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SOUS LES AUSPICES OCS-Fn<ENM OF FfiAMCC
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LES VÉGÉTAUX UTILES
DE
L'AFRiaUE TROPICALE FRANÇAISE
VOLUME I. — FASCICULE ï
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CLAUDE RICHARD (1183-1869)
Fondateur do la station agricole de Richard-Toll, premier jardin d'essai
créé on Afrique tropicale.
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LES /VÉGÉTAUX UTILES
DE
L'AFRIQUE TROPICALE FRANÇAISE
ÉTUDES SCIENTIFIQUES ET AGRONOMIQUES
PUBLIÉES SOUS LE PATRONAGE DE MM.
EDMOND PERRIER £. ROUME
De rinstitat Ancien Directeur de l'Asie au Ministère des Colonies
Directeur du Muséum d'Histoire Naturelle Gouverneur général
de Paris de l' Afrique occidentale française
PAR
M. Aug. CHEVALIER
H
Docteur ès-sciences naturelles
Sous-Directeur du Laboratoire Colonial du Muséum
Chargé de missions en Afrique 1899-1905
VOLUME I. — FASCICULE I
SOMMAIRE
Bd. Peppiep : Préface. — Aug. Chevalier : Introduction et Pro-
gramme. — Aug. Chevalier : Histoire de l'Agriculture en Afrique
tropicale. — Aufi^- Chevalier : Un essai d*introduction de plantes
utiles dans le centre de l'Afrique. — Ang, Chevalier et Bm.
Perrot : Les Pommes de terre des Pays chauds {Coleus à tubercules
alimentaires).
PARIS
DÉPÔT DES PUBLICATIONS
44, RUE DE BUFFON, 41
1905
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c^/3//|
PRÉFACE
M. Auguste Chevalier n'a pas besoin d'être présenté au monde
colonial. Ses trois missions dans l'Afrique Occidentale et surtout
la dernière du Congo au lac Tchad, en compagnie de MM. le D' Dé-
co rse, CouRTET et Martret, sont connues de tous ceux qui s'intéres-
ressent à nos colonies africaines par leurs brillants résultats.
M. Chevauer s'est montré non seulement explorateur hardi, orga-
nisateur habile, négociateur prudent, mais encore observateur des
plus consciencieux et praticien des plus avisés pour tout ce qui
touche à l'agriculture. Il s'est acquis, au point de vue agricole, la
plus enviable notoriété dans tout le monde colonial africain et ce
n'est pas une médiocre preuve d'estime que lui a donnée l'éminent
gouverneur de l'Afrique Occidentale, M. Roume, en l'autorisant à
placer cette publication sous son patronage.
L^agriculture tropicale ne s'improvise pas plus que l'agricul-
ture de nos pays tempérés. Les végétaux utiles demandent
sous les tropiques d'autres soins que chez nous, mais ils exigent
tout autant de sollicitude. Ces soins varient avec la nature du sol,
les conditions biologiques dans lesquelles les plantes ont à se déve-
lopper ; ils ne sont pas les mêmes pour les diverses variétés d'une
espèce donnée, à plus forte raison pour les espèces différentes ;
les plantes cultivées d'autre part peuvent ne pas s'accommoder de
tel ou tel sol, de telle ou telle condition climatérique ou ne réussir
dans ce sol, dans ces conditions, qu'en suscitant des dépenses hors
de proportions avec les rendements. Aussi rien n'est-il plus déli-
cat que d'organiser la mise en culture d'une colonie neuve, de
manière à éviter à ceux qui y consacrent leurs capitaux, de graves
mécomptes, sinon la ruine. Parmi les productions naturelles de la
378685
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VIII PRÉFACE.
région, choisir oelles qui peuvent être utilement exploitées, amé-
liorées et industriellement cultivées, comme c'est le cas pour les
plantes à caoutchouc ; parmi les productions des pays étrangers
d3 climat analogue, choisir celles qui peuvent être utilement im-
portées, comme c'est le cas pour les cotonniers, les caféiers, les
cacaoyers, les bananiers, etc. ; parmi les plantes cultivées dans
la métrq3ole et qu'il est si doux pour les colons de retrouver à
leur portée comme tant de légumes et d'arbres fruitiers, choisir
celles qui peuvent enrichir une colonie le plus rapidement et en
rendre le séjour le plus agréable possible : c'est là une œuvre qui
exige tout à la fois la science approfondie d'un botaniste et la
pratique d'un agriculteur exactement renseigné. Ces deux qualités,
M. Auguste Chevalier les possède à un haut degré. Ses missions
successives dans nos colonies de l'Afrique Occidentale lui ont fait
connaître exactement les diverses régions cultivables et les g^res
de culture qu'elles peuvent supporter. Les études théoriques qu'il
a pu faire au Muséum d'Histoire naturelle comme boursier de doc-
torat, puis comme stagiaire, enfin comme chef du service bota-
nique du Laboratoire colonial, l'ont exceptionnellement armé au
point de vue scientifique ; il est en situation mieux que personne
de conduire les recherches expérimentales que pourrait comporter
l'établissement de cultures nouvelles en Afrique, d'apprécier au
point de vue pratique les résultats de ces recherches ou de coor-
donner ces résultats. La publication qu'il entreprend sera le guide
le plus précieux et le plus sûr pour nos colons et nos administra-
teurs. Toutes les plemtes cultivables en Afrique tropicale y seront
passées en revue et leur histoire scientifique agricole et écono-
mique sera traitée avec une documentation toute personnelle ou
une documentation de première main passée au crible d'une
science très étendue et d'une méthode dont l'exacte discipline ne
s'est jamais démentie.
Attaché au Muséum d'histoire naturelle par des liens qui devien-
dront sans doute plus étroits avec le temps, M. Chevalier peut
ajouter aux ressources ordinaires, tout ce que notre grand Éta-
blissement contient d'exceptionnels moyens de recherches et
d'étude. Un herbier qui dépasse en richesse tous les herbiers
actuels, qui remonte à Tournefort et dans lequel, depuis plus de
trois cents ans, les botanistes les plus illustres ont accumulé les
types de leurs descriptions : des serres qui ne sont dépassées par
celles de Kew que pour la multiplicité des spécimens et qui les
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PRÉFACE. DC
dépassent à leur tour par le nombre des espèces existantes et la
beauté des échantillons qui les représentent ; une bibliothèque de
livres d'histoire naturelle de plus de 200 000 volumes, un faisceau
de laboratoires où toutes les questions qui ont trait à la biologie
théorique ou pratique peuvent être rapidement étudiées et résolues
et qui apportent ainsi une aide puissante a/u Laboratoire colonial
dont M. Chevalier est spécialement chargé.
L'œuvre de M. Chevalier s'annonce dans les meilleures condi-
tions de succès.
Ce sera un monimient élevé à l'Agriculture de l'Afrique tropi-
cale et cette œuvre ajoutera à la riche couronne du Muséum d'his-
toire naturelle de Paris un brillant fleuron.
Edmond Perrier,
de rinstltat.
Directeur du Muséum d'Histoire natureUe.
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INTRODUCTION
Depuis une vingtaine d'années, les plus grands efforts ont
été faits en France pour tirer parti par Tagriculture et l'exploita-
tion des forêts, du magnifique domaine colonial que nous avons
acquis dans l'Afrique tropicale. Des missions officielles et pri-
vées sont allées à plusieurs reprises étudier les ressources végé-
tales de ces vastes possessions, de nombreux fonctionnaires et
officiers ont maintes fois attiré l'attention sur des produits nou-
veaux que notre commerce n'a point toujours su utiliser. On a.
fait connaître aussi de nombreuses productions du règne végétal
jusqu'alors ignorées en Europe, mais dont les peuplades du Con-
tinent noir tiraient depuis longtemps le plus utile parti dans
l'alimentation ou la médecine.
Des savants se sont attachés à l'étude botanique, agricole,
chimique ou thérapeutique de ces produits. Ils ont publié par-
fois sur ces sujets des mémoires extrêmement intéressants, dis-
persés dans une foule de publications. Plusieurs sociétés et
revues d'agriculture tropicale se sont créées en France et aucun
pays plus que l'Afrique tropicale ne leur a fourni matière à des
séries d'études sur les végétaux utiles de la zone tropicale.
Cependant, lorsqu'on examine avec un peu d'attention la plu-
part de ces publications, on ne tarde pas à constater les grandes
lacunes qui existent dans les connaissances acquises sur les pro-
ductions végétales de l'Afrique et sur les conditions les plus
favorables à leur culture et à leur exploitation. Au milieu
des innombrables notices consacrées aux plantes utiles et aux
produits spéciaux à chaque pays, notices dispersées dans de
nombreux périodiques, c'est seulement de loin en loin que l'on
découvre des travaux apportant quelques faits nouveaux enri-
chissant la science, et susceptibles de contribuer au progrès de
l'agriculture de ces contrées tropicales. Même sur les plantes
dont la culture est de la plus haute importance pour lavenir de
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XII INTRODUCTION.
TAfrique occidentale française : plantes à caoutchouc, arachide,
cotonniers, palmiers à huile, caféiers, colatiers, arbres à gomme,
bananiers, etc., les plus grandes incertitudes existent sur les
espèces et les variétés qu'il y aurait intérêt à multiplier ou à
protéger. Leur inventaire est à peine ébauché.
En ce qui concerne les essais pratiques de culture, pour ime
plante déterminée, essais relatifs à chaque colonie, notre igno-
rance est encore plus grande. A de très rares exceptions près,
ainsi que nous le montrerons par la suite, nos Jardins d'essai
coloniaux — en Afrique au moins — sont loin d'avoir donné jus-
qu'à ce jour ce que l'on pouvait attendre d'eux. Quant aux plan-
tations privées entreprises par des Européens, on les compte
actuellement à la Côte d'Afrique et bien peu ont produit des
résultats satisfaisants. Ces résultats ne sont d'ailleurs connus
que d'un public très restreint de spécialistes ayant visité ces con-
trées. Aussi les sources d'informations auxquelles voudrait recou-
rir un planteur nouveau venu en Afrique avant de s'engager
dans une entreprise culturale, font-elles presque entièrement dé-
faut.
La publication que nous commençons s'efforcera de combler
cette lacune. Ecrite surtout pour les techniciens, elle sera essen-
tiellement scientifique, c'est-à-dire qu'elle ne relatera que des
observations précises et les digressions, soi-disant destinées à vul-
gariser ces études, en seront soigneusement bannies. Nous ne
craindrons pas d'avoir constamment recours à la terminologie
scientifique. Nous le répétons, ces études sont destinées à servir
à des techniciens, elles n'ont point été rédigées en vue du
grand public et notre tâche sera atteinte si elles fournissent aux
naturalistes et aux agronomes spécialisés dans l'agriculture tro-
picale, des indications utiles pour collaborer à l'œuvre à laquelle
nous nous sommes consacré. Nous souhaitons, en un mot,
qu'elles puissent leur éviter les tâtonnements et les incertitudes
que nous avons nous-mêmes rencontrés quand nous avons com-
mencé à voyager en Afrique. A ceux qui voudraient s'éclairer
sur les conditions générales de la culture ou de l'exploitation
des grands produits coloniaux, nous recommandons la lecture
des manuels et des monographies spéciales à chaque plante. Il
existe d'excellents ouvrages de cette nature, non seulement en
France, mais surtout en Allemagne, en Angleterre et en Hol-
lande.
Notre but est essentiellement de faire connaître les observa-
tions,, en grande partie inédites, que nous avons faites sur les
plantes utiles au cours de divers voyages en Afrique. La plupart
du temps ces observations seront complétées par des recherches
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INTRODUCTION. XIII
de laboratoire et des renseignements bibliographiques puisés
toujours aux sources. Nous nous efforcerons ainsi de rendre jus-
tice à tous ceux qui ont contribué à faire connaître les richesses
de notre domaine colonial. Pour les énumérer ici, il faudrait
dresser la liste de tous les explorateurs et d'un grand nombre
d'officiers et de fonctionnaires qui se sont spécialement attachés
pendant leurs séjours en Afrique, à la culture ainsi qu'à l'étude
et à la récolte des plantes utiles et de leurs produits. Les travaux
de quelques-uns ou les collections qu'ils ont formées, collections
aujourd'hui déposées au Muséum, ont grandement contribué
aux progrès de la science et de l'agriculture. Adanson, Palisot
DE Beauvois, Richard, Perrottet, Leprieur, Heudelot,
LÉCARD, Rançon, Pierre, Jacques de Brazza, Thollon, pour
ne citer que les disparus, ont tout autant fait pour la prospérité
de notre domaine colonial, que ceux qui ont participé à sa
conquête et à son organisation.
En entreprenant cette publication, nous avons le devoir d'ex-
primer notre vive gratitude à tous ceux qui ont contribué à sa
réalisation, d'abord aux initiateurs et aux soutiens de nos mis-
sions en Afrique, MM. le général de Trentinian, Chailley-
Bert, Milhe-Poutingon, Chaudié pour les missions ; Liard,
Perrier, Hamy, Gentil, pour l'Expédition que nous avons diri-
gée au Centre de l'Afrique comme chef de la mission Chari-lac-
Tchad.
Qu'il nous soit permis de rendre publiquement hommage
aux deux hommes qui ont bien voulu accepter le patronage de
ces travaux : M. Edmond Perrier de l'Institut, directeur du Mu-
séum, et M. RouME, gouverneur général de l'Afrique Occiden-
tale.
Nous remercions très sincèrement les diverses administra-
tions publiques qui ont bien voulu s'intéresser à cette publica-
tion en allouant les premiers fonds indispensables pour com-
mencer la mise à jour de ces travaux : le Conseil général du
Sénégal, les colonies du Sénégal et du Soudan ; nous exprimons
particulièrement notre respectueuse reconnaissance à M. le Mi-
nistre des Colonies qui a bien voulu s'associer à ces généreux
concours par l'intermédiaire du Bureau de l'Afrique et du Bureau
des Missions. Enfin que le Syndicat cotonnier français, l'Asso-
ciation cotonnière coloniale, le dévoué président de ces deux
sociétés, M. Esnault-Pelterie, reçoivent aussi leur part de nos
remerciements pour le concours financier qu'ils nous ont spon-
tanément accordé.
Nous espérons bien d'ailleurs que d'autres concours aussi
précieux nous permettront de continuer l'œuvre commencée.
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XIT INTRODUCTION.
PROGRAMME
Nous nous sommes efforcé de constituer une série de dos-
siers sur les principaux sujets agricoles intéressant l'Afrique tro-
picale. Certains de ces dossiers visent des questions générales,
telle est VHistoire de V Agriculture en Afrique occidentale publiée
dans ce premier fascicule. La plupart au contraire se rapportent
à des sujets particuliers dont les principaux sont :
Les plantes à caoutchouc ;
Le cotonnier et sa culture ;
Les caféiers ;
Les Coleus alimentaires ;
La culture du cacaoyer à la côte d'Afrique ;
Les variétés d'Elœis (palmiers à huile), leur culture et leur
exploitation ;
L'arachide ;
Les plantes vivrières indigènes;
Le colatier ;
Les bois d'exportation de la côte d'Afrique ;
Les plantes fourragères tropicales.
Dès que nous aurons suffisamment de documents sur un
sujet pour constituer un mémoire, nous en ferons la publication.
Nous serons très reconnaissant à tous ceux qui voudront bien
nous apporter leur précieuse collaboration : aux coloniaux qui
enverront des renseignements ou des documents recueillis par
eux-mêmes en Afrique, et aux spécialistes scientifiques qui vou-
dront bien nous prêter leur concours pour certaines études parti-
culières.
Nous avons été grandement aidé dans ce travail par notre
dévoué compagnon d'Afrique, M. Courtet, notre collaborateur
de tous les instants.
Indépendamment de cette publication sur les plantes utiles
d'Afrique tropicale, dont nous ne pouvons encore prévoir l'éten-
due, nous avons entrepris de publier sous le titre de SUDANIA
un travail général sur la flore de l'Afrique tropicale française,
principalement de la Zone Soudanienne, c'est-à-dire de la zone
qui s'étend de la grande forêt du Congo au grand désert du
Sahara.
Dans cette zone où la France possède le plus vaste empire
du monde, nous avons eu la bonne fortune de circuler sur un
parcours de 15.000 kilomètres environ depuis la Sénégambie et
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INTRODUCTION. XV
la Guinée française jusqu'aux confins des bassins du Ghari et
du Nil, recueillant autant de matériaux scientifiques que nous
avons pu. Nous croyons avoir rassemblé tous les éléments essen-
tiels pour dresser un inventaire des plantes de nos colonies de
rOuest africain. Get inventaire comprendra non seulement Ténu-
mération des noms scientifiques des plantes, mais aussi l'indica-
tion de leur distribution géographique, leurs propriétés et leurs
usages, enfin les noms indigènes qu'elles portent chez les diffé-
rentes peuplades dont nous avons traversé les territoires.
Nous ne nous faisons point d'illusions sur les difficultés de
la tache que nous entreprenons, mais les encouragements bien-
veillants que nous avons rencontrés auprès des savants français
et étrangers nous sera un précieux stimulant pour poursuivre
une œuvre à laquelle nous avons résolu de nous consacrer parce
que nous la croyons utile à la prospérité de nos colonies et au
bon renom scientifique de la France.
AuG. Chevalier.
Paris, le 15 janvier 1905.
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LES VÉGÉTAUX UTILES
DE
.AFRIQUE TROPICALE FRANÇAISE
L — Historique de Tagriculture en Afrique occidentale française,
par AuG. Chevalier
La première préoccupation des Normands qui vinrent s'éta-
blir au XIV* siècle à la Côte occidentale d'Afrique fut de chercher
à tirer parti des richesses végétales naturelles jusqu'alors inex-
ploitées» ou utilisées seulement des indigènes. La gomme fut
lon^emps le grand produit d'exportation de cette contrée. Puis,
après la découverte de l'Amérique, un autre genre de commerce,
la traite des esclaves, fut le principal aliment des transactions
avec l'Afrique pendant trois siècles successifs. On évalue générale-
ment à 12 millions le nombre des esclaves qui ont été enlevés
à l'Afrique pour être portés dans le Nouveau-Monde, par suite
de ce trafic parfaitement légal jusqu'au milieu du xix* siècle. Si,
à ce chiffre déjà élevé on ajoute le nombre beaucoup plus fort
des individus tués pendant les guerres déchaînées dans Tinté-
rieur en vue d'approvisionner les marchés humains de la côte,
on sentira quel désastre pour la production mondiale a été ce
régime d'esclavage.
Aujourd'hui l'Afrique tropicale est presque vide ! En par-
courant les grandes savanes qui s'étendent du Sénégal au Nil,
on a presque partout la sensation de circuler en un désert. Les
villages, peu peuplés, sont éparpillés à de grandes distances les
uns des autres.
Dans le bassin du Chari, il n'est pas rare de marcher plu-
sieurs jours de suite dans des régions parfaitement habitables
sans rencontrer d'êtres humains. Le manque d'habitants est la
principale cause de pauvreté de l'Afrique, car les richesses natu-
relles y sont tout aussi abondantes que dans les autres conti-
nents, mais il n'y a personne pour les mettre en valeur.
1
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VÉGÉTAUX UTILES DE LAFRIQUE.
Origine des plantes cultivées en Afrique
La traite des esclaves a cependant eu une conséquence utile
qui devait modifier complètement les conditions d'existence des
peuplades africaines. Jusqu'au xv* siècle, TAfrique tropicale était
presque complètement dépourvue des espèces végétales qui sont
aujourd'hui la base de l'alimentation de ses habitants. En dehors
des bananiers, cultivés dans des régions forestières et du sorgho,
cultivé dans les zones des savanes et des steppes, on ne connais-
sait chez les noirs que de rares légumes peu connus venus pour
la plupart de l'Inde lors des migrations anciennes ou apportées
plus récemment de l'Orient et du Nord par les caravaniers arabes
et berbères. L'agriculture était donc rudimentaire. D'arbres frui-
tiers cultivés, on n'en possédait peut-être qu'un seul, le colatier
planté du reste dans une zone fort restreinte de l'extrème-sud
du Soudan occidental. Au sud du Soudan et dans la Guinée
française, cet arbre présente un si grand nombre de variétés
culturales et est l'objet de tant de traditions, qu'on est forcé
d'admettre que sa culture remonte à la plus haute antiquité. Du
reste Léon l'Africain, dans le récit de ses voyages, parle de
la noix de cola (qu'il appelle gouro, nom qu'elle porte encore
aujourd'hui), comme d'un produit déjà commun sur les marchés
du Soudan au xiv* siècle. La conséquence des voyages répétés
à la côte du Nouveau Monde fut d'apporter en Afrique quantité
de plantes utiles qui y avaient jusqu'alors manqué et dont la
culture se répandit avec une extrême rapidité.
Le manioc, le maïs, Varachide, Vananas et peu-être Vigname
et la patate ont ainsi été apportés vers le xv^ siècle sur le con-
tinent noir.
Ces introductions ont eu une portée considérable pour l'amé-
lioration des conditions d'existence des indigènes. Un état social
basé sur l'agriculture s'est ainsi substitué à l'état de vie précaire
dans lequel se trouvaient des êtres qui n'avaient guère vécu jus-
qu'alors que des produits de chasse, de pêche, et des produits
végétaux qu'ils cueillaient dans les steppes et les forêts.
Introductions faites par les Portug^ais
La nation portugaise est certainement celle qui a le plus puis-
samment contribué à doter l'Afrique de ressources vivrière^ et
de richesses agricoles. Les Portugais ont été ainsi les plus grands
colonisateurs du monde. Ils ont disséminé dans tous les pays
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HISTORIQUE DE L'AGRICULTURE. 3
chauds du globe un nombre considérable de plantes utiles,
non seulement les espèces vivrières de première nécessité, mais
encore les épices et les condiments, les arbres fruitiers, les
légumes les plus usuels. Partout à la côte occidentale d'Afrique
leur souvenir demeure vivace et se lie dans la tradition des noirs
à l'introduction de nouvelles ressources végétales.
Il y a bientôt deux siècles que le savant dominicain Lâbat
écrivait dans la relation du Voyage de Briie, en Sénégambie :
« Les Portugais ont demeuré bien des années dans ce pays, en
ont fait seuls et longtemps tout le commerce, y ont eu des forte-
resses, des établissements, des colonies ; on voit des restes de
tout cela dans bien des endroits *. »
Un autre vieil historien raconte les propos suivants tenus par
des noirs à un voyageur débarquant à la Côte d'Or au xvii® siècle :
« C'est la terre qui nous donne l'or, c'est elle qui nous produit le
maïs et le riz, c'est la mer qui nous fournit des poissons, quant
aitx fruits, nous les devons aitx Portugais gui ont planté les
arbres sur notre sol^ i^.
Les plantes alimentaires usuelles ainsi introduites se sont
répandues avec une extrême rapidité. A l'époque du voyage de
Brue à la fin du xvii* siècle, le manioc était déjà connu dans
une partie du bassin de la Sénégambie. Il existe certainement
depuis plusieurs siècles chez toutes les peuplades de la Forêt
équatoriale.
Les arbres fruitiers se sont répandus beaucoup plus lentement.
A l'exception Am citronnier et du dattier, plantés par les mu-
sulmans en beaucoup de points du Soudan et venus du Nord, on
ne trouvait, en dehors des régions côtières, pas d'arbres fruitiers
cultivés avant la pénétration européenne.
Il faut aussi faire une exception pour les pays de la haute
Guinée compris entre le Pouta-Djalon, l'arrière pays de Sierra-
Léone et de la République de Libéria, enfin les pays du Haut-
Niger et de l'empire de Kong. Ces contrées ont été constamment
sillonnées par des caravaniers du Soudan qui se rendaient à la
côte pour y trafiquer des esclaves ou pour s'approvisionner de
noix de kola chez les peuplades forestières vivant au Sud des
empires soudanais. Les caravaniers remportaient avec eux, non
seulement des marchandises, mais il leur arrivait d'emporter les
fruits des Portugais dont ils semaient les graines en route. Ainsi
s'explique ce fait qu'on rencontre aujourd'hui dans toute la zone
du sud-ouest du Soudan, qu'ils traversaient, de magnifiques
1. LABAT, Nouvelle relation de VAfrique Occidentale, d'après les mémoires
d'André Brûe. 1728. t. IV, p. 368.
2. Découvertes en Afriques t. I. p. 209.
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4 VÉGÉTAUX UTILES DE L' AFRIQUE.
arbres fruitiers : Blighia sapida ou Finzan, orangers, citron-
niers, manguiers, papayers, Anona squamosa, auxquels il faut
ajouter en Guinée le Persea gratissima, ou avocatier qui, d'après
M. Teissonnier a été introduit par les Négriers principalement
au Rio-Pongo et à l'île Matakong ^
Le Papayer est peut-être le seul de ces arbres qui se soit
répandu de proche en proche dans les villages de l'Afrique occi-
dentale jusqu'à l'extrémité du Soudan. De nos jours encore, ce
végétal se propage dans les villages du centre de l'Afrique avec
une extrême rapidité. Le voyageur allemand Junker avait trans-
porté, en 1880, les premières graines dans les sultanats de TOuban-
gui. Lors de notre pénétration il en existait déjà quelques pieds
dans les Etats du Sultan Snousi, dans le Haut-Chari oriental. A la
suite, des missions qui ont remonté le Congo et ses affluents, à partir
de 1885, le papayer a pénétré dans les régions les plus éloignées
dii centre de l'Afrique et en particulier dans les villages situés
au bord de la Sangha et de l'Oubangui, il est devenu très com-
mun.
V Ananas, comme le papayer, a conquis en Afrique tropicale
de vastes espaces. Originaire de l'Amérique du Sud, il a sans nul
doute été apporté à la côte d'Afrique par les navigateurs portu-
gais. Il n'a pas seulement été multiplié par les indigènes autour
des villages. Il s'est rapidement propagé dans les cultures aban-
données et a envahi les forêts de l'Afrique tropicale, aussi bien
celle de la Côte d'Ivoire que celle du Congo. Il pullule aujour-
d'hui sous le couvert de la forêt jusqu'au centre du Continent
(à Bangui par exemple), mais il n'a pu sortir de la forêt, et dès
qu'on pénètre dans la zone guinéenne (région demi-forestière),
on n'en rencontre plus que quelques colonies cultivées autour
des cases par les indigènes. Enfin dans la zone soudariienne, il
a été apporté tout récemment par les feuropéens ; il ne se main-
tient dans les jardins qu'avec beaucoup de soins.
Le Rôle des grandes Compagnies aux XVIF et XVIIP siècles
Si les Portugais firent beaucoup d'efforts pour accroître les
ressources de la Côte d'Afrique, il semble qu'il n'en fut pas de
même des Grandes Compagnies, qui monopolisèrent le commerce
sur la côte du Sénégal de 1626 à 1758.
Dès 1728, l'historiographe de la Compagnie des Indes, le
R. P. Labat expliquait combien étaient dérisoires les quantités
de denrées exportées de la colonie française, par rapport à ce
1. Teissonnier, Agric. prat. Pa^s chauds, t. I, p. 157, 1901.
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HISTORIQUE DE L'AGRICULTURE. 5
que Fon eût pu tirer par l'agriculture. Expliquant la routine qui
guide les indigènes en agriculture, il ajoute : « Ce serait encore
un des motifs qui devraient engager la Compagnie d'établir sur
les terres de sa concession (il s'agit de la concession du Sénégal
appartenant à cette époque à la Compagnie des Indes), des habi-
tants blancs. Elle pourrait les placer dans les endroits où le
tabac, Vindigo, le coton et autres choses viennent avec plus de
facilité et de succès et les ayder à faire valoir ces terres. Car il
est seûr qu'elle en retireroit un profit considérable et donneroy
ainsi de Temploy a bien des familles que la misère fait beaucoup
souffrir en Europe^ ».
Après avoir exposé ce projet, le R. P. Labat compare notre
manière de coloniser à celle des étrangers et cette comparaison
a encore de nos jours toute sa saveur et est malheureusement
empreinte d'une profonde vérité, t C'est ainsi, dit-il, que les
Portugais, les Hollandais et d'autres Européens se sont établis
en bien des endroits; et plût à Dieu que nous qui avons fait une
inhnité de découvertes et de commencements d'établissements,
nous les eussions continuez avec autant de persévérence, de fer-
meté et de vigueur que nos voisins qui jouissent paisiblement
du fruit de nos travaux pendant que nous ne pensons qu'à de
nouveaux projets, en oubliant aussi facilement ceux que nous
avons faits, que si nous n'y eussions jamais pensé ^. »
La Compagnie des Indes n'entendit point ces sages conseils
et elle continua à demander à la traite des esclaves, des bénéfices
qui, pour être peu honnêtes, n'en étaient pas moins beaucoup
plus sûrs.
Voyage d'Adanson en Afrique
Cependant, vingt ans plus tard, l'occasion s'offrit à cette so-
ciété de confier à un jeune naturaliste qui devait acquérir par
la suite une renommée upiverselle, l'étude des productions natu-
relles de cette partie de l'Afrique. Un élève de Bernard de
JussiEU, Adanson, s'offrit pour aller étudier l'histoire naturelle
du Sénégal. David, alors directeur de la Compagnie des Indes
1. R. p. Labat. Relation, t. L p. 204.
2. Labat { J. B.), loc. cit., II, p. 205. — L'ouvrage du P. Labat, Souvelle
relation de VAfrique Occidentale, contenant une description exacte du
Sénégal et des pays situés entre le Cap-Blanc et la Rivière de Slerra-
Léone, etc., d'après les mémoires d'André Brtie, Paris, 1728-1729. Cet ouvrage
en 5 volumes, qui est encore la base de nos connaissances sur le Sénégal,
est une source précieuse de renseignements généralement exacts, sur les
productions agricoles et forestières de TAfrique Occidentale. Il put être
entrepris, gr&ce à Tabond-ante moisson de notes et de documents recueillis
sur place par A. BrUe, qui fut gouverneur de la colonie de 1697 à 1702, et
plus tard de 1714 à 1720.
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6 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
c témoigna beaucoup de joie, nous dit Adanson, d'une entreprise
qui pouvait être aussi avantageuse à la physique qu'au com-
merce de sa célèbre Compagnie ». Adanson s'embarqua le
3 mars 1749, après avoir obtenu « une place dans les comptoirs
de la Concession du Sénégal et son passage sur le premier bâti-
ment qui partiroit aussi-tôt après la publication de la paix b. Il
débarqua le 25 avril 1749 à l'embouchure du Sénégal et reçut
aussitôt le meilleur accueil de M. de la Brûe, directeur général
de la Compagnie qui lui donna « la liberté et les moyens de
s'étendre dans le pays, de l'examiner, d'en reconnaître les pro-
ductions ».
Adanson est donc le devancier de tous ceux qui ont voulu,
par la suite, entreprendre l'inventaire des productions de l'Afrique
occidentale. Non seulement il en posa le programme, mais il
le mit à exécution. Pendant les cinq années qu'il resta en
Afrique, il s'occupa de l'étude de la région avoisinant « la con-
cession Sénégal », aujourd'hui Saint-Louis. Il fit en outre trois
voyages à'Podor, deux voyages à Corée. Il visita le Cap Vert et
Ruflsque, Portudal sur la Petite Côte, Albréda dans la Gambie.
D3 ces nombreux voyages, il rapporta à son retour en France, à
la fin de l'année 1753, une foule de documents relatifs à la faune,
à la flore, aux productions agricoles et forestières.
En 1757, il publia la Relation abrégée de son Yoyage*. Il fit
connaître une foule de végétaux intéressants sur lesquels on ne
possédait encore en Europe que des connaissances très incom-
plètes : le baobab, le palmier à huile, le palmier rônier, etc.
Le premier de tous les voyageurs célèbres, il semble avoir
compris l'organisation sociale des Noirs et pressenti l'impor-
tance qu'auront un jour ces contrées pour le commerce de
la France. Il révéla, dans un mémoire resté classique, présenté
à l'Académie des Sciences en 1784, l'origine de la gomme ara-
bique du Sénégal, qui constituait alors avec le trafic des esclaves
la base du commerce de la Côte Occidentale. Enfin, nous devons
ajouter que c'est au cours de l'une de ses excursions dans la
presqu'île du Cap-Vert qu'il découvrit, en 1750, dans la forêt de
Krampsane, la liane Toll (Landolphia Heudelotii), qui devait deve-
nir si célèbre plus tard. Il est vrai qu'il ne soupçonna pas que
cette plante fournirait un jour pour plus de 20 millions de francs
de caoutchouc par an et ferait la richesse de contrées jusqu'à
nos jours improductives.
Enthousiaste des contrées qu'il était le premier à étudier, et
1. Adanson, Histoire naturelle du Sénégal, Coquillages. Avec la Relation
abrépée d'un voyage fait en ce pays pendant les années 1749 1750, 1751, 1752
et 1753 (Paris, C.-J.-B. Bauche, 1757).
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HISTORIQUE DE L AGRICULTURE. 7
peut-être aussi convaincu qu'il faut présenter les pays sur les-
quels on veut retenir Tattention du public sous un jour plus
riant qu'ils ne sont réellement, Adai^sgn a été accusé d'avoir
exagéré la fertilité des terres du Sénégal. La postérité a tenu
grand compte de ses travaux scientifiques, cependant elle ne
saurait l'excuser complètement du tableau si enchanteur qu'il a
fait de ces contrées.
C'est ainsi qu'à propos de Podor, sur le moyen Sénégal, il
s'exprime en ces termes : « Le terrain gras et argileux de ce
pays favorise beaucoup les travaux du jardinage. Aussi les
Français cultivent-ils avec un grand avantage plusieurs variétés
d'oranges, de citrons, de limons; la figue, la grenade, la goyave
et beaucoup d'autres fruits excellents, comme Vananas, la
papaye et le pignon, espèce de cachiment qui peut passer pour
un des meilleurs fruits des paysi chauds. Tous les légumes d'Eu-
rope y réussissent en profusion. » Il est certain que ce tableau
est très exagéré. On ne rencontre phis en ce point, l'un des plus
chauds du globe, que quelques arbres» fruitiers vivant avec peine,
et si l'oranger, la figue, la grenade et le cachiment s'y rencon-
traient réellement du temps d'ÂDANSON, ils ne devaient vivre
qu'à force de soins et y être très peu productifs. De même le
tableau fait par Adanson de « l'isle du Sénégal », aujourd'hui
Saint-Louis, est trop flatté pour être d'une exactitude rigoureuse.
« Les sables de cette isle, dit-il, sont aujourd'hui des jardins
d'un grand rapport. Indépendamment des légumes et des fruits du
pays tels que Voseille de Guinée, la hatate, Vananas, Vorange, la
goyave et quelques autres, on y cultive pendant l'hiver la plupart
des herbages et des légumes de l'Europe. Le figuier, le grenadier
et la vigne se chargent tous les ans d'excellents fruits. Avec un
peu de travail et de soins, il n'y a guère de fruits ni de graines
qu'on n'y recueillit en très grande abondance, on en retireroit
tout ce qu'on voudroit et généralement tout ce qui est nécessaire
à la vie. Enfin le terrain de l'isle du Sénégal, tout sablonneux
qu'il est, produit avec tant de facilité, que beaucoup de plantes
portent plusieurs fois Tannée. C'est ce que j'ai éprouvé par moi-
même dans un jardin que je destinois à ces expériences et chose
qui paraîtra sans doute surprenante, c'est que j'ai semé tels et
tels légumes dont j'ai fait plus de douze récoltes dans la même
année ^. »
Il est indispensable de faire la part de l'exagération dans
cette énumération, mais d'autre part, connaissant l'esprit scien-
tifique qui a présidé à la rédaction des notes d' Adanson, il n'en
1 Adanson, lac. cit., p. 48.
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8 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
reste pas moins très probable qu'il existait déjà au Sénégal, il
y a un siècle et demi, des jardins européens très prospères et les
quelques rares jardins à la française qu'on observe aujourd'hui
à Sor, près Saint-Louis, sont loin sans doute d'être aussi soigneu-
sement entretenus et aussi abondamment pourvus en légumes
et arbres fruitiers que ceux qui existaient à l'époque d'ADANSON.
Cela ne doit point nous surprendre. L'histoire de l'agriculture
tropicale nous montre que de très grands efforts suivis sont indis-
pensables,, pour maintenir prospère en un pays telle culture qui
paraissait acquise à ce pays pour une longue période d'années.
La décadence de nos Antilles est un exemple frappant de la
rapidité avec laquelle s'anéantissent, faute de soins, les plan-
tations en apparence les plus durables.
A la suite de son voyage au Sénégal, Adanson a acquis un
autre titre à la reconnaissance des coloniaux, qui l'absout, si
c'était nécessaire, du bluff auquel il s'est laissé aller.
Il est le premier savant, qui, dès le xviii** siècle, ait songé à
organiser dans nos colonies un jardin tropical, pour transporter
d'une contrée à l'autre, les végétaux les plus utiles à Thoitime
ou les plus propres à développer le commerce avec la' métropole.
M. Henri Proideveaux, secrétaire de l'Office colonial à la
Faculté des Lettres de Paris, a publié en 1900 une très intéres-
sante notice consacrée à des documents inédits sur le Sénégal
datant de 1763, retrouvés dans les archives du Ministère des
Colonies et dans les archives de la Bibliothèque nationale ^ Ces
documents ne laissent aucun doute sur le rôle éminent qu'eût
pu jouer le grand naturaliste. Dans son manuscrit, Adanson
expose entre autres choses au duc de Choiseul, ministre de la
• Guerre et de la Marine t les avantajes qu'on pourait tirer de
cete île (Corée) pour la nouvele Kolonie de Kaiene en i trans-
plantant la culture de beaucoup de plantes utiles, tant pour le
comerse que pour la subsistance des habitans, et en i faisant
passer nombre d'animaux également nécesseres » . Dans une autre
partie de son manuscrit, Adanson propose au Ministre la créa-
tion à Corée d'une pépinière pour transporter à Cayenne diverses
plantes utiles, notamment l'arbre donnant la gomme arabique,
€ une nouvele espèce d'indigo très diférant de celui d'Amé-
rique »; la vigne des Canaries, une nouvelle espèce de c tabak
en arbre de 8 à 10 pié de haut, dont la tige se coupe plusieurs
fois et vit deux à trois ans », enfin un grand nombre d'autres
plantes utiles « qu'on peut tirer du Sénégal pour Kaiene » et
dont il donne le catalogue détaillé. Plus loin encore, Adanson
1. Froidevaux (Henry). Les mémoires inédits d'Adanson, Bull, de gâogr.
historique et descriptive, N* 1, 1899, p. 76.
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HISTORIQUE DE L'AGRICULTURE. 9
développe les avantages que le gouvernement retirerait d'un
voyage qu'il propose d'accomplir au Sénégal, devenu à cette
époque colonie anglaise (à l'exception de Gorée). Grâce à ce
voyage, la colonie de la Guyane s'enrichirait de quantité de
produits agricoles nouveaux t tels que la gomme, l'indigo et
le tabac du Sénégal, la vigne des Canaries, etc., objets auxquels
un autre voyage secret ou caché de même sous le voile des
recherches d'histoire naturelle et de simple curiosité dans les
Indes, nommément aux isles de France, à Madagascar et Scé-
lan, aux isles Moluques et aux Philippines pourroit ajouter la
cannelle fine, la muscade et le giroffle, dont le commerce a resté
jusqu'icy aux Hollandois, exclusivement à toutes les autres
nations. Le thé pourroit peut-être encore prendre place dans ces
nouvelles acquisitions en poussant le voyage jusqu'à Macao en
Chine » (Fol. 29 v** du manus. original).
Avant la publication de ces fragments de manuscrits, Adanson
était déjà réputé naturaliste de gi'ande valeur, aUx vues extrême-
ment originales^ Un petit nombre d'initiés savaient aussi qu'il
avait été au Sénégal un voyageur émérite et un observateur très
fin. Les rapports à l'Académie des Sciences et sa relation con-
tiennent en effet d'excellentes observations sur la géographie
physique, sur la faune et surtout sur la flore du Sénégal et ils
présentent le même intérêt que s'ils étaient écrits d'hier.
La découverte des manuscrits où sont empruntées les cita-
tions cirdessus a prouvé qu'ADANSON fut aussi, en 'colonisation
agricole, un précurseur de grand talent. On sait qu'il ne put
effectuer les voyages qu'il proposait d'accomplir au Sénégal et
aux Indes « pour rassembler à Kaiene les richesses dispersées
çà et là dans les diverses colonies de l'Afrike et de l'Amerike »,
mais il n'est pas douteux que ses mémoires eurent sur les
hommes de son temps qui touchaient aux questions coloniales,
notamment sur le chevalier de Turgot, la plus heureuse in-
fluence. C'est très probablement à l'instigation du projet d'AoAN-
SON que furent fondés les premiers jardins botaniques tropicaux
à la Réunion et à la Martinique.
En envoyant plus tard, à travers tous les pays chauds alors
accessibles, des naturalistes et des jardiniers, pour y répandre
des cultures nouvelles et introduire au Muséum des richesses
végétales encore inconnues, le savant Bosc ne fit que mettre à
exécution le programme tracé par Adanson dès 1763.
L'Afrique tropicale ne fut, à cette époque, l'objet d'aucune
autre grande tentative française pour développer des cultures
coloniales nouvelles. La France n'y avait d'ailleurs aucune pos-
session, le Sénégal ne lui ayant été restitué qu'en 1814.
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10 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
Essais de colonisation agricole en Guinée
a la fin du XVIII' siècle
Poussés par des idées philanthropiques, ayant pour but de
remplacer la traite des esclaves par le travail librement consenti,
quelques généreux philosophes étrangers entreprirent, à la fin
du xviii* siècle, la création de colonies agricoles sur la côte
d'AfriquQ. Le plus actif de tous fut le Suédois Wadstrom. Pen-
dant un premier séjour à la Côte Occidentale d'Afrique^ en 1788,
cet ingénieur fut frappé t de la constance et de Tadresse des
nègres à filer et à préparer le coton, quoique avec les machines
les plus imparfaites. A son retour, il voulut travailler dans une
manufacture de coton à Manchester, afin de s'y instruire assez
pour être en état de montrer ensuite aux Africains les princi-
paux éléments de Tart de la filature * ». Il publia en 1794 un
Essai de Colonisation. On dit que Bonaparte, partant pour son
expédition d'Egypte, voulut avoir un exemplaire de cet ouvrage.
Wadstrom ne s'occupa pas seulement de la question du coton,
mais il rassembla un grand nombre de documents sur le travail
des indigènes, les cultures, etc.
La mort le surprit en 1799 et l'empêcha de réaliser son pro-
jet, mais les idées qu'il avait semées eurent d'heureux résultats
pour la civilisation. Après son retour d'Afrique, il s'était rendu
à Londres avec son compagnon de voyage, le naturaliste Sparr-
MAN, au moment où l'on commençait à s'occuper dans le Parle-
ment de la question relative à l'abolition de la traite, t Ils furent
mandés devant le Conseil privé et interrogés à plusieurs reprises.
Wadstrom, qui avait obtenu la permission de rester en Angle-
terre pendant cette importante discussion, produisit, à l'appui
de ses déclarations, le journal de ses opérations en Afrique. Ses
observations parurent à la fois curieuses, utiles et intéressantes,
elles furent souvent citées dans les débats du Parlement. Ses
opinions sur l'abolition de la traite et la formation des colonies
firent naître les établissements de Sierra-Leoni et de Boulema ^. »
La colonie anglaise de Sierra-Léone fut en effet, à l'origine, un
établissement agricole destiné à procurer du travail à quelques
centaines de nègres rapatriés après la guerre d'Amérique de 1783
ainsi qu'à 60 colons anglais expédiés à la côte d'Afrique en 1787.
A la tête de cette entreprise se trouvaient deux philanthropes,
JoNAS Hanway et Granville Sharp, ainsi qu'un botaniste qui
avait séjourné précédemment à Sierra-Léone, le D' Smeathman.
1. Découvertes en Afrique, 1809, t. I, p. 190.
2. Loc. cit., p. 188.
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HISTORIQUE DE L'AGRICULTURE. 11
Ce dernier fut chargé de diriger rétablissement, mais il mourut
en 1788, peu de temps après son arrivée sous les tropiques. Dès
lors l'entreprise périclita et malgré des sommes énormes obtenues
par la propagande habile de Wadstrom, les tentatives de cul-
ture destinées à établir un courant commercial avec l'Angle-
terre : culture de la canne à sucre, du café, du riz, eurent des
débuts difficiles. De 1808 à 1812, les dépenses annuelles de la
colonie étaient déjà de 1.300.000 francs environ. La c Société des
Amis », constituée par les principaux colons établis à Sierra-
Léone à cette époque, fit passer en Angleterre pendant les années
1810 et 1811 une certaine quantité de m, d'ivoire, d'huile de
palme, de coton et de café. Les exportations de ces produits
allèrent ensuite en s'accroissant d'année en année. Puis les cul-
tures vivrières indigènes, celles du sorgho, du manioc, des bana-
niers prirent de plus en plus d'extension. Il en fut de même
de l'exploitation des produits forestiers végétaux : noix de palmes
et gomme copal. C'est de ce point que rayonna peu à peu tout
le long de la côte du golfe de Guinée la mise en exploitation de
ces produits africains. Il semble très probable que c'est aussi
dans la colonie de Sierra-Léone, en même temps qu'à la côte
du Gabon, qu'a pris naissance, vers le milieu du xix* siècle, l'ex-
ploitation des lianes à caoutchouc qui constituent aujourd'hui
la principale source de richesse de l'Afrique tropicale.
A l'époque où les Anglais fondaient Sierra-Léone, les Danois
créaient d'autres établissements agricoles le long du golfe de
Guinée, dans la région où se trouve aujourd'hui notre colonie du
Dahomey. Ce fut un autre botaniste, le D' Paul Erdmann Isert
qui, de 1783 à 1786, se consacra à cette tâche. Sa première station
fut installée au fort de Christiansburg, à l'embouchure de la
Volta ; il se rendit ensuite au royaume de Dahomey, à Popo ; en
dernier lieu il se rapprocha d'Accra et établit une autre station
à Aquapim. Nous ignorons les fluctuations par lesquelles pas-
^rent ces colonies agricoles, après sa mort ; ce qui est certain,
c'est qu'elles sombrèrent. « Les colons cultivèrent avec le plus
grand soin, dit-on i, le mais, le mil et le coton; et le gouverne-
ment danois y envoya un fermier intelligent pour y introduire
l'usage de la charrue. »
II n'est pas douteux qu'aucun produit agricole n'en ait jamais
été exporté et que la traite des esclaves ait constitué la principale
ressource du commerce.
C'est aussi à ces établissements danois et vers la même époque
que séjourna pendant trois années le botaniste Thonning,
1. Découvertes en Afrioue. t. I, p. 196.
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12 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
conseiller d'Etat en Danemark. Thonning rapporta de ces con-
trées un herbier et des notes qui ont permis à Schumacher de
publier en 1827 une importante Flore de la Guinée,
C'est encore dans ces mômes contrées que se rendit le natu-
raliste français Palisot de Beauvois, de 1786 à 1788, accom-
pagnant le capitaine Landolphe qui allait faire des opérations
de traite sur la côte des royaumes d'Oware et de Bénin. Il y fit
surtout de la botanique, recueillant les éléments de sa belle
Flore d'Oware et de Bénin. On lui doit cependant les premiers
renseignements précis sur la noix de Cola et sur le commerce
indigène auquel elle donne lieu.
Résultats néfastes de la traite des esclaves
Pendant les deux siècles, durant lesquels le Sénégal est
exploité par de grandes compagnies à monopole, il ne semble
pas qu'une seule entreprise agricole sérieuse ait été tentée par
ces compagnies. La traite des esclaves, de l'or, de l'ivoire et de
la gomme suffisait à alimenter leur commerce. Par suite d'une
choquante aberration, l'Afrique se vidait peu à peu de sa main-
d'œuvre et malgré le déchet énorme qui survenait pendant le
transport des captifs d'un continent à l'autre, l'Amérique déve-
loppait ses productions agricoles à l'aide des travailleurs nègres
enlevés ainsi à l'Afrique. Au xviii* siècle, grâce à cette main-
d'œuvre, l'exploitation de la canne à sucre, des épiées et des
graines est en pleine prospérité dans l'Amérique du Sud et les
Antilles. De même, dans les plantations des contrées les plus
méridionales de l'Amérique du Nord, la culture du coton prend
naissance dès cette même époque et est pratiquée aussi presque
exclusivement par des nègres.
En un mot, les grandes cultures qui font encore aujourd'hui
la richesse de l'Amérique (coton, caféier, canne à sucre), ont
pris naissance sur le Nouveau-Monde à l'aide de la main-d'œuvre
africaine. Elles y subsistent encore de nos jours, grâce à cette
main-d'œuvre importée. Si l'Afrique avait conservé tous ces tra-
vailleurs et les avait employés sur place à ces mêmes cultures
qui ont fieuri en Amérique, l'Afrique Noire serait aujourd'hui la
plus prospère de toutes les contrées tropicales du globe.
Tentative de colonisation agricole au Sénégal,
au commencement du XIX^" siècle
Ces pensées généreuses furent proclamées dans notre pays
au lendemain de la Révolution française et après la chute de
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HISTORIQUE DE L'AGRICULTURE. 13
TEmpire. Ce ne furent pas toutefois exclusivement des considé-
rations humanitaires, qui poussèrent le gouvernement de la Res-
tauration à tenter de faire produire au Sénégal les diverses den-
rées coloniales que nous avaient fournies les Indes orientales et
occidentales.
La France avait vu sombrer après la guerre de Sept-Ans son
premier grand empire colonial ; son trafic en produits exotiques
était presque mort. Elle espérait que par l'agriculture, on arri-
verait à produire dans la seule colonie un peu étendue qui nous
restait, c'est-à-dire au Sénégal, toutes les denrées coloniales dont
nous avions besoin, denrées que nous allions précédemment
chercher dans les contrées tropicales les plus diverses. On eut le
tort de croire — et Adanson aussi l'avait cru, 40 ans plus tôt, —
que toutes les cultures tropicales peuvent réussir dans n'importe
quel pays tropical sans qu'il soit nécessaire de tenir compte des
différences climatériques parfois très grandes. Ce fut une erreur
capitale, très dispendieuse, mais ce fut une erreur utile.
Elle permit en effet d'arriver à une appréciation plus saine des
conditions du travail en Afrique occidentale. Cet échec était non
seulement la condamnation à tout jamais de la culture de cer-
taines plantes dont la plantation au Sénégal n'a plus été tentée
par la suite ; c'était aussi la condamnation d'un système de cul-
ture qui nécessitait l'emploi d'une main-d'œuvre esclave ou
presque identique à l'esclavage. Cet échec laissait au contraire
le champ libre à la production agricole par le travail indigène
librement consenti. Ce fut l'avènement de la culture en grand
des arachides î
Mais les essais qui furent faits sont trop féconds en ensei-
gnements pour que nous ne les examinions pas en détail.
La période des plantations sénégalaises dont nous voulons
parler commença en 1816. Elle dura 15 années environ, et ce
court laps de temps suffit pour engloutir des capitaux assez consi-
dérables.
La première région envisagée pour l'établissement de grandes
plantations fut la presqu'île du Cap-Vert, à proximité de la ville
de Dakar qui n'existait pas encore.
Une Société coloniale philanthropique de la Sénégambie
s'était constituée en vue de mettre cette région en plantations.
Elle comptait dans sa commission d'administration les plus hautes
personnalités de l'époque : Bosc, Sévigny, de Nozarieux,
DE .Brichambeau, Scellier, Landolphe, Servois, de Nodier.
Elle se proposait, entre autres choses, de cultiver des fruits tropi-
ceux pour en faire l'importation en France. On voit que l'idée
d'importer en Europe des fruits frais de la côte occidentale
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14 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
d'Afrique ne date pas d'hier. Nous avons sous les yeux un volu-
mineux mémoire rédigé par Bpsc et Sévigny i, afin de présenter
au Conseil d'État les doléances de la Société, le gouvernement
ayant refusé, en 1816, de lui prêter Taide qui avait été promise. Ce
curieux factum est plein d'utopies, d'appréciations erronées sur
les possibilités agricoles du pays. Voici d'abord la liste des
plantes que cultivera la société et dont les fruits, dit le mémoire,
enrichiront la colonie : Bananier, goyavier, papayer, carambo-
lier, jacquier, litchi, longanne, bibassier, citronnier, corosolier,
cocotier, cacaoyer, avocatier, sapotillier, cayémetier, frangipa-
nier, mangoustan, vanille!
Les auteurs ajoutent qu'il ne leur semble pas possible que
la culture de la canne à sucre puisse réussir, mais t le pays est
très certainement convenable à la culture du café, du coton,
de l'indigo, de la cannelle, de la muscade, du girofle, du poivre
et des autres épices ».
Ils pensaient que la culture du gommier « qui réussit dans
les plus mauvais terrains enrichirait le commerce et donnerait
les meilleurs résultats tant pour la qualité que pour la quantité
et la régularité des produits b.
Nous ignorons la suite qui fut donnée à cette requête, mais
si jamais la culture de plantes équatoriales telles que le café,
la vanille, le cacaoyer, la cannelle, la muscade, le girofle, etc.,
fut tentée, au Cap-Vert, elle dut conduire à de rudes désillusions !
Mais ce fut principalement dans le Ouallo et toute la région
du Bas-Sénégal que le Gouvernement local et une quinzaine de
sociétés plus ou moins importantes portèrent leurs entreprises.
Aucun efîort ne fut épargné pour arriver au but que Ion se pro-
posait d'atteindre.
Dès 1816, le Gouvernement avait fondé le Jardin royal de
Richard-Toll qui devait être, à cette époque, une sorte de plan-
tation modèle destinée à fournir des renseignements aux colons
et à leur procurer des graines et des jeunes plantes pour la mul-
tiplication. € Il est créé, dit une ordonnance du Ministre de
la Maison du roi, en vue d'encourager les cultures et non dans
un intérêt privé. »
Le 8 mai 1819, un traité, passé avec le roi et les prin-
cipaux chefs du Oualo moyennant des coutumes annuelles,
avait cédé à la France en toute propriété les îles et terres
du Oualo que l'on voulait cultiver. Pour protéger cette région,
on installe en 1820 et 1821 les forts de Richard-Toll et de Dagana
dans le Oualo, sur la rive gauche du Sénégal.
1. Bosc et SÉVIGNY, Mémoire au Conseil (VËtnt ponr la Société coloniale
philanthropique de la Sénégambie, Paris^ in-S", 64 p. 1817.
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HISTORIQUE DE L'AGRICULTURE. 15
Des praticiens de très grand mérite : Claude Richard^
(1816-1820), Perrottet (1820-1826), Heudelot (1824-1828), occu-
pèrent successivement la direction de cet établissement avec le
titre de botanistes-jardiniers du Gouvernement. Plusieurs socié-
tés envoyèrent aussi dans leurs concessions des planteurs expé-
rimentés. La colonie leur délivra gratuitement des instruments
aratoires, et pour la commodité de protection des plantations,
la banlieue de Saint-Louis fut divisée en quatre cantons agri-
coles : ceux de Dagona, Richard-Toll, Paf et Lampsar. Le gouver-
nement recommanda spécialement la culture du coton et de Tin-
digo, mais les instructions ajoutent t qu'on cultivera aussi en
grand le café, la canne à sucre et les autres végétaux précieux
des deux Indes ».
Enfin le Gouvernement du Sénégal ne se contenta psis de dis-
tribuer aux planteurs des conseils et des graines.
Le 16 mai 1822, le baron Roger, au nom du roi, accorde des
primes pour les plantations de cotonniers et d'indigo, et quatre
années plus tard, la culture du caféier, du ricin, du rocou et de
1. Nous devons à M. Th. Fleury, ingénieur de l'importante huilerie de
MM. Maurel frères, à Bacadan, près Bordeaux, et petit-neveu de Claude
Richard, commimication de la photographie (datant de 1865) reproduite
en tète de cet ouvrage. C'est aussi à Tobligeance de M. Fleury que nous
devons les précieux renseignements bibliographiques suivants.
« Claude Richard était né à Dampierre (Doubs) en 1783. Sous la Révo-
lution. U p^dit sa famiUe et ses biens et dut, tout jeune, se réfugier en
Suisse où 11 fut élevé par un pasteur protestant qui lui enseigna le latin
et la botanique. Il passa une partie de sa jeunesse à Genève, puis dans
le Valîds.
C'est à Genève qu'il connut la famille De Candolle. Il conserva avec
Pyramus de Candolle, puis avec son fils Alphonse de Candolle, des
relations suivies jusqu'à sa mort.
De Suisse, Claude Richard passa en Italie. Napoléon I* le chargea de
l'organisation des jardins du Corso, à Rome, puis plus tard de celle des
jardins de Fontainebleau. Il le fit chevalier de la Légion d'honneur en 1808,
à rage de vingt-cinq ans.
En 1816, Claude Richard fut envoyé en mission au Sénégal par le
Gouvernement. Il partit en qualité d'agriculteur-botaniste^ pour faire des
essais de culture sur les bords de la Taouey et pour étudier la flore du
Sénégal. Son herbier fut adressé, je crois, à de Candolle et à Gay. Son
ami Perrottet, qui vint au Sénégal en 1824. c'est-à-dire quatre ans après
son départ de la Colonie, profita d'une partie de ses collections.
Perrottet qui devint par la suite directeur du Jardin botanique de
Pondichéry, resta en relations avec Richard jusqu'à sa mort.
Claude Richard rentra en France en 1821. mais îl y resta peu de temps,
le Gouvernement l'envoya en Guyane où il séjourna quelques années.
C'est de là qu'il fit des recherches sur les palmiers, recherches qui
aboutirent à un remarquable travail, récompensé plus tard par la Société
scientifique de Calcutta qui lui décerna sa grande médaille d'or.
« Autant que je puis me le rappeler, dit M. Fleury, mon oncle Claude
fit ce travail sur les palmiers, en collaboration avec son cousin Achille
Richard, le naturaliste, professeur à l'Ecole de médecine de Paris.
« En 1829, Claude Richard est envoyé à Saint-Denis (Réunion) en qualité
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16 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
la cochenille bénéficient aussi d'encouragements analogues. Les
droits de sortie grevant ces produits sont en outre réduits au
minimum.
Dès 1825, on recensait sur les établissements particuliers
3.449.000 pieds de cotonniers, ce qui au Sénégal ne représente
d'ailleurs qu'une production annuelle de 50 à 70 tonnes de coton
égrené. La quantité exportée n'atteignit d'ailleurs que 14 tonnes
cette même année et ce chiffre alla ensuite en décroissant. L'ad-
ministration s'aperçut bientôt que les colons, en vue de toucher
une prime plus élevée, pratiquaient une fraude éhontée.
Faidherbe, qui a fait dépouiller les archives de l'époque, rap-
porte € qu'on fichait en terre pendant la nuit qui précédait les inspec-
tions, des branches de cotonniers que les trop confiants inspec-
teurs comptaient pour des arbustes vivants ». C'était donc la
prime ou même la fraude qui faisait vivre le colon et non le
rendement de la plantation. Du reste, un pied de cotonnier ne
produisant en moyenne (au Sénégal) que 20 grammes de soie
nette, le kilog. de coton était payé en prime plus de 2 francs au
producteur qui recevait 10.000 francs pour une plantation de
200.000 cotonniers.
Des primes furent aussi accordées « pour encourager la cul-
de directeur du Jardin botanique, qu'on appelait encore jusque dans ces
derniers temps» Jardin du Roi. Pendant les trente-six années passées dans
ce jardin, il introduisit dans la Colonie 3 000 espèces de plantes, la plupart
très utUes.
« Ses travaux sur les Orchidées, les Cryptogames et les Fougères, faits
avec la coUaboration de son gendre, le docteur Bernier, ont été très
remarqués.
« Je ne me rappelle plus à quelle époque il fut envoyé à Madagascar
pour étudier la flore de la Grande He. Il y resta deux ans et en revint
avec une riche collection.
« Bernier l'avait précédé en 1834, mais la mission de ce dernier était
politique autant que scientifique. J'ai donné la relation de son voyage dans
le Bxilletin de la Société de Géographie de Bordeaux en 1886.
« Bernier et Richard ont rendu aux montagnes de la Réunion la végé-
tation qu'elles avaient perdue, en y acclimatant une espèce de Mimosée
originaire d'Australie dont la croissance est fort rapide, V Acacia dealbata
qu'on appelle à la Réunion : Acacia Bernier.
« Mon oncle avait à Saint-Denis un riche herbier. C'est en recherchant à
Madagascar pendant les douze voyages» que j'ai faits sur la côte Est, les
plantes qui avaient disparu de son herbier que j*ai étudié, en amateur, la
botanique de la greuide île.
« Claude Richard mourut à Saint-Denis (Réunion) en mars 1869, à l'âge
de 87 ans.
« Je ne pos.sède de mon oncle qu'une photographie prise en 1865, il avait
alors 82 ans. C'est la seule que Ton ait de lui. >
Nous avons cru devoir tirer de l'oubli la mémoire du modeste pionnier
de l'agriculture africaine que fut Claude Richard, n a été le fondateur du
plus ancien Jardin d'essai de nos colonies d'Afrique et son nom a été
conservé pa^r les indigènes qui ont nommé Richard Toll (viUage de Richard)
la station qu'il avait créée.
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HISTORIQUE DE L AGRICULTURE. 17
ture directe du cotonnier par les nègres du Oualo et des pays
voisins. L'agent spécial de la colonisation, dit la proclamation,
aura mission de promettre aux indigènes que leur coton leur
sera payé à un prix qui ne sera pas moindre de 30 centimes par
kilogramme brut ».
Après quatre années d'essais, le gouvernement modifia les condi-
tions dans lesquelles il accordait les primes ; elles furent retirées
à la culture et réservées à l'exportation, mais la production
n'augmenta pas, la culture du cotonnier dut bientôt être aban-
donnée et considérée comme impraticable i. Toutes les sociétés
sombrèrent ou se transformèrent en compagnies commerciales.
L'une des plus importantes, qui avait pris en 1824 le nom de
Compagnie commerciale et agricole du Galam et du Oualo, se fit
concéder le droit d'exploiter le commerce de la Haute-Séné-
gambie. Les compagnies firent successivement renouveler leurs
monopoles jusqu'en 1848, puis on ne trouve plus trace de leur
existence. Est-il besoin d'ajouter qu'aucune de ces sociétés ne
semble jamais avoir envisagé sérieusement la possibilité de faire
porter ses opérations exclusivement sur l'agriculture? De l'aveu
d'hommes consciencieux et indépendants de l'époque, les grande^
sociétés n'eurent en définitive en vue que de pratiquer l'antique
traite sénégalaise sous une forme plus ou moins déguisée.
Aussi devons-nous n'accepter que sous réserve les explications
des échecs qui furent alors données et qui amenèrent le gouver-
neur Brou à déclarer en quelque sorte officiellement « qu'il
n'est plus permis de douter que l'insuccès des cultures au Sénégal
(là où elles ont été tentées) tient à des obstacles surhumains,
qu'il faut bien enfin le reconnaître pour couper court à des
dépenses que le Gouvernement répète chaque année sans avan-
tage pour la France, comme sans fruit pour le commerce et sans
résultat pour le progrès de la civilisation en Afrique ».
Nous pouvons trouver facilement les véritables motifs de ces
échecs.
Les essais agricoles de la période 1820-1830 portèrent sur la
plupart des plantes tropicales de grande culture. Une première
catégorie de ces cultures comprenait le caféier, la ca7me à sucre,
la vanille, la cannelle. Sous le climat sec du Sénégal, il était,
impossible de faire produire ces plantes et même de les conserver
vivantes quelque temps. Ce qui est si évident aujourd'hui ne
l'était pas il y a un siècle, et Perrottet lui-même semble avoir
ignoré que presque toutes les plantes tropicales n'arrivaient à
vivre normalement, et par suite, à donner des rendements rému-
1. Faidhebbe, Le Sénégal, 1889. p. 100-103.
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18 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQLE.
nérateurs que dans des conditions climatériques qui étaient
propres à chaque espèce.
Perrottet et ses émules crurent qu'aucune culture de la
région tropicale ne pouvait réussir au Sénégal. La culture de
Varachide, comme l'on sait, devait bientôt leur donner tort. Ils
commirent une erreur opposée à celle qu'avait faite le célèbre
Adanson quand il avait cru qu'il suffirait de transporter tous les
végétaux utiles du Sénégal à la Guyane pour les y acclimater.
Perrottet n'en est pas moins le premier naturaliste qui ait
signalé, avec raison, les conditions climatériques du Sénégal
comme très défavorables à un grand nombre de cultures.
€ On a avancé, dit-il, qu'aucune entreprise n'avait été faite
pour acclimater au Sénégal la canne à sucre, le caféier, le
cacao, etc. Il n'existe pas un seul habitant de Saint-Louis, même
parmi les nègres, qui ne puisse affirmer le contraire. Des cannes
à sucre venues du pays de Oualo ont été vendues à Saint-Louis
et le marché de cette capitale en a été abondamment pourvu pen-
dant plusieurs jours consécutifs, et, pour ce qui nous est person-
nel, nous avons utilisé de nos mains, sur l'établissement que
nous dirigions, un arpent environ de canne à sucre, un arpent
de caféier et trois arpents de rocouyer. Ce genre de cultures n'a
été abandonné que parce que les soins trop multipliés
qu'exigeaient ces plantes, ne nous laissaient entrevoir aucun
résultat avantageux ni même l'espoir de voir prospérer ces
plantations.
€ La canne à sucre, à l'aide de nombreuses irrigations qui
lui étaient prodiguées parvenait à un développement assez
notable, mais par la raison même qu'elle n'avait pu prospérer
que par la présence d'une grande quantité d'eau, le suc qu'elle
contenait était à peine sucré et par conséquent peu propre à don-
ner un produit satisfaisant.
Le caféier lui-même, malgré les arrosements continuels
auxquels il était soumis, pouvait à peine soutenir son existence
au milieu de l'atmosphère embrasée dans laquelle il se trouvait
plongé. € Les plantations, plusieurs fois renouvelées dans le jardin
de Richard-ToU, n'ont eu de succès, quant à la conservation des
individus, que lorsqu'elles ont été pour ainsi dire couvertes
de grands végétaux et placées sous un grand courant d'eau
continuel.
€ Le produit de cet arbrisseau, comme celui de la ca7îne à
sucre obtenu à l'aide de ces moyens factices, n'était jamais que
de mauvaise qualité ; à peine quelques-unes de ces semences
pouvaient-elles acquérir la faculté de se reproduire.
€ Dans tous les cas, des moyens aussi dispendieux ne pouvaient
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HISTORIQUE DE L AGRICULTURE. 19
être pratiqués en grand, à moins de pouvoir sacrifier en pure
perte des sommes énormes; c^est tout au plus s'il pourrait être
mis en usage dans un jardin de quelque étendue *. »
Plus loin, Perrottet donne le tableau des végétaux sur les-
quels ont porté ses essais. On voit figurer dans sa liste :
Le mûrier miUticaule pour Télevage des vers à soie ;
Trois espèces ou variétés de nopal (Cactus) pour l'élevage de
deux sortes de cochenilles ;
Quatre espèces ou variétés de cotonniers, dont deux sortes
d'Amérique ;
Trois espèces dUndigotiers ;
Le caféier d'Arabie ;
Le poivre noir de Cayenne ;
Le canellier de Geylan ;
Le giroflier ;
Le tabac commun (Nicotiana Tabacum) ;
La canne à sucre violette de Tahiti ;
Le Bixa Orellana (rocou).
€ La culture de toutes ces plantes, ajoute le même auteur,
a été essayée plus ou moins en grand, sur plusieurs établisse-
ments et notamment sur celui de Richard-Toll appartenant au
Gouvernement. Il est vrai que quelques-unes d'entre elles se sont
détruites peu de temps après leur introduction dans la colonie ;
les autres ont plus ou moins prospéré ; mais toutes, nous le
répétons, ont toujours été l'objet de soins minutieux, sans donner
aucun résultat notable ; abandonnées à elles-mêmes, elles péris-
saient infailliblement au bout d'un certain temps.
€ Nous faisons remarquer ici que, dans l'énumération qui pré-
cède, nous n'avons point compris ceux des végétaux d'un intérêt
moins général et cultivés seulement pour leurs fruits, l'ornement
des jardins, l'entourage des plantations, etc., dont plusieurs avaient
atteint à l'aide d'irrigation un développement très satisfaisant,
et dont la réunion en groupes offrait un abri précieux aux plantes
cultivées dans leur voisinage 2. «
Ainsi de 1820 à 1830, des cultures en grand, sous abri et à
l'aide d'irrigation, furent faites au Sénégal. Que l'on soit arrivé
à des échecs malgré ces précautions, pour la culture du caféier,
de la canelle, du poivrier et du giroflier, cela n'a rien de sur-
prenant, mais que la culture des cotonniers, des indigotiers, du
1. Perrottet (ex-directeur de Thabitation dite Sénégalaisa naturaliste,
voyageur de la marine et des colonies), Observations sur les essais de
culture tentés au Sénégal et sur Vinfluence du climat par rapport à la vôgé-
tatUm, précédé d'un examen général sur le pays, Paris, 1831, p. 373.
2. Perrottet, loc. cit., p. 375.
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20 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
nopal et du tabac n'ait pu réussir même avec de Tirrigation, cela
est plus étrange.
Nous croyons Perrottet de bonne foi lorsqu'il déclare que
les plus grands efforts furent dépensés pour faire réussir ces
entreprises et que t les dernières tentatives de colonisation, aussi
bien exécutées que méthodiquement suivies, ont prouvé au Gou-
vernement d'une manière incontestable que le Sénégal n'est sus-
ceptible de devenir en aucun temps une colonie agricole ».
Mais dans plusieurs paragraphes de son travail, il nous révèle
des causes indépendantes du climat qui auraient suffi à elles
seules à faire échouer les entreprises. Les terres du Oualo choi-
sies pour faire les plantations étaient les plus pauvres de toute
la Sénégambie en terres cultivables, t Les 4/5 des terres qui bor-
dent le fleuve sont salées ou ne reçoivent point son débordement. »
Par suite de l'irrigation, des terres jusque-là cultivables devin-
rent d'une stérilité désespérante. M. Henri Legomte nous a
appris qu'un phénomène semblable s'était produit dans cer-
taines parties de la Basse-Egypte et qu'il était nécessaire d'em-
ployer l'irrigation avec beaucoup de discernement au voisinage
des terrains salés.
Enfin des causes politiques entravèrent aussi les colons. En
plusieurs endroits les indigènes se réclamèrent propriétaires des
meilleures terres. On dut payer plusieurs fois la valeur de ces
terres, ce qui n'empêcha pas des conflits fréquents de naître entre
les planteurs blancs et les indigènes.
En résumé, Perrottet nous paraît être beaucoup plus près
de la vérité, lorsqu'au lieu d'accuser exclusivement le climat, il
envisage ainsi les causes de la non-réussite : « Les colons avaient
contre eux la stérilité du sol, les inconvénients du climat, un
plan de colonisation dont les baises vicieuses se seraient opposées,
quand bien même le pays eût été fertile, à ce qu'ils obtinssent des
résultats avantageux, les tracasseries et les friponneries des
nègres, enfin des chefs qui ne leur accordaient pas la protection
nécessaire au succès de toute grande entreprise ^ »
M. Maine, ancien inspecteur en chef des douanes du Sénégal,
dans une très intéressante étude sur l'histoire du commerce de
cette colonie, a donné encore comme principale cause de Tinsuc-
cès, l'hostilité sourde des négriers d'exportation, dont le trafic
coupable, pour être devenu clandestin, n'en était pas moins actif :
€ La culture rendant les bras nécessaires dans le pays même
et tendawi à, fixer le noir à la terre, augmentait sa valeur d'achat
et rognait (fautant les bénéfices de l'intéressante corporation.
l. Perrottet, loc. cit , p. 367.
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HISTORIQUE DE L'AGRICULTURE. 21
€ La culture fut donc vaincue, non par des obstacles surhu-
mains, mais par l'insécurité du temps, un peu aussi par la légè-
reté de certains agents de colonisation, et surtout par de mysté-
rieux incendies, venus on ne savait d'où (?) qui ravageaient les
plantations au moment de la récolte. Le planteur comprenait et
n'y revenait pas ruiné *. »
Il faut bien avouer aussi que tous les planteurs étaient pro-
fondément ignorants en agriculture. Ils manquaient de la foi
scientifique et de l'enthousiasme nécessaires à la réussite de toute
œuvre coloniale nouvelle. Quatre établissements seulement, d'après
Perrottet, peuvent être cités comme ayant fait de véritables essais
de culture, t Les autres manquaient à la fois et de moyens d'exé-
cution et d'hommes capables de les diriger avec quelque succès. »
Et puis, il y eut des hommes coupables d'indifférence dont
le rôle eût été d'éclairer le gouvernement de la métropole et les
planteurs et qui firent preuve du plus blâmable laisser-aller au
moment de cette poussée vers les entreprises agricoles.
Nous avons cherché à faire la lumière la plus complète sur
cette question en nous adressant à toutes les sources d'informa-
tion qu'il nous a été possible de trouver.
Dans les Archives du Muséum que nous avons pu consulter,
grâce à l'obligeance de M. le D' Hamy, nous avons trouvé, entre
autres documents, le suivant que nous croyons intéressant de
publier.
C'est une lettre d'un jeune naturaliste, Sauvigny, adressée
au botaniste Desfontaines alors professeur au Muséum.
Saint-Louis, 6 juin 1821.
...Le Ministèi*e de la Marine avait demandé un agriculteur-bota-
niste, j'ai été désigné pour remplir cette place, mais il n'y a réelle-
ment rien à faire. M. le Gouverneur m'a déclaré qu'il n'avait rien à
ordonner, qu'il n'avait .aucune instruction à mon égard et que je
ferais ce que bon me semblerait (sic).
Après avoir visité la rivière dans tout l'espace compris* (40 lieues)
entre Saint-Louis et Dagana, poste français et principal point des éta-
blissements de culture projetés, je me suis trouvé libre de tous soins,
en sorte que je me suis uniquement occupé de faire des collections.
J'ai vu dans ma course à Dagana ce qu'on veut bien appeler
Habitation royale. On y a commencé la culture du cotonnier et déjà
les jeunes plants avaient un demi-mètre de hauteur (après 8 mois de
plantation), lorsque les eaux de la haute saison de 1820 se répandirent
avec force et entraînèrent tout ce qui se rencontra.
J'ai vu les nouvelles plantations que l'on a recommencées dans le
1. Exposition de 1900. Le Sénégal, p. 296. Paris. 1900.
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22 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
même terrain ; leur réussite est tellement médiocre qu'elle ne donne
aucun espoir assez satisfaisant (sic).
Beaucoup de gens ont vanté la culture du coton, sans parler de
la difficulté de se procurer des bras, sans parler des travaux de des-
sèchement qui sont considérables, mais ce qu'il y a de certain (sic)
c'est que plusieurs avaient pris des concessions, mais aucun d'eux
n'a jugé à propos d'entreprendre le moindre travail. L'ancien gou-
verneur lui-même, M. Schmoltz, n'a rien fait, bien que ce soit lui qui
ait déterminé le gouvernement à cette entreprise. On pourrait à ce
sujet dévoiler un long système de charlatanisme que n'aurait pas
dédaigné un marchant d'orviétan (sic). Je laisserai cela jusqu'au
moment où j'aurai l'honneur d'être auprès de vous ; en attendant,
je m'occupe de recueillir des collections.
Devant des affirmations semblables on s'explique comment
des cultures commes celles du cotonmer, de Vindigotier, du tabac
et du nopal à cochenille, qui par Virrigation auraient pu être
rémunératrices à cette époque éloignée, échouèrent piteusement.
Ce qui arrêta ces dernières cultures, ce ne fut pas le climat
« impropre à toute végétation », comme l'a écrit inexactement
Perrottet, ce fut avant tout l'ignorance, parfois rindifférence,
et partout le manque de méthode dans les entreprises.
Les débuts de TArachide au Sénégal
Des échecs répétés pendant dix années découragèrent une
administration peu enthousiaste et le 8 décembre 1829, le gou-
verneur Brou, devant l'insuccès des cultures, supprima tous les
encouragements accordés jusque-là par la métropole.
Pendant des années, le commerce vécut presque exclusive-
ment de la gomme, car l'exportation des nègres avait disparu ;
s'il s'en exportait encore, c'était clandestinement.
\J arachide, qui est devenue le produit d'exportation par excel-
lence du Sénégal n'avait pas encore fait son apparition sur les
marchés d'Europe. Elle ne figure pas sur les statistiques offi-
cielles d'exportation, à moins — ce qui est très probable — qu'elle
ne soit coniprise dans les graines oléagineuses diverses qui,
dès 1820, étaient apportées dans les escales du Sénégal et de toute
la côte du golfe de Guinée. Elle était cultivée depuis longtemps
en Afrique tropicale. Les Portugais l'avaient probablement
apportée du Brésil dès le xv* siècle ; à la fin du xvii* siècle, Brue
constatait déjà l'abondance de la pistache de terre, ainsi que
l'appellent les anciens auteurs dans les régions sablonneuses du
Sénégal. Plus tard, Adanson mentionnait aussi en 1757 son exis-
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HISTORIQUE DE L'AGRICULTURE. 23
tence dans les cultu]|:es indigènes. Mais près d'un siècle devait
s'écouler encore avant qu'on songeât à la cultiver sur de grandes
étendues en vue du commerce. Il a fallu des conditions écono-
miques toutes particulières pour que la culture de cette plante
se répande. Il a* fallu la suppression de la traite des esclaves,
entraînant d'^ine part l'augmentation des besoins d'une popu-
lation venant subitement à s'accroître et d'autre part la
nécessité pour le commerçant de trouver un nouvel objet de
traite remplaçant la traite humaine. Et en effet nous voyons
l'arachide commeocer à prendre de l'importance commerciale
vers 1850, quelques années après la suppression officielle de l'es-
clavage. On sait que c'est le 4 mars 1848 que parut le décret
déclarant que nulle terre française ne pouvait porter d'esclaves
et qu'une commission présidée par Schœlcher fut chargée d'en
étudier l'application.
Suivant une tradition qui nous a été rapportée au cours de
nos voyages, c'est un notable commerçant de la côte d'Afrique,
M. HiLAiRE Maûrel, qui aurait principalement aidé à vulgariser
cette culture au Sénégal. A des chefs indigènes qui offraient de
lui vendre des esclaves, il conseilla d'employer ces esclaves à la
culture des arachides dont il achèterait les récoltes. Son conseil
fut suivi et en quelques années les arachides affluèrent aux comp-
toirs de sa maison. Hilaire Maurel prit aussi l'intiative de
faire fabriquer en Europe et de vulgariser l'instrument agricole
aujourd'hui connu dans toute la Sénégambie sous le nom d'Ai-
laire et qui sert aux nègres à préparer les terres pour la culture
des arachides. Il remplaçait un instrument analogue mais beau-
coup plus grossier, fabriqué jusqu'alors à grand'peine par les
forgerons indigènes.
Suivant une autre tradition, les premiers sacs d'arachides
auraient été expédiés vers 1840 à Marseille par Granges de Saint-
Louis, et Rousseau, de Ruflsque. Enfin Semler rapporte que
dès 1837, on exportait déjà de la Gambie 670 tonnes d'arachides
par an.
Quoi qu'il en soit, c'est vers 1850 que la culture de cette graine
oléagineuse se mit à prendre une grande extension au moment
où notre autorité commençait à s'étendre dans la Sénégambie,
ce qui permit aux indigènes de trouver plus de sécurité autour
de nos postes et les incita à produire davantage.
Il est intéressant de remarquer que c'est précisément à la
môme époque que se développe dans d'autres parties de l'Afrique
l'exploitation des produits de cueillette jusqu'alors inutilisés ou
tout au moins très délaissés : nous voulons parler du caoutchouc
et de V huile de palme.
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24 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
L* Agriculture au Sénégal sou8 Faidherbe
A l'arrivée du commandant Faidherbe, nommé gouverneur
du Sénégal en 1854, la vieille colonie française de TOuest africain
sortit de l'engourdissement où elle était tombée pendant tout le
règne de Louis-Philippe. Faidherbe consacra dix années à l'or-
ganisation de nos possessions. Cet homme d'Etat remarquable,
au large esprit ouvert à toutes les initiatives, ne devait pas rester
indifférent aux problèmes agricoles que ses prédécesseurs n'avaient
point pu résoudre. Tous les efforts de son administration ten-
dirent à étendre la prospérité commerciale du Sénégal en déve-
loppant la production agricole et forestière de cette colonie.
Dès son arrivée au Sénégal, il demanda à la métropole l'envoi
d'un chef de cultures pour reprendre les anciennes tentatives.
EuG. Simon, ancien élève de l'Institut agronomique de Versailles,
fut désigné pour ces fonctions. En 1856-67 il rétablit le jardin
d'essai de Richard-Toll; abandonné depuis près de 30 ans. Le pro-
fesseur Decaisne, du Muséum, fut consulté et fit l'envoi d'une
serre de plantes vivantes les plus utiles à introduire. Simon a
publié la liste fort intéressante de cet envoi. Enfin six autres
serres de végétaux utiles furent expédiées d'Alger à la demande
de Faidherbe. Nous pensons que c'est de cette époque que date
l'introduction au Sénégal du fllào (Casuarina equisetifolia) et
d'une espèce d'Eucalyptus, arbres qui jouent aujourd'hui un
rôle très intéressant au Sénégal, dans les plantations d'avenues
et dans le reboisement. Des plantations de cocotiers furent commen-
cées à Guet-N'dar. Faidherbe voulait répandre cet utile palmier
dans tout l'estuaire du Sénégal.
L'introduction et la propagation des arbres fruitiers fut l'un
des principaux buts poursuivis. A cette époque, les bananiers,
orangers, goyaviers, manguiers, étaient encore très rares dans la
colonie. Ils furent multipliés et répartis ensuite dans tous les
postes du littoral et dans l'intérieur jusqu'au fort de Médine qui
venait d'être réoccupé. Pour faire ces multiplications, le jardin
de Richard-Toll fut étendu le long de la Taouey et les magnifiques
avenues de bambous qu'on y observe encore aujourd'hui furent
plantées pour protéger les cultures contre le vent d'Est.
Faidherbe est encore le premier gouverneur qui ait songé
à utiliser la main-d'œuvre militaire dans les essais agricoles.
« On pourra, est-il dit dans des instructions de l'époque, employer
aux travaux de la pépinière, ceux des soldats blancs qui, avant
leur service, auront eu des occupations les rendant aptes aux
travaux horticoles. » Cette mesure eut d'heureux résultats.
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HISTORIQUE DE L'AGRICULTURE. 25
L*usage s'est conservé dans la plupart des postes militaires de
TAfrique occidentale, du Tchad et du Congo de détacher à l'en-
tretien des jardins, les sous-offlciers blancs ou les tirailleurs noirs
qui montrent le plus d'aptitudes à la culture. Ils consacrent à ce
travail utile un temps qui, sans ces occupations, serait le plus
souvent gaspillé. Au cours de nos missions, nous avons souvent
constaté les importants résultats culturaux obtenus par divers
jardins militaires de nos colonies. Un jour, nous reviendrons plus
longuement sur cette question.
Après Simon, ce fut le jardinier-botaniste Th. Légard qui
reprit les essais de Richard-Toll. La guerre de Sécession venait
d'éclater et devant renchérissement du coton, on songea à
reprendre la culture de ce textile dans presque toute TAfrique.
Plus de 10 millions de francs furent dépensés à cette époque en
pure perte en Algérie, pour y développer la culture du cotonnier.
Les tentatives faites au Sénégal furent beaucoup plus modestes
mais elles n'en eurent pas moins un certain retentissement.
Les essais officiels de culture du cotonnier furent faits à Ri-
chard-Toll dès 1862, sur des variétés dites du pays et sur des
variétés importées. Avec les cotonniers d'Amérique, Légard
obtint par l'irrigation des résultats encourageants, qui ont été
cités tant de fois dans ces dernières années*, qu'il est inutile de
les rapporter ici. Les conclusions furent que « sans irrigation la
culture du cotonnier est impossible au Sénégal ».
Des tentatives de culture en grand du cotonnier furent faites
à la même époque par des particuliers, notamment aux environs
de Richard-Toll, à Dakar-Bango, près Saint-Louis (1862-1864), à
Saint-Joseph de Ngazobil (1865), à Mbao, près Ruflsque^.
Partout on obtint des résultats médiocres et l'exportation de
coton qui était seulement de 50 tonnes en 1865, redevint nulle
lorsque les conséquences de la guerre de Sécession ne se firent
plus sentir. La principale entrave à la culture fut partout le
manque d'eau et le vent d'Est (harmattan). A Ngazobil, les plan-
tations furent en outre dévastées par les sauterelles.
Les essais agricoles à l'époque de Paidherbe ne portèrent
pas seulement sur le coton. On s'attacha à chercher en dehors
de Varachide de nouvelles graines oléagineuses. Quelques tenta-
tives de cultures malheureuses furent faites de 1860 à 1870, sur
le ricin et le pignon d'Inde (Jatropha Curcas),
Après ces nouveaux échecs, sous le gouverneur Valière, la
colonie retomba dans Timmobilité du passé.
1. Voir en particulier Perruchot. Exposition universelle de 1900, Agri-
culture, p. 413 et 414.
2. CouRTET, Etude sur le Sénégal, Revue coloniale, 1902, p. 412.
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26 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
De 1876 à 1882, le colonel Brière de lIsle donna une nou-
velle impulsion au développement économique de l'Afrique occi-
dentale française, mais les terribles épidémies de ôèvre jaune
qui survinrent (1878-1882), entravèrent la colonisation agricole.
Cependant c'est vers cette époque que furent plantés la plupart
des cocotiers qui existent encore dans la région de Saint-Louis.
On introduisit aussi des Antilles plusieurs arbres frui-
tiers ou d'ornement qui n'existaient pas encore en Afrique, en
particulier le raisin de mer (Coccoloba uvifera).
En janvier 1875, avait été fondée la Société (T agriculture du
Sénégal avec le programme « de faire naître, propager et encou-
rager le goût de l'agriculture au Sénégal ».
Cette époque marque le réveil du mouvement colonial en
France. Ce n'est plus seulement au Sénégal que l'on va chercher
à créer des exploitations agricoles, mais dans toute l'Afrique
tropicale. Les événements qui se sont déroulés depuis cette
époque sont des plus importants, mais ils n'appartiennent pas
encore au domaine de l'histoire. Nous nous contenterons donc de
passer rapidement les principaux en revue et dans les études
qui suivront, études spéciales à chaque groupe de plantes utiles,
nous reviendrons plus en détail sur les expériences de ces der-
niers temps et sur les faits nouveaux dont s'est enrichie la science
de l'agriculture tropicale sur le continent africain pendant les
trente dernières années.
La Période contemporaine
C'est surtout à partir de 1880 que commence pour l'Afrique
tropicale une nouvelle phase d'activité. La France, TAllemagne,
l'Angleterre, la Belgique vont acquérir en très peu de temps des
domaines immenses et nous assistons à un véritable partage du
Continent noir.
Principalement en vue de trouver de nouveaux débouchés
pour leur commerce, les nations intéressées vont s'implanter
partout sur les côtes pour s'avancer rapidement vers l'intérieur.
C'est vers l'exploitation des produits naturels et principalement
vers l'agriculure que va s'orienter désormais notre politique colo-
niale. Et depuis 25 ans, en effet, un nombre considérable d'entre-
prises agricoles surgissent sur tout le pourtour du Continent afri-
cain et jusqu'au centre de l'Afrique.
Les gouvernements sont les premiers intéressés à leur succès,
et pour chercher à guider ces entreprises, ils vont créer des sta-
tions agricoles, à partir de 1890. On pourrait nommer cette phase,
Vépoque des jardins dressais. Il s'en crée partout, non seulement
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HISTORIQUE DE L'AGRICULTURE. 27
dans les colonies françaises, mais encore au Cameroun, au Congo
belge, à la Côte d'Or, à Sierra-Léone. Des efforts isolés, également
sérieux, sont entrepris dans une autre voie par de nombreux
officiers et fonctionnaires coloniaux : au fur et à mesure que
s'effectue la pénétration européenne, des jardins sont créés autour
des postes pour la culture des plantes potagères et de nombreux
arbres fruitiers tropicaux ainsi que des arbres d'avenues sont
transportés de proche en proche jusqu'au cœur du continent. Cer-
tains des jardins ainsi créés ne laissent rien à désirer. Ils devien-
dront plus tard d'excellents instruments de dissémination des végé-
taux utiles. Dans les colonies françaises, citons principalement les
jardins des postes de Sedhiou en Casamance, de Siguiri sur le Haut-
Niger, de San dans la boucle du Niger, de Port-Sibut dans l'Ou-
bangui, de Bol sur le Tchad, qui, lors de nos voyages, donnaient
les plus belles espérances.
On a enfin recherché si dans l'étendue nouvellement acquise
de notre domaine colonial, il ne se trouvait pas des produits
forestiers inutilisés ou dont l'exploitation était incomplète et s'il
n'existerait pas en outre des espèces de grande culture qui,
n'ayant pas réussi le long de la côte, seraient plus facilement cul-
tivables dans l'intérieur.
Pour approfondir ces questions, des missions sont envoyées
par l'Etat jusqu'au centré de l'Afrique. C'est au cours de trois
d'entre elles, que l'auteur de ces lignes a rassemblé la plupart des
documents contenus dans cette publication. Elles ont été des
missions d'inventaire des productions naturelles de nos colonies
et c'est au général de Trentinian que revient l'honneur de la
première initiative. Il comprit qu'aussitôt après la conquête
d'une colonie, il fallait en rechercher les ressources. On peut
même se demander s'il n'eût pas été préférable de faire cet inven-
taire avant la conquête. On aurait pu éviter parfois de regret-
tables méprises. Notre domaine colonial africain serait peut-être
moins étendu à l'heure actuelle, mais des capitaux importants
et de précieuses activités pourraient s'employer plus utilement
dans des régions dont l'avenir est plus certain et où des nations
concurrentes se sont installées.
Quoi qu'il en soit, pendant les dernières années, de grands
progrès ont été réalisés en agriculture tropicale par toutes les
nations établies en Afrique. On commence à comprendre que
l'agriculture est l'âme d'une colonie et que les productions en
matières premières forment la base de sa richesse et de son exis-
tence politique.
Les Portugais ont mis l'île de San-Thomé en pleine exploita-
tion. Les Espagnols étendent chaque année leurs plantations de
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28 VÉGÉTAUX UTILES DE L' AFRIQUE.
cacao à Pernando-Po. La Grande-Bretagne a fondé des jardins
à Sierra-Léone, à la Gold-Coast, jardins qui ont déjà vulgarisé plu-
sieurs cultures importantes. Elle cherche en ce moment à déve-
lopper la production cotonnière au Lagos et à la Nigeria. Dès
1884, quand le Cameroun devint colonie, TAUemagne commença
à établir des plantations de cacaoyer aux environs de Victoria et
un certain nombre de ces plantations sont en pleine prospérité
aujourd'hui. Depuis, ont surgi des plantations d'arbres à caout-
chouc (Hevea et Funtumia) dans différentes parties de cette colo-
nie. Au Togo, des efforts très sérieux ont été faits pour dévelop-
per la culture du coton. Enfin nous ne devons pas oublier les
belles missions de Schlechter, de Preuss, de Baum, etc., orga-
nisées par le kolonial wirtschaftliche Komitee, pour accroître les
connaissances en vue de la culture des plantes à caoutchouc, du
cacaoyer et du coton en Afrique occidentale.
En France, les efforts ont peut-être été un peu plus dissémi-
nés, mais ils n'en ont pas été moins persévérants ni moins fruc-
tueux pour la science agricole. Toutes les grandes missions des
vingt dernières années : missions de Brazza et de ses collabora-
teurs, missions Binger, Monteil, Dybowski, Maistre, Liotard,
Gentil, ont recueilli et publié une foule de renseignements sur
les productions forestières et les possibilités agricoles de nos
colonies. Des naturalistes se sont même parfois spécialisés dans
les recherches et ont obtenu des résultats très précieux. Telles
furent les missions de Thollon et de Jacques de Brazza au
Congo français, celle de Henri Lecomte au Mayumbe, celle
du D*" Rançon, envoyée dans la Haute-Gambie sur l'initiative du
D"" Hèckel, dont les nombreuses publications sur les plantes
utiles d'Afrique sont bien connues du public colonial.
Nous devons aussi signaler le rôle utile qu'ont eu, pour la
diffusion des données de l'agriculture tropicale, les revues spé-
ciales et en particulier la Revue des Cultures coloniales, que le
directeur, M. Milhe-Poutingon n'hésita pas à lancer en 1897,
à une époque où l'agriculture coloniale était encore peu en faveur
dans notre pays. En outre, un autre périodique, le Journal
d^ Agriculture tropicale, dirigé par M. Vilbouchevitch, a été
fondé en 1901.
Il y a lieu de citer enfin parmi les récentes créations impor-
tantes intéressant le développement de l'agriculture coloniale,
l'organisation d'un service technique spécial au Ministère des
Colonies avec un jardin colonial à Nogent-sur-Marne dont la
direction a été confiée à M. Dybowski. Ce service, nous n'en dou-
tons pas, sera d'une grande utilité pour les contrées dont nous
nous occupons.
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LES JARDINS D'ESSAIS. 29
En dernier lieu, mentionnons les jardins d'essais de nos colo-
nies qui, dans ces dernières années, en acclimatant en Afrique
une foule de plantes utiles, ont doté le Continent noir de res-
sources nouvelles. A la vérité, jusqu'à ces derniers temps, leur rôle
s'est borné là. Les expériences de culture poursuivies sur une cer-
taine étendue, c'est-à-dire les seules qui puissent éclairer le colon ou
l'indigène sur les plantations à entreprendre, n'ont encore été
faites que sur une échelle très restreinte. Nous examinerons ces
résultats en détail quand le moment en sera venu, mais il nous
^mble utile de donner dès maintenant l'énumération de ces
jardins avec l'indication succincte des acclimatations qu'ils ont
tentées et des expériences qu'ils ont poursuivies.
II. — Les Jardins d'essais des Colonies françaises
d'Afrique, par Aug. Chevalier
A. — Afrique occidentale française
1** Jardin de Richard-Toll (Bas-Sénégal). — Le jardin^ de
Richar.d-Toll, comme nous l'avons vu, a été fondé en 1816 pat
Claude Richard au confluent du fleuve Sénégal et de la Taouey,
en amont de l'estuaire du fleuve et à environ 75 kilomètres de
Saint-Louis. Ce fut à l'origine une plantation modèle, destinée à
renseigner les colons. C'est donc en réalité le plus ancien jardin
d'essai de nos colonies. Depuis sa fondation, il est passé par des
vicissitudes très diverses sans avoir jamais donné de résultats
sérieux. Supprimé après l'échec des essais culturaux en 1829, il
fut rétabli en 1856 par Paidherbe. Après les tentatives de
LÉCARD, il futde nouveau abandonné à lui-même. Aussi, lorsque
M. le gouverneur général Chaudié songea à reconstituer un ser-
vice de l'agriculture au Sénégal, il ne restait à peu près rien des
anciennes plantations. L'entretien du jardin a absorbé depuis la
fondation des fonds considérables qui ne doivent pas être infé-
rieurs à un million de francs. Et le résultat final de toutes ces
dépenses a été de conserver vivants quelques grands arbres d'ave-
nues offrant peu d'intérêt (la plupart sont des arbres indigènes
en Afrique occidentale), quelques belles touffes de bambous,
quelques arbres fruitiers plus ou moins rachitiques, et de pro-
duire chaque année quelques légumes et quelques fleurs que l'on
obtient dans de bien meilleures conditions dans les jardins irri-
gués de Saint-Louis !
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30 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
En 1898, des essais agricoles furent repris à Richard-Toll. Lors-
que nous avons visité le jardin en 1899, il s'y trouvait une petite
pépinière d'arbres fruitiers et d'essences pour les avenues ou le
reboisement. On faisait en outre des essais très modestes sur la
culture du cotonnier et du caoutchouc Céara (Manihot Glaziowii).
A une seconde visite que nous avons faite en 1902, il ne restait
plus rien de ces pépinières et de ces essais.
Des causes nombreuses ont conduit à ces mauvais résultats.
Il faut d'abord incriminer l'influence asséchante du vent d'Est,
l'aridité d'un sol argileux très difficile à modifier, les difficultés
que l'on éprouve pour obtenir de l'eau douce pour l'irrigation
pendant deux ou trois mois de l'année. A la fin de la saison
sèche, en effet, l'eau de la Taouey devient salée et ne peut plus
être employée pour l'arrosage. Il convient d'ajouter en outre que
l'entretien du jardin n'a pas toujours été conduit d'une façon bien
sérieuse et les interruptions fréquentes qu'a subies ce service ont
été l'une des principales causes de la disparition d'un grand
nombre de plantes précédemment introduites.
Nous pensons qu'un jour le problème se posera d'organiser
dans le Bas-Sénégal une station agronomique pour l'étude de la
culture des cotonniers par l'irrigation, mais ce n'est qu'après
étude détaillée des terrains et de l'hydrographie de cette région
qu'il sera possible de déterminer si la station de Richard-Toll
constitue bien l'emplacement rationnel.
2** Jardin de Sor près Saint-Louis (Sénégal). — C'est seule-
ment en 1898, que cette station a été organisée par M. Enfantin,
dans l'île de Sor, aux portes de Saint-Louis, à proximité de jar-
dins privés, où, depuis 1860, quelques colons sont arrivés dans la
culture des légumes, des plantes d'agrément et de^ arbres frui-
tiers à des résultats encourageants ^.
1. Qu'il nous suffise cte signaler pour le moment :
r La réussite de la culture de la pomme de terre (variété issue d'une
race des Canaries) qui, après plusieurs années d'expériences poursuivies
par M. RiQUETTi, lui a donné des récoltes al)ondantes (rendement 7 à
8 p. 1) et un produit excellent;
2* La création par M. Gardette d'une variété de fraisier issue de la
Grosse Bordelaise (Fraisier Capron) suffisamment rustique au Sénégal et
assez productive de février à juin;
3' L'oMention par plusieurs colons d'une race de vachers à fruits doubles
(deux ovaires accolés) qui, sans avoir la saveur de nos pêches de France,
n'en constitueront pas moins un produit recherché en Afrique Occidentale
lorsque cet arbre aura été suffisamment multiplié ;
4* L'introduction dans quelques jardins et en particulier chez M. Maro-
LEAU^ d'arbres fruitiers encore rares en Afrique, tels que le savotUUer, le
Mammea amerlcana; quelques bonnes Mangues greffées, etc.;
5* La multiplication du Figuier (Ficus Carica), dont la croissance est
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LES JARDINS D'ESSÂIS. 31
Ce jardin fut formé en grande partie aux dépens des pépi-
nières du Service des travaux publics du Sénégal. En 1899,
M. Perruchot parvint à grand'peine à multiplier à Sor un certain
nombre d'arbres d'avenues, des cocotiers, des plantes à caout-
chouc, enfin des bulbilles de Fourcroya et 6* Agaves reçues du
jardin de Nogent. En 1902, en dehors de ces plantes à fibres et
des arbres anciens parvenus à un âge avancé, il ne restait presque
plus rien des semis tentés. La sécheresse et Taridité du terrain
formé exclusivement de sable avaient suffi à amener ce dé-
sastre.
Nous ignorons si le jardin de Sor est encore Tobjet de soins
d'entretien au moment où nous écrivons ces lignes, mais nous ne
croyons pas qu'il puisse jamais rendre de grands services à l'agri-
culture sénégalaise. Il serait utilement remplacé par la création
d'une station pour la culture du cotonnier par irrigation, qui
prendrait place, comme nous Tavons indiqué ci-dessus, en amont
de Saint-Louis, au bord d'un bras du fleuve que Ton pourrait
barrer de manière à y accumuler de l'eau douce pour toute
Tannée.
Sur les cultures qu'il sera possible de tenter plus tard dans
les vastes domaines sahariens de notre empire africain, compris
entre la Mauritanie occidentale et le lac Tchad, nous ne savons
encore rien de précis.
L'installation d'une station en zone sahélienne serait donc
très désirable, car elle permettrait probablement d'élucider ces
problèmes. Cette station pourrait être installée soit en un point
de la Mauritanie occidentale, soit aux environs des lacs de la
région de Tombouctou. Dès maintenant, il nous semble que la
culture des plantes des provinces arides du Mexique, en parti-
culier du sisal, pourra être tentée avec quelques chances de suc-
cès. Enfin, partout où l'on peut avoir de Teau en permanence et
irriguer, oa pourra entreprendre toutes les cultures d'oasis et
par exemple, introduire les bonnes variétés de dattier du Sud
algérien et tunisien donnant des fruits infiniment supérieurs
aux dattes de la Mauritanie, du Nord du Soudan et du Kanem.
toujours difficile dans les régions tropicales, a été rendue possible le jour
où M. Gardette a réussi à greffer cet arbre sur le Figuier Sycomore indi-
gène au Sénégal (Gang des Wolofs). Nous avons signalé une de ces greffes
qui, dans le Jardin de M. Gaillard aîné, avait pris un magnifique dévelop-
pement et. dès la troisième année, était déjà bien ramifiée et couverte de
figues.
& Enfin il existe des parterres dans lesquels on trouve une grande partie
des fleurs vulgaires de nos pays tempérés et dont la culture a été souvent
réputée comme très difficile à réussir dans les contrées tropicfiUes : tels
sont les rosiers, chrysanthèmes, bégonias, géraniums, etc.
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32 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
La production des dattes* dans toutes les contrées situées au
contact sud du Sahara ou n'exista pas, ou e3t très rudimentaire à
l'heure actuelle. La création d'une station spécialement affectée
à la propagation de ce fruit si utile rendrait les plus grands
services aux populations de la Mauritanie.
3** Jardin de Harm, près Dakar (Sénégal), — Le Gouverne-
ment général de l'Afrique Occidentale, par un arrêté en date du
8 juillet 1903, a affecté les terrains de Hann, renfermant les
nappes d'eau servant à l'alimentation de la ville de Dakar, à la
création d'un jardin public et de pépinières pour le reboisement,
avec < une division d'essais de cultures générales et de cultures
fruitières et d'acclimatement de plantes exotiques ». Ce jardin,
actuellement en voie d'organisation, est placé sous la direction
de M. Yves Henri, inspecteur de l'agriculure de l'Afrique Occi-
dentale française. Mentionnons en passant les stations culturales
de Tivaouane, de Kaolack, au Sénégal, celle de Sédhiou en Gasa-
mance, la ferme-école de Mbambey au Baol, le haras de Diourbel
(Sénégal). Créés pendant le passage de M. Perruchot au ser-
vice de l'agriculture du Sénégal, ces établissements n'ont eu
qu'une existence éphémère.
V Jardin du Pénitencier de Thiès (Sénégal). — Cet établis-
sement, dirigé par des missionnaires catholiques, a été installé il
y a une vingtaine d'années sur la ligne de chemin de fer de
Dakar à Saint-Louis. Nous l'avons visité à trois reprises, en 1898,
eh 1899 et en 1902. A notre premier voyage, les cultures don-
naient les plus belles espérances ; elles portaient l'empreinte
donnée par le directeur d'alors, le R. P. Sébire, qui joignait à
ses connaissances sur la flore du Sénégal un goût passionné pour
l'introduction de plantes utiles nouvelles. Par ses relations avec
M. Maxime Cornu, professeur de cultures au Muséum d'his-
toire naturelle, et grâce à ses correspondants des Antilles, il était
parvenu à cultiver un grand nombre de végétaux intéressants,
jusqu'alors inconnus partout ailleurs en Afrique occidentale. Il
avait en outre entrepris quelques essais en grand, en particulier
sur le caoutchouc de Géara (Manihot) et constitué quelques pépi-
nières d'arbres fruitiers et d'essences de reboisement. On trou-
vera la liste des plantes qu'il cultivait dans le petit livre qu'il
publia à cette époque ^
Malheureusement, ce jardin à la fois botanique et agricole,
qui était le plus riche de tous ceux que nous avons cités par le
1. R. p. A. SÉBIRE. Les Plantes uUles du Sénégal, Paris, 1899.
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LES JARDINS D'ESSAIS. 33
nombre des espèces et la beauté des exemplaires, a beaucoup
périclité depuis le départ du R. P. Sébire. Presque tous les
végétaux qui n'étaient pas susceptibles de donner un rendement
immédiat ont été éliminés.
5° Jardin de Kati (Moyen Niger), — Fondé par le colonel
DE Trentinian en 1897, il se trouve être la plus ancienne station
d'essais du Soudan français. Les vétérinaires Cazalbou et Blot
en furent les premiers organisateurs. Ils s'attachèrent d'abord à
cultiver des plantes potagères pour l'alimentation des troupes du
poste et constituèrent les premières pépinières d'arbres fruitiers.
Au début de l'année 1899, M. Jacquey, ingénieur agronome,
appelé en mission par le général de Trentinian, leur succède
et entreprend quelques semis de cotonniers, 6: indigotiers^ de
plantes à caoutchouc (Céara et lianes du pays). Son collaborateur
Martret apporte du Muséum deux serres Ward contenant une
trentaine d'espèces de plantes utiles vivantes dont la culture est
commencée à Kati, à 15 kilomètres des rives du moyen Niger.
C'était probablement la première fois que des plantes vivantes
étaient transportées en serres Ward dans l'intérieur du continent
africain. Un an après, il nous fut donné de constater le travail
accompli par MM. Jacquey et Martret. Les plantes du Muséum
avaient été multipliées en grand nombre par bouturage ou mar-
cottes, le jardin avait été considérablement étendu : Une magni-
fique rizière, où étaient cultivées les 4 ou 5 variétés soudanaises
de riz, avait remplacé le marais qui s'étendait au bord du ruis-
seau arrosant le jardin. Des jeunes plants d'arbres fruitiers
avaient été distribués à tous les services publics et à quelques
particuliers. Nous n'avons pas revu le jardin de Kati depuis cette
époque, mais nous savons qu'il a cessé d'être le siège de la station
agronomique du Soudan.
Au moment où s'organisait la station dont nous venons de
parler, le général de Trentinian projetait de créer un second
jardin à Goundam, dans la région de Tombouctou, et un troisième
à Kissidougou, dans Textrême-sud du Soudan. La dislocation du
Soudan ne permit pas de réaliser ce projet. Cependant un chef
de cultures fut envoyé au Kissi, et M. Rossignol, membre de la
mission économique de 1898, transporta dans ce pays, à grands
frais, quelques germinations de caféier qui n'ont sans doute pas
réussi.
6' Jardin de Koulikoro (Moyen Niger). — Un ingénieur agro-
nome, M. Vuillet, succéda en 1900 à M. Jacquey comme direc-
3
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34 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
teur de la station agronomique du Soudan. Sur sa proposition,
M. Merlaud-Ponty, lieutenant-gouverneur des territoires du
Ilaut-Sénégal et Niger, transporta, en 1902, la résidence de Tingé-
nieur agronome sur le bord même du Niger, à Koulikoro, qui
sera prochainement le point terminus de ligne du chemin de fer
du Sénégal au Niger.
C'est donc à Koulikoro que se trouve aujourd'hui le jardin
d'essai principal de ces territoires. Ce jardin, que nous n'avons
pas vu, est sans doute encore trop jeune pour avoir donné des
résultats appréciables ; cependant tous ceux qui connaissent l'ac-
tivité de M. Vuillet ou l'ont vu à l'œuvre attendent de la sta-
tion de Koulikoro d'importants résultats, principalement en ce
qui concerne la culture du cotonnier à laquelle elle doit se consa-
crer. Indépendamment de cette localité, quatre autres postes ont
été choisis dans les principales régions de la colonie du Haut-
Sénégal et Niger, pour faire des expériences analogues sur la
culture des diverses variétés de cotonniers. Enfin, dans cette
môme contrée du Moyen-Niger, V Association cotonnière coloniale
poursuit dans les principaux villages, sous la direction technique
de M. Jacquey, des essais d'ensemencements en grand des
diverses sortes de cotonniers d'Amérique, Des résultats encoura-
geants ont déjà couronné ces premiers efforts.
7* Jardin de Bobo-Dioulasso et Ecoles indigènes du Soudan
pour la récolte et la préparation du caoutchouc. — Le délégué
du Gouvernement général de l'Afrique occidentale française a
installé, l'année dernière, aux environs de Bobo-Dioulasso, une
station pour l'étude et la multiplication des lianes à caoutchouc
du pays (Landolphia Heudelotii).
Il a en outre rétabli les écoles créées précédemment par le
général de Trentinian, pour apprendre aux noirs à recueillir
et à coaguler le latex de ces lianes.
En 1898, le général de Trentinian fonda, dans la région Sud
du Soudan, avec le concours très actif du commandant de Lar-
TiGUE, des écoles destinées à initier les indigènes aux meilleurs
procédés de récolte et de préparation du caoutchouc. Nous avons
eu l'occasion, à cette époque, de voir fonctionner cette heureuse
institution dans les cercles de Siguiri et de Kouroussa, et
nous avons pu apprécier ensuite les heureux résultats qu'elle
a donnés.
Le fonctionnement était des plus simples. A Kouroussa, par
exemple, qui était le centre d'une région où la liane goïne (Lan-
dolphia Heudelotii) était commune et en pleine exploitation,
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LES JARDINS D'ESSÂIS. 35
furent groupés un certain nombre de jeunes indigènes venant
des régions les plus diverses du Soudan. Les commandants de
cercle des provinces où existait la liane goïne, et où elle n'était
pas exploitée, reçurent Tordre d'envoyer à Kouroussa quel-
ques jeunes gens de chaque village. A leur arrivée à Kouroussa,
ces noirs furent mis par le capitaine, faisant fonctions d'adminis-
trateur, en rapport avec les principaux récoHeurs de caoutchouc
du village, qui les emmenaient avec eux dans la brousse et les
initiaient à la récolte de la précieuse gomme. En récompense,
les moniteurs recevaient en cadeau la récolte de leurs élèves.
Quant à ces derniers, ils étaient logés et nourris au village de
liberté attenant au poste. Comme résultat, au bout de quelques
semaines, ces jeunes gens savaient récolter le caoutchouc ; ils
pouvaient retourner dans leur village où ils se mettaient aussitôt
à exploiter la liane, et Tappftt du gain amenait bientôt leurs voi-
sins à les imiter.
Le général de Trentinian m'avait demandé de profiter de
mon passage à Bobo-Dioulasso pour initier les indigènes de cette
région aux meilleurs procédés de coagulation des latex. Il y avait
près du poste un plateau ferrugineux sur lequel on comptait
1.000 à 1.500 lianes à l'hectare. Pas une seule plante de la région
n'avait encore était saignée. L'administration militaire du cercle
se mit en rapport avec quelques noirs récemment revenus de
l'école de Kouroussa et rassembla une partie des hommes valides
du village. L'apprentissage de ces hommes se fit très rapidement
sous mes yeux et la région de Bobo-Dioulasso, où j'avais signalé
l'abondance des lianes inexploitées, put livrer au commerce, dès
l'année suivante, 70 tonnes de caoutchouc d'excellente qualité.
Ce seul exemple suffit à montrer l'intérêt qu'ont eu et que
peuvent encore avoir les écoles dont nous venons de parler.
D'autre part, il est grand temps de s'attacher sérieusement h
la culture des lianes à caoutchouc sur de grandes étendues, telle
que l'ont entreprise les Belges au Congo Indépendant depuis
quelques années. A différentes reprises, nous avons appelé l'at-
tentation du public colonial sur cette question, et nous pensons
toujours que si la culture des lianes ne nous semble pas prati-
cable pour un Européen, à cause des frais généraux considérables,
de la lenteur de croissance des lianes et de leur faible rendement,
il n'en serait sans doute pas de même pour des plantations entre-
prises directement par les indigènes, surtout si l'administration
intervenait pour astreindre les villages à faire des plantations
collectives et prenait les mesures indispensables à la protection
de ces cultures.
Nous traiterons cette question en détail dans l'un des pro-
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3G VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
chains fascicules que nous consacrerons aux plantes à caoutchouc
africaines.
8** JaTdin de Camay en (Guinée française). — La station agri-
cole de la Guinée française a été fondée en avril 1897 par M. le
gouverneur Ballay, mais son organisation technique et les plan-
tations qu'elle comprend aujourd'hui sont Tœuvre d'un ancien
élève de TÉlève d'horticulture de Versailles, qui fit ensuite un
stage dans les serres du Muséum, M. Teissonnier.
Le jardin de Camayen (quelques auteurs écrivent Camayenne)
est situé sur la côte de la Guinée française, à 2 ou 3 kilomètres
de la capitale de cette colonie, la ville de Conakry, et dans la
langue de terre qui s'avance vers les îles de Los. 11 est de tous
les jardins d'essais français en Afrique celui qui reçoit les plus
abondantes pluies. On a constaté, en effet, à Conakry, une chute
d'eau de 4°*50 à 5"50 et pendant 4 mois, de juin à octobre, il
pleut presque tous les jours, comme au jardin botanique de Bui-
tenzorg. Lorsque nous l'avons visité en juin 1902, le jardin de
Camayen comprenait environ 7 hectares en cultures. Une seconde
partie non cultivée, mais défrichée, en a fait partie dès l'origine ;
enfin on y a annexé, en 1902, une troisième portion sur laquelle
il pourra s'étendre plus tard, ce qui portera sa superficie totale
à environ 30 hectares. Le terrain paraît assez fertile ; le sol est
rougeâtre, ferrugineux, mais mélangé d'une forte proportion
d'humus. La mer le baigne de deux côtés et la végétation spon-
tanée environnante se compose surtout de palmiers à huile (Elœis).
Le directeur a publié en 1901 un intéressant rapport sur les
principales cultures qui y ont été entreprises*.
De tous les essais qui y ont été entrepris, le plus intéressant,
celui qui donne à l'œuvre de M. Teissonnier un mérite exception-
nel, a été la culture méthodique et la sélection du Musa sinensis
et des variétés de choix de Vananas. Grâce à la ténacité du
Gouvernement de la Guinée et aux soins constants que M. Teis-
sonnier a prodigués à ces plantes, la jeune colonie de la Guinée
française est aujourd'hui en possession d'une nouvelle source
très appréciable de revenus, et livre dès maintenant à l'exporta-
tion, en sérieuses quantités, des bananes et des ananas de toute
première qualité. M. Yves Henry a pu écrire dernièrement dans
un travail très documenté sur la question ^ : « La production des
fruits en Guinée est sortie complètement de la période des essais ;
plusieurs colons s'y livrent déjà sur une petite échelle, il est vrai,
mais avec toutes les chances de succès ; les produits ont été
1. Agriculture pratique des pays chauds, 1901, p. 147.
2. Yves Henry. Bananes et Ananas. 1905. p. 5.
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VÉGÉTAUX UTILES DE L AFRIQUE.
A. Chevalier.
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A^
Fig. 1. — Jardin d'essais de Camayen (Guinée Française).
Plantation de Bananiers de Chine et d'Ananas améliorés.
Fig. ?. — Jardin d'essais de Libreville (Jabon). — Plantation dAréquiors.
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LES JARDINS D'ESSAIS. 39
accueillis sur nos marchés avec une faveur marquée et seuls nos
procédés de transport maritime sont à améliorer, dans Tespoir
de voir se créer un marché français de fruits tropicaux. »
C'est là un résultat qui fait le plus grand honneur au per-
soimel du jardin de Camayen, et qui place cette station au pre-
mier rang de tous les jardins coloniaux d'Afrique.
9** Jardin de Dabou (Côte d'Ivoire). — Ce jardin a été fondé
en 1896 par Lelache, ancien élève de l'Ëcole d'horticulture de
Versailles, qui, quelques mois plus tard, fut massacré par les indi-
gènes. Ses successeurs, MM. Bernard et Jolly, firent quelques
plantations d'arbres à caoutchouc. Ce jardin d'essais est aujour-
d'hui complètement abandonné, mais une société privée, la
Société coloniale de la Côte de Guinée, a introduit dans la même
localité un certain nombre de plantes utiles qui sont aujourd'hui
en culture.
10** Jardin de Bingerville (Côte d'Ivoire). — En 1900, M. Jolly
a constitué à Bingerville, nouvelle capitale de la Côte d'Ivoire,
un jardin d'essais qui est le jardin officiel de la colonie. Nous
manquons actuellement de renseignements sur les essais de cul-
ture qui s'y poursuivent. Il n'est pas douteux que de sérieuses
recherches sur la culture des cacaoyers et celle des arbres à
caoutchouc (Uevea et Funtumia) seraient très profitables à la
colonisation de cette contrée.
11** Jardin de Porto-Novo (Dahomey). — Ce jardin, dont la
création remonte à 1901, nous est complètement inconnu. A
Porto-Novo, la seule localité du Dahomey où nous avons abordé,
nous avons constaté l'existence de plusieurs plantes introduites
dans ces dernières années : des cocotiers, des Eucalyptus, le Melia
Azedarah ; dans les jardins, on cultive quelques belles plantes
d'ornement rapportées de l'intérieur par M. Eugène Poisson,
en particulier des Crinum, des Sanseviera, et une intéressante
cycadée, VEncephalartos Barteri.
Il y aurait le plus grand intérêt à poursuivre, dans la zone
littorale du Dahomey, comme le font les Allemands au Cameroun,
la multiplication des palmiers à huile et spécialement des variétés
les plus productives qui ont été distinguées dans ces derniers
temps.
Dans les régions de l'intérieur où doit pénétrer le chemin de
fer, c'est vers la culture du cotonnier que vont se porter les
efforts de la colonisation.
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40 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
B. — Congo français et dépendances
12'' Jardin de Libreville (Gabon). — Si ron fait remonter la
fondation de cet établissement à Tépoque où Tadministration de
la marine créa, vers 1850, le jardin du Gouvernement, connu
encore sous le nom de jardin de Kérellé et adjaçait au jardin
d'essais actuel, il se trouve que le Gabon est la seconde des colo-
nies de l'Afrique tropicale, par ordre chronologique, à avoir orga-
nisé un service agricole. A la vérité, nous devons dire que ce
jardin fut à l'origine et est resté un parc d'agrément, où les
essences du Congo tels que les Musanga, se mélangent de la
façon la plus harmonieuse avec les arbres tropicaux introduits :
les Pandanus, divers palmiers, de grands bambous, des man-
guiers superbes. Ce jardin, rempli aujourd'hui de beaux arbres
et planté de corbeilles de fleurs variées, est un des sites les plus
séduisants qu'il soit possible de rencontrer à la côte d'Afrique.
En réalité, la station d'essais proprement dite n'a été fondée
qu'en 1887 par le D' Ballay, à cette époque lieutenant-gouver-
neur du Gabon.
M. Chalot a consacré à l'histoire des jardins de Libreville
une notice importante ^ qui nous dispense de nous étendre sur
les détails. Rappelons seulement que le principal organisateur
du jardin d'essais, fut E. Pierre, ancien élève de l'École d'horti-
culture de Versailles a qui, après en avoir choisi l'emplacement
et fait effectuer les défrichements nécessaires, en traça le plan...
Pendant près de six années, M. Pierre s'employa activement à
faire le plus possible d'essais de culture ; il fit établir une pépi-
nière importante de caféiers destinée à fournir des plants aux
colons, et introduisit un certain nombre de végétaux utiles, les-
quels ont été par la suite multipliés et répandus dans la colonie ».
M. Chalot ajoute que Pierre fut grandement aidé dans ces
acclimatations par le professeur de cultures du Muséum d'hisr
toire naturelle, Maxime Cornu, « qui, par ses conseils et ses nom-
breux envois de graines et de plantes de toutes sortes, a mérité,
lui aussi, la reconnaissance de la colonie, car après avoir mora-
lement coopéré à la création du jardin d'essais, il s'y intéressa
d'une façon effective jusqu'à sa mort^ ».
Pierre succomba à la peine le 21 octobre 1892. Il fut rem-
1. Agriculture pratique des pays chaudSy t. I, p. 168.
2. Chalot, loc. cit., p. 170.
Ajoutons que Maxime Cornu s'intéressa également à tous les autres
jardins dont nous avons déjà parlé et le Bananier de Chine, de la Guinée en
particulier, provient des serres du Muséum.
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VéGKTAUX UTILES DE l'AfRIQL'E.
