmiste,  une  bêle  sauvage  l'a  ravagée  :  Exterminavit  eam  aper  de 
us  depastus  est  eam  (  lxxix.  14). 

Tout  ce  tableau  est  une  allusion  à  l'état  ou  se  trouve  l'unie  livrés 
an  péché  mortel 

Ils                -.terminés  par  la  multitude  des  animaux  féroces,  dit  la 
Bagi                                     liestiarum  exten                     .  vi.  1).  Autant 
de;                irtels ,  d'habitudes  coupables,  de              (  tyranniquea, 
;  animaux  léroces  qui  fondent  sur  l'âme  et  la  déchirent 

ché      Toute  iniquité  est  un  glaive  à  deux  tranchants  ;  ses  blessures  sont 
'  '"    incurabli    .     il  l'Ecriture  :  Quasi  romphœa  bis  acuta  omnis  iniguitas: 

■  n  un  /a  f 

B'«       '    ■ ;-  l  iU  sanùM  (El  ■;!..  ixj  4  ). 

uaiuation. 

(1  Si  liinr  inforni  nrf'orom,  ind"  pt»rnfi  hnrron-rrt  cernerem ,  «c  nei^jsano  .il'cr- 
ir .  imi  milii  r!  j       dimi  insilire ,  quain  peccatum  com- 

1  /.  ,  c.  c\c  J. 


PÉCHÉ  MORTEL.  695 

Le  Saint-Esprit  a  co.n  paré  le  péché  au  serpent,  au  lion,  au  san- 
glier ;  maintenant  il  le  compare  au  glaive  à  deux  tranchants. 

Apprenez  de  là  combien  le  péché  mortel  est  grave  et  funeste; 
car  il  nuit  infiniment  plus  à  lame  que  le  serpent,  le  lion  et  le 
glaive  ne  nuisent  au  corps,  et  que  le  sanglier  ne  nuit  aux  vignes 
et  aux  terres  cultivées.  Le  péché  mortel  tue  l'âme  pour  jamais,  et 
même  quelquefois  le  corps 

Lorsqu'elle  pèche  mortellement,  l'âme  compagne  des  saints  et  des     *ie["^éis 

anges  et  épouse  de  J.  C.  descend  des  hauteurs  du  ciel ,  et  se  préci-    plus  terrible 

•  n     ,  »  ,1  -i         de  tontes  les 

pitant  dans  un  cloaque,  elle  vit  parmi  les  betes  impures  et  les  reptiles       chutes. 

venimeux;  elle  se  vautre  dans  la  fange  et  s'en  nourrit.  Ai;  contraire, 
l'âme  exempte  de  péché  mortel  est  un  ciel  dont  l'intelligence  est  le 
soleil;  la  foi  et  la  continence,  la  lune;  et  les  autres  vertus,  les 
étoiles.  Toutes  les  vertus  brillent  au  milieu  des  adversités  de  ce  siè- 
cle, comme  les  astres  au  firmament  durant  la  nuit,  dit  saint  Ber- 
nard (Serm.  in  Psal.  ). 

Le  pécheur  se  blesse  lui-même,  dit  saint  Chrysostome  :  Nemo  lœdi-     Le  péchei., 

1  est  à  lui-mêmù 

tur  nisi  a  mpso  (  Homil.  ad  pop.  ).  son  plus 

Le  péché  est  le  mal  suprême  de  la  nature ,  de  l'homme  et  de  la  cruel  enne,T" 
société.  Ni  l'homme,  ni  le  démon,  ni  Dieu  lui-même,  ne  peuvent 
faire  autant  de  mal  à  un  homme  qu'il  ne  s'en  fait  lorsqu'il  commet 
un  péché  mortel 

Dieu ,  dit  saint  Augustin,  imposa  aux  péchés  une  loi  telle  que  ce 
qui  a  fait  le  plaisir  du  pécheur  devienne  entre  les  mains  du  Sei- 
gneur un  instrument  de  punition  :  Deus  ipsa  peccata  sic  ordinat ,  ut 
quœ  fuerunt  delectamenta  homini  peccanti  3  sint  instrumerta  Domino 
punienti  (  Lib.  Confess.  ). 

Chacun  est  tourmenté  par  où  il  a  péché,  dit  la  Sagesse  :  Per  quœ 
çeccai  quis ,  per  hœc  et  torqvelur  (  xi.  17  ).  Chaque  vice  porte  avec  In! 

une  peine  qui  lui  est  propre Vous  l'avez  ordonné,  Seigneur,  i 

il  en  -  dit  saint  Augustin ,  tout  esprit  déréglé  est  à  lui-même 

son  châtiment  :  Jussisti,  Domine,   et  ita  est,  ut  siùipœnasit  omnis 
inon  nfess.  ). 

Du  principe  du  péché  dérive  le  supplice  qui  l'attend,  dit  saint 
Qyy,  n  le  est  fonspeccati ,  Mine  est  plago  mpplicii  (  Homil. 

ad  pop.    . 

Lec  nous  abusons  par  le  péc.  «.  jgent  d'ordinaire 


696  PÉCHÉ  MORTEL. 

en  verges  pour  le  pécheur ,  dit  l'abbé  Rupert  :  Plerumque  ea  m  qui- 
bus peccamus ,  fiunt  flagella  peccantium  (De  Peccat.  ). 

Us  ont  été  persécutés  par  leurs  propres  œuvres,  dit  la  Sagesse 
Persecutionem  passi  ab  ipsis  factis  suis  (  XI.  21  ). 

Celui  qui  commet  un  péché  mortel,  dit  saint  Paulin  de  Noie ,  fait 
de  sa  vie  une  sorte  de  moulin  où  il  moud  le  grain  de  l'ennemi,  afin 
de  nourrir  le  démon  dont  son  âme  affamée  devient  le  pain  délicieux  : 
Qui  peccatum  operatur,  de  mola  vitœ  suœ  hostile  trUicum  molit,  utdia- 
bolum  pascat ,  cui  panis  fit  anima,  quœ  sibi  famés  est  (Epist.  ix.) 

Ceux  qui  s'abandonnent  au  péché  et  à  l'iniquité  sont  les  ennemis 
de  leur  âme ,  dit  Tobie  :  Qui  faciunt  peccatum  et  iniquitatem ,  hostes 
sunt  anima  sua  (xn.  10). 

Les  iniquités  de  l'impie  sont  un  filet  tendu  sous  ses  pas,  disent  les 

Proverbes,  ses  péchés  sont  des  cordes  qui  le  lient  :  Iniquitates  suœ 

capiunt  impium,  et  funibus  peccat orum  suorum  constringiiur  (v.  22). 

Lorsqu'on  vit  dans  le  péché,  la  vie  pleine  de  noblesse  de  la  veitu, 

qui  est  la  vie  véritable,  disparait.  L'espèce  de  vie  qui  reste  n'est 

qu'une  mort  qui  a  les  apparences  delà  vie 

Le  pécheur  porte  constamment  le  pesant  fardeau  de  son  péché* 

c'est  le  joug  le  plus  redoutable  et  le  plus  accablant 

Le  pécheur,  dit  saint  Grégoire  ,  perd  la  vie  heureuse  soit  par  le 
vice,  soit  par  les  peines  attachées  au  vice  :  Peccator  ,  béate  vvscre, 
sive per  vitium,  sive  per  supplkium  ,  perdit  (Lib.  Moral.). 

Le  péché ,  dit  saint  Jean  Damascène,  est  la  mort  de  l'âme  immov 
telle  :  Peccatum  est  immort  al  is  animœmors  (Surius,  in  ejus  vita). 
Tout  pécheur  qui  s'abandonne  aux  passions  vaines  et  brutales.' 

devient  vain  et  semblable  aux  brutes 

Le  péché,  dit  saint  Thomas,  est  appelé  vanité ,  parce  que  :  1»  le 
choisir,  c'est  faire  choix  d'un  bien  fantastique;  2°  lui  demander  la 
durée,  c'est  la  demander  à  quelque  chose  d'esscnt:ellenient  transi- 
toire...; 3°  en  attendre  quelque  heureux  résultat,  c'est  courir  à  une 
déception;  4°  s'attachera  lui  est  infructueux;  de  telle  sorte  que  le 
pécheur  peut  s'appliquer  ces  paroles  d'Isaïe  :  J'ai  trava  lié  en  vai  i 
et  sans  cause;  j'ai  usé  mes  forces  pour  atteindre  un  but  qui  m'a 
trompé  (1). 
Les  paroles  suivantes  de  Jérémie  ne  conviennent  pas  moins    ien 

(1)  Peccatum  dicitur  vanitas,  î°quia  yiharit  n  firum  est  in  eligendo;  2°  quia  tmn- 
sitorium  est  in  permanendo;  :,"  quia  "allai  esl  in  exspectando  ;  i°  quia  infrueti  ut 
est  in  consequeodo;  ut  recte  usurpent  illud  Isai«  (  m.ix.  ■'>  )  :  In  vacuum  laboi*vif 
sinecau>>>  .rtitudinem  mcaai  coosumpsi  [De 


PÉCHÉ  MORTEL.  697 

dans  la  bouche  de  quiconque  commet  l'iniquité  :  Le  péché  nous 
a  conduit  à  travers  le  désert,  à  travers  une  terre  inhabitable  et  pans 
chemin;  terre  où  la  soif  attend  le  voyageur,  et  qui  est  l'image  de  la 
mort;  terre  que  l'homme  courageux  n'a  pas  foulée  aux  pieds,  et  sur 
la  [Tielle  il  n'a  jamais  dressé  sa  tente  :  Traduxit  nos  per  désertion,  per 
terram  inhabitabilem  et  inviam,  per  terram  sitis ,  et  imaginern-mortis, 
per  terram  in  qua  non  ambulavit  vir,  neqve  hahitavit  homo  (ir.  6). 

Le  pécheur  qui  abandonne  Dieu  et  qui  met  son  espoir  dans  l'homme 
et  dans  le  péché  1°  verra  échouer  toutes  ses  espérances  de  bien-être; 
ne  produira  aucun  fruit...;  3°  il  sera  privé  de  la  céleste  rosée 
do  la  grâce  et  de  la  sagesse...;  4°  il  demeurera  abandonné  de  Lieu 
et  des  hommes...;  5°  il  sera  exposé  en  vente  comme  un  esclave  et 
acheté  par  les  démons  et  par  les  passions  tyranniques. 

Le  pécheur,  dit  ailleurs  Jérémie,  aura  le  sort  de  la  bruyère  du 
désert;  il  no  verra  pas  venir  de  rafraîchissement,  mais  il  demeurera 
au  milieu  de  l'aridité  du  désert ,  dans  une  terre  couverte  de  sel  et 
inhabitable  :  Erit  quasi  myricœ  in  deserto,  et  non  videbit  cum  venerit 
bonum;  sed  habitabit  in  siccitate  in  deserto,  in  terra  salsuginis  et 
inhabit abile  (xvit.  6).  Remarquez  les  trois  effets  du  péché  qu'in- 
dique le  prophète  :  lo  le  désert,  c'est-à  dire  l'éloignementdu  secours 
et  de  la  société  de  Dieu  ,  des  anges  et  des  saints;  2<>  la  sécheresse, 
c'est-à-dire  le  manque  de  grâces,  de  vertu  et  de  force;  3°  la  stéri- 
lité :  le  pécheur  ne  produit  pas  de  bonnes  œuvres 

Jérusalem,  dit  encore  le  même  prophète,  Jérusalem  s'est  enfon- 
cée dans  son  péché,  aussi  est-elle  devenue  la  proie  de  l'instabilité; 
tous  ceux  qui  la  glorifiaient  l'ont  méprisée,  parce  qu'ils  ont  vu  son 
ignominie  :  Peccatum  pcccavit  Jérusalem ,  propterea  instabilis  facta 
est  :  omnes  qui  glorificabant  eam,  spreverunt  illam,  quia  viderunt  igno- 
vniniam  ejus  (i.  8). 

La  première  cause  de  l'instabilité  du  pécheur,  c'est  son  éloigne- 
ment  de  Dieu...;  la  seconde  cause,  c'est  l'inconstance  naturelle 
au  cœur  de  l'homme  qui ,  très-vaste  et  capable  d'une  multitude  de 
choses,  nourrit  une  infinité  de  désirs.  Mais  ,  par  là  même,  aucune 
créature,  aucune  passion,  aucun  plaisir,  toutes  choses  bornées, 
étroites  et  viles  ne  peuvent  le  remplir  ni  le  rassasier  :  il  lui  faut 
Dieu,  et  le  pécheur  ne  l'a  pas L'âme  raisonnable,  dit  saint  Ber- 
nard ,  peut  être  occupée  de  tout  ce  qui  n'est  pas  Dieu ,  elle  ne  peut 
pas  en  être  remplie  :  Anima  rationalis  cœteris  omnibus  occupari  potestf 
repieri  omniao  non  potest  (  Serm.  in  Cant.).  La  troisième  cause  de 
ité,  du  pécheur  vient  de  ce  que  toutes  les  volupté-  oréée^ 


698  PÉCHÉ  MORTEL. 

qu'il  poursuit  sont  flottantes ,  fugitives  et  mêlées  de  beaucoup  de  "  \ 
et  de  tourments  où  elles  aboutissent  et  se  perdent;  carie  dégoût  et 
les  pleurs  sont  le  tenue  de  toute  joie.  Ce  qu'éprouvant,  n 
satisfaction  trompeuse,  le  pécheur  cherche  une  joie  nouvelle  qu'il 
voit  bientôt  se  troubler  et  de  laquelle  il  passe  à  une  autre,  s'y  aban- 
donnant d'abord,  et  puis  s'en  lassant  presque  aussitôt.  Voilà  comment, 
de  désirs  en  satiété  et  de  satiété  en  désirs,  il  erre  malheureux,  vaga- 
gond ,  cherchant  le  bonheur  ou  du  moins  le  repos  et  ne  trouvant  ni 
l'un  ni  l'autre.  La  quatrième  cause  de  l'instabilité  du  pécheur  ,  c'est 
que,  de  môme  qu'une  vertu  en  amène  autre,  un  vice  amène  un 
autre  vice La  cinquième  cause,  c'est  que  les  remords  delà  con- 
science ne  permettent  pas  au  pécheur  de  goûter  un  moment  de  paix. 
C'est  Je  remords  qui  a  rendu  Caïn  errant  et  vagabond  (Gen.  rv.  14). 
La  sixième  cause,  c'est  que  le  pécheur  est  agité  d'une  foule  de  désirs 
pervers;  tellement,  dit  saint  Ambroise,  que  le  péché  peut  être 
regardé  comme  une  ardeur  désordonnée  et  une  fièvre  brûlant  e  de  l'âme 
(Serm.  xiv).  La  septième  cause,  c'est  que,  par  le  péché,  l'âme  juste 
perd  sa  virginité,  c'est-à-dire  sou  innocence,  et  devient  une  prosti- 
tuée; aussi  cherche-t-  elle  de  toutes  parts  des  amants  aussi  vains  et 
aussi  trompeurs  qu'elle.  N'est-il  pas  évident  que  Je  pécheur  est  h  lui- 
même  son  plus  mortel  ennemi  ?... 

Le  péché  ^  Le  péché  mortel  fait  perdre  à  l'âme  la  grâce  sanctifiante,  qui  est  le 

mortel  ravit  à      ,            ,  .           7       .    , 
l'homme  tous  PW8  prépieux  des  trésors 

1» iiuli' enlève       La  s™ce  csl  lc  PrmciPe  ue  la  gloire Celui ,  dit .).  C,  qui  boira 

la  grâce.  de  l'eau  que  je  lui  donnerai  n'aura  jamais  soif;  1  eau  que  je  lui  don- 
nerai deviendra  en  lui  une  fontaine  d'eau  jaillissante  pour  h 
éternelle  :  Qui  biberit  ex  aqua,  quam  eyo  dabo  ei,  non  sitiet  in  œt  i  mm. 
Sed  agita,  quam  ego  dabo  ei,  fet  in  co  fons  aquœ  salientis  in  vitam 
œtemam  (  Joann.  iv.  13.  M).  J.  C.  appelle  sa  grâce  eau  jaillissante, 
eau  vne,  parce  qu'elle  vient  du  ciel,  qui  est  h  vî 
conduit.  Soit  de  sa  nature,  soit  par  sa  destination  e  r  la  promesse 
de  Dieu,  la  grâce  est  la  semence  qui  produit  la  gloire. 

Dieu  se  communique  â  l'âme  par  la  grâce;  et  par  cette  commu- 
nication, il  élève  lame  jusqu'à  lui,  la  tra  -  rme  en  lui  et  la 
divinise 

J.  C.  marche  sur  les  eaux,  il  i  .  ierre,  il  calme  la  tempête 

et,  en  un  instant,  il  fait  toucher  la  barque  au  ri 
ce   divin  Sauveur  opère  en  nous   des    mei  s  :  il 

nous  aide  à  fouler  aux  pieds  le  siècle,   cal  le  la 


PÉCHÉ  MORTEI»  69Q 

concupiscence  et  des  tentations,  et  nous  amène  au  port  du  salut 
éternel. 

Lorsque,  Dieu  descend  dans  une  âme  parla  lumière  de  sa  grâce, 
cette  âme  se  ion  l  comme  la  cire  au  feu  :  elle  pleure  ses  «égarements, 
elle  s'enflamme,  elle  devient  douce,  et  s'abanilonne  aux  soins  de  son 
céleste  époux.  Alors,  en  elle,  les  montagnes  de  l'orgueil  s'écroulent; 
celles  de  l'ambition  et  de  la  vanité  disparaissent,  ainsi  que  les  vallées 
étroites  de  la  lâcheté,  de  la  crainte,  de  Ja  tiéJeur  et  de  la  paresse 

C'est  la  grâce  qui  rend  méritoires  toutes  nos  œuvres 

Oh  '  si  nous  conraissions  le  prix  de  la  grâce  et  tous  ses  avantages, 
avec  quelle  ardeur  nous  la  désirerions,  et  comme,  loin  de  nous 
exposer  à  la  perdre,  nous  travaillerions  à  nous  la  procurer,  à  la  con- 
server et  à  l'augmenter  en  nous  !  Comme  tout  le  reste  nous  paraîtrait 
vil  et  méprisa! .le  !... 

La  grâce  1°  chasse  tout  péché  mortel...;  2°  elle  rend  l'homme 
agréa'  le  à  Dieu...;  3°  eile  lui  confère  la  rectitude  et  la  sainteté  :  sa 
volonté,  son  esprit,  toutes  ses  facultés  sont  soumises  à  Dieu  et  à  sa 
loi ,  en  un  mot,  elle  rend  l'homme  semblable  à  Dieu  et  tel  qu'Adam 
était  avant  sa  chute...;  -4°  elle  l'ait  de  nous  les  filsadoptifs  de  Dieu, 
ses  héritiers ,  les  cohéritiers  et  les  membres  de  J.  C...  ;  5°  elle  amène 
avec  elle  toutes  les  vertus  et  les  sept  dons  du  Saint-Esprit...;  6°  elle 
assure  la  possession  de  la  gloire...  ;  7°  elle  est  le  principe  et  la  cause 
de  la  satisfaction  pour  les  péchés  commis,  et  le  préservatif  qui  les  fait 
éviter 

La  grâce  a  pour  premier  fruit  la  paix...;  pour  second,  l'espérance 
de  la  gloire...;  pour  troisième,  la  grandeur  d'âme  et  la  joie  dans  les 

adversités Comparés  à  la  grâce,  tous  les  diamants  de  l'Orient, 

toutes  les  couronnes  des  rois,  tout  l'or  du  monde  ont  la  valeur  de 
quelques  grains  de  sable,  dit  la  Sagesse  :  Omne  aurum  in  compara- 
tione  illius ,  arena  est  exigiia  (vu.  9). 

Or  cette  grâce  inestimable,  un  seul  péché  mortel  la  détruit  et 
l'anéantit  !...  Quelle  perte!...  quel  malheur  !... 

De  l'ancre  le  plus  richement  doué,  le  plus  éclatant  de  beauté  et  le  plus    2»  Le  péché 

mortel 

heureux ,  le  péché  mortel  a  fait  le  démon  le  plus  pauvre ,  le  plus      détruit  la 
hideux ,  le  plus  misérable de  ïàme. 

Toute  la  beauté  de  la  fille  de  Sion  l'a  abandonnée ,  s'écrie  Jéré- 
mie  en  pleurant  :  Et  egressus  est  a  filia  Sion  omnis  décor  ejus 
(Lament.  i.  6). 

Qu'y  a-t-il  de  plus  beau  que  l'âme  créée  à  l'image  de  Dieu, 


700 


PÉCHÉ  MORTEL. 


remplie  de  sublimes  facultés,  capable  de  connaître,  d'aimer,  de 
servir  son  Créateur  et  de  posséder  la  gloire  éternelle?... 

Lorsqu'elle  est  dans  l'état  de  grâce  habituelle,  l'âme  est  plus  res- 
plendissante que  les  étoiles  et  que  le  soleil  lui-même.  Si  nous  pou- 
vions voir  son  incomparable  beauté,  nous  en  serions  ravis,  et  nous 
la  prendrions  pour  une  divinité,  car  elle  est  revêtue  de  la  beauté 
même  de  Dieu...  Mais  lorsqu'elle  a  le  malheur  de  tomber  dans  un 
seul  péché  grave,  quel  allreux  changement  s'opère  en  elle  !  Toute 
sa  beauté  disparait  en  un  instant;  aux  yeux  de  Dieu,  elle  de\ient 
plus  repoussante  et  plus  dégradée  que  les  sauvages  les  plus  déchus 
et  les  plus  hideux  le  sont  aux  yeux  de  Fhomme  civilisé.  Que  dis-je? 
elle  est  mille  fois  plus  horrible  que  le  cadavre  à  demi  rongé  par  les 
vers  et  qui  répand  l'infection  autour  de  lui.  Si  elle  pouvait  être 
vue,  elle  ferait  mourir  d'épouvante  tous  ceux  qui  l'apercevraient. 

3»  Le  péché    La  sagesse,  dit  l'Ecriture,  n'entrera  pas  dans  l'àme  qui  veut  le  mal  ; 

m0rlfùitcel  eD  e^e  n'habitera  pas  le  corps  esclave  du  péché  :  l'Esprit-Saint  se  reti- 

la sagesse.     rera  devant  l'iniquité  :  In  malevolam  animam  non  introibit  sapientia, 

nec  habitabit  in  corpore  subdito  peccatis.  Spiritus  Sanctus  corripietur  a 

svperveniente  iniquitate  (Sap.  i.  4.  5). 

Si  la  sagesse  règne  sur  l'âme  exempte  de  péché  mortel  et  la 
gouverne ,  la  folie  dirige  l'homme  qui  s'abandonne  au  péché. 

40 Le  péché    SurrosEZ  qu'une  seule  personne  réunisse  toutes  les  vertus;  que 
mortel  prive    jeDuis  vingt,  trente  ou  cinquante  ans,  elle  ait  crû  en  périr-  (ion  ; 

de  tous  les  1  °  '  ■  *  r 

méritesacquis.  qu'elle  soit  très-sainte ,  etc.;  un  seul  péché  mortel  lui  enlève  le 
mérite  de  toutes  ses  prières,  de  toutes  ses  mortiiicalions  ,  de  tous 
ses  jeûnes,  de  toutes  ses  aumOmes,  de  toutes  ses  confessions  et  ses 
communions,  en  un  mot,  de  tous  sesac!«  s  de  vertu  :  tellement  que 
si  elle  venait  à  mourir  dans  cet  état ,  rien  de  tout  cela  ne  lui  serait 
compté  ;  clic  serait  exclue  du  ciel,  et  condamnée  à  renier.  C'est  une 
vérité  consignée  dans  nos  livres  saints  :  Si ,  dit  le  Seigneur  par  la 
bouche  du  prophète  Ezécliiel .  si  le  juste  sort  de  la  justice  (qui  est 
l'état  delà  grâce)  et  commet  l'iniquité,  je  creuserai  une  fosse  son-  -  ; 
pas,  il  mourra  dans  son  péché,  et  le  souvenir  de  sa  justice  et  du 
Sien  qu'il  a  fait  ne  demeurera  pas  dans  la  mémoire  des  hommes  (J). 


(1)  Si  conversus  justus  a  justifia  sua  fuerit  ,  et  fecerit  iniquitatem  :  ponam  offen- 
diculum  cor.un  eo ,  ipso  morietur  :  in  peccato  suo  reorietnr,  et  non  erunt  in  (oemoria 
justifia;  cjus,  quas  récit  (  m 


PÉCHÉ  MORTEL.  701 

Tout  le  bien  que  fait  l'homme  en  état  de  péché  mortel  est  perdu     8»lepécbë 
pour  le  ciel,  et  ne  sera  pas  récompensé.  Si  le  pécheur  reste  dix,  empêche  qu'on 
vingt  ou  trente  ans  dans  cet  état,  toutes  ses  prières,  toutes  ses  en  acquière  de 

'  r  no  u\  eaux. 

bonnes  œuvres ,  etc. ,  ne  sont  d'aucun  mérite  pour  la  vie  éternelle. 
Il  faut  avoir  la  grâce  sanctifiant,  pour  mériter  et  la  gloire  et  un 
accroissement  de  glaire.  Pécheur  qui  n'a  pas  reculé  devant  le  péché 
mortel,  ose  dire  :  Je  suis  riche  et  opulent,  et  je  n'ai  besoin  de  rien. 
Tu  ne  sais  pas,  te  répond  le  Seigneur  dans  l'Apocalypse,  tu  ne  sais 
pas  que  tu  es  malheureux,  et  misérable ,  et  pauvre,  et  aveugle,  et 
nu  :  Quia  dicis  :  Quia  divcs  sum,  et  locupletatus,  et  nullius  ego;  et  nescis 
quia  tu  es  miser,  et  miser abilis ,  et  pauper,  et  cœcus,  et  nudus  (  ni.  17  ). 

Mais  cela  étant ,  dira-t-on ,  il  faut  donc  abandonner  la  prière ,  la 
mortification,  l'aumône,  la  confession,  et  se  livrer  au  désespoir! 

Non;  il  faut  au  contraire  prier  davantage,  jeûner,  se  repentir , 
s'approcher  souvent  du  tribunal  de  la  pénitence  et  avoir  confiance  en 
Dieu.  Il  est  vrai  que  faites  en  état  de  péché  mortel,  ces  œuvres  ne 
seront  pas  récompensées  dans  l'éternité  ;  mais  elles  disposeront  le 
pécheur  à  se  convertir  et  à  obtenir  miséricorde;  biens  infinis  qu'il 
n'obtiendrait  pas,  s'il  persévérait  dans  son  iniquité,  s'il  ne  faisait 
rien  pour  en  sortir,  et  surtout  s'il  désespérait. 

On  demandera  peut-être  si  les  mérites  acquis  dans  l'état  de  grâce 
et  perdus  par  suite  d'un  péché  mortel,  ne  seront  pas  rendus,  lors- 
qu'on sera  rentré  en  état  de  grâce?  Us  seront  rendus  intégralement  ; 
c'est  l'enseignement  de  l'Eglise,,  des  saints  Pères  et  de  tous  les  théq- 
logieng 

Qu'est-ce  que  le  corps  lorsqu'il  est  privé  de  vie  et  réduit  à  l'état  de    60  Le  péché 
cavadre?  c'est  la  chose  la  plus  vile,  la  plus  dégoûtante,  la  plus  Svlederla^ 
embarrassante.   Telle  est  l'âme  qui  a  perdu  la  vie  par  le  péché 

mortel 

Ce  que  l'âme  est  au  corps ,  Dieu  l'est  à  l'âme;  et  comme  l'âme  est 
la  vie  du  corps ,  la  grâce  est  la  vie  de  l'âme.  Quand  l'âme  se 
sépare  du  corps,  la  vie  s'en  va;  quand  Dieu  se  sépare  de  l'âme, 
l'âme  ne  vit  plus.  Or,  c'est  le  péché  mortel  seul  qui  produit  cette 
funeste  séparation 0  péché  mortel,  que  tu  es  à  redouter!... 

Un  seul  péché  mortel  détruit  toutes  les  vertus,   tous  les  biens  et  7°Lepr<-hf- 

toutes  les  richesses  spirituelles.  Il  enlève  l'obéissance,  l'amour  de  mtoutes1ea 
Dieu,  la  paix,  le  bonheur,  l'innocence,  etc.  il  empêche  la  bonne     lf^'lus:d 

mort le  ciel. 


702  rÉCIÎÊ   MOntEL.' 

Le  péché  mortel  frrme  la  porte  du  ciel;  il  prive  du  trône,  de  la 
couronne  et  de  la  gloire  éternelle,  de  la  vue  de  Dieu,  de  sa  posses- 
sion et  de  =a  jouissance  pour  toute  l'éternité!... 

Le  péché  mortel  peut  donc  se  comparer  à  un  voleur  et  au  pire  de 
tous  les  voleurs;  car  il  dépouille  l'homme  de  ses  bieiis  les  plus  pré- 
cieux; et  après  les  lai  avoir  enlevés,  il  l'accable  de  maux  et  des  maux 
les  plus  grands. 


i,e  péché 

mortel  attire 

sur  l'homme 

touslesmaux: 

4°  Il  le  rend 

vil  et 
inéorisable. 


0  Jérusalem,  s'écrie  le  prophète  Jérémie,  que  tu  es  cfévëhiie  mépri- 
sable! Quam  vilis  facta  es!  (n.  3G.  )  Le  péché  est  la  suprême  dégra- 
dation de  l'homme;  comme  la  suprême  dégradation  d'une  vierge  est 
la  prostitution  qui  lui  enlève  la  pudeur,  la  virginité  et  l'honneur. 
.  .tint  Augustin  dit  a  Imirablement  :  L'excellence  et  le  bien  delà 
nature  humaine  parait  surtout  en  ce  qu'il  lui  est  donné  de  pouvoir 
s'attacher  à  la  nature  du  bien  souverain  et  iué'  iratilàblé.  Que  si  elle  s'y 
refuse,  elle  se  prive  du  bien  absolu,  et  c'est  son  suprême  malheur  ;  i  r, 
par  la  justice  de  Dieu,  elle  tombe  rapidement  dans  les  souffrances  et 
dans  l'ignominie,  tjue  peut-il  exister  de  plus  affreux  et  de  plus  digne 
de  mépris,  que  de  vouloir  trouver  le  bien  dans  l'abandon  du  bien 
véritable.  On  ne  sent  quelquefois  pas  le  mal  de  la  perte  du  bien 
supérieur,  lorsqu'on  possède  le  bien  inférieur  qu'on  aime.  Mais  il 
est  de  la  justice  divine  que  celui  qui,  par  sa  volonté,  perd  ce  qu'il 
aurait  dû  aimer,  c'est-à-dire  Dieu,  perde  aussi  avec  douleur  ce  qu'il 
a  aimé  (De  Clvtt.  ). 

Le  pécheur  ne  sent  pas  combien  le  péché  est  dégradant  et  combien 
il  rend  l'homme  vil;  mais,  afin  qu'il  le  sente,  Dieu  lui  envoie  les 
douleurs  du  châtiment 


2'-  Le  péché    Ce  que  je  fais,  je  ne  le  comprends  point,  dit  saint  Paul  :  Quod  enim 
niU!'-i!,rte     operor,  non  intelligo  (Rom.  vu.  15). 
l'aveuglement.       j0  Le  pécheur  ne  comprend  pas  toute  la  malice  du  péché;  car  , 

gil  la  comprenait,  il  ne  le  commettrait  jamais 2J  Le  pécheur  ne 

comprend,  pas  biea  ce  qu'il  fait  quand  II  pêche,  parce  qu'il  agit 

contre  le  jugement  de  sa  conscience  et  de  sa  raison 

Se  vous  associez  point  aux  œuvra  stériles  de  ténèbres,  dit  ailleurs 
saint  Paul,  mais  plulùt  blâux-z-bs;  car  ce  qu'ils  font  en  secret  est 
honteux  à  dire  :  Nolite  communùare  operi'»  s  infructuosis  tcnebrnrum, 
magii  autem  redargmte  :  qua  enim  in  occutto  puât  ab  ijjsis ,  turpe  est 
àicere  (Ephes.  v.  11.12). 

Le  péché  e=t  appelé  une  œuvre  de  ténèbres  :  4°  parce   que  le 


PÉCHÉ  MORTEL.  703 

péché  ('tant  une  œuvre  honteuse  et  condamnable ,  le  pécheur  hait 
"a  lumière  et  cherche  les  ténèbres...;  2°  parce  que  le  péché  aveugle 
l'intelligence,  la  raison.....  Le  péché  a  toujours  son  principe,  ou 
dans  l'erreur,  ou  dans  l'imprudence,  le  défaut  d'examen  et  de 
réflexion.  Lon  imet,  il  fait  méconnaître  la  loi  qui  est  le 

guide  sûr  de  la  conscience  et  de  la  sagesse.  Enfin,  après  qu'il  est 
commis,  il  augmente  encore  les  ténèbres  où  lame  se  trouvait  déjà 
pion 

0  pécheur  aveugle  qui  vous  êtes  endormi  dans  votre  état,  levez- 
vous  et  sortez  d  entre  les  morts,  et  J.  C.  vous  éclairera,  continue  le 
grand  Apûtre  :  Sur<je  qui  dormis,  et  exsurge  a  mortuis,  et  illuminabit 
te  Cfiristw  (Ephes.  v.  14  ). 

Le  pécheur,  dit  saint  Chrysostome,  ne  fait  point  d'action  parfaite- 
ment digne  ae  louanges;  il  n'en  peut  présenter  une  seule  et  ne 
comprend  pas  les  choses  du  salut  :  on  dirait  un  homme  qui  dort 
J'ajoute  qu'il  rêve  et  qu'il  sa  représente  des  voluptés  et  des  chi- 
mères; c'est  vraiment  un  homme  endormi  (1). 

Ils  ont  dormi  leur  sommeil,  dit  le  Psalmiste,  et  tous  ces  pécheurs 
jui  se  croyaient  riches  n'ont  rien  trouvé  clans  leurs  mains  :  Dormie- 
runt  somnum  suum,  et  ni/til  invenerunt  marnes  viri  divitiarum  in  manibus 
suis  (lxxv.  5). 

Ne  tombez  pas  dans  le  pèche,  dit  saint  Augustin,  et  le  Soleil  de 
justice  ne  se  cachera  pas  pour  vous;  mais  si  vous  y  tombez,  il  dispa- 
railra  comme  le  soleil  à  son  coucher.  Si  vous  voulez  être  éclairé, 
soyez  vous-même  une  lumière;  car  si  vous  aimez  les  ténèbres  et  les 
passions  ténébreuses ,  elles  vous  priveront  de  la  lumière ,  et  vous 
aveugleront  (2). 

Le  péché  est  une  erreur  pratique,  l'erreur  de  la  vie  et  des  mœurs, 
selon  ces  paroles  des  Proverbes  :  Ceux  qui  font  le  mal  sont  dans 
l'erreur  :  Errant  qui  operantur  malum  (xiv.  22). 

Il  y  a  beaucoup  d'analogie  entre  le  péché  et  les  ténèbres  :  1°  Comme 
les  ténèbres  privent  l'homme  de  la  lumière;  ainsi  le  péché  le  piive 

de  la  grâae,  qui  est  une  lumière  céleste 2'  Celui  qui  marche  dans 

les  ténèbres  ne  voit  rien,  et  il  tombe  souvent;  le  pécheur  ne  voit 


(1)  Peccator  vacat  et  caret  actione  honesta,  nec  intelligit  ea  craae  salutis  surit;  aujut. 
;st  dormiens.  Rursum  somnia  videt  et  imaginatur  voluptates ,  et  ea  quœ  non  subsi- 
stunt,  œque  est  dormiens  (ilomil.  ad  pop.  ). 

(2)  Noli  cadere  in  peccatum  ,  et  non  tibi  occidet  hic  sol.  Si  tu  feceris  casura ,  tibi 
faciet  occasum.  Si  videre  lucem  cupis,esto  et  tu,  Lux;  si  euim  leuebras  et  tenebrosas 
cupULLalcs  urnes,  obtencjiabuut,  imo  excaecabuut  te  {In  tsal.). 


704  PÉCHÉ  MORTEL. 

rien  de  ce  qu'il  devrait  voir,  et  il  fait  de  fré  juentes  chutes 3°  Les 

oiseaux  de  ténèbres  ne  peuvent  supporter  l'éclat  du  jour  :  les 
pécheurs  fuient  la  lumière  de  la  raison  et  de  la  grâce  ;  elle  les 
fatigue,  selon  ces  paroles  de  J.  C.  :  Quiconque  fait  le  mal ,  hait  la 
lumière,  et  ne  s'y  expose  point,  de  peur  qu'on  n'attaque  ses  œuvres: 
Qui  maie  agit  odit  lucem  ,  et  non  venit  ad  lucem  }  -t  non  arguanlur 
opéra  ejus  (Joann.  m.  20).  4°  Les  péchés  sont  les  œuvres  du  démon , 

prince  des  ténèbres 5°  La  plupart  des  péchés  se  commettent  dans 

l'ombre 6e  Le?  péchés  ont  pour  cause  les  ténèbres;  ils  dérivent  de 

l'aveuglement  volontaire  qui  porte  le  pécheur  ta  se  livrer  à  une 
passion  passagère  au  prix  de  son  repos,  de  la  paix  de  sa  conscience, 
du  bonheur  éternel  et  de  la  possession  de  Dieu  :  ce  qui  est  certaine- 
ment la  plus  grande  et  la  plus  nuisible  des  folies,  folie  qu'on  peut 

taxer  de  fureur  et  de  rage 7°  Les  péchés  aveuglent  l'esprit  d'une 

manière  étonnante...;  8°  ils  conduisent  aux  ténèbres  de  l'enfer 

Les  grands  pécheurs  sont  si  aveugles  qu'ils  ne  se  reprochent  rien; 

plus  ils  ont  d'iniquités  sur  la  conscience,  moins  ils  y  pensent.  Les 

aveugles!  ils  devraient  se  rappeler  ces  paroles  de  saint  Jean:  Si 

nous  disons  que  nous  n'avons  point  de  péché ,  nous  nous  trompons 

nous-mêmes,  et  la  vérité  n'est  point  en  nous  :  Si  dixerimus  quoniam 

peccatum  non  habemus.  ipsi  nos  seducimus ,  et  veritas  in  nobis  non  est 

(I.  î.  8);  et  ces  autres  paroles  de  l'apôtre  saint  Jacques  :  Tous  uous 

faillissons  en  beaucoup  de  choses  :  Inmultis  offendimus  omnes  (m.  2). 