A. Chevalier.
FIg. 3. — Poste de Fort-Slbut (Haut-Oubangui). — Premiers Papayers et Citronniers
introduits dans le pays en 1897 par la première mission Gentil.
Fig. 4. — Jardin dressais de Fort-Slbut en novembre 1903.
Plantation de caoutchontiers de Ceara {Manihot Glaziowii), 14 mois après les semis.
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LES JARDINS D'ESSAIS. 43
placé en 1893 par M. Chalot, ancien membre de la mission de
M. Dybowski. Pendant huit années, M. Chalot a consacré tout
son temps au développement des cultures du jardin de Libreville.
En 1901, il y signalait près de 500 espèces de plantes cultivées.
Lorsque nous avons visité rétablissement un an plus tard, on y
trouvait un grand nombre de plantes d'ornement et aussi quel-
ques petites plantations de végétaux de grande culture : vanille,
poivrier, cocotiers, caféiers. En fait de plantes à caoutchouc,
nous avons observé quelques plants d'Hevea et de CastiUoa (intro-
duits par Chalot en 1898). Le Funtumia elastica Preuss, Tarbre
à caoutchouc de Tintérieur du Congo, n'y était pas encore cultivé
et la liane Landolphia Klainei Pierre était représentée seulement
par quelques exemplaires.
Enfin le jardin possédait aussi un seul pied de Palaquium oblon-
gifolium Burck, l'arbre à gutta introduit en 1898 par M. Paul
BouRDARiE et provenant de la mission Raoul aux Indes néer-
landaises. Mais c'est surtout dans la multiplication et la culture
des cacaoyers que M. Chalot a obtenu d'importants résultats.
Nous avons vu au jardin une collection de 17 ou 18 variétés,
introduites par lui, représentées chacune par quelques exem-
plaires en excellent état et donnant déjà des fruits. Ces arbres
permettront à la colonie de constituer bientôt, le long du Como ^,
une plantation modèle plus étendue, car le jardin de Libreville
n'a que 6 hectares et ne peut plus s'étendre. Malheureusement
ces variétés introduites du jardin Victoria au Cameroun sont, de
l'avis de Preuss qui les a fournies « de qualité moyenne et de
valeur secondaire ^ » . La meilleure est Je Forastero, de Trinidad,
qui ne fournit lui aussi qu'un produit de valeur secondaire. Les
variétés introduites sous le nom de La Guayra, Soconusco, Criollo,
ne répondraient aucunement d'après Preuss aux appellations
dont on les avait ornées. En réalité, toutes ces sortes seraient plus
ou moins voisines de VAmelonado de San-Thomé, et ce n'est que
tout récemment que M. Preuss a pu rapporter au jardin de
Victoria une collection très complète des variétés les plus esti-
mées cultivées dans l'Amérique du Sud et dans l'Amérique Cen-
trale.
Il est à souhaiter que la colonie du Gabon ne tarde pas trop
longtemps à rassembler une collection analogue. Jusqu'à ce jour,
les cacaos du Congo ont été plus appréciés que ceux du Came-
1. Luc, Le cacao au Congo, Agric. pratique des Pays chauds, 1904,
p. 299. Lauteur de cette note, M. Luc, dirige actueUement le Jardin de
Libre vUle.
2. Preuss, Le Cacao (traduction), 1902, p. 2. •
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44 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
roun sur les marchés, mais pour maintenir cette supériorité, il
est nécessaire d'obtenir des sortes de plus en plus parfaites.
13** Jardin de Brazzaville (Congo français). — La création de
ce jardin, due à M. Grodet, date de 1901.
Le premier directeur du jardin, M. Luc, avait déjà entrepris
d'utiles cultures ^ lors de notre premier séjour à Brazzaville, en juil-
let 1902.
Au début de 1904, quelques-unes de ces plantations avaient
pris un remarquable développement. Certains arbres à caout-
chouc de Ceara s'élevaient déjà à 3"*50 de hauteur, les Funtu-
mia elastica atteignaient 2""50 de hauteur et leur tronc à la base
avait la grosseur du bras. Les quelques exemplaires de cet arbre à
caoutchouc que nous avons vus à Tétat cultivé, soit à Brazzaville, soit
à Léopoldville, sont de très belle venue, et nous pensons que les
expériences sur cette culture doivent être activement poursuivies.
On a songé, il y a quelques mois, à abandonner le jardin de
Brazzaville pour installer une station plus haut dans le Congo. A
notre avis, il est indispensable de maintenir un établissement
modèle de cultures pour la région des savanes situées au Sud de
la forêt équatoriale. Il s'y pose un assez grand nombre de pro-
blèmes agricoles à élucider. En particulier, c'est au jardin de
Brazzaville qu'il appartient de rechercher ce que donnera la cul-
ture des plantes fournissant le caoutchouc des herbes, le Landol-
phia Tholloni Dewèvre et le Landolphia humilis K. Schumann.
Nous pensons pour notre part que la multiplication de ces plantes
est très difficile et que ceux qui chercheront à se livrer à leur
culture seront déçus. Il est d'autant plus indispensable d'éclaircir
cette question, et le jardin de Brazzaville, sur l'emplacement
duquel croissait le Landolphia humilis avant son défrichement, est
tout indiqué pour tenter ces essais.
Nous sommes aussi persuadés qu'il y a le plus grand intérêt
à créer rapidement, le long du Congo, dans la région de la grande
forêt et à proximité de la Sangha et de l'Oubangui, un jardin
équatorial destiné à guider la colonisation dans cette contrée aux
productions forestières si spéciales et si variées.
C'est là surtout qu'est l'avenir au Congo français : la culture
des arbres à caoutchouc (Hevea et Funtumia) et des grandes lianes
de la forêt.
14° Jardin de Krébedjé (Fort-Sibut), — Installé par la mission
Chari-lac-Tchad en 1902, nous lui consacrons plus loin une étude
spéciale et nous ne le citons ici que pour mémoire.
1. Agriculture pratique des pays chauds, 1901, p. 182.
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LES JARDINS D'ESSAIS. 45
15° Jardins des missions. — Bien qu'elles aient poursuivi un
but tout spécial que nous n'avons pas à apprécier dans cette
étude, nous ne pouvons passer complètement sous silence le rôle
joué, au point de vue agricole, depuis de nombreuses années,
par les missions religieuses installées à demeure en Afrique tro-
picale.
La plupart de ces missions ont introduit dans nos colonies de
riches collections de plantes utiles ; elles ont multiplié ces végé-
taux et en ont fait des plantations importantes quand ils étaient
d'une utilisation immédiate ; enfin parfois, elles les ont propagés
chez les peuplades indigènes voisines.
Dans les régions de l'intérieur nouvellement colonisées, c'est
toujours dans les plantations des missions que nous avons ren-
contré les séries les plus variées d'arbres fruitiers tropicaux, les
cultures les plus étendues de plantes vivrières, les installations
les plus pratiques pour l'utilisation des produits végétaux.
Certaines de ces missions, comme celles de Libreville et de
Mayumbe au Gaboq, de Brazzaville au Congo, de Bangui et de Bes-
sou dans le Haut-Oubangui, possèdent de vastes vergers qui ne lais-
sent rien à désirer. On y pratique la taille des arbres, le greffage,
parfois la sélection de certaines variétés. A la ferme de Bessou,
installée seulement depuis huit ans, en plein cœur de l'Afrique,
on fait de Télevage rationnel, des labours à la charrue, des trans-
ports de denrées et d'engrais dans des charriots construits sur
place ; on fabrique de l'alcool en distillant le jus fermenté de
certains fruits et bpaucoup d'autres opérations que Ton n'est pas
habitué à observer dans les pays neufs. Tous ces résultats d'ordre
essentiellement pratique ont été obtenus, grâce à l'esprit de suite
et à la ténacité des missionnaires fixés à demeure dans les points
qu'ils ont choisis, après de multiples recherches. Il s'est trouvé
aussi des hommes désintéressés comme les R. P. Duparquet
et Klaine, savants modestes qui ont été de véritables initiateurs
en agriculture, et qui ont fait, pour le progrès de l'agronomie
tropicale dans nos colonies, tout autant et peut-être plus que nos
meilleurs jardins d'essai.
Considérations générales. Conclusions
L'examen que nous venons de faire montre que les jardins
d'essais d'Afrique tropicale sont loin d'avoir rempli le but pour
lequel ils ont été créés. La plupart ne sont que des jardins bota-
niques très imparfaits dans lesquels on a accumulé sans ordre
l'ensemble des plantes utiles ou ornementales qu'on a pu se
procurer. Les plantes cultivées n ont pas toujours été choisies
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46 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
par des personnes prévenues et compétentes. Nous pourrions
citer tel jardin où Ton cultivait, lors de notre passage, le Funtumia
afncana à la place du F. elastica (ce dernier donnant du caout-
chouc et l'autre n'en contenant pas) ; de même nous avons vu
cultiver des Landolphia non producteurs de caoutchouc, à la
place de bonnes espèces.
Pour les plantes utiles qui avaient un intérêt immédiat, les
arbres fruitiers par exemple, le nombre des variétés rfitôsemblées
est parfois très faible et ce sont les espèces les plus communes,
de qualité médiocre, qui sont ordinairement multipliées. Le Jar-
din colonial de Nogent, par ses envois, s'efforce actuellement, dans
la mesure de ses moyens, de combler les lacunes. Il a mis cette
année en distribution bon nombre de variétés des principaux végé-
taux de culture, mais un grand pas reste encore à faire dans cette
voie.
Il a été rarement entrepris des expériences en grand pour
faire des essais de cultures, en terrains variés, avec ou sans
arrosages, avec ou sans engrais. Quand ces essais ont été faits,
ils ont porté sur des plantes de grande culture indigne : le
sorgho, le m, Varachide, etc., et il a été alors constaté qu'avec nos
procédés de culture perfectionnés, beaucoup plus dispendieux que
les procédés primitifs employés par l'indigène, on n'arrivait pas
toujours à des résultats encourageants.
La culture des plantes potagères a tenu jusqu'à ce jour une
très grande place dans nos jardins dessais d'Afrique. C'est même
de ce côté qu'a porté leur effort principal. Il n'en est résulté rien
de définitif ; pas une nouvelle variété de légume n'a été constituée
et vulgarisée ensuite chez les indigènes. Eîn ce qui concerne les
espèces d'Europe difficiles à acclhnater dans les pays chauds : la
pomme de terre, Vartichaut, Vasperge, le fraisier, nous n'avons
rencontré dans aucun jardin de tentatives sérieuses, poursuivies
avec méthode, pour rendre leur culture possible. En revanche,
les légumes vulgaires : radis, salades, chotix, etc., ont souvent
tenu une grande place dans la production des jardins d'essais,
et parfois les autorités locales ont demandé avant toute chose,
aux directeurs des stations agricoles, de faire produire à leurs
jardins ces légumes destinés à l'alimentation des Européens vivant
dans les chef-lieux.
Ce n'est pas là, à notre avis, le rôle primordial d'une station
agricole coloniale. Il est démontré depuis longtemps qu'avec un
peu de soins, tous les légumes communs des pays tempérés peu-
vent se développer et produire dans les pays chauds, à condition
de faire un choix judicieux des variétés, de les ensemencer en
temps utile, et dans des conditions rapidement discernées par toute
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LES JARDINS D 'ESSAIS. 47
personne qui s'intéresse à la culture. Il est certain qu'une espèce de
nos pays n'est pas toujours apte à végéter sous les tropiques dans
les conditions normales, mais avec un peu d'observation ou d'ex-
périence, il est souvent aisé de réaliser les conditions artificielles
de milieu qui conviendront à la vie d'une plante herbacée, aussi
modifiée et aussi modifiable que l'est une plante potagère. Au
cours de nos voyages, ce n'est pas dans des jardins d'essais diri-
gés par des praticiens expérimentés et sortis d'écoles spéciales,
que nous avons observé les plus remarquables légumes, mais
souvent dans des postes éloignés, au fond de la brousse, où des
Européens isolés, qui n'avaient jamais fait d'études en horticul-
ture, s'étaient improvisés jardiniers.
On sait depuis longtemps, et je l'ai aussi constaté, que les
plus beaux jardins potagers se trouvent généralement dans les
postes militaires de nos colonies. Dans quelques-uns de ces jar-
dins militaires, à Saint-Louis, à Sedhiou, au Soudan, au Ghari,
nous avons constaté des résultats surprenants : on arrivait à pro-
duire en abondance des légumes variés et de toute beauté, et
cependant ceux qui dirigeaient ces jardins étaient le plus sou-
vent des sous-officiers qui n'avaient reçu aucune instruction tech-
nique spéciale ; mais ils réussissaient, parce qu'il donnaient tout
leur temps à ces essais et qu'ils disposaient d'une main-d'œuvre
abondante de soldats noirs plus disciplinés et plus intelligents
que les manœuvres qu'on emploie dans les stations agricoles que
nous avons vues. Tous ceux qui ont séjourné à Brazzaville dans
ces dernières années connaissent aussi les magnificjues résultats
en culture maraîchère obtenus par quelques prisonniers anna-
mites qui, après leur libération, se sont voués au jardinage.
Grâce à eux, chaque matin, le^ Européens peuvent se procurer
au chef-lieu du Congo français un approvisionnement de légumes
variés. Les jardins annamites de Brazzaville, que nous avons
pris plaisir à examiner en détail, sont véritablement entretenus
avec autant de soin que les jardins maraîchers des environs de
Paris.
Il nous paraît donc prouvé aujourd'hui que la cvlture marair
chère est facile à réussir dans toute V Afrique tropicale, et il n'est
nullement besoin que les directeurs des stations d'essais consa-
crent la meilleure partie de leur temps et de leur intelligence à
faire pousser des légumes pour l'alimentation de quelques Euro-
péens privilégiés, comme cela s'est produit très souvent. De
simples ouvriers noirs habitués à ce genre de travail, et guidés
de temps en temps par un chef européen, arriveront au même
résultat. En un mot, tout Européen qui désire avoir un jardin et
qui dispose d'une heure chaque jour peut, avec un ou deux
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48 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
manœuvres noirs, se constituer un potager abondamment pro-
ductif, sans qu'il soit besoin de l'intervention d'un ingénieur
agronome ou d'un jardinier diplômé !
Nous ne pensons pas davantage que le rôle d'un jardin d'essais
soit de multiplier en grand nombre les plantes utiles, pour les
distribuer ensuite gratuitement ou contre rémunération aux
colons. Que cela se pratique au début pour certains arbres diffi-
ciles à introduire comme les Hevea, le Fwitumia, certains caféiers
rares, rien de mieux ; mais dès que quelques centres de dissé-
mination de ces plantes se sont créés, dès que le commerce peut
les livrer en grande quantité au planteur, et c'est le cas par
exemple pour les graines de Maniçoba et de Cacao, il n'y a plus
aucune raison pour que le jardin d'essais continue ses distribu-
tions de graines. Le personnel du jardin dépense pour ces opé-
rations un temps précieux qui serait plus utilement consacré
à d'autres recherches.
De même, la constitution de grandes pépinières pour la pro-
duction d'arbres d'ombrage ou d'avenues destinés à planter les
voies publiques est une tâche absorbante qui ne doit point incom-
ber aux jardins d'essais. Il en est de même pour la production de
nombreux plants de fleurs ou de toutes autres espèces ornemen-
tales destinés à la décoration des places et des jardins publics.
Qu'il soit utile de confier à des jardiniers européens expéri-
mentés ces services accessoires, nous ne le contestons point,
mais le genre de travail qu'ils ont à accomplir doit être bien
nettement défini, de même que les attributions du personnel
chargé de l'entretien d'un jardin d'essais colonial doivent être
également très précises, et les résultats pratiques qu'il obtiendra
alors seront aussi faciles à apprécier qu'ils ont été confus jus-
qu'à ce jour.
Quelles doivent donc être les attributions de ces stations agri-
coles tropicales éparpillées déjà en grand nombre à travers notre
domaine colonial?
Pour répondre à cette question, nous devons d'abord passer
en revue ce qui a été fait à l'étranger.
Depuis plusieurs années, nous avons étudié le rôle joué par
tous les grands jardins tropicaux du monde : Buitenzorg à Java,
Peradenya à Ceylan, Calcutta dans les Indes ; nous avons suivi
surtout les résultats pratiques obtenus par les principales stations
agricoles coloniales des pays bordant l'Atlantique. Créées pour la
plupart depuis peu d'années, en même temps que nos jardins
d'essais les plus récents, certaines ont pris rapidement un magni-
fique épanouissement, alors que nos jardins français restaient
stationnaires. Plusieurs ont déjà solutionné des problèmes agri-
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LES JARDINS D ESSAIS. 49
coles de la plus haute importance. Le D"" Morris, Tun des plus
distingués fonctionnaires du jardin royal de Kew, a créé à la
Trinidad, aux Ailtilles anglaises, une station agricole qui a déjà
obtenu de remarquables résultats relatifs surtout à la sélection
des cannes à aucre.
Au jardin de Victoria, créé par les Allemands dans leur colo-
nie du Cameroun, des études fort variées ont été poursuivies ;
mais le D' Preuss s'est spécialement attaché aux questions sui-
vantes :
La culture et la préparation du cacao ;
La culture et la préparation de la vanille ;
La culture en grand de l'arbre à caoutchouc d'Afrique (Fun-
tumia elastica) ;
La recherche des meilleures variétés de palmier à huile [Elœû
Quineensis) et des bons procédés d'exploitation des noix de palme.
Au jardin d'Ahuri, à la Gold-Coast, fondé en 1890 par Sir
Brandford Griffit, on s'est surtout occupé d'initier les indi-
gènes à la culture rationnelle du cacaoyer et du caféier. Pour cela
on a formé des jardiniers et des cultivateur indigènes qui, après
avoir fait un stage rémunéré au jardin, vont s'établir pour leur
compte dans diverses régions de la colonie.
On sait le magnifique résultat qui a été obtenu ainsi dans la
culture du cacaoyer. Le cacao, qui était à peine connu il y a
quelques années à la Côte d'Or, donne lieu aujourd'hui à une
exportation de plusieurs millions de francs.
C'est à Eala, près de Coquilhatville, sous l'équateur, que les
Belges ont installé le Jardin botanique central de l'État indépen-
dant du Congo. Il comprend comme annexe un jardin d'essais
€ destiné à l'établissement d'expériences sur les plantes de
grande culture ». Les deux premiers directeurs, MM. L. Gentil
et Marcel Laurent, se sont surtout attachés à Tétude et à la
multiplication des nombreuses plantes à caoutchouc du Congo,
et ils avaient déjà été précédés dans ces recherches par Dewèvre
et Emile Laurent, auxquels il convient d'associer le nom de
M. E. DE Wildeman qui, depuis plusieurs années, poursuit sans
relâche, au Jardin des plantes de Bruxelles, l'étude des matériaux
botaniques recueillis par ces savants observateurs.
L'Etat indépendant du Congo a été, grâce à ce concours
d'hommes expérimentés, un des premiers gouvernements colo-
niaux à comprendre qu'il ne suffit pas d'édicter des mesures
législatives pour accroître la production agricole et forestière
d'une contrée nouvelle, si préalablement Ton n'a pas étudié scienti-
fiquement ces productions. Cet apprentissage, il l'a fait à ses
dépens, il y a plusieurs années.
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50 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
On sait que, dès 1899, un décret du Roi Souverain avait astreint
les agents de TEtat, les particuliers et les concessionnaires, à
planter annuellement un nombre d'arbres ou de lianes à caout-
chouc qui ne devait pas être inférieur à 150 pieds par tonne de
caoutchouc récoltée pendant la môme période. Un important
service du contrôle de la replantation du caoutchouc dans les
forêts domaniales fut institué en même temps. On avait cepen-
dant négligé un point essentiel : les connaissances botaniques
qu'on possédait alors des plantes à caoutchouc d'Afrique étaient
tellement rudimentaires que, même les spécialistes les plus
compétents n'arrivaient pas à s'entendre et à pouvoir distinguer
les espèces donnant d'excellent caoutchouc, d'avec d'autres espèces
qui n'en donnaient pas ou produisaient ime substance sans
valeur. Il en résulta ceci : dans la plupart des plantations
anciennes de lianes à caoutchouc, les espèces utilisables se sont
trouvées mélangées dans d'assez fortes proportions aux bonnes
espèces.
Ailleurs, c'est un arbre, le Funtumia africana, donnant une
résine sans valeur, qui a été multiplié à la place du F. elastica,
l'arbre à caoutchouc de l'Oubangui. Les fonctionnaires du jardin
d'Eala ont étudié minutieusement les espèces qu'il y avait intérêt
à propager, et bien que la lumière ne soit pas encore complète-
ment faite, le Gouvernement de l'Etat Indépendant peut entre-
prendre pour son propre compte et faire entreprendre aux par-
ticuliers, avec beaucoup plus de chances de succès, des cultures
sur l'avenir desquelles il commence à être renseigné. Le nombre
des pieds de plantes à caoutchouc cultivées dans ces conditions
au Congo belge s'élève déjà à plusieurs millions, alors qu'on
serait bien embarrassé pour trouver, dans l'ensemble des jardins
d'essais français d'Afrique, quelques milliers d'exemplaires
appartenant à des espèces sur la valeur culturale desquelles on
soit renseigné.
Nous pourrions citer un grand nombre d'autres plantes de
grande culture ayant également pour l'avenir de nos colonies une
importance primordiale et sur lesquels aucun essai sérieux n'a
encore été fait dans les jardins français.
Nous voudrions, en un mot, que, comme dans les colonies
étrangères, les directeurs de nos stations d'essais concentrent tous
leurs efforts sur un très petit nombre de sujets d'expérience,
mais qu'ils n'hésitent pas à faire ces expériences sur une grande
échelle. C'est ce que le jardin de Camayen a fait pour le bana-
nier de Chine et nous avons signalé plus haut le magnifique
résultat qui a été obtenu. Chaque jardin devrait avoir ainsi de
une à trois questions (au maximum) à approfondir.
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LES JARDINS D'ëSSAIS. 41
Dans la zone saharienne, au contact du Sahara, on étudierait les
problèmes de la culture du dattier et des fourrages pour Talimen-
tation du bétail ; dans les jardins de la zone soudanaise, Tétude
de la culture du cotonnier est déjà à Tordre du jour, mais elle
a besoin d'être poursuivie longtemps et sans défaillances ; dans
la Guinée française, la possibilité de la culture des arbres frui-
tiers pour l'exportation des fruits tropicaux en Europe est démon-
trée, mais il restera toujours à préciser quantité de détails
connexes. Dans d'autres parties de l'Afrique occidentale, il fau-
drait entreprendre de grands essais sur la culture des plantes à
caoutchoiu:, des palmiers à huile, des cocotiers , des colatiers,
des cacaoyers, etc.
Au Congo français, nous avons besoin d'être fixés sur les pos-
sibilités culturales des plantes à caoutchouc : arbres, lianes et
petites plantes doncfant le caoutchouc des herbes, La multiplica-
tion des cacaoyers est déjà avancée dans les plantations parti-
culières du Gabon, mais la station de Libreville doit être en
mesure d'éclairer le colon sur quantité de points particuliers
relatifs à la culture des meilleures variétés en terrains appropriés
et relatifs aussi à la préparation du cacao.
Les jardins d'essais d'Afrique doivent s'atteler courageuse-
ment à l'étude de ces grandes questions et leurs expériences ne
doivent plus porter sur des carrés de plantations ayant quelques
mètres de côté, comme elles Tont trop souvent fait jusqu'à ce
jour. L'ère des tâtonnements pendant laquelle on cultivait
« n'importe quoi » doit être définitivement close. Après les intro-
ductions qui ont déjà été faites et qui ne sont d'ailleurs pas
terminées, il leur reste à poursuivre sur une vaste échelle les
quelques recherches expérimentales pratiques que nous indi-
quions plus haut. De grandes étendues leur seront indispensables
et les moyens d'action ne leur manqueront pas, lorsque l'adminis-
tration ou les planteurs verront dans ces champs des instru-
ments de prospérité agricole et des guides sûrs pour les entre-
prises de colonisation.
Cette tâche ainsi comprise sera à la fois vaste et simple, et
elle aura l'avantage de conduire à des résultats précis et parfois
à des applications immédiates. Au contraire, en portant, comme
elles l'ont souvent fait, leurs recherches sur une foule de ques-
tions, en cultivant les végétaux les plus divers sans but déter-
miné, les stations agricoles coloniales font fausse route, car
elles n'ont pas le personnel scientifique suffisant pour suivre
simultanément toutes ces études. Le résultat de cette multiplicité
de cultures est qu'aucun problème ne se trouve finalement résolu
et les questions de première importance, comme celle de la cul-
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58 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
lure des plantes à caoutchouc, se trouvent perdues de vue. Après
quinze années d'efforts, pas une plantation de ces plantes n'est
encore en étal de produire en Afrique occidentale, ni même de
donner des espérances sérieuses pour l'avenir, parce que toutes
ont été faites à la légère. Et pendant que nous perdons du temps,
les réserves forestières de l'Afrique en caoutchouc s'épuisent
rapidement et auront quelque jour disparu, si l'homme n'inter-
vient pas bientôt pour les reconstituer. C'est aux jardins d'essais
qu'il appartient d'abord de s'atteler à cette belle œuvre, capable
de séduire beaucoup de ceux qui ont foi dans l'avenir de notre
empire africain.
111, — Essai dlntroduction des plantes utiles dans le centre
de l'Afrique, par Aug. Chevalier
CHAPITRE ! — LES PRÉPARATIFS DE L'INTRODUCTION
^ommùire : La Mission Chari-Lac Tchad. — Le chef de cultures de la Mis-
sion : Vincent Martret. — Le choix des graines et des plantes vivantes
eu France. Le voyage. Le transport des plantes vivantes. Choix de
reïdplacunjent d'un jardin d'essais.
§ I. ~ Mission Ghari-lao Tchad (1902-1904)
Organisée par le Ministère de Tlnstruction publique, le Minis-
tère des Colonies avec le concours du Gouvernement local du
Congo, de T Académie des Inscriptions et Belles-lettres (fondation
Garnier), du Muséum d'Histoire naturelle, etc., la mission que
nous avons dirigée a poursuivi, pendant son séjour de 22 mois
en Afrique centrale, non seulement l'étude scientifique et éco-
nomique des productions du Haut-Oubangûi et du bassin du
Tchad, mais elle a en outre cherché, suivant les instructions
qu'elle avait reçues du Gouvernement, à introduire et à multi-
plier en Afrique centrale les plantes utiles qui y manquaient ou
y étaient rares, et elle a essayé, dans la mesure des moyens dont
elle disposait, de les répandre dans les divers postes de nos pos-
sessions.
Avant de quitter la France, M. le Ministre des Colonies, à la
demande du commissaire du Gouvernement au Tchad, M. E. Gen-
til, nous avait chargé de constituer un jardin d'essais en vue de
ces in Irodac lions, et il nous donnait à notre départ les instruc-
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 53
tions suivantes : « ...Vous aurez en premier lieu à vous préoccuper
de la création d'un jardin d'essais, sur remplacement où cet
établissement vous paraîtra devoir rendre le plus de services.
Je vous signale en particulier les points de Fort-de-Possel, Fort-
Sibut et de Fort-Crampel, comme répondant le mieux, d'après
l'avis de M. Gentil, aux conditions exigées pour cette création.
« Vous avez également à examiner les cultures principales aux-
quelles le nouveau jardin d'essais devra, dès l'abord, apporter
tous ses soins. La culture des diverses plantes à caoutchouc que
produit la région, l'acclimatement des légumes et fruits d'Eu-
rope, la culture des fruits tropicaux, présentent à ce point de vue
une importance primordiale, »
§ II. — Le Chef de culture de la Mission : Vincent Martret
Pour remplir ce programme, il nous fallait la collaboration
d'un praticien expérimenté, très au courant des cultures tropi-
cales et ayant déjà donné des preuves de son zèle en introduisant
ailleurs des plantes utiles. Nous avions vu à l'œuvre, au Soudan,
Vincent Martret qui remplissait ces conditions. Il était en
congé en France, en 1901, au moment où s'organisait la mission ;
je proposai de le prendre comme chef de cultures ; il accepta
avec enthousiasme. Le travail qu'il a fourni pendant la mission
est considérable. Notre infortuné collaborateur a payé de sa vie
les efforts qu'il avait dépensés pour l'accomplissement de la
tâche qui lui était confiée. Après six mois de séjour en France,
il est mort le 7 octobre 1904 à Plouigneau (Finistère), victime de
l'affection paludéenne qu'il avait contractée aux colonies. Comme
Heudelot, mort au Sénégal (en 1837), comme Pierre, créateur
du jardin de Libreville, et mort au Gabon (en 1892) ; Lelache
assaasdné à la Côte d'Ivoire ; comme Thollon, mort au Congo
en 1895, Vincent M.\rtret appartenait à cette modeste classe de
fonctionnaires coloniaux qu'on nommait autrefois « les bota-
nistes-jardiniers de la Marine ».
Comme eux, il aura eu une vie courte mais bien remplie, et
son nom restera intimement lié à l'histoire des introductions de
plantes utiles dans le centre de l'Afrique.
Vincent Martret était né à Lanmeur (Finistère)), en 1875.
Fils de petits cultivateurs, il s'initia parmi eux à la culture maraî-
chère qui constitue, comme l'on sait, la principale ressource du
Nord du Finistère. A 16 ans, il entra à l'école d'agriculture du
Lézardeau (lUe-et-Vilaine). Il en sortit en 1896 pour venir ter-
miner ses études à l'École nationale d'horticulture de Versailles.
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54 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
Mais Martrët n'était point fait pour la vie sédentaire. Sitôt
diplômé, il entra, en 1897, dans le service des cultures du Mu-
séum et, sous la direction du professeur Maxime Cornu, il fut
rapidement au courant des connaissances techniques utiles aux
praticiens appe'lés à essayer des cultures dans les pays chauds.
En 1898, il partit au Soudan français, dans la mission orga-
nisée par le général de Trentinian. Il avait emporté du Muséum
deux petites serres de plantes vivantes qu'il réussit à transporter
en bon état jusqu'à Kati, près du Niger moyen. Là, sous la direc-
tion de M. Jagquey, il entreprit, non seulement de multiplier
ces plantes, mais il lui revient aussi le mérite d'avoir exécuté la
plupart des belles plantations que nous avons nous-même obser-
vées au jardin de Kati, à la fin de 1899.
L'activité qu'il déploya au cours de la mission Chari-Tchad,
le zèle avec lequel il nous seconda, firent l'admiration de tous.
Le jardin que nous allons décrire a été son œuvre. Il est
profondément regrettable qu'une carrière si utile à la colonisation
ait été brusquement interrompue par une mort prématurée.
§ m. — Le choix des erraines et des plantes vivantes en France
La mission constituée, nous nous sommes occupés, dès le début
de 1902, de grouper toutes les graines et les jeunes plantes
vivantes qu'il y avait intérêt à emporter en Afrique centrale. En
mars, Martret revenait faire un stage aux serres du Muséum,
dans le service de M. le Professeur Costantin, pour multiplier et
grouper les plantes que nous voulions transporter avec nous dans
des serres Ward. Le Muséum, continuant des traditions vieilles
de plus d'un siècle, contribue toujours, autant qu'il le peut, à
l'introduction dans nos colonies, des espèces utiles qu'il a pu
obtenir de divers côtés. Dans le cas présent, il nous procura
toutes les ressources végétales dont il disposait dans ses serres
et dans sa collection de graines.
M. J. Dybowskt, au Jardin colonial de Nogent-sur-Mame,
nous donna aussi, avec le plus grand empressement, un certain
nombre d'espèces de graines et plantes, existant dans ses collec-
tions et qui nous manquaient.
Enfin, nous devons des remerciements tout particuliers à la
maison Vilmorin-Andrieux et C**, qui mit à notre disposition,
avec un entier désintéressement, toutes les richesses mentionnées
sur ses divers catalogues.
Un stock très important de graines et de jeuiîes plantes put
ainsi être emporté de France, le 16 mai 1902.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 55
Mais là ne devaient pas se borner nos efforts : nous voulions
aussi profiter des essais de naturalisation déjà faits à la Côte occi-
dentale d'Afrique et recueillir, dans les jardins existants, tout ce
qu'il pouvait y avoir d'utile à transporter d'une région à l'autre,
et à introduire partout où c'était possible, et spécialement en
Afrique centrale. Nous nous inspirions en cela de l'exemple de Per-
ROTET qui, au cours de sa belle carrière coloniale, dans la première
moitié du xix** siècle, a été peut-être le plus grand introducteur
de plantes dans tous les pays tropicaux où la France avait des
possessions ^.
Je séjournai avec Martret im mois au Sénégal, et grâce au
bienveillant accueil du Gouverneur général de l'Afrique occiden-
tale française, M. Roume, il nous fut possible de rassembler dans
les jardins publics et particuliers de la colonie une importante
provision de graines.
Au jardin d'essais de Camayen, en Guinée française, je pus
obtenir, par l'entremise de M. Noirot, quelques jeunes plants
du Miùsa sinensis qui y est cultivé avec tant de succès, ainsi que
des œilletons des excellentes variétés d'ananas : Comte de Paris
et Baronne de Rothschild.
A l'escale de Porto-Novo, au Dahomey, la mission prit aussi
diverses graines.
Un court arrêt à Libreville, au Gabon, permit de visiter le
jardins d'essais et d'obtenir du directeur, M. Couasnon, plusieurs
plantes qui nous manquaient encore.
Il en fut de même à Brazzaville, où M. Luc mit avec la plus
grande obligeance, à notre disposition, la plupart des plantes
existant dans son jardin récemment créé. Enfin, divers parti-
culiers nous donnèrent, en échange des plantes ou des graines
que nous leur abandonnions, lorsque nous en possédions une
1. Perrottet, embarqué sur un navire de la Marine, emportait avec lui
à chaque voyage toutes les plantes qu'il réussissait à se procurer. Il séjour-
nait quelque temps dans une colonie, y cultivait les espèces apportées avec
lui et celles qui y existaient déjà. A son départ, il emportait de nouvelles
graines ou des plantes qu'il avait réussi à faire et les déposait dans une
autre colonie où il continuait la même besogne. C'est ainsi que la Guyane,
le Sénégal, la Réunion, Madagascar et Tlnde lui doivent bon nombre de
levurs Introductions. C'est lui qui» le premier, vers 1820, a signalé à Mada-
gascar une liane du genre Landolphia, comme susceptible de donner une
gomme analogue à celle fournie par les Hevea qu'il avait vus à la Guyane,
c'est-à-dire le caoutchouc. C'était la découverte de la première liane à
caoutchouc! Deux autres voyageurs français, Adanson et Palisot de
Beauvois, bien avant lui, avaient vu d'autres lianes du même genre, mais
ils n'avaient pas soupçonné dans le latex de ces plantes l'existence d'un
produit qui ferait un jour la richesse de l'Afrique.
Le nom de Perrottet tient certainement l'une des premières places
dans la liste des naturalistes qui ont consacré leur vie au progrès de l'agro-
nomie tropicale.
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56 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
quantité suffisante, de nombreuses espèces intéressantes à em-
porter au dernier terme de notre voyage.
Nous tenons à remercier spécialement les missions catholiques
de Thiès (Sénégal), de Brazzaville (Congo), de Bangui et de Bes-
sou (Oubangui), qui nous ont procuré, avec le plus grand empres-
sement, quantité d'espèces et de variétés d'arbres fruitiers de la
plus grande utilité.
C'est ainsi que les bonnes variétés de manguiers, introduites
par nous dans les bassins de l'Oubangui et du Tchad, provien-
nent de graines qui nous avaient été données en grande quantité
à la mission de Thiès.
Quant à la plupart des mandariniers de Fort-Sibut, ils ont
été apportés en jeunes plants, préalablement élevés à la mission
de Brazzaville.
Du reste, partout où elle obtenait des dons ou des cessions, la
mission Chari-Tchad s'efforçait de donner, en échange, des graines
ou des jeunes plants d'espèces qui manquaient encore dans les
établissements ou les jardins que nous visitions.
§ IV. — Le transport des plantes vivantes
Martret ne parvint à sauver la plupart des plantes vivantes
que nous avions emportées de France ou acquises en cours de
route, qu'en leur donnant, pendant toute la durée du voyage,
les soins les plus assidus. Placées dans quatre serres Ward ^ dès
le 10 mai 1902, elles sont parvenues à leur destination, c'est-à-
dire à Fort-Sibut, le 8 septembre. Le voyage a donc duré quatre
mois. Sur le paquebot ainsi que dans les escales où il nous fut
donné de séjourner, Martret s'en occupa constamment pour les
aérer, les arroser, les garantir du soleil, etc. Jusqu'à Bangui, où
nous parvenions le 15 août, tout se passa pour le mieux, notre
collection restait intacte. Mais à partir de ce point, il fallut trans-
porter les serres dans un chaland étroit, encombré de tout le maté-
riel de la mission ; il fallut leur faire franchir les rapides de TOu-
bangui î On dut ensuite les faire voyager en pirogues indigènes.
Puis, les deux derniers jours, les serres furent transportées sur
la tête des nègres î
Il est inutile que j'insiste davantage sur ce fait que mon vail-
1. Martret avait choisi de petites serres mesurant 0'.45 de longueur sur
O',30 de largeur et 0',45 de hauteur. Deux serres de la sorte contiennent
autant de plantes qu'une grande. Une serre comnie les nôtres peut être
facilement portée sur la tête d'un Noir, tandis qu'il faut quatre hommes
pour porter une grande serre Ward, dont l'emharquement et le débar-
quement sont difticiles. Les plantes emballées dans de grandes serres
risquent aussi de souffrir davantage des chocs.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 57
lant collaborateur avait non seulement à veiller sur ses plantes
vivantes, mais encore que bien d'autres occupations absorbaient
son attention. Aussi, une assez grande quantité de jeunes plantes
délicates moururent dans cette dernière partie du voyage ou suc-
combèrent après leur transplan taion.
§ V. — Choix de l'emplacement d'un Jardin d'essais
Suivant les instructions ministérielles qui m'avaient été don-
nées, le jardin à constituer devait être situé entre Fort-de-Possel
et Fort-Crampel. Le commissaire du gouvernement au Tchad,
M. le lieutenant-colonel Destenave, me conseilla vivement de ne
pas trop m'éloigner de TOubangui, le climat devenant rapide-
ment impropre à beaucoup de cultures tropicales, au fur et à
mesure qu'on se rapproche du Tchad. En outre, il attirait spé-
cialement nion attention sur la localité de Krébedjé (Fort-Sibut),
où l'on trouverait, disait-il, beaucoup d'avantages réunis : de
l'eau en abondance, de grandes cultures indigènes déjà exis-
tantes, de la main-d'œuvre, etc.
Un emplacement favorable fut en effet reconnu dès notre arri-
vée dans ce poste, et l'administrateur du cercle, M. GABomAUD,
nous procura, quelques jours après nôtre arrivée, les travailleurs
indispensables pour commencer les premiers travaux de défri-
chement.
CHAPITRE II. — LE JARDIN D'ESSAIS DE FORT-SIBUT
Sommaire : Situation, climatologie. — Composition du- sol. — Le jardin
proprement dit. — Le terrain ferrugineux. — La galerie forestière. —
Les bords de la rivière.
§ I. — Situation, Climatologie
Le poste de Fort-Sibut (nommé encore Krébedjé), du nom du chef
de village indigène installé à proximité) se trouve au cœur de
TAfrique, dans la partie la plus septentrionale du bassin du Congo,
à l'entrée des territoires du bassin du Tchad. Il a été fondé par
M. Gentil, lors de sa première mission en 1897, sur la Tomi,
affluent de la Kémo, à une centaine de kilomètres du grand coude
de rOubangui, dans lequel se jette la Kémo. D'après les observa-
tions et les calculs de M. Bruel, il se trouve par 5''45' de lati-
tude N. et par 17** de longitude E. Il est situé à environ 440 mètres
au-dessus du niveau de la mer.
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58 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
On possède encore très peu de données sur la climatologie de
Fort-Sibut. Rousset en 1899, et Martret en 1903, ont pu y faire
quelques observations, mais elles ne s'étendent que sur quelques
mois. La saison des pluies va de fin mars à fin octobre. Il peut
môme y avoir un à trois jours de pluie dans chacun des autres
mois. Les mois les plus pluvieux sont (comme dans toute la zone
tropicale africaine, au N. de l'Equateur), juin, juillet, août, sep-
tembre.
A Mobaye, sur le Haut-Oubangui, Bruel a compté, en 1897,
101 jours de pluie et enregistré 1°'64 d'eau ; à Port-Crampel, sur
le Haut-Chari, en 1900, le même observateur a compté 118 jours
de pluie et recueilli 1™,57 d'eau dans l'année. Nous renvoyons
du reste le lecteur à l'excellent et consciencieux travail de Bruel
sur la météorologie du Haut-Chari, publié dans le Bulletin de la
Société météorologique de France, ainsi qu'aux observations an-
nexées à ce mémoire que Martret avait entrepris de faire à l'aide
des instruments mis à sa disposition par M. Bruel.
Port-Sibut se trouvant dans une zone intermédiaire, entre
Mobaye et Fort-Crampel, on peut, jusqu'à renseignement plus
précis, admettre qu'on observe en moyenne chaque année une cen-
taine de jour de pluies et qu'il tombe environ 1™,50 d'eau. C'est,
comme on le voit, approximativement le climat de la Haute-Côte
d'Ivoire et du Fouta-Djalon.
§ n. — Composition du sol
L'emplacement du jardin d'essai fut choisi sur le flanc N.-E.
du poste, en bordure de la rivière Tomi et d'une grande galerie
forestière renfermant des sources, et qui rejoint la Tomi à
500 mètres environ en amont du poste.
La plus grande partie de l'emplacement du jardin, celle sur
laquelle nous devions installer nos pépinières et la plupart de
nos cultures, était située tout le long de la rivière Tomi. Couverte
de brousse, d'arbres et de hautes herbes, elle avait cependant été
cultivée par les indigènes avant l'installation du poste français, et
l'on retrouvait encore en un coin les traces d'un champ de manioc
abandonné depuis longtemps. Nous donnerons plus loin la
composition de la végétation spontanée. Quant au sol, il était
presque partout formé d'une épaisse couche de terre d'alluvion,
riche en humus. Au retour de la mission, cette terre a été ana-
lysée par M. HÉBERT, chef de travaux au laboratoire de
M. Armand Gautier. Cette analyse a donné les résultats suivants.
Terre de surface (0" à 0°,30), dans la partie située au-dessus de
la zone atteinte par l'inondation annuelle :
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 59
ANALYSE PHYSIQUE ANALYSE CHIMIQUE
Sable 910.0p. 1000 Azote 1,14 p. 1000
Argile 30,7 — Acide pliosphorique. . . traces.
Calcaire traces. Chaux traces.
Humus 16,8 — Potasse traces.
Soude 1,09 —
Magnésie traces.
Dans la partie la plus élevée du jardin, la terre végétale était
remplacé par des graviers ferrugineux et même, par places, la
roche (latérite en conglomérats) venait affleurer. Nous avons
constaté, au cours de nos voyages, qu'un tel sol est éminemment
propre à la végétation des lianes à caoutchouc d'Afrique : Lanr
dolphia owdriensis et Landolphia HeudelotiL
Enfin, tout contre la rivière, de quelques mètres en contrebas
du jardin proprement dit, dans Tancien lit fluvial qui n'est plus
envahi par les eaux qu'au moment des grandes crues, on trouve
d'épais dépôts de terre végétale sablonneuse. L'analyse de
M. HÉBERT a donné :
ANALYSE PHYSIQUE ANALYSE CHIMIQUE
Sable 895,0 p. 1 000 Acide phoôphorique. . . . traces.
Argile 12.7 — Chaux h . . . traces.
Calcaire traces. Soude 1,70 p. 1000
HuiD'US. . • traces. Potasse 0,20 —
Magnésie traces.
Ces terres de rivage, bien ombragées par de grands arbres,
sont éminemment favorables aux semis de plantes demandant
dans leur jeunesse beaucoup d'ombre et d'humidité, mais il
serait dangereux d'y installer des cultures en permanence, ainsi
que nous en avons fait l'essai. Ces terres, qui n'avaient pas été
envahies par les eaux pendant toute l'année 1902, ont été subite-
ment recouvertes par l'inondation de la Tomi, pendant l'hiver-
nage 1903. Les eaux ont séjourné pendant plusieurs semaines sur
cette partie du jardin, tuant presque toutes les plantes qui s'y
trouvaient cultivées. Il en résulta un petit désastre dans certains
essais de culture entrepris par Martret, qui dut renoncer à uti-
liser ce coin en hivernage.
Le terrain qui avait été choisi pour l'installation du jardin
d'essais comprenait quatre sortes de sols, chacun ayant sa végéta-
tion spontanée propre et se prêtant à des cultures bien détermi-
nées.
§ III. — Le Jardin proprement dit
C'est là que Martret fit presque tous ses essais. Ce coin était
formé d'une terre d'alluvion noirâtre très meuble. Avant le
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60 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
défrichement, la végétation spontanée se composait surtout de
Panicum (plusieurs espèces de grande taille), un Amomum à
tiges de 1™ à 1"50 de hauteur, et Vlmperata des tropiques ; cette
graminée aux rhizomes traçants est un véritable fléau pour Tagri-
culture en Afrique, car elle envahit très rapidement toutes les
terres qui ont été une première fois cultivées. Comme arbres et
arbustes, il n'y avait que quelques grands Vitex^ VAiiona sene-
galensis, le Sarcocephalus esculentus, un Bridelia rabougri.
Les arbustes furent presque tous extirpés. On laissa intacts
les grands arbres. Les rhizomes des Amomes et des Imperata
furent difficiles à enlever. A noter aussi la difficulté qu'on eut
pour extirper Vlcacina senegalensis, petit arbuste haut de 30 cent,
environ, mais qui possède un gros tubercule de la grosseur de
la tête, enfoncé parfois à O^'SO de profondeur.
On s'aperçut aussi, au cours de ces premiers travaux, qu'il
faudrait lutter dans l'avenir avec une ennemie redoutable des
cultures tropicales : la fourmi blanche ou termite. Elle envahit
spécialement tous les terrains où l'on enfouit des herbes sèches
et même de l'engrais de ferme.
§ IV. — Le Terrain ferrugineux
La partie la plus élevée de l'emplacement choisi, située en
bordure de la vieille roche de Port-Crampel, était formée d'un
sol pauvre, rougeâtre, argileux par places, ailleurs fortement
sablonneux et formé de débris de roches genésiques provenant de
la décomposition des massifs voisins. En certaines places, comme
nous l'avons dit, la roche ferrugineuse compacte venait affleurée
à la surface. La végétation spontanée était celle des savanes du
Soudan, si souvent décrite par les voyageurs. Formée d'arbres
ou de touffes d'arbustes plus ou moins espacées les unes des
autres, mais séparées à la saison des pluies par de hautes herbes,
et en particulier par plusieurs 'espèces d'Andropogon, elle consti-
tue ce que l'on a nommé la végétation de parc.
Les espèces ligneuses les plus caractéristiques qui y croissent
sont des Vitex, des Terminalia, des Anogeissus, des Afzelia, des
Daniella et des Lophira. Les herbes qui croissent entre ces
essences s'élèvent à environ 2 mètres de hauteur à la saison des
pluies. Elles ont presque toutes une souche vivace, mais leur
chaume se dessèche dès qu'arrive le mois de novembre ot môme
plus tôt, dans les endroits arides. Les incendies d'herbes allumés
par les indigènes brûlent alors toutes les parties aériennes dessé-
chées et toute la végétation reste dans une phase de vie ralentie,
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ESSAI D^NTRODUCTION DES PLANTES UTILES. 61
jusqu'à Tarrivée des premières pluies ; seules les plantes spon-
tanées à grandes réserves aqueuses : plantes à gros rhizomes ou
à bulbes, euphorbes cactif ormes, certaines lianes, etc., entrent
en végétation en pleine saison sèche, parfois presqu'aussitôt après
le passage du feu de brousse.
Cette végétation à adaptation si spéciale caractérise ce que
nous avons nommé la zone soudanienne, qui va du Sénégal à
TAbyssinie. Dans les colonies françaises, elle s'étend sur un demi-
million de kilomètres carrés. Assurément, ce terrain essentielle-
ment aride pendant une grande partie de l'année a une valeur
agricole très médiocre. Dans les endroits où il y a suffisamment
de terre végétale, il se prête à la culture des plantes annuelles
(sorgho, éleusine, sésame, Hyptis, arachide, Vigna), qui peuvent
évoluer pendant la saison des pîaies. Or, pour intéressantes que
soient ces cultures indigènes, il est peu utile de chercher à les
rendre rationnelles actuellement. Mais on trouve aussi sur ces
terrains ferrugineux et arides du Soudan, deux végétaux du plus
haut intérêt pour notre industrie : les lianes à caoutchouc (Lan-
dolphia owariensis et L. Heudelotii) et le Karité ou arbre à
beurre d'Afrique {Buiyrospermxim Parkii). Quelques touffes de
Landolphia owariensis existaient déjà sur l'emplacement du jar-
din d'essais et dans les environs, et il était facile d'en ensemencer
d'autres. Quant au Butyrospermum Parkii, il ne s'avance pas en
Afrique centrale au Sud du 7* parallèle. Il se trouve à Fort-Cranî-
pel, à sa limite Sud extrême. Le climat et le sol de Fort-Sibut et
de Fort-Grampel étant sensiblement identiques, il n'y avait aucun
empêchement pour introduire le Karité à Fort-Sibut, et effecti-
vement nous avons expédié à Martret, en juin 1903, des graines
de Karité, dont la germination a réussi. Si ces arbres peuvent
subsister et se répandre dans la contrée, ils fourniront une
graisse qui constituera plus tard un appoint dans l'alimentation
des indigènes.
C'est donc spécialement pour faire des essais d'acclimatation
et de culture des lianes à caoutchouc et de Karité, qu'un coin de
brousse fut choisi pour faire partie du jardin d'essais.
§ V. — La Galerie forestière
L'emplacement comprenait aussi un coin de galerie forestière
qui abritait plusieurs sources permanentes. Depuis la publica-
tion des travaux de Schweinfurth, on nomme galerie des mas-
sifs forestiers très serrés, larges seulement de 20 mètres à
500 mètres et situés ordinairement le long des rivières ou seu-
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62 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQÛE.
lement partout où il existe à l'hivernage au moins un filet d'eau
courante. Rien, dans les pays tempérés, ne peut donner une idée
de ce que sont ces galeries. A la lisière des grandes étendues de
brousse nue ou des savanes brûlées, on voit surgir brusquement
des cordons d'arbres aux troncs élevés et très réguliers, aux cîmes
verdoyantes toute Tannée. Sous le dôme de verdure de ces arbres,
dôme dressé à 30 mètres ou 40 mètres de haut, s'étagent deux
autres dômes ; Tun formé d'arbres de taille moyenne, l'autre plus
bas, composé d'arbustes, puis au ras du sol un fouillis d'amomes,
de Costus, de Palisota, d'aroidées, de jeunes palmiers. Enfin,
enlaçant le tout, d'immenses câbles formés des lianes les plus
diverses.
Dans la partie botanique de notrç publication, nous décrirons
plus longuement cette formation qui, le long des cours d'eau, est
comme un étroit prolongement de la grande sylve équatoriale
s'en venant mourir jusqu'au cœur du Soudan,
Au point de vue agricole, les galeries ont une grande impor-
tance. A la faveur de l'exubérance de la végétation, il s'y est
accummulé une épaisse couche de terre végétale très riche en
humus. De plus, l'eau séjournant sous les arbres et coulant par-
fois toute l'année maintient une fraîcheur constante. Enfin, c'est
exclusivement dans ces galeries qu'on trouve certaines plantes
utiles du Soudan : le Coffea excelsa A. Chev., le Coffea Dybowskii
Pierre, le Piper Clusii DC, le Kapok (Eriodendron anfractuo-
sum) à l'état sauvage, etc. C'est aussi le seul genre de terrain
où l'on puisse, grâce à l'ombre et à la fraîcheur, cultiver en per-
manence les plantes tropicales des régions forestières humides,
comme le cacaoyer, la vanille, les arbres à caoutchouc (Funtu-
mia, Hevea, Castilloa), le colatier, etc.
La galerie qui formait l'un des bords du jardin d'essais était
alignée de TE. à l'O. Elle avait en moyenne 80 mètres de large
et s'étendait jusqu'à la Tomi sur 400 mètres de long environ.
Les principaux grands arbres qui la constituaient étaient :
VEriodendron, un grand Sarcocephalus à bois jaune, un Khaya '
différent de l'espèce du Sénégal, mais donnant comme elle un
bois analogue à Vacajou.
Martret n'eut malheureusement pas le temps d'entreprendre
sous cette galerie toutes les cultures qu'il eût été désirable d'y
faire. Il put seulement y transplanter plusieurs centaines de
jeunes plants de Coffea congensis Hiern. des rives de l'Oubangui,
qui avaient été arrachés par les soins de M. Courtet, aux envi-
rons du confluent de l'Oubangui et de la Kémo.
Cette plantation réussit d'ailleurs fort mal et quinze mois après
avoir été faite, il ne restait plus que quelques plants chétifs de
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 63
caféiers. Une plantation de Piper Clusii^, faite à Taide de bou-
tures, eut le même sort.
En somme, les essais de culture sous galerie sont entièrement
à reprendre. Nous sommes persuadés qu'ils donneront de très
intéressants résultats et ils permettront, par exemple, de cultiver
dans tout le Sud du Soudan les colatiers et les caféiers en
arbres (Coffea excelsa et C. Dybowskii), Ajoutons que la terre
des galeries est riche en éléments fertilisants. M. Hébert a ana-
lysé celle que nous avions recueillie dans la vallée du Boro (pays
de Snoussi, par 7* de lat.).
Cette analyse a donné les résultats suivants :
Pas de cailloux, ni chlore, ni acide sulfurique.
ANALYSE PHYSIQUE ANALYSE CHIMIQUE
Sable 883.0p.1000 Azote 3,58p.l000
Argile 4,5 — Acide phosphorique. . . traces.
Calcaire traces. Chaux traces.
Humus 21,6 p. 1000 Potasse 0,16 p. 1000
Soude 4.73 —
Magnésie traces.
§ VI. — Les bords de la rivière
Enfin la rivière Tomi limitait le jardin d'un côté. En certaines
places, ses talus étaient escarpés et bordés d'arbres. Nous avions
multiplié au haut des talus quelques pieds de Landolphia owa-
riensis qui y croissaient déjà à Tétat sauvage.
En un endroit où le talus de la rivière était incliné à 45° et
ombragé par de grands Irwingia, on plaça quelques plants de
Coffea congensis des rives de TOubangui. Ces caféiers n'ont pas
mieux réussi que sous la galerie, bien qu'ils se soient trouvés
dans une terre riche en humus, sur un talus ombragé et suscep-
tible d'inonder à la saison des pluies, comme cela arrive dans la
station du Congo où ils croissent à l'état spontané. Nous considé-
rons cette plante comme d'une culture très difficile et, malgré la
qualité de son grain, sa propagation n'est pas à recommander.
Nous reviendrons sur cette question lorsque nous étudierons
les caféiers d'Afrique.
A proximité de la cour du poste de Fort-Sibut, le talus des-
cendait, non sur la rivière, mais sur une marge de terres d'allu-
1. Ce poivre que vendent sur les marchés les dUoulas du Soudan occi-
dental ne semble avoir aucune valeur au point de vue de l'exportation. Le
Piper Famechoni de la Guinée» décrit par M. Heckel en 1902, est très voisin
du Piper ClusU, si même il ne lui est pas identique. Ces plantes seront
étudiées dans un prochain mémoire sur les divers poivres d'Afrique que
prépare en ce moment notre ami M. le Prof Perrot.
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64 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
vions, large dune trentaine de mètres. Elle fut défrichée dès
notre arrivée et ensemencée en m, en mdis^ en pommes de terre^
en tabac, en Coleus, etc. C'est dans ce terrain frais que fut établi
aussi en ;nai 19Ô3 une pépinière de lianes à caoutchouc. Malheu-
reusement, ce terrain, dont nous avons parlé plus haut, situé seu-
lement de deux mètres au-dessus du lit habituel de la rivière, fut
envahi par Teau au moment des grandes crues*. L'inondation
dura si longtemps qu'elle fit mourir toutes celles des lianes qui
n'avaient pas encore été transplantées dans le terrain de la
deuxième catégorie (voir ci-dessus). Il fallait donc renoncer à culti-
ver, du moins pendant la saison des pluies, cette bordure périodi-
quement soumise à la submersion. Tout au plus, pourra-t-on l'uti-
liser pour l'installation d'un jardin potager pendant la saison
sèche.
En résumé, l'emplacement choisi pour l'installation du jardin
d'essais est formé de terrains très variés. Il remplit en outre
diverses autres conditions favorables.
L'existence d'une rivière sur sa bordure permet d'avoir de
l'eau en abondance pendant toutes les saisons. Plus tard, in-
stallation d'un appareil à élever l'eau faciliterait considérablement
les arrosages. Situé sur la route de convois qui joint le Congo au
Tchad, notre jardin peut fournir aux officiers et fonctionnaires
les graines et les plants pour les transporter dans les postes du
Nord, beaucoup mieux que s'il se trouvait en dehors de la ligne
de ravitaillement. Situé aussi à proximité du Haut-Oubangui, il
peut procurer les mêmes avantages aux postes et aux factoreries
de cette région. Enfin, sa situation géographique est telle qu'il
convient à la fois aux cultures de la zone guinéenne (zone demi-
forestière), et aux cultures de la zone soudanienne, c'est-à-dire
la région des savanes et des plateaux ferrugineux.
En un mot, il remplit toutes les conditions requises, et peut
devenir un excellent instrument de dissémination de plantes
utiles pour toutes nos possessions du Centre africain, situées au
Nord de la forêt équatoriale.
1. La Tomi coule à P'ort-Sibut à moins de 100 kilomètres de sa source ;
de plus, elle recueille en amont du poste, plusieurs torrents drainant les
hauts-plateaux de la région. Aussi, quand une pluie abondante survient
dans cette région, il n'est pas r£«re de voir le niveau de la rivière s'élever
de 2 mètres en moins de vingt-quatre heures. On ne saurait jamais prendre
trop de renseignements lorsqu'on établit des cultures à proximité d'un cours
d'eau dans la région soudanaise. Nous avons vu plusieurs fois, au cours
de nos voyages, des jardins complètement dévastés par ces inondations
subites.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 65
CHAPITRE III. — LES TRAVAUX DU JARDIN
ET LES RÉSULTATS OBTENUS
Sommaite : Les premiers travaux de défrichement. — La main-d'œuvre. —
Les ensemencements. — Constitution d'une pépinière. — Principaux
résultats. — La culture des plantes à caoutcjiouc.
La saison des pluies tirait à sa an lorsque la mission Ghari-
Tchad parvint à Fort-Sibut dans les premiers jours de sep-
tembre 1902. Pour profiter des dernières ondées, nécessaires à
assurer la germination des graines, nous devions commencer les
premiers défrichements sans retard. Le concours de l'administra-
teur, M. Gaboriaud, nous fut au début très utile. Suivant les
instructions données par M. le lieutenant<îolonel Destenave,
avant son départ de la colonie, il nous procura les manœuvres
indigènes dont nous avions besoin. Leur nombre, qui était au
début de 10 à 15 par jour, alla malheureusement très rapidement
en diminuant. Dans les mois qui suivirent, il ne fut plus que
de deux ou trois ouvriers par jour, et il arriva même qu'en 1903,
pendant plusieurs semaines, Martret neut plus un seul travail-
leur.
Notre vaillant collaborateur, aidé d'un ou deux domestiques
noirs, dut accomplir lui-même un travail manuel considérable,
qui n'a pas peu contribué à altérer sa santé. Dans ses rapports que
nous possédons, il a consigné les déceptions qu'il éprouva durant
son séjour à Fort-Sibut. Pendant toute l'année 1903, il n*eut
plus qu'une main-d'œuvre tout à fait intermittente, constituée
par quelques prisonniers et en dernier lieu par quelques femmes
seulement. Il est profondément regrettable que certaines circons-
tances particulières aient empêché l'administration locale de
tenir les promesses qu'elle avait faites de nous fournir des tra-
vailleurs en nombre suffisante La mission aurait pu résoudre
diverses questions de grande importance qu'elle n'a fait qu'ébau-
cher. Lorsque Martret eut recours à la main-d'œuvre payée et
consentie librement, il se heurta à d'autres difficultés. Les tra-
vailleurs, après avoir reçu une brasse d'étoffe pour quelques
journées de travail, s'en allaient et ne revenaient plus.
Le travail qu'ils fournissaient était d'ailleurs tout à fait infime
par rapport à celui qu'on obtient des noirs soudanais. Il faut
1. Pas un seul jour, pendant toute la durée de la mission, ce nombre
n'a atteint le chiffre de 20, ainsi que rindiquaient les instructions données
par le chef de la colonie au moment de notre arrivée dans le territoire du
Tchad, M. le lieutenant-colonel Destenave.
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66 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
donc avouer qu'une région aussi pauvre en main-d'œuvre consen-
tie, où Ton ne peut pas trouver journellement vingt manœuvres
libres, après six années d'occupation, présente un avenir bien
incertain, du moins dans l'état actuel des choses.
Les travaux de défrichement commencèrent le 14 septem-
bre 1902. C'était une mauvaise époque pour ce genre de travail,
car les herbes étaient encore trop vertes pour être brûlées.
Le capitaine du génie, M. Thomasset, alors directeur des tra-
vaux dans le territoire du Tchad, avait eu l'obligeance de mettre
à notre disposition quelques outils : houes, bêches, machettes, etc.,
qui furent de la plus grande utilité. Les indigènes firent aussi
usage de leurs outils agricoles des pltis primitifs, mais qu'ils
manient avec plus d'habileté que les nôtres.
Martret commença par faire l'enlèvement des herbes à la
houe. Puis il divisa ses travailleurs en deux équipes, l'une char-
gée d'enlever les arbres avec leurs racines, l'autre défonçant le
terrain à 0"25 de profondeur. Ce labour se fit à grosses mottes,
afin d'aérer le sol (fig. 5).
€ A ces travaux préliminaires, écrit Martret, j'apportai tous
les soins possibles, car quiconque a défriché aux colonies sait
les inconvénients d'un mauvais défrichement. Les racines qu'on
a omis d'enlever ou que l'on a oubliées attirent les termites qui
causent de grands dégâts aux cultures. Enfin ces racines entra-
vent les labours, ou bien encore, dans les pépinières, elles empê-
chent l'enlèvement des jeunes plants avec leurs mottes, i
§ I. — Semis
En mois de trois semaines, notre chef de cultures put déblayer
50 ares de terrain bien défoncé (fig. 6).
Ce terrain fut transformé en planches longues de 10 mètres
et larges de 1"20. Il employa, pour ce travail, une équipe de
4 hommes choisis parmi les plus intelligents manœuvres.
Dès que quelques planches furent prêtes, Martret sema les
graines les plus pressées, c'est-à-dire celles qui, perdant leur pou-
voir germinatif très vite, avaient été stratifiées dans du terreau
avant notre départ de France.
C'est ainsi que furent immédiatement confiées au sol les
graines d'Orangers, de Citronniers, de Manguiers, de Papayers,
ainsi que les bulbilles d'Agave Sisalana et de Fourcroya gigantea.
Les jeunes plantes vivantes apportées du Muséum de Paris,
du Sénégal, de Conakry et de Brazzaville, furent aussi placées en
terre immédiatement.
Pendant que levaient les premiers semis, d'autres manœuvres
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VÉGÉTAUX UTILES DE l'AfRIQUE.
A. Chevalier.
Fig. 5. — Jardins d*e88ai8 de Fort-Sibat en septembre 1902. — Premiers défricberoenU.
Fîg. 6. - Jardins d'essais de Fort-Sibat, — Premiers semis.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 69
continuaient les défrichements et, au fur et à mesure qu'un petit
carré de terrain était préparé, il était ensemencé.
Il est bon d'ajouter que Martret fut constamment livré à
ses propres moyens et qu'en dehors des quelques manœuvres et
des quelques outils que put lui procurer l'administration locale,
il n'eut aucune aide étrangère. Il dut bâtir sa case, tracer les
allées du jardin et en faire les déboisements ; n'ayant aucune
sorte d'engrais à sa disposition, il dut compenser cette absence
en redoublant de soins auprès des jeunes plantes au fur et à
mesure qu'elles se développaient. Il avait, d autre part, à veiHer
à la conservation des collections que nous centralisions à Fort-
Sibut, au fur et à mesure des récoltes. Ce n'était pas une faible
préoccupation que de défendre contre l'humidité et les termites,
dans une case nègre, une centaine de gros ballots d'herbiers^.
Lorsque la Mission eut quitté Port-Sibut pour continuer ses
recherches plus au Nord, Martret, resté seul au jardin, vit ses
difficultés augmenter encore du fait de l'arrivée de la saison
sèche. Les jeunes semis n'étaient pas encore assez robustes pour
pouvoir se passer d'arrosages ; beaucoup moururent, le manque
de main-d'œuvre n'ayant pas permis de leur donner suffisam-
ment d'eau. De nouveaux semis furent faits dans des caisses en
bois remplies de terre, et les transplantations dans la pépinière
n'eurent lieu qu'à l'arrivée de la saison des pluies suivante, en
juin 1903. A cette époque, le chef de cultures de la Mission fut
chargé, par l'administrateur du cercle de PortrSibut, de l'entre-
tien du potager et du fruitier du poste, et, à partir de ce moment,
il donna ses soins à toutes les cultures du chef-lieu du territoire
civil du Tchad. C'est ainsi qu'il put planter dans la cour et
les environs du poste un certain nombre d'espèces d'arbres d'ave-
nues que nous avions introduits dans le pays : Flamboyants, Al-
bizzia Lebbeck, Rocouyers, Bancouliers, Musa religiosa Dyb.
Quant aux plantations du jardin proprement dit, établi par
la Mission sur l'emplacement décrit dans le premier chapitre,
on pourra juger de leur étendue par le plan et le tableau annexés
à ce travail, qui ont été dressés sur place par M. Courtet, le
4 novembre 1903.
1. Il était indispensable, pour pouvoir apprécier l'étendue des efforts
dépensés par notre infortuné collaborateur, que le lecteur connût les
moyens rudimentaires dont Martret a pu disposer pendant toute une
année ; nous pouvons affirmer quTieureusement aucun autre jardin d'essais
de TAfrlque française tropicale ne s'est trouvé, même à ses débuts, dans
des conditions aussi défavorables et aussi difficiles. Nous avions d'autant
plus à cœur de rapporter ces faits aujourd'hui que nous ne craignons plus
de blesser la modestie de notre vaillant compagnon, mort victime des
efforts qu'il a dépensés là-bas. A. C.
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70 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
La superficie totale mise en culture à cette époque, en y
comprenant les allées, était de 4 hectares, 36 ares, 49 centiares, et
les semis ou transplantations ont porté sur 460 espèces ou variétés
de plantes utiles.
Ce jardin a été remis par nous, le 6 décembre 1903, au mo-
ment où nous quittions Fort-Sibut pour rentrer en France, à
l'administration locale, représentée par M. Fourneau, délégué
du commissaire général du Congo, dans les territoires du Tchad.
On trouvera dans le tableau qui suit, la liste des principales
plantes cultivées dans le jardin au moment de notre départ, avec
rétendue de la superficie qu'elles couvraient, ou le nombre d'in-
dividus par lesquels étaient représentées les espèces arborescentes.
§ n. — Résultats et Avenir
Ce n'est pas après une année de tentatives, pendant les diffi-
cultés d'un début, dans une région où font défaut la plupart des
moyens d'action qu'on trouve dans tous les jardins analogues du
littoral de l'Ouest africain, que l'on peut se prononcer sur les
possibilités culturales de la région du Haut-Oubangui et du Haut-
Char i.
Le jardin de Fort-Sibut a été un jardin d'acclimatation de
plantes utiles, et nous n'avons pas la prétention d'en avoir tiré,
après un an d'essais, autre chose que des acclimatations.
Si l'on veut que la station de Fort-Sibut devienne un orga-
nisme véritablement utile à la colonisation, il est nécessaire de
continuer à l'entretenir pendant une longue suite d'années et de
confier sa direction à un technicien préparé en France aux
méthodes qu'exige la culture sous les tropiques. Ce n'est pas, en
effet, en donnant la direction d'un tel établissement à des fonc-
tionnaires coloniaux même très dévoués, mais n'appartenant pas
aux cadres de l'agriculture coloniale, que Ton parviendra à solu-
tionner les principaux problèmes agricoles qui se posent en
Afrique centrale.
Pendant quinze mois, la Mission Chari-Tchad a poursuivi des
ensemencements et des expériences dans son jardin, mais ses
essais et ses observations demandent impérieusement à être
continués.
Les résultats les plus importants obtenus sont les suivants :
1** Arbres fruitiers introduits pour la première fois à Fort-
Sibut et qui manquaient encore dans le territoire du Tchad :
Mandarinier, Pommier-Acajou, Papayer à gros fruits du Mexique
(graines provenant du jardin de Nogent), diverses variétés de
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ESSAI D'INTRODUCTION DES PLANTES UTILES. 71
Manguiers^ améliorés {provenant des missions de Thiès au Séné-
gal et de Brazzaville), Fabricotier de Saint-Domingve (Mammea
americana), Tabricotier d'Afrique (Mammea africana), le Bana-
nier de Chine.
2"* Les Papayers vulgaires et les Citronmers avaient été intro-
duits dès 1897, par la première mission Gentil. Les Orangers, les
Cerisiers de Cayenne, les Goyaviers, les Corosoliers existaient
aussi avant notre arrivée 2. Martret multiplia ces espèces à un
grand nombre d'exemplaires.
3° Certains de ces arbres fruitiers ont été envoyés en des
points du territoire où ils n'existaient pas encore. Ainsi nous
avons constaté à Ndellé la réussite des semis suivants faits par
M. Grech 3, aux dépens des graines que nous lui avions appor-
tées : Goyaviers, Citronniers, Cerisiers de Cayenne, Papayers^
(variété de Port-Sibut). Les espèces suivantes ont été envoyées en
jeunes plants au poste de Port-Archambault : Manguiers, Oran-
gers, Citronniers, Ananas, Citronnelle (Androp. citri-odorum).
Toutes ces espèces ont repris et quelques plants avaient déjà
plus d'un pied de haut à notre passage en novembre 1903.
4** La culture du Tabac et spécialement de la variété Maryland
a donné des résultats encourageants.
ô*' Le grand Bambou de Chine, les Agaves textiles; divers
arbres d'avenues : le Flamboyant, plusieurs espèces d'Eucalyp-
tus, le Filao, le Bancoulier, le LUas du Japon, VAlbizzia Leb-
beck, le Rocouyer, ont été introduits pour la première fois dans
le territoire.
6** Quelques légumes des pays tropicaux ; cinq espèces ou
variétés de Coleus à tubercules alimentaires^ VOseUle cTAbyssir
nie, le^Petsaï ou chou de Saigon, la moutarde de Chine (Sinapis
juncea), ont donné en culture des résultats très remarquables. Ce
sont des espèces à répandre chez les indigènes.
7® Le Riz de montagne a donné un rendement de 100/1 avec
une production de 1.200 kilos à l'hectare. C'est peu si on com-
pare ce chiffre aux grands rendements de l'Indo-Chine. C'est
cependant une culture qu'il importe de vulgariser, dans un pays
1. Le^Mangot ordinaire existait déjà à Fort-Sibut où il avait été introduit
par radministrateur Rousset.
2. La plupart de ces espèces avaient été introduites par Rousset et
provenaient les unes, des plantes cultivées à la mission de Bessou, les
autres, de graines envoyées par M. Paul Bourdarie.
3. Parmi les autres semis qui ont donné des plantes intéressantes à
Ndellé, mentionnons : le tabac géant, le melon d'Alger, la pastèque d'Egypte,
le fenouil, le soleil du Texas, les Zinnia. Les graines de toutes ces plantes
provenaient de la maison Vilmorin.
4. Quelques pieds de Papayers existaient dans le village de Ndellé avant
notre arrivée.
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72 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
aussi pauvre que l'Afrique centrale où les marais, qui seraient
cultivables en riz, couvrent de si vastes étendues pendant la
saison des pluies, surtout au nord du 9* parallèle.
600 kilos de riz provenant de la récolte 1903, à la station
d'essais de Fort-Sibut, ont été laissés à l'administration locale
qui les a employés, nous l'espérons, à répandre la graine dans
tous les postes de la colonie. Avant de quitter Fort-Sibut, nous
avons d'ailleurs pris soin d'envoyer à M. le commandant Lar-
GEAU, commandant du territoire militaire du Tchad, 4 tonnelets
étanches (80 kilos) de ce riz pour que la culture en fût tentée
dès 1904 dans la région militaire du Tchad. A cet envoi étaient
joints : des graines de diverses autres plantes faciles à multiplier,
et des tubercules des diverses variétés de Coleus, inconnus dans
tout le bassin du Tchad, au Nord dû 9* parallèle, au moment
de notre voyage.
8° Deux hectares de terrain, à la station de Fort-Sibut, ont
été plantés en lianes à caoutchouc du pays (Landolphia owarien-
sis). Les jeunes plantes étaient encore trop chétives en dé-
cembre 1903, quand nous avons quitté le pays pour qu'il fût
possible de juger de leur avenir. Des semis de graines du caout-
choutier de Céara (Manihot Glaziowii), faits en octobre 1902,
ont donné une quarantaine de pieds dont quelques-uns portaient
déjà des fruits en décembre 1903 (fîg. 4).
9° Quant aux cultures potagères, les ensemencements faits à
Fort-Sibut, ainsi que dans la plupart des postes des territoires
du Tchad, ont montré qu'avec un peu de soins, presque tous les
légumes d'Europe peuvent réussir en Afrique centrale, à condi-
tion de les ensemencer en saison favorable. On trouvera, dans
un des tableaux précédents, la liste des variétés qui conviennent
spécialement à chaque saison.
10** Enfin les observations météorologiques faites par Martret
pendant onze mois, et qui faisaient encore presque complètement
défaut à notre arrivée, sont une base précieuse de renseigne-
ments pour la culture.
Ainsi qu'on peut le constater, si certaines questions sont en
grande partie résolues, il en est d'autres, comme la culture et
la dispersion progressive des meilleures variétés d'arbres frui-
tiers, qui demandent à être poursuivies.
Il est enfin quelques questions que le jardin de la Mission
Chari-Tchad eut à peine le temps d'effleurer, et dont l'examen
est cependant de la plus haute importance pour le développement
de nos possessions en Afrique centrale.
Il y aurait d'abord ^and intérêt, pour l'avenir de ces contrées
où la famine accumule tant de désastres chaque année, à mul-
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VÉGÉTAUX UTILES DB l'AfRIQUE.
A. Chevalier.
Fig. 7. — Jardin dressais de Fort-Slbnt. — Plantation do Bananier^
Fig. 8. — Jardin dressais de Fort-Sibat. — Plantations d'Agaves (Sisal).
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 75
tiplier et à améliorer les meilleures sortes de plantes vivrières
indigènes, telles que le m, le sorgho, le manioc, les ignames, les
patates, les Coleus alimentaires, les bananiers, et il faudrait ame-
ner toutes les peuplades à cultiver ces précieuses ressources.
Une autre source de prospérité, pour toutes les contrées qui
s'étendent depuis le Congo jusqu'au 8** parallèle, est la lians à
caontchouc. Malheureusement, elle est souvent très clairsemée dans
la brousse et son exploitation intensive en amènera fatalement la
disparition quelque jour, si l'homme n'intervient pas pour faire
des repeuplements. Mais l'Européen, nous ne saurions trop le
répéter, ne peut entreprendre avec chance de succès une sem-
blable culture, beaucoup trop onéreuse, surtout au ' centre de
l'Afrique.
Ce que des particuliers ne peuvent faire, l'Etat a le devoir de
le faire en utilisant la main-d'œuvre dont il disposera presque à
son gré, le jour où les peuplades primitives seront complètement
pacifiées, et ne seront plus astreintes à la dure corvée du portage
humain.
Les stations d'essais du centre de l'Afrique doivent en défini-
tive être des sortes de grandes fermes-modèles, où les indigènes
seront initiés spécialement à la culture des plantes à caoutchouc,
et nous terminerons cette étude en reproduisant textuellement
les conclusions d'un rapport, aujourd'hui publié ^ que nous
adressions dans le courant de notre mission à M. le Commissaire
général du gouvernement au Congo :
€ Lorsque tous les districts du Chari seront mieux connus,
il n'est pas douteux que le rendement de ces pays en caoutchouc
augmentera en de grandes proportions, mais il nous semble
cependant que c'est surtout la culture et l'exploitation rationnelle
des plantes à caoutchotœ indigènes, du Congo et du Chari, qui
aidera puissamment au développement économique de ces
contrées.
€ C'est, selon nous, au Gouvernement de la Colonie qu'il appar-
tient de prendre l'initiative de ces essais.
€ Lui seul dispose de moyens assez puissants pour amener l'in-
digène à effectuer ces cultures sous son contrôle et lui seul peut
entreprendre de grandes plantations modèles où les indigènes de
chaque village seront employés à tour de rôle pour effectuer le
travail, et où ils s'initieront à la pratique de cette culture, pour
l'entreprendre ensuite dans leurs villages, pour leur propre
compte.
€ J'ai Thonneur de vous proposer à cet effet, Monsieur le Com-
1. Journal d'Agriculture pratique des pays chauds, 1903.
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76 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
missaire général, la création de deux plantations modèles dans
le territoire du Chari. L'une d'elles serait située à Krébedjé et
pourrait être placée au jardin d'essais que nous y avons installé.
Elle emploierait des indigènes de race Banda et cultiverait,
outre la liane du pays, l'arbre à caoutchouc de Bangui (Funtumia
elastica), susceptible de réussir dans les endroits les plus boisés.
Le chef de cultures de la Mision Chari-Tchad s'occupe dès main-
tenant de préparer les terrains pour ensemencer les graines de
plantes à caoutchouc, dès qu'elles arriveront à maturité.
€ L'autre plantation modèle pourrait être installée au petit poste
des Trois-Marigots, situé sur la route de ravitaillement, à 24 kilo-
mètres de Port-Crampel. Elle pourrait être placée sous la haute
direction de M. le commandant de la région. Nous avons observé
en cette localité un point très favorable à la culture, où la liane
est déjà très abondante.
« Cette plantation emploierait surtout des travailleurs Mandjias
et cultiverait, outre la liane du pays, la liane du Soudan [Lan-
dolphia Heudelotii), susceptible aussi de réussir dans le pays.
€ Outre ces plantations, les indigènes seraient initiés à la cul-
ture rationnelle de leurs plantes alimentaires : Manioc, Sorgho^
Mais, Patates, Bananiers, auxquelles il serait bon de substituer
de meilleures races de ces mêmes plantes que l'on pourrait faire
venir du Sénégal et du Brésil.
« Les produits de ces cultures vivrières serviraient à l'alimen-
tation des travailleurs employés aux plantations, et les semences
améliorées* se dissémineraient peu à peu dans le pays.
« Lorsque chaque village banda ou mandjia aura une plantation
étendue de lianes, plantation qui constituera une sérieuse richesse
pour lui, les habitants, aujourd'hui errants, ne changeront plus
remplacement de leurs cases d'une année à l'autre, ils devien-
dront sédentaires, le sol qu'ils cultiveront plusieurs années de
suite s'améliorera ; leurs ressources vivrières (manioc, sorgho,
haricots, patates) s*accroîtront, enfin ils pourront reconstituer
leurs réserves de volailles et leurs troupeaux de chèvres, aujour-
d'hui presque épuisés par leurs guerres passées et par notre occu-
pation. En procédant ainsi, on les habituera à la prévoyance et
peu à peu se substitueront des ressources certaines à l'imprévu
du lendemain.
€ Telle nous semble être la vraie formule de la colonisation deins
des contrées éloignées où existent des produits qui feraient la
richesse de certaines colonies côtières, mais qu'on ne peut songer
à exporter, tant sont grandes actuellement les difficultés de trans-
port. •
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VlÎGÉTAUX UTILES DE l'AfRIQUE.
A. Chevalier.
I4MK9
I.KGENDE DU PLAN d'kNSEMBLE DU JARDIN D*ACCLIMATATION DE FoRT-SiBUT
A. — Plan d'enseniMe du terrain choisi.
1. -- Plantation de Coffm conr/ensis sous la galerie forestière du ruisseau.
2. — Partie plantée en lianes !\ caoutchouc.
3. -— Plantations diverses (Voir plan de détail),
i. -^ Essais de riz.
5. — Emplacement des premiers semis.
B— Poste.
C. — Emplacement du jardin créé par M. Gentil.
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78
VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
Légende du plan détaillé du Jardin d'acclimatation
de Fort-Sibut '
Numéros
des carrés.
Noms dos espèces ot Variétés cultivées.
Nombre
de pieds.
1 Fourcroya gigantea 190
Mammea amercicana 1
Mammea africana 1
Diospyros Kaki 4
2 Indigoîeva tinctoria »
3 Bambou indigène [Oxytenanthera abys-
sinica) 50
4 Poinciana pulcherrima 20
5 Tabac Momatique turc
6 Coleus rotundifolius var. rubra
7 Ricin sanguin, Ananas (baronne de Roth-
schild) et Ananas (comte de Paris). .
8 Ricin commun et un pied de Bananier de
Chine {Musa sinansis)
9 Coleus rotundifolius var. nigra
10 Hyptis spicigera (Labiée oléagineuse). . .
11 Piment indigène (Capsicum frutescensj, .
12 En assolement
13 Manioc indigène acre {Manihot utilis-
sima)
14 En assolement
15 Albizzia Lebbeck, Reana luA-urians. ... 15
16 Reana luxurians
17 Luzerne de Provence
18 BLva Orellana (rocouyer). — Patates
blanches provenant dn jardin de Braz-
zaville 33
19 Coleus Dazo, Coleus langouassiensis, Co-
leus rotundifolius var. alba »
20 Corossoliers (Anona muricata^ 9
Châtaignier de Cayenne (Pachyra)
21 Cerisiers de Cayenne (Eugenia Micheli). 1
22 Coton du pays (Gossypium punctatum). . .
23 Sorgho
24 Eleusine Coracana
25 Sorgho
26 Penicillaria spicata
27 Hyptis spicigera (labiée oléagineuse). . . .
28 Papayers 78
29 Manguiers (variétés en mélange). Coleus
rotundifolius variétés diverses 70
30 Mandariniers 30
31 Citronniers 28
32 Bananeraie (variétés cultivées en mélange)
— Ananas du Congo »
33 Pépinière. Cette pépinière contient les
planées ci-après : »
Manguiers 60
Cerisiers de Cayenne 34
Citronniers 19
Superficie
des carrés.
3a,20c
0a,75c
2a,25c
2a,00c
0a,35c
0a,66c
0a,50c
0a,40c
6a,22c
2a,3lc
0a,46c
la,96c
2a.00c
la.Slc
8a,86c
ia,5lc
la,47c
5a,87c
0a,98c
la,25c
la,82c
3a,43c
la,07c
ia,07c
la,20c
la,25c
2a,40c
7a,43c
12a,60c
3a,23c
3a,23c
4a,13c
3a,15c
1. Les numéros de la première colonne correspondent à ceux qui sont
portés sur le plan ci-dessus.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES.
Naméros Nombre
des carrés. Noms indigènes et Variétés cultivées. de pieds.
33 Mandariniers &
Amarante Crête de coq »
Fenouil de Florence »
Moutarde de Chine {Sinapis juncea), »
Choux de Saigon (Brassica sinensisj. •
Géraniums »
Papayers »
Asperges, cardons, pissenlits •
Boutures de grenadiers •
Moringa pteryoosperma •
Eucalyptus globulus •
Poinciana pulcherrima »
Œillets, dattiers. . . . *. »
Asperges »
Physalis peruvianum »
Goyaviers (4 espèces ou vcuriétés). . . »
Papayers et Rumex abyssinicus ... »
Tamariniers, Karités (Bassia ParkiiJ. »
Karités (Bassixi ParkiiJ »
Karités et lianes à caoutchouc (Lan-
dolphia owariensisj »
34 Bananeraie (4 variétés cultivées en mé-
lange) »
35 Agave Sisalana 104
36 Citronniers 7
37 Aleurites triloba 6
38 Orangers 20
39 En assolement »
40 Aleurites cordata 18
Cassia alata 4
41 Albizzia moluccana 9
Pithecolobium Sama 4
Albizzia Lebbeck 10
42 Adansonia digitata (du Congo belge). . . 11
43 Parkinsonia aculeata 14
44 Caoutchoutier de Céara (Manihot Gla-
ziowii) *. : 40
Bauhinia purpurea 5
45 Karités 84
46 Landolphia owariensis avec rocouyers et
Ficus Rokko 215
a Logement du Chef des cultures.
b Poulailler.
c Dépôt d'outils.
d Observatoire météorologique.
79
Superficie
des carrés.
10a,4lc
4a,73c
2a,01c
la,66c
la,84c
la.66c
3a,88c
10a,00c
3a,2ic
la,43c
7a,62c
62a,98c
lh,95a,65c
En bordvire le long des allées : 2 Melia Azederach, 12 manguiers, deux
variétés de Canna, aloès, zinnias, balsamines, pervenches blanches et
roses de Madagascar, Datura, grenadiers, œillets. Sisal, amarante, Age-
ratum, Encephalartos.
Le long de la berge de la Tomi : 30 lianes à caoutchouc et deux planches
de semis de Landolphia owariensis.
La superficie totale, y compris les allées, est de 4 hectares, 36 ares, 49 cen-
tiares.
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80 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
TABLEAU I
Plantes de grande culture expérimentées à la Station
de Fort-Sibut
Riz (Oryza saliva). — La variété cultivée appartient au groupe
des Riz de montagne. Elle ne réussit bien que dans les terrains très
èumides, à la saison des pluies. Les semences provenaient d'une
culture qui avait été faite Tannée précédente à Port-Sibut et dont
les premières graines avaient été apportées des Falls (Congo belge).
Semis faits au début de la saison des pluies (7 avril) ; le 5 août les
plants étaient en grains ; la récolte s'est faite dans les pi'emiers
jours de septembre.
Le semis avait été fait en place, à raison de 5 kilogrammes de
graines à Thectare. Le rendement a été de 900 kilogrammes à Thec-
tare.
Les termites qui dévorent le pied des plantes et les passereaux
qui mangent les grains ont été des ennemis redoutables.
Manioc (Manihot utUissima). — Quelques plantations avaient
été faites dans les terrains avoisinant le poste de Fort-Sibut, mais
c'est surtout à la ferme de Bessou que nous avons constaté des
résultats intéressants.
On a bouturé la variété contenant de Tacide prussique dans ses
tubercules, à raison de 80 à 90 tubercules par a/e. Rendement d'en-
viron 400 kilogrammes à l'are. Les tubercules de cette plante qu'on
tait rouir dans les rivières avant de les consommer, pour les débar-
rasser du poison qu'ils contiennent, constituent la base de l'alimen-
tation dans les régions du H'aut-Oubangui et du Haut-Chari habi-
tées par les Bandas et les Mandjias.
Coleus à tubercules alimentaires. — Seront plus loin l'objet
d'une étude spéciale.
Patate (Ipomœa Batatas). — Peut se cultiver en toute saison à
Fort-Sibut. D'une culture facile et d'un rendement assuré en quatre
ou cinq mois. On trouve chez les Bandas du Haut-Oubangui une
variété à tubercules rouges et une autre à tubercules blancs. Une
variété blanche, de qualité supérieure, provenant de la Mission de
Brazzaville, a été cultivée avec succès au Jardin d'essais.
Ignames bulbifères (Dioscorea anthTopophagorum A. Chev.).
— Nous avons donné ce nom à une espèce cultivée dans presque
tous les villages Bandas et dont nous avons vu cinq ou six variétés
différentes. Quelques-unes ont une saveur amère et sont, au dire
des indigènes, très toxiques. Ces dernières, qui contiennent pro-
bablement de l'acide cyanhydrique, deviendraient comestibles
après des lavages successifs qui entraînent le principe toxique.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 81
Beaucoup de peuplades n'en font pas usage cependant et les consi-
dèrent comme plaintes fétiches. L'une d'elles est cultivée près de
l'entrée des cases et on lui attribue la propriété merveilleuse
d'éloigner les voleurs.
Les variétés douces sont cultivées pour l'alimentation ; on les
plante près les clôtures des zéribas ou au pied des arbustes avoisi-
nant les cases, de manière que la plante puisse grimper en s'enrou-
lant sur les branches.
Une touffe de ce Dioscorea peut donner de 30 à 40 bulbes aériens
pesant chacun de 50 à 150 grammes.
Igname commune (Discorea alata). — Il en existe un petit carré
près de l'habitation de chaque noir. Au début de la saison des
pluies, on la plante sur buttes hautes de 0°^,30 à 0™,40 et espacées
de 0™,80 à 1 mètre. Les tubercules sont fractionnés et enterrés de
3 à 4 centimètres de profondeur. La récolte a lieu quatre mois et
demi après la plantation.
On cultive encore accidentellement, dans le territoire du Haut-
Oubangui, deux ou trois espèces de Dioscorea actuellement indéter-
minées.
Sorgho (Andropogon Sorghum), — Au Nord du 7* parallèle,
dans le bassin du Chari forme le fond de l'alimentation des noirs ;
mais à Port-Sibut sa culture est déjà fort répandue. On rencontre
surtout une variété à grain rouge.
Pour la culture de cette céréale, on nettoie le sol dès février ou
mars. On brûle sur place les herbes sèches, les bois et en général
tous les déchets et chaumes anciens qui se trouvent dans le lou-
gan.
Après deux ou trois pluies, quand la couche arable est accessible
aux outils de culture, on défonce le sol de 0"^,30. L'indigène va
seulement à 0™,15 de profondeur. Les semis se font dans le courant
de mai, en lignes espacées de 0^,60 à 0°^,70 et à intervalles de
0^,50 à 0°^,60 sur chaque ligne. On met de trois à quatre grains
par paquet, soit environ 30 litres à Thectare et on ramène la terre
avec le talon pour recouvrir légèrement les grains. Si le sol est
humide, la germination se fait trois ou quatre jours plus tard.
Ce mil atteint sa maturation environ six mois après les semis.
Quand il est mûr, on doit prélever d'abord la semence de la sai-
son suivante en choisissant les plus beaux épis et la variété que
Fon désire conserver. Généralement, en effet, chez les indigènes,
diverses variétés de Sorgho sont mélangées dans la même culture.
Mil Chandelle (Penicillaria spicata). — Abondamment cultivé
dans la région du Bas-Chari, mais inconnu dans le territoire du
Haut-Oubangui. On rencontre les premières plantations à Fort-
Crampel, en montant vers le Nord. Les ensemencements faits à
6
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82 VÉGÉTAUX UTILES BE L' AFRIQUE.
Port-Sibut ont donné des résultats très inférieurs à ceux qu'obtien-
nent les indigènes du Baguirmi. On emploie environ 20 litres de
semences à l'hectare.
Woandzeia sùbterranea. — Se sème en terrain meuble au com-
mencement de la saison des pluies, à raison de 2 ou 3 graines par
paquets distants de 0",40 à 0°^, 50.
Vigna Catjang. — Plusieurs variétés à tiges rampant sur le sol
sont cultivées en Afrique centrale. On les sème souvent en cul-
tures intercalaires dans le Sorgho.
Courgettes à huile. — Plusieurs espèces de cucurbitacées sont
cultivées en Afrique centrale pour leurs graines oléagineuses. Nous
leur consacrerons plus tard une étude spéciale.
Reana luxurians, — Graminée souvent connue sous le nom de
téosinte, appréciée pour la nourriture du bétail. Nous ne la croyons
pas toutefois supérieure au maïs ou au sorgho. Se cultive comme
ces plantes. A donné des rendements satisfaisants à Fort-Sibut.
Eleusine Coracana. — Cultivé dans tout le bassin du Haut-Ou-
bangui et dans celui du Haut-Chari jusqu'au sud du Beguirmi.
Semer en juin, repiquer un mois après. La graine est mûre en
octobre.
On fabrique avec la graine de cette petite graminée une bière
très appréciée des indigènes.
Hyptis spicigera. — Se sème à la volée au commencement de
la saison des pluies. Levée abondante. Développement rapide.
Plante à graines oléagineuses, cultivée par les Bandas autour des
habitations.
Sesamum orientale. — Se sème dans les terrains frais riches en
humus, au début de l'hivernage. Récolte se fait 3 ou 4 mois plus
tard. A Port-Sibut les indigènes cultivent deux variétés, une à
fleurs complètement blanches et l'autre à fleurs rosées.
Phaseolus lunatus. — Connu encore sous les noms de Haricot
de Lima ou Haricot du Kissi. Plante vivace très productive, très
facile à cultiver. Se sème à raison de 3 graines au pied de forts
tuteurs espacés de 1 mètre en tous sens. De nombreuses variétés
sont cultivées par les indigènes de l'Afrique centrale.
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Liste des Plantes et Graines introduites ou dont la culture a été
tentée à la Station d'essais de Krébedjé (Fort-Sibut).
TABLEAU II
NOM BOTANIQUE.
Anona
— reticulata.
— squamosa.
— Cherimolia . .
Achras Sapota
Anneniaca vulgaris . .
Amygdalus communis.
Anacardium occidentale
Citnis Bigaradia. . . .
— aurantium. . . .
— deliciosa
medica
Carica Papaya, 4 espèces.
Eugenia Mtchelii ....
Psidium à gros fruits
— - à fruits jaunes
Mangifera indica .
Mammea americana.
— africana. .
Malus communis . .
PassiOora edulis. . .
Psidium pyriferum .
— pomiferum .
— Calcyanum .
— aromaticum
— sinense. .
Prunus communis.
NOM
VDLOAIRB.
PROVENANCE.
A. — Arbres fruitiers.
Cœur de bceuf.
Pomme , can-
nelle.
Cherimolier.
Sapotillier.
Abricotier.
Amandier.
Pomme acajou.
Bigaradier.
Or. commune.
Mandarinier.
Citronnier.
Papayer.
Cerisier de
Cayenne.
Goyaviers.
Manguiers.
Pommier.
Barbadine.
Goyaviers.
Prunier.
Jardin colonial
de Nogent.
Vilmorin.
Jardin colonial.
M. Vilmorin.
Mission
Brazzaville.
M. Vilmorin.
Mission
Brazzaville.
Jardin colonial
de Nogent.
Mission Bessou.
Jardin colonial.
Thiès, Brazza-
ville, Bessou.
Jardin colonial.
M. Vilmorin.
QUANTITÉ
SRMi^B.
1 sachet.
30 gr.
20 gr.
100 —
10 gr.
1 —
10 -
10 —
13 —
100 —
RENDEMENT
on
RÉSULTATS.
2 plantes.
3 —
4 —
0 —
2 —
0 —
0 —
2 —
3 —
4 —
5 —
65 —
17 —
45 —
70 —
11 plantes.
4 —
4 -
250 —
1 -
1 —
0 —
Pépinières.
Acclimatées.
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TABLEAU II [suite)
NOM BOTANIQUE.
Prunus V. reine-claude
— Damas
— Couetsch . . .
Vitis vinifera
Musa sinensis
— sapientium ,
— paradisiaca .
NOM
VULGAIRB.
Prunier.
Vigne.
Banane de
Chine.
Bananier.
PROVENANCE.
M. Vilmorin.
Ck)nakry.
Krebedjé.
QUANTITÉ
^ iOO gr.
10 gr.
3 —
RENDEMENT
RKSULTAT8.
B. — Plantes industrielles, commerciales, textiles.
Agave Sisalana .
— me.\icana.
Ceratonia siliqua . .
Coffea congensis. . .
Cassia occidentalis .
Fourcroya gigantea .
Indigofera tinctoria .
Manihot Glazioi^ii. .
Bixa orellana
Bulyrospermum Parkia
Nicotiana Tabacum . .
hanvre Sisal.
Agave du
Mexique.
Caroubier.
Café de la rive
Bontamaré.
Chanvre de
Maurice.
Indigotier.
Caoutchoutier
de Céara.
Rocouyer.
Arbre à beurre.
Tabac.
Vilmorin.
100 rejets.
100 gr.
285 pieds.
1 sachet.
200 œilletons.
50 gr.
1 sachet.
250 gr.
Acclimaté.
Adansonia digitata . . . .
Bambusa arundinacea. . .
Oxytenanlhera abyssinica.
G. — Arbres d*avenue, de reboisement, d^ombrage.
20 gr.
Alunites cordata
— triloba
Acacia Lebbeck
Melia Azederach
Poincinia regia
Moringa pterigosperma .
Ficus Rokko
Albizzia moUucana . . .
Basbal.
Bambou de
Chine.
Bambous des
Niellims.
Lilas de Perse.
Flamboyant.
Ben aili.
Rokko.
Kinchassa.
Sénégal.
Ndélé.
Vilmorin.
Sénégal.
Vilmorin.
3 pieds.
1 sachet.
0
U
0
0
2
104
85
98
10
95 plantes.
190 -
7 —
4U —
:m —
220 —
Indigènes.
Acclimaté.
50
6
30
15
6
8
2
60
40
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES.
85
TABLEAU III
A. — Liste des variétés de plantes potagères qui ont été cul-
tivées à Fort-Sibut et ont donné de bons résultats (1903)
Aubergine violette longue.
Betterave de Castelnaudary.
Céleri plein blanc d'Amérique.
Cresson de jardin (Barbarea prx-
cox).
Cresson alénois.
— de fontaine. —
Carotte rouge à forcer pari-
sienne.
— Saint-Luc.
Cerfeuil commun.
Cornichon vert maraîcher.
Concombre long vert.
Chou cœur de bœuf petit.
— Quintal d'Auvergne.
— de Dax.
Epinard de Hollande graine
ronde.
Fenouil de Florence.
Haricot flageolet blanc nain.
Haricot Barbes nain.
Laitue d'Alger graine noire.
— Batavia.
— Romaine blonde maraî-
chère.
Chicorée frisée d'Italie.
Melon Prescot Péril.
— cantaloup d'Alger.
— noir des Carmes.
Navet des vertus race Marteau.
Oigneau blanc hâtif de Paris.
Poireau long d'hiver.
Pois nains.
Pe-Tsaï amélioré (chou de Chine).
Moutarde de Chine.
Persil commun.
Piment doux.
Radis rose à bout blanc.
— noir d'hiver.
Tomate rouge grosse.
B. — Liste des variétés de plantes potagères qui ont été cul-
tivées par MARTRBT, en 1899, à Kati (Soudan français)
et ont donné les meilleurs résultats *.
1* Légumes de saison sèche.
Aubergine violette longue.
Betterave de Castelnaudary.
Carotte courte à châssis.
— rouge à forcer pari-
sienne.
Céleri plein blanc.
Chicorée frisée dltalie.
Choux Cabus Quintal d'Auver-
gne.
Choux de Dax.
Concombre vert long maraî-
cher.
Cornichon fin de Meaux.
Cresson de fontaine.
Haricot flageolet blanc, nain.
Laitue d'Alger.
— Batavia.
~ Tom Pouce.
Romaine grosse blonde maraî-
chère.
Romaine blonde lente à monter.
Navet à forcer demi-long.
Persil ordinaire. •
Poireau gros du Midi.
Pomme de terre des Canaries.
Radis rond rose à bout blanc.
— jaune d'été.
Tomate rouge grosse.
— Perfection.
2* Légumes de la saison humide.
Scarolle verte.
Romaine blonde lente à monter.
Carotte rouge courte à châssis.
Navet demi-long.
Tomate rouge grosse.
Aubergine Perfection.
— violette longue.
1. Cette liste, établie par Martret à son retour du Soudan, est intéres-
sante, à compter à la précédente.
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86
VÉGÉTAUX UTILES DE L' AFRIQUE.
G. — Liste des plantes d'ornement qpcii ont été cultivées avec
succès à Fort-Sibut en 1903
Fleurs et plantes d'ornement.
Basilic grand vert [Ocimum vi-
ride).
Balsamines doubles variées.
Celosie à panaches.
Cryptostégia Grandiflora.
Dolique pourpre du Soudan.
Datura Metel.
Géranium divers.
Cannas variés.
— jaunes.
Pervenche de Madagascar.
Maïs du Japon, Introduit aussi
à Ndellé.
Pourpier grande fleur.
Réséda en arbre.
Rlcinus Zanzibarentls.
Ricin Sanguin.
Tagetes erecta.
Tabac blanc odorant.
Souci officinal.
— double en mélange, in-
troduit aussi à Ndellé.
Soleil du Texas.
Zinnias élégant, introduit aussi
à Ndellé.
Zinnias double nain.
— élégant double varié.
TABLEAU IV
Dons et Envois divers (grralnes et plantes vivantes) *
s juillet 190%. — M. Vecten, plantation Armor près Libreville.
Provenance,
2 boutures Ananas {var. Comte de Paris). Camayen.
2 boutures Ananas {var. Baronne de Rothschild). Id.
Graines de café. Maison Vilmorin.
Graines de pêcher. Id.
Boutures de Patate améliorée. Mission de Thiès.
2 août 1902. — Jardin du Commissariat colonial à Brazzaville.
Graines des plantes ornementales suivantes :
Noms.
Provenance.
Lonicera caprifolium.
Jardins du Sénégal
Basilic.
Muséum.
Immortelle (Helychrysum).
Jardins du Sénégal
Antigonum leptotus.
Id.
Melon du Sénégal.
Id.
Amarante Crête de coq.
Id
Helianthus divers.
Id.
Pétunia violacea.
Id.
Chrysanthemum.
Id.
Œillets de Chine variés.
Id.
Rosa alpina.
Muséum.
Heliotropum peruvianum.
Id.
Mimulus cardinalis.
Id.
Ageratum cœruleum.
Id.
1. La Mission Chari-Tchad a toujours cherché à répondre dans la me-
sure de ses moyens à toutes les demandes de graines, de tubercules et de
jeunes plantes qui lui ont été adressées. Elle donna ainsi pendant le
voyage d'aller à de nombreux établissements (jardins d'essais, missions,
particuliers) un nombre considérable d'espèces de graines et de jeunes
plantes. En échange nous recevions d'autres semences et d'autres plantes
vivantes utiles et nous les transportions dans d'autres points ou bien nous
les conservions pour les introduire dans le territoire du Tchad.
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ESSAI D'INTRODUCTION DES FIANTES UTILES.
2 août 1902. — Jardin de la Mission de Brazzaville.
87
Plantes vivantes :
Agave sp.
Ananas {var. baronne de Rothschild).
Ananas {var. comte de Paris).
Graines de :
Manguiers, diverses variétés.
Khaya senegalensls.
Thespesia populnea.
Melon du Sénégal.
Provenance.
Jardin de Sor.
Jardin de Camayen.
Id.
Pénitencier de Thiès.
Sénégal.
Id.
Id.
i juin 1902. — Jardin de la ville de Dakar.
Plantes vivantes :
Garcinia Loureiri.
Copalfera offlcinalis.
Quassia amara.
Pilocarpus racemosus.
Pliocarpus pennatifolius.
Thrinax barbadense.
Thrinax argentea.
Achras Sapota (2 plants).
Hopea odorata.
Graines de :
Hibiscus syriacus.
Pœonia offlcinalis.
Mimulus cuprœus.
Pelargonium zonale.
Hibiscus roseus.
Viburnum Tinus.
Soja hispida.
Atriplex hortensis.
En outre, graines de 10 espèces
Cocos sp.
Bégonia argyrostigma.
Jasminum Sambuc.
Agave rigida.
Musa textilis.
Latania rubra.
Flacourtia Ramontchi.
Crescentia Cujete.
Helianthus multiflorus.
Phœnix reclinata!
Elaeis guineensis.
Parkia biglobosa.
Eryobothrya japonica.
Spondias Birrœa.
Diospyros mespiliformis.
de plantes potagères ou ornementales.
6 juin 1909. — Jardin de Sor, près Saint-Louis.
Plantes vivantes :
Gouania domingensis.
Marsdenia verrucosa.
Artobothrys odoratissimum.
Capparis sp.
Garcinia indica.
Haronga madagascariensis.
Toluifera Pereirœ.
Swietenia Mahogoni.
Graines de ;
Dahlia coccinea.
Cedrela sinensis.
Pithecolobium Saman.
Parmentiera cereifera.
Jasminum Sambac.
Funtumia elastica.
Pilocarpus racemosus.
Jambosa sp.
Platonia insignis.
Allium odorum.
Diospyros Kaki.
i7'28 mai 1902. — Jardin de M. Bambey et Jardin de Diourbel (Sénégal).
Graines de :
Néflier du Japon. Rosiers variés.
Eugenia myrtifolia. Dahlias variés.
Paulownia imperialis. Tagetes variés.
En outre graines de 14 espèces de plantes potagères ou ornementales.
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88
2 juin 190Î.
VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
Jardin du poste de Thiès (Sénégal).
Plantes vivantes :
Jambosa sp.
Ochrocarpus siamensis.
Musa textllis.
Muraya exotica.
Payena Lerli.
Latanla rubra.
Sabal umbraculifera.
Thrinax argentea.
Gouania domingensis.
27 mai 1902. — Jardin du Pénitencier de Thiès.
Plantes vivantes :
Mammea americana.
Vangueria edulis.
Agave rigida.
Graines de :
Rosiers (8 espèces).
Chrysanthèmes variés.
Luassia amara.
Thrinax argentea.
Lantana.
Clarkla elegans.
12 juin. — Jardins privés de Sor (Sénégal) appartenant à MM. Riquetty
et Gardette.
Graines de 30 espèces de plantes potagères ou ornementales parmi les-
quelles :
Pœonia offlcinalis. Viburnum Tinus.
Dahlia coccinea. Syringa pekinensis.
Paulownia imperlalis. Gilia tricolor.
Phytolacca decandra. Lobelia erinus.
25 juin. — Jardin d'essais de Camayen (Guinée française).
Un plant de frï^isier du Sénégal.
• 31 juillet. — Jardin d'essais de Brazzaville (Congo français).
Plantes vivantes :
Provenance.
Musa slnensls (deux plants).
Jardin de Camayen,
Ananas var. baronne de Rothschild.
Id.
Opuntia Ficus-indicœ.
Sénégal.
Piper Bettle.
Muséum.
Sanseviera cyllndrlca.
Congo belge.
Patate améliorée.
Mission de Thiès.
Graines :
Casuarlna equlsetifolia.
Sénégal.
Ficus sp.
Id.
Datura Metel.
Id.
Thespesia populnea.
Id.
Adansonia digitata.
Id.
Khaya senegalensis.
Id.
Eryobothrya japonica.
Canaries.
Uvaria œthlopica.
Dahomey.
Tamarindus Indlca.
Sénégal.
Detarium microcarpum.
Id.
Zizyphus sativus.
Id.
Bousslngaultla. -
Id.
Eucalyptus tereticornis.
Id.
Coccoloba uvlfera.
Id.
Averrhoa Carambola.
Id.
Agave sp.
Id.
Agave sp. (bulbilles).
Id.
Mangifera indlca (diverses variétés). Id.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. . 89
TABLEAU V
Dons et Envois de plantes faits dans les territoires
du Haut-Oubangui et du Tchad
 novembre I90i. ■— M. le lieutenant Lebas, au lac Fittrl.
Graines de 9 espèces de plantes potagères :
En outre, graine's de :
Papayers. Barbadine (Passiflora quadrangu-
Goyaviers. laris).
Citronniers. Oseille Sango (Rumex abyssiniens).
12 novembre 1902. — M. Grech, résident ciiez le sultan Snoussi à Ndellé.
Graines de 10 espèces de plantes potagères :
En outre, graines de :
Caroubier d'Algérie. Ocimum viride.
Eucalyptus globulus. Soleil du Texas.
Eryttiroxylon Coca. Souci en mélange.
Soja hisplda. Pervenche de Madagascar.
Rumex abyssiniens. Tabac géant à fleur pourpre.
Coleus rotundifolius. Maïs du Japon.
Sinapis juncea. Zinnia en mélange.
Fenouil de Florence. Anona squamôsa.
Agave mexicana. Anona Cherimolia.
Physalis peruvianum. Eugenia Micheli.
Antigonum leptotus. Goyaviers, diverses variétés.
Canna indica.
6 février 1903. — M. le capitaine Jacquin à Tjecna (Baguirmi).
Graines de 8 espèces de plantes potagères :
En outre :
Rumex abyssiniens (oseille Sango).
24 février 1903. — M. Scaronne, poste dn la Nana (Haut-Chari).
Gaines de 6 espèces de plantes potagères :
En outre :
Papayers (3 variétés). Eucalyptus robusta.
Goyaviers (3 variétés). Cotonnier Sea-Island.
2 mars 1903. — M. le lieutenant Hardeley à Bol (sur le lac Tciiad).
Graines de 9 espèces de légumes :
En outre :
Citronniers variés. Moutarde de Chine.
Goyaviers variés. Tabac Maryland.
Physalis peruvianum. Eucalyptus sp.
Piment enragé.
Août 1903. — M. Hillebrand à la Factorerie de Dangba (Haut-Chari).
Plantes vivantes : Nombre de plaotes.
Manguiers. 5
Mandariniers 3
Cerisiers des Antilles 6
Citronniers 4
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90 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
Nombre do plantes.
Papayers 4
Flamboyants 2
Caroubiers 2
Goyaviers 2
Eucalyptus citrlodorus 4
Touffes de Cannas 7
Boutures de bambou de Chine »
Boutures de Coleus rotundifolius »
SI août i90S. — M. le lieutenant Dujour à Fort-Archambault (Moyen-
Charl) :
Plantes vivantes : Nombre de plantes.
Manguiers 7
Citronniers 3
Papayers 15
Cerisiers des Antilles 6
Goyayers 5
Ananas »
iO décembre 1903. — M. le commandant supérieur des troupes à Fort-
Lamy (Bas-Chari).
4 tonnelets de graines de riz.
1 caisse de tubercules de Coleus Dazo.
3 caissettes de tubercules de Coleus rotundifolius.
1 sac de graines de Papayers.
1 sac de graines de citronniers.
il août 1909. — Jardin de la Mission de Bangui (Haut-Oubangui).
Graines de 9 espèces de plantes potagères :
En outre :
Reana luxurians. Anacardium occidentale.
Sapindus sp. Tabac de la Havane.
Caroubier d'Algérie. Moutarde de Chine.
Spondias lutea. Réséda odorant.
Anona reticulata. Carica Papaya (variété)
Anona Cherimolia. • Maïs dent de cheval.
Anona squamosa. Riz sec de Mandchourie.
Eucalyptus globulus. Cotonnier de Géorgie.
Lilas commun.
1^ septembre 190S. — Jardin de la Mission de Bessou (Haut-Ou bangui).
Graines de :
.\ntigonum leptopus. Pécher de Nouvelle-Calédonie.
Psidium Cattleyanum. Pastèque d'Egypte.
Reana luxurians. Caféier de Bourbon.
U varia aethiopica. Fourcroya gigantea.
Khaya senegalensis. Manguiers variés.
Malaleuca Leucodendron.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. W
TABLEAU VI
Envois de graines et de tubercules vivants à des Établisse-
ments scientifiques ou coloniaux en Europe
r MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS
!«' envoi. — // juin
Albizzia moUucana.
Acacia albida.
Bauhinia rufescens.
Commiphora africana.
Diospyros mesplliformis.
Detsurium senegalense.
Elœis guineensis.
Khaya senegalensis.
4902. — Saint-Lodis (Sénégal).
Lonchocarpus formosianus.
Parkinsonia aculeata.
Passiflora senegalensis.
Phœiiix reclinata.
Poinciana pulcherrima.
Thespesia populnea.
Boucerosia Decalsneana Lem. (plante
vivante).
2« envoi.
Cordia sp.
Chrysobalanus.
3« envoi. —
Ipomœa ornemental.
Euphorbiacée.
TriumXetta sp.
Bois de fer et bois noir.
Tephrosia Vogelii.
4* envoi.
Tabac Batéké.
Lippia sp.
Euphorbia cactiforme.
Dioscorea n' 5.
Elseis de l'Oubangui.
23 juin 1902, — Dakar (Sénégal).
Mangifera, diverses variétés.
Landolphia Heudelotii.
- /" aoiU 4902, — Brazzaville.
Basilic en arbre.
Landolphia Klainei.
Adauôonia sulcata A. Chev., espèce.
nouvelle à fruits sillonnés.
Strychnos à pulpe vénéneuse.
45 août 4902, — Bangdi.
Casearia.
Cucurbitacée.
Cannas variés.
Café de l'Oubangui (coffea congen-
sis).
6« envoi. — 20 novembre 4902. — Krébedjé (Fort Sibut).
Clitandra Schweinfurthii. Entada sp.
« Khoyo •. Musa Schweinfurthii Warb.
Erythrina sp. Mimosée î bois de construction.
e« envoi. — 43 juillet 4903, — KRÉsEDJé.
Coffea excelsa. thera abyssinica).
Landolphia owariensis. Parkia fllicoldea.
Bambous des Niellims (Oxytenan-
Plcintes vivantes rapportées le ÎS février, au retour de la mission.
Encephalartos septentrionalis
Schweinf.
Coffea Dybowskii.
Coffea silvatica.
Coffea congensis.
Donax azurea.
Canarium (Brazzaville).
Pollia cyanosperma.
M3rrosma sp.
Costus sp.
Hyptis spicigera.
Dioscorea bulbifères (4 variétés;.
Coleus Dazo A. Chev.
Coleus langouassiensis A. Chev.
Coleus rotundifolius (3 variétés).
Euphorbia cactiformes (2 espèces).
Bambou nain de Brazzaville.
Amyrallidées (3 espèces).
Crinum sp.
Dipcadl sp.
Eulophia sp.
Angrœcum sp.
Polystachya sp.
MegacUnum sp.
Amorphophallus sp.
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92 VÉGÉTAUX UTILES DE L' AFRIQUE.
Cochlospermum niloticum. Daniella thurifera.
Caillea dlchrostachys. Tetrapleura Thonningii.
Gossypium hlrsutum. Tetrapleura obtusangula.
Gossypium anonialum. Riz sauvage du Baguirmi.
2* ECOLE SUPERIEURE DE PHARMACIE
l*"- envoi. — 28 mai 4902, — Diodrbel (Sénégal).
Acacia albida. Parkia biglobosa.
Bauhinia rufescens. Tamarindus indica.
Detariuni senegalense. Cordyla af ricana.
Diospyros mespiliformis.
2* envoi. — // juin 4902, — Saint-Louis.
Elœis guineensis. Ocimum sp.
Khaya senegalensis. Phœnix reclinata.
Lonchocarpus formosianus. Poinciana pulcherrima.
3« envoi. — 23 juin 4902, — Dakar.
Mangifera. Chrysobalanus Icaco.
Landolphia Heudelotii. Cordia sp.
4« envoi. — /•' août 4902. — Brazzaville.
Strychnos à pulpe vénéneuse. Amomum n* 1.
Bixacée. Amomum stipulatum Gagnepain.
Landolphia Klainii. Tephrosia Vogelii.
Trachyphrynium Braunnianum. Euphorbiacée.
6« envoi. — /5 août 4902, — Bangui.
Lippia. Casearia.
Euphorbia cactiforme. Cucurbitacée.
Dioscorea n' 5.
e« envoi. — 43 juillet 4903, — Krebkojé.
Bambous des Niellims. ' Landolphia owariensis
Goffea excelsa. Parkia fllicoidea.
7« envoi. — 2i février 4903, — Paris.
Dioscorea (4 variétés bulbifères). Funtumia elastica
Coleus (5 espèces ou variétés).
T JARDIN COLONIAL DE NOGENT-SUR-MARNE
!«•• envoi. — 44 juin 4902, — Diourbel.
Bauhinia rufescens. Lonchocarpus formosianus
Coccinea sp. Parinârium macrophyllum .
Commiphora africana. Phœnix reclinata.
Diospyros mespiliformis. Poinciana pulcherrima.
Elœis guineensis. Ocimum sp.
Khaya senegalensis. Thespesia populnea.
2« envoi, — /*•' août 4902, — Brazz.wille.
Bois de fer : bois noir. Triumfetta.
Bois de fer : bois jaune. Ocimum viride.
Amonmm rare n* 1. Landolphia Klainii.
Amomum stipulatum. Tachyphrynium Braunnianum.
Adansonia sulcata. Tephrosia Vogelii.
Mi î II II
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 93
3* envoi. — 13 août 4902, — Bangui.
Tabac Batéké. Elaeis de l'Oubangui.
Cannas.
4« envoi. — 43 juillet 4903, — Kkebedjf:.
Coffea excelsa. Parkia biglobosa.
Landolphia owariensis.
Plantes vivantes. — 2i février 4904, — Paris.
Funtumia elastica, 4 plants. Sanseviera guineensis, 2 plants.
Encephalartos septentrionalls Sanseviera 2"* espèce, 1 plant.
Schwt, 1 plant. Euphorbia cactiforme, bouture.
Landolpbia owariensis, 30 plants. Aloe Barteri, 1 plant.
Coffea congensis, 4 plants. Dioscorea, 4 variétés bulbifères.
Coffea silvatica, 4 plants. Coleus h tubercules alimentaires,
Bambou nain, 2 plants. 5 espèces ou variétés.
4* JARDIN COLONIAL DE MARSEILLE
lor envoi. — 44 juin 4902, — Saint-Louis.
Bauhinia rufescens. Lonchocarpus formosianus
Coccinea sp. Ocimum sp.
Commiphora africana. Parinarium macrophyllum.
Diospyros mespiliformis.
2« envoi. — /««• aoiît 4902, — Brazzaville.
Strychnos à pulpe vénéneuse. Adansonia sulcata.
Bois de fer : bois noir. Tephrosia Vogelii.
Bois de fer : bois jaune. Triumfetta.
3* envoi. — 45 août 4902, — Bangui.
Tabac Batéké. Discorea n' 5.
Euphorbia cactiforme. Casearia.
4« envoi. — 25 avril 4903, — Paris.
Coleus rotundifolius v. alba. Cucurbita' sp. (grosse courge de
Coleus rotundifolius v. rubra. Fort-Sibut).
Coleus rotundifolius v. nigra. Cucumis sp. (petite courge à huile).
Coleus Dazo. Dracsena sp. de Brazzaville.
Dioscorea, 4 variétés bulbifères. Coffea silvatica A. Chev.
5' JARDIN BOTANIQUE DE CAEN
ler envoi. — 44 juin 4902. — Saint-Louis.
.\lbizzia mollucana. Passiflora senegalense.
Cassia occidentalis. Poinciana regia.
Diospyros mespiliformis. Poinciana pulcherrima.
Elaeis guineensis. Pbœnix reclinata.
Khays senegalensis. Tamarindus indica.
Lonchocarpus formosianus. Thespesia populnea.
Parkinsonia aculeata.
2* envoi. — 4" août 1902. ■— Brazzaville.
Trachyphrynium Braunnianum. Ureim lobata.
Adansonia sulcata. Tephrosia Vogelii.
Basilic en arbre. Bois de fer : bois noir.
Amomum n* 1. Bois de fer : bois jaune.
Amomum stipulatum.
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94
Gardénia.
Lippia.
VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
3« envoi. — /5 août 4902, — Bangui.
Casearia.
Canna.
4* envoi. — 20 novembre 4902, — Kabbbojé.
« Khoyo ».
Erythrina sp.
Entada sp.
Cyanosperraum calycium Hook.
Bauhinia reticulata.
Musa Schweinlurthii.
Clitandra Schweinfurthii.
Mimosée, arbre de construction.
Tuberculoïde de Dioscorea n* 6.
S* envoi. ~ 43 juillet 4903, — Krbbedjé.
Bambous des Niellims.
Coffea excelsa.
Landolphia owariensis.
Parkia âlicoidea.
e« envoi. — 40 mai 4904.
Paris.
Coleus Dazo
Coleus rotundifolius v. alba.
Coleus, rotundifolius v. rubra.
Coleus, rotundifolius v. nigra.
Dioscorea (4 variétés bulbifères).
Cucurbita sp. (grosse courge).
Cucumis sp. (petite courge à huile).
6* JARDIN BOTANIQUE DE MONTPELLIER
l" envoi. — 44 juin 4902, — Saint-Louis.
Dlospyros mespillformis. Polnciana regia.
Elœls gulneensis. Passiflora senegalensis.
Khaya senegalensis. Thespesia populnea.
Lonchocarpus formoslanus.
2« envoi. — 43 juillet 4903, — Krbbedjé.
Coffea excelsa. Parkia âlicoidea, graines parafû-
Landolphia owariensis. nées.
3« envoi. — 40 mai 4904. — Paris.
Coleus Dazo A. Chev.
Coleus rotundifolius v. alba.
Coleus rotundifolius v. rubra.
Coleus rotundifolius v. nlgra.
Dioscorea (4 variétés bulbifères).
Cucurbltacée (grande courge).
Cucumis sp. (petite courge).
Dracœna sp. de Brazzaville.
Coffea sUvatlca.
r JARDIN BOTANIQUE DE BORDEAUX
Dlospyros mespillformis.
Elœls gulneensis.
Lonchocarpus formoslanus.
!•' envoi. — // juin 4902. — Saint-Locis.
Khaya snegalensls
Tamarlndus Indlcus.
Thespesia polpulnea.
Erythrina sp.
Entada sp.
Cyanospermum calyclnum
8» envoi. — 20 novembre 4902, — Krbbgdji^..
Bauhinia reticulata.
Musa Schweinfurthll.
Coffea excelsa.
Landolphia owariensis.
3* envoi. — 43 juillet 4903. — Krbbedjé.
Parkia Alicoidea.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 95
4" envoi. — 23 février 4904, — Bordeaux.
Funtumia elastica. Aloe Barteri.
Landolphla owariensis. Coleus Dazo A. Chev.
Coffea congensis. Coleus rotundifolius v. alba.
Coffea silvatica. Coleus rotundifolius v. rubra.
Bambou nain. Coleus rotundifolius v. nigra.
Sanseviera guineensis. Dioscorea (4 variétés bulbifères).
Euphorbia sp.
8" ENVOIS DIVERS
A son retour en France, la Mission Chari-lac Tchad a en outre expédié
les graines et les tubercules dont elle pouvait disposer à tous les établisse-
ments qui en ont fait la demande. En dehors de quelques plantes d'intérêt
économique restreint, elle a envoyé un lot important de quatre espèces ou
variétés de Coleus à tubercules alimentaires, ainsi que quatre variétés du
Dioscorea anthropophagorum A Chev. (dont les tubercules aériens rem-
placent la pommé de terre dans le centre de l'Afrique) aux établissements
suivants :
Jardins botaniques de Lyon, Marseille, Caen, Nancy, Bordeaux, Jardin
méditerranéen de la villa Thuret à Antibes, Etablissements de la Maison
Vilmorln-Andrieux et C", Jardin du Hamma près Alger, plantation Poirey à
Kouroussa (Haute-Guinée).
Ces mêmes plantes et quelques spécimens d'intérêt exclusivement bota-
nique ont été envoyés aussi aux Etablissements scientifiques étrangers
suivants : Jardin royal de Kew, Jardin de Berlin, Jardin de l'Etat ^
Bruxelles.
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TABLEAU VII
Observations météorologiques
faites à la station d'essais de Krébedjé (Fort-Sibut).
1" TRIMESTRE
JANVIER.
FÉVRIER.
MARS.
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2- TRIMESTRE 1903
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36,144
15,37
2,093
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100 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
CHAPITRE IV. — LES COLEUS A TUBERCULES
ALIMENTAIRES
Par MM. Auer* Chevalier et E. Perrot
Sommaire : Généralités. — Historique. — Aperçu sur les genres Plectran-
thU8, Coleus et Solenostemon. — Révision des espèces de genres Plectran-
thus et Coleus possédant des tubercules. — Description des espèces
comestibles rencontrées en Afrique tropicale. — Description des tuber-
cules. — Recherches histologiques. — Composition chimique des tuber-
cules. — Procédés de culture. — Rendements. — Utilisation. — Distri-
bution géographique et noms indigènes. — Tentatives pour répandre
la culture des Coleus alimentaires dans toutes les contrées tropicales.
Conclusions.
On a cru longtemps que les Solanées et les Convolvulacées
étaient les seules familles de Gamopétales susceptibles de produire
des tubercules utilisés par Fhomme pour son alimentation.
Dans son Origine des Plantes cultivées, Alph. de Candolle
consacre de longs paragraphes à l'histoire de la Pomme de terre
et de la Patate, mais il paraît avodr ignoré que des végétaux d une
famille voisine des deux précédentes, la famille des Labiées, pou-
vaient aussi donner par la culture des tubercules jouissant de pro-
priétés analogues.
MM. Pailleux et Bois ont, depuis de nombreuses années, vul-
garisé en France Tune de ces plantes, originaire du Japon et de la
Chine, le Stachys afftnis, aujourd'hui bien connu sous l'appella-
tion de Crosne qui est le nom de la ville où Pailleux cultiva
d'abord cette espèce.
Dans la plupart des contrées tropicales de l'Ancien Monde on
rencontre des plantes de la même famille, appartenant au genre
Coleus et qui sont également cultivées pour leurs tubercules ali-
mentaires.
De Placourt avait déjà signalé, en 1658, l'une de ces plantes
rencontrée à Madagascar dès le xvii* siècle ; Rumphius figura
en 1747 une plante analogue rencontrée à Java.
Mais ce n'est que dans ces dernières années que l'attention des
voyageurs et des naturalistes fut de nouveau attirée sur ces Labiées
qui jouent réellement, en certaines régions, un rôle important
dans l'alimentation de l'homme.
L'un de nous a rencontré récemment, dans les pays les plus
divers de l'Afrique tropicale, plusieurs espèces et variétés nou-
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 101
velles de Coleus alimentaires. Nous avons noté les conditions dans
lesquelles vivent ces plantes ; des expériences sur leur culture ont
été poursuivies à la station de Fort-Sibut ; enfin, l'analyse microsco-
pique et chimique a confirmé la haute valeur alimentaire de ces
végétaux. Nous sommes ainsi en possession des plus importants
documents qui aient été rassemblés sur ce groupe de plantes qu'il
importe de faire connaître pour les répandre dans toutes les colo-
nies tropicales.
L'une des espèces, le Coleus rotundifolius, est déjà cultivée,
sous diverses variétés, dans l'Inde, à Ceylan, à Java, à Madagascar,
dans TAfrique tropicale ; elle vient d'être introduite en Indo-Chine
et aux Antilles. Nous montrerons dans ce mémoire que ces Coleus
n'offrent pas seulement un grand intérêt scientifique : ils sont
appelés à prendre, quand on les aura mieux fait connaître, une
grande place parmi les cultures vivrières de tous les pays tropicaux.
§ I. — Historique
1** Coleus rotundifolius. — De Flacourt est le premier voya-
geur qui ait parlé des tubercules d'un ColetLs de Madagascar. Il les
nomme Houmime ou Voamitsa. « Ce sont, dit-il, de petites racines
grosses comme le pouce qui multiplient extrêmement, car d'une
plante il en viendra plus de deux cents. Elles approchent le goût
des naveaux ^. »
Plus tard, en 1769, Commerson récolta la même plante à l'île
Maurice. L'étiquette conservée dans l'herbier du Muséum est ainsi
libellée : t Oumimes de Madagascar — de dessus l'habitation de
M. DuPONCEL, aux plaines de Willicus — en mai 1769 — Ile de
France. » Sur l'étiquette, Commerson a, en outre, reproduit la
note de Flacourt citée plus haut.
En 1811, PoiRET, continuateur de l'Encyclopédie de Lamark,
décrit la plante de Commerson sous le nom de Germanea rotundi-
folia.
' Plus tard, le D' Sims décrit la plante de Madagascar sous le
nom de Plectranthus tematus, et celle trouvée par Commerson à
Maurice, qui lui était identique, fut nommée par Bentham, Plec-
tTanthus rotundifolius (Poir) Spr. La multiplicité des noms créés
pour désigner la même espèce de Labiée ne faisait que commencer,
ainsi que nous le verrons par la suite.
En 1747, RuMPHius avait figuré, sous le nom de Glans terrestris
costensis, une plante de Java du même genre que Blume décrit,
en 1825-1826, sous le nom de Pleclranthus tuberosus ; Bentham en
i; De Flacourt. Histoire de la grande isle de Madagascar, 1658.
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102 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
a fait le Coleus tuberosus qui n'est pas identique à la plante d'Abys-
sinie, désignée sous ce nom par Achille Richard.
La plante de Java rentre encore dans Tespèce de Madagascar, et
conformément aux lois de la nomenclature, c'est le nom de Coleus
Totundifolius (Poir.) qui doit prévaloir.
On trouvera plus loin, dans la revision des Coleus et Plectran-
thus, antérieurement décrits, l'énumération de toutes les espèces
de ce groupe signalées par les auteurs comme possédant des tuber-
cules ou des racines alimentaires, ou bien seulement voisines des
espèces à tubercules.
Nous voulons seulement dans ce paragraphe suivre Thistoire
des espèces alimentaires que nous avons rencontrées en Afrique.
Bentham indique encore son Coleus tuberosus à Ceylan, à Am-
boine et sur la côte de Coromandel. Plus tard, dans son Flora
indica, il rattache à la même espèce son Coleus parviflorus, nom
qu'il avait créé pour désigner une plante récoltée par Wight dans
nnde orientale.
C'est beaucoup plus tard qu'on découvrit le Coleus rotundifolitis
sur le continent africain.
En 1884, MM. Pailleux et Bois reçurent du Transvaal, expé-
diés par M. MiNGARD, quelques tubercules désignés par les Noirs
de race Magwamba sous le nom de Matambala. Ils leur étaient
signalés comme remplaçant la pomme de terre. Cette plante fut
mulipliée de bouture et fleurit l'hiver suivant dans les serres du
Muséum. M. Bois la considéra d'abord comme une forme de
Coleus tuberosus Benth. (non Rich.) à inflorescences compactes et
la désigne sous ce nom i. Plus tard, il l'identifia à des échantillons
de Plectranthus ternatus Sims cultivés au Muséum. Sagot, par
contre, l'assimila à une plante de l'herbier du Muséum étiquetée
par Bentham, Solenostemon densiflorus Benth. Tous ces noms doi-
vent être en réalité synonymes et nous verrons par la suite qu'on
à bien à tort mis dans deux genres différents de simples variétés
culturales d'une espèce unique.
Le Coleus du Transvaal, multiplié au Muséum de Paris, he
tarda pas à être introduit par les soins de Maxime Cornu à la Côte
occidentale d'Afrique. En 1887 ou 1888, ce savant confia à Pierre,
chargé d'organiser le Jardin d'essais de Libreville, deux petits
tubercules de la grosseur d'un gros pois.
Ils végétèrent suffisamment pour être largement multipliés et
répandus. M^r Carie en transporta à Loango et Thollon en em-
porta par rOgoué jusqu'à Brazzaville. « Au Congo, écrivait Thol-
lon, vers cette époque, le Matambala croît avec une vigueur
1. Pailleux et Bois, Le Potager d'un curieux, 2* édition.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 103
extrême pendant la saison des çluies. Pendant la saison sèche (de
juin à octobre) la plante végète, mais a besoin d'être arrosée pour
produire des tubercules. C'est pendant cette période que les fleurs
se montrent. La récolte doit être faite en décembre et janvier. On
obtient, par touffes, une douzaine de tubercules de la grosseur
d'une noix et beaucoup d'autres plus petits ^. »
C'est probablement de l'époque du voyage de Thollon que
date la confusion de la plante qu'il emportait, avec un autre tuber-
cule analogue connu et cultivé depuis longtemps par les indigènes
du Congo. Cette plante alimentaire, que nous avons observée récem-
ment nous-même chez diverses peuplades de la forêt congolaise,
leur était familière bien avant la pénétration européenne, et si la
variété apportée par Pierre s'est multipliée en quelques points
chez les indigènes, ce que nous ignorons, en beaucoup d'autres
c'est, au contraire, la variété congolaise des indigènes que les Euro-
péens se sont mis à cultiver dans les postes dès le début de l'occu-
pation française, sous le nom peu exact de Pommes de terre de
Madagascar que lui donnent encore aujourd'hui tous les coloniaux
européens du Congo. C'est, sans aucun doute, cette dernière
variété que la mission Crampel rencontra en 1890 dans l'Oubangui
par 4"* de lat. N. 2, et que M. Dybowski observa peu après dans
les cultures du poste de Loudima ^.
Près du golfe de Guinée, une plante du même groupe avait été
découverte, en 1854, par Barter, botaniste de l'expédition anglaise
de La Pléide, dirigée par le D*^ Baikie. Barter la rencontra dans
le Yorouba près des bouches du Niger, et il la signala dans ses
notes comme cultivée par les indigènes sous le nom de Krodyn.
Elle a été décrite, en 1894, par Baker, sous le nom de Coleiùs
dysenterictis. L'examen des spécimens authentiques de cette plante»
conservés dans l'herbier du Muséum, nous a convaincu qu'elle
était entièrement identique au Coleus Coppini du Soudan français.
Cette dernière plante, désignée par les indigènes de race Bam-
bara sous le nom de Oussou-ni-fing , a d'abord été signalée par
M. B1N6ER dîms la relation de sa belle exploration de la boucle du
Niger (1888-1889) *. Il trouva le tubercule vendu sur le marché de
Oual-Oualé, dans le Gourounsi, sous le nom de Ousou-fing. M. Bin-
GER n'ayant pas rapporté d'échantillons, Maxime Cornu crut,
d'après la description du tubercule, qu'il s'agissait d'un Dioscorea
btUbifère, et c'est sous ce nom que la plante est désignée dans l'ou-
1. Pailleux et Bois, loc cit., 3* éd., p. 379.
2. Pierre in Pailleux et Bois, 3* éd., p. 380.
3. Dybowski, Cultures tropicales, p. 369.
4. BiNGER, Du Niger au golfe de Guinée, 1892, vol. II, p. 49.
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104 VÉGÉTAUX UTILES DE L' AFRIQUE.
vrage en question. En réalité, le nom de Oussou-ni-fing ou Ousou-
ftng désigne exclusivement le tubercule de Coleus au Soudan.
En 1895, GiiRKE, sous le nom de Coleus salagensis, décrit une
Labiée rapportée de Bismarckburg au Togo par Kling et Bûttner
qui est, si Ton en juge par sa description, absolument identique
aux deux précédentes ^. D'ailleurs, l'auteur fait remarquer que cette
espèce est connue sous le nom de Ponvme de terre de Salaga, et
nous avons appris au Soudan qu'effectivement VOussou-rd-fing
était commun dans cette ville située entre le Pays de Kong et la
Côte d'Or.
Après l'occupation des territoires de la boucle du Niger, VOus-
sou-ni-fing ne tarda pas à se répandre dans la plupart des jardins
de nos postes du Soudan.
Au commencement de 1894, M. le D"* Coppin fit parvenir au
Muséum quelques tubercules de cette plante que Maxime Cornu
multiplia en serre, mais dont il n'obtint pas de floraison. Néan-
moins, en 1900, il crut devoir lui imposer un nom nouveau et la
nomma Plectranthus Coppini^. En 1901, M. Heckel parvint à
obtenir au Jardin botanique de Marseille la floraison de VOussou-
ni'fiing. Il reconnut avec raison que c'était un Coleus et il en a fait
le Coleus Coppini Heckel.
Maxime Cornu a été le premier à montrer qu'à l'inverse du
Crosne, le Coleus du Soudan avait des tubercules très riches en
amidon, dont la composition se rapprochait beaucoup de celle des
Pommes de terre. Sa note se terminait ainsi : t II existe donc pour
les pays chauds des tubercules alimentaires appartenant à la
famille des Labiées, plus analogues à la Pomme de terre qu'au-
cun de ceux qui sont cultivés habituellement. Très faciles à cul-
tiver et à multiplier, ils donnent un rendement abondant, ils peu-
vent acquérir un très gros volume» et peuvent, sans doute, être
améliorés et sélectionnés par la culture. Enfin, ils admettent un
climat Véritablement tropical, ce que la pomme de terre n'admet
pas ; ils méritent donc la plus sérieuse attention. » C'est aussi à
Maxime Coriîu qu'on doit les premiers renseignements sur la
structure anatomique du tubercule de Coleus.
2** Coleus Dazo. — Le capitaine Julien est, à notre connais-
sance^ le premier auteur qui ait cité le Dazo parmi les plantes qu'il
a vu cultiver dans le Haut-Oubangui. Il en mentionne simple-
ment le nom. M. Gentil cite aussi le Dazo parmi les plantes utiles
rencontrées par lui au Haut-Chari.
1. In Encleb, Bot Jahrb. XIX, p. 220.
2. M. Cornu, Note sur un tubercule nouveau du Soudan, l'Ousounify.
Compte-rendus Acad. Se, 1900, p. 1268
3. « Ils ont parfois la grosseur d'une noix. » Cornu, loc. cit.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 105
Quelle pouvait être cette plante qu'aucun naturaliste n'avait
encore observée ?
A notre arrivée à Brazzaville, en juillet 1902, M. Luc nous
montra au Jardin d'essais un carré de ce t Dazo » dont il avait reçu
les tubercules du Haut-Oubangui et qui commençaient seulement
à entrer en végétation. Il fut aisé de reconnaître une Labiée.
Quelques jours plus tard, un indigène de race Batékô nous apporta
la même plante et nous raconta qu'on la trouvait dans la brousse
aux environs des villages. Les indigènes en arrachaient parfois
des pieds pour les cultiver autour de leurs habitations, mais on
considérait plutôt les tubercules comme vivres de famine, et les
enfants seuls allaient les déterrer dans les savanes. Nous ne tar-
dâmes pas à rencontrer la plante dans une localité des environs de
Brazzaville que nous avait indiquée le R. P. Rémy, et où elle parut
bien spontanée. Nous nous trouvions en saison sèche et les tiges
aériennes étaient sorties de terre depuis peu de temps. Nous avons
noté sur nos carnets d'alors, comme noms indigènes donnés à la
plante, Dasso ou Dassou (par les Batékés) et celui de Bigondé (par
les Ba-Congo). .
Le mois suivant, nous retrouvions la plante à 1 500 kilomètres
plus au Nord, dans les environs du poste de Bangui où elle était
cultivée par les Bondjos. Le P. Beauchêne nous assura qu'on la
trouvait, en outre, dans toute la région, chez les Bouakas, les Bou-
zérous, les N'Babas et les Ndris ; nous la remarquâmes ensuite
chez un grand nombre de peuplades du Haut-Oubangui et du
Haut-Chari : Ouaddas, Benziris, Langouassis, Ndis, Ouaccas,
Mbrous, Sabangas, Mandjias. Elle existe chez la plupart des peu-
plades fétichistes qui vivent dans le pays du sultan Snoussi à l'ouest
du Haut-Nil. C'est dans cette dernière contrée qu'elle a été observée
en fleurs, en décembre 1902, et qu'on a pu constater les conditions
étranges dans lesquelles elle fleurissait : les grappes naissaient
exclusivement sur les vieilles tiges arrachées depuis longtemps et
à demi desséchées. Les sujets demeurés en place et encore en végé-
tation ne présentaient rien qui fît prévoir une prochaîne floraison.
Nous avons constaté souvent, depuis, que cette espèce ne fleuris-
sait que quand la plante avait emmagasiné dans les rhizomes sou-
terrains des réserves pour entrer dans la phase de repos corres-
pondant à la saison sèche. Au moment où la partie aérienne va se
dessécher, alors que les feuilles sont déjà tombées, les grappes
font seulement leur apparition. Cette particularité biologique existe
aussi chez quelques autres espèces de Coleus et de Plectranthus *.
Les matériaux recueillis au cours du long voyage de la Mission
1. Voir la Uste pubUée plus loin.
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106 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
Chari'lac Tchad, sont les premiers documents ayant permis de
faire une étude scientifique et agronomique aussi complète que
possible sur le Coleus Dazo.
La monographie que nous publions et qui était rédigée depuis
plusieurs mois est aussi le seul travail qui ait permis de recon-
naître que le Dazo, déjà cité depuis plusieurs années par divers
voyageurs*, était une Labiée se rapportant au genre Coleus.
Dès le mois de février 1904, à son arrivée en France, la Mission
Ghari-lac Tchad a distribué à plusieurs établissements des tuber-
cules de Coleus Dazo, afin d'aider à la diffusion de cette utile
espèce dans tous les pays tropicaux 2.
Enfin, les Coleus langouassiensis et Coleus brazzavillensis
n'avaient encore retenu l'attention de personne avant le voyage de
la Mission Chari-Tchad,
§ II. — Aperçu sur les genres Plectranthus, Coleus
et Solenostemon
Les genres Plectranthus et Coleus de la section des Ocimées
sont morphologiquement très voisins, et nous pensons qu'il n'y
aurait point d'inconvénient à les réunir, s'ils ne contenaient cha-
cun une centaine d'espèces.
Le seul caractère constant qui permette de les distinguer réside
dans la disposition des étamines les unes par rapport aux autres
et peut ainsi se résumer :
Etamines à filets Ubres au-dessus de leur
point d'attache à la gorge de la corolle. . . . Plectranthus.
Etamines à filets soudés en un tube au-des-
sus de leur point d'attache à la gorge de la
corolle, puis libres à leur extrémité Coleus.
Or, la soudure des étamines dans le genre Coleus existe sur un
parcours plus ou moins long, suivant les espèces.
D'autre part, G. H. Wright a fait rentrer dans le genre Plec-
tranthus (PI. insolitus) une remarquable Labiée à feuilles alternes,
dont les filets des étamines étaient brièvement connés à la base.
Enfin, chez beaucoup d'espèces de ces deux genres, les fleurs
sont très petites : quand elles sont desséchées et aplaties en herbier,
1. Voir notamment : Gentil. La Chute de l'empire de Rabah, Tour du
monde, 27 déc. 1901, p. 622.
2. Quelques mois plus tard» MM. Chalot et Ammann ont publié sur le
Coleus bazo une petite note des plus incomplètes, sans même attendre que
le nom que nous avions attribué à cette plante fût acquis à la nomencla-
ture botanique.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 107
il est extrêmement difficile de savoir si les filets staminaux sont
adhérents ou non à leur base.
Aussi, nous croyons que parmi les espèces décrites dans le
genre Coleus, il se trouve de véritables Plectranthus et vice versa.
Ainsi Ton verra dans le tableau suivant, le Coleus tuberosus décrit
loin du Plectranthus ternatus, alors que ces deux plantes sont pro-
bablement deux variétés d'une même espèce cultivée.
De même, notre Coleus Dazo, qui semble très voisin du Plec-
tranthus floribundus N. E. Brown, n'a pu cependant lui être réuni,
parce que N.-E. Brown déclare les étamdnes libres dans la plante
qu'il a étudiée, tandis qu'elles sont très nettement monadelphes à
la base, dans la plante que nous décrivons plus loin.
Bentham, dans sa monographie des Labiées (1832-1836), fait
remarquer t qu'à l'exception du Coleus scutellarioides et de deux
ou trois autres espèces, les plantes du genre Coletcs ont un port si
différent des Plectranthus qu'il n'est pas besoin d'examiner les
étamines pour les distinguer. En outre, sauf deux ou trois espèces
aussi, les Coleus diffèrent des Plectranthus par les lobes latéraux
du calice tronqués et leur inflorescence montre toujours une ten-
dance à être cymiforme ».
Depuis cette époque, les descriptions d'un grand nombre d'es-
pèces nouvelles dans les deux genres ont montré que ces observa-
tions du savant monographe n'étaient pas générales, et le caractère
des étamines libres ou monadelphes à la base est véritablement le
seul qui différencie génériquement ces plantes.
Un troisième genre, le genre Solenostemon créé par Schuma-
cher et Thonning est venu s'ajouter à ce groupe. Il se distingue
des Coleus parce qu'il a les dents antérieures du calice connées et
qu'il est ainsi nettement hilobé. On ne connaissait primitivement
qu'une espèce dans ce dernier genre. Récemment ^ Baker en a créé
cinq autres spéciales à l'Afrique tropicale, et une septième espèce
existe en Amérique tropicale. Tout récemment encore Hiern en a
trouvé deux autres dans les plantes de Welwitsch.
Le genre Solenostemon, bien qu'admis par tous les auteurs, est
peu distinct des Coleus. Citons enfin le genre Germanea Lam. que
Hiern vient de substituer au genre Plectranthus parce que la
dénomination de Germanea serait de deux années plus ancienne ^
pour la science botanique.
1. Beskrivelse of Guineiske Planter, 1827.
2. Flora of tropical Africa. V, p. 420.
3. Catalogue Welwltsch's African plants. 1900, p. 860
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108 VÉGÉTAUX UTILES DE L' AFRIQUE.
§ III. — Revision des espèces des genres Pleotranthos
et Goleus possédant généralement des tubercules *
Une grande partie des types des espèces des genres Coleus et
Plectranthus, voisins ou même identiques aux plantes africaines
que nous avons été amenés à étudier, manquent à Therbier du Mu-
séum. Pour comparer nos échantillons à ces espèces, nous avons
donc dû nous borner à faire un examen très serré de tous les carac-
tères différentiels invoqués par les auteurs ; nous avons acquis ainsi
la certitude que plusieurs noms étaient synonymes et désignaient
la même plante. C'est ainsi que pour nous il n'est pas douteux que
les Coleus rotundifolius (Poir.) A. Chev. et Perrot, C. tuberosus
(Blume) Benth. (non Rich.), C. parviflorus Benth., C. dysentencus
Baker, C. salagensis Gûrke, C. Coppini (M. Cornu) Heckel, ne cons-
tituent qu'une seule espèce, et il n'est pas douteux que C. rotundi-
folius, datant de 1811, est le plus ancien nom qui doit être conservé.
Nous avons de même été amenés à rapprocher le Plectranthus
esculentus N. E. Brown de notre Coleus Dazo décrit plus loin, et
nous pensons que c'est à la suite d'une observation incomplète
que N. E. Brown a fait rentrer la plante comestible du Natal dans
le genre Plectranthus ^.
Nous avons enfin examiné non seulement les espèces analogues
ou voisines de celles que l'un de nous avait rencontrées, mais
aussi d'autres espèces éloignées qui ont été signalées comme possé-
dant des tubercules. Tel est par exemple le cas pour le Coleus bar-
batus (Andr.) Benth. et pour le Coleus edulis Vatke.
Nous donnons ci-dessous les descriptions originales de toutes
ces espèces telles qu'elles figurent dans le Prodrome et dans des
publications postérieures où un certain nombre de ces descrip-
tions étaient dispersées. Nous voulons mettre ainsi les spécialistes
à même de contrôler nos rapprochements et donner aux natura-
listes, vivant dans les pays tropicaux, une base pour leur per-
mettre d'étudier plus soigneusement un groupe de plantes utiles
répandues dans beaucoup de régions, mais qui ont encore insuffi-
samment attiré l'attention. Nous énumérons ces espèces à la suite
les unes des autres. Il est très probable que toutes ces descrip-
tions se rapportent à un nombre très limité d'espèces.
1. Nous avons compris aussi dans cette Uste plusieurs espèces qui ne
sont pas connues actuellement comme possédant des tubercules.
2. La direction du Jardin de Kew auquel le Coleus Dazo a été commu-
niqué nous écrit que notre plante diffère de celle de N. E. Brown par la
dentelure des feuilles et par les dents du calice beaucoup plus fines.
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ESSAI D'INTRODUCTION DES PLANTES UTILES. 109
PLECTRANTHUS
L'HÉR. (1788) ; Stirp, I, 85. — Germanea, Lamark (1786), II, 689 et 690.
PLECTRANTHUS TERNATUS
SiMS, BoL Mag., p. 51, t. 2.460 (1824); Bojer, HorL MauriL, p. 253;
Benth. in DC, Prod. Xll, p. 65. — Coleus ternatus, A. Chev. Ms.
Herbe vivace haute de 15 à 25 centimètres à racines fibreuses
portant de petits tubercules oblongs (Jacques et Herinck).
Tiges dressées, à rameaux blancs tomenteux. Feuilles longue-
ment pétiolées, ovales, arrondies, aiguës, à grosses crénelures,
longuement atténuées à la base, un peu charnues, très finement
pubescentes à la face supérieure ; blanchâtres en dessous ; les
feuilles florales, bractéiformes. Grappes à faux verticilles un peu
lâches, multiflores, rapprochés. Calice campanule à dent supé-
rieure très large non décurrente, les dents inférieures largement
ovales, aiguës, très courtes. Corolle dicline, presque trois fois plus
longue que le calice, à tube un peu gibbeux en dessus, à gorge à
peine renflée. — Port du Plect. rotundfiolius, dont il diffère par la
pubescence fine, par ies feuilles plus aiguës et plus rétrécies à la
base ; souvent (ou constamonent ?) par les verticilles de feuilles
groupées par trois et par la forme du calice. Feuilles florales très
entières, glabres, lancéolées, longuement acuminées. Pédicelles
courts ; calice pubescent ; corolle ponctuée de glandes noires, à
lèvre supérieure très brièvement quadridentée ; Tinférieure allongée,
projetée en avant. Organes sexuels plus courts que la corolle. —
(D'après Bentham.)
Habitat, — Madagascar, Comores, Maurice.
Observations. — Dans sa description originale, Sims indique sa
plante comme ayant des étamines à filets connés à la base. C'est donc
par suite d'une erreur que Bentham, dans sa monographie, a main-
tenu cette espèce dans le genre Plectranthus. Cette plante, aussi bien
que le Plect. rotuiidifolius, dont elle n'est probablement qu'une variété,
est, d'après Sims, cultivée à Maurice pour ses tubercules (Bentham).
— Elle y a été introduite et y est connue sous le nom de Oumine.
Dans le Botanical Magazine, les tubercules sont figurés comme
ayant 30 millimètres de long sur 12 millimètres d'épaisseur et les plus
gros atteignent 25 millimètres à maturité. Ils sont décrits comme cons-
tituant un mets délicat (N.-E. Brown). — D'après de Flacourt, les
tubercules de cette espèce sont désignés à Madagascar sous les noms
de Houmine ou Voamitza. — Sims donne comme nom indigène de la
plante Omimé.
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110 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
PLECTRANTHUS ROTUNDIFOLJUS
(PoiR. sub. Gervianea). Spr. Syst. 2, p. 690; Benth. in DC, Prod,,
XII, p. 65. — Germanea rotundifolia Poir. Encycl. méth,,
SuppL II (1811). — Coleus rugosus, Benth. in Wall PL as. rar,,
II, p. 15 (d'après Bentham).
Tige couchée à la base, radicante, à rameaux épais, striés,
dressés, habituellement glabres, ou rarement finement pubescents.
Feuilles pétidëes, ovales, arrondies, obtusiuscules, crénelées,
arrondies à la base ou bien cunéiformes, légèrement décurrentes
en pétiole, très glabres, épaisses, nerviées, les florales plus petites
en forme de bractées. Grappe florale simple, à fleurs bleues, dis-
posées en faux verticilles un peu lâches, multiflores, rapprochés.
Calice pubescent campanule, à dent supérieure large, oblongue
aiguë, à peine décurrente, les latérales tronquées, fes inférieures
largement ovales connées, très brièvement acuminées. Corolle
décline, presque trois fois plus longue que le calice, à tube un peu
gibbeux à la base, à gorge renflée, à lèvre supérieure brièvement
quadridentée, l'inférieure allongée étalée. Organes sexuels plus
courts que la corolle. — (D'après Bentham.)
Habitat. — Ile Maurice (Commerson) ; Coromandel (d'après
Bentham).
Orservation. — L'Herbier général du Muséum possède la plante
de Commerson avec deux étiquettes écrites de sa maia Ces échan-
tillons, bien qu'ils n'aient pas été étiquetés par Poiret, correspondent
très exactement à la description de cet auteur, qui a été faite sur des
échantillons existant dans l'herbier Desfontaines, échantillons que
nous avons pu retrouver. La plante de Commerson, de l'herbier du
Muséum, a les fleurs groupées en une grappe courte épaisse, les
feuilles glabres, arrondies ou un peu ovales, et correspond aussi exac-
tement que possible à la description de Poiret du Coleus rotundù
folius. D'autre part, elle est identique aux Coleus Coppini, C. ternatus,
C. dysentericuSj etc., cultivés de différents côtés.
Bentham n'a sans doute pas soupçonné quel était le véritable Ger-
manea rotundifolia Poiret. Une étiquette jointe à la plante de Com-
merson dans l'herbier du Muséum porte la mention suivante écrite
de la main de Bentham lui-même : « Plectranthus densiflorus Ben-
tham. » Ce nom n'a pas été publié, du moins il n'est mentionné ni
dans le Prodrome, ni dans V Index Kewensis.
PLECTRANTHUS M ADAQASCARIENSIS
(Pers.). Benth. Labial,, p. 83 et in DC, Prod., XII, p. 68 ; P. mauri-
tianusy Boj., Hort. MaiiriL, p. 254.
Tiges herbacées, couchées, villeuses, à rameaux ascendants.
Feuilles pétiolées, arrondies, obtuses, incisées, crénelées, très vil-
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 111
leuses. Grappes allongées, simples ; faux verticilles un peu lâches,
formés d'environ dix fleurs ; feuilles florales sessiles, membra-
neuses, arrondies, cunéiformes, caduques, villeuses en dessous,
glabres en dessus. Calices diclines, les fructifères incurvés, striés,
à dent supérieure ovale, à peine acuminée, courtement décurrente,
les inférieures lancéolées, sétacées, acuminées. Corolle dicline
presque trois fois plus longue que le calice, à tube un peu gibbeux
à la base, réfracté au milieu. — Feuilles de Plect, Thunbergii
Benth., mais plante couverte de toutes parts de longs poils blan-
châtres. Corolle de Plec. parvifloms Willd. — (D'après Bentham.)
Habitat. — Madagascar, île Maurice, Natal, Arabie heureuse.
Observation. — Nous avons vu de beaux exemplaires de cette
espèce dans Therbier du Muséum. Elle diffère surtout de la précédente
par sa villosité abondante.
PLECTRANTHUS MISERABILIS
Briquet in Engl, Jahrb., XIX, p. 180 ; Baker in Th. Dyer, FI. of. trop.
Afr., V, p. 405.
Plante herbacée portant des tubercules, rampant à la base, s'éle-
vant ensuite à 60 centimètres de hauteur. Feuilles pétiolées, ovales-
oblongues, celles du haut ayant 2^^,5 de long, aiguës, cunéiformes
à la base, vertes et pubescentes sur les deux faces. Inflorescence
en épi long, verticilles inférieurs distants ; bractées fugaces. Calice
très accrescent ayant 1 millimètre de long au moment de la florai-
son, dent supérieure ovale, les latérales ovales acuminées, les infé-
rieures sétacées. Corolle faisant saillie de 2 à 3 millimètres de la
gorge du calice ; lèvre inférieure de 2 millimètre de long. Ëtamines
incluses très profondes. (D'après Briquet.)
Habitat, — État libre du Congo : Lunda et Mukenge (Pogge).
PLECTRANTHUS ESCULENTUS
N.-E. Brown, Kew Btilletin, 1894, p. 12.
Racine tubéreuse. Tige à la fin décumbente, pubescente. Feuilles
subsessiles, ohlongues, obtuses, cunéiformes, rétrécies à la base,
légèrement pubescentes sur chaque face, à nervures primaires peu
proéminentes en dessous, disparues complètement au moment de
la floraison. Grappes solitaires ou fasciculées, simples, légèrement
scabres et munies de bractées, et naissant à Taisselle des feuilles
tombées. Bractées opposées, elliptiques, obtuses, un peu scabres,
de même longueur que le pédicelle, ou plus courtes que lui. Calice
campanule, un peu scabre, inégalement quinquéflde, la dent posté-
rieure elliptique, ovale-obtuse, les autres lancéolées, acuminées.
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112 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
Corolle dépassant plus de deux fois le calice, jaune, comprimée, à
deux lèvres inégales. Tube très brièvement gibbeux à la base ;
lèvre supérieure très courte, à quatre dents ; lèvre inférieure falci-
forme, cymbiforme, subaiguë, pubescente. — Tiges d'environ
30 centimètres. Feuilles longues de 4 centimètres à l^^.b, larges
de 1, 2, à 25 millimètres. Grappes longues de 16 à 25 millimètres ;
bractées longues et larges de 2 millimètres ; péddcelles longs de
2 à 5 millimètres ; calice long de 3 à 4 millimètres ; corolle longue
de 14 millimètres. — (D'après N. E. Brown.)
Habitat. — Durban ou Natal (J. M. Wood, 1886). Les tubercîiles
nommés t Umbondive » ou t Pomme de terre Kaffir » sont très
estimés des indigènes du Natal.
PLECTRANTHUS FLORIBUNDUS
N.-E. Brown, Bullei. Keiv, 1894, p. 12.
Tiges élevées, dressées, subligneuses, pubescentes. Feuilles ses-
siles, oblongues, obtuses, à basa arrondie et obtuse, à bords sub-
crénelés, un peu scabres des deux côtés, à nervures proéminentes,
réticulées en dessous, tout à fait flétri à la floraison. Grappes
solitaires ou fasciculées, allongées, multiflores, simples ou ra-
meuses, un peu scabres et munies de bractées, naissant à Taisselle
deô feuilles tombées et simulant une panicule allongée nue. Brac-
tées opposées obovales, elliptiques, subaiguës, un peu scabres, de
même longueur que le pédicelle un peu scabre. Calice campanule,
un peu scabre, inégalement quinquéfide, à dent postérieure large-
ment elliptique, obtuse, les autres lancéolées, acuminées. Corolle
dépassant plus de deux fois le calice, jaune, comprimée, à deux
lèvres inégales ; tube très brièvement gibbeux à la base ; lèvre
supérieure très brièvement quadridentée ; lèvre inférieure falci-
forme, cymbiforme, subaiguë, pubescente ; étamines libres. Tiges
de 0^,60 à 1^,20, à partie florifère longue de 0^^,30 à 0=^,45. Pleurs
longues de 5 centimètres à T^d^^s^ larges de 16 à 30 millimètres ;
grappes longues de 37 à 62 millimètres ; bractées longues de 3 milli-
mètres et larges de 2 milimètres à 2™™,5 ; pédicelles longs de 3 à
4 millimètres ; calice long de 6 millimètres et corolle de 14 milli-
mètres. — (D'après N. E. Brown.)
Habitat. — Inanda (Natal) à 600 mètres d'altitude (Wood).
PLECTRANTHUS FLORIBUNDUS
(Variété LONQIPES)
N.-E. Brown in Kew Bulletin, 1894, p. 13 ; Baker in Th. Dyer, Flora
of trop. Afr., V, p. 15.
Pédicelles une fois et demie à trois fois plus longs que les brac-
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 113
tées ; corolles orangées de deux formes, les unes profondément
cymbiformes, falciformes ; les autres droites, moins profondément
cymbiformes. Tiges de 2™,50 à 4 mètres de haut ; bractées longues
de 2 à 4 millimètres ; pédicelles de 4 à 10 millimètres ; corolles de
10 à 18 millimètres. — (D'après N. E. Brown.)
Habitat, — Angola : près de la rivière Cunene (Johnston).
Afrique orientale allemande : bas plateaux au N. du lac Nyassa
(Thomson). Afrique centrale anglaise : Nyassaland (Meller, etc.).
Pays des Matabélé (Baines).
Observation. — Plectranthus floribundus est voisin de P. escu-
lentus. Il en diffère par sou port plus dressé, ses tiges plus robustes,
ses feuilles tout à fait sessUes, avec des bases plus largement arron-
dies, à surface plus rude et à réticulum plus proéminent. La variété
tropicale longipes, devra probablement faire une espèce distincte,
quand les feuilles seront connues, mais à Fexception de la longueur
des pédicelles, on ne peut la distinguer actuellement de la plante du
Natal.
N.-E. Brown, qui a décrit les trois dernières espèces ou variétés,
fait remarquer qu'elles offrent la particularité de fleurir après la
chute des feuilles (de même que le Plectranthus hiflorus Baker du
Nayssaland). Elles appartiennent à la section Coleoides (= Germanea),
caractérisée par un calice à dents Inégales, la dent supérieure étant
ovale et les inférieures étroites, acuminées.
Dans la section Isodon, caractérisée par un calice à dents subé-
gales, on connaît aussi trois espèces africaines fleurissant après la
chute des feuilles. Ce sont les Plectranthus defoliatus Hochst., Plec-
tranthus densus N.-E. Brown et Plectranthus primulinus Baker, mais
on ignore si elles possèdent aussi des tubercules. Enfin, les Coleus
Dazo et C. langouassiensis, décrits plus loin, présentent aussi la même
particularité biologique.
COLEUS
LouR, FL Cochinch, II, p. 372 (1790).
COLEUS TUBEROSUS
(Blume) Benth., Lahiat, p. 59, 1832, et in DC. Prod,, XII, p. 79. — Plec-
tranthus tuberosus, Blume Bijdr., p. 838 (1825-1826). — Glans ter-
restris costensis Rumphius^ Herb. Amb., V, p. 372, t. 132, f. 1 et 2
(1747).
Calice velu, lèvre supérieure trifide, à lobe inférieur semi-bifide
plus long. Verticilles distincts, pédicelles uniflores. Feuilles ovales,
crénelées, à base cunéiforme très entière, ordinairement scabrius-
cules. — (D'après Blume.)
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114 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
Cultivé dans les jardins à Java (Blume). — D'après M. N.-
E. Brown, cette plante est, en outre, cultivée à Ceylan, à Amboine
et dans d'autres îles de l'archipel malais. Selon Thwaites, elle serait
aussi cultivée par les Cingalais. Enfin, Rumphius la donne comme
introduite récemment de Java et de Baly à Amboine. Les colons
portugais nommeraient la plante Gotte Keligam ou Goite Keliniy
€ probablement parce qu'on la cultive beaucoup sur la côte de
Coromandel, dont on appelle les habitants Kelin ou Quellin »
(Rumphius). Ni Roxburgh,. ni Wight, ni Arnot ne la men-
tionnent.
Le D*" SiMS compare son Plectranthtis tematus avec VOcymum
tuberosum de Roxburgh. Cette dernière plante qui possède des
tubercules ne serait pas synonyme de Coleus tuberosus, mais
appartiendrait à un genre voisin et constituerait d'après Bentham
VOrthosiphon rubicundus (Don) Benth. Nous ignorons si cette der-
nière Labiée donne un produit alimentaire.
Hooker fils dans la Flore de l'Inde et après lui N.-E. Brown,
réunissent au Coleus tuberostcs de Java la plante suivante de l'Inde
décrite par Bentham comme espèce :
COLEUS PARVIFLORUS
Benth., in DC, Prod., xii, p.*72.
Tige glabre, légèrement charnue. Feuilles pétiolées, largement
ovales ou orbiculaires, crénelées, à base arrondie ou décurrente
sur le pétiole, les florales à la fin caduques, plus courtes que le
faux verticille. Grappes allongées, grêles. Faux verticilies lâche-
ment multifiores. Pédoncules des cymes presque nuls. Rameaux
et pédicelles courts. Dent supérieure du calice ovale, les latérales
tronquées (?), les inférieures soudées au delà du milieu. Inflores-
cences et fîeurs du Coleus scutellarioides, mais celles-ci plus petites,
Feuilles plus grandes et beaucoup plus larges, très peu acuminées.
— (D'après Bentham.)
Habitat, — Péninsule de Tlnde orientale (Wight, n** 2512).
Nous devons mentionner encore tout près les deux espèces sui-
vantes, que Ton n'a pas jusqu'à ce jour signalées comme possédant
des tubercules, mais qui, d'après les descriptions de Bentham,
semblent très voisines de Coleus rotundifolius,
COLEUS BOJERI
Benth., Labial, p. 52, et Benth., in DC. Prod. Xll, p. 72.
Tige herbacée, courte, presque simple, pubescente, rousse ou
villeuse. Feuilles plus petites que celles de C. scutellarioides,
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 115
pétiolées, ovales, obtuses, non acuminées, crénelées, arrondies à la
base ou subcordées, bullées, subrugueuses, hispidules sur les ner-
vures en dessus et en dessous, tachées de pourpre et glandu-
leuses en dessous. Grappes allongées, simples, à faux verti-
cilles lâches, portant environ dix fleurs. Pédoncule commun
et rameaux très courts. Calice pubescent, dicline, à dent supé-
rieure ovale, obtuse, à peine décurrente, les latérales courtes et
arrondies, les inférieures allongées, aiguës, soudées sur plus de la
moitié de leur longueur. Gorge de la corolle à peine renflée. —
Faux verticilles et fleurs de C. scutellanoides, mais pédicelles plus
longs et plus dressés. Corolle plus petite, glabre, deux fois plus
longue que le tube du calice, à lèvre inférieure linéaire égalant le
tube. Etamines brièvement saillantes. — (D'après Bentham.)
Habitat. — Madagascar, dans TErayme.
COLEUS SCUTELLAR10IDES
(L., sub. Ocimum), Benth. in Wall. PL as. rar., II, p. 16 et in
DC. Prod., XII, p. 73.
Tige à base lignifiée, glabriuscule, à rameaux glabres ou cou-
verts d'une pubescence très fine, à quatre angles obtus, sillonnés.
Feuilles pétiolées, longues de 3<^"^,5 à 5 centimètres, ovales, courte-
ment acuminées, dentées, arrondies à la base, glabres ou à peine
tomenteuses, très nerviées en dessous, fréquemment subpur-
purines, les florales largement ovales, membrenacées, acuminées,
à la fin caduques, plus courtes que les faux verticilles. Grappes
florales grêles, allongées, longues de 33 centimètres et plus, subra-
meuses à la base. Faux verticilles lâches, multiflores, les inférieurs
distants les uns des autres de 2c™,5, les supérieurs de 1 centimètre,
ayant de dix à quinze fleurs. Pédoncule commun presque nul. Pédi-.
celles égalant à peu près les rameaux qui sont courts. Calice fructi-
fère petit, accrescent, décline, strié à la base, glabriuscule. Gorge
nue intérieurement. Dent supérieure ovale, acutiuscule, à peine
décurrente, les latérales ovales, très obtuses, les inférieures plus
longues, aiguës, soudées au delà du milieu. Corolle à peu près
cinq fois plus longue que le calice fructifère, grêle, à gorge à peine
dilatée, gibbeuse à la base ; lèvre supérieure pâle, ovale, briève-
ment quadridentée ; lèvre inférieure bleue, deux fois plus longue,
concave, incurvée et rétrécie à la base. Nucules petites, orbicu-
laires, comprimées, lisses. ^- (Daprès Bentham.)
Habitat. — Amboine (Dumont d'Urville). Ile Maurice (CoM-
merson).
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116 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
COLEUS SALAQENSIS
GûRKE, in Eîig. Jahrb., XIX, p. 220 (1895^ ; Baker, in. Th. Dyer,
FI trop. Air., V, 426.
Racine tubéreuse. Tiges rameuses, pubescentes, de 1 à 2 pieds
de long ; feuilles longuement pétiolées, membraneuses, ovales, de
5 centimètres à l^^.b de long, 2^^,b à 3<^™,7 de large, aiguës,
rétrécies à la base, presque ou entièrement glabres, ponctuées,
glanduleuses. Panicule en épi lâche, terminal ; verticilles de six à
dix fleurs ; bractées ovales, pédicelles de 8 à 12 millimètres de
long. Calice pubescent, nu à l'intérieur de la gorge ; dent supé-
rieure arrondie, ovale, aiguë, à bords non décurrents ; dents laté-
rales très courtes, arrondies, obtuses ; 'les inférieures acuminées,
connées, plus courtes que la supérieure. Corolle bleue, de 8 à
12 millimètres. — (D'après Gûrke.)
Habitat. — Togoland, près Bismarckburg (Kling, Bûttner).
Connue des coloniaux sous le nom de Pomme de terre de Salaga.
COLEUS DYSENTERICUS
Baker in N.-E. Brown, Kew Bulletin, 1894, p. 10 ; Baker in Th. Dyer,
FI of trop. Afr., V, p. 437.
Racine globuleuse, tubéreuse. Tiges courtes, robustes, droites,
glabres. Feuilles pétiolées, charnues, oblongues, obtuses, faible-
ment crénelées, glabres, 2c"^,5 à 5 centimètres de long, étroitement
et très graduellement décurrentes sur le pétiole. Inflorescence en
épi très lâche, de 7^^,b à 12^=^,5 de long ; verticilles distants, glo-
buleux, sessiles, faiblement comprimés ; pédicelles courts, pubes-
cents. Calice de 2<^™,5 de long, pubescent ; tube campanule ; dent
supérieure ovale, large. Les inférieures petites, deltoïdes. Corolle
de 8 millimètres de long, velue à Textérieur.
Habitat. — Lagos : Yorouba, village de Zomba (Barter, n** 846).
Cultivé et employé dans le cas de dysenterie sous le nom de
Krodyn.
COLEUS COPPINI
(M. Cornu). Heckel in Milhe Poutingon, Revue Cuit, coloniales,
i. VIII, 20 mars 1901, p. 166 ; Rev. Hortic. Soc. Hort. Bouches-du-
Rhône, mars 1902, p. 45, 49 et fîg. 1. — Plectranthus Coppini,
M. Cornu, C.-R. Acad. Se, 7 mai 1900, p. 1268 ; A. Chevalier. Con-
naissances act. Flore Sénégal et Soudan, 1900, p. 24 ; D. Bois,
Bull. Soc. bot. France, t. XLVIII, 26 mai 1901, p. 108.
Plante herbacée annuelle, à tubercules noirs, allongés, ellip-
tiques. Tiges couchées ou dressées, simples ou rameuses, terminées
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ESSAI D INTRODUCTION DES PLANTES UTILES. 117
par des inflorescences plus ou moins allongées. Feuilles opposées,
assez longuement pétiolées, charnues, elliptiques, ovales, à limbe
fortement nervié en dessous, largement denté et brusquement
atténué à^ la base puis décurrent le long du pétiole, prenant une
teinte mauve ou bronzée au moment de la floraison. Épis termi-
naux composés de verticilles floraux tantôt (au Soudan) pauciflores
et très distants, tantôt très rapprochés (en culture à Marseille).
Pleurs mauves, petites, en cymes contractées, brièvement pédon-
culées, accompagnées de bractées. Calice ovoïde, en forme de
cloche ou de grelot, à lèvre supérieure ovale et plus développée
que les dents de la lèvre inférieure droite, déjetée en arrière ; les
autres dents sont ovales et petites. Corolle à lèvre supérieure sur-
baissée, à quatre fentes ; lèvre inférieure concave, allongée, sca-
phoïde. Étamines quatre, presque égales, fortement appliquées
contre la lèvre inférieure de la corolle et réunies à la base par un
anneau membraneux qui ne dépasse pas le tiers de leur partie
libre. Style dépassant les anthères. Akènes ovoïdes lisses. —
(D'après Heckel).
Habitat. — Soudan français.
A la suite de cette énumération, il convient de citer les deux
espèces suivantes qui s'éloignent beaucoup des précédentes, mais
qu'il serait intéressant de retrouver aussi en Afrique tropicale et
dans rinde, leurs tubercules étant aussi considérés comme utili-
sables.
COLEUS BARBATUS
(Andr.) Benth. in Wall., PI. Asiat. Rat., II, p. 15 et in DC. Prod.,
XII, p. 71. — Coletis Forskolœi Briquet. — Plect. Forskolœi Wild.
Sp. PL III. — Ocimum cinereum. R. Br. in. Sait. Abyss.,
App., p. 64.
Tige à base ligneuse, ascendante, tomenteuse, hispide, à poils
raides articulés, haute de 0™, 60 à 1 mètre. Feuilles de 4 à 6 centi-
mètres de long, pétiolées, ovales, brièvement acuminées, dentelées,
arrondies à la base, tomenteuses, souvent pourpres ; feuilles flo-
rales caduques, plus courtes que les faux verticilles, ovales, mem-
braneuses, acuminées. Pleurs bleues disposées par dix à quinze, en
faux verticilles, éloignés les uns des autres de 3 à 4 centimètres,
formant des grappes allongées de 33 centimètres au moins, grêles,
un peu rameuses à la base ; pédoncule commun presque nul ; pédi-
celles égalant les plus courts rameaux. Calice petit, accrescent,
presque glabre, penché, strié à la base, à gorge nue intérieurement,
à dent supérieure ovale, aiguë, peu décurrente ; les latérales ovales,
très obtuses ; les inférieures plus longues, aiguës, soudées enti^
elles au delà du milieu. Corolle grêle, cinq fois plus longue que le
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118 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
calice, bossue à la base, à gorge élargie, à lèvre supérieure pâle,
ovale, brièvement quadridentée ; Tinférieure bleue, deux fois plus
longue, concave, courbée, plus étroite à la base. Akènes petits,
ronds, comprimés, lisses. — (D'après Bentham puis Jacques et
Heringk pour les fleurs.)
Habitat, — Indes orientales, Himalaya, Arabie, Abyssinie,
Nubie, Ouganda.
D'après la Flore de Dalzell et Gibbon et une étiquette du
D' RiTCHiE, cette plante est cultivée dans le Dekkari pour ses
racines charnues que les indigènes font mariner (N.-E. Brown).
Le nom de la plante au Tigré est Andeffdeff (d'après Schimper) ^.
Ce sont bien des racines et non des rhizomes qui sont épaissies,
mais non tubérisées.
COLEUS EDULIS
Vatke, in Linnœa, XXXVII, p. 319 ; Baker in Th. Dyer, FI. of. trop.
. Afr., V, p. 425. — C. tuberosns, A. RiCH., Tent. FL Abyss., Il, p. 185 ;
non Benth. = C. palustris et C. rivulariSy Vatke, loc. cit
Plante herbacée vivace avec des racines renflées à l'extrémité
en tubercules ohlbugs. Tiges herbacées droites, pubescentes, de
0°^,60 à 1 mètre de haut, simples ou faiblement rameuses. Feuilles
sessiles, oblongues, membraneuses, crénelées, faiblement pubes-
centes, de 7^=^,5 à 15 centimètres de long. Faux verticilles très flori-
fères, distants, formant un épi simple de 12<^™,5 à 15 centimètres
de long; pédicelles pubescents plus longs que le calice. Calice
pubescent de 3 à 4 millimètres de long ; dent supérieure ovale,
aussi longue que le tube ; les inférieures lancéolées, deltoïdes.
Corolle d'environ 12 millimètres de long, à lèvre inférieure forte-
ment concave, oblongue, naviculaire, presque aussi longue que le
tube.
Habitat. — Abyssinie : Province de Chiré près Kouaieta et Pro-
vince de Godjam (Quartin-Dillon), Begemeder et Jan Meda h
2 800 mètres d'altitude (Schimper).
Observation. — Cette espèce, croissant sur les hauts plateaux de
TAbyssinie, pourrait vraisemblablement être cultivée dans les pays à
climat tempéré.
Achille Richard, qui a décdt le premier l'espèce, ajoute à sa
description :
« Une note du D' Quartin-Dillon qui accompagne cette plante,
m'apprend qu'elle porte des ti^bercules charnus, assez semblables à
ceux de la pomme de terre, non seulement par la forme, mais par
1. Le Coleus spicatus Benth. répandu dans l'Inde, est aussi appelé
« Andeffdeff » en Abyssinie.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 119
leur saveur. Aussi, cette plante est-elle abondamment cultivée, sous le
nom de Daunech^ dans les nombreux jardins qui entourent le village
de Kouaieta, situé à une hauteur de 6.000 à 7.000 pieds au-dessus du
niveau de la meri. »
§ IV. — Descriptions des espèces comestibles rencontrées
en AMque tropicale
Nous avons présenté dans le paragraphe précédent les plantes
décrites comme Coleus ou comme Plectranthus et chez lesquels on
a signalé des tubercules. Accessoirement, quelques espèces voi-
sines dont on ignore le système radiculaire ont été décrites de
même. Nous avons conservé presque mot à mot la description des
espèces, telle qu'elle a été faite par les auteurs cités, nous avons
seulement fait des transpositions dans le texte, de manière à rendre
toutes les descriptions comparables entre elles.
Cette énumération d'espèces conduit à rapprocher et même à
réunir en une seule espèce, le Coleus rolundifolius, un certain
nombre de formes distinguées à tort et dont on trouvera plus loin
la synonymie.
De même, on doit rapprocher du Coleus Dazo dont on lira la
description plus loin, l'espèce qui a été décrite par Brown sous le
nom de Plectranthus floribundus et qui aurait dû être, selon nous,
placé dans le genre Coleus de même que les autres espèces voisines.
Il nous reste à décrire en détail les espèces de ce groupe que
nous avons rencontrées 2.
COLEUS ROTUNDIFOLIUS
(PoiR.), A. Chev. et E. Perrot.
Racines fibreuses, très ramifiées, se détachant de nombreux
petits tubercules souvent opposés par deux le long des tiges souter-
raines et terminés chacun'par un pinceau de radicelles. Tiges ram-
pantes et stolonifères à la base, émettant souvent de petits tuber-
cules au pied, à extrémités redressées, très rameuses, hautes de
20 à 30 centimètres, quadrangulaires, épaisses, crassulascentes et
fragiles, vertes ou rougeâtres sur les angles, glabrescentes ou plus
ou moins velues. Feuilles opposées, pétiolées, un peu charnues,
crassulascentes, répandant une odeur d'Ocimum quand on les
froisse, ovales, plus ou moins spathulées, subdeltoîdes, longues
de 3 centimètres à 7^^,b (pétiole compris), d'un vert clair parfois
maculées d'une teinte plus foncée, et se teintant de rouge lie de
1. A. RiCHABD, Voyage en Ahyssinie, Bot. II, p. 185.
2. Ces descriptions ont été faites sur le vif et à Taide d'abondants ma-
tériaux.
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120 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
vin en vieillissant. Pétiole charnu, facilement cassant, long de 0c™,5
à 3 centimètres, un peu canaliculé en dessus, glabre, bordé d'une
marge ciliée formée par la décurrence du limbe. Limbe long de
2 centimètres à 4<^°^,5 sur 1<^™,5 à 3 centimètres de large, arrondi
au sommet, obtusiuscule ou faiblement apiculé, arrondi à la base,
puis insensiblement décurrent le long du pétiole, à bords large-
ment crénelés, glabrescent ou velu, hérissé sur les deux faces, par-
semé sur la surface inférieure de nombreux puits ou s'insèrent des
poils sécréteurs glanduleux, fortement rddé, bulliforme, à nervures
charnues très saillantes en dessous, à surface supérieure marquée
de dépressions profondes correspondant aux nervures. Feuilles
supérieures petites, arrondies y presque sessiles, souvent caduques
après la floraison. Inflorescence en épi terminal, long de 5 centi-
mètres à 20 centimètres, i>a,Ttois ramifié à la base et à rachis plus ou
moins pubescent, feuillée à la base. Faux verticilles distants de 8 à
3 . millimètres, confluents au sommet, formés de petites cymes
opposées, à pédoncule commun presque nul et comprenant de deux
à dix fleurs par verticille ; bractées d'un vert pâle, pubescentes,
ovales et brusquement acuminées, subuiées, longues de" 4 à 5 milli-
mètres. Pédicelles grêles, pubescents, de 0°^,5 à 2 millimètres de
long. Fleurs diclines, d'un bleu pâle ou d'un blanc bleuâtre,
longues de 8 millimètres en moyenne. Calice pubescent, d'un vert
pâle ou d'un vert rougeâtre, couvert de petites glandes, long de
2"^"^,5 à 3 millimètres, légèrement accrescent à l'état fructifère, à
tube campanule ; lobe supérieur beaucoup plus grand que les
autres, ovale, brusquement acuminé, à bords souvent ciliés, non
décurrents ; les deux lobes latéraux sont arrondis, obtus, réfractés
et obturant l'entrée du tube du calice après la floraison ; enfin, les
deux lobes inférieurs très petits connés à la basé, à partie libre
triangulaire, acuminée. Corolle de 6 à 8 millimètres, beaucoup plus
longue que le calice, extérieurement pubescente ; tube d'un bleu
très pâle, étranglé et recourbé au-dessus de la base ; lèvre infé-
rieure d'un bleu vif parsemée de très petits points gladuleux
rougeâtres, oblongue, très concave, naviculaire, presque aussi
longue que le tube ; lèvre supérieure très courte, formée de quatre
petits lobes arrondis, extérieurement d'un bJeu pâle, légèrement
roussfttre par suite de la présence d'un grand nombre de petites
glandes, inférieurement d'un blanc roussâtre. Étamines quatre,
incluses, plus courtes que le style, à filets glabres, blanchâtres,
soudés à la base; anthères d'un bleu violacé, arrondies. Style
blanchâtre ; stigmate bifide égalant le lobe inférieur de la corolle.
Fruit composé de quatre nucules très petites, lisses, accompagnées
à la base, au moment de la floraison, d'une glande peu épaisse,
insérée sur le disque.
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Végétaux utiles de l'Afrique.
A. Chevalier.
Fig. 9. — Un ohamp de pommes de terre de Madagascar {Coleus rotundifoliiu),
à la ferme de Bessou.
Fig. 10. — Un Champ de Dazo {Coleus ûazo), à la ferme de Bessou.
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lif IMM
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 123
Synonymes : Coleus tuberosus (Blume), Benth. (non Rich.) ;
Coleus parviflorus, Benth., loc, cit. ; C, dysentericus, Baker, loc,
cit. ; C. salagensis, Gûrke, loc. cit. ; C. Coppini (M. Cornu) Hec-
KEL, loc. cit.
Cette espèce extrêmement variable, dont nous venons de don-
ner tous les synonymes connus, présente plusieurs variétés très
peu distinctes qui sont plutôt de formes culturales. Nous avons
distingué les suivantes :
Var. javanicaminum. A. Chev.
Synonymes : C. tuberosus, Benth., loc. cit. ; C. parviflorits,
Benth., loc. cit.
Tubercules à peau noirâtre. Tiges comme dans la variété sui-
vante. Feuilles plus charnues et plus luisantes en dessus.
Habitat. — Cultivé à Java. Introduit dans les serres du Muséum
en 1903, par M. Bois.
Observation. — Cette variété, dont nous avons disséqué des fleiu*s
dans rherbier du Muséum, et dont nous avons vu des pieds vivants
cultivés dans les serres du Muséum, est si voisine de la variété ci-après
cultivée au Soudan, qu'elle ne pourra probablement pas en être dis-
tinguée.
Var. nigra, A. Chev.
Tubercules adultes couverts d'une peau (couche subéreuse)
d'un brun noirâtre, ovoïdes ou oblongs ovoïdes, pouvant atteindre
te taille d'un œuf de pigeon et parfois celle d'une pomme de terre
(Solanum tuberosum) de taille moyenne. Tiges quadrangulaires,
vert rougeâtre, presque glabres, même à l'état jeune, à l'exception
des angles qui sont marqués d'aune ligne rouge et finement pubé-
rulents. Feuilles opposées, ovales, rhomboïdales, obtusiuscules ou
parfois subaiguës (les supérieures), plus ou moins cunéiformes à la
base, glabriuscules ou peu velues des deux côtés ; la face inférieure
est presque toujours teintée en rouge lie de vin. Pétiole glîibre ou
finement pubérulent, non cilié.
Pour la description des autres caractères et en particulier des
fleurs, voir l'analyse spécifique ci-dessus qui est faite d'après des
échantillons de Coleus rotundifolius var. nigra cultivés par nous au .
Jardin d'essais de Port-Sibut.
Habitat. — C'est de toutes les variétés que nous avons vues
la plus répandue au Soudan français, d'où elle a été rapportée
d'abord au Muséum, puis à l'Institut colonial de Marseille et distri-
buée ensuite dans la plupart des colonies françaises
Synonymes : Coleus Coppini Heckel, pro parte ; C. salagensis
GiiRKE, pro parte.
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lU VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
Var. rubra, A. Chev.
Tubercules petits, ovoïdes, n'ayant en général que 2 centimètres
de long sur 1 centimètre de diamètre. Pelure cTun gris rougeâtre,
ou d'un jaune rougeâtre. Tiges épaisses, basses, très rameuses, en
touffes denses, à quatre ou six angles suivant que les feuilles sont
opposées ou verticillées par trois, entièrement vertes, rarement un
peu rougeâtres à la base, parsemées de très longs poils blancs
étalés, peu nombreux. Feuilles d'un vert clair, ordinairement
opposées, parfois verticillées par trois sur quelques rameaux,
ovales, obtusiuscules, à base un peu cunéiforme et décurrente le
long du pétiole, à surface supérieure tomenteuse, hérissée ainsi
que le pétiole de longs poils blanchâtres.
Habitat. — Introduit d'abord du Transvaal au Muséum, puis
répandu au Congo et en Indo-Chine. Les exemplaires qui ont été
cultivés en France, dans ces dernières années, sont venus du Jar-
din d'essais de Gamayen. Ils ont été ensuite répandus dans diverses
régions. Première provenance : Madagascar ?
Synonymes : Coleus ternatus, A. Chev., p. 109.
Var. alba, A. Chev.
Tubercules ovoïdes ou oblongs, ovoïdes, à peau mince, blan-
châtre ou blanc jaunâtre (couleur pelure de pomme de terre). Le
tubercule a toujours une forme régulière ; sa longueur moyenne
est de 4cm,5 et son épaisseur i^^.b. Tiges épaisses, quadrangulaires,
presque glabres à l'état adulte, finement pubescentes dans le haut,
à angles le plus souvent rougeâtres, très saillants, couverts de
nombreux poils blancs, courts, réfractés. Feuilles toujours opposées,
largement ovales, très obtuses, à base brusquement arrondie, spa-
thulée, à peine décurrente le long du pétiole. Limbe parsemé de
poils courts sur les deux faces, ordinairement caducs sur la face
inférieure. Pétiole finement velu et cilié.
Habitat. — Cultivé en grand par les indigènes du coude de
rOubangui (Ndérès, Ndis, Mbrous, Ouaddas) et du Haut-Chari
(Ndoukas). Se rencontre aussi parfois mêlé au précédent dans les
cultures de la Boucle du Niger. Distingué parfois par les Bam-
baras de VOussou-ni-fing (C. tuberosus var. nigra), sous le nom de
Oussou-ni-gué (Petite patate blanche).
COLEUS BRAZZAVILLENSIS
A. Chev., sp. nov., in Schedul., 1904.
Souche stolonifère rampante, à tiges souterraines, portant de
petits tubercules arrondis de la grosseur d^un pois. Tiges couchées
à la base, munies de racines adventives en pinceau, redressées en-
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 125
suite et ordinairement simples, hautes de 20 centimètres à 60 centi-
mètres, quadrangulaires, non cassantes, grêles, hérissées de poils
blanchâtres. Feuilles opposées, pétiolées, velues, molles, ovales,
lancéolées, longues de 4 à 6 centimètres (pétiole et Idmbe compris).
Pétiole étroit, long de 8 à 15 millimètres, très velu, hérissé. Limbe
de 3 à 4 centimètres de long sur icna,2 à ic"^,5 de large, ovale-lan-
céolé, ou lancéolé, obtusiuscule au sommet, étroitement cunéi-
forme à la base, à bords crénelés, paTsemé de poils blanchâtres
sur les nervures, à la face supérieure et à la face inférieure. In-
florescence en épi terminal simple, long de 10 à 25 centimètres,
à rachis grêle, velu, hérissé, dépourvu de feuilles. Faux verticilles
écartés de 20 à 30 millimètres à la base, les supérieurs presque con-
fluents, formés de petites cymes opposées, à pédoncule commun
presque nul et comprenant de huit à douze fleurs par verticille.
Bractées nulles ou très fugaces. Pédicelles grêles, pubescents, de
5 à 8 millimètres de long. Fleurs déclines, bleues, longues de 8 à
10 millimètres. Calice très finement pubescent et glanduleux, cilié
sur les bords, d'un vert pâle, long de 3 à 4 millimètre accrescent à
Tétat fructifère ; à tube campanule ; lobe supérieur relevé à l'état
fructifère, ovale, arrondi au sommet ou légèrement apiculé, tri-
nervié ; les deux lobes latéraux sont arrondis obtus ; enfin, les deux
lobes inférieurs sont soudés en un seul terminé par deux arêtes
parallèles et égalant sensiblement le lobe supérieur. Corolle bleue,
assez grande, de 8 à 10 millimètres de long, beaucoup plus longue
que le calice, extérieurement pubescente ; lèvre inférieure oblongue,
fortement concave, naviculaire, aussi longue ou plus longue que
le tube ; lèvre supérieure formée de deux lobes courts, arrondis,
appliqués tun contre Vautre, lobes latéraux réduits à une dent à
peine accusée. Étamines quatre, égalant le style , incluses. Stig-
mate échancré. Fruit réduit souvent à une nucule par avortement
des trois autres.
Habitat. — Congo français : Brazzaville, spontané dans les
savanes marécageuses et au bord des ruisseaux (Mission Chari-
lac Tchad, n** 11 154), janvier 1904.
Observation. — Cette espèce diffère très nettement du Coleus
rotundifolius, par ses longues grappes de fleurs plus grandes, et sur-
tout par les feuilles longuement pétiolées et par la forme du lobe
inférieur du calice. Elle s'en rapproche beaucoup par les autres carac-
tères. Les indigènes du Congo n'utilisent pas ses tubercules, qui sont
d'ailleurs très petits, à surface noirâtre et prolongés par une ou plu-
sieurs racines se détachant de Textréniité du tubercule. Elle nous
semble voisine du Pleciranihus miserahilis Briquet.
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126 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
COLEUS DAZO
A. Chev., in Shedul, 1903.
Tiges émettant au collet, outre des racines fibreuses, de nom-
breux rhizomes charnus, ramifiés, les plus grands atteignant la
grosseur du petit doigt, féculents, blanc jaunâtre, hérissés même
à l'état adulte de nombreux poils blanchâtres. Tiges aériennes,
droites, raides, croissant ordinairement en grand nombre à chaque
touffe, cylindriques même dans le haut, rougeâtres à la base, cou-
vertes jusqu'à un âge avancé de longs poils blancs, laineux, crépus^
étalés. Elles se ramifient seulement à 0°^,10 ou 0™,20 au-dessus du
sol et portent dans le haut de nombreux rameaux dressés, opposés,
un peu fastigiés. Ces tiges sont subligneuses au moment de la
floraison et atteignent alors 0™,60 à 1 mètre de haut et parfois jus-
qu'à 1°^,50 de hauteur. Elles sont, à cette époque, complètement
dépouillées de feuilles et déjà desséchées au deux extrémités.
Feuilles subsessiles, d'un vert clair, oblongues allongées, obtuses au
sommet, faiblement cunéiformes à la base, d'un vert clair sur
les deux faces ayant de 7 à 8 centimètres de long, sur 2c"^,2 à 3c°^,2
de large, entières ou subcrénelées, scabres et glanduleuses sur les
deux faces, un peu velues ; nervures très proéminentes en dessous
et hérissées de poils blancs. Feuilles supérieures toujours opposées,
les inférieures parfois alternes ; toutes sont caduques avant la florai-
son. Inflorescence en racèmes simples, se développant dans la
moitié supérieure de la tige, alors que celle-ci est déjà à moitié
desséchée et privée de feuilles. Grappes très espacées, ascendantes,
naissant par une ou deux au-dessus des cicatrices foliaires, ayant
de 2 à 6 centimètres de long (et exceptionnellement de 15 à 20 centi-
mètres) et portant de iO à 40 fleurs jaunes, insérées d'un côté seule-
ment du rachis et situées à l'aisselle de petites bractées. Axe de
l'inflorescence grêle, d'un vert jaunâtre, couvert de poils étalés,
glanduleux. Bractées de 1 millimètre à 1"*",5 de long, ovales, spa-
thulées, arrondies au sommet, velues à l'extérieur et d'un jaune
pâle. Pédicelles isolés à l'aisselle des bractées, très grêles, ascen-
dants, longs de 4 à 6 millimètres et parfois de 10 millimètres, velus,
glanduleux, portant une fleur insérée à 120** avec le pédicelle.
Pleurs d'un jaune vif, inodores, mais dégageant par le froissement
une odeur très forte de menthe, longues de 15 à 20 millimètres.
Calice pubescent, glanduleux à l'extérieur, lisse à l'intérieur, long
de 3 à 4 millimètres, à tube campanule et à cinq lobes dont le
supérieur large, triangulaire, et les inférieurs étroits, pointus, les
deux plus inférieurs séparés par une fente profonde. Corolle jaune,
glabre à l'intérieur, pubescente à l'extérieur, surtout sur la lèvre
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. W
inférieure. Tube élargi en entonnoir et présentant à la partie infé-
rieure un petit étranglement situé à 2 millimètres de la base, et
tout le long de la face inférieure une crête blanch&tre produite par
la proéminence de la colonne staminale. Lèvre supérieure très
courte, formée de deux petits lobes verticaux ; lèvre inférieure
beaucoup plus grande, dépassant la supérieure de 5 à 8 millimètres,
fortement concave et à bords rapprochés enveloppant en partie les
étamines.
Ces derniers, didynames, ont les filets glabres, blanchâtres,
soudés en tube ouvert en dessus jusqu'à leur sortie du tube de la
corolle ; leur partie libre est arquée vers le haut et les deux infé-
rieures les plus longues égalent la lèvre inférieure de la corolle.
Les anthères et le pollen sont jaunes. Style jaun&tre, bifide au som-
met, égalant presque les deux longues étamines. Une large glande
jaunâtre, ovale arrondie, formant excroissance sur le disque, existe
à la base de Tovaire. Ce dernier est formé de quatre petites nucules
blanchâtres, glabres.
Habitat. — Brazzaville (moyen Congo) dans les savanes, à
proximité des villages Batékés (échappé de' cultures?). Haut-Ouban-
gui : cultivé par presque toutes les peuplades au N. de Bangui.
Haut-Chari : cultivé par de nombreuses peuplades, notamment
par les Mandja de la Nana, les Banda du Gribingui et du Pays de
Snoussi. Ne semble plus exister au nord du 9* parallèle.
COLEUS LANQOUASSIENSIS
A. Chkv., in Sched,, 1903.
Rhizomes charnus, cylindriques, rameux, digités, beaucoup plus
gros et dune teinte blanc jaunâtre, plus claire que dans la précé-
dente espèce. Ces rhizomes atteignent jusqu'à 30 centimètres de
long et 3<î"*,5 de diamètre ; ils sont moins noueux et présentent
beaucoup moins d'œiUetons que C. Dazo. Tiges aériennes en fais-
ceaux, droites, raides, rougeâtres et cylindriques à la base, cou-
vertes d'un tomentum de poils appliqués et hérissées de quelques
poils blancs épars, subligneuses à Tétat adulte. Jeunes rameaux à
peine hérissés, mais couverts de poils courts appliqués. Feuilles
subsessiles, d'un vert sombre, tombant au moment de la florai-
son (?), un peu raides et pliées en gouttière ouverte en dessus,
oblongues allongées, de 6 à 8 centimètres de long, sur 2 à 3 centi-
mètres de large, obtuses au sommet, faiblement cunéiformes à la
base, crénelées-dentées, avec une glande rougeâtre au sommet de
chaque dent, à marge ordinairement rougeâtre, scabres et glandu-
leuses sur les deux faces, un peu velues. Nervures très proémi-
nentes en dessous et couvertes de nombreux poils courts, blan-
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128 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
châtres. Face supérieure parsemée de nombreux points glandu-
leux. Caractères floraux inconnus.
Habitat. — Cultivé par les indigènes du Haut-Oubangui, spécia-
lement aux environs de Bangui et de Bessou. Dans cette dernière
localité et près du confluent du Kouango et de TOubangui, ce sont
exclusivement les indigènes constituant la peuplade Banda des
Langouassis qui connaissent cette plante.
§ V. — Description des tubercules
Comme nous l'avons vu, les tubercules des Coleus sont des
souches tubérisées dans lesquelles la plante accumule des réserves
pour la saison sèche, époque pendant laquelle beaucoup d'espèces
du Soudan entrent dans une phase de repos. Au retour des pluies,
des bourgeons apparus sur les tubercules produisent de nouvelles
tiges aériennes. Ces tiges, après avoir fleuri, se dessèchent lorsque
Thivemage prend fin.
Cultivés en serre ou sous bâche en Europe, les Coleus précé-
dents prennent un port très différent de celui qui a été décrit.
i** Coleus Totundifolius. — Les tiges des variétés ou Coleus
Totundifolius prennent en serre un port très vigoureux. Elles
restent droites et fleurissent très rarement ^. Les tubercules en très
petit nombre, quand ils existent, atteignent à peine la grosseur
d'une noisette. Cependant M. Heckel, en bouturant des tiges de
cette plante, a obtenu à Marseille des tubercules napiformes pesant
de 19 à 47 grammes *.
Dans les pays tropicaux, cette espèce produit des tubercules en
abondance ; ils sont arrondis ou ovoïdes, ressemblant à des tuber-
cules de Conopodium denudatum, mais plus réguliers et plus
lisses. Leur taille varie habituellement de celle d'une noisette à
celle d'un œuf de pigeon. Dans les terres riches, le Coleus Totundi-
folius var. nigra peut donner exceptionnellement quelques tuber-
cules qui atteignent la dimension d'un œuf de poule ou d'une
pomme de terre moyenne. On trouve souvent une centaine de
tubercules par touffe.
2** Coleus Dazo. — Les tubercules de cette espèce ne sont pas
arrondis, ni ovoïdes, mais ils sont cylindriques, très allongés, plus
ou moins ramifiés et groupés en faisceaux digités, divergeant de la
base des tiges arériennes. Ils mesurent ordinairement de 5 à
10 centimètres de longueur et leur diamètre, à l'état adulte, varie
1. Sur la floraison du Coleus Coppini en 1901, au Jardin colonial de
Marseille, voir Heckel, Revue horticole des Bouches-du-Rhône, 1902, p. 51,
avec une planche.
2. Revue des cultures- coloniales, 1904, p. 41. avec une planche.
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ESSAI D INTRODUCTION DES PLANTES UTILES.
129
de 15 à 20 millimètres. On peut rencontrer jusqu'à 50 griffes tubé-
reuses, ramifiées par touffe (fig. 11).
Cultivé en serre, le Dazo prend aussi un port différent de celui
qu'il a en pleine terre sous le climat tropical. La tige reste plus
courte et se lignifie à peine. Il se forme très rarement des tuber-
cules. Au Muséum de Paris, malgré les soins donnés à nos Coleus
par M. O. Labroy, chef des serres, nous n'avons trouvé que très
Fig. 11. — Une griffe do Golens Daao, réduite au tiers de sa grandeur naturelle.
exceptionnellement un ou deux très petits tubercules par touffe de
Dazo. Enfin, cette espèce et la suivante qu'on peut difficilement
multiplier par bouturage dans leur pays d'origine, se bouturent,
au contraire, très facilement en serre ou sous chftssis.
3® Coleus langouassiensis. — Ainsi qu'il a été dit plus haut,
cette plante très voisine du Dazo, a aussi ses tubercules cylin-
driques groupés en faisceaux digités, divergeants, insérés à la
base de chaque touffe. Les plus belles griffes peuvent atteindre
jusqu'à 30 centimètres de longueur et 3c°»,5 de diamètre (fig. 15).
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130 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
Nous avions prélevé au Jardin d'essais de Fort-Sibut, pour la
rapporter en France, une caisse entière de cette précieuse espèce
à gros rendements. Malheureusement, elle a été volée sur la route
du retour et nous n'avons pu conserver qu'une seule griffe vivante
qui a été partagée entre les serres du Muséum de Paris, de TEcole
supérieure de pharmacie et du Jardin colonial de Nogent. Il a été
ensuite possible de faire de nombreuses multiplications par boutu-
rage.
§ VI. — Recherches histologiques
1** Coleus Totundifolius, A. Chev. et E. Perrot.
Tige. — La structure anatomique de la tige de cette espèce ne
diffère guère de celle que présentent la plupart des Labiées suffru-
tescentes. La section est assez franchement quadrangulaire et le
collenchyme sous-épidermique forme quatre amas assez volumi-
neux aux angles. Les faisceaux libéro-ligneux séparés sont pro-
tégés, au moins chez les principaux, par quelques fibres périlibé-
rieimes.
Le bois est vasculaire et en général peu lignifié ; la moelle
épaisse et parenchymateuse, sans amidon ni tannin.
La protection épidermique est assurée chez les jeunes tiges par
de nombreux poils coniques, pluricellulaires, parfois assez allongés
et souvent courts, élargis à la base, et terminés par une cellule
plus ou moins arrondie. Dans les tiges plus âgées, les poils dispa-
raissent pour la plus grande partie, et la cuticule reste toujours
mince (4, fig. 12).
Pétiole et feuille, — La feuille présente à la base plutôt un long
rétrécissement pétiolaire, qu'un pétiole vrai dont le système fasci-
culaire en arc est très proéminent vers la face inférieure. Le
nombre des faisceaux isolés dans les nervures diminue naturelle-
ment avec l'importance de celles-ci, et toujours ces faisceaux sont
parenchymateux, composés seulement de quelques vaisseaux et de
petits paquets de tubes criblés.
La cuticule est toujours mince et le mésophylle bifacial, carac-
tères que nous retrouverons chez tous les Coleus étudiés.
Le nombre des assises paliissadiques est de deux, occupant en-
viron la moitié de l'épaisseur totale du mésophylle.
Les stomates [st, 3, 5, fig. 12) sont légèrement proéminents
au-dessus de la surface du limbe, nombreux, particulièrement à la
face inférieure, et entourés de plusieurs cellules annexes plus
petites. Les poils épidermiques sont massifs, courts et coniques,
plutôt rares, et on rencontre aussi des poils glanduleux sécréteurs
à une seule cellule de tête. Ces derniers sont souvent enfoncés dans
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VÉGKTAUI UTILES DK L AFRIQUE.
A. Chevalier et Perrot.
fil *
Fig. 12. — Golens rotundlfolins, A. Chbv. et E. Pbrbot (Voir la légende, p. 136).
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m VÉGLlAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
une légère dépression épidermique, et n'ont aussi qu'une cellule
pédîcelle. L'odéo-résine sécrétée s'amasse en abondance entre la
couche interne cellulosique de la membrane et la couche externe
cuticulaire.
Dans les tubercules adultes, Tépiderme est presque toujours
disparu et on trouve à l'extérieur une mince couche de liège peu
subérifié, imprégné de matières tannoïdes et de couleur générale-
ment brunâtre, un peu différente avec les variétés. L'écorce secon-
daire est peu développée ; elle occupe à peine la dixième partie
du rayon et présente quelques cellules scléreuses dans sa région la
plus externe. Le liber est de même réduit à des amas de fins tubes
criblés (te, flg. 12 et 2, PI. 7). La masse presque tout entière
du tubercule est constituée par le cylindre ligneux (B, flg. 2, PI. 7),
entièrement parenchymateux, sauf quelques files de vaisseaux isolés
ou groupés en très petit nombre vers le cambium. La moelle au
centre est assez réduite. Cette structure est, en somme, celle d'une
tige souterraine tuberculeuse, car il persiste parfois une grande
quantité de moelle, mais à cylindre central volumineux.
L'amidon est extrêmement abondant, formé de grains arrondis,
simples ou groupés par trois, cinq ou plus, et alors présentant des
faces planes correspondant à leurs surfaces d'accolement (1, 2, 5,
PI. 8).
2* Coleus Dazo.
La tige est très différente de celle du C. rotundifolius de forme
arrondie et non plus quadrangulaire (1, fig. 13). Elle est protégée
extérieurement dans les tiges âgées par un liège épais, composé de
dix, douze assises d'éléments à parois à peine subérifiées. Ce péri-
derme comprend seulement quelques assises de phelloderme coUen-
chymateux, au milieu duquel on peut rencontrer des fibres allon-
gées, fortement lignifiées.
Le parenchyme cortical est assez développé et des amas de
fibres périlibériennes coiffent et protègent chacun des amas libé-
riens appartenant aux principaux faisceaux conducteurs [sel, 1,
fig. 13). Ces faisceaux de liber sont constitués, comme chez la plu-
' part des Gamopétales, de petits paquets de fins tubes criblés, dis-
persés dans le parenchyme.
Il n'est pas rare non plus de constater la présence de fibres ou
sclérites dans le tissu libérien lui-même ou dans celui des rayons
médullaires.
Le bois en anneau complet est assez lignifié, avec vaisseaux
nombreux disposés en files, et à la pointe des faisceaux où se trou-
vent les éléments vasculaires primaires, ces derniers sont toujours
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ESSAI D INTRODUCTION DES PLANTES UTILES. 133
entourés de cellules parenchymateuses très petites et à parois très
minces. La moelle, assez volumineuse, est formée de larges élé-
ments polygonaux plus ou moins arrondis, laissant entre eux des
méats pour la plupart triangulaires.
Les cellules des parenchymes, et en particuler des parenchymes
médullaire et cortical, sont gorgées d'amidon en grains simples ou
composés par deux, trois petits et très serrés les uns contre les
autres (5, PL 8).
Ajoutons enfin, que l'épiderme reste presque toujours adhérent
au liège cortical, et présente alors des poils tecteurs à base large et
massive, ou bien encore très allongés, unisériés, à parois peu
épaisses, et munies de ponctuations simples, très fines. A côté de
ces poils, on trouve aussi çà et là des poils capités sécréteurs {pg, 2,
flg. 13).
Feuille, — Les feuilles étant sessiles, il n'existe point de pétiole,
mais seulement à la base un rétrécissement du limbe, dont la ner-
vure médiane est volumineuse et très proéminente à la face infé-
rieure. Cette nervure possède un système fasciculaire formé de
plusieurs faisceaux volumineux, inégaux, protégés par des amas
de tissu mécanique. Les poils tecteurs atteignent une dimension
considérable à la face inférieure de la nervure.
La structure du limbe de la feuille est bifaciale, avec une assise
de cellules palissadiques allongées, occupant presque la moitié de
l'épaisseur totale du mésophylle ; l'assise sous-jacente est composée
d'éléments un peu allongés aussi dans la direction perpendiculaire
à la surface.
Le parenchyme lacuneux est lâche, parsemé de nombreux fais-
ceaux provenant des nervures secondaires. Les stomates sont pro-
éminents et plus nombreux à la face inférieure, avec des cellules
de bordure beaucoup plus petites que celles de l'épiderme.
Les poils tecteurs toujours pluricellulaires sont courts, coniques
ou massifs ou plus allongés, unisériés et ponctués ; les poils capités
sécréteurs atteignent de même d'assez grandes dimensions et ne
sont pourvus que d'une cellule pédicelle réduite et d'une grosse
cellule sécrétrice terminale {pg, 4, fig. 13).
Tubercules aériens. — A l'aisselle de certaines feuilles, dans la
partie basilaire des tiges, il se développe parfois des tubercules
aériens, sorte de bulbilles ovoïdes, atteignant 1 centimètre à 1<^,5
de long sur 7 à 8 millimètres de diamètre et terminés de très bonne
heure par un petit bourgeon foliaire ou florifère.
Ces organes aériens de dissémination du végétal ont une struc-
ture rappelant celle de la tige avec quelques particularités dues
au phénomène de tuberculisation. L'épiderme persistant à cuticule
mince est couvert de poils tecteurs pluricellulaires de formes com-
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VÉGÉTAUX UTILES DE l'AfRïQUE.
A. Chevalier et Perrot
E Prrrot, drl.
Fig. 13. — Golens Dazo, A. Chev. (Voir la légende, p. 13!)).
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ESSAI d'introduction DES PIjVNTES UTILES. 135
LÉGENDE OE LA FIG. 12.
Goleus rotundifoliiis (Poir.) A. Chbv. et Perrot. — 1, fragment de coupe trans-
versale au niveau du cambium dans un tubercule; L, région libérienne; tc^ paquets
de tubes criblés; fi, bois parenchymateux avec quelques rares vaisseaux; 2, schéma
de la coupe à la base de la feuille; S, stomate; 4, schéma de la coupe transversale
de la lige : col, collenchyme ; fil, faisceaux libéro-ligneux ; m, moelle ; 6, coupe
lranst>€rsale du limbe.
Légende de la fig. 13.
Goleus Dazo. — 1, coupe schématique de la tige: e, épiderme avec poils tec-
teurs et glanduleux ; «, liège sous-épidermique ; se, sclérites corticaux ; sel, sclé-
renchyme péricyclique ; L, liber; B, bois ; M, moelle; 2, fragment de coupe mon-
trant ïépiderme de la lige avec ses poils lecteurs p et sécréteurs pg, et le péndei*me
sous-épidermique : «, liège ; pc, parenchyme cortical secondaire ; 3, coupe sché-
matique de la nervure médiane à la base du limbe ; 4, coupe transversale du limbe
foliaire ; pp, parenchyme palissadique ; mes, mésophylle; st, stomate.
Légende de la fig. 14.
Goleus langouassiensis. — 1, faisceau isolé de la moelle du tubercule; 2, coupe
schématique de la tige; 3, limbe foliaire; 4, schéma de la base de ta feuille;
5, L, liber; B, bois; li, limbe; p, poil tecteur; pg, poil glanduleux; pc, parenchyme
cortical; st, stomate; sel, sclérenchyme ; col, collenchyme; M, moelle; Le, liber
écrasé.
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Végétaux utiles db l'Afrique
E. Perrot.dri.
Pig. 14. — Golens langonassiensls, A. Chkv. (Voir la légende, p. 135).
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES.
137
parables à ceux de la tige. Le liège sous-épidermique est à peine
subérifié, et le parenchyme cortical assez épais. Le cylindre cen-
tral est représenté par des faisceaux conducteurs épais, disposés
en un cercle, largement espacés et toujours très parenchymateux.
Tous ceux que nous avons examinés à Taisselle des feuilles ne
Fig. 15.
Une griffe de Coleus langouassiensls, d'après une photographie,
mais réduite environ au tiers de sa grandeur naturelle.
renferment aucune trace d'amidon figuré, mais Teau iodée donne
avec le contenu cellulaire de tous les éléments parenchymateux
une coloration bleue intense. On doit se trouver là en présence
d'amidon soluble, et il serait intéressant de voir si dans ces bour-
geons tuberculeux mûrs, Tamidon se concrète plus tard. Comme
certains de ces tubercules semblent devoir donner naissance à des
inflorescences, il y a lieu de penser qu'ils sont de véritables organes
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138 VÉGÉTAUX UTILES DE L' AFRIQUE.
de réserve, permettant la floraison si bizarre qui a été décrite pré-
cédemment ^.
Tubercules souterrains, — Ces tubercules sont, à proprement
parler, des tiges souterraines épaisses et charnues, dépassant à
peine la grosseur du pouce, rugueuses à la surface, un peu iné-
gales, de 1 centimètre de diamètre moyen. Leur aspect velouté
caractéristique est dû à Textrême développement du revêtement
pileux qui le rend très sensible à l'œil nu.
Ces poils, qui atteignent jusqu'à 1°^,5 et 2 millimètres de lon-
gueur, sont identiques, sauf leur nombre et leurs dimensions, à
ceux des autres Coleus, De môme encore, on rencontre des poils
capités sécréteurs abondants. L'épiderme persiste, et ne s'exfolie
que chez les très vieux tubercules.
Il se forme à cet effet un épiderme sous-épidermique très com-
pact à éléments subéreux et à parois un peu colorées en brun.
Le parenchyme cortical assez épais est parsemé de sclérites isolés
et largement ponctués. Les faisceaux conducteurs sont représentés
par des amas de tubes criblés et de vaisseaux, et la zone ligneuse
forme une bande parenchymateuse dont les éléments plus petits
et radialement orientés permettent une délimitation aisée de la
région médullaire volumineuse (M, flg. 1, PI. 7).
Le parenchyme cortical, libérien et médullaire en particulier,
renferme une grande proportion d'amidon en grains arrondis ou
accolés par deux, trois, rarement en nombre plus élevé ; ce carac-
tère et la dimension moindre les différencient de ceux du €, rotun-
difolius (5, PL 8).
3° Coleus langouassiensis, A. Chev.
Tige, — Comme chez le Coleus Dazo, la tige est arrondie, avec
de nombreux poils tecteurs et capités et un li^e sous-épidermique
apparaissant dans les tiges âgées. Le cylindre central est cepen-
dant plus compact, et non partagé en faisceaux bien apparents.
Le liber est réduit à une assise parenchymateuse mince dont
les amas de tubes criblés, correspondant aux faisceaux primitifs,
sont protégés par des amas plus volumineux de sclérenchyme péri-
cyclique (2, flg. 14).
Feuille. — La base rétrécie du limbe comprend une nervure
très proéminente à la face inférieure, et concave profondément à
la face supérieure. Le système fasciculaire est formé d'un grand
nombre de petits faisceaux groupés en un arc à pointes fortement
1. A ce propos M. Dubard, maître de Conférences à la Sorbonne, nous
apprend en effet que ces tubercules se prolongent fréquemment en inflo-
rescences, et il a pu s'assurer maintes fois de ce phénomène curieux.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 139
decourbées en dedans (4, fig. 14), et protégé vers la face supérieure
par une forte bande de collenchyme.
Le limbe est bifacial avec une seule assise de cellules palissa-
diques occupant un tiers environ de l'épaisseur totale ; les poils
tecteurs épidermiques sont parfois énormes, et de longueur dépas-
sant l'épaisseur de la feuille, et les stomates très proéminents sont
en nombre beaucoup plus grand à la face inférieure.
Tubercules, — Ces tubercules, sensiblement plus volumineux
que ceux des autres Coleus, présentent une structure comparable
à celle du C. Dazo, mais il y vient s'y ajouter une particularité inté-
ressante. La région ligneuse, de même très nettement délimitée,
entoure une moelle énorme parenchymateuse dans la profondeur
de laquelle se remarquent quelques faisceaux cribro-vasculaires
isolés i/ev, 4, PL 7) dont l'un d'eux a été figuré avec détail en 1,
fig. 14.
Ce sont des faisceaux collatéraux d'apparence normale, dont la
région libérienne externe est toujours plus ou moins écrasée. La
présence de ces faisceaux conducteurs surnuméraires est très carac-
téristique de cette espèce.
Tous les parenchymes sont gorgés d'amidon, particulièrement
abondant dans la moelle et l'écorce et formé de grains isolés ou
accolés, par deux, quatre, rarement plus, un peu plus gros en
moyenne que ceux du Dazo, mais de forme et d'apparence tout à
fait identiques.
En somme, au point de vue histologique, et par l'examen seul
des tubercules, la parenté la plus étroite s'établit entre le Coleus
Totundifolius et ses variétés : alba, rubra, etc., qui ne sont sans
doute que de simples races locales. Tous sont caractérisés par une
moelle réduite et un cylindre ligneux très épais, parenchymateux,
avec çà et là des files de vaisseaux isolés ou groupés, toujours en
petit nombre. Leur revêtement épidermique est beaucoup moins
développé que chez les espèces dont nous allons nous occuper.
Chez les Coleus Dazo et C. langouassiensis, le tubercule riche
en poils tecteurs et sécréteurs chez les deux autres, au lieu
d'être ovoïde, devient allongé, c'est une véritable tige souterraine
avec une moelle énorme et une zone ligneuse toujours réduite. Les
poils tecteurs deviennent abondants, acquièrent une très grande
longueur et les poils sécréteurs sont nombreux.
Einfln, ajoutons que le phénomène de tuberculisation amène
chez les gros tubercules du C. langouassiensis l'apparition de
faisceaux cribro-vasculaiïes surnuméraires isolés dans la région
médullaire.
Si l'on s'adresse à la structure de la tige, le même groupement
s'établit : les C. Dazo, langouassiensis diffèrent du groupe des
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140 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
C. rotundifolius par la section arrondie et non quadrangulaire, et
par la tendance au groupement de faisceaux vasculaires en un
anneau plus ou moins complet et fortement protégé par des amas
de sclérenchyme péri-libérien. Les poils épidermiques sont aussi
plus abondants et plus volumineux.
Les caractères distinctifs que pourrait fournir Texamen histo-
logique des feuilles sont moins saillants, et cela montre suffisam-
ment la descendance vraisemblablement commune de toutes ces
espèces, qu'un examen plus détaillé sur des échantillons de prove-
nances diverses seul pourrait permettre d'affirmer, si la chose pré-
sentait un jour un intérêt réel.
Il n'est pas jusqu'à l'examen microscopique de l'amidon qui ne
vienne confirmer ce que nous venons d'exposer.
En regardant la pi. 8, on est frappé de l'analogie absolue de
forme, de groupement de l'amidon de toutes ces espèces. L'identité
est complète pour les tubercules du groupe rotundifolius, et la diffé-
rence avec les C. Dazo et langouassiensis ne porte que sur le mode
de groupement des grains qui sont toujours composés en plus petit
nombre et dont les dimensions sont un peu moindres.
jii VII. — Composition chimique des tubercules
Des recherches existent déjà concernant la composition chimique
des Coleus du groupe rotundifolius. Des D" Le Dantec et Boyé *
ont donné en 1900 une analyse rapide du Coleus Coppini, se bor-
nant à signaler dans les tubercules 15 p. 100 d'amidon et 83 p. 100
d'eau. Les recherches faites ensuite par M. Heckel, sur des tuber-
cules ayant poussé à Marseille, n'offrent dans la circonstance qu'un
intérêt secondaire, puisqu'elles s'adressent à des échantillons dont
la comparaison ne saurait être faite avec ceux qui proviennent des
pays tropicaux.
M. Ammann^ a répété ces mêmes analyses sur des tubercules
provenant des cultures du Jardin d'essais de Gamayen (Guinée).
Voici les résultats de cet auteur ^ :
c. Coppini. C. tornatus.
Sucres réducteurs 6,41 8,20
Amidon 58,05 58,23
Matières azotées 5,69 7,70
Matières grasses 0,86 0,82
Cellulose sacchariflable 12,29 12,11
Cellulose brute 3,43 2,66
Cendres 5,15 4,07
Matière pectiques, gommes, etc 8,12 6,21
1. Annales d'hygiène et de médecine coloniale, 1890, n* 3, p. 286.
2. Chalot et Amnann, Notes sur le Pleciranihus ternatus Sims et le
Plectranthus Coppini. Max Cornu, Ag. prat. des pays chauds, Paris, 1902,
t. I, 761, 765.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 141
Sur notre demande, M. Balland, pharmacien principal de
l'armée, dont les recherches sur la valeur alimentaire des denrées
tropicales sont connues de tous, a bden voulu analyser à son tour
les tubercules des différentes espèces de tubercules rapportées par
M. Chevalier de sa dernière mission.
Nous résumerons ces recherches dans le tableau suivant :
composition chimique (Analyses de M. Balland)
COUUS LiHCOUASSliniS
GIUDS liZO
COL. lOTUII
Ttr. ALU
i l'éUl
■•TMl
A l'étit
ne
i l'état^
BtrMi
i l'état
SfC
i léUt
Btraal
A l'état
Matières azotées. ... 1,59
~ grasses. . . 0,09
-- amylacées. . 10,07
Cellulose 0,52
Cendres 0,63
12,32
0,70
78,02
4,06
4,90
1,72
0,54
18,29
1,34
0,81
7,56
2,40
80,59
5,90
3,55
2,08
0,33
19,45
0,83
0,91
8,82
1,40
82,42
3,50
3,86
100 »
Acide phosphorique
P205 p. 100. .. . 0,134
100 .
1,04
100 .
0,134
100 «
0,59
100 »
0,165
100 .
0,70
COUnUTCn. w. UgA COIEUSMTPKI. varimA
T létaT"'^^'^ létal 7 rélaT"""'"^ lélTl
lae see src lec
Eau 72,90 0,00 78,20 0,00
Matières azotées. . . . 1,46 5,40 1,31 6,02
— grasses. ... 0,30 1,10 0,20 0,90
— amylacées. . 23,40 86,35 18,57 85,18
Cellulose 0,87 3,20 0,85 3,90
Cendres 1,07 3,90 0,87 4,00
100 » 100 « 100 » 100 «
Acide phosphorique
p. 100 0,133 0,49 0,157 * 0,72
Il y a absence de sucre.
La composition chimique de tous ces tubercules se rapproche essentiel-
lement de celle des pommes de terre que j'ai examinée antérieurement par
les mêmes procédés i.
§ VIII. — Procédés de culture
1** Coleus rotundifolius, — Espèce peu exigeante au point de vue
du terrain. Elle croît dans n'importe quelles terres de cultures,
mais elle donne des rendements d'autant plus élevés que le sol est
plus meuble et plus riche en humus. Les indigènes du Soudan et
du centre de l'Afrique la cultivent presque sans soins. Quand ils
arrachent les tubercules complètement développés, il en reste tou-
jours quelques-uns dans le sol et ce sont ces tubercules qui per-
1. Note de M. Balland (C. B. de VAc. des Se, 1897).
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IH VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
mettent à la plante de repousser Tannée suivante. On trouve ainsi
fréquemment près des cases nègres des touffes de Coleus qui se
renouvellent ainsi chaque année sur le môme emplacement, sans
le moindre entretien.
Dans ces conditions, à moins que le sol ne soit très riche en
humus, les rendements sont faibles.
Avec quelques soins, les Européens arrivent à obtenir des
rendements bea,ucoup plus élevés que les indigènes, surtout s'ils
font usage des engrais.
On peut multiplier la plante soit par tubercules, soit par bou-
tures.
Dans les régions jouissant du climat soudanais (six mois de sai-
son sèche et six mois de saison pluvieuse), on plante les tubercules
au commencement de la saison pluvieuse. Voici comment il a été
procédé à la station de Fort-Sibut :
. Le terrain est divisé en planches ; on plante en lignes espacées
de 0™,50 dans des paquets distants de 0°^,40, à raison de deux petits
tubercules entiers par paquet ; on recouvre de 2 à 3 centimètres
de terre. Une semaine plus tard, les pousses commencent à sortir
nombreuses. Le buttage pratiqué au fur et à mesure que se déve-
loppent les tiges a donné d'excellents résultats. Les tubercules
résultent, en effet, de l'hypertrophie de bourgeons qui naissent par
paires aux nœuds des tiges enterrées. Lorsque la plante est com-
plètement développée, les tiges sont étalées sur le sol et celles qui
parviennent à s'enterrer développent ainsi des tubercules sur
toute la longueur. La durée du développement est de cinq à
six mois.
Des cultures plantées en juin peuvent être, récoltées à la fin de
novembre, mais bien avant cette date on peut soulever légèrement
les touffes les plus vigoureuses, enlever les tubercules les plus
beaux et remettre ensuite les touffes en place, en comprimant la
terre avec le pied. Quelques semaines plus tard, on trouve de nou-
veaux tubercules développés à point.
Quand on veut pratiquer la multiplication par bouturage, il
faut attendre que l'hivernage soit bien assis.
Les boutures sont haJ3ituellement obtenues de plantes issues
en déposant en terre quelques tubercules dès que débute la saison
des pluies. On peut encore prélever ces boutures sur les plantes
qui se développent toujours dans les cultures de l'année précé-
dente. Un certain nombre de tubercules se détachent fatalement
au moment de l'arrachage et restent en terre.
Pour faire des boutures, on choisit les tiges les plus vigoureuses
et l'on détache des parts longues de 0°^,10 à 0™,15 ; on les enfonce
en terre à un pied environ de distance les unes des autres, en les
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ESSAI D'INTRODUCTION DES PLANTES UTILES. 143
inclinant de manière que deux nœuds au moins, auxquels on a
enlevé les feuilles, soient enterrés. On fera bien de recouvrir ces
boutures non encore reprises d'une légère litière ou d'un abri de
feuilles.
Martret a constaté que par le bouturage, on obtenait toujours
des rendements moindres que par les tubercules.
Il est également possible de cultiver le Coleus rolundifolius en
saison sèche, à condition de le planter dans un terrain alluvion-
naire frais, par exemple au bord d'une rivière, et de l'arroser fré-
quemment. On peut ainsi faire plusieurs plantations à des époques
variées de manière à assurer la production pendant toute l'année.
Les plants venus en hivernage donneront naturellement des rende-
ments bien plus forts. On peut enfin récolter les tubercules en une
seule fois et les conserver très longtemps dans un endroit sec.
Nous en avons gardé en bon état à Paris pendant toute une année.
Les tubercules, lorsqu'ils viennent d'être arrachés, sont très riches
en eau et on augmente leur qualité en les laissant flétrir quelque
temps avant de les consommer.
A la ferme de la Mission de Bessou, située sur les bords du
Haut-Oubangui, on cultive cette plante sur une très grande
échelle ; nous y avons vu, en septembre 1902, une surface de
cinq hectares exclusivement occupée par cette plante. Les terres
sont préparées à la charrue et on les améliore en y apportant des
engrais de ferme.
2*" Coleus Dazo. — Bien qu'appartenant au même genre que
l'espèce précédente, cette plante est beaucoup plus délicate à culti-
ver. Chez les indigènes, elle se reproduit d'elle-même plusieurs
années de suite dans le même terrain, un certain nombre de tuber-
cules demeurant dans le sol après l'arrachage.
La multiplication par bouturage est très difficile à réussir, on
doit s'adresser exclusivement à des tubercules. Ces derniers sont
mis en terre au début de la saison des pluies, c'est-à-dire de mai à
juillet. On peut aussi les planter dès le mois d'avril, mais le
R. P. MoREAU a constaté que les tubercules mis en terre à cette
époque ne donnent pas bien plus tôt que ceux qui sont ensemencés
en juillet. La récolte commence vers le 15 octobre, à la fin de la
saison des pluies et se poursuit jusque dans les premiers jours de
décembre. Nous avons cependant acheté aux indigènes à Ouadda
(Haut-Oubangui), à la fin d'août 1902, plusieurs paniers de tuber-
cules de Dazo parfaitement développés, mais ils provenaient proba-
blement de plants restés en terre d'une année à l'autre.
Enfin, dans le sud du Congo (à Brazzaville) où le climat reste
une partie du temps humide, même en saison sèche, on peut récol-
ter des Dazo pendant presque toute l'année. Quelques pieds ren-
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144 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
contrés dans la brousse en juillet à la fin de la saison sèche,
avaient des tubercules assez développés pour être consommés.
Dans le territoire du Tchad, nous n'avons jamais vu cultiver
le Coletts Dazo en saison sèche.
Pour cultiver cette plante, Martret a procédé de la façon sui-
vante au Jardin de Port-Sibut :
Le terrain est préparé à Tavance, profondément défoncé et bien
ameubli. La plante réussit, en effet, mieux si la terre est très
remuée. Il faut autant que possible choisir une terre argilo-sablon-
neuse, riche en humus, mais' pas trop humide. Au bord des
galeries, où il se maintient toute Tannée une grande fraîcheur, le
Dazo réussirait mal, alors que le Coleus rotundifolius, au con-
traire, prendrait un beau développement.
On multiplie la plante en divisant les tubercules (griffes) en
fragments ; d'une seule touffe, on peut faire une centaine de plants
nouveaux et il suffit d'une touffe et demie pour ensemencer un are.
La terre étant remuée, on fait des buttes hautes de 0°*,25 à 0°^,30,
distantes de CP,70 à Oj'^SO. Au sommet de chaque butte, on enterre
deux fragments de griffes. Une semaine ou deux plus tard, les
premières pousses commencent à sortir^.
Au lieu d'être arrondis comme les tubercules de Coleus rotundi-
folvus, les parties comestibles du Dazo sont cylindriques et un peu
annelées de place en place, mais beaucoup moins que ceux des
Crosnes, En assistant à leur formation, on constate que ce sont des
stolons souterrains (rhflzomes)qui restent charnus et emmagasinent
des substances de réserve.
Dès le jeune âge, il se forme un grand nombre de ces stolons
sur la partie de la tige qui est enterrée. Il s'en forme même sur la
partie aérienne située près du sol ; mais ces stolons, s'ils restent à
la lumière, prennent bientôt de la chlorophylle et se transforment
en tiges aériennes feuillées. Il y a donc utilité, si Ton veut aug-
menter la production, de faire plusieurs binages successifs et de
butter chaque touffe à mesure qu'elle se développe, les stolons se
trouvent alors enterrés et donnent de nouvelles griffes comestibles.
Quelques personnes conseillent de semer les Dazo sur une
terre unie, comme on. le fait pour les pommes de terre et de les
butter ensuite. Martret n'est pas de cet avis, parce que les rhi-
zomes du Dazo sont très charnus et très courts à l'état jeune et il
est préférable de faire dès le début de la culture une butte impor-
tante que l'on n'a plus ensuite qu'à exhausser.
Les tiges du Dazo sont, en effet, dressées et croissent par touffes
compactes, au lieu de s'étaler comme celles de la Pomme de terre
1. Les indigènes, qui buttent rarement le Uazo, cultivent les touffes à
des intervalles variant de 0',40 à 0",50.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 145
de Madagascar ; en remuant la terre qui se trouve éloignée de la
tige, on n'est donc pas exposé à endommager les griffes qui sont
toutes groupées à la base des tiges.
L'arrachage se fait lorsque les tiges aériennes sont devenues
complètement ligneuses et que les feuiles commencent à tomber.
A ce moment la tige se dessèche par le bas et ne peut plus émettre
de nouveaux stolons.
A la ferme de Bessou, la culture du Dazo se fait à la charrue et
on emploie des engrais de ferme. La terre est façonnée en sillons et
Ton plante les tubercules en terrain uni ; on ne les butte pas par
la suite.
En 1902, les cultures du Dazo à la Mission de Bessou s'éten-
daient sur 7 hectares (sur 35 à 40 hectares qui sont consacrés par
les missionnaires à Terisemble des cultures vivrières de la Mission).
Le R. P. MoREAU se proposait d'étendre encore davantage les
années suivantes la culture du Dazo, cette plante étant de tous les
végétaux cultivés en Afrique centrale celle qui donne, avec l'espèce
suivante, les plus grands rendements.
3** Coleus langouassiensis. — Se cultive exactement comme le
C. Dazo, mais il est beaucoup plus délicat. En 1902, environ les deux
tiers des plantations de cette espèce ne réussirent pas à la ferme de
Bessou, parce qu'après la mise en terre des griffes, au début de
l'hivernage, une période sèche survint qui tua la plupart des bour-
geons au moment où ils allaient sortir de terre.
§ IX. — Rendements
1"* Coleus tuberostùs, — Le rendement est très variable, suivant
la richesse plus ou moins grande du terrain, la variété cultivée et
la saison à laquelle se fait la culture.
A la station de Fort-Sibut. Martret a obtenu les résultats sui-
vants pour un ensemencement comprenant 500 touffes à l'are, fait
sans engrais :
r En saison des pluies :
Variété rubra et var. alba;
Multiplication par tubercules 50 kg. à l'are.
— par boutures 45 kg. à l'are.
Variété nigra.
Multiplication par tubercules GO kg. à l'are.
— par boutures. ...... 52 kg. à l'are.
2* En saison sèche :
Variété rubra et variété nigra.
Multiplication par tubercules 20 kg. à Tare.
Variété nigra.
Multiplication par tubercules 25 kg. à l'are.
10
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_., J
146 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
A la ferme de Bessou, par le labourage et Temploi des engrais,
on obtient des rendements qui ont été, les bonnes années, de
8 000 à 12 000 kilogrammes à l'hectare ; ce rendement est très supé-
rieur à celui des patates dans la même région.
Dans les diverses régions où on a fait des essais, les résultats
n'ont pas partout été les mêmes.
Ainsi en Cochinchine, avec le Plectranthus ternatus (P. tube-
rosus var. rubra ?), on a obtenu :
Une moyenne de 1^^,5 par pied, ce qui représente pour
16 000 pieds à l'hectare, 24 tonnes de tubercules.
Au Tonkin, avec la même plante, on a obtenu i^^fi par pied,
soit 25S6 à l'hectare.
Dans cette même région, avec le Coleus Coppini (C. tuberosus
var nigra ?), on n'obtiendrait que 0'^«,93 par pied, soit 14 880 kilo-
grammes à [["hectare ^.
A la Basse-Terre (Guadeloupe), M. Rollin aurait obtenu pour
douze touffes de Plectranthus ternatus 30 kilogrammes, ce qui repré-
sentait le rendement énorme de 40 tonnes à l'hectare ; douze touffes
de Coleus Coppini ont donné 22 kilogrammes de tubercules, soit
30 tonnes à l'hectare ^.
Tous ces rendements sont entièrement théoriques et probable-
ment très exagérés, puisque les calculs ont été faits d'après le
rendement de quelques touffes, cultivées dans des jardins d'une
manière particulièrement soignée et par des moyens dont la grande
culture ne peut pas user.
Au Jardin d'essais de Camayen, le rendement a été de 44 kilo-
grammes à l'are pour le Coleus Coppini et de 66 kilogrammes pour
le Plectranthus ternatus ^.
Notons que le Plectranthus ternatus dont il s'agit ici est bien
identique à notre Coleus tuberosus var. rubra, puisque notre plante
désignée sous ce nom avait précisément été apportée de Camayen.
Il est à remarquer que, dans tous les essais, c'est toujours le Plec-
tranthus ternatus qui a donné les plus forts rendements. Nous
avons constaté l'inverse en Afrique centrale, où la plante à tuber-
cules noirs du Soudan (C. Coppini) a donné les plus forts rende-
ments dans toutes les expériences.
2** Coleus Dazo. — Cette plante donne des rendements considé-
rables lorsqu'elle est cultivée avec soin et les chiffres suivants mon-
treront que c'est une plante vivrière de première importance, qu'il
y aurait intérêt à répandre dans tous les pays tropicaux du monde.
Au Jardin d'essais de Fort-Sibut, Martret a obtenu, dans une
1. Bulletin économique de Vlndo-Chine, 1901.
2. Revue dés cultures coloniales, 1902.
3. Teisssonnier. Agric. prat. des pays chauds, 1902, p. 527.
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 147
culture faite sur un petit espace, un rendement moyen de 2 kilo-
IH'ammes par pied et comme il estimait pouvoir cultiver 150 touffes
par are, cela représenterait un rendement de 30 tonnes à l'hectare.
Dans la pratique, les rendements sont naturellement moins
élevés. A la ferme de Bessou, on obtient en moyenne 1 kilogramme
de tubercules par pied et comme on compte 13 000 pieds à Thectare,
on récolte en définitive 13 tonnes à Thectare. Nous estimons donc,
en tenant compte des aléa, que l'on peut compter, pour une cul-
ture étendue faite à l'aide d'engrais, sur un rendement moyen de
10 à 15 tonnes à l'hectare.
3** Coleus langouassiensîs. —■ Cette espèce donne par touffe un
rendement supérieur d'un tiers à la précédente. De plus, les griffes
sont beaucoup plus grosses, longues parfois de 20 centimètres et
dépourvues de fibres qui existent fréquemment dans les tubercules
complètement développés du Dazo ordinaire.
D'après les résultats qu'il avait obtenus sur un petit carré cultivé
au Jardin de Port-Sibut, Martret pensait pouvoir obtenir 425 kilo-
grammes de tubercules à l'are. Dans la pratique, nous ne croyons
pas qu'on puisse obtenir, en Afrique centrale, plus de 15 à
20 tonnes à l'hectare pour une grande culture, et encore faudrait-il
pour cela employer des engrais.
§ X. — utilisation
1^ Coleus rotundifolius. — Tous les Européens qui ont dégusté
des tubercules de cette espèce comparent leur saveur à la pomme
de terre et la trouvent parfois préférable. Ainsi, dans une intéres-
sante notice sur la culture de ce végétal nommé Innala à Ceylan,
M. A. DE SiLVA écrit que t les tubercules d'Innala sont par leur
saveur bien supérieurs à la pomme de terre et toujours atteignent
un prix plus élevé que la plupart des autres racines produites par
nie de Ceylan 1 1.
Les nègres du Congo et de l'Oubangui, souvent réduits à la
famine, mangent parfois les tubercules de tous les Coleus sans les
faire cuire. Quand ils en ont le temps, ils les préparent en purée,
assaisonnés ou non avec de la graisse. C'est aussi en purée ana-
logue à la bouillie de farine de mil {Sorgho et Penicillaria) que
les peuples du Soudan mangent VOussou-ni-fing ,
Les plus raffinées Soudanaises servent parfois le tubercule
coupé en morceaux et cuit avec des poulets découpés soit dans du
beurre ordinaire, soit dans du beurre végétal de karité (Butyros-
permum Parkii). L'un de nous a dégusté chez le fama Mademba, à
1. A. DE SiLVA. The edible « Root Crops » of Ceylon, Tropical Agricul-
turist, V avril 1904.
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148 VÉGÉTAUX UTILES DE L' AFRIQUE.
Sansanding, sur le Niger moyen, un ragoût ainsi préparé qui était
dc3 plus appétissants même pour un palais exigeant. Les Euro-
péens emploient ce tubercule aux mêmes usages que la pomme de
terre et beaucoup lui trouvent le goût de la pomme de terre nou-
velle. C'est par exemple l'avis de M. J. Dybowski.
Les plus gros tubercules de la variété noire, dont la taille dé-
passe parfois celle d'un œuf de poule, peuvent être cuits entiers
dans l'eau et mangés en robe de chambre. On peut encore les con-
sommer frits, en purée, en ragoûts, en salades. Il n'est pas besoin
de couper en morceaux les tubercules ordinaires, en raison de leur
taille minuscule. On les débarrasse seulement de la peau très
facile à enlever.
2° Coleus Dazo. — Le Dazo et son voisin la plante des Lan-
gouassi ont des qualités très différentes de la Pomme de terre de
Madagascar et un goût sui generis qui tient à la fois du salsifis et
du Crosne du Japon [Stachys af finis Bnge).
On mange surtout le Dazo en friture, au gratin, ou bien en
ragoût, avec diverses sortes de viande. Les membres de la Mission
Chari'lac Tchad en ont fait très fréquemment usage dans le terri-
toire du Haut-Oubangui et dans la capitale des Ëtats du sultan
Snoussi sans jamais s'en fatiguer.
Il serait aisé de faire de ce tubercule des conserves au vinaigre
ou des pickles, en les associant aux cornichons ou aux petits
oignons.
Ajoutons que les Dazos sont tout aussi faciles à préparer que
les Crosnes dont ils rappellent l'aspect extérieur tout en étant
beaucoup moins aqueux. On ne les pèle pas, mais on se contente
de les laver avec soin et de les gratter un peu avec le tranchant d'un
couteau. Leur cuisson ne dure qu'une quinzaine de minutes.
C'est, en somme, un légume qui ne fait point double emploi
avec la Pomme de terre de Madagascar, mais qui est tout aussi
précieux dans les pays tropicaux.
§ XI. — Distribution géogrraphique et noms indigènes
Coleus rotundifolius, — Cette espèce cultivée sur une aire très
vaste, dans la plupart des régions tropicales de l'Ancien Monde,
manque complètement dans le Nouveau Monde.
En Afrique tropicale, elle paraît localisée à l'Afrique occiden-
tale, au centre du Continent noir et au Transvaal.
Au Soudan français, elle est localisée dans la zone guinéenne
et dans la zone soudanienne. Elle manque aux régions côtières : on
ne la trouve ni au Sénégal, ni en Basse-Casamance, ni en Basse-
Guinée, ni à la Côte d'Ivoire, ni môme au Bas-Dahomey; par contre,
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ESSAI d'introduction DES PLANTES UTILES. 149
elle a été rencontrée au Lagos. Sa limite occidentale extrême est le
Pacao et le Fouladou (Haute-Casamance) ainsi que le Pouta-Djalon.
Elle est assez répandue dans l'intérieur du Congo français,
depuis Brazzaville jusqu'au coude de TOubangui, et on nous Ta
signalée aussi dans le Congo belge.
Dans le centre de l'Afrique, elle est cultivée par les peuplades
fétichistes vivant sur les plateaux à la limite des bassins de TOu-
bangui et du Chari. Dans ce dernier bassin, elle pénètre jusque
chez les Ndoukas, dans le Dar-el-Kouti et atteint sa limite nord
vers le 9® parallèle ; dans la boucle du Niger, au contraire, elle
s'avance jusqu'au 15* parallèle.
L'origine de cette plante, comme celle de la plupart des plantes
cultivées, est inconnue. Ses affinités très grandes avec les Coleus
madagascariensis et C. brazzavillensis indiqueraient qu'elles des-
cend peut-être d'une forme voisine de ces deux espèces, vivant
comme elles dans les marais. Un Ndi nous a affirmé qu'on rencon-
trait parfois le Gouroundou au bord des ruisseaux du pays banda
(Haut-Oubangui). Nous n'avons jamais pu vérifier cette indication.