Quiconque  demeure  en  Dieu  ne  pèche  point,  dit  saint  Jean,  et 

quiconque  pèche,  ne  l'a  point  vu,  ni  connu  :  Omnis  qui  in  eo  manet, 

non  peccat;  et  omnis  qui  peccat,  non  vidit  eum,  nec  cognovit  eutn 

(I.  m.  6). 

Le  Prophète  royal  dit  :  Qui  peut  comprendre  tous  les  égarements 
du  cœur?  l'uriiiez-moi,  Seigneur,  de  mes  fautes  cachées  :  Delicla 
quis  intelligit?  ab  occultis  meis  munda  me  (xvni.  -13.  44).  Mes  péchés, 
dit  ailleurs  le  même  prophète,  m'ont  précipité  dans  une  fosse 
profonde,  dans  des  lieux  de  ténèbres  et  à  l'ombre  de  la  mort: 
Posuerunt  me  in  lo.cu  inferiori,  in  tenebrosis,  et  in  umbra  mortis 
(lxxxvii.  7).  Mon  péché,  qui  est  mon  mortel  ennemi,  m'a  plongé 
dans  les  ténèbres  comme  les  morts  anciens  :  Collocavit  me  in  obscu- 
ris  sicut  mortuos  seculi  (cxnr.  3).  Mes  péchés  m'ont  plong,;  dans 
les  ténèbres,  comme  les  morts  éternels,  dit  à  son  tour  la  fille  de 
Sion  par  la  bouche  de  Jérémie  :  In  tcucorutts  coUocaùu 
tuos  scmpiternos  (in.  G). 

L'homme  qui  veut  péchei  Bel  I  t  aveuglé  ,  qu'il  se  sert  du 


PÉCHÉ   MORTEL.  705 

langage  dont  usa  le  serpent  avec  Eve:  Pourquoi  cette  défense î 
Pourquoi  ne  pourrait-on  se  livrer  à  tel  plaisir?  Il  n'y  a  pas  tant  rie 
mal  qu'on  le  dit;  c'est  une  piouse  exagération.  Quoi!  pour  une 
jouissance  d'un  moment,  un  enfer  éternel!  cela  n'est  point  :  Cur 
prœcepit  vobis  Deus  ut  non  comederetis  ?...  nequaquam  moriemini  (  Gen. 
ni.  1.4).  Comme  Eve,  il  remarque  que  tel  ou  tel  fruit  doit  être 
bon  à  manger,  beau  à  voir,  et  d'un  aspect  désirable;  il  le  cueille 
et  le  goûte.  Alors  ses  yeux  s'ouvrent,  et  il  se  trouve  nu,  dépouillé  de 
la  grâce  et  de  l'amitié  de  Dieu  (Gen.  m.  6.  7).  Le  fruit  de  l'orgueil, 
de  la  volupté,  de  la  gourmandise,  de  l'amour  du  monde,  semble  bon 
et  beau,  parce  qu'on  a  la  vue  altérée,  le  goût  dépravé,  le  cœur 

malade;  on  s'en  repart,  et  on  a  le  sort  d'Adam  et  d'Eve Le 

châtiment  ouvre  les  yeux  que  le  péché  avait  fermés,  dit  saint 
Grégoire  :  Oculos  quos  adpa  claudit,  pœna  aperit  (  Lib.  in  Gènes.); mais 
il  est  trop  tard  :  on  aurait  dû  les  ouvrir  avant  la  chute 

Dans  son  aveuglement,  mon  peuple  a  fait  deux  maux,  dit  le 
Seigneur  par  la  bouche  de  Jérémie;  il  m'a  abandonné,  moi  la 
source  d'eau  vive,  et  il  s'est  cre-sé  des  citernes  crevassées  qui  ne 
peuvent  retenir  l'eau  (n.  3  ).  Abandonner  Dieu,  le  seul  et  le  suprême 
bien,  pour  un  rien,  pour  ce  qui  tst  même  au-dessous  de  rien,  quel 
aveuglement!.* 

On  prouve,  du  ^mv  Augustin,  on  prouve  avec  évidence  quel  bien 
et  quel  grand  bien  est  Dieu,  par  cela  même  qu'aucun  de  ceux  qui 
s'éloignent  de  lui  n'est  heureux;  car  ceux  qui  se  plongent  dans  les 
jouissances  des  voluptés  empoisonnées,  ne  peuvent  s'empêcher  de 
craindre  quelque  douleur.  Et  ceux  qui,  égarés  par  plus  d'orgueil^ 
ne  sentent  aucunement  quel  mal  c'est  d'avoir  abandonné  Dieu, 
laissent  néanmoins  voir  à  ceux  qui  savent  le  reconnaître  quelle  est 
leur  misère  (1). 

Comme  en  Dieu  seul  est  le  vrai  bonheur,  le  pécheur  qui  le  rejette 
s'expose  à  toutes  les  amertumes.  Après  avoir  abandonné  la  source 
de  la  vie,  qu'il  le  veuille  ou  non,  il  s'attache  à  la  source  de  la 
mort,  du  malheur  et  de  toutes  les  calamités.  N'est-ce  pas  là  le 
suprême  aveuglement?... 

Vous  avez  placé  au-dessus  de  vous  un  nuage  épais  qui  intercepte 


(1)  Quantum  et  quale  bonum  sit  Deus,  etiam  ex  hoc  evidenter  ostenditur,  quod 
nulli  a  Duo  recedenti  beue  est;  quia  et  qui  sjaudeut  in  mortiferis  voluptatibus,  sine 
doloris  timoré  esse  non  possunt.  Et  qui  omniuo  malum  deserlionis  su>u ,  majore 
superbiae  lumore  nou  sentiunt,  aliis,  qui  hoc  noverunt  discerner?,  quauta  sit  iniseria, 
auparet  (/»  Gènes.  ). 

m.  46 


706  PÉCHÉ  MORTEL. 

yotre  prière,  dit  Jérémie  :  Opposuisti  nubem  tibi,  ne  transeat  oratio 
(Lament.  ni.  44). 

Les  péchés  sont  appelés  nuages  :  1°  parce  qu'ils  sont  d'épaisses 
et  noires  vapeurs  qui  sortent  du  cœu.  a  comme  d'un  marais 

fangeux...;  2°  parce  qu'ils  privent  l'âme  de  Ja  lumière  et  de  la 
chaleur  du  soleil  éternel  qui  l'eussent  rendue  bol  le  et  féconde...; 
3°  parce  que  nous  viennent  fies  nuages,  la 

colère  et  les  châtiments  de  Dieu  nous  viennent  du  péché..,.;  4°  parce 
que  si  les  nuages  séparent  la  terre  du  ciel,  et  empêchent  l'œil  de 
pénétrer  jusqu'aux  plaines  d'azur  du  firmament,  les  péchés  séparent 
l'homme  des  saints,  des  anges  et  de  Dieu ,  et  ne  lui  permette 
voir  ni  le  jugement  qui  l'attend,  ni  l'enfer  qui  s'ouvre  pour 
l'engloutir 

'"  Toi  péché    Le  démon,  par  ces  pièges,  tient  les  pécheurs  captifs  sous  sa  volonté, 
esclave.       dit  le  grand  Apôtre  :  A  diaboli  laquels  co},iivi  tenentur  ad  iptx 

tatem  (II.  liai.  n.  26).  On  peut  les  comparer  à  l'oiseau  qu'un 
enfant  retient  par  un  fil  ;  il  vole,  mais  il  n'est  pas  libre. 

De  l'âme  qui  était  le  temple  de  Dieu,  le  péohé  mortel  fait  une 
demeure  deSulan 

Les  pécheurs,  dit  Bossuet,  sont  esclaves  de  celui  qui  s'est  déclaré 
l'ennemi  de  Dieu  ;  esclaves  de  Satan,  de  cet  esprit  noir ,  té,  ébreux , 
furieux  et  désespéré,  qui  ne  respire  que  la  haine,  h 
l'envie;  esclaves  de  cet  esprit  superbe,  trompeur,  jaloux,  qui  s 
perdu  sans  espérance  et  abîmé  sans  ressource,  n'est  plus  désoi 
capable  que  de  cette  noire  et  maligne  joie  quirevientà  îles  méchants 
d'avoir  des  complices,  à  un  envieux  d'avoir  des  ,  à  un 

superbe  renversé  d'entraîner  avec  soi  les  auti  n  <j 

dont  la  haine  est  implacable.  Elle  est  telle 

ceci ,  et  étonnezrvous  de  cet  excès,  elle  est  i  tre  le  pécheur, 

qu'il  se  plait,  non-si -feraient  à  désoler,  mais 
à  la  dégrader.  Il  aime  encore  mieux  corrompre  que  tourmenter, 
ôter  l'innocence  que  le  repos,  et  «sndre  méchant  que  malheureux. 
Si  bien  que ,  lorsque  ce  victorieux  cruel  s'est  rendu  le  maître  d'une 
âme,  il  y  entre  avec  furie,  ii  il  la  ravage,  il  la  viole  :  ce 

corrupteur  la  viole,  non  tant  p<  :  s  e  pour  la  déshonorer 

et  l'avilir.  11  la  porte  à  s'abonde  mer  à  lui,  il  la  souille,  puis  il 
la  méprise  ;  il  la  traite  comme  ces  femmes  qui  deviennent  le  mépris 
de  ceux  à  QTii  elles  se  sont  lâchement  ;nement  prostituées» 

Voici,  dit  Isaïe,  voici  que  vous  avez  été  ven'vs  au  milieu  de 


-JKCHÉ  MORTEL.  70".' 

:  Ecce  in  inùpdtatîhus  vestris  venditi  estis  (l.  1).  Vous 

Ité  vendus  pour  rien  :  Gratis  venundati  estis  (là.  lu.  3). 

Dieu  vend  les  pécheurs,  c'est-à-dire  les  livre  au  démon  ;  car,  par 

lui-même ,  le  démon  n'a  aucun  droit  sur  l'homme,  fût-il  p 

mais  Dieu  le  lui  livre  comme  un  ctre  vil,  méprisable,  cou^aY  ■  de 

majesté  divine;  il  le  lui  livre  comme  la  justice  humaine  11  vif 

un  condamné  au  bourreau  qui  doit  le  torturer  et  le  punir 

Mais  le  pécheur  n'est  pas  seulement  l'esclave  du  démon,  il  Test 
encore  de  la  concupiscence,  des  passions  et  du  péché. 

Déchargeons-no  us  de  tout  poids  et  du  péché  oui  nous  enveloppe, 
dit  saint  Paul  :  JJeoonentes  omne  pondus ,  et  circumstans  nos  peccatum 
(Ilehr.  xii.  4). 

1°  La  concupiscence  nous  enveloppe,  nous  faisant  une  guerre 
acharnée  et  mettant  obstacle  à  ce  que  nous  opérions  le  bien.  "2°  Le 
péché  nous  enveloppe,  c'est-à-dire  nous  enchaîne  et  empêcha  la 
liberté  de  nos  mouvements.  3°  Il  nous  enveloppe,  c'est-à-dire  il .      - 

tache  fortement  à  nous 

Le  pécheur  est  vendu  sous  le  péché,  dit  saint  Paul  :  Venundatus 
sub  peccato  (  Rom.  vu.  14).  Pour  bien  saisir  la  portée  de  cette  expres- 
sion, il  faut  se  rappeler  que  les  Romains  avaient  coutume  de  couron- 
ner de  fleurs  les  prisonniers  de  guerre  qu'ils  mettaient  en  vente,  ce 
qui  s'appelait  vendere,  venv.ndare  sub  corona.  Par  suite,  venuadari 
sub  peccato  signifie  littéralement  être  vendu  ou  livré  par  Dieu  au 
démon,  avec  le  poids  des  péchés  que  l'on  a  commis  placé  sur  la  tète, 
comme  une  terrible  couronne. 

L'Ecriture  sainte  nous  apprend  que  le  ns  opprimés  pai 

Pharaon  furent  employés  à  confectionner,  avec  de  la  boue,  des  bri- 
ques, pour  la  cuisson  desquelles  le  roi  leur  fournissait  une  certaine 
quantité  de  paille.  Commentant  le  passage  de  l'Exode  qui  par 
ce  travail  (c.  i  et  v),  saint  Bernard  dit  :  Sous  le  joug  de  Phar 
on  fait  des  ouvrages  de  boue;  Pharaon,  le  démon,  nous  don 

e,  c'est-à-dire  les  pensées  légères  et  coupables;  la  paille  s'en- 
fiamme  vite  et  est  consumée  en  un  instant.  Les  mai; 

s  par  le  démon  produisent  rapidement  nu  grand  le: 
prit,  la  chair  corrompue  s'y  prêtant.  Avec  la  paille  enflammée 
on  faisait  cuire  la  boue,  ou  terre  détrempée,  pour  en  faire  des  .bri- 
ques; avec  la  paille  de  la  délectation,  les  mauvaises  pensées,  qui 
sont  comme  de  la  boue,  s'échauffent,  se  changent  en  actes  et  er 
habitudes  qui  deviennent  solides  et  résistantes  comme  la  terre 
durcie  au  ieu  {la  jïu,od.). 


"08  PÉCHÉ  MORTEL. 

Malheur,  dit  ïsaïe^  malheur  à  vous  qui  traînez  l'iniquité  ave",  ses 
tiens  de  vanité,  et  le  péché  comme  les  traits  d'un  char  :  V,  :  qui 
trahitis  iniquitatern  in  funiculis  vanitatis  t  et  quasi  vinculum  plaustri 
peccaturn!  (v.  18.) 

Le  Prophète,  dit  saint  Jérôme,  appelle  le  péché  un  lien  de  vanité, 
parce  que  le  péché  est  bientôt  tissu;  qu'il  est  vain  en  lui-même 
et  l'utile  comme  une  toile  d'araignée  ;  mais  lorsque  nous  voulons 
en  sortir,  nous  nous  y  trouvons  emprisonnés  par  des  liens  très- 
solides  (1). 

Samson  est  pris  dans  les  pièges  de  Dalila;  il  perd  sa  force,  )i 
devient  faible ,  il  est  vaincu,  livré  aux  Philistins,  qui  lui  arrachent 
les  yeux  et  le  contraignent  à  tourner  une  meule  comme  une  bète 
de  somme.  Qu'est-ce  que  Dalila,  sinon  la  concupiscence?  et  que  sont 
les  Philistins,  sinon  les  passions  impétueuses  de  l'àme?  Lors  donc  que 
l'homme  se  livre  au  péché,  il  perd  soudain  ses  forces,  et  devient 
faible;  et  aussitôt  le  démon,  le  monde,  la  chair  le  saisissent,  le 
lient,  lui  arrachent  les  yeux  de  l'intelligence,  et  le  rendent  esclave 
comme  l'est  la  bète  de  somme  attachée  à  la  meule  d'un  moulin. 

Le  pécheur  devient  l'esclave  de  ses  passions.  Il  a  autant  de  tyrans 

qu'il  a  de  passions  diverses L'Evangile  dit  du  prodigue  qu'il  se 

lit  l'esclave  d'un  maître  avare  et  dur  (Luc.  xv.  15.  16): plus  malheu- 
reux  que  le  prodigue ,  le  pécheur  se  fait  l'esclave  d'une  multitude 
de  maîtres  dont  la  cruauté  est  incomparable 

inorufrend  ^E  Pécheur  est  plongé  par  le  péché  dans  une  piisou  obscure;  ou 
captif.        plutôt  c'est  le  péché  lui-même  qui  est  sa  prison 

(  Le  péché  )  a  bâti  autour  de  moi,  pour  que  je  ne  sorte  pas,  dit 
le  prophète  Jérémie;  il  a  appesantîmes  chaînes  :  CircumœdificaoU 
adversurn  me  ut  non  egrediar;  aggravaviï  compedem  meum  (I.am  rit. 
(m.  7). 

Le  péché  mortel,  dit  saint  Augustin,  met  en  prison  l'homme  qui 
le  commet;  la  rechute  ferme  à  clef  la  perte  de  cette  prison,  et  l'habi- 
tude la  mure  (  De  Morib.  Ecoles.  ). 

Le  péché  mortel  précipite  surtout  dans  la  prison  de  l'enfer.'.:.. 


m 


«•  tj  péeW    Le  salaire  du  péché ,  c'est  la  mort ,  dit  salut  Paul  :  Stipendia  peccati 

la  mort  au     mors  {Rom.  \i.  26  j.  Salaire  terrible!  l'aiguillon  du  péché  c'est  la 
corps. 

Peccaturn  vocat  vaniUteni.  quia  facîentibus  peccatum  facile  texitur,  et  adeo 
inane  Lu  te  est  ac  futile,  uti  aranoaruui  ttla  :  sed  cura  inde  exire  volueriuius,  soli- 
dittimia  viuculis  uecliuiur  {In  Isuia.). 


r-Écnf:  voutel.  709 

mort,  dit  ailleurs  le  même  apôtre  :  Stimulus  peccatimors  (I.  Cori 
xv.  56). 

Dieu  avait  créé  l'homme  immortel  de  corps  et  d'âme,  mais  h 
péché  lui  fit  perdre  cette  immortalité.  Le  Seigneur  le  lui  anDonça 
par  ces  terribles  paroles  :  Tu  es  poussière,  et  tu  retourneras  en 
poussière  :  Pulvis  es ,  et  in  pulverem  reverteris  (  Gen.  ni.  49  ). 

En  voyant  quels  cruels  ravages  exerce  la  mort,  nous  devons  com- 
prendre Ténormité  du  péché  mortel Û  entre  dans  le  monde  et  la 

mort  le  suit 

Celui  qui  n'aime  point  Dieu  et  ses  frères  demeure  dans  la  mort ,    6»  Le  péché 
dit  l'apôtre  saint  Jean  :  Quinon  diligit,  rnanet  in  morte  (I.  ni.  \A).  Or,  "'la'mortà"6 
celui  qui  pèche  mortellement,  cesse  d'aimer  Dieu;  il  est  donc  frappé        lâme' 
de  mort. 

La  mort  de  l'âme  a  lieu  par  la  privation  de  la  grâce  sanctifiante  et 
l'abandon  de  Dieu.  Lorsque  l'âme  est  séparée  de  Dieu,  il  lui  arrive 

ce  qui  arrive  au  corps  ,  lorsqu'il  est  séparé  de  l'âme Dieu  est  la 

ie  de  l'âme;  s'il  s'éloigne  d'elle,  elle  meurt 

Le  péché  consommé  engendre  la  mort,  dit  l'apôtre  saint  Jacques  ; 
Peccatum  cum  consummatum  fuerit,  générât  mortem  (  ï.  45  ). 

Je  connais  tes  œuvres,  dit  Dieu  dans  l'Apocalypse,  en  s'adres=ant 
au  pécheur;  tu  parais  vivant,  mais  tu  es  mort:  Scio  opéra  tua; 
nomen  habes  quod  vivas et  mortuus  es  (ni.  1  ). 

L'âme  qui  a  péché,  mourra,  ditEzéchiel  :  Anima  quœ  peccaverit  , 
ipsamorietur  (xvm.  20). 

On  sait,  dit  saint  Augustin ,  on  sait  que  plusieurs  portent  des  âmes 
mortes  dans  des  corps  vivants  :  Multi  in  corporibus  vivis ,  animas 
mortuas  port  are  noscuntur  (Lib.  I  de  verbis  Domini). 

Le  péché  est  la  mort  de  l'âme  immortelle,  mort  qui  laisse  l'homm< 
vivant  et  à  laquelle  la  mort  du  corps  ni  l'éternité  ne  mettent  de  fin. 
C'est  la  seconde  mort,  la  pire  de  toutes 

Voici,  s'écrie  le  prophète  Jérémie,  voici  ce  que  dit  le  Seigneur:    7<>î,er,èehê 
Maudit  soit  l'homme  qui  se  confie  dans  l'homme...,  et  dont  le  cœur    ™^  ', ;i'  ^ 
s'éloigne  de  l'Eternel  !  Maledictus  homo  qui  confiait  in  homine...,  et  a      de  nieu. 
Domino  recedit  cor!  (xvn.  5.  ) 

David  exprime  énergiquement  la  force  avec  laquelle  la  malédic- 
tion divine  s'attache  au  pécheur  obstiné.  Il  a  aimé  la  malédiction, 
dit-il,  et  elle  viendra  sur  lui;  il  n'a  pas  voulu  de  la  bénédiction ,  et 
elle  s'éloignera  de  lui.  Il  s'est  revêtu  de  la  malédiction  comme  d'un 


740  PÉCHÉ  MORTEL. 

manteau;  elle  est  entrée  comme  l'eau  dans  ses  entrailles ,  et  elle  a 
pénétré  comme  l'huile  dans  ses  os.  Qu'elle  devienne  à  jamais  son 
vêtement  et  la  ceinture  qui  presse  ses  reins.  Tel  est  le  salaire  que 
Dieu  réserve  à  ses  ennemis  (I).  Si  la  malédiction  d'un  père  est  si  ter- 
rible pour  ses  enfants,  qu'est  la  malédiction  de  Dieu  !... 

s°  Le  péché    La  mort  des  pécheurs  est  très- mauvaise,  dit  le  Psalmiste  :  Mors 
l'unique  cause  peccatorum  pessima  (xxxiri.  22).  La  mort  du  pécheur  est  une  mort 
claraor!VaiSe  terrible,  dit  l'Ecclésiastique  :  Mors  illius ,  mors  nequissima  (Eccli. 
xxvin.  25). 

A  la  mort,  dit  le  Prophète  royal,  l'impie  verra  et  il  s'irritera;  il 
grincera  des  dents,  il  séchera  de  rage;  le  désir  des  impies  périra  : 
Peccator  videbit,  et  irascetur,  dentiùus  suis  (remet  et  tabescet  :  deside- 
rîum peccatorum  peribit  (ni.  9  ). 

La  mort  dans  le  péché  ou  dans  l'impénitence  finale,  est  une 
mort  dans  le  désespoir,  une  mort  irréparablement  malheureuse,  la 
mort  des  réprouvés 

o»  Le  péché     Si  vous  ne  craignez  pas  le  péché,  dit  saint  Augustin,  craignez  du 
"!itc  dans1"  moms  la  mort  éternelle.  0  misère  des  pécheurs!  en  mourant  ils 
e"fterneueSt  ^ai?sent  ^0DJet  9W  les  porte  au  péché,  et  ils  emportent  leurs  péchés, 
mort.        principe  d'une  éternelle  damnation.  Il  n'y  a  pas  de  mort  pire  que 
celle  qui  conduit   là  où  la  mort  ne  meurt    point.  JMalben 
pécheurs;  ce  qu'ils  veulent  n'est  pas,  et  ce  qu'ils  ne  vaillent  pas 
existe.  Ils  voudraient  toujours  le  plaisir  du  péché,  et  ce  plaisir  passe 
soudain  ;  ils  ne  voudraient  pas  la  peine  du  péché  ,  et  îiuii- 
elle  est,  mais,  s'ils  ne  se  convertissent ,  elle  sera  éternelle  (2). 

Le  pécheur,  dit  l'Apocalypse,  boira  du  vin  de  la  colère  de  Pieu  , 
qui  est  mêlé  au  vin  pur  dans  le  calice  de  sa  colère;  et  il  sera  torturé 
\;w  le  feu  et  par  le  soufre.  La  fumée  de  leurs  tourments  montera 
dans  les  siècles  des  siècles;  et  ils  n'auront  de  repos  m  jour  ni 
nuit  (3). 

(1)  Dilcxit  malcdirtionem,  et  veniet  ei;  et  noluit  benedictionem ,  et  elongabitur 
ab  co.  Et  inluil  nu!  irul  »  estifinentonJ ,  et  inlravit  sicnl  aqua  in  inte- 
riora  ojus,et  sicut  oleum  in  os&ibus  «jus.  Fiat  ci  sicut  ve-limciilum ,  quo  ope-ritur  : 

.i,  qua  semper  prœcingitiir.  Hoc  opus  eoruin,  qui  delrahunt  apud  Domi- 
num  (cviu.  18-20). 

(2)  LnfoiioeË  peccatores,  qitod  voltint,  non  est;  quod  nolunt,  ttdpst.  Vcllcnt  semper 
ti  delectationem ,  et  transit  aampeccati,  et  adest,  et  erit 

convertantur  [Homil.xui  int     i.  . 
de  vino  ira-  Dei  qnod   mixlimi  est  mero  in  calice  irnr  ipsius,  et  rnirh- 
bilur  igné  et  sulphnre.  Etfiuniu  tormi  uni  asccuclct  iu  scculabcxuloriun; 

babent  i  equiem  die  ac  nocte  (  xiv.  10.  11 J. 


PÉCHÉ  MORTEL.  711 

;  qui  pèche  mortellement  travaille  pour  la  seconde  mort , 
c'est-à-dire  pour  l'enfer,  dit  saint  Ambroise  :  Qui  peccat,  fructum 
facit  mjrti  secundœ ,  id  est  fructificat  gehennœ  (Serai,  ni). 

■  fait  autre  chose  le  pécheur ,  lorsqu'il  pèche  mortellement . 
allumer  en  lui  le  feu  éternel? 
(  Pour  les  tourments  de  l'enfer,  voyez  Enfer.) 

Si  nous  foulons  aux  ]  ieds  le  péché  mortel,  nous  brisons  la  puissance    i0o  Le  pèche 
de  Satan;  mais  si  nous  nous  y  livrons,  le  péché  appellera  en  nous  "J^ine  une 
le  démon,  ou  plutôt  il  nous  transformera  en  démons.  Ceiui  qui        esPèce 
possède  Dieu  est  en  quelque  sorte  transformé  en  Dieu;  celui  qui  aie 
démon  dans  son  cœur  devient  lui-même  un  démon:  il  porte  le  sceau 
de  cette  bête  infernale. 

Lorsque  l'homme  vit  selon  ses  penchants,  et  non  selon  Dieu, 
il  devient  semblable  au  démon ,  dit  saint  Augustin  ;  car ,  pour 
demeurer  dans  la  vérité,  Fange  lui-même  a  dû  vivre  non  selon 
Fange,  mais  selon  Dieu  (1). 

Par  le  péché ,  l'ange  devint  démon;  par  le  péché,  l'homme  a  le 

même  sort Celui  qui  pèche  est  du  démon,  parce  que  le  démon 

pèche  dès  le  commencement ,  dit  saint  Jean  :  Qui  facit  peccatum  ex 
diabolo  est,  quoniam  ab  înitio  diabolus  peccat  (I.  ni.  8).  Le  même 
apôtre  appelle  les  pécheurs  fils  du  démon  :  Filii  diaboli  (I.  m.  10). 

Le  démon  est  le  prince  du  péché,  le  père  des  maux,  dit  saint 
Cvrille  :  Prince ps  peccat i  diabolus  est,  et  pater  malorum  (Homil.). 

Le  péché  mortel,  dit  saint  Ignace  martyr,  est  un  germe  de  Satan 
qui  transforme  l'homme  en  démon  (Epist.  ). 

Voyez  combien  le  péché  est  funeste!  C'est  lui  qui  a  engendré  tous    noLe  péché 
les  maux  dont  l'homme  est  la  proie,  et  la  mort  soit  temporelle,  ^iui-même 

soit  éternelle tous  les  maux. 

Pour  savoir  ce  qu'est  le  péché ,  attachez-vous  à  l'unique  désobéis- 
sanc  z  combien  de  maladies,  de  souffrances, 

■  pauvreté  elle  a  apporté  aux  millions  d'hommes  qui, 
depu  Jchirés  aux  épines  de  1 1  terre; 

et  sur  ce  ne.  luJe  est  e  pour  l'éternité 

dans  les  prel  ?  Considérez  que,  pour  expier  cette 

lum  se\ivit,  non  secundum  Deum ,  similis  est  diabolo;  quia 
:m ,  sed  secundum  Deum  viveudum  fuit,  ut  staret  in 


742  PÉCHÉ   MORTEtv 

désobéissance,  le  Fils  de  Dieu  a  dû  mourir  eruc'fié  entre  deux 
voleurs,  et  vous  comprendrez  quel  mal  est  un  seul  péché!  Alors, 
si  la  passion  vous  sollicite ,  vous  lui  répondrez  :  Je  ne  veux  pas 
pour  si  peu  faire  naître  en  moi  des  regrets  qui  seraient  peut-être 
inutiles  et  éternels. 

Le  péché  mortel  enfante  neuf  infirmités  ou  calamités  principales, 
contre  lesquelles  le  Saint-Esprit  nous  donne  des  forces  :  i»  les  mala- 
dies, l'adversité  et  tous  les  maux  infligés  au  corps  et  à  lame...; 
2°  l'ignorance  dans  l'intelligence...;  3°  la  faiblesse  dans  la  volonté...; 
4°  l'oubli  dans  la  mémoire...  ;  5°  le  peu  de  force  et  de  stabilité  de 
nos  désirs,  qui  souvent  ne  résistent  pas  aux  sollicitations  de  la 
chair...;  6°  le  feu  de  la  concupiscence...;  7°  la  peine  que  nous 
avons  à  entreprendre  des  œuvres  héroïques...;  8°  la  difficulté  que 
nous  rencontrons  à  persévérer  dans  le  service  de  Dieu  et  dans  la 
ferveur...;  9°  les  efforts  que  nous  sommes  obligés  de  faire  pour 

prier  Dieu  comme  il  faut 

Toutes  les  fois  que  l'âme  pèche,  elle  reçoit  une  blessure,  dit 
Origène;  si  le  péché  est  mortel,  la  blessure  est  mortelle.  Oh!  si  nous 
pouvions  voir  comment  l'homme  intérieur  est  constamment  blessé 
en  nous  par  toutes  sortes  de  péchés!  Les  œuvres  qui  constituent  le 
péché  mortel  brisent  et  déchirent  1  ame.  Si  nous  pouvions  voir  l'état 
où  elle  se  trouve  alors,  nous  résisterions  certainement  au  péché, 
cette  résistance  dût -elle  nous  coûter  la  vie;  mais  égarés  par  les 
cupidités  du  siècle,  enivrés  par  les  vices,  nous  ne  pouvons  ni 
remarquer  ni  sentir  le  nombre  et  la  gravité  des  coups  que  nous 
portons  à  notre  âme  en  péchant  (Homil.  vin  in  Num.  ). 

Pécheur,  le  péché  vous  rend  misérable,  malheureux,  pauvre, 
aveugle  et  nu,  dit  l'Apocalypse  (m.  il). 

J'entendis  une  voix  qui  me  dit  :  Venez  et  voyez.  Et  voilà  qu'appa- 
rut un  cheval  pâle,  dit  saint  Jean,  et  celui  qui  était  dessus  avait 
nom  la  Mort,  et  l'enfer  le  suivait;  et  il  lui  fut  donné  pouvoir  sur  les 
quatre  parties  de  la  terre,  pouvoir  de  tuer  par  l'épée,  et  la  faim,  et 
la  mort ,  et  les  bêtes  de  la  terre  (Apoc.  v.  8  ).  Voilà  de  quels  ravages 
le  péché  mortel  a  été  la  cause. 

L'Egypte  a  été  frappée  successivement  de  dix  plaies  qui  sont  : 
io  le  changement  des  eaux  en  sang;  2°  les  grenouilles;  3°  les  mou- 
cherons; 4°  les  mouches;  5°  la  perte  des  animaux;  Gn  les  ulci 
7° la  grêle;  8°  les  sauterelles;  9°  les  ténèbres;  10"  la  mort  des  pre- 
miers-nés. Ces  plaies  sont  l'emblème  de  celles  qu'attirent  sur  eux 
les  pécheurs  et  qui  sont  :  1°  la  discorde...;  2°  les  querelles  et  \- 


PÉCHÉ  MÔÏÏTEl.  -Î13 

tumultes...;  3°  le?  sollicitudes  qui  les  tourment  en'...;  4°  la  colère 
et  les  haines...  ;  5°  la  pri\ation  des  biens  temporels  qu'ils  pos-édent 
ou  qu'ils  envient...;  6°  les  remords  de  la  conscience...;  7°  l'obstina- 
tion dans  le  mal...  ;  8°  la  tyrannie  des  passions  qui  les  dévorent...  ; 
9<>  l'aveuglement  où  ils  sont  plongés...  ;  10°  la  mort  et  la  damnation 
de  leur  âme 

Mon  âme,  dit  le  Psalmiste ,  est  rassasiée  de  maux,  et  ma  vie  a 
touché  aux  portes  de  la  mort  :  Replet  a  est  malh  anima  mea,  et  vita 
meainferno  appropinguavit  (lxxxvïi.  4).  Votre  colère,  Seigneur , 
s'est  appesantie  sur  moi,  vous  avez  fait  passer  sur  ma  tète  tous  les 
flots  de  votre  fureur  :  Confirmatus  est  furor  tuus,  et  omnes  fluctus  tuos 
induxisti  super  me  (Ibid.  lxxxvïi.  8  ). 

Adam  et  Eve  tombent,  aussitôt  viennent  la  concimiscence,  la 
honte,  la  connaissance  de  leur  nudité,  la  crainte,  le  soin  de  se 
cacher,  les  excuses,  l'expulsion  du  paradis,  les  douleurs  de  l'enfante- 
ment, l'assujettissement  de  la  femme  à  l'homme,  la  malédiction  de 
la  terre  et  du  travail,  les  sueurs,  les  épines,  la  stérilité,  la  mort,  la 

corruption,  la  perte  de  Dieu  et  du  bonheur  éternel,  l'enfer,  etc 

Dans  Adam  et  Eve  coupables ,  remarquez  encore  cinq  funestes  effets 
du  péché  :  1°  la  science  du  mal...  ;  2°  la  perte  des  biens  qu'ils  pos- 
sédaient...; 3°  la  confusion...;  4°  les  remords  de  la  conscience...; 
5°  leur  fuite  devant  Dieu;  ils  redoutent  ses  reproches  et  la  sentence 

qu'il  va  porter  sur  eux Avec  le  péché,  dit  saint  Bernard,  passe  le 

plaisir  qui  ne  doit  plus  revenir,  et  vient  le  remords  qui  ne  doit  plus 
quitter  :  In  peccato  transit  jucunditas  non  reditura  ;  manet  anxietas 
non  relictura  (  Serm.  in  Psal.). 

Six  châtiments  ont  été  décernés  par  Dieu  contre  Adam  et  sa  pos- 
térité, châtiments  qui  répondent  aux  divers  péchés  qu'il  a  commis. 
Le  premier  péché  d'Adam  fut  la  désobéissance,  en  punition  de 
laquelle  il  sentit  naitre  la  rébellion  de  sa  chair  et  de  ses  sens.  Le 
second  fat  la  gourmandise,  en  punition  de  laquelle  il  l'ut  condamné 
au  travail  et  à  la  fatigue.  Le  troisième  fut  le  vol  du  fruit  défendu, 
en  punition  duquel  il  fut  soumis  à  la  faim,  à  la  soif,  au  froid,  à  la 
chaleur,  aux  maladies,  etc.  Le  quatrième  fut  l'infidélité  qui  le  porta 
à  ne  pas  ajouter  foi  à  la  pai'ole  du  Seigneur,  pour  croire  à  celle  du 

serpent,  en  punition  de  quoi  il  devint  sujet  à  la  mort Le  cinquième 

fut  l'ingratitude,  en  punition  de  laquelle  il  fut  privé  des  choses 
nécessaires  à  l'existence  et  qu'il  avait  reçues  de  Dieu,  et  destiné  à 

redevenir  cendre  et  poussière Le    sixième  fut  l'orgueil,    en 

punition  duquel  il  fut  privé  du  paradis.,  du  bonheur  céleste,  de  la 


tik  riteÉ  MeftflfiS 

compagnie  des  anges',  de  la  possession  dé  Dieu  et  condamné  â 

l'enfer 

Le  Seigneur  mit  un  signe  en  Caïn,  ditîa  Ger              tHitâttt  D 
lius  Cdïn  sifjmun  (  iv.  15  ).  Voyez  ici  le?  résultats  et  les  châtiment*  du 
second  péché  Commis  sur  la  terre  :  4»  le  tremblement  des  mcm!-      ; 
2°  la  fuite  et  l'exil  ;  3°  la  crainte  et  la  consternation  )  V  la  ré 
de  la  terre  elle-même  contre'  Caïn;  5°  il  demeure  errant 

En  punition  de  nouveaux  péchés  commis  par  les  hommes,  Dieu 
ensevelit  la  terre  sous  les  eaux  du  déluge.  Dans  la  suite,  il  anéantit 
Sodôme  et  Gomorrhe  sous  une  pluie  de  feu  et  de  soufre,  etc 

Parce  que  nous  n'avons  point  obéi  à  vos  préceptes,  Seigneur,  dit 
Tobie,  nous  avons  été  livrés  an  pillage,  à  la  captivité  et  à  la  moi  t . 
et  vous  nous  avez  rendus  la  fable  et  le  jouet  de  toutes  les  nations  : 
Quoniam  non  obedlvimus  praceptis  tuiê,  ideotraditi  sumus  in  dû1 
netn,,  et  coptivi  totem ,  et  morlem ,  et  in  fabulant,  et  in  improperium 
omnibus  nalumibus  (III.  4). 