En Afrique tropicale, le nom indigène du Coleus rotundifolius
varie d'une peuplade à l'autre. Dans presque tout le Soudan fran-
çais, le tubercule est connu sous l'appellation de Oussou-ni-flng ou
Oussou-ni-gué, mot à mot petite patate noire ou petite patate
blanche, suivant qu'il s'agit de la variété à tubercules noirs ou de
celle à tubercules blancs.
Dans le cercle de Ségou (moyen Niger), on l'appelle Fa-Birama,
et ce nom viendrait, d'après le fama Mademba, de ce que la plante
a été apportée dans le pays par un musulman du nom de Brahim.
Eîn Afrique centrale, le Coleus rotundifolius est appelé Gou-
roundou par presque toutes les peuplades Bandas, Ndougoui par
quelques Ngaos, Dazo rabi ^ par quelques autres ; parfois Kouikiri,
parfois Mangouli chez les Mandjias. Enfin, les diverses peuplades
de la confédération Ndouka : Télés, Routos, Ngam'as, Koungouas,
le nomment Mételé ou Matélé,
Ajoutons que l'espèce est généralement connue des colons fran-
çais, sous le nom de Pomme de terre de Madagascar et que dès 1811,
Poiret Ta appelée Germaine à feuilles rondes, nom qui n'a pas
prévalu dans la suite.
2** Coleus Dazo. — Nous ne connaissons pas plus l'origine de
cette espèce que celle de la précédente. Elle doit être propre à
l'Afrique tropicale, car elle n'a point encore été signalée en d'autre
1. Mot à mot : Dazo des musulmans. Les marchands d'esclaves islamisés
ont pénétré parfois dans le pays Ngao et il est possible qu'ils aient apporté
avec eux le Coleus (venu du Kouti) et qu'ils l'aient introduit chez cette
peuplade.
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150 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
région. Nous avons mentionné plus haut qu'elle se présentait aux
environs de Brazzaville, avec les allures d'une plante spontanée.
Ttès voisine de Tespèce du Natal, décrite par M. N.-E. Brown, il
se peut que toutes les deux proviennent des savanes situées au
sud de la forêt équatoriale.
Le Coleus Dazo existerait aussi, d'après les renseignements que
nous avons recueillis, au pays Batéké (Congo français) et dans le
nord du Congo belge.
En Afrique centrale, il est communément cultivé chez la plu-
part des peuplades depuis le 4^ jusqu'au 8* parallèle, dans les terri-
toires du Haut-Oubangui et du Haut-Chari. Il ne pénètre pas
jusque dans les pays Saras.
Bigondé est le nom que les Bas-Congo de Brazzaville donnent
à cette plante. Partout, dans le Haut-Chari et le Haut-Oubangui,
elle est connue sous les noms de Dazo, Dozo, Ndazo, Dayou ou
Dazou, chez les peuplades les plus diverses et parlant les langues
les plus différentes.
3** Coleus langouassiensis. — Le gros Dazo, connu près de Port-
de-Possel sous le nom de Dazo langouassi, qui rappelle que la plante
est cultivée surtout chez les Langouassis vivant près des rives de
rOubangui et de son affluent le Kouango, n'est cultivée que sur
aire très limitée, depuis le coude de l'Oubangui jusqu'au confluent
du Mbomou et de la Kotto.
§ xn. — Tentatives pour répandre la culture des Coleus
alimentaires dans toutes les contrées tropicales
Comme le prouvent les chiffres des analyses rapportées plus
haut, les Coleus que nous avons décrits peuvent devenir vérita-
blement les Pommes de terre des régions tropicales, il est pour cela
indispensable de les répandre partout et d'accroître leurs dimen-
sions par une culture intensive.
La Mission Chari-lac Tchad s'est constamment occupée d'aider
à la dispersion de ces espèces.
Pendant notre séjour en Afrique centrale, nous çivons expédié
au commandant du territoire militaire du Tchad un lot important
de tubercules des diverses espèces de Coleus cultivées au Jardin
d'essais de Port-Sibut, afin de les acclimater dans le Bas-Chari et
aux environs du Tchad.
Nous avons rapporté en France plusieurs caisses de tubercules
du Coleus Dazo et des trois variétés du Coleus rotundifoliics. Il en
a été fait une distribution très large aux établissements scienti-
fiques et coloniaux suivants : Muséum de Paris, Jardin colonial
de Nogent, École supérieure de pharmacie de Paris, Jardin de la
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ESSAI D'INTRODUCTION DES PLANTES UTILES. 151
villa Thuret à Antibes, Jardin d'essais du Hamma en Algérie, Jar-
dins botaniques de Lyon, Nancy, Marseille, Bordeaux, Caen, Jardin
de l'Ecole d'horticulture de Versailles, etc. Enfin, nous en avons
envoyé à l'étranger aux jardins botaniques de Kew, Berlin et
Bruxelles. De divers endroits nous avons appris que toutes les
plantes avaient bien végété en serre, qu'elles avaient été multipliées
et qu'on pourrait les conserver d'une année à l'autre, bien qu'elles
ne produisent dans ces conditions que très peu de tubercules.
Enfin, dans quelques semaines, nous emporterons en Guinée
française une provision de Coleus Dazo pous introduire cette
espèce en Afrique occidentale française où elle manque encore
totalement.
Résultats
Les recherches exposées dans ce mémoire peuvent se résumer
ainsi :
Il existe dans la plupart des régions tropicales de l'Ancien
Monde un certain nombre d'espèces de Labiées du genre Colezcs
possédant des tubercules riches en amidon, qui ont des propriétés
alimentaires très comparables à celles de la pomme de terre.
Dans les colonies françaises de l'Ouest et du Centre africain,
nous avons rencontré trois espèces de ces Coleus vivant à l'état
cultivé, et ime quatrième espèce spontanée aux environs de Braz-
zaville. Ces espèces peuvent se grouper de la façon suivante :
Tribu des OCINÉES — genre COLEUS
Section A. — Calice ayant une I ^ ^ . ^^ . ^ , • *
lèvre supérieure formée de deux lo- P^re inférieure du calice terml-
bes connés à la base, courts. Tu- \ ^^^ ^^ deux petits lobes confluents,
hercules ovoïdes courts, à cylindre ; ^- rotundîToiius.
ligneux épais et à files de vaisseaux i , ^ . ^^ .
distincts, se rejoignant presque au / ^èvre inférieure du calice termi-
centre. Fleurs* bleues. Tige qua- ^^e par deux arêtes écartées
grandulaire. 1 ^' ^razzavillensis.
qa^*;^« p rouno aTTo«t lûa / Feullles entières ou subcrénelées.
deSr^'dênfs inféSii^ls T^iUes ^-^ ^e faisceaux surnuméraires
longuement lancéolées. Tubercules \ ^*^s la moelle,
rhizomateux, allongés et cylindri- { _ .„ ... ^ ^,, „„K^xlîiA^o
eues, cylindre ligneux étroit, moelle , f «"" f« t"^f« ^..tf ^'f^c''?.
abondante. Fleurs jaunes. Tige cy-
lindrique.
faisceaux surnuméraires dans la
moelle du tubercule.
C. langouassiensis.
Le Coleus rotundifolius ou Pomme de terre de Madagascar est
la plus répandue de ces espèces, car elle existe sous des noms divers
à Java, à Ceylan, dans les Indes orientales, à Maurice, à Mada-
gascar et dans l'Afrique tropicale.
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152 VÉGÉTAUX UTILES DE L'AFRIQUE.
Comme cela est arrivée pour la plupart des plantes cultivées à
aire étendue, la même plante a été décrite dans chaque région sous
un nom différent. En réalité : Germanea rotundifolia Poiret (1811;,
Plectranthus tuberosus Blume (1824) non Rich., Plectranthtis ter-
nattes Sims (1826), Coleus salagensis Gûrke (1895), Plectranthus
Coppini M. Cornu (1900), forment une espèce unique que nous
nommons, conformément aux lois de la nomenclature, Coleus rotun-
difolius (Poir.) A. Chev. et Perrot.
Cette espèce présente plusieurs variétés culturales qui ne
diffèrent pas plus entr« elles que ne diffèrent les unes des autres
les diverses variétés de notre pomme de terre cultivée (Solanum
tuberosum). Nous connaissons actuellement quatre de ces variétés
culturales ; la variété javanica qui peut être regardée comme le
type de l'espèce, la variété nigra ou oussou ni-fing des Bambaras,
la variété alba ou ousson ni gué des Malinkés, enfin la variété
rubra que différentes publications récentes ont désignée sous le nom
impropre de Plectranthus ternatus^ mais qui n'est pas un Plectran-
thus et qui n'est pas absolument identique (en tant que variété) à
la plante décrite par Sims, car elle n'a qu'exceptionnellement les
feuilles verticillées par 3.
Le Coleus Dazo A. Chev. est, comme l'espèce précédente, cultivé
sur une grande échelle au Centre de l'Afrique. Il donne des tuber-
cules qui constituent un légume bien différent de la pomme de
terre de Madagascar et est appelé à prendre dans l'agriculture
tropicale la place importante qui doit lui revenir.
Enfin, le Coleus langouassiensis, dont la culture a été jusqu'à
ce jour localisée à une région très restreinte de l'Oubangui est, de
toutes les Labiées cultivées, celle qui donne les plus forts rende-
ments en tubercules. Après les six mois de culture qu'exige cette
plante, on obtient une récolte qui n'est guère inférieure à celle que
fournit le Manioc en trois fois plus de temps.
Comme plantes vivrières de grande culture destinées à l'alimen-
tation des indigènes et comme légumes pour la table des Européens
vivant sous les tropiques, les Coleus cultivés à tubercules alimen-
taires sont donc dignes du plus grand intérêt et méritent d'être
propagées dans toutes les colonies tropicales.
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Vég^aux utiles de l'Afrique.
Tome I. Pl. 1.
ff. Courtet, dei
Golens rotundlfolilis. Pomme de terre do Madagascar.
Inflorescence. ;2. Feuille. ; 8. Formes diverie» de jeunes tubercules provenant d'un pied
de quatre mois de (flantation.
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VÉGÉTAUX UTILES DE l'AfRIQUB.
Tome I. Pl. 2.
(^JSsi^\a iuù.
Colens rotundlfoliuR. Diverses variétés.
A. Var. AUm ; 4, Tif^e ; 5, Feuille. — B, Var. Migra ; 1, Faux-verticille de fleurs , 2, Fleur montrant les
étaminea toud4«a ; 8, Calice fructifère ; 6, Ti^e ; 7, Feuille. — G. Var. Babra {Plectranthvu ternatiu mutt.
anct, non tims) ; 8, Tige ; 9. Feuille.
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Végétaux utiles de l'Afrique.
Tome I. Pl. 3.
B. Courtet del.
Golens rotondifolins. Insertion dos tubercules.
I, Végétation loateiTaina d'un pied de quatre mois de plantation; 2, Coup« transTertale de la tige ea A
8, Coupe transveraale de la tige en B ; 4. Coupe verticale d'un jeune tubercule.
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■^I-
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Végétaux utilbs de l' Afrique.
Tome I. Pl. 4.
C.H^éfntx dd.
GoleuB brazBaTlllensIs.
1. Faux ▼ertieille de fleart ; 2. Fleur isolée ; 8, Calice fructifère ; 4, Corolle coupée longitudinalement
pour montrer let étaminei soudées.
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Végétaux utiles de l'Afrique.
TOMK I. Pl. 5.
Goleas Daso. — Ctoleas langouasslensis.
1, lDfloreic«nc« ; 2, Corolle face latérale ; 8, l'ace laU'rale du calice ; 4. Face supérieure du calicf :
5. Face inférieure du calice ; 0, Lèrre supérieure de la corolle ; 7, Faisceau d éiamines, Cace latérale :
8, Palsoeau d'éiamhies. face postérieure : 0, Gynécée ; 10, Dessus de l'anthère aTant la déhiscence :
11. Dessus de l'aothèrc après la dtShiscenïe ; 12, Feuilles ; 13, Feuilles de Colaos langouatslensis.
11
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Vkgktaox utiles de l'Afrique.
Tome I. Pl. 6.
^i^r'^^^SSS^aï^T
Jf, (*imPtfl, if et,
Coleas Dazo do l'Afrique centrale. végtHatioa souterraiiio.
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VÉGÉTAUX UTILES DE l'AfRIQUE.
Tome L Pl. 7.
te P?
E. Perrot, deL
Goopes schématlqaes de taberoales des divers Golens.
I, ColMia Daio : 3, 8, Goleot rotandtfoUnt, var- alba et ntbra ; 4, Golens langonsMiensis : s, liège sout-
éptdermiqae ; to, amas de tubes criblés ; p, poils lecteurs ; pg, poils caplté» ; se sclérites ; m, moelle : fev,
faisceaux médillolres.
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Végétaux utiles de l'Afriqde.
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Tome I. Pl. 8.
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Amidons des divers Golens
vQsi un grossissement de 450 diamètres environ.
5,'G. Daso; 1, 2, 4, Coleus rotandifolias et var^tiés; 3, G. langcaeesiensis.
E. Perrot, del.
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T^*
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LES VÉGÉTAUX UTILES
DE
L'AFRIQUE TROPICALE FRANÇAISE
yasolovile II
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LES VÉGÉTAUX UTILES
DE
L'AFRIQUE TROPICALE FRANÇAISE
ÉTUDES SCIENTIFIQUES ET ACRONONifUES
PtBLIBBS SOUS LB PATRONAGE DE MM.
EDMOND PERRIER E. ROUME
l« riisUtit Aidei Dirrfteir àt l'Asie ai Miiistère àt% C«teikt
Directeur du Muséum d^Histoire Naturelle Gouverneur général
de Paris de TAfrique occidentale française
PAR
M. Aug. CHEVALIER
SMft-MmUir àt LaWrtttire it$ laïUi-Etidet an Miiéui de Paris
Chargé de missions en Afrique occidentale.
VB,mQiQ\xlm II.
SOMMAIRE:
Le Karité, l'Argan
et quelques autres Sapotacées à graine 3 grasses de l'Afrique,
par Em. PERROT.
PARIS
A. Challamel, Éditeur, 17, Rue Jacob
1907
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INTRODUCTION.
Ce deuxième fascicule de la publication intitulée « Les Végé-
taux utiles de L'Afrique tropicale française » que dirige notre
excellent ami, M. Auguste Chevalier, a ^té conçu sur le plan
que ce dernier a lui-même exposé dans son Introduction.
On pourra s'étonner de constater un écart de deux années
entre l'apparition de ces deux fascicules ; l'explication en est
aisée. C'est que tout d'abord les missions successives dont est
chargé M. Chevalier lui laissent un temps bien trop restreint
pour lui permettre de mettre à jour ses notes et de rédiger ses
nombreuses observations.
En effet, de retour à peine de son long et pénible voyage
d'études dans la région du Chari et du Tchad, la confiance du
Gouverneur général de l'Afrique occidentale française lui valut
de repartir quelque temps après pour la Guinée et diverses
colonies étrangères de l'ouest africain.
Rentré en France, en mars 1906, il la quitta de nouveau au
mois de novembre dernier pour la Côte d'Ivoire où il étudie
actuellement la flore scientifique et économique encore si mal
connue de la grande forêt tropicale.
Hâtons-nous de dire toutefois que, doué de l'activité prodi-
gieuse que l'on sait, M. Aug. Chevalier a réuni tous les élé-
ments d'une étude sur le Cacao, portant particulièrement sur la
culture à San-Thomé.
Des nouvelles récentes nous permettent de penser que cette
étude nous sera communiquée bientôt afin d'être immédiatement
publiée par nos soins.
D'autre part, M. Chevalier a bien voulu accepter notre col-
laboration pour ce service de publication, et celle que nous
présentons aujourd'hui se rapporte à des plantes appartenant
à une famille végétale des plus importantes au point de vue
économique: celle des Sapotacées, dont quelques espèces four-
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— 4 —
nissent la GuUa, la Balata et des corps gras connus sous les
noms de Beurre ou Graisse d^Illipé^de Mohivrayde Karité^ etc.
L'une d'entre elles, la Graisse de Karité, joue un rôle pri-
mordial dans Talimentation d*un très grand nombre de peu-
plades de la région soudanienne, de la Gambie au Nil; la place
occupée à l'Exposition de Marseille par les produits du Karité
témoignait de l'intérêt qui s'attache à la connaissance appro-
fondie de tout ce qui se rapporte à ce végétal.
Nous avons réuni tous les documents publiés sur cette ques-
tion, nous en avons extrait avec le plus grand soin ce qui nous
a paru utile, en ajoutant nos observations scientifiques person-
nelles et les renseignements botaniques inédits de M. Chevalier.
C'est ainsi que fut établie cette Monographie à laquelle nous
avons ajouté l'étude aussi complète que possible de VArganier^
cet arbre si curieux par sa localisation géographique au Maroc,
et qui fournit dans sa région de croissance, où ne saurait végéter
l'Olivier, une huile comestible très estimée.
Cette question de l'Argan n'est évidemment point sans inté-
rêt pour la France, à cette époque où notre pénétration écono-
mique se fait au Maroc, vers le sud par la Mauritanie, et à l'est
par l'Algérie. L'Arganier ne saurait-il donc étendre son aire
de dispersion et rendre quelques services à ces contrées dont la
mise en valeur parait plutôt difficile ?
Enfiû, par une série d'études incomplètes, nous avons montré
combien nombreuses étaient les graines grasses africaines de la
famille des Sapotacées, surtout dans la zone équatoriale ; plu-
sieurs fois elles sont apparues sur nos marchés et nul ne saurait
dire si l'une d'entre elles ne recevra pas quelque jour d'ap-
plication directe dans notre industrie.
Nous ajouterons en terminant que la série de ces études mo-
nographiques ne sera point interrompue et qu'il apparaîtra
successivement, après le Cacao de Chevalier, celles qui se
rapportent aux Palmiers à Huile, aux Colatiers, etc.
Em. Perrot,
Docteur es -sciences,
Professeur à TEcole supérieure de Pharmacie
de Pans.
Paris, le l*-- Mars 1907.
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» . ig.
LES VEGETAUX DTILES
DE
L'AFRIQUE TROPICALE FRANÇAISE
PREMIERE PARTIE.
Généralités sur les Sapotacées.
Le Karité, dont Tétutle approfondie fait le principal objet de
ce fascicule, est un arbre de la famille des Sapotacées, Tune
des plus intéressantes du règne végétal en n'envisageant que
les produits qu'elle est susceptible de fournir à Talimentation et
surtout à l'industrie.
Divers arbres de cette famille appartenant aux genres Pala--
quiunij'Payena (et particulièrement le P. Gutta (Hook.) Burck.,
renferment une émulsion lactescente de laquelle on extrait cette
substance de toute première nécessité dans les industries de
TélectricUé et que rien n'a pu remplacer jusqu'alors : la Gutta-
percha.
On a retiré également d[un arbre voisin le Mimusops
Schimperi, une autre substance très connue, ayant des appli-
cations industrielles différentes : la Balata. Il y a lieu de croire
que le latex de plusieurs espèces de cette famille présente des
caractères laissant pressentir des utilisations nombreuses et
variées.
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En outre, beaucoup de fruits de Sapotacées sont comestibles
et réputés dans leurs pays d'origine, mais ce qui nous intéresse
au premier chef dans cette étude, c'est la teneur en corps gras
des graines de beaucoup de ces végétaux dont un tout petit
nombre a été vraiment étudié jusqu'alors et encore bien super-
ficiellement, comme on le verra dans la suite.
Rappelons rapidement tout d'abord les caractères botaniques
des plantes de cette famille.
Les Sapotacées, qui croissent dans les régions tropicales et
subtropicales des deux continents, sont des végétaux ligneux
qui se distinguent de suite de ceux qui appartiennent aux
familles voisines {Ebénacées^ Symplocacées^ Styracacées) par la
présence dans leurs tissus, de vaisseaux remplis d'une émulsion
laiteuse (laticifères articulés), abondants particulièrement dans
l'écorce et la moelle de leurs tiges.
Ce sont la plupart du temps des arbres, à feUilles isolées
simples, penninerviées, avec des fleurs régulières dans les-
quelles le calice et la corolle sont souvent dédoublés, le premier,
persistant après la floraison. Les pétales sont également assez
souvent pourvus d'appendices. Les étamines, sur deux ou 3 ran-
gées, sont parfois réduites et stériles dans le verticille externe,
et les anthères s'ouvrent en dehors. L'ovaire est pluriloculaire
avec un ovule dressé par loge.
Le fruit est d'ordinaire une baie avec de peu nombreuses
graines, réduites souvent à l'unité et à tégument dur.
Cette enveloppe externe delà graine provient, croyons-nous,
de la zone interne du péricarpe qui est très scléreux. Le té-
gument réel de la graine est au contraire réduit à une mince
membrane papy racée.
L'albumen entoure l'embryon et il est huileux ; notons toute-
fois qu'il peut manquer.
Engler, le savant monographe de cette famille, dont bon
nombre d'espèces nouvelles furent également décrites par
Pierre (1), le regretté botaniste français mort récemment, range
toutes les plantes de la famille en deux sections (2) :
(1) Pierre. — Notes botaniques, Sapotacées. Klincksieck, Paris, 1890.
(2) Engler et Prantl. — Di*? iiaturlicheii Pflanzeuf., IV- s., p. 13i et Naclitràge
xumlMV T., p. 271.
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— 7 —
I. PALAQUIÉES, se subdivisant en : 1' lUipinéas
9y ec les genres Palaquium, Illipe^Isonandra, Payena^
etc. ; 2^ Sideroxylinéas avec les Argania, Side-
roxyloUy Lucuma^ Bumelia, etc. ; 3* Gluysophil*
linéas avec les Chrysophyllum, Cryptogyne^ etc. ;
4<' Aohradotypinéas.
II. MIMUSOPÉES avec les genres Mimusops et
Northea.
Les Sapotacées sont ainsi réunies en une quarantaine de
genres et comprennent plus de 400 espèces.
^potBcéts k graines renfermant une matière grasse utilisée
ou signalée sur les marchés.
La plus utilisée^ en Europe, des graines grasses de cette
famille est le Moh^rrah ou Mahvcrrah (1) {Illipe latifolia
(Roxb.) Engler = Bassia latifolia Roxb. != B. villosa Wall.),
dont riiuile sert en savonnerie ; vient ensuite V Illipe Malabro^
rum Kônig [Bassia longifolia L.) dont la matière grasse con-
crète est connue sous le nom de Beurre cTIllipé*
Tous deux sont indigènes dans la région indo-malaise.
De V Illipe butyracea (Roxb.) Engler, on retire de même un
beurre végétale, alimentaire dans son pays d'origine.
Les graines de VAchras Sapota L. ont été également signalées
comme pouvant fournir une matière grasse industrielle; de
même Pierre a'décrit les gvdXïiesAe Mimusops Djave (deLanes-
san) Engler et Mimusops obovata (Pierre) Engler, connues au
Gabon sous les noms de Ndjave et Moabi. Enfin, Heim a
parlé récemment de deux autres graines appartenant sans doute
au genre Sideroxylon [Pachystela Pierre), section Bakerisidc"
roxylon Engler (2) utilisées de même au Gabon.
Le nombre de ces semences utilisables sera certainement
augmenté au fur et à mesure que l'inventaire économique de
(1) Voir pour l'élade de la graisse et du Tourteau., Colun et Perrot. Les rési-
dus indu8iriehfP»ns, i90i, i vol. in-So, 2fô pp. avec 93 fig. dans le texte.
(2) Nachtrâge, IV i ^nat. Pflanienf.), p. tHS.
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— 8 —
nos (Solôtiies s'établira ; ajoutons toutefois un moâ cohcernant
TArgan, cette huile du Maroc très localisée géographique-
ment, dont l'exportation est interdite et qui sur place est l'objet
d'un trafic considérable. L'huile d'Argan serait au premier rang
des huiles comestibles, et remplacerait au Maroc, l'huile d'olive
dans la consommation journalière.
En résumé, les plantes connues fournissant des corps gras
plus ou moins intéressants et appartenant à la famille des Sapo-
tacées, sont :
Illipe [Bassia] latifolia : Mohivrah, Indo-Malaisie.
Illipe (Bassia) malabrorum : lUipé, —
Illipe {Bassia) butyracea : Ghé ou Ghee, Fulva, Indo-
^falaisie.
Butyrospermum {Bassia) Parkii : Karité, Afrique (zone
soudanienne).
Argania Sideroxylon: Argan, Maroc.
Mimusops Djave [Tieghemella africanà): Ndjave, Ou-
réré, Gabon.
Tiegh. Jollyana [Baillonella loxisperma) : ^NoumgoUy
Gabon. Cette espèce est sans doute identique à la précédente.
Mimusops (Baillonella) obovata : Moabi, Gabon.
Tieghemella ? Heckelii : Makerou, Côte-d'Ivoire.
Mimusops sp ! Gabon.
Diploknema sebifera P. : Minjag-tangkawang, Bornéo.
De toutes ces espèces, l'une des plus importantes, au moins
pour l'avenir, est le Karité qui fournit une matière grasse
alimentaire, concrète à la température des régions tropicales et
qui fait l'objet d'un commerce local très actif.
Le chiffre d'exportation en Europe, à peine sensible il y a quel-
ques années s'élève rapidement et il y a lieu de croire à un trafic
sérieux d'ici peu.
Cet arbre étant très répandu dans toute la zone soudanienne
de nos possessions de l'ouest et du centre de l'Afrique, nous
avons cru devoir entreprendre l'étude monographique qui va
suivre, dans laquelle on trouvera l'ensemble de nos connais-
sances, tant au point de vue scientifique qu'au point de vue pure-
ment économique.
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— 9 —
Nous la ferons suivre d'un essai sur TArgan et les autres
graines grasses africaines de la même faraih 3 encore à peine
connues.
Ajoutons que le produit coagulé du latex du Karité et d'une
ou deux autres espèces a été signalé comme susceptible de de-
venir un succédané de la véritable gutta ; nous v^jrrons par la
suite ce qu'il faut en penser.
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DEUXIEME PARTIE.
Le Karité {Butyrospermum Par kit Kotschy).
CHAPITRE PREMIER
Historique.
NOMS INDIGÈNES : Se ou Ce chez les Malinkés, les Bambaras ; Kadé ou
Kadena chez les Haolissas; Tasso dans l'Amadoua; Karé ou Karité chez
les Sarracojës, Wolofs et Toucouleurs ; Karradié (Foulbés) ; Blankaidié
(Sonraîs) ; Lontingné (Senoufos) ; Oa(Tousans) ; I6ré (Bobofiag) ; Baroona
(Banda) ; Kedempo (chez les KraUchi au Togo) ; Krankou (Acbantîs),
Ooumbon (Kong), etc., Shea, Shee, Sheabntter (chez les Allemands et
les Anglais).
Au fur et à mesure que se fait chaque jour plus aisée la pé-
nétration du continent noir, par Tamélioration des voies navi-
gables et par la construction méthodique de routes et de che-
mins de fer, des questions économiques nouvelles surgissent
dont la solution intéresse au plus haut degré nos colonies
africaines.
Parmi les matières premières d'origine végétale qui nous sont
signalées dépuis longtemps comme susceptibles d*un certain
développement commercial en Europe, il faut citer la Graisse
de Kaxlté (1), ce corps gras végétal concret est extrait des
(1) Nous avons souvent supprimé à dessein la dénomination de Beurre employée
fréquemment pour désigner les corps gras concrets d'origine végétale, des débats
encore récents à la Chambre des députés nous ayant montré qu'elle pouvait amener
des confusions regrettables, qui tendaient à les faire frapper d*08tracisme en France,
sous le prétezte exagéré que ces produits étaient susceptibles de devenir des succé-
danés du beurre ou de la margarine.
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— 12 —
semences de Tarbre du même nom, plante de la famille des
Sapotacées, dénommée d'abord Vitellaria paradoxa par
Gaertner qui n*eut à sa disposition que des graines, puis Bassin
Parkii par G. Don et classée plus tard par Kotschy dans le
'genre nouveau Butyrospermum,
Les récentes Expositions ont attiré tout particulièrement
l'attention des industriels sur ce produit et Textension de son
utilisation nous semble très proche. Notre colonie du Dahomey
et la région de Hte-Gambie et du Niger sont le plus intéressées
à la Tulgarisation de ce produit, dont nous allons établir une
monographie aussi complète que possible.
La première mention que nous ayons pu retrouver concernant
la^ matière grasse alimentaire du Karité, se trouve dans Léon
l'Africain, mais il faut s'adresser, pour trouver une véritable
description, au Père Labat (1), qui, dans sa relation du voyage
du sieur Brue, s'exprime ainsi :
Les marchands marabous donnèrent au sieur Brue entre
autres choses « plusieurs calebasses remplies d'une certaine
graisse un peu moins blanche que le suif de mouton et à peu
près de la même consistance. Ils l'appellent Bataula dans le
pays. Les nègres du bas de la Rivière le nomment Bambouc
Toulou c'est-à-dire. Beurre de Bambouc, parce qu'il leur en
vient de cette province. Ce Bambouc Toulon est excellent ; on
prétend cependant que celui qui vient de la province Guiaoza
à 320 lieues à l'est de Galam et sur le Niger est encore meilleur.
c< L'arbre qui porte le fruit dont on tire cette graisse est
assez grand, ses feuilles sont petites, rudeset en quantité ; quand
on les froisse dans les mains, elles rendent une liqueur onc-
tueuse (2); le tronc de l'arbre incisé en rend aussi mais en petite
quantité ; je n'en sçaurais dire davantage, parce que ces mara-
bous sont plus curieux d'apporter le beurre que de faire 4a des-
cription de l'arbre qui le produit.
« Le fruit est rond, de la grosseur d'une noix verte entière. 11
est couvert d'une pellicule grise assez mince, sèche, cassante,
peu adhérente à la chair qui le couvre. Lorsqu'on Ten a dé-
pouillé, on trouve une chair blanche tirant tant soit peu sur le
(1) J.-B. f^\BiT. — Nouvelle relation de l'Afrique occi lenUle. Paris, 17*28, \\i , 345.
(2) Evidemment le latex, dont nous parlerons plus tard.
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— là —
rouge, aussi ferme que celle d'un marron d'Inde, onctueux et
d'une odeur de vert aromatique, qui renferme un noyau de la
grosseur d'une noix muscade dont la coque est fort dure et
pleine d'une substance blanche et d'un goût de noisette. Les
nègres rompent ce noyau sous la dent et en trouvent l'amande
excellente.
« Quant à la chair qui est entre le noyau et l'écorce, après
qu'elle est concassée ou pilée grossièrement, on la met dans de
l'eau chaude et on recueille la graisse qui vient au-dessus.
« Les nègres se servent de cette graisse comme nous nous
servons du beurre ou du saindoux en France, ils la mettent dans
leurs pois et souvent la mangent toute seule. Les blancs, qui en
ont mangé sur du pain ou qui en ont fait des sausses, n'y trou-
Tent de différence avec le saindoux qu'une légère pointe de vert
qui n'est point désagréable et à laquelle on est bientôt accou-
tumé. Il est même très probable que l'usage de cette graisse
serait fort sain.
« Mais on l'employé plus ordinairement et avec un succès
merveilleux plus prompt et plus sûr encore que l'huile de Palme
à la guérison des rhumatismes, des douleurs froides, des débi-
lités ou engourdissements de nerfs et autres maux de cette
nature.
« Il suffit d'en frotter les parties affligées devant le feu afin
de faire pénétrer la graisse aussi avant qu'il est possible et puis
la couvrir d'un papier brouillard avec un linge doux et bien
chaud par dessus. Les chirurgiens français se sont avisez d'y
mêler de l'esprit de vin ou de l'eau-de-vie. Les nègres préten-
dent qu'il vaut mieux boire l'eau-de-vie, que de l'employer à cet
usage. Ceux qui auront besoin de ce remède et qui s'en vou-
dront servir pourront éprouver laquelle des deux manières est
la meilleure ».
L'arbre qui produit cette graisse de Karité fat rencontré pour
la première fois par le célèbre voyageur Munoo Pabk, le 28
juillet 1796 à Kabba, entre Segou et Sansanding, dant le Haut
Sénégal, ou il est encore commun de nos jours. Il vit les indi-
gènes occupés (1) « à la récolte des fruits de l'arbre « Shea »
(1) Munoo Park. — Travels in the intenor dittriett of Africa, Bulmar, London,
1799, 202.
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— 14 —
avec lequel ils préparent le beurre véfjfétal mentionné. Les
arbres poussent en grande abondance dans toute cette partie
du Bambara. Ils ne sont pas plantés par les indigènes, mais
croissent naturellement dans les bois et dans les terres défri-
chées pour la culture où tous les arbres sont coupés sauf le
Shea.
« L'arbre lui-même ressemble beaucoup au chêne américain
et le fruit dont le beurre est préparé par ébullition de Tamande
préalablement séchée au soleil qui a quelquefois l'apparence
d'une olive d'Espagne.
m L'amande est enveloppée dans une pulpe douceâtre sous
une écorce verte et mince ; le beurre a l'avantage de se con-
server toute l'année sans sel; il est blanchâtre, ferme et, à mon
goût, d'une saveur exquise, plus exquise, que les meilleurs
beurres que j'aie jamais goûté de lait de vache.
« La préparation de ces produits semble être un des premiers
objets de l'industrie de cette peuplade et des états avoisinants
et il constitue un important acticle du commerce intérieur ».
D'après ses caractères, Mungo Park rapporte l'arbre à la
famille des Sapotilliers.
Plus tard Barth (1) rencontra également le Karité pendant
une grande partie de ses explorations. Abondant chez les
Haoussas, il dit dans la partie de son voyage vers l'Amadoua
(p. 174):
« Le tasso, dont nous sucions la pulpe comme rafraîchisse-
ment, est le fruit de l'arbre à beurre [Bassia Parkii)^ nommé
Kadena dans le Haoussa ; il consiste presque exclusivement
en une grosse amande de la grosseur et de la nuance d'une
châtaigne ; la verte enveloppe en est garnie d'une très . mince
couche de pulpe jaunâtre, dont le goût est des plus savoureux.
Les Marghi en tirent en grande quantité un beurre végétal
dont ils se servent comme assaisonnement de leurs mets et même
comme médicament. Ce fut là que je revis pour la première fois
cet arbre qui avait disparu depuis le Haoussaoua )>.
Un peu plus loin il rencontra encore le Kadena près de la
chaîne des Wandara ou Mandara; dans le district de Kofa, les
(1) H. Barth. ~ Voyages et découvertes danfif T Afrique septentrionale et centrale
(1849-1865). EdiUon française, 1860, t. Il-III.
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— 16 —
naturels font également beaucoup de beurre végétal. Il se fait
rare à Textréme frontière de TÂmadoua, et Bartu pense que
Tarbre à beurre ne doit pas descendre au-dessous du 9* degré
vers le sud. Le Baghirmi et le Bornou oriental en sont dé-
pourvus.
En revanôhe, vers le nord-ouest, il est abondant chez les
Foulbés (Foulahs), les Gandos, de même dans le royaume de
Macina jusque chez les Sonraf (t. III, p. 243).
Il faut arriver maintenant à J. Schweinfurth pour conti-
nuer notre enquête, non que la littérature scientifique soit
muette sur le Karité, mais il s'agit d'études spéciales faites en
Europe sur le beurre de Karité, et nous en reparlerons au cha-
pitre spécialement réservé à cette matière.
Au pays des Diours (Haut-Nil), Schweinfurth (1) établis-
sant des comparaisons entre les essences forestières de ce dis-
trict et celles de notre pays dit :
« A première vue quelques-uns des arbres de cette région
ressemblent beaucoup à nos chênes, comme le Terminalia^ le
Bassia ou Butyrospermum. Le fruit de ce dernier consiste en
une sorte de noix globuleuse ayant un peu Taspectd'un marron
d'Inde, mais de la grosseur d'un abricot de belle taille et en-
veloppé d'un brou charnu de couleur verte.
Cette enveloppe qu'on laisse blettir, ainsi que nous faisons
des nèfles et qui devient mangeable, est considérée comme l'un
des fruits principaux du pays.
On extrait de l'amande du Bassia une huile qui, sous le nom
de Beurre de Qalam, joue un certain rôle dans le com-
merce de la Gambie. Sa saveur en est désagréable ; sa pro-
priété la plus précieuse est de prendre la consistance du suif à
la température de 25^. L'arbre en lui-même est très beau, son
éoorce rugueuse, tendu régulièrement de façon à présenter des
polygones y ajoute à sa ressemblance avec le chêne ».
ScHWEiifFURTH a rcncoutré abondamment cette essence dans
le pays des Dinkas, des Bongos, des Niams-Niams.
En 1876, CoRRE (2) déclare que le Karité ne se rencontre pas
(i) SGHwmcFURT. — Ao coeur de TAirique (1868-1871). Traduct.-Loretu. Pari9,
1875^1,216.
(3) GoRRB. — Eiqnisse de U flore et de la faono du Rio-Nnnex. — Arch, de mé-
dêiim navàiê, 187d, XXVI, Vt.
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— 16 —
au Rio-Nunez, mais se montre seulement à plus de vingt jour-
nées de marche au delà du territoire du cercle en plein Faùta.
« Il pourrait bien se faire, ajoute-t-il^ qu'il fut aussi ittoins
commun qu'on ne le pense généralement, car ce pays re(}oit oe
beurre du Fouta. 11 règne d'ailleurs, au sujet du Beurre de
Galam, une erreur singulière et depuis longtemps trop accré-
ditée par les livres les plus classiques.
« Or, des renseignements très sérieux et très dignes de foi
m'ont appris que l'on devait distinguer dans le beurre dit de
Qalam et de toute la Sénégambie :
« 1** Un beurre végétal^ désignés par les Wolofs, sous le
nom de BLarlté, comme tous les autres beurres végétaux. Ce
beurre n'est pas préparé en grande quantité et n'est qu'excep-
tionnellement l'objet d'un commerce assez limité ; il vient du
Fouta, sous forme de pains recouverts de feuilles.
« 2"* Un beurre animal^ préparé dans le pays de Galam mais
surtout importé dans ce pays: en outre, par les Maures, en
pots de terre, par les Foulahs. Ce beurre est l'objet d'un com-
merce assez considérable, non seulement dans la Sénéganibie où
les Wolofs le connaissent sous le nom de diou, mais encore au
Rio-Nunez, où les caravanes du Fouta l'apportent dans des vases
d'argile cuite, d'une contenance de plusieurs livres. On l'obtieut
par baratage du lait de vache, puis on le fait fondre sans, y
ajouter aucun ingrédient. Ce beurre a la consistance, l'aspect
grenu, fin, l'onctuosité, le goût délicat de notre graisse d'oie,
une couleui* \ùï peu jaunâtre, l'odeur butyracée fraîche; il rancit
très difficilement et peut se conserver longtemps dans des bou-
teilles bien bouchés, sans perdre aucune de ses qualités.
a L'unique graine du Karité que j'ai pu me procurer présen-
tait les caractères suivants : volume d'un œuf de pigeon, forme
subglobuleuse ; épiderme dur et corné, d'un brun-sienne assez
foncé, brillant et lisse; sur la face qui correspondait au trophos-
perme, moins convexe que le reste de la graine, large cicatrice
ovale d'un brun mat foncé, légèrement rugueuse, offrant à sa
partie supérieure les restes du trousseau fibro-vascidaire d'at-
tache: au-dessus, de ce dernier, l'épisperme forme un petit
apicule latéralement dirigé.
« Le beurre est retiré de l'amande par expression».
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— 17 —
Hauchkk (1), pharmacien de la marine en 1883, ])ut)lie une
êtw^e très sérieuse sur ce produit de Tarbre à beurre « qui est
attribué par les uns au Lucuma paradoxa et par d'autres au
Bassia Parkii^ du nom du célèbre explorateur Mungo Park
qui, le premier, atteignit la vallée du Niger vers la fin du siècle
dernier.
« Le Karité est un arbre de taille moyenne offrant peu d'abri.
Il est assez semblable, par le port et Taspect, au chêne d'Amé-
rique.
Après avoir rappelé que dans le Haut Dahomey le climat est
à peu près celui du Soudan av(îc deux saisons et non quatre :
saison sèche de novembre à mai, hivernage juin-octobre,
M. François (2) s'exprime ainsi: « Les arbres « Karité» qui
poussent à l'état sauvage dans la brousse atteignent quelque-
fois 10 mètres de hauteur et donnent beaucoup d'ombre. A la
saison sèche, ils perdent leurs feuilles. En février-mars, ils se
couvrent de fleurs blanches odorantes. Au milieu de juin, les
fruits sont mûrs. La pulpe^ qui est d'une saveur douce^ est
comestible: de l'amande ovoïde et brunâtre, on tire une graisse
dite « Beurre de Karité » (3) qui est employée dans la cuisine par
les noirs, sert aussi à l'éclairage et entre avec de la potasse
dans la fabrication du savon indigène.»
Au Togo allemand, il se fait également un commerce impor-
tant de Karité, ce qui indique que cet arbre y est très abondant.
Chkvalier (4) a rencontré les Sés très nombreux au cours
de son voyage d'exploration à travers l'Afrique occidentale. A
son deuxième voyage, il envoya même des graines à Martret,
au jardin de Fort^Sibut^ qui à cette époque était en voie de
formation. Les graines y germèrent très bien, bien que cette
latitude soit à la limite extrême de croissance spontanée de cet
arbre, car en Afrique centrale, il ne s'étend guère au-delà du 7**
(1) Bauchir. — Etude sur le Beurre de Karité. — Arch, )nédecine navale, 1883,
XL, 372-378.
(S) G. François. — Notre colonie du Dahomey. 1 vol. in-8<>, Paris 1906, Laroze^
édit., p. 68-59.
(3) VuiLLBT. — Notes relatives au Beurre de Karité, Ag, prat, deêpayê chaudSj
1902, II, n* 9, 357-364.
(4) A. Chevalier. - Végétaux utiles de l'Afrique tropicale française. Paris 1906,
1, fasc. 1, p. 61.
2
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- 18 -
parallèle et ne se 'rencontre réellement qu'à partir do Fort-
Crampel.
Dybowski a également signalé la présence du Karité dans le
Haut Congo.
Dans son livre actuellement sous presse sur la mission dans
le Cliari, le D*" Chevalier parle également du Karité ; nous lui
empruntons ce qui suit ])Our terminer cet historique déjà
long :
« Le Buiyrospermiiin du Haut Chari est ordinairement dé-
pourvu de feuilles en novembre et décembre. En janvier, il
épanouit ses gros bouquets de fleurs blanches très parfumées
fort visitées par les abeilles ; en même temps il développe ses
feuilles par petites touffes à l'extrémité des rameaux. Elles sont
d'abord rosées et prennent une teinte verte et luisante beaucoup
plus tard.
«Les fruits mûrissent du 15 mai au 15 juillet. On les trouve en
grande quantité sous les arbres après chaque tornade. Le sol
en est parfois tout jonché et l'on a l'illusion d'être dans un
verger couvert de pommes à l'automne, en Normandie, lors-
qu'après un coup de vent, les fruits se sont détachés en grand
nombre. Du reste, les Karités, Tamariniers et Ficus dans les
champs cultivés entourant les villages Saras ne sont pas sans
analogie avec les champs de poiriers et de pommiers autour de
nos fermes du bocage normand. Ces pommes de Karité, écor-
chées en tombant, répandent sous les arbres une bonne odeur
de fruits mûrs lorsque le soleil a desséché la pluie consécutive
à la tornade. C'est alors que les femmes et les enfants viennent
faire la récolte. Ils recueillent les fruits tombés dans de grands
paniers tressés en fibres de palmiers et les rapportent au village
où on les étale au soleil sur des claies. Ceux qui sont mûrs à
point et très beaux sont bientôt triés par les enfants et leur
mince mésocarpe sucré et onctueux comme la chair du fruit de
l'Avocatier constitue pour eux un régal. Cette pulpe d'un jaune
clair est réellement agréable et pour ma part je trouve que les
pommes de Karité constituent le plus exquis fruit de table de
la brousse africaine, à l'exception, toutefois, du fruit d'une
autre Sapotacéc, le Synsepalum dulcificiim^ le plus délicieux
dessert de la forêt congolaise.
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— 10 ~
« IjOs autres fruits de Karité sont débarrassés de leur pulpe
par des lavages à grande eau. D'autres fois on les enterre et la
pulpe se décompose ou est mangée par les larves d'insectes.
La noix de Karité est alors à nu. Sa forme, sa couleur et sa
taille rappellent le marron d'Inde.
« Pour extraire la graisse, on enlève la coque etPamande blan-
châtre, formée d'un gros albumen riche en matière grasse, est
ensuite pilée dans un mortier à couscous. Cette pulpe est immé-
diatement mélangée avec de l'eau dans une marmite en terre,
puis on soumet cette mixture à l'ébullition. La matière grasse
entre en fusion et vient surnager à la surface de l'eau ; on la
retire en décantant et on la laisse figer en pains. Pour obtenir
du beurre très pur, il suffit de faire fondre la masse une seconde
fois et quand elle est à l'état liquide on laisse tomber dans le
récipient quelques gouttes d'eau froide qui fusent en entraînant
toutes les impuretés et surtout en faisant disparaître le goût de
rance et l'odeur spéciale que garde toujours le beurre de Karité
vendu sur les marchés soudanais.
« Ainsi traité, le beurre de Karité peut servir à la place du
beurre ordinaire ou du saindoux pour la préparation des ali-
ments européens.
« J'en ai fait usage pendant de nombreuses semaines au cours
de mon premier voyage dans la boucle du Niger et l'ai trouvé
excellent.
« L'arbre à beurre d'Afrique {Butyrospermum Parkii)^ le
Karité des Sénégalais, est une des essences les plus caractéris-
tiques de la partie du bassin du Chari comprise entre le 7* et le
lO* parallèle, mais c'est surtout entre le 8® et 9® degré 1/2 qu'il
abonde. Au Soudan nigérien, on le trouve en grande quantité
du 11** au 12* parallèle; l'aire de cette espèce fait donc au Soudan
une bande qui s'incurve de 2 degrés vers l'équateur du centre
de l'Afrique. Ce Butyrospermum identique à la plante de la
Guinée et du Soudan français, forme une espèce à part recon-
nue d'abord par L. Pierre, l'auteur de la Flore forestière de
Cochinchine et nommée dans ses notes manuscrites Butyros^
permum mangifolium pour le distinguer du B, Parkii^ l'es-
pèce commune au Dahomey, au Togo, et chez les Achantis. Dès
1876, PoTAGOS avait signalé la présence de cet arbre dans le
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- 20 -
pays des Kreich, sur la limite des bassins du Chari et du Nil.
En septembre 1892, la mission C. Maistre le rencontrait sur
les bords du Gribingui.
« Les Bandas et les Mandjas font peu usage du beurre de
Karité et paraissent lui préférer là graisse de termites.
« Au contraire, chez les peuples des fédérations Ndoulea et
Sara, cette matière grasse est d'un usage constant pour la cui-
sine et surtout pour la toilette.
« Tous ces peuples mangeraient leurs pâtés de mil ou leurs
légumes, simplement bouillis dans Teau, plutôt que d'y mettre
du beurre de Karité, s'ils n'ont que la stricte quantité leur
permettant de s'oindre le corps et surtout la chevelure.
« L'odeur nauséeuse que les Européens trouvent aux nègres
est due en grande partie aux graisses et huiles rances dont ils
s'enduisent constamment et cela ne se pratique pas seulement
au centre de l'Afrique, mais chez tous les peuples africains chez
lesquels j'ai vécu. Même à Dakar et à Saint-Louis, plus d'une
dame métis et plus d'une belle demi-mondaine sénégalaise,
qu'elle soit Wolofe ou Peule, a conservé l'habitude de s'enduire
le corps avec la graisse de Karité et c'est sans doute la raison
pour laquelle les paniers de cette denrée enveloppés de feuilles
d'arbres pénètrent si loin des lieux de production. C'est un
produit pour la toilette des femmes et même des hommes, au
même titre que les pommades parfumées.
« Même dans sa zone de prédilection, le Karité n^existe pas
partout. Il manque complètement dans les grandes plaines argi-
leuses où abondent certaines Combrétacées, il n'existe pas le
long des rivières ni dans les terrains marécageux, il est rare
aussi qu'on le rencontre au haut des plateaux ferrugineux ou sur
les massifs granitiques.
« Il est ordinairement abondant à leur base dans les terrains
sablonneux détritiques ou sur les pentes rocailleuses. Il recher-
che aussi les terres profondes, riches en humus et prend un
développement magnifique dans les terrains cultivés avoisinant
chaque village.»
Le capitaine A. E. S. (1) dit que le Karité est abondant à
(i)Cap. Â. E. S. — Notes sur la Haute Côte dlvoire, Bull, Soc, géog, commet'
ciale, 1906, XXVITI, 306.
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— 21 -
l*est et qu'on le soigne à la façon de nos arbres fruitiers sur
la rive gauche du Bandama. Les fruits sont beaucoup plus volu-
mineux dans le sud que dans le nord au voisinage du Soudan.
« 11 croît spontanément dans les terrains argilo-siliceux,
schisteux-ferrugineux, rocailleux et crevassés qu'on rencontre le
plus souvent dans les plaines du Haut-Sénégal lorsqu'on fait
route vers le Niger.
« D'une manière générale, on peut dire qu'il existe dans
toute la vallée supérieure du Niger, c'est-à-dire dans tous les
pays situés à l'est de nos anciennes possessions sénégalaises
avant notre pénétration dans le Soudan.
« Il est surtout commun chez les Bambaras et notamment
dans le Bélédougou où il joue un rôle très important dans l'ali-
mentation, la médication de ces peuplades du Haut-Fleuve.
a On le signale également dans le Bonré et dans l'est du
Fouta Djallon où il est plus connu sous le nom de Karé que
sous celui de Karité.
« Il est tout à fait inconnu sur la côte et dans nos comptoirs
du sud et même sur tout le parcours du Sénégal compris entre
Médine et St- Louis.
« Il faut remonter jusqu'à Boccaria, petit poste situé entre
Médine et Bafoulabé pour en rencontrer quelques pieds peu
vigoureux et par petits groupes. 11 devient de plus en plus
répandu à mesure qu'on s'avance vers Kita et très abondant à
Bammakou...
« Des renseignements puisés à de bonnes sources nous per-
mettent également d'allirmer qu'il est très commun à Ségou et à
Tombouctou (1).
« Comme on h; voit, cet arbre ])ousse sur une étendue de
terrain considérable ; et, comme sa culture n'exige aucun soin,
on peut faire les supputations les plus favorables sur son
avenir, »
C'est également l'avis du commandant Gallieni (2) et de
divers autres explorateurs.
« Le Karité, continue Baucher, se reconnaît de loin, à son
(1) On verra que ceUe affirmation est exa^er^c et i|ue Taire de dispersion géogra-
phique de cet arbre ne s'élève pas autant vers le nord.
(2) Voir plus loin p. 80.
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— 22 —
tronc jaunâtre boursoufllé parcouru de sillons assez profonds. Le
système cortical, qui est très développé et de consistance rela-
tivement molle, donne par incision, un suc laiteux assez abon-
dant. Les rameaux, en général courts, bosselés et souvent
terminés en massue, portent sur toute leur longueur des cica-
trices provenant de la chute des premières feuilles. Ces rameaux
sont d'un brun-noirâtre extérieurement, tandis qu'ils apparais-
sent teints de rose ou même de rouge sur une coupe transver-
sale et notamment dans la zone corticale.
« Les feuilles sont groupées à l'extrémité de ces courts
rameaux. Elles sont longuement pédonculées, peu adhérentes,
oblongues et légèrement ondulées sur les bords ; elles ressem-
blent assez aux feuilles de noyers. Les fleurs sont également
terminales et situées dans le voisinage des feuilles ; elles appa-
raissent en mars. Les fruits souvent au nombre de 6 ou 8 par
rameaux sur les plants vigoureux et en plein rapport; ils arrivent
à complète maturité en juillet et août.
« Ces fruits, de la grosseur d'une de nos grosses prunes de
France, sont des sortes de drupes à épicarpe d'un vert-noiràtre
à maturité. Le sarcocarpe est charnu, verdétre, comestible et
recherché des indigènes. Il est assez difficile d'en comparer le
goût à celui de Tun de nos fruits de France ; cependant, à ce
point de vue, il se rapprocherait assez du prunier sauvage.
« Après avoir dépouillé le fruit de cette partie charnue dont
l'épaisseur ne dépasse pas 1 cm., on voit apparaître une coque à
pellicule mince mais résistante, luisante, d'un jaune brunâtre et
ressemblant assez pour les dimensions, la forme et la couleur a
un marron de moyenne grosseur.
« Cette coque n'est pas uniformément luisante sur toute sa
surface. Elle présente, en effet, une partie chagrinée surmontée
à lune de ses extrémités d'ime sorte de revêtement ligneux qui
a pu faire émettre un instant l'opinion que ce beurre n'était
peut-être qu'un exsudât de la graine. Le poids de cette coque et
de la semence qu'elle renferme est d'environ 5 grammes.
« En brisant cette coque indéhiscente, on met à nu la semence
oléagineuse de laquelle se retire exclusivement le beurre végé-
tal. Cette semence est blanche, de consistance ferme et légère-
ment cireuse.
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— 23 —
« On ne fait pas de récolte de ce fruit à proprement parler ;
awis chaque matin, les femmes et les enfants vont ramasser les
fruits tombés pendant la nuit et à la suite des tornades assez
fréquentes aux mois de juillet et d'août, époque à laquelle ils
entrent en pleine maturité. »
Quelques années plus tard, Heckel, dont tous les efforts
scientifiques se sont toujours portés vers Tétude. des matières
premières originaires de nos colonies, reprenait, en collaboration
avec ScHLAGDENHAUFFEN, Tétude du Karité et signalait l'un des
premiers que le latex de cet arbre était susceptible de fournir une
sorte de gutta douée de propriétés des plus intéressantes pour
certaines catégories d'industries (l).
Après une nouvelle note en 1888 (2), IIeckel reprend la
question et publie, sur l'arbre à Karité et sur la graisse qu'on en
retire, un travail d'ensemble assez étendu (3) sur lequel nous
aurons à revenir fréquemment dans la suite.
Le même auteur a donné aussi une étude anatomique que
nous compléterons sur certains points tout en rectifiant quelques
détails ou interprétations histologiques que nos matériaux
d'essai nous ont permis d'établir.
A partir de cette époque, les Revues coloniales françaises et
étrangères se sont fréquemment occupées du Karité et les faits
intéressants seront repris dans cette monographie au moment
utile.
Qu'il nous soit permis, toutefois, pour terminer cet historique,
de reprendre encore quelques observations faites par les divers
explorateurs africains.
A ce j)oint de vue, nous citerons tout d'abord le D*" Rançon
qui en 1891-1892 explora la Haute-(}ambie, et nous a laissé un
livre des plus intéressants sur les productions naturelles de
celte région. Si cet auteur a parfois recueilli avec un peu trop
de confiance les dires des indigènes, il n'en est pas moins vrai
que son ouvrage est de toute nécessité à tous ceux qui s'inté-
(1) Heckel et Schlaodenhauffen. Sur la guUa de B. Parkii. C. R., 1885. C.,1238
et C. /., 1069.
Id. Une nouvelle source de guUa percha. La Nature, 1885, 1|, 325, 370, 405.
(2) Heckel. 1888, C. R. 1625.
(3) Heckel. Sur l'arbre africain qui donne le Beurre de Galam ou de Karité et sur
son produit. Rev, cuU, col. 1897, 1, 193, 229.
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— 24 -
ressent a l'histoire économique de cette région. C'est ainsi que,
à propos du Karité, il a délimité ses régions de croissance, et
donné de nombreux détails sur sa biologie.
« Le Karité (1), dit-il, est un bel arbre de la famille des
Sapotacées. C'est le Butyrospermum Parkii Don. Il est très
facile à reconnaître dans la brousse à ses feuilles d'un vert
sombre, poussant en touifes verticillées à l'extrémité des
rameaux et à ses fruits qui sont connus et fort appréciés non
seulement des indigènes mais encore des Européens qui vivent
au Soudan. Sa pulpe est très savoureuse et sa graine sert à
confectionner un beurre végétal apprécié.
(c II existe, au Soudan, deux variétés de Karité : le Mana
et le Shee. Cette dernière, de beaucoup la plus commune, a
l'écorce noirâtre et profondément fendillée. Son bois est d'un
rouge vif à la périphérie et le cœur d'un rouge tendre veiné de
blanc et de jaune. Son feuillage est relativement abondant* Ses
fleurs sont blanches, portées à l'extrémité d'un long pédoncule
et les étamines sont très nombreuses. Le fruit est une drupe
dont la pulpe est savoureuse. La graine est ovale et renferme
une amande riche en matières grasses. La floraison a lieu du
milieu de janvier à la fin de février et les fruits sont mûrs dans
les premiers jours de juin ou juillet, selon les régions. Ils tom-
bent quand ils sont arrivés à maturité complète et sous les
arbres le sol est jonché de graines. Ces graines rancissent très
vite et pour les faire germer, il faut avoir le soin de les
recueillir sur le végétal lui-même et de les mettre immédiate-
ment en terre.
« L'écorce du Mana est au contraire blanc grisâtre, le bois
moins rouge se rapprochant plutôt du jaune. Son fruit a bien
la même forme que celui du Shee, mais la graine, au lieu d'être
ovale, est ronde ; enfin a caractère distinctif capital, à l'incision
il ne laisse dégoutter aucun suc en quelque saison et quelque
circonstance que ce soit (2). »
(1) A. Rançon. Dans la Haute>Oambie. Ann, InsL coL Marseille. 1 vol. in-^*,
Paris 1891, pp. 245 et suivantes.
(2) n n'est pas douteux qae le D^ Rançon a commis ici une grosse erreur botani-
que ; il s'agit du Mené ou Lophira alata, plante dont le port ressemble assez au
Karité, pour que les indigènes l'appellent le faux Karité, nom sous lequel il est aussi
connu en Guinée.
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— 25 -
Nous trouvons au sujet du Mana, dans les notes de Cheva-
lier, les renseignements suivants, qui confirment entièrement
notre manière de voir :
« 7 février 1899, Niana (entre Kouroussa et Siguiri). On
rencontre toujours beaucoup de Karités ou Ses. Ils sont actuelle-
ment en fleurs, qui sont très odorantes et visitées par de nom-
breuses aboilles (1) ou bien ils commencent à fleurir et sont
toujours dépourvus de feuilles à cette saison,
« Quelques-uns sans fleurs commencent à montrer à Textré-
mité des rameaux des petites rosettes terminales 'de jeunes
feuilles d'un rouge-vert tendre. Ces Karités sont d'ordinaire
mêlés aux Manas (Lophira alata) actuellement feuilles et
portant des fruits dont la maturité est avancée. »
Quoi qu'il en soit, nous reviendrons souvent dans d'autres
chapitres sur les renseignements du D*" Rançon, concernant
l'utilisation des produits du Karité (pulpe, graisse, matière
guttoïde) et aussi la biologie de la plante.
Dans sa relation du voyage du Niger au Golfe de Guinée,
BiNGEH (2) parle à son tour du Karité ou Ce et comme il a
eu l'occasion de voir lui-même préparer cette graisse avec les
fruits il donne les détails ci-dessous :
« L'écorce verte étant enlevée et la châtaigne bien séchée,
soit à la fumée, soit simplement cuite à l'eau, est décortiquée,
lavée à plusieurs eaux et exposée au soleil.
t< L'amande est ensuite grillée et réduite en granules de la
grosseur d'un pois cassé, qui sont mis de suite sur le feu, dans
des pots en terre. On remue jusqu'à ce que ces granules soient
fondus et présentent la consistance d'une pâte : cette prépara-
tion d'un beau brun dégage une très bonne odeur rappelant le
chocolat. Cette pâte est ensuite broyée entre deux pierres afin
d'écraser les grumeaux qui pourraient rester ; puis elle est
bouillie dans de l'eau.
« On écume la graisse qui nage à la surface et on la triture
avec les mains une fois refroidie, puis elle est recuite sans eau
(1) A ce propos, Chevalier ajoute que le miel d'abeiUes ayant butiné sur les Ses
en fleurs, est de qualité supérieure, car aussitôt après la floraison, le miel cesse d'être
d'un parfum agréable.
(S) BiNGER. Du Niger au golfe de Guinée. Paris 18(H, Hachette, éd., p. 48.
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— 26 —
pour Tépurer ; quand elle est bien liquide, on la verse dans des
calebasses de grosseur variable, suivant le poids du pain que
Ton veut obtenir, en ayant soin de laisser au fond du chaudron
les corps étrangers.
a La graisse refroidie est d'un blanc un peu verdàtre, de la
consistance de la cire, on Temballe dans de grandes feuilles
d'arbre et le pain est ficelé à Taide de fibres d ecorqp d'arbre.
« Son goût est nauséabond quand on s'en sert pour la cuisine
sans l'épurer. Pour s'en servir utilement, il suflit de jeter un
peu d'eau dans la graisse bouillante pour faire disparaître tout
mauvais goût.
« Cette graisse est souveraine pour les douleurs rhumatis-
males et les courbatures, on s'en frictionne les parties malades
après l'avoir fait légèrement chauffer. Après de grosses fatigues
les noirs ne manquent jamais de l'employer et je me suis tou-
jours bien trouvé de les imiter à ce sujet. »
Au Dahomey, d'après Liotahd, l'arbre atteint parfois les
proportions gigantesques des gros chênes de France. Il se fait
de son beurre, un grand commerce avec la Nigeria anglaise.
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CHAPITRE II.
Etude botanique du Karité.
lÊorphologie externe et interne. Diagnose.
C'est Gœrtner (1) qui le premier publia uue description du
fruit de Karité, mais il n'eut entre les mains que cet organe et
il désigna sans autres documents la plante productrice sous le
nom de Vitellaria paradoxa que Pierre (2) et Bâillon (3) ont
admis tous deux.
Robert Brown avait, sans description, proposé celui de
Micadaiila ; G. Don (4) rangea Tespèce découverte par Mungo
Park dans le genre Bassia et Tappela Bassia Parkii. Enfin en
1864, KoTscHY (5) fit de la plante de Don, le seul type connu
d'un genre nouveau pour lequel il composa le nom de Butyro^
spermum, qui rappelait la principale utilisation de la graine.
C'est ainsi que le Karité reçoit aujourd'hui généralement dans
les ouvrages scientifiques la désinence botanique de Butyro-
spermum Parkii (G. Don) Kostchy (6).
Engler a adopté cette manière de voir dans « die natûrl.
Pflanzenfamilien IV-I, 138 », et dans sa monographie plus
récente des Sapotacées africaines (7).
{\) G. F. Gœrtner. Supplementum Garpologiae. Lipsiensis, 1805, III, Vitellaria
paradoxa, p. 131 et PI. 205.
(2) PiERRB in BuU. Soc. linn. Parié, 578.
(S) Bâillon, Hist. des Plantes, XI, 288.
(4) G. Don io K. DC. Prodromus VIII. 199 et Oliv. in Trans, Linn. Soc. XXIX,
104, t. 73.
(5) BtUyroêptrmum in SiU. K. Akad. iciês, Wien 1854, 1, 2.
(6) KoTSGHY et Peyritch. pi. Linneanae 20, t. 8 6.
(7) A. Engler. Monog. afrik. Pllanzenfam. und. Gattungen. — Sapolaceœi9^i,
VIII, 28-24.
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— 28 —
Une seule espèce est vraiment connue, et nous nous range-
rons à Topinion du Musée de Berlin en ce qui concerne la déno-
mination scientifique.
KoTSCiiY avait fait de la plante que Ton rencontre dans le
bassin du Nil une espèce particulière, que Pierre ramena au
rang de variété [Butyrospermum Parkii^ var. niloticum
(Kotschy) Pierre).
Nous avons prié, avant son départ pour un quatrième séjour
en Afrique occidentale et centrale, notre ami le D*" Chevalier
de revoir à son tour les nombreux échantillons recueillis par lui,
afin d'établir les principales variations de IVspèce. Nous allons
donc donner ici la diagnose du genre établie par Kotschy et
la description du type et de ses variétés d'après Chevalier, qui
a eu en mains, outre ses documents personnels, les nombreuses
notes manuscrites de J.-B. L. Pierre, le savant monographe
des Sapotacées, mort en 1905, au moment où il mettait la main
à un ouvrage d'ensemble sur les plantes de cette famille.
Diagnose du Genre BUTTROSPEBMUM Kotschy (Benlh. et Hook f.
Gen. PI., II, p. 661).
Calice campanule, avec un tube court ; segments en 2 rangées distinctes, habi-
tuellement 8, quelquefois 10. Corolle campanulée, aussi longue que le calice, avec le
même nombre de segments, qui sont entiers, oblongs et très imbriqués. Etamines
insérées en face des segments de la corolle à leur base ; filaments subulés, glabres;
anthères lancéolées-oblongues ; staminodes, une enti*e chaque filament, grande,
oblongue, pétalo'ide, fimbriée. Ovaire globuleux, soyeux, 8-10 cavités ; style long,
subulé. Baie ellipsoïde, avec un péricarpe mince, ferme ; semence habituellement
solitaire par avortement, exalbuminée, avec des cotylédons amygdaloîdes très épais
et une radicule courte. Arbres dressés, avec un suc laiteux abondant, feuilles
entières, coriaces, pétiolées, stipulées, habituellement réunies à Textrémité de
ramuscules et fleurs en ombelles denses, partant de rcxtrômité des ramuscules, avec
les feuilles.
Endémique, comprend une espèce certaine et une douteuse. Feuilles longues de 6
à 9 pouces, avec des veines saillantes. 1. B. Parhii : Feuilles longues de 2 à 3 pouces,
avec des veines grêles. 2. 3.? Kirkii f
BUTYROSPERMUM PARKll (G. Don) Kotschy.
Synonymes : Vilellaria paradoxa. GaeKn. — Bassia Parkii G. Don. —
Mimusops capiiala Bak. — Mimusopn pachyvlada Bak.
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Km. Perrot.
Lk Karitk, etc., 1907.
Pic 1. — Rameau tUuri d# Karité. — Bulyroêpermum Parkii
?ar. mangifolium A. Chev. (Fleurs, fruit et graine).
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- 31 -
Description de l'espèce, — Arbre d'une hauteur do 12'" à 20"',
à tronc atteignant un diamètre de O^GO à l'"20.
Branches épaisses, courtes, formant par leur ensemble une
couronne rameuse rappelant celle du Quercus pedunculata
quelquefois elles sont horizontales, tombes, peu ramifiées.
Ecorce épaisse, grisâtre, rouge à Tintérieur, profondément
fendillée et divisée en petits prismes quadrangulaires superposés.
Bois très-dur, aubier rougeâtre, duramen jaunâtre, moelle
glanduleuse, à la fin rougeâtre.
Deux sortes de rameaux sur Tarbre adulte ; les uns, stériles
ou florifères, plus ou moins étalés, sont courts, épais, rendus
noueux par les cicatrices foliaires rapprochées, transversa-
lement elliptiques, ne portant des feuilles qu'à leur extrémité, ou
dépourvus de feuilles et terminés par une inflorescence (fig. 1).
Les autres plus vigoureux sont des rameaux d'élongation assez
grêles, à cicatrices foliaires éloignées, à écorce plus mince d'un
gris cendré presque lisse ou faiblement fendillée longitudinale-
ment, à aubier noirâtre et à duramen et moelle jaunâtre.
Feuilles alternes de 10 à 35 centimètres de long portées sur
un pétiole de 3 cm. 5 à 7 cm. de long, à insertion un peu épais-
sie, subquadrangulaire, caniculée en dessus, parcouru de fines
stries, brun tomenteux, à la fin glabre.
Limbe obtus un peu aigu, à base fréquemment aiguë ou un
peu inéquilatérale rarement arrondie, entier, à peine ondulé ;
les jeunes feuilles sont presque membraneuses, tomenteuses par
la présence d'un duvet brunâtre dense plus pâle en dessous ;
adultes, elles sont glabres et coriaces, la nervure médiane est
proéminente, aiguë en dessus, très-fortement accusée en des-
sous ; nervures secondaires au nombre de 20 à 35, alternes ou
rarement un peu opposées, bien moins fortes que la nervure
médiane, en dessous elles sont saillantes, sensiblement trans-
versales, souvent indivises jusqu'au bord, où elles deviennent
ascendantes et s'anastomosent entre elles pour constituer à la
marge un bord cartilagineux épaissi.
Fleurs nombreuses, réunies en corymbe arrondi inséré à l'ex-
trémité de gros rameaux courts, elles sont pédicellées, entre-
mêlées d'écaillés lancéolées, acuminées, brunâtres. Pédicelle
long de 12 à 18""* plus ou moins roux tomenteux.
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— 32 —
Calice infère à 8 lobes roussûtres, lonient(»ux, parfois lai-
neux, à lobes ovales-lancéolés, aigus ou brièvement acuminés,
coriaces.
Corolle hypogyne, sub-rotacée, tube de 3"™ de long, velu,
laineux extérieurement jusqu'à la moitié supérieure entre les
lobes : lobes longs de 8""*, larges de 2 à 3™™, ovales lancéolés
aigus, parfois munis de quelques dents très-petites. Staminodes
au nombre de 6 à 10, imbriqués, à onglet très-court, acumi-
nés, à acumen très-étroit, fimbriés sur les bords.
Etamines au nombre de 8, opposées aux lobes de la corolle et
insérées au sommet du tube. Ovaire globuleux un peu déprimé,
fortement hérissé, ayant ordinairement 8 loges ou moins par
avortement, renfermant chacune un ovule attaché au milieu de
Tangle central.
Style cylindrique, couvert à sa partie inférieure de poils his-
pides, courts, glabre en haut et long de 7™'". Stigmate obtus.
Fruit sphérique ou ellipsoïde, d'un jaune verdâtre à maturité,
renfermant de une à trois graines (le plus souvent une).
Batyrospermnm Parkii var. manglfolium (Pierre 1884 ms.) A. Chev.
Feuilles linéaires, oblongues, à ^-24 paires de nervures parallèles, longuement
pétiolées, complètement glabres à Téta t jeune. Pétales atténués, arrondis; stami-
nodes inclus, obtusiucules, terminés par une seule pointe. Ovaire 5-8 loges (le plus
souvent 5 loges). Fruit ovoïde à une ou deux graines.
Hab. Tout le Soudan, depuis le Haut-Sénégil, Moyen-Niger, jusqu'au bassin du
Chari. (Chevalier, 727, 6.685, 13.253 et 13.355).
Batyrosparmiim Parkii var. Poissoni A. Chev.
Feuilles oblongues, très-obtuses au sommet, à 20-24 paires de nervures parallèles,
très-saillantes en dessous, souvent brusquement tronquées à la base. Jeunes feuilles
légèrement pubescentes, roussàtres. Pétales atténués, arrondis. Staminodes terminés
par un long acumen simple. Ovaire 5-8 loges. Fruit arrondi, roussâtre, pubescent à
1 état jeune, 1-2 graines.
Hab. Dahomey (Eug. Poisson, n* 90, 1903.)
Batjrrospermum Parkii var. nilotioum (Kotschy) A. Chev.
Diffère du précédent pas ses Teuilles jeunes fortement tomenteuset, roussàtres sur
les deux faces, et le pétiole restant pubescent à un âge avancé. Ovaire 6-10 loges (le
plus souvent 6-8), style glabre. Staminodes obovales sub^marginés ou longuement
cuspidés, avec une pointe simple ou trilobée. Fruit ellipsoïde.
llAB. Bahr-el-Ghazal (Schweinfurth, 1289, 2785, 1294.)
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Km, pKiinoT.
Lk Karitk, etc., 190t.
FiG. II.'— Particularités florales du But. Poissoni X. Cliev., d'après lei dessias
inédits de Pierre {les dimensions indiquées sont toutes réduites de i iO).
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— 35 -
En résumé, il t»xist(; done, d'après Cuevalieh, « une seule
espèce acluelleinent connue, très polymorphe et dans laquelle
on peut distinguer, outre le type^ trois K^ariétés s*y rattachant
par des formes intermédiaires, »
Histologie.
Nous avons dit déjà que Hegkel avait donné, dès 1885 (l), les
principaux caractères histologiques du Butyrospermum^ repro-
duits plus tard dans la Revue des cultures coloniales ; mais
nous ne sommes pas toujours d'accord avec les interprétations
de cet auteur qui d'ailleurs ont ét('; récemment critiquées par
Charlier (2) à propos de son étude de quelques plantes du
genre Bassia,
Nous reprendrons donc cette étude d'une façon complète d'au-
tant que ce dernier auteur ne s'est occupé que d'une façon tout
à fait incidente du J?w/.Prtr/'A'tY. Pour cela nous nous adresserons
surtout aux deux variétés But, mangifolium et B, Poissoni
dont Chevalier nous a fourni des échantillons authentiques et
nous attirerons l'attention sur les variations assez importantes
des caractères anatomiques.
Caractères histologiques. — B. mangifolium A. Chev.
Tige. — Dans les tiges âgées, l'épiderme est exfolié par le
fonctionnement d'un périderme externe, donnant naissance à
un liège assez épais formé d'éléments à parois minces ; l'écorce .
secondaire est volumineuse et les éléments récents {ch) sont
pour la plupart remplis d'une substance réfringente homogène.
Quelques cellules renferment au contraire un produit granuleux
et sont très distinctes des précédentes {cg), enfin plus pro-
fondément on rencontre des cellules à latex nettement diffé-
renciée et se colorant par l'orca nette et le sudan-chloral [lat).
Ajoutons que bon nombre de cellules de ce parenchyme secon-
daire contiennent un cristal prismatique d'oxalate de cal-
cium (fig. III).
(1) Hegkel. La Nature, 1885 et Rev, cuit, col., 1901, loc» cit.
(2) Charuer. Etude des plantes à Guita-percha et d'autœs Sapolacées. Thèse
Doct, Univ, Paris (Pharmacie) 1905, 1 vol. in-8<>, p. 68.
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— 36 —
t)ans la zone interne du parenchyme cortical, les laticifères
sont plus nombreux et très volumineux. Le cylindre central est
indiqué par des amas irréguliers de sclérenchyme protégeant
le liber, qui lui-même renferme des îlots sclérenchymateux de
soutien. Les laticifères y sont relativement peu nombreux, et
les cellules à cristaux au contraire très abondantes, particuliè-
rement autour des îlots de liber primaire épaissi et écrasé, et
autour des amas scléreux périlibériens (fig. III).
FiG. in. — CSoupa transversale dans la région oortioale de la tige ftgèe
du B. mangifolium. — p6, Périderme externe ; ch, cellules à contenu homo-
gène ; lat, cellules laticifères se colorant par Torcanette ou le sudan-chloral ; cg,
cellules à contenu granuleux ne prenant pas les colorations ci-dessus indiquées.
G. = i60d.
Le bois est normal avec vaisseaux et sclérenchyme ligneux
en disposition mïttement radiale, formant un anneau complet
divisé par des rayons médullaires à une seule rangée de cel-
lules. A la pointe dos faisceaux vers la moelle, et séparés d'eux
par une bande de parenchyme avec cellules à contenu huileux
homogène, ou cellules scléreuses ponctuées (fig. XI), on trouve
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— 37 —
de larges laticifères, parfois accolés, parfois séparés par une ou
plusieurs assises de cellules, de grandeur très irrégulière,
souvent recloisonnées et pourvues chacune d'un cristal prisma-
tique d'oxalate de calcium. Le parenchyme médullaire central
est assez dense et ne renferme guère de laticifères.
En dehors de cellules à contenu translucide homogène, on
doit signaler aussi la présence de cellules à contenu granuleux.
FiG. IV. —Coupe transirarsale dans la région oortioale interna et
libérienne de la tige. — Lat, laticifères ; scl^ amas scléreux ou fibreux péri-
cycliques; le^ liber écrasé à parois épaissies et cristalligène. G. = 180 d. environ.
Péiiole, feuille, — Au niveau de sa sortie de la tige, le
pétiole renferme un système fasciculaire formé d'un arc ligneux
à cimrbure très prononcée, (ît dont les pointes sont réunies par
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— 38 -
une lame, qui souvent se soude entièrement, mais parfois reste
distincte. Au centre de la région péridesmique correspondant à
la moelle de la tige, on remarque un certain nombre de faisceaux
criblés ou cribrovasculaires surnuméraires (i, fig.V.) caractéris-
tiques : les unes sont en effet composés seulement par des amas
de tissu criblé (/?, fig. V) ; dans les autres, il est appaioi
quelques faisceaux ligneux et parfois même une lame ligneuse
mince, et en opposition avec elle, une bande sclérenchymateuse
formée par des amas périlibériens rappelant ceux de la tige.
Dans la région moyenne, la structure du pétiole est identique,
l'arc ligneux est complet, ou la lame supérieure le plus souvent
est disjointe et de plus il s'est séparé, des 2 cornes de Tare
normal, un faisceau de chaque côté, faisceau destiné à fournir
les deux premières nervures du limbe foliaire.
En faisant la coupe à une certaine distance de la sortie du
tronc, on pourrait croire que le pétiole naît avec trois faisceaux
(structure trixylée de Pierre), tandis qu'au contraire il n'existe
qu'un seul faisceau originel (structure monoxylée).
Parfois ces deux faisceaux latéraux ne se détachent qu'à la
base môme du limbe (2, fig. V).
La structure de la nervure médiane de la feuille sera iden-
tique. Très proéminente à la face inférieure, elle montre le même
système fasciculaire,avec faisceaux cribro-vnsculaires surnumé-
raires péridesmiques, le plus souvent seulement criblés (3, lig. V),
et plusieurs faisceaux détachés des cornes de l'arc, pour aller
innerver le limbe.
Les laticifères sont, comme dans la tige, particulièrement
abondants dans le périderme et on en rencontre aussi quel-
ques-uns dans la zone parenchymateuse entourant la nervure
(parenchyme neural).
Le limbe foliaire est parcouru par des nervures nombreuses
formant un réseau assez serré et régulier, et accompagnés jus-
que dans leurs plus extrêmes ramifications par les fdets de
cellules laticifères qui parfois s'en détachent et se terminent
dans le parenchyme lacuneux interfasciculaire en extrémité
légèrement renflée [lat^ 4, fig. V).
Les épidermes sont très différents, glabres tous deux, au
moins à l'âge adulte. Les stomates existent seulement à la face
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39 —
inférieure, ils sont très abondants, mais on n'en rencontre pas
au niveau des nervures. Ces stomates sont ceux des Sapotacées,
toujours accompagnés de deux cellules annexes parallèles» à
l'ouverture stomatique (i, 2, iig. VI).
FiG. V.^ Pétiole, nerrare médiane et limbe foliaire.— la^, laticifère ;
8cl, sclérenchyme périlibérien ; fcvy faisceaux cribrovasculaires surnuméraires ;
flj faisceaux cribléâ surnuméraires ; ««, épiderme supérieur ; A, hypoderroe ;
chf cellules à contenu homogène réfringent ; n, faisceau se rendant aux nervures
dans le limbe.
Les cellules de l'épiderme supérieur (ces) sont à parois ondu-
lées et laissent apercevoir, dans une préparation vue de face,
le r('*soau polygonal de l'hypoderme {h) sous-jacent (.?, fig. VI).
En elFot, le limbe foliaire des Butyrospermuni est caracté-
risé par la présence d'un hypoderme formé d'une ou plusieurs
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40
assises de cellules (^i, fig. W, dont quelques-unes paraissent
contenir une substance réfringente analogue à celle dont nous
avons signalé la présence dans les parenchymes cortical, libérien
et médullaire de la tige.
Fig. VI. —i.2, Epiderme inférieur : ei^ avec stomates ; S, épiderme supé-
rieur dont les cellules, ces, recouvrent mais laissent apercevoir les éléments
polygonaux, /i, de l'hypoderme ; 4, épiderme du pédoncule floral, ou de fovairc,
avec poils caractéristiques, p.
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— 41 —
Le mésophylle bifacial ne eomprcnd qu'une seule assise de
cellules palissadiques occupant un tiers environ de Tépaisseur
totale. Quant au reste du parenchyme, il est extrêmement
lacuneux, un peu plus dense à la face inférieure, parcouru par
une nervation extrêmement riche, et de nombreux laticifères.
Fruit, — N'ayant pas eu à notre disposition de fruit jeune
ou mûr, mais frais et bien conservé, nous ne pouvons donner
que les indications généralement connues et d'ailleurs suffi-
santes. La péricarpe est charnu et papyracé et toujours dis-
paru dans les échantillons expédiés commercialement, qui sont
constitués par la graine de cette baie, à laquelle reste souvent
adhérente une couche parenchymateuse plus ou moins détruite
par la dessiccation.
A cet état, la coupe de la paroi du fruit montre une zone
externe {E^ fig. XI) parenchymateuse, adhérant encore à la
bande libéro-Iigneuse des faisceaux carpellaires et une zone
parenchymateuse interne formé d'éléments allongés dans le
sens tangentiel(/, fig. XI) et enfin de tégument séminal (^^) très
scléreux qui protège Tamande.
z^k^Ax'yc/cr:
Fig. VII. — Conpa Bohématique d'un ovaire Jeune complet :o, loge
ovuïaire; p, revélemenf de poils caractéristiques (voir agssi 4, fig. IV).
Adhérant plus ou moins à cette zone scléreuse vient la par-
lie interne du tégument de la graine nettement parenchymateux
l>apyracé dont les celluh^s sont allongées tangenti«»llement, il
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— 42 —
est très mince et entoure les cotylédons, épais, charnus, hui-
leux ; il renferme des faisceaux vasculaires assez développés.
Le fruit provicml du développement d'un ovaire, qui dans
notre cas comptait six loges uni-ovulées (fig. Vil) dont une
seule se développe et donne Tunique graine.
L'amande est naturellement entièrement parenchymateuse
avec un cercle de faisceaux libéro-ligneux et de larges cellules
qui deviendront les organes laticifères (/«/, fîg. VIII).
Notons ici, comme particularité, que Tépiderme de la paroi
ovarienne, particulièrement au niveau des loges, est, dans le
jeune âge tout au moins, garnie de poils rameux à deux bran-
ches très inégales et à parois peu épaissies. Ces mêmes poils
se retrouvent, à la quantité près, sur le pédoncule floral
(4, fig. VI).
GOt
Fj(i. VUl.— Coupe dans lo cotylédon de la graine: é, épùlennc; lat, cellules
laticifôres ; cot^ tissu parenchymateux du cotylédon avec faisceaux vasculaires f.
G. = 150d.
Les recherches effectuées sur des échantillons d'origine très
différentes et sur des matériaux rapportés par M. Chevaijeh,
conduisent à des conclusions absolument identiques. Les va-
riations rencontrées sont d(» trop peu d'importance pour n'être
pas accidentelles.
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— 43 —
C'est ainsi que parfois chez un échantillon provenant du pays
de Snoussi, à feuilles appartenant sans doute à la sous-espèce
mangifoliiim ^ nous avons trouvé parfois quelques rares poils.
Dans une variété, dont les feuilles semblent converger vers le
type Pahkii vrai, nous avons vu deux assises de cellules palis-
sadiques, mais dans certaines régions seulement.
B, Poissoni (échantillon de A. Chevalier venant de la Gold
Coast. — Les différences histologiques constatées permettent de
différencier cette variété de la précédente en s'adressant au
pétiole et au limbe foliaire. Son aire géographique doit s'éten-
dre de la Côte d'Ivoire, par la Gold Coast, au Dahomey, mais
toujours au sud de la zone d'extension de la plante. Les poils
rameux à branches très inégales, seulement rencontrées chez le
B, mangifolium^ sur le pédoncule floral, Tovaire et les sépales,
sont ici assez nombreux sur les deux épidémies et répartis
principalement le long des nervures ; dans ces mêmes endroits
l'épiderme est dépourvu de stomates (J[, lig. X).
FiG. IX. — Voir la légende à la page suivante.
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Ém. Perrot.
Le IvARiTé, ETC. 1907.
FiG. IX. — Pétiole, nervure du B. Poisêoni : i, pétiole ; :^, à la base du limbe ;
— n, faisceaux se rendant uux nervures secondaires ; fcSj faisceau vasculaire sur-
numéraire ; 3y vers les deux tiers supérieurs.
Sur le pétiole et à la région d attacht» au limbe, on trouve
aussi des poils renflés dont il est impossible de déterminer
exaet(»ment la l'orme et la nature sur les échantillons dont nous
disposions. Le système faseiculaire se rapproche énormément
de celui du IS, mangifoliuw^ avec faisceaux surnuméraires
périd<'smi(pies d(î l'orme très irrégulière /, l^ iig. IX .
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~ 45 —
Les cristaux prismatiques d'oxalale de calcium sont très
abondants autour des faisceaux et jusque dan» Tépiderme,
FiG. X. — Limbe du B. Poissoni : i^ Coupe transversale du limbe avec poils
en navette ; 2, épiderme vu de face, arec stomates et cellules à parois épaisses t,
qui sont la base des poils en navette disparus ; 3^ une maille du fin réseau des
oervures anastomosées, montrant à travers Tépiderme inférieur un laticifère et sa
terminaison libre dans le mésophylle lacuneux sous-épiderraique.
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- 4G -
et il est facile de voir sur ce même épidémie la l)ase sclérifiée
de riasertioii.des poils (t, 2, fig. X).
L'hypoderme est ici simple, nous ne Pavons pas vu dédoublé;
de même le mésophylle ne montre qu'une seule assise très
différenciée de cellules palissadiques ; ces deux caractères sont
particuliers à cette sous-espèce.
Forme et répartition de l'appareil sécréteur.
L*appareil sécréteur proprement dit est formé, comme on le
sait, chez les Sapotacées, par des files de cellules (1), sortes de
laticifères renfermant le plus souvent un latex guttoïde, de
nature et de composition extrêmement variables avec les espèces.
Ces laticifères sont très abondants dans les divers organes du
végétal.
Dans la tige, on en rencontre quelques-uns dans le paren-
chyme cortical, d'autres moins volumineux dans le liber, mais
les plus développés sont ceux qui parcourent la moelle, princi-
palement à la périphérie [lat^ fig. XI).
Dans le pétiole, les laticifères, petits et en petit nombre dans
le liber des faisceaux, sont au contraire volumineux et abondants
dans la région péridesmique des nervures, beaucoup d'entre eux
accolés intimement aux cordons vasculaires suivent ces derniers
jusque dans les plus petites ramifications des nervures {,?, fig. X)
d'où elles se détachent plus ou moins pour se terminer en extré-
mité aveugle et renflée au milieu du parenchyme lacuneux ; par-
fois certaines ramifications s'insinuent entre les cellules palis-
sadiques, pour se terminer presque dans l'hypoderme.
A côté de cet appareil nettement spécialisé, et dont on peut
signaler la présence jusque dans l'embryon et le cotylédon, il
existe des sécrétions qui doivent jouer un rôle important dans
la vie de la plante.
Elles sont situées sur des cellules isolées (cA, fig. XI) et se
manifestent sous deux apparences bien distinctes. Les uns
renferment une substance réfringente, homogène, ne se colorant
ni par Torcanette, ni par le Soudan ; 2** les autres à contenu
granuleux, très différent du précédent.
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— 47 -
Nous ne parlerons pas de Toxalate de calcium, qui se présente
toujours cristallisé en prismes ; il est abondant surtout dans la
région périphérique du liber, autour des paquets du scléren-
chyme péricyclique, et dans la moelle dans la région des latici-
fères. Dans la feuille, il suit les nervures et se retrouve parfois
jusque dans les cellules épiderraiques.
FiQ. XI. — Région péiiphérique de la moelle. — ^ trachées indiquant
la pointe interne des faisceaux libéro-ligneux ; pm^ zone parenchymateuse péri-
phérique de la moelle, avec cellules à contenu réfringent homogène ou à cristaux et
cellules^scléreuses ponctuées; lai, lames de cellules laticifères souvent anastomo-
sées entre elles; pm, parenchyme médullaire central avec cellules à contenu granu-
leux cg et k contenu réfringent ch. G:= 320 d. environ.
En résumé, le Karité le plus anciennement connu, c'est-à-dire
la variété à feuilles de Manguier, le B, mangifolium présente les
caractères histologiques suivants : présence dans la tige d'un
périderme vraisemblablement sous-épidermique, fournissant une
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- 48 -
aboiidant(î écorce secondaire et permettant la facile cicatrisation
des blessures ; présence d'ilôts sclérenchymateux périlibériens
et de paquets de fibres dans le liber. Rayons médullaires à une
seule assise ; laticifères en fdes de cellules, dans les divers
parenchymes mais ])lus volumineux dans la région périphérique
de la moelle.
Dans le pétiole, on remarque un système fasciculaire parti-
culier formé d'un arc lib. -ligneux très accentué, dont les deux
pointes sont réunies plus ou moins par une lame vasculaire
supérieure et tout le système étant protégé par des îlots très
serrés de sclérenchyme. A l'intérieur du tissu péridesmique, il
existe un nombre variable de faisceaux surnuméraires : les
uns réduits à un amas libérien, les autres complets, avec l>ois
central représenté le plus souvent par quelques vaisseaux.
Dans toutes les nervures un peu volumineuses, on retrouve
ce caractère général.
Le mésophylle est bifacial avec une rangée de cellules palis-
sadiques occupant 1/3 de son épaisseur totale, mais il existe à
la face supérieure un hypoderme à une ou rarement plusieurs
assises. Les épidermes sont glabres au moins à l'état adulte, et
les stomates à deux cellules annexes réparties uniquement à la
face inférieure.
La variété B. Poissoni se différencie surtout par la présence
de poils sur le limbe foliaire, surtout au dessus des nervures.
Ces poils qui n'existent dans la variété précédente que sur
l'ovaire, le pédoncule floral et les sépales, sont partout identi-
ques : ils sont formés d'une seule cellule à deux branches^, l'une
généralement très courte, l'autre au contraire, allongée et
leurs parois sont presque toujours relativement minces. La
trace des poils tombés se trouve aisément en examinant les
épidermes de face, car ils sont nombreux sur les jeunes organes.
De plus l'hypoderme comprend ici toujours une seule assise
de cellules jamais dédoublées.
Ajoutons enlin que la complication de structure due à Tappa-
rition des faisceaux surnuméraires péridesmiques est toujours
plus grande dans cette variété.
Nous n'avons pas étudié la var. niloticum faute de bons
échantillons.
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CHAPITRE III.
Biologie du Karité, sa répartition géographique.
Il ne nous semble pas inutile de grouper en un chapitre
spécial, les renseignements épars dans les relations de voyages,
car ils vont permettre de fixer Tétendue de nos connaissances
sur le mode de vie et d'évolution de Tarbre à beurre et sur son
aire d'extension géographique.
C'est à Taide des conclusions de ce chapitre que nous avons
pu établir la carte annexée à ce fascicule et fixer, d'une façon
aussi précise que cela nous fut possible, Taire de dispersion du
Butyrospermum Parkii^ du Sénégal au Nil.
On a vu que le Karité est un arbre qui peut atteindre les
dimensions de nos plus gros chênes (15-30 m. de hauteur et
jusqu'à 3 m. et plus de diamètre) et qui ne se reproduit sponta-
nément qu'à une certaine distance de la côte, jamais sur le
littoral. Les premiers Karités que l'on rencontre dès qu'on
approche de la zone où l'espèce est endémique, sont stériles et
plus loin, au contraire, ils fleurissent abondamment, quoiqu'il
arrive fréquemment, que seuls quelques arbres sont en fleurs
au milieu d'autres déjà garnis de leurs feuilles, mais stériles (1).
Le Karité, suivant la région, fleurit de janvier à mars, et les
fleurs apparaissent avant les feuilles, les bourgeons foliaires
s'épanouissent au sommet des corymbes de fleurs dès l'appari-
tion de ces dernières.
Il est important de signaler également la résistance de cet
arbre aux feux de brousse, grâce à la formation de liège sous-
épidermique qui protège le liber et la région cambiale contre
(1) Ce fait nous a été confirmé maintes fois, nous n'en voyons pas d'explication
satisfaisante.
4
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— 50 —
J'action du feu. Chevalier nous a affirmé que les pieds, mêmes
jeunes, résistent très bien à cette action répétée du feu; on
s'explique aisément que cet arbre soit si répandu dans toute la
zone soudanienne à Texclusion de tout autre, sauf toutefois
les gommiers dans la région de croissance de ceux-ci.
Dans le Haut-Dahomey, pendant la sécheresse, dit M.
François (1), période au cours de laquelle ne tombe pas une
goutte d'eau et surtout dès que souffle l'harmattan (vent nord-
nord-est), l'œil ne découvre que de vastes étendues desséchées
auxquelles l'incendie annuel des grandes herbes noircissant le
sol et les arbres ajoute, dans certaines régions, un cachet de
désolation navrant: on dirait une terre de mort et de soif; les
arbres souffrent beaucoup de cette sécheresse et des feux de
brousse périodiquement allumés par les indigènes et, s'ils ne
meurent pas, ils dégénèrent; seuls résistent à ce traitement les
Gommiers et les Karités^ qui conservent leur vert feuillage.
On sait aussi que Cazalbou insiste sur l'existence de deux
variétés : Ci diona (Karité hàtif) et Ci kosa (Karité tardif; ,
dont les caractères botaniques seraient à peu près identiques.
Chez la première, la graine est plus allongée et plus volumi-
neuse ; chez la deuxième, elle est plus régulièrement ovoïde.
Nous ne possédons aucun autre renseignement technique à ce
sujet.
Rançon a dit également que, vers la zone limite ouest et
sud, en Casamance et en Guinée, le Karité vivait en concurrence
avec le Mana {Lophira alata)^ qu'il avait d'ailleurs pris pour
une espèce différente de Butyrospermum,
Chevalier a remarqué le même fait entre Kouroussa et
Siguiri, au début de février, avec cette différence que « les
Karités sont à cette époque en fleurs et complètement dépour-
vus de feuilles. Quelques-uns cependant, sans fleurs, commen-
cent à montrer à' l'extrémité des rameaux de petites rosettes
terminales déjeunes feuilles d'un vert-tendre.
11 y a lieu d'attirer ici l'attention sur ce fait biologique, à
propos duquel nous n'avons trouvé aucun détail précis : c'est
que la floraison et par conséquent la fructification paraissent
(1) Loe. cit.f page 57.
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— 51 -
être irrégulières j par conséquent entrainant un rendement
irrégulier. Pour le repeuplement et la sélection^ il est égale-
ment nécessaire de noter la lente croissance dé l'arbre qui
atteint Tâge adulte vers 30 ans, et ne fournit de fruits guère
avant Tàge de 12 ou 15 années.
Habitat. — Le Karité demande un sol profond, riche en
humus, et ne vient jamais en forêts denses, ni dans les gale-
ries de bordui*e des rivières. On ne le rencontre pas non plus
dans les terrains marécageux ou susceptibles d'être inondés, et
il est très rare sur les hauts plateaux ferrugineux comme il ne
saurait se développer dans les savanes à sol argileux.
Station préférée. — Bien que s'accomodant très bien des
terres profondes, le Buty rospermum (^Yo\\.î>,\xvio\xi sur les pentes
des collines et des plateaux rocailleux ou sablonneux, autour
des villages où il est évidemment en culture (1) à la façon de
certains arbres de nos jardins fruitiers.
Ce sont ces vergers qu'il importe tout d'abord de conserver,
en obligeant les indigènes à remplacer les arbres qui meurent
et à ne pas arracher sans besoin les jeunes ; ces plantations sont
nécessaires en outre pour retenir le sol et en empêcher la des-
sication, par le chevelu des racines.
Résumons, en disant, qu'il faut au Karité un sol meuble, comme
les latérites sablonneuses, détritiques, et jamais des terres com-
pactes comme les sols argileux. De plus, les endroits inondés,
même pendant très peu de temps ne sauraient lui convenir, et
quand on le rencontre dans les grandes plaines basses du Soudan,
il existe uniquement autour des villages, sur des emplacements
toujours surélevés par rapport au niveau moyen. C'est ainsi que
le Karité manque aux environs immédiats de Djenné, inondés
pendant une partie de l'année, et qu'il est très abondant non
loin de cette ville, dans des endroits toujours émergés.
(1) Nous ne serions pas étonnés que le type ancestral du Karité soit profondé-
ment modifié, et qu*il n'y ait une assez grande quantité de variétés dues à la cul-
ture; car bien que les indigènes ne paraissent avoir fait aucune sélection, il a dû
s'établir des races locales qui peuvent être dissemblables, comme rendement et
nature de produit. Des observations botaniques scientifiques sérieuses seront néces-
saires pour retrouver le type sauvage certain.
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- 52 —
Remarquons encore que le? Karité ne vient jamais au l>ord de
la mer, et on peut dire qu'il n'existe, pour ainsi dire pas, à moins
de 200 km. et plus des côtes.
Est-ce une question d'altitude, nous ne saurions là dessus
émettre d'hypothèse hasée sur des faits d'ordre scientifique et
cela nous amène à conclure, comme nous en avons déjà fait la
remarque, qu'il serait de tout nécessité d'être renseigné sur la
biologie de cet arbre et de ses variétés, surtout si, comme il y a
lieu de l'espérer, son exploitation devient une des sources de
richesses de notre domaine ouest africain.
Souhaitons que cet appel soit entendu et que les observations
recueillies nous apprennent bientôt également quelles sont les
causes de la stérilité de nombreux arbres signalée par la
plupart des voyageurs et surtout vers la limite de la zone
d'extension de l'espèce.
Répartition géographique du Karité.
Pour établir la répartition du Karité, nous prendrons les ren-
seignements fournis par les divers explorateurs, et pour chaque
région :
Guinée française. — C'est en Guinée française, presque à
la frontière de la Guinée portugaise, que se trouve l'extrême
limite ouest d'apparition du Karité. Le D*^ Maclaud l'a en
effet rencontré près de Kadé, sur le 16® degré de longitude
ouest.
De là il s'étend vers le nord suivant une ligne qui regagne
assez rapidement le 15* degré sur la Gambie où nous le retrou-
vons à Damantang, et dans le désert de Tenda ; vers le
sud, il contourne les plateaux de Fouta-Djallon où il ne se
rencontre que sur le flanc nord (un peu dans le Labé et seule-
ment dans la région ouest) ; il n'existe pas à Timbo, mais seu-
lement plus au nord, de même sa présence n'est pas signalée
au Sierra-Leone^ ni dans la République de Libéria ; peut-
être cependant sera-t-il trouvé dans la région extrême de cette
dernière possession à la frontière de notre Guinée, car il est
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— 53 -
signalé comme assez abondant à Kissidougou et dans le district
de Beyla.
Les régions de croissance maximum sont : le pays des Din-
guiraï, la région du Haut-Tankisso, celle de Kouroussa sur le
Niger, de Kankan, Bissandougou et Beyla, ces dernières sont
tributaires des affluents du Haut-Niger.
Sénégal^ Haut-Sénégal et Niger. — On sait que Mungo-
Park a rencontré le Karité pour la première fois le 23 juillet
1796 entre Ségou et Sansanding sur le Niger, et Tarbre y est
encore commun de nos jours. Ce voyageur assignait à la plante
comme limite occidentale la ville de Toutaconda, dans le désert
de Tenda ; elle est un peu plus reculée, comme on vient de le
voir par Tobservation du D*" Maclaud.
Ranço' Ta rencontré très abondant, surtout dans les plaines
de Sillacounda, de Médina-Dentilia, puis aussi aux environs de
Diengui, Dikkoy, etc., sur la Haute-Gambie, au 15° degré de
longitude ouest ; il est également commun, d'après cet auteur,
dans le Badon, chez les Niocolos ; il le signale également comme
très répandu dans la steppe soudanienne de la vallée de la
Falemé.
Les premiers arbres apparaissent sur le Sénégal entre Médine
et Bafoulabé, vers Dinguira, il est très commun chez les Bam-
baras, dans le Bélédougou, le F'ouladou, le Guénié, le Kalari,
(Vuillet), jusque dans le Macina où il atteindrait environ et par
plages le 16° degré de latitud(», sa limite nord extrême, car il
n'existe pas à Gamdami au sud de ïombouctou.
Il n'existe pas en revanche dans le Kaarta au nord de Bafou-
labé et jusqu'au Baoulé, non plus dans le Nioro.
Les marchés principaux sont donc Kita, Bammako, Sansan-
ding, Ségou, Djenné, Mopti, Say, Zinder-sur-Niger, etc.
Aux environs de Djenné, d'après le colonel Viard, il existe-
rait plus de 160.000 pieds de Karité.
Dans la Haute- Volta, on l'exploite presque partout et sur une
grande échelle dans les cercles do Koutiala, Sikasso, Bobo-
Dioulasso, les provinces du Mossi (Kipirsi, Gourounsi).
Côte d'hoire. — Très abondant au territoire de Kong
(ViARD , il ajiparaît chez les Baoulés aussitôt la foret vierge, un
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— 54 -
peu au-dessous du 8* paralèle. Les quelques échantillons,
stériles pour la plupart, que l'on rencontre dans le Baoulé
deviennent plus nombreux vers Bouaké, mais rares encore dans
le Djamala, à Boudoukou, à Séguéla, mais dans le district de
Touba, Odjenné, à la frontière du Libéria et de la Guinée où
nous l'avons signalé comme très abondant, surtout dans les
régions de Beyla et Bissandougou.
Le cap. A. E. S. (1) dit que le Karité croît spontanément
dans l'est de la Haute Côte d'Ivoire, et qu'il est susceptible
d'une certaine culture ; on l'entretient comme un arbre fruitier
en France, sur la rive gauche du Bandama.
Togo, — D'après le comte Zegh, le Karité n'existe plus au
sud de 6** 18 dans la région sud-ouest du Togo et 6** 42 vers
le sud-est.
Dahomey. — La limite extrême est ici bien descendue vers
le sud, et, peu au nord d'Abomey, le Karité fait son apparition
pour être commun à partir de Savalou vers le 8* degré de
latitude.
Le Kolatier (Cola acuminata R. Br.) ne dépassant guère le
7* degré, ici comme en général partout ailleurs, sa zone d'ex-
tension n'atteint jamais vers le nord, la limite sud du Butyros-
permum.
LiOTARoditque, dans le Borgou (10* latitude), cet arbre pousse
tout seul dans la brousse et y atteint les proportions des plus
gros chênes de France ; les marchés principaux sont Péreré,
Nikki, Parakou. Borelli ajoute qu'il est commun dès Savalou ;
il vit dispersé en îlots à Carnotville, d'après le commandant
TouTÉE, et il serait abondant sur tout le 9® parallèle en allant
de Carnotville vers le Niger.
Nigeria. — L'arbre commence à être assez répandu à partir
du confluent de la Bénoué, vers Lokodja (col. Viard) et reste très
abondant dans la vallée de cet affluent du Niger (Mizon). Au
nord, on ne le trouve plus dans le Bornou, cependant a l'ouest
Barth le signale à Katsena.
(1) Gap. A. E. s. — Notes sur la Haute Côte d'Ivoire. BulU Soc. Géog, cotnmer-
cUOê. 1906, XXVin, n* 5, 304.
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— 55 —
Cameroun, — Rencontré par Bahth et signalé par bon nombre
d'autres voyageurs dans i'Adamaoua, sa limite doit s'étendre
entre les (î*" et 11^ degrés de tatitude.
Congo français, — L'optimum de croissance du Karité nous
est donné par Chevalier entre les S'' et 9® degrés de latitude.
Dybovvski avait signalé sa présence dans le Haut-Congo
(Oubanghi), et nous savons que Chevalier considère cette
essence comme Tune des plus caractéristisques du bassin du
Chari, entre les 7* et 9® parallèles ; très abondant également
dans le pays de Snoussi, au bord du Mamoum tout spéciale-
ment.
Au nord, dans le Bas-Cliari, encore abondant aux monts
Niellims, il disparait dans le Baguirmi, le Bornou. La limite
sud extrême est Fort-Crampel, mais toutefois les graines
envoyées fi Krébedjé (Fort-Sibut) par les soins de Chevalier,
ont parfaitement germé dans le jardin botanique qu'il avait
créé et que dirigeait îivait tant de sollicitude le malheureux
Martret, qui y contracta la maladie qui devait l'enlever à son
retour en Europe.
Région du Nil, — D'après Schweinfurth, le Karité est abon-
dant au Djour, chez les Bonjos, les Dinkas, il descend jusqu'au
dessous du 6*' ])arallèhî et devient très rare chez les Niams-
Niams. Il est également signalé à (iondokouro sur le Nil blanc
ou Bahr-el-Djebel, dans l'enclave de Lado.
C'est là sa limite sud extrême en Afrique tropicale, c'est-à-
dire vers le 4* degré de latitude nord.
Barth et le D*" Irwing le signale à Nype-eba, Abbeokuto
dans les pays du Nil, le Madi, Gondokoro, Kosanga, Djour,
etc.
En un mot, il est endémique dans toute la zone soudannaise,
du Soudan français au Soudan égyptien.
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CHAPITRE IV.
Produits du Karité: Fruit, Qraine, Latex, Bois.
Le Karité, surtout utile à cause de sa graine grasse, donne
aussi à Talimentation la pulpe de son fruit, à l'industrie le pro-
duit coagulé de son latex (fig. XII), à Tindigène son bois, quand
il est âgé. Quelques mots sur ces différents produits.
Description du fruit et de la graine, — Le fruit. Ci dé
(en mandingue), est une baie charnue ressemblant à une
prune de nos pays, ou rappelant également nos abricots, sphé-
rique ou ellipsoïde, jaune verdâtre tirant plus ou moins sur le
noir-verdâtre à la maturité, pubescente à Fétat jeune dans cer-
taines variétés. Il mesure de 4 à 5 cm. de longueur sur 3,5 à
4.5 de diamètre transversal. Cette drupe est pourvue d'un
pédoncule rougeàtre de 25 à 30 mm. A la base du fruit persistent
les huit divisions du calice. Ils sont au nombre de 6-8 par
rameau sur les plants vigoureux et en plein rapport.
Le péricarpe charnu renferme de 1 à 2 (1) graines, et le plus
souvent une seule qui est alors ovoïde. Quand il y a deux
graines, elles sont aplaties sur la face commune. Elles mesu-
rent, en général, environ 35 mm. sur 25 de largeur, et du poids
moyen de 5 grammes.
La coque est très mince, luisante, ligneuse, de couleur variant
du jaune brun au châtain ; elle est marquée d'un large hile
plus ou moins cordiforme gris et rugueux et renferme une
amande riche en latex et en matière grasse. A l'extrémité supé-
rieure du hiie, on constate la présence d'un faisceau fibreux,
reste du faisceau libéro-ligneux du funicule.
(1) VuiLLET. — Etude du Karité. Paris, iQ(H. André, ëdit., p. 15.
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- 57 —
Récolle. — La pleine maturité des fruits se fait vers la
mi-juin et les vents des tornades les font tomber en quantité.
Les indigènes les ramassent et laissent un certain nombre
devenir blets ^ car ils affectionnent particulièrement la chair des
fruits qui est désagréable aussitôt cueillie, mais excellente
quelques jours après. Pour cela, ils abandonnent ces fruits
dans un trou fait dans le sol, ou dans un vase de terre pendant
quelques jours.
Chevalier, nous Tavons vu, n'hésite pas
à classer la pulpe du fruit du Karité parmi
les meilleurs comestibles ; c'est, dit-il, le
meilleur fruit du Soudan, bien qu'il y ait peu
à manger dans chaque fruit, la graine occu-
pant la plus grande partie de son volume.
Les uns, disent que la chair est meilleure
Fie XII —Graine de ^^^1"^ ^^^ ^^^ blette, à la façon de nos nèfles ;
Kaiité, de forme les autres, que le fruit a la saveur deTabricot
oToXde (unpeuré- Q^ jg certaines variétés de prunes.
A la vérité, il nous semble que le fruit du
Karité n'est véritablement bon à manger, que lorsqu'il est
complètement miu\ sinon, il doit être acre et astringent.
De même, l'amande destinée à la fabrication de la graisse
alimentaire devra, autant que possible, parvenir de fruits bien
mûrs pour éviter que celle-ci ne renferme des produits secon-
daires dont la présence enlève évidemment beaucoup à sa qua-
lité.
Mais c'est néanmoins le beurre qui constitue le principal
produit de cet arbre.
Ce beurre, obtenu par extraction à l'eau bouillante, a toujours
un goût assez prononcé et désagréable qui disparaît, soit par
ébullition prolongée, soit en projetant, comme le font les nègres,
de l'eau froide dans le corps gras porté à un point voisin de son
ébullition.
Cette matière grasse, par la quantité assez considérable
d'acide stéarique qu'elle renferme, peut acquérir également une
importance assez grande dans l'industrie de la bougie et du
savon.
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- 58 —
Les fruits destinés à la fabricatiou du beurre, sont, ou bien
séchés au soleil, ou, la plupart du temps, enfouis dans le sol,
pour que la fermentation de la pulpe s'opère et mette les noyaux
à nu. Les graines sont alors séchées dans des grands vases de
terre (canaris) et prêtes pour la torréfaction et la fabrication du
beurre.
D'après Heckel (1), les variations de poids des graines du
Karité atteignent de 5 à 11 gr. environ, et la proportion du
tégument, par rapport à Tamande, est de 1 à 3 environ. Cazal-
Bou donne, pour les 2 variétés, les chiffres suivants :
VARIÉTÉ
Proportion
du
péricarpe
0/0
Proportion
de
Tamande
0/0
Nombre
de
graines au
kilo
Proportion
de beurre pai
rapport aux
graines 0 o
Ci diona. . . .
Ci kosa
52
60
48
40
120
150
26
38
La récolte des fruits qui commence ainsi avec Thivernage
dure jusqu'en septembre, tout au moins dans le Haut-Sénégal
et le Moyen-Niger.
Ce sont les femmes et les enfants qui, journellement, dans la
forêt, surtout après les orages ou les tornades, rapportent au
village de grands paniers ou calebasses remplis des fruits que
le vent a fait tomber. Ils les serrent dans des trous cylindriques
que Ton rencontre, çà et là, dans les villages bambaras, au
milieu même des rues et places.
Répétons qu'il est nécessaire de recueillir les fruits bien
milrs, car, si on les cueillait avant la maturité, ils renfer-
meraient une proportion de latex plus élevée qui enlèverait
quelque chose à la qualité et à la quantité du beurre extrait.
Voici, à titre de document, l'étude chimique de la graisse,
(1) Heckel. — Sur Tarbre africain qui donne le Beurre de Galam ou de Karité .
Rev, cuit, colf 1897, n® 6, p. 198.
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— 59 —
telle qu'elle fiit remise par Schlagdenhauffen à Heckel, et
publiée en 1897(1):
l*" La graine râpée est exposée à Tétuve à 111** pendant 4
heures, jusqu'à ce que deux pesées successives n'accusent plus
de différences. On obtient, de la sorte, la quantité d'eau d'hy-
dratation ;
V On Tépuise par l'éther de pétrole pour enlever la matière
grasse et Ton cesse de faire fonctionner l'appareil quand le
liquide provenant de l'allonge est entièrement décoloré. La
solution pétroléique du ballon est jaune* paille. Evaporée au
bain-marie, elle se colore davantage, mais fournit après refroi-
dissement une masse solide légèrement ambrée. Le poids du
corps gras est donc le deuxième résultat de l'analyse ;
3** A cet épuisement par l'éther de pétrole, on en fait suivre
un deuxième par l'alcool. Le liquide, fourni par cette opération,
est rouge brun et contient du tannin en grande partie ainsi que
du sucre réducteur, il ne renferme pas de produits alcaloï-
diques.
En effet, les iodures doubles n'y produisent pas de précipité,
le phospho-molybdate de sodium et le cyanoferride de fer
fournissent, le premier, une coloration bleu vert très foncé, le
second, un précipité bleu intense, réactions qui permettent de
soupçonner la présence du tannin, et que corroborent les suivan-
tes : réduction immédiate du permanganate de potasse ; réduc-
tion lente du nitrate d'argent seul et rapide quand il est addi-
tionné d'une trace d'ammoniaque ; réduction immédiate du
chlorure d'or et précipité abondant par les sels plombiques. Cet
extrait alcoolique, repris par l'eau, traité par l'acétate triplom-
bique, fournit un précipité qui est jeté sur filtre. On ajoute, au
liquide de (iltration, du sulfate de soude et Ton examine la
solution au moyen du réactif de Bareswill. Le précipité rouge
indique la présence du sucre.
« Nous n'avons pas cherché, dans ce résidu de l'épuisement
par l'alcool, d'autres principes de constitution. Qu'il nous suffise
donc d'indiquer que le poids de l'extrait alcoolique comprend du
tanin, du sucre et d'autres principes restés indéterminés.
4** En faisant bouillir dans l'eau le résidu de l'opération
(1) HiGKEL. Rêv, «ull. co\.^ loc. cit.. p. 232.
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— 60 —
précédente, on obtient un liquide plus foncé que le précédent.
Ce liquide ne renferme ni tannin ni sucre, mais seulement de la
gomme et de la matière colorante.
5** Le produit d'épuisement brun, mais ne cédant plus rien à
Teau, est consacré à deux opérations : l'une, pour y déceler la
présence de matières albuminoïdes, et l'autre, pour connaître le
poids des sels fixes et les matières ligneuses par diflférence.
« L'ensemble de nos déterminations quantitatives nous permet
donc d'établir de la façon suivante la composition immédiate de
la graine.
Eau hygroscopique 6 72
Epuisement par Téther (corps gras) 45 36
— alcool (tannÎD, sucre, etc.) 12 60
j mucilage, mat. col 13 58
~ ^^ i selsfixes. 4 82
Traitement par chaux iodée : mat. alb. insolubles 10 25
Incinération : sels fixes 0 18
Ligneux et pertes (par différence) 9 49
100 »
Le rondement obtenu, par les indigènes, en beurre, est très
différent ; cela tient à leurs méthodes rudimentaires.
C'est ainsi que Chevalier dit que 36 kg. de fruits ont donné
2 kg. de beurre, soit 1/18 ou 5,5 % ; nous trouvons, d'autre
part, que 1 kg. de noix donnent environ 125 gr. de beurre soit
1/8 ou 12,5%.
D'autre part, Cazalbou donne comme rendement : 5 kg. de
fruits = 2 à 2 kg. 400 amandes = 625 à 750 grammes de
beurre.
Aucune autre recherche véritableyient sérieuse et complète
n'a été faite jusqu'alors sur ces graines, et il y a évidemment
beaucoup de points obscurs ; en revanche, les publications sur
la Graisse ou Beurre de Karité sont assez nombreuses et nous
consacrerons un chapitre spécial à son étude.
11 eu sera de même pour le latex qui est susceptible de
fournir un produit concret, désigné sous le nom de Gutta-Ci
ou Gutta de Karité. On avait espéré pouvoir l'utiliser
comme produit succédané de la Gutta-percha, se basant évi-
demment sur la place systématique du Karité dans la même
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— 61 — ,
famille végétale des Sapotacées ; la suite de cette étude mon-
trera comment cet espoir a été déçu.
Le Bois de Farbre est également utilisé par les indigènes : sa
densité est de 1,12 ; ils s'en servent comme bois de charpente
ou pour en faire du charbon de bois. Il est de couleur rougeàtre,
dur et très lourd ; malheureusement il est facilement attaqué par
les insectes.
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CHAPITRE V.
De la graisse de Karité.
S 1. — Généralités. — Historique.
Dans Texposé historique général, nous avons reproduit les
notes les plus importantes sur l'utilisation de ce corps gras qui
sera sans doute bientôt un produit industriel de grande valeur.
Nous allons maintenant passer en revue les recherches dont il
a été Tobjet.
La première communication, vraiment intéressante, fut faite
par GuiBOURT, en 1825, à l'Académie royale de médecine et de
pharmacie (1). « Le Beurre de Galam, dit-il, est un huile végé-
tale concrète, blanche comme du suif en pain, mais plus onc-
tueuse, venant d'Afrique. Son odeur et sa saveur se rapprochent
de celle du Beurre de Cacao. Dissoluble à froid dans l'huile de
térébenthine et dans Téther, elle Test très peu dans Talcohol
même chaud... ».
On croyait à cette époque que ce produit provenait de VElœis
guineensis h. ou Palmier Avoira ; mais Guibourt, d'après l'exa-
men de la pulpe sucrée et les indications fournies par Mungo
Park, pense, avec Virey, que le Beurre de Bambouck
et le Beurre de Galam sont des produits identiques, issus
d'un même arbre de la famille des Sapotacées et appartenant au
genre Bassia,
Quelques années plus tard, A. Bouchardat (2) a publié des
notes de Vauquelin, dans lesquels l'auteur étudie des produits
recueillis sur les lieux par Le Prieur et Masson, attachés à la
(i) Journal de Pharmacie, 1825, 2« série, XI, 472.
(2) Journal de Pharmacie et des Se, accessoireSy 1890, 2* s., XVI, 5B-57.
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— 63 —
colonie française du Sénégal. La description qu'il donne
d'après leurs échantillons, de cet lUipé butjrreux semble
bien se rapporter au But, Parkii^ mais il ne peut faire cesser
l'incertitude au sujet de la détermination de l'espèce.
« La graine étant brisée, dit-il, on trouve une amande con-
sistante, d'une saveur astringente et d'une couleur rougeàtre ;
au moyen de l'eau bouillante, on en extrait facilement les trois
quarts de leur poids d'un produit gras solide, d'une saveur
douce et aromatique, ayant quelque chose de la muscade et du
cacao et d'une grande blancheur.
« Le liquide dans lequel les graines avaient bouilli avait une
couleur rougeàtre, une saveur astringente ; il contenait de l'acide
gallique et du tannin.
« Le produit gras se saponifie complètement, se conserve
très bien, car du beurre préparé sur les lieux était aussi bon
que celui que nous avons extrait. Si la culture de l'arbre qui
le produit était facile, l'importation pourrait en être avanta-
geuse.
« M. Masson, chargé du Laboratoire de chimie au Sénégal,
a fait quelques essais dans le but de substituer les graines de
rillipé au Cacao; il avait joint divers échantillons de ces pro-
duits, mais l'usage seul décidera si cet emploi peut être avanta-
geux. Nous avons cru convenable, si ces essais devaient; être
continués, qu il serait essentiel de diminuer, par quelque moyen
facile, la proportion du principe astringent dont la saveur est
trop dominante. »
Il était intéressant de rapporter ces notes écrites au commen-
cement du siècle dernier par ces savants, car la question en resta
là pendant plus de cinquante années, malgré les récits toujours
favorables des nombreux explorateurs africains, pour être reprise
seulement à l'époque de pénétration soudanienne, après 1882.
Dans cet historique, nous ne citerons point les ouvrages
classiques ou dictionnaires d'histoire naturelle ou de botanique
médicale, qui rééditent tous les mêmes renseignements (1), les
mêmes erreurs ; nous continuerons à nous adresser uniquement
(1) Mbrat et DE Lens. — Dict. Mat. méd., 1829.
Deghambre. — Dict. encyclop. des Se. nat., 1889, 4« s., XV, 557.
Moquin-Tandon. — Bot. m^cale, 408.
GuiBOURT et Planghom. — Hist. nat. des Drogues simples, 7* éd., II, 596,
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— 64 —
aux mémoires originaux. Citons toutefois une note de M. Holmrs
le distingué conservateur du Musée de la Société de pharmacie
de Grande-Bretagne qui, en 1879 (1), réunit en un article tous
les détails qu'il put se procurer, et desquels nous extrayons une
analyse de Oudemans disant que le Beurre de Karité est un
mélange de 70 % d'acide stéarique et de 30 ^/o d'acide oléique,
sans acide palmitique. Pfaff confirme ce détail et dit que le
point de fusion est différent suivant les auteurs : Holmes ajoute
que, en 1867, T Angleterre en importait 70 tonnes et en 1878,
300 à 600 tonnes.
C'est donc seulement en 1883, que parut une étude vraiment
digne de ce nom, sur la graisse de Karité. Elle est due à
Baucher, pharmacien de la marine (2), qui insiste tout d'abord
« sur la nécessité d'adopter définitivement l'appellation ci-des-
sus qui est à peu près la seule employée aujourd'hui au Sénégal:
et, ajoute-t-il, nous ne saurions trop engager à rejeter l'ancienne
dénomination de Beurre de Galam, qui peut donner lieu à une
confusion regrettable. On désigne en effet aussi sous ce dernier
nom un beurre d'origine animale, que les Maures apportent sur-
tout pendant la traite et qui, du reste, sert à peu près aux
mêmes usages. »
Cet auteur relate avec soin l'aspect extérieur de l'arbre, qui
croît dans les terrains argilo-siliceux, schisteux, ferrugineux,
rocailleux et crevassés des plaines du Haut Sénégal vers le
Niger.