Les  barbares  tirent  leurs  forces  de  nos  péché*,  dit  saint  Jérôme  : 
Nostris  prends  barbari  fortes  sunt  (Epist  m  ad  Heliodorum). 

La  justice  grandit  une  nation,  mais  le  crime  rend  les  peuples 
misérables,  disent  les  Proverbes  i  Justitia  élevât  gentem,  miseros  autem 
faiit  populos  pecco.tum  (xiV.  3  'i  ). 

Les  misères  que  le  péché  appelle  sur  la  tête  des  peuples  Sont  ter- 
ribles et  nombreuses  ;  ce  sont  les  injustices,  les  exactions,  la  lamine, 
la  guerre  *  la  peste,  le?  séditions,  infions,  l'anarchie,  la 

honte  et  tdOSlêf!  lui-faits.  Voyez  où  1  miquité  drjs  Juifs  les  a  conduits. 

Deux  maux  fondront  soudain  sur  toi,  la  stérilité  et  la  \  i 
Isa'te  aux  Coupables  habitants  de  Juda  :  Veulent  tibi  duo  hœc  subito, 
sttrttkùi  rt  ûlduitai  (xlvii.  0). 

Lespérh'^  l'un!  disparaître  la  dignité,  la  charité  .  la 
le6  vertus,  le  dtiltè  divin,  la  rpligion,  les  rois,  les  foyaum 
peupl-  . 

La  pn  lie  qu'il  brise  les  pécheurs  comme 

nu  I  ile 

Recueillez  les  ftiiOmei  suivante,  iis  aident  à  comprendre  quel! 

ost  la  malice  fi  u  grandeur  «lu  péi 

t*L*p6ché*  est  le  pire  de  tôUslea  maux  qui  sont  soi]  '.  qui 

ont  été  et  qui  seront.  Qui  a  fait  de  I 
a  chaise  Adam  H  les  hODttl 

sur  celte  terre  de  misères?  qui  les  a  condamnés  a  la  mort  et  à  . 
fer?  U  pi'ibé. 


PÊCHE   MORTEL.  74S 

2°  Un  seul  -péché,  même  véniel ,  est  un  pkls  grand  mal  que  ttfûs 
les  autres  maux  réunis;  car  seul  le  péché  attaque  Dieu.  Lé  péché  est 
l'unique  mal,  l'unique  désordre  ;  tous  les  autres  maux,  châtiments 
du  péché,  sont  une  justice  et  le  rétablissement  de  Tordre  détruit 
par  le  péché. 

3°  Compares  au  péché ,  non-seulement  les  autres  maux  ne  sont 
pas  des  maux  J  mais  ils  méritent  le  nom  de  biens,  puisqu'ils  sont 
le  résultat  de  la  justice  vengeresse  qui  remédie  au  péché  par  la 
peine,  et  qui' ramène  ainsi  le  désordre  à  l'ordre. 

A0  Le  péché  est  un  déicide;  il  est  le  seul  glaive  qui  donnerait  la 
mort  à  Dieu,  très-bon  et  très-grand,  s'il  pouvait  en  effot  mourir. 

5°  Le  Fils  de  Dieu  a  consenti  à  se  faire  homme,  à  souffrir  et  à  mou- 
ler plut '  t  que  de  laisser  ta  péché  sans  expiation.  Qui  est-ce  qui  a. 
cloue  J.  C.  sur  la  croix,  sinon  le  péo.bé?  Le  péché  est  donc  un 
christicide. 

6°  Si  tous  les  anges  bons  et  mauvais,  toutes  les  créatures  et  le 
Créateur  lui-mêffie  se  réunissaient  contfe  un  homme,  et  qu'ils  mis- 
sent toute  leur  puissance  à  l'accabler  et  a  le  torturer,  ils  ne  pour- 
raient lui  faire  autant  de  mal  qu'il  s'en  fait  en  commettant  un  seul 
péché,  même  véniel. 

7o  La  malice  du  péché  ne  peut  être  compensée  par  aucun  bien 
créé;  tellement  qu'il  ne  serait  pas  permis  de  faire  tin  seul  péché 
véniel  pour  convertir  le  monde  entier,  ou  pour  tirer  tous  les  dam- 
nés de  l'enfer.  On  peut  dire  en  toute  vérité  que  la  malice  du  péché 
n'est  pas  seulement  comme  infinie ,  mais  qu'elle  est  incompréhen- 
sible. C'est  donc  avec  raison  que  les  martyrs  et  les  saints  ont  résisté 
au  péché  jusqu'à  préférer  de  mourir  plutôt  que  de  le  commettre. 

Voici  une  sentence  de  saint  Augustin  qui  mériterait  d'être  écrite 
en  lettres  d'or  :  Il  y  a  un  hien  suprême,  Dieu;  et  un  mal  suprême, 
le  péché  :  l'un ,  en  vue  duquel  il  faut  désirer  les  autres  biens;  mais 
quant  à  lui,  il  faut  le  désirer  pour  lui-même  :  l'autre,  en  vue 
duquel  il  faut  éviter  les  autres  maux}  mais  quant  à  lui,  il  faut 
l'éviter  pour  lui-même  (1). 

0  coupa'  île  fille  de  Jérusalem ,  âme  plongés  dans  le  péché  mortel , 
à  qui  te  comparerai -je,  à  qui  es-tu  semblable,  â  qui  t'égalera:-jo? 
i  !  Jérémie  :  Cui  comparabo  te?  cui  assimilaio  te,  [llia  Jérusalem'/ 
cui  exœquabo  te?  (Lament.  11. 13.) 

(1)  Unum  est  summum  bonum  ;  unurti  summum  malum  :  illuà  prnptef  qnm 
appetenda  sunt  bona  caetera;  ipsum  autem  propter  ipsum.  Hoc  propter  quod  decii- 
nanaasuut  mala  caetera;  ipsum  autem  propter  seipsum(Se«fe«f.). 


716  PÉCHÉ  MORTEL. 

Notre  héritage  est  passé  à  des  étrangers,  et  nos  demeures  ont  été 
occupées  par  l'ennemi,  nous  sommes  comme  des  enfaDts  privés  de 
leur  père  :  Hœreditas  nostra  versa  est  ad  aliénas ,  domus  nostrœ  ad 
extraneos  :  pupilli  facti  sumus  absque  pâtre  (Lament.  v.  2.  3  ).  La  joie 
de  notre  cœur  s'est  éteinte;  nos  chants  se  sont  changés  en  lamenta- 
tions. La  couronne  de  notre  tête  est  tombée  :  malheur  à  nous,  parce 
que  nous  avons  péché  !  Defecit  gaudium  cordis  nostri  ;  versus  est  in 
luctum  chorus  noster.  Cecidit  corona  capitis  nostri  ;vœ  nobisquia  pecca- 
vimus!  (Lament.  v.  15.  16.)  Souvenez- vous,  Seigneur,  de  ce  qui 
nous  est  arrivé;  voyez,  et  regardez  notre  opprobre  :  Recordore, 
Domine,  quid  acciderit  nobîs  :  intuere ,  respice  opprobrium  nostrum 
(Lament.  v.  1  ). 

Le  péché  est  la  cause  de  tous  les  maux  temporels  et  spirituels..». 

Le  péché  mortel  est  le  seul  mal  et  le  mal  suprême  de  Dieu,  de 
l'ange,  de  l'homme  et  de  toutes  les  créatures 

h  ir<^é  -^E  rav5tère  d'iniquité  s'opère,  dit  le  grand  Apôtre  :  Mysterium 
mystère  infer-  operatur  iniquitatis  (IL  Thess.  ir.  7). 

Sur  le  front  de  la  prostituée  dont  parle  l'Apocalypse,  était  écrit  le 
mot  mystère: Et  in  fronte  ejus  nomen  scriptum  :  mysterium  (xvu.  5). 
Le  péché  mortel  peut  porter  la  même  inscription 

Il  m'est  impossible,  dit  saint  Thomas,  il  m'est  impossible  de 
comprendre  comment  celui  qui  est  en  état  de  péché  mortel  peut 
rire  et  se  réjouir  :  Capere  nequeo,  qua  ratione ,  existens  in  peccato 
mortali,  possit  ridere  et  lœtari  (  De  Peccat.  ). 

L'ne  vierge  de  J.  C.  disait  en  mourant  :  Je  me  retire  de  ce  monde 
sans  avoir  jamais  pu  comprendre  comment  une  créature  laite  à 
l'image  de  Dieu,  capable  de  le  connaître,  de  l'aimer,  de  le  servir  et 
de  le  voir  dans  la  bienheureuse  éternité,  peut  commettre  volon- 
tairement un  seul  péché  mortel  contre  son  divin  Créateur  et 
Rédempteur. 

Le  péché  mortel  suppose  un  aveuglement  prodigieux.  Qu'on  ne 
se  résigne  pas  à  tout  souffrir  plutôt  que  de  se  livrer  au  péché,  si 
abominable  en  lui-même,  si  détesté  de  Dieu,  si  énergiquement  con- 
damné par  la  loi  divine,  la  raison  et  la  conscience;  au  péché,  qui 
ravit  tous  les  biens  et  plonge  dans  tous  les  maux  :  c'est  vraiment  un 
mystère  internai  :  Mysterium  iniquitatis. 

Affreux  état 

de  L'Ame        -^ 
qui  a  con  mis  1  oiR  vous  faire  une  idée  de  L'état  où  se  trouve  une  âme  souillée  par 

Je  iicclic  h  or-     ,         ,   ,    ,  .    , 

tel.  le  pecué  mortel,  repre^riil(/.-\ dus  : 


PÉCHÉ  MORTEL.  717 

4°  Une  ville  prise   d'assaut  et  où  règne  la  destruction     t  le 
pillage...; 

2°  Un  vaste  incendie Encore  y  aura-t-il  cette  différence  que  , 

dans  un  incendie,  on  appelle  au  secours,  et  que  tous  les  voisins 
s'empressent  d'en  donner  ;  tandis  que  l'âme  qui  a  laissé  s'alluri  er 
en  elle  le  feu  infernal  du  péché,  est  muette  et  qu'elle  se  laisse  dévo- 
rer sans  crier  vers  Dieu  et  lui  demander  aide  et  protection...  ; 

3°  Un  horrible  et  formidable  naufrage...; 

4°  Les  ravages  qui  accompagnent  une  guerre  implacable...  ; 

5°  Les  souffrances  que  produit  la  famine...  ; 

6°  Celles  qu'apporte  la  peste...  ; 

7°  Représentez -vous  encore  un  homme  qui,  dans  un  lieu  soli- 
taire, au  fond  d'une  sombre  et  immense  forêt,  au  milieu  des  ténè- 
bres de  la  nuit,  tombe  entre  les  mains  de  voleurs  et  d'assassins...; 

8°  Ou  bien  un  malheureux  attaqué  par  un  lion,  un  tigre,  un 
énorme  serpent...; 

9°  Ou  bien  un  captif  que  l'on  enfermerait  dans  un  cachot  téné- 
breux, peuplé  de  scorpions  et  de  vipères...  ; 

dOu  Ou  bien  un  patient  entre  les  mains  de  bourreaux  acharnés  et 
ingénieux...  ; 

\\°  Ou  bien  enfin  un  corps  étendu  dans  le  tombeau  et  livré  à  la 
corruption  et  aux  vers. 

(  L'orateur  sacré  peut  peindre  avec  de  vives  couleurs  ceux  de  ces 
tableaux  qui  lui  fourniront  les  traits  les  plus  propres  à  saisir  son 
auditoire  et  à  le  pénétrer  d'horreur  pour  le  péché.) 

Le  péché  a  ses  sources  en  nous-mêmes;  ce  sont  :  la  volonté  ,  l'intel-       Sourds 

du  pé:he. 
ligence,  l'imagination,  l'ignorance,  les  mauvaises  habitudes,  la 

concupiscence ,  etc 

1°  La  volonté  est  la  cause  immédiate  de  l'acte  coupable,  ou  du 

péché  mortel  :  elle  le  veut 2°  L'intelligence  le  propose  à  la 

volonté  ;  elle  lui  conseille  de  s'assurer  un  prétendu  bien  sensible , 
en  abandonnant  le  bien  réel  et  en  désobéissant  à  la  loi  divine  qui 

défend  d'aimer  ce  bien 3°  L'imagination  représente  vivement  à 

la  volonté  les  charmes  de  ce  faux  bien,  et  elle  s'efforce  d'obtenir  son 
consentement 4°  L'ignorance  arrive  au  même  but  que  l'imagi- 
nation ,  en  cachant  à  la  volonté  la  laideur  et  la  malice  du  péché 

5°  La  mauvaise  habitude,  partant  de  la  fréquence  même  du  con- 
sentement que  la  volonté  a  donné  au  péché,  l'engage  à  le  vou- 
loir encore t>*  Enfin,  la  concupiscence  est  la  cause  propre  et 


718  PÉCHÉ  MORTEL. 

puissante  de  la  tentation,  et  par  conséquent  du  péché,  Elle  meut  l'in- 
telligence, l'imagination,  la  volonté  et  les  pr^edeco  mettre  le 
péché.  Elle  fait  naître  le  défaut  de  réflexion,  l'ignorance  et  la  pas- 
sion ;  elle  amène  les  rechutes  et  la  mauvaise  habitude  ;  elle  cache  la 
malice  du  péché  en  prodiguant  les  promesses  d'un  honneur  qui  n'est 
qu'un  faux  bonheur.  C'est  donc  très -justement  qu'on  la  nomme  le 
principe,  l'arsenal,  le  foyer  du  péché;  et  encore ,  comme  s'exprime 
saint  Paul,  la  loi  des  membres  qui  combat  la  loi  de  l'esprit,  et 
qui  captive  l'homme  sous  la  loi  du  péché  qui  est  dans  les  mem- 
bres (1). 

La  concupiscence,  lorsqu'elle  a  conçu,  enfante  le  péché,  dit 
l'apôtre  saint  Jacques;  et  le  péché,  quand  il  a  été  consommé, 
engendre  la  mort  :  Concupiscentia  çum  conceperit ,  parti  peccalum  :, 
peccatum  vero  cum  consummatum  fuerit ,  générât  mortem  (  i.  la). 

La  concupiscence  se  présente-t-elle?  dit  saint  Augustin  :  repous- 
sez-la; gardez-vous  de  la  suivre  :  elle  est  illégitime,  elle  est  lieen- 
tieuse,  elle  est  infâme,  elle  rend  l'homme  ennemi  de  Dieu  :  Surrexit 
concupiscentia?  nega  te  illi;  noli  eam  sequi :  illicita  est,  lascioa  est, 
turpis  est ,  aliénât  a  Deo  (Lib.  Confess.). 

Diverses      ]jk première  manière  de  pécher,  dit  saint  Jérôme,  c'est  do  penser  à 

m  pécher.  °    ce  qui  est  mauvais;  la  seconde,  c'est  de  s'arrêtera  cette  pensée; 

la  troisième,  c'est  de  passer  de  la  pensée  à  l'action  ;  la  quatrième, 

c'est  de  ne  point  faire  pénitence  après  le  péché  et  do  s'y  complaire 

[Fpist.  vin ). 

Le  premier  degré  du  péché,  dit  l'abbé  Rupert,  c'est  de  lui  donner 
entrée  dans  la  volonté  ;  alors  le  pécheur  est  mort  dans  sa  maison;  le 
second,  c'est  de  passer  de  la  volonté  à  l'action  ;  par  là  le  pécheur 
déjà  mort  est  porté  en  terre  ;  le  troisième,  c'est  <lo  contracter  l'habi- 
tude du  mal  :  par  là  le  pécheur  est  enterré  ;  le  quatrième,  c'est  de  se 
complaire  dans  le  péché  et  de  résister  à  Dieu,  qui  appelle  à  la  péni- 
tence; c'est  de  lutter,  par  esprit  d'orgueil,  contre  la  loi  divine .  qui 
fait  des  reproches  :  ce  degré  peut  être  comparé  à  la  putréfaction. 
Agir  ainsi,  c'est  s'abandonner  au  /union ,  c'est  montrer  I;,  résolution 
de  demeurer  impénitent  et  réudté,  c'est  défendre  sou  crime,  Aussi 
ce  crime  devient  pleinement  indigne  de  pardon,  et  comme  irrémis- 
sible {fn  Evang.). 


(1)  Video  aliara  legem  in  membris  mois,  repjgnantera  legi  mentis  inoas,  et  cupti- 
tantem  iec  in  legc  peccati,  quîe  est  in  membris  meis  [Rom.  vil.  23J. 


i 


PÉCHÉ   MORTEL.  719 

Saint  Chrysostome,  saint  Augustin  et  sa'nt  Thomas   enseignent      Difficulté 
qu'il  est  plus  difficile  de  rendre  juste  le  pécheur  et  qu'il  faut  pour  et  ""u*6  ^ 
eela  une  pins  grande  puissance  que  pour  créer  le  ciel  et  la  terre.  En    justification. 

.  le  péché  et  la  grâce,  le  pécheur  et  Dieu  sont  plus  éloignés, 
plus  opposés  que  le  néant  ne  l'est  de  l'existence.  Dieu  et  le  péché 
sont  deux  extrêmes ,  deux  contraires  à  un  degré  infini.  Puis,  rien  ne 
répiste  à  Dieu,  sinon  la  volonté  du  pécheur.  Enfin,  la  grâce  et  la 
justification  sont  d'un  ordre  surnaturel  et  divin;  il  faut  une  suprême 
puissance  pour  que  le  pécheur  dégradé  et  tombé  par  son  péché  au- 

us  de  toutes  les  créatures  et  même  au-dessous  du  néant,  soit 

élevé  au-dessus  de  toutes  les  créatures,  jusqu'à  la  justice,  et  devienne 

l'ami  de  Dieu,  son  fils  adoptif,  et  en  quelque  sorte  participant  de  la 

nature  divine. 

Les  pervers  se  corrigent  difficilement,  dit  l'Ecclésiasle  :  Pemersi 

ile  corriguntur  (i.  15).  Car,  1°  ils  pèchent;  or,  le  péché  est  la 
plus  grande  des  folies,  puisque  c'est  préférer  les  sens  à  la  raison,  la 
passion  à  la  vertu,  la  créature  au  Créateur,  c'est-à-dire  une  obole 
à  un  million,  un  grain  de  blé  à  une  moisson  abondante,  une  goutte 
d'eau  à  l'Qcéaq  ,  un  grain  de  sable  à  l'univers,  la  mort  à  la  vie, 
l'enfer  au  ciel ,  le  suprême  et  éternel  malheur  au  suprême  et  éternel 
bonheur.  Quiconque  agit  de  la  sorte,  ne  semble -t- il  pas  incorri- 
gible?... 2°  Les  pervers  se  corrigent  difficilement,  parce  qu'ils 
persévèrent  avec  obstination  dans  le  péché;  ils  s'y  complaisent  peu 
à  peu,  ne  se  trouvent  point  condamnables  et  souvent  se  louent, 
blâmant  les  justes.  3°  Ils  se  corrigent  difficilement,  parce  qu'ils  ne 
permettent  pas  qu'on  les  reprenne  et  qu'on  les  corrige,  mais  qu'ils 
méprisent  et  tournent  en  ridicule  ceux  qui  leur  enseignent  le  bien 
et  qui  les  invitent  à  le  pratiquer.  Aussi  la  sainte  Ecriture  dit-elle  que 
le  cœur  de  tels  insensés  est  un  plomb  vil,  et  qu'ils  mourront  dans 
l'indigence  du  cœur  :  Cor  imjjiorum  pro  nihilo.  In  çordis  egestate 
morientur  (Prov.  x.  20.  21  );  c'est-à-dire  dans  une  grande  privation 

d'intelligence  et  de  raison 4°  lisse  corrigent  difficilement,  parce 

qu'ils  ne  veulent  pas  s'améliorer;  ils  fuient  la  lumière  et  l'ont  en 
horreur..... 

Dieu,  dit  saint  Augustin ,  doit  punir  le  péché ,  parce  que  le  sceptre  Le  péché  don 
de  son  empire  est  un  sceptre  de  justice.  Le  péché  doit  être  puni;      e  iePum* 
autrement  il  ne  serait  pas  péché.  Prévenez  Dieu  si  vous  ne  voulez 
pas  qu'il  *  ous  ?  Punissez-vous  vous-même;  car  il  faut  que  le 

péché  soit  puni,  ou  pa-"  vous,  ou  par  lui.  Reconnaissez  votre  faute. 


720  PÉCBÉ  MORTEL. 

afin  qu'il  vous  la  pardonne.  Vous  pardonnez,  Seigneur,  à  celui  qui 
confesse  ses  iniquités;  vous  pardonnez,  mais  seulement  '  celui  qui 
se  puuit.  Ainsi  sont  sauvegardées  la  miséricorde  et  la  justice  :  la 
miséricorde,  parce  que  l'homme  est  délivré  du  joug  qui  l'accablait; 
la  justice,  parce  que  le  péché  est  puni  (l). 

Tout  péché,  dit  encore  saint  Augustin,  est  un  désordre.  Sous  un 
Dieu  juste,  tout  désordre  doit  être  réprimé;  mais  pour  atteindre  ce 
but  il  faut  punir  son  auteur  :  or,  l'auteur  du  péché,  c'est  le  pécheur 
lui-même  {In  Psal.  xliv). 

Que  faut-il     La  tentation  a  trois  degrés  :  Premièrement,  la  suggestion  ou  la 

(mur  faire  un  ,    .       ,  .  .... 

ijccuu  mortel?  pensée  de  la  chose  mauvaise,  qui  ordinairement  ne  constitue  pas 
un  péché ,  parce  que  souvent  elle  est  suscitée  par  le  démon ,  sans 
qu'il  y  ait  de  notre  faute,  et  sans  que  nous  y  consentions Secon- 
dement, la  délectation,  qui  a  lieu  lorsque  l'âme,  négligeant  de 
repousser  la  suggestion,  la  reçoit,  au  contraire,  avec  un  plaisir 

imparfait;  alors  il  n'y  a  que  péché  véniel Troisièmement,  le 

consentement  volontaire  et  délibéré  ;  alors,  si  la  gravité  de  la  matière 

y  est  jointe,  il  y  a  péché  mortel C'est  ce  qui  a  fait  dire  à  saint 

Isidore  :  Par  ces  accroissements,  comme  par  autant  de  degrés,  le 
péché  arrive  à  sa  pleine  puissance;  la  suggestion  produit  la  délecta- 
tion; la  délectation,  le  consentement;  le  consentement,  l'action; 
l'action,  l'habitude;  'habitude,  la  nécessité  (2). 

Il  faut  éviter  Nous  qui  sommes  morts  au  péché,  comment  vivrons-nous  en  lui  ? 
moruf^H  ne  ('^  ^e  grancl  Apôtre  :  Qui  entm  mortui  tumm  peccato ,  quomodo  adhuc 
pas  y  rester.    vivemus  {n  m0?  (R0m.  VI.  2.) 

Nous  sommes  morts  au  péché  par  le  baptême,  par  notre  vocation 
à  la  vie  chrétienne,  etc.  11  faut  travailler  constamment  à  éviter  le 
péché  ;  et  si  on  avait  le  malheur  d'y  tomber,  faire  tous  ses  efforts 

pour  en  sortir 

Que  font  la  plupart  des  pécheurs?  Lorsqu'il  faudrait  se  tenir 


(i)  Peccatum  puniturus  <_^t  Deus ,  qoia  virga  directionis  est  virga  regni  ipsiiu. 
pnmeudum  est  peccatum  :  si  punienduni  non  esset,  nec  peccatum  esset.  Praeveni 
iilum  :  non  \is  ut  te  puniat?  tu  puni.  Puniendum  ergo  erit,  aut  a  le,  aut  ab  ipso.  Ta 
agnosce,  ut  il  le  ignoscat.  [gnoscis,  Domine,  couliienli;  ignosi  is,  sed  - .  • .  j  »  -  u  1 1 1  punienti. 
Ita  servalar  misericordia  et  veritas  :  misericordia,  quia  liomo  liberalur;  veritas,  quia 
pei  i-.ilimi  puiiilur  ^  //(  Psal.  XLIX). 

istis  fomitibus  quasi  quibuadam  gradibos  eonvalescit  omne  peccatum  . 
io  operatur  delectationem,  delectatio  consensum,  consensus  operalionem,  operatio 

coiiiucluuiuem,  coiisuetudo  necessitatem  (Ij6.  Sentent.  ). 


PÉCHÉ  MORTEL.  721 

debout,  ils  tombent;  et  lorsqu'ils  devraient  se  relever,  ils  restent 
dans  leur  chute 

Pour  ne  pas  tomber  clans  le  péché  mortel  et  pour  en  sortir  :  Moyens  pour 

r  r  *  ne  pas  tomber 

\  °  Il  faut  craindre  le  péché.  dans  le  péché 

L'impératrice  Eudoxie  ayant  adressé  des  menaces  à  saint  Jean     et  pour  eu 
Chrysostome,  les  courtisans  de  cette  princesse  eux-mêmes  lui        sortir* 
dirent  :  Vous  cherchez  en  vain  à  l'effrayer;  Chrysostome  ne  craint 
que  le  péché  :  Frustra  illum  terres,  Chrysostomus  nil  nisi  peccatum 
timet  (Hist.  Eccles.). 

J'ai  appris  à  connaître  la  fermeté  d'Ambroise ,  disait  l'empereur 
Théodose:  la  crainte  de  la  majesté  impériale  ne  l'amènera  jamais  à 
transgresser  la  loi  de  Dieu  :  Novi  ego  constantiam  Ambrosii,  et  quoi 
nullo  regiœ  majestatis  terrore,  legem  divinam  transgredietur  (Hist. 
Eccles.). 

Si  je  voyais  d'un  côté  le  péché,  et  de  l'autre  l'enfer,  dit  saint 
Anselme,  et  que  je  dusse  nécessairement  choisir  entre  les  deux,  je 
choisirais  l'enfer.  J'aimerais  mieux  entrer  pur  de  tout  péché  en 
enfer,  que  d'aller  au  ciel  avec  la  souillure  du  péché  :  Mallem,  purus 
a  peccato  gehennam  intrarc,  quant  peccati  sorde  pollutus3  ccelcrvm  régna 
tenere  (Lib.  de  Similit.,  c.  çxç).  "*~ 

2°  Il  faut  éviter  soigneusement  le  péché.... 

Fuyez  devant  le  péché  comme  à  l'aspect  du  serpent,  dit  le  Saint- 
Esprit;  car,  si  vous  vous  en  approchez,  il  vous  saisira.  Ses  dents  sont 
des  dents  de  lion;  elles  tuent  les  âmes  :  Quasi  a  faciès  colubri  fuge 
peccata  :  et  si  accesseris  ad  Ma,  suscipient  te.  Dentés  leonis ,  dentés 
ejus ,  interfcientes  animas  hominum  (Eccli.  xxi.  2.  3). 

Abstenez- vous  de  toute  apparence  de  mal,  dit  le  grand  Apôtre; 
Ab  omni  specie  mala  abstinete  vos  (I.  Thess.  v.  22). 

Si  nous  ne  foulons  pas  aux  pieds  les  péchés,  dit  saint  Bernard, 
ils  nous  terrasseront;  si  nous  ne  les  réprimons  pas,  ils  feront  pe  er 
sor  nous  leur  joug  :  Nisi  calcati  fuerint,  conculcabunt  nos;  nisi  pre- 
mantur,  oppriment  nos  (  Serm.  in  Psal.). 

3°  Il  faut  prier. 

Nous  devons  dire  avec  le  Psalmiste  :  Seigneur,  n'entrez  pas  en 
jugement  avec  votre  serviteur,  parce  que  nul  homme  vivant  ne  sera 
juste  devant  vous  :  Non  intres  in  judicium  cum  servo  tuo;  quia  non 
justificabitur  inconspectutuo  tmnis  vivens  (cxlii.  2).  Mon  Dieu,  venez  à 
mon  aide  :  Seigneur,  hàt  z-\ous  de  me  secourir  :  bevs  in  adjutorium 
meum  intende;  Domine,  a.*,  adjuvandum  me  festina  (Psal.  lxix.  1). 
in.  *6 


7Î2  PÉCÎ1É  MORTEL. 

40  i\  faut  aimer  mieux  mourir  que  de  re  au  seul  péché 

mortel. 

Si  l'hermine  poursuivie  par  les  chasseurs  trouve  devant  elle  un 
marais  fangeux,  et  qu'elle  ne  paisse  échapper  à  la  mort  qu'en  la 
traversant,  elle  préfère  se  laisser  prendre  et  tuer,  disant  en  quel- 
que sorte  :  J'aime  mieux  mourir  que  de  me  salir  :  Malo  mon  quant. 
■ù  Ces  pamles  devraient  être  la  devise  du  chrétien 

Dès  Tàge  le  plus  tendre,  saint  Louis,  roi  de  France,  apprit  de 
Blanche,  sa  pieuse  mère,  à  préférer  la  mort  au  péché  mortel 
(Hist.  Eccles.). 

Saint  Edmond,  archevêque  de  Cantorbéry,  disait  :  J'aimeraismieux 
être  jeté  dans  un  immense  brasier,  que  de  commettre  volontaire- 
ment un  seul  péché  {In  ejus  vit  a). 

Voyez  Joseph,  Suzanne-  reniai  ^tses  compagnons,  le  saint  vieil- 
lard Eléazar,  etc 

Les  païens  eux-mêmes  confessaient  qu'il  vaut  mieux  souffrir  et 
mourir  que  de  violer  les  lois  de  la  vertu  :  Melius  est  mori,  quarn. 
focere  aliquid  contra  bonum  virtutis.  Ces  paroles  sont  attribuées  par 
Diogène  Laërce  à  Aristote.  Quand  je  saurais  que  les  hommes  l'igno- 
reront et  que  Dieu  me  le  pardonnera,  dit  Sénèque, je  ne  voudrais 
pas  faire  le  mal  à  cause  de  ce  qu'il  y  a  d'indigne  de  l'homme  dans  le 
mal  pris  en  lui-même  :  Et  si  scirem  homines  ignoraturos  et  Deum 
ignosciturum ,  tamen  peccare  nollem ,  ob  peccati  turpitudinem. 

Qu'est-ce  que  le  péché,  sinon  un  ulcère,  une  lèpre,  un  cloaquo 
empoisonné,   un  monstre  dans  le  monde   des  intelligences,  un 
crime  de  lèse-majesté  divine,  le  foyer  où  s'alimente  le  feu  de  l'enfer, 
e  produit  de  Satan,  le  fils  de  la  mort 

5°  Il  faut  se  rappeler  la  présence  de  Dieu. 

Seigneur,  dit  le  Psalmiste,  vous  a\ez  placé  nos  iniquités  devant 
vous, et  notre  vie  a  été  éclairée  parle  rayonnement  de  votre  visage: 
Posuisti  iniquitates  nostras  in  Ooitsp&tU  iuo ,  seculum  nostrum  in  illu- 
minatione  vultus  tui  (lxxxix.  8).  Où  irai-je  pour  me  dérober  à  votre 
esprit?  où  fuirai-je  pour  n'être  plus  en  votre  présence?  Quo  ibo  a 
spiritu  tuof  et  quo  a  facie  tua  fugiam?  (  Psal.  cxxxvni.  7.) 

Le  chaste  Joseph  répondit  à  1  itiptiar  qui  le  sollicitait  au 

crime  :  Comment  pourrais-je  commettre  ce  mal, 
sence  de  mon  Dieu?  Quomodo  possum  hoc  inaluiii,  Jucere,  eijMu:çu/-e  in 
Deum  meum?  (Gen.  xxxix.  9.) 

{Voyez  Présence  de  Dieu. ) 


PÉCHÉ  ORIGINEL. 


Dieu  prescrivit  la  circoncision  à  Abraham  à  cause  du  péché  L'erïstMice  <  : 
r  pèche  onçio 

originel,  et  afin  de  détruire  la  tache  qu'il  imprime  à  lànic    est  certaine. 
[Gen.xxn.  10). 

J.  C.  lui-même  s'est  soumis  à  la  circoncision  par  humilité  et  par 
obéissance  à  la  loi  de  Moïse;  mais,  exempt  de  tout  péché  et  impec- 
cable par  nature ,  il  n'en  avait  pas  besoin  (  Luc.  n.  21  ). 

J.  C.  a  établi  le  sacrement  de  baptême  pour  eûacer  le  péché 
originel.... 

Par  un  homme,  dit  le  grand  Apôtre,  le  péché  est  entré  dans  le 
monde  ;  etpar  le  péché,  la  mort;  et  ainsi  la  mort  a  passé  dans  tous  les 
hommes  par  celui  en  qui  tous  ont  péché  :  Per  unum  hominem  pecca- 
tum  in  hune  mundum  intravit,  et  per  peccatum  mors;  et  ita  in  omnes 
homines  mors  pertransiit,  in  quo  omnes  peccavernnt  (Rom.  v.  42  ). 

Tous,  même  les  enfants,  ont  donc  péché;  mais  les  enfants  ne 
peuvent  avoir  de  péché  actuel;  il  faut,  par  conséquent,  qu'ils  nais- 
sent avec  un  péché  d'origine  contracté  en  Adam 

Le  Prophète  royal  confesse  le  péché  originel  : 

Considérez,  Seigneur,  dit -il,  considérez  que  j'ai  été  engendre 
dans  l'iniquité,  et  que  ma  mère  m'a  conçu  dans  le  péché  :  Ecce  in 
iniguitatibus  conceptus  sum  :  et  in  peccatis  concepit  me  mater  mea  (l.  6). 

Le  péché  originel  est  un  dogme  de  foi 

Quoique  séparés  du  peuple  juif,  les  anciens  peuples  avaient  eux- 
mêmes  conservé  quelque  souvenir  de  la  chute  du  premier  homme 
et  de  la  malédiction  divine  attirée  par  là  sur  sa  race. 

Par  l'envie  de  Satan,  dit  la  Sagesse,  la  mort  est  entrée  dans  l'uni-  C 
vers:  Invidia  diaboli,mors  introivit  in  orbem  terrarum  (\\.  1\. —  0i 
Voyez  le  me  chapitre  de  la  Genèse  ). 

Quoique  la  désobéissance  d'Eve  ait  précédé  celle  d'Adam,  Adam 
n'en  est  pas  moins  la  cause  première  du  péché  originel,  de  ses 
suites  et  de  sa  propagation,  comme  il  est  la  cause  première  de  la 
génération.  Parce  qu'il  est  notre  chef,  en  lui  avait  été  placée  l'inno- 
cence et  la  justice  originelles.  Ceci  rend  très-probable  le  sentiment 
que,  malgré  la  chute  d'Eve,  si  Adam  n'eut  pas  péché,  il  n'y  eût  pas 


724  PÉCHÉ  ORIGINEL. 

eu  transmission  de  la  faute  originelle.  Ce  sentiment  est  celui   le 
saint  Thomas  et  d'un  grand  nombre  de  théologiens. 

Comment      Tous  ont  péché  en  Adam ,  dit  saint  Paul  (  Rom.  v.  42  ).  Tous,  parce 

se  contracte  le  .  x  r 

péché        que ,  dit  saint  Augustin ,  tous  les^hommes  ont  été  primitivement  ce 
iolue  '      seul  homme,  c'est-à-dire  Adam:  Quia  omnes  homines  fuerunt  Me 
unushomo,  scilicet  Adam  (Lib.  de  Peccat.  merit.,  c.  x).  Tous  les 
hommes  ont  été  ce  seul  homme  par  leur  origine;  il  les  a  tous  con- 
tenus en  germe  et  représentés De  même  que  le  péché  actuel 

ou  l'acte  du  péché  passe ,  mais  laisse  après  lui  le  péché  habituel , 
c'est-à-dire  une  tache  dans  l'âme;  ainsi  le  péché  originel,  en  tant 
qu'acte  de  désobéissance  d'Adam,  est  passé,  mais  il  a  laissé  à  tous 
les  hommes  une  tache  que  chacun  d'eux  apporte  en  naissant.  Il  est 
péché  actuel  et  péché  habituel. 
Ne  voit-on  pas  souvent  le  déshonneur  et  l'infamie  du  père  passer 

à  ses  enfants,  et  le  crime  d'un  prince  imputé  à  toute  une  nation 

Nous  portons  la  peine  d'Adam,  étant  sujets  à  l'ignorance,  à  la 

concupiscence,  aux  maladies  et  à  la  mort,  etc Nous  naissons 

donc  coupables,  car  l'homme  n'est  pas  sorti  dans  ces  conditions  des 
mains  du  Créateur;  tout  ce  que  Dieu  avait  créé  était  très-bon 3  dit 
l'Ecriture  :  Erantvalde  bona  (  Gen.  i.  31  ). 

Le  sang  d'Adam  a  été  infecté  par  son  crime;  mais  tous  les  hom- 
mes viennent  de  ce  sang  impur  ;  ils  naissent  donc  tous  souillés  du 

péché  originel 

L'exception  faite  en  faveur  de  la  Vierge  immaculée  n'affaiblit  pas 
la  loi  générale;  il  n'y  a  point  de  loi,  quelque  générale  qu'elle  soit, 
qui  ne  puisse  avoir  des  exceptions.  Le  souverain  législateur  a  le 
droit  de  dispense.  Par  le  droit  suprême  qu'il  a  sur  toutes  les  créa- 
tures ,  Dieu  plaça  la  volonté  de  tous  les  homines  dans  la  volonté 
d'Adam,  afin  que  sa  postérité  fût  censée  faire  ce  que  lui-même 
ferait  de  bien  ou  de  mal.  La  volonté  d'Adam  a  donc  été  la  volonté  de 
toute  sa  race.  Dieu  a  agi  ainsi  afin  qu'Adam  lût  le  type,  ou  plutôt, 
si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi,  l'antitype  de  J.  C,  dont  la  volonté ,  la 
satislàction  et  les  mérites  doivent  être  les  nôtres.  Car,  dit  saint 
Paul,  J.  C.  s'est  fait  à  nous  sagesse  venue  de  Dieu ,  et  justice,  et  sanc- 
tification, et  rédemption  :  Christus  factus  est  nobis  sapientia  a  Deo,  et 
jastitia  ,  et  sancli/icatio,  et  redemptio  (I.  Cor.  j.  30). 

Suites  funestes 

'"•'ii'.M  '"riîcT  ^E  Pécûé  originel,  dit  Tertullien ,  nous  a  valu  notre  faiblesse  ;  elle 

prouvent      ne  nous  vient  pas  de  la  nature  :  Languorem  istum  culpa  meruti, 
Pénitence  de  *  r 

ce  péché,      noiura  non  habuit  (  De  Pœnit.,  n.  5). 


PÉCHÉ  ORIGINEL.  723 

Par  lé  P&&S  originel ,  dit  saint  Prosper,  l'homme  a  perdu  la 
science  du  bien;  l'iniquité  a  mis  en  fuite  la  justice;  l'orgueil  a 
détruit  l'humilité;  la  concupiscence  a  porté  atteinte  à  la  continence; 
I "infidélité  a  chassé  la  foi;  la  captivité  a  pris  la  place  de  la  liberté; 
la  vertu  n'a  pu  rester  où  une  si  grande  foule  de  vices  a  fait  invasion 
(Sentent.), 

Je  vois  dans  mes  membres,  dit  saint  Paul,  une  autre  loi  qui 
combat  la  loi  de  mon  esprit,  et  me  captive  sous  la  loi  du  péché  qui 
est  dans  mes  membres.  Malheureux  homme  que  je  suis ,  qui  me 
délivrera  de  ce  corps  de  mort?  (1) 

Ce  que  je  fais,  dit  encore  l'Apôtre,  je  ne  le  comprends  point; 
le  bien  que  je  veux,  je  ne  le  fais  point;  et  le  mal  que  je  hais,  je  le 
fais  :  Quod  enim  operor,  non  intelligo  :  non  enim  quod  volo  bonum,  hoc 
ago  ;  sed  quod  odi  malum ,  illud  fado  (  Rom.  vu.  45). 

Nous  aussi,  dit-il  ailleurs,  nous  étions  autrefois  insensés ,  incré- 
dules, livrés  à  l'erreur,  esclaves  de  nos  désirs  et  de  diverses  sensua- 
lités, agissant  par  malice  et  par  envie,  haïssables  et  nous  détestant 
les  uns  les  autres  (2). 

Je  vis  dans  la  droite  de  celui  qui  était  assis  sur  le  trône ,  dit  saint 
Jean  dans  l'Apocalypse,  un  livre  écrit,  scellé  de  sept  sceaux  :  Vidi 
in  dextera  sedentis  supra  thronum,  librum  scriptum,  signatum  si  g  il  lis 
septem  (v.  i). 

Beaucoup  de  docteurs  pensent  que  ce  livre  était  l'emblème  de  la 
coulpe  et  de  la  peine  du  péché  d'Adam,  péché  par  lequel  Adam  s'est 
lié  et  nous  a  liés  à  la  vengeance  de  Dieu.  Les  sept  sceaux  signifient 
les  sept  maux  nés  de  ce  péché  et  qui  sont  :  1°  l'offense  de  Dieu...  j 
2°  la  peine  du  dam...;  3°  la  peine  du  feu  de  l'enfer  et  des  afflictions 
de  cette  vie...  ;  4°  la  nécessité  de  mourir...  ;  5°  le  joug  de  Satan...  ; 
6'  de  l'éloignement  pour  Dieu  et  un  penchant  violent  vers  les  créa- 
tures...; 7°  la  concupiscence  et  l'ignorance.  Seul,  J.  G.  a  pu  briser 
ces  sept  sceaux,  c'est-à-dire  détruire  ces  sept  maux 

Le  cardinal  Bellarmin  énumère  dix  misères  ou  peines  infligées 
à  la  nature  humaine  à  cause  du  péché  originel  :  1°  l'ignorance 
de  l'esprit;  2°  la  perversité  de  la  volonté;  3»  la  concupiscence; 


(1)  Video  aliam  legem  in  raembris  meis,  repugnantem  legi  mentis  meae,  et  rapli-* 
vantem  nie  in  lege  pecccVi ,  quœ  est  in  niembris  meis.  Infelix  ego  homo ,  quis  ma 
liberabil  de  corpore  morlis  hujus?  (  Rom.  vu.  23. 24.  ) 

(2J  Erauius  eniin  aliquando  et  nos  insipientes,  incrcduli,  errantes,  servientôS 
dcsideriis  et  voluptatibus  variis,  in  malitia  et  invidia  agentes,  odibiles ,  orientes 
luvicem  (  lit.  iu.3). 


726  TÉCHÉ  ORIGEfEL. 

4»  le  travail  et  les  douleurs  du  corps;  5*  la  mort;  6°  la  colère 
de  Dieu;  7°  l'esclavage  sous  le  joug  du  démon;  8u  les  pr  s, 
les  disputes,  les  séditions  et  les  guerres;  9°  la  révolte  des  animaux 
contre  l'homme  et  la  guerre  qu'ils  lui  l'ont;  40'  tous  les  maux 
prévus  ou  imprévus  qui  arrivent  à  l'homme,  soit  du  ciel,  soit  de  la 
terre,  soit  de  la  mer  (  In  Fccles.  ) . 

Concluez  de  là  ce  que  c'est  que  le  péché,  combien  il  est  terrible 
et  quelle  est  sa  malice.  Le  seul  péché  d'Adam  a  attiré,  attire  et 
attirera  jusqu'à  la  fin  du  monde,  sur  Adam  et  sur  son  innombrable 
postérité,  tous  les  maux  dont  il  vient  d'être  question 

Mais  si  Dieu  punit  ainsi  dans  les  enfants  le  péché  d'Adam,  qui 
leur  est  comme  étranger,  comment  punira-t-il  les  péchés  que 
chacun  de  nous  commet  volontairement?  S'il  punit  ainsi  dès  cette 
vie,  dans  les  entants  innocents,  et  bien  plus,  dans  les  justes  et  les 
saints,  une  désobéissance  d'Adam,  comment  punira-t-il  tant  d'im- 
puretés, de  jalousies,  de  blasphèmes,  de  scandales,  de  meurtres, 
d'hérésies,  que  chaque  jour  les  grands  pécheurs  accumulent  pour 
l'enfer 

Par  le  péché  d'Adam,  l'âme  a  été  dégradée  dans  son  intelligence, 
qui  est  livrée  à  l'aveuglement  et  à  l'ignorance;  dans  sa  volonté,  qui 
s'éloigne  de  Dieu  et  qui  est  entraînée  vers  les  biens  périssables»;  dans 
sa  mémoire,  qui  oublie  le  bien  et  qui  se  souvient  du  mal;  dans  sa  sen- 
siîilité,  jouet  de  diverses  craintes  et  frayeurs;  dans  l'appétit  iras- 
cible (1),  par  sa  faiblesse  et  par  une  foule  de  convoitises. 


(1)  L'appétit  irascible  est  la  faeullé  par  laquelle  l'àme  se  porte  à  surmonter  le» 
difficultés  qu'elle  rencontre  à  la  poursuite  du  bien  ou  à  la  luit.-  du  mal.  Il  est  d'ordj- 
t  ai  ■•  opposé  à  frappent  tonctXpiscible ,  qui  est  l'appétit  par  lequel  l'àme  se  porte 
ffén  nu  bien  sensible  ,  ou  vers  un  objet  qui  lui  plaît. 


t^dÊ  VEMEL, 


|eiïïi  qui  méprise  les  petites  chose»  *e  perdra  peu  à  peu  :  (Jui 
sperntt  modica,  paulatim  deeidet  (Eccli.  xix.  1).  Si,  dit  saint 
Grégoire,  si  nous  négligeons  le  soin  des  petites  choses,  insen- 
siblement séduits,  nous  Unirons  par  tomber  audacieusement  dans 
de  grandes  fautes.  Car  celui  qui  néglige  de  déplorer  les  péchés 
véniels  qu'il  a  commis  et  de  les  éviter,  décheoit  de  l'état  de  justice,, 
non  pas  tout  à  coup,  mais  par  degrés  et  insensiblement.  11  faut 
avertir  ceux  qui  sont  habitués  au  péché  véniel,  de  considérer  avec 
attention  qu'il  arrive  quelquefois  qu'une  chute  légère  est,  en  quel- 
qu  '  surte,  plus  nuisible  qu'une  faute  grave;  cai  on  remarque  plu- 
tôt une  faute  grave  et  on  s'en  repent  plus  vite;  mais  on  ne  tient 
pas  compte  d'une  faute  légère,  et  elle  est  d'autant  plus  dangereuse 
qu'on  la  commet  sans  scrupule.  D'où  il  arrive  souvent  que  lame 
accoutumée  aux  fautes  légères!  finit  par  n'avoir  plus  horreur  des 

!S  graves:  corrompue  par  ses  nombreuses  infractions,  elle  arrive 
à  un  point  de  hardiesse,  de  mépris  et  de  malice  tel,  qu'elle  ne 
craint  plus  les  péchés  mortels,  parce  qu'elle  a  appris  à  commettre 

crainte  les  péchés  véniels  (Lib.  X  Moral.,  c.  xix). 
11  y  avait  à  Béthanie  un  certain  Lazare  qui  était  dans  un  état  de 
langueur.  Ses  sœurs  envoyèrent  dire  à  Jésus  :  Seigneur,  voilà  que 
celui  que  vous  aimez  est  malade.  A  cette  nouvelle,  Jésus  répondit: 

Cette  maladie  n'est  pas.  pour  conduire  à  la  mort Et  il  resta  deux 

jours  dans  le  même  lieu.  Puis  il  dit  à  ses  disciples  :  Allons  de  nou- 
veau en  Judée Jésus  vint  donc  ci;  il  trouva  que  Lazare  était  dans 

le  tombeau  depuis  quatre  jours.  Lt  il  ciit  :  Où  l'avez-vous  mis  ?  Ceux 
qui  se  trouvaient  là  répondirent  :  Venez  et  voyez.  Jésus  vint  au 
tombeau.  C'était  une  caverne,  et  mie  pierre  en  fermait  l'entrée. 
Jésus  dit  :  Enlevez  la  pierre.  Marthe ,  sœur  de  Lazare,  lui  dit  :  Sei- 
gneur, il  sent  àC-Ji  mauvais 

Co  récit  est  le  tableau  de  la  vie  et  de  ïa  chute  définitive  de  l'homme 
qui  n'évite  pas  soigneusement  le  péché  véniel.  4°  Ce  n'est  d'abord 

,  lai  q\i'v               mr  de  l'â:r.e M  is  2e  cette  langueur  s'ag- 
grave et  devient  maladie 3°  Il  tombe  dans  un  sommeil  lélnar- 

e,  c'est-à-  lire  dans  l'insoucian  e  de  son  état ¥  iua  mod-j  an 


Le  pèche 

véniel  est  ia 

chemin  qui 

mftar  aut 

grandes 

chutes 


•?28  ïtcvt  vfrrcn: 

le  péché  mortel  arrive...;  5°  puis  la  putréfaction  ou  la  corr^tion 

du  cœur. 

Une  faute,  dit  saint  Bernard,  vous  paraît  d'abord  telle  qu  n  ne 
peut  la  supporter;  puis  vous  la  jugez  moins  grave;  bientôt  vous  r;e 
la  sentez  plus  ;  enlin  elle  vous  devient  une  jouissanc  ;  :  Prîmum 
aliquid  videtur  tibi  importabile  ;  judicabis  non  adeo  grave;  nec  senties; 
paulo  post  etiam  delectabit  (Serm.  in  Cant.  ) 

Il  suffit  d'une  étincelle  pour  produire  un  vaste  incendie.. .7. 

Les  moindres  précautions  ne  sont  pas  à  négliger.  Il  faut,  dit  saint 
Cyprien,  il  faut  fermer,  je  ne  dirai  pas  les  portes,  mais  jusqu'aux 
moindres  ouvertures,  de  crainte  que  par  un  trou  l'ennemi  ne  pénè- 
tre dans  le  camp.  Tout  le  pourtour  d'une  ville  doit  être  fortifié,  de 
peur  qu'elle  ne  périsse  entièrement  par  un  endroit  faible  ;  car ,  t 
Salomon,  celui  qui  méprise  les  petites  choses  se  perdra  peu  à 
peu  (1). 

Ne  savez-vous  pas  qu'un  peu  de  levain  fait  fermenter  toute  la 
masse?  dit  saint  Paul  :  Nescitis  quia  modicum  fermentum  totam  mas- 
sant corrumpit?  (I.  Cor.  v.  6.) 

Celui  qui  ne  repousse  pas  les  péchés  véniels ,  dit  saint  Isidore,' 
s'expose  à  tomber  dans  les  plus  grands  crimes;  car  le  péché  véniel 
engendre,  pour  ainsi  dire,  le  péché  mortel.  Les  vices  croissent 
promptement  et  sans  qu'on  s'en  aperçoive  :  si  l'on  ne  fait  aucune 
attention  au  péché  véniel,  arrivera  bientôt  le  péché  mortel.  Evitez 
donc  soigneusement  l'un,  afin  de  vous  préserver  complètement  de 
l'autre  {De  Norma  bene  vivendi). 

L'âme  consacrée  à  J.  C,  dit  saint  Jérôme,  est  attentive  aux  gran- 
des et  aux  petites  choses;  car  elle  sait  qu'il  faudra  rendre  compte 
même  d'une  parole  inutile  :  Mens  Christo  dedita,  et  in  mqjortima, 
et  in  minoribus  intenta  est,  sciens  etiam  pro  otioso  verbo  reddendum 
esse  rationem  (Ad  Heliodorum). 

Gardez-vous  de  ne  tenir  compte  de  vos  fautes,  sous  le  prétexte 
qu'elles  sont  légères,  dit  saint  Augustin;  car  les  gouttes  d'eau  tins- 
sent par  remplir  les  fleuves,  et  par  entraîner  les  rochers  et  les  ar- 
bres avec  leurs  racines  :  Noli despicere peccala  tua,  quia  parva  sunl ; 
nnm  etiam  pluviarum  guttœ  flumina  confient ,  et  moles  trahunt ,  et 
arbores  cum  suis  radicibus  tolLunt.  (Serm.  ixrv  de  Temp.). 

(1)  Omncs  rim«  ,  ne  dicam  porta?,  cl.iiulcndm  surit  ;  np  prr  nmim  foramen  rn^tru 
omnia  penelrcntur  ;  et  univers*  sunt  componenda  munimeulo  u<  per  modicum  non 
munitum  tota  civitas  ruât;  sirut  Salonnoo  repetit  ■  dicens  :  Quisspernilinodica.pau- 
l*tinj  decidet  (  Stnn.  inEccles.), 


ftCEÈ  VÉNIEL.  729 

Les  fautes  lèpres  amènent  les  fautes  graves.  Les  premières  sont 
d'autant  plus  dangereuses  que,  se  dissimulant,  elles  pénètrent  sans 
peine  dans  l'âme,  se  cachent  dans  le  cœur,  et  y  préparent  une 
épouvantable  ruine 

L'âme  consacrée  à  Dieu,  dit  saint  Bernard,  doit  éviter  avec  autant 
3e  soin  les  moindres  péchés  que  les  plus  grands;  car  ceux  qui  tom- 
bent dans  les  plus  grands  excès,  commencent  par  de  petites  infrac- 
tions :  Mens  Deo  clicata,  sic  caveat  minora  vitia,  ut  majora;  quia  a 
minimis incipiunt,  qui  in  maxima  proruunt  (Serai,  in  Cant.). 

On  ne  devient  pas  grand  criminel  tout  d'un  coup 

Qu'importe,  dit  saint  Augustin,  qu'importe  qu'un  vaisseau  soit 
entr'omert  par  le  choc  d'une  vague  puissante  et  coulé  bas,  ou 
que,  pénétrant  insensiblement  dans  la  cale,  sans  que  la  négli- 
gence des  matelots  y  mette  obstacle,  l'eau  remplisse  le  hâtiment 
et  le  submerge  !  Dans  l'un  et  l'autre  cas ,  le  naufrage  n'a-t-il  pas 
également  lieu?  (1) 

Les  suites  du  péché  véniel  sont  funestes  :  car  1°  si  ce  péché  ne 
bannit  pas  Dieu  du  cœur,  il  contriste  l'Esprit-Saint  qui  habite  en 
nous  ;  or ,  faire  de  la  peine  à  un  ami  qui  vient  rendre  visite,  c'est 
lui  faire  comprendre  qu'il  peut  se  retirer  et  qu'on  se  passera  bien  de 

sa  présence 2°  11  met  obstacle  à  l'abondance  des  grâces 3°  Il 

diminue  dans  l'âme  le  feu  de  l'amour  divin 4°  11  la  jette  dans 

l'état  fatal  de  la  tiédeur,  état  très-dangereux,  puisque  le  Seigneur 
dit  dans  l'Apocalypse  :  Que  n'êtes-vous  froid  ou  chaud  ?  Mais  parce 
que  vous  êtes  tiède,  et  ni  froid  ni  chaud,  je  vous  vomirai  de  ma  bou- 
che :  Utinam  frigidus  esses  aut  calidus  ;  sed  quia  tepidus  es,  et  nec  fri- 
gidus,  nec  calidus,  incipiam  te  evomere  ex  ore  meo  (  ni.  15.  16).  5°  Le 
péché  véniel  prive  de  plusieurs  faveurs  que  J.  G.  accorde  ordinaire- 
ment aux  âmes  vigilantes  et  fidèles,  comme  sont  les  consolations 

sensibles,  la  paix  du  cœur ,  etc 6°  Il  affaiblit  les  forces  de  l'âme, 

augmente  les  passions  et  les  fortifie.  Il  en  résulte  que  si  une  violente 
tentation  ou  bien  une  occasion  entraînante  se  présente,  l'homme 
épuisé  par  les  nombreuses  blessures  que  lui  a  faites  le  péché  véniel, 
est  facilement  ébranlé,  donne  son  consentement  et  succombe ,  selon 
ces  paroles  des  Cantiques  :  Les  renards  ravagent  les  vignes  :  Vulpes 
demoliuntur  vincas  (n.  15).  7°  En  présence  de  la  négligence  et  du 
mépris  des  petites  choses,  le  démon  devient  plus  puissant  et  plus 

(1)  Quid  interost  ad  naufragium,  utrum  tmo  grandi  fluefu  naùs  aperiatur  etobrua- 
tur  ;  au  paulatim  subrepens  aqua  in  sentinam  ,  et  per  negligentiatn  derelicta  atque 
rontempta,  irapleat  navem  atque  suhmergat?  (  Epist,  cvni  ad  Selevciam.) 


730  TÊCHÉ  VÈ)TCEL. 

hardi  à  solliciter  les  hommes  et  à  les  faire  tomber  dans  le  péché  mor- 
tel. Au  contraire,  celui  qui  s'observe  afin  d'éviter  les  fautes  vénielles, 
présente  des  entraves  au  démon,  et  ne  lui  permet  pas  de  le  renverser 
et  de  lui  enlever  la  vie  de  l'âme  par  le  péché  mortel. 

J'ose  avancer  quelque  chose  d'étonnant,  dit  saint  Chrysostome, 
et  qu'on  n'a  pas  encore  entendu  dire,  c'est  qu'il  me  paraît  qu'on  ne 
doit  pas  éviter  avec  autant  de  soin  les  péchés  mortels  que  les  péchés 
véniels;  en  effet,  la  nature  elle-même  nous  porte  à  avoir  horreur 
des  grands  excès;  tandis  qu'elle  néglige  et  méprise  les  fautes  légères 
sous  le  vain  prétexte  qu'elles  ne  sont  pas  infâmes.  Ce  mépris  et  cette 
négligence  empêchent  bientôt  l'âme  de  trouver  la  générosité  et  la 
force  nécessaires  pour  ne  les  pas  commettre,  et  à  la  suite  des  bles- 
sures qu'elles  causent  à  l'âme ,  vient  la  mort.  Par  cette  voie ,  vous 
verrez  se  produire  toutes  les  grandes  iniquités;  car  nul  homme  ne 
tombe  d'un  seul  coup  jusqu'aux  dernières  profondeurs  du  mal  et 
jusqu'au  fond  de  l'abîme.  L'âme  a  une  certaine  honte  et  uDe  certaine 
pudeur  naturelle  qu'elle  ne  peut  pas  rejeter  de  suite,  mais  elle  le 
fait  par  degrés  et  peu  à  peu  {Homil  lxxxviii  in  Matth.  ). 

Malice       Les  considérations  suivantes  aideront  à  comprendre  quelle  est  la 
du  péché  ve-  majice  (ju  péché  véniel.  i°  Le  péché  véniel,  aussi  bien  que  le  péché 

mortel,  est  une  désobéissance  à  Dieu Il  renferme  de  même  un 

certain  mépris  de  Dieu  et  de  sa  loi  sainte 2°  Après  le  péché  mor- 
tel c'est  le  plus  grand  des  maux.  11  fait  plus  d'injure  à  Dieu  que 
toutes  les  bonnes  œuvres  imaginables  ne  pourraient  lui  procurer  de 
gloire.  D'après  les  saints  Pères  et  les  théologiens ,  tous  les  mérites 
des  apôtres ,  des  martyrs,  des  saints  et  des  anges ,  et  même  ceux  de 
l'auguste  mère  de  Dieu  ne  suffiraient  pas  pour  effacer  un  seul  péché 
véniel,  et  réparer  l'injure  qu'il  fait  à  Dieu.  Pour  cela  les  mérites  de 

J.  C.  sont  nécessaires 3°  Le  péché  véniel  est  le  mal  de  Dieu.  D'où 

il  suit  que  la  gloire  et  l'honneur  dus  à  Dieu  étant  infiniment  au-des- 
sus de  ce  qui  regarde  les  créatures,  même  les  plus  nobles  et  les  plus 
parfaites ,  il  ne   serait  pas  permis  de  commettre  un  péché  * 
pour  leur  éviter  les  plus  grands  maux  et  pour  leur  procurer  les  plus 

grands  biens 

Salvien  dit  excellemment  :  Dans  les  choses  qui  blessent  Dieu,  il 

n'y  a  rien  de  léger  :  Nihil  levé  œstimetur ,  quo  lœditur  Deus  (  Lib.  VI). 

Tous  les  péchés  attaquent  et  offensent  Dieu;  mais  la  pluslégôie 

offense  envers  ce  souverain  maître  i  st  un  plus  grand  mal  que  tous 

les  maux   qui  pourraient  arrvihler  les  créatures.  Celui  qui  aime 


PÉCHÉ  VÉNIEL.  731 

Dieu   doit  donc  fuir  et    éviter  soigneusement  même  le  péché 
véniel 

Le  péché  véniel  est  une  souillure,  uDe  tache  pour  l'âme;  les 
autres  maux,  quels  qu'ils  soient,  ne  sont  que  la  peine  ou  le  châtiment 
du  péché.  Or,  la  plus  légère  de  ces  taches  est  plus  grave  que  toutes 
les  peines;  celles-ci  en  effet  ne  sont  pas  des  maux,  mais  deshiens; 
car  elles  sont  l'œuvre  de  la  justice  vengeresse  qui  corrige  le  péché 
par  le  châtiment  et  ramène  ainsi  le  pécheur  à  l'ordre 

Saint  Augustin  déclare  qu'il  ne  serait  pas  permis  de  dire  un  léger 
mensonge  pour  sauver  tous  les  réprouvés  :  parce  que  le  mensonge 
est  le  mal  de  Dieu,  tandis  que  le  supplice  des  réprouvés  n'est  que  le 
mal  de  l'homme.  Or,  les  plus  grands  maux  de  l'homme  n'étant  que 
le  mal  de  la  créature ,  ce  pur  néant ,  ne  sont  pas  aussi  grands  que 
la  moiodre  offense  envers  Dieu.,  offense  qui  attaque  une  majesté 
infinie  {Lib.  Confess.). 

Il  faut  donc  éviter  avec  soin  tout  péché  véniel. 

Les  païens  eux-mêmes  ont  compris  que  se  préserver  des  fautes 
légères  n'était  pas  une  chose  indifférente  en  soi.  Ce  n'est  pas,  dit 
Plutarque,  ce  n'est  pas  une  médiocre  preuve  que  nous  avançons  en 
vertu,  si  nous  évitons  de  notre  mieux  les  moindres  fautes.  Agir 
ainsi  c'est  prouver  qu'on  a  déjà  acquis  des  mérites  qu'on  veut  con 
server  intacts  {De  Profectu  virtutum). 

Le  juste  lui-même  n'est  pas  exempt  de  chutes  légères;  mais  il  les  combien 
déplore  et  se  relève,  disent  les  Proverbes  :  Septies  cadet  justus,  et  p"cî,éTvénïeis! 
resurget  (xxiv.  16).  Si  nous  disons  que  nous  n'avons  point  de  péché, 
nous  nous  trompons  nous-mêmes,  et  la  vérité  n'est  point  en  nous, 
dit  l'apôtre  saint  Jean  :  Si  dixerimus  quoniam  peccatum  non  habemus, 
ipsi  nos  seducimus ,  et  veritas  in  nobis  non  est  (I.  i.  8.)  Tous  nous 
faillissons  en  beaucoup  de  choses ,  dit  l'apôtre  saint  Jacques  :  In  mul- 
tis  offendimus  omnes  (m.  2.)  Ne  faire  aucune  faute,  c'est  le  propre  de 
Dieu ,  dit  Clément  d'Alexandrie  :  Nihil  omnino  peccare,  proprium  est 
Dei{\Àb.  IPaedag.,  en). 

Nous  devons  faire  tous  nos  efforts  pour  ne  pas  tomber,  et  pour  noua 
relever  aussitôt  après  nos  chutes 

Rien  ne  peut  mieux  nous  faire  connaître  combien  le  péché  véniel      Pumtiou 
est  un  grand  mal,  que  les  châtiments  dont  Dieu  le  punit  dans  cette    u  pnjeL  yer 
vie  et  après  la  mort.  Les  livres  saints  en  fournissent  un  grand  nom- 
bre d'exemples.  Moïse  est  exclu  de  la  terre  promise  en  punition  d'un 


732  PÉCHÉ  VÉNIEL 

doute  léger  sur  la  toute -puissance  de  Dieu....^  David  voit  périr 
soixante-dix  mille  de  ses  sujets ,  en  punition  d'une  faute  de  vanité..... 
Les  Bethsamites,  pour  avoir  regardé  l'arche  avec  curiosité  ;  Osa,  pour 
l'avoir  touchée ,  sont  frappés  de  mort.  A  la  suite  d'un  mensonge, 
Ananie  et  son  épouse  ont  le  même  sort.  Dieu  punit  souvent  par  des 
maladies  et  par  d'autres  afflictions  temporelles,  des  fautes  qui  ne 
sont  que  vénielles.  Il  les  punit  aussi  par  des  peines  intérieures  beau- 
coup plus  rigoureuses,  telles  que  la  sécheresse  dans  l'oraison,  le 
dégoût  des  exercices  de  piété,  les  tentations  contre  la  foi  et  contre  la 
pureté,  les  tentations  de  découragement  et  même  de  désespoir,  et 
par  d'autres  peines  intérieures,  qui  souvent  sont  si  difficiles  à  sup- 
porter, que  ceux  qui  les  éprouvent  sont  exposés  à  abandonner  le 

service  de  Dieu,  et  par  conséquent  à  se  perdre 

Pans  l'autre  monde,  Dieu  punit  te  péché  véniel  par  le  purga- 
toire  


PÉCFEUR. 


L 


'AMEnTmrR ;  dit  Paint  Cyprien,  ne  peut  s'allier  avec  la  fonceur;  Lepériieurn'a 
les  ténèures,  avec  la  lumière;  la  pluie,  avec  la  sérénité;  la 


guerre,  avec  la  paix;  la  stérilité,  avec  la  fécondité;  la  séche- 
resse, avec  l'humidité;  la  tempête,  avec  le  calme:  ainsi  le  pécheur 
ne  peut  s'allier  avec  Dieu  et  sa  grâce  (Lib.  I,  epist.  vm). 

Nul  ne  peut  servir  deux  maîtres,  dit  J.  C.  :  Nemo  potest  duobus 
dominis  servire  (Matth.  vi.  24).  Quelle  alliance  peut- il  exister 
entre  le  Christ  et  Bélial?  dit  le  grand  Apôtre  :  Quœ  conventio  Christi 
et  Belial?  (II.  Cor.  vi.  15). 

C'est  le  pécheur  qui  le  premier  rompt  toute  communication  avec 
Dieu ,  et  ce  n'est  qu'à  la  suite  de  cet  abandon  que  Dieu  s'éloigne. 
Le  pécheur  dit  à  Dieu  :  Retire-toi  de  moi,  je  ne  veux  pas  connaître 
tes  voies  :  Dixerunt  Deo  :  Recède  a  nobis,  scientiam  viarum  tuarum 
nolumus  (Job.  xxi.  14).  Comme  les  Juifs,  il  s'écrie  :  Je  ne  veux  pas 
que  J.  C.  règne  sur  moi  :  Nolumus  hune  regnare  super  nos  (Luc.  xix. 
44).  Non  pas  lui,  mais  Satan  :  Aon  hune,  sed  Barrabam  (Joann. 
xviii.  40). 

À  moins  qu'on  ne  l'abandonne  lui-même,  Dieu,  dit  saint  Augus- 
tin ,  n'abandonne  personne ,  et  il  ramène  à  lui  beaucoup  de  déser- 
teurs :  Qui,  nisi  prius  deseratur,  neminem  deserit,  et  multos  desertores 
ad  se  convertit  (In  Psal.). 

Celui  qui  abandonne  Dieu  est  justement  abandonné  par  lui,  dit 
saint  Fulgence  :  Juste  deseritur  a  Deo,  qui  deserit  JJeum  (Epist.  vi). 

Ayant  pris  une  épouse  par  le  commandement  exprès  du  Seigneur, 
Osée  reçut  l'ordre  de  donner  des  noms  prophétiques  à  chacun  de 
ses  enfants.  Le  troisième  fut  appelé  Non  mon  peuple;  car,  dit  Dieu  : 
Vous  n'êtes  plus  mon  peuple ,  et  je  ne  serai  plus  votre  Dieu  :  Voca 
nomen  ejus  :  Non  populus  meus,  quia  vos  non  populus  meus ,  et  ego  non 
ero  vester  (i.  9). 

Ce  que  le  Seigneur  dit  ici  du  peuple  d'Israël,  s'applique  surtout 
au  grand  et  malheureux  peuple  que  formeraient  les  pécheurs,  s'ils 
se  trouvaient  réunis. 


niunicp.tion 
avec  Dieu. 


Dans  le  ciel,  les  anges  et  les  saints;  ici-bas,  le  soleil,  la  lune,  les    Le  pécheur 
étoiles,  la  terre,  les  mers  et  toutes  les  créatures;  dans  l'enfer,  les       Dieu!  a 


734.  PÉCHEUR. 

réprouvés  et  les  démons  eux-mêmes  obéissent  et  obéiront  éternelle- 
ment à  Dieu;  seul,  le  pécheur  lui  résiste.  Les  êtres  dépourvus  de 
raison  obéissent;  le  pécheur,  qui  a  la  raison  en  partage,  refuse  obéis- 
sance. 0  rébellion  détestable  et  criminelle!... 

Eh  quoi!  s'écrie  saint  Augustin,  vous  homme,  qui  commandez 
à  la  créature,  vous  refusez  de  servir  le  Créateur  1  Vous  exercez  une 
domination,  et  vous  ne  voulez  pas  reconnaître  le  maître  de  toutes 
choses!  Craignez  la  patience  du  Seigneur,  si  vous  ne  voulez  pas 
éprouver  la  sévérité  de  ses  jugements  (1). 

Pécheurs,  vous  avez  brisé  mon  joug,  dit  le  Seigneur  par  la  bou- 
che de  Jérémie,  vous  avez  rompu  les  liens  qui  vous  unissaient  à  moi, 
et  vous  avez  dit  :  Je  ne  servirai  pas  :  Confregisli  jugum  meum,  rupisH 
vincula  ?nea,  et  dixisti  :  Non  serviam  (il.  20). 

Ils  n'ont  pas  voulu  prêter  l'oreille  à  mes  paroles,  dit  encore  le 
Seigneur;  ils  ont  suivi  des  dieux  étrangers  afin  de  les  servir  :  Nolue- 
runt  audire  verba  mea  ,  abierunt  post  deos  alienos ,  ut  servirent  eis 
(Jerem.  xi.  10). 

Jonas  désobéit  à  Dieu;  il  se  lève  pour  fuir  de  devant  la  face  du 
Seigneur:  Et  surrexit  Jonas  ut  fugeret  a  facie  Domini  (t.  3). 

Ici,  dit  saint  Chrysostome ,  Jonas  est  la  figure  des  pécheurs  qui, 
semblables  à  des  hommes  ivres,  ne  font  pas  attention  où  ils  vont 
ni  où  ils  posent  le  pied  ;  mais  qui ,  suivant  leurs  passions,  se  perdent 
par  leur  propre  folie  et  désobéissance  (Hornil.  ad  pop.). 

Le  pécheur    J'ai  nourri  des  enfants,  dit  le  Seigneur  par  la  bouche  d'Isale;  je 
méprise  Dieu.  jeg  aj  élevés ,  et  ils  m'ont  méprisé  :  Filios  enutrivi,  et  exalhivi; 

autem  spreverunt  me  (i.  2  ).  Pécheurs,  vous  préférez  la  créature  au 
Créateur,  le  néant  à  Dieu,  le  vice  à  la  vertu,  l'enfer  au  ciel;  quel 
plus  profond  mépris  pouvez-vous  témoigner  au  Seigneur!  Il  est 
votre  roi,  votre  maître,  votre  père,  et  vous  le  méprisez  1  Aiil  vous 
ne  le  mépriserez  pas  comme  jugel... 

Le    écheur    Considérez,  pécheurs,  et  appliquez- vous  les  paroles  de  J.  C.  à  Saul , 
est  ingrat,     ennemi  du  Sauveur  et  de  l'Eglise  :  Saul,  Saul,  pourquoi  me  per- 
écutes-tuî  Saule,  Saule,  quid  me  persequerh?  { Act.  ix.  4.  ) 
Pourquoi  me  persécutez  -  vous  pour  me  faire  mourir ,  moi  qui 


(1)  Qui  creatnrse  imperas ,  creatori  non  servis!  Qui  dominantm  exerces,  et  Do- 
minuni  non  agnoscis!  Time  Doniiuum  puUântem,  nu  s>eveiuiii  sentias  juilicprn 
{SciUent.). 


PÉCHEUR.  ~3S 

vous  poursuis  afin  de  vous  faire  vivre?  Je  suis  doux,  bon ,  miséri- 
cordieux :  je  ne  vous  ai  pas  fait  de  mal;  je  ne  vous  ai  jamais  offen- 
sés; pourquoi  me  traitez -vous  comme  un  ennemi?  Je  suis  votre 
créateur...,  votre  bienfaiteur...,  votre  ami...,  votre  père.....  Je 

vous  ai  inscrits  dans  mes  mains  et  dans  mon  cœur Pourquoi  me 

persécutez-vous?  Quid  me  perseqverls ?  C'est  pour  vous  que  je  suis 
descendu  sur  la  terre  et  que  je  me  suis  fait  homme;  c'est  pour 
vous  que  je  suis  né  dans  une  é  table;  que  j'ai  souffert  et  travaillé 
pendant  trente -trois  ans;  que  je  suis  entré  en  agonie  au  jardin 
des  Oliviers;  que  j'ai  enduré  dans  Jérusalem  tant  d'outrages  divers; 

que  je  suis  monté  au  Calvaire  et  que  je  suis  mort  sur  une  croix 

Pourquoi  me  persécutez-vous?  Quid  me  persequeris?...  Ne  vous  ai-je 
pas  comblé  de  biens  temporels  et  spirituels?...  Ne  vous  ai-je  pas 
promis  mon  royaume  éternel  et  ma  gloire?...  Pourquoi  me  per- 
sécutez-vous? Quid  7ne  persequeris?... 

Le  fils  prodigue  partit  pour  une  région  étrangère  et  lointaine,  et  il    Le  peu.eut 

,.    •  k-5    a  •       ■       .       ,  ,,,         ,         n  dissipe  tous  lea 

y  dissipa  son  bien  dans  une  vie  d  excès  et  de  débauche  :  Peregre  dons  de  Dieu. 

profectus  est  in  regionem  longinquam,  et  ibi  dissipavit  substuntiam 
luam  vivendo  luiuriose  (Luc.  xv.  43).  Telle  est  la  conduite  du 
pécheur;  il  dissipe  tous  les  dons  de  la  nature  et  de  la  grâce  qui  lui 
ont  été  accordés...;  il  perd  la  grâce  de  Dieu,  la  charité  et  toutes  les 

vertus...,  son  âme  et  ses  nobles  facultés Son  intelligence  s'hé- 

bète  tellement  qu'elle  ne  remarque  plus  ni  Dieu ,  ni  la  beauté  et  les 
richesses  de  la  vertu,  ni  l'infamie  du  vice.  Sa  mémoire  s'affaiblit  :  il 
ne  se  rappelle  plus  la  loi  de  Dieu ,  les  bienfaits  qu'il  a  reçus  de  son 

Créateur,  ni  ses  propres  devoirs Sa  volonté  se  déprave  au  point 

qu'il  préfère  le  mal  au  bien ,  la  créature  au  Créateur ,  le  démon  à 
Dieu,  l'enfer  au  ciel.  Au  lieu  de  se  revêtir  de  J.  C. ,  il  se  revêt  de 
Satan.  De  là  une  incomparable  pauvreté  de  bon  sens,  de  raison  -, 

de  courage,  de  bonnes  œuvres,  etc Toutes  les  forces  de  son  âme 

et  de  son  corps  qui  doivent  être  consacrées  au  service  du  Créateur, 
il  les  ravale  au  service  de  la  créature,  de  ses  passions  et  de  la  débau- 
che  Tous  les  jours  il  mésuse  des  dons  précieux  qu'il  a  reçus  am. 

saint  baptême  ;  il  profane  la  noblesse  de  son  âme ,  et  ruine  sor 
aptitude  à  la  vertu.. ... 