Après avoir donné les caractères extérieurs de la plante, de
ses fleurs et de ses fruits, il ajoute (3):
« On ne fait pas, à proprement parler, de récolte de ce fruit,
mais chaque matin les femmes et les enfants vont ramasser les
fruits tombés pendant la nuit et à la suite des tornades assez
fréquentes aux mois de juillet et août, époque à laquelle ils en-
trent en pleine maturité.
« On rejette ceux qui sont incomplètement mûrs ou trop
(1) Holmes. — Notes on Shea Batter. Pharm, Journ,, London, 1879, IX, 818
et 829.
(2) Baucher. — Etude sur le beurre de Karité. Arch. de méd. navale, 1883, XL,
372-378.
(3) Nous avons extrait ce qui va suivre, in extenso, do travail de M. Baucher, qui
a mis la question admirablement aa point.
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~ G5 —
avancés. Les procédés d'extraction eu usage pour robtentiou
de ce beurre végétal sont assez primitifs, quoique souvent fort
longs et laborieux et reposent tous, plus ou moins sur l'emploi
de Teau bouillante; ce travail est naturellement confié aux
femmes, qui y emploient une partie de la saison sèche. »
Il donne ensuite le procédé le plus généralement employé et
qui les résume à peu près tous, nous y reviendrons plus tard,
de même que sur les caractères et usages du produit.
C'est dans ce même travail qu'on trouve faite en France la
première analyse de la graisse de Karité ; elle émane du Comité
de l'Exposition permanente des colonies.
£au 820p.t00
Impuretés 180 —
Graisw 090 —
Par la saponification on obtient (produit débarrassé de son eau
et de ses impuretés) :
Acides gras solides 50 10 o/o
— liquides 35 40 « «
Glycérineà28o Baume 9 68
104 18
Cette augmentation de poids est due à la glycérine qui, en se
séparant du corps gras, fixe un poids d'eau égal au sien.
Par la saponification, pendant les premiers temps, le produit
exhale une odeur agréable semblable à celle du beurre de lait
de vache. Les acides gras solubles ont un point de fusion de 49^8.
C'est donc à partir de cette époque que Ton est vraiment bien
renseigné sur la valeur de cette graisse ; aussi nous allons as-
sister à de nombreux efforts faits en vue de sa vulgarisation,
et si aujourd'hui, comme on le verra dans la suite de cette
étude, elle n'a pas encore pris dans l'industrie la place à laquelle
elle est en droit de prétendre, cela tient uniquement, croyons-
nous, aux difficultés de son transport à la côte à des prix abor-
dables.
S IL*— Préparation de la graisse de Karité.
Les procédés d'extraction en usage pour l'obtention de ce
beurre végétal sont assez primitifs, car jusqu'alors la prépara-
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— 66 —
tion du produit qui est à peine exportée est restée entre les
mains des indigènes, qui emploient les procédés les plus rudi-
mentaires. Malgré les quelques variations qu'ils présentent avec
les différentes peuplades, on peut les résumer ainsi (1) :
Les fruits sont d'abord débarrassés de leur partie pulpeuse
en les enfouissant en terre pendant un temps variable, comme
cela se pratique pour les cacaos, dits terrés. La fermentation ne
tarde pas à laisser en état de liberté les coques protectrices de
l'amande (2). C'est la première phase de l'opération, au début
de laquelle on a eu soin de rejeter les fruits incomplètement
mûrs ou trop avancés.
La seconde partie consiste dans la dessication complète de
ses coques qu'on commence au soleil et qu'on termine généra-
lement dans de petits fours en terre chauffés légèrement, ana-
logues à ceux qu'on rencontre à l'entrée de chaque case bam-
bara.
Lorsqu'elles ont perdu leur humidité, on les sépare mécani-
quement de la semence qu'elles contiennent. Cette semence est
ensuite légèrement chauffée, puis réduite en pâte, soit à l'aide
de pilon, soit à l'aide de pierres. Cette pâte est alors portée
dans de l'eau maintenue à l'ébuUition. Le corps gras vient nager
à la surface et les impuretés gagnent le fond. Après refroidis-
sement, on enlève le beurre et on le bat pour chasser une partie
de l'eau emprisonnée dans ce traitement. Il en reste encore
néanmoins environ 8 p. 100. On en forme ensuite des pains, de
1-3 kg. , qu'on entoure de feuilles et auxquels on donne à peu
près la forme et la dimension de nos pains de munition.
« Il est évident, écrit ce même auteur (il y a par conséquent
bientôt 25 années) que le procédé qui consisterait à réduire les
semences en pâte, dans un mortier chauffé et à exprimer ensuite
cette pâte entre deux plaques de fer étamées et préalablement
échauffées à l'aide de l'eau bouillante, serait de beaucoup supé-
rieur: mais nulle part il n'est encore employé. »
Rançon (3), donne des renseignements identiques :
Après avoir laissé pourrir les fruits, on retire les noyaux que
(1) Bauchir. — Loc. cit,, p. 375.
(2) n peut y avoir également intervention des insectes, comme le dit Ghbvauer.
(3) Rançon. — Loe. dt., p. 249.
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- 67 —
Ton fait sécher et griller dans un four d'argile. La coque étant
enlevée, on pile les amandes, de façon à former une pâte bien
homogène. « Cette pâte est plongée dans Teau froide où on la
laisse pendant 24 heures, puis battue, pétrie et tassée en forme de
pain, enveloppée de feuilles et bien ficelée. Ces pains sont sus-
pendus dans rintérieur des cases et peuvent aussi se conserver
pendant longtemps. »
Il y a là une erreur ou une omission, comme cela se présente
assez fréquemment dans les comptes-rendus de cet observateur;
les pains de Karité sont certainement de la graisse extraite par
Teau bouillante ou par pression, car ils ne renferment pas de débris
végétaux comme on en trouverait si la masse était constituée par
des pains d'amande broyées, même après malaxage dans Teau.
FiG. XIV. — Karité. — Triage des noix au Soudan (ces trois figures ont été repro-
duites d'après des cartes postales envoyées par M. le D' Conan des troupes colo-
niales à Dakar).
Hegkel, en 1885, reproduit comme nous la méthode de pré-
paration décrite par Baucher, le travail de cet auteur étant
absolument digne de foi, comme Tout confirmé tous les rensei-
(1) Hegkel. — Loc, ctf., La Nature^ p. 371.
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— 68 —
nements recueillis dans la suite par les divers explorateurs de
la région soudanienne.
Voici maintenant, d'après le comte Zech (1), quelle est la
méthode employée au Togo :
« Les graines sont mises à sécher au soleil, jusqu'à ce que
la partie intérieure se soit détachée de l'enveloppe, puis l'indi-
gène brise cette enveloppe et enlève le noyau. Pour la prépara-
tion du beurre, les indigènes de Kratschi font rôtir les graines
dans une sorte de capsule munie de très nombreux petits trous
que l'on place au-dessus du feu. Pendant ce rôtissage, on
retourne constamment les graines à l'aide d'une sorte de spa-
tule en bois.
i^zk ^^
^
mm
h jj^^
FiG. XIII. — Préparation du Beurre de Karité. — Torréfaction et pilon-
nage des amandes de Karité an Soudan.
« Dans le Djagomba, les indigènes emploient un four cylin-
drique en terre glaise, à la base duquel se trouve une ouverture
pour le foyer ; à Tintérieur, un peu au-dessus de la moitié de
la hauteur se trouve un gril constitué par des bâtonnets de
(1) Zech.— Le Karité au Togo. Tropenpflanzer n* 9, 4903. Eit. in Rev.cuU, col.,
8« année, XIV, 4904, n» 141, 44-45.
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— 69 -
bois séparant la partie supérieure de la partie inférieure ; le
feu est allumé dans la partie inférieure pendant que les noix
sont amenées dans la partie supérieure.
« Le rôtissage dure jusqu'à ce que la graisse commence à
perler à la surface de» noyaux ; ceux-ci sont alors piles dans
un mortier de bois et réduits en masse pâteuse. (]ette dernière
est bouillie dans des chaudrons avec de Toau et la matière
grasse vient nager à la surface où elle est recueillie à.Taide
de calebasses. Le beurre de Karité, préparé dans un but com-
mercial, est après refroidissement mis en pains et entouré de
feuilles.
FiG. XV. — Fabrioation du Banrre de Karité. — Le bearre est décanté et
coulé dans des calebasses.
« Cette préparation exige \xnv grande main d'œuvre, par
suite une perte considérable de temps et aussi de matières
utilisables. Il serait à désirer que Ton puisse introduire une
préparation plus rationnelle qui permettrait d'utiliser les résidus
qui actuellement sont jetés.
« Le colonel Viard (2) donne une méthode un peu différente.
(2) Viard. — La préparation et le commerce du beurre de Karité au Sou<lan
français. Rev. culL col. 1399, V, u» 41, 304-906.
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— 70 —
Chaque année, dit-il, la récolte des fruits a lieu en juin aux
approches de Thivernage. Chaque famille indigène se contente
de ramasser ou d'abattre les noix qui lui seront nécessaires
pendant le cours de Tannée. La fabrication du beurre n'est pas
spécialisée entre les mains de certains indigènes. Chacun
travaille pour soi. La récolte toute entière n'est jamais utilisée
en même temps. Les indigènes tiennent à se ménager pour
toute l'année la graisse dont ils auront besoin. Cette graisse,
en effet, au contact de la chaleur devient rance, il est donc
nécessaire de n'en fabriquer qu'au fur et à mesure de la con-
sommation. Pour conserver les noix, les indigènes déposent ces
noix avec le péricarpe et les recouvrent de terre. Elles peuvent
ainsi se conserver toute l'année.
La préparation du Karité est très simple, mais les moyens
rudimentaires employés la rendent longue et pénible. Elle est
la même partout.
Les fruits ou amandes sont, après la récolte, débarrassés de
leur brou. On les expose ensuite au soleil pendant 2 ou 3 jours,
puis on les écrase soit avec un pilon, soit entre deux pierres
plates. Les fragments sont séparés des débris d'écale et piles
une première fois. Les femmes sont chargées de ce travail.
Ainsi broyée, la matière sébacée est mise à sécher pendant
deux jours environ sur des nattes, puis soumise à deux nou-
veaux passages au pilon sép<irés par une cuisson dans l'eau
jusqu'à ébuUition complète.
A la fin de ces opérations, on obtient une sorte de pâte peu
compacte, laquelle est versée dans de grandes calebasses rem-
plies au préalable d'un peu d'eau chaude. Cette pâte est ensuite
battue vivement à la main. Il se forme une mousse qu'on
recueille et qu'on fait bouillir dans une marmite pendant un
temps variant de 12 à 24 heures.
Le liquide épais et noirâtre qui s'est déposé au fond des
calebasses est traité de la même façon, mais dans un vase
séparé.
Après la cuisson, la graisse surnage ; on la recueille en l'écu-
mant avec de petites calebasses à manche et on la verse dans
un nkûpient. La matière sébacée se fige, nu fur et à mesun»
qu'elle refroidit et donne le beurre dit de Karité.
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— 71 —
« Le produit obtenu contient certainement beaucoup d'impu-
retés qu'on pourrait éviter en filtrant la masse graisseuse à
Tétat liquide. Il serait nécessaire en outre, de ne pas mélan-
ger comme le font les indigènes la matière végétale issue de la
mousse et celle provenant des résidus non moussus. La qualité
et la pureté sont à des degrés différents dans les deux cas.
« Le travail assez long qu'exige la préparation ainsi faite
par les indigènes, l'apathie de ces derniers et leur idée de ne
travailler juste que pour satisfaire leurs besoins personnels font
qu'ils s'intéressent peu au commerce du Karité : aussi ce
produit est-il assez rare sur les marchés et coûte-il assez
cher». •
G. Brousseau (1) donne quelques détails complémentaires
sur la façon de procéder des indigènes du cercle du Bourgou au
Dahomey :
« La récolte se fait en juin. Le fruit est vert, de la grosseur d'un
abricot. Les indigènes mangent la peau et la pulpe qui enve-
loppent la graine de forme ovoïde et de la grosseur d'une châ-
taigne. On laisse sécher les graines pendant deux mois dans
les cases au-dessus des foyers pour les préserver des insectes.
« Au mois d'août, on casse les graines insuffisamment déhis-
centes entre deux pierres et l'on enlève la peau de cette graine
analogue à une peau de châtaigne. On grille à petit feu les
amandes pour les durcir. Ensuite on les brise entre deux roches
de granit faisant office de meule. Les femmes, à genoux, pen-
chées en avant, tiennent à deux mains une roche plate qu'elles
meuvent sur une autre plus large fixée dans le sol et, avec un
mouvement alternatif d'avant en arrière et vice versa^ exécutent
ce travail très pénible.
« On met la poudre ainsi obtenue qui a Taspect du café
moulu dans des sacs qu'on fait bouillir ensuite dans de grandes
jarres pleines d'eau pendant 6 heures. On retire le sac et son
contenu bouillant qu'on dépose dans une grande calebasse. On
décante avec soin le beurre qui flotte à la surface de l'eau de
la jarre et on obtient ainsi un beurre de première expression^
comestible (couleur et aspect du beurre ordinaire), qui sert à
(1)G. Brousseau.— Extrait d'un rapport à M. le gouverneur Liotard. Agr, pratique
des PayS'Chaudê, 1902, II, n» 9, 360.
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— 72 —
la cuisson des aliments.. Mon cuisinier a pu me faire manger
des bifleacks cuits avec ce beurre de première qualité, sans que
je m'en aperçoive. On presse et on tord ensuite le sac et son
contenu suffisamment refroidis et on obtient un beurre de
seconde expression^ plus foncé de couleur qui sert à Véclai^
rage ; on fait même rebouillir le contenu du sac préalablement
séché après une première expression pour en obtenir un beurre
de troisième expression qui est mélangé avec celui de la
deuxième.
« Le beurre de première qualité reste comme provision dans
les familles aisées et on le voit assez rarement sur les marchés^
c'est ce qui explique que le beurre d'exportation est toujours de
qualité inférieure (2® expression) ».
Nous extrayons également du livre de François (1) la note sui-
vante :
« Lorsque le fruit atteint sa maturité, il tombe ; la pulpe ne
tarde pas à pourrir et l'amande apparaît. Les amandes sont
ramenées et mises à sécher pendant une quinzaine de jours puis
battues pour enlever l'écorce. Les amandes sont ensuite broyées
et grillées, après quoi elles sont soumises à un nouveau
broyage au moyen de deux pierres. On obtient ainsi une masse
pâteuse, sur laquelle le beurre perle. Cette pâte est décantée,
puis, après avoir été additionnée d'eau, est placée dans une
marmite doucement chauffée. Le beurre liquide de couleur
brune monte à la surface. En refroidissant, il présente un aspect
jaunâtre.
« La valeur de ce beurre de Karité est y sur place, d'environ
cinquante centimes. Il pourrait donner lieu, si toutes les
amandes étaient recueillies, à un trafic important ». •
En somme, la préparation est des plus primitives, elle se fait
par l'intermédiaire de l'eau bouillante après pilonnage grossier.
Il est évident qu'il y a aussi une assez grosse quantité de
matière grasse non utilisée et restant dans les grumeaux.
D'autre part, le point de fusion assez élevr» (vers 30®"» de la
(I) Loc. ci/, p. 58.
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- 73 —
matière rend cette intervention nécessaire, du moins pour les
indigènes.
Industriellement, l'extraction à Taide de placpies chauffées et
par tout autre procédé raisonné donnerait sans doute un excel-
lent résultat.
Toutefois, on doit faire remarquer que le grillage que certaines
tribus font subir aux amandes a peut-être son utilité, car il ne
faut pas oublier que cette graine renferme du latex qui, coagulé
par la chaleur, ne saurait souiller la graine obtenue ensuite.
VuiLLET et Chevalier nous ont dit que la graine, non com-
plètement mûre, devait renfermer une certaine quantité de
matière guttoide et les essais faits dans l'industrie corroborent
cette observation (l).
L'intervention du grillage doit coaguler toutes les matières
albuminoides et aider considérablement à l'extraction du
produit ; mais alors, cette chaleur employée sans méthode n'al-
tère-t-elle pas partiellement la matière grasse ? (2).
Signalons encore les divergences des méthodes signalées.
Dans certaines régions, les indigènes recueillent les fruits et les
font fermenter pour se débarrasser de la pulpe.
Dans d'autres contrées, les fruits sont séchés et concassés
ensuite, parfois même, ils sont enterrés afin de se conserver,
pour procéder à l'extraction de la matière grasse au fur et à
mesure des besoins.
Des essais raisonnes sont nécessaires dans nos usines de la
métropole, en partant de noix en parfait état de conservation,
afin d'obtenir un produit identique avec une méthode rigou-
reuse.
L'épuration semble assez délicate, sans doute à cause des
produits fournis par les laticifères de l'embryon ? D'autre part,
les procédés rudimentaires des indigènes laissent évidemment
une quantité importante de matière dans les résidus (plus de
10 %) et les traitements successifs et longs à l'eau bouillante
altèrent vraisemblablement le produit.
(1) MM. RoGCA, Tassy et de Roux, les industriels bien connas de Marseille, ont
pris à ce sujet an Brevet (n" 344, 368) ayant pour but d'extraire une matière gom-
meuse de la graisse de Karité.
(2) Aucune recherche n*a été dirigée dans ce sens.
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— 74 —
Les avantages d'un traitement rationnel et d'une extraction
complète compenseraient peut-être les frais d'envoi supplémen-
taires et il y aurait vraisemblement intérêt à faire venir les
noix séchées, comme on le fait pour les amandes de palmes ;
on doit encore remarquer que la noix est dans le cas du Karitë
très facile à briser et la coque, par conséquent, aisément sépa-
rable.
§ III. — Rendement.
Chevalier écrit dans ses notes que 36 kg. de fruits donnent
2 kg. de beurre, soit 55 gr. par kg. de fruits (5,50 p. 1000 envi-
ron) ou bien encore, que 500 gr. de noix rendent 61 à 63 gr. de
beurre, soit un peu plus de 12 %.
On voit combien est peu élevée la proportion de beurre
extrait, et quelle perte énorme, par rapport à la teneur en
matières grasses démontrée par l'analyse chimique.
Cazalbou (1) donne des chiffres un peu différents, car il insiste
sur la production des deux variétés du Karité : le Cl Diona
(Karité hâtif) et le Cl Kosa (Karité tardif).
Ci Diona : 5 kg. de fruits donnent 2 kg. 400 d'amandes
fraîches (120 au kilog.) qui renferment 625 gr. de beurre,
soit 26 %.
Ci Kosa : 5 kg. de fruits donnent 2 kg. d'amandes fraîches
(150 au kilog.) fournissant 750 gr. de beurre :
soit 37,5%.
La variété tardive fournirait ainsi un rendement de 12 7o
plus considérable. Nous croyons devoir faire ici quelques
réserves jusqu^à plus ample informé.
MM. RoccA, Tassy et de Roux ont répondu, à une question
posée par nous, que sur les graisses arrivées en coque il y
avait une proportion de 33 7o ^^ coques environ et 67 % d'a-
mande.
Traitées dans leur laboratoire, ces amandes ont donné :
Humidité Huile
P' échantillon 6.12 50.70
2** échantillon 8.71 46
( 1 ; Cazalbon. Répertoire de police sanitaire vétérinaire, Paris 1906, u9» 5, 75, 76.
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— 75 —
La teneur en huile, extraite par les procédés de laboratoire,
serait donc voisine de 50 % du poids de l'amande. Ce chiffre
est, d'ailleurs, confirmé par M. Milliau.
Le rendement en huile dans leur usine, sur un traitement de
40.000 kg. environ, n'est pas supérieur à 36 % ; il restait dans
les tourteaux de 9 à 10 % d'huile.
Ces quelques indications montrent qu'il y a encore des progrès
à faire pour obtenir le rendement total ; nous sommes heureux,
toutefois, de profiter de cette occasion pour remercier vivement
ces industriels, dont l'initiative hardie autant qu'éclairée est
bien connue, de leur amabilité constante à notre égard. Ils ont
été, croyons-nous, les premiers à s'occuper de cette question du
Karité et à en triturer une quantité importante, ce qui permettra,
sans doute, de fixer un certain nombre de points des plus utiles
au point de vue scientifique et au point de vue des débouchés
du nouveau produit, soit dans l'industrie, soit dans l'alimenta-
tion.
§ IV. — Caractères et composition de la graisse alimentaire
de Karité.
Préparée, comme nous venons de le voir, la graisse de Karité
se présente dans le commerce sous la forme de pains aplatis ou
lenticulaires de poids variable (généralement de 3 à 5 kg. et
plus), enroulés de feuilles et encerclés à l'aide de liens végétaux.
Elle est de consistance grenue, blanc plus ou moins grisâtre,
rappelant l'apparence d'un suif de qualité médiocre ; mal pré-
parée, elle est parfois rougeâtre et de valeur industrielle varia-
ble avec l'origine géographique (l). Nous avons vu, en effet,
que' les procédés d'extraction des différentes tribus paraissaient
assez variables dans les détails, et c'est ainsi que les beurres
qui arrivent de la région sud au Sierra Leone, sont plus estimés
que ceux qui proviennent du Haut-Sénégal, à Dakar et à St-
Louis.
L'odeur, peu développée à froid, et qui, d'ailleurs, souvent
n'est autre que celle de la matière rance, devient à la cuisson
(i) Gela tient peut-être aux variétés de Tarbre, mais aussi et surtout au soin et à la
méthode avec lesquels la graisse a été préparée.
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— 76 —
spéciale et désagréable aux Européens (1). Déjà, nous avons dit,
que les indigènes s'en débarrassent en projetant dans la
graisse bouillante des gouttes d'eau froide qui, en se volatisant,
entraînent les substances volatiles odorantes.
Bien préparé et enveloppé pour être soustrait à l'action de
l'air, le beurre de Karité ne rancit pas et c'est là une des prin-
cipales qualités qui ont rendu son usage courant dans toute
l'Afrique occidentale et centrale.
Sa propriété, de fondre seulement aune température relative-
ment élevée (entre 30 et 35® d'après Baugher), en permet éga-
lement le facile transport. Ce point de fusion est très variable
avec les auteurs, comme beaucoup d'autres chiffres analytiques.
HscKELen a donné, en 1883, l'analyse sommaire suivante :
« Chauffé à 120* C, il donne 0,05 % d'eau et 0,10 de brut
obtenu par décantation du beurre fondu. Le brut consiste en
poussière et matières ligneuses. Saponifié par l'hydrate de
baryte cristallisée, le beurre de Galam donne un déchet de
5,15 %, soit un rendement en acide gras de 94,85% ; les acides
gras ont un point de solidification de 53®. La pression de ces
acides gras a fourni, d'une part, 45 % d'acide stéarique et 57 %
d'acide oléique, d'autre part (2). Purifié par l'alcool à 95®, l'acide
stéarique* a un point de solidification de -f- 67®. »
Hegkel a également obtenu par l'éther sulfurique, 25 % envi-
ron du poids total des graines d'une matière grasse d'aspect
verdâtre et d'odeur désagréable très différente de celle du pro-
duit qui nous arrive d'Afrique.
Boois, dans le Dictionnaire de Chimie de Wurtz^ donne
également quelques chiffres assez différents de ceux de Hegkel ;
la densité du beiu-re de Karité serait de 0,938.
Enfin, plus récemment, Ferdinand Jean (3) a repris cette
question, nous lui empruntons une partie de son mémoire :
(1) L^B personnes qoe nous avons consultées s'accordent à reconnaitre que cette
odeur spéciale rappelle celle du Beurre de Cacao, comme l'avaient rapporté les plus
anciens observateurs.
(3) Ceci est loin de concorder avec les chiffres de Oudemans que nous avons
relatés plus haut; cet auteur a trouvé 70 o/o d*acide stéarique et 90 <>/o d'acide
oléique.
(3) Ferd. Jican. — Note sur le Beurre de Karité. Ami. Chimie analytique.
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- 77-
« 100 de ces graines de Kariié sont constituées par 25 gr. 5
de co<[ues et 71 gr. 5 d'amandes.
«( L'analyse de l'amande nous a fourni :
Eau i0,06p. 100
Matière grasM 35^40 — (1)
Bitractif solable dans Teau. . , . 96,44 dont 3^2 da Unnin
Cendras.... 2,50 p, 400
Matières cellulosiques. . . .* 22,52 —
« Le tourteau, épuisé de la matière grasse, renferme 1,75
p. 100 d'azote et 1,7 p. 100 de cendres.
« Le beurre extrait des graines de Karité est blanc et fournit
une pâte onctueuse, légèrement odorante et à saveur astrin-
gente.. Il est possible d'épurer ce beurre par un traitement
analogue à celui qui est employé pour transformer le coprah en
beurre de coco alimentaire, épuration qui donne un déchet
moindre qu'avec le coprah, parce que le beurre de Karité ne
renferme que des traces d'acides solubles et volatils.
« La matière extraite par l'éther de pétrole des graines de
Karité a fourni les indices suivants :
Déviation à roléoréfractomëtre (temp. 45», échelle OB) 4-22"
Point de fusion 90»
Indice de saponification 175-176 KOH
— deReicherM.-W 2,6N/10
Acides gras volatils solubles (en acide buytrique) 0,211
Acides gras volatils insolubles (en acide butyrique) l,(fô
_ ^ acides insolubles ^, .^ .^
Rapport : — ri rrr— X ^^ = ^^•
acides solubles ^^
« A la distillation, d'après le procédé Muntz et Coudon, il se
sépare des acides concrets abondants et volumineux, très diffé-
rents de ceux qu'on observe avec le beurre de Coco.
« Le beurrefde Karité, préparé au pays d'origine par pres-
sion des amandes broyées avec l'eau, nous a fourni les résultats
suivants :
Oléoréfiradomètre + iS*
Point de fusion 30»
Titre des acides gras 54«5
(libres 0,009 KOH
(1) Ce rendement est extiémeaient fkible par rapport aux chiffres sigBalës par les
différents auteurs et qui oscillent toujours entre 45 et 50 fl/o*
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— 78 -
Indice de saponification 0,175 KOU
Acide» volaUte (R. M.-W.) 4,19 N710
Indice d'iode 19,75 \*. 100
Acides solables .♦.- traces
Acides gras (méthode Renard) 11,09
Point de fusion 67«8
Acides gras des sels de potassium 3,855
Point de fusion ^ 664
« Indice Mougnaud :
Acides volatils solubles 3,2
Acides volatils insolubles 0,5
^ ^ acides volatils insolubles v, .^^ ^ ^
Rapport : — r; p-r ttï — X ^^ = 22,7
acides volatils solubles ^^ '
« Le beurre de Karité, ne contenant ni acide caprylique, ni
acide caproïque, ne fournit pas d'indices argentiques, ce qui le
différencie du coco.
Acide gras insoluble (indice Hehner) 91,2 p. 100
Rendement en acides concrets 69,28 —
Rendement en acides liquides 21,92 —
Rendement en glycérine 8,816 —
Saponification ; 100 acides gras 210desavondur
« D'après ces données analytiques, on voit qu'une addition
de beurre de Karité au beurre de vache a pour effet de reporter
il droite la déviation de l'oléoréfractomètre, d'abaisser le chiffre
de saponification, l'indice Reichert et l'indice argentique, d'éle-
ver l'indice Hehner et d'élever les rapports dans la méthode
de Muntz et Coudon et Mougnaud.
« Un beurre fraudé par addition de Karité nous a donné à
l'analyse les résultats suivants :
Densité à 100' 865,3
Oléoréfractomètre — 22»
Indice Crismer (alcool à 8195) 96*
Indice de saponification 212 KOH
« Méthode de Muntz et Coudon :
Acides volatils solubles (en acide butyrique) 4,665
Acides volatils insolubles (en acide butyrique) 0,94
Rapport = 20
Dans le remarquable ouvrage de Lewkowitch (1), on lit que la
(1)J. Lewkowitch. — Ghemische Technologie und Analyse der Oele, Fette und
Wachse. 1905, Braunschwig, II, 279.
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— 79 —
semence renferme 49 à 52 •/« de matières grasses. Le beurre de
Shea (suif de Noungou (1), Burro di Seha) est ferme, de couleur
gris-blanchàtre et d'une saveur aromatique particulière.
Les constantes physiques et chimiques oscilleraient, d'après
les différents auteurs Vaxenta, Milliau, Allen, Stohmann,
Kassler, Lewkowitch (2), dans les proportions suivantes :
Densité : de 0,859 à 0,953 ; point de fusion: 23** à 30*» ; indice
de saponification : 178, 192,3 ; indice d'iole : 53,8, 67,2 ;
indice de Hehner : 94,76.
De semblables variations existent pour les acides gras et il
n'est pas douteux que les divers observateurs se soient trouvés
en présence de produits différents, soit par leur origine bota-
nique, leur méthode de préparation, leur degré d'oxydation ou
enfin d'adultération par des matières grasses étrangères, car
d'après des communications orales qui nous ont été faites de
divers côtés, le beurre destiné à l'exportation serait fraudé par
les noirs.
L'analyse la plus récente de M. Milliau donnerait les chiffres
suivants :
Huile coDtenae dans Tamande 45-49 «/o
Poids spécifique 0.928
Saponification sulfurique* 28
Indice diode. 68
Saturation par la soude (Indice Ferrie).. 15,1
Solidification des acides gras 58 à 54*
Rendement en glycérine 9
— acide gras 95,8
Acides gras concrets 80 •/#
— fluides H — •
Point de solidification du beurre 26*
Acidité en acide oléique .6,10
Nous ne trouvons nulle part d'autre analyse sur la nature des
acides gras cpii composent cette graisse végétale et pourtant cela
est important. Le point de fusion qui semble en général de 2V à
30**, est chez certains échantillons élevés jusqu'à 36*. Il semble
évident qu'on a dû faire subir une épuration ayant pour but
d'enlever une partie des glycérides à point de fusion inférieur à
(1) N'y aurait-il pas erreur? Le suif de Noungou, comme on le verra plus tard, est
produit par une Sapotacée qui croit au Ck>ngo, et qui est le MimuBopi Ljave Engler.
(â) Voir également Touvrage de Ulzer et Klimont. Ghemie der Fette, Berlin, 1906.
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— 80 —
25®. La détermination des caractéristiques telles que le deman-
dent les industriels ne saurait nous satisfaire entièrement.
S V. — Usages de la graisse de Karité. — Commerce local
et général. — Production.
Usages. — Nous avons vu que le principal usage de la graisse
de Karité était de servir aux besoins de Talimentation courante,
c'est ïe beurre végétal du Soudan; mais il est utilisé pour bien
d'autres usages.
C'est en effet la graisse préférée pour s'oindre le corpa et c'est
le cosmétique par excellence des négresses de la plupart des
peuplades de l'ouest et du centre de TAfricpie.
La graisse de Karité est aussi un médicament pour l'usage
externe, très employé en friction contre les douleurs rhumatis-
males.
On conçoit dès lors aisément que les Karités se rencontrent
plus abondants aux alentours des villages.
En Europe, le produit n'est pour ainsi dire pas encore utilisé,
toutefois, il en est arrivé depuis quelque temps une certaine
quantité en Angleterre (1), et l'on dit qu'il serait employé dans l'in-
dustrie du chocolat pour remplacer le beurre de Cacao, qu'on
aurait extrait au préalable pour le vendre séparément. Il cons-
tituerait une véritable falsification ; les experts chimistes ont la
crainte de le voir bientôt mêlé au beurre de vache, ce qui cons-
tituerait pour eux une recherche supplémentaire, la liste des
corps gras alimentaires, s'augmentant ainsi d'une nouvelle unité.
Mais serait-ce une raison pour le frapper d'ostracisme, comme
semblait le vouloir tout récemment un de nos ministres (2).
Cette question des usages européens de la graisse de Karité
a préoccupé tous les explorateurs et Galliéni (3) s'exprime ainsi
dans les quelques lignes qu'il consacre au beurre de Karité et
à l'arbre qui le produit :
(1) En 1867, l'Angleterre recevait d^à 60 à 70 tonnes de Beurre de Karité; en
estime l'importation à 900 tonnes environ (Pharm. Journal^ 1879. IX, 819).
(3) Em. Perrot. — Les corps gras végétaux alimentaires à la Chambre des Dé-
putés. Bull. Se. pharmacol., XII, déc. 1905, 321, 1906.
(3) Galliéni. — Exploration du Haut-Niger. Tour du Monde.
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— 81 —
« J(» crois (juo ce produit pourrait trouver son emploi eu Ku-
i*ope non moins que Taracliide, dout nos bâtiments transportent
(Faussi grands stocks dans nos ports dti Marseille et de Boi^
deaux. Il pourrait, je pense, servir non-seulement à la confec-
tion des savons, mais aussi à celle des bougies.
« Toujours est-il qu'il existe sur les deux rives du Niger
d'immenses forêts de Karité qui n'attendent qu'une exploitation
facile et commode, pour être mises en œuvre et lournir un objet
d'échange peut-être plus précieux encore que V arachide, »
L'avenir ne tardera pas à nous dire quel parti tirera l'indus-
trie de cette matière nouvelle, et si, comme il y a lieu de le
croire, on arrive à purifier le produit et le rendre agréable aux
palais européens, ce beurre de Karité pourra bien, après avoir
été raffiné dans la métropole, reprendre le chemin des pays tro-
picaux à cause de sa consistance ferme à une température où le
beurre ordinaire de vache, la margarine, la graisse de Coco
alimentaire sont devenus liquides.
Ce sera peut-être la solution du problème qui nous fut posé à
diverses reprises par des coloniaux des Antilles :
Trouvez- nous donc une matière alimentaire, agréable, rappe-
lant notre beurre et encore solide aux températures moyennes
des régions tropicales?
Le Karité ne pourrait-il fournir la base d'un mélange de graisses
alimentaires répondant à ces desiderata !
La graisse de Karité, par sa consistance, nous parait très
désignée pour entrer dans le domaine des préparations phar-
maceutiques à base de corps gras. Elle pourrait donner de la
consistance avec de l'onctuosité à certains ingrédients et sup-
pléer le beurre de cacao.
W. Busse (1) propose une autre utilisation : c'est de mêler la
graisse de Karité à l'huile de Ricin pour graisser les machines ;
cela existerait déjà au Lagos, d'après une communication orale
faite à cet auteur par Bernegau.
On sait que l'huile de ricin était en effet très employée en
Extrême-Orient dans ce but, mais cpie récemment la Direction
de l'Agriculture constatait le remplacement de cette huile par
(1) w. Busse. - Bericht ûber die Pflanzenpathologische Expedilion nach Kame-
rum undTogo. Beifiefte z%tm tropenpnnzer^ Berlin, 190G, Vil.
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— 82 —
les graisses minérales ^ qu^on importait à des prix suffisamment
modérés. D'ailleurs le nombre des machines est encore restreint
en Afrique 9 et la consommation serait de ce fait bien faiblement
augmentée.
Hambourg et Liverpool ont déjà reçu des quantités impor-
tantes de noix et de corps gras, et la demande s'élève sans
cesse ; l'avenir économique du produit comme denrée d'expor-
tation ne nous semble guère douteux, comme on va le voir dans
ce qui va suivre.
Commerce. — Le commerce intérieur est assez élevé, et donne
lieu à des échanges importants entre régions non éloignées. Ce
courant s'établit des districts où le Karité abonde vers ceux qui
en sont privés pour des raisons biologiques quelconques (ter-
rains inondés, sol argileux compact, terrains détritiques sans
humus, plateaux latéritiques stériles, etc.).
Toutefois, le commerce ne s'étend guère au delà de la zone
d'extension géographique de l'espèce.
Le colonel Yiard évalue approximativement la quantité du
beurre de Karité obtenue dans le Soudan nigérien à 350 ton-
nes de beurre, ou plus de 1.000 tonnes de noix (le rendement
moyen du beurre étant de 30 à 35 %).
Ce chiffre, établi en 1899, ne doit évidemment donner aucune
idée réelle de la faculté productive du pays, c'est celui de la
consommation locale.
Rançon, à propos du Niocolo, dit que le Karité est très abon-
dant et que les indigènes vont vendre le beurre qu'ils ne consom-
ment point, à MaC'Carthy et Yabartenda sur la Gambie.
Il nous semble d'ailleurs que la Gambie pourrait devenir une
des voies d'exportation du Karité, tout au moins pour cette
région extréme-ouest de la zone soudanienne
En 1902, au Dahomey, G. Brousseau, administrateur des
colonies, écrit à M. le gouverneur Liotard (2):
« Indépendamment de ce que les Anglais peuvent envoyer en
Europe sur le marché de Liverpool, il se fait ici un grand com-
merce de Karité avec Ibadan, Illorin et toute la Nigeria anglaise
(2) Ag, praL deê Paya^Chauds, loc. cit., 1902, n*9, p. 361.
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— 83 —
qui est à pou près dépourvue de ces produits. L'arbre, beaucou'p
plus rare ne pousse pas comme ici, eu famille. Surplace mt^me,
les marchands avisés, font provision de beurre végétal et atten-
dent la saison des pluies, moment où l'imprévoyance des indi-
gènes cause toujours une hausse de prix. Ainsi le Karité, qui
valait 0,25 à 0,30 c, en novembre-décembre, vaut en avril, mai,
juin et juillet, sur les marchés de Parakou, Péréré et Nikki,
0,50 à 0,60 le kg.
« En somme, tel qu'il est aujourd'hui, le mouvement com-
mercial de ce produit est bien peu en rapport avec la production,
qui peut être doublée et triplée, les indigènes exploitant à peu
près le quart de la récolte totale.
Nous pourrions citer encore bon nombre d'observations iden-
tiques, mais cela deviendrait superflu; la vérité est ici suffisam-
ment démontrée ; en dehors des noix récoltées pour la fabrica-
tion du beurre destinée à la consommation des indigènes, il
reste une belle part pour l'exportation et on peut l'évaluer sans
crainte à plus de la moitié de la production totale.
Exportation. — Le colonel Viard (l),qui a Tun des premiers
étudié ce côté économicpie de la question, pense que l'exporta-
tion ne serait possible « que sur un prix moyen d'achat de 0^5
à 0,20 le kg. » Or, le kg. de beurre vaut couramment 0 fr. 25 le
kg. au minimum et peut atteindre 2 fr. et au-delà, dans certaines
régions pauvres en Karité.
« Il faudrait obliger, ajoute-t-il, les indigènes à récolter
toutes les noix pour obtenir un surcroît dans la fabrication, de
laquelle résulterait naturellement cet abaissement de prix prévu.
Mais le résultat serait long à obtenir et pour y arriver l'admi-
nistration serait contrainte à forcer les villages et cantons du
Soudan à se libérer de l'impôt en apportant dans les cercles une
quantité de beurre égale à la taxe de captation. Les commer-
çants achèteraient alors directement dans les cercles producteurs
le beurre de Karité. Cette manière de faire ne me parait pas
digne d^être encouragée. »
. D'après l'estimation faite par F. Jean et M. Duclos, il résulte
(A) Viard, loc. cit., Rev. cuit, col., 1899. 305.
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— 84 -
que le Karité vaudrait en France de 60() à 700 francs la tonne,
soit 0,60 à 0,70 le kg. (1).
En achetant 0,20 le kg., le prix de la tonne rendue à Marseille
atteindrait 550 fr. environ, sans compter les frais que nécessi-
terait l'emballage qui devrait ne plus être aussi rudimentaire.
L'exploitation ne serait guère rémunératrice, aussi le colonel
ViARD termine sa très intéressante note en disant :
« Ces considérations suffisent à prouver qu'il ne faut pas
chercher à expédier le beurre en France, mais plutôt les fruits.
L'industriel achèterait les noix à l'indigène de 8 à 10 fr. les
100 kg. Ce prix serait largement rémunérateur (2) pour l'indi-
gène qui n'aurait qu'à cueillir et à apporter sa récolte sur les
marchés. En opérant ainsi, on transportera, il est vrai, un poids
mort, mais ce poids peut constituer des tourteaux pour la
fumure ou pour la nourriture des bestiaux. L'emballage des
noix dans des sacs se fera à peu de frais.
« L'achat des noix attirerait l'attention des indigènes sur
l'exploitation du sol et augmenterait la production.
« Quant à modifier les procédés employés au Soudan par les
noirs pour extraire le beurre de Karité, il n'y faut pas songer.
Ce sont des gens apathiques, ne profitant aucunement des bien-
faits que leur apporte la civilisation et s'en tenant toujours à la
routine. Si l'on veut exporter le beurre, c'est une usine qu'il faut
songer à installer ici. Les résultats produits par le rendement et
la fabrication elle-même seront supérieurs. »
G. Brousseâu, en 1902, fait des réflexions identiques qui
méritent également d'être reproduites (3):
« Il est évident que, étant donné momentanément le prix de
transport, 0 fr. 50 par kg., environ le double du prix d'achat
sur place, il sera bon d'attendre que des moyens de communi-
(1) Les auteurs de ces rapports n'envisageaient sans doute que rutilisation pos-
sible dans rindustrie des bougies et celle des savons ; mais si ce produit épuré
prenait une place comme denrée alimentaire, il est certain que cela lui permet-
trait de supporter des charges plus lourdes avant son arrivée.
(2) Faisons remarquer également que Textraction du beurre par des procédés en
usage dans Tindustrie européenne, permettrait d'obtenir des rendements supérieurs
sans doute à 40 ^/o et qui ramènerait le prix brut du kg. de beurre aux environs de
0 fr. 25.
(8) 11 s'agit ici du Dahomey (voir plus haut).
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— 85 —
cation plus faciles permettent de faire descendre à la côte ce
produit encore mal étudié et peu connu.
« II faut surtout se garder de conclure des expériences faites
sur le produit d'exportation^ qui n'est pas toujours de pre-
mière qualité.
« Mais, en attendant les résultats des expériences praticpies
pour son utilisation, je suis convaincu qu'il est également facile
de réduire et d'améliorer la manipulation par la division du
travail au moyen de procédés mécaniques simples.
« Il me semble qu'un broyeur, composé de deux cylindres de
fonte remplis de vapeur d'eau, entre lesquels on introduirait des
amandes chaudes, résoudrait le problème...
« En résumé, le critérium de la question réside tout entier
dans ces trois facteurs :
1" Moyens de communication faciles et peu coûteux ;
2** Utilisation industrielle du produit ;
3** Diminution du prix de revient.
A la Guinée française, M. Coustlkier, gouverneur, écrivait
H M. le ministre en 1902, à propos du Karité :
« La quantité produite est très minime et il n'est guère possi-
ble de l'augmenter d'une façon sérieuse. En outre, le prix de
vente local auquel on ne saurait faire renoncer les indigènes
puisqu'ils trouvent preneur chez leurs congénères, est prohibitif
au point de vue des affaires. Il est, en moyenne, de i fr. à 1 fr. 25
le kg. (1). >,
Dans le Haut-Sénégal et Niger, M. Vuillet, répondant à la
même enquête, évalue de 50 à 100.000 tonnes la quantité de
beurre de Karité produite dans le Soudan nigérien dont la
majeure partie est consommée surplace. 10.000 tonnes au moins
seraient cependant disponibles pour l'exportation.
Les achats de noix pourraient se faire en juin-juillet et les
gros achats de beurre en juillet, août, septembre.
En calculant avec les moyens de communication dont on pou-
(1) Cette brève et laconique conclusion de l'enquête de M. le gouverneur Goustu-
HIER nous semble un peu exagérée ou hâtive ; elle peut concerner la zone méridio-
nale de la Guinée, mais vers le Haut-Niger, quand le chemin de fer attendra le Tan-
kisso, puis Kouroussa, des régions riches en Karité seront traversées où le prix doit
être beaucoup moins élevé.
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— 86 —
vait disposer en 1902, M. Vuillet montre que la tonne de
graisse de Karité reviendrait, à St-Louis, aiix environs de
600 fr.
Le comte Zech signale, dans les rapports commerciaux de
Hambourg, les « Shea nûsse », noix de Karité, comme ayant
une valeur marchande de 12 à 14 fr. les 100 kg. Le nouveau
tarif douanier allemand du 25 décembre 1902 accorde la fran-
chise d'entrée aux noix de Karité, parmi les fruits oléagineux,
tandis (jue le beurre est classé parmi les graisses végétales et paie
un droit d'entrée de 1 fr. 25 par quintal.
Au Togo, les exportations de la graisse de Karité se font par
la Gold-Coast dans la proportion de
Kilogrammes
Prix moyeu
Observations
ANNÉES
Valeur en francs
du
—
exportés
kilo
Pays d'importation
1898
3.614
2.815
0.77
1899
13.430
8.916
0.66
1900
10.130
7.421
0.73
1901
10.168
9.464
0.93
1902
9.180
22.950
2.50
Allemagne.
—
19.980
26.950
1.32
Angleterre.
^~~
11.480
5.951
0.66
Autres pays.
La demande européenne va donc en augmentant sensiblement
et il serait intéressant de savoir à quel chiffre sMlève actuelle-
ment cette exportation, mais il n'est pas exagéré de l'évaluer à
quelques centaines de tonnes, le Togo allemand en fournissant,
à lui seul, plus de 40 tonnes.
Ce qui fait dire à M. François dans son livre sur le Daho-
mey :
« Le Karité vaut, sur le marché, 500 fr. la tonne, soit 575 fr.
environ au port d'embarquement. La valeur en France peut être
de 800 fr. La différence est faible. L'exemple de ce qui se passe
au Togo, où des quantités, chaque année plus considérables, de
Karité ont été exportées depuis 1890, nous i>ormet de croire
qu'il y a encore place pour un bénéfice. »
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— 87 —
D'autre part, Tusage constant que font du beurre les indi-
gènes du Soudan fait que la production est limitée par les
nécessités même de cette consommation.
Un fait très curieux s'est même produit qui mérite d'être
rapporté ; les exportations de la Nigeria du Nord qui oscillaient
autour de 4 à 500 tonnes d'amandes et 200 tonnes de Beurre
de 1900 à 1903, furent à peu près nulles en 1905.
On accusa les feux de brousse, mais il semble qu'il faille
admettre aujourd'hui une raison bien plus plausible : c'est que
les caravanes indigènes pouvant actuellement circuler avec faci-
lité dans le Bas-Niger, les produits du Karité de la région
soudanaise trouvent dans ces pays un débouché tout naturel.
Tourteau de Karité, — Analyse et usages. — Une question du
plus haut intérêt économique était d'être fixé sur les qualités du
tourteau ; aussi avons-nous prié la maison Rocca, Tassy et
DE Roux, dont on connaît la complaisance, de mettre à notre
disposition une certaine quantité de tourteau obtenu dans leur
fabrication.
Déjà Ferd. Jean a dit que le tourteau épuisé de la matière
grasse renferme 1,75 % d'azote et 1,7 % ^^ cendres.
Dans le but d'élucider le point de savoir si ce tourteau serait
alimentaire ou tout au moins non toxique pour les animaux,
nous avons prié M. Deghambre, professeur de l'Ecole nationale
d'agriculture de Grignon, de diriger un certain nombre d'expé-
riences dont nous allons exposer les résultats.
M. AuROUssEAU, chimiste de la station agronomique de
Grignon, a fait du tourteau une étude chimique qui fournit les
chiffres suivants :
Humidité 9,500
Azote total 1 ,445
Matières grasses 17,70
(Extractif à l*éther de pétrole dont 7^90 soluble dans l'alcool absolu : acides gras)
Cellulose non saccharifiable 10,200
Hydrocarbooés (par différence) 53,70
Les proportions des matières réductrices atteignant dans
certains cas 78 ^/q après simple épuisement de la matière à
l'eau bouilhinte, il a recherché la nature de ces substances.
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— 88 —
Cet épuisement donne :
Substances réductrices 78,80 o/V,
Extrait dans le vide "^Vo
— auB.M 240/,
En précipitant la coction chlorhydrique obtenue en partant
du tourteau par le sous-acétate de plomb, on retire du préci-
pité, après cristallisation et purification, de longues aiguilles
blanches insolubles dans la plupart des solvants ordinaires des
alcaloïdes (alcool, éther), entièrement volatils à la température
d^un bec Bunsen.
(La petite quantité obtenue jusqu'à ce jour n'a pas permis à
M. AuROUssEAU une étude plus complète de ce produit, un glu-
coside vraisemblablement).
La même coction chlorhydrique, non précipitée par le sous-
acétate de plomb, donne après concentration un liquide sirupeux
à saveur sucrée, dosant 40 gr. de substanc(îs réductives par
litre.
Les essais sur la valeur nutritive ont été poursuivis pendant
plusieurs mois par M. Dechambke et son répétiteur M. Giniéis.
Lapin. — Les lapins ont accepté le tourteau et Font consommé
sans éprouver de malaises ni de troubles digestifs.
Mouton. — Un premier animal, malgré tous les artifices
connus, s'est à peu près refusé à manger le tourteau, tant et si
bien qu'après un mois il n'en prenait que quelques grammes
par jour et il fallut y renoncer.
Deux autres moutons furent mis en expérience : un berrichon
et un solognot..
Poids des moutons au début des essais :
Berrichon 42 kilog.
Solognot... ..;;. 34 —
Les animaux absorbent chacun :
Les 6 premiers jours 50 grammes
— 6 jours suivants 100 --
— 4 — 200 —
— 6 — ; 250 —
— 7 — 300 -
— 6 - 350 -
-6 — 400 -
-5 - 450 -
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Éh. Përrot.
Le Karité, etc., 1907.
FiG. XVI. — Eléments du tourteau de Karité. — tg, éléments de la couche
sclcreuse ezUrne ; tt, couche parenchymateufc du tégument; cot^ parenchyme
cotylédonaire ; /*, débris de Taisccaux. (G.= 1(K) diamètres environ).
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— 91 —
Cette quantité peut être considéré comme le maximum que
que l'on puisse atteindre avec des animaux de poids moyen.
Notons que, pour arriver à ce résultat, il a fallu 46 jours,
c'est-à-dire une période d'accoutumance beaucoup plus longue
qu'avec les tourteaux ordinairement employés.
Poids vif des animaux à la fin de la période d'essai :
Berrichon 48 kilog.» gain 6 kilog.
Solognot 39 — — 5 —
Conclusions. — M. Deghambre conclut de ces essais « que
le tourteau de Karité peut être donné au lapin et au mouton. Il
n'occasionne pas d'accidents chez ce dernier qui en accepte jusqu'à
450 grammes par jour.
« Mais l'appétence est peu marcpiée. On tombera certainement
dans la pratique sur des animaux qui n'accepteront pas le tour-
teau et même avec ceux qui ne manifesteront pas de répu-
gnance, la période d'accoutumance sera longue. L'intérêt comme
tourteau alimentaire parait donc assez limité » .
Ces expériences entreprises pour la première fois sur notre désir
montrent que, si le tourteau de Monwnx {Hlipe latifolia) et celui
d'iLLiPÉ (/. longifolia) sont tous deux toxiques, malgré les
affinités de famille, le tourteau de Karité peut être donné au
bétail sans danger.
Evidemment sa faible teneur en azote ne le classe pas parmi
les meilleurs résidus de l'industrie des corps gras, mais, en
revanche, il contient une proportion très notable de matières
grasses et d'hydrates de carbone.
Mélangé à d'autres tourteaux, il peut devenir un adjuvant
intéressant, et sa valeur commerciale si faible qu'elle soit, peut
s'ajouter au rendement que l'industrie cherchera à tirer de la
graine importée.
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CHAPITRE VI.
Nécessité d'une protection du Karlté pour éviter
la diminution dans le nombre des arbres existant
actuellement.
Plantations nouvelles. — Réserves-forestières aménagées (1).
Le Karité ou Ce n'appartient point à la végétation dense de
la forêt ; mais plutôt à ce que Ton peut appeler la végétation
de parcs, les arbres étant toujours assez espacés. Une chose
assez curieuse a été remarquée par divers explorateurs et plus
particulièrement par M. A. Chevalier, c'est que les peuple*
ments naturels de Karité ne se formeraient plus d'une façon
normale, car on ne rencontre presque plus de jeunes pieds. Si
Ton considère Tutilisation des produits de Farbre, il est donc de
toute importance de faire intervenir Thomme pour l'avenir de
cette production.
IlahUal. — Le Karité aime les sols profonds, riches en immus;
il ne se rencontre jamais dans les forets denses, ni dans les
galeries de bordure le long des rivières, non plus dans les ter-
rains marécageux ou inondés régulièrement. Il est très rare sur
les plateaux ferrugineux et il n'existe pas dans les savanes à sol
argileux.
Sa station préférée est la pente des collines ou plateaux ro-
cailleux ou sablonneux, assez riches en humus ; il s'accomode
très bien des terres profondes.
(l) Communication faite par nous au Congres coloni€U de MarseilU (septembre
1906) à l'occasion de FExposition coloniale, et que nous reproduisons d'ailleurs ici
presque in -extenso.
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— 93 -
On le rencontre en abondance autour des villages, où il a été
évidemment multiplié, mais en général, il y aurait nécessité
de veiller à l'entretien de ces vergers, les indigènes ne rempla-
çant pas toujours, il s*en faut, les pieds qui disparaissent, et
les jeunes, issus de germination spontanée autour des vieux
sujets, étant arrachés par la culture.
Dans la brousse du Soudan, le Karité ne vient naturellement
pas seul, mais on y trouve associées diverses essences fores-
tières intéressantes ; telles sont :
Le Cailcedrat ou Acajou d'Afrique {Khaya senegalensis)^ le
Santal d'Afrique, ou Kino de Gambie {Pterocarpus erinaceus);
le Mené [Lophira alatà)^ qui fournit un beurre assez estimé,
VAfzelia africana dont le bois est apprécié en ébénisterie et
menuiserie ; le Ver mendia macr optera^ le Neté [Parkia biglo-
bosa)j otc. Quelques autres arbres utiles croissent aussi dans
ces régions, citons : le Guierr, le Kinkéliba, etc.
Rappelons ici, et pour détruire définitivement une légende
accréditée par Rançon, qu'il n'existe qu'une seule espèce et que
le Karité est remplacé vers le sud par le Mené y ou faux Karité,
dont l'importance en nombre s'élève au fur et à mesure que
diminue celle du premier.
La nécessité de reconstitution forestière dans la brousse d'une
part, jointe à l'importance commerciale future du Karité, nous
ont amené à attirer l'attention du Congrès sur l'intérêt qui s'at-
tacherait à la constitution de réserves forestières aménagées^
dans lesquelles cet arbre précieux jouerait l'un des rôles prin-
cipaux.
Etudiant la question de près et après nous être documenté
près de personnes bien renseignées, et dont la compétence ne
laissait aucun doute pour nous, voici comment on pourrait pour-
suivre la réalisation d'un semblable projet.
Choix de l'emplacement. — L'idée de l'établissement d'une
semblable réserve étant admise, il importerait de grouper tous
les renseignements sur les peuplements actuellement existants
de Karité, et choisir une région où ils soient sporadiquement dis-
persés d'une façon assez régulière pour faciliter l'aménagement
futur.
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— 94 -
Il nous parait que cette réserve devrait être limitée par deux
rivières, pour diminuer les risques des feux de brousse, et de
préférence établie dans Tangle même de ces deux rivières.
Il va sans dire, que cet emplacement devrait se trouver dans
des conditions telles, que le transport à la côte soit aisé et le prix
de revient des produits, aussi réduit que possible.
Aménagement. — Le terrain choisi pourrait comprendre huit
à dix mille hectares, par exemple, que l'on diviserait en secteurs
par des allées très larges où Ton abattrait la brousse, toujours
pour éviter les feux de brousse, cette plaie de l'Afrique, à qui
Ton doit sans aucun doute Tapauvrissement graduel du pays.
Ceci fait, dans le premier secteur, on jalonnerait avec soin,
de façon à déterminer les endroits où Ton planterait les graines.
On creuserait une fosse peu profonde en y laissant tomber deux
à 4 graines fraichement récoltées ; ne pas oublier en effet que
celles-ci perdent très rapidement leur pouvoir germinatif.
A la germination, on enlèverait les plants les moins vigoureux
en ne laissant subsister qu'un seul d'entre eux.
Des autres pourront être repiqués là où la germination serait
nulle.
11 serait bon d'ailleurs d'établir, en outre, une pépinière où
l'on pourrait puiser pour le remplacement des jeunes pieds
morts.
Tout arbre âgé qui disparaîtrait serait remplacé par un jeune
pied planté en changeant im peu l'emplacement.
Les arbres arrivés à Tàge adulte doivent être espacés, étant
donné leur mode ordinaire de végétation, d'une distance de 8
mètres environ.
Mode de croissance. — L'accroissement du Karité est lent et
il est très difficile d'émettre une opinion ferme à cet égard, car
il n'existe guère d'exemple de plantation faite par Teuropéen.
Toutefois, à son dernier voyage à Paris, sir H. Johnston
nous a cité l'exemple d'Aburi dans la Gold-Coast, où des Karités,
plantés en 1892 ou 1893, portent déjà des fruits depuis ces an-
nées dernières.
On peut estimer à une période de 12 à 15 années le temps
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— 95 —
nécessaire à l'un de ces arbres pour atteindre Tàge de plein rap-
port (1).
Association forestière. — Liane à caoutchouc, — Nous ne
devons pas perdre de vue qu'une semblable exploitation devrait
être rendue plus productive par l'adjonction de végétaux four-
nissant des produits de toute première valeur, et il était naturel
de penser aux lianes à caoutchouc.
Les conditions biologiques de croissance du Karité convien-
draient admirablement bien à l'une de ces dernières, la liane
Gohine [Landolphia Heudelotii). Aussi, dès que les jeunes
arbres auraient 2 mètres de hauteur on sèmerait au pied, une
liane dont il serait très facile de conduire la croissance, pour
en rendre l'exploitation aisée d'une part, et pour qu'elle ne
nuise en rien au développement de l'arbre, d'autre part ; il im-
porterait, par exemple, que la liane ne forme pas au pied de
l'arbre un buisson trop touffu qui empêche la récolte des fruits
de Karité.
Dès la première année de mise en réserve, il faudrait natu-
rellement semer cette liane au pied des Karités déjà adultes et
existant spontanément.
Comme on estime généralement qu'un Landolphia n'est
guère exploitable, au point de vue caoutchouc, qu'après 10 à 15
années, on voit que l'espace du temps qui s'écoulerait avant le
rendement réel du premier secteur peut-être évalué à 12 années
environ.
Mode d'exploitation. — Nous pensons que l'exploitation de-
vrait être affermée aux indigènes, suivant des conditions que le
service forestier aurait déterminées et qui peuvent varier avec
les régions.
La cueillette doit être faite par les femmes et les enfants, car
il ne faut pas songer à exiger le gaulage des arbres ; utiliser les
tornades, comme on le fait actuellement, serait préférable.
D'autre part, il est indispensable que le fruit soit bien mûr,
car cueilli vert, il ne fournit, dit-on, qu'une quantité très faible
(1) Le très distingué sir H. Jobnston nous a de même confirmé que les Icolatiers
plantés à ce même jardin atteignaient une disaine de mètres de hauteur.
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— m —
de malien» grasse. Les fruits non murs renf(?rmeraiont une
quantité considérable de latex ! Ne serait-ce pas simplement
Témulsion des produits de réserve d<»ramande, non encore com-
plètement constitués ?
Le problème du concassage dans la colonie, pour Tenvoi de
Tamande, ou du corps gras brut, ou de l'expédition directe de la
noix, sera résolu plus tard et probablement sous peu, dès que
les industriels auront fait connaître leur prix d'achat par quan-
tités importantes. Quoi qu'il en soit, au point de vue qui nous
occupe tout spécialement, il nous a semblé nécessaire d'exposer
notre manière de voir, dont la réalisation ne présente pas de
difTicultés insurmontables.
Sa longue échéance ne permet guère de demander cet essai
qu'à l'administration et au service fon^stier, aussi avons-nou8
poussé plus loin nos investigations. Nous avons, en effet, cher-
ché, en nous documentant aux sources les plus autorisées, à
établir la dépense qu'occasionnerait l'établissement d'une sem-
blable réserve améliorée et nous pouvons conclure que, grâce à
la récolte fournie par les arbres adultes spontanés dans la ré-
serve établie, cette dépense serait vraiment peu élevée et que la
forêt reconstituée fournirait à la colonie, quelques 10 ou 12 an-
nées après, un revenu véritablement imposant.
Un premier pas dans le sens que nous venons d'indiquer a
été fait par M. Ponty, lieutenant-gouverneur du Haut Sénégal
et du Niger, sous la forme d'un Arrêté portant interdiction de
couper les Karités (1).
Cet arrêté, dont nous n'avons eu connaissance que par le
numéro de fin novembre 1906 de V Agriculture pratique des
pays chauds (1), mérite que nous le reproduisions tout entier,
car il montre que notre communication au Congrès colonial de
Marseille, en septembre dernier, avait sa raison d'être et n'était
pas, comme on se plaît à le répéter, une vue de l'esprit d'un
« savant de Laboratoire.»
ARRÊTÉ DU 20 JUILLET 1906.
Art. i.— La coupe des arbres dits « Karité » est interdite sur tonte la colonie du
Haut-Sénégat-Nlger.
(i) Voir 1906, n» 44, p. 356.
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— 07 —
Cette interdiction s'applique non seulement aux particuliers, mais au'x services
publics de la colonie.
Art. 2. — Exceptionnellement, des arrêtés du fiieutenant-gouverneur pourront
autoriser la coupe du c Karité • aux conditions suivantes :
Cette autorisation sera accordée pour une durée limitée par l'arrêté. L'arrêté fera
connaître l'étendue et les limites du terrain sur lequel le bénéficiaire sera autorisé À
couper le Karité. 11 imposera au titulaire de l'autorisation Vobligation de procéder
i des plantations de la même essence ou de valeur équivalente à celle des bois
abattus.
La demande d'autorisation devra faire connaître les motifs de la demande et
l'usage auquel seraient destinés les bois à abattre. Ces bois ne pourraient être
vendus.
La demande d'autorisation devra être accompagnée d'un rapport favorable de
l'Administration du Cercle où seront effectués les coupes.
Art. 3.— Le titulaire de l'autorisation devra se conformer, etc
W. PONTY.
Nous serions heureux maintenant de voir cet arrêté étendu à
la Guinée, à la Côte-d'Ivoire et au Dahomey, en même temps
que pourraient être examinées par les autorités compétentes les
questions de réserve forestière aménagée, avec secondairement
essai de multiplication de lianes à caoutchouc, qui présentent
un intérêt bien plus grand que le Lonchocarpus cyanescens.
On sait, en effet, que l'introduction sur les marchés mondiaux
de l'indigo chimique a amené une grave perturbation dans l'in-
dustrie de l'indigo naturel.
Pareil fait ne semble guère vraisemblable, du moins d'ici
longtemps en ce qui concerne le caoutchouc et les guttas.
Nous croyons donc fermement à la possibilité d'accroître le
trafic de ces régions par la mise en valeur du Karité, et qu'on
nous permette de rappeler simplement à ce sujet ce qu'en a dit
Rançon, car nous partageons encore sa manière de voir et nous
croyons qu'il appartient à l'Administration de prendre toutes
les mesures qui doivent aboutir à l'accroissement graduel du
nombre de pieds de cette espèce de notre Soudan :
« Il y aurait là, dit Rançon (1), matière à créer une véritable
richesse agricole, forestière et commerciale pour le pays. Mais
il faudrait que ceux qui s'en occuperaient fissent tout par eux-
mêmes, car jamais on n'arrivera à faire cultiver par les noirs
aucun autre végétal que ceux qui sont susceptibles de lui donner
(l) A. Rançon.— Dans la Haute-Gambie, loc. Ht., p. 484.
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— 98 -
un rendement immédiat. On n'arrivera jamais à lui faire semer
une seule graine de Kanté.»
Tous ceux qui connaissent bien le noir africain sont de cet
avis ; raison de plus pour conserver ceux qui existent, jeunes et
âgés ; pendant ce temps, la demande sera peut-être assez impor-
tante pour que l'indigène y trouve une source aisée de revenus,
et dès alors l'intervention administrative sera inutile.
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CHAPITRE VU.
Le produit guttolde du Karité (Qutta-Ci).
Les nombreux articles, parfois sensationnels, écrits sur le
produit extrait du latex de Tarbre à beurre, vont nous obliger à
faire un historique sévère de la question, afin de chercher à en
tirer des conclusions définitives. La crainte de la disparition
des arbres producteurs de Gutta vraie, ainsi que la valeur
commerciale de ce dernier produit, entraînèrent à des recher-
ches de toute nature en vue de trouver un succédané ou tout au
moins de signaler un produit qui puisse la suppléer pour bon
nombre d'usages.
Il était tout naturel de penser que, dans cette même famille
des Sapotacées, il serait peut-être aisé de rencontrer des arbres
appartenant à d'autres genres que le genre Palaquium et sus-
ceptibles de fournir une drogue de valeur réelle. On sait que
divers Mimusops^ par exemple, donnent un produit guttoïde,
la Balata, susceptible de diverses applications industrielles, et
l'idée que les Bassia ou Butyrospermum pourraient, à leur
tour, fournir une substance voisine de la gutta, ne tarda pas à
se faire jour. C'est Hegkel qui, le premier, étudia la question
d'un peu près en 1885, et qui, s'appuyant sur l'analyse chimique,
conclut hâtivement à la presque similitude du produit du Karité
avec la gutta des Palaquium et Payena,
L'exagération de ce savant, qui fut le promoteur des études
coloniales en France, est entièrement excusable à l'époque où
parut ce travail, car les milieux scientifiques étaient alors, pour
ainsi dire, hypnotisés par les cris d'alarme jetés par les bota-
nistes de la région malaise, les voyageurs et aussi les commer-
çants de l'Europe.
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— 100 —
On oublia de même que la nature intime des latex est extrê-
mement différente d'espèce à espèce et parfois même de variété
à variété. Qu'est-ce que le caoutchouc ou la gutta ? Aucune
réponse vraiment satisf^sante ne peut encore nous être fournie
par la science chimique et les teneurs en gutta^ fluavile et
albane des matières guttoïdes des Sapotacées ne donnent
aucune indication sérieuse sur la valeur industrielle de ces der-
nières.
Malheureusement nombreux furent les observateurs qui pen-
sèrent que notre Soudan allait fournir en abondance une gutta
de qualité excellente, et nous avons vu des administrateurs
affirmer des choses analogues dans des rapports officiels ; à
notre avis, cela est un peu excessif; car ceux-ci présentent, par
leur répercussion, des inconvénients qu'il serait bon d'éviter.
En matière d'économie coloniale^ toute erreur entraîne un
recul dans l'évolution.
A notre connaissance, c'est Schwbinfurth qui, le premier,
attira l'attention sur le produit extrait du latex du Butyrosper-
mum Parkii. « Il découle de cet arbre, dit-il, un suc abondant
et laiteux qui a beaucoup de rapport avec la gutta ; en maints
endroits, les enfants en font des balles?
« Fr. BiLDER, négociant, établi à Khartoum, apporta à
Vienne, en 1861, un quintal de ce produit, mais les frais de
transport furent trop élevés. »
Obagh (1) dit toutefois que Sir J. Hooker, en 1878, signala
la gutta du Karité comme un produit susceptible d'être considéré
comme succédané de la Gutta-percha.
Nous n'avons pu retrouver aucune trace de ce qu'il avait pu
advenir des 100 kg. de gutta de Karité de Bilder et il faut
arriver à Hegkel pour entendre, de nouveau, traiter cette ques-
tion. Dans sa série d'articles du journal « La Nature » et dans
deux notes aux comptes-rendus de l'Académie des Sciences (2),
(1) Obach. — Die Gattapercha. Berlin, 1899. Steinkopf nnd Springer éd.
(2) Heckel. — La Nature, loc. cit. et C. R. Ao, deê Se, i885, G, 1238, 1239 ; CI,
1069-1070 ; 1888, G., 1625.
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— 101 —
après avoir interprété d'une façon plus ou moins exacte les carac-
tères histologiques de la plante et montré la difficulté que
présenterait Textraction du latex, il conclut, d'après les analyses
de ScHLAGDENHAUFFEN, à Tavcnir de l'exploitation de la Gutta
de Ba^sia.
« J'ai pu m'en assurer par l'examen de l'emploi d'une certaine
quantité de gutta de Karité que j'ai en vitrine, depuis 4 années,
au Musée colonial de Marseille. Mais, ce n'est là qu'un incon-
vénient sans grande importance, car rien n'empêche que l'in-
dustrie de la gutta, très occupée en Europe en raison des mul-
tiples applications de ce produit, ne le laisse pas longtemps
inutilisé dans les magasins... Il restera, du ressort des diverses
industries qui emploient la gutta, de décider à quel usage plus
particulier la gutta de Karité pourra être plus spécialement
affectée, mais tout me fait supposer, en raison des propriétés
isolantes de ce produit, que l'industrie des cables en tirerait
bon profit. »
Les conclusions de Heckel étaient ici fort prudentes et l'on
verra qu'il n'y a rien encore à y ajouter.
Voici l'analyse du produit, transcrite par Heckel (1) :
« Sa densité est de 0,976, tandis que Payen indique 0,975 pour
la gutta de VIsonandra, Elle s'électrise aussi facilement que
cette dernière par le frottement et peut dès lors, au même titre,
servir de corps isolant. Elle se ramollit dans l'eau chaude de la
même façon que la gutta commerciale et devient adhésive comme
elle à la température voisine de TébuUition. Au point de vue
chimique, il existe cependant quelque différence, car les deux
produits ne se comportent pas d'une manière identique à
V égard des dissolvants. La gutta de Bassia^ traitée par l'éther
de pétrole, l'éther ordinaire, la térébenthine et l'acide acétique
bouillant, cède à ces véhicules moins de principes solubles que
la gutta ordinaire ; en outre, les liquides évaporés n'abandon-
nent pas des produits identiques. Les résidus de la gutta de
Bassia sont poisseux tandis que ceux de la gutta commerciale
constituent, pour ainsi dire, un vernis sec non adhésif.
« Mais, l'identité est à peu près parfaite au point de vue de
(l) Loc. cit.. — La Nature, p. 406.
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— 102 —
la solubilité dans le sulfure de carbone, le chloroforme, la ben-
zine et l'alcool froid ou bouillant. Pour les deux premiers de ces
dissolvants, il ne reste qu'un résidu insoluble insignifiant, brun
noir, à la condition toutefois qu'on en emploie une quantité
suffisante. Pour le pouvoir dissolvant de la benzine, il est éga-
lement le même : le résidu insoluble est identique dans lès deux
produits, mais un peu plus prononcé que dans le cas précédent ;
pour la solubilité, enfin, dans l'alcool à 95®, elle est égale des
deux parts, mais ce dernier dissolvant n'enlève que 7 % des
masses mises en expérience. » En résumant les pouvoirs dissol-
vants des divers véhicules et rapportant à 100 les nombres
obtenus, on arrive aux résultats réunis dans le tableau suivant :
Gutta commerciale . . .
Gutta de Basisa
Sulfure II
de
carbone ||
èi
o g
4)
C
i
1
Q fi.
-S
Essence II
de téré-
benthine
Âcide II
acétique 1
bouillant ||
Alcool II
bouillant ||
99.72
97.92
96.60
98.28
93.20
93.80
40.8
20.1
34.0
18.1
20
8
19.2
12.8
7
7
En appliquant au J?a^^^ les procédés d'analyse dus à Payen,
Sghlagdenhauffen a obtenu :
Gutta
Albana...
Fluarde ..
Gutta percha brute
Gutta
deKaxitè
Gutta purifiée par CS* 1
Noi
N*2
Gutta vraie
Ontta
deKttittè
92
6
2
91.5
6.5
2
91.5
5.5
3
92
5.8
2.2
91.5
6
2.5
L'incinération donne 1,20 ^/q de cendres avec la gutta de
Bassia et 1,26 % ^^^^ ^^ gutta-percha vraie, et il y a « iden-
tité à peu près absolue dans la composition des cendres des
deux provenances. De l'ensemble de ces résultats, il est permis
de conclure à l'identité de composition chimique des deux guttas
et nous en avons déduit que celle de Bassia devrait pouvoir
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— 103 —
se prêter aux mêmes usages industriels que les guttas ordi-
naires.»
Un essai fut entrepris à l'imprimerie Berger-Levrault, de
Nancy, et le produit fut mis entre les mains d'un ouvrier spé-
cialisé dans la confection des moules pour la fabrication des
plaques galvanoplastiques. « Or il résulte de cet essai impor-
tant que la gutta de Bassia se laisse malaxer dans l'eau avec
la même facilité que les échantillons types du commerce, et, en
second lieu, que les échantillons obtenus ne le cèdent en rien à
ceux que Von prépare avec les meilleurs guttas de Paris. »
Malgré cette étude, on ne semble guère s*émouvoir et on ne
retrouve de traces de recherches que dans un rapport adressé
au gouvernement du Soudan, en octobre 1893, par le D^'Goppin
lequel d'ailleurs renferme des détails précis sur le mode d'ob-
tention du produit qu'il étudia à Bissandongou (1) : « Nous avons
pu extraire nous-mêmes de la gutta de Karité, écrit-il. Le suc
de Karité se coagule spontanément après une exposition de
quelques heures à l'air ; il se prend en masse et l'on peut en
former des boules qui ne sont pas poisseuses.
« Peu de temps après la coagulation, la masse jouit d'une cer-
taine élasticité qu'elle perd en 24 heures ; elle devient dure et
prend la consistance de la cire, elle se laisse rayer par l'ongle,
le centre est friable ; si l'on plonge une boule durcie, dans l'eau
à 50® environ, elle se ramollit et devient malléable; par le
refroidissement, elle reprend sa solidité. En résumé, les boules
obtenues avec du Karité nous paraissent ressembler à de la
gutta et nous espérons que Von en pourra tirer parti. »
Cette conclusion était sagement prudente et avait la plus
grande importance, puisqu'elle émanait delà première personne
qui ait pu sur place s'occuper du produit. Pourquoi ce rapport
est-il resté inaperçu ? (2).
(1) Voir J.VuiLLET, Etude du Karité considéré comme producteur de Karité. Paris,
André, éditeur, 1901, 4 fasc. in-16, 36 pp.
(2) A ce sujet, nous émettrions volontiers un vœu que nous serions très heureux
de voir prendre en considération dans les hautes sphères administratives. Celui de
livrer à la publicité tous les rapports ou fragments de rapports officiels, traitant des
questions économiques et des productions naturelles de nos colonies. Nous savons
qu'il en est de remarquables, renfermant des observations de réelle valeur scientifi-
que qui n'ont pas encore vu le jour, et qu*il serait cependant très intéressant de
cdnnaitre.
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— 104 —
Mais sous l'impulsion énergique de Hegkel, une mission fut
confiée, en 1891, au D"" Rançon, médecin de première classe des
colonies, à l'efifet de rechercher dans notre domaine africain
quelles pourraient être les espèces à latex dont le produit de
coagulation serait utilisable aux lieu et place des guttas de
Palaquium.
Pendant deux années, cet explorateur parcourut le Soudan où
il fit im nombre considérable d'observations qui nous valurent,
en 1894, la publication d'un livre remarquable qu'on est étonné
d'avoir vu ignoré de M. Vuillet au moment de la rédaction de
son petit opuscule sur la gutta de Karité.
Voici comment Rançon s'exprime au sujet de cette drogue (i):
« Si l'on incise l'écorce du Karité dans toute son épaisseur,
la blessure laisse couler un suc blanc laiteux qui, par évapora-
tion, donne de la gutta-percha. Nous avons fait sur place, à ce
sujet, les études les plus complètes. Un Karité, arrivé à com-
plet développement, ne donne pas plus de 500 gr. de suc et
encore en pratiquant sur toutes les parties de l'arbre et aux
époques les plus favorables une dizaine d'incisions.
(( Le rendement diffère suivant la saison, les heures du jour
où l'on pratique les incisions, Tâge, l'état des végétaux et les
régions qu'ils habitent.
« C'est pendant l'hivernage et à l'époque de la floraison que
le rendement est le plus considérable, c'est-à-dire de la fin de
juin au commencement de février. Pendant la saison sèche, de
mars à juin, il ne faut pas compter sur une récolte abondante.
<c La quantité de suc obtenue est bien plus faible pendant la
journée que le soir, le matin et la nuit.
« L'âge des végétaux influe aussi sensiblement sur le ren-
dement. Il ne faut pas s'attaquer aux arbres trop jeunes, car leur
suc contient une proportion d'eau considérable, à tel point qu'il
se coagule difficilement. De plus, le produit obtenu n'est pas
aussi bon que lorsque le végétal est plus âgé. Il ne convient
pas non plus d'inciser des Karités trop âgés, car on n'obtient
que des quantités de suc absolument insignifiantes (2). Il est
(1) Rançon, loc, dt,, p. 250.
(2) Gomme Heckel Ta justement fait remarquer, il importe beaucoup de s'inspirer
des particularités anatomiques de structure du végétal , et chacun sait que Texploita-
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— 105 -
préférable de n'opérer que sur des végétaux d'âge moyen et
arrivés à complet développement. C'est là que Ton aura les
meilleurs résultats ; de plus, Tarbre ne souffre nullement de ces
incisions, si nombreuses qu'elles puissent être (1).
a Les végétaux sains doivent être préférés à ceux qui sont en
mauvais état, et ceux qui vivent sur les plateaux et les versants
des collines donnent un rendement plus considérable que ceux
qui vivent dans les vallées.
« Le suc ainsi obtenu est d'un blanc laiteux, sirupeux ; il
poisse les doigts et les rend collants. On ne peut guère s'en dé-
barrasser que par le raclage. Il se coagule rapidement sous
l'action de la chaleur solaire et par évaporation. Ce coagulum
n'est autre chose que de la gutta-percha (2). Si on Tobtient sur
l'arbre même, il est d'un brun rougeâtre et, sous une masse
épaisse, il prend la couleur noire chocolat très foncée. Cette
coloration est due, croyons-nous, aux substances colorantes que
renferme en plus l'écorce du végétal.
« Obtenu dans un vase à l'air libre, il se présente, au con-
traire, sous l'aspect d'une masse de couleur blanchâtre, légère-
ment teintée en rose ; ou, sous une faible épaisseur, il est
absolument opaque. Réduit en boule et pétri, ce coagulum
donne au palper la sensation d'un corps gras. Nous croyons,
en effet, que la gutta de Karité n'est pas absolument pure et
doit contenir des matières grasses en quantité relativement
considérable.
« Les indigènes n'extraient pas la gutta de Karité et le suc
qu'il donne ne leur sert à rien. Ils n'en connaissent pas les
propriétés. »
En 1897, Gazalbou (3), vétérinaire militaire, chef du service
tioD âuPalaquium se fait en abattant les arbres. Les réservoirs à latex (laticifères) sont
ici des cellules en files qui résistent évidemment au flux vers Textérieur. De plus,
beaucoup de ces éléments sécréteurs sont situés profondément, très protégés par du
sclérenchyme, quand ils ne sont pas logés dans la moelle, où Ton ne saurait guère
les atteindre.
(1) Cela n'a rien qui doive surprendre, car ces incisions n'intéressent toujours
qu'une région limitée et cela pour les mômes raisons anatomiques sur lesquelles
nous avons déjà suffisamment insisté.
(2) Cette affirmation exagérée montre combien on est porté parfois à conclure selon
ses désirs.
(3) Cazâlbou. — l^s jardins d'essais du Soudan français. Rev. cuU. col. y 1899,
IV, n* 20, 24.
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— 106 —
des cultures du Soudan français, adressait au lieutenant-gou-
verneur des échantillons de gutta de Karité qui se ressentaient
« du peu d'habileté des indigènes à une première récolte. Sa
composition est presque identique à celle de la gutta indus-
trielle ».
Les envois de Cazalbou parvinrent, par l'intermédiaire du
gouverneur, aux Chambres de commerce du Havre et de Mar-
seille et leurs réponses retournées au gouverneur, lui furent
communiquées en juillet de la même année.
Voici d'abord la réponse de la Chambre de commerce du
Havre (1) :
« J'ai soumis à l'examen d'un courtier de notre place, l'échan-
tillon de latex de Karité que vous m'avez fait l'honneur de
m'adresser à la date du 30 avril dernier, et voici les apprécia-
tions de cette personne compétente :
« Ce produit est bien semblable à celui importé ici sous le
nom de gutta-percka^ mais la préparation en est défectueuse
et la marchandise reste passablement chargée de corps étran-
gers.
« Aifec un peu plus de soin dans la préparation, Je pense
que ce produit serait susceptible d'entrer dans la consom-
mation^ au même titre que la gutta-percha » .
Celui de la Chambre de commerce de Marseille passa entre
les mains de Hegkel, qui le soumit à Texamen d'un des manu-
facturiers de gutta à Marseille (Maison Poncelet).
L'échantillon, trouvé très pur et excellent, présenta toutefois
un inconvénient : « excellent pour V industrie du gutta quand
il est de récolte récente, il présente l'inconvénient de se rési-
nifier et de durcir outre mesure après une conservation d'en-
viron une années.
A cette époque. Jumelle (2) reprit les observations de Hegkel,
qui furent de mômes rééditées par Obach (3), dans son livre sur
la Gutta.
(1) M. VuiLLET. — Loc, cit., p. 8-9.
(2) H. Jumelle. — Plantes à caoutchouc et à gutta. Arm. Inst. col., Marseille,
1898, 6* année, V, 164.
(3) OBAcn. — Die Gutta percha, 1899, 1 vol. in 8. Dresden, p. 58.
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-- 107 —
En 1899, le même Gazalbou reprend la question et s'exprime
ainsi :
a Le latex est intéressant en ce qu'il renferme une grosse
proportion de gutta.
« L'époque la plus favorable pour l'extraction de cette subs-
tance, dont la valeur commerciale augmente sans cesse (1), com-
prendles mois de décembre et de janvier. La région du Kati ren-
fermant des Karités en abondance, il a été facile de rechercher
un procédé opératoire pouvant rendre suffisamment de gutta sans
porter atteinte à Texistence de Tarbre producteur.
« Les indigènes (au Soudan français) ne se servant de cette
gutta que dans des circonstances bien limitées [confection de
marteaux de balafons ou de tams-tams), n'ont pas de méthode
d'exploitation.
« Voici le procédé, très simple, auquel nous nous sommes arrêté.
Disons auparavant qu'il existe deux variétés de Bassia Parkii
dont l'une seule contient de la gutta : c'est la même qui donne
surtout les fruits dont on extrait le beurre et qui est des deux
la plus vigoureuse.
« L'écorce de la variété à gutta est remarquable par un qua-
drillé très marqué qui ne fait jamais défaut et intéresse toute
l'épaisseur de la substance corticale. Toute la surface du tronc
et des branches est recouverte de carrés ou de rectangles plus
ou moins irréguliers, dont les côtés varient de deux à cinq cen-
timètres de longueur. Le problème consiste à dénuder quelques
plaques carrées, avec le couteau indigène ou mieux avec un
levier de fer spécial (2).
« On introduit l'extrémité de ce ciseau (de forme très simple)
dans la rainure formant le côté supérieur du carré on rectangle
central, et par im simple jeu de bascule, le carré cortical est
détaché et met à nu une plaie constituée par des fibres libérien-
nes d'un rouge vineux. Sur le côté inférieur de ce même carré,
on pratique une incision de haut en bas et de dehors en dedans
qui fera gouttière et qui recueillera la gutta. On arrive très fa-
cilement à pratiquer cette décortication aussi proprement cpie
possible et aussi vite qu'on le désire.
(1) Un peu exagéré et d'ailleurs aucunemeut prouvé.
(2) Voir figure in Acv. cuU. col, 1899, IV, n» 30, p. 25.
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— 108 —
« Le latex s'écoule aussitôt par grosses gouttes blanches du
côté supérieur du carré, s'unit en passant sur la plaie à celui
qui sort de la surface dénudée et se collecte dans la gouttière
inférieure.
« Quand le temps est sec, la dessication du latex est suffi-
sante après 10 à 12 heures ; mais si l'atmosphère est chargée
d'humidité, 24 ou 36 heures sont nécessaires. Au bout de ce
temps, il existe dans la gouttière pratiquée sur le côté inférieur
du carré, une masse plus ou moins agglutinée d'un blanc légè-
rement violacé, adhérente au doigt ou à n'importe quel objet et
qui, par la traction s'étire jusqu'à former un fil des plus ténus,
non rétractile.
« On récolte cette gutta de deux façons : on peut l'enrouler
autour d'un morceau de bois quelconque, qui devient alors dans
la masse, corps étranger, ou on associe dans la bouche les diver-
ses parties de gutta recueillies avec les doigts.
a Ces dix plaies, pratiquées sur le tronc de chaque Karité à
hauteur d'homme, n'apportent pas d'influence saisissable dans
la vie de l'individu, car la gutta qui reste toujours après la ré-
colte aide puissamment, par sa nature physique, aux phénomè-
nes de cicatrisation. LeBassia. Parkii , avant dix ans, ne donne
guère, ni fruits, ni gutta. A quinze ans, son rapport est déjà
sensible.
« La gutta ainsi recueillie est une substance d'un gris clair lé-
gèrement violacé ; l'action de l'air la brunit assez lentement,
elle se dessèche et est alors très dure. Elle se comporte avec les
agents physiques (chaleur, électricité, etc.) de la même manière
que la gutta industrielle ordinaire.
« Rendement, — Chaque jBâJ^^m, ainsi traité, et à l'âge adulte,
donne pour les dix plaies opératoires, une moyenne de 150 gram-
mes de gutta. Chaque individu peut être exploité 5 ou 6 années
de suite à hauteur d'homme et ensuite dans les régions situées
au-dessus. »
Au point de vue de ses propriétés industrielles, conclut C\-
ZALBOu, cette gutta peut être employée dans l'industrie des
câbles.
« En outre, nous nous en servons dans les mêmes conditions
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— |109 —
que la gutta industrielle ordinaire, pour le moulage des pieds
défectueux de nos animaux domestiques. »
VuiLLKT (1) écrivit à propos de la gutta de Karité, un petit
opuscule, qui n*est autre chose que la publication de son rap-
port adressé à M. le Délégué du Gouverneur général, le 4 sep-
tembre 1900. Il ne renferme guère d'observations originales et ne
fait pas avancer d'un pas la question. C'est une compilation in-
complète, suivie de considérations personnelles sur la méthode
d'extraction et sur le rendement possible d'une exploitation.
Nous retiendrons seulement de ce fascicule les passages sui-
vants, renfermant les observations originales de l'auteur:
<c L'âge auquel un Karité devient exploitable est assez difficile
à déterminer. Comment apprendre l'âge d'un arbre de gens qui
ne connaissent pas le leur? Cependant il résulte de nos recher-
ches qu'un Karité n'est guère exploitable avant sa vingtième
année. De 20 à 35 ans, un Karité bien exploité donnerait un
minimum de 1 kg. de gutta, poids total qui serait obtenu en le
saignant deux années sur trois pendant 15 ans. Nous indiquons
oes chiffres approximatifs d'après nos expériences faites dans le
Jardin d'essai de Kati, sur des Karités incisés au commen-
cement de l'année 1897 et en janvier 1898, par le vétérinaire
Cazalbou et dont il avait tiré 150 gr. de gutta en moyenne par
arbre et par année, et d'après l'observation de ces arbres. Les
plaies anciennes, faites par un procédé que nous indiquerons
plus loin, s'étaient complètement refermées et leur place n'était
plus marquée que par un bourrelet de tissu cicatriciel.
« C'est cette méthode d'exploitation par saignées ne mettant
pas en danger l'existence de l'arbre et renouvelées deux fois
seulement tous les trois ans, que l'on devra adopter si l'on
veut tirer parti des Karités soudanais...
« Tout en ménageant les arbres, un ouvrier payé cinquante
centimes, au maximum, pourra récolter 0 kg. 500 de gutta par
jour. »
M. VuiLLET critique le procédé d'extraction de Cazalbol, car
la gutta obtenue du latex desséché directement sur l'arbre est
de moins bonne qualité que celle obtenue par fermentation du
(1) J. YuiLkET. — Etude dn Karité considéré oomme producteur de gutta, Paris.
André, éd., 1901, 1 fasc. in-16, 36 pp. avec 3 photographies.
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— 110 —
latex, et souvent souillée de débris ligneux et do matières étran-
gères. Il préconise le procédé suivpnt, qui donnerait la gutta la
plus pure et de la meilleure qualité :
L'ouvrier fait à l'arbre, au moyen d'une daba (1) à lame étroite
et bien acérée, des blessures petites et nombreuses, ayant la
forme de rectangles à grands côtés verticaux, de 10 centimètres
carrés de surface environ. Le nombre des plaies variera avec
la grosseur du Karité et sa plus ou moins grande vitalité : on
en fera par exemple de 4 à 8, placées par séries de 2 ou 3 sur
une même ligne verticale, suivant que le tronc sera allongé ou
trapu. Le latex (Ci Hana en mandingue) suinte de suite sur
tout le périmètre de la blessure.
« Le noir le rassemble et le recueille avec son doigt, qu'il a
mouillé pour empêcher l'adhésion et le fait tomber dans une
petite calebasse en passant le doigt sur l'arête vive de l'ou-
verture.
« Peu de temps après la récolte, le latex entre en fermenta-
tion. Il lève et dégage une odeur de lait fraîchement caillé. Au
bout de 12-36 heures, il se divise en un caillot rose ayant la
consistance du fromage à la crème et en un sérum, de couleur
variant du blanc rosé au mauve.
« Le caillot doit être pétri de suite dans l'eau froide ; des fem-
mes peuvent faire ce travail.
« Quand il a été malaxé pendant quelques minutes, il devient
nerveux et un peu élastique, mais reste malléable. On l'étend
en plaques que l'on lave pour enlever les matières étrangères.
Puis on replie, on étend et on nettoie de nouveau ces plaques
en répétant l'opération jusqu'à ce que la gutta soit arrivée au
degré de pureté voulu.
« Quelques heures après sa préparation la gutta du Karité a
perdu sa malléabilité et pris sa consistance véritable.
« La gutta-ci doit être conservée dans de l'eau renouvelée
fréquemment. Au contact de l'air elle s'oxyde, devient cassante
et sa résistance spécifique diminue ; il en est du reste de même
de la gutta-percha. » (2),
(1) Petite sape à manche court, dont les indigènes se servent pour remuer la terre.
(2) Nons ne nous pouvons expliquer pourquoi après ce rapport, il n'a pas été fait,
par les soins de TAdministration, des essais d'utilisation industrielle, soit officieuse-
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— 111 —
Citons maintenant pour mémoire une note de Coviaux, qui
raconte (1) que le Karité fournit un caoutchouc (?) qui a été
trouvé d'excellente qualité, et arrivons aux recherches de Hbim
et Dehay (2). Ces observateurs étudièrent 5 échantillons de
gutta-ci à eux remis par M. Milhe-Poutingon, directeur de la
« Revue des cultures coloniales », et provenant de la région
de Kati au Soudan. Les recherches de Heim et Dehay, très im-
portantes, à cause des conclusions qui en découlent, ont été à
peu près ignorées, et il est vraisemblable que cela tient à leur
mode de publication dans un recueil très peu répandu; nous les
reproduisons in-extenso.
Pour la facilité des descriptions et de l'étude, Heim et Dehay
répartissent arbitrairement leurs 5 échantillons en 3 sortes, dé-
signées par les numéros 1, 2, 3.
Sorte n^ 1. — La première sorte se présente sous la forme
d'une galette de 10 cm. de diamètre, d'une épaisseur de 3 cm.,
à surface extérieur café au lait, luisante, offrant sur la tranche
une couleur plus claire, grisâtre et un aspect nettement stratifié,
dû à la superposition des lamelles, adhérentes les unes aux
autres, celles-ci présentent dans leur épaisseur d'innombrables
alvéoles de petites dimensions, renfermant de fines particules
ligneuses et des inclusions aqueuses (ces galettes résultent sans
conteste du reploiement sur elle-même d'une plaque mince, au
moment où sa coagulation vient de s'effectuer). La surface de
section exhale une odeur marquée de fermentation butyrique,
elle se dessèche rapidement, à la manière d'une terre argileuse,
le produit est dur, cassant, s'effritant à la manière d'une résine.
Sorte n* 2. — Ne diffère de la première que par sa cou-
leur d'un brun chocolat et l'alternance sur les tranches de
veines brunes et blanches (évidemment dues au noircissement
ment, soit of&eieUement, oa bien s'il en a été fiût, pourquoi n'ont-ils pas été portés
à la connaissance du public intéressé.
(1) GoviAUx. — Les produits du cercle de Ségou. Rev. cuU. coL, 1901 ; V,
p. 302.
{% Hbdi. — Studêê scientifiques sur les matières premières, 1 fascicule, Paris,
1901 (Travaux du Laboratoire d'études des itaatières premières de l'Office national
du Commerce). Le produit guttoïde dit gutta-oi du Soudao, p. 56.
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— 112 —
rapide de la surface de la plaque niince de coagulation, avant
son reploiement sur elle-même).
Sorte n^ 3. — Se présente sous une forme très singulière,
celle de baguettes aplaties, résultant sans doute de Tétirement
manuel du coagulum encore mou ; ces baguettes sont sèches,
d'une teinte brun chocolat, striées de lignes alternativement
pâles ou foncées, très cassantes, s'effritant, comme les galettes
des deux sortes précédentes, avec la plus grande facilité.
Composition^ propriétés, — Ces trois sortes ont sensible-
ment les mêmes caractères de solubilité, à savoir : solubilité
presque complète dans la benzine, le chloroforme, le sulfure de
carbone, précipitation partielle de ces solutions par l'alcool,
insolubilité dans l'éther, solubilité faible dans Téther de pé-
trole (1).
Leur composition est la suivante :
II III
Matières tolubles dans l'alcool (matières
résinoïdes) 53 Vo 57 Vo 46 5 « , ,
Matières solables dans Teau 15 17 18
Matières mioérales (cendres) 05 06 0 41
Matières guttoïdes proprement dites 45 o/o 49 7 o/o 52 3 o/o
Toutes renferment une assez forte proportion de matières
azotées ; car, chauffées en présence d'une lessive concentrée de
potasse, elles dégagent assez abondamment du gaz ammoniac.
Les matières résinoïdes, extraites par l'alcool, se présentent
sous la forme d'une masse cornée, peu colorée, très dure, d'as-
pect assez analogue à celui de la gélatine sèche et racornie.
Même privées des matières résinoïdes, grâce à un épuise-
ment par l'alcool bouillant, les matières guttoïdes restent encore
à froid, dures et cassantes.
Le produit brut, soumis en présence de l'eau à l'action pro-
gressive de la chaleur, se ramollit aux environs de 63*, il est
alors susceptible de prendre une empreinte, mais sous Vin-
fluence du refroidissement^ la contraction irrégulière éprou-
(1) Faisons remarquer qne dans le tableau que nous reproduisons plus loin, çotte
solubilité serait «le 98V
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— 113 —
véc par la /nasse déforme l'image, on miMUC temps que le pro-
duit revient à sa dureté primitive et recouvre son caractère de
friabilité.
Valeur. — Le produit de coagulation du latex de Varbre
« Ci » du Soudan, préparé dans les mêmes conditions que oe-
lui soumis à notre examen est un produit de valeur presque
nulle. Son modo de préparation est évidemment défectueux, le
latex a subi la coagulation, alors qu'il tenait encore en suspen-
sion d'innombrables particules ligneuses, le coagulum n'a été
qu'insuffisamment exprimé et séché, la forte proportion d'eau
incluse a permis la fermentation des matières hydrocarbonées
et azotées et si cette fermentation n'a pas altéré la qualité de
la matière guttoïde (fait peu probable à priori), elle contribue
dans une large mesure à déprécier la valeur commerciale du
produit.
Avant de prononcer contre le guttoïde, fourni par le « Ci » ,
une condamnation sans appel, il y aurait lieu d'étudier la com-
position du latex et de procéder à des essais périodiques et
variés de coagulation, mais il est bien à craindre que le mode
de coagulation employé, tout défectueux qu'il puisse être, ne soit
pas la vraie cause du peu de valeur du produit obtenu. Dans
ce guttoïde (il serait tout à fait abusif de le qualifier de gutta),
la proportion de résine n'est pas, en effet, suffisante pour le faire
rejeter par l'industrie, mais les propriétés physiques de la ma-
tière guttoïde, même privée de résine, sont toutes différentes*
de celles des vraies guttas. Si un procédé défectueux de coagu-
lation peut être de nature à augmenter la teneur du produit en
résine, aux dépens delà matière guttoïde, il n'y a guère d'exem-
ple qu'il puisse modifier les propriétés physiques des carbures
d'hydrogène constituant la matière guttoïde.
Heim fait remarquer que ses produits lui semblent différents
de celui étudié par SGHLA.GDEPfHAUFFEN, et cependant, comme il
devait en être sûr bientôt, .la gutta-Ci est bien identique à la
gutta de Karité ou tout au moins les deux désinences com-
merciales se rapportent bien au produit retiré du même arbre.
Le tableau suivant donne les différences de solubilité de ces
deux produits dans les divers solvants usuels (1) :
(1) HUM. — Lac. cit., p. 60.
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— 114 —
GhiAres de Heim et Dehay Chiffres
DisaohrantB n*I n«II n*III Sghiagdbmhauffbm
SaUùre de carbone 100 100 100 S7 92
Ether 8 17 92 111 301
Chlorofanne 100 100 100 98 28
Benxine 100 100 100 9S 80
Ether de pétrole 96 99 98 18 1
Térébenthine (essence sansdoate?) 100 100 100 3
Acide acétique 46 43 45 13
Alooolà9&> 53 57 465 7
Heim, commentant les résultats, conclut que la valeur du pro-
duit étudié est presque nulle. « 11 est rigoureusement rejeté par
les fabricants de câbles, et les industriels qui font entrer dans
leurs mélanges (moides pour galvanos, bacs pour accumula-
teurs, etc.) une certaine quantité de gutta de qualité inférieure,
hésiteraient fort à y incorporer le guttoîde « Ci », en raison
de sa nature cassante.
<c Nous devons ajouter, continue-t-il, que l'occasion nous a été
donnée d'examiner, dans la collection d'une des plus grandes
Sociétés françaises s'occupant de l'industrie de la Gutta, des
boules d'un produit guttoîde de la grosseur d'une orange, d'une
teinte grise, offrant l'aspect de boules de mastic de vitrier sec,
cassantes, dures, riches en impuretés, présentant la plus grande
analogie avec le produit du Soudan ci-dessus étudié, envoyées
il y a deux ans, de l'Afrique occidentale sous la dénomination
de « Gutta de Karité » {Bassia Parkii)^ qui était rejeté au môme
titre et pour les mêmes raisons que le guttoîde de pi.
« Nous nous garderons de conclure contre la gutta de Karité,
mais nous ne croyons pas excessif de réclamer plus de pudeur
de ceux qui affirment sans hésitation dans les rapports admi-
nistratifs (1) que le Karité fournit un caoutchouc (l'auteur veut
sans doute dire gutta) qui a été trouvé d'excellente qualité par
ceux qui en ont fait l'essai. 11 pourrait y avoir dans ces affir-
mations une source d'erreurs préjudiciables.
« On semble trop oublier que la cire à cacheter est apte à rece-
voir et à conserver de fines empreintes et qu'elle n'a rien des
propriétés qui font la valeur des vraies guttas. 11 serait urgent
de fixer par l'étude du latex authentique de Karité la question
(1) Compte-rendu analytique de la séance du 13 juio 1903, p. 38.
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— 115 -
de rutilisation possible par l'industrie de son produit de eoagu*
lation ».
L'année suivante, en 1902, le même auteur revint sur la ques-
tion dans une réunion de la section d'Agriculture coloniale à la
Société française de colonisation (1). Il a pu recevoir des échan-
tillons authentiques du produit de coagulation du Karité
auquel « il est difficile d'attribuer à ce produit un nom justifié :
ce n'est pas une gutta, ce n'est pas une résine ; nous avons
adopté, dit-t-il, pour désigner ce groupe de produits mal défi-
nis, provenant de la coagiJation du latex de certaines Euphor-
biacés et Apocynacées, de beaucoup de Sapotacées, ce nom géna-
ral de produits guttoïdeSy qui rappelle une de leurs propriétés,
celle de se ramollir à chaud, de prendre des empreintes, sans
posséder cependant les propriétés physiques essentielles de la
vraie gutta ».
Les échantillons provenaient de l'arbre producteur du beurre
de Karité : l'un expédié à la Société industrielle des téléphones
avait été communiqué par M. Yung, ingénieur de cette Société,
et s'était résinifié totalement en quelques mois, de telle sorte
que la masse était entièrement sèche, friable et pulvérulente ;
l'autre relativement frais, provenait de M. Van Gassel, avocat
général, et avait été préparé quelques mois auparavant dans
la région des sources du Niger ; il avait tous les caractères
de la Gutta^Ci^éiudiée précédemment par Heim et Dehay.
« C'est une galette présentant l'aspect d'une argile compacte
ayant la consistance d'un savon dur et toute pleine de très
petites alvéoles remplies d'eau, cette gomme renferme plus de la
moitié de son poids sec de substances résinoïdes, et ramollit
dans l'eau, aux environs de 50^ et est susceptible de prendre une
empreinte vers 65**, mais sous l'influence du refroidissement,
la contraction irrégulière éprouvée p€Lr la masse déforme l'image
en même temps que le produit revient à sa dureté primitive et
recouvre son caractère initial de friabilité.
« C'est donc, contrairement à ce qui a été dit, une détestable
matière première pour l'industrie des moules de galvanoplastie.
Même privée, par épuisement, des résines qu'elle contient, la
(1) Voir, par exemple, Coviaux. Les produits du cercle de Ségou,i2ciu. cuit. Col.,
1901,302.
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- 116 —
matière guttoîde du Karité présente des propriétés physiques
différentes de celles de vraies guttas ».
Enfin un troisième échantillon provenant de M. Lamy-Torhil-
LON, avait été reçu pour essais par ce dernier avec Findication
« Guttade Karité de la Haute Guinée ».
« Cet échantillon est formé de lanières découpées dans une
plaque de gomme encore molle et enroulée sur elle-même, à la
manière des lanières constituant nombre de sortes de caoutchouc
de la côte occidentale d'Afrique. Cet échantillon y également
riche en résine, a servi à faire un essai de fabrication indus*
trielle qui a abouti à sa condamnation sans appel. La pré-
tendue gutta de Karité est dépourvue de toute valeur indus-
trielle.
« Il y a cependant lieu de vérifier si, par une étude appro-
fondie du latex, on ne pourrait pas aboutir à une méthode de
coagulation qui fournisse un produit de quelque valeur. C'est
chose peu probable ; en tous cas un fait reste acquis : de l'avis
des industriels les plus autorisés, auxquels nous l'avons
soumiSy le guttoîde de Karité^ tel qu'il est actuellement pré-
paréy ne peut trouver acquéreur en Europe. Les colons qui
pourraient être tentés d'entreprendre^ comme le conseillait
récemment Vuillet, l'exploitation simultanée des Karités et
des lianes volubiles autour de leur tronc (Landolphia et liane
indigofere <c Garaba », Lonchocarpus cyanescens), feront
sagement de tenir compte de ces données positives^ qui ne
prêtent à aucune discussion. »
Avec ces communications de Heim, nous voici enfin en posses-
sion d'un document important, et en pleine contradiction avec
les affirmations antérieures ; on aurait pu croire que la question
ne reviendrait plus que pour être à nouveau soumise à l'expéri-
mentation industrielle et scientifique, il n'en est rien malheureu-
sement, et en France comme à l'étranger, les recherches de HsiM
et Dbhay n'eurent aucun retentissement et restèrent totalement
ignorées. On continua à vivre sur les «c on dit » du passé.
C'est ainsi que AcKERMANN(i), en 1904, publie une note ne
renfermant quoi que ce soit d'original, note qui eut un certain
(1) AcKERMANN. — La gutta du Karité, Revuê de chimie industrielle, 1904, XY,
310 et Le Caoutchouc et la Guita, Paria, 1906, II, n* 4, 132.
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— 117 —
retentissement à l'étranger et dans laquelle il attirait Tattention
sur les faits signalés parCAZALBOU, qui prétendait que les deux
variétés hâtive et tardive de Karités fournissaient du latex de
qualité très différente et que Tun d'eux seul, pouvait donner une
gutta ayant une valeur véritable.
Rappelant les appréciations diverses portées sur cette gutta,
il dit :
« Cette incertitude sur la valeur d'un produit qu'on recherche
avidement de tous côtés est due soit aux divers procédés de
récolte et de préparation qui ont pu être employés, soit surtout
à rignorance de ce fait qu'il existe deux variétés de Karité, dont
il est essentiel de ne pas confondre le latex ».
Il est vraiment regrettable que Ackermai^n n'appuie son aflBr-
mation par aucune observation nouvelle, et pourtant il a vu de
nombreux échantillons de Karités dans la région de Kati-Bam-
mako, d'où il revenait à cette époque, et cette région est en
effet particulièrement riche en représentants de cette essence
forestière !
Comme on l'a vu, la question n'avait guère attiré l'attention de
nos voisins de l'Est pourtant si préoccupés de toutes les nou-
veautés industrielles, et c'est seulement après cette note de
AcKERMANN quc Engler (1), Témineut directeur du Jardin bota-
nique de Berlin, publia à son tour une courte notice sur les moyens
de mettre en valeur le ButyrospermumParkii^M Togo. Engler
fait un court historique de la question et insiste uniquement sur
ce fait que, le Karité étant une plante de la famille des SapO'
tacées, on a parfaitement raison de faire des recherches dans le
sens de l'utilisation du produit de coagulation du latex. Il signale
même d'autres arbres du Cameroun, appartenant au genre voi-
sin Omphalocarpuin^ comme devant également attirer l'atten-
tion au sujet de leur latex.
Un nouveau travail, d'ordre chimique, vit le jour cette même
année 1904, dans un laboratoire industriel de Berlin, où il fut
entrepris sur des échantillons provenant de Bammako, par
MM. Marckwald et Frank (2). L'échantillon était une masse
(1) Engler. — Winke zur Verwertung des in Togo hàufigen. Butyroêpermum
Parkii. NoHibl. des K, bot. Garten$ zu Berlin, 1904, p. 166.
(2) Marckwald und Frank. — Ucber die Guttaperchahaltige Subtanz aus dem
Harz des Karitebaumes. Die Gummizeitung, 1904, XIX, 167.
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— 118 —
arrondie de 3 cm. environ de diamètre, dont la surface extérieure
était colorée en brun par des débris végétaux. La cassure lais-
sait voir de petites perles résineuses, les unes tout à fait blan-
ches, les autres brunâtres, qui, alternant avec des débris ligneux,
donnaient à la surface un aspect marbré. Les parties résineuses
se laissaient rayer par l'ongle. L'analyse donnait la composi-
tion suivante :
Substance guttoîde (Quttaartige S.) . 25 20 p. 100
— résinoide (Harzartige S.). . . 57 18 —
Parties végétales 5 76 —
— minérales 6 87 —
Eau 504 -
Par traitement au chloroforme, suivi d'une filtra tion et d'éva-
poration du liquide clair, les chimistes obtinrent un gâteau pres-
que transparent qui, par le frottement, devint opaque.
L'acétone en dissout la plus grande partie, en laissant seule-
ment une substance blanche qui se comportait sensiblement
comme la gutta de la gutta-percha.
Cette substance se laisse malaxer dans l'eau chaude, mais
redevient dure au froid. Elle se précipite de ses solutions par
l'addition d'acétone ou d'alcool.
Ce guttoîde purifié par dissolution et précipitation successives
a la composition élémentaire suivante ;
Carbone 8126 p. 100
Hydrogène.... 10 48 —
Oxygène 8 81 —
Il s'agissait ici d'un produit fortement oxydé, dont le produit
d'addition obtenu au peroxyde d'azote par la méthode de Wbbeh
se rapproche du nitrosite de Harribs (C^^ H^^^ N^*).
La résine restée en solution est visqueuse, et si l'on a fait la
précipitation du guttoîde par l'alcool ou l'acétone, on peut sé-
parer deux produits résineux: l'un dur, à point de fusion élevé
et l'autre de consistance molle et gluante.
Cette résine du Karité, traitée par la potasse alcoolique (prin-
cipalement la partie dure, à point de fusion élevé), donne une
odeur de cannelle assez prononcée.
De leurs recherches, Marckwald et Franck tiennent comme
démontré que le latex de Karité renferme une gutta ou tout au
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— 119 —
moins un produit guttoïde qui se rapproche beaucoup de la
gutta.
L'année suivante, le D' Fendler (1), à son tour, reçut au
Laboratoire de pharmacologie du professeur Thoms, à Berlin (2),
6 échantillons de latex et produits g^ttoîdes, recueillis par les
soins du D*" Kersting de la station botanique centrale de Lama,
district de Transkara au Togo.
L'échantillon n® i était coagulé depuis quelque temps et se
présentait sous forme d'une plaquette, tel que les naturels le
préparent pour fabriquer leur glu avec laquelle ils prennent les
petits oiseaux.
Les n®* 2, 3, 4, 5, consistaient en latex inclus dans des bou-
teilles et additionné d'ammoniaque à l'état frais ; le n"* 5 était
coagulé ; enfin le n* 6 avait été coagulé et le produit conservé
sous l'eau.
Préparation et usages. — Dans ce pays de Transkara, où il
n'y a pas de steppes et par conséquent pas de feux de brousse,
dit le D*^ Kersting, les Karités sont nombreux et superbes.
Leur écorce est déchiquetée, bosselée et couverte même
d'excroissances grosses comme le poing. Les indigènes, à l'aide
de leur petite hache, font de petites ouvertures grandes environ
comme une pièce de 5 marks. Le latex s'écoule et le sécrétât
coagulé est recueilli et rassemblé ; les années suivantes on fait
les blessures à d'autres endroits, et les plus anciennes se fer-
ment par formation de bourrelets subéreux qui donnent ces
excroissances verruqueuses.
Le produit sécrété, coagulé (sécrétât), est ramolli dans l'eau
chaude et à cet état il est trituré avec huile de noyaux de pal-
mes ; il conserve alors une consistance visqueuse et sert à la
confection de pièges à glu.
Le même sécrétât, ramolli dans l'eau chaude, est employé
sans huile pour attacher sur leurs coiffures de danse et de guerre
(1) G. Fendler. — Zur Kenntnis des Sekretes von Butyroêpermum Parkii (des
sogenannten Karite^jutta) in Arbeiten ans dem phann . Inttitutder Universitât
Berlin. 1906, lU, 260-276.
(2) Ces échantillons avaient été adressés à M. le Professeur D' ëngler par le
D' Kersting dont nous avons parlé précédemment
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— 120 —
des ornements : fèves rouges, perles, morceaux de fer, etc. La
jeunesse enduit de cette matière les extrémités des flèches pour
le tir à la cible et pour la chasse des petits oiseaux.
Etude chimique. — La plaquette de matière guttoïde, éti-
(fuette n** 1 est de couleur brun chocolat, rougeàtre intérieure-
ment et renferme quelques débris végétaux. Elle est dure à la
température ordinaire et se pulvérise sous le marteau ; elle est
friable et se laisse couper très mal sans suivre la direction
imprimée au couteau.
Elle se ramollit et devient gluante à la main, et de petits
morceaux peuvent être malaxés. Elle ne s'enfonce pas dans l'eau,
devient plastique à 35®, gluante au dessus de 40^, visqueuse et
filante vers 50®.
Un échantillon moyen bien choisi, malaxé pour le rendre bien
homogène, devient plus lourd que Teau, prend une couleur rose
sale, zébrée en noir par les fragments ligneux.
Après un séjour de plusieurs journées dans Teau, la substance
guttoïde reprend sa dureté et devient à nouveau plus légère que
Teau et la masse ainsi traitée, après un long séjour à l'air,
devient brun chocolat, tandis que l'intérieur reste de couleur
chair qui, peu à peu, se fonce à son tour.
Un échantillon moyen desséché sur l'acide sulfurique laisse
par calcination 6,98 % de cendres.
Les essais de solubilité ont donné les résultats suivants en
prenant 5 gr. d'échantillon moyen, séché sur l'acide sulfurique
sur lequel on verse 95 gr. d'un des dissolvants et laissé en
contact pendant deux jours en agitant de temps à autre et lais-
sant déposer :
Ethbr : Le liquide au dessus du dépôt est louche. On en prélève une partie qui
est pesée et évaporée, puis traitée avec un fort excès d'alcool : il se fait un précipité
finement floconneux qui, recueilli et desséché, représente 10,2 ^/o de la substance
primitive.
Par évaporation de la liqueur filtrée, on obtient 47 ^/o de résine. Par des traite-
ments identiques on obtient avec :
Ether de Pétrole : Substance précipitable par
ralcool li.o "/„
-^ — Résine dans le filtratum 49.4
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- 121 —
Benzine: Subttanc* précipitable par
ralcool 15.7
— Résine da filtratnm 46.2
Chloroforme: par l'alcool 25.6
— Réime 80.U
Tbtrachlorure DE Carbone : par ralcool 16.61
— — — Résine 47.2
Par l'alcool absolu on peut dissoudre, avec un semblable traitement, 40 <>/o.
En résumé, c'est le chloroforme le meilleur solvant.
Fendler a fait subir encore à des échantillons des traite-
ments variés sur lesquels nous ne voulons pas nous étendre
plus longuement et dont nous allons résumer seulement les
points principaux.
Si on chauffe avec précaution, en présence de permanganate
de potasse, la substance privée de résine (gnttoïde), il apparaît
une odeur d'aldéhyde benzoïque, et on peut en extraire un pro-
duit cristallisé en aiguilles qui fut identifié à l'acide cinna'
inique, ce qui n'a rien d'extraordinaire, ce corps entrant en
combinaison assez fréquemment dans ce genre de produits
naturels.
La substance primitive, épuisée par l'alcool chaud ou froid,
reprise par le chloroforme et le filtrat précipité par l'alcool
puis desséché dans le vide, donne un résidu guttoïde dont les
analyses élémentaires ont fourni les chiffres suivants :
Théorique l^^ analyse 2* analyse
(CAO) Carbone 88.14 86.99 87.07
(H»«) Hydrogène.... 11.86 10.U8 10.98
to oxygène 2.14 1.95
Après purification, Fendler obtient encore les chiffres suivants :
C = 87.29 H = 11.21 0 = 1.90
Cette matière n'est donc pas un carbure d'Hydrogène pur,
puisqu'elle renferme toujours une proportion non négligeable
d'oxygène.
Tels sont les résultats analytiques obtenus en opérant sur la
matière commerciale. Les recherches sur les latex des flacons
n*** 2, 3, 4, 5 ne les infirmeront guère.
Le contenu des flacons, coagulé, donne un caillot de couleur
variant du blanc-rosé au rosé clair et un liquide jaune verdâtre.
La proportion du caillot était variable : de 8 % dans le n** 2,
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— 122 —
elle atteignit 15 % dans le n* 3, et le produit obtenu après
ramollissement dans Teau chaude et maxalage de couleur gris
blanchâtre ou rose clair était plus lourd que l'eau, sauf cekii du
n** 5 qui resta plus léger. Le coagulum, conservé sous Teau, du
n* 6 était de couleur grisâtre, friable, ne se laissant couper
qu'en s'eifritant, plastique dans Peau tiède, mais gluant dans
Teau plus chaude ; il était également plus lourd que l'eau.
L'auteur entreprit alors une série d'expériences comparatives
résumées dans des tableaux (1) avec une Gutta vraie pauvre en
résine, c'est-à-dire de très bonne qualité et une gutta vraie
riche en résine.
Il existe, dans les produits obtenus de ces divers traitements,
des différences considérables et la consultation de ces tableaux
entraine véritablement la conviction que le produit du Karité ne
saurait en aucune façon être rapproché de la véritable gutta.
Voici d'ailleurs les conclusions résumées de Fkndler que
nous avons traduites aussi fidèlement que possible :
« D'après les résultats, les échantillons de guttoïde de Karité
que j'ai eus à examiner peuvent être regardés comme sans va-
leur, si on les considère comme succédanés de la gutta. Toute-
fois, cette manière de voir ne doit aucunement empêcher de
poursuivre la question au double point de vue botanique et chi-
mique. »
Il revient, en terminant, sur l'idée des deux espèces de Karité
donnant l'une : une gutta de valeur, l'autre un produit sans
utilisation possible et qu'il attribue toujours par erreur à Acker-
MANN. Nous savons que cette observation est de Gazalbou,
aussi nous terminerons cette étude critique en donnant la pa-
role à ce dernier, dont la robuste foi en l'avenir de la gutta de
Karité n'est pas ébranlée.
Dans une note récente (2), après avoir cité la note pessimiste
de IIeim, Gazalbou dit que, en 1902-1903, à son retour dans la
colonie, il étudia à nouveau la récolte et la préparation du pro-
duit, car il pensait qu'une telle divergence dans l'appréciation
de la gutta de Karité pouvait tenir non seulement au manuel
(1) Voir ces tableaux p. 272 et 973 du mémoire.
(2) GAZ4LB0U. — Le Karité. Répertoire de police êanitaire vétérinaire^ 1906,
XXII, i\o 5 et 7, p. 72-76, 98-100.
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— 123 -
opératoire, mais encore à rorigine même de la subitance. On
pouvait en effet supposer que les deux variétés de Karité don-
naient des guttas différentes.
« L'étude que nous venons de faire récemment (1905) nous a
montré que les deux variétés de Karité produisent une gutta
sensiblement de même valeur et qu'il importe avant tout de
procéder avec soin à la récolte et à la préparation du coagu-
lum. »
Voici les conseils qu'il donne à ce sujet:
« Récolte et préparation de la gutta. — Disons tout de suite
que nous n'avons pu extraire la gutta des feuilles de Tarbre
par le procédé Ledeboer (traitement par l'eau chaude ou l'eau
bouillante).
« Les incisions du tronc et des branches principales se font
facilement en soulevant et en arrachant les carrés corticaux si
bien dessinés dont il a été parlé dans la partie descriptive de
l'espèce.
« On met ainsi à nu un tissu fibreux, rouge vineux, duquel
le latex perle aussitôt. Si l'opération se fait en décembre-jan-
vier (à ce moment le latex nous a paru plus riche en substances
guttoïdes), la coagulation s'effectue assez vite sous l'influence
desséchante de l'alizé qui souffle alors de façon régulière. On
peut le recueillir vingt-quatre heures après.
m En se desséchant, la partie fluide qui, dans des vaisseaux
laticifères, maintient la gutta en dissolution, reste pour une
partie incluse dans le coagulum. Sous l'action de l'air^ il peut
se produire des fermentations qui nuisent toujours à la qualité
commerciale du coagulum.
« Il importe donc donc d'éliminer aussi complètement que pos-
sible cette partie liquide.
« Pour cela, au fur et à mesure que la récolte s'opère, on ra-
mollit les échantillons apportés dans l'eau chaude, aussi chaude
que la main peut la supporter. Le produit se ramollit rapide-
ment ; on le malaxe soigneusement et on le débarrasse ainsi
facilement des particules ligneuses qu'il est difficile de ne pas
enlever du tronc, ainsi que du liquide lactescent à propriétés
fermentescibles.
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— 124 —
#c La gutta reste alors à l'état de pureté.
« On la met ensuite dans l'eau froide où elle prend sa consis-
tance normale.
« Dans cet état, elle est de couleur blanche. Sous l'action de
l'air, elle ne tarde pas à prendre une légère teinte brune qui va
s'accusant avec le temps ; ainsi cpi'il a été dit, elle se résinifie.
« On peut toutefois empêcher cette action en maintenant la
gutta à l'ombre et dans l'eau. Ainsi elle reste blanche et con-
serve toute sa valeur. » (1)
Nous ajouterons que M. Cazalbou nous écrivait, en juillet
dernier, avant son départ de la colonie, que des échantil-
lons de coagulum, préparés par lui avec le plus grand soin,
avaient été adressées au gouvernement général, qui à son tour
les avait fait remettre, aux fins d'analyse, au Jardin colonial
de Nogent-sur-Marne où ils doivent être depuis mai 1906. Il y
a lieu d'espérer que, sans plus tarder davantage, cet établisse-
ment oi&ciel nous dira bientôt dans quel sens la question doit
être définitivement résolue.