Après  que  le  prodigue  eut  consommé  tous  ses  biens,  il  y  eut  une    £•  pécheur 

-,      j,       .  ""t  dans  la  pe- 

grande  ïamine  dans  le  pays  où  il  se  trouvait ,  et  il  commença  à       nurie , 
sentir  le  besoin.  S'en  allant  donc ,  il  se  mit  au  service  d'un  maître  ladlS.etIa 


736  PÉCHEUR. 

qui  l'envoya  à  sa  maison  des  champs  pour  garder  les  pourceaux.  Et 
il  désirait  remplir  son  ventre  des  siliques  que  mangeaient  les  pour- 
ceaux ;  mais  personne  ne  lui  en  donnait  :  Cupiebat  implere  ventrcm 
suum  de  siliquis ,  quas  porci  manducabant ,  et  nemo  Mi  dabat  (  Luc. 
xv.  44-16).  Juste  châtiment  du  prodigue  et  du  pécheur  qui  l'imite. 
Il  a  follement  consommé  ses  biens  avec  des  compagnons  aussi 
dissolus  que  lui;  et  en  punition,  lorsqu'il  meurt  de  faim,  il  ne 
trouve  personne  qui  veuille  lui  donner  une  partie  des  provisions 
faites  pour  de  vils  animaux 

Ecoutez  saint  Chrysostome  :  Le  faste  dissolu  de  l'enfant  prodigue, 
dit-il,  eut  pour  punition  la  faim,  en  sorte  que  la  peine  vengeresse 
sévit  là  où  la  faute  avait  été  commise.  Mais  combien  cruel  est  le  ser- 
vice auquel  il  est  réduit!  lui  qui  prend  soin  d'un  troupeau  de  pour- 
ceaux ne  peut  manger  avec  eux  (1)  Ce  qui  arriva  à  l'enfant  prodigue 
est  la  figure  du  triste  état  où  finissent  par  se  trouver  réduits  tous  les 
pécheurs,  et  surtout  les  impudiques 

Le  pécheur  est  dépouillé  de  la  parure  des  vertus  et  de  la  grâce.  Il 
perd  la  gloire  qu'elles  devaient  lui  procurer  et  l'héritage  du  royaume 
descieux 

te  pécheur    J*  me  su^s  plonge  dans  la  vase  de  l'abîme,  et  elle  fuit  sous  mes 

tombe        pieds,  peut  dire  le  pécheur  avec  le  Psaimiste  :  Infixus  sum  in  U  <.o 

dans  l'escla-     r        »  *  r  ' 

vageetla      profundi ,  et  non  est  substantia  (lxviii.  2  ).  J  ai  vogué  en  pleine  eau 

e,,ra  a  i    .    ^^  ^  mer  emp0jgonn,ie  du   mai^   ct   ]a  tempête  des  passions 

m'a  englouti  :  Veni  in  altitudinent  maris,  ct  tanpestas  demersit  me 

(Psal.  lxviii.  2). 

Le  Seigneur  humilie  les  pécheurs  jusque  dans  la  poussière 
Humilions  peccatores  usque  ad  terrain  (Psal.  cxlvi.  6). 

considérez,  dit  saint  Paulin  de  Noie  à.  Sévère,  considérez  l'existence 
des  pécheurs,  ct  vous  les  verrez  semblables  à  la  bète  de  somme  qui 
a  un  |oandeau  sur  les  yeux  et  qui  tourne  la  meule  d'un  moulin. 
Aveuglés  par  l'impureté  de  leur  vie  et  par  les  égarements  de  leurs 
sens,  ils  ne  voient  plus  rien,  et  tournent  sans  cesse  avec  une  peine, 
«ttroyable  dans  le  cercle  de  leurs  vices,  traînant  la  meule  du  p 
et  ne  pouvant  parvenir  à  rompre  la  chaîne  qui  les  attache  à  cette 
meule  dont  ils  se  servent  pour  broyer  leur  innocence,  leur  âme, 

(1)  Luxurirc  famés  tortor  opponitur  ,  ut  ibi  ultrix  poena  saeviat,  ubi  pœnulis  ivatus 
exercerai.  Quant  oruùcle  uùmsleriuiu I  quia  ueque  couvxvit  porcis,  qui  vivit  porcis 
{lu  Luc.,c.  XV Ji 


leur  cœur,  leurs  vertu?  et  la  couronne  qui  leur  était  promise  pour 
l'éternité.  Cette  meule  est  d'un  poids  incalculable,  car  elle  est  faite 

de  leurs  iniquités Les  pécheurs  peuvent   aussi  être  comparés 

à  des  chevaux ,  par  lesquels  Satan  et  tout  l'enfer  avec  lui  se  ion» 
traîner (  Epist.) 

Saint  Jérôme  appelle  les  pécheurs  des  cadavres  animés  par  les 
démons  { Epist.  ). 

La  sainte  Ecriture  parle  souvent  de  l'affreux  esclavage  auquel  lot 
pécheurs  sont  réduits.  L'impie,  disent  les  Proverbes,  est  enveloppe 
dans  ses  iniquités  comme  dans  un  filet;  il  est  hé  par  ses  péchés 
comme  avec  des  cordes  :  Iniquitates  suœ  capiunt  irnpium,  et  funibus 
peccatorum  suorwn  constrinyitur  (v.  22).  Celui  qui  s'abandonne  au 
plaisir  s'avance ,  ignorant  qu'on  le  mène  à  la  captivité  :  Ignorons 
2uod  ad  vincula  stultus  trahatur  (Prov.  vn.  22).  Tous  les  pécheurs 
sont  liés  d'une  chaîne  de  ténèbres,  dit  la  Sagesse  :  Una  catena  tene- 
brarum  omnes  erant  colligati  (  vu.  17  ). 

Les  pécheurs  sont  esclaves  du  démon...,  esclaves  de  leurs  passions 

et  de  leurs  iniquités...,  esclaves  de  la  mort En  péchant,  l'homme 

qui  auparavant  exerçait  sur  Dieu  lui-même  un  certain  empire, 
devient  l'esclave  de  l'enfer  et  de  toutes  les  créatures,  même  les  plus 
faibles 

Rien  n'est  faible  comme  le  pécheur,  et  fort  comme  le  juste.  En    Le  pèchent 

voici  les  raisons  :  i°  La  concupiscence  et  les  passions  qui  conduisent  est  la  £ail»lesài 

même. 
au  péché  amollissent  l'esprit  et  eiféminent  le  cœur;  mais  en  triom- 
phant d'elles,  la  vertu  rend  l'esprit  et  le  cœur  forts  et  énergiques. 
2°  Les  remords  rongent  le  pécheur  et  l'abattent;  la  tranquillité  de 
la  conscience  du  juste  le  soutient  et  le  rend  inébranlable.  3°  Le  pé- 
cheur n'a  pas  la  grâce  de  Dieu,  tandis  que  le  juste  la  possède  :  or,  la 
grâce  est  toute-puissante;  par  elle  on  peut  accomplir  les  entreprises 
les  plus  difficiles,  les  œuvres  les  plus  héroïques.  Voyez  les  apôtres, 
les  martyrs,  les  missionnaires,  les  vierges,  etc.  Sans  la  grâce,  au 
contraire,  on  ne  peut  rien  faire  de  bien.  Le  juste  est  magnanime  et 
plein  de  confiance;  le  pécheur  est  pusillanime,  timide  et  chance- 
lant. Craignant  de  compromettre  sa  fertune,  sa  réputation  ou  sa 
vie  ,  le  pécheur  est  infidèle  à  sa  foi  et  commet  des  crimes  qui  lui  font 
perdre  le  ciel  et  l'éternelle  félicité;  le  juste,  lui,  ne  craint  que  ce 

qui  doit  être  craint  et  se  rit  du  re?te 

Quelle  ne  fut  pas  la  faiblesse  des  Juif  ?  Sitôt  qu'ils  étaient  éprou- 
ves de  Dieu,  ils  murmuraient,  ils  blasj  hémaient Ainsi  en  est-il 

ul.  47 


738  PÉCHEUfL 

de  tous  les  pécheurs En  effet ,  où  pueraient-ils.  la  force  néces- 
saire pour  accomplir  Les  grandes  et  saj$t  s  actions? 

Chez  eux,  dit  Hugr.     de  Saint- Victor,  il  n'y  a  ni  mf  tÎQB  de 

la  chair ,  ni  larmes  de  componction ,  ni  sérénité  de  la  conscience.  Ils 
n'ont  plus  la  connaissance  de  soi-même,  le  zèle  de  la  justice,  la 
ferveur  de  Ja  sagesse,  la  bonne  odeur  de  la  miséricorde,  la  douceur 
de  la  contemplation ,  la  suavité  des  biens  éternels ,  la  pratique  de  la 
pénitence ,  le  v.  îépris  des  choses  péri  i  cons  ,1  i  cha- 

rité fraternelle,  la  soif  et  le  désir  des  récompenses  c  .'lestes,  l'amour 
du  bien  (Lib.  de  Anima).  Réduits  à  leurs  propres  forces ,  qui  ne  sont 
que  faiblesse ,  ils  sont  incapables  de  toute  action  surnaturelle.  Ils 
ressemblent  aux  feuilles  d'automne,  que  la  sève  ne  nourrit  plus,  et 
que  les  vents  détachent  facilement  des  rameaux  pour  les  diSj 
de  côté  et  d'autre. 

Le  pécheur    Celhi  qui  aime  l'iniquité  hait  son  âme ,  dit  le  Prophète  royal  :  Qui 

tait  son  ame.  ffâgfi  iniquitatem  odit  animam  suam  (x.  C).  Il  faut  bien  qu'il  ne 

puisse  la  souffrir,  puisqu'il  ne  pense  jamais  à  elle,  ne  la  nourrit 

pas,  ne  la  revêt  point,  ne  lui  parle  point ,  ne  la  visite  point ,  et 

n'emploie  ni  médecin  ni  remède  pour  la  guérir,  elle  qui  e 

et  à  l'agonie Il  faut  bien  qu'il  la  déteste,  puisqu'il  la  vend  pour 

un  rien ,  pour  un  vil  plaisir,  pour  une  honte Il  faut  bien  qu'il 

l'abhorre,  puisqu'il  la  prive  de  toute  liberté,  de  toute  paix,  de 
toute  consolation,  de  tout  bonheur,  la  livre  à  ses  ennemis  et  lui 
donne  la  mort 


Le  pécheur 

est 

la  nourriture 

du  démon. 


Quand.,  dit  saint  Augustin ,  quand  il  fut  dit  au  démon  :  Tu  manap- 
ras  la  terre ,  il  lut  dit  au  pécheur  :  Tu  es  terre  et  tu  iras  eu  terre. 
Le  pécheur  a  donc  été  donné  pour  nourriture  au  démon.  Ne  soyons 
pas  terre,  si  nous  ne  voulons  pas  être  dévorés  par  le  serpent  qui 
séduisit  Eve  (1).  Le  démon  se  nourrit  des  pécheurs  comme  d'un 

mets  exquis L'homme  qui,  par  imprudence,  aveuglement  ou 

fureur,  désire,  recherche,  em  choses  de  rien  au  lieu  des 

grandes  choses;  celui  qui  préfère  les  biens  fragiles  aux  biens  solides, 
ce  qui  passe  à  ce  qui  est  éternel,  la  volupté  à  la  pureté ,  la  terre  au 
ciel,  la  chair  à  l'esprit,  etc.;  celui-là  n'a  plus  de  cœur.  Vénus, 


(1)  Quando  dictum  est  diabolo  :  Terrain  mandneabis,  dietnm  ost  porratori  :  Torr» 
es,  et  in  terrant  ibis.  Datas  c  ibum  diabolo  peccator.  us  terra»  4 

nolumus  nianducari  o  s-  e  Ayone  christiuiior..  c:n). 


PÉCHEUIU  739 

Mamrnon,  Bacchus,  etc.,  c'est-à-dire  le  démon  de  la  volupté,  celui 
de  l'avarice  ou  de  la  bonne  chère,  le  lui  ont  dévoré...., 

Patuaxt  lies  pécheurs,  l'apôtre  saint  Jean  dit  :  Et  maintenant  beau-    Le  pécbeiu- 

est   une  sorte 

coup  sont  devenus  des  ant<v!n\sts  :  Et  nunc  antichristi  multi  fucti   d'antechrist- 
suât  (ï.  ii.  18). 

Que  fait  en  effet  le  pécheur?  Le  Psalmiste  le  dit  en  deux  mots  :  Le 
pécheur  a  irrité  Dieu  :  Exacerbavit  Dominum  peccator  (x.  4).  Il  a 
combattu  contre  le  Seigneur.  N'est-ce  pas  le  rôle  que  doit  prendre 
l'Antéchrist?...  Par  l'Antéchrist,  saint  Augustin  entend  non-seule- 
ment le  grand  ennemi  qui  lutfera  contre  Dieu  à  la  fin  des  temps, 
mais  toute  la  multitude  des  impies  opposée  à  J.  G.  (In  Epi:  t. 
S.  Joann.  ) 

Cependant  il  est  certain,  il  est  de  foi  qu'il  y  aura  un  être  qui  sera 
le  véritable  Antéchrist. 

Il  y  a  des  pécheurs  tellement  corrompus  et  coupables ,  qu'ils  ne  La  vie 
paraissent  être  tout  entiers  qu'un  instrument  du  péché;  il  n'y  a  près-  d  d];Lcl}eî![est 
gué  pas  d'iniquités  qu'ils  n'aient  commises  ;  ils  sont  ensevelis  dans 
le  crime  comme  le  riche  dans  l'enfer  :  Sepultus  est  in  in ferno  (Luc. 
xvi.  22).  On  peut  dire  d'eux  qu'ils  sont  vendus  sous  le  péché,  selon 
l'expression  de  saint  Paul  :  Venundatus  sub  peccato  (Rom.  vn.  14). 
Le  grand  Apôtre  en  trace  le  portrait  que  voici  :  Il  y  aura  des 
hommes  qui  s'aimeront  eux-mêmes,  avides,  arrogants,  superbes, 
blasphémateurs,  rebelles  à  leurs  parents,  ingrats,  souillés  de  crimes, 
insensibles,  implacables,  détracteurs,  dissolus,  farouches,  ennemis 
des  bons,  traîtres,  insolents,  enflés  d'orgueil,  aimant  les  voluptés 
et  reniant  la  vertu  (1). 

Saint  Pierre  appelle  le  pécheur,  et  surtout  le  pécheur  incorrigible  : 
un  pourceau  qui  se  vautre  dans  la  houe  :  Sus  Iota  in  volutabro  luti 
(II.  n.  22). 

C'est  avec  raison  que  cet  apôtre  compare  les  pécheurs  aux  pour- 
ceaux; car,  1°  ainsi  que  ces  bêtes  immondes  recherchent  et  aii 
les  choses  sales  et  dégoûtantes,  de  même  le  pécheur  recherche  et 

aime  les  passions  qui  réduisent  l'homme  à  l'état  de  brute 2°  Le 

péché  est  quelque  chose  de  hideux  et  d'infect  comme  les  lieux  que 

(1)  Erunthoiuines  seipsos  amantes,  cupidi,  elati,  superbi,  blaspbemi,  parenlibin 
non  obedientes,  iugrati .  scelesti ,  sine  affectione,  ine  pace  ,  criminatores,  inconti- 
nent, ,  siae  ViiipMÙUte,  proJitoies ,  Luotem ,  tuuiidi  et  voluptatum 
amaloiea  ,  vhtutem  abnegantei  (  l  Tim.  m.  2-5). 


740  PÉCHEUR. 

les  pourceaux  aiment  à  fréquenter 3°  Le  pécheur  se  nourrit 

comme  ces  animaux 4°  L"  pourceau  ne  ^'occupe  que  de  sb.i 

ventre;  il  ne  regarde  que  la  terre  et  se  couche  dans  la  boue  ;  il  n'est 
au  fond  qu'une  masse  de  chair  :  qu'est  autre  chose  le  pécheur,  et  que 
fait-il  de  différent?  5° Le  pourceau  n'a  aucun  sentiment,  il  ne  connaît 
pas  son  maître,  et  quelquefois  il  le  dévore  :  ainsi  agit  le  pécheur 
obstiné  et  ingrat;  il  ne  connaît  pas  Dieu,  et  il  crucifie  J.  C.  6°  On 
engraisse  le  porc  pour  le  tuer  et  le  manger  :  le  pécheur  s'immole 
lui-même,  et  sert  de  nourriture  à  Satan 

Les  pécheurs,  disent  les  Proverbes ,  abandonnent  le  droit  chemin 
et  ils  s'engagent  dans  des  voies  ténébreuses  (u.  43).  Ils  se  réjouissent 
lorsqu'ils  ont  fait  le  mal  ;  ils  tressaillent  de  joie  dans  les  actes  les 
plus  coupables  :  Lœtantur  cum  malefecerint,  et  exsultant  in  rébus  pes- 
simis  (Ibid.  xi.  44).  Leurs  voies  sont  perverses,  et  leur  conduite 
est  infâme  :  Quorum  vice  perversœsunt ,  et  infâmes  gressus  eorum 
(Ibid.  ii.  45). 

Que  peut  vouloir  et  poursuivre  un  cœur  mauvais,  corrompu,, 
dépravé,  flétri,  habité  par  le  démon,  sinon  le  mal  et  l'infamie?  Une 
fontaine  dont  les  eaux  sont  amères  donnp  t  elle  autre  chose  que  de 
l'amertume?... 

La  voie  perverse  du  pécheur  est  une  voie  étrangère  :  Perversa 
via  viri  aliéna  est  (Prov.  xxi.  8). Vous  demandez  à  quoi  elle  est  étran- 
gère? Elle  est  étrangère  4°  à  Ja  justice ,  c'est-à-dire  à  ce  que  la  saine 
raison  dit  être  droit,  probe,  honnête.  Par  conséquent,  elle  est  étran- 
gère 2°  à  la  dignité  de  l'homme ,  qui  consiste  dans  la  rectitude  de  la 
raison  et  dans  la  pureté  de  la  conscience.  L'homme  vraiment  digne 
de  ce  nom  consulte  ces  deux  guides;  il  se  garde  de  vivre  et  d'agir 
comme  la  brute  ;  il  fuit  le  mal,  qui  n'est  autre  chose  qu'une  disso- 
nance entre  l'œuvre ,  ou  l'action,  et  la  nature  raisonnable.  Mal  faire 
ne  convient  qu'à  l'animal,  qui  n'est  pas  dirigé  par  la  raison,  mais 
par  la  fantaisie  et  la  concupiscence.  3°  La  voie  des  pervers  est  étran- 
gère à  Dieu;  car  Dieu  a  établi  dans  l'homme  le  jugement  et  la  droite 
raison,  afin  que  celui-ci  suivit  leur  impulsion  en  toutes  choses.  4°  La 
voie  des  pécheurs  est  étrange;  e  ;<  la  société  et  à  la  manière  de  vivre 
des  hommes  raisonnables,  qui  obéissent  à  la  droiture  et  à  l'équité. 
5°  Elle  est  étrangère  à  lui-même;  car  l'homme  qui  pervertit  ses  voies 
s'éloigne  de  lui-même,  et  se  met  en  opposition  avec  les  lois  de  son 
existence.  En  effet,  vivre  selon  Dieu  et  la  raison,  c'est  le  propre 
de  l'homme;  et  celui  qui  vit  selon  Dieu,  vit  toujours  selon  la  ra»- 
BOn  et  la  conscience.  Au  contraire,  celui  qui  vit  en  hostilité  avec 


PÉCHEUR.  741 

la  raison  éclairée  par  Pîpu ,  "nmid  une  voie  étrangère  à  la  nature 
humaine. 

Il  y  a  trois  choses  qui  sont  très -mauvaises,  dit  saint  Augustin  : 
Tâme  du  pécheur  qui  persévère  dans  le  péché ,  les  anges  déchus  qu^ 
la  conduisent ,  et  l'enfer  où  elle  va.  Rien  n'égale  ces  trois  maux. 
Mais  il  y  a  trois  choses  incomparablement  bonnes  :  l'âme  fidèle  qui 
persévère  dans  le  bien,  les  saints  anges  qui  la  guident,  et  le  ciel  oî" 
elle  tend  {De  Salutarib.  document.,  c.  xlix  ). 

Pécheur,  dit  le  prophète  Baruch,  tu  habites  la  terre  de  tes  enne- 
mis, une  terre  étrangère;  tu  t'es  souillé  avec  les  morts  selon  Dieu; 
tu  es  devenu  semblable  à  ceux  qui  descendent  dans  l'abime.  Tu  as 
abandonné  la  fontaine  de  la  sagesse  :  In  terra  inimicorum  es ,  in  terra 
aliéna  ;  coinquinatus  es  cum  mortuis  ;  députât us  es  cum  descendentibus 
in  infemum.  Dereliquisti  fontem  sapientiœ  (m.  10-12). 

La  mémoire  des  pécheurs  a  péri  avec  bruit ,  dit  le  Psalmiste  :  Periit    ï*  mémoin. 

u  x  '  du  pécheur 

memoria  eorum  cum  sonitu  (ix.  7).  Ceux  qui  me  méprisent  seront  est  execraLàu, 

méprisables,   dit  le  Seigneur  :  Qui  contemnunt  me  erunt  ignobiles 

(I.Reg.  il.  30). 

La  réputation  an  r'^h^nr.  *»t  «nr'-out  du  pécheur  scandaleux,  es^ 

abominable  pendant  sa  vie,  à  sa  mort  et  après  sa  mort 

Commentant  ce  passage  de  l'histoire  du  prodigue  :  Son  maître  l'en-    ie  pechem 
voya  à  la  campagne  pour  garder  des  pourceaux ,  saint  Chrysostome    ^  ["pèche, 
dit  :  Voyez  ici  l'épouvantable  métamorphose  que  subit  le  pécheur,  et 
la  juste  peine  de  la  folle  liberté  qu'il  s'est  donnée  !  Celui  qui  n'a  pas 
voulu  obéir  au  meilleur  des  pères ,  est  forcé  de  se  faire  l'esclave  d'un 
étranger;  celui  qui  n'a  pas  voulu  servir  Dieu ,  est  forcé  de  servir  le 
démon;  celui  qui  n'a  pas  voulu  demeurer  clans  la  maison  paternelle, 
est  envoyé  au  fond  d'une  campagne  sauvage  pour  y  être  tourmenté 
par  de  révoltantes  convoitises;  celui  qui  n'a  pas  voulu  rester  dans  la 
société  de  ses  frères  et  des  princes  ses  égaux,  est  réduit  à  devenir  le 
compagnon  et  le  serviteur  des  pourceaux  ;  celui  qui  n'a  pas  voulu  se 
nourrir  du  pain  des  anges,  demande ,  sous  l'aiguillon  de  la  faim^  à 
se  rassasier  des  restes  de  ces  vils  animaux  (  In  Luc,  c.  xv). 
0  changement  affreux  !... 

J  es  us-Christ,  dit  le  grand  Apôtre,  a  effacé  le  seing  de  la  sentence  de  Le  pèchent 
condamnation  portée  contre  nous  :  Delens  quod  advenus  nos  erat  chi-  l'instrument 
rogru^kuiu  decrati,  quod  erat  contraria  m  nobis  (Coloss.  n.  14),  damnation. 


742  PÉCHEUR. 

Ce  seing  de  condamnation ,  dit  Origène ,  est  le  seing  que  le  pécheur 
appose  à  ses  péchés  et  qui  les  constate  ;  car  celui  qui  pèche  écrit  lui- 
même  son  péché ,  et  en  prend  la  responsabilité  (  Homil.  xiii  in  Gènes.), 
Autant  de  péchés  nous  commettons,  autant  de  lettres  munies  do 
notre  seing  et  de  notre  sceau  nous  adressons  à  la  justice  «.le  Dieu, 
afin  qu'elle  en  tienne  compte  et  que  notre  châtiment  soit  certain 

oomoien      II  n'y  a,  dit  saint  Augustin,  il  n'y  a  rien  de  plus  malheureux  que 

pécheur  est  J  ,  °  '.  J    .  . *  .      .  * 

aiheureux.  .te  bonheur  des  pécheurs ,  qui  nourrit  leur  impiété ,  principe  de  châ- 
timent, et  qui  fortifie  en  eux  la  volonté  perverse,  cet  ennemi  inté- 
rieur :  Nihil  est  infelicius  felicitate  peccantium ,  qua  pœnalis  nutritur 
impietas ,  et  mala  voluntas  velut  hostis  \nterior  roboratur  (  Sentent,  xlii  ). 

Dans  sa  charité  sans  bornes,  saint  Paul  ne  cessait  de  déplorer  le 
funeste  avenir  des  pécheurs.  Ecoutez -le  :  Souvent  je  vous  l'ai  dit, 
et  je  vous  le  dis  encore  avec  larmes  :  plusieurs  marchent  en  ennemis 
de  la  croix  du  Christ,  plusieurs  qui  auront  pour  fin  la  perdition  et 
qui  se  font  un  Dieu  de  leur  ventre  ;  ils  se  glorifient  dans  leur  propre 
honte,  et  n'ont  de  goût  que  pour  les  choses  de  la  terre  (l). 

Tous  les  hommes,  il  est  vrai,  naissent  dans  le  malheur;  mais 
seuls,  le:  pécheurs  vivent  et  meurent  malheureux 

Malheureux  sont  ceux  qui  rejettent  la  sagesse  et  la  règle ,  dit 
l'Esprit-Saint  :  leur  espérance  est  vide,  leurs  travaux  sont  infruc- 
tueux, et  leurs  œuvres  inutiles  :  Sapientiam  et  disciplinam  qm  auji- 
cit ,  vnfelix  est,  et  vacua  est  spes  illorum,  et  labores  sine  fructu,  et 
iilià  opéra  corum  (Sap.  m.  11). 

Combien,  dit  saint  Bernard ,  combien  est  à  plaindre  le  pécheur., 
lorsqu'il  regarde  le  ciel,  ce  séjour  de  la  lumière  incréée ,  des  di\  ines 
louanges,  des  sublimes  gloires  et  des  grâces  infinies!  Combien  plus 
malheureux  il  est  encore  lorsqu'il  reporte  ses  yeux  sur  la  terre  et 
qu'il  j  voit  les  âmes  ferw  ites,  solides  dans  la  foi,  grandes  dans 
France,  belles  de  charité,  fécondes  on  vertus  et  eu  bonnes 
œuvres ,  sur  lesquelles  descendent .  et  la  rosée  du  ciel ,  et  les  : 
dictions  du..,  [  Avec  quelle  amertum 

douleur    quels  remords,  lui,  si  avide  de  gloire  i         \.i  lité,  voit-il 

3  si  pures ,  si  honorées,  si  riches ,  si  h  ; 

plongés  dans  la  stérilité,  dans  les  ténèbres  et  dans  la  disette  de  tout 


(1)  Alulti  ambulant,  quos  ssepe  dicebam  Tobls  ,  ruine  etflens  dico,  inimicos  crucU 
Cbristi,  quorum  finis  intérims  ;   quorum  Deus  venter  est,   et  gloria  iacodfi 
Jpsorum,  qui  terreua  sapiûnl  .  18. 19). 


PECHEUR.  743 

bien,  lui  et  ceux  qui  l'imitent  savent  qu'ils  sont  l'opprobre  des 
hommes,  des  anges  et  de  Dieu!  (Serm.  in  Gant.  ) 

La  prospérité  même  des  pécheurs  fait  leur  malheur,  puisqu'elle  les 
aveugle  et  les  perd,  disent  les  Proverbes  :  Prosperitas  stultorum  pér- 
ilik  illos(ï.  32). 

Le  péché,  dit  saint  Thomas,  estl'éloignement  pour  le  bien  suprême 
et  incréé,  et  rattachement  au  bien  caduc  et  créé.  Assurément  celui 
qui  s'éloigne  de  Dieu,  et  qui  néanmoins  prospère ,  est  d'autant  plus 
près  de  sa  perte,  qu'il  est  plus  éloigné  de  l'amour  de  la  règle  (1). 

Les  pécheurs  se  perdent  par  la  tranquillité  ;  car  lorsqu'ils  jouisseni 
d'une  certaine  paix ,  ils  se  plongent  dans  les  excès  avec  fureur  e 
persévérance.  La  paix  et  la  prospérité  des  pécueur»  aboutit  à  urj 
malheur  épouvantable  et  sans  remède 

Le  pécheur,  dit  Salvien,  se  plonge  d'autant  plus  profondé- 
ment dans  une  corruption  de  mœurs  rare  et  insondable,  qu'il  est 
plus  gâté  p:u"  la  prospérité;  il  oublie  Dieu,  et  s'oublie  lui-même 
entièrement.  S'il  sort  de  ce  repos,  ce  n'est  que  pour  se  livrer  avec  plus 
de  fureur  aux  excès  de  l'ivrognerie  et  de  la  débauche,  tellement 
qu'il  ne  vit  plus  que  de  rapines,  de  crimes  et  d'infamies.  Il  profita 
de  la  tranquillité  et  de  la  prospérité  dont  il  jouit  pour  se  couvrir 
d'opprobre  et  pour  se  livrer  au  mal  avec  plus  de  licence  et  de  sécu- 
rité :  de  cette  manière  il  se  rend  indigne  de  tous  les  dons  célestes. 
(Lib.  II  ad  Eccli.  ). 

Lorsque  le  pécheur  est  en  paix  et  qu'il  s'abandonne  aux  excès  du 
crime,  Dieu  n'est  pas  loin  et  il  ne  tarde  pas  à  frapper,  dit  saint  Pau- 
lin de  Noie.  La  prospérité  déprave  le  jugement  et  fait  oublier  la  fra- 
gilité humaine.  L'adversité  réprime  et  humilie;  la  prospérité  rend 
orgueilleux.  Il  est  rare  que  dans  cet  état  on  montre  delà  prudence; 
au  contraire ,  on  abandonne  la  voie  droite ,  et  on  suit  des  chemins 
ténébreux.  Alors  surtout  qu'ils  se  livrent  au  mal,  les  pécheurs 
se  réjouissent,  disent  les  Proverbes,  ils  tressaillent  de  joie  dans 
l'Luquité  :  Lœtantur  cum  malefecerint ,  et  exsultant  in  rébus  pessimis 
(Lib.  II3  c.  xiv,  epist.  v). 

Même  lorsqu'ils  rient,  les  pécheurs ,  dit  saint  Augustin,  sont  tor- 
turés par  la  conscience  du  mal  qu'ils  ont  commis  ;  en  ri  ieU- 
:  Ride  ado  exierius  interna  mctlorum  conscient  ia  crUCiantut ,  atque 


(1)  Pectatuin  e*t  aversio  a  bono  summo  et  meteato,  ac  conversio  ad  bonum  caclu- 
cum  et  cMptum.  •  et  prosperatur  ,   tanto  peiUitÙMiis  6* 

propidqiiiôt,  quduto  a  zaio  disciplina  invenitur  aUenus  (  De  Peccutis). 


744  pécheuh. 

ridendo  mori-ur.lur  (Sentent,  xltii).  Riant  et  se  réjouissant,  les 
pécheurs,  dit  saint  Grégoire,  ressemblent  à  des  bœufs  qui  marchent 
à  l'abattoir,  à  des  hommes  ivres  qui  vont  à  une  chute ,  à  des  frénéti- 
ques qui  courent  à  leur  perte,  lsaïe  dit  en  parlant  d'eux  :  L'impu- 
dence de  leur  visage  les  trahit;  comme  Sodôme,  ils  ont  publié 
leurs  crimes  et  ne  les  ont  point  cachés.  Malheur  à  eux  !  ils  ont 
mérité  leurs  maux  {Comment,  in  lsai.,  lib.  ITT,  c.  ix). 

Celui  qui  pèche  est  le  meurtrier  de  son  àme,  disent  les  Proverbes  : 
Qui  peccaverit  lœdet  animam  suam  (vm.  36).  Le  pécheur  insulte  son 
âme,  il  la  maltraite,  il  en  est  le  tyran,  il  l'enlève  à  la  sagesse,  à 
elle-même  et  à  Dieu;  il  la  livre  au  démon  et  à  l'enfer.  Il  devient 
son  propre  bourreau,  se  dépouille  de  la  paix,  de  la  grâce,  de  la 
gloire  et  de  tout  bien  ,  se  couvre  de  l'infamie  du  vice  et  s'assure  le 
remords,  la  colère  de  Dieu,  les  flammes  de  l'enfer,  et  tous  les  maux 
pour  l'éternité 

L'erreur  et  les  ténèbres  sont  créées  pour  les  pécheurs,  dit  la  sainte 
Ecriture  :  Error  et  tenebrœ  peceatoribus  concreuta  sunt  (Eccli.  n.  1C). 
La  voie  des  pécheurs  parait  unie  et  bien  pavée;  mais  à  l'extrémité 
se  trouvent  l'enfer,  les  ténèbres  et  les  châtiments  :  Via  peccantium 
complanata  lapidibus;  et  in  fine  illorum  inferi,  et  tenebrœ ,  et  pœnœ 
(ïbid.  xxi.  41).  Le  chemin  de  la  concupiscence,  dans  lequel  sont 
engagés  les  pécheurs,  parait  d'abord  facile,  doux,  agréable,  délicieux* 
comme  une  voie  garnie  de  larges  dalles;  mais  bientôt  il  deyient 
inégal,  escarpé,  épineux,  triste;  il  fatigue  et  il  aboutit  à  L'enfer 
éternel.  Le  chemin  de  la  vertu  est  tout  différent 

Celui  qui  parle  à  un  pécheur  endurci  est  comme  celui  qui  parle 
à  un  homme  plongé  dans  un  profond  sommeil.  Il  ressemble ,  dit  la 
sainte  Ecriture ,  à  l'homme  qui  explique  à  un  insensé  les  règles  de  la 
sagesse,  et  qui,  à  la  lin  de  son  discours,  dit  :  Quel  est  celui-ci? 
Pleurez  sur  le  mort,  parce  qu'il  a  perdu  la  lumière;  pleurez  sur 
l'insensé,  parce  qu'il  a  perdu  la  raison.  Le  deuil  du  mort  dure 
quelques  jours;  mais  il  faut  gémir  sur  l'insensé  et  sur  le  pécheur 
tous  les  jours  de  leur  vie  (Eccli.  xxn.  8-13).  C'est  avec  raison  que 
le  Saint-Esprit  compare  le  pécheur  à  l'homme  qui  dort.  Car, 
l°l'un  est  livré  au  sommeil  ordinaire,  l'autre  au  sommeil  du  crime. 
2°  Comme  l'intelligence  est  empêchée  par  le  sommeil ,  ainsi  la  raison 
et  la  prudence  du  pécheur  sont  enchaînées  par  la  concupiscence. 
3*  Celui  qui  dort  \itde  la  vie  animale  et  non  de  c<  Ile  de  la  rai- 
son; il  en  est  de  même  du  pécheur.  4*  Celu»  qui  dort  est  le  jouet 
des  songes  ej  des  fantômes;  le  pccheur    .-.--  Ve  jouet  des  va 


PÉCHEUR.  74Î: 

apparences  que  lui  offrent  les  créatures,  les  biens  de  la  terre  et  les 
passions.  Platon  lui-même  dit  :  Que  sont  tous  les  attraits  de  cette  vie? 
que  sont  tous  les  biens  et  toutes  les  espérances  des  mortels,  sinon  des 
songes  que  l'on  l'ait  éveillé?  Quid  sunt  omnes  hujus  vitœ  illecebrœ  ? 
quicl  sunt  omnes  res  et  spes  mortalium ,  nisi  somnia  vigilantium  ? 
(Dialog.  5.) 
Après  avoir  comparé  le  pécheur  à  l'homme  qui  dort,  la  sainte 

Ecriture  le  compare  à  celui  qui  est  mort 

Malheureux  pécheur,  dit  Dieu  par  la  bouche  de  Jérémie ,  com- 
prends donc  et  vois  combien  il  est  funeste  et  amer  d'avoir  aban- 
donné le  Seigneur  ton  Dieu,  et  de  n'avoir  plus  ma  crainte  près  de 
toi  :  Scito,  et  vide,  quia  malum  et  arnarum  est  reliquisse  te  Dominum 
Deum  tuum,  et  non  esse  timorem  mei  apud  te  (il.  49). 

Pécheurs,  disent  les  Proverbes,  ne  donnez  pas  votre  honneur  a 
des  étrangers,  et  vos  années  à  un  maître  cruel  :  Ne  des  alienis  hono- 
rem  tuum,  et  annos  tuos  crudeli  (v.  9).  Tout  homme  qui  commet  un 
péché  mortel  abandonne  son  honneur,  la  grâce,  le  titre  d'enfant 
et  d'héritier  de  Dieu,  à  des  étrangers,  c'est-à-dire  aux  démons;  et 
les  années  de  sa  vie  à  un  maître  cruel,  c'est-à-dire  à  Satan. 

Qui  sont  ceux  qui  sont  étrangers  pour  nous,  dit  saint  Grégoire, 
sinon  les  esprits  de  malice,  qui  sont  à  jamais  éloignés  de  la  patrie 
céleste?  Et  quel  est  le  cruel,  sinon  l'Apostat,  qui  par  son  orgueil 
s'est  frappé  de  mort  éternelle,  et  qui,  perdu,  met  tout  en  œuvre 
pour  faire  partager  son  triste  sort  au  genre  humain?  Le  pécheur, 
qui  a  été  créé  à  l'image  et  à  la  ressemblance  de  Dieu,  abandonne 
donc  son  honneur  à  des  étrangers  ;  il  consacre  sa  vie  à  faire  les 
volontés  d'esprits  méchants  et  cruels  (In  hœc  verba  Prov.). 

Le  péché  et  le  démon  sont  les  ennemis  implacables  du  pécheur, 
ses  tyrans  et  ses  bourreaux;  ils  le  mettent  à  mort. 

Voici,  dit  le  Psalmiste,  voici  que  le  méchant  a  engendré  le  mal; 
il  a  conçu  la  douleur,  et  ii  a  enfanté  l'iniquité  :  Ecce  parturiit  inju- 
stitiam,  concepit  dolorem,  et  peperit  iniquitatem  (vu.  15). 

Le  pécheur,  dit  saint  Chrysostome,  conçoit  la  douleur  du  péché, 
et  s'il  ne  se  repent  pas ,  il  enfante  la  mort.  Avant  que  l'enfant  soit 
hors  du  sein  de  sa  mère,  il  lui  cause  de  vives  douleurs;  mais 
quand  il  en  est  sorti,  il  fait  sa  joie.  Au  contraire,  le  péché  conçu  est 
un  serpent  dans  les  entrailles  de  l'homme,  il  lui  donne  la  mort,  à, 
moins  que  le  pécheur  ne  s'en  délivre  par  le  repentir  et  la  pénitence. 
La  conception  du  péché  est  la  naissance  du  serpent  dans  le  cœur; 
lorsque  le  péché  est  çpiW-vnMté,  ce  serpent  répand  son  venin,  et  U 


746  PÉCHEUR. 

^.oJuit  une  maladie  mortelle.  Celui  qui  enfante  le  péché  tombe 
sous  le  coup  du  jugement  et  de  la  condamnation  ;  et  s'il  persévère, 
il  sera  éternellement  réprouvé.  La  mère  allaite  volontiers  son  enfant, 
mais  le  péché  donne  la  mort  à  celui  qui  l'a  commis  :  le  péché  est 
pire  que  le  démon  (Ilomil.  ad  pop.  ). 

Le  même  saint  appelle  le  péché  une  bête  féroce.  Seul,  le  péché 
blesse  l'homme,  dit-il  :  lorsqu'il  est  détruit,  tout  est  facile  et  tran- 
quille; tant  qu'il  demeure ,  tout  est  souffrance,  agitation,  perte.  Le 
péché  est  un  démon  puissant  :  Magnus  dœmon  peccatum  est  (tloniil. 
ad  pop.). 

bâtiments  du  A ux  fils  de  la  contention  qui  n'acquiescent  point  à  la  -vérité,  mais 
pec  eur.       ^  aCqUiescent  à  l'iniquité,  la  colère  et  l'indignation,  dit  le  grand 
Apôtre.  Trouble  et  angoisse  dans  l'âme  de  tout  l'homme  oui  fait  le 
mal;  gloire,  honneur  et  paix  à  quiconque  fait  le  bien  (I). 

Le  Seigneur,  dit  le  Psalmiste,  a  en  horreur  l'impie  et  celui  qui 
chérit  l'iniquité.  Il  fera  pleuvoir  sur  eux  des  embûches  :  le  foi 
soufre,  et  le  vent  des  tempêtes  sont  ce  qu'il  leur  prépare  :  Pluet 
super  peccatores  laqueos  ;  ignis  et  sulphur,  et  spiritus  procellarum  pars 
calicis  eorum  (x.  6.  7).  Le  pécheur  est  destiné  à  recevoir  toutes  les 
flagellations  :  Multa  flagella  peccatoris  (Psal.  xxxi.  10).  Ne  soyez 
point  désireux  de  la  prospérité  des  méchants,  et  ne  portez  pas  envie 
à  ceux  qui  commettent  l'iniquité  :  ils  sécheront  aussi  promptement 
que  l'herbe  coupée;  ils  tomberont  comme  la  fleur  des  champs  :  Noîi 
œmulari  in  malignantibus ,  negue  zelaueris  facientes  iaiquitatem  :  quo- 
niam  tanquam  fenum  velociter  arescent ,  et  quemadmodum  olera  hcrba- 
rum  cito  décident  (Psal.  xxxvi.  1.  2).  Les  pécheurs  périront  :  Pecca- 
tores peribunt  (Psal.  xxxvi.  20).  Les  ennemis  de  Dieu  déparai' 
ils  s'évanouiront  comme  la  fumée  :  Inimici  Domini  deficienlt^  qnan- 
admudum  fumus  déficient  (Psal.  xxxvi.  20).  Votre  indignation  . 
gueur,  n'a  rien  laissé  de  sain  dans  mon  corps,  et  mes  ftéchéS  mit 
porté  le  trouble  jusque  dans  mes  os.  Mes  iniquités  se  sont  él 
par-dessus  ma  ti  ont  devenues  un  poidl  qui  m'accable.  La 

pourriture  et  la  corruption  se  sont  formées  dans  mes  plains,  H 
de  mes  égarement.  Mi-érable  et  courbé  vers  la  terre j  je  marche 
dans  la  douleur  durant  tout  le  jour.  Mon  cœur  est  ivi  C  à  l'agitation. 


(î)  IR  qui  tant  et  contentione,  c  fl'il  non  acquiesçant  veritati,  cré         nnfeiuiu.- 

quitnti,  ira  L't  iinlitfiiatin.  iïilnilalio  Bl  a.uust.a  in  oiihkiii  tthln  ;mi  hominis  o[ici 
uialutii.  Gloria  autem  et  houor  ,  et  pas  oiuui  operanli  boutun  (  ,. 


pécttettb..  747 

\na  force  m'a  abandonné ,  !a  lumière  de  mes  yeux  s'est  éteinte;  elle 
tfest  plus  en  moi  (Psal.  xxxtii.  6. 10). 

Le  salut  est  loin  des  pécheurs  :  Longe  a  peccatoribus  salus  (Psal. 
£vm.  15i). 

Dans  la  main  du  Seigneur  est  une  coupe  pleine  d'un  vin  trouble; 
Jl  l'épanché  çà  et  là,  mais  la  lie  qui  s'y  trouve  ne  s'épuise  pas;  tous 
les  pécheurs  de  la  terre  y  boiront  :  Calix  in  manu  Domini  toini  meri 
plenus  misto  :  et  inclinavit  ex  hoc  in  hoc  ;  verumtamen  fœx  ejus  non 
est  exinanita;  Wbent  omnes  peccatores  terrœ  (Psal.  lxxiv.  9  ). 

Si  tu  fais  le  bien ,  di*  le  Seigneur  à  Caïn ,  n'en  recevras-tu  pas  la 
récompense  ?  Si  tu  fais  le  mal ,  ton  péché  ne  paraitra-t-il  pas  sou- 
dain sur  le  seuil  de  ta  porte  :  Nonne  si  bene  egeris ,  recipies? Si  autem 
maie ,  statim  in  forïbus  peccatum  aderit  ?  (  Gen.  iv.  7.  ) 

Se  tenant  à  la  porte  du  pécheur  comme  un  dragon  vigilant  ou 
comme  un  dogue  intraitable ,  le  péché,  ou  plutôt  la  peine  du  péché 
l'assaille  et  en  tire  vengeance  :  aussitôt  le  péché  commis,  elle  se 
précipite  sur  lui,  le  déchire,  le  met  en  pièces.  Ce  dragon,  ce  dogue, 
est  le  remords  de  la  conscience ,  le  trouble  de  l'esprit ,  la  révolte 
de  la  raison;  c'est  la  colère  de  Dieu  suspendue  sur  la  tète  du 
pécheur  ;  c'est  l'angoisse  et  toutes  les  calamités  présentes  et  futures 
par  lesquelles  l'éternelle  justice  lé  châtie. 

La  peine  marche  sur  les  traces  de  tout  criminel ,  dit  le  poëte  : 
Aura  caput  sequitur. 

La  peine,  dit  Horace,  a  rarement  abandonné  le  coupable ,  qu'elle 
suit  d'un  pied  boiteux,  et  dont  le  sort  est  de  porter  nuit  et  jour 
au  dedans  de  lui-même  un  témoin  invisible ,  et  de  subir  les  coups 
de  verge  que  imi  applique  la  conscience,  infatigable  bourreau  : 

Raro  antecedentem  scelestum 

Deseruitpede  pœna  claudo. 
Nocte  dieque  suuru  gestare  il  pectore  testem , 
Occultum  quatiente  animo  tortore  flagellum, 

La  r  r;  ^ience  est  à  la  fois  le  vengeur  de  la  divinité ,  le  juge  et  le 
bourreau  du  coupable. 

Il  n'y  a  pas  de  tortures  plus  redoutables  que  celles  qu'inflige  la 
conscience  d'avoir  fait  le  mal ,  dit  saint  Augustin  :  le  pécheur, 
n'ayant  plus  Dieu  au  dedans  de  lui,  n'y  trouve  plus  aucune  conso- 
lation :  Nnllœ  pœnœ  gravures  sunt  quam  mala,  coascientiœ,  in  uua  cun* 
nw  haùetkr  Deus,  consolatio  non  invenitur  (Lib.  Confess.  ) 


7-48  PÉCHEUR. 

Le  pécheur  est  en  quelque  ?orte  frappé  des  dix  plaies  de  l'Egypte  ; 
i  éprouve  le  sort  des  soldats  de  Pharaon,  ensevelis  dans  les  flots  delà 
mer  Rouge. 

Remarquez  :  !°  que  les  Égyptiens  furent  châtiés  par  l'entremise 
de  presque  toutes  les  créatures  :  par  la  terre,  l'eau,  l'air  et  le  feu; 
par  les  nuées,  la  grêle  et  la  foudre  ;  par  les  animaux,  grenouilles, 
mouches  et  sauterelles  ;  par  le  soleil  et  les  astres;  par  les  hommes, 
Moïse  et  Aaron  ;  par  les  anges  et  par  Dieu  lui-même 

2°  Ils  furent  frappés  dans  toutes  leurs  richesses  :  dans  les  fruits 
quïls  retiraient  de  la  terre  et  dans  leurs  bestiaux ,  dans  leur  or  et  leur 
argent;  dans  leur  corps,  par  des  ulcères;  dans  leur  famille,  par  la 
mort  de  leurs  premiers-nés 

3°  Ils  furent  aussi  frappés  dans  tous  leurs  sens  :  dans  la  vue ,  par 
les  ténèbres  et  les  spectres;  dans  l'ouïe  ,  par  le  bruit  des  tonnerres  ; 
dans  le  goût,  par  une  soif  dévorante  à  laquelle  ils  n'avaient  à  don- 
ner que  du  sang;  dans  l'odorat,  par  la  putréfaction  d'insectes 
privés  de  vie  ,  et  par  l'infection  qui  s'en  répandait  au  loin;  dans  le 
toucher,  par  la  douleur  que  leur  causèrent  les  ulcères  et  la  piqûre 
des  mouches;  enfin,  dans  l'intelligence  et  dans  l'imagination,  par 
de  continuelles  afflictions  et  des  terreurs  de  toute  espèce.  Voilà  la 
sort  des  pécheurs ,  et  une  imparfaite  image  de  l'enfer..... 

Gomme  tout  tourne  au  bien  des  saints ,  de  même  tout  tourne  au 
détriment  des  impies  et  des  pécheurs,  dit  l'Ecclésiastique  :  Omnia 
sanctis  in  bona;  sic  et  impiis  et  pfccatnrihf*  in  mala  convertuntur 
(xxxix.  32  ). 

Malheur,  s'écrie  Isaïe  ,  malheur  à  la  nation  coupable  ,  au  po' 
chargé  de  crimes,  à  la  race  perverse,  aux  fils  sacrilèges!  Yœ  (je., aï 
peccafrici ,  populo  gravi  iniquitate,  semini  nequam ,  filiis  sccleratis! 
(  i.  4.)  Les  rebelles  et  les  pécheurs  seront  brisé?  ensemble  ;  ceux  qui 
ont  abandonné  le  Seigneur  seront  consumés  :  Conteret  scelerato*  et 
peccalores  simul ;  et  qui  dcrcliqventnt  Dominum  consumentur  (  Id.  i.  28); 
Pécheur ,  tous  les  fléaux  \  iendront  au-devant  de  toi  :  la  dévastation. 
la  ruine,  la  faim  et  le  ui  est-ce  qui  te  consolera?  Occurre- 

runt  tibi  vastitas,  et  contrit iu,  et  famés,  et  gladius  ;  guis  eamolahitut 
'.e?(Id.  li.  10.) 

0  mon  peuple ,  dit  le  Seigneur  par  la  bouche  de  Jérémie  ,  je  t'avais 
planté  comme  une  vigne  choisie  dans  les  ceps  les  plus  purs  : 
comment  es- tu  devenu  pour  moi  une  •\i;-rne  étrangère  (jiii  porte 
des  fruits  amers?  Ego  plantavi  te  oineam  electam,  omne  semen 
verum;  qunmodo  errj()  conversa  es  viihi  Ml  pravum,   vinea  aliéna? 


pécheur.  74£ 

(n.  21.)  Je  ferai  de  Jérusalem  un  amas  de  sable  et  un  repaire  de 
dragons;  je  livrerai  les  villes  de  Juda  à  la  désolation,  et  personne  n'y 
habitera  :  Et  dabo  Jérusalem  in  acervos  arenœ ,  et  cnbilia  draconum;  et 
civitates  Juda  dabo  in  desolalionem,  eo  quod  non  sit  kabitator  (Id.  LS.il). 
Pourquoi  votre  terre  a-t-elle  péri  et  est-elle  devenue  aride  comme 
le  désert,  et  n'y  passe-t-OD  plus?  Quare  periit  terra,  et  exusta  sit  quasi 
dcsertum,  eo  quod  non  sit  qui  pertranseat?  (Jerem.  rx.  12.)  Et  le  Sei- 
gneur a  dit  :  Parce  qu'ils  ont  abandonné  la  loi  que  je  leur  avais  donnée, 
qu'ils  n'ont  point  écouté  ma  voix,  et  qu'ils  n'ont  point  marché  selon  , 
mes  commandements;  parce  qu'ils  ont  suivi  et  la  perversité  de  leuï 
cœur,  et  Baal.  C'est  pourquoi,  voici  ce  que  dit  le  Seigneur  des  armées, 
le  Dieu  d'Israël  :  Je  nourrirai  ce  peuple  d'absinthe  et  je  l'abreuverai 
de  fiel.  J'enverrai  après  eux  le  glaive  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  dévorés 
La  mort  montera  par  vos  fenêtres,  elle  entrera  dans  vos  mai- 
sons, elle  exterminera  vos  enfants  et  vos  jeunes  gens  (Jerem.  ix. 
13-1  G.  21  ).  J'amènerai  sur  eux  des  maux  dont  ils  ne  pourront  sortir, 
dit  le  Seigneur.  Prophète,  ne  prie  pas  pour  ce  peuple  :  Ecce  ego  indu- 
cam  super  eos  mala,  de  quibus  exire  non  poterunt.  Tu,  noli  orare  pro 
populo  hoc  (  Id.  Xï.  J 1 . 1 4  ). 

Que  le  pécheur,  que  l'orgueilleux ,  le  voleur ,  l'ivrogne ,  l'impu- 
dique, sachent  qu'en  péchant  ils  ne  font  autre  chose  que  de  se  pré- 
parer des  verges,  soit  pour  cette  vie,  soit  surtout  pour  l'autre.  Par 
leur  orgueil  et  ieur  désobéissance  ,  Adam  et  Eve  ne  préparèrent-ils 
pas,  à  eux  et  à  tous  leurs  descendants,  des  verges  avec  lesquelles  la 
race  humaine  a  été  frappée,  et  le  sera  jusqu'à  la  fin  du  monde? 

Les  pécheurs  sèmeront  le  vent,  et  ils  moissonneront  la  tempête,  dit 
Osée  :  Ventum  seminabunt ,  et  turbinent  metent  (  vin.  7).  Vous  avez 
cultivé  l'impiété,  vous  avez  moissonné  le  crime,  vous  avez  mangé 
le  fruit  du  mensonge,  dit  ailleurs  le  même  prophète  :  Arastis  impie- 
tatem,  iniquitatem  messuistis,  comedistis  frugem  mendacii  (Osée.  X.  1 3). 

Celui  qui  sème  l'iniquité  moissonnera  les  maux,  disent  les  Pro- 
verbes; et  la  verge  qui  le  brisera  est  prête  :  Qui  seminat  iniquitatem, 
metet  mala,  et  virgairœ  suœ  consummabitur  (xxii.  8). 

Ne  vous  y  trompez  pas,  dit  le  grand  Apôtre,  on  ne  se  rit  point  de 
Dieu.  Ce  que  l'homme  sème,  il  le  recueillera.  Celui  qui  sème  dans 
la  chair,  de  la  chair  recueillera  la  corruption  :  Nolite  errare ,  Deus 
non  irridetur.  Quœ  seminaverit  homo ,  hœc  et  metet.  Qui  seminat  in 
carne  sua,  de  carne  et  metet  corruptionem  (  Gai.  vi.  7.  8  ). 

Les  péchés  peuvent  être  appelés  le  bois  qui  entretient  le  feu  de 
l'enfer 


750  FÉCHFJR. 

J'ai  vu,  dit  Job,  j'ai  vu  le  souffle  de  Dieu  faire  périr  les  artisans  de 
l'iniquité ,  ceux  qui  sèment  les  douleurs  et  qui  les  recueilleront  ;  le 
vent  brûlant  de  sa  colère  les  a  consumés  :  Vidi  eos,  qui  operwtw  iai- 
quitatem,  et  seminant  chlores,  et  metunt  eos,  fiante  Deo  per  tisse,  et 
spiritu  irœ  ejus  esse  consumptos  (  iv.  8.  9  ). 

J'ai  vu ,  dit  le  Psalmiste,  j'ai  vu  l'impie  exalté  dans  son  orgueil  et 
élevé  comme  le  cèdre  du  Liban;  j'ai  passé,  et  il  n'était  plus;  je  l'ai 
cherché ,  et  je  n'ai  pas  trouvé  sa  place  :  Vidi  impium  supcrccalttitinn, 
et  elevatum  sicut  cedros  Libani.  Et  transivi,  et  ecce  non  erat  :  et  quœsivi 
eum,  et  non  est  inventus  locus  ejus  (  xxxvi.  35.  36). 

Le  pécheur    Parlant  de  Judas,  saint  Pierre  dit  que  ce  traître  a  quitté  I 'a  posti  '  : 

que         pour  aller  à  sa  place  :  Ut  abiret  in  locum  suum  (  Act.  i.  25  ).  Il  alla  à  la 

dans  i'enfer.    cor(je?  et  de  là  dans  l'enfer  :  voilà  sa  place.  A  cause  de  ses  vices,  il 

n'était  pas  à  sa  place  lorsqu'il  était  apôtre.  Il  n'était  pas  à  sa  place 

sur  la  terre,  il  la  quitta  ;  ni  dans  l'air,  l'air  lui  manqua  ;  encore  moins 

y  eùt-il  été  dans  le  ciel.  A  l'homme  digne  de  l'enfer,  il  faut  l'enfer 

Quant  aux  timides,  dit  le  Seigneur  dans  l'Apocalypse,  aux  incré- 
dules, aux  exécrables,  aux  homicides,  aux  fornicateurs,  aux  empoi- 
sonneurs, aux  idolâtres  et  à  tous  les  menteurs,  leur  partage  sera 
dans  l'étang  de  feu  ardent  et  de  soufre ,  qui  est  la  seconde  mort  (1). 

Les  nations  criminelles,  dit  lePsalmiste,  ont  été  ensevelies  dans 
la  mort  qu'elles  se  sont  préparée  :  Infixœ  sunt  gentes  in  intcritu  quem 
fecerunt  (ix.  46). 

Que  les  pécheurs,  dit  le  même  prophète,  retournent  dans  l'enter: 
Convertantur  peccatores  in  infernum  (ix.  48).  L'onfer  les  vomit,  que 

l'enfer  les  reprenne L'écrivain  sacré  dit  que  les  pécheurs  doivent 

retourner  dans  l'enfer,  parce  que,  comme  pécheurs,  ils  sont  venus 
de  là.  Dieu  a  fait  l'bomme  droit  et  innocent;  c'est  l'enfer,  ou  Satan , 
qui  l'a  fait  pécheur 

La  flamme  des  passions  et  du  péché  a  d'abord  brûlé  les  pécheurs, 
puis  la  flamme  de  l'enfer  les  dévore  :  Flamma  combattit  peccuton» 
(Psal.  cv.  48). 

Vous,  ô  mon  Dieu,  dit  le  Prophète  royal,  vous  ferez  descendre 
dans  l'abime  les  impies  :  Tu  vero,  Deus,  deduces  eos  mputeum  interitvs 
(uv.  24). 

1)  Timidis,  et  incredutis,  et  eTecratte,  et  homicidis,  et  fornicatnribi»,  et  veneficis, 
et  idololatris,  et  omnibus  memlacibu»,  p»M  illûrum  erit  in  slagn»  ardentiigue  et  sulr 
phure  :  quod  est  mors  secunda  (  xxi.  8  ). 


PÉCHEUR.  751 

Quoique  ayant  péché  dans  .e  temps,  le  pécheur,  dit  samt  Ber- 
nard, est  puni  par  un  enfer  éternel,  à  cause  de  son  inflexible  volonté 
et  obstination  dans  le  mal.  En  effet,  il  est  certain  que  ce  qui  a  été 
court  selon  le  temps  et  selon  l'œuvre ,  est  long  dans  la  volonté  opi- 
niâtre ,  tellement  que  si  le  pécheur  ne  mourait  pas ,  il  ne  voudrait 
jamais  cesser  de  pécher,  ou  plutôt  qu'il  voudrait  vivre  toujours,  afin 
de  pouvoir  toujours  pécher.  On  peut  lui  appliquer,  dans  un  sens 
tout  différent  de  celui  où  elles  ont  été  dites,  ces  paroles  de  l'Écriture  : 
Consommé  en  peu  de  temps ,  il  a  rempli  une  longue  carrière.  Pour 
n'avoir  pas  voulu  changer  d'intention,  le  pécheur  voit  très-juste- 
ment mis  à  sa  charge  le  cours  de  beaucoup  d'années  et  même  l'éter- 
nité (1). 


(1)  Ab  hoc ,  procul  clubio ,  inflexibilis  et  obstinatœ  mentis  punitur  œtemalifer 
s  «aluni,  licet  temjioralilor  perpetratur  ;  quia,  quod  brève  fuit  tempore,  vel  opère, 
longum  esse  constat  in  pertinaci  voluntate  ;  ita  ut,  si  nunquam  moreretur,  nunquam 
velle  peccare  desineret;  imo,  semper  vivere  vellet,  ut  semper  peccare  posset.  Promda 
potest  et  de  isto  per  contrarium  dici  :  consuramatus  in  brevi ,  explevit  tempora 
multa.  Quod  morito  multoruin.  imo,  omnium  temporum  receperit  vicem,  qui  nullo 
•empore  voluerit  mutare  intentionem  (Serm.  inPsal.). 


PENITENCE. 


m  est-ce  que  TTV  £ntte\ce  dérive  des  mots  peine  et  tenir;  c  est,  a  proprement 
.'.a  pénitence?  ■  .,.-,,.,• 

■-^parler,  l'action  de  tenir  la  peine,  de  se  rappliquer,  pamœ 

JL     tenentia En  elle-même,  la  pénitence,  dit  saint  Ambroise, 

est  la  douleur  du  cœur,  et  l'amertume  de  l'âme  pour  les  péchés 

que  l'on  a  commis  :  Pœnùentia  est  dolor  cordis ,  et  amaritudo  animes 

pro  médis  quœ  quisque  admisit  (De  Pœnit.). 

La  pénitence  est  la  réforme  d'une  vie  désordonnée,  l'entier  chan- 
gement de  mœurs  dissolue? 

La  pénitence  est  une  mort  qui  ne  prive  pas  de  la  vie;  elle  tue 
l'homme  de  péché ,  elle  immole  les  convoitises  de  la  chair;  elle  les 
sacrifie  à  Dieu 

Nécessité  JTN  ces  jours-là,  dit  l'Evangile,  vint  Jean -Baptiste,  prêchant  dans 
pénitence,  le  désert  de  Judée,  et  disant  :  Faites  pénitence  :  Venit  Joannes  prœ- 
dicans  et  dicens  :  Pœnitentiam  agite  (Matth.  m.  1.2).  Faites  de 
dignes  fruits  de  pénitence  :  Facile  fructum  dignum  pœnitentiee  (M. 
m.  8).  11  disait  encore  :  Déjà  la  cognée  est  à  la  racine  des  arbres. 
Tout  arbre  donc  qui  ne  porte  pas  de  bons  fruits  sera  coupé  et  jelé 
au  feu  :  Jam  securis  ad  radicem  arborum  posita  est.  Omnis  ergo  arbor 
quœ  non  facit  fructum  bonum,  excidetur,  et  in  ignem  mittetur  (M. 
m.  10). 

Si  vous  ne  faites  pénitence,  vous  périrez  tous  également,  dit 
J.  C.  :  Nisi  pœnitentienn  kabueritis,  omnes  simili  ter  peribitis  (Luc. 
xin.  3).  Et  pour  mieux  inculquer  la  nécessité  de  la  pénitence,  il 
répète  :  Je  vous  le  dis  :  Si  vous  ne  faites  pénitence,  vous  périrez 
tous  également  :  Dico  vobis  :  Si  pœnitentiam  non  egcriti*,  omnes 
liter  peribitis  (Luc.  xur.  5).  Je  suis  venu  a;*  heurs  à  la 

pénitence,  dit-il  encore  :   Veni  vocare  peccatores  ad  pœnitpntiar* 
(Luc.  v.  3-2). 

Si  la  grâce  est  attachée  à  la  pénitence,  dit  saint  Ambroise,  celui 
dédaigne  de.  faire  pénitence  renonce  à  la  grâce  :  Si  gratta  est  ex 
vcrnitentia,  qui  faslidit  pœnitentiam,  abdicat  grati  m  |  De  Pœnit.). 

nt  Pierre  ayant  reproché  aux  Juifs  d'avoir  crucifié  J.  C.  le  File 
de  Dieu,  le  \  :  -',<■,  un  grand  nombre  d'entreeux  furent  tou- 

cùés  de  repentir,  et  ils  dirent  à  Pierre  ecauxuuucs  apôtres  :  U>1P 


PÉNITENCE.  753 

ferons-nous,  frères?  Saint  Pierre  leur  dit  :  Faites  pénitent    :  Pceni* 
tentiam  agite  (Act.  il.  38.  39). 

Je  châtie  mon  corps,  dit  le  grand  Ap,..re,  et  je  le  réduis  en  ser* 
vitude,  de  peur  que  peut-être,  après  avoir  prêché  les  antres,  je  ne 
sois  moi-même  réprouvé  :  Castigo  corpus  meum ,  et  in  servitutem 
redigo,  ne  forte  postquam  aliis  prœdicaverim,  ipse  reprobus  efficiar 
C  Cor.  tx.  27). 

D'après  vos  ordres ,  Seigneur,  dit  le  Psalmiste,  j'ai  marché  dans 
la  rude  voie  de  la  pénitence  :  Propter  verba  labiorum  tuorum,  ego 
custodivi  vias  duras  (xvi.  5). 

La  viande  qui  n'est  pas  salée  se  gâte;  sans  le  sel  de  la  pénitence, 
les  mœurs  se  corrompent  et  le  corps  se  laisse  aller  au  désordre  ?  ou 
du  moins  au  relâchement. 

Vous  êtes  déchu  de  votre  charité  première,  dit  le  Seigneur  dans 
l'Apocalypse  à  l'ange  d'Ephèse.  Souvenez-vous  donc  d'où  vous  êtes 
tombé,  et  faites  pénitence,  sinon  bientôt  je  viendrai  à  vous,  et 
j'ôterai  votre  chandelier  de  sa  place,  à  moins  que  vous  ne  fassiez 
pénitence  :  Caritatem  tuam primant  reliquisti.  Memor  esto  itaqueunde 
excideris  ;  et  âge  pœnitentiam  :  sin  autem ,  venio  tibi,  et  movebo  cande~ 
labrum  tuum  de  loco  suo ,  nisi pœnitentiam  egeris  (iï.  A.  5). 

.Jamais,  dit  saint  Grégoire,  jamais  Dieu  n'épargnera  celui  qui 
pèche  ,  parce  qu'il  ne  laisse  pas  le  délit  sans  en  tirer  vengeance.  Ou 
le  pécheur  se  punit  iui-mème,  ou  Dieu,  entrant  en  jugement  avec 
lui,  le  frappe  (1). 

L'empereur  Théodose,  ayant  voulu  s'excuser  d'avoir  fait  massa- 
crer plusieurs  habitants  de  Thessalonique ,  en  apportant  l'exemple 
de  David  qui  avait  fait  périr  Urie,  saint  Ambroise  lui  répondit: 
Puisque  vous  avez  imité  David  dans  son  égarement,  imitez-le  dans 
sa  pénitence  :  Quem  secutus  es  errantem,  sequere  pomitentem  (Pauli 
diac.  Vit.  imp.  Theod.  ) 

Si  nous  ne  faisons  pénitence ,  dit  l'Ecclésiastique,  nous  tomberons 
dans  les  mains  du  Seigneur,  et  non  dans  les  mains  des  hommes  :  Si 
pœnitentiam  non  egerimus ,  incidemus  in  manus  Domini,  et  non  in 
manus  hominum  (h.  28). 

Mortifiez  vos  membres,  dit  saint  Paul  aux  Colo^icas  :  Mortificate 

membra  vestra (m.  5). 


(1)  Delinquenti  Dominus  nequaquam  parcet ,   quia   delictum  sine  ultione  non 
deserit.   Aut  euim   ipse  in  hoc  se  pœniteus  punit  ,  aut  hoc   Deus  cuin  homme 
vindicans  peicutit  (Lib.  IX  Moral.,  c.  xxvn  i. 
111.  " 


?ÉNÎTF.NCE. 

Exemples  de  Jésus-Christ  ne  se  borne  pas  à  recommander  de  faire  pénitence; 
depuis  son  incarnation  et  sa  naissance  dans  une  étable,  jusqu'à  sa 
mort  sur  la  croix,  il  souffre  pour  expier  les  péchés  du  monde 

Saint  Jean- Baptiste  prêche  la  pénitence;  et  Ju;-môme,  depuis 

l'âge  de  deux  ans  jusqu'à  son  martyre,  il  ne  cesse  de  la  pratiquer 

Les  apôtres  prêchent  la  pénitence  ;  et  ils  ne  cessent  de  châtier  leur 
corps  et  d'implorer  le  pardon  de  l'univers  plongé  dans  tous  les 
\  ires. 

Voyez  sainte  Marie-Madeleine,  sainte  Marie  EgypjLienne  .  sainte 
Thaïs ,  les  martyrs ,  les  confesseurs ,  les  \iergj  ichorète- 

ordres  religieux,  et  surtout  les  ordres  de  pénitents,  ,  etc ': 

le?  saints  de  tous  les  siècles,  même  ceux  qui  ont  mené  une  vie  pure, 
ont  fait  pénitence. 

Prenez  exemple  sur  les  Nimvites. 

Jonas ,  par  ordre  du  Seigneur,  va  dans  la  grande  vjllj  ve; 

il  y  pénètre,  et,  après  un  jour  de  marche,  il  crie  et  dit  :  Encore  qua- 
rante jours,  et  Ninive  sera  détruite.  LesNinivites  crurent  au' 
ils  publièrent  un  jeûne  et  se  couvrirent  de  cilices,  depuis  le  plus 
grand  jusqu'au  plus  petit.  La  parole  de  Jonas  parvint  jusqu'au  roi  ; 
et  il  se  leva  de  son  trône,  quitta  ses  vêtements .  se  revêtit  d'un  - 
s'assit  sur  la  cendre.  Puis  on  cria  et  l'on  publia  partout,  par 
du  roi  et  des  grands  :  Que  les  hommes,  les  cheva.v ,  les  bœufs  et 
jes  brebis  ne  prennent  aucune  nourriture,  n'entrent  pas  dans  les 
pâturages  et  ne  boivent  point  d'eau  ;  que  les  hom  :  i  t  couverts 

de  cendre  ainsi  que  les  animaux;  que  leurs  prières  s'élèvent  vers  le 
Seigneur;  que  chaque  habitant  se  convertisse  et  fuie  l'iniquité 
qui  le  souille  (  Jon.  ni). 

pavid  et  l'empereur  Théodose  lurent'1  es  modèles  de  pénitence, 
etc 

Eicelteifte  de  (Les  larmes  des  pénitents  sont  le  vi  t  saint  Bernard  : 

U  pemlcnce. 

Lacrymœ  prrnttentium  vinum  vmf  mujclorum  (Sorm.  m  inCant.  ) 

larme  de  Dénitence ,  dijt  çai  une,  brûle  plus  les  démons  nue 

tous  les  feux  de  Tenter  (  Monolog.  ). 

Pierre  renie  son  maître;  il  en  a  un  si  profond  regret,  qu'il  verse 

des  larmes  amères  et  abondantes  :  Flevit  <miare.  Les  larmes  de  la 

pénitence,  dit  saint  Ambroise,  lavent  les  péchés.  Les  firmes  n'im 

plurent  point  le  pardon,  elles  le  méritent.  0  vous  qui  êtes  tombd 

avant  de  pleurer,  Pierre,  vous  avez  ù  peine  versé  des  larmesqua 

"'ous  voilà  debout  :  Lacrymœ  lavant  delictum  :  lacrymœ  vcnUim  nm 


rKMTEXCÉ.  735 

QOStulanL  sed  qnerentyr.  Kam,  (juiin^us  es  (le:.:),  inicqiuim  flore*, 
postquam  fleyisti,  erectw  çs  (In  Lvang.  ). 

La  pénitence  est  un  sacrifice  pour  le  péché;  pn  y  offre  à  Dieu  la 
mari-ration  de  la  chair  en  exp';  '.'.    .  des  fautes  commises 

Parlant  du  roi  Josias,  l'Ecclésiastique  dit  :  La  mémoire  de  Josias 
est  comme  un  suave  parfum  préparé  par  une  main  halii'.".  S  i  .■  s  u- 
venir  sera  doux  à  tous  les  hommes ,  comme  le  ruol  re.-L  ho,. 

'd  comme  les  chants  le  sont  au  milieu  d'un  festin.  Po::; 

a  été  dirij  '  d'<  n  haut  pour  faire;  entrer  le  peuple  dans 
de  la  pénitence,  et  qu'il  a  fait  disparaître  les  abp,] 
piété  :  Ipse  est  directus  divinitus  in  pœnucntiam  ger^s,  et  tulit  abomi- 
nationes  impietatis  (xlïx.  1-3). 

Qu'y  a-t-il,  dit  saint  Bernard  ,  qu'y  a-t-il  de  plus  admirable,  ou 
quel  martyre  est  plus  :  .  que  celui  qui  résulte,  de  la  volonté 

d'endurer  la  faim  au  milieu  des  festins,  de  souffrir  du  froid  lorsqu'on 
possède  un  grand  nombre  de  vêtements  précieux,  de  çlemeurer  pau- 
vre au  sein  des  richesses  qu'offre  le  monde,  richesses  que  Satan 
fait  briller  à  nos  yeux  et  que  notre  propre  appétit  désire?  Celui-là 
ne  sera-t-il  pas  couronné  justement  qui  aura  combattu  de  la  soKe, 
fermant  l'oreille  aux  promises  du  monde,  se  riant  des  tentations 
de  l'ennemi  des  hommes  et,  ce  qui  est  plus  glorieux  encore,  triom- 
phant de  ses  penchants  et  crucifiant  la  concupiscence  qui  le  solli- 
cite? (1) 

Marie -Ma TiELKiKK,  de  laquelle  étaient  sortis  sept  démons,  fut  la   Avants- rie 
première  qui  eut  le  bonheur  de  voir  J.  C.  ressuscité ,  parce  qu'elle 
avait  l'ait  pénitence 

L'homme ,  dit  saint  Augustin,  fut  victorieux  sur  un  fumier  (2), 
et  il  fut  vaincu  dans  le  paradis  (3)  :  Homo  vicit  in  stercore;  vicius  est 
in  paradiso  (  lîomil.  ). 

Celui  qui  trouve  sa  nourriture  dans  le  jeune,  son  repos  dans 
l'oraison,  son  pain  dans  la  parole  de  Dieu,  son  vêtement  dans  des 

(1)  Q'nii  admirabilins ,  aut  quod  msrtvrium  gravhis ,  quam  inter  epulas  esnrire , 
inter  vestes  limitas  et  preliosas  algere  ;  paupertate  prend  mter  divifias  quas  offert 
mundus ,  quas  osteulat  malignus,  quas  desiderat  noster  ipse  appetitus  ?  An  non 
merilo  coronabitur  qui  sic  certaverit ,  mundum  abjiciens  promiltentem,  irridens 
inimicum  tentantem,  et  quod  gloriosius  est,  de  semetipso  triumphans,  et  cruciligens 
coricùpiscehtiam  prurientem?  (Serm.  i  in  Fest.  omn.  sanct.) 

(-2    Dans  la  personne  de  .lob. 

(3)  Dans  la  personne  d'Adam. 


756  PÉNITENCE. 

haillons,  son  lit  dans  un  simple  manteau,  sa  couche  sur  îa  te  re  , 
et  dont  l'âme  s'entretient  avec  le  Seigneur  dans  de  saintes  vei! les, 
celui-là,  dit  saint  Paulin ,  a  trouvé  le  vrai  repos  (i). 