Conclusions concernant le produit guttoïde ou pseudo-gutta
du Karité.
Cet historique, que l'importance du sujet nous incitait à ne
pas trop écourter, comporte de nombreux enseignements qu'il
ne serait pas inutile de dégager.
Tout d'abord, au point de vue général, il montre combien il
est imprudent de s'engager dans une voie économique nouvelle
sans s'être préalablement documenté d'une façon satisfaisante,
et sans avoir effectué des essais suivant des méthodes rigou-
reusement scientifiques.
Pour tous les essais de matières premières, la collaboration
intime du botaniste et du chimiste est de toute nécessité et l'on
reste stupéfait d'avoir encore à le répéter.
L'industriel et ses laboratoires d'essai (2) n'interviennent qu'en
(1) M. Dybowski nous (ait réponse» en date du 15 janvier 1907, que «t un seul des
deux colis annoncés est parvenu à destination » et que des recherches étaient opérées,
aflo de pouvoir commencer des études comparatives.
(2) Nous parlons, bien entendu, de rindustriel moderne digne de ce nom, qui a
des laboratoires bien installés en vue des services qu'ils auront à rendre, avec des
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— 125 —
seconde ligne , car les « scientifiques » doivent seulement clier-
cher les moyens d'appliquer aux besoins de ceux-ci, la matière
présentée à Tétude et dont les essais chimiques techniques font
pressentir les qualités économiques.
C'est pour avoir méconnu ces principes généraux que, depuis
1885, sur une analyse sommaire, la question du guttoîde de
Karité est restée stationnaire.
Il est vraiment extraordinaire de songer qu'aucune enquête
sérieuse n'a encore été faite par les services spéciaux pour dé-
terminer la valeur des espèces ou variétés de cet arbre pro-
ducteur de deux matières susceptibles d'utilisation, dont la mise
en valeur serait du plus haut intérêt commercial pour toutes nos
colonies de l'Afrique occidentale.
De même, est-ce que la France manque de laboratoires dans
lesquels le produit dont il s'agit aurait pu faire l'objet de re-
cherches spéciales ? Nous ne le croyons pas.
Toujours est-il que jusqu'en 1902, avant les expériences de
Heim et Dehay, on ne savait rien de précis.
Depuis lors, il n'est plus douteux que le guttoîde de Karité
est un produit de bien médiocre valeur, si on le considère comme
succédané de la gutta-percha vraie.
Il restait à ce sujet quelques doutes, car on pouvait espérer
encore qu'il existait plusieurs espèces végétales de variétés dont
l'une seule fournissait un produit utilisable.
Le doute ne semble plus permis ; malgré les tentatives les plus
récentes, nous avouons ne plus avoir confiance, et les recherches
de Fendler ne sont point pour nous rendre optimiste.
Peut-être quelque jour trouvera-t-on moyen d'utiliser la ma-
tière guttoîde du Karité en mélange avec d'autres produits, nous
le souhaitons, mais nous n'y croyons guère.
En tous cas, elle ne sera jamais qu'un produit accessoire et
la matière grasse seule, extraite du fruit, reste un produit de
première valeur.
chimistes compétents et non de ces industriels à qui suffit la routine ou bien encore
ceux pour qui on laboratoire technique est une parure que Ton affiche et non un
ustensile dont on se sert.
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TROISIEME PARTIE
L'Argan.
Historique.
L. Gentil, maître de conférences à la Sorbonne, le savant
explorateur du Maroc, fut tellement frappé, au cours de ses
excursions, de l'intérêt de l'Arganier, que, dans son livre qui
n'est qu'un simple récit de voyages, très documenté d'ailleurs,
il a fait exception pour cet arbre qui joue dans les régions du
Haut- Atlas, un rôle remarquable au point de vue de la géogra-
phie botanique et qui est d'une réelle importance dans la vie
économique de ces pays. Il lui consacre, en effet, plus de vingt
pages formant un chapitre spécial ou appendice au volume (1).
Nous le citerons en entier dans cette étude, en faisant remarquer
avec l'auteur que si l'Arganier a une influence marquée sur
l'existence des populations arabes ou berbères des contrées qu'il
recouvre, et bien qu'on en ait souvent parlé, « il mérite encore
Vattention parce qu'il est vraisemblablement destiné à un
plus grand avenir. )>
L'Arganier est très anciennement connu, ainsi que le prouve
cette note de l'Introduction du Traité des Simples (2) où L.
Leglerc dit que, « vers l'année 1219, Ibn el-Beîthar se mit en
marche pour l'Orient. Il passa par le Maghreb et dut y voyager
(1) L. Gentil. — Exploration au Maroc. Paris 1906, un vol. in-8«, Masson et Cie,
éditeurs. Supplément : QiMlgtMS motê but VArganier, 341-364.
(2) IBM kl-Bbîthar. — Traité des Simples (Traduction française du Dr L. Lbclerg.
Notices et manuserits de la Bibliothèque nationale 1877, T. 111, 53 ; 1881, XXV,
131 ; 188B, XXVX, 244.
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— 128 —
îi petites journées, vu le grand nombre d'observations qu'il y a
faites. » Ici les plantes récoltées sont données avec leurs noms
indigènes, c'est-à-dire berbères. Son séjour au Maroc est accusé
par la mention de VArganier,
Plus loin, on trouve la description du célèbre botaniste arabe :
« Arganier (Ardjfln), c'est un mot berbère et c'est le nom
d'un arbre qui se trouve dans le Maghreb extrême, dans la
province du Maroc. Il a des aiguillons très piquants et donne
un fruit de la forme d'une petite amande appelée vulgairement
« amande berbère. »
Dans le même ouvrage, le savant arabe rapporte que « c'est
un fruit qui ressemble à un petit gland de couleur jaune. Sur un
de ses côtés il porte une dépression étroite qui ne pénètre pas
jusqu'à l'intérieur. Il ressemble intérieurement à une graine de
Pin. Il est fourni par un arbre de haute taille du Maghreb
extrême. Ce fruit est chaud et resserre le ventre. Son huile est
avantageuse contre la surdité chronique et les maux d'oreilles ».
Ces phrases sont d'iBN Rodhouan, citées par Ibn el-Beîthar,
qui continue : c'est rirdjân. Les Berbères du Maghreb l'ap-
pellent argân ; il croit au sud de la ville de Maroc, dans les
cantons de Hàhâ et de Regràgà. Il est très épineux et ses
piquants aigus sont un obstacle à la récolte du fruit. On en
obtient de l'huile en donnant d'abord le fruit à manger aux chè-
vres et aux chameaux à l'époque de sa maturité. Ces animaux
rendent les noyaux et alors on les recueille, on les casse comme
des amandes. On prend la pulpe et on en retire une huile
comestible. Chez les gens du pays, c'est une des meilleures
huiles et des plus estimées. On la connaît sous la nom d'huile
d'ardjftn.
Enfin, dans ce même ouvrage, on relève encore la note suivante :
« HuiUd' arganier. — On dit que c'est l'huile de herdjân, que
les Berbères du Maroc appellent ardjân ou bien encore argàn.
C'est un arbre de haute taille, épineux, donnant un fruit du
volume d'une petite amande et contenant un noyau. Les chèvres
et les chameaux mangent ce fruit et rejettent le noyau que l'on
recueille, que l'on triture et dont on extrait l'huile pour l'em-
ployer dans les préparations alimentaires à Maroc et dans les
environs.
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- 129 —
« Kllc est ilouco comme l*huile d'olive, nu rapjiort de e(mx qui
(Ml ont mangé. On dit aussi que Thuile des nègres est tout autre
chose que l'huile d'Arganier, que c'est une huile qui vient du
pays des nègres, qu'elle est très échauffante et qu'on l'emploie
contre les maladies de nature froide. »
Ce que raconte l'auteur au sujet des chèvres et des chameaux
servant de dépulpeurs, et donnant après eux un produit dont on
retirera une huile alimentaire pour l'homme avait été déjà rap-
porté par Venture de Paradis (1).
El Bekry, le géographe arabe, Edrissy puis Schousboe,
ancien consul de Danemark à Tanger, confirment le fait, et ce
dernier ajoute que les chevaux et les ânes n'en veulent pas
manger.
LÉON l'Africain, en 1510, fait mention de l'Arganier et la
description de l'espèce fut donnée, pour la première fois, par
Linné (1737). Il la nomma Sideroxylon spinosum^ mais le spé-
cimen, étudié par l'illustre naturaliste n'avait pas de fleur, ce qui
peut expliquer la confusion qu'il a faite de cette plante ligneuse
avec le « bois de fer » dont il se distingue cependant par un
grand nombre de caractères.
Le conseiller d'Etat G. Hoest (2), après un séjour de trois
années au Maroc (1766-1768), a publié un très intéressant
mémoire sur la Flore du Maghreb, dans lequel il décrit longue-
ment l'Arganier.
Après lui, vinrent Schousboe et Broussonnet ; le premier,
consul danois, parcourut l'empire du Maroc en 1791 et 1793, et,
pendant un long séjour dans le pays, fit de la botanique le
principal objet de ses loisirs ; le second, membre de l'Institut,
chercha dans ce pays un refuge contre les terribles événements
politiques de son époque. Il visita Tanger, Salé et Mogador en
1796 et 1898 ; tous deux ont décrit VArgania.
La description de Broussonnet a été adressée à l'Institut en
1802, mais ne fut jamais publiée (3).
(1) Dict. berb., p. 230.
(2) Et non Schousboe, comme le dit à tort Gentil.
(3) Voir Mém. Sue. Linnéenne de Parié, 1825, III, p. 19.
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- 130 —
Mais, en revanche, Sghousboe publia des renseignements
qui furent, jusqu^a ces derniers temps, les seuls d'apparence
bien authentique (1).
« L*Argan du Maroc, dit cet auteur, ne se rencontre point
dans le nord, mais seulement vers le sud. Les personnes,
auprès desquelles j^ai cherché à prendre des renseignements
précis, se sont toutes accordées à dire qu'il n'existe qu'entre les
deux rivières Tansift et Suz (Oued-Tansift et Oued-Sons), par
conséquent entre le 30* et le 32* degré de latitude, où, du
reste, il compose la majeure partie des machis (maquis).
Il fleurit au milieu de juin ; le fruit noue vers la fin du mois
suivant ou au commencement d'août ; il continue à croître len-
tement jusqu'à l'époque des pluies, qui commencent à tomber
en septembre. A partir de cette époque, il augmente dé volume
et à la fin de mars de l'année suivante il est bon à récolter... »
A cette époque, les cultivateurs se rendent dans les maquis
d'Argan, traînant à leur suite famille et troupeaux ; « ils
secouent le fruit des arbustes et en séparent sur place la pulpe
de son noyau. Cette pulpe est évidemment mangée par les cha-
meaux, les chèvres, les moutons et les vaches. L'àne et les
mulets, au contraire, la rejettent. Après avoir fait provision des
noyaux d'Argan, les Arabes les transportent dans leurs
demeures.
« On brise la coque épaisse et ligneuse entre deux pierres pour
retirer les amandes, qui sont d'une couleur blanche. Les graines
sont torréfiées sur des vaisseaux de fer ou de terre comme le
café ; pendant tout le temps de l'opération, on les remue sans
cesse avec une baguette afin de les empêcher de brûler. Pour
arriver au degré convenable de torréfaction, les graines doivent
avoir une couleur brune sans aucune carbonisation extérieure.
La fumée qui s'échappe pendant l'opération répand une odeur
très désagréable.
« Quand la graine est parfaitement refroidie, à l'aide d'un
moulin à main on la réduit en une substance pâteuse qui
ressemble à la pâte d'amande, avec cette différence que la couleur
(1) Sghousboe. — Beobachtung ûbèr das Gewachsreich in Marokko, 1801, p. 97,
d'après De Noé, Rev, horticole^ i*' avril 1853.
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— 131 -
(»st hniae. On la place dans un vase pour extraire Tliuile, ce qui
s'effectue en versant sur elle de Peau bouillante et en la pressant
avec les mains.
« On continue la manipulation jusqu'à ce que la pâte devienne
solide ; plus la pâte est dure, mieux on a détaché les parties
huileuses, dont on la dépouille presque entièrement à l'aide de
Teau froide. L'huile qui découle est enlevée avec des verres
propres. Pour obtenir la bonne qualité et une plu« grande
abondance d'huile, tout dépend des pressées de la pâte et de la
quantité exacte d'eau chaude qu'on verse sur elle. Il est toujours
plus prudent de la ménager que de l'employer outre mesure.
« La pâte devenue solide est quelquefois dure comme la pierre,
elle est d'une couleur noirâtre et d'un goût amer et désagréa-
ble. '
« L'huile, abandonnée au repos, devient limpide et sa couleur
est brunâtre. Pour l'odeur et la saveur, elle sent le roussi.
« Quand on l'emploie dans la cuisine, sa fumée irrite fortement
les poumons et fait tousser. Lorsqu'on l'utilise pour l'assaison-
nement des aliments, son goût acre et vif brûle longtemps le
gosier ; les gens riches la mélangent avec de Peau, ou bien la font
bouillir avec un morceau de pain pour enlever cette âcreté. »
De Nok ajoute que le bois d'Arganier est dur, pesant, résis-
tant, et qu'il est recherché pour les travaux de menuiserie et la
fabrication des ustensiles de ménage.
Ali Bey el Abbassi (1) rencontra, en 1803, une multitude
d'arbres qui, dans le pays, sont appelés « i^*gan », ce qui
par dessus tout lui parut magnifique. Nous extrayons de son
récit les passages suivants :
« Cet arbre précieux se multiplie de lui-même, sans avoir
besoin de cultiver, en sorte qu'il n'y a autre chose à faire que
d'en recueillir le fruit : c'est une espèce d'olive extrêmement
grasse, de laquelle on extrait abondamment de l'huile, bonne à
tous les usages.
« Il parait que Linné a mis cette plante, ou dans le genre
RhammuSy ou dans le SiderojcUus; il la nomme Rhamnius
(1) Au Bey. — Voyages en Afrique eten Asie. Paris, 1814, I, 254. — Au Bey est
le pseudonyme de Domingo Badia y Lebucu, savant voyageur espagnol, né en
Biscaye en 1766, mort en 1818 de la dysenterie en se rendant de Damas à la Mecque.
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— 132 —
sicuLus dans son Système et Sideroxilus spinosus dans son
Herbier. Le savant botaniste Dryander lui donne le nom de
Rhammus pentaphyllus\ mais M. Schousboe, consul du roi de
Danemark à Maroc, qui a examiné les plantes du pays avec
beaucoup plus de soin qu'on ne l'avait encore fait, s'est décidé
à suivre les botanistes Retz et Wildenow, qui Tout appelée
EUeodendron argan (Gélastrinées).
« La description de M. Schousboe est sans doute la plus
complète ; il y a seulement quelques petites différences que Ton
verra dans ma partie scientifique (1). L'arbre se trouvait, à
mon passage, en pleine fructification. Il est épineux, et sur le
fruit se trouve une grande abondance d'une sorte de gluten
résineux, dont la chimie pourrait peut-être profiter. Sa pulpe,
après l'extraction de l'huile, est un excellent aliment pour les
bœufs. Il y en a dans cet endroit un bois de dix à douze jour-
nées de chemin, en direction N. et S., où la main de l'homme
ne fait autre chose que recueillir les fruits. Ne serait-il pas
possible de l'acclimater dans les pays méridionaux de l'Europe?
Gela vaudrait bien, à mon avis l'acquisition d'une province. »
En 1853 (2), parut dans la Revue Horticole (3), une notice du
vicomte de NoÉ, qui rapporte que le capitaine de frégate de
Maisonneuve envoya, en 1852, au Ministre de la marine « tou-
jours attentif à doter la France des produits exotiques utilisa-
bles » des fruits d'Arganier que ce dernier adressa aux jardins
botaniques du Midi.
Pour suppléer au manque de renseignements sur la biologie
de la plante, de Noé cherche à y suppléer en étudiant le travail
de Schousboe, dont nous venons de parler.
En 1854, le sous-directeur du Jardin botanique royal de
Kew, sir W. Hooker(4), publiaà son tour un article important
(1) Elle ne fut jamais écrite.
(2) A citer également les observations d'Henry Grâce, vice-consul d^Ângleterre à
Mogador (1853) et Tétude des matériaux transmis par lui à W. Hooker; puis les
données consignées dans les publications des explorateurs marocains, J . Dalton
Hooker et John Baix (1878).
(B) Vicomte DE Noé. — Mémoire sur TArgania recommandé comme plante oléa-
gineuse. Revue Horticole, Paris, 1853 (!•'' avril).
(4) W. Hooker. — On the « Argan » Tree of Marocco {Arg. Sideroxylon {Journ,
of, Botan.y London, 1854, VI, 97, PI. III et IV.
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— 133 —
sur TArgan, avec deux excellentes planches que nous repro-
duisons et son article commence par la citation in-extenso d'une
lettre de sir Henry Grâce, vice-consul à Mogador et datée de
nov. 1853, adressée au consul général de Tanger, sir J.-H.
Drummond Hat.
Parmi les détails intéressants de cette lettre, il faut citer la
mention de différents arbres qui paraissent avoir atteint Tâge de
plusieurs siècles et mesurant 26 pieds anglais de circonférence
au tronc. L'une des premières branches, qui partent à 3 pieds
du sol, est énorme avec 11 pieds de circonférence. Les racines
sont grosses et s'étendent à une grande distance de l'arbre, qui
dans son ensemble s'étend en couvrant une surface dont la cir-
conférence peut être évaluée à 220 pieds. L'arbre se reproduit
de semis, et déjà à partir de 4 ou 5 ans, il porte des fruits que
l'on récolte suivant l'exposition, de mai à août.
La méthode de récolte est ici décrite avec soin : « Quand les
fruits sont mûrs, on conduit les troupeaux de moutons, de chè«-
vres et de vaches sous les arbres, que Ton bat avec une longue
gaule ; ces animaux dévorent les fruits tombés puis sont recon-
duits à leurs étables et surveillés très sérieusement.
« Dès que l'acte de la rumination commence, ils rejettent les
noyaux qui sont recueillis avec soin, et ce n'est que par hasard
qu'ils passent par l'estomac. » Mais de grandes quantités de
fruits sont également recueillis par les femmes et les enfants et
la partie charnue du fruit est enlevée et séchée pour nourrir les
animaux pendant la période hivernale.
La fabrication de l'huile se fait comme l'a dit Schousboe et
sir H. Grâce ajoute que le gâteau qui reste (tourteau), lequel
renferme encore beaucoup d'huile, est mangé par les vaches,
chèvres et moutons ; il n'a jamais entendu dire qu'il fut employé
comme engrais et cependant « il est hors de doute qu'il ne fasse
un excellent fumier ». Quelques-uns de ces Arganiers croissent
en îlots, mais la plupart sont solitaires.
Grâce au comte de Clarendon, le jardin de Kew put entrer
cette même année 1854, en possession de plantes vivantes et de
graines fraîches.
Sir W. llooKER rapporte d'ailleurs que cette plante a été
cultivée on Hollande en 1697, et il avait été introduit en Angle-
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- 134 —
torro en 1711 par la duchesse do Beaufort ; on la considérait
comme une plante de serre chaude. Non content d'en semer h
Kew, ce savant en fit parvenir un certain nombre de pieds ou
de graines dans différentes colonies anglaises et aux Indes orien-
tales en particulier, pour être plantés dans les régions qui sem-
blaient lui convenir ; nous n'avons pu savoir quel avait été le
résultat de ces essais.
Sir W. HooKER passe rapidement en revue l'histoire botani-
que de la plante et cite particulièrement Dryander qui en parla
sous le nom de Rhammus siculus et montre l'erreur de Linné,
qui avait identifié le Sideroxylon spinosum h cette dernière
qui n'était autre que le Rhus pentaphyllum de Bocgone.
En 1809, CoRREA de Serra avait publié une description brève
de la plante et une monographie du fruit, accompagnée d'une
planche (1).
Ce furent Rœmer et Schultes qui ont créé le genre Argania
que Ehrlicher et de Candolle ont également admis.
L'exemplaire sur lequel, sir W. Hooker a fait sa description
est le premier spécimen fleuri qui ait été vu en Europe
(Fig. XXX).
Il a été récolté au Maroc par Rroussonet et déposé dans
l'herbier du prof. Gouan où ce savant put l'étudier.
En voici la diagnose telle qu'elle est établie actuellement:
Caractères botaniques.
Argania Sideroxylon Rœm et Schult. (2)
Synonsrmes : Sideroxylon spinotum L., = Rhammtu êiculua L., = Rhammus
peniaphyllus L., = Elœodendron Argan Retz.
Caractères générique$, — 5 sépales ovoïdes-arrondis, imbriqués et seulement un
peu rondes à la base. Corolle avec un tube court à segments oblongs. 6 étamines
à filets courts, d'une hauteur à peu près égale à celle des tubes de la corolle ;
5 staminodes aigus souvent un peu plus longs. Ovaire ovoïde, velu à 2-4 loges,
qui se prolonge en un style conique en forme de poinçon. Le fruit est une drupe
fusiforme ou ovoïde arrondie, renferman*: de 1 à 4 graines. Ces graines sont
incluses dans une masse ligueuse très résistante, formant le noyau de la drupe^
et entourés d*un tégument parenchymateux très-mioce. L'albumen oléagineux
renferme des cotylédons plans, ovales, lancéolés, à tigelle courte (Voir fig. X VIII).
(1) CoRRKA DE Serra. - Ann. Muséum HUt, nat.y 1809, VIII, 393 (PI. V, fig. 1).
{"2) Voir in Baii.lon JUtU. S(h: TAnn. Paris, 910. — Kniuku, Mono(j. afrik. Pflan-
tenf. (Sapolaceu'), p. *el DC, Prodr., Vlll. 187.
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Un. Perrot.,
Le Kàrité, btc. 1907.
FiG. XVII. — Morphologie florale et aspect de VArgania Sideroxylon,
R. et Sch. (d'après Hooker).
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Em. Peurot.
'/5. 8.
Kio. XVIII. — Fruit et graine de VArgania Sideroxylon (d'après W. Hooker.)
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— 139 —
Il n'en existe qu'une seule espèce qui est :
L'arganier [Argania Sideroxylon^ Rœmer et Schultes) ou
arbre d'Argan, qui tire son nom du mot arabe ou chleuh,
argane.
C'est un arbre toujours vert, dont le port rappelle celui de
l'olivier ; sa hauteur ne dépasse généralement pas 6 mètres,
elle est le plus souvent moindre ; les branches inférieures par-
tent à un mètre du sol d'un tronc droit, à écorce grise. Les jeu-
nes pousses sont couvertes d'épines.
La feuille est lancéolée, persistante, verte en dessus, plus
pâle en dessous comme celle de l'olivier.
L'arbre fleurit en mai-juin.
Le fruit ou argan est vert jaunâtre, veiné de rouge au mo-
ment de la maturité, il rappelle par sa forme une grosse olive;
c'est une drupe d'ordinaire monosperme, ovale, glabre, obtuse,
quelquefois un peu aiguë ; elle renferme une ou plusieurs graines
ovales dont la coque épaisse, dure et très lisse, d'un brun pâle,
contient une amande oblongue de couleur blanche.
Il convient encore de dire que l'arganier se reproduit facile-
ment par germination et que les jeunes arbres peuvent porter
fruit au bout de trois à cinq ans. Dans son pays d'origine, un
mois peut suffire à l'apparition d'une pousse ; des essais de re-
production en serre effectués d'abord par Sghousbob à Copen-
hague, puis par Dalton Hooker en Angleterre, ont pleinement
réussi ; mais les tentatives d'acclimatation ont désappointé les
coloniaux.
L'arganier est absolument inconnu en dehors du sud-marocain
où il ne recouvre qu'une étendue limitée, sur laquelle j'aurai
l'occasion d'insister plus loin. On s'accorde à regarder cet arbre
et le Sideroxylon Marmulano Lowe, de l'île Madère, comme les
représentants d'une famille dont les espèces sont en majeure
partie tropicales.
Ces deux essences, qui se trouvent ainsi sur le même parallèle,
ne coexistent pas et sont inconnues aux Canaries. Elles mon-
trent, par leur situation géographique, une relation évidente
entre deux régions aussi voisines que Madère et la côte du sud
du Maroc et marquent les vestiges d'une flore tropicale disparue,
qui devait ôtro uniformément répandue à cette latitude.
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— 140 —
Histologie.
Tige. — Dans la tige encore jeune, il apparaît un périderme
sous-épidermique fournissant une écorce secondaire épaisse
qui s*exfolie par lames courtes.
La région périlibérienne est limitée par de petits paquets de
fibres et çà et là quelques cellules scléreuses ; le bois et le liber
sont normaux, avec des rayons médullaires à une seule assise.
Dans la moelle, légèrement sclériflée, on remarque de volu-
mineux laticifères à contenu granuleux, se colorant par For-
canette acétique ou le Soudan-Ghloral.
FiG. XIX. — Sohéma de 1a stmoture de la tige. — p., périderme sous-épi-
dermique ; f,f paquets de fibres périlibérieiis ; lat,, laticifères; B., bois.
Charlier, qui a étudié déjà les laticifères de cette plante,
dit que les laticifères sont rares dans le parenchyme cortical,
très nombreux, au contraire, dans le liber; il n'y en a pas
dans la moelle. Nous ne sommes pas d*accord, comme le montre
notre figure, comparée à la sienne (1).
Le contenu de ces éléments sécréteurs, volumineux dans la
moelle, n'est peut-t^tre pas identique, à certains moments de
(i) GiiARLiER. — Plantes à gulta, loc. cU., p. 70, fig. 35.
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— 141 —
Tannée, avec celui des laticifères libériens, mais nous l'avons
vu se colorer par les réactifs spéciaux. Cuarlier affirme le
contraire, peut-être n'a-t-il pas eu entre les mains le véritable
Argania.
Pétiole et Feuille. — A sa base, au sortir de la tige, le pétiole
ne contient qu'une lame vasculaire, recourbée en arc, et vers le
milieu de sa course, il se détache des deux pointes de Tare un
faisceau, et c'est cette structure que Ton retrouve dans la ner-
vure médiane et les principales nervures qui sont protégées par
des amas collenchymateux assez volumineux.
1
FiG. XX. — Argania Sidarozylon. — 1, % 3, figures schématiques de la struc-
ture du pétiole et de la nervure médiane ; 4, coupe du limbe foliaire.
Le limbe a une structure aussi normale que possible : épider-
mes glabres avec stomates seulement à la face inférieure : mé-
sophylle bifacial avec une assise de cellules palissadiques occu-
pant plus de 1/3 de l'épaisseur totale et un parenchyme très
lacuneux.
Les laticifères sont- abondants dans la feuille et accompa-
gnent les nervures jusqu'à leur extrémité, la nervure no for-
mant pas un réseau à mailles régulières comme chez les Buty-
rospermum.
Pas d'hypoderme, stomates avec 2 cellules annexes petites et
parallèles à Tostiole.
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- 142 —
Le Fruit. — Le fniit est une drupe reufermant une graine le
plus souvent; mais il n'est pas rare d'en rencontrer 2 ou même
3, parfaitement développées ou bien inégales.
ep
FiG. XX. — Aspeot et ooupe du fruit d'ArgAnier — En haut la struc
ture schématique montrant le mésocarpe charnu avec faisceaux et laticifères et
la couche interne scléreuse; à gauche, la coupe d'un jeune fruil indiquant les
différentes parties; a, 6., montrant Taspect des noyaux d'Ârgan, tels qu'on les
rencontre généralement, privés de la pulpe extérieure ; ep , épicarpe ; fil., fais-
ceaux conducteurs du carpelle; mes.^ tissu charnu du péricarpe avec laticifères
UU, éwi. ; tégument scléreux.
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— 143 -
La partie externe du péricarpe est charnue, et renferme, ùpeu
de distance de Tépiderme, une rangée de faisceaux lib. -ligneux
à bois central. Les laticifères sont très nombreux.
Le tégument, qui forme Tenveloppe extérieure de la graine,
est extrêmement dur, et constitué par un amas de cellules sclé-
rcuses très épaissies et à peine cornées.
L'amande comprend extérieurement une enveloppe repré-
ODt
Fio. XXn. — Coupe de la graine d'Argan. — fg, dernière assise du tégument scléreux ;
i, couche tégumentaire parenchymateuse avec cordons vasculairés ép9\s,coty coty-
lédons avec laticifères, lat.
sentée par des cordons blanchâtres, formant à la surface comme
une sorte d'arilles en réseau, qui ne sont autres que des cordons
vasculairés (libéro-ligneux), imprimant sur la face supérieure
de la feuille cotylédonaire des sillons ou cannelures assez appa-
rentes dans la couche parenchymateuse (i, fig. XXII).
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— 144 —
Répartition géographique (I).
L'Arganier existe à profusion sur une certaine étendue de la
côte sud-marocaine et à Tintérieur d'un périmètre que les obser-
vations actuelles ne permettent pas encore de délimiter d'une
façon définitive.
De plus, les différents voyageurs qui en ont parlé ne se sont
pas préoccupés des relations qui peuvent exister entre Textea-
sion de cet arbre et la nature du sol sur lequel il croît ; seul
Henry Grâce paraît s'être inquiété de ce coté intéressant de
l'étude de l' Arganier lorsqu'il dit qu'il pousse sur un sol sableux
et sur des collines où l'irrigation est impossible.
Il résulte, des divers récits d'exploration sur le Maroc méri-
dional, que cet arbre paraît s'étendre à toute la région littorale
atlantique comprise entre les 29" et 32° degrés de latitude nord;
qu'il s'enfonce à une vingtaine de kilomètres des côtes et forme
de petits bois isolés jusqu'à une profondeur de 40 kilomètres,
au maximum.
Mes voyages m'ont permis de traverser tout le pays qu'il
recouvre, et si je n'ai pas atteint sa limite au sud, du moins
ai-je pu la relever vers l'est. Mes recherches géologiques et
géographiques me permettent, en outre, de donner une idée
assez nette des conditions d'habitat de cette curieuse essence
forestière.
On se ferait une idée fausse des forêts d'Arganiers si on les
comparait aux bois touffus de nos pays d'Europe ou des régions
tropicales. Elles sont composées, à de très rares exceptions
près, d'arbres disséminés qui apparaissent, de loin, comme
autant de taches noires sur un sol nu. Les plus belles que j'aie
vues se trouvent non loin de Mogador, soit à l'Est (El Mau-
chen), soit au Sud au bord de l'ouad Tidzi, et surtout dans la
vallée du Sous, notamment dans la plaine des Houara.
L' Arganier se rencontre, en allant du Nord vers le Sud, dans
les importantes tribus des Ghiadma, des Haha, des Mtouga et
(1) Toujours d'après Gentil ; mais voir aussi la note du Comte de Breuillé, chef
de la mission militaire française au Maroc, in Algéf'ie agricole 1887, p. 5445, dans
laquelle on trouvera une carte de Taire de végétation de l'Arganier.
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— 145 -
•lies Ida ou Tanan ; enfin il s'étend à la plus grande partie de
la vallée du Sous. Plus au Sud, cet arbre existerait, paraît-il,
dans la région littorale du Tazeroualt jusqu'à TOuad-Moun;
mais nous n'avons que des renseignements douteux à ce sujet,
tandis qu'il résulte des explorations du vicomte de Foucauld
que l'essence forestière qui nous occupe ne s'étend pas à l'est,
dans TAnti-Atlas.
FiG. XXIII. — Coupa du noyau d'Argan.. — Coupe de la paroi scléreuse du
fruit( noyau) à laquelle adhéraient encore des restes du parenchyme mésocarpien
E et I avec faisceaux carpellaires fll. — Le tégument scléreux tg, forme une gaine
eztrèment dure, au centre de laquelle se trouvent le plus souvent une graine,
parfois deux ou même trois, plus ou moins inégalement développées (Voir fig.
précédente pour la coupe de Vamande,
Je n'ai que peu de chose à dire des Chiadma, que j'ai vus
seulement à l'extrémité méridionale du Djebel Hadid, et dans
10
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— 146 —
cette région l'arbre d'argan croit aussi bien sur les dunes et les
alluvions quaternaires des vallées que sur les argiles et grès
crétacés ou sur les calcaires jurassiques qui forment la voûte
des Djebel Hadid et Kourat. Les nombreux voyageurs qui m'ont
précédé, s'accordent à dire que l'Arganier se montre au delà,
jusqu'à la vallée de l'Ouad-Tensift.
Dans les Haha, il se rencontre un peu partout, du moins à
une altitude inférieure à 800 ou 900 mètres. Il pousse indiffé-
remment sur tous les terrains, même sur les dunes quater-
naires des environs de Mogador où il ne forme cependant jamais
d'importantes forêts parce qu'il y a été souvent détruit par le
feu.
Les grès pliocènes offrent également un sol meuble qui con-
vient très bien à son développement, et partout sur ces grès,
aussi bien à l'est de Mogador que dans les Ida ou Guerd et les
Ida ou Iceurn, il est très abondant.
Au sud de la ville, il est, à partir de Tagouïdert, fréquem-
ment associé au Thuya et il forme de belles forêts, notamment
sur les bords de l'Ouad-ïidzi et plus au sud, au delà de TAsif-
Igouzoulen. Dans l'Est, en se dirigeant vers la plaine de Marra-
kech, on le voit passer sans décroissement brusque des grès
tertiaires aux terrains crétacés, sur le Djebel Tamerzakt comme
dans les Meskala et jusqu'au Kourinat. Sa limite extrême, dans
cette direction, est située au voisinage de Dar Moquadden Mes-
saoud, soit par 11*40' environ de longitude ouest.
Les sédiments crétacés de la côte, dans les Ida ou Troumma
et les Aït Ameur, offrent encore un sol propice au développe-
ment de cette intéressante essence forestière, et cela quelle que
soit la nature des sédiments : argileux, gréseux ou calcaires.
Enfin les calcaires qui forment les rides anticlinales du Haut-
Atlas occidental sont, de même que ceux du Djebel-Hadid,
encore très susceptibles de supporter l'Arganier. Le plateau de
Taguent en particulier en est couvert ; mais à peine s'élève-t-on
sur ces plissements jurassiques — qui, ainsi que je l'ai fait
remarquer, descendent des hauteurs pour s'abaisser graduelle-
ment, jusqu'à la côte — qu'on le voit s'effacer rapidement de-
vant le Thuya à gomme sandaraque qui trouve sur ces afileure-
meuts calcaires son sol de prédilection.
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- 147 <-
La même remarque s'applique aux Ida ou Tanan où il croît
dans la zone littorale ; tandis qu'il disparaît dans la région
montagneuse à partir des altitudes assez élevées et fait place à
Tarar partout où émergent les calcaires jurassiques.
Dans les Mtouga, TArganier ne s'étend qu'aux régions les
plus basses ; des forêts de cet arbre forment le prolongement
de celle des Knafa au-delà d'Inù n Takandout et, dans la vallée
de rOuad Igrounzar, il s'arrête à quelques kilomètres en amont
d'Aït Biiout. D'abord développé sur le trias de la vallée de
Taghraghra, il se montre partout ici sur les terrains crétacés et
sur les calcaires à silex secondaires ou tertiaires.
Mon voyage dans le Sous m'a encore permis quelques remar-
ques intéressantes sur l'extension de cet arbre si curieux. En
descendant la vallée de l'Ouad Tagouïrart (haute vallée de
rOuad AU Moussi), j'ai constaté qu'il apparaît des Talatirhan,
pour devenir de plus en plus abondant en approchant de la
Nzala Argana, qui doit son nom aux belles forêts qui l'entourent.
Dans cette vallée, il croît indifféremment sur les schistes pri-
maires, les grès et argiles permiens, les terrains crétacés et les
alluvions de la rivière ; il s'arrête au-dessous d'Aglou et, à la
descente du col des Bidaoun, on le voit s'élever bien haut sur
le flanc méridional du Haut- Atlas.
La belle plaine du Sous constitue la région de prédilection
de l'Arganier. Partout dans le Mseguina, les Houara, le Ras el
Ouad, il règne en maître aux dépens de toute autre végétation.
Il atteint même la vallée de l'Ouad Tifnout et, bien que je ne
puisse préciser sa limite de ce côté, je puis affirmer qu'il n'existe
pas au pied occidental du Djebel Siroua, dans la partie supé-
rieure de l'Ouad Touttal, alors qu'il atteint les environs de
Laoulouz.
Dans la plaine de Ras el Ouad et, plus bas, dans les Houara,
il forme des forêts interrompues seulement par des clairières qui
sont livrées à la culture. Enfin cet arbre se montre au bord de
l'Anti-Atlas, et il s'élève assez haut sur le flanc méridional du
Haut- Atlas ; les itinéraires que j'ai suivis sur ce versant de la
chaîne m'ont permis de l'observer partout, autant sur les
schistes siluriens et dévoniens que sur les grès permiens ou
sur les sédiments crétacés.
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— 148 —
Vers Test, j'ai constaté qu'il atteint encore le village d'Amzal,
mais il se refuse à monter plus haut à cette longitude.
Les lignes qui précèdent font ressortir le grand dévelop-
pement de TArganier dans un périmètre assez imparfaitement
délimité et relativement restreint.
Il convient de remarquer tout d'abord que cette essence paraît
tout à fait indifférente à la nature du sol. Mes recherches ne
peuvent laisser subsister de doute à cet égard. Les terrains
primaires, secondaires ou tertiaires, aussi bien argileux ou cal-
caires que siliceux, meubles que compacts, sont susceptibles
de lui offrir un sol favorable à son essor. Il faut donc chercher
la cause de sa dissémination dans une question climatérique.
Il semble bien, en effet, que la température et Thumidité
moyennes de l'atmosphère soient assez uniformes partout où
croît TArganier. Il serait sans doute prématuré de s'appuyer à
ce point de vue sur les rares observations météorologiques faites
dans ces contrées ; mais, si l'on rapproche de mes données
personnelles celles acquises par les explorateurs qui m'ont pré-
cédé, notamment par MM. de Foucault ot de Segonzac, on peut
se rendre compte que la température et l'état hygrométrique
de l'air doivent en quelque sorte se compenser dans toute
l'étendue du pays où croît l'Arganier.
Il ne peut vivre qu'au-dessus d'une température déterminée
et à la faveur de l'humidité du littoral atlantique.
Quelques remarques le feront mieux comprendre.
A l'est de Mogador, l'Arganier ne dépasse pas le 11^40' de
longitude ouest, il ne s'éloigne donc pas à plus de 15 kilomètres
du littoral et il ne s'élève de ce côté qu'à des altitudes d'envi-
ron 400 mètres à Dar Mogadden Messaoud et de moins de 500
mètres dans le Kourimat. A une faible distance de là, vers le
sud, il s'étend plus loin à l'est et atteint une hauteur voisine de
700 mètres ; or, tandis que l'influence de l'Atlantique est, dans
le premier cas, contrariée par les collines d'El Hanchen et de
Tamerzakt, ici l'humidité de TOcéan peut se faire sentir plus
loin grâce au couloir continu de la vallée de l'Ouad Kseb.
Tout le long de la côte, dans les Hoka et les Ida ou Tanan,
la limite de l'extension de cet arbre est fonction de l'altitude.
En descendant le cours de l'Ouad Aït Moussi, on le voit
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— 149 -
apparaître à partir de 950 mètres environ, et s'élever vers le
col des Bibaoun jusqu'à plus de 1000 mètres. Il semble qu'il y
ait là un fait en contradiction avec les précédents parce que nous
sommes à environ 80 kilomètres de la côte ; mais il convient de
remarquer que la vallée de TOuad Aït Moussi est dirigée vers
le sud et subit l'influence du climat de la plaine du Sous.
Comme il a déjà été dit, la haute chaîne de l'Atlas délimite
nettement deux zones climatériques différentes parce qu'elle offre
une barrière presque infranchissable aux vents chauds du désert,
et j'ai constaté à la fin de décembre jusqu'à 26** au thermomètre
fronde, à El Boura, non loin de Taroudant. Le Sous, contrai-
rement au Haouz, doit participer du climat saharien.
Ainsi s'explique la dissémination de l'Arganier jusqu'à des
altitudes élevées dépassant 1300 mètres au-dessous du col des
Bibaoun, sur le flanc méridional du Haut- Atlas. On peut voir
cet arbre dans la vallée de l'Ouad Mentaga et dans les Aït Yous
s'élever sur le revers de la chaîne et subsister jusqu'à Amzal.
C'est encore à ce climat particulier de la vallée du Sous qu'il
faut attribuer l'entension vers l'est de cette essence forestière,
laquelle se retrouve jusqu'au voisinage de Laoulouz par 10*30'
environ de longitude ouest, soit à plus de 150 kilomètres de la
côte. Et l'une des conséquences climatériques de la puissante
barrière du Haut- Atlas sur les régions septentrionales a été de
refouler à plus de 100 kilomètres vers l'ouest la limite de l'Argia-
nier.
Usages, — L'Arganier, si intéressant au point de vue bota-
nique, offre partout où il croît une véritable ressource au Maro-
cain, qui tire parti à la fois de son bois, de sa feuille et de son
fruit.
Le bois d'Arganier est dur, lourde compact, rivalisant avec
les meilleurs du même genre ; il est très résistant, de couleur
jaune. Les indigènes ne l'emploient guère que comme chauffage ;
ils en font parfois un charbon excellent, supérieur à celui du
chêne vert. Les branches sont trop noueuses pour être cou-
ramment employées pour la construction ; ils lui préfèrent des
bois blancs comme le Thuya, dont les troncs droits forment des
perches facilement utilisables pour les charpentes ou les boise-
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— 150 -
ries grossières des maisons. Les feuilles servent de nourriture
aux animaux ruminants, notamment à la chèvre et au chameau.
Seuls les équidés (cheval, mulet, âne) se refusent à en manger.
Il est assez curieux de voir le chameau, habitué à brouter
les herbes des pâturages africains, faire usage de son long
cou pour atteindre les feuilles de Tarbre à sa portée. Et rien
n'est plus pittoresque qu'un troupeau de chèvres dans une forêt
d'Arganiers : les unes se dressent pour manger les feuilles les
plus basses, tandis que d'autres grimpent et se tiennent même
sur des branches assez minces pour y prendre leur aliment
préféré.
La dent de la chèvre, si funeste à la plupart des végétaux
persistants dans les autres pays, laisse également des traces
sur l'arbre qui nous occupe et il est facile de reconnaître les
forêts livrées à de nombreux troupeaux de ces capridés, par
l'aspect rabougri des branches inférieures et des petits sujets.
Mais l'Arganier est assez vivace pour résister à l'action des-
tructive de ces animaux.
• Si Ton tient compte de l'énorme quantité de peaux de chèvres
utilisées dans l'Empire chérifien ou fournies par lui à l'expor-
tation — preuve irréfutable d'une agriculture encore des plus
sommaires — on se fait une idée de la ressource appréciable
offerte aux indigènes du Maroc sud-occidental par cette essence
forestière.
Mais là ne se bornent pas les vertus de l'arbre du Sous. Le
fruit est utilisé par eux à deux effets : pour l'alimentation des
ruminants et pour la fabrication d'une huile fort estimée, l'huile
d'argan. La récolte en est très facile à cause de sa déhiscence ;
à partir du mois de mai, en effet, le fruit mûrit, il se dessèche
et tombe seul ou sous l'action de la moindre agitation ; il suffi-
rait donc de le recueillir sur le sol après le plus faible coup de
vent.
Mais le Marocain possède, au même titre que les Musulmans
du Nord de l'Afrique, l'art de réduire au minimum l'activité
indispensable à son existence. Il se contente de pousser ses
troupeaux dans la forêt, et chameaux, bœufs, vaches, moutons,
chèvres, vont deux fois par jour, le matin au moment de la fraî-
cheur, le soir avant le coucher du soleil, manger les argans
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— 151 —
dont ils sont très friands. Seuls les Berbères les plus actifs et
les plus prévoyants font ramasser par leurs bergers des provi-
sions de ces fruits, qui serviront aux mêmes usages durant
rhiver.
Les animaux ne mangent que Tenveloppe desséchée du fruit
de TArganier. Tandis que la chèvre et le mouton laissent
tomber de leur bouche tout ou partie des noyaux, les chameaux
et les bovidés avalent ces derniers et les rejettent intacts à
retable, en ruminant. C'est surtout là que les femmes et les
enfants recueillent avec soin les noix qui vont servir à la fabri-
cation de rhuile si estimée.
Ainsi la Nature, déjà si prodigue à bien des égards envers
ce beau pays, Ta non seulement doté d*un arbre précieux pour
la nourriture des bestiaux, mais elle a en quelque sorte voulu
que ces derniers épargnent à leur maître la peine de récolter
lui-même Tun des éléments importants de son alimentation.
L'huile d'argan, en effet, constitue, avec le pain, la nourriture
exclusive des indigènes pauvres.
La seule étude chimique que nous ayons rencontrée dans la
littérature scientifique est due à M. S. Cotton (l),qui commu-
niqua son travail à la Société de pharmacie de Lyon en 1888.
Cet auteur croyait TArganier répandu dans Tintérieur de
l'Afrique, à Madagascar et au Maroc]; nous savons ce qu'il en
faut penser.
« Le procédé d'extraction des plus primitifs employés par les
indigènes, consiste à broyer l'amande dans un mortier et à jeter
la pâte dans l'eau chaude. L'huile qui vient surnager est recueilli
directement.
a Jusqu'ici cette huile n'a pu nous parvenir, grâce aux idées
protectionistes outrées dont fait preuve en toute chose le gou-
vernement marocain.»
M. Cotton devait l'échantillon d'huile quia servi à son étude
à l'obligeance du D^ Andrieu, pharmacien à Mogador ; il cons-
tate l'amertume très prononcée de l'amande qui la fournit,
tandis que l'huile conserve la douceur de l'huile de noisette ; il
décrit le fruit et le noyau qui renferme souvent deux amandes,
(1) s. Cotton. — Etude sur la noix d'Argan, nouveau principe immédiat TArga-
nine. J, de Ph. ei Ch., 1888, 5« série, XVII1,298.
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— 152 -
avec indication fréquente d'une troisième avortée, comme nous
avons eu Toccasion de le constater fréquemment.
« L'amande, continue M. S. Cotton, est un peu plus grosse
que celle de la semence de Courge dont elle présente même la
forme. L'arille (1) qui l'enveloppe presque en entier en réseau
élégant la sépare de la coque, et quoiqu'elle soit relativement
comprimée dans celle-ci au point de prendre parfois une forme
triangulaire, elle reste assez libre, grâce à l'arille, pour pouvoir
se détacher facilement.
m
Fio. XXIV. — Noyau de TArganier; o, fruit partiellement brisé montrant à
rintérieur de la coque une amande à la surface de laquelle court un réseau de
faisceaux vasculaires très proéminents; 6 et Cy coupes transversales montrant le
développement inégal des embryons.
« Elle contient en abondance une huile fixe, douce, non sic-
cative, se figeant à 0®, s'épaississant au bout de 12 heures par
le réactif de Poutet sans se solidifier complètement, ce qui la
distingue de Thuile d'olives. Sa densité est de 0,914.
« Indépendamment de la forte proportion d'huile que contient
Tamande d'argan, on y trouve en abondance de l'albumine vé-
gétale (2 % environ) ; de sorte qu'à l'état frais, cette amande
doit être considérée comme un lait végétal.»
Cette observation est parfaitement juste, et cette graine,
comme toutes celles des Sapotacées, renferme des laticifères
ayant un contenu guttoïde analogue à celui qui gène la fabrica-
tion du produit comestible du Karité.
« Il arrive parfois, continue ce chimiste, si la noix s'est des-
séchée dans de mauvaises conditions, que cette albumine se
détruit par une espèce de fermentation particulière ditférentiî de
la putréfaction ; l'amande prend alors un aspect di» beurn? sans
(I) Voir o, fig. XXIV.
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-^ 153 —
acquérir un goût désagréable (1). On peut jusqu'à un certain
point assimiler cette transformation à celle qui se produit dans
les cadavres, connue sous le nom de gras de cadavres !
« Les amandes ainsi modifiées donnent une proportion d'huile
qui peut atteindre et même dépasser 80 %.
« Le rendement en huile des amandes saines que nous avons
trouvé, dans une expérience, de 77 %, n'est jamais tombé au-
dessous de 66 %. L'époque de la récolte parait avoir une cer-
taine influence sur ce rendement, car les amandes les plus
mûres sont aussi les plus riches en huile (2).
« Un avantage que présente la coque de ce fruit, c'est que
sa dureté et son épaisseur ne permettent pas facilement aux
insectes d'y déposer leurs œufs, car il arrive rarement de ren-
contrer des amandes véreuses ou endommagées par les vers.
« L'amande d'argan a une saveur fortement amère, mais
d'une amertume sui generis qui n'a rien de commun avec
l'amertume de l'amande amère.
« Le principe amer insoluble dans l'huile, l'éther, le chloro-
forme, le sulfure de carbone et les essences minérales se dis-
sout, au contraire, facilement dans l'eau et l'alcool à 90®, un
peu moins facilement dans Talcool absolu.
« Nous basant sur ces propriétés, nous sommes arrivé à l'ex-
traire à l'état de pureté par le procédé suivant :
« 1" L'amande, broyée finement, est traitée par l'éther ou un
autre dissolvant pour enlever la matière grasse ;
(c 2® Le tourteau est repris par l'alcool à 99** à chaud ;
« 3® La solution alcoolique filtrée est additionnée d'étherpuret
par fraction assez espacée pour permettre au principe amer
d'acquérir une forme cristalline ;
« 4® Au bout de quelques jours, l'alcool éthéré est décanté
et les cristaux sont traités par l'alcool absolu bouillant qui
les abandonne de nouveau par le refroidissement à l'état de
pureté ;
(1) n serait intéressant d*éludier celte action fermentaire, car on pourrait peut-
être en tirer des iodications précieuses pour l'obtention des matières crasses
exemptes de produits azotés.
(î) C'est également le cas pour le Karité, et la remarque e^t générale pour toutes
les graines de Sapotacées et la plupart des autres graines grasses.
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— 154 —
« 5"* Ce corps cristallise dansTalcool en petits prismes brillants
très courts, mais jusqu'ici il m'a été impossible de l'obtenir
cristallisé dans Teau, car lorsqu'on veut le recueillir sur un filtre,
la simple humidité de l'air lui communique une consistance
gommeuse.
« C'est un principe azoté, dont les fonctions chimiques ne pa-
raissent pas bien énergiques. Cependant il forme avec l'acide
sulfurique une combinaison définie en très beaux prismes allon-
gés. Cette combinaison nous permettra d'en établir la formule
lorsque nous aurons à notre disposition une quantité suffisante
de matière première.
«Je lui donnerai le nom à^arganine pour rappeler son origine
botanique.»
L'auteur n'a pu, sans doute, mettre son désir à exécution,
probablement à cause de l'impossibilité de réapprovisionne-
ment.
Aussi nous allons donner simplement les renseignements de
M. Gentil sur l'huile et sa fabrication (1) :
Fabrication de l'huile (2). — La fabrication de cette huile
est des plus simples et des plus primitives. Les noyaux sont
cassés entre deux pierres, le plus souvent par des femmes. Les
amandes se détachent facilement de leur coque; elles sont
torréfiées comme des grains de café, dans des plats en terre
cuite à bords relevés, ou dans des plats de fer, quelquefois
aussi sur une pierre plate, que l'on chauffe sur un feu doux.
On les amène à une couleur brune et Ton évite leur carbonisa-
tion en les remuant constamment avec une palette de bois. Les
amandes grillées sont de suite, après refroidissement complet,
écrasées dans une meule à bras ; puis on triture à la main, dans
ime terrine posée sur des cendres chaudes, la pâte ainsi pro-
duite en l'arrosant d'un peu d'eau tiède. On pétrit jusqu'à ce
(1) L'Arganier est cultivé depuis près d'un demi-siècle, au jardin du Hamma à
Alger, et M. Kiviëre a plusieurs fois parlé de ce végétal {Manuel de V Agriculteur
algérien 1900, p. 282-283, Algérie agHcole, 1885, p. 3009, etc.). M. Leray y a égale-
ment consacré un article en 1887. Voir également : Cultures du Midi, de TAlgérie,
Baillière, 1906, p. 278.
(2) Comparer avec les notes de Schousboe, citées plus haut, et Tod verra qu*il
n*y a rien de changé dans la méthode d^extraction, depuis un siècle.
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— 155 —
qu elle devienne très dure, et toute l'habileté de Topera teur
consiste à employer peu d'eau.
L'huile surnageante est séparée par décantation et recueillie
dans des vases. ATétat brut, elle est d'une couleur brun foncé
et d'une saveur acre désagréable ; en déposant, elle s'éclaircit,
mais garde toujours une certaine teinte et un goût fort. Les gens
pauvres la consomment ainsi, tandis que les autres la clarifient
en la lavant. Ils font, à cet effet, une émulsion dans de Peau,
qui garde, après repos, une partie des impuretés ; oubien ils font
macérer dans cette dernière, soit à chaud, soit à froid, un
morceau de pain.
Le tourteau d'argan contribue encore à la nourriture des
chameaux, des bovidés, des moutons et des chèvres. Cette fois
encore, les équidés se refusent à en manger.
M. MiLLiAU vient tout récemment d'étudier l'Argan et nous
pouvons encore, pendant l'impression de ce fascicule, insérer ici
les résultats de ses analyses (1) :
« Le péricarpe représente en poids 32,78 7© du fruit, la coque
62,78 et l'amande 4,44.
« L'huile représente 51,25 7o du poids des amandes et seu-
lement 2,27 7o du poids total des fruits.
« A l'analyse chimique, l'huile d'Argan a présenté les ca-
ractères suivants :
Densité 918 5
Acide sulfuiique jaune
Acide solfuriqae + ac. azotique brun-rouge
— après ébuUition orange
— après refroidisbement ... —
Vapeurs nitreuses donnant une masse de consistance de miel
Saponification sulfurique (relative) absolue ?
Indice d'iode 98 5
Solidification des acides gras 25 3
Saturation de 5 gr. par la soude 17 7
Argent métalliqu e rien
Nitrate d'argent —
Acide chlorhydrique et sucre —
Acidesgras. I ^""'^^i ?§ ?
* I concrets 13 7
(3) MiLLiAU. — L'Arganier (A. Sideroxylon). Agr. pr» des pays chaUdt. Paris,
1907. VII, n» 46, 75-78.
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— 156 —
« Ces caractères sont fort voisins de ceux de Thuile d'olive
dont l'huile d'Ârgan se distingue cependant par la solidification
incomplète sous l'action des vapeurs nitreuses et surtout Tindice
d'iode notablement plus élevé. La teneur en acides fluides étant
sensiblement la même que dans l'olive, il s'ensuit que leur
indice d'iode propre (interne) est lui-même plus élevé, ce qui
correspond à une richesse plus grande en acides non saturés :
linoléique, linolénique.
« L'huile d'Argan donne par saponification un très beau sa-
von dur de couleur un peu jaunâtre, susceptible d'un beau poli,
moussant peu et comparable au savon d'huile d'olive par l'en-
semble de ses propriétés.
La fabrication indigène laisse un tourteau résiduel du poids
de 300 gr. environ, très altérable et qui est donné comme ali-
ment au bétail.
L'analyse immédiate de ce tourteau a donné les résultats sui-
vants :
Mat. azotées 32 19
_ grasses 19 96
— amylacées 16 83
Cellulose 4 60
Humidité 22 98
Mat. minérales 4 04
« La grande teneur en humidité explique son altérabilité ; une
préparation plus soignée en vue de la conservation exigerait
une dessication partielle. De même, en ce qui concerne la ri-
chesse en matières grasses, des procédés moins primitifs récu-
péreraient au moins la moitié de l'huile restante. »
Au point de vue des éléments fertilisants^ sa composition élé-
mentaire est de :
Azote, 5,15 7o; acide phosphorique 1,20 7oî potasse 0,67 ; ce
qui le classe dans les mauvais tourteaux. Il semble à l'auteur
que préparé d'après les méthodes européennes et ramené à sa
teneur moyenne en humidité et matières grasses, sa composi-
tion le rapprocherait du tourteau d'arachides décortiquées et
qu'alors sa valeur atteindrait un prix voisin de 12 fr. les 100
kilos, c'est à dire proche de celui des meilleurs tourteaux.
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— 157 —
Conclusions. — M. Gentil termine ainsi son étude de
TArganier :
« Au point de vue de son utilisation pratique, il est bien cer-
tain que l'agriculture et l'industrie marocaine, des plus primi-
tives, n'ont tiré jusqu'ici qu'un parti minimum des produits de
l'Arganier.
a Les forêts étendues de cet arbre si curieux ne seront-elles
pas un jour l'objet d'une exploitation active ? Vraisemblablement
oui.
<c Sans doute il ne faudrait pas s'exagérer les vertus de l'ar-
bre du Sous, mais indépendamment des ressources nutritives
qu'offrent sa feuille et son fruit pour la nourriture des animaux,
il ne faut pas oublier qu'on n'utilise que très imparfaitement son
bois et ses noix.
« Par son bois, il peut fournir un excellent combustible; et
il ne semble pas douteux qu'il prendrait dans la construction
et l'ébénisterie une place importante, si l'on appliquait aux fo-
rêts d'arganiersles procédés d'exploitation mécanique des pays
civilisés.
« Par son fruit, il donne une huile assez bonne qui entre
presque exclusivement dans l'alimentation des gens du pays,
où elle remplace l'huile d'olive, que l'indigène livre au com-
merce. Aussi le Sultan interdit-il l'exportation de l'huile d'Ar-
gan ; il permet seulement son cabotage d'un port du Maroc à
un autre. Il est bien difficile, dans ces conditions, de se faire
une idée de la production annuelle, parce que la statistique est
extrêmement difficile sinon impossible au pays du Mc)ghreb;j'ai
cependant entendu parler, par des gens compétents, de trois
millions de kilogrammes dans les bonnes années. Ce chiffire
serait un maximum et l'on aurait vu dans les mauvaises an-
nées le prix de l'huile tripler et même quadrupler sans qu'il y
ait cependant disette absolue à cause des réserves accumulées
dans les silos par un grand nombre de fellah, au moment des
récoltes surabondantes.
« Tout serait à faire pour sa fabrication, il faudrait s'appli-
quer à trouver un moyen de décortication mécanique de la noix
et aussi soumettre l'huile à une épuration méthodique. Quoique
n'ayant pas un goût aussi fort que l'huile d'olive non épurée.
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— 158 -
elle renferme des principes vraisemblablement nuisibles, et j'ai
souvent entendu parler par les indigènes d'une véritable ivresse
produite par une forte absorption d'huile d'Argan.
« Ainsi, à bien des points de vue, l'Arganier est digne d'in-
térêt, ne serait-ce que par l'huile qu'il est susceptible de donner
et qui constitue, pour ainsi dire, l'unique nourriture des Ber-
bères pauvres de son pays d'habitat. Il semble qu'il y ait œuvre
utile à faire en améliorant la fabrication et les qualités nutritives
de ce produit naturel ».
II ne nous reste rien à ajouter, si ce n'est que nous faisons
actuellement tous nos efforts pour combler les lacunes qui exis-
tent encore dans l'état de nos connaissances sur cet arbre sin-
gulier, objet de la curiosité des touristes qui touchent à la côte
occidentale du Maroc, vers Mogador.
Dès que nous aurons reçu en quantité suffisante (1) des noix et
de l'huile, il en sera fait une étude approfondie; il restera à dé-
terminer les raisons de la répartition géographique si limitée
de cet. arbre, qui caractérise pour ainsi dire la région du Sous.
C'est un exemple très curieux de localisation d'une espèce vé-
gétale dans un périmètre restreint où elle se trouve cependant
en grande abondance.
Sa limite nous est encore mal connue, et il est peut être à
espérer qu'elle pourra s'étendre par la culture et devenir une
source de revenus pour un pays où l'olivier ne saurait plus
croître, et où ne se rencontre pas encore le Karité, dont la limite
nord extrême est le 15® degré de latitude.
Quant aux essais d'acclimatation en Algérie et dans le sud
de l'Europe, nous n'en voyons pas l'utilité et nous sommes eu
cela pleinement d'accord avec M. Rivière qui s'est à plusieurs
reprises occupé de la question. L'intérêt de l'Arganier réside
dans son exploitation locale, là où ne saurait croître l'olivier.
(1) Au dernfer moment, en date du 20 mars 1907, M. le Consul de France à Moga-
dor nous avise qu'il a pu nous faire un envoi important de graines, mais que
rexportation de Thuile est encore absolument impossible, même pour une simple
étude chimique.
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QUATRIEME PARTIE.
Autres Sapotacées africaines à graines grasses
peu connues.
Un certain nombre de graines ont apparu dans le commerce
ou dans les Laboratoires, qui seront peut-être un jour Tune et
l'autre récoltées pour Tindustrie.
Dans Tétat actuel de nos connaissances, elles sont à peine
connues, au point de vue de leur origine botanique et on ignore
complètement la biologie, Textension géographique et la plus
ou moins grande abondance des plantes productrices.
Certaines de ces Sapotacées habitent la haute forêt de la
Côte d'Ivoire, les autres viennent surtout du Cameroun, du
Gabon et du Congo.
Les deux auteurs auxquels nous nous adressons pour leur
étude préliminaire, seront naturellement les deux savants mono-
graphes de la famille des Sapotacées, MM. Pierre et Engler.
Ici plus que jamais, les discussions sur les synonymies dans
les noms botaniques jouent un très grand rôle et cela est facile
à concevoir, puisque chaque auteur ne recevait au début que
des fragments incomplets d'organes végétaux et donnait provi-
soirement un nom à la forme complète qu'il n'avait pu se pro-
curer encore.
Nous avons eu entre les mains les descriptions mêmes de
Pierre et les avons comparées à celles du distingué directeur
du Muséum de Berlin, et nous sommes convaincu qu'il reste
beaucoup à faire pour connaître d'une façon définitive les Sapo-
tacées équatoriales.
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— 160 —
La plus étudiée est le Mimusops Djave (Lanessan) Engler
décrite par de Lanessan (1) sous le nom de Bassia Djavê^
appelée Sa^^m toxisperma par Raoul, Tieghemella af ricana (2)
puis Baillonella toxisperma par Pierre (3), enfin replacée
dans le genre Mimusops par ëngler (4). ;
Voisine de celle-ci est la plante désignée sous le nom de
Moabi, qui est le Baillonella obovata Pierre, dont Engler,
après en avoir fait le Mimusops obovata (Pierre) Engler, en
donne enfin la description sous le nom nouveau de Mimusops
Pierreana,
On trouve encore dans les notes manuscrites de Pierre une
description de graines venant de la Côte-d*lvoire et qu'il attri-
bue à une espèce nouvelle, sans doute encore de ce genre
Mimusops et appartenant au sous-genre Baillonella admis
par Engler ; elles sont désignées dans les notes de Pierre
sous le nom indigène de Makerou et scientifique de Tieghemella?
Heckelii {Herhier h. P., n** 6024, communication Heckel) que
Lecomte considère comme extrêmement voisine sinon identique
au Moabi.
Enfin récemment (fin 1905) nous avons reçu a notre laboratoire des
graines envoyées au Havre, que nousavons soumisesà M. Pierre ;
elles appartiennent également à ce genre Mimusops et au sous-
genre Lecomtedoxa ou Baillonella,
$ 1. — DJave ou Noumgou.
Mimusops Djave (Lanessan) Engler.
Syn. : Basiia Djave de Lanessan ; Bassia toxisperma Raoul ; Tieghemella
a/rû;ana Pierre (manuscrit); Baillonella toxisperma Pierre; baillonella Djave
Pierre ; Tieghemella Jollyana Pierre (manuscrit).
La première mention de cette plante dont les graines fournis-
sent au Gabon une matière grasse alimentaire et médicinale se
rencontre dans Touvrage de de Lanessan (1) sur les plantes
utiles des colonies.
(1) De Lanessan. — Plantes utiles des colonies françaises, p. 837.
(2) PiEitRE avait également donné à la graine de cette plante le nom de Tieghe-
mella f Jollyana (notes manuscrites).
(3) Pierre. — Not. bot. Sapot. (1^) 14-18 et notes manuscrites.
(4) Enqler. — Sapot. africanse, loc. cit. p. 81.
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Ém. Perrot.
Le Karité, etc., 1907.
A
^ iswv-
FiG. XXV.— D'JaTe ou Nonatgoa, Aftmti<op5 lyjave (Lanessan) Engler (d*après
Enolbr in Sapotacem africanes, Berlin 1904. PI. XXII).
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- 163 —
11 signale des graines de deux arbres, qu'il dénomme Bassia
Djave et Bassia Noumgou^ croissant | au Gabon, dont les
graines donnent jusqu'à 56 % d'un beurre analogue au beurre
de Galam (B. de Karité) sous les noms de Agali-Djave etAgali-
Noumgou. Ce beurre comestible, quand il est frais, s'emploie
également en friction contre les douleurs rhumatismales, et il
ajoute : « Une autre espèce de Bassia connue sous le nom de
Acole ongounou donne aussi une matière grasse analogue (1) ».
Cette plante dont la graine fournit une matière grasse est
connue au Gabon sous le nom de Djai^e ou Njave et au Came-
roun sous celui de Nùmgà ou Nounegou, Voici ce qu'en a dit
Pierre, dans ses notes :
Cette graine lui avait été envoyée de la Société pharmaceu-
tique de Londres par M. Holmes, sous le nom de African
Poison^ appellation qui se concilie peu avec son produit qu'on
dit comestible, mais qui s'explique pourtant parle principe amer
que contiennent ses cotylédons, principe d'ailleurs assez com-
mun chez les Lucumées et analogue à celui qu'on retire des
amandes amères. Aussi les graines du Calospermun marri'
mosum provoquent, dit-on, des troubles dans le cerveau si on
en consomme avec excès (2).
Cette graine est une Lucumée, mais différant bien de tous les
genres de cette tribu : « Le Baillonella toxisperma^ dont le
fruit et les fleurs sont encore inconnus, a une graine longue de
6 centimètres. Son plus grand diamètre (36 mm.) est au-dessous,
du milieu de la face ventrale à la face dorsale et ce diamètre
n'est plus que de 15 millimètres près du sommet. Il est de 25
millimètre transversalement.
« Elliptique un peu comprimée, subgibbeuse dans la partie
confinant au micropyle, arrondie aux deux bouts, même à la
(1) Nous ne voyons pas du toat de quelle graisse il s*agit ici, et n'en avons nulle part
retrouvé trace. l\ s*agtt sans doute d'un de ces nombreux produits de Sapotacées
tropicales qui sont apparus successivement par petites quantités sur nos marchés.
Enolbr. « Monog. afrik. Pfl. Sapotacem afrieana^ Berlin, 1904, p. 81, PI. XXII
etxxm.
(S) Ceci serait dû sans doute à la production d'acide cyanhydrique, car la présence
de glucoside cyanogétique a été signalée dans diverses espèces de Sapotacées appar-
tenant aux genres BotMa, Lwiuma^ Payena, Voir à ce sujet : Greshoff, L'acide
cyanhydrique dans le r^ne végétai, Bull. <Soc. pAarmoco^, Paris, 1906, n» 11,
p. 601.
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— 164 —
face dorsale^ elle a une cicatrice ventrale longue de 56 milli-
mètres recouvrant un peu moins de la moitié de sa superficie.
La un peu rugueux, d'aspect terne, Tépaisseur de son tégument
(environ 1 mm.) est à peu près la même que dans les autres
régions. La partie vernissée a une teinte brun foncé chocolat.
Son omphalodium (4 mm. sur 4 mm.) est situé à Textrémité
supérieur de la cicatrice qui est aussi le sommet organique de
la graine. La marche de son raphé à travers le test est par-
conséquent presque rectiligne. Le deuxième tégument est
intimement adhérent à Texterne et s'en détache difficilement.
Le système vasculaire quoique bien développé est sans relief.
L'embryon se présente entouré dunucelle et d'une mince couche
d'albumen. Les cotylédons elliptiques entièrement libres, bien
appliqués l'un contre l'autre malgré leur épaisseur, ne sont pas
bombés. Leur commissure est tournée vers le hile. Ils se ter-
minent en bas en une tigelle courte recourbée en forme d'hame-
çon et dirigée vers le micropyle.
« C'est un des rares genres de la tribu où l'amidon n'existe
pas. »
Dans les mêmes « Notes botaniques (1) », quelques
pages plus loin, Pierre décrit, dans le genre Tieghemella^ une
graine qui a été rapportée à la même espèce ; nous voulons trans-
crire sa description afin qu'il soit permis de comparer, quand,
selon toute vraisemblance, ces graines grasses assez pombreu-
ses au Gabon seront à nouveau envoyées à nos collections.
Il existe quelques différences, comme on va le voir, entre cette
description et la précédente.
« Le genre Tiegkemella^ dit Pierre, se trouve représenté
dans les collections de la Société pharmaceutique de Londres,
dans le Musée de Berlin, au Musée de l'Exposition coloniale à
Paris (2) et au Muséum de Paris (3A Les premières graines ont
été apportées du Gabon par M. Aubry le Comte en 1853. Jus-
qu'ici l'arbre est inconnu. Les noms sous lesquels elles sont
cataloguées sont évidemment erronés. On les appelle Vitellaria
(1) Pierre. — Loc. cit., p. 18.
(2) Ancien Musée permanent des colonies.
(3) Ainsi qu'à la Collection de matières premières de TEcole supérieure de phar-
macie de Paris.
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Êm. Pbrrot.
FiG. XXV I»— DjAve, Mitnusops Djave (Lanessan) Engitr {in Notes manuscrites de
PiKRRE soui le nom de Tieg/temella af ricana).
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£h. Perrot.
Le Karitb, etc., 1907.
ISJ^UlM^y^
FiG. XXVII. — Onreri ou DJato, Mimusops [>jave Engler (d'après 1«8 notes
manuscritesâde Pierri). Frait communiqué par Heckel.
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— 169 —
et Lucuma à Berlin et Illipe au Musée des colonies, probable-
ment à cause de la grande quantité d'huile qu'elles renferment
l56Vo).
a Le nom indigène lui-même est suspect. Ainsi ces graines
au Musée colonial (n® 3604) portent le nom gabonais Ourèré,
arbre à graisse; et au Muséum de Paris, d'après M. Poisson,
celui de D'iavé ou D'javé.
a Pour ne pas faire confusion, nous rejetons les noms de
Bassia Djai^e ou Bas, Ourere, nom de collection non publiés
et sans nom d'auteur et l'espèce sera le Tieghemella af ricana.
a Le test épais et dur, le conduit raphéen assez long, la cica-
trice elliptique non linéaire-oblongue, éloignent ce genre d'/Wi/>e
et indiquent une Lucumée. Du Vitellaria Gaertner (Karité), il
diffère par la forme oblongue de la graine, la proéminence de
cicatrice, le test très dur, non coriace et peu épais, la présence
du nucelle et de l'albumen, les cotylédons oblongs, plans-con-
vexes et libre d'adhérence, la tigelle grosse, assez longue et un
peu recourbée au lieu d'être adnée.
« Cette graine a ordinairement 8 cm. de longueur, 3,5 cm.
de largeur de la face ventrale à la face dorsale, et 2,5 cm. laté-
ralement. Elle est obovée, arrondie en haut, atténuée en bas
et recourbée en dedans dans la région du micropyle; enfin
carénée vers sa partie inférieure dorsale. Sa cicatrice, longue
de 53 mm. sur 25 mm., elliptique oblongue, arrondie aux deux
bouts, n'atteint pas le sommet de la graine et en est séparée
par un intervalle de 20 mm. qui est exactement la course inté-
rieure du canal raphéen. Son omphalodium ligneux très bombée
et très épais a une longueur de 25-28 mm. Il atteint le milieu
de la graine, tandis que, dans le Vitellaria paradoxa^ il des-
cend seulement jusqu'au tiers de la face ventrale, par consé-
quent démontrant un raphé plus court.
« Sauf cet épaississement de la région du hile, le tégument
a une épaisseur à peu près égale de 2 mm., et a une coloration
rouge très foncé et une surface lisse et brillante en dehors de
la cicatrice.
« Le deuxième tégument est, quoique mince, remarquable-
ment épais et s'enlève difficilement. Il est rouge brun et violet.
Le système vasculaire très serré est aplati. L'albumen très ap-
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— 170 —
pauvri autour des parties supérieures de Tembryon et réduit
souvent au nucelle, forme une calotte épaisse rostrée autour de
la tigelle. Celle-ci, qui a 7-8 mm. de longueur et dont Pépais-
seur est de 5-7 mm., est légèrement incurvée. Les cotylédons
sont oblongs,très épais, à commissure régulière et ne se rejoi-
gnant pas au centre mais seulement sur les bords. Ils contien-
nent un peu de gutta, beaucoup d*huile, de l'aleurone, des
leucites. »
On admettra donc ici avec Engler et jusqu'à preuve du con-
traire Fidentité d'origine spécifique des graines ainsi décrites
par Pierre, qui proviendraient du Mimusops D'jave^ dont voici
la diagnose.
c Arbre gigantesque; rameaux el jeunes feuilles portant principalement sur les
pétioles de longs poils trôs serrés, de couleur ferrugineuse ; feuilles groupées au
sommet des rameaux. Stipules linéaires-lancéolées aiguës, égalant la moitié du pé-
tiole, couverts de longs poils, écartées ou courbées en dehors. Pétiole arrondi, 8 ou
9 fois plus court que le limbe un peu coriace, glabre en-dessus et luisant, lancéolé,
acuminé ; nervures latérales primaires au nombre de 35-40 de chaque côté, très
proéminents, soudées près du bord ; nervures secpndaires obliques légèrement proé-
minentes, ainsi que leurs ramifications, formant un réseau un peu serré . Plusieurs
pédicelles axillaires égalant ou surpassant un peu les pétioles et pourvus de nectai-
res ovoïdes-aigus ; sépales oblongs, aigus, couverts d'un revêtement de couleur fer-
rugineuse, de poils serrés. Tube de la corolle un peu plus court que les segments
ovo-lancéolés ; appendicules de même forme que les segments primaires : filets des
étamines insérés dans le milieu du tube de la corolle. Anthères ovales terminées
par une petite pointe et de longueur égale ; stammodes spathuliformes pourvus de
longs poils à la partie basale et extérieurement, linéaires et un peu plus courts que
les pétales.
Ovaire ovoïde à longs poils, s'atténuant en un style conoïde un peu plus long que
lui, 8-loculaire; ovules attachés au milieu. Le fruit est une grosse baie globuleuse
un peu pointue 1-2 sperme ; semence oblongue, un peu comprimée sur Ucôté, d'un
brun pâle avec cicatrice oblongue assez large et un peu plus courte que la semence
entière ; cotylédons de la forme de la graine, un peu inégaux. )»
Cet arbre qui doit atteindre des dimensions considérables,
croit au Cameroun et au Gabon où il fleurit en octobre. Ses
rameaux terminaux qui sont assez gros et courts, 10 à 15 cm.
de long sur 1,5 à 2 cm. de diamètre, portent un bouquet de
feuilles verticillées et dans Taxe du faisceau ainsi formé par-
tent les fleurs longuement pédonculées et groupées également
en-dessous du faisceau de feuilles terminales.
Le fruit qui mesure 6 cm. de diamètre, est nommé Ouréré
par les indigènes ; Tarbre s'appelle Noumgon au Cameroun
et Njave ou Djave au Gabon.
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— 171 —
Nous avons les dessins non publiés de Pierre et nous n'hési-
tons pas à identifier toutes les plantes çlont nous avons donné
les synonymies.
Le Djave reste entièrement à étudier au point de vue de sa
répartition géographique, de sa fréquence dans la haute forêt
où il parait habiter, et aussi au point de vue de la composition
chimique de sa graine.
L'avenir seul dira si son utilisation est possible sur ' place ou
comme produit d'exportation.
Tout ce que nous savons, c'est que les graines renferment
une proportion importante de matière grasse utilisée dans l'ali-
mentation de certaines peuplades noires ; mais on y a signalé
également de la gutta, de Tamidon, des cristaux et une matière*
amère donnant un goût désagréable au produit.
§ 2. — Moabi ou ManiU.
(Mimusops Pierreana Engler)
8yn.— BaUUméUik obovaia Pierre. — Mitniuops cbwata (Pierre) Engler.
Nous reproduisons pour cette plante la diagnose manuscrite
de Pierre, faite en 1895 et qui ne diffère en rien de celle du
savant monographe berlinois.
Cette espèce a été recueillie par Legomte dans la région de
Loango du Gabon, sous le nom de Moabi et à cause de son beau
bois un peu rouge Atre. Le latex, dit-il, abandonne une gutta
dure et cassante, trop résineuse... Le fruit ne contient qu'une
graine occupant toute la cavité.
CSaraoières botaniques. — Rameaux épais portant des stipules ; pétiole et
limbe avec revêtement de poils malpighiens ferrugineux, grisâtre en dessous î
stipules oblongues-lancéolées membraneuses. Feuilles longuement pétiolées obo-
vales, brusquement acuminées, s'atténuant peu à peu vers la base, glabres en-dessus
sauf sur la nervure médiane proéminente ; les petites nervures (24 de chaque cété)
sont contluentes en arc prés du bord ; elles sont obliquement transverses et presque
parallèles. Méristèle naissant horixontalement, et vers le milieu de la nervure, ob-
cordée, elliptique et accompagnée dans le parenchyme central de 15 faisceaux de
forme variable, cuticule de répiderme supérieur un peu épaisse ; cellules palissadi'
ques assez régulièrement disposées et occupant le tiers du mésophylle.
Arbre de 25 à 30 m. de hauteur, avec un tronc atteignant à la base 3 m. environ
de diamètre. Stipules longues de 8 mm., persistantes ou bien ramassées avec les
feuilles à Textrémité des rameaux. Pétiole mesurant 3 à 5 cm. et le limbe 12-20 cm*
et plus. Fleurs et fruits inconnus. La semence obliquement ovoïde porte une large
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-rr 172 —
cicatrice oblongoe; elle mesure enviroa 5 cm. de longueur sur 2? mm. de largeur,
de la cicatrice au dos et 25 mm. de diamètre latéral.
Hab.~ Congo français, Gabon.
Lkgomte et HÉBERT ont, en 1895 (1), étudié cette graine et
s'expriment ainsi :
« On rencontre, dans la vallée du Kouilou (Congo français),
entre Kakamocka et Kitabi, de même que dans une des pre-
mières forêts traversées par le sentier de Loango à Brçizza-
ville, à 30 km. environ à Test de la première de ces localités,
un grand arbre, véritable géant des forêts, que les noirs du
pays désignent sous le nom de Moftbi.
Etude botanique. — Le Moàbi est une plante de la famille
d«s Sapotacées ; son tronc atteint facilement 2 m. 50 et même
3 m. de diamètre, à 2 m. du sol, et s'élève à 25 m. ou 35 m.
avant les premières branches.
L'écorce très épaisse (jusqu'à 0 m. 15 sur les gros troncs),
contient dans un système de latioifères aH^ic^lés un latex assez
abondant, épais, fournissant par la coagulation un produit assez
riche en gutta-percha.
Cet arbre diffère du Djave {Baillonella) par ses feuilles et
par sesfrmts ; mais les fruits présentent, à une petite différence
de taille près, les caractères de ceux du Tieghemella Heckelii
(Pierre), vulgairement Maherou du Grand-Bassam.
Les graines ont environ 5 cm. de long, 3 cm. à 3 cm. 5 de
large et 2 cm. 5 d'épaisseur.
Sous un tégument brun de l mm. d'épaisseur, elles contien-
nent une amande formée de deux cotylédons charnus laissant
dépasser, à une extrémité, la radicule de l'embryon.
Celui-ci contient, principalement à la périphérie du cylindre
central, une multitude de laticifères articulés, constitués par des
files de grosses cellules dont le contenu paraît surtout rési-
neux. Les. cotylédons ont leurs cellules gorgées de gouttelettes
de graisse.
Etude chimique. — 100 parties de graines décortiquées ont
donné une proportion de 36 parties d'écorces contre 64 d'amandes.
(1) Lecomte et Hébert. — C.-R. de TÂcad. des Sciences, IBfô, CXX, t. I, p. 374 i
377.
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ËK. Pbrrot.
Le Karitb, etc. 1907.
Fio. XXVIII.— Moabi oa Makerou, Mimuêopa Pierrêana Engler (décrit dans les
notes de Piekre sous le nom de BaiUonella obovata,)
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— 175 -
Les écorceSy pilées et tamidées, puis séchées à lOO*, contenaient
12,18 d'humidité pour 100. La matière séchée présentait la
composition suivante, qui parait n'en faire qu'un produit de peu
d'importance :
GttidrM l^K)
MatièMgnMet tjBb
Matières azotées totales 4,87 (Asotes 0,70 pour 100)
Matières [ ^'^^■^'^^^ ^t^ (Aiote =0,06 pour 100)
onranioiies i Sucres réducteurs Traces
Mh.buIZ.l-e.ai S«cw.«onr«d«ete««....^ Trtw.
l^poorlOO I 0<««^^^^«^yé.
\ gitaui, etc. • i,io
CeUolose M,46
Autres principes (Vasculose, zylane on analogue) ;
par différence 90,00
100,00
Les amandes pilées, après dessication à 100^, ont montré en
humidité 3,54 pour 100. La matière grasse a été extraite par la
benzine ; la distillation de ce dissolvant a permis d'isoler une
graisse dont la proportion était de 45 à 50 parties pour 100
d'amandes, ce qui correspond à un rendement d'environ 30 à
35 de matières grasses pour 100 de graines non décortiquées.
Le tourteau desséché, après épuisement des amandes par la
benzine, donne à l'analyse les résultats suivants :
Gendres 4,40
Matières aiotées totales i^ (Aiote=:3,06 pour 100)
MfiÀ.^ 1 Matières azotées 18,60 (Âiote= 2 p. 100)
^^IT 1 Sucres réducteurs 0,57
.^2^^, { Sucres non réducteurs 3,50
toinuesaansieau i oommei, tanins, acides vé-
SpourlOO I ^^]^S.. 13,48
Gellolose 18,75
Résine... 12^
Autres principes (Vasculose, xjlanes ou analogues);
pardifléTMiee 34,18
100,00
Le tourteau de Moàbi, d'après cette composition, constitue-
rait donc un excellent engrais, ou même un bon aliment pour
le bétail.
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— 176 —
Etude de la matière grasse. — La graisse extraite des
amandes de Moàbi est jaunâtre, solide à la température ordi-
naire : elle fond à 32*-33*» et se solidifie à 25«-26^
Elle est très soluble dans l'alcool à 90® ; sa densité à 30", à
Fêtât liquide, est de 0,894 ; elle présente les réactions sui-
vantes :
Echauflfement avec l'acide sulftirique monohydraté, -J- 24** ;
Avec l'acide azotique et le mercure : masse jaunâtre se soli-
difiant après une heure de contact ;
Avec la potasse (d^ = i,34) : à froid, masse blanc jaunâtre ;
à chaud, savon jaunâtre, mou;
Avec l'acide azotique ftimant : coloration rougeâtre ;
Avec l'acide sulfurique : coloration rouge ;
Avec l'eau bouillante et la litharge : emplâtre mou ;
Degré marqué à Toléoréfractomètre d'Amagat et F. Jean :
à45# 4-20,0
La graisse de Moabi, après saponification par la soude alcoo-
lique puis décomposition des sels de sodium par l'acide sulfu-
rique, a fourni 88 pour 100 d'acides gras blancs, fondant à
45'*-46**. Les sels de plomb de ces acides, traités par Tétber,
ont indiqué pour 100 parties 50 parties d'acides liquides et 50
parties d'acides solides.
Les acides liquides ont été caractérisés par leur transforma-
tion en acide élaïdique au moyen du nitrate acide de mercure ;
ils «ont formés d'acide oléique. Les acides isolés fondaient à
62"-63® : la méthode des précipitations fractionnées a fourni par
l'acétate de magnésium trois portions dont les acides gras
régénérés par l'acide chlorhydrique ont accusé les points de
fusion et les compositions élémentaires ci-dessous :
1 »* portion 2«portion 3« portion
Point de fusion ôB'-SO» 64*>,5 66o,5
( Caii>wieo^ 74,44 75,47 75,61
"^^1:^1 1 Hydrogéneo/o 12,48 12,10 12,11
Oxygène (par différ.o/o) 13,^ 12,43 12.28
Calculé pour
élémentaire
C«*H"0* C"H"0* C"H«*0« C*»H««0«
Carbone o/o 73,68 75,00 75,56 76,5
Hydrogène o/o 12,28 12,50 12,59 12,67
Oxygène o/„ I4,0i 12,50 11,86 11,28
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- 177 —
La composition de la première portion la place entre Tacide
myristique et Tacide palmitique, mais on a vraisemblablement
affaire à un mélange. La deuxième et la troisième portion, que
le rapprochement de leur point de fusion et de leur composition
peut faire considérer comme presque identiques, semblent cor-
respondre à un mélange d'acides palmitique et stéarique et
peut-être d'acide margarique.
Les eaux-mères de la saponification contenaient environ 7
parties de glycérine pour 100 de graisse.
§ 3. — Sur deux graines oléagineuses de Sapotacées
du Congo.
Pachystela sp. Heim.
En 1982, MussAT présentait à la Société française de coloni-
sation, des échantillons de deux graines grasses, | originaires du
Congo que Ton proposait à l'industrie (1) et que, reconnaissant
pour appartenir à la famille des Sapotacées, il envoyait à Pierre.
L'une de ces graines réduite à ses cotylédons séparés ne
pouvait se prêter à une investigation scientifique, l'autre
pourvue encore de son tégument fut rapportée par Pierre à ce
genre Pachystela.
M. Heim identifia ces graines à celles qu'il avait eu l'occa-
sion de voir à l'Exposition de Bruxelles en 1897, originaires du
Bas-Congo belge et désignées sous les noms de « Illipé [Bassia
longifolia) » et de « Mowra {Bassia latifolia) » et nous allons
résumer l'étude qu'il en fit en collaboration avec MM. Dehay et
Cordonnier (1) et qu'il désigna sous les_noms de « Faux lUipe »
et « de Faux Mowra ».
Faux Mo'oirra du Congo (Espèce botanique inconnue).
Les cotylédons de cette graine dont l'origine spécifique ou
même générique est inconnue, affectant à l'état sec une forme
(1) Comme toiigours, Timportateur n'avait aucun renseignement à fournir, pas
même le nom de la région d*où provenaient les graines, ni leur nom indigène. Que
de tempe et d'efforts sont rendus inutiles par ce manque de méthode.
(2) F. Heim. Sur deux graines oléagineuses du Congo. Soc, fr. de colonisation.
Bull de la Sect. d'agriculture coloniale 1902, i^'^ année, n» 7, 146-158.
12
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— 178 —
de cuilleron ovale allongé, convexe, concave, ayant de 20 à 25
millimètres de longueur sur 10 à 12 de lai'geur et 3-4 milli-
mètres d'épaisseur. De couleur brun cacao, ils sont lisses
mats, d'une saveur fortement astringente, quelque peu aroma-
tique plutôt désagréable, devenant peu à peu franchement
amère.
Fto. XXIX« — Cotylédon isolé du faux Mowra (face interne). G = 2 d.
Le tissu de ce cotylédon est constitué par un parenchyme
riche en cellules à graisse ; celles-ci renferment à la fois des
cristaux confus d'acides gras, solides à la température ordi-
naire des globules huileux et des sphérules d'aleurone assez
volumineuses.
L'auteur dénonce également la présence de tannin dans les
cellules groupées par 3-4, et réparties sans ordre dans toute
l'épaisseur du cotylédon : ne serait-ce pas les cellules à latex.
Pas d'amidon.
On a pu en extraire par l'éther de pétrole 36,4 % de son
poids de matière grasse, de densité 0,956 à -|- 15®, dont le
point de fusion est de 34® ; elle rancit vite et acquiert une
odeur désagréable ; elle est jaunâtre pâle et pas siccative.
Densité à -f- 45» 0,956
Indice d'Iode 99
Point de solidification 26o
— fusion 34o
— — des acides gras 48*
ChifTre d'acide 6,8
Indice de Hehner 97,1
Le tourteau, résultant de l'épuisement de la graisse par le
sulfure de carbone contient :
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En. Perrot.
Le Karité, etc., 190/.
Fio. XXX. —Pachystela sp.^ Faux Illipé duCongo . Divers aspects de la graine et
des cotylédons ; au bas, coupe du tégument séminal, d'après Heim.
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— 181 —
Eau 3,2
Cendres 8,6
Matières azotées totales 27,3
Matières amylacées 41,9
Cellulose 25
Les cendres renferment :
Acide phosphorique 21,43 ^/o ; magnésie 3,65; Potasse 26,4
Faux Illipé du Congo.
Les graines décrites sous ce nom par Heim et appartenant à
une espèce encore douteuse de Pachystela^ se présentent à sec
encore recouvertes de leur tégument, comme sensiblement sphé-
riques, largement déprimées parallèlement au plan de sépara-
tion des cotylédons ; mais cette dépression disparaît après un
séjour dans Teau. Le tégument séminal unique, mince, chartacé,
fragile sur le sec, légèrement et irrégulièrement plissé, est
d'un brun noir brillant, sauf sur toute Tétendue du hile où il
est mat.
FiG. XXXI. — Parenchyme cotylédon aire.
La graine exalbuminée se compose de deux gros cotylédons,
semi, sphériques, qui, après humidification, mesurent 15 à 18
millimètres de hauteur sur 13 à 15 millimètres de largeur et
7 millimètres d'épaisseur.
La plupart des graines envoyées avaient subi un commence-
ment de germination, et avaient été évidemment ramassées à
terre au pied de Tarbre producteur.
Au point de vue anatomique, le tégument de la graine com-
prend un épiderme externe scléreux et un parenchyme homogène
avec faisceaux conducteurs plongés dans sa masse ; beaucoup
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— 182 —
de cellules de ce tégument sont tannifères, et d'autres sont des
laticifères.
Le tissu des cotylédons est identique à celui des autres
graines grasses des Sapotacées.
Cette graine abandonne à Téther de pétrole 42 % ^* P^^
expression à chaud 33 % seulement de son poids de graisse
fusible à 42«. La matière grasse obtenue rancit facilement et
acquiert une odeur désagréable ; elle est soluble dans Téther,
très peu soluble dans Talcool. Les constantes sont les sui-
vantes :
Densité à -f 4&> 0.973
Indice d'iode 77
Point de solidification 35»
— fusion iSJo
— — des acides gras 55»
Chiffre d'acide 4,3
Indice de Hehner 98,2
Le tourteau provenant de l'épuisement de la graine par l'éther de pétrole ren-
ferme :
Eau 2,3
Cendres d,9
Matières azotées 29,4
— amylacées 35,6
Cel lulose 3b,8
Les cendres contiennent : Acide phosphorique 29,7 «/q, magnésie 2,5 et potasse
28,29.
Usages, — « Ces deux graines paraissent donc susceptibles
d'un bon emploi en savonnerie, leur rendement en graisse est
moyen ; la richesse de celle du faux Illipe en acide stéarique
peut la rendre intéressante pour la stéarinerie. »
Toute autre conclusion est impossible, il faudrait savoir
d'abord quels sont les végétaux producteurs, leur aire de
croissance, leur possibilité d'exploitation, etc.
Quant aux tourteaux, toute réserve faite sur leur toxicité,
toujours à craindre quand il s'agit de graines de Sapotacées, ils
seraient susceptibles d'acquérir de la valeur comme engrais ;
la saveur amère de la graine du faux Mowra ferait certai-
nement dédaigner son tourteau par le bétail ; nous avons vu
déjà combien diflicilement le tourteau de Karité semblait accepté
par les moutons en particuli(»r.
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— 183 —
§ 4. -~ Une nouvelle graine grasse inconnue du Congo.
Mimusops sp, (sous-genre Baillonella ou Lecomtedoxa),
Il y a dix-huit mois environ, une maison de commerce du
Havre envoyait à notre Laboratoire à l'Ecole supérieure de
Pharmacie, une graine de Sapotacée, elliptique allongée, qui ne
répondait à aucune description connue ; il en avait été vendu
une certaine quantité sur le marché, en juillet 1905.
Une seule personne en France pouvait nous dire rapidement
si la graine était connue, c'était M. Pierre à qui l'échantillon
fut porté par M. GoRis, notre chef de Laboratoire. Le savant
monographe de la famille des Sapotacées nous répondit quelque
temps après la lettre suivante :
« J'ai reçu, de votre part, des graines de Sapotacées du
Congo. De leur étude, il ressort que ces graines appartiennent
à la tribu des Mimusopées, et, comme il faut prendre le genre le
plus anciennement connu pour caractériser la tribu, par droit
de priorité, au lieu de Mimusopées, il faut lire Sapotées, du
Sapota de Plumier — injustement remplacé par Achras Linné.
« Quoiqu'il en soit, vos graines indiquent, comme affinités,
les genres Tieghemella^ Baillonella, Lecomtedoxa. De ces
trois genres, par la nature de l'embryon à cotylédons plans-
convexes, plus ou moins sébacés et par les restes de l'albumen
formant manchon autour de la radicule et finissant en lame
ténue plus haut, elles diffèrent peu.
« Cependant sa tigelle est presque droite. Par leur tégument
mince, elles ont quelque rapport avec le Baillonella et s'éloi-
gnent beaucoup des deux autres genres. Par la cicatrice aussi
longueque la graine, c'est un Lecomtedoxa^ mais moins linéaire-
oblongue que dans ce dernier ; la cicatrice est aussi longue que
chez le Baillonella mais bien moins large ; par contre, elle est
bien plus longue et moins large que chez le Tieghemella.
« Comme dans ces trois genres, le hile est en haut très
distant du micropyle basilaire, ce qui indique Vatropie de l'o-
vule.
« En somme, ces graines indiquent un genre nouveau qui, pour
les auteurs, sont des sous-genres, parce qu'ils n'ont pas consi-
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— 184 —
déré que, chez les vrais Mimusops^ l'ovule est complètement
anatrope ; chez les Manilkara^ Tovule est hémitrope^ et chez
les Butyrospermum (Vitellaria), les NortheUy les Vitelliaropsls^
les Semicipium, Tiéghemella^ Baillonella et Lecomtedoxa,
rovule, ainsi qu'il vient d'être dit, est complètement atrope.
Fio. XXXII. — Graine de Mimusopée inconnue, vendue en 1905 sur le marché
du Havre (Musée de l'Ecole de Pharmacie de Paris).
« Evidemment ce caractère n'est pas le seul à considérer. U
y a d'autres différences génériques dans les stipules, dans la
nervation, dans la structure du pétiole et du limbe, enfin dans
la fleur et la graine.
« Vous avoir indiqué cette somme de différences, c'est vous
din» que si j'ai la conviction intime que vos graines représentent
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— 185 —
un genre nouveau, encore faut-il trouver d'autres caractères
avant de nommer le genre et que vous me rendriez un grand
sei'viee en voulant bien vous procurer les rameaux fleuris de
cette plante.
<c Considérant ce que sont les Tieghemella^ les Baillonella
iît Lecomtedoxa^ il est très probable que vos graines provien-
nent d'un très grand arbre et qu'alors il sera difficile d'en avoir
des échantillons... ».
Nous avons fait tout notre possible pour nous procurer des
échantillons, en bon état, de l'arbre, mais sans résultat.
On voit néanmoins, par cet exemple, combien il doit exister
d'espèces différentes de Sapotacées dans la région du Gabon
et du Congo, dont les graines renferment toutes une assez
grandtî quantité de matières grasses dans le mélange desquelles
domine le glycéride stéarique, ce qui les rend toutes intéres-
santes. Des explorations scientifiques ultérieures nous donne-
ront quelque jour les renseignements nécessaires pour en déter-
miner les caractères et la valeur économique.
D'après la méthode de classification de Engler, que nous
avons adoptée, il ne semble pas douteux que cette graine
n'appartienne au genre Mimiisops et se range dans la section
Baillonella.
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CINQUIÈME PARTIE.
Conclusions.
Do ce travail il est nécessaire de tirer uu certain nombre d«
conclusions : les unes d'ordre général, les autres plus spéciales
à chaque produit et d'ordre économique.
Disons tout d'abord que, malgré nos efforts, il existe dans
"Cette étude un certain nombre de lacunes d'ordre scientifique
qui nous ont obligé à laisser dans l'obscurité quelques points
du plus haut intérêt pour l'application. On est étonné de voir
aussi combien de notions manquent encore concernant les races
ou variétés de Karité, dans lesquelles nous avons déjà cru dis-
tinguer avec Chevalier 3 types : l"* type du Soudan nigérien
[B. mangifolium) ; 2"* type du Dahomey et du Cameroun
[B. Poissoni) ; 3* type de la région du Nil [B. niloticum).
Il n'est pas douteux pour nous que les adaptations aux condi^
tions biologiques de milieu n'influent considérablement sur la
production des graines, leur grosseur, leur composition, etc.,
et partant sur leur valeur industrielle !
Des envois nouveaux sont nécessaires qui devront compren^
dre, avec une quantité notable de graines récoltées dans une
région donnée, des échantillons copieux d'herbier avec fleurs et
fruits.
Les analyses des laboratoires compétents permettront alors
d'être iîxés sui» la valeur réelle des produits d'origine certaine ;
caries contradietions nombreuses quo nous avons relovées dans
les rccherdies chimiques proviennent soit d'études faites sur
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— 188 —
des graines de composition différente, ou plutôt des beurres
additionnés de graisses étrangères, eomme Thuile de palme.
D'autre part, le fait constant de la stérilité des arbres de la
xone limite naturelle de croissance de l'arbre, mérite d'en
chercher la cause déterminante et il serait intéressant à ce
sujet de tenter des essais de culture dans des régions situées en
dehors de Taire normale de dispersion géographique que nous
«Tons indiquée sur la carte annexée à ce fascicule.
Il serait intéressant de savoir, par exemple, ce que sont
devenues les plantations faites par Martret, au jardin de Fort-
Sibut, sous les instigations de M. Aug. Chevalier.
Cette absence de rensoignoments précis que Ton constate
pour la plupart des études de ce genre, est vraiment néfaste aux
intérêts mêmes de nos colonies. L'apparition sur nos marchés
de graines dont il nous est impossible de déterminer l'origine
botanique devrait cependant inciter les maisons de commerce à
apporter dans leurs essais un peu plus de méthode scientifique.
Les Laboratoires compétents leur fourniraient alors des
renseignements très précis qui leur éviteraient dos essais inu-
tfles ou qui les aideraient considérablement dans leurs tenta-
tives de mise en valeur des concessions, dont elles ont assumé
l'exploitation. L'industrie s'enrichirait peut-être fréquemment
de produits dont l'utilisationseraitpourelleune véritable source
de revenus.
Ceci dit, examinons maintenant quelles sont les conclusions
spéciales à chaque plante étudiée qu'il nous est possible d'énu-
wérer, d'après les recherches que nous venons d'exposer.
§ 1. — LE KARITÉ.
Aire d* extension. — Le Karité est un arbre élevé, que Ton
rencontre en végétation de parc, depuis la Gambie vers le 16**
de longitude à l'Ouest jusque vers le 32** de longitude Est en
fermant une bande étroite, limitée dans sa région Ouest par les
8r et 15® parallèles environ, et qui s'incline vers Téquateur au
fer et à mesure qu'on s'approche du Nil où elle est comprise
entre les S** et 7® degrés de latitude. Au niveau du Chari, son
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aire d'optimum de croissance est celle que bordent les 7" et 9*
parallèles.
Soit une bande de 45 à 47*^ de longueur (5.000 km. environ)
avec une moyenne correspondant, en largeur, à 4 ou 5 degrés
de latitude.
Comme on le voit, le Kakité ne s'avance jamais jusqu'au
littoral ; ce fait explique la difficulté avec laquelle les produits
pénètrent jusqu'à nous.
C'est au Togo, au Dahomey et au Lagos, que les régions
exploitables de Karité sont le moins éloignées de la mer.
Peuplements. — La question de savoir si le Karité n'est pas
cultivé n'a guère d'intérêt économique et d'ailleurs ne parait
g^ère difficile à résoudre. Le Karité, répandu comme les pom-
miers dans notre Normandie, est toujours l'objet de quelques
soins, de telle sorte qu'en réalité il a dû s'établir des sélec-
tions artificielles entraînant la production de races locales
nombreuses dont les graines peuvent être assez différentes,
tant au point de vue du nombre et du volume qu'à celui de leur
constitution chimique.
En certains endroits, les Karités présentent presque une
végétation de forêt peu dense, mais ceci est exceptionnel.
Rappelons toutefois qu'il existe à la limite d'apparition du
Karité une zone plus ou moins étendue où les arbres restent à
peu près complètement stériles, ce qui rend très difficile la
détermination des limites de la zone exploitable (1).
Modes d'exploitation, — Si l'on suppose la graine de Karité
devenue un produit nécessaire à l'industrie europé(*nne, il y a
lieu de se demander comment on devra l'exploiter.
Un fait, à notre avis, prime tout : c'est la manutention consi-
dérable, difficile et même pénible qu'exige la préparation du
produit.
Il nous semble bien difficile de mettre entre les mains des
indigènes, des machines assez compliquées afin d'obtenir une
graisse plus pure par des moyens plus rationnels, et, au moins
(1) Voir la carte annexée à ce fascicule qui donne un aperçu sufjisamment exact
de la zone d'extension limite du Karité.
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— 190 -
jusqu'au jour où Tinstallation d'usines sera possible, nous
croyons que les industriels devront essayer de tirer profit du
Karité en traitant eux-mêmes les graines.
Le pourcentage plus élevé de matière grasse extraite com-
pensera pour une grosse part les frais supplémentaires de trans-
port.
N'oublions pas, pour Tavenir, que le Nil français, comme Ta
dit un de nos explorateurs, va mettre bientôt, au service de qui
voudra, une puissance mécanique énorme dont sauront profiter
bien vite les capitaux.
La préparation de la graisse de Karité est aux mains des
indigènes longue et fatigante, et il serait incontestablement très
aisé d'en atténuer beaucoup les difficultés. Il suffit de savoir
dans quelles conditions la récoite pourra être transportée
sans altération trop profonde, et ce problème ne semble pas
insoluble un jour prochain.
L(* meilleur mode d'exploitation consistera évidemment à
expédier eu Europe la noix en vrac, décortiquée ou non. Les
procédés en vigueur dans nos huileries permettraient sans
doute d'extraire la presque totalité de la matière grasse, et le
gain obtenu ainsi compenserait dans une très large proportion
les frais de fret supplémentaire.
Cette méthode aurait, en outre, encore un avantage : celui
de supprimer les additions frauduleuses de matières étrangères
(huile de palme ou autre corps gras), additions que l'examen des
analyses publiées fait apparaître comme à peu près certaines
et d'un usage courant chez les noirs.
Régions principales de production. — Les régions actuelles
de production j)our les échanges extérieurs sont la Nigeria, le
Togo ; mais la Côte d'Ivoire, le Dahomey et toute la région du
Soudan nigérien avoisinant le Nil seront susceptibles d'être
mises en exploitation, dès que le rail qui s'avance à grands pas
aura franchi la distance qui sépare la côte de la zone produc-
trice.
Au Cameroun, les Karités apparaissent presque toujours
stériles vers hî 5" de latitude» ils fructifient abondamment entre
les 7" et 9^ degn\s, d'après les renseignements communiqués
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— 191 —
par le commandant Moll an retour de sa mission de délimitation
de la frontière franco-allemande de cette région.
Sous la réserve qu'il pourra supporter les frais encore consi-
dérables de transport à la côte, le produit du Karité deviendrait
rapidement lun des plus intéressants de l'exportation de notre
colonie du llaut-Sénégal-Niger, et plus tard de la Guinée,
quand le chemin de fer dé])assera la région de Timbo et attein-
dra celle du Tinkisso.
La quantité la plus considérable de beurre exporté jusqu'alors
a été de 300 tonnes en 1905, venant de Lagos et dirigée vers
le Gold Coast pour la consommation indigène.
La Nigeria du Nord (Compagnie du Niger) a également
expoilé: en 1900, 626 tonnes valant 360.390 fr. ; en 1901,
266 tonnes valant 154.050 fr. ; en 1902, 181 tonnes valant
104.525 fr.
Marseille a reçu quelques petits envois, et nous avons cité
celui de 40 tonnes traitées par MM. Rocca, Tassy et de Roux,
qui se sont, les premiers, préoccupés en France de cette ques-
tion.
On nous a dit qu'une certaine quantité était également
arrivée à Bordeaux, assez récemment.
Avenir économique de la graisse concrète dite Beurre de
Karité, — Il est très difficile d'émettre à ce sujet une opinion
indiscutable, car nous ignorons encore à quels usages la graisse
de Karité sera destinée par l'industrie.
C'est à peine si des essais sérieux ont été tentés ; il y a lieu
de penser que la graisse de Karité pourra dans certaines con-
ditions entrer dans la composition des graisses alimentaires,
mais alors concurrencera-t-elle le Coco qui prend de jour en
jour une place |)lus importante ?
La forte teneur en stéarine que les auteurs signalent dans
la graisse en fera-t-elle un produit de premier ordre pour l'in-
dustrie de la stéarinerie ? Nous l'ignorons. L'étude chimique
est (mcore insuffisante.
Le point de fusion élevé du beurre de Karité le rendra très
utile dans tous les cas, où l'on désirera une matière grasse
concrète destinée aux pays chauds, et il serait vraiment
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— 192 -
piquant de voir arriver un jour en Europe, les graisses de
Karité en quantité considérable, pour en extraire un corps gras
pur, alimentaire, réexpédié sous cette forme dans les régions
tropicales, comme produit de consommation courante.
Toutes ces hypothèses sont permises à la condition toutefois
que la matière première ne manque pas au premier appel impor-
tant de rindustrie, que son prix de revient ne reste pas toujours
trop élevé, et que la pureté en soit assurée.
Etant donné Ténorme consommation locale et Tapathie du
noir, pourra-t-on recueillir une quantité suffisante aux besoins
d'une grosse industrie ?
Il n'est pas inutile de faire remarquer que le Karité est un
arbre dont la production ne commence sérieusement que vers
Tâge de 8 à 10 ans. L'indigène insouciant laisse les feux de
brousse lui détruire la plus grande partie des jeunes plants.
Il serait donc de toute nécessité de prendre certaines me-
sures préventives pour faire respecter les peuplements exis^
tants et empêcher la destruction des pieds encore trop peu
protégés par leur liège externe pour résister au feu dévasta-
teur.
L'administration du Haut Sénégal-Niger l'a déjà compris en
édictant des règlements protecteurs. Nous croyons cela insuffi-
sant et c'est pour cela que nous avons préconisé l'installation
de réserves forestières protégées^ voisines des futures voies
ferrées, et aménagées pour y faire en même temps des essais de
culture de lianes caoutchoutifères. Sous ces réserves, nous
n'hésitons pas à dire que les applications multiples dont se trou-
vera susceptible la graisse de Karité, permettent de supposer,
et déjà des "indices sérieux confirment cette manière devoir,
que ce produit deviendra l'objet d'un trafic des plus importants
pour notre empire ouest-africain.
Les faibles délais qui s'écouleront maintenant avant que la
pénétration du continent noir ne soit un fait accompli, laissent
suffisamment de temps aux industriels pour terminer leurs
essais et à l'Administration pour édicter les mesures de pré-
voyance que la situation comporte.
Gutloïde de Karité, — La longue étude que nous avons ré-
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— 193 —
servée à ce produit provenant du latex qui s'écoule des bles-
sures faites à l'arbre, parait absolument concluante. La matière
dite « gutta de Karité » est un produit dénué de toute valeur
économique. C'est également Tavis de M. G. Bertrand, de
l'Institut Pasteur, qui depuis de longues années s'occupe des
latex à gutta et à caoutchouc.
Tout au plus, et ceci est loin d'être prouvé, trouvera-t-on
quelque jour à utiliser cette matière en mélange avec d'autres,
dans certaines industries secondaires. Il était vraiment temps
NOTA. -- Au moment de mettre sons presse, le commandant Moll, arec lequel
nous avons eu roccasion de nous entretenir de la question du Karité, a bien touIu
nous envoyer les renseignements suivants, qu'il a recueillis au cours de sa mission
de délimitation franco-allemande du Cameroun :
Sangha.— Depuis le &> de latitude Nord, altitude 3 à 400, on commence à ren-
contrer une variété de Karité, mais ne donnant pas de noix exploitable. Son aspect
est le même, avec les feuilles en bouquets à l'extrémité de rameaux dénudés, mais
eUessont d'un vert plus foncé, rouges vers la pointe et d'aspect plus vernissé.
Depuis le 6», altitude 800 à 1000 môtres, on commence à rencontrer le Karité à
graine. 11 habite les savanes des hauts plateaux, formant des ilôts d'arbres assez
espacés les uns des autres. Les sujets ue sont pas très gros et mesurent de 5 à 6
mètres de hauteur et 15 à 20 c. de diamètre.
Les indigènes Bayas et M'Boums le connaissent, mais s'en servent peu, comme
substance grasse, ils préfèrent Thuile de sésame et le beurre animal. Ils mangent
cependant les amandes de la noix.
Lakas. — En continuant vers le nord, dans la grande plaine Laka à 3 ou 400
mètres d'altitude, on trouve beaucoup de beaux Karités, alternant avec les mimosas
pour former la forêt claire qui couvre la région. Les indigènes Lakas l'utilisent
peu.
Moundans. — Sur le 10» de latitude nord, chez les Moudans, les Karités sont
superbes et en assez grande quantité. Les indigènes se servent de sa graisse. Ils
utilisent les noix pour polir les murs de leurs cases et leur donner un v#mt« tm-
perméabU à l'eau. Les grandes jarres à eau sont aussi vernies à l'aide de noix de
Karité. On utilise peu la graisse comme nourriture, on préfère le beurre animal,
l'huila d'arachide ou de sésame.
Haata-Béno«é. ~ Tout le pays de la Haute-Bénoué est couvert de forêts de
Karités, mais on n'utilise pas ce produit, ou la consommation chez les Haoussas, si
elle existe, est d'une importance bien faible. C'est qu'en effet on ne voit sur aucun
marché de graine de Karité et par contre on y vend du beurre et de l'huile en
quantités considérables.
Actuellement il n'y aurait rien i faire comme commerce ni comme exportation
du Karité. On ne peut donner aucun prix, car il n'y a pas de marché.
Peut-être pourraii-on pousser les Moundans et les Haoussas à exploiter ce pro-
duit. Le transport par eau sur la Bénoué permettrait sans doute de l'amener à la
cêta dans de bonnes conditions.
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- 194 —
de faire justice des espoirs qu'auraient fait naître certaines
affirmations que des expériences scientifiques positives
n'étaient jamais venues confirmer.
§ 2. — L'ARGAN.
Bien moins optimistes seront les conclusions qui concernent
rhuile d'Argan, car la production restera toujours extrême-
ment limitée.
De même, la dureté de son noyau est un autre obstacle à
l'obtention d'un produit de prix peu élevé. Toutefois, il était
nécessaire d'attirer l'attention sur cette huile alimentaire qui
provient de régions où ne croît pas Tolivier. L'aire si restreinte
de sa dispersion au Maroc occidental est un fait biologique
curieux, et il serait intéressant, sinon util(% d'essayer de
l'étendre vers le sud. Dans le cas de réussite, on doterait des
pays peu privilégiés d'un végétal des plus intéressants.
,^ 3. — AUTRES GRAINES GRASSES AFRICAINES DE LA
FAMILLE DES SAPOTAGÉE6.
De cette quatrième partie de ce travail, se dégage un fait
digne d'attirer l'attention : c'est la variété des végétaux de
cett(» famille dont la graine est susceptible de fournir une graisse
comestible.
La région du Karité n'est pas intéressée à la question, mais
il n'en est pas de même de notre colonie du Congo.
L'étude botanique de quelques plantes est faite {Djave^
Moâbi)y mais il en existe d'autres.
Il importe de déterminer l'aire de végétation des arbres
producteurs, leur nombre au milieu des autres essences de la
forêt, et de faire Tétude chimique accompagnés d'essais écono-
miques de la matière grasse qu'elles sont susceptibles de fournir.
Il suffira de porter ces faits à la connaissance de l'Adminis-
tration et des Colons pour que des recherches nouvelles soient
entreprises bientôt qui fixeront la valeur industrielle de ces
produits.
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PLAN ET TABLE DES MATIÈRES
du Fascicule.
InitoductUvi , , , _ , _ ^ ^ ^ ^ _ ^ ^ ^ »l
PBEMIÈnE PAIITIB.
Généralités sur les Sapotacées , , ,.,..*..,,,,* ^ 5
E»£U3CIÈMB PAHTrB.
lie Karité s Botyrospermum Parkii KoUi^}*
Chapitre I. Hi^tonquc* général j j
— II. Eluiie boraiiiquts du KarUfi. »....,, , ^,^ 27
— HL Biologie du Karilê.— Sa lépgrtiaon jfjéofe'raphique 49
IV, Produits du Kûrîté .,.,,, 56
-^ V. De k Griiisa* di^ Karjlé :
S 1 . HifltoHque , .,..,. flî
^ 2, Préparîitioij ......,,., *...«»...,,..,.,,,,,, (55
§ 3, Réridemeiit *.--.*.....«..»...,.. 74
S 4. CaractèPei et composition 75
!* 5. IJ»a^. — Commerce. — Production 80
'i 6. Tuurleau , ^7
— VL Protection du Karité et Hés<:rveti forestières aménagées . . , 92
— VU, Le produit gufloïde du Kcirilé (Guttii-Ci) ,,,...., m
TKoisriiMK PAnriE,
Ii'Argftn .
Historitfue ......._,. _ .^^
Caractères botaniqueii-,,,. , tZ,
Répartition géographique , ^ [/.".[] \\â
Usagea, — Huite d'Argon _ _ _ ' ma^
QlîATaiÈME PAI{Tir..
Autres Sapotacées africaines à graines ffrasses peu connues.
DjaT© iiu Noumgou [ Mhnutopê Bjam) ^^
Meâbi iMimnsop» Pierreana) ,*,... . . / i^i
Diveraoâ autres ■ ■ - - ^ '
' - — \Tf
CûDdllAioili
1^7
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tMPRlMBRlB BT LITHOORAPHIB L. DBCLUMB, LONS-LB-SAUNIBR
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LES VÉGÉTAUX UTILES
DE L'AFRIQUE TROPICALE FRANÇAISE
FASCICULE m
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COULOMMIBRS
Imprimerie Paul BRODARD.
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f r
LES VEGETAUX UTILES
DE
L'AFRIQUE TROPICALE FRANÇAISE
ÉTUDES SCIENTIFIQUfS ET AGRONOMIQUES
PUBLIÉES SOUS LE PATRONAGE DE MM.
EDMOND PERRIBR E. ROUME
De rinftttut AncIcD Dlrcetenr de l'AsIo aa MinUtère des Colooiet
Directeur dn Mnséam d'Histoire Naturelle Gouverneiir général
de Paris de l'Afrique occidentale française
ET DIRIGÉES PAR
M. Aug. CHEVALIER
Soits-dlrecteiir da Laboratoire de* Uaatea-Étiidet an Maséam de Paris
Chargé de missions en Afrique occidentale.
Fascicule III
SOMMAIRE :
Recherches sur les bois de différentes espèces
de Légumineuses africaines
par Em. PERROT et 6. GÉRARD
PARIS
A. CHALLAMKL., Éditeur. i7. rue Jacob
1907
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PRÉFACE
L'appauvrissement du sol de l'Europe en forêts par suite de leur
exploitation inconsidérée, amène une raréfaction des espèces végétales
arborescentes telle, que Texploitation des bois exotiques, môme de
valeur moyenne, prend aujourd'hui des proportions considérables. Ce
oonmierce, malgré les frais qu'il comporte, est en effet devenu suffisam-
ment rémunérateur et l'on conçoit aisément que la variété des espèces
ligneuses actuellement utilisées par les diverses industries du Bois ne
<;esse de s'accroître chaque jour davantage.
Ce phénomène économique entraîne comme conséquence l'envoi sur
les marchés métropolitains d'essences nouvelles ou peu connues, diverse-
ment appréciées et affublées de noms indigènes ou de désinences fantai-
sistes qui rendent le réapprovisionnement souvent très difûcile.
Cest qu'en effet une même dénomination commerciale comme celle
à' acajou par exemple, désigne des arbres d'origine botanique extrême-
ment différente, et il arrive fréquemment qu'un nouvel envoi, bien que
portant le même nom vulgsûre, ne présente avec le précédent qu'un rap-
prochement purement officiel.
Le problème se pose donc pour un certain nombre de cas, et la solu-
tion sera de plus en plus impérieusement nécessaire, de reconnaître,
par toutes sortes de caractères, l'origine précised'une bille de bois. Cette
identification ne peut être absolue qu'à l'aide de caractères d'ordre
scientifique, et c'est pour déterminer quelques-uns de ces caractères que
nous avons entrepris le travail qui fait le but de ce livre.
De plus, si nous admettons que plusieurs espèces arborescentes sont
susceptibles de fournir des matériaux possédant des qualités industrielles
comparables, il deviendra néanmoins nécessaire d'en assurer la multipli-
cation dans la colonie intéressée ; leur détermination botanique deviendra
dès lors aussi nécessaire que l'identification du produit fourni.
Détermination de l'espèce productive et identification certaine du
bois sont donc indispensables. D^ailleurs l'utilité de la diagnose des bois
industriels avait depuis longtemps frappé de nombreux observateurs, et il
existe sur le sujet, en des langues différentes, des travaux de réelle
valeur dont nous aurons l'occasion de parler.
Notre ami âug. Chbvaubr, dont chacun connaît les belles et infatigables
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VI
PRÉFACE
^^'^.
recherches sur les végétaux de notre Afrique de Touest^ s*était déjà préoc-
cupé de cette question, et, au moment de son départ récent pour un
inventaire botanique et économique de la forêt tropicale de la c6te
d'Ivoire, il voulut bien nous charger d'un essai d'études comparatives
micrographiques appliquées à la diagnose des bois.
Les tentatives antérieures, faites dans ce but, ne nous satisfaisaient
point, et nous avons personnellement pris la résolution de reprendre le
sujet, en cherchant avant tout à tirer de nos recherches une application
directe àTindustrie.
Nous avons choisi tout d'abord des essences provenant d*un groupe
végétal homogène (famille des Légumineuses), et nous montrerons avec
Tun de nos élèves, M. Gérard, qui nous a apporté une très active collabo-
ration, que, grâce à un faible grossissement, on peut établir des points de
comparaison du plus haut intérêt et d*une grande précision. Gr&ce à notre
système de fiches, chaque bois se trouve identifié, et il suffira à un
observateur consciencieux de connaissances très modestes pour établir
comme nous Tavons fait la fiche individuelle correspondant à tous les types
de Bois industriels : il restera à terminer la densité des arbres intéressants
dans la colonie productive, à en assurer la reproduction, et la suite de
nos recherches dira si notre méthode possède réellement les qualités de
généralisation que nous sommes en droit dès aujourd'hui de lui
supposer.
Em. Perrot,
Professeur à FËcole supérieure de pharmacie à Paris.
k ^^''
Paris, le l*' juillet.
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INTRODUCTION
Dans Tétude microscopique du bois des espèces végétales qui font
Tobjet de ce travail, nous nous sommes efforcés de faire ressortir la
valeur économique des caractères que Ton pouvait dégager des considé-
rations techniques.
La pratique de l'examen microscopique en question présentait quelques
difficultés qui ont nécessité l'emploi de méthodes un peu spéciales : tout
d'abord nous nous trouvions en présence d'échantillons de bois dont quel-
ques-uns étaient d'une dureté considérable ; leur attaque par le rasoir
était vraiment difBcile, surtout pour obtenir des préparations aptes à la
photographie et à la reproduction.
U était de toute nécessité de chercher à ramollir ces tissus : après avoir
essayé les différents procédés décrits dans les ouvrages pour atteindre ce
but, nous nous sommes arrêtés à la méthode suivante qui nous a toujours
donné les meilleurs résultats : des fragments du bois à examiner, de
petite taille de préférence, sont placés dans un flacon plein d'eau et
soumis à l'action du 'vide obtenu par une trompe à eau; sous cette
influence, un bouillonnement se produit, dû à l'échappement des gaz ren-
fermés dans les éléments constitutifs du bois ; par le retour de la pres-
sion atmosphérique, les échantillons se laissent facilement pénétrer par
l'eau qui les entoure. Ensuite, une ébuUition, plus ou moins prolongée
suivant la nature du tissu, facilite l'action ramollissante de ce liquide.