Il  y  a  deux  choses  qui  sont  un  excellent  préservatif  du  péché  :  la 
fréquente  confession  et  la  pénitence 

La  pénitence,  dit  saint  Chrysostome,  est  le  remède  le  plus  effi 
cace  dont  nous  puissions  nous  servir  pour  nos  blessures  ;  elle  guérK 
et  fait  si  bien  disparaître  les  ulcères  des  âmes,  qu'elle  ne  laisse  ni 
cicatrice,  ni  traces  d'aucune  sorte,  ce  qui  est  impossible  dans  les 
blessures  du  corps  (2). 

Seigneur,  dit  la  Sagesse,  vous  avez  pitié  de  tous  les  hommes,  parce 
que  vous  pouvez  tout,  et  vous  ne  recherchez  point  leurs  péchés  lors- 
qu'ils font  pénitence  :  Misereris  omnium ,  quia  omnia  potes ,  et  dissi- 
mulas peccata  hominum propter  pœnitentium  (xi.  24.  ) 

La  pénitence ,  dit  saint  Isidore,  est  un  baume  pour  les  blessures, 
l'espérance  du  salut;  par  elle  on  provoque  la  miséricorde  de  Dieu; 
par  elle  on  châtie  et  on  réprime  la  chair  corrompue  :  Pœnitentia 
est  medicamentum  vrdneris,  spes  salutis  ;  per  quam  ad  miser icordiam 
provocatur;  qua  omnis  cruciatur  et  rnortificatur  caro  (Lib.  III  de  Summo 
bono  ). 

Pécheur,  dit  Tertullien ,  saisissez  la  pénitence  et  embrassez-la, 
comme  le  naufragé  saisit  une  planche  de  salut;  elle  vous  sortira  des 
flots  dangereux  des  péchés  et  vous  amènera  au  port  de  la  divine  clé- 
mence (3). 

0  pénitence,  s'écrie  saint  Chrysostome,  A  pénitence  qui, par  la 
miséricorde  de  Dieu ,  remets  les  péchés  et  ouvres  le  paradis ,  qui 
redonnes  des  forces  à  celui  qui  était  accablé  ,  qui  réjouis  le  cœur 
attristé,  qui  rappelles  les  morts  à  la  vie,  qui  rétablis  le  pécheur  dans 
l'état  de  la  grâce,  qui  lui  rends  sa  dignité  première,  lui  inspires  la 
confiance,  répares  ses  forces  et  fais  descendre  dans  son  âme  une 
grâce  plus  abondante!  ô  pénitence,  comment  raconterai  -je  tes 
merveilles?  Tu  brises  toutes  les  chaînes,  tu  réprimes  tout  relàche- 


(1)  Cui  refectio  in  jejunio,  requies  in  oratione,  et  panto  in  verbo,  halitusin  panno, 
IpcIus  in  sagulo,  dcirus  in  terra,  et  sanctee  anime  in  Domino  vigilare,  reqniescere  est 
'  Epi  st.  ). 

(2)  Pœnitentia»  pharmacum  maximum  est  nostrorum  \ulncrum  remeciium  ,  sic 
animarem  ulcéra  curans  et  abolens,  ut  nequc  cicatrix,  neque  vcrruca  apparitura  sit, 
quod  in  corporis  vulneribus  non  est  possibile  (  Serm.  de  Pœuit.  ). 

(3)  Pœuitentiam ,  tu  peccator,  ilainvade,  ita  amplexare ,  ut  naufragus  alicojua 
tabulas  Gdem;  hœc  te  peccatorum  flnetibus  mersum  prolevabit,  et  in  portum  divinae 
rlementiac  prolevabit  (Lib.  I  de  Pœnit.). 


PÉWTENCE.  757 

ment,  tu  adoucis  toute  adversité,  tu  guéris  toute  plaie,  tu  dissipes 
toutes  ténèbres ,  tu  répares  tout  ce  qui  était  désespéré  !  0  pénitence, 
plus  brillante  que  l'or,  plus  radieuse  que  le  soleil,  toi  que  le  péché 
ne  vainc  pas,  que  la  défection  n'abat  pas,  que  le  désespoir  ne  met 
point  en  fuite!  0  pénitence,  mère  de  la  miséricorde  et  maîtresse  des 
vertus  !  tes  œuvres  sont  grandes,  ces  œuvres  par  lesquelles  tu  justi- 
fies les  coupables,  tu  guéris  les  pécheurs,  tu  relèves  ceux  qui  sont 
tombés ,  tu  rends  l'espoir  aux  désespérés  !  Par  toi  le  Christ  en  un 
instant  s'est  emparé  du  bon  larron  pour  le  placer  dans  son  royaume; 
par  toi  David ,  rendu  au  bonheur  après  son  crime,  a  reçu  de  nou- 
veau l'Esprit-Saint  (1). 

Apprenez  combien  la  pénitence  est  avantageuse,  puisqu'elle  efface 
tous  les  crimes ,  qu'elle  obtient  miséricorde ,  qu'elle  triomphe  de 
Dieu  et  de  la  vengeance  du  souverain  Juge ,  liant  le  Tout-Puissant 
lui-même 

Faites  pénitence,  ô  mes  fils,  dit  le  Seigneur  par  la  bouche  de 
Jérémie;  revenez  à  moi,  et  je  guérirai  vos  iniquités  :  Convertimini , 
filii,  revertentes ,  et  sanabo  aversiones  vestras  (  ni.  22). 

Comprenez  ce  que  c'est  que  la  pénitence,  et  comment  des  pécheurs 
elle  fait  d'autres  hommes.  La  pénitence  répare  toutes  les  erreurs, 
toutes  les  fautes  de  la  vie  :  elle  adoucit  Dieu  et  nous  le  rend  propice  ; 
elle  fait  disparaître  les  scandales,  change  l'esprit  et  le  cœur  et  renou- 
velle tout 

La  pénitence,  dit  saint  Augustin,  guérit  les  langueurs;  elle  rend 
la  santé  aux  lépreux,  elle  ressuscite  les  morts,  elle  augmente  la 
santé ,  conserve  la  grâce ,  redresse  les  boiteux,  rend  la  vue  aux  aveu- 
gles, met  en  fuite  les  vices,  embellit  les  vertus ,  protège  et  fortifie 
l'âme  (2). 

Qui .  dans  le  monde ,  a  péché  plus  grièvement  que  Paul?  dit  saint 

(1)  O  pœnitentia,  quœ  peccatum,  miserante  Dco,  remittis  ,  et  paradisum  reseras, 
quœ  contritum  sanas  Dominera,  et  tristem  exhilaras,  vitam  de  interitu  revocas,  sia- 
tuui  restauras,  honorera  rénovas,  fiduciam  das,  reformas  vires,  gratiamnie  abun- 
dantiorem  refondis!  O  pœnitentia,  quid  de  te  referam  ?  Omnia  ligata  tu  solvis, omnia 
solnta  tu  reseras,  omnia  adversa  tu  mitigas,  omnia  contrita  tu  sanas,  omnia  coniusa 
tulucidas,  omnia  desperata  tu  animas.  O  pœnitentia  rutilantior  auro,  splendidior 
sole,  quam  non  vincit  peccatum,  nec  defectio  superat,  nec  desperatio  delet  !  O  pœni- 
tentia misericordiœ  mater,  et  magistra  virtulum  !  Magna  opéra  tua ,  quibus  reos 
resolvis  ,  ac  rcficis  delinquentes  ,  lapsos  relevas ,  recréas  desperatos.  Per  te  subito 
rapuit  lalronem  Christus  ad  regnum;  perte  David  post  flagitium  ,  felix  iterum  , 
recipit  Spiritum  Sanctum  [Serm.  de  Partit.). 

(2)  Pœnilentia  languores  sanat ,  leprcsos  curât,  et  mortuos  suscitât  ;  sanifatcm 
auget,  gratiain  conservât,  claudis  gressum,  cœcis  restituit  visum,  vilia  fugat,  virtvilc- 
exoinat,  mentem  munit  et  roborat  j  Ub,  de  Pœnit,  ). 


758  PÉNITENCE. 

Pierre  Chrysologue.  Qui ,  dans  la  religion,  a  commis  une  faute  plus 
énorme  que  Pierre  ?  Cependant ,  par  leur  pénitence ,  l'un  et  l'autre 
nnt  mérité,  non- seulement  de  devenir  des  saints,  mais  des  maîtres 
en  sainteté  (I). 

Si ,  dit  le  Seigneur  par  la  bouche  de  Jérémie ,  si  cette  nation  se 
repent  d'avoir  commis  le  mal  qui  a  provoqué  mes  menaces;  rnoi 
aussi,  je  me  repentirai  du  mal  que  j'avais  résolu  de  lui  l'aire  :  -Si 
pocnitenliain  egerlt  gens  Ma  amalo  sno,  quod  locutussum  cul  versus  eam  : 
agam  et  ego  jjœnitentiam  super  rnalo,  quod  cogitavi  ut  facerem  ei 
i xvm.  8). 

La  pénitence  est  une  vertu  si  puissante  qu'elle  oblige  Dieu  non- 
seulement  à  se  montrer  miserions  ieux  envers  le  pécheur  converti 
et  à  l'aimer,  mais  encore  à  lui  obéir,  à  veiller  sur  lui ,  à  le  protéger 
et  à  combattre  en  sa  faveur.  Aussi  Hugues  de  Saint-Victor  s'écrie 
avec  raison  :  0  pénitence  pleine  de  fruit  et  de  force!  ô  vertu  puis- 
sante qu'on  ne  saurait  assez  chérir,  médiatrice  très-fidèle  entre  Dieu 
<2t  le  pécheur  !  ô  seconde  planche  après  le  naufrage  !  ô  refuge  des  indi- 
gnes, secours  des  misérables,  espoir  des  exilés,  soutien  des  faibles, 
lumière  des  aveugles ,  verge  qui  réprime  le  penchant  à  la  volupté , 
sevrure  qui  clôt  la  porte  de  la  prison  des  vices,  pépinière  '  s  vertus! 
ô  pénitence,  seule  tu  fléchis  le  souverain  Juge,  tu  justifies  l'homme 
auprès  du  Créateur,  tu  triomphes  du  Tout-Puissant  !  Lorsque  tu 
parais  vaincue,  tu  remportes  la  victoire;  lorsque  tu  subis  les  saintes 
rigueurs  de  l'expiation,  tu  immoles  les  vices;  on  blessant  tu  guéris. 
et  au  moment  même  où  la  mort  vient  mettre  fin  à  ton  œuvre  salu- 
taire, tu  commences  un  règne  glorieux.  Devant  toi,  toutes  les  au 
vertus  se  taisent;  seule,  tu  montes  avec  hardiesse  jusqu'au  iiônede 
Dieu.  Tu  conduis  par  la  main  David  à  la  réconciliation ,  tu  re.  ves 
Pierre,  tu  éclaires  Paul,  tu  fais  entrer  le  publicain  dans  l'a 
des  apôtiv  s;  de  la  prostitn'ion,  tu  élèves  Marie-Ma  ieleine  à  la  plus 
haute  saiiiteté,  tu  l'unis  à  J.  C.  ;  tu  mets  au  nombre  des  élus  le 
larron  cloué  à  un  gibet.  Quels  heureux  effets  ne  produis-tu  pas 
encore!  La  cour  céleste  t'appartient  de  droit;  là  où  su  trouvait  l'in- 
digence la  plus  profonde,  tu  fais  régner  l'abondanbe  ;  tu  apaises  la 
Vaini;  tu  remplaces  l'opprobre  par  la  gloire;  tu  ren  là  inutiles  le3 
attaques  et  la  cruauté  des  dénions,  I  leur  laideur,  l'in- 

fection qu'ils  répandent,  et  la  ■  brt  éternelle  qui  les  suit;  tu  chasses 

(1)  Quis  in  seeulo  peccatit  enormius  Paulo  ?  quis  in  reli^ionc  gravius  Pctro?  Illi 
tamen  per  pœaUentiam  mériteront  a-^equi ,  non  solum  ministerium  ,  sud  etiua» 
■Mtfislerium sauctitatu  {.De  Huer.), 


PÉNITENCE.  759 

la  faim  et  la  soif,  en  conduisant  à  la  fontaine  de  vie  ;  tu  fais  produire 
le  centuple  à  des  champs  jnsqùe-la  arides  et  stériles;  tu  dissipes  la 
tristesse  et  tu  inspires  la  joie;  tu  effaces  la  honte,  et  par  tes  soins 
les  consolations  et  la  gloire  lui  succèdent;  tu  effaces  les  injures  et 
donnes  la  paix  ;  tu  ressuscites  les  morts  :  pour  un  peu  de  cendre 
tu  accordes  une  couronne  {De  Pœnit.). 

La  pénitence,  dit  saint  Jérôme,  a  une  telle  puissance,  qu'elle  rend 
au  pécheur  toutes  ses  anciennes  vertus  et  tous  les  mérites  qu'il 
avait  acquis  avant  de  tomber  (Epist.).  C'est  aussi  le  sentiment  de 
saint  Thomas  et  Je  tous  les  théologiens.  A  l'aide  de  la  pénitence 
donc  celui  qui  a  péché  revient  àla  vie  surnaturelle  pour  jouir  chaque 
fois  d'une  plus  grande  grâce:  car,  aux  grâces  anciennes,  elle  ajoute 

la  grâce  de  la  résurrection  spirituelle,  qui  est  la  grâce  des  grâces 

bive  recuit  de  la  bouche  de  Dieu  lui-même  l'arrêt  de  sa  ruine  ; 
elle  fait  pénitence  et  elle  est  sauvée.  Dieu,  voulant  effrayer  cette  ville, 
dit  saint  Augustin ,  la  corrige  en  l'éprouvant;  il  la  change  en  Ja 
menaçai,  t.  Ninive  a  recours  à  la  pénitence,  et  Dieu  lui  pardonne 
(In  Jon.  Proph.).  L'iniquité  de  Ninive  fut  effacée  parce  qu'elle  se 
repentit ,  dit  saint  Gaudence  ;  Eversa  est  iniquitas  ejus,  quia  pœnituit 
(In  Jon.  Proph.). 

La  pénitence  efface  tous  les  crimes;  elle  calme  la  colère  céleste; 
elle  transforme  les  esclaves  de  Satan  en  amis  de  Dieu;  des  hommes 
injustes,  impies,  infidèles,  coupables,  elle  fait  des  hommes  justes, 
pieux,  fidèles  et  saints.  La  pénitence  annule  la  malédiction,  et  la 
remplace  par  la  grâce  et  par  la  justification.  Elle  ferme  l'enfer  et 
ouvre  oui  pécl  cars  le  sein  de  Dieu.  Ainsi  parlent  saint  Chryso- 
stome,  Saint  Ambroisé,  saint  Augustin,  Tertullien,  et  d'autres 
docteurs 

Saint  Bernard  appelle  la  pénitence,  la  vengeresse  des  crimes 
et  la  nourrice  des  vertus  :  Ulîrïcem  vîHorum ,  altricern  virtutum 
[Serin,  de  S.  Andrœâ).  Ma  pénitence,  dit  encore  ce  saint  docteur, 
est  la  nourriture  de  J.  G.  La  réprimande  me  corrige,  l'immo- 
lation nie  purifie.  Nous  avons  fait  la  joie  des  anges ,  lorsque 
nous   avons  .  Ltënce  :   Cibus  (Christi)  pœnitentia 

mea.  Emundor  cum  arguor,  decoquor  cura  immplor  :  exsultare  fecimus 
angelo»,  -  i  sumus  ad  pœnitentiam  (Serm.  lxxxi  in  Gant.). 

Celui  qui ,  habilement  pruleDt,  a  fait  pénitence ,  a  pu  effacer  en 
très-peu  les  crime  ngue  vie,  dit  saint  Chrysostome: 

Qui,  mulla  en:  \}  pœnitentiam  ostendit,  brevi  temporis  momenià, 

vi  temporis  peccata  delere  potuti  (  HomiL  ad  pop.  ). 


760  PÉNITENCE. 

Qualités  de  la      1°  La  pénitence  doit  être  forte  et  énergique.  Ecoutez  le  grand 

pénitence.     apôtre  :  je  vous  le  dis  :  Celui  qui  sème  peu,  moissonnera  peu,  et 

celui  qui  sème  avec  abondance,  moissonnera  aussi  avec  abondance: 

Hoc  autem  dico  :  Qui  parce  seminat,  parce  et  metet  ;  et  qui  seminat  in 

benedictionibus,  de  benedictionibus  et  metet  (II.  Cor.  ix.  G) 

La  promptitude  avec  laquelle  Dieu  pardonna  à  David,  dit  saint 
Ambroise,  fit  voir  combien  grande  et  sincère  lut  sa  pénitence  : 
Maluritas  veniœ  profundam  fuisse  régis  pœnitentiam  declaravit  (De 
Pœnit.). 

2°  La  pénitence  doit  être  humble Comme  une  terre  aride  et 

qui  n'a  reçu  aucune  semence,  ne  peut  porter  de  fruit;  ainsi ,  sans 
humilité,  personne  ne  peut  faire  une  pénitence  véritable.  En  effet, 
pourquoi  la  pénitence,  sinon  parce  qu'on  est  pécheur?  Or,  le  péché 

est  une  révolte  qui  n'est  pardonnée  qu'autant  qu'on  s'humilie 

3°  La  pénitence  doit  être  accompagnée  de  la  crainte  du  Seigneur.1 
Ne  sois  pas  sans  crainte  sur  le  péché  pardonné,  dit  l'Ecclésiaste  :  De 
propitiato  peccato  noli  esse  sine  me  tu  (v.  6). 

4°  La  pénitence  doit  frapper  la  chair.  Mortifiez  vos  membres,  dit 
saint  Paul  :  Mortificate  membra  vestra  (Coloss.  ni.  5).  Si  vous  vivez 
selon  la  chair,  vous  mourrez;  mais  si  par  l'esprit  vous  mortifiez  les 
actes  de  la  chair,  vous  vivrez  :  Si  secundum  carnem  vixeritis,  morie- 
mini;  si  autem  spiritu  facta  carnis  mortificaveritis 9  vivetis  (Rom. 
vin.  13). 

La  corne  sort  de  la  chair,  dit  saint  Augustin,  et  il  est  nécessaire 
que,  la  dépassant ,  elle  soit  forte  et  solide  afin  de  résister.  Celui  qui 
veut  faire  une  vraie  pénitence ,  doit  la  faire  forte,  afin  qu'il  puisse 
surmonter  la  chair  et  ses  affections  (Lib.  de  ve.ru  et  falsa  Pœnit. t 
c.  VIII  ). 

Si  les  soldats  de  Gédéon,  dit  l'abbé  Isaïe,  n'avaient  pas  brisé  leurs 
vases  de  terre,  la  clarté  des  lampes  n'aurait  pas  paru.  Si  l'homme 
Dft  méprise  et  ne  châtie  son  corps,  il  ne  verra  pas  la  lumière  de 
Dieu.  Si  Jahel,  épouse  d'Aber  Cinéi,  n'eût  pas  eu  en  main  un  clou, 
elle  n'aurait  pas  abattu  le  superbe  Sisara.  Sil'àme  veut  marcher  vers 
Dieu,  elle  doit  travailler  à  crucifier  tous  les  vices  de  la  chair  (  Vit. 
Patr.). 

5°  La  véritable  pénitence,  dit  saint  Grégoire,  consiste  à  détester 
les  péchés  commis  ,  et  à  les  éviter  à  l'avenir  :  Pœnitentia  est 
trala  peccata  plangere,  et  plangenda  non  committcre  (Homil.  xxxiv  in 
Evang.). 
La  pénitence,  dit  caint  Augustin,  est  une  sorte  de.  vengeance. 


PENITENCE.  761 

qu'exerce  celui  qui  se  repent  :  il  punit  en  soi-même  ce  qu'il  se 
repent  d'avoir  commis  :  Pœnitentia  est  guœdam  dolentis  vindicta, 
pwiens  in  se,  quod  dolet  commisisse  (De  vera  et  falsaPœnit.,  c.  vin). 

G°  La  pénitence  doit  comprendre  toutes  les  facultés  de  l'homme.....' 
La  pénitence,  dit  saint  Chrysostome,  est  la  contrition  dans  le  cœur, 
l'aveu  dans  la  bouche ,  l'humilité  dans  les  œuvres  :  Pœnitentia  est 
contrit io  in  corde,  confessio  in  ore ,  in  opère  humilitas  (Serm.  de 
Pœnit.). 

Celui ,  dit  Richard  de  Saint -Victor,  celui  qui,  par  la  vertu  du 
Saint-Esprit,  comprime  fortement  les  aspirations  de  la  chair  et 
celles  du  cœur,  fait  une  parfaite  pénitence.  Sans  la  pénitence  de 
l'âme,  la  pénitence  du  corps  est  inutile  (De  Statu  inter  hom.). 

La  pénitence  doit  s'étendre  aux  yeux,  aux  oreilles,  à  la  langue, 

aux  mains  et  aux  pieds,  aux  actes  et  à  toutes  les  époques  de  la  vie 

Elle  doit  être  extérieure  et  surtout  intérieure.  Elle  doit  régner  sur 
les  pensées,  les  désirs  et  les  affections,  l'intelligence,  la  mémoire  et 
la  volonté ,  l'esprit  et  le  cœur.  Elle  est  de  tous  les  âges  et  de  toutes 
'es  conditions 

7°  La  pénitence  doit  se  continuer  jusqu'à  la  mort...'..  Saint  Clé- 
ment, disciple  de  saint  Pierre  et  son  successeur  j  assure  que  cet 
apôtre  eut  une  si  grande  douleur  de  sa  chute ,  qu'il  en  fit  pénitence 
toute  sa  vie,  et  que  chaque  nuit,  au  chant  du  coq,  il  se  prosternait 
et  versait  des  larmes  amères  et  abondantes.  Aussi  ses  yeux  étaient 
toujours  rouges  (Hist.  Eccles.). 

Ceux  qui  désirent  ardemment  pratiquer  les  mortincations  de  la 
pénitence,  dit  saint  Grégoire,  les  cherchent  comme  le  mineur  qui 
creuse,  afin  de  trouver  un  trésor  :  plus  ils  approchent  de  la  tin  de 
leur  carière ,  plus  ils  mettent  d'ardeur  à  leur  œuvre  :  Qui  plene  rnor- 
tificationem  appetunt ,  quasi  effodientes  thesaurum  quœrunt ;  quia, 
quanto  fiunt  viciniores  ad  finem,  tanto  se  exhibent  ardentiores  in  opère 
(  Homil.  xxxiv  in  Evang.  ) . 

La  pénitence  doit  commencer  avec  la  vie ,  et  ne  finir  qu'avec 
elle 

La  beauté  et  la  suavité  de  la  rose  compensent  avantageusement    La  pénUpnca 
les  épines  qui  l'environue;it ,  et  qui  piquent  ceux  qui  la  cueillent.  Le         ^aUrie 
désir  du  gain  et  l'espoir  de  revoir  leur  patrie,  adoucissent  les  peines 
de  ceux  qui  trafiquent  par  mer  et  qui  affrontent  les  dangers  de 

l'Océan L'espérance  de  la  guéri  son  fait  passer  par-dessus  l'amer- 

Uim:  uu  remède Celui  qui  veut  avoir  l'amande  brise  la  noix, 


762  PÉNITENCE. 

Ainsi  le  chrétien  qui  veut  goûter  la  joie  d'une  bonne  conscience, 
trouve  facile  et  douce  Ja  pénitence 

Grand  Dieu  !  combien  courtes  et  légères  d  rivent  paraître  les  expia- 
tions de  cette  vie  à  celui  qui  a  mérité,  et  bien  des  l'ois  peut-être, 
l'enfer!... 

D'ailleurs  la  grâce  ne  vient-elle  pas  à  l'aide  du  pénitent?  Les  con- 
solations qu'on  rencontre  dans  les  souffrances  sont  bien  supérieures 
à  toutes  leurs  amertumes  :  Dieu  mesure  les  consolations  à  la  péni- 
tence  Aussi  saint  Paul,  qui  se  livrait  à  de  très-grandes  austérités, 

S'écriait  :  Je  suis  rempli  de  consolations,  je  surabonde  de  joie  dans 
toutes  nos  tribulations  :  Hcpletus  sum  consolât ione,  superaùundo  gaudio 
in  omnî  frwiïlàtïone  nostra  (II.  Cor.  vu.  4). 

Combien      J  AI  trouvé ,  dit  saint  Ambroise ,  j'ai  trouvé  plus  facilement  des  per- 

teVce^tnr'e"  S0"065*!1"  aieut  conservé  leur  innocence,  que  je  n'en  ai  trouve  qui 

aient  fait  une  pénitence  convenable  :  Faeilùts  inveni,  qui  innocentiam 

servaverini,  quam  qui  congrue  egerint  pœnitentiam  (Lib.  UdePœnit., 

c.  x). 

Dieu  a  donné  à  l'homme  les  moyens  et  le  temps  de  faire  pénitence, 
dit  Job  ;  et,  dans  son  orgueil ,  celui-ci  eh  abuse  :  Dédit  ei  Deus  ; 
pœnitentiœ,  et  Me  abutitur  eo  in  sttperùiam  (xxiv.  23). 

Excès  Le  péché  qui  n'est  pas  détruit   par  la  pénitence  entraîne  vite, 

îlvSccux  P811"  sbn  ProPre  poids,  à  d'auli  ■               -  ;  dit  saint  Gr 

qui  négligent  tiim  quod  pœnitentia  non  delelur ,  thbx  suo  pondère  ad  ai cua  trahit 

pénitence.  (Horriil.  xxxivinEvang.). 

sont     *  La  pénitence  est  un  frein;  celui  qui  la  néglige  est  bientôt  emporté 

à  pUindre.     pjflj  je  (j^non  j  je  monde  et  la  chair 

Hélas!  quelles  sont  lfeâ  ta  i  qui  fuient  la  pénitence, 

qui  n'en  veulent  pas  et  qui  l'ont  en  horreur?  îîs  vorit  <r 
excès,  de  crime  èd  tri 

leurs  chutes  tous  les  degrés  ■  et  du  malli3ur,  sans  pOUVdll 
s'arrêtera  aucun —  Us  ne  s'arrêteront  qu'en  enfer 

Châtiments    Tout  arbre  qui  ne  porte  pas  de  bons  fruits,  sera  coupé  et  jeté  au  feu, 
qui  ne  ^  saillt  JôMl  -  Baptiste  :  Ùnims  arbor  quœ  non  facit  fructum  ùonum, 
(ont  pu  péni-  èk'cidètûr,  et  in  ignem  milietur  l    tatl 

si  vuu-  ûë  laites  pénitence,  vous  périrez  tous,  dit  J.  G.  :  Mu 
pœmU'uu  fe,  omnès  sùntiUer jj^ni  .  xin.  ù). 


PÉNITENCE.  763 

Le  péché  ne  peut  pas  rester  sans  châtiment;  si  le  pécheur  ne  se 

punit  lui-même,  Dieu  le  punira 

Pénitence  ou  mort  éternelle 


Saint  Pierre  Damïen  indique  le  moyen  de  faire  une  bonne  et  sincère 
pénitence  :  Voulez-vous,  dit-il,  voulez- vous  apprendre  comment, 
nu  sein  même  de  la  paix  de  l'Eglise,  vous  pourrez  acquérir  les  mé~ 
cites  du  martyre?  montez  au  tribunal  de  votre  conscience  et  infligez- 

lous  la  question Que  la  pensée  accuse,  que  la  raison  juge,  que 

la  pénitence  fasse  la  fonction  d'exécuteur  et  frappe;  que  les  larmes 
roulent.  Par  cette  imitation  du  martyre,  vous  arriverez  à  la  dignité 
de  ceux  qui  ont  versé  leur  sang  pour  la  foi  (  In  Epist.  ). 

Pour  iaire  une  bonne  et  sincère  pénitence,  il  faut  encore  : 

1"  Se  souvenir  de  ses  péchés...; 

2°  Imiter  Madeleine,  dont  saint  Grégoire  dit  :  Autant  elle  a  eu  de 
jouissances,  autant  elle  a  trouvé  en  elle  d'holocaustes  à  offrir;  autant, 
elle  a  commis  de  crimes,  autant  elle  a  fait  d'actes  de  vertus;  et 
cela,  afin  que  tout  ce  qui  en  elle  avait  tourné  au  mépris  de  Dieu 
par  le  péché,  fût  mis  au  service  de  Dieu  par  la  pénitence  (1)  J 

3°  Craindre  pour  les  péchés  qu'on  a  commis...; 

4°  Ne  pas  perdre  de  vue  le  temps  qui  est  assuré  à  l'homme;  car  il 
n'a  à  sa  disposition  que  le  présent...; 

>  Mépriser  le  monde...; 

Kt°  S'humilier...; 

7°  Penser  à  l'enfer...; 

S°  Se  souvenir  du  ciel. ..  ; 

9°  Méditer  sur  la  passion  et  la  mort  de  J.  G 


Moyens  de 

"faire 

efficacement 

pénitence. 


(i)  Quot  habuit  in  se  oblectamenta,  tôt  de  se  invenit  holocau?!a  :  convertit  ad 
aumeru:n  virtutum ,  numerura  criminum  ;  ut  totum  serviret  Deo  in  pœnitentia,  quid- 
quid  ex  se  Deum  oo.ueuipserat  in  culpa  (  Homil.  xxxm  ). 


FIN  DC   TROISIEME  VOLUAŒ. 


TABLE 


rie*. 
Langue 1 

La  langue  est  l'interprète  de  l'âme  et  du  cœur,  1.  —  Stupidité, 
folie,  danger  de  parler  beaucoup  et  sans  prudence,  2.  —  Celui 
qui  parle  beaucoup  commet  beaucoup  de  péchés,  5. — 11  est  hon- 
teux et  odieux  de  parler  beaucoup,  6.  —  L'abondance  des  paroles 
fait  perdre  le  temps,  ibid.  —  Désordres  et  ravages  que  cause  la 
mauvaise  langue,  7. — Avoir  une  mauvaise  langue  est  une  preuve 
qu'on  manque  entièrement  de  religion,  11.  —  Il  est  défendu  de 
profaner  sa  langue,  12.  —  On  a  toujours  lieu  de  se  repentir  d'avoir 
mal  parlé,  ibid.  —  Rien  de  plus  mauvais  que  la  langue  mal 
employée,  13.  —  Chacun  rendra  compte  de  ses  paroles,  ibid.  — 
Châtiments  réservés  à  la  langue  perverse,  ibid.  —  On  doit  fuir 
les  mauvaises  langues ,  14.  —  Rien  de  meilleur  que  la  langue  lors- 
qu'on en  fait  un  bon  usage,  ibid.  —  Avantages  qui  résultent  du 
bon  usage  de  la  langue,  15.  —  Il  faut  faire  de  la  langue  un  bon 
usage,  16.  — 11  faut  user  de  prudence  dans  ses  paroles ,  17.  —  11 
faut  pratiquer  le  silence,  20.  —  Autres  moyens  pour  bien  se  ser- 
vir de  sa  langue,  21. 

Larmes.    ....••;••.;;..* 23 

Motifs  qu'a  le  chrétien  de  verser  des  larmes,  23. — J.  C.  et  les  saints 
nous  ont  instruits  par  leur  exemple  à  verser  des  larmes,  25.  — 
Combien  les  larmes  sont  précieuses  et  avantageuses,  ibid.  — Bon- 
heur et  délices  des  larmes,  31. 

Lecture.    ,    i    i ., 34 

11  est  nécessaire  de  lire  de  bons  livres,  34.  —  Avantages  des  bonnes 
lectures,  35.  —  Moyens  de  lire  avec  fruit,  36.  —  Que  doivent 
faire  ceux  qui  ne  savent  pas  lire?  37 —  Daiuxers  des  mauvaises 
lectures  »  3$. 

Liberté.    . 40 

Qu'est-ce  que  la  liberté?  40.  —  Quel  est  celui  qui  est  libre?  ibid.  — 
En  quoi  consiste  la  vraie  liberté?  41.  —  Qu'est-ce  qui  donne  la 


Tabl^. 

Pxcbs, 

liberté?  44.  —  Nous  sommes  fous  appelés  à  la  liberté  et  tous 
égaux  devant  Dieu,  47.  —  La  vraie  et  durable  liberté  est  au 
ciel,  48.  —  Où  est  la  fausse  liberté,  et  quel  est  celui  qui  n'est  pas 
libre?  ibid.  —  Celui  qui  secoue  le  joug  de  Dieu  et  de  ses  lois  est 
esclave,  50.  —  Que  les  saints  ont  procuré  la  liberté  aux  hommes 
et  aux  peuples,  SI. 

Libre  arbitre 52 

L'homme  possède  le  Libre  arbitre,  52.  —  Excellence  etavai 
libre  arbitre ,  56.  —  Nécessité  de  bien  user  du  libre  arbitre ,  57. — 
Le  libre  arbitre  seul  ne  surfit  pas;  il  faut  aussi  la  grâce ,  59.  Dieu 
ne  violente  pas  le  libre  arbitre,  64. 

{Voyz  aussi  Péché  originel,  Concupiscence,  Grâce.) 

Lieu  saint.    .    • 66 

Zèle  pour  le  |ieu  ' .  G5.  —  Sainteté  de  la  maison  do  Dieu,  roirf. 
—  Respect  pour  le  lieu  saint,  67.  —  Dans  le  lieu  saint  nous  devons 
adorer  Dieu,  lui  faire  des  offrandes  et  le  remercier,  68.  —  Le  lieu 
saint  est  une  maison  de  prière,  ibid.  —  Avantages  dont  le  lieu 
saint  est  la  source,  69.  —  Bonheur  qu'on  trouve  et  qu'on  goûte 
dans  le  lieu  saint,  70.  —  Ce  que  le  vaisseau  d'une  église  repré- 
sente ,  71.  —  Pourquoi  les  églises  sont-elles  tournées  vers  l'orient? 
et  pourquoi,  lorsqu'on  prie,  se  tourne-t-on  du  même  côté?  ibid. — 
Dieu  est  irrité  par  la  profanation  du  lieu  saint,  et  il  châtie  sévè- 
rement ceux  qui  le  profanent,  72. 

Lui  de  Dien.     . 74 

Qu'entend-on  pnr  ]o  mot  !   ;  0  74.  —  La  loi  t]i    ■  '■■•  BUE  une 

base  inébranlable,  ibid.  —  La  loi  divine  a  toujours  existé  et  exis- 
tera toujours,  75.  —  Nécessité  d'observer  la  loi  divine,  (bid.  — 
11  faut  méditer  constamment  la  loi  divine,  77.  —  Excellence, 
richesse  et  avantages  de  la  loi  divine,  78.  —  Bonheur  qu'on 
trouve  dans  l'observation  de  la  loi  divine,  8b.  — 11  est  facile  d'ob- 
server la  loi  de  Dieu ,  86.  —  Celui  qui  viole  la  loi  en  un  point ,  la 
viole  tout  entière,  87.  —  Combien  est  affreuse  la  vie  de  ceux  qui 
méprisent  et  violent  la  loi  divine,  88.  —  Châtiments  dont  sont 
menacés  ceux  qui  violent  la  loi  de  Dieu  .  ibid.  -  Il  faut  gémir  sur 
la  violation  de  la  loi  divine,  91.  —  Moyens  d'observer  la  loi  de 
Dieu ,  ibid. 

Lumières  spirituelles.    .........»•.•••      y* 

Dieu  est  la  vraie  lumière,  <iC>        p  qjr'  existent  entre 

la  lumière  divine  et  la  iuuir'ag  naturelle,  95.  —  Lxceilence  et 


TABLE.  767 

avantagea  des  lum:  tos  spirituelles,  94.  —  Moyens  d'obtenir  de 
Dieu  des  lumières  spirituelles,  96. 

Maîtres  (voyez  Devoirs  des  maîtres). 

Maladie  (voyez  Afflictions,  Croix). 

Mariage 93 

Ceu\  qui  :pa- 

rer,  98.  —  But  qu'on  doit  se  proposer  dans  le  mariage,  99.'  — 
Quelle  est  la  bénédiction  dont  l'Église  se  sert  pour  sanctifier  le 
mariage ,  ibid.  —  Le  mariage  est  digne  de  respect,  ibid.  —  Quelle 
union  doit  exister  entre  les  époux,  ibid.  —  Exposé  des  devoirs 
des  époux  :  1°  Devoirs  de  l'épouse,  101.  —  2°  Devoirs  de  l'époux, 
103. —  Le  mariage  est  inférieur  à  la  virginité;  il  est  sujet  à  beau- 
coup de  maux,  105.  —  Combien  le  mariage  est  profané,  108.  — 
Châtiments  réservés  à  ceux  qui  profanent  le  mariage,  ibid 

(  Voyez  Femme  forte  et  pieuse.) 

Marie lli 

i.  Mari  '  i née  de  toute  éternité  par  Dieu.  411. 