Enfin une macération de durée variable, dans l'eau additionée de quelque
antiseptique, achève de transformer les tissus les plus durs et les plus
compacts.
L'échantillon ainsi préparé pour l'étude histologique, il s'agissait d'y
pratiquer des sections assez minces pour en permettre la photographie ;
et pour quelques-uns d'entre eux la difficulté paraissait insurmontable;
celle-ci fut vaincue grâce à l'emploi du microtome du professeur Radais,
dont la robustesse se prête admirablement à des recherches de ce genre.
Les microphotographies ont été faites directement par nous avec le
dispositif de la maison Stassnie ; nous avons dû ensuite rechercher des
colorants énergiques et de teinte peu photogénique : nous avons examiné
successivement les verts, les rouges et les jaunes, étudiant les uns après
les autres : la fuchsine ammoniacale, les carmins et pircrocarmins, les
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VIII INTRODUCTION
safranines, le vert d'iode, Tacide pricrique, etc. ; des essais comparatifs
nous ont fait adopter les formules suivantes qui toutes deux ont donné de
bons résultats.
l*" Pour les préparations dont le contenu cellulaire a été détruit par
rhypochlorite de soude on colore simplement par contact avec une solu-
tion alcoolique de vert d'iode à 1 p. 100 environ; la coupe est ensuite
lavée à Talcool pour la débarrasser de lexcès de colorant, déshydratée et
montée au baume du Canada selon le procédé habituel.
2o Pour les préparations non traitées par Teau de Javel, nous avons eu
recours au réactif suivant :
Acide chlorhydrique i partie
Eau 4 parties
Phloroglucine .......... à saturation
dans lequel il suffit de faire séjourner la coupe qudkjues secondes à une
température de 70 à 80», pour voir prendre une belle teinte pourpre à
toutes les membranes lignifiées.
Il a été possible enfin d'obtenir des reproductions, ne perdant pour
ainsi dire aucun détail des clichés, par un procédé récent de photogravure
d*origine allemande, tenu secret par ses auteurs et n'ayant recours à
aucune trame pour la réalisation des demi-teiates.
P ar ce procédé seulement les clichés étaient une reproduction suffisam-
ment fidèle de nos microphotographies.
Ce travail ne comprend qu'une série des bois appartenant à la famille
de Légumineuses, il nous a cependant permis de tirer quelques conclu-
sions qui sans doute ont une valeur générale, ce que nous espérons
démontrer en étendant ces recherches à tous les bois de la grande forêt
tropicale africaine.
1. Communiquées à la Soc. bot. de Pr,, voir Mémoire n^ 6, BulL Soc,
bot. Fr., 1907, LIV.
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RECHERCHES
SUR LES BOIS DE DIFFÉRENTES ESPÈCES
DE LÉGUMINEUSES AFRICAINES
PREMIERE PARTIE
L'ANATOHIE DU TISSU LIGNEUX DANS SES RAPPORTS
AVEC LA DIA6N0SE DES BOIS
CHAPITRE I. — GÉNÉRALITÉS.
I. — NÉCESSITÉ D UNE ÉTUDE APPROFONDIE
DU TISSU LIGNEUX.
A mesure que la science étend son domaine et généralise ses
applications, Tindustrie doit de plus en plus s'inspirer d'elle, lui
emprunter ses méthodes, pour substituer une technique précise
et rigoureuse aux procédés empiriques employés jusqu'à ce
jour.
Nous avons vu Tindustrie sucrière recourir successivement à
l'emploi du densimètre, de la liqueur de Fehling, puis du pola-
rimètre qui lui permettent d'arriver plus exactement à l'obten-
tion intégrale des matières sucrées de la betterave, de surveil-
ler la concentration et le travail des jus sucrés et de rechercher
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2 EM. PERROT ET G. GÉRARD
dans les déchets les petites quantités de saccharose qu'il est
encore possible de leur arracher.
C'est par des fermentations faites à des températures rigou-
reusement déterminées et maintenues constantes par des appa«
reils frigorifiques permettant un réglage facile et précis, que le
brasseur parvient à obtenir des boissons de qualités déterminées.
L'isolement, Fexamen microscopique, la culture de ses levures
pures ou associées et leur ensemencement dans des milieux
aseptiques lui ont permis de préparer avec certitude des bières
ayant telle ou telle qualité demandée par le consommateur,
chaque opération étant scientifiquement identique à la précé-
dente. L'examen minutieux de leur densité lui indique à quel
moment il doit arrêter la fermentation pour avoir un degré
d'atténuation déterminé.
C'est encore au microscope que les éleveurs de vers à soie
ont recours pour déceler et enrayer les ravages de la pébrine.
Comme on le voit par ces exemples, partout, à l'usage exclusif
des indications données par les sens, on a substitué les procédés
physiques, chimiques, microscopiques qui, perfectionnant les
investigations de nos facultés, donnent plus de régularité aux
observations et diminuent les causes de variations dues aux
influences personnelles et au mode d'appréciation.
Les bois étaient autrefois utilisés localement; on prenait les
espèces que l'on avait à sa portée, basant le choix simplement
sur les formes extérieures : longueur, grosseur, rectitude; mais
plus tard, l'exploitation des forêts et le trafic qui en dépend,
s'étendant à des contrées plus grandes, la nécessité de donner
aux meubles plus de solidité et en même temps plus d'éléganc-e,
la plus grande variété des usages auxquels on destinait le bois
nécessitèrent la recherche de qualités moins apparentes à pre-
mière vue : dureté, solidité, ténacité, facilité de travail. D'autre
part, à mesure que le nombre des espèces augmentait par suite
de l'accroissement des moyens de transport, on devait avoir
recours pour les reconnaître à une observation plus détaillée, et
souvent l'examen à la loupe devenait nécessaire pour distinguer
des sortes voisines.
Actuellement, des raisons économiques tendent à augmenter
encore dans des proportions considérables le nombre des
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ANATOMIE DU TISSU LIGNEUX. a
espèces employées : Tatilisation des richesses forestières de nos
colonies, qui fait Tobjet des préoccupations des pouvoirs
publics et de quelques industriels avisés, a déjà mis sur le
marché un grand nombre de bois inusités jusqu'alors, sauf par
les indigènes qui en ignorent les qualités et n'en tirent qu'un
parti rudimentaire. Il sera donc nécessaire, pour se reconnaître
au milieu de ce grand nombre d'espèces nouvelles, et pour
déterminer les qualités qui destineront un nouveau bois plus
particulièrement à tel ou tel usage, d'avoir recours à une tech-
nique plus rigoureuse et plus précise.
A l'examen macroscopique sommaire tel qu'il est pratiqué
actuellement par le menuisier et le charpentier, à l'étude à la
loupe de nos forestiers, il faudra substituer, ou tout au moins
ajouter, comme un complément indispensable, l'examen micros-
copique détaillé, examen qui devra être déterminé par une tech-
nique précise et suffisamment simple pour être à la portée de
l'industrie intéressée. Hàtons-nous de dire que cet examen ne
doit en rien effrayer, car la difficulté n'est qu'apparente, comme
nous essaierons de le démontrer.
Aux caractères de dureté, de ténacité, obtenus a priori^ on
devra substituer des constantes physiques rigoureuses, détermi-
nées selon des méthodes scientifiques dont la technique sera
fixée d'une façon invariable, pour donner des résultats constants
et indiscutables.
Donc, si nous voulons mettre en exploitation toutes les
richesses forestières de nos colonies, si nous voulons faire
entrer dans notre industrie les espèces arborescentes si variées
que renferme notre domaine colonial africain, si nous tenons à
nous affranchir ainsi d'une partie des importations pour les-
quelles nous sommes actuellement tributaires de l'étranj^er, il
est nécessaire de déterminer quels sont les usages qui con-
viennent le mieux à chaque variété de bois.
Les qualités réclamées par les industries sont en effet le plus
souvent très nettement définies et nécessitent une importante et
rigoureuse sélection parmi les espèces proposées.
Prenons un exemple : pour la fabrication des bobines de
filature on a généralement recours au Bouleau, beaucoup
d'autres végétaux devant être rejetés pour des causes variées :
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4 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
le Charme, le Hêtre ont des bois trop résistants et ils abîment
rapidement les outils employés pour les travailler; TAune, le
Peuplier, trop tendres, s'écrasent au lieu de se laisser tailler; les
bois résineux, Pins, Sapins, possèdent des zones annuelles trop
distinctes et se séparant trop facilement les unes des autres pen-
dant le travail. Or, chacun des éléments constitutifs du bois con-
tribue, par sa forme, sa grandeur, sa position, à la valeur éco-
nomique du bois considéré, valeur qui est pour ainsi dire la
résultante des qualités élémentaires conférées à Tensemble par
les différents tissus. Il faudra donc faire de chaque espèce arbo-
rescente une étude détaillée, permettant de la reconnaître, de
déterminer ses qualités et d'en déduire les services que Ton peut
en attendre.
II. — MÉTHODE D ÉTUDE DU TISSU LIGNEUX.
Ces études devront, autant que possible, reposer sur les mêmes
bases pour être utilement comparables et d'une discussion plus
aisée; c'est pour cette cause que nous croyons utile de donner
une sorte de schéma de l'étude générale d'un bois, schéma éla-
boré d'après la discussion des méthodes indiquées par les
ouvrages spéciaux et à la suite de l'examen que nous avons fait
des différents bois et, en particulier, des quelques Légumineuses
africaines dont nous parlerons dans la deuxième partie de ce
travail.
Dans un premier chapitre, on devra réunir tous les renseigne-
ments généraux concernant l'espèce considérée. L'origine bota-
nique doit être rigoureusement indiquée, car, sans elle, aucune
certitude ne saurait s'établir ; elle sera déterminée par le nom latin
et ses synonymes afln de pouvoir se reporter aux ouvrages clas-
siques, par le nom français et les noms indigènes qui permet-
tront de se reconnaître parmi les renseignements fournis dans
-es nombreux dialectes, ainsi que dans les comptes rendus des
missions et dans les ouvrages des explorateurs.
L'indication de la station favorite et de la distribution géogra-
phique sera un auxiliaire indispensable pour retrouver l'espèce
considérée et établir les foyers d'exploitation.
Enfin, pour terminer, un rapide énoncé des caractères bota-
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ANATOMIE DU TISSU LIGISEUl. 5
niques les plus saillants permettra sur place de distinguer
l'espèce recherchée de ses voisines.
On abordera alors la deuxième partie qui sera constituée par
Tétude particulière du bois; cette dernière se subdivisera d'ail-
leurs en quatre chapitres bien nets.
Les sens étant d'abord nos seuls auxiliaires, nous procéde-
rons à un examen basé uniquement sur la vue, le toucher,
Todorat : nous noterons ainsi la couleur, Taspect général, la pré-
sence de zones, d'un cœur et d'un aubier plus ou moins dis-
tincts; l'écorce sera également ici l'objet d'un examen sommaire,
étant souvent d'un précieux secours pour reconnaître à pre-
mière vue des bois d'aspect semblable.
Poussant alors notre examen plus loin et utilisant le micros-
cope, nous ferons une étude approfondie des différents tissus.
Nous n'insistons pas davantage pour le moment, car cet examen
microscopique, faisant le principal objet de ce travail, sera
discuté plus tard en détail.
Mais là ne sauraient se borner les investigations, et il faut
encore avoir recours à deux autres séries de procédés.
Les déterminations physiques comprendront la densité, le
poids du mètre cube, la porosité, la ténacité dans les différentes
directions, l'élasticité, la dureté, la résistance.
Pour obtenir ces données, il est nécessaire de recourir à des
méthodes généralement compliquées et nécessitant des échan-
tillons de grande dimension ; l'exiguïté de ceux que nous possé-
dons ne nous a pas permis de nous livrer à cette étude qui
d'ailleurs est en dehors du cadre fixé à ce travail; aussi nous
nous sommes bornés à donner pour chaque espèce la densité.
Viennent ensuite les déterminations chimiques qui ne pré-
sentent que peu d'importance au point de vue des applications
et se borneront à quelques réactions colorées donnant des
indices de reconnaissance ou signalant certains corps (résines,
gommes, amidon) pouvant avoir une influence sur la conserva-
tion du bois :
On notera avec soin, quand il y aura lieu, la coloration des
taches obtenues avec différents réactifs tels que des oxydants
(potasse, hypochlorites) qui font varier certains pigments, le
perchlorure de fer, le bichromate de potasse qui décèleront les
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I EM. (»ERROT ET G. GÉRARD.
substances tanniques, leur abondance, leur localisation, Tiode
qui indiquera la présence de Tamidon.
On pourra également noter rinflammabilité plus ou moins
facile de petits fragments du bois examiné, Taspect et Todeur de
la flamme, la nature du résidu; la couleur des décoctions
obtenues soit dans Talcool (résines), soit dans Teau (matières
tanniques), leur précipitation par certains réactifs (résines et
gommes) devront aussi être prises en considération.
Enfin, dans une dernière partie, on indiquera les usag^
auxquels ce bois est affecté chez les indigènes, soit dans la
charpente, la menuiserie, Tébénisterie, les constructions navales,
soit dans la teinture, soit en médecine, en raison de leurs pro-
priétés pharmaco-dynamiques.
On conclura ensuite, en faisant ressortir les applications
auxquelles il est susceptible de répondre : dans le pays, pour les
colons, les industries locales, les services du génie ; chez nous,
pour être substitué aux bois étrangers actuellement en usage.
De ces difîérentes parties de Tétude du bois, Texamen micros-
copique est certainement une des plus importantes. Son grand
avantage est de présenter une technique très simple. Tandis
que la détermination des constantes physiques nécessite des
méthodes compliquées à cause du peu d'homogénéité de l'élé-
ment considéré, tandis que Texamen chimique sommaire ne
donne que des renseignements d'une valeur très restreinte au
point de vue des applications, Tétude microscopique, au con-
traire, fournit une foule de renseignements obtenus à la suik
d'une opération simple et rapide. Ses données seront sans doute
d'une rigueur moins mathématique, d'une exactitude moins
absolue, mais d'une précision généralement suffisante avec un
expérimentateur exercé : c'est donc le plus souvent au micros-
cope que l'on devra avoir recours.
Nous allons entreprendre maintenant cette étude microsco-
pique, mais en relatant d'abord les travaux qui ont été faits sur
le sujet antérieurement à ce jour.
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ANATOMIE DU TISSU LIGNEUX. 1
CHAPITRE IL — ÉTUDE MICROSCOPIQUE.
I. — HISTORIQUE.
Parmi les différents travaux publiés sur la structure du bois
secondaire, il y a lieu de distinguer deux catégories. Tandis que
le plus grand nombre des auteurs étudie un ou deux de ses élé-
ments, quelques-uns seulement en examinent la structure dans
son ensemble. Et encore, parmi ces derniers, une minorité seule
s*est occupée des rameaux âgés pourvus de véritable bois par-
fait. Or, seul celui-ci doit être considéré, quand on a en vue les
usages de cette matière.
Examinons successivement quelques-unes de ces recherches :
En 1859, Th. Hartig* a publié un travail bien documenté sur
Tanatomie des bois secondaires, s'attachant surtout à faire
ressortir les caractères différentiels présentant un intérêt systé-
matique.
Puis vint Regnault* qui, en 1860, fit remarquer l'importance
des données fournies par Texamen microscopique de ces tissus
et entreprit à ce sujet une série d'études sommaires de quelques
espèces.
Quelques années plus tard, Rossmann', dans un court travail
sur les bois des arbres de la flore allemande, fait une étude de
leur structure, en s'attachant presque exclusivement à Texamen
des zones annuelles, montrant les variations correspondantes
qui se produisent dans les tissus, variations qui atteignent la
densité, la grandeur des vaisseaux et leur nombre.
En 4867, paraissent deux Mémoires de M. J. Chalon*,
dans lesquels il étudie la structure des tiges ligneuses, y cher-
chant surtout des caractères distinctifs devant servir à leur
diagnose; mais, dans le bois, il étudie particulièrement les vais-
1. HARTiG(TH.),AnatomischeCharakteredesHolze8derLaubholzpflaazen.
Bot. Zeit., 4859, p. 93.
2. Regnault, Recherches sur les affinités de structure des tiges des
plantes du groupe des Cyclospermées. Ann. des Se. nat., 4* série, t. XIV.
3. RossMANN (J.), Ueber den Bau des Holzes der in Deutschland wildwach-
senden und hàufigei' cultivirten Baume und Stràuche, Frankfurt, 1865.
4. Chalon, Anatoniie comparée des tiges ligneuses des Dicotylédones. Gand. —
I" Mémoire, 4867^ p. 46-24; II« Mémoire, 1868, p. 14-18.
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8 EN. PERROT ET G. GÉRARD.
seaux, leur forme, leur taille, leur répartition dans les zones
vernales et automnales, la présence de thylles et enfin Torne-
mentation de leurs parois à laquelle il attache une importance
sans doute un peu exagérée.
Parmi les familles étudiées par lui se trouvent les Légumi
neuses dont le bois fait, dans sa publication, l'objet d'une
description rapide.
Rien d'important dans la littérature n'est à signaler avant le
nouveau travail de Th. Hartig*, en 1878, où il est réservé un
chapitre concernant le bois secondaire accompagné d'un tableau
devant servir à la détermination des espèces, et basé sur les
caractères signalés en 1839 par le même auteur.
Après les publications de Kohl% en 1881, au sujet de la struc-
ture des Oléacées et les pages de Jaensch% en 1884, sur le bois
de quelques Légumineuses, nous arrivons, en 1885, à l'impor-
tant ouvrage de M. Solereder* sur la structure du bois des
Dicotylédones, étudiant un nombre considérable d'espèces, mais
s'adressant en général à des échantillons trop jeunes, possédant
un bois encore incomplètement formé et trop souvent différent
de celui des grosses branches.
Vient ensuite, en 1888, le travail de M. le D' J. Mûller* dans
lequel on trouve une étude détaillée et comparative des bois des
essences forestières allemandes. En terminant, l'auteur, s'ap-
puyant sur deux séries de caractères, donne deux modes île
classification : dans l'un, basé sur le groupement des vaisseaux,
on distingue trois types : 1° Vaisseaux franchement disposés en
cercle; 2^ Passage au 3^ type; 3° Vaisseaux disséminés;
dans l'autre, on considère l'épaisseur et le nombre des
rayons médullaires, et l'auteur établit 5 groupes : 1° Rayons
i. Hartig (Th.), Anatomie and Physiologie der Holzpflanzen. Berlin, i878.
2. KoHL, Vergleichende Untersuchung ûber den Bau des Holzes der
Oleacene. Dissert. Leipzig, 1884.
3. Jaenscii, Anat., einiger Lez. Hôizer. Bei\ dcutsch, lot. Gesellsch.^ 188»^
p. 268 292, Taf. V, p. 233.
4. Solereder (D»- Hans), Veher den systematischen Wert der Holztrudur
bel den Dicotyledonen. Munich, 1885.
5. MiJLLER (D»" N.-J.-C), Atlas der Holzstructur dargestellt in Microphoto-
graphien. Halle, 1888. — Erlautern der Test, zu dem Atlas der Holzstructur.
Halle, 1888.
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AIHATOMIK DU TISSU LIGNEUX. 0
médullaires étroits; 2** Rayons médullaires presque d'égale
largeur; 3*" Rayons médullaires de différente grosseur, grands
et petits; 4^ Rayons médullaires de moyenne grandeur et
petits; 5° Très grands rayons seulement. A ce travail est adjoint
un atlas microphotographique faisant ressortir les caractères
des principaux bois examinés.
M. Houlbert', dans sa thèse en 1893, réunit ces différentes
données et les applique à Tétude des bois des Apétales : après
avoir indiqué les caractères qui doivent servir de base à Tétude
du tissu ligneux, il ajoute à la terminologie scientifique une
expression nouvelle destinée à synthétiser dans Tesprit la dis-
tribution relative de tous les éléments, vaisseaux, fibres, paren-
chyme, et rayons médullaires : cet ensemble il le désigne sous
le nom de plan ligneux.
Nous tenons à signaler cette dénomination très expressive,
car nous aurons l'occasion, dans le cours de ce travail, de
l'employer assez fréquemment. C'est ce plan ligneux qui
variera avec les différents types de bois et caractérisera
certaines variétés.
Quelques années plus tard, M. E. Mer^, en 1897, publia une
série d'observations appuyées sur des expériences personnelles
et se rapportant à la formation du bois parfait qu'il a étudié
chez le Chêne.
Il en conclut que la transformation de l'aubier en duramen
est due à une série de phénomènes qui peuvent être ramenés à
quatre types :
1^ Résorption de l'amidon des cellules ligneuses et radiales.
2** Apparition dans ces éléments d'une plus grande quantité de
tannin.
3** Production de thylles dans les gros vaisseaux.
i. Houlbert, Sur la valeur systématique du bois secondaire [Assoc.
franc, pour ^avancement des sciences). Congrès de Paris, 1892. — Recher-
ches sur la structure comparée du bois secondaire dans les Apétales. Thèse
Paris, 1893 et Ann, d. Se. nat.y 1893, 7° série, Bot., t. XVII, p. 6.
2. Mer ^E.), De la transformation de l'aubier en bois parfait dans les
Chênes Rouvres et pédoncules. Ann. d. Se. nat.j Bot., 8^ série, t. V, 1897-98,
p. 339. — Formation du bois parfait dans les Chênes Rouvres et pédon-
cules. Bull. Soc. bot. Pr., t. XLH, p. 582, et C. A., t. CXlI, p. 91. —
Recherches sur la formation du bois parfait. Bull. Soc. bot. Fr.,t. XXXIV,
1887.
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10 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
4"* Imprégnation par le tannin des parois de tous les éléments,
mais principalement de celles des fibres ligneuses.
Il examine ensuite le processus de ces modifications, en
appuyant par des expériences personnelles les faits qu'il
avance.
Il constate d'autre part, sans rien préjuger du mode de
passage, la concordance qui existe entre la disparition de
l'amidon et l'apparition du tannin; nous aurons d'ailleurs l'occa-
sion de rapprocher ces faits de ceux que nous observons dans
certains bois des Légumineuses.
Tout récemment, M. H. Stone* a publié plusieurs Notes
se rapportant au sujet qui nous intéresse, et notamment dans
son dernier ouvrage, The limbers of commerce and their identifi-
cation, il consacre deux chapitres : Introduction et Notes prati-
ques, à l'exposition de sa méthode d'étude du bois.
Il discute successivement, dans le cours de ces quelques
pages, les caractères organoleptiques, l'examen microscopique,
la constatation des couleurs des décoctions, les taches obtenues
par des réactifs appropriés, il signale enfin quelques méthodes
de détermination des propriétés physiques : densité, dureté,
recourant à des procédés peu précis et peu scientifiques. La
partie principale de l'ouvrage est formée de l'étude de nom-
breux échantillons de bois appartenant à toute la série végétale,
étude succincte accompagnée de nombreuses photomicrographies
donnant très nettement l'aspect des coupes transversales, mais
insuffisantes, à notre avis, en raison de leur trop faible grossis-
sement, pour la constatation utile des caractères microsco-
piques.
En 1905, M. Beauverie^ fait paraître un énorme volume sur
« le Bois » dans lequel, après un examen détaillé de l'anatomie
de ce tissu, l'auteur ne fait pas, à notre avis, suffisamment
ressortir les considérations que l'on peut déduire de l'élude
microscopique raisonnée. 11 s'étend ensuite d'une façon très
1. Stone (H.), Od the identification of wood by means of thc anatomical
characters. Joum. Society of Arts, décembre 4904. — Reports upon the
results of technical Tests applied to varions woods. Impérial InstituU
Journal. — The timbers of commerce and their identification. Londres
(William Riders's son), 4904.
2. Beauverie (J.), Le Bois, Encyclopédie industrielle, Paris, 4905.
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AISATOMIE DU TISSU LIGNEUX. 11
détaillée sur les méthodes de dissémination d'ordre physique;
dans le deuxième volume il examine nos principales espèces
arborescentes et les ravages des parasites dont elles peuvent
être les victimes, terminant par un tableau d'ensemble des
différents usages du bois.
A côté de ces travaux se rattachant aux recherches générales,
nous devons en citer d'autres se rapportant uniquement aux
Légumineuses et à des particularités de certaines espèces ou de
genres.
Tels sont ceux de Vuillemin *, ÏRÉcuL^et Russel' sur l'appareil
à tannin chez les Légumineuses; ceux de Cœster* sur les carac-
tères anatomiques des Mimosées et de Dellien* sur les Césal-
piniées.
Quant à ceux de M. Guignard^ sur l'appareil sécréteur des
Copaifera en 1892, — sur les Daniella et leur appareil sécréteur
en 1902, — sur le Cordyla africana en 1905, nous y reviendrons
plus loin quand il s'agira des plantes correspondantes.
Enfin nous citerons, pour terminer, le volumineux travail de
NoRDu:«GER^ paru en Allemagne en 1882, qui comprend 10 petits
fascicules et un nombre considérable de coupes de bois annexées
en nature à la publication.
Si l'auteur avait accompagné ses coupes de descriptions pré-
cises et de schémas exécutés à un grossissement suffisant, le
travail auquel nous nous livrons eût été moins utile. Malheureu-
1. Vuillemin, Appareil sécréteur des Papilionacées. Bull. Soc. bot. de
France, t. XXXVIÏI, 1891, p. 193-200.
2. Trécul, Tannin. C. K., l. LX, 1865, p. 225, et Ann. se, mit., série 5,
t. IV, p. 378 et s. et Adansonia, t. .VII, p. 113-117.
3. RussELL, Appareilsécréteur des Papilionacées. Revue de Botanique, t. II,
1890, p. 341-344.
4. CcESTER, Anat. charakt, d, Mimoseen. Diss. Erlangen u. Mûnehen,
1894, 1 Taf., p. 177.
5. Dellien, Anat. charakt. d. Cœsalpiniaceen. Diss. Erlangen u. Munchen,
1892, 1 Taf., p. 104.
6. L. GuiGNAHD, Appareil sécréteur, Copaifera. Bull. Soc. bot. Fr., 1892,
XXXIX.
Les Daniella et leur appareil sécréteur. Journ. de Bot. y 16<' année,
mars 1902, p. 69, et C. R., t. GXXXIV, p.. 885. — Quelques observations
sur le Cordyla africana. Journ. de Bot., 19« année, juin 1905, p. 109.
7. NoRDLiNGER, Qucrschnitte von hundert Holzarten. Stuttgart, 1882.
X fascicules (accompagnés de coupes en nature).
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12 KM. PËRUOT ET G. GÉRAI\D.
sèment c'est cette absence de description et de classification
dans rénumération des caractères, qui a rendu le travail de
cet auteur inapte aux services qu'on était en droit d'en attendre.
Toutefois, cette critique acceptée, c'est un véritable monument
dans l'histoire de l'étude anatomique des Bois, que nous nous
efforcerons de compléter dans la suite de nos recherches.
II. — TECHNIQUE.
A) Eléments constitutifs du tissu ligneux.
Les études que nous avons faites ont surtout porté sur les
Légumineuses africaines, et c'est intentionnellement que nous
nous sommes adressés d'abord et presque exclusivement à celte
famille : ce Mémoire n'est d'ailleurs qu'une étude préliminaire
et fait partie d'un tout qui comprendra des recherches plus
vastes sur tous ces bois utiles de l'Afrique et, en particulier, de
la forêt tropicale *.
On trouve en effet dans cet important groupe de plantes,
situé vers le milieu de la série systématique des végétaux, des
caractères moyens et bien coordonnés; d'autre part, l'impor-
tance de cette famille permet de considérer des types assez
variables pour entrevoir les modifications dont sont susceptibles
les différents éléments. On peut donc étudier ici un type de
bois donnant une idée générale très nette de ce tissu et permet-
tant d'établir une méthode de travail. Il sera ensuite beaucoup
plus facile, en se basant sur ces données, d'étudier et de com-
prendre les variations que l'on rencontrera dans les autres
familles.
Avant d'aborder l'exposé et le classement des différentes
données fournies par l'examen microscopique des bois, il ne
semble pas inutile de rappeler brièvement les caractères des
éléments qui entrent dans leur constitution, ainsi que leur rôle,
leurs fonctions et surtout leur disposition respective.
1. Déjà noire excellent ami Aug. Chevalier, en missionàla Côte d'Ivoire,
nous a fait parvenir un nombre assez élevé d'échantillons de la haute
forêt et, comme il a pu récolter lui-même les fleurs et les fruits de ces
arbres, nous allons en entreprendre une étude systématique, anatomique
et économique aussi complète que possible.
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ANATOMIE DU TISSU LIGNEUX. 13
Le bois se présentant d'une façon générale sous forme de
cylindres plus ou moins réguliers, Texamen détaillé de sa
structure nécessitera trois séries de coupes : les unes transver-
sales (T) ; les autres longitudinales, pouvant être tangentielles
(Lt), c'est-à-dire faites suivant des plans perpendiculaires aux
rayons, ou bien radiales (Lr) quand elles passent par Taxe du
cylindre ligneux (PI. I, fig. 1).
L'étude de ces coupes nous permettra de reconstituer dans
l'espace un fragment du bois considéré. C'est d'abord comme
élément de soutien le tissu fibreux, composé de fibres qui, peu
nombreuses dans les jeunes rameaux, vont, sauf de rares
exceptions, se multiplier et épaissir leurs parois dans les
branches âgées; viennent ensuite les éléments conducteurs qui,
en direction axiale, se réunissent en groupes d'apparence
variable constitués par un ou plusieurs vaisseaux entourés
d'une masse de parenchyme plus ou moins grande; dans
certains cas, ce tissu non lignifié disparaît complètement, les
vaisseaux étant directement incrustés dans la masse fibreuse.
Ce tissu parenchymateux, cellulosique dans les jeunes branches,
aura presque toujours subi une lignification plus ou moins
profonde dans les bois âgés qui seuls nous intéressent et sera
désigné sous le nom générique de parenchyme ou sclérenchyme
ligneux.
Dans le sens transversal et en direction radiale, on observe
des lames, présentant sur la coupe trangentielle une section
fusiforme, constituées par des cellules parenchymateuses, régu-
lièrement disposées comme les briques d'un mur : ce sont les
rayons médullaires. Tous les éléments ligneux ou scléreux pos-
sèdent sur leurs membranes des espaces non lignifiés dont
l'étude peut servir dans la diagnose du bois; ces espaces de
forme déterminée et que l'on connaît sous le nom de ponctua-
tions, sont destinés à faciliter les échanges de nutrition; c'est
par ces endroits que se font la circulation des sucs et les
phénomènes d'osmose; les vaisseaux, en particulier, en présen-
tant sur toutes leurs parois, les échanges s'établiront donc aussi
bien dans le sens de leur longueur qu'en direction radiale.
Les cellules parenchymateuses avoisinantes facilitent la dis-
persion de ces matériaux dans une direction centrifuge par
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14 EM. PERROT ET G. CÉRARD.
rapport aux vaisseaux; quant aux rayons médullaires, Tabon-
dance des ponctuations sur leurs faces transversales montre
qu'ils offriront une excellente voie pour la circulation radiale.
Ces quatre éléments fondamentaux, auxquels s'ajoutent fré-
quemment les éléments sécréteurs, peuvent donc être répartis en
trois groupes :
1** Éléments conducteurs : vaisseatix,
2** Éléments conjonctifs jouant quelquefois un rôle important
dans les phénomènes d'échanges osmotiques, et servant presque
toujours à l'accumulation des réserves ou des produits d'excré-
tion (amidon, matières tanniques, essences, oxalate de chaux),
ou pouvant avoir par l'épaississement ultérieur de leurs parois
un rôle auxiliaire de soutien : parenchyme et sclérenchyme
ligneux, rayons médullaires.
C'est dans ces tissus que, par suite de la formation d'un excès
de produits d'excrétion, se différencieront parfois des appareils
sécréteurs destinés à les collecter.
3* Eléments essentiels de soutien : fibres.
Dans le courant de ce chapitre, nous allons étudier ces diffé-
rents éléments à un double point de vue :
1^ Afin de tirer de leur examen des caractères permettant de
déterminer, autant que possible, les espèces ou les genres qui
ont fourni les échantillons : pour cela il faudra noter les varia-
tions de forme, de grandeur de ces éléments; chacun de ces
caractères fera ensuite l'objet d'une discussion ayant pour but de
déterminer sa généralité et sa constance.
2** D'autre part, on s'efforcera de trouver, dans la forme et la
disposition respective des différents éléments constituants, les
qualités du bois correspondant et, en conséquence, les usages
auxquels il doit être destiné.
De ce qui précède ressort nettement le plan de l'étude du bois
telle que nous la comprenons : on examinera successivement
vaisseaux, rayons médullaires, parenchyme et sclérenchyme
ligneux, appareil sécréteur, soit isolément, soit dans leurs rap-
ports réciproques, et cela suivant les 3 plans de section (trans-
versal, radial et tangentiel), dans le double but qui vient d'être
indiqué, c'est-à-dire la diagnose et la détermination des qualités
correspondantes.
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AlfATONIfi DU TISSU LIGISEOX. 15
B) Etude de ces différents éléments.
1. —- Vaisseaux.
Les vaisseaux se présenteront sous deux aspects : celui
qu'offre leur section transversale et celui des coupes longitudi-
nales.
1" Coupes transversales.
A. — Mode de groupement. — Dans les coupes transver-
sales, ce qui frappe tout d'abord, c'est le mode de groupement
de ces vaisseaux, parfois isolés et plus ou moins éloignés les uns
des autres, comme dans les Acaciq Sénégal^ Seyal (PI. I, fig. 2
et 3); ils peuvent se rencontrer accouplés généralement par
deu;x dans le Tamarindus indica (PI. I, fig. 4), réunis par deux
ou trois dans le Parkia africana (PI. I, fig. 6) ou le Prosopis
oblonga (PI. I, fig. 7).
Le Bauhinia rufescens (PI. I, fig. 9) présente très souvent des
files rayonnantes formées d'un assez grand nombre de petits
vaisseaux et terminées par un ou deux grands.
Dans les Detarium (PI. I, fig. 10, 11 et 12), on rencontre
assez fréquemment des amas formés d'un grand nombre de
sections vasculaires serrées les unes contre les autres, sans aucun
intermédiaire de tissu parenchymateux, et déformées par ces
pressions réciproques, les parois qui les séparent formant des
sortes de cloisons sinueuses irrégulières.
Il y aura évidemment des variations entre différents échan*
tillons d'une même espèce ou même entre les régions d'une
seule coupe; mais les types que nous avons signalés se rencon-
treront fréquemment et avec une constance suffisante dans les
fragments d'un même bois, pour permettre, dans certains cas,
d'en déterminer avec de grandes probabilités le genre ou même
l'espèce.
B. — Forme. — Examinant ensuite chaque vaisseau en lui-
même, nous sommes amenés à considérer la forme de sa sec-
tion. Cette dernière est en effet assez variable : circulaire dans
les Acacia Sénégal^ altissima^ elle devient ovale dans les
Daniellia (hurifera, Bauhinia reiiculala et polygonale ou irrégu-
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16 EM. PERRO.L ET G. GÉRARD.
lièrement arrondie dans le Bauhinia rufescens, le Parkia afin-
cana. Dans les groupes de vaisseaux, ces sections présentent
généralement une ou deux parois rectilignes et, même dans les
amas vasculaires du Deiarium senegalense, elles ont des con-
tours sinueux (PI. I, fig. 11).
Enfin on doit signaler une autre particularité : certains bois
présentent souvent des vaisseaux obstrués par des thylles (le
Daniella sp.1 en donne de nombreux exemples (PI. II, fig. 1
et 2) ou encombrés de matières gommeuses {Tamarindus
indica^ Ormosia laxiflora); ces dernières constatations rentrent
plutôt dans Tordre physiologique.
C. — Dimensions. — La dimension des vaisseaux est d'un
intérêt beaucoup plus grar\d. Tandis que, dans le Swartzia
-madagascariensis leur diamètre est compris généralement entre
40 et 180 IL (PI. I, fig. 5), il atteint 100 à 200 [l dans la plupart
des autres bois, allant même jusqu'à 250 jjl chez ÏAcacia aHù-
sima et 300 [x chez VErythrina senegalensis.
Nous avons donc là un moyen très net pour ranger les bois
suivant la grosseur de leur grain : aux grands vaisseaux corres-
pondent en effet des bois à grands éléments, généralement peu
serrés; ceux qui rentrent au contraire dans les premières caté-
gories ont des tissus fins, homogènes, très résistants et d'une
dureté plus grande. La porosité est également fonction du
diamètre et du nombre relatif des vaisseaux.
Ce caractère encore est variable et, dans un même bois, nous
rencontrerons souvent des | vaisseaux de dimensions très diflé-
rentes, quelquefois même des zones plus ou moins régulière-
ment alternantes de petits et de gros vaisseaux, comme dans le
Tamarindus indica (PI. V, fig. 4). Pour avoir des résultats con-
cordants, il faut s'occuper des grandeurs maxima et noter le
rapport approximatif des unes aux autres.
C'est qu'en effet, tandis que certains bois ont tous leurs vais-
seaux sensiblement de même diamètre, d'autres, au contraire, en
possèdent de dimensions très variées; chez quelques-uns enfin,
ces éléments sont ou très volumineux ou très réduits, et ceux
de dimension moyenne sont rares ou même n'existent pas.
Ces différents aspects sont souvent assez nets pour fournir,
avec un peu d'exercice, d'excellents caractères de diagnose.
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ANAÏOMIE DU TISSU LIGNEUX. IT
D. — Nombre. — Reprenons maintenant Tétude de Taspect
général de la coupe transversale avec un grossissement relati-
vement faible (50 diam. environ) et cherchons àétablir le nombre
de sections vasculaires par millimètre carré.
Cette numération peut être faite très facilement à l'aide d'un
oculaire quadrillé ou, plus simplement, en les comptant à Taide
de la chambre claire par la projection sur un cadre mesuré à
Tavance une ou plusieurs portions de coupe.
Pour plus de précision, on fera naturellement plusieurs
numérations dont on prendra la moyenne. Les chiffres ainsi
obtenus varient dans de grandes proportions d'un bois à un
autre : on trouve en moyenne 2 vaisseaux chez V Acacia altis-
sirnay 3 chez VAlbizzia Lebbeck, espèces qui, comme nous
l'avons vu précédemment, possèdent toutes deux de grands
vaisseaux, tandis que le Bauhinia rufescens donne 26 sections
vasculaires dans le même espace.
Bien entendu, certains bois offriront sous ce rapport de
grandes variations, suivant les régions examinées; mais le fait
est plutôt exceptionnel quand on s'adresse aux végétaux des
pays chauds, et cette numération, comme on le verra par la
suite, fournit une indication précieuse dans r identification d\me
espèce, surtout quand elle s'ajoute aux autres caractères. Parmi
toutes ces considérations, nous ne. voulons pas perdre de vue la
question primitivement posée :
Quelles sont les indications d'ordre pratique que rindustriel
pourra tirer d'une semblable étude?
Les vaisseaux du bois étant surtout des éléments conducteurs,
il s'ensuit que, plus ils sont nombreux et volumineux, plus le
bois est poreux, plus il est perméable. Or, pour certains
usages, cette qualité n'est pas à dédaigner. Quand des bois sont
destinés à être enfouis ou exposés aux intempéries sans aucune
protection de peinture (comme c'est le cas pour les poteaux de
télégraphe, les traverses de chemin de fer), on généralement
recours à des procédés d'injection qui permettent d'imprégner
ces bois de substances destinées à les rendre moins putrescibles
et moins facilement attaqués par les parasites. Or ces tissus,
abondamment pourvus de gros vaisseaux, se recomman-
deront plus particulièrement à ces usages, le travail d'injec-
2
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18 KM. PERROT ET G. GÉRARD.
tion étant d'autant plus facile et d^autant plus rapide qu'ils sont
plus poreux*.
2® Coupes longitudinales.
La disposition des sculptures de la membrane (ponctuations
simples ou composées, aréoles, épaississements annelés ou
spirales) offre également des différences intéressantes dont
seules les coupes longitudinales permettent Tétude.
Les vaisseaux obstrués par des thylles, ou renfermant des
écoulements de matières gommeuses ou résineuses seront égale-
ment remarqués sur ces coupes.
Ce caractère ne devra pas être pris en considération d'une
façon trop absolue. Il est manifeste que certaines espèces sont plus
ou moins prédisposées à l'apparition de ces formations physio-
logiques (la vigne en offre bien souvent l'exemple); mais, dans
ces espèces mômes, l'apparition des thylles ou Tobstruction des
vaisseaux sont des phénomènes variables et souvent saison-
niers.
2. — Rayons médullaires.
1° Coupes transversales.
En coupe transversale, les rayons médullaires n'intéressent
que par leur écartement respectif et leur mode de répartition.
On évalue facilement sur ces coupes leur nombre par millimètre.
Dans les bois âgés de plusieurs années, qui sont précisément
ceux qui nous occupent, ces rayons médullaires se présentent
sous l'aspect de lignes sensiblement parallèles. .En les comptant
sur un espace de plusieurs millimètres (suivant une ligne
perpendiculaire au rayon) et établissant ensuite la moyenne,
les résultats obtenus seront très exacts et constants pour
chaque espèce, ce qui fournit un élément de diagnostic de
première valeur et permet de vérifier une détermination basée
sur d'autres caractères. Par exemple : YErylhrina senegalensis,
V Acacia altissima^ le Mimosa milans chez lesquels on en ren-
contre 3 à 4 par mm., le Parhia africana qui en possède en
1. L'intérêt de ces bois est assez limité, car Tinjection est fonction
de la pression employée pour faire pénétrer le liquide conservateur; ils
sont toutefois encore recherchés pour certains usages.
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ANATOMIE DU TISSU LlCNEfJX. i9
moyenne 8, les Pterocarpus erinaceus, Bauhinia rufescens chez
lesquels on en trouve environ 13 et le Batchinia reticulcUa chez
qui leur nombre atteint 18 dans le même espace, seront facile^
ment distingués par ce seul caractère.
2^ Coupes longitudinales.
Les rayons médullaires, dans leur structure intime, offrent
un caractère très variable avec les espèces : c'est le nombre
d'assises cellulaires qui les compi. sent en épaisseur. Ici la coupe
transversale ne saurait donner de renseignements précis ; car
suivant que la section passe vers la limite supérieure ou au
centre du rayon, elle affecte des largeurs différentes.
C'est à la coupe tangentielle qu'il faut recourir et les varia-
tions qu'elle permettra d'observer seront d'une grande utilité
dans l'étude systématique du tissu ligneux. Non seulement le
bois issu d'une même espèce végétale est pourvu de rayons
médullaires de même épaisseur; mais, si l'on établit des groupes
basés sur ce principe, les échantillons d'un même genre ou de
genres voisins, tout au moins dans la famille des Légumineuses,
rentrent dans les mêmes séries.
Les rayons médullaires peuvent ne posséder qu'une seule
assise cellulaire (Berlinia acuminata, PI. II, fig. 2, 3 et 4;
Pterocarpus erinaceus) ; dans les Bauhinia reticulata et rufescens
(PI. II, fig. 5 et 6), la lame présente parfois deux assises, et,
chez la plupart des autres espèces, on trouve en moyenne
3-4 cellules d'épaisseur [Parkia africana, Parkia biglobosa,
DanieUa; PI. II, fig. 8, 9, 11 et 12). La série des Acacia et
des Mimosa possède des rayons médullaires à 7 et 8 cellules
(PI. n, fig. 13); et enfin VErijthnna senegalensis arrive, pour
terminer, avec une dizaine de cellules. Souvent, à côté de ces
rayons, on en voit de plus petits, moins épais, toujours faciles à
distinguer du type principal et dont on ne devra pas se soucier
dans cette estimation.
Pour la hauteur, ces rayons médullaires présentent également
des types distincts ; formés de 4 à 8 assises de cellules super-
posées dans le Pterocarpus erinaceus , le Bei'linia acuminata, ils
sont très irréguliers dans le Bauhinia reticulata où ils com-
prennent souvent 20 et 30 cellules, formant alors de véritables
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20 RM. PERROT ET G. GÉRARD.
lames verticales, rniaces, qui coupent radialement la masse du
bois. Dans certaines espèces, V Acacia Adaiïsonii, par exemple,
on rencontre fréquemment des rayons médullaires élevés et
affectant la forme de 8, phénomène dû à la soudure de deux
rayons simples.
Un autre caractère important, allant parfois jusqu'à permettre
ridentification de Tespèce, c'est la forme et la dimension des cel-
lules qui, dans la coupe tangentielle, terminent en haut et en
bas la section du rayon.
Généralement de même grandeur que les autres, elles pré-
sentent dans les Daniella un aspect tout spécial : elles sont en
effet de beaucoup plus grandes que leurs voisines (PI. II, fîg. 8
et 12).
Dans VErythrina senegalensis, toujours en coupe tangen-
tielle, on voit, à la périphérie, des cellules très grandes former
une sorte d'encadrement, dans le centre du rayon se trouvent
des éléments cellulaires très petits et, ces éléments extrêmes sont
réunis par des cellules passant progressivement d'une dimension
à l'autre.
Enfin, tandis que leurs parois sont généralement minces et
possèdent une forme polygonale due à leurs pressions réci-
proques, Y Acacia Sing^ le Parkia africana nous offrent des
éléments nettement arrondis, empilés les uns sur les autres en
laissant des méats intercellulaires assez considérables (PI. II,
%. 10).
Sur VOrmosia laxiflora^ une pression latérale a donné aux
cellules une forme allongée dans le sens de la hauteur (PI. II,
fig. 9).
Sur ces coupes tangentielles, on pourra aussi examiner les
ponctuations des parois, on constatera alors le fait suivant :
elles sont généralement vues de face et semblent se trouver
uniquement sur les parois des rayons médullaires parallèles au
plan de section (PI. V, fig. 2).
3. — Tissus fibreux et sclérenchymateux.
i*» Rapports de ces deux tissus.
L'étude de ces deux tissus est entièrement connexe à cause
de leurs relations intimes. Ils méritent d'autre part un examen
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ANATOMIE DU TISSU LIGNKUX. 21
attentif, car leur importance est primordiale au point de vue
particulier qui nous occupe.
Ils forment en effet la partie constitutive fondamentale du bois,
ils lui donnent ses qualités industrielles et partant sa valeur
commerciale. Les fibres sont-elles en majorité? le bois sera
dur, résistant, dense; au contraire, Texcès de sclérenchyme ou
parenchyme ligneux le rendra plus léger, plus tendre, impropre
à certains usages.
Apprécier la plus ou moins grande abondance de chacun de
ces tissus, c'est-à-dire leur proportion relative, est de toute
nécessité et nous employons pour cela la méthode suivante :
A Taide de la chambre claire, on fait une projection schéma-
tique d'une coupe dans laquelle on note les plages fibreuses et
parenchymateuses, en s'attachant à les limiter le plus rigoureu-
sement possible; sur ce tracé, que Ton fera de préférence au
grossissement 100 (pour faciliter les mensurations de vaisseaux,
la numération de rayons médullaires, etc.), on délimite un carré
de 10 centimètres de côté, par exemple, que Ton partage
ensuite, par des lignes parallèles à ses côtés, distantes de 1 cen-
timètre, en 100 petits carrés élémentaires ayant chacun i cen-
timètre de côté (PI. III, fig. 7).
Pour obtenir le rapport que nous voulons établir, on comptera
le nombre de carrés occupés par chacun d'eux. Tout carré
renfermant à la fois les deux tissus sera compté comme appar-
tenant à celui qui s'y rencontre en plus grande quantité, ce qui
sera facile à estimer au premier abord, étant donné le peu
d'étendue de ces surfaces élémentaires.
Pour les bois zones, on devra laisser de côté la partie printa-
nière et s'occuper seulement des régions où les deux tissus sont
nettement distincts.
De cette façon, on arrive à un rapport p de première utilité
pour la diagnose, surtout si l'on a eu soin de faire plusieurs
numérations successives dont on prend ensuite la moyenne; ce
rapport est d'une constance vraiment remarquable pour chaque
espèce. Sa grandeur correspondra généralement à la dureté
du bois, pour des tissus de même grain.
Au point de vue de la différenciation des espèces, on peut
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22 EM. PERROT ET G. ^RARD.
juger de rimportance de cette donnée, dans certains cas, en
considérant les quelques résultats mentionnés sur le tableau
suivant, qui montrent les écarts constatés et, par conséquent,
plaident victorieusement en faveur de Timportance de ce
caractère :
Rapport — p.
= jT^ = 7: Erythrina senegalensis
20 1 , . ^.
= ^ = T Acacia bing.
39 2 ( Cassia Sieberiana.
61 3 ( Detarium senegalense.
50 1 ( Berlinia acuviinat.a .
30 T ( Tamarindus indica,
= ^ = j Prosopis oblonga.
Évidemment, ces rapports pourront être modifiés dans une
certaine mesure par les conditions climatériques ou par Fâge ;
mais de telles variations oscilleront entre des extrêmes relati-
vement peu éloignés, et, avec Taide des autres caractéristiques,
op affirmera bien vite, dans la plupart des cas, l'individualité
histologique de Tespèce en question.
Un mot maintenant sur les aspects différents dus à la répar-
tition de ces deux tissus, aspects nettement visibles à l'œil nu
ou à la loupe sur la tranche polie du bois.
D'abord le bois peut être constitué par une masse presque
entièrement sclérenchymateuse renfermant seulement quelques
travées de fibres : c'est le cas de VErythrina senegalensis
(PI. III, fîg. 1) ; puis ces parties fibreuses s'épaississent, sépa-
rant le tissu ligneux en bandes parallèles, droites dans V Acacia
Seyaly YAcacia altissinia (PL III, fig. 2), sinueuses dans
YAlbizzia Lebbeck (PI. III, fig. 3).
On les rencontre également anastomosées entre elles et limi-
tant des plages sclérenchymateuses allongées de grandeur
variable : Parkia biglobosa, Dichrostachys nutans^ Detarium
senegalense (PI. III, fig. 4).
Ce genre de tissu prenant ensuite plus de régularité, les îlots
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r
ANATOMIE DU TISSU LIGNEUX, 23
parenchyniateux sont arrondis, séparés les uns des autres par
un réliculum fibreux : tel est Taspect présenté par le Parkia
africana, le Tetrapleura Thonningh, le Berlinia acuminata
(PL III;fig. 5).
Enfin, la dernière disposition est caractérisée par une masse
fibreuse formant la partie .principale du bois et parsemée de
quelques îlots sclérenchymateux petits, généralement compris
entre deux rayons médullaires et renfermant un ou deux vais-
seaux, comme dans le Prosopis abloriffaÇPl. III, fig. 6) ou géné-
ralement deux ou trois {Tamarindus indica) (PI. V, fig. 4).
Quelquefois plusieurs îlots se soudent, s'anastomosent, don-
nant des bandes disposées en accents circonflexes alternant les
uns avec les Siuives {A bizzia).
Tous ces aspects types peuvent d'ailleurs présenter de nom-
breuses variations suivant l'importance du tissu fibreux et la
grosseur des éléments cellulaires.
Passons maintenant à Tex^men particulier de chacun de ces
tissus :
2° SCLÉRENCHYME.
A proprement parler, on rencontre toujours du sclérenchyme
ligneux, car les parois cellulaires se sont toujours plus ou moins
lignifiées et ont acquis la propriété de fixer le vert d'iode.
Les coupes transversales permettent d'étudier la régularité et
la dimension des cellules qui le composent et qui varient avec
les végétaux : le tissu parenchymateux forme le plus souvent,
même dans les bois fibreux, une sorte de gaine enveloppant les
vaisseaux et destinée probablement, en dehors de son rôle de
dissémination des matériaux apportés par ces derniers, à les
protéger contre un écrasement dû à la croissance centrifuge du
végétal.
Cependant cette gaine sclérenchymateuse manque quelquefois
partiellement : c'est ainsi que, dans ï Acacia altissima (PI. III,
fig. 2), on voit les vaisseaux, au moins en partie, en contact
direct avec les bandes fibreuses, sans aucun intermédiaire de
tissu élastique.
Quelquefois même {Acacia Adansonii), les éléments vascu-
laires se présentent fréquemment enfouis tout entiers dans lea
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^24 EM. PËRROT ET G. GÉRARD.
parties fibreuses accompagnées seulement d'une très petite quan-
tité de parenchyme ligneux.
Dans Tétude de ces cellules sclérenchymateuses en coupe
transversale, il y aura lieu de bien indiquer : 1** leurs dimensions,
quand elles seront toutes à peu près de même taille; 2° leur
forme, qui peut être, suivant les cas, rectangulaire, hexagonale
ou tout à fait irrégulière; 3** leur répartition, car dans certains
végétaux, en effet, elles se rangent avec une grande régularité
en files radiales.
Les coupes longitudinales seront généralement de minime inté-
rêt pour l'étude de ce tissu et ne fourniront guère que des indi-
cations sur la longueur et la course de ses éléments constitutifs.
D'autre part, ce tissu étant essentiellement l'élément vital du
bois, il y aura lieu d'étudier le contenu des cellules qui le com-
posent (amidon, oxalate de chaux, résine, etc.).
Ajoutons enfin que ce tissu lignifié est fréquemment parcouru,
dans la famille des Légumineuses, par des organes sécréteurs
différenciés (poches ou canaux) présentant un intérêt très grand
pour la systématique, certains genres seuls en étant pourvus,
Copaifei*ay Uaniella^ Détartum, etc. 11 faudra donc faire une
étude détaillée de ces organes, décrire leur forme, leur mode
de développement et leur disposition, vérifier si l'on est en pré-
sence de poches ou de canaux isolés ou anastomosés, et, dans
ce dernier cas, indiquer l'orientation de ces anastomoses.
C'est encore dans le parenchyme que l'on rencontre souvent
des formations gommeuses : ce sont des lacunes généralement
groupées en zones concentriques et séparées seulement les unes
des autres par les rayons médullaires qui eux-mêmes, plus tard,
se désagrègent également ; sur les bords de ces lacunes on voit les
cellules se dissocier, épaissir leurs membranes, ^ubir des phé-
nomènes de gélification et disparaître ensuite les unes après les
autres dans la partie gommeuse centrale qu'elles augmentent de
leur masse (PI. V, fig. i).
Ces substances (sucs résineux, baumes, oléo-résines des
canaux sécréteurs, gommes ou kinos) ont parfois une valeur
commerciale réelle et, en conséquence, il ne faut pas manquer
de les signaler avec le plus grand soin, toutes les fois qu'on les
rencontre.
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ANATOMIE DU TISSU LIGNEUX. 25
3** Fibres.
Le tissu fibreux qui, comme nous Tavons vu au début de ce
chapitre, est en quantité variable suivant les plantes, mérite un
examen très attentif; c'est lui en eflet l'élément principal de la
solidité, de Télasticité, delà résistance du bois.
Par les coupes transversales, on déterminera le diamètre des
fibres, on constatera la régularité plus ou moins grande de leur
forme, de leur grosseur, de leur répartition.
Le tissu fibreux peut en effet se montrer sous trois aspects
principaux.
D'abord, toutes les sections des fibres ont sensiblement le
même diamètre comme dans V Acacia Sénégal (PI. IV, fig. 3);
dans le Mimosa nutanHy au contraire, elles présentent la plus
grande variété de taille (PI. IV, fig. 1); enfin VErifthrina sene-
galensiSy le Daniella ihurifera possèdent de grosses fibres
distantes les unes des autres et réunies par un nombre variable
d'éléments beaucoup plus petits, les tailles moyennes faisant
complètement défaut (PI. IV, fig. 2).
Un élément important à mesurer ou, tout au moins, à signaler,
c'est l'épaisseur des parois de ces fibres, épaisseur que Ton
pourra évaluer en fonction du rayon, et qui peut atteindre les
deux tiers ou même les trois quarts de sa longueur, ne laissant
au centre de l'élément fibreux qu'une cavité extrêmement
réduite.
Quelquefois ce lumen est rempli de matières tannoïdes
colorées (rouges phlobaphéniques), très difficilement solubles,
qui en imprègnent aussi les membranes : c'est ce que l'on ren-
contre dans le cœur de VOrmosia laxiflora ou du Swarlzia
madagascariensis .
Dans les coupes longitudinales, il faudra étudier la longueur
des fibres, leur mode d'enchevêtrement, la forme de leur extré-
mité.
Dans les sections tangentielles en particulier, on constatera
le trajet plus ou moins sinueux qui leur sera infligé par la posi-
tion des rayons médullaires.
On verra également que, dans certains cas, le lumen est
unique, tandis que dans d'autres, la cavité primitive de la cellule
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26 EM. PËRROT ET G. GÉRARD.
devenue fibreuse, s'est fragmentée plus tard en plusieurs loges
par formation de cloisons transversales.
Les parois enfin peuvent présenter des canalicules en quantité
variable.
Tous ces caractères doivent être pris en considération pour qu'on
puisse arriver à se faire une conception synthétique des qualités
du bois considéré : les fibres petites, de faible diamètre, à parois
épaisses, donnent la force; leur longueur rendra le bois plus
tenace, plus élastique; plus elles seront enchevêtrées, moins il
sera susceptible de se fendre pendant le travail ou la dessiccation.
4. — Zones saisonnières.
Les bois ne présentent généralement pas en coupe transver-
sale un aspect absolument homogène. Dans nos pays particu-
lièrement, où les saisons bien tranchées amènent un arrêt de la
végétation pendant Thiver, des régions ligneuses de composition
différente se forment à la période d'activité maxima (prin-
temps) et à l'automne, déterminant, sur la section, des zones
alternativement plus claires et plus foncées. Dans beaucoup des
bois soudanais que nous avons examinés, on trouve également
des zones plus ou moins marquées. .
En étudiant microscopiquement la structure de ces différentes
régions, il est facile de constater que ces teintes variables
peuvent être dues à plusieurs causes.
Notons tout d'abord que le tissu est plus fibreux à Tépoque
qui correspond à notre automne, plus parenchymateux quand il
a été formé de janvier à mars.
Dans les bois où l'on remarque extérieurement des bandes
assez régulièrement disposées et formées alternativement de
tissu parenchymateux et de fibres, les zones sont indiquées
souvent par un rapprochement plus grand des lignes fibreuses.
Le nombre et les dimensions des vaisseaux sont aussi
influencés par l'époque de l'année où ils se sont formés : nom-
breux, serrés, d'un diamètre relativement réduit de janvier à mai,
ils vont en s'écartant et augmentant de section dans le bois formé
de juin à octobre (PI. V', fig. 4).
Ces zones correspondent sensiblement aux mêmes époques
que chez nous et ce fait est assez important à signaler.
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ANATOmiS DC TISSU LIGNEUX. 27
On a pu constater en effet que des échantillons âgés de plu-
sieurs années, à zones nettement apparentes et coupés au début
de janvier, présentaient comme dernière tranche de bois, près
du cambium, le tissu fibreux propre à l'automne : le Tama-
rindus indica^ les Detarium en donnent des exemples très nets.
D'autres faits faciles à constater peuvent également déceler
ces zones saisonnières.
Dans les végétaux atteints de gommose. on remarque la for-
mation de lacunes dues à la gélificatton des parois cellulaires
du tissu parenchymateux. Dans la même région, les vaisseaux
et les cellules sclérenchymateuses ou fibreuses renferment fré-
quemment des écoulements de matière gommeuse.
Or, tous ces tissus altérés sont, tout au moins au début de la
maladie, uniquement répartis dans la zone printanière.
Ce phénomène, qu'il est facile de constater sur nos Rosacées
indigènes, sur certains Gommiers exotiques, a été retrouvé
notamment dans le bois du Burkea africana (PI. V, fig. 5).
Dans cette plante, on distingue par places jusqu'à 4 zones
concentriques de lacunes gommeuses.
M. GuiGNARD, au sujet de l'appareil sécréteur des Copaifera,
fait remarquer que les canaux présentent souvent des anasto-
moses, mais il montre que ces communications sont toujours
établies dans une même zone annuelle. Des faits analogues ont
été constatés par nous chez les Detarium où Ton voit les canaux
sécréteurs rangés en lignes concentriques (PI. V, fig. 3 et VI,
fig. i).
Dans un jeune échantillon de Detarium senegalense, nous
avons constaté, dans presque toutes les premières cellules
parenchymateuses correspondant au bois printanier, la présence
d'une série continue et rarement interrompue de cristaux d'oxa-
iate de chaux. Cet alignement d'oxalate calcique affecte aussi
dans le végétal la forme d'un cylindre adossé, du côté externe,
au bois fibreux formé pendant l'automne de l'année précédente.
Or, dans V Acacia Sénégal, au milieu d'un tissu homogène, on
rencontre à des distances assez grandes, mais correspondant
assez nettement à des zones d'accroissement, des cercles formés
par une suite ininterrompue de cellules à oxalate adossées très
souvent à une bande fibreuse.
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28 EU, PERUOT KT G. GÉKARD*
Il est alors tout à fait vraisemblable d'attribuer à cette forma-
tion la même signification.
Cette abondance momentanée de cristaux d'oxalate serait due
à une excrétion exagérée correspondant à la phase de suracti-
vité vernale.
Enfin, dans un échantillon d'Acacia allissima qui nous a été
remis, le bois, très régulièrement strié de bandes fibreuses et sclé-
renchymateuses parallèles et très rarement anastomosées, pré-
sente les particularités suivantes :
Au centre, un premier noyau de 4 mm. de diamètre corres-
pondant à la première année, puis une zone de 12 mm. d'épais-
seur renfermant 28 bandes régulièrement espacées, formées
pendant la deuxième année, puis brusquement une autre zone
de 28 bandes placées à distances égales, mais occupant un
espace double (24 mm. d'épaisseur), enfin une troisième zone de
28 bandes ayant 24 mm. d'épaisseur, et, pour terminer, le cam-
bium. Cet échantillon a été recueilli vers le mois de janvier.
Nous constatons ici 3 fois de suite une modification brusque
et nettement marquée dans la rapidité de végétation de V Acacia
allissima.
5. — Cœur et aubier.
A côté de ces différenciations de zones annuelles, il y a lieu
de mentionner l'existence, dans certains végétaux, d'un noyau
central différant, par sa couleur et sa densité, du bois périphé-
rique.
Le Swartzia madagascariensis, VOrmosia laxiflora, par
exemple, présentent très nettement ce caractère d'un bois noi-
râtre central, semblable à celui du Gayac, qui est entouré d'un
tissu clair, jaune crème, comparable au Buis.
D'autres végétaux, et ils sont les plus nombreux, présentent au
centre un cœur également plus foncé; mais, au lieu que le pas-
sage se fasse brusquement, le cœur étant limité par une ligne de
démarcation très nette, on voit, à la périphérie de ce dernier, une
teinte dégradée qui fait passer insensiblement d'une partie à
l'autre.
Étudiant de près ces formations, on peut constater que la
structure de la portion centrale est absolument analogue à celle
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ANATOMIE DU TISSU LIGNEUX. 29
de la zone périphérique : la seule variation à relever est due
à la présence d'une grande quantité de matières tannoïdes
colorées qui imprègnent les membranes et emplissent le lumen
des fibres ainsi que certaines cellules du sclérenchyme ligneux et
des rayons médullaires. De plus, dans ces régions, les vais-
seaux sont presque toujours obstrués par des matières de nature
goromeuse insolubles. •
Cette transformation de Taubier en duramen (cœur) est tou-
jours identique et confirme les conclusions que M. Mer a tirées
de son étude sur le cœur du Chêne :
Il n*y a jamais d'amidon dans la région ligneuse centrale, qui
est au contraire riche en matières tanniques et, si les vaisseaux
ne sont que rarement obstrués par des thylles, ils se présentent
presque d'une façon générale, remplis par des matières gom-
meuses ou riches en tannin. Ces phénomènes sont donc abso-
lument du même ordre.
Dans d'autres expériences, M. Mer a montré que, si l'on
écorce partiellement un Chêne, la duraminisation est de beau-
coup plus précoce dans les régions où l'on fait cette opéra-
tion. Or, dans l'échantillon iïOrmosia laxiflora qui nous a
été remis par M. Chevalier, il est facile de remarquer que le
contour du cœur, loin d'être circulaire comme dans le Swartzia^
émet au contraire des prolongements, qui s'avancent jusqu'au
cambium (PI. IV, fig. 11); on se rend compte de suite que,
précisément à ces places, l'écorce manque et, la plaie étant
noircie et partiellement cicatrisée, on doit en conclure que cet
écorcement est antérieur à la date de la récolte de l'échantillon.
Là encore, il y a donc un accord complet entre ce que l'on
constate chez VOrmosia laxiflora et ce que M. Mer a obtenu
chez le Chêne.
La duraminisation semble donc devoir être attribuée à une
mortification du tissu ligneux, mortification précédée d'une
imprégnation tannique; cette transformation étant occasionnée
par un éloignement trop considérable du cambium ou des tissus
placés au delà (liber). Cet éloignement les empêche de fournir
aux régions centrales une quantité suffisante d'éléments vitaux,
et ne permet pas à ces dernières l'élimination de leurs produits
d'excrétion.
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30 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
Il en résulte que le tissu considéré devient le siège d*uDe
accumulation de ces matières riches en substances tannoïdes.
Ce fait est appuyé par la constatation que la destruction de
Técorce et du cambîum amène une mortification prématurée du
bois et la diffé'-'îaciation en duramen des régions s'avançant
jusqu'à la périphérie du cylindre ligneux.
La distance du cambium à la zone -de duraminisation peut
d'ailleurs varier avec les espèces en raison de la structure du
tissu ligneux : elle est particulièrement faible chez VOrmosia
laxiflora, le Swartzia madagascariensis, le Prosopis oblonga
qui possèdent des bois compacts et peu perméables, c'est ce
qui nous permet de trouver sur des branches relativement jeunes
un cœur déjà nettement formé.
Des phénomènes analogues à la duraminisation se produisent
de même chez certaines espèces quand il se forme une lésion
extérieure peu profonde. Nous avons pu les observer chez le
Tamarindus indica, où le bois qui entoure la plaie prend toutes
les apparences de celui de la région centrale et s'imprègne
comme lui de matières riches en tannin qui lui donnent une
couleur rouge caractéristique.
Mais une déduction intéressant l'exploitation industrielle peut
être tirée de ces considérations anatomiques et physiologiques :
c'est que si Ton procède à un écorcement méthodique des bran-
ches ou du tronc d'un de ces végétaux, on peut obtenir, en
abattant Tarbre quelque temps après cette opération, des bois
présentant un cœur irrégulier et ayant par exemple une section
étoilée. Le travail de ce bois au tour permettra de faire appa-
raître sur sa surface cylindrique des lignes ou des réseaux plus
ou moins réguliers, se dessinant en bois noir sur un fond
clair.
Il n'y a pas de doute que l'ébénisterie puisse tirer un parti
judicieux de ces remarques; les bois de Swartzia madagas-
cariensis et d'Ormosia laxiflora auxquels s'adressent ces obser-
vations, constitués par des tissus fins et serrés, se prêtent
parfaitement à un travail soigné et à la confection d'objets de
valeur.
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anâtomië du tissu ligneux. 31
6. —Organes sécréteurs.
Dans certaines espèces ligneuses et dans beaucoup de familles
végétales, la présence d organes sécréteurs : cellules, poches
scbizogènes ou lysigènes, canaux simples ou anastomosés,
laticifères, etc., fournit un excellent caractère de diagnose.
Au point de vue pratique, leur étude présente en outre un
grand intérêt, car les produits de sécrétion de ces organes sont
souvent la source de matières précieuses pour l'industrie ou la
thérapeutique.
Parmi les Légumineuses, un certain nombre de genres ont
été cités comme pourvus de ces appareils. M. Guignajid en
particulier a décrit ceux des Copaifera et, plus récemment, ceux
du Daniella,
D'autre part, les Detarium que nous avons eus entre les
mains {Detarium senegalense, microcarpum, Heudelotii, PI. V
et VI) nous ont permis d'étudier un appareil sécréteur un peu
spécial, mais se rapportant au même type et se rapprochant
surtout de celui des Copaifera.
Les bois renfermant des organes à contenu résineux ou oléo-
résineux, seront plus réfractaires à l'attaque des insectes et,
par conséquent, de conservation beaucoup plus aisée; mais, en
revanche, leur contenu les rendra souvent inutilisables pour
certains usages de l'ébénisterie.
Enfin ces produits donneront aux tissus qui les renferment la
propriété de brûler avec une grande facilité et en répandant
généralement une odeur agréable. Les indigènes ont fréquem-
ment recours à ces combustions, et c'est en brûlant des bois de
Daniella qu'ils parfument l'air vicié de leurs cases d'où l'hygiène
la plus élémentaire est trop souvent bannie.
En même temps que ces appareils sécréteurs nettement
différenciés, il y aura lieu de prendre en considération les
cellules ou tissus abondamment pourvus de matières tanniques.
Ces substances seront facilement décelées, d'abord par la
couleur foncée qu'elles communiquent aux éléments qui les
renferment (contenu cellulaire ou membrane), ensuite par les
réactifs microchimiques (perchlorure de fer, bichromate de
potasse).
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32 LM. PERROT ET G. GÉRARD.
Leur présence et surtout leur abondance ont une grande
importance au point de vue de la conservation du bois, le
tannin étant le principal élément de la durée des substances
ligneuses en empêchant leur corruption.
Ce sont ces matières tannoïdes qui, d'autre part, communi-
quent à certains bois les belles colorations brunes, rouges ou
noires, qui les font rechercher des ébénistes.
7. — Amidon.
Parmi les produits de réserve existant dans le tissu ligneux,
Tamidon est un de ceux que Ton rencontre le plus fréquemment;
il est à peu près uniquement localisé dans le parenchyme
ou le sclérenchyme ligneux et souvent les cellules de ce dernier
en sont absolument bourrées (le Mimosa nutans par exemple
offre cette particularité, PI. IV, fig. 12); la présence, l'abondance
et la forme des grains d'amidon seront autant d'éléments de
diagnose méritant d'être pris en considération. D'autre part,
son existence dans un bois rendra ce dernier très attaquable
par les vers et les parasites. Dans ce cas, on se trouvera donc
en présence de mauvais éléments de construction et on ne devra
les employer qu'avec la plus grande réserve.
La présence de l'amidon pourra souvent être reconnue, sans
l'aide du microscope, par la simple observation de la tache pro-
duite par l'eau iodée sur la tranche du bois.
8. — Oxalate de chaux.
En dernier lieu, il faut signaler, comme élément d'étude, les
crislaux d'oxalate de chaux; on en rencontre dans la plupart
des bois, mais en quantité variable.
Dans les Légumineuses, ils présentent généralement une
forme prismatique (PI. IV, fig. 5, 6 et 7). Ces cristaux, résidus
de l'assimilation du végétal, se rencontrent presque exclusi-
vement dans les cellules parenchymaleuses voisines des fibres,
où l'oxalate de calcium semble avoir sa région d'élection
préférée.
Ils paraissent ainsi refoulés à travers ce tissu jusqu'à ce qu'ils
rencontrent une barrière infranchissable qui ici est formée par
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ANATOMIE DU TISSU LIGNEUX. 33
le tissu fibreux ; daus les dernières cellules sciérenchyinaleuses
une stase se produit, favorisant la précipitation de Toxalate de
chaux dont les molécules s'agglomèrent pour constituer les
formes cristallines précédemment mentionnées.
Les échantillons A'Acacia Sénégal que nous avons examinés
présentent, sur les coupes transversales, des lignes concentriques,
assez régulières, épaisses de 1 ou 2 cellules et dont tous les
éléments contiennent un cristal d'oxalate de chaux. L'examen
des coupes radiales montre que cette formation s'étend à toute
la longueur de la branche, constituant par conséquent des sur-
faces cylindriques dont toutes les cellules sont oxalifères.
Le plus souvent, ces éléments sont adossés à une plage ou
îlot fibreux.
Nous avons déjà signalé ce fait en parlant des zones saison-
nières, et nous avons vu que, dans les jeunes branches de Delà-
rium, on trouvait aussi de ces fibres ou rangées de cellules à
oxalate.
L'examen des coupes longitudinales permet de constater ce
fait que les éléments oxalifères sont, dans tous les bois, réunis
en files verticales de hauteur variable, mais pouvant atteindre
quelquefois une longueur considérable.
Tandis que, dans la plupart des végétaux, des cloisonnements
successifs ont amené l'isolement du cristal d'oxalate dans une
cellule beaucoup plus petite que ses voisines, chez le Ptero-
carpus erinaceusy au contraire, on trouve, au milieu d'un sclé-
renchyme à petits éléments, de grosses cellules arrondies,
accolées par 5 ou 6 et légèrement aplaties par ce contact réci-
proque, qui renferment chacune un gros cristal d'oxalate cal-
cique (PI. V, fig. 6).
Ces éléments donnent aux coupes tangentielles du P/erocar/?Ms
un aspect tout à fait particulier et bien distinct de celui des
autres bois étudiés.
Très souvent enfin, on voit ces séries verticales de cellules
oxalifères se placer le long des sections des rayons médullaires,
auxquelles elles forment, en coupe tangentielle, une bordure
plus ou moins complète.
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34 EM. PEHROT ET G. GÉRARD.
III. — CONCLUSION.
Si maintenant on cherche à identifler diverses espèces ligneuses
en s'aidant de Tétude que nous venons d'exposer, on s'aperçoit
bien vite que les caractères différentiels sont d'importance très
variable. Tandis que les uns s'étendent à tous les végétaux
d'une même famille et permettent de donner la caractéristiqu e
de ce groupe, d'autres sont propres à un ou plusieurs genres :
quelques-uns enfin permettent de pousser plus loin la diagnose
et de distinguer différentes espèces voisines.
Nous avons vu, par exemple, que l'épaisseur des rayons médul-
laires, leur nombre, la présence ou l'absence de canaux sécré-
teurs sont presque toujours des caractères de groupes ou de
sections; l'abondance, la répartition, la forme des cristaux
d'oxalate de chaux, le volume des cellules terminales des sec-
tions tangentielles des rayons médullaires permettent très sou-
vent la différenciation d'espèces du même genre; l'aspect général
du tissu parenchymateux, le trajet sinueux des fibres qui con-
tournent les rayons médullaires rentrent au contraire dans les
caractères spéciaux des Légumineuses. C'est grâce à cette struc-
ture que les bois de cette famille sont tenaces et se fendent
difficilement dans le sens longitudinal en donnant des sections
ir régulières.
Si maintenant on se place à un point de vue encore plus
pratique et que l'on cherche à tirer, de l'étude microscopique
précédemment décrite, les données qu'elle est susceptible de
fournir au sujet des qualités industrielles du bois examiné, on
devra procéder à une discussion approfondie des caractères des
principaux éléments, afin de déterminer les usages les plus
avantageux de chaque espèce.
Des bois abondamment pourvus de fibres fines et à parois
très épaisses seront très résistants et conviendront à la cons-
truction et à la charpente: plus leurs éléments seront enche-
vêtrés et moins ils seront susceptibles de se fendre. De plus,
pour ces usages, on devra éliminer ceux dont le parenchyme
est bourré d'amidon, et rechercher surtout des tissus qui
renferment des résines, ou sont très riches en dérivés tanni-
ques.
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ANATOMIE WJ TISSU LIGNEUX. 35
La fabrication des canots, bateaux, tonneaux, foudres demande
des bois légers, résistants et suffisamment souples pour épouser
les formes arrondies que Ton veut leur faire prendre : on
devra donc choisir des tissus possédant des fibres longues; il
faudra éliminei* pour la tonnellerie ceux qui sont pourvus d'un
appareil sécréteur et sont riches en résines capables de se
dissoudre dans les liquides qu'ils devront contenir, en leur
communiquant une odeur ou une saveur désagréables.
La sculpture, Tébénislerie, le travail au tour, la fabrication
des queues de billard, manches de parapluie, bobines de fila-
ture, vis de pressoir, poulies, etc., demandent du bois assez
facile à travailler, homogène comme texture, se fendant diffici-
lement et à grain fin; il faudra réserver pour ces usages les
végétaux qui possèdent un tissu fibreux formé de petits éléments
et rejeter les bois dont les coupes transversales présentent
des zones trop distinctes et de dureté variable.
Pour les revêtements de carrosserie, intérieur de wagons de
chemin de fer, voitures de tramways, on emploie souvent des
bois polis et simplement vernis, on cherche alors des espèces
donnant sur les planches un aspect frisé assez décoratif : pour
cela, on arrêtera son choix sur des bois légers, suffisamment
pourvus de zones parenchymateuses ainsi que de hauts et larges
rayons médullaires dont les sections donneront les dessins
recherchés.
Le placage demande également des tissus très homogènes,
compacts, à éléments d'une grande finesse et susceptibles, par
conséquent, de se laisser débiter en feuilles d'épaisseur très
minime.
En vue de certains usages, pilotis, traverses de chemin de
fer, poteaux télégraphiques, on rend les bois moins altérables
en les injectant avec des liquides tenant en dissolution des
substances antiseptiques, destinées à empêcher leur corruption
ou leur destruction par les parasites.
Comme nous Tavons vu précédemment, les bois suffisamment
pourvus de vaisseaux assez gros conviendront parfaitement à
ces usages, ces éléments vasculaires facilitant la pénétration et
la dispersion du liquide injecté .
Ces quelques exemples suffisent pour indiquer dans quel sens
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36 KM. PËRROT ET G. GÉRARD.
on doit utiliser les indications données par Tétude microsco-
pique du tissu ligneux, soit pour la détermination des espèces,
soit pour le choix préliminaire de leurs utilisations possibles.
Enfin, une autre question du plus haut intérêt se pose en ce
qui concerne les essais d'introduction industrielle de bois colo-
niaux peu connus.
Sous le même nom, par exemple sous celui d'Acajou, on
importe des troncs d'origine botanique diverse et de qualité
variable. Il serait de toute utilité de posséder des caractères
de valeur réelle qui puissent permettre à la grosse industrie de
«'assurer de l'identité d'un envoi.
Si une bille de bois remplit les conditions demandées par tel
commerçant, comment s'assurera-t-il que l'envoi suivant sera
identique?
Les caractères d'apparence extérieure sont presque toujours
insuffisants; mais si l'on fait intervenir les caractères microsco-
piques, en s'inspirant de ce qui vient d'être dit, nous ne doutons
pas que l'on arrive d'une manière à peu près certaine à l'iden-
tification rationnelle de l'espèce productrice.
Dans ce but, nous avons établi des fiches qu'il suffit de rem-
plir pour tout examen de bois, et qui permettront l'identification
de ce dernier *.
Au présent travail sont annexées S3 fiches correspondant aux
bois examinés qui, comme nous l'avons dît, appartiennent tous
à des espèces végétales de la même famille des Légumineuses.
Enfin pour appuyer nos affirmations, nous avons fait repro-
duire une série de 25 microphotographies.
1. De plus pour la plupart des espèces étudiées, on trouvera dans le
texte une série de figures schématiques, destinées à montrer à un faible
grossissement — qui est généralement de 50 diamètres — l'aspect de la
section transversale du bois considéré. Nous avons établi dans ce but les
conventions suivantes : le tissu fibreux est représenté par du pointillé, et
le tissu conjonctif lignifié ou non est en blanc. Les rayons médullaires sont
figurés par des traits parallèles en nombre égal à celui des assises cellu-
laires qui les constituent en épaisseur.
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Planches avec nombreux dessins schématiques et autres, se
rapportant d'une façon plus spéciale au texte de cette première
partie.
Nota. — Les planches de microphotographies, reproduites par le
procédé dit « Spitzertypie » sont brochées avec les fiches à la ftu du
fascicule.
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h-
Ft Planche I
f Fig. 1. — Aspect d'un fragment de bois et indication des coupes à faire
i: , pour Tétude microscopique.
[f , Fig. 2. — Vaisseaux de V Acacia Sénégal. Gr. 60.
f'^ Fig. 3. — Vaisseaux de V Acacia Seyal. Gr. 60.
^ ; Fig. 4. — Groupes de vaisseaux du Tamarindus indien, Gr. 60.
^ Fig. 5. — Vaisseaux du Swartzia madagascariensis. Gr. 60.
*^ Fig. 6. ~ Groupe de vaisseaux du Parkia africana. Gr. 60.
) ,, Fig. 7. — Groupe de vaisseaux du Prosopis oblonga. Gr. 60.
Fig. 8. — Vaisseaux du Pterocarpus erinaceus. Gr. 60.
'; Fig. 9. — Grou[)es de vaisseaux du Bauhinia rufescens. Gr. 60.
Fig. 40. — Groupes de vaisseau j^ du Detarium ndcrocarpum, Gr. 60.
Fig. 11. — Groupes de vaisseaux du Detarium senegalense, Gr. 60.
^ Fig. 12. — Groupes de vaisseaux du Cassia Sieberiana. Gr. 60.
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Bois de Légumineuses africaines.
Lu
i
û
08
O.
//
1907. PI. I.
o O
C
ô
û
o
o
o
8
a
o- 0
:^i
G. GÉBARDad nat. del.
PI. I. _ Mode de groupement de vaisseaux ligneux.
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Planche II
Fig. 1 et 2. — Coupes transversale et tangentielle d'un vaisseau obstrué
par des thylles (Daniella sp). Gr. 200.
Fig. 3 et 4. — Rayons médullaires du Berlinia acuminata, Gr. 200.
Fig. 5. — Rayons médullaires du Bauhinia reticulata. Gr. 200.
Fig. 6. — Rayon médullaire du Bauhinia rufescens, Gr. 200.
Fig. 7. — Rayon médullaire du Pterocarpus erinaceus. Gr. 200.
Fig. 8. — Petits rayons médullaires du Daniella thurifera. Gr. 200.
Fig. 9. — Rayon médullaire de VOrmosia laxiflora. Gr. 200.
Fig. 10. — Petit rayon médullaire de V Acacia Sing. Gr. 200.
Fig. 11. — Rayon QiéduUaire du Detarium microcarpum. Gr. 200.
Fig. 12. — Rayon médullaire du Daniella thurifera. Gr. 200.
Fig. 13. — Rayon médullaire du Dichrostachys nutans. Gr. 200.
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Bois de Légumineuses africaines.
1907. PI. IL
G. GÈRARÙ ad nat. tUl.
PI. II. — Fig. 1 et 2. Vaisseaux avec Ihylles. — 3 à 13. Rayons médullaires..
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Planche III
Fig. I. — Aspeclde la coupe transversale de rEry</irinascne^a/^sis.Gr.200.
Fig. II. — Aspect de la coupe transversale de Acacia altissima, Gr. 20.
Fig. III. — Aspect de la coupe transversale de VAlbizzia Lebbeck, Gr, 20.
Fig. IV. — Aspect de la coupe transversale du Dic/iros^ac^î/s nw^aiw. Gr. 20.
Fig. V. — Aspect de la coupe transversale du Berlinia acuminata. Gr. 20.
Fig. VI. — Aspect de la coupe transversale du Prosopis oblonga. Gr. 20.
Fig. VII. — Schéma montrant le quadrillage destiné à la détermination
F
du rapport 5, placé sur une coupe de Berlinia acuminata. Gr. 50.
Fig. VIII. — Coupe transversale de VOrmosia laxiflora. Gr. 50.
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Bois de Légumineuses africaines.
1907. PL III.
G. GÉRARD ad nat. del.
PI. m. — Coupe transversale schématique de différentes espèces.
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Planche IV
Fig. I. — Tissu fibreux du Dichrostachys nutans. Gr. 300.
Fig. II. — Tissu fibreux du Daniella thurifera, Gr. 300.
Fig. III. — Série de cellules à oxalate de chaux situées le long du tissu
fibreux dans VAcacixi Sénégal, Gr. 300.
ig. IV. — Parenchyme lignifié de VErythrina senegaknsiSy en coupe
tangentielle. Gr. 50.
Fig. V. — Cristaux d'oxalate de chaux du Detarium microcarpum, en
coupe transversale. Gr. 300.
Fig. VI. — Cristaux d'oxalate de chaux du Ptevocarpus erinaceuSy en coupe
transversale. Gr. 300.
Fig. VII. — Cristaux d'oxalate de chaux du Detarium microcarpum, en
coupe tangentielle. Gr. 400.
Fig. VIII. — Début d'une bande de tissu fibreux dans VErythrina senega-
lensis. Gr. 300.
Fig. IX. — Section transversale de V Acacia altissimaj demi-grandeur na-
turelle.
Fig. X. — Section transversale du Swartzia madagascariensis, demi-gran-
deur naturelle.
Fig. XI. — Section transversale de ÏOrmosia laxiflora, demi-grandeur
naturelle.
Fig. XII. — Grains d'amidon dans le parenchyme du DtcAr(?s(ac/iysnM^aii5.
Gr. 300.
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Bois de Légumineuses africaines.
1907. PI. IV.
xn
%)
^
'nD V
0
^0
YI
G. GÉRARD ad nat. del.
PI. IV. — Tissu sclérenchymateux et fibreux, crislalix.
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Planche V
Lacune gommeuse dans le Burkea africana. (W. 300.
Coupe tangentielle du Bauhinia ritfescens, Gr. 300.
Lignes de canaux sécréteurs dans le Detarium micro-
r,r. 50.
Débutd'une zone saisonnière, dans le Tamarindus indica. Gr.50
— Deux lignes concentriques de lacunes à gomme dansleBwrA-^a
afrirawi. Gr. 50.
Fig. VI. — Rayon médullaire et grosses cellules à oxalate de chaux,
dans la coupe tangentielle du Pterocarpus erinaceus. Gr. 300.
Fig.
!. -
Fig.
Fij.^
II. -
IIL -
Fig.
Fig.
curpum.
IV. -
V. —
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Bois de Légumineuses africaines.
1907. PL V.
G.GÉRAhD a-l nat. del.
PI. V. — Diffcronls aspects de coupes transversales.
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DEUXIÈME PARTIE
ÉTUDE SPÉCIALE DES BOIS DE QUELQUES LÉGUMINEUSES
DE L'AFRIQUE OCCIDENTALE FRANÇAISE
Nous allons maintenant appliquer notre technique à Tétude
de quelques-uns des bois de Légumineuses originaires de
l'Afrique occidentale française *.
On trouvera pour chaque type de bois l'examen des carac-
tères extérieurs, Tétude microscopique détaillée et un tableau
résumant les données les plus saillantes fournies par cette
double étude ainsi que les indications numériques les plus
importantes.
Cette étude ayant été surtout entreprise en vue de l'application
économique des résultats techniques, nous ne nous attacherons
pas à suivre dans nos descriptions Tordra systématique naturel
adopté par les botanistes ; nous nous contenterons au contraire
de décrire les espèces étudiées en les rangeant par ordre alpha-
bétique d'après leur dénomination latine scientifique, la seule
qui soit constante et fixe.
ACACIA ALTISSIMA Lecard.
L'échantillon qui portait ce nom, étant donné ses caractères, et ses affinités
doit vraisemblablement être rapporté au : Pithecolobium altissimum Roxb.
Synonymes. — Mimosa allissima Oliver.
Nom français. — Acacia Lecard.
Noms indigènes. — Peuhl : Foraberou, Forabévo; Diola : Bousé.
Station.? —
Distribution géographique. — On le rencontre assez fréquemment au
Sénégal et en Casamance où il croit dans plusieurs localités du côté de Sandi-
nievi et forme -le fond des forêts dans le pays des Salantes.
1. Eq 1894, M. Lecomte a déjà fait remarquer rintérêt économique de
certains bois du Congo iliev. gén. Se, V, 797) et on trouve dans la note
consacrée à ce sujet quelques microphotographies dont l'une se rapporte
à un Pterocarpiis (bois rouge du Congo).
4
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50 ËM. PERROT ET G. GÉRARD.
Caractères botaniques : — C'est un bel arbre; son tronc
s'élève très haut sans branches, sa cime est peu fournie.
Les feuilles sont composées, bipennées, formées de folioles
étroites. Les fleurs sont réunies en capitules et le fruit est une
gousse plate qui se contourne légèrement par la dessiccation.
Les graines qu'il renferme sont aplaties et portées par de courts
pédicules. .
Caractères extérieurs. — Écorce. — L*écorce, mince, atteint
environ 4 millimètres d'épaisseur et possède une couche épi-
dermique de teinte brune peu foncée; en section transversale,
elle est de couleur jaune pâle.
Bois. — Le bois, brun jaunâtre clair, est nettement et réguliè-
rement parcouru de stries simples formées alternativement de
tissu fibreux gris brbn et de parenchyme ligneux de teinte jaune
paille; rarement ces lignes sont bifurquées.
On distingue également une série de zones d'accroissement
dans lesquelles l'écartement et la longueur des bandes ont des
valeurs différentes mais constantes, dans une même zone, le
changement se faisant brusquement,
La description de la section transversale d'un échantillon a
été donnée dans les généralités.
Les sections radiales montrent une striation régulière corres-
pondant aux bandes précédemment signalées sur la face trans-
versale. Quant à la coupe longitudinale langentielle, elle pré-
sente une apparence pointillée fine et régulière déterminée par
les sections des rayons médullaires.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont le plus généralement isolés,
mais quelquefois groupés par deux ; leur section présente géné-
ralement une forme arrondie ou ovale et leur diamètre est
compris entre 120 et 2S0 [x; ils sont peu nombreux et on en
compte rarement plus de deux par jnillimètre carré; on les voit
souvent placés sur le bord d'une bande fibreuse dans laquelle ils
s'incrustent partiellement sans intermédiaire d'aucun élément
sclérenchymateux : c'est là un aspect un peu spécial et qui
mérite d'attirer l'attention.
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i.ÉGUIII>EUSES AFRICAINES. 51
Quelques vaisseaux obstrués pai' des thylles sont à signaler
particulièrement dans la région centrale.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont peu*
nombreux, on n'en trouve que 3 ou 4 par millimètre et leur
écartement assez constant est de 200 à 330 [jl. En général ils sont
épais et formés de 6 à 8 rangs de cellules; leurs sections sont
en coupe tangentielle, très irrégulières comme taille et comme
forme (fig^. 1).
Fibres et parenchyme. ■ — Le tissu conjonctif est composé,
comme nous l'avons vu précédemment, de bandes fibreuses,
62
Fig. 1. — Acacia altissima Lecard; G. =50; coupe transversale; « = ^
ayant en moyenne 500 y. de largeur et formées d'éléments à
paroi peu épaissie, séparées par des régions sclêrenchymateuses
dont la largeur est généralement inférieure à 400 \k et constituées
par des cellules prismatiques régulièrement placées les unes à
côté des autres et donnant à la coupe transversale un aspect
quadrillé.
T ,F 62
Le rapport p = gg.
Les fibres longues en moyenne de 800 |jl ont un diamètre qui
oscille entre 9 et 10 jjl.
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux est très peu abon-
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52 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
dant dans ce bois. On en rencontre quelquefois un cristal dans
une cellule hypertrophiée d'un rayon médullaire.
Amidon. — L'amidon sous forme de gros grains est abondant
dans les cellules du sclérenchyme ligneux.
Déterminations physiques et chimiques.
Densité moyenne, après plusieurs déterminations : D = 0,494.
Les réactifs employés ne donnent aucune réaction colorante
caractéristique; quant aux décoctions, aqueuses ou alcooliques,
elles sont sensiblement incolores.
Le poids des cendres est de : 2,15 p. 100.
Usages.
V Acacia altissima fournit un bois léger, facile à travailler,
et susceptible d'un beau poli ; les indigènes l'emploient pour la
Construction des bateaux.
On le compare assez fréquemment au bois de notre Hêtre, et,
comme lui, il est sans doute susceptible d'être utilisé en menui-
serie.
L'écorce, en cataplasmes, serait un remède contre les maux
de côté et sa décoction permettrait de se débarasser du ver de
Guinée.
ACACIA ARABICA WiUd.
Synonymes. — Acacia Adansonii Guill. et Perr. =zA, arabica Roxb. =:A.
nilotica Delib. =-• Mimosa arabica Lamb. = M. nilotica L. == M. astringens
Tbomm.
Bentham en a distingué 4 variétés correspondant à des habitats dilTérents :
{" Variété tomentosa^ que l'on rencontre au Sénégal.
2" Variété nilotica, de la c6le orientale d*Afrique à la région du Nil,
3" Variété indica, répandue à l'état sauvage 'ou cultivée dans les Indes
anglaises.
4** Variété Krattssiana, aux environs de Port Natal.
Nom français. — Gommier rouge.
Noms indigènes. — OulolT : Ouaki^ Neb-neb ; Ouioft des bords du Sénégal :,
Gonakie; Toucou leurs : Gaoub, Gaoude^ Gaodi, Gaoudi, Diabé; Bambara :
Bagano, Bonank, Bouana, Boina; Sonhraï : Banigna; Arabe : Amoura, Talha;
Temacheq : Apsaq; Falor : Sep-nep; Serère : Sep-nep; None : Sep-nep;
Sarakhollé : Diabbé; Kassonké : DiabbCy Bagana; Malinké : Bagana; Ouassalou :
Boïna,
Station. — Il pousbe dans tous lés terrains, habitant également les dunes et
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 53
les terres argileuses et humides. On le rencontre plus fréquemment cependant
au voisinage des marigots.
Distribution géographique. — Son aire de dispersion est extrêmement
étendue; il habite toutes les contrées chaudes de l'ancien continent :
En Aiie : l'Arabie et les Indes; en Afrique : la haute vallée du Nil où il est
abondant surtout au confluent du Nil blanc et du Nil bleu et en Abyssinie;
sur la côte orientale cCAfrique^ il croit dans la région du Zambèze et sur les
rives de la Rovuma^ au Cap de Bonne-Espérance et dans le Natal; sur la c6te
occidentale : dans l'Angola, le Soudan et le Sénégal.
Les échantillons étudiés proviennent de Dagana,
Caractères botaniques. — C*est généralement un arbre d'une
dizaine de mètres de hauteur possédant un tronc droit et qui
atteint facilement 60 cm. de diamètre. Sa cime est irrégulière,
assez peu dense, avec des rameaux tordus et recouverts d'une
écorce mince de teinte extérieure terre de Sienne foncée.
Il donne en assez grande abondance une gomme qui fait
Tobjet d'un trafic très important; c'est en effet une des sources
principales de la gomme dite « arabique ».
Ses feuilles sont alternes, bipennées quelquefois solitaires
glabres, longuement pétiolées et formées d'un grand nombre de
folioles linéaires oblongues. Les épines sont placées par paires,
à la base des feuilles et dans l'aisselle de ces dernières, on trouve
de petites glandes sessiles.
Les fleurs sont axillaires jaunes, réunies en capitule^ globu-
leux solitaires portés par de longs pédoncules ; la floraison a
lieu en janvier-février; toutefois, d'après quelques auteurs,
d'autres fleurs apparaissent dans certaines régions en septembre-
octobre.
Le fruit est constitué par un légume bivalve velouté, aplati,
légèrement courbe. Des étranglements accentués marquent
l'intervalle des graines au nombre de 8 à 12. Le pédoncule est
long.
Les indigènes le nomment Ballah, il est comestible et donne
un Kino rouge.
Caractères extérieurs. — Écorce. — L'écorce est peu épaisse
irrégulière, fibreuse; elle se sépare facilement quand elle est
sèche et présente à l'extérieur une teinte terre de Sienne tachée
de gris ; en coupe transversale elle est brune avec de nombreux
points clairs correspondant aux sections des paquets fibreux.
Bois. — Le bois offre à l'extérieur une zone périphérique de
teinte jaune d'ocre avec un noyau central rouge foncé à bord
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L«Uk
54 EN. PERROT ET G. GÉRARD.
dégradé et estompé. Sur ces teintes fondamentales on distingue
un pointillé clair, dont la disposition forme des zones concen-
triques assez nettement marquées.
Ce bois, surtout au centre, est formé par un tissu homogène
assez dur, devenant plus foncé à lair et prenant ainsi une belle
teinte pourpre sombre.
Les rayons médullaires apparaissent sous forme de fines
stries radiales nettement visibles à Tœil nu.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont quelquefois isolés, mais le
plus souvent groupés par deux ou trois; la forme de leur section
est irrégulière et sinueuse, toutefois chez ceux qui sont groupés
la paroi est assez fréquemment rectiligne sur une partie de sa
fongueur. Le plus grand nombre des vaisseaux mesure de 100
à 150 |i de diamètre, mais ils sont souvent accompagnés de plus
petits ayant de 40 à 100 [x. Ils sont en général nombreux mais
leur fréquence varie avec les zones du bois; en moyenne on
peut en compter (petits et grands) : 20 par millimètre carré.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont espacés,
on en compte 4 à 5 par millimètre et leur écartement varie
entre 200 et 300 [jl. Comme largeur, ils varient beaucoup, les
plus nombreux qui donnent à la coupe longitudinale tangen-
tielle son aspect spécial, possèdent dans la région de leur épais-
seur maxima, 6 à 7 cellules juxtaposées; on en rencontre beau-
coup cependant n'ayant que 2 ou 3 éléments et leur hauteur est
beaucoup moindre (100 à 200 [x au lieu de 600 à 700 (x qu'attei-
gnent facilement les premiers). Les cellules de ces rayons sont
à parois minces et par pression réciproque elles ont une forme
polygonale, très régulière comme diamètre; les cellules termi-
nales sont de la même taille que leurs voisines.
Fibres et Parenchyme. — Le tissu parenchymateux est peu
abondant et se rencontre seulement autour des vaisseaux; il est
régulier d'aspect et formé généralement de cellules ayant une
section rectangulaire.
Quelquefois il s'étend latéralement pour donner des bandes
assez régulières mais toujours étroites. Dans d'autres régions,
au contraire, il est encore plus rare.
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i^r-*^ ■"
LÉGUMINKOSeS AFRICAINES.
^5
L'élément fibreux, au contraire, forme des espaces considéra-
bles et constitue la plus grande partie du bois; les éléments qui
le composent sont très épaissis : leur membrane atteint fré-
quemment les deux tiers ou même les trois quarts du rayon,
mais, au contact des régions parenchymateuses, on voit l'épais-
seur de leurs parois diminuer graduellement en même temps
que leur longueur, passant ainsi sans transition brusque aux
cellules parenchymateuses. C'est un fait sur lequel il faut insister,
Fig. 2. — Acacia arabica WiUd.; G. : 50; coupe transversale.
car peu de Bois le présentent d'une façon aussi nette; le plus
souvent en effet, la limite entre les deux tissus est extrêmement
bien tranchée et se fait instantanément d'une cellule à llautre.
La longueur des fibres est de 1 000 à 1 500 [i et leur diamètre
de 6 à 7 [JL.
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux est très répandu
dans ces bois et il forme souvent des files longitudinales d'une
grande longueur, fait un peu comparable à celui signalé dans
ï Acacia SenegaL
Zones saisonnières. — Comme nous l'avons constaté dans
l'examen macroscopique, ce bois présente des zones assez nettes
et caractérisées surtout par une plus ou moins grande abon-
dance des vaisseaux et du parenchyme ligneux qui les accom-
pagne.
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56 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
La partie centrale du bois est plus foncée, de teinte rouge
acajou. A Taide du microscope on a pu constater que dans la
région colorée toutes les fibres ont leur lumen empli d'une
matière brune qui Tobstrue en totalité.
Déterminations physiques et chimiques.
On donne comme poids du mètre cube 9S0 kilogrammes.
Nous avons déterminé exactement par la méthode du flacon la
densité des deux bois dans plusieurs échantillons ; les moyennes
sont :
pour la partie périphérique (aubier) : 0,827,
et pouc la région centrale rouge (cœur) : 0,945.
Le rapport des deux densités est jr — rr— = 1,14.
Les réactifs indiqués ne donnent pas avec ce bois de tache
caractéristique.
La partie centrale ou cœur fournit avec Teau une décoction
dune teinte rose plus ou moins accentuée; avec Talcool, elle
produit un liquide peu teinté mais présentant une légère fluores-
cence violette.
Le poids des cendres est de : 1 gr. 20 p. 100.
^ Usages.
Yà' Acacia arabica fournit un bois à grain assez fin très dur, ce
qui tient, comme nous Tavons vu, à Tabondance des fibres et à
répaisseur de leurs parois. De ce fait, il est difficile à travailler,
mais il convient très bien pour les courbes et les bordages des
bateaux ; il ne se laisse pas attaquer par les vers et les termites
(d'après les rapports du pays) et il laisse exsuder une gomme,
sous rinfluence des piqûres d'insectes ou des gerçures produites
par les vents pendant la période de sécheresse.
Il est considéré comme propre à Tébénisterie, la menuiserie,
la charpente, les constructions navales; se travaillant assez bien
au tour, il peut être utilisé pour la fabrication des outils, man-
ches d'outils, taparkas, pilons, mortiers, calebasses, formes
pour chaussures, pieux pour les quais. Les fruits en macération
dansl'eau etadditionnés de chaux et decendres servent à tanner
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r
LÉGUMINHiUSES AFRlCAlIiES. 57
les cuirs et à leur donner une teinte noire; ils sont également
utilisés dans la teinture en rouge, en raison de la matière tan-
noïde ou Kino rouge qu'ils renferment.
Les gousses, écorces, feuilles constituent paraît-il un excellent
remède contre le scorbut : pour cela il suffît de les mastiquer
pendant un certain temps, sans doute toujours par Taction de ce
même tannoïde; de même les inf usions d'écorces et de fruits
sont employées contre les ophtalmies et contre la dysenterie.
La poudre du fruit séchée sert aussi contre les rupias syphili-
tiques.
L'écorce des jeunes tiges arrête après la circoncision, les
hémorragies et hâte la cicatrisation de la plaie.
ACACIA SENEGAL W.
Synonymes. ^ Acacia rupestris Stocks = A, Vereck Guill. et Perr. = Mimosa
Sénégal Linné = M. senegalensis Laur. = Vereck senegalensis Adans.
Nom français. — Vereck\ gommier blanc.
Noms indigènes. — OulofT: Vereck, Verack'^ Toucouleur : Patouki; sarakhollé :
Guese-bini; Kassonké : Sahe-fin; Malinké : Sahe; Bimbara i Sadie, Donkoro;
Ouassalou : Sadie; Arabe : Aourouar; Temacheq : Aouarouar; Senoufo : Deligna;
Falor : Ouki; Serère : Ngobop; Sonhraï : Deligna,
Station. — V Acacia Vereck se trouve dans les terrains secs et de préférence
dans les dunes et les rochers.
Distribution géographique. ~ On le rencontre dans la zone sahélienne et
sur les confins du désert saharien, depuis la Sénégambie et la Mauritanie
jusqu'à la Nubie. Il a été signalé en particulier dans la province de Djdo/f
dans les forêts d*Alfatak (en face de Podor), de Lebiar, de i>ahel où il est très
abondant, — au pays Maure et dans le Cayor où il forme de nombreux bosquets
isolés.
Il se trouve également dans le Oualo, dans Vile de Sor et au voisinage des
fours à chaux de Saint-Louis,
Dans les dunes désertiques, il constitue des taillis d'arbustes épineux souvent
parasités par des Loranthacées.
Les échantillons étudiés proviennent de la province de Djdoff.
Caractères botaniques. — Arbustes rameux dès la base ou
petits arbres atteignant au plus 4 m. de hauteur, avec un tronc
ne dépassant généralement pas 15 cm. de diamètre.
La cime est irrégulière étalée, et Técorce de son tronc exté-
rieurement gris cendré. Les rameaux portent des feuilles
alternes biparipennées, brièvement pétiolées et des épines
recourbées ayant 3 à 4 cm. de longueur. De l'aisselle des
feuilles partent des épis cylindriques de fleurs blanc-jaunàtres
d'environ 8 mm. de diamètre, réunies quelquefois par 2 ou 3
sur le même pédoncule.
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58 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
La floraison a lieu, en mars et octobre.
Les fruits ont Taspect de gousses plates, sèches, oblongues
(10 cm./8 cm.), bivalves et renfermant 4 à 6 graines très com-
primées, possédant une dépression en forme de croissant, ils ne
sont pas comestibles.
Caractères eztérieiirs. — Écorce. — Le tronc ou les grosses
branches possèdent une écorce assez épaisse, irrégulière, exté-
rieurement brune tachetée de blanc. *
La section transversale, montre à la périphérie une zone
externe brun rouge, puis une ligne fibreuse claire à Tintérieur
de laquelle se trouve une région foncée presque noire. -Cette
écorce se détache facilement.
Bois. — Le bois est de teinte générale jaune d'ocre, chagriné
et strié de lignes irrégulières, sinueuses, souvent interrompues.
Pur et assez homogène, il présente une strialion radiale nette-
ment apparente, correspondant aux traces des rayons médul-
laires.
Examen microscopique:
Vaisseaux. — Quand on examine à un grossissement modéré
les coupes de ce bois, on constate d'abord que les vaisseaux
sont généralement isolés et leurs sections transversales de
forme assez régulièrement arrondie.
Quelques-uns, de petites dimensions, ayant environ 26 jx de
diamètre, sont disséminés au milieu d'un grand nombre
d'autres de taille assez constante et ayant des sections qui
varient entre 100 et 120 a de diamètre; leur nombre est
généralement de 16 à 20 par mm. carré (fig. 3).
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont larges
et, sauf quelques rares exceptions, ils possèdent de 5 à 8 cellules,
d'épaisseur; ils sont peu nombreux (en moyennne 5 par milli-
mètre) et leur écartement oscille entre iOO et 350 jjl.
Fibres et Parenchyme. — Le tissu conjonctif est assez
•1 ri , F . , 50 . 20
megal comme composition : le rapport p varie entre «jî et ^.
Les fibres sont réparties en bandes parallèles sinueuses,
d'épaisseur variable; de grosseurs différentes et de forme poly-
gonale en section transversale, leur membrane est très épaissie,
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LÉGUMINEUSES ÀFniCAl.NES. 59
leur longueur est voisine de 1 000 ix et leur diamètre le plus
souvent égal à 9 [a.
Les cellules parenchymateuses sont plus grandes, disposées
avec régularité . et sont fréquemment bourrées de grains
d'amidon.
Oxalate de chaux. — Elles renferment également en assez
grande abondance des cristaux d'oxalate de chaux, mais ici une
particularité est à noter. Les coupes transversales laissent aper-
Fig. 3. — Acacia Sénégal W.-G. : 50; coupe transversale ôâ '^ P "^ 50*
cevoir des lignes noires concentriques généralement continues,
qui, à un plus fort grossissement, se montrent constituées par
des séries ininterrompues de cellules renfermant chacune un
cristal d'oxalate; elles s'étendent longitudinalement sur toute
la longueur de la branche, formant ainsi de véritables lames
cylindriques emboîtées les unes dans les autres. De plus, ces
formations sont presque toujours adossées à des régions fibreuses
dont elles forment pour ainsi dire la bordure externe.
Zones saisonnières. — Les zones saisonnières sont très fai-
blement indiquées sur les coupes transversales.
Déterminations physiques et chimiques.
Commercialement, le poids du mètre cube est dit-on de
930 kgr. ; la densité déterminée au flacon est de 0,963.
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^0 lîM. PERROT ET G. GÉRARD.
La potasse, le perchlorure de fer, les hypochlorites produisent
sur les surfaces de section des taches jaune brun. L'eau iodée
donne des colorations bleues dans les lignes claires, décelant
ainsi l'amidon qui remplit les cellules parenchymateuses.
Les décoctions aqueuses ou alcooliques sont sensiblement
incolores et le poids des cendres est de : 1 gr. 32 p. 100.
Usages.
Le bois de TAc. Sénégal avec son grain fin résistant, se tra-
vaille facilement mais sa taille généralement faible et la facilité
avec laquelle il est attaqué par les vers et les termites restrein-
dront beaucoup les services qu'on pourrait être tenté de
lui demander.
On l'emploie dans le pays pour faire des pilons, des taparkas;
ses racines servent à faire des manches d'outils.
Comme on le voit, il ne peut guère servir qu'à la confection
de petits objets d'usage journalier; mais ne doit être employé
ni pour la menuiserie, ni pour la charpente.
Sa plus grande valeur vient de la gomme qu'il laisse exsuder
6t qui forme une des variétés commerciales les plus estimées.
ACACIA SETAL Del.
Synonymes. — Acacia Giraffa Delib. et var. fistula = A. fisliUa Schwein.
= ^. Sp.! Heckel.
Nom anglais. — ShilUm-Wood.
Noms indigènes. — OulofT : Mpenah^ Sourour^ Fejichx Toucouleur : Boulbe,
Boulbi; Sonhraï : Mpenah; Sarakhollé : Guese-coule; Kassonké : Sahe-Koyo;
Bambara : i^acfie ou Zadie; Ouassalou : Sahe; Falor : Pek; Serère : Ndomb;
dans le Sennaar : Soff'ar,
Station : Cet Acacia croit dans tous les terrains, mais on le rencontre surtout
en abondance dans les sols argileux.
Distribution géographique. — It est répandu dans toute VAfi-ique tropi-
cale, on le trouve au Sennaar, dans le sud de la Nubie; il est très commun au
Sénégal et au Soudan et fréquent surtout dans le Fasna et dans le Ndoule. Il
est également signalé sur les bords du Zambèze.
Il donne la gomme de Souakim ou de Taka.
Caractères botaniques. — C'est un arbre d'une hauteur
moyenne de 12 m. avec un tronc atteignant généralement
35 à 40 cm. de diamètre. Sa cime est diffuse avec des rameaux
distants et des feuilles clairsemées.
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 61
Son écorce mince, de couleur jaune, verte ou rouge, se
détache par plaques; elle est recouverte d'une poussière blan-
châtre qui adhère à la main.
Les feuilles sont alternes, bipennées, possédant de 10 à 15
paires de folioles de forme allongée, oblongue, ayant de
3 à 6 cm. d'une extrémité à l'autre.
Le pétiole est court et à sa base se trouvent des épines stipu-
laires étalées par paires dont la longueur atteint souvent jusqu'à
6 cm.
Les fleurs sont axillaires, réunies en capitules solitaires ou
groupés par paires avec des pédoncules généralement assez
longs. Elles forment des boules jaunes émettant une odeur
agréable et assez pénétrante.
Le fruit est constitué par une gousse plate, bivalve, dont les
dimensions sont 6 à 9 cm. de long sur 2 à 3 de large avec des
étranglements qui marquent les intervalles des graines; elle est'
toujours un peu arquée.
On rencontre assez fréquemment sur cet arbre un parasite
nommé tob par les habitants du pays.
Caractères extérieuTB. — Écorce. — L'écorce est mince et
se sépare facilement par plaques; en coupe transversale, elle
présente une zone externe de teinte brun rouge et une région
interne blanchâtre; sa face interne est blanche et finement
pointillée.
Bois. — Le bois est de teinte générale jaune brun (couleur
chêne) finement chagriné et strié de lignes d'épaisseur irrégu-
lière, sinueuses, de couleur terre de Sienne, réparties assez
uniformément sur un fond jaune d'ocre. On perçoit très nette-
ment une fine striation radiale correspondant aux traces des
rayons médullaires et il n'y a pas ici de zone saisonnières
apparentes.
C'est un bois dur, très nerveux, homogène, à grain assez fin
et susceptible d'un beau poli. Il renferme souvent de l'amidon
en quantité notable .
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont généralement isolés, de
section assez régulièrement circulaire, et de deux dimensions :
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62
EN. PERROT ET G. GÉRARD.
le plus grand nombre d'un diamètre variant entre 100 et 180 |ji
et quelques-uns, disséminés parmi les premiers, beaucoup plus
réduits, ayant un diamètre compris entre 50 et 60 jx. On en
rencontre en moyenne H par millimètre carré ; leurs parois sont
ornementées de unes ponctuations dispersées assez régulière-
ment en lignes obliques.
Rayons médullaires* — Les rayons médullaires sont généra-
lement au nombre de 5 par millimètre, leur écartement variant
Fig. 4. — Acacia Seyal Del.
F 45
G. : 50; coupe transversale p = kS"»
entre 50 et 250 [jl; la plupart de leurs cellules sont bourrées de
matières colorantes brunes.
Les coupes tangentielles montrent qu'on peut les répartir en
deux séries : 1® les plus gros et les plus nombreux ayant 6 à
7 cellules d'épaisseur mais généralement courts; les plus grands
atteignent au maximum. 600 jjl, et ils sont souvent brus-
quement terminés à la base par une section oblique. 2* d'autres
moins nombreux, plus petits, n'ayant que 2 à 3 cellules d'épais-
seur, disséminés un peu partout mais plus nombreux au voisi-
nage des vaisseaux.
Les cellules de ces rayons médullaires sont à parois minces
de forme arrondie et très allongée dans le sens radial.
Fibres et parenchyme. — Le tissu ligneux est formé de
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LÉCGIIINEIISES ÀFRiCAINfiS. 6S
cellules à parois minces et coupé par des bandes de tissu fibreux.
Le rapport p est en moyenne m- •
Les cellules du pturenchyme lignifié, régulièrement disjposéés
en nies radiales, avec une section nettement hexagonale, sont
environ 3 à 4 fois plus hautes que larges et leurs extrémités le
plus souvent brusquement tronquées.
Les fibres sont longues (en moyenne 1 300 {x), à membranes
très épaisses, le plus souvent tapissées intérieurement par un
dépôt prenant énergiquement le vert d'iode, ne laissant ainsi
qu'un lumen très réduit.
Elles sont très irrégulières de forme et de grandeur en sec-
tion transversale et disposées généralement sans ordre; leur
diamètre dans leur partie médiane est compris entre 6 et 8 ]jl.
Oxalate de chaux et Amidon. — L oxalale de chaux n'existe
qu'en petite quantité et est disposé longitudinalement en files
de 6 à 8 cristaux; mais, en revanche, les cellules parenchyma-
teuses sont b*équemment bourrées de grains, d'amidon sphéro-
polyédriques.
Déterminations physiques et chimiques.
Le poids du mètre cube serait de 735 kgr. ; nous avons trouvé
comme densité au flacon :
Pour le cœur : 0,915, pour l'aubier : 0,831 ; le rapport de ces
deux valeurs est *r — p — =4,10
L'action des réactifs ne donne pas de colorations bien
accentuées; par l'eau iodée, on obtient cependant une teinte
bleu foncé due à la présence d'amidon.
Quant aux décoctions alcooliques ou aqueuses, elles sont
très peu teintées.
Le poids des cendres est de 0 gr. 81 p. 100.
Usages.
V Acacia Seyala, généralement le tronc droit; il se laisse faci-
lement attaquer par les vers et les termites. De plus il laisse
exsuder une gomme qui dans certaines régions est l'objet d'un
commerce assez important.
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64 EN. PERROT ET G. GÉRARD.
. On ne peut généralement pas en tirer de grandes pièces, mais
le grain fin, serré, la dureté et la nervosité de son bois en font
un élément précieux pour la fabrication des manches de hache,
de dabos, de pelles et pour la confection des pilons et des
fourches. Sa destruction facile par les parasites et son aspect
tortueux ne permettent pas de remployer pour la construction
ou la fabrication des meubles.
Dans le pays, les indigènes utilisent son écorce qui, pilée et
mélangée au miel, est administrée contre la dysenterie.
ACACIA SIEBERIANA DC.
Synonymes. — Acacia Sing Guill. et Per.
Noms indigènes. — Ouloiï : Sandandan, Sing; Toucouleur : Alouk, Alouki;
Sarakhollé: Guese-bine; Rassonké : Yen-de-cousaye, Sing-Sing; Malinké : Bransan-
guhoni, Kololo; Bambara : Baggui; Ouassalou : Kounguelegou; Serère : Soûl,
Ngh^ê; Falor : Pek,
Station. — Cet Acacia pousse ud peu dans tous les terrains, mais ses régions
de prédilection sont les coirtrées rocheuses.
Distribution géographique. — On le rencontre assez communément au
Sénégal et au Soudan; il se trouve en assez grande abondance au OuaU) et au
Cayor.
Caractères botaniques. — C'est un arbre assez droit, attei-
gnant fréquemment jusqu'à 8 mètres de haut avec un tronc
dont le diamètre dépasse le plus souvent 50 centimètres.
Sa cime diffuse, légèrement arrondie, s'étale en parasol, les
branches en sont généralement courtes et tourmentées. Il
possède une écorce peu épaisse, extérieurement verdâtre ou gris
brun.
Les feuilles alternes, bipennées, possédant 17 à 18 paires de
folioles oblongues linéaires, sont accompagnées d épines stipu-
laires étalées de 3 à 4 cm. de long, disposées à la base d'un
pétiole court.
Les fleurs sont blanches axillaires, réunies en capitules,
généralement solitaires ou quelquefois par paires, portés par
des pédoncules ayant environ 40 mm.; elles sont très odo-
rantes, et la floraison au Sénégal est indiquée comme ayant lieu
au mois de juillet; Guillemin et Perrottet donnent pour le
Sénégal : mars et septembre.
Le fruit est une gousse très aplatie ayant à peu près la
forme d'un S très allongé, portée par un court pédoncule; elle
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 65
est bivalve et terminée par de petites pointes aiguës et arquées,
ses dimensions sont en moyenne : 12 à 15 cm. sur 5 à 7 mm. ;
de légers étranglements marquent la portion de chaque graine.
Ce fruit est coriace et pas comestible.
Caractères extérieurs. — Écorce. — L'écorce est régulière,
d'une épaisseur moyenne de 5 à 7 mm., sur un tronc âgé
de douze ans ; elle se détache facilement et présente en coupe
transversale une teinte générale brune tachetée de points
clairs correspondant aux sections de paquets fibreux.
Bols. — Le bois est dur, de teinte jaune d*ocre, avec des
places plus claires, les zones sont peu marquées, mais il existe
généralement un cœur assez petit, rougeâtre, à bords estampés.
Le grain est de finesse moyenne et on perçoit facilement une
fine striation radiale formée par les rayons médullaires ; la face
tangentielle est finement pointillée en noir sur un fond clair
par les traces de ces rayons.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont quelquefois isolés, mais
plus souvent groupés par deux ou trois, de taille inégale; la
forme de leur section est irrégulièrement sinueuse, mais sur-
tout dans les groupes leur paroi présente fréquemment des
parties recli lignes.
De diamètre compris entre 60 et 250 jx, leur nombre varie
de 4 à 6 par millimètre carré et leurs parois sont ornementées
de ponctuations en forme d'aréoles allongées.
Rayons médullaires- — Les rayons médullaires sont en
majorité très larges possédant de 6 à 8 files de cellules; mais
quelques-uns, surtout à proximité des vaisseaux, sont très petits,
leur épaisseur n'étant que de 1, 2 ou 3 éléments cellulaires.
Ils sont également de faible hauteur et souvent tronqués en
biseau à une de leurs extrémités. Les cellules qui les forment
sont en général arrondies, empilées les unes sur les autres sans
déformation, laissant de nombreux espaces libres, et avec des
parois très épaisses (un tiers du rayon).
Elles sont en général de taille régulière, mais souvent on voit
en coupe tangentielle un des côtés du rayon, bordé d'une série
de cellules beaucoup plus grandes. Ces rayons sont générale-
5
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66 EN. PERROT ET G. GÉRARD.
ment au nombre de 4 i 5 par millimètre et leur écart ement
varie entre 200 et 500 [jl.
Fibres et parenchyme. — La plus grande masse du tissu
conjonctif est fibreuse, parsemée d*!lots de parenchyme lignifié,
quelquefois étalés en bandes et renfermant 1 ou 2 groupes de
vaisseaux.
Le rapport -p qui est en moyenne ^ montre bien la prédomi-
nance de Télément fibreux.
Les cellules lignifiées sont assez régulièrement disposées en .
files radiales, mais plus arrondies et n^ayant pa^ la forme net-
tement polygonale que Ton rencontre dans V Acacia Seyal par
exemple :
Elles sont en général 3 à 4 fois plus longues que larges,
presques toujours terminées brusquement et possèdent des
parois minces.
Les fibres longues en moyenne de iOOO [x ont un diamètre
variant de 7 à 9 [x, leur parcours est sinueux; les coupes
transversales les présentent avec des sections sensiblement
2
rondes, leurs parois très épaisses atteignent en général les ^
du rayon, ne laissant ainsi qu'un lumen très restreint.
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux est peu abondant et
réparti sur les coupes longitudinales par files de 7 à 8 cristaux.