— 11.  Marie  ost  la  causedeia  création  et  delà  conservation  du  monde, 
114.  —  1IÏ.  Marie  est  le  chef-d'œuvre  de  Dieu,  115. —  IV.  Marie 
immaculée  dans  sa  conception ,  116.  —  V.  Marie  n'a  jamais  pé- 
ché; elle  est  comme  impeccable,  132.  —  VI.  Nativité  de  Marie, 
133.—  Vil.  Signification  du  nom  de  Marie,  135.  — -  VIII.  Annon- 
ciation et  incarnation,  137.  —  IX,  Marie  est  demeurée  vierge  en 
devenant  mère,  145.  —  X.  Marie  est  mère  de  Dieu,  ISO.  —  XI. 
La  Visitation ,  1 56.  —  XII.  Naissance  de  J.  C. ,  159.  —  XIII.  Présen- 
tation et  purification,  1G0.  —  XIV.  Marie  est  notre  mère,  161.— 
XV.  Marie  est  l'océan  des  grâces,  162.  —  XVI.  Amour  de  Marie, 

167.  —  XVII.  Sagesse  de  Marie ,  ibid.  —  XVIII.  Sainteté  de  Marie, 

168.  —  XIX.  Humilité  de  Marie ,  169.  —XX.  Obéissance  de  Marie, 
171.  —  XXI.  Pureté  de  Marie  ,  ibid. —  XXII.  Bonté  et  miséricorde 
de  Marie,  172.  —  XXlil.  Grandeur  de  Marie,  175.  —  XXIV.  Puis- 
sance de  Marie.  178.  —  XXV.  Marie  est  reine,  182.— XXVI.  Marie 
médiatrice.  184.  — XXVII.  Marie  réparatrice,  188.— XXVIII.  Pré- 
rogatives de  Marie,  190.  — XXIX.  Perfections  de  Marie,  193.— 
XXX.  Marie  est  lumière,  196.  —  XXXI.  Beauté  de  Marie,  199.  — 
XXXil.  Marie  comparée  à  l'arche  de  Noé  et  à  l'arche  d'alliance, 
202.  —XXXIII.  Marie  comparée  à  la  toison  de  Gédéon,  203.  — 
XXXIV.  Marie  comparée  au  paradis  terrestre  ibid. — XXXV.  Amour 
de  Marie  pour  la  retraite,  204.— XXXVI.  Bonheur  de  Marie,  205. 


7CS  TABLE. 

txct', 

—  XXXYII.  Souffrances  et  K::o..ai;on  de  Marie,  206.  <—  XXX  >  Lïl. 
Marie  centre  de  tout ,  208.  —  XXXIX.  Marie  rapporte  tout  à  Dieu , 
ibid.  —  XL.  Marie  est  la  mère  et  le  modèle  de  toutes  les  vierges, 
210.  —  XLl.  Bonheur  des  serviteurs  de  Marie,  211.  —  XL1I. 
La  dévotion  à  Marie  est  une  marque  de  prédestination,  212.  — 
XL1II.  Nécessité  de  la  dévotion  envers  Marie,  213. — XL1V.  Quel 
culte  on  doit  à  Marie,  214.  —  XLV.  Dieu  et  les  hommes  désiraient 
la  naissance  de  Marie,  216.  —  XLVI.  L'univers  aux  pieds  de 
Marie  pour  l'invoquer  et  la  prier.  Accomplissement  des  prophé- 
ties qui  concernent  la  glorification  de  Marie,  217.  —  XLV1I.  Il 
faut  invoquer  Marie ,  222.  —  XLV111.  Marie  a  accordé  d'insignes 
victoires  à  ceux  qui  l'ont  invoquée ,  224. —  XL1X.  Mort,  assomp- 
tion  et  triomphe  de  Marie,  225. —  L.  Châtiments  des  ennemis  de 
Marie,  227. 

tfeartyre ......    2-29 

Excellence  du  martyre ,  229.  —  Force  et  courage  qu'ont  déployés  les 
martyrs,  231. —  La  force  des  martyrs  vient  de  Dieu, 234.  — Les 
martyrs  ont  goûté  la  paix  et  la  joie  dans  les  tourments,  235.  — 
Triomphe  de  la  religion  parles  martyrs,  ibid.  —  Nous  pouvons 
tous  acquérir  le  mérite  du  martyre ,  car  il  y  en  a  de  plusieurî 
genres ,  236. 

Hauvaises  compagnies.  • 5240 

Ravages  que  causent  les  mauvaises  compagnies.  Dangers  qu'elles 
font  courir  à  l'innocence  ,  240.  —  Les  mauvaises  compagnies  sont 
maudites,  218.  —  11  faut  fuir  les  mauvaises  compagnies,  249.  - 
Des  bonnes  compagnies,  254. 

Lïéchants  {voyez  Impiété ,  Railleries  des  méchants ,  Mélazje  dut! 
bons  et  des  méchants). 

Médisance «jsjj 

Ravages  qu'exerce  la  médisance,  253.— Méchanceté  des  médisants. 
237.  — Grandeur  du  crime  de  médisance  ,  258.  — Combien  fré- 
quente est  la  médisance,  ibid.  —  Le  médisant  fait  son  propre 
portrait,  259.  — •  Dieu  déteste  et  punit  les  médisants,  261.  —  E 
ne  faut  jamais  prendre  part  à  la  médisance,  mais  l'empêcher, 
ibid.  —Moyens  d'empêcher  la  médisance,  de  l'éviter  et  d'en  répa- 
rer les  suites ,  ibid. 

Méditation «..,....    2(i» 

Nécessité  de  la  méditation ,  204.  —  Combien  .T.  C.  et  les  saints  ont 
médité.  205.  —  11  faut  méditer  souveut,  266.  —  C'est  le  malir 


769 

sartout  qu'il  faut  se  livrer  à  la  méditation,  ibid.  —Excellence  et 
avantages  de  l'oraison  ,  2C8.  —  11  faut  vaincre  les  obstacles  qui 
s'opposent  à  la  méditation ,  270.  —  Quels  sont  les  divers  degrés  de 
la  méditation,  271. — 11  y  a  trois  principales  sortes  d'oraison,  272. 

—  Ce  qu'il  faut  faire  pour  bien  méditer,  ibid. 

vxuiige  des  bons  et  des  méchants.  . 273 

Les  bons  ne  peuvent  être  unis  de  sentiment  avec  les  méchants,  273. 

—  Comment  les  méchants  se  trouvent -ils  mêlés  avec  les  bons? 
ibid.  —  Pourquoi  Dieu  permet  qu'il  y  ait  des  méchants,  à  quoi 
Ils  servent,  ibid.  —  Pourquoi  Dieu  permet  que  les  méchants  per- 
sécutent les  bons,  278.  — Pourquoi  Dieu  permet  souvent  que  les 
méchants  prospèrent,  tandis  que  souvent  il  refuse  la  prospérité 
aux  bons,  279.  —  Comment  on  distingue  les  méchants  des 
bons,  285. 

Lïensonge z<J6 

Celui  qui  ment  se  couvre  d'opprobre ,  286.—  Désordres  que  produit 
le  mensonge,  287.  — Le  mensonge  vient  du  démon  et  le  menteur 
imite  Satan ,  288.—  11  y  a  trois  espèces  de  mensonge,  289.—  Le 
chrétien  ne  ment  pas,  290. 

I.'esse •.'••'••* 291 

Sur  le  mot  Messe,  291.  — 11  y  a  toujours  eu  des  sacrifices,  ibid.  — 
Quel  est  le  but  des  sacrifices,  ibid.— Combien  y  avait-il  d'espèces 
de  sacrifices  dans  l'ancienne  loi?  ibid.  —  Les  sacrifices  de  l'an- 
cienne loi  étaient  imparfaits  et  n'étaient  que  la  figure  du  sacrifice 
de  la  loi  nouvelle,  292.  —  Excellence  du  sacrifice  de  la  messe. 
Avantages  qu'il  procure,  293.  —  Parties  de  la  messe.  Significa- 
tion des  prières  que  l'on  y  emploie  et  des  cérémonies,  295. — 
Signification  des  ornements,  297.  —  Comment  il  faut  entendre  la 
messe,  298. 

Miracles 299 

Qu'est-ce  qu'un  miracle?  299. —Les  miracles  sont-ils  possibles? 
ibid.  —  Y  a-t-il. eu  des  miracles?  ibid.  —Les  miracles  sont  une 
preuve  certaine  de  la  vérité ,  300.  — Un  miracle  ne  s'est  jamais 
opéré  en  faveur  de  l'erreur,  ibid.  —  Comment  on  distingue  les 
vrais  miracles  des  faux,  301. 

Miséricorde 303 

Combien  Dieu  est  miséricordieux,  303.  —  Excellence  de  la  misori- 
corde,  3Ô7C  —  Comment  faut-il  exercer  la  miséricorde?  308. 
m.  49 


770  TABLE. 

PMStf. 

Modestie 310 

Nécessité  de  la  modestie,  310.  -La  modestie  révèle  l'intérieur  de 
l'homme,  ibid.  —  Quelles  sont  les  marques  de  la  modestie,  311. 
—  Modèles  de  modestie,  312.  —  Beauté,  excellence  et  avantages 
de  la  modestie,  ibid.  —  La  modestie  doit  être  intérieure  et  exté- 
rieure, 313.  —  Moyens  d'acquérir  la  modestie ,  ibid. 

Monda 313 

Le  monde  est  plein  d'erreuis  et  de  mensonge,  318.  —  Le  monde 
n'est  qu'erreurs,  parce  qu'il  est  plongé  dans  l'ignorance  et  l'aveu- 
glement ,317.  —  Dangers  du  monde,  318.  —  Fausse  sagesse  du 
monde,  320.  —  11  n'y  a  pas  de  paix  pour  le  monde,  321.  — Vie 
criminelle  et  corrompue  du  monde,  322.  — Combien  le  monde 
est  traître  et  cruel ,  324.  —  Egoïsme  du  monde,  327.  —  Soucis 
qui  assiègent  les  hommes  du  monde,  ibid.  — Misère  et  esclavage 
du  monde,  328.  — Le  démon  est  le  roi  et  le  tyran  du  monde,  329. 
—  Malheurs  qui  sont  le  partage  du  monde ,  ibid.  —  Il  n'y  a  que 
l'homme  souillé  de  vices  qui  aime  le  monde,  330.  — Ceux  qui 
aiment  le  monde  périront,  ibid.  —  Dieu  a  maudit  le  monde  et  il 
l'abandonne,  331.  —  On  ne  peut  servir  Dieu  et  le  monde ,  ibid. 
H  faut  mépriser  le  monde,  332.— Le  chrétien  déteste  le  monde, — 
333.  —  11  faut  fuir  le  monde,  334.  —Que  faut-il  faire  si  l'on  est 
forcé  de  vivre  dans  le  monde ,  335. 

(  Voyez  aussi  Joies  mondaines ,  néant  dn  muuae.  ) 

Mort 33* 

Certitude  de  la  mort,  338.  —  D'où  est  venue  la  mort,  ibid.—  H  y  a 
trois  morts,  338.  —  La  mort  domine  tout  ici-bas,  ibid.  —  Incer- 
titude de  la  mort  :  1°  quant  au  temps,  ibid.  —  Incertitude  de  la 
mort  :  2°  quant  à  l'âge,  339.  —  Incertitude  de  la  mort  :  3°  quant 
à  la  manière  pour  le  corps,  340.  —  Incertitude  de  la  mort: 
A*  quant  à  la  manière  pour  l'âme,  ibid.  — La  mort  est  pioche, 
341.  —  Dès  le  moment  de  notre  naissance,  la  mort  ne  nous  quitte 
pas;  elle  nous  enlève  tous  les  jours  quelque  chose,  342. — La  mort 
prouve  notre  néant  et  le  néant  de  tout  ce  qui  existe ,  343.  — En 
quel  état  la  mort  réduit  l'homme,  345.— -Ne  pas  penser  à  la  mort 
est  une  folie,  348.  —  La  pensée  de  la  mort  est  très-avantageuse, 
ibid.  —  Il  faut  se  préparer  à  la  mort;  moyens  à  prendre  pour 
cela,  350. 

Mort  du  juste 352 

Douceur  d'une  bonne  mort,  352.  —  La  mort  n'est  qu'un  sommeil, 
ibid.  —  Pour  le  juste,  la  mort  est  désirable,  354.  —  Espérance 


TABLE.  771 

T'ASMU 

des  justes  à  la  mort .  ibid.—  Avantages  rl'nne  bonne  mort  :  1°  dans 
ce  que  l'on  quitte,  35j.  —  2°  Dans  ce  que  l'on  trouve,  388.  — 
La  mort  met  le  juste  en  possession  du  bonheur  éternel ,  360.  — i 
Exemples  tirés  de  la  mort  des  saints,  362.  —  Combien  la  mort  du 
jus!  '  et  sa  mémoire  sont  en  honneur  et  -vénération,  363.  —  La 
bonne  vie  fait  la  bonne  mort,  368. 

"ort  du  pécheur 370 

Tous  les  maux  tombent  ù  ia  ïois  sur  le  pécheur  mourant,  370.  — 
Dieu  s'éloigne  du  pécheur  mourant,  371.  —  Le  pécheur  mourant 
tombe  dans  le  désespoir,  373.  —  La  mort  surprend  les  pécheurs 
ibid.  —  Les  fséthèttïi  meurent  dans  rimpénîièncë,  374.  —  La 
mort  du  pécheur  est  très-mauvaise,  376.  —  Exemples  tirés  de  la 
mort  des  méchants,  ibid.  —  Le  pécheur  laisse  une  mémoire  mau- 
dite et  qui  périra,  378.  —  Celui  qui  vit  sans  Dieu  meurt  en 
réprouvé  ,  379.  — 11  faut  se  préserver  de  la  mort  du  pécheur,  380. 

Néant  de  l'homme 381 

Qu'est-ce  que  i'homrae,  généralement  parlant?  381.  —  Qu'est-ce 
que  le  corps  de  l'homme?  382.  —  L'homme  n'est  que  misère  et 
que  faiblesse,  384.  —  La  souffrance  est  le  partage  de  l'homme, 
ibid.  —  Combien  l'orgueil  de  l'homme  est  déplacé  surtout  à  la  vue 
de  la  mort,  385.  —  L'homme  est  environné  de  tentations,  386. 

—  De  son  fonds  l'homme  n'a  que  le  péché,  ibid.  —L'homme, 
en  un  mot,  n'est  rien,  387.  —  Ce  qu'il  faut  faire  pour  être  quel- 
que chose ,  389. 

ï:  jant  du  monde 390 

Le  monde  est  pauvreté,  vanité,  fausseté,  3D0.  —  Le  monde  est  un 
exil,  un  instant,  une  éternelle  mort,  397.  —  Dans  le  monde  tout 
change,  398.  —  Dans  le  monde  tout  disparaît,  399.  —  Vaines 
occupations  du  monde.  400.  —  Le  monde  oublie  ou  prise  peu 
tous  les  sacrifices  que  l'on  fait  pour  lui ,  402.  —  Combien  le  monde 
est  faible  et  méprisable;  combien  pénible  est  la  vie  qu'il  mène, 
ibid.  —  Le  monde  est  plein  de  souffrances  et  de  malheurs,  403. 

—  Le  monde  est  la  région  des  iniquités,  403.  —  11  faut  s'éloigner 
du  monde  et  ne  pas  vivre  comme  lui ,  ibid. 

Nécessité  de  servir  Eieu  dès  la  jeunesse 407 

i  est  estimable  c<  sert  Lieu  Ces  la  jeunesse,  407.  — 

11  est  facile  de  servir  Dieu  ci. s  la  jeunesse,  408.  —  Avantages  que 
l'on  trouve  à  servir  Dieu  dès  la  jeunesse,  40'J.  —  11  faut  servir 
Dieu  dès  la  jeunesse;  car  1°  cet  âge  passe  vite,  4i2.  —  11  faut 


772  TABLE. 

Page», 

servir  Dieu  dès  la  jeunesse;  car  2°  telle  la  jeunesse,  tels  sont  les 
âges  qui  la  suivent,  413.  —  Il  faut  servir  Dieu  dès  la  jeunesse; 
parce  que,  3°  cet  âge  est  plus  exposé  au  mal  que  les  autres  âges, 
414.  —  Il  faut  servir  Dieu  dès  la  jeunesse;  parce  que,  4°  cet  âge 
appartient  spécialement  à  Dieu,  ibid.  —  Combien  il  est  honteux 
de  perdre  sa  jeunesse,  415.  —  Combien  sont  nombreux  ceux  qui 
perdent  leur  jeunesse ,  416.  —  Châtiments  réservés  à  ceux  qui  ne 
servent  pas  Dieu  dès  la  jeunesse ,  ibid.  —  Moyens  à  prendre  pour 
servir  Dieu  dès  la  jeunesse,  et  se  corriger  de  ses  défauts,  417. 

Nom  de  Jésus   .    • 419 

Que  signifie  le  nom  de  Jésus ,  419.  —Ce  nom  divin  avait  été  annoncé 
par  les  prophètes,  ibid.  —  Combien  le  nom  de  Jésus  est  grand, 
respectable  et  adorable ,  ibid.  —  Combien  le  divin  nom  de  Jésus 
est  précieux,  consolant,  puissant  et  avantageux  en  tout,  422.  — 
11  faut  invoquer  souvent  le  saint  nom  de  Jésus ,  427. 

Obéissance 429 

Jésus-Christ  modèle  d'obéissance,  429.  —  L'obéissance  est  néces- 
saire, 430.  —  Il  faut  obéir  surtout  à  ses  supérieurs,  431.  — 
Réponse  à  cette  objection  :  11  est  trop  difficile  d'obéir,  432.  — 
Excellence  de  l'obéissance,  433.  —  Avantages  de  l'obéissance. 
Premier  avantage ,  la  victoire,  437.  —  Second  avantage  de  l'obéis- 
sance, elle  nourrit  l'âme,  441.  — Troisième  avantage  de  l'obéis- 
sance, elle  est  un  remède,  ibid.  —  Quatrième  avantage  de 
l'obéissance ,  elle  élève  l'homme ,  ibid.  —  Quatrième  avantage  de 
l'obéissance,  elle  attire  les  bénédictions  de  Dieu ,  ibid.  —Sixième 
avantage  de  l'obéissance ,  elle  est  la  première  des  vertus  et  des 
pratiques  de  la  vie  chrétienne ,  442.  —  Septième  avantage  de 
l'obéissance,  elle  est  un  principe  de  prospérité  temporelle  et  sur- 
tout spirituelle,  ibid.  —  Huitième  avantage  de  l'obéissance ,  elle 
procure  le  vrai  bonheur,  443.  —  Neuvième  avantage  de  l'obéis- 
sance, elle  est  une  marque  de  prédestination,  ibid.  —  Dixième 
avantage  de  l'obéissance,  elle  a  le  mérite  et  la  gloire  du  martyre , 
444. — Onzième  avantage  de  l'obéissance ,  elle  procure  une  bonne 
mort,  445.  —  Comment  faut-il  obéir?  ibid. 

Occasions  prochaines  du  péché  (voyez  Fuite  des  occasions,. 

Ordre  ou  Règle »   .    .    450 

Qu'est-ce  que  l'ordre,  450.  —  Nécessité  de  l'ordre  en  toute  chose, 
ibid.  —  Combien  l'ordre  est  avantageux,  451. 

Orgueil. 452 

Uu'cst-ce  que  l'orgueil  et  comment  le  connaît-on?  452.  —L'orgueil 


rxiMT,.  773 

Pages. 

n'est  qu'avenslpmpnt  et  séduction,  ibid.  —  Folie  de  l'orgueil ,  453. 

—  L'orgueilleux  ue  veut  pas  être  repris,  454.  —  Différence  entre 
l'orgueil  et  l'humilité,  455.  —  Enormité  de  l'orgueil,  ibid.  — 
L'orgueil  est  la  source  et  la  cause  de  tous  les  maux ,  457.  —  L'or- 
gueil est  un  vice  détestable,  461.  —  Dieu  humilie  les  orgueil- 
leux, 462.—  Châtiments  infligés  à  l'orgueil,  464.  — Divers  degrés 
d'orgueil,  466.  —  Motifs  que  l'on  a  de  se  préserver  de  l'orgueil, 
ibid. —  Moyens  d'éviter  l'orgueil,  ibid. 

Oubli  de  Dieu 468 

Combien  l'oubli  de  Dieu  est  fréquent,  468.  — L'oubli  de  Dieu  est 
volontaire,  469.  —  Causes  de  l'oubli  de  Dieu,  ibid.  —  L'oubli  de 
Dieu  est  un  crime,  ibid.  —  L'oubli  de  Dieu  est  surtout  un  crime 
d'ingratitude,  470.  —  Désordres  et  ravages  qu'exerce  l'oubli  de 
Dieu ,  ibid.  —  Malheurs  et  châtiments  qui  suivent  l'oubli  de  Dieu, 
47t.  —  Il  faut  gémir  d'avoir  oublié  Dieu,  et  de  le  voir  oublié, 
472. 

Paix 473 

Dieu  seul  est  l'auteur  de  la  paix  véritable;  lui  seul  la  donne,  473. 

—  Excellence  et  avantages  de  la  paix,  476.  —  Qu'est-ce  qui 
procure  la  paix,  479.  —  11  y  a  une  triple  paix,  480.  —  Moyens 
d'acquérir  la  paix,  ibid. 

Parabole  de  l'homme  qui  tombe  entre  les  mains  des  volocrs.    .    482 
Explication  de  cette  parabole,  482. 

Paradis  terrestre. 483 

Pardon  des  injures 485 

Obligation  de  pardonner,  485.  —  J.  C.  nous  a  donné  l'exemple  de 
l'amour  des  ennemis,  486.  —  Les  saints  l'ont  imité,  487.  —  Des 
païens  eux-mêmes  ont  pardonné  à  leurs  ennemis,  490.  —  Le  par- 
don des  injures  est  une  marque  de  grandeur  d'âme,  une  victoire 
et  un  triomphe ,  ibid.  —  Avantages  que  l'on  trouve  dans  le  par- 
don des  injures,  493.  —  Ne  point  pardonner  est  un  crime,  495. 

—  Dieu  agira  à  notre  égard  comme  nous  aurons  agi  envers  le  pro- 
chain, ibid.  —  Celui  qui  ne  pardonne  pas  se  condamne  lui-même, 
496.  —  Aveuglement  et  méchanceté  de  celui  qui  se  refuse  à  par- 
donner, 497.  —  Il  y  a  honte  et  faiblesse  à  ne  point  pardonner  et  à 
se  venger,  498.  —  Combien  puni  et  malheureux  est  l'homme  qui 
ne  pardonne  pas,  500.  —  Il  faut  laisser  à  Dieu  le  soin  de  nous 
venger.  501.  —  Il  faut  pardonner  toujours  et  pardonner  non-seu- 
Jenaçul  extérieurement,  mais  de  cœur,  502,  —  11  ne  faut  pas  dif. 


TT4  TABLE. 

Pxcr» 

fcrer  de  pardonner.  Y>Z2.  —  II  faut  faire  les"premières  démarches 
de  réconciliation  ,  50 i .  —  Motifs  qui  obligent  de  pardonner,  SOC 
—  Il  faut  se  pardonner  mutuellement,  507.  —  Prétextes  qu'on 
allègue  pour  ne  pas  pardonner  et  ne  point  se  réconcilier,  508.  — 
Quelle  est  la  vraie  manière  de  se  venger  noblement,  victorieuse 
ment  et  saintement,  ibid.  —  Enumération  de  neuf  degrés  de 
l'amour  des  ennemis,  qui  sont  autant  de  moyens  de  pardon- 
ner, 510. 

Parents  (uoyez  Devoirs  des  parents). 

Paresse ..;;..    511 

Le  paresseux  est  un  être  nul,  511.  —  Le  paresseux  est  pauvre,  il 
n'a  rien,  ibid.  —  La  paresse  est  la  cause  et  la  mère  de  tous  les 
crimes,  512.  —  Ravages  que  cause  l'oisiveté,  513.  —  La  paresse 
amène  toutes  les  tentations,  517.  —  De  quelle  honte  se  couvre  le 
paresseux;  combien  il  est  esclave  et  méprisable,  518.  — Combien 
le  paresseux  est  malheureux,  519.  —  Combien  le  paresseux  est 
puni,  ibid.  —  Remèdes  contre  la  paresse,  522, 

Parole  de  Dieu. :    ♦    .    .    524 

Véracité  et  autorité  de  la  parole  de  Dieu ,  524.  —  Excellence  de  la 
parole  de  Dieu,  526.  —  Puissance  et  efficacité  de  la  parole  de 
Dieu,  528.  —  Heureux  effets  que  produit  la  parole  de  Dieu  et 
avantages  inestimables  qui  en  découlent,  531.  —  La  parole  de 
Dieu  comparée  à  une  semence ,  540.  —  Nécessité  pour  les  pasteurs 
d'annoncer  la  véritable  parole  de  Dieu  ,541.  —  Quel  est  celui  qui 
annonce  convenablement  la  parole  de  Dieu,  544.  —  La  croix  est 
un  excellent  prédicateur,  550.  —  Nécessité  d'écouter  la  parole  de 
Dieu  cl  de  la  mettre  en  pratique,  ibid.  —  Combien  il  est  facile 
de  mettre  en  pratique  la  parole  ue  Dieu,  552. — Tous  entendent  la 
parole  de  Dieu,  ibid. —  Combien  sont  aveugles,  coupables  cl  mal- 
heureux ceux  qui  n'écoutent  pas  la  parole  de  Dieu  et  qui  ne  la 
ni  pas  en  pratique,  5>3.  —  Pourquoi  l'on  n'écouta  pas  la 
parole  de  Dieu  el  pourquoi  l'on  n'en  profite  pas,  554.  —  Châti- 
ments réservés  à  ceux  qui  n'écoutent  pas  la  parole  de  Dieu  et  qui 
ne  la  mettent  pas  en  prati  ,  ■  •',  550. —  Dispositions  nécessaires  el 
moyens  à  employer  pour  profiler  de  la  parole  de  Dieu,  557. 

[Voyez  aussi  Evangile  ou  Ecriture  sainte,  Loi  de  Dieu.) 


Passion  de  Jésus- Christ 

Nous  devons  tout  à  J.  C,  558.  —  Abîmes  d'amour  et  de  douleur; 
aliîirks  ..'ingratitude  et  de  cruauté    560.  — La  cène,  ibid.  — 


TABLE.  77S 

Pian. 

Judas  vend  son  divin  Maître,  561.  —  J.  C.  an  jardin  des  Olives, 
563.  —  Ce  que  J.  C.  a  souftert  jusqu'à  sa  «ortie  du  jardin  des 
Olives  a  été  prédit  par  les  prophètes ,  569.  —  Ce  que  souffre 
J.  C.  à  Jérusalem  :  1°  chez  Anne,  beau -père  de  Caïphe,  570.  — 
Pierre  renie  J.  C,  574.  — •  J.  C.  chez  Pilate,  878;  —  I.  C.  chez 
Hérode ,  578.  —  J.  C.  revient  devant  Pilate,  579.      tnàài  rend  les 
trento  deniers,  et  plein  de  désespoir,  il  va  se  pendre,  581.  — 
Châtiments  des  Juifs  déic!des,  584.  —  Flagellation,  587.  —  Ecce 
homo,  ibid.  —  J.  C.  entre  les  mains  des  soldats,  588.  —  J.  C. 
est  chargé  de  la  croix ,  590.  —  Calvaire ,  591 .—  Crucifiement ,  592. 
.  —  Douceur  et  patience  de  J.  C,  593.—  J  C.  a  été  déclaré  roi  sur 
la  croix,  594.— Blasphèmes  contre  J.  C,  ibid.  —  Bon  larron,  595. 

—  Marie  au  pied  de  la  croix,  ibid.  —  Sitio,  597.  —  Les  sept 
paroles  de  J.  C.  sur  la  croix,  598.  —  Pourquoi  J.  C.  a  subi  une 
telle  mort,  600.  —  La  passion  de  J.  C.  est  notre  salut,  601.  — 
La  passion  est  notre  ouvrage ,  602.  —  J.  C.  a  triomphé  par  sa 
passion  et  par  sa  mort,  608.  —  Sépulture  de  J.  C,  616. 

(  Voyez  aussi  Jésus-Christ,  Plaies  (les cinq),  Rédemption.) 

Passions  (les) • 618 

Désordre  et  ravages  des  passions,  618.  —Combien  les  passions  dé- 
gradent l'homme  et  le  couvrent  de  confusion,  619.  —  Combien  les 
passions  rendent  coupable  et  malheureux,  620.  —  Dieu  déteste 
et  punit  les  passions ,  621 . 

Pater  (le) 622 

Excellence  du  Pater,  622.  —  Le  Pater  renferme  sept  demandes,  ibid. 

—  Notre  père,  ibid.  —  Qui  êtes  aux  cieux,  623.  —Première 
demande,  624.  —Seconde  demande,  ibid.  —Troisième  demande, 
623.  — Quatrième  demande,  027.  —  Cinquième  demande,  628. 

—  Sixième  demande ,  629.  —  Septième  demande ,  630.  —  Con- 
clusion ,  ibid.  —  Pater  de  sr>  int  François  d'Assise ,  631 . 

Patience 6*^ 

Nécessité  de  la  patience,  633.  —  Exemples  de  patience  donnés  par 
J.C.  et  les  saints,  ibid.  —  Motifs  de  prendre  patience,  634.  — 

—  Excellence  de  la  patience  ;  merveilles  qu'elle  opère  .  636.  — 
Avantages  de  la  patience,  643.—  Qualités  que  doit  avoir  la 
patience  pour  être  bonne,  648.  —  Moyens  à  prendre  pour  arriver 
à  la  pratique  de  la  patience,  649. 

Paul  (saint) 65* 

Première  richesse  et  prérogative  de  saint  Paul,  son  caractère,  654. 


>"6  fABLE. 

Pages 

—  Deuxième  richesse  et  prérogative  de  saint  Paul,  sa  vocation, 
ibid. — Troisième  richesse  et  prérogative  de  saint  Paul,  sa  sagesse 
et  sa  science,  653.  —  Quatrième  richesse  et  prérogative  de  saint 
Paul,  ses  vertus,  654. — Cinquième  richesse  et  prérogative  de  saint 
Paul ,  l'efficacité  et  les  fruits  merveilleux  et  abondants  de  son 
apostolat,  655.  —  Sixième  richesse  et  prérogative  de  saint  Paul, 
ses  miracles ,  658.  —  Septième  richesse  et  prérogative  de  saint 
Paul ,  son  martyre ,  659.  —  Huitième  richesse  et  prérogative  dô 
saint  Paul ,  sa  gloire  et  sa  renommée,  ibid. 

Pauvreté 661 

Le  bonheur  est  le  partage  de  la  pauvreté,  081. — Richesse  de  la  pau- 
vreté ,  663.  —  Exemples  de  J.  C.  et  des  saints,  ibid.  »-La  pauvreté 
est  un  honneur  et  une  gloire,  665. — Les  pauvres  sont  les  favoris 
de  Dieu,  667.  —  Avantages  de  la  pauvreté,  669.  —  Si  le  pauvre 
veut,  rien  ne  lui  manque,  675. — Ce  qu'il  faut  faire  pour  avoir  le 
mérite  de  la  pauvreté ,  679. 

Péché  contre  le  Saint-Esprit C29 

Péché  mortel 68f, 

Qu'est-ce  que  le  péché  et  surtout  le  péché  mortel?  682.  — Génération 
et  famille  du  péché,  684. — Adam,  le  premier  homme,  a  commis 
huit  péchés,  ibid.—  Le  péché  est  dans  la  volonté,  685. —  En  lui- 
même  ,  le  péché  est  horrible  et  honteux,  ibid.  — Le  péché  est  une 
fièvre,  686.  —  Le  péché  est  une  paralysie ,  ibid.  —  Le  péché  est 
un  feu,  ibid.  — Le  péché  mortel  est  un  adultère,  687.  —  Le  péché' 
mortel  est  une  idolâtrie,  ibid.  — Le  péché  mortel  est  le  ma. 
suprême  de  Dieu,  des  anges,  des  hommes  et  de  toutes  les  créa- 
tures, 688. — Le  péché  mortel  éloigne  Dieu,  ibid.  —  Le  pèche 
formel  est  une  grave  désobéissance  à  Dieu ,  689.  —  Le  pécheu: 
déchire  la  loi  de  Dieu,  690. — Le  péché  mortel  est  un  mépris  pour 
Dieu,  ibid.  — Le  péché  mortel  est  une  noire  ingratitude  envers 
Dieu,  691.  — Le  péché  mortel  attaque  Dieu  directement,  ibid. 
—  Le  péché  mortel  s'efforce  d'anéantir  Dieu,  692.  —  De  sa  nature, 
le  péché  mortel  est  irréparable,  093.— Le  pécheur  voudrait  tou- 
jours vivre,  afiu  de  pécher  toujours,  ibid.  —  Le  péché  mortel  est 
pire  que  l'enfer,  694.  —  Le  péché  mortel  comparé  au  serpent  et 
au  lion,  ibid.  — Le  péché  mortel  comparé  à  un  glaive  «l'extermi- 
nation ,  ibid.  —  Le  péché  mortel  est  la  plus  terrible  de  toutes  1er 
chutes,  695. — Le  pécheur  est  à  lui-même  son  plus  cruel  ennemi, 
ibid.  —  Le  péché  mortel  ravit  à  l'homme  tous  les  biens  :  1°  Il  lui 
enlève  la  grâce  ,  698.  —  2J  Le  péché  mortel  détruit  la  beauté  d<* 


TABLE.  777 

AGI». 

l'âme,  690.  —3°  Le  péché  mortel  met  en  fuite  la  sagesse ,  700. 

—  4»  Le  péché  mortel  prive  de  tous  les  mérites  acquis ,  ibid.  — 
5°  Le  péché  mortel  empêche  qu'on  en  acquière  de  nouveaux,  701. 

—  6°  Le  péché  mortel  enlève  la  vie  de  lame,  ibid.  —  l°  Le  péché 
mortel  détruit  toutes  les  vertus  :  il  fait  perdre  le  ciel ,  ibid.  —  Le 
péché  mortel  attire  sur  l'homme  tous  les  maux  :  1°  11  le  rend  vil 
et  méprisable, 702.  —2°  Le  péché  mortel  jette  dans  l'aveuglement, 
ibid.  —  3°  Le  péché  mortel  rend  esclave,  706.—  4°  Le  péché  mor- 
tel rend  captif,  708.  —  S0  Le  péché  mortel  donne  la  mort  au 
corps,  ibid. —  6«  Le  péché  mortel  donne  la  mort  à  l'àme,  709. — 
7°  Le  péché  mortel  attire  la  malédiction  de  Dieu,  ibid.  —  8°  Le 
péché  mortel  est  Tunique  cause  de  la  mauvaise  mort,  710.—  9°  Le 
péché  mortel  précipite  dans  l'enfer  qui  est  l'éternelle  mort,  ibid. 
40°  Le  péché  mortel  fait  de  l'homme  une  espèce  de  démon  ,711. 
41°  Le  péché  mortel  produit  par  lui-même  tous  les  maux,  ibid.— 
Le  péché  mortel  est  un  mystère  infernal,  716.  —  Affreux  état  de 
l'âme  qui  a  commis  le  péché  mortel,  ibid.  —  Sources  du  péché, 
717.  —  Diverses  manières  de  pécher,  718.  —  Difficulté  et  miracle 
de  la  justification ,  719.  —  Le  péché  doit  être  puni,  ibid.  —  Que 
faut-il  pour  faire  un  péché  mortel?  720.  —Il  faut  éviter  le  péché 
mortel  et  ne  pas  y  rester,  ibid.-—  Moyens  pour  ne  pas  tomber  dans 
le  péché  mortel  et  pour  en  sortir,  721. 

Péché  original 723 

L'existence  du  péché  originel  est  certaine,  723.  —  Causes  du  péché 
originel,  ibid.  —  Comment  se  contracte  le  péché  originel,  724. 
— Suites  funestes  du  péché  originel  :  elles  prouvent  l'existence  de 
ce  péché ,  ibid. 

Péché  véniel 727 

Le  péché  véniel  est  le  chemin  qui  mène  aux  grandes  chutes,  727. — 
Malice  du  péché  véniel ,  730.  —  Combien  on  commet  de  péchés 
véniels,  731.  —  Punition  du  péché  véniel,  ibid. 

Pécheur 733 

Le  pécheur  n'a  point  de  communication  avec  Dieu, 733. — Le  pécheur 
désobéit  à  Dieu ,  ibid.  —  Le  pécheur  méprise  Dieu ,  734.  —  Le 
pécheur  est  ingrat,  ibid.  —  Le  pécheur  dissipe  tous  les  dons  de 
Dieu,  735.  —  Le  pécheur  vit  dans  la  pénurie,  la  disette  et  la 
faim ,  ibid.  —  Le  pécheur  tombe  dans  l'esclavage  et  la  dégrada- 
tion ,  736.—  Le  pécheur  est  la  faiblesse  même,  737.— Le  pécheur 
hait  son  âme,  738.  —  Le  pécheur  est  la  nourriture  du  démon, 
ibid.  —  Le  pécheur  est  une  sorte  d'antechrist,  739.—  La  vie 
du  pécheur  est  détestable,  ibid.  —  La  mémoire  du  pécheur  est 


'iïè  TABLE. 

exécrable,  741 .  —  Le  pécheur  est  puni  par  où  il  pèche ,  ibid.  —  Le 
pécheur  est  l'instrument  de  sa  condamnation,  ibid.  —  Combien 
le  pécheur  est  malheureux,  742.  —  Châtiments  du  pécheur,  74G. 

—  Le  péché  n'est  à  sa  place  que  dans  l'enfer,  750. 

Pénitence.     .    .    .    .  ' Toi 

Qu'est-ce  que  la  pénitence,  7S2.  —  Nécessité  de  la  pénitence,  ibid. 

—  Exemples  de  pénitence,  7j4.  —  Excellence  de  la  pénitence, 
ibid.  —  Avantages  de  la  pénitence ,  75o.  —  Qualités  de  la  péni- 
tence, 7G0.  —  La  pénitence  n'est  pas  pénible,  701.  —  Combien 
la  vraie  pénitence  est  rare,  7G2.  —  Excès  auxquels  se  livrent  ceux 
qui  négligent  de  faire  pénitence;  combien  ils  sont  à  plaindre, 
ibid.  —  Châtiments  réservés  à  ceux  qui  ne  l'uni  pas  pénitence, 
ibid.  —  Moyens  de  faire  efficacement  pénitence ,  763. 


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