Déterminations physiques et chimiques.
Le poids du mètre cube est généralement indiqué égal à
800 kilogrammes.
La densité que nous avons obtenue par la méthode du flacon
est égale à : 0,946 pour le cœur, 0,851 pour l'aubier.
j . . D cœur . . .
Leur rapport est : tt — r» — = 1,11.
Les réactifs ne donnent pas de taches coloriées nettement
distinctes.
Les décoctions aqueuses et alcooliques sont très peu colorées.
Le poids des cendres est de 1 gr. 70 p. 100.
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 67
Usages.
Cet ^cac/a donne des troncs assez droits, formés d'un bois dur
à grain fin et se travaillant bien; mais il se laisse attaquer
facilement par les vers et les termites.
Il est bon pour les meubles légers, les caisses d'emballage ;
on peut également Tutiliser pour la fabrication des pilons,
mortiers, calebasses, taparkas, manches de lances, fourches.
Sa racine en décoction fournirait un puissant taenifuge et
servirait au traitement de Tincontinence urinaire chez les
enfants.
La macération dans l'eau froide de la racine et du bois serait
un bon remède pour les uréthrites et la toux rebelle où elle
servirait d'expectorant.
Ses racines extrêmement longues donnent un bois dur et très
flexible, de couleur brun rougeàtre, les indigènes l'utilisent pour
la confection de manches de sagaies; il en font aussi des
manches de Gop (houe du pays) dans le Cayor.
ALBIZZIA ANTHELHINTHICA Brongn.
Synonymes. — Acacia anthelminlhica A. Rich. = Mttsenna antkelminthica
A. Rich. = Albizzia fioribunda Kotsch.
Nom français. — Moussena^ Gommier.
Noms indigènes. — Same; Ouloff : Deda; Falor : Ngorokolok,
Station. — Il pousse de préféreDce dans les terrains secs.
Distribution géographique. — U existe dans différentes contrées de V Afrique
tropicale : Sénégal et Gambie, Abyssinien région du Zambêze, Angola.
Caractères botaniques. — C'est un petit arbre atteignant au
Soudan de 4 à 6 m. avec un tronc de la*grosseur de la cuisse.
L'écorce présente une surface rugueuse, elle est peu épaisse.
Les feuilles sont composées, bipennées, on trouve en général
1 ou 2 paires de rachis secondaires portant chacun 4 à 8 folioles ;
ces dernières sont ovales, obtuses, glabres. Les fleurs, de teinte
verdàtre, sont réunies en capitules; ceux-ci, portés par des
pédoncules courts, sont groupés en ombelles.
Le fruit est un légume sinueux qui ressemble à celui du
Lebbecky mais de dimension plus faible.
-Caractères extériears. — Écorce. — L'écorce a de 3 à 5 mm.
d'épaisseur : elle est assez régulière et extérieurement de teinte
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68
EM. PERROT ET G« GÉRAHO.
brun clair; en coupe transversale, elle est brun noir et montre
à la périphérie une ligne claire fibreuse; elle est très adhérente
au bois.
Bois. — Ce dernier est compact, homogène, à grain fin,
serré, très fibreux ; sa couleur, analogue à celle du Buis, est
jaune pâle, des zones sont un peu indiquées, par une surabon-
dance des vaisseaux dans certains endroits.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux se présentent le plus souvent :
isolés ou groupés par deux : leur forme est assez irrégulière*,
F fô
Fig. 5. — AlLizzia anlheîminlhica Brongn. G. = 50; coupe transversale; p = 35"
leur diamètre est compris entre 100 et 170 jx et leur nombre par
mm. carré est en moyenne égal à 7.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont peu nom-
breux mais répartis d'une façon assez régulière; on en compte
8 à 6 par mm. et leur écartement oscille entre 180 et 250 u.
En épaisseur, ils sont généralement formés de 2 rangs de cel-
lules, quelquefois 3. Leur hauteur est beaucoup plus irrégulière
que dans VAlbizzta Lebbeck. On en voit souvent dont la section
tangentielle est étranglée dans son milieu, fait dû à la soudure
de deux rayons superposés.
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LÉGUMI!SË4JSES AFRICAINES. 69
Fibres et Parenchyme. — Le sclérenchyme ligneux est divisé
en îlots ou bandes de longueur variable réparties dans un reti-
culum irrégulier de tissu fibreux. La partie sclérenchymateuse
est formée d'éléments à section hexagonale assez régulière-
ment placés en files radiales les fibres sont petites, très épaisses
et généralement courtes (900 à 1000 [xj, leur diamètre est de
8 à 10 [JL. Dans la coupe transversale, le rapport p = -M, c*est-à-
sensiblement j.
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux peu abondant est
disséminé aux confins du tissu fibreux où il forme de courtes
séries verticales.
Zones saisonnières. — Les zones saisonnières sont peu
marquées.
Déterminations physiques et chimiques.
Par la méthode du flacon nous avons obtenu comme moyenne
de plusieurs déterminations : 0, 864.
La plupart des réactifs : potasse, perchlorure, hypochlorite,
donnent simplement des taches jaune d'ocre. L'eau iodée décèle
souvent de Tamidon en produisant une tache foncée. Les décoc-
tions aqueuses et alcooliques sont sensiblement incolores.
Le poids des cendres est de : 1 gr. 28 p. 100.
Usages.
Le bois, très dur et d'un grain fin et serré, se travaille assez
facilement, mais il est peu employé; YAlbizzia n'est en général
pas très abondant et il ne donne que des troncs de petite
dimension. Il est susceptible d'être utilisé en raison de son
homogénéité et de son tissu compact : il conviendrait bien pour
la confection de petits objets et pour le travail au tour.
Son écorce est vantée comme vermifuge et d'usage couran
en Abyssinie. Ses feuilles servent aux indigènes dans le panse-
ment des plaies de la tête.
Enfin il donne en assez grande abondance une gomme
qui ne serait point dénuée de valeur!
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70 Elf. PERROT ET G. GÉRARD.
ALBIZZIA LEBBECK WUl.
Synonymei. — Acacia macrophylla Bunge = Albizzia Lebbeck Ben th.
= Mimosa sirisêa Roxb. = M. frondosa Kleio.
Nom indigène. — Saer,
Station. — Terrains arides.
Distribution géographique. — V Albizzia Lebbeck se rencontre dans
V Afrique tropicale : Gambie, Femando-Pâ^ environs de Khartoum, dans Thémi-
sphère nord — et en Mozambique dans le sud; il croit également en Asie :
principalement dans les Indes anglaises.
Caractères botaniques. — Il se présente sous forme d'un
assez grand arbre, rameux, à cime dense. Ses branches, dont
les extrémités sont glabres, portent des feuilles composées pos-
sédant 6 à 8 paires de folioles elliptiques, oblongues, obtuses,
brièvement pétiolées. Ses fleurs sont pédicellées, réunies en
capitules. Son fruit est un légume aplati renfermant des graines
en nombre variable.
Caractères extérieurs. — Écorce. — L'écorce brune est
d'épaisseur moyenne, de texture fibreuse; elle se sépare assez
facilement du tronc.
Bols. — Le bois, dont la teinte variable est fréquemment brun
rouge très foncé, devient presque noir en vieillissant; il est veiné
et chagriné de lignes sinueuses plus foncées, très souvent inter-
rompues, correspondant au tissu fibreux, se détachant nette-
ment sur le fond plus clair du parenchyme.
Les sections radiales et tangentielles sont finement striées par
les alignements des rayons médullaires, nombreux et très régu-
lièrement disposés.
Le centre, plus foncé, forme un cœur à peine distinct.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont le plus souvent isolés; leur
section est généralement ovale; leur diamètre, assez constant,
est compris entre IBO et 200 [x; très distants les uns des
autres, ils sont en moyenne au nombre de 3 par millimètre
carré. Leur paroi cylindrique présente des ponctuations régu-
lières comme taille et disposition.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont généra-
lement au nombre de 6 par millimètre et leur écartement varie
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LÉGUMINKUSES AFRIGAINBS.
71
entre 70 et 300 [x. En coupe tangentielle, leurs sections sont
petites, comprenant le plus souvent en épaisseur 2 rangées de
cellules; très rarement on en rencontre 3. Leur hauteur est tou-
jours voisine de 100 [x.
Fibres et Parenchynne. — Les tissus fibreux et sclérenchy-
mateux sont formés d*éléments généralement petits irrégu-
liers comme taille et disposition; les fibres forment des bandes
sinueuses, d'épaisseur variable, interrompues fréquemment et
Fig. 6. — Albizzia Lebbeck Will. — G. :
50; coupe tangentielle; p = ^.
souvent anastomosées ou bifurquées, elles ont un parcours
sinueux. Leur longueur est de 1200 à 1500 [x et leur diamètre
de 6 à 8 [JL, leurs parois sont fortement épaissies. Les cellules
parenchymateuses, en coupe tangentielle, se présentent avec
des formes polygonales très irrégulières, généralement 2 fois
F '\Ç\
plus longues que larges. Le rapport p = ^.
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux y est peu abondant
et disséminé, formant en coupe longitudinale des alignements
constitués par un petit nombre de cristaux superposés.
Zones saisonnières. — On ne distingue pas de zones nette-
ment marquées dans ce bois.
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72 ËM. PERROT ET G. GÉRARD.
Déterminations physiques et chimiques.
Par la méthode du flacon, nous avons obtenu pour les échan-
tillons que nous avions entre les mains une densité égale à
0,793, chiffre un peu différent de celui de M. Grisard, qui indique
comme constantes :
Densité 0, 802; résistance à la rupture 0,737; élasticité 0,700.
Les oxydants font virer la teinte au brun violet puis au noir,
les autres réactifs ne dpnnent aucune modification intéressante.
Les décoctions alcooliques ou aqueuses ne présentent pas de
coloration marquée.
Le poids des cendres est de : 0 gr. 85 p. 100.
Usages.
Cet arbre donne un bois dur, à grain assez fin; il se conserve
assez bien, se travaille assez facilement et est susceptible de
prendre un beau poli. Sa texture, et Fenchevêtrement de ses
fibres en font un tissu compact et très résistant. Abrité, il est
d'une assez bonne conservation; mais quand il est exposé aux
intempéries, il ne résiste guère plus de de dix à quinze ans. Il
présente assez souvent des défauts dus à la présence de gout-
tières. De plus, il possède un aubier inutilisable se laissant atta-
quer par les vers peu de temps après Tabattage.
Les indigènes en font des pilons pour écraser le sel, le sucre et
les graines en vue de l'extraction de Thuile qu'elles renferment.
Aux Indes, on l'utilise dans la construction des bateaux. A la
Réunion, il est ti'ès employé et rentre dans la confection des
moyeux et jantes de roues; on l'utilise également pour l'ébénis-
terie, le travail au tour, la menuiserie, les instruments aratoires,
les membrures de bateaux, etc.
BAUHINIA RETICULATA DC.
Synonymes. — Bauhinia inermis Forsk. = B. Thonningii Schum. = B, lama-
rindicea Delile = B. platysUiqua Perr.
Nom français. — Niama.
Noms indigènes. — OulolT : N*Guiguis, Ghighis; Toucouleurs : Barkehi,
M*Barquehi, Barkevi] Sarakiiollé : Yafé; Kassonké : Faro; Malinké : Marna;
Bambara : Niama; Ouassalou : Niama; Serère : Ngayo; Diola : Boufdlal; Arabe :
Babel; Falor : Goguél; Sonhraï : Fara-Fara.
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 73
Station. — On le rencontre principalement au voisinage des marigots, il est
aussi très commun dans les taillis.
Distribution géographique. — Très répandu dans VAfrique occidentale où
il s'étend à la fois sur les zones soudaniennes et sahéliennes, c'est-à-dire de 12*"
à 19^ de latitude nord. Il a été signalé en particulier au bord des eaux de la
région de Tombouc/ou, de Kabarah^ d'Amassy, près du marigot de Goundam^ à
El Ouladji aux environs du marigot des Maringouins, à Bakel à Sumpi. 11 est
également très commun dans la région sénégalaise dans la Guinée el la côte
d^Iooire.
Caractères botaniques. — C'est en général un arbre de taille
moyenne de 6 à 10 mètres, rameux, à écorce extérieurement
gris cendrée, il est facile à reconnaître au premier abord à ses
feuilles. Ces dernières sont coriaces vert sombre, généralement
bifides, réniformes, palminerves, à disposition alterne, et pour-
vues d'un pétiole court; les nervures sont très apparentes à la
face supérieure.
Les Qeurs sont blanches ou rose pâle et disposées en petites
grappes le long des branches; elles possèdent un calice infundi-
buliforme à cinq dents, 5 pétales et 10 étamines basi-mona-
delphes; Tovaire est linéaire tomenteux.
La floraison a lieu en octobre et mars.
Les fruits du Bauhinia reticulata sont axillaires et se présen-
tent sous forme de longues gousses aplaties, arquées, veloutées,
indéhiscentes.
Les graines sont noyées dans une pulpe coriace et portées par
unlongfunicule.
Les végétaux de cette espèce, qui croissent au nord du Soudan
et qui s'avancent sur les dunes désertiques, prennent un aspect
bien différent : les feuilles diminuent de taille, Télongation
annuelle se réduit considérablement et si Ton ne rencontrait en
traversant les régions intermédiaires tous les types de transition,
on pourrait être tenté de faire de ces plantes des espèces diffé-
rentes.
Caractères extérieurs. — Écorce. — Le tronc ou les grosses
branches du Bauhinia sont couvertes d'une écorce adhérente
d'épaisseur moyenne (environ 5 mm.), extérieurement de teinte
brun clair tachetée de gris cendré; elle présente en coupe trans-
versale une couleur régulière brun noir.
Bois. — Le bois est dur, compact, homogène, très fibreux.
Sa couleur est brun cannelle plus ou moins foncé, présentant
seulement de fines ponctuations plus claires réparties assez
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74 Elf. PERROT ET G. GÉRARD.
régulièrement sur toute la surface de la coupe transversale.
Quelques zones sont faiblement marquées par une teinte légè-
rement plus foncée estampée et décroissant sur ses bords.
Les échantillons de grosses branches que nous avons eus entre
les mains présentaient des anomalies de développement ayant
déterminé la formation de dépressions internes, donnant a la
coupe transversale et aux zones marquées à sa surface, un
aspect tourmenté tout à fait spécial.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont généralement isolés, quel-
quefois groupés par deux, rarement plus. Leur forme, assez
irrégulière, est plus souvent ovale (rapport des diamètres 1 à 1 ,5) ;
leur grandeur varie de 50 à 100 et même 150 [x. Dans les diffé-
rentes régions des coupes, leur nombre variait de 8 à 10 par
millimètre carré.
Rayons médullaires — Les rayons médullaires comprennent
généralement une seule cellule en épaisseur, quelquefois 2,
jamais 3. Leur hauteur est très variable; ils possèdent en
moyenne de 4 à 8 cellules, mais quelques-uns d'entre eux for-
ment de véritables lames verticales s'enfonçant à travers les
tissus et possédant jusqu'à 30 cellules superposées dans le sens
longitudinal.
Les rayons médullaires sont nombreux (on en rencontre en
moyenne 16 sur un millimètre de coupe) et leur écartement,
faible, varie entre 20 et 80 |x.
Ces éléments, examinés en coupe longitudinale tangentielle,
sont formés de cellules arrondies, à membranes assez épaisses,
se présentant sous deux aspects différents.
Les rayons médullaires que Ton rencontre dans le parenchyme
ligneux sont terminés généralement par une grosse cellule de
forme arrondie ou ovale.
Dans les régions Gbreuses, au contraire, les cellules terminales
s'effilent et se terminent par une sorte de fer de lance.
Ces deux sortes de rayons, correspondant les uns à la région
fibreuse, les autres à la zone parenchymateuse vasculaire du
bois, se distinguent aisément, dans la figure 7, en coupe longi-
tudinale tangentielle.
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES^
75
Fibres et Parenchyme. — La masse du bois est constituée par
des quantités à peu près équivalentes de fibres et de cellules
parenchymateuses. (Rapport p = rsh
Le parenchyme est réparti en îlots ou bandes plus ou moins
allongées, irrégulières, souvent renflées en épaisseur dans les
régions qui renferment des vaisseaux. Les cellules de ce tissu
sont assez grandes et généralement rangées régulièrement.
Les fibres, au contraire, sont de petit diamètre, 6 à 8 |x, irré-
Fig. 1. — Bauhinia reticulata DC.
G. : 300; coupe longitudinale tangen-
tielle.
Fig. 8. — Bauhinia reticulata DC.
F 55
G. : 50; coupe transversale; p = ^•
gulières de grosseur; la section transversale est arrondie et les
1 1
parois très épaisses ont une épaisseur égalant ^ à » du rayon,
leur longueur est de 1 200 à 1 500 jjl en moyenne.
Oxalate de chaux. — Les cristaux d'oxalate de chaux, assez
peu nombreux, se rencontrent çà et là sur la coupe transversale
et paraissent réunis en files dans les sections longitudinales.
Ce bois de Bauhinia présente donc un aspect tout à fait parti-
culier, caractérisé par le grand nombre et la faible épaisseur de
ses rayons médullaires, lesquels possèdent des cellules à mem-
brane légèrement épaissie, comme aussi par son grain serré et
ses fibres fines à parois très épaissies.
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76 EN. PËKROT ET G. GÉRARD.
Ces différentes particularités en font un bois à grain fin,
serré, homogène de structure, résistant dans toutes les direc-
tions et se fendant difficilement, car ses rayons médullaires
forts et nombreux réunissent solidement ses éléments dans le
sens radial.
Déterminations physiques et chimiques.
La densité, déterminée par la méthode du flacon, a été trouvée
égale à 0,707. Le poids antérieurement établi du mètre cube est
de 690 kilogrammes.
La potasse forme une tache brune foncée; le perchlorure de
fer amène une coloration verdàtre assez intense, les autres
réactifs ne donnent aucun changement bien marqué. La décoc-
tion aqueuse est jaune ambrée et Talcool prend, par ébullition
avec ce bois, une teinte jaune pâle. Le poids des cendres est de :
2 gr. 15 p. 100.
Usages.
Différentes parties de cet arbre sont employées par les indi-
gènes :
Ses feuilles jeunes, pilées et bouillies, donnent un liquide
acide employé pour la coagulation du latex des Landolphia.
Celles des jeunes rameaux sont mangées par les troupeaux
(vaches, moutons, chèvres).
L'écorce du tronc et des grosses branches, divisée en lan-
nières, fournit aux gens des liens solides qui servent pour les
assemblages de leurs cases.
D'autre part, certaines vertus médicinales sont attribuées à ces
différentes parties. Les feuilles constitueraient un expectorant;
les infusions d'écorce, employées lièdes, seraient un excellent
remède contre les maux de dents. La poudre que Ton trouve
sur la surface externe du fruit serait enfin très précieuse comme
pansement des plaies.
Le bois, assez dur, se travaille cependant facilement, mais,
d'après les renseignements fournis dans le pays, il se laisserait
attaquer par les vers et les termites?
On remploie fréquemment pour Tébénisterie, la menuiserie
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 17
fine, la charpente, le charronnage, les constructions navales
(pirogues), pour la fabrication des mortiers, pilons, taparkas
en raison de son homogénéité et de sa dureté.
Les petites branches sont employées par les soudanais comme
sokios (brosses à dents).
Cette espèce ligneuse semble devoir être destinée surtout à la
petite charpente ç t à la menuiserie.
BAUHINIA RUFESCENS Lam.
Synonymes : Baùhinia Adansoniana G. et P. = B. rubescens Pers.
Nomi indigènes. — OulofT : Banda, Band; Toucouleur : Samare, Samnri-
Bambara : si filé, sifili.
Station. — Le Baùhinia rufescens croit de préférence dans les endroits bas,
marécageux; il est aussi assez commun dans les dunes quand elles se trouvent
à proximité des eaux.
Distribution géographique. — \\ est asse^ commun dans la Sénégambie et
la région de Tomboucloa; il a été signalé aussi dans le Oualo sur les rives du
Sénégal, à Amassy, h. Goundam; aux lacs Faguibine et Horo, à Bas-eUMâ, à
Sumpi, dans la Nubie, le Sennaar, VAbyssinie, le Barh-el-Abiad. Il est indiqué
par M. Chevalier comme ayant une aire de dispersion correspondant assez
nettement à la zone soudanienne.
Caractères botaniques. — C'est un arbre de petite taille
atteignant 6 à 8 m. de haut.
Ses feuilles sont petites, en forme de cœur, bifides; une
variété possède des feuilles séparées seulement jusqu'à la moitié
du limbe.
Les fleurs sont blanches, très odorantes, réunies en épis; la
floraison a lieu en octobre et en mars. Les fruits se présentent
sous forme de gousses noires, étroites, contournées sur elles-
mêmes et divisées par des étranglements en 8 à 10 articles ren-
fermant chacun une graine.
Quand on arrive aux confins des régions désertiques, on le
trouve sous un aspect un peu différent; il forme alors des
arbustes rabougris, tortueux, couverts d'épines. Leur petite
taille est alors due à une diminution de Télongation annuelle.
Caractères extérieurs — Écorce. — Les grosses branches et
le tronc possèdent une écorce de moyenne épaisseur (environ 5
à 1 mm.), extérieurement adhérente, de teinte extérieure brune
foncée tachée de gris. En coupe transversale, elle est brun noir
avec une zone externe plus claire.
Bols. — Le bois du Baùhinia rufescens est très dur, homo-
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78
KM. PERROT ET G. GÉRARD.
gène, compact, son grain est fin et serré; sa teinte varie du
brun jaune cannelle au brun foncé et sa coupe transversale est
semée de fines ponctuations claires; les zones sont peu
apparentes.
Les échantillons que nous avons reçus ont une section trans-
versale irrégulière avec de nombreuses dépressions, dénotan
une torsion des branches auxquelles ils appartenaient, leur
aspect est un peu comparable à celui des tiges des grosses lianes.
Examen microscopique.
Vaisseaux* — Les vaisseaux sont isolés ou réunis par 3 ou 4,
et généralement ces groupes sont formés d'une série de petites
F 50
Fig. 9. — Bauhinia rufescens Lam. — G. : 50; coupe transversale; p = ^.
trachéides accompagnées de 1 ou 2 gros vaisseaux ; assez fré-
quemment toutefois, des vaisseaux de diamètre plus petit sont
groupés en files radiales et plus ou moins accolés directement
les uns aux autres : dans ce cas leurs sections transver-
sales sont très irrégulières et à contour sinueux. Leur dia-
mètre varie entre 20 et 100 [jl et leur nombre peut atteindre 28
par mmq.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont égale-
ment nombreux : environ 12 par mm., leur écartement varie de
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. ' 79
20 à 150 [X et leur épaisseur est de 1 ou 2 rangs de cellules;
en hauteur, ils comprennent en moyenne de 4 à 7 cellules.
Fibres et parenchyme. — Le tissu conjonctif est formé par
du parenchyme liquéfié à membranes minces, coupé de place en
place par des bandes fibreuses, irrégulières, sinueuses, souvent
anastomosées : c'est uniquement dans les îlots sclérenchymateux
ainsi circonscrits que sont localisés les vaisseaux- Les fibres
sont longues (1 100 à 1 600 jx), leur diamètre varie généralement
entre 6 et 8 [x, et leurs parois sont très épaisses atteignant 1/3
à 1/2 du rayon; le rapport p est en moyenne égal à : ^.
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux, disséminé en coupe
transversale le long des régions fibreuses, forme longitudinale-
ment des séries assez longues de cristaux superposés sans
interruption.
Déterminations physiques et chimiques.
La densité déterminée au flacon a été trouvée égale à 0,713.
La potasse donne une tache brune; le perchlorure de fer
produit un noircissement interne, décelant ainsi de fortes pro-
portions de tannin ; les autres réactifs ne donnent aucune modi-
fication sensible. Les décoctions aqueuses et alcooliques sont
jaunâtres. Le poids des cendres est de : 3 gr. 60 p. 100.
Usages.
Le bois fourni par le Bauhinia rufescens est très dur, à grain
Qn et homogène, il présente une grande analogie avec celui du
Bauhinia reticulata et il est susceptible de répondre aux mêmes
usages.
Les indigènes ont recours surtout à son écorce qui leur
fournit des liens pour monter leurs cases. Elle leur est utile
également pour tanner les cuirs et constitue pour eux un excel-
lent remède contre la dysenterie, la petite vérole, la lèpre,
vraisemblablement en raison des matières tanniques qu'elle
renferme.
La racine est employée dans les fièvres intermittentes et la
décoction des feuilles est usitée dans les maladies des yeux.
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80 * EH. PERROT ET G. GÉRARD.
BERLINIA ACUHINATA Benth.
Nomi indigènei. — OuIofT : Sa; Toucouleur : Sô; SarakhoIIé : Sô; Kassonké :
Sô; Malinké : Sd, Sau; Bambara : Sô; Ouassalou : Sô.
Station. — II pousse dans tous les terrains, mais il présente plusieurs
variétés correspondant aux endroits secs ou humides; il est commun surtout
près des marigots et pousse généralement par groupes compacts.
Distribution géographique. ~ On le rencontre dans le Sénégal et le
Soudan (environs de Siguiri^ Balaniy etc.) en Sierra- Leone^ dans le Cameroun,
au Gabon et dans le Mozambique sur les rives de la Rovuma.
Caractères botaniques. — C'est un arbre de 15 à 20 m. dont
le tronc atteint en diamètre de 50 à 90 cm. et s'élève générale-
ment droit; sa cime est régulière, étalée, formée de rameaux
longs.
Son écorce est extérieurement gris cendré ; elle est fendillée
et se détache par plaques.
Il possède des feuilles opposées, paripennées, formées de 3
à 6 paires de folioles elliptiques-oblongues, coriaces, de teinte
vert tendre, luisantes sur la face supérieure ; les nervures sont
peu apparentes, minces, arquées, et fourchues aux extrémités.
Ces feuilles apparaissent en février.
Les fleurs sont en grappes terminales, simples ou composées;
elles possèdent un involucre de bractéoles; leur ovaire est
stipulé, tomenteux avec un style long et glabre.
Le fruit est un légume long, de teinte marron foncé, renfer-
mant des graines plates, de forme lenticulaire; il n'est pas
comestible.
Caractères extérieurs. — Écorce. — L'écorce est irrégulière;
dans sa région externe, on remarque des lignes claires sinueuses,
souvent interrompues et formées par la section de régions
fibreuses; le liber est assez épais et parsemé de points clairs.
Bols. — Le bois du Berlinia acuminata est compact, homo-
gène, à grain fin et serré; il présente des zones faiblement
marquées. Sa teinte générale est jaune d'ocre, avec un léger
pointillé plus clair.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont le plus souvent isolés, leur
section est ronde, leur diamètre, très irrégulier, varie de 50 à
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 81
150 [jl; ils sont généralement répartis au nombre d*une dizaine
par millimètre carré.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires, peu nombreux
(6 à 7 par millimètre), sont distants de 50 et 250 jx. En épais-
seur ils ne possèdent, sauf de très rares exceptions, qu'une
seule cellule et en hauteur 6 à 8, quelquefois même jusqu'à 15.
Ces cellules sont très irrégulières et en coupe tangentielle,
certaines sont de 2 à 3 fois plus larges que les autres.
Fibres et parenchyme. — Le tissu conjonctif est formé par
un réliculum fibreux entourant de petits îlots de tissu liquéfié
renfermant un ou plusieurs vaisseaux. Les fibres sont longues
(1 500 à 1 800 jx) et larges de 8 à 10 \k avec des membranes très
épaissies atteignant facilement les 2/3 du rayon, les cellules
parenchymateuses sont aussi très irrégulières.
T , F 50
Le rapport p = g^.
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux est assez abondant
dispersé aux bords des parties fibreuses; il forme souvent des
séries verticales assez importantes.
Déterminations physiques et chimiques.
La densité a été trouvée égale à 0,649,
Parmi les réactifs signalés, la potasse amène la formation
d'une tache brune; les autres ne produisent aucune modification
sensible. L'eau donne une décoction rose pâle, l'alcool se colore
très peu en présence de ce bois. Le poids des cendres est de :
1 gr. 85 p. 100.
Usages.
Le tronc du Berlinxa acuminata donne un bois léger et assez
fibreux, mais se travaillant bien; malheureusement il se laisse
facilement attaquer par les vers et les termites, et l'aubier en
particulier se pique très vite. Les indigènes en font des meubles,
des charpentes, des piliers de cases.
Il peut être avantageusement utilisé pour l'ébénisterie, la
charpente, la grosse menuiserie, le charronnage, les construc-
tions navales : bordages et membrures.
6
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%'/ ^.'
82 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
Les feuilles et l^écorce bouillies seraient un remède contre
les courbatures.
BURKEA AFRICANA Hook.
Distribution géographique. — Le Burkea africana se rencontre dans la
région du Niger^ et dans VAngola.
Caractères botaniques. — C'est un arbre de 10 à 15 m.
se terminant en une cime touflue portée par des branches fortes.
Les feuilles se réunissent plus abondamment à Textrémité
des branches; elles sont composées et les folioles sont portées
par desrachis glabres. Les fleurs sont d'un blanc éclatant, elles
sont nombreuses et réunies également à l'extrémité des
rameaux.
Le fruit est un légume allongé, de couleur brune renfermant
plusieurs graines légèrement comprimées.
Caractères extérieurs. — Écorce. — L'écorce, assez adhé-
rente au bois, est d'une épaisseur moyenne, 5 à 7 mm. irrégu-
lière, formée en coupe transversale d'une zone interne foncée et
d'une région externe plus claire coupée de une ou deux lignes
fibreuses blanchâtres, légèrement sinueuses.
Bols. — Le bois est très fibreux, mais il se fend assez faci-
lement; sa teinte générale est brun clair et il présente une
fine striation due à des lignes légèrement sinueuses, et paral-
lèles. De place en place, on perçoit une ligne circulaire plus
foncée formée d'une série de points bruns correspondant à
chaque espace interradial. Nous verrons que ces formations ne
sont autres que des séries de lacunes gommeuses.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont généralement isolés ou
groupés par 2 ou 3, la forme de leur section est très irrégu-
lière, mais leur diamètre petit est généralement compris entre
20 et 100 [JL, leur nombre par mmq. est variable, mais le plus
souvent faible (5 à 6). La paroi de ces vaisseaux est couverte de
larges ponctuations claires séparées seulement par un mince
réticulum épaissi.
Rayons médullaires- — Les rayons médullaires sont au
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LEGUMINEUSES AFR1CA1?(ES.
83
nombre de 10 à 12 par mm. et leur écarlement varie de 50 à
150 [ji. En section tangentielle on en distingue facilement deux
séries : des petits n'ayant que 1 ou 2 cellules d'épaisseur et d'au-
tres grands en possédant 5 à 6 avec une hauteur de 400 à 700 |x.
Fibres et parenchyme. — Le tissu intermédiaire est formé de
bandes parallèles et sensiblement égales formées alternative-
ment de fibres et de sclérenchyme, leur épaisseur est assez
Fig. 10. — Burkea africana Hook. — G. : 50; coupe transversale. S = |^-
A droite, lacune à gomme avec cellules à tannin sur le pourtour. G. : 300.
régulière et généralement comprise entre 50 et 80 \i. Le rap-
^ F 50
portp = gg.
Les cellules sclérenchymateuses sont très irrégulières comme
forme et grandeur en section transversale. Les fibres atteignent
en moyenne 1 500 à 1 900 [jl avec un diamètre variant entre 10
et 12 [x.
Les parois de ces dernières, très épaisses atteignent 1/2 à
2/3 du rayon.
Zones saisonnières- — Des zones sont assez nettement indi-
quées par des lignes concentriques de tissu présentant de nom-
breuses lacunes à gomme; dans ces régions, généralement
étroites, on voit le^ vaisseaux, remplis plus ou moins complè-
tement par des matières gommeuses, et le tissu parenchyma-
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'^'^T^-?' •-/■«■>
1 1
i 1
i
84 £M. PERROT ET G. GÉRARD.
I i teux semé de séries ininterrompues de lacunes correspondant à
chaque espace interradial. Quelquefois, toute une bande de tissu
ligneux comprise entre deux bandes fibreuses est entièrement
détruite ; seules quelques rangées de cellules entourent la masse
gommeuse, et souvent celles qui forment la bordure se séparent
de leurs voisines et s'isolent dans l'intérieur de la lacune ou
elles vont se dissocier peu à peu par gélification de leurs parois.
i Cette gommose est donc absolument analogue à celle que
! Ton observe chez nos Rosacées indigènes. Nous insistons prin-
cipalement sur cette disposition en zones concentriques qui
montre que la formation de la gomme a lieu à intervalles
réguliers, probablement une ou deux fois par an, suivant la
succession des saisons, comme dans nos arbres fruitiers où le
tissu atteint en premier lieu par cette dégénérescence, est tou-
i jours le parenchyme printanier.
i Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux se trouve disséminé
î i sur la coupe transversale et disposé surtout dans les cellules
! avoisinant les plages fibreuses. Les cristaux sont groupés en
! séries verticales plus ou moins nombreuses.
! Amidon. — L'amidon se rencontre en assez grande abondance
dans les cellules sclérenchymateuses.
I Déterminations physiques et chimiques.
La densité de ce bois par la méthode du flacon est de 0,677.
. i La potasse amène la formation d'une tache brun foncé, le
perchlorure de fer donne une teinte verte et l'iode une légère
! coloration bleu foncé; par l'eau et par l'alcool, on obtient des
décoctions légèrement teintes eu brun.
Le poids des cendres est de : 3 gr. 25 p. 100.
Usages.
Le Burkea africana fournit un bois à grain assez fin, serré,
mais qui se laisse facilement attaquer par les vers et les ter-
mites ; il est fibreux et se fend facilement ; il est peu usité par
les indigènes.
Il peut cependant être employé pour la grosse menuiserie et
la charpente légère.
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LÉGUMINEUSES ÀFRICAIISES. 85
CASSIA SIEBERIANA DC.
Synonymes. — Cassia Javanicae affinis Benth.
Nom français. — Sinya.
Noms indigènes. — OulofT: Sendiegney Sindiègne; Toucouleur : Sindiangue;
Sarakhollé : Singuian; Kassonké : Singuian; Malinké : Singuian Sindia;
Barabara : Singuia, Sindian; Ouassalou : Singuia; None : Sélé; Diola : Kaseil;
Falor : Thidiaye; Soussou : Bangboîia,
Station. — Le Cassia Sieberiana croît de préférence dans les terrains secs.
Distribution géographique. — On le rencontre assez communément dans
le Haut-Sénégal et au Soudan^ en particulier dans le Cayor et le territoire de
SietTa- Leone.
Caractères botaniques. — C'est en général un petit arbre
rameux possédant une cime dense, régulière, arrondie, formée
de rameaux nombreux, enchevêtrés : garnis d*un feuillage
abondant. Il atteint fréquemment 5 à 7 m. de haut et son tronc
va jusqu*à 35 cm. de diamètre. Il possède une écorce mince
ayant environ 5 à 7 mm. d'épaisseur présentant une couche
épidermique sépia ou grisâtre.
Ses feuilles sont opposées, paripennées, obtuses, presque
sessiles avec une nervure médiane peu apparente et des
nervures secondaires pennées; elles possèdent des stipules
linéaires dressés.
Il porte des grappes pendantes, axillaires, terminales, de .
fleurs jaune orangé vif, possédant 5 sépales, S pétales et
10 étamines libres et pourvues de longs pédoncules; elles exha-
lent une odeur agréable. La floraison a lieu en mars-avril.
Le fruit se présente sous la forme d'une gousse longue,
arrondie, noire, légèrement arquée, et pendante; ses dimen-
sions sont : 50 mm. sur 15 en moyenne.
Extérieurement, il ressemble à la Casse des Antilles. Des
graines noires, nombreuses, sont logées à l'intérieur au milieu
d'une pulpe noire, pâteuse et légèrement sucrée.
Ce fruit n'est pas comestible.
Caractères extérieurs. — Écorce. — Son écorce présente
assez nettement en coupe transversale deux zones sensiblement
égales : l'une externe brun rouge clair, l'autre interne foncée,
de couleur sépia et mouchetée de points clairs correspondant
aux sections des paquets fibreux disséminés dans sa masse.
Bois* — Le bois est très dur, très fibreux, homogène et de
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86 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
grain assez fin et serré, sa teinte est jaune d'ocre pointillé de
clair.
Les zones sont peu marquées.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont irrégulièrement groupés :
tantôt isolés, tantôt par deux ou trois, quelquefois même ils
forment des groupes beaucoup plus nombreux. La forme de
Fig. li. — Cassia Sieberiana DG. G. : 50; coupe T.
F 40
2 aspects de la coupe transversale : moyenne de ^ = -t.
leur section transversale est assez nettement circulaire surtout
chez ceux qui sont isolés. Leur diamètre varie entre 40 et 130 a,
mais en général il est très voisin de la moyenne 120 [x. Leur
nombre est de 15 à 17 par mm. carré.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont assez
régulièrement formés de deux rangs de cellules en épaisseur,
très rarement on en trouve trois et bien peu nombreux sont
ceux qui n'en possèdent qu'une rangée.
On en rencontre en moyenne de 7 à 8 par mm. et les cellules
qui les forment sont fréquemment remplies de matières con-
crètes et leurs parois très légèrement épaissies.
Fibres et parenchyme. — L'aspect général du tissu con-
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LÉGOMlPÏEnSRS AFRICAINES. 87
joDctif varie un peu suivant les régions : tantôt ce sont de
grands Ilots parenchymateux renfermant un ou plusieurs vais-
seaux, souvent aussi les bandes fibro-sclérenchyinateuses
s'étalent, se ramifient, se rejoignent, formant une sorte de
réticulum très irrégulier.
F
Le rapport p se maintient cependant assez constant aux
environs de^. Les cellules sclérenchymateuses sont en
général disposées assez régulièrement en files radiales; en coupe
longitudinale, elles se présentent avec une hauteur ne dépassant
guère 3 fois leur diamètre et elles sont généralement terminées
carrément à leurs extrémités.
Les fibres sont de longueur moyenne, généralement 1 200 à
i 300 [JL, et leur largeur atteint généralement 8 à 10 [i., leurs
sections transversales sont le plus souvent polygonales avec les
angles arrondis. L'épaisseur de leurs parois varie entre « et s
de leur rayon.
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux se présente dissé-
miné dans les coupes transversales et réuni par files dans les
sections longitudinales.
Déterminations physiques et chimiques.
Le poids du mètre cube est donné comme égal à 504 kilogr.
Nous avons trouvé comme densité : 0,818 sans pouvoir expli-
quer cette énorme différence autrement que par une erreur.
La potasse donne une tache brun foncé; les autres réactifs
ne fournissant aucune particularité importante. Le poids des
cendres est de : 1 gr. 49 p. 100.
Usages.
Cet arbre donne un bois souvent un peu tors, assez dur i
travailler mais ne se laissant pas attaquer par les vers ni par
les termites. Les indigènes l'emploient pour la fabrication des
meubles et de différents bibelots.
Il sera surtout précieux pour la charpente, le charronnage
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^
88
EM. PERHOT ET G. GÉRARD.
(moyeux, rayons de roue), la menuiserie et Tébénisterie, pour
le travail au tour, la fabrication des manches d'outils, des
taparkas, pilons, mortiers, moules pour mesurer le mil.
Ses feuilles sont données en infusion contre le rhume; en
boisson, en bains, en massages contre les maux de reins. Sa
racine en macération est employée comme purgatif; en boisson
et additionnée de ferbouki, elle constituerait un excellent
remède contre les maladies des voies urinaires ; un verre chaque
matin aiderait la guérison de la blennorrhagie.
ir;;'/
i:.:-
DALBERGIA HELANOXTLON Guill. et Perr.
Noms français. — Ebénier du pays, Ebénier du Sénégal^ Ebénier de Sierra^
Leone,
Nom anglais. — African grendilla-Wood,
Noms indigènes. •— OulofT : Guelembann; Toucouleur : Ko/fé; Rassonké :
Koffo; Malinké : Ko/fo; Bambara : Koffo\ Ouassalou : Iri-fin.
Station. — Il crott facilement dans tous les terrains.
Distribution géographique. -— Rare dans la forêt des Nones, il est par
contre très abondant dans le Oualo et sur les bords du fleuve Sénégal, On le
rencontre aussi dans le Sénégambie, le Sennaarf la Nubie j bord du Nil blanc^
VAbyssinie et le Mozambique.
Caractères botaniques. — C'est un arbre de 12 à 15 mètres
de hauteur, rameux, à cime irrégulière, étalée. De nombreuses
épines réparties sur ses branches sont dues à la transformation
de rameaux avortés.
Les feuilles sont alternes, imparipennées ovales, brièvement
pétiolées, les stipules sont caduques.
Les fleurs jaunes, petites, sont groupées en grappes terminales
axillaires. Elles possèdent un calice à 5 dents, une corolle
papillonacée et 10 étamines monadelphes. La floraison a lieu
d'octobre à février (G. et P.).
Le fruit est un légume long, stipité, comprimé, samaroïde,
indéhiscent, renfermant généralement une graine comprimée
réniforme. Il n'est pas comestible.
Caractères extérieurs. — Écorce. — L'écorce est mince,
généralement elle ne dépasse pas 1 à 2 millimètres. Sa couche
externe est gris cendrée.
Bois. — Le bois est dur, de teinte noirâtre et finement cha-
grinée de brun.
{■^
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 89
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont très irrégulièrement distri-
bués et souvent ils marquent, par leur abondance variable, des
zones nettement visibles au microscope. Leur diamètre est géné-
ralement voisin de 200 [x et leur nombre varie entre 2 et 12 par
millimètre carré. Quelquefois ils sont groupés par deux ou trois,
mais le plus souvent on les rencontre isolés les uns des autres.
Beaucoup d'entre eux sont obstrués plus ou moins complètement
par des matières noires qui contribuent à donner au bois du
Dalbergia sa teinte foncée.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont assez
régulièrement distants les uns des autres, on en rencontre en
moyenne 10 par millimètre. En épaisseur ils possèdent généra-
lement 4 à 6 rangs de cellules dans leur partie moyenne.
Fibres et Parenchymes. — Les fibres sont fines, à parois
très épaissies et le plus souvent imprégnées de matières tan-
niques. Le tisSu sclérenchymateux très abondant est formé de
cellules irrégulières comme forme et grandeur.
Zones saisonnières. — Les zones, marquées surtout par une
variation dans l'abondance des vaisseaux, sont surtout visibles
dans le bois de la région centrale, mais beaucoup moins nettes
dans le bois périphérique.
Déterminations physiques et chimiques.
Immergé dans l'eau ou dans Talcool, il cède à ces liquides
beaucoup de matière colorante. Sa décoction dans l'eau pos-
sède une teinte brun vert. Dans l'alcool, il donne une teinte
allant du rouge brun jusqu'au noir.
Il brûle facilement avec une flamme fumeuse.
Usages.
Cet arbre donne un bois dur, très dense, à grain fin et serré,
sa surface prend facilement un beau poli et est froide au toucher,
ce qui marque bien sa ressemblance avec le véritable ébène.
Il se travaille difficilement et ne se laisse pas attaquer par les
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90 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
vers ni par les termites. Il est bon pour Tébénisterie, la tablet-
terie. On l'emploie surtout pour faire des coupe-papiers, des
tampons, des peignes, des épingles à cheveux. Il se prête éga-
lement au travail au tour pour des objets de petites dimensions :
cannes, grains de chapelet.
Les indigènes du Soudan lui attribuent un pouvoir assez inat-
tendu. Un morceau de Guilemban et un autre de bambou, longs
tous deux de 5 centimètres, sont réunis dans un sachet que Ton
suspend au cou : dans ces conditions, ce serait un remède contre
la prodigalité! ♦
DANIELLA THURIFERÂ John Bennet.
A été nommé inexactement Omphalobium par le P. Sbbire.
Noms indigènes. — Oulofî : Scmtan; Toucouleur : Bamout; Sarakhollé :
Santangiie; Kassonké : Sanan; Malinké : Sanan; Bambara : Senar; Ouassalou :
Sanan-y Diola de Casamance : Boubalinangou; Salante : Boldi\ Senoufa: Seligué.
C'est Varbre à encens de Sierra Leone.
Station. — Cet arbre croît par individus isolés ou plus souvent par futaies
presqueexclusivement constituées par cette espèce. On le rencontre en particulier
dans la brousse et les savanes de la zone soudanienne où il est surtout abondant
sur les pentes des plateaux ferrugineux. Il croît aussi, mais en plus petite
quantité, dans les mêmes terrains de la zone Guinéenne.
Distribution géographique. — Il a été rencontré dans le Fouta-Djallon,
la Gambie^ le bassin de la Casamance depuis Fogny et Ziguinchor jusqu'à Yadne
et Fouladougou; dans le Soudan français : Haut Sénégal^ la boucle du Niger
jusqu'à Sansanding et la Haule-VoltOy Tancien pays de Samory; dans la Ste/ra-
Leone; Femando-ROy la Haute Côte d'Ivoire et le Haut-Congo.
Caractères botaniques. — Le Daniella thurifera se présente
sous forme d'un arbre de grande taille atteignant fréquem-
ment 30 à 35 mètres de hauteur avec un tronc dont le dia-
mètre varie de 0,80 à 2 m. 50. Ce tronc est généralement droit,
cylindrique et se dresse souvent jusqu'à 8 mètres de hauteur
sans rameaux. La cime, assez serrée, est formée de branches
dressées, fastigiées.
L'écorce est extérieurement rougeâtre, tachée de gris cendré
et possède un liège qui se sépare par petites écailles, les jeunes
rameaux sont grisâtres.
Les feuilles sont composées et possèdent 5 à 6 paires de
folioles dont la base voisine du rachis forme un renflement
moteur.
Les jeunes feuilles sont velues, iomenteuses, leur teinte est
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LÉGnMII<lEUSES AFRICAINES. 91
vert rosé, puis elles deviennent ensuite glabres et coriaces ; la
nervure médiane est saillante, lés secondaires peu apparentes.
Ces folioles sont parsemées de ponctuations translucides cor-
respondant à des poches sécrétrices dispersées dans l'intervalle
des nervures. Le rachis se recouvre de bonne heure d'une fine
couche de liège. La chute des feuilles a lieu en décembre-janvier
et elles réapparaissent en février-mars.
Laûoraison a lieu de janvier à mars. Les fleurs sont blanches
et se présentent en grosses touffes terminales ayant la forme
d'une ombelle très aplatie.
Le fruit est un légume plat, foliacé, stipité, subfalciforme,
coriace, et renfermant une graine également très aplatie ; il
n*est pas comestible et mûrit en avril-mai.
Caractères extérieurs. — Écorce. — Il possède une écorce
épaisse d'environ 7 millimètres extérieurement brun rouge
tachée de gris cendré; en coupe transversale, elle est brun foncé
et parsemée de taches claires disposées très irrégulièrement.
Bois. — Le bois est de teinte claire présentant alternative-
ment des zones dures et compactes, blanchâtres et des régions
poreuses plus tendres, de couleur jaune d'ocre irrégulièrement
mouchetées de clair.
Les sections longitudinales tangentielles sont semées de points
correspondants aux rayons médullaires, juxtaposés pour former
des lignes sinueuses et souvent bifurquées.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont généralement isolés mais
quelquefois réunis en petit nombre; leur section est ovale et leur
diamètre varie entre 80 et 200 [jl. On en rencontre en moyenne
4 par millimètre carré. Ils sont placés dans les bandes de sclé-
renchyme ligneux et les régions fibreuses s'écartent pour les
contourner.
Rayons méduilaires. — Les rayons médullaires sont distants
de 100 à 200 |x et au nombre de S à 6 par millimètre; ils sont
de hauteur faible et leur épaisseur est de 3 à 4 rangs de cellules,
rarement 2.
Fibres et parenchyme. — Le tissu intermédiaire est formé
de bandes de fibres séparées par du tissu peu épaissi. Suivant
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92
EM. PËRROT ET G. GÉRARD.
les zones on trouve surabondance de fibres ou de parenchyme.
Le rapport de ces deux tissus est en moyenne de 7^.
Le tissu parenchymateux est formé de cellules régulièrement
disposées et de forme assez nettement hexagonale.
Les sections fibreuses présentent un aspect particulier en
coupe transversale par suite de leur disposition régulière en
lignes parallèles; leur longueur est de 1500 à 1900 ;jl et leur
Fig. 12. — Daniella Ihurifera J.B. — G. : 50; coupe transversale; p = pr :
i>, vaisseaux, j, poches sécrétrices.
diamètre atteint 15 à 18 [jl; l'épaisseur de leurs parois est égale
environ au quart du rayon.
Oxaidte de chaux. — L'oxalale de chaux est dispersé dans
ces tissus; on rencontre souvent de Tamidon dans les cellules
parenchy ma teuses .
Le Daniella renferme un appareil sécréteur qui a été étudié
d'une façon très détaillée par M. Guignard. Il est formé de canaux
sécréteurs disséminés dans le bois et en général plus nombreux
près de la moelle. Ces canaux rappellent ceux des Copaifera^
mais ils sont moins régulièrement rangés en cercles concen-
triques. Dans les coupes longitudinales, on rencontre de nom-
breuses anastomoses tangentielles, mais très peu de radiales.
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LÉGUMINEUSES AFIIICAIMES. 93
La formation de ces canaux a lieu dans la couche cambiale,
mais ici les cellules de bordures ne proviennent pas d'un seul
élément, car le canal débute par un espace intercellulaire. Le*
méat primitif s'élargit peu à peu par écartement des cellules
entre lesquelles il a pris naissance, venant ainsi en contact avec
d'autres unités adjacentes qui concourent alors à en former la
bordure. Généralement, les parois en contact ne se liquéfient
pas et n'augmentent pas beaucoup, mais les cellules de bor-
dure disparaissent peu à peu par fusion de la membrane limi-
tant le canal, puis dissociation des parois latérales dont la
lamelle moyenne se résorbe la première.
En examinant ensuite différentes parties de la plante M. Gui-
GNARD a rencontré des canaux sécréteurs dans le parenchyme
cortical des jeunes rameaux, dans les tissus parenchymateux du
réceptacle floral, et des poches sécrétrices dans les mailles du
réseau des nervures de la feuille.
Déterminations physiques et chimiques.
Le poids du mètre cube est donné égal à 614 kilogrammes. La
densité que nous avons obtenue est de 0,503.
La potasse détermine une tache brun foncé. Le décocté
aqueux est légèrement coloré en brun; l'alcool dissout quelques
résines et les teintures concentrées donnent par l'eau un préci-
pité assez abondant. Le poids des cendres est de 3 gr. 40 p. 100.
Usages.
Cet arbre fournit un tronc droit généralement de grande
dimension, dont le bois léger, à assez gros grain, à cœur rou-
geâtre, se travaille facilement ; mais il se laisse attaquer par les
vers et les termites, surtout l'aubier.
Il est utilisable pour les meubles légers et les caisses d'em-
ballage.
Les Indigènes l'emploient également pour faire des manches
de couteaux, des plats, des pirogues, des portes. Le service de
l'artillerie au Soudan l'utilise pour la menuiserie et les cons-
tructions légères.
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91 EM. PEKROT ET G. GÉRARD.
Dans le pays Bambara, les indigènes enlèvent de grands
cylindres d'écorce après avoir fait deux incisions transversales
et une longitudinale; ces pièces sont ensuite cousues et placées
dans le haut des arbres ou elles servent de ruche pour les
abeilles. Quand les nègres manquent de ces écorces, ils pren-
nent des troncs creux ou des claies de feuilles de palmier, mais
ils les enduisent avec de la résine de Daniella qui semble là
jouer un rôle particulier.
Il est également très recherché par les indigènes comme bois
à brûler; il jouit en effet de la propriété de se consumer len-
tement, sans s'éteindre et répand en se consumant une odeur
aromatique très agréable.
Quelques peuplades récoltent la résine à la saison sèche en
faisant des incisions à Técorce et ils la brûlent ensuite pour par-
fumer leurs cases.
DETARIUM HICBOCARPUM Guill. et Perr.
Synonymes. — Dialium microcarpum Guill. et Perr.
Celle espèce esl donnée dans Tlndex Kewensis comme idenlique au Detanum
senegalense.
Cependant elle correspond à une variété bien distincte désignée dans le pays
sous des noms différents; nous avons cru devoir en faire une description spéciale,
d'autant que les échantillons de bois, tout en ayant des caractères communs,
entre autres l'appareil sécréteur, présentaient d'assez nombreuses différences,
tant comme aspect extérieur que comme structure.
Noms indigènes. — Ouloff : Dank, Danka, Danha; Toucouleur : Koncodie;
Sarakhollé : Tamba; Malinké; Tamba; Bambara : Tamba; Ouassalou : Taba;
Se l'ère : Rahn.
Station. — Comme le précédent il croit surtout dans les terrains secs.
Distribution géographique. — Très commun au Sénégal et au Soudan
il a été rencontré abondamment en Casamancey en Gambie^ au Cayov, au
BaoL Les échantillons étudiés viennent de Soussour.
Caractères botaniques. — C'est un arbre moins élevé que le
Detarium senegalense^ atteignant en moyenne 7 m. de haut avec
0 m. 40 de diamètre et possédant une cime dense, étalée, et un
feuillage abondant.
Ses feuilles sont alternes, imparipennées, à folioles alternantes
ovales, oblongues, plus écbancrées que celles du Detarium sene-
galensCy luisantes sur la face supérieure, ternes au-dessous,
brièvement pétiolées, la nervure médiane est saillante, les ner-
vures secondaires sont pennées; elles possèdent des stipules
lancéolées.
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LÉGUMIIIEUSES ÂPRtCAIISËS. 9%
Les fleurs sont jaunes, réunies en grappes, avec chacune
4 sépales et 10 étamines; la floraison a lieu en juin.
Le fruit est de forme lenticulaire, plus petit que celui du
Dektrium senegalense ; sa chair est jaunâtre, plus sucrée, et
moins fibreuse; il est porté par un long pédoncule et renferme
une graine.
Il atteint sa maturité en mai.
Caractères extérieurs. — ÉCOPCe. — - L'écorce, d'une épais-
seur d'environ 8 mm., présente extérieurement une surface
brune tachée de gris et de blanc; sa coupe transversale est brun
rouge foncé, tacheté de points plus clairs correspondant aux
sections des paquets de fibres.
Bois. — Le bois est gris, à grain fin et régulier, présentant
alternativement des zones striées ou pointillées de rouge.
Quelques lignes parallèles concentriques noires, plus ou moins
sinueuses, sont visibles sur cette coupe comme sur celles du
Detarium senegalense.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont presque toujours en groupes
nombreux : un ou deux gros et beaucoup de petits se. pressant à
leurs côtés, leur forme est assez souvent irrégulière. Le dia-
mètre des petits est d'environ 50 [x les autres varient entre 150
et 220 [JL. On en rencontre en moyenne 20 par mm. carré.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires se rencontrent
au nombre de 5 à 6 par mm. et sont distants de 100 à 300 |x.
Leur épaisseur est de 3 à 4 rangs de cellules', rarement 1 ou 2.
Fibres et parenchyme. — Le tissu fibreux est disposé en
bandes irrégulières souvent bifurquées décrivant des courbes
F 4.2
pour éviter les groupes de vaisseaux. Le rapport p est de m.
Les cellules du tissu lignifié sont assez irrégulières, à mem-
branes minces; les fibres, longues d'environ 800 à 900 |jl et
larges de 10 à 12 [jl, ont des parois d'une épaisseur correspon-
dant sensiblement au 1/4 de leur rayon. En coupe longitudi-
nale, les cellules du tissu ligneux présentent une section rec-
tangulaire. (
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux est dispersé et assea
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96
EN. PERROT ET G. GÉRARD.
abondant en coupes longitudinales ; on le voit en séries verticales
souvent assez longues; fréquemment ces files bordent les rayons
Fig. 13. — Detarium microcarpuniG.elP.
F 42
G. = 50; coupe transversale; p=ëô»
Fig. 14. — Detarium microcarpum
G. et P., — G. = 30 ; coupe longitudi-
nale tangenlielle.
médullaires; dans quelques endroits, môme, on rencontre sou-
vent des cristaux dans les cellules de ces rayons.
Dans cette variété on trouve comme dans le senegalense des
lignes de canaux sécréteurs dispersées dans le bois et présen-
Fig. 15. _ Detarium microcarpum G. et P. — G. : 300. Canal sécréteur
dans le parenchyme cortical d'un jeune rameau.
tant les mêmes caractères que dans le suivant. Sur des échantil-
lons jeunes, nous avons trouvé également des canaux sécréteurs
dans le parenchyme cortical et suivant la moelle périphérique.
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LI^GUMINEUSES AFRICAINES. 97
Déterminations physiques et chimiques.
La densité est de : 0,779.
Les oxydants : potasse, hypochlorites, donnent des taches fon-
cées, brun noir. Le perchlorure de fer décèle le tannin par une
tache noire. L'eau et Talcool donnent des décoctés assez nette-
ment colorés en rouge. Le poids des cendres est de : 1 gr. 30
p. 100.
Usages.
Le Deiarium microcatyum possède un tronc droit formé d'un
bois dur, à grain fin, se travaillant bien ; il ne se laisse pas atta-
quer par les vers et les termites. Il est d'une longue durée sous
Teau et très bon pour la charpente, les pieux, les palissades,
parce qu'il craint peu l'humidité et se conserve bien.
Il est indiqué surtout pour l'ébénisterie, la menuiserie, la
charpente, le charronnage, les constructions navales, les courbes
et les bordages.
Il laisse exsuder une résine odorante qui sert à parfumer les
appartements et les vêtements.
Du fruit, les indigènes mangent la chair, brisent la coque,
et la noix, grillée, broyée, délayée avec de l'eau et des clous de
girofle, donne une pâte qui est réunie en boules. Ces dernières
sont attachées pour former des colliers (Thiack-Danken Ouloff),
des ceintures [Perk-Dank en Ouloft) qui sont portées par les
femmes Toucouleurs et Sarakholles.
Les Diolas font entrer la sève? dans le poison Korté, dont une
pincée sur les vêtements peut amener la mort?
Cette prétendue sève ne serait-elle pas le contenu des canaux
sécréteurs?
DETARIUM SENEGALENSE J.-F. Gmelin.
Noms indigènes. — Ouloiï : Sdouk, DiUih, Detah, Hol, Holiy Gnelj, Deltach;
Toucouleur : S'doli; Mandingue : Delarr; Bambara : ydaba-Coumba; Serère
N'doy ou S'dali; Falor : Nom; None : Tangalanj; Malinké : Bodo,
Station. — Ce Detarium préfère les terrains secs.
Distribution géographique. — On le renconlre assez abondamment au
Sénégal, surtout près de la côte, en Gasamance, où on rappelle quelquefois
Tali comme VErylhrophlœum guineense, au Cap Vert, où il est désigné sous le
7
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98 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
nom de Mbidgem^ à la côte d^Ivoire, en Sénégambie, dans la région du Nil^
parliculièrement sur les montagnes situées au sud de Kordofan. C'est une espèce
particulièrement endémique de la zone soudanaise.
Caractères botaniques. — Le />. senegalense est un grand arbre,
atteignant facilement 20 mètres de hauteur avec 0,60 de diamètre, très
touffu, à feuilles alternes, composées-imparipennées ; les folioles, au
nombre de 7-8, sont de forme obovalç, brièvement pétiolées et légèrement
échancrées au sommet; leurs bords sont droits, la nervure principale est
saillante à la face inférieure, les nervures secondaires sont pennées, et
les espaces qui les séparent sont occupés par un reticulum apparent
formé par les nervures tertiaires.
Les fleurs, de couleur jaunâtre ou blanc verdâtre, sont réunies en
grappes; leur floraison a lieu de mars à juin.
Le fruit se vend sur les marchés du Sénégal : c'est une grosse boule
verte de 6 centimètres de diamètre, il est charnu et renferme une pulpe
légèrement sucrée, très fibreuse.
Une variété donne un fruit amer, qui serait vénéneux.
Examen macroscopique.
Écorce. — Les branches et le tronc sont recouverts d'une
écorce très épaisse, irrégulière, présentant extérieurement une
teinte brune tachée de gris. En coupe transversale, elle est de
couleur brun-rougeâtre, parsemée de points clairs correspon-
dant aux paquets fibreux. De place en place, à la périphérie, on
distingue des sortes de croissants plus clairs présentant leur
face convexe vers Tintérieur.
Bols. — Le bois est homogène, odorant, rouge-brun, avec
quelques zones estompées plus claires. On peut également
voir sur la coupe transversale un certain nombre de lignes
fines, noires, légèrement sinueuses et assez régulièrement
concentriques, dont Tétude microscopique fournira la signifi-
cation.
Examen mic7^oscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont généralement réunis en
groupes nombreux, souvent de fprme très irrégulière par suite
des pressions réciproques avec les éléments voisins. De plus,
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LÉGUMINKUSES AFRICAINES.
99
les grands vaisseaux sont presque toujours accompagnés de
très petits; c'est pourquoi leur diamètre varie entre 30 et 200 \f
Fig. 16. — Detarium scner/alense. 1, Coupe transversale schématique; G. = 40;
•J, Coupe longitudinale tangentielle; G. ^ nO; 3, 4, 5, canaux sécréteurs dans la
moelle d'un jeune rameau; 6, canal cortical.
et leur nombre oscille aux environs de 20 par millimètie carré.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont peu
nombreux (5 ou 6 par millimètre), et leur écartement varie
de 100 à 300 \t,. De hauteur très variable, ils comprennent dans
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100 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
leur plus grande épaisseur de 3 à 5 rangées de cellules; on
en trouve cependant quelques-uns formés d'un seul élément
cellulaire en épaisseur.
Fibres et Parenchynie. — Le tissu fibreux est réparti en
bandes irrégulières, souvent ramifiées, qui s'insinuent entre les
groupes de vaisseaux. Les fibres sont assez courtes, 800 à 1000 y.,
et leur diamètre moyen est de 10 à 12 [x; leurs parois atteignent
F 40
en épaisseur 1/3 à 1 /4 du rayon. Le rapport p = ^.
Dans le bois, les zones sont peu marquées.
Oxalate de chaux- — L'oxalate de chaux est en cristaux
prismatiques dispersés; mais, en coupe longitudinale, on voit
ces cristaux s'aligner en assez longues séries adossées aux
plages fibreuses ou, souvent encore, aux rayons médullaires;
d'ailleurs, il n'est pas rare de rencontrer ces éléments cristallins
dans les cellules mêmes qui composent ces rayons médullaires.
Appareil sécpéteup. — Un caractère particulier du bois des
Detarium est de présenter de place en place, visibles surtout
sur les coupes transversales, des rangées de lacunes corres-
pondant chacune à un espace interradial et se suivant sans
discontinuité sur tout le pourtour de la branche. Les coupes
longitudinales permettent de se rendre compte que l'on a affaire
à de véritables canaux sécréteurs schizolysigènes qui courent
dans toute la largeur du bois.
Ces canaux sont assez souvent anastomosés dans le sens tan-
gentiel, par suite de la destruction plus ou moins tardive du
rayon médullaire qui les séparait; dans ce cas, des coupes
transversales, pratiquées dans la région de communication,
montrent une grande lacune résultant de la fusion de plusieurs
organes voisins et ayant envahi les deux espaces interradiaux
contigus. Quelquefois, une de ces bandes d'organes sécréteurs
se bifurque et donne naissance à deux rangées concentriques de
canaux qui continuent à cheminer parallèlement à peu de dis-
tance l'un de l'autre. Sur une section du bois, on voit les cavités
de ces canaux pleines d'une matière blanchâtre fendillée, soluble
dans l'alcool et de nature résineuse par conséquent. Cette matière,
vue sous une plus grande épaisseur, prend une teinte foncée,
et c'est à sa présence qu'il faut rapporter les lignes noires que
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. lOt
l'on distingue facilement à Tœil nu en examinant avec soin une
bille de bois (pi. I, (îg. H). Quelquefois on rencontre quel-
ques-unes de ces lacunes isolées des autres et dispersées dans le
tissu ligneux. Nous sommes donc en présence d'un appareil
sécréteur ayant de grandes analogies avec celui des Copaifera,
surtout si Ton considère la disposition en lignes concentriques.
Nous avons étudié la répartition et le mode de développement
de ces organes sécréteurs dans de jeunes tiges provenant des
collections de M. Aug. Chevalier, et nous n'avons rien à ajouter
à ce qui a été décrit antérieurement par M. Guignard chez les
Daniella,
On peut constater aussi que Ton rencontre des canaux sécré-
teurs de section ovale, dispersés non seulement dans le paren-
chyme cortical, mais formant une autre série dans la moelle
périphérique.
Autour de ces canaux médullaires, les cellules sont disposées
très régulièrement. Le contenu de tous ces organes sécréteurs
se colore avec intensité par les réactifs indiqués par M. Guignard
(Soudan lactique et orcanette acétique). Dans les jeunes
branches, il n'existe encore aucun canal sécréteur dans le bois;
ceux-ci apparaissant plus tard.
Déterminations physiques.
La densité de ce bois est, d'après nos déterminations, 0,761.
Xes autres déterminations étant empiriques et d'ordre indus-
triel, nous ne nous en sommes pas préoccupés, du moins pour
l'instant.
Déterminations chimiques.
Seuls les oxydants, potasse et hypochlorites, font passer la
teinte rouge du bois au brun très foncé. Le perchlorure de fer
décèle la présence d'une faible quantité de tannin; la décoction
aqueuse est rose, et celle qu'on obtient par l'alcool présente la
même teinte, mais un peu plus foncée. Le poids des cendres
est de 1,15 p. 100.
Usages,
Le bois fourni par le Delarium senegalense est de teinte rouge
vieux-chêne, dur, à grain serré, et très odorant.
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102 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
Il résiste bien aux intempéries.
On l'emploie le plus fréquemment, à défaut d'autres essences,
pour les courbes des embarcations. Il serait également bon, sans
doute, pour la menuiserie et la tabletterie*.
Les indigènes l'utilisent enfin comme bois à brûler.
Notons incidemment que le fruit est employé pour soigner
les rhumes et les maladies de poitrine; on brûle les noyaux pour
chasser les moustiques. Les racines, les écorces et le bois, en
macération, sont un remède contre l'anémie.
Enfin, les indigènes font brûler les fruits et emploient les
cendres pour donner de la force au tabac; ils mangent la pulpe
du fruit préalablement bouillie.
DICHROSTACHTS NUTANS Benth.
Synonymes. — Mimosa nutans Per. = Dichrostachys nuloist = Caillea
dichrostachys Guill. et Perr. = Acacia gracilis Lecard = Dennanthus Irichos-
tachis = D. leptostackys DG. = Acacia spinosa E. Meg. = A. adenostylis Fenzl.
Nom français. — Acacia gracile.
Noms indigènes. — Ouloff : Sintj\ Sinthy,
Station. — Endroits secs.
Distribution géographique. — On le rencontre en abondance en Sierra-
Leone, au Sénégal, dans le Oualo, en Sénégamhie; dans la région du Niger^ en
Abyssinie et en Nubie; dans V Angola et le Congo, sur les rives du Zambéze el
de la Rovuma.
Caractères botaniques. — C'est en général un petit arbre de
6 à 10 m., à rameaux épineux.
Ses feuilles glabres possèdent 10 à 12 paires de folioles.
Les fleurs sont réunies en inflorescences denses, elles sont
hermaphrodites.
De Candolle en distingue deux variétés : le Caillea dichros-
tachys plus connu possède des fleurs réunies en épis et de teinte
rose et jaune; le Caillea leplostachys fleurit en épis plus grêles,
les couleurs sont moins tranchées.
Le fruit est un légume contourné glabre.
1. Ici, comme dans le travail spécial qui doit suivre, nous ne donnerons
les usages que sous les plus extrêmes réserves, car notre enquête nous
a appris qu'il fallait n'accepter les opinions antérieurement émises dans
les ouvrages que sous bénéfice d'inventaire. GrAce à la collaboration
d'industriels éclairés, nous espérons un jour présenter au commerce une
sélection sévère, et notre but, nous le répétons, ne va guère au delà de la
satisfaction d'offrir à ces industriels des caractères techniques d'identi-
fication d'un bois dont l'application leur semblera possible.
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES, i03
Caractères extérieurs. — Écorce. — L'écorce est épaisse
d'environ 5 mm., irrégulière, blanchâtre avec des écailles
brunes; en coupe transversale, on rencontre en partant de l'ex-
térieur : une ligne blanche sinueuse, puis une zone étroite
piquetée de brun et enfin une région plus large de teinte claire,
blanchâtre.
Bois. — Le bois est très dur, jaune d^ocre chagriné de lignes
fines sinueuses de teinte brun roux, souvent interrompues. Il
possède un cœur rougeâtre qui se décolore très rapidement.
Les coupes transversales montrent une fine striation radiale,
très apparente. Dans certaines régions, un rapprochement plus
grand des lignes fibreuses indique des phases d'activité variable
dans la végétation.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont généralement isolés ; leurs
sections sont de forme irrégulière, et leur diamètre varie entre
80 et 200 [X. On en rencontre en moyenne 5 à 6 par millimètre
carré.
Leur paroi cylindrique est abondamment pourvue de ponctua-
tions simples, disposées assez régulièrement en lignes parallèles.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont généra-
lement écartés de 100 à 350 [x et leur nombre par millimètre
atteint le plus souvent 4. En épaisseur la majorité d'entre eux
comprend 7 à 8 rangées de cellules, et sont de forme et de gran-
deur très irrégulière : tandis que certains ont jusqu'à 600 y. de
hauteur, on en voit d'assez nombreux, petits, ne mesurant que
50 à 60 jx et ne possédant que 2 ou 3 cellules en épaisseur.
Dans les grands rayons, on voit fréquemment sur un de leurs
côtés une première rangée de cellules, plus grandes que les
autres et très régulièrement disposées. Les membranes cellu-
laires en sont toujours épaissies et les coupes tangentielles
montrent leurs sections à peu près circulaires.
Fibres et parenchyme. — Le tissu conjonctif est formé d'une
masse de sclérenchyme peu épaissi, traversé par de nombreuses
bandes de fibres, légèrement sinueuses, rarement bifurquées
ou anastomosées; la largeur de ces bandes varie entre 100 et
300 [X.
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104
EM. PERROT ET G. GÉRARD.
Les fibres sont très longues (2 000 à 2 300 jx, larges de 12 à
18 |jl) et possèdent des parois très épaissies; elles sont très enche-
vêtrées.
Quant aux cellules parenchymateuses, elles sont régulières,
Fig. il. — Dichrostachys nutans Benth. —A gauche : coupe langentieUe; G.
F 41
à droite coupe transversale ; G. : 50 ; -k = g^.
50;
rectangulaires et disposées en files radiales très nettes. Le
, F 41
rapport 1^ = 59.
Oxalate de chaux. Amidon. — L'oxalate de chaux est peu
abondant, disséminé, mais le sclérenchyme renferme une quan-
tité d'amidon qui remplit ses cellules.
Déterminations physiques et chimiques.
Par la méthode du flacon, la densité est de 0,620.
L*eau iodée donne des taches bleues très nettes; la potasse
produit une teinte brune un peu plus foncée. Les décoctés
aqueux et alcooliques sont très peu teintés.
Le poids des cendres est de : 2,45 p. 100.
Usages.
Le bois du Mimosa nulans est formé par un tissu assez dur,
compact. C'est un bon bois pouvant être utilisé à la fois pour
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 105
Tébénisterie mais surtout pour la menuiserie et la confection des
manches d*outils.
Les feuilles sont employées en cataplasmes dans le traitement
des abcès, des enflures et dans les maux de dents.
ERTTHRINA SENE6ALENSIS DC.
Synonymes. — Erythrina laiifolia Sch. = E, guineensis GD. = E. Vogelii
Hook.
Nom français. — Arbre corail.
Noms indigènes. — OulofT : Houndieul; Malinké : Serou] Diola : Fousente-
Farate.
Station. — Endroits secs.
Distribution géographique. — On le rencontre assez communément au
Sénégal, au Soudan, dans la Haute Côte d'Ivoire, en Sierra-Leone, en Guinée ;
quelques spécimens sans fleurs et sans fruits ont été trouvés en Abyssinie,
Caractères botaniques. — C'est un arbre épineux de 6 à
10m., pouvant même en atteindre 15, avec un tronc de 0,30 de
diamètre, généralement touffu et formé d'un grand nombre de
tiges sorties de la même souche; il se reproduit facilement de
boutures : des branches grosses comme le poignet coupées et
plantées forment rapidement des racines donnant naissance à de
nouveaux plants.
Le feuillage est porté par des branches fortes et courtes.
Les feuilles sont trilobées, coriaces, glabres, de teinte vert
grisâtre avec des nervures épineuses.
A la floraison, qui a lieu en mai-juin, apparaissent de nom-
breux épis terminaux de fleurs d'un rouge éclatant, qui rendent
V Erythrina très ornemental.
Le fruit est une gousse qui renferme des graines de couleur
rouge corail ; elles sont nommées par les indigènes &eu^ ou diariy
ce qui signifie : œil de serpent.
Caractères extérieurs. — Écorce. — L'écorce est fibreuse,
mince, de teinte claire.
Bols. — Le bois est poreux, mou, léger, de teinte pâle, il
présente sur la section transversale une striation radiale très
visible et une autre formée de lignes concentriques dues a la
section des bandes fibreuses. Les coupes longitudinales tangen-
tielles montrent une abondante ponctuation correspondant aux
sections des rayons médullaires
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106
EM. PERROT ET G. GÉRARD.
Examen microscopique.
Au microscope, VErythrina senegalensis a un aspect très par-
ticulier qui le distingue immédiatement et d'une façon très nette
de tous les autres bois examinés dans ce travail.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont isolés ou groupés par 2 ou
3, leur section très grande a un diamètre variant de 200 à 300 (jl,
sauf de rares exceptions ; c'est ici que Ton rencontre, parmi les
Fig. 18. — Enjthrina senegalensis DC. — A gauche, coupe transversale ; G. = 50 d.,
1? \K
p = i^:; à droite, coupe longitudinale tangentielle; G.
= 50d.
échantillons étudiés, les plus gros vaisseaux. Leur nombre par
millimètre carré est généralement faible, on n'en compte guère
en moyenne que 3 à 4.
Leurs parois sont recouvertes d'un reticulum très épaissi
laissant de larges mailles formées seulement par la m^^lbrane
primitive.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont peu
nombreux (en moyenne 3 par millimètre). Leur écartement est
en conséquence assez grand et varie entre 250 et 500 [x.
On en distingue deux séries : les uns petits, n'ont qu'une ou
deux cellules d'épaisseur; les autres sont très importants, hautâ
et larges, ils sont épais généralement de 9 à 12 cellules. Ces
dernières sont irrégulières comme grandeur : celles de la péri-
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 107
phérie, très grandes, celles du centre, 3 à 4 fois plus petites,
réunies entre elles par des éléments qui présentent toutes les
tailles intermédiaires.
Fibres et parenchyme. — Le reste du bois se compose d'un
tissu parenchymateux lignifié formé de cellules, grandes, irrégu-
lières, comme forme et comme taille, à membranes, assez for-
tement lignifiées et parsemées de ponctuations où la membrane
est restée mince; en coupe longitudinale radiale, elles sont rec-
tangulaires tronquées brusquement aux deux extrémités; mais
en coupe tangentielle elles se montrent le plus généralement avec
des extrémités pointues, elles ont alors la forme d'hexagones
allongés et plus souvent par suite de leur division par une
cloison transversale placée au milieu, elles sont pentagonales.
Ce parenchyme lignifié est coupé de place en place par de
minces bandes parallèles de tissu fibreux; l'épaisseur de ces
bandes est de 50 à 80 jjl, celle des parties sclérenchymateuses
F
intercalées est en moyenne de 200 (jl. Le rapport p est ici très
faible et égal à ^.
Les fibres sont d'épaisseur très irrégulière ; en section trans-
versale, on en distingue quelques-unes avec grosse section, dissé-
minées au milieu d'autres beaucoup plus petites. Leur longueur
varie de 2 000 à 2 200 (x et leur diamètre de 15 à 18 [x. Leurs
parois sont très épaissies.
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux est peu abondant,
on rencontre des cristaux de place en place sur le bord des
régions fibreuses, ces derniers font partie de courtes séries ver-
ticales, ne comprenant généralement pas plus de 6 à 8 éléments.
Amidon. — Les cellules du sclérenchyme sont bourrées de
grains d'amidon assez gros, arrondis, pourvus d'un bile linéaire.
Déterminations physiques et chimiques.
La densité obtenue par la méthode du flacon est égale à 0,428,
elle place donc VErythrina parmi les bois les moins denses.
Les réactifs oxydants, le perchlorure de fer ne donnent rien;
l'iode, par contre, forme une tache foncée qui décèle la présence
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108 EM. PËRROT ET G. GÉRARD.
de Tamidon. Les décoctions aqueuses ou alcooliques sont sensi-
blement incolores. Il est riche en cendres : 4,40 p. 100.
Usages.
Le bois de VErythrina est peu résistant, léger, et se laisse
attaquer avec une grande facilité par les insectes ; fraîchement
débité, il émet une odeur forte et repoussante. Les indigènes ne
l'emploient pas, ils se servent uniquement des pieux d'jE'ry/Anna
pour établir des haies ou palissades, profitant de la grande faci-
lité avec laquelle on en obtient des boutures, de même que chez
nous on emploie fréquemment le Sureau.
Son bois, blanc, fibreux, à cœur rouge, peut cependant être
employé pour la confection de planches légères.
HERHINIERA ELAPHROXTLON Guill. et Perr.
Noms indigènes. — OulofT : M^Bilor ou Bt7or, Billeur,
Station. — Dans les endroits marécageux et sur les rives des cours (Feau où
il forme des amas flottants qui se détachent parfois et sont entraînés par le
courant à une distance souvent très grande des points où ils se sont formés.
C'est ainsi qu'il à été vu par âdanson : un de ces Ilots flottants était descendu
jusqu'à Saint-Louis où il fut remarqué \^t cet explorateur; les nègres recon-
nurent alors Tarbre qui formait cette curieuse végétation flottante comme étant
le Bilor, plante qui leur fournit un bois aussi léger que le liège.
Distribution géographique. — Il est assez répandu au Sénégal et en
Sénégamùie; il a été signalé en particulier à rentrée du lac Panié-Foul à
l'endroit où il débouche dans le marigot de Taotié,
Caractères botaniq[ue8. — C'est un arbuste rameux, épineux
dont le tronc peut atteindre 6 pouces.
Ses feuilles sont paripennées, formées de folioles alternes,
ovales oblongues, échancrées au sommet; le rachis est pubes-
cent, les stipules lancéolées dressées.
Les fleurs sont grandes, de teinte orange, elles possèdent
10 étamines monadelphes; un ovaire droit comprimé; un style
long, arqué, un calice bipartite.
Le fruit est un légume oblong, contourné en spirale, et
renfermant 6 à 10 graines; ces dernières sont brunes, réni-
f ormes et possèdent un embryon à cotylédons foliacés et à
radicule accombante.
Caractères extérieurs. — Les échantillons que nous avons
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 109
pu examiner proviennent d'une branche ayant environ 10 cm.
de diamètre; cette branche ayant séjourné pendant un certain
temps dans Teau a subi une transformation qui a amené la
destruclion de ses tissus mous.
Elle présente alors un aspect assez curieux; elle est formée
d'une série de cylindres lamelieux emboités les uns dans les
autres, du centre jusqu'à la périphérie. Dans cette dernière
région, une écorce fibreuse peu épaisse, de teinte extérieure
rougeàtre, vient limiter et maintenir ce tissu peu consistant.
Si l'on fend cette branche suivant une de ses génératrices,
on peut alors séparer tous les feuillets qui forment ce bois
comme on le ferait avec les pages d'un livre. Chacune de ses
lames n'est pas homogène mais finement et régulièrement
ajourée et réduite à un réticulum très fin.
Examen microscopique.
Cet examen est très incomplet, car, en étudiant en détail les
feuillets précédemment décrits et qui forment la masse du bois,
on se rend compte que, probablement à la suite d'un séjour plus
ou moins prolongé dans l'eau, les tissus ont été en partie
détruits et tous les éléments mous (parenchyme et rayons médul-
laires) ont à peu près complètement disparu.
Rayons médullaires* — Le réticulum qui constitue ces
feuillets est uniquement formé par les fibres qui ont un parcours
légèrement sinueux pour contourner les rayons médullaires
grands, épais de 4 à 5 cellules dans leur milieu et très régu-
lièrement disposés. Ces derniers ne sont représentés que par
l'espace devenu libre qui les contenait précédemment et quelques
débris de membrane adhérents à la périphérie.
Oxalate de chaux. — Une très grande quantité d'oxalate de
chaux se trouve répartie le long des fibres. Ces dernières, en
coupe transversale, sont disposées très régulièrement en zones
concentriques minces séparées par de fines bandes parenchyma-
teuses dont la destruction amène la séparation des cylindres
fibreux concentriques et explique l'aspect observé à pre-
mière vue. .
Aucune détermination de densité n'a pu être faite sur ce tissu.
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ilO EM. PERROT ET G. GÉRARD.
Usages.
Le tronc de cet arbre peut être débité en planches d'une
extrême légèreté, et c'est ce caractère qui doit seul guider si
Ton n'en a vu que son utilisation. C'est d'ailleurs en raison de
cette qualité que les indigènes se servent de son bois; ils le
débitent en tronçons d'une longueur d'environ un pied qu'ils
attachent à leurs filets où il tient lieu de liège servant ainsi à en
assurer la flottaison {Lac Panié-foul),
Un autre parti en a été tiré : M. Leprieur étant en explora-
tion dans ces régions en a fait débiter de minces planchettes
qu'il plaçait au fond de ses boîtes à insectes et qui servaient
à piquer ces derniers. Là encore elles tenaient lieu du liège qui
est généralement employé pour cet usage.
ORHOSIA LAXIFLORA Benth.
Noms indigènes. — Ouloiï : Simbach-, Toucouieur : Doàole; Kassonké :
Koulou-Koulou, Tombarou; Malinké : Koulou-Kotilou, Tambarou; Bambara :
Koulou-Koulou; Ouassalou : Koulou-Koulou; Sarakhollé : Fa.
Station. — VOrmosia lajiflora pousse de préférence dans les terrains secs
cl recherche surtout les sols pierreux.
Distribution géographique. — U a été rencontré assez communément
dans les taillis de la Haute Guinée^ dans la Haute Côte d'Ivoire, au Soudanj et
sur les rives du Cameroun.
Les échantillons étudiés viennent de Siguiri.
Caractères botaniques. — C'est un arbre de taille moyenne
ayant Je 5 à 15 m. avec un tronc de diamètre faible et généra-
lement tortueux. Sa cime est dense, légèrement arrondie, portée
par des rameaux nombreux et tordus. L'écorce est rougeâtre,
tachée de gris cendré chez les jeunes branches.
Ses feuilles sont alternes, presque opposées, par suite de
Tentraînement de Tune d'entre elles; elles sont composées,
imparipennées, possédant 13 folioles, petites, lancéolées-
oblongues, qui portent une fine échancrure au sommet; ces
dernières sont brièvement pétiolées et le rachis est long, grêle,
renflé à la base; les folioles sont glabres, coriaces, tle couleur
vert émeraude, avec une nervure principale saillante et les
autres peu apparentes; les feuilles de cet arbre sont toutes tom-
bées au début de février.
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LÉGUM1?<E13SES AFRICAINES. lli
Les fleurs sont sessiles, de couleur blanche, réunies en pani-
cules serrés disposés à l'aisselle des feuilles.
Le fruit est une gousse très plate, foliacée renfermant 1 à
2 graines; il n'est pas comestible.
Caractères extérieurs. — Écorce. — L'écorce se détache
facilement par plaques, elle est peu épaisse, atteignant le plus
souvent 4 à 6 mm. ; elle présente en coupe transversale en allant
de l'extérieur vers l'intérieur : un suber mince de teinte brun
foncé, puis une bande de fibres péricycliques de couleur jaune
paille, enfin une zone libérienne gris brun ayant environ
3 mm. d'épaisseur.
Bois. — Le cylindre ligneux comprend deux parties : une
zone périphérique de 5 à 12 mm., formée d'un bois très dur à
grain fin, de couleur jaune clair, ayant sensiblement l'aspect
du buis, puis un noyau central formant le cœur, dont la teinte
est brun violet foncé, presque noire; cette dernière partie est
formée d'un bois ayant la même texture que le précédent, avec
un grain fin et serré et une grande dureté; sa couleur le fait
ressembler au Gaïac. Dans l'échantillon à'Ormosia provenant
de M. Chevalier, ce cœur n'était pas circulaire, il présentait plu-
sieurs prolongements sectionnant complètement en fragments
la bande périphérique de l'aubier; nous verrons plus loin la
signification de ce phénomène (PI. IV, fig. H).
Examen microscopique.
Nous avons tout d'abord comparé les coupes faites sur la
partie claire et celles pratiquées sur la région centrale. Nous
avons pu ainsi constater qu'elles présentaient absolument la
même structure, la partie noire ne diffère que par l'absence
d'amidon, l'imprégnation de ses tissus et surtout des membranes
de ses fibres, par une matière tannique brune, qui est la cause
de la coloration de ce bois; l'obstruction des vaisseaux par des
matières gommeuses est presque générale.
De ceci on doit conclure que Ton est en présence d'un véri-
table cœur formé par le même processus que celui qui a été
étudié en détail chez le chêne par AL Mer, et dont nous avons
parlé dans les chapitres généraux.
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M2 KM. PERROT ET G. GÉRARD.
C'est en réalité un tissu mortifié, dont les éléments con-
ducteurs sont obstrués et qui, étant vraisemblablement trop
éloigné du cambium pour en recevoir des éléments vitaux,
subit une dégénérescence tannique. Les prolongements de ce
duramen, qui ont été signalés dans Texamen macroscopique,
correspondent à des parties de la périphérie où Técorce à été
détruite.
Vaisseaux. — Si nous étudions maintenant le bois dans sa
Fig. 19. — Ormosia laxiflora Benth. — Coupe transversale; G. = 50; -r = 50.
structure intime, nous lui trouvons les caractères suivants : les
vaisseaux sont isolés ou groupés par deux, leur forme est arrondie
ou ovale, leur taille est faible, leur diamètre est généralement
compris entre 30 et 80 jx et leur nombre par millimètre carré
est de 14 en moyenne.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont au
nombre de 10 par millimètre et distants de 70 à 200 (x. Leur
épaisseur moyenne est de 2 ou 3 cellules. Ces dernières sont
arrondies ou légèrement aplaties dans le sens de la longueur
du rayon. Leurs parois sont notablement épaissies.
Fibres et parenchyme. — La masse du tissu ligneux est sur-
tout formée de fibres courtes (800 à 1000 [x de longueur),
sinueuses, enchevêtrées, très épaissies; leur diamètre est en
moyenne de 10 [x.
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LÉGUMlNtlUSES AFRICAINES. il3
De place en place on peut distinguer des îlots allongés, irrégu-
liers, renfermant un ou plusieurs vaisseaux et formés d'un tissu
parenchymateux constitué par des cellules, irrégulières de
forme et de grandeur, à membranes épaisses.
Le rapport p = 23 •
Oxalate de chaux. — L*oxalate de chaux, peu abondant, est
dispersé dans les cellules à parois plus ou moins lignifiées voi-
sines des bandes fibreuses.
Amidon. — On distingue d'assez nombreux grains d'amidon
dans les différentes parties du tissu lignifié.
Déterminations physiques et chimiques.
Le poids du mètre cube est donné égal à 780 kgr.? On obtient
comme densité, par la méthode du flacon, bois blanc = 1, 10;
bois noir = 1,14. Ce bois est en effet plus lourd que l'eau et il
tombe immédiatement au fond quand on le plonge dans ce
liquide. Le rapport des deux densités : jr p — = 1,03.
Les réactifs mentionnés ne fournissent que peu de renseigne-
ments, seule l'eau iodée donne une tache bleuâtre. Les décoctés
avec le cœur dans l'eau et dans l'alcool sont rouge violet très
foncé. Le poids des cendres est de : 1 gr. 46 p. 100.
Usages.
h'Onnosia laxiflora fournit un bois très dur, à grain fin et
serré, difficile à travailler mais susceptible de prendre un beau
poli.
Les indigènes s'en servent comme bois de construction et
en tirent des piliers de cases, ils en font aussi, mais rarement,
des battoirs et des pilons.
Il fournirait pour les Européens un excellent bois d'ébénisterie
et de tournage. Il serait peut-être possible par un écorcement
régulier d'obtenir un cœur déformé et permettant, après un
travail approprié, de faire apparaître à la surface des objets
polis un décor en noir sur fond blanc présentant une certaine
originalité.
8
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414 EN. PERROT ET G. GÉRARD.
Les feuilles en infusion faciliteraient la dentition des enfants
et feraient disparaître les courbatures.
PARKIA AFRICANA R. Br.
Synonymes. — Parkia biglobosa Benth. = Inga biglobosa Pal. Beauv.
= /. senegalensis DC. = Mimosa àiglandulosa Jacq. = Proposis facculifera Dcsv.
Noms français. — Arbt^ à fauve. Mimosa pourpre.
Noms indigènes. — OulofT : HouUe, Oulli; Toucouleur : Nete; SarakhoUé :
Ne te; Rassonké : Nete; Malin ké : Nere, Nete; Bambara : Nere, Nette; Ouassalou :
Nere; Portugais créole : Farôba; None : Yif; Diola : Enokay; Serère : Séou;
Soussou : Neri.
Station. — 11 croit facilement dans tous les terrains; surtout dans les forêts
de la Senégambie.
Distribution géographique. — On le rencontre dans toute V Afrique
tropicale entre V Atlantique et le Tchad; dans le Haut Sénégal^ la Casamance^ la
boucle du Niger, la Sierra- Leone, le Libéria, Il est encore très abondant dans le
Haut Nil et aux Indes anglaises. Les échantillons étudiés ont été collectés à
Siguiri,
Caractères botaniques. — C'est un arbre de moyenne gran-
deur atteignant généralement de 15 à 20 mètres de haut avec
un tronc de 0,80 à 1 mètre de diamètre; il est un des plus beaux
du Sénégal; sa cime, large, étalée, forme un immense parasol
soutenu par de fortes branches desquelles pendent une foule de
fleurs- réunies en grosses boules de couleur pourpre.
Ses feuilles ressemblent à celles des Acacia; elles sont
alternes, bipennées, formées d'une cinquantaine de folioles
petites, linéaires, obtuses, vert grisâtre, portées par un rachis
pubescent.
Les fleurs sont hermaphrodites, de couleur rouge pourpre,
réunies en capitules groupés en boules et suspendues par un long
pédoncule lisse; la floraison commence avant l'apparition des
feuilles.
Le fruit, appelé faroba, est formé par une gousse étroite,
allongée, de 30 cm. sur 2 à 3, bivalve, comprimée, renfermant
une pulpe jaunâtre sucrée dans laquelle se trouvent des graines
plates, en forme de lentilles. Le fruit mûrit en avril-mai et
fournit une farine jaune comestible.
Caractères extérieurs. — ÉcOPCe. — L'écorce est peu
épaisse, extérieurement gris cendré, tachée de brun clair; en
coupe transversale, elle est brun noir.
Bois. — Le bois est homogène, à grain demi-fin assez com-
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES.
115
pact cependant, de teinte claire blanchâtre; il est finement strié
de lignes sinueuses, blanches sur fond légèrement teinté.
Les zones sont indiquées assez nettement par un rapproche-
ment plus ou moins grand de ces stries. On ne distingue pas de
cœur.
Examen microscopique
Vaisseaux- — Les vaisseaux sont isolés ou groupés par deux
ou trois : leur section est arrondie ou ovale, leur diamètre
compris entre 120 et 180 [x et leur nombre par millimètre carré
de 3 à 4.
Leur paroi cylindrique est finement ponctuée.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont en
F *îQ
Fig. 20. — Parkia africana, H. Bn. — Coupe transversale ; G. = 50 d. ; p = ^.
moyenne au nombre de 3 ou 4 par millimètre et leur écar-
tement varie entre 100 et 400 [x.
En épaisseur, ils possèdent le plus souvent 3 cellules, rarement
4 ou 5. Ces dernières sont arrondies et leurs parois peu
épaisses.
Fibres et parenchyme. — Si nous examinons maintenant la
structure intime du bois on se trouve en présence d'un réticulum
composé de larges bandes de tissu fibreux ayant une largeur
moyenne de 20ft [x, sinueuses et souvent anastomosées.
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116 EM. PERROr ET G. GÉRARD.
Ces plages de tissu fibreux présentent vers Textérieur une
délimitation bien distincte et on rencontre un grand nombre
de cristaux d'oxalate de chaux placés dans les cellules paren-
chymateuses avoisinantes ; quant à la région interne de ces
bandes, elle présente un passage progressif au tissu parenchyma-
teux, et la délimitation entre les deux tissus n'existe pas pour
ainsi dire. De plusj de ce côté, on ne rencontre que rarement
des cristaux d'oxalate calcique.
Nous signalons ce fait, car il est intéressant de rapprocher
ces séries de cristaux d'oxalate de chaux, adossés à une barrière
fibreuse, des formations analogues observées dans VAcacia
Sénégal et dans les échantillons jeunes de Detarium.
Revenons à l'examen des coupes : le tissu fibreux est ici
extrêmement irrégulier montrant en section transversale de
petites fibres à côté d'autres très grosses. Leur longueur moyenne
est de 1 200 [x avec un diamètre de 12 (x; l'épaisseur de leurs
parois est également très variable. Le rapport p == m.
Entre ces bandes fibreuses se trouve un tissu parenchyma-
teux, plus ou moins lignifié, formé de grandes cellules, de
forme régulière, carrée ou hexagonale et disposées en files
radiales très distinctes. Un certain nombre d'éléments cellulaires
du tissu ligneux ou des rayons médullaires sont remplis d'une
matière homogène de teinte rouge brique foncée. L'étude des
réactions micro-chimiques de cette substance montre qu'elle se
rapproche des matières tanniques; ce qui est assez particulier,
c'est qu'elle ne présente pas cet aspect granuleux que l'on trouve
généralement dans des formations analogues.
Oxalate de chaux. — Nous avons parlé précédemment de
l'oxalate de chaux, ainsi que de sa répartition en coupe trans-
versale; dans les sections longitudinales, il forme de longues
séries verticales, ininterrompues.
Déterminations physiques et chimiques
La densité trouvée est de 0,699. Le poids du me. est donné
égal à 554 kilogrammes.
Aucun des réactifs signalés ne donnent de coloration sensible
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 117
et les décodés sont également peu colorés. Le poids des cendres
est de : 3,20 p. 100.
Usages.
Le bois du Parkia africana est blanc, tendre, assez nerveux,
d'une résistance moyenne, mais d'une très grande flexibilité en
raison de la longueur des fibres. Très lourd quand il vient d*étre
coupé, il ne tarde pas à se dessécher, il devient ainsi plus léger.
Il se pique rapidement et est peu employé.
Il convient parfaitement pour tous les usages où nous utili-
sons le bois blanc (peupliers de nos pays) : grosse menuiserie,
caisses d'emballage; il se travaille également bien au tour.
Les indigènes utilisent la pulpe sèche et tamisée qui leur
fournit une farine roussâtre qu'ils mangent avidement. Cette
farine est employée mêlée au riz et aux viandes; les indigènes
en font également des tablettes qui gardent plusieurs mois leur
saveur agréable; elle renferme 60 p. iOO de sucre et les man-
dingues qui en consomment beaucoup la nomment Neti^ Nedi
ou Neily. Ils emploient aussi la pulpe du fruit dont ils font des
boissons fermentées; les graines qui, séchées, pilées, mises
à fermenter dans un trou, réunies en boules et torréfiées donnent
un produit destiné à remplacer le café.
Ils tirent également des graines une graisse de cuisine (sou-
mara) qui est très prisée pj^r eux ; elle a une odeur nauséabonde
et les Européens ne l'estiment guère ; cette matière grasse a été
proposée pour la savonnerie.
La gousse brûlée sert à faire du Khata qui augmente la
puissance du tabac; mêlée à l'indigo, elle donne plus d'éclat aux
étoffes.
L'écorce en infusion serait souveraine contre la rougeole et
la petite vérole; en inhalations, elle guérirait les maux de
dents. Les feuilles, bouillies, sont données contre la migraine,
mais, pour obtenir une guérison rapide, il faut en même temps
masser la tête en disant des prières; de plus il est nécessaire
que les feuilles viennent d'un arbre ayant moins de 3 mois
d'existence pour que les oiseaux n'aient pas eu la velléité de se
percher dessus!
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4i8 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
PROSOPIS 0BL0N6A Bentlu
Synonymes. — Prosopis lanceolala Ben th. in Hook.
Noms indigènes. — OuIofT : /r, Ktre; Toucouleur : Guire^ Koki; Sarakhollé :
Korombine; Kassonké : Guelen; Âlalinké : Guelen; Bambara : Gueleriy GolU
Noumou-Guire; Ouassalou : Guelen^ Soumou-Guire.
Station. — Le Prosopis pousse facilement dans tous les terrains.
Distribution géographique. — On le rencontre assez communément au
Sénégal et au Soudan, aux environs du Niger et jusque près de Kordojan.
Caraotères botaniquee. — C'est un arbre de 10 m. de haut
avec un tronc atteignant 80 cm. de diamètre; sa cime est irrégu-
lière, étalée, formée de branches tortueuses garnies d'un grand
feuillage assez clairsemé; Técorce est peu épaisse, extérieure-
ment gris cendré teintée de sépia et laisse exsuder une matière
gommeuse.
Ses feuilles sont opposées, bipennées, assez longuement
pétiolées avec 10 à 12 paires de folioles elliptiques sessiles.
Les fleurs sont blanches, teintées rarement de vert ou de
jaune, axillaires, réunies pour former des épis compacts; elles
possèdent 4 pétales, 10 étamines et sont très odorantes, la
floraison a lieu généralement en juillet.
Les fruits sont allongés (25 mm. sur 13), arqués, un peu
méplats, portés par un pédoncule assez long et formés extérieu-
rement d'une coque épaisse de teinte brun roux; ils renferment
des graines de la grosseur d'une lentille. Ces fruits ne sont pas
comestibles.
Caractères extérieurs. — Écorce. — L'écorce est irrégulière
avec une épaisseur variant de 5 à 8 mm.; en coupe, elle est
brun noir, avec une ou deux lignes sinueuses blanches, quel-
quefois interrompues, correspondant à des zones fibreuses.
Bois. — Le bois est dur, régulier, à grain fin, homogène,
compact, de teinte brun rouge foncé, finement et régulièrement
pointillé en clair; on y distingue une zone périphérique brun
assez clair et un cœur rouge pourpre à bords estampés.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont isolés ou en groupes peu
importants — 2 ou 3 au maximum — la forme de leur section
transversale est irrégulière et leur diamètre varie entre 50 et
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LÉGUMIfiEUSES AFRICAINES. Ii9
120 [x; on en rencontre en moyenne 6 par millimètre carré.
Leurs parois sont ornementées d'une façon un peu spéciale, 'les
ponctuations sont allongées dans le sens transversal et juxta-
posées bout à bout, donnant au premier abord l'apparence de
stries parallèles, quelquefois ramifiées.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires, au nombre
de 5 à 6 par millimètre, sont distants les uns des autres de 100
à 300 (X. Ils possèdent en épaisseur généralement 5 rangs de
cellules, rarement 1 ou 2.
Fibres et parenchyme. — La masse intime du bois est
formée de tissu fibreux, semé çà et là de petits îlots de paren-
F . .
cbyme lignifié entourant les vaisseaux. Le rapport p est ici très
constant et voisin de ^^ soit r .
20 1
En section transversale, les fibres sont très irrégulières
comme forme, grosseur, et disposition; leur longueur est de
900 à 1100 [X et leur diamètre 12 à IS jx; leurs parois, très forte-
1 1
ment épaissies, atteignent en épaisseur tt à ^ du rayon. Les
cellules du parenchyme ligneux ont des parois minces.
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux est dispersé sur
la coupe transversale ; il se rencontre surtout en bordure des îlots
sclérenchymateux ; en coupe longitudinale, il est groupé en
séries verticales plus ou moins longues.
Déterminations physiques et chimiques.
On donne comme poids du mètre cube 1008. Ce bois est en
effet très pesant. La densité est : pour le cœur 1 ,024, pour Tau-
bier0,896; soit : Sr^îî^ = 1,14.
' ' D cœur
La potasse et les hypochlorites donnent des taches brun
foncé; avec les autres réactifs on n'obtient rien de caractéris-
tique. Le cœur produit avec l'eau un décocté brun rouge, avec
l'alcool il forme un liquide plus clair. Le poids des cendres est
de : 1 gr. 10 p. 100.
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120 £M. PEHROT ET G. GÉRARD.
Usages.
Le Prosopis oblonga fournit lin tronc un peu tors, à bois dur,
possédant un grain fin et serré, se travaillant bien et suscep-
tible d*un beau poli. Il ne se laisse pas attaquer par les vers et
les termites.
Il est bon pour Tébénisterie, la menuiserie, le charronnage,
la charpente, les constructions navales, auxquelles il fournit des
membrures excellentes. On peut également l'employer pour
faire les outils de menuisier : équerres, rabots. Ses charbons
restent facilement incandescents pendant vingt-quatre heures.
Dans le pays on fait avec les petites branches un charbon très
homogène, brûlant lentement en donnant beaucoup de chaleur.
Ce charbon est très employé par les forgerons.
Les indigènes réunissent les feuilles et les écorces pour pré-
parer les peaux : pliées séparément et incisées puis mises
à macérer dans Teau froide, les peaux sont, dans ce but, recou-
vertes de cendres mouillées pour enlever la laine ou les poils,
puis plongées dans le bain, ensuite séchées et frottées tous les
jours pour les assouplir.
Des pilons faits avec cet arbre posséderaient des propriétés
soporifiques !
Les sorcières mariées y ont recours : le lundi et le vendredi,
elles vont évoquer le diable et, afin que leurs maris ne s'en
aperçoivent pas, elles placent un pilon de ce bois contre les
parties charnues de leur époux; de cette façon ce dernier,
sous rinfluence des vertus de ce bois, ne remarque pas leur
absence, et elles peuvent en toute tranquillité se livrer à leurs
ébats.
Ce bois se recommande surtout pour les applications exigeant
une longue durée à Thumidité ou sousTeau. Son incorruptibilité
aux intempéries fait qu'il constitue un excellent élément pour
le pavage des rues.
PTEROCARPUS ERINACEUS Porret.
Synonymes. — Plerocarpus Adansonti DC. = P. angolensis DC. = P. echi-
natus DC. = P. santalmoides L. Heu t. = P. senegalensis Vahl.
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 121
Noms français. — Santal rouge d'Afrique, Palissandre du Soufian ou du
Sénégal, Bois de Sang^Dragon du Sénégal,
Nom anglais. — African rosenwood; Bar Woodl
Noms indigènes. — Ouloff : Vene, Vén, VinCy Nekhe; Toucouleur : Baniy
Balevi; SarakhoUé : N^Gognen; Kassonké : Giieno; Malinké : Gueno, M'Gouin;
Barabara : Goni, Goué; Ouassalou : Oouen; Falor : Boket; Serère : Bdn; au
Gabon : yPGoula.
Station. — Il pousse dans tous les terrains.
Distribution géographique. — Il habite principalement le Haut Sénégal y
le Soudan^ la Haute Côte d*!voirfi, la région du Niger, le Gabon, V Angola.
Les échantillons étudiés viennent de Siguiri,
Caractères botaniques : Le Pterocarpus erinacens est un
grand arbre de 15 à 20' m. avec un tronc de 50 à 60 cm. de
diamètre; ce tronc est régulier, bien qu'un peu noueux, élevé
et porte une cime irrégulière, étalée, formée de branches tor-
tues, assez grandes, ayant une direction sensiblement horizon
taie.
L'écorce est de teinte gris fer tachée de sépia, fendillée,
rugueuse; elle se détache facilement par petites plaques.
Les feuilles sont alternes, composées, imparipennées, formées
de H à 15 folioles alternes, ovales, oblongues, brièvement
pétiolées, luisantes sur la face supérieure, ternes et veloutées
au-dessous, la nervure médiane est saillante, le limbe est
ondulé.
Les fleurs sont de couleur jaune avec un collier campanule et
8 à 10 étamines monadelphes; elles sont réunies en grappes et
apparaissent avant les feuilles en février ; elles exhalent une
odeur de coucou.
Le fruit est une gousse indéhiscente, stipitée, avec une
partie centrale renflée et couverte de piquants; il mûrit en
mai-juin, et renferme une graine bordée par une aile membra-
neuse circulaire ondulée; il n'est pas comestible.
Caractères extérieurs. — Écorce. — L'écorce est assei
épaisse (15 mm. sur le tronc) ; en coupe transversale, elle apparaît
brune et pointillée de clair, à Tintérieur on distingue une zone
moins foncée.
Bois. — Le bois, de teinte jaune pâle chez les branches
jeunes, devient rose et même rouge vif dans le tronc et les gros
rameaux; il possède un grain serré moins (in que celui du
santal rouge de Tlnde et il est très dur. Les zones saisonnières
sont faiblement marquées.
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122 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont isolés ou réunis par deux;
la forme de leur section est nettement ovale et le diamètre de
cette dernière varie entre 50 et 120 [x.
Leur nombre par millimètre carré est généralement compris
entre 8 et 10, leurs parois latérales portent de fines ponctua-
tions.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires sont très
F 6S
Pig. 21. — Plerocarpus erinaceus Ponret. — Coupe transv.; G. = 50 d; « =x^.
réguliers et tous formés d'une seule assise de cellules en largeur
et de 6 à 8 en hauteur, on en rencontre en général 12 par
millimètre et leur écart est compris entre 30 et 160 (x. Ce qui
frappe surtout c'est leur régularité dans la coupe tangentielle, car,
en plus de leur aspect uniforme, ils apparaissent rangés en séries
horizontales disposées les unes au-dessus des autres. Dans les
parties parenchymateuses on voit à côté de ces rayons des
séries de cellules arrondies beaucoup plus grosses atteignant
2 ou 3 fois la dimension de celles des rayons médullaires, mais
dont l'ensemble donne absolument, en plus grand, l'aspect des
sections de ces rayons ; elles renferment chacune un gros cristal
d'oxalate de chaux et de plus elles sont isolées dans le sens
radial.
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES. 123
Nous insistons sur ce fait car il est absolument caractéris-
tique de ce genre parmi les bois que nous avons observés.
Fibres et parenchyme* — Si Ton considère maintenant le
tissu intermédiaire, on voit qu'il a aussi un aspect très typique; il
est presque entièrement formé de fibres et coupé de place en
place par des bandes transversales de tissu sclérenchymateux
n'ayant en épaisseur que i , 2 ou 3 cellules au maximum ; ces
bandes, à certains endroits, s'élargissent brusquemment pour
donner asile à un vaisseau, puis reviennent rapidement à leur
laideur primitive ; souvent elles s'anastomosent ou s'interrom-
pent; les fibres sont très épaisses, leur longueur atteint géné-
ralement 200 \L et leur diamètre 9 à 12 [x.
T .F 68
Le rapport p=g^.
Oxalate de chaux. — Dans les coupes transversales, on voit
fréquemment un assez grand nombre de cristaux d'oxalate de
cbaux disséminés et logés dans des cellules parenchymateuses
de dimensions bien supérieures à celles de leurs voisines; ce
sont ces dernières que nous avons vues précédemment, à côté des
rayons médullaires, dans les coupes longitudinales.
Ce bois présente donc un aspect absolument spécial, ce qui
le rend très facile à distinguer.
^o^
Déterminations physiques et chimiques.
On donne comme poids du mètre cube 943 kgr.
La densité que nous avons obtenue au flacon est de 0,877.
La potasse seule fonce le pigment avec coloration brune, mais
tous les autres réactifs ne donnent aucune tache caractéris-
tique. Les décodés aqueux et alcooliques ont une teinte rose.
Le poids des cendres est de : 1 gr. 64 p. 100.
Usages.
Comme il est facile de s'en rendre compte dans les examens
précédents, cet arbre possède un bois dont le grain est d'une
grande finesse. De plus son homogénéité, sa dureté, en font un
produit de valeur. Le Jronc, bien que quelquefois un peu noueux.
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124 KM. PEUROT ET G. GÉRARD.
se travaille assez bien, mais souvent il est brûlé intérieure-
ment par les feux de forêts.
Les indigènes en font des meubles, des charpentes, des mor-
tiers à riz et à mil, des sièges, des bibelots; il mérite d'être
employé pour les meubles de grande valeur, car il ne se laisse
pas attaquer par les vers et les termites. Il sera également pré-
cieux pour Tébénisterie et le tournage.
Il est importé en Europe comme bois de teinture; son prix
atteint, sur le marché de Gorée, 160 francs le stère.
Les indigènes l'emploient aussi en injections contre la leu-
corrhée et le font servir au tannage des boissons alcooliques.
L'écorce est astringente, elle est donnée en décoction contre la
dysenterie, les maux d'estomac; les peuplades africaines l'uti-
lisent dans le tannage des peaux ; brûlée, elle fournit une cendre
qui hâte la cicatrisation des plaies.
Les feuilles pulvérisées excitent l'appétit et sont un remède
pour les maux de ventre. Les moutons, les bœufs en sont très
friands.
Le Pterocarpus fournirait aussi une sève rouge sombre,
donnant, après dessiccation, une masse astringente analogue au
Kino.
SWARTZIA MADAGASCARIENSIS Desv.
Synonymes. — Cassia madagascariensis Poir.
Noms indigènes. — Appelé Mucumbé dans les possessions portugaises de
l'Afrique où il croit naturellement (forêts de Huilla et de Pingo andango).
Station. — Le Swartzia pousse de préférence dans les terrains secs.
Distribution géographique. — Il a été rencontré dans la Haute Guinée, le
Soudan, sur les bords du lac Tchad^ dans la région du Nil et en Mozambique à
Pouest du lac Nyassa.
Caractères botaniques. — C'est un petit arbre de 5 à 10 m.,
les petites branches sont grêles, glabres ou couvertes d'un fin
duvet.
Les feuilles sont composées imparipennées possédant 9 à
H folioles alternes, ovales, elliptiques, coriaces, à face supé-
rieure glabre.
Les fleurs sont solitaires ou en inflorescences peu nombreuses
portées par des pédicelles grêles.
Le fruit est une gousse allongée renfermant un petit nombre
de graines.
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES.
125
CaractèreB extérieurs. — Écorce. — L'écorce est extérieu-
rement brune, tachée de gris cendré; en coupe transversale, elle
présente une zone externe brun foncé, partiellement exfoliée et
une région interne de 2 mm. d'épaisseur ayant une teinte claire
régulière.
Bols. — Le bois offre de grandes analogies avec celui de
YOrmosia laxi/lora; il est formé de deux parties : une zone péri-
phérique ayant environ 15 mm. d'épaisseur formée d'un bois à
grain fin serré, jaune pâle, chagriné très légèrement de lignes
irrégulières un peu plus foncées; au centre, un cœur parfaite-
ment circulaire, d'un diamètre de 20 mm., est constitué par un
bois dur, serré, à grain très fin et de teinte brun violet foncé.
Ce bois est donc en tous points comparable à celui de YOrmo-
sia laxiflora, nous allons voir que cette ressemblance se pour-
suit dans les caractères microscopiques.
Examen microscopique.
Les différences entre le cœur et l'aubier portent sur les
mêmes points que nous avons signalés à propos de YOrmosia.
m^
F 60
Fig. 22. — Swartzia madagascariensis Desv. — - Coupe transv. ; G. = 50 d. ;^=t?-
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont isolés ou groupés par deux,
leur forme est irrégulière et leur diamètre varie entre 40 et
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126 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
90 [x; leur nombre atteint en moyenne 16 par mm. carré. Leur
paroi cylindrique porte de très nombreuses et très fines ponc-
tuations.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires, distants géné-
ralement de 40 à 200 [x, sont au nombre de 10 par mm.
En épaisseur, ils sont formés le plus souvent de 2 rangs de
cellules dans leur partie centrale, rarement 3; leur hauteur est
faible. Les éléments cellulaires qui entrent dans leur constitu-
tion ont des parois assez fortement épaissies.
Fibres et parenchyme. — Le tissu fondamental est formé de
bandes irrégulières, sinueuses, fréquemment anastomosées, cons-
tituées par du tissu fibreux; elles encadrent des îlots irréguliers
de parenchyme ligneux avec cellules à parois assez fortement
épaissies mais de forme et de grandeur irrégulières; les fibres
sont assez courtes 1000 [x, leur diamètre est de 10 ;x mais leurs
membranes sont très épaisses.
1 .F 60
Le rapport p = jq-
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux est dispersé sans
ordre, mais plus rare que dans VOrmosia,
Amidon* — Dans le bois clair périphérique, on rencontre de
Tamidon en quantité assez notable.
Déterminations physiques et chimiques.
Les densités obtenues sont: pour le cœur 1,03, pour Tau-
bier 0, 949. Le rapport des deux ^r p — = 1,08.
Les réactifs ne donnent aucune coloration intéressante.
Le cœur donne un décocté aqueux coloré en brun violet;
par Talcool on obtient un liquide de teinte identique mais moins
foncée.
Usages.
Les indigènes ne se servent guère de ce bois, à cause de sa
dureté, ils ne peuvent le travailler facilement et se contentent
généralement d'en faire des pieux et des palissades. Pour cet
usage, il est en effet incorruptible.
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LÉGUMIISËUSES AFRICAINES. i27
Il est cependant possible, en raison de la finesse de son grain
et du poli qu'il est susceptible de prendre, de remployer dans
rébénisterie et la menuiserie fine. Au tour, on pourrait égale-
ment en tirer de nombreux bibelots tels que, jetons pour jeux,
pions pour les échecs, marques, etc.
On a déjà essayé l'emploi du bois de Perdrix, de la Guyane
(Swartzia tomentosa), présentant uue structure et une dureté
analogues à celui-ci, mais ses usages ne sont pas nombreux à
cause de la difficulté que Ion éprouve à le travailler.
TAMARINDUS INDICA L.
Synonymes. — Tamarindus occidentalis Gaertn. = T. officinalis Hook.
= T, umbrosa Salisb.
Nom français. — Tamarin, Tamarinier.
Noms indigènes. — OulofT : Dakhar, D*Khar; Toacouleur : Diammi (pluriel
Diabe)^ Diami, Diane-, Sarakhollé : Kharallé, .So6; Kassonké : Tombi; Malinké :
Tombi; Bambara : Tombi; Ouassalou : To7ni; Sourhaï : Bosogna; fione : Kared;
Falor : Kara ; Soussou : Tombigui.
Station. — Le Tamarin pousse facilement dans tous les terrains, assez
commun autour des villages, ce qui ferait penser qu'il a du être importé autrefois.
Distribution géographique. — Il est abondant dans tout le Sénégal. C'est
surtout un arbre de la zone soudanienne, mais il s'avance plus loin, on le
rencontre au bord des marigots et, profitant de la proximité du Niger et de ses
marécages, il s'avance jusqu'à Tombouctou,
Il a été rencontré en abondance sur les bords du marigot de Goundam et en
particulier près du campement d'ErMassara, Un individu de haute taille a été
trouvé dans la dune entre Tombouctou et Tassakonte.
Il est répandu dans toute V Afrique tropicale, les bords du Haut Nil {NU blanc)
VAbyssiniCf le Sennaar, la région du Zambèze, VAngola, 11 est cultivé dans
V Amérique tropicale, les Antilles, Curaçao, le Brésil.
On en connaît un groupe de très gros, atteignant plus de 60 pieds de haut,
près de N^Dombo, au bord du marigot de Taoué : les chefs indigènes viennent
discuter à leur pied les intérêts de leur pays.
Caractères botaniques. — Cet arbre atteint 10 à 20 m. de
haut avec 60 cent, à 1 m. de diamètre; il possède une cime
arrondie, très dense, avec un feuillage nourri, sombre, porté
par des branches tortueuses et nombreuses. L'écorce est
épaisse et atteint souvent 12 mm. avec une couche extérieure
se détachant par plaques.
Les feuilles sont alternes, paripennées, portées par un court
pétiole; les folioles sont luisantes sur la face supérieure et
ternes au-dessous.
Les fleurs sont petites, nombreuses, de couleur crème ou rou-
geâtre, très odorantes. La floraison a lieu en mars et octobre.
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<28 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
Le fruit est allongé, droit, présentant de légers étrangle-
ments qui marquent remplacement des graines : Tépicarpe est
roux foncé, et la pulpe, brune, renferme 5 à 6 graines marron
foncé très brillantes.
Ce fruit est comestible, légèrement laxatif.
Caractères extérieurs . — Écorce. — L'écorce est extérieu-
rement tachée de gris et de brun ; en coupe, elle présente, en
partant de Textérieur, un suber brun roux, puis une zone de
teinte sépia et, à l'intérieur enfin, une région très foncée poin-
tillée de clair.
Bols- — Le bois est de teinte claire, assez poreux, laissant
voir des zones faiblement marquées. Les échantillons que nous
possédions renfermaient quelques anfractuosilés venant de bles-
sures cicatrisées, le tissu ligneux qui formait les parois de ces
cavités était mortifié et sa teinte rougeâtre foncée rappelait
celle du cœur de différents bois.
Examen microscopique
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont quelquefois isolés mais le
plus souvent groupés par deux, leur forme est irrégulière et
leur diamètre compris entre 60 et 120 [x, on en rencontre en
moyenne 13 par millimètre carré. Ils sont le plus abondants
dans certaines zones étroites comme cela se produit dans le
bois vernal de nos arbres.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires, au nombre de
8 par millimètre, sont écartés de 50 à 200 [x. Ils possèdent
généralement 2 à 3 rangées de cellules, rarement une seule;
leur hauteur est faible et en coupe tangentielle, les cellules
sont régulièrement disposées en files.
Fibres et parenchyme. — Dans la plus grande partie du
bois, le tissu fondamental est très nettement formé par un
reticulum de tissu fibreux encadrant des îlots parenchymaleux
lignifiés losangiques, renfermant chacun un groupe générale-
ment formé de deux vaisseaux. Quelquefois, ces îlots s'anasto-
mosent par deux ou trois. Par contre, dans les bandes richement
vascularisées dont nous venons de parler et qui correspondent
au bois de janvier-février, cette différenciation fibreuse n'existe
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LÉGUMINEUSES AFRICAINES.
i29
pas et les vaisseaux sont fréquemment envahis par une sécrétion
gommeuse. Le rapport p = «j^ (exception faite de la zone vas-
culaire annuelle).
Le tissu parenchymateux est formé de cellules assez régulières
de forme sensiblement hexagonale; les fibres ont environ
pi RA
Fig. 23. — Tamanndus indica L. — Coupe transversale; G. = 50; p = ^*
1 400 |x de long sur 8 à 10 [x de diamètre, leurs parois épaisses
atteignent 1/3 à 1/2 de leur rayon.
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux est assez abondant
et disposé surtout à la limite du tissu sclérenchymateux; sur
les coupes longitudinales, il se présente en séries verticales qui
souvent bordent les rayons médullaires.
Coçime on le voit cet aspect rappelle, en beaucoup de points,
celui du Prosopis oblonga, bien que le bois du Tamarindus soit
plus riche en sclérenchyme et présente, en plus, des zones non
apparentes, au contraire, dans le Prosopis que nous avons étudié.
L'examen des parties colorées qui avoisinent les anfractuo-
sités signalées dans Texamen extérieur a confirmé cette opinion
que Ton se trouve en présence d'un bois analogue à celui du
cœur : les fibres sont envahies {lumen et parois) par des matières
tanniques qui en déterminent la coloration. L'échantillon que
nous possédons a un très petit cœur rouge au centre et présentant
les mêmes caractères microscopiques.
9
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130 EM. PRRROT ET G. GÉRARD.
Déterminations physiques et chimiques.
Le poids du mètre cube est donné égal à 627 kilogrammes.
La densité que nous avons obtenue est de 0,777.
Les réactifs désignés n'ont donné aucune coloration appré-
ciable. Le cœur fournit un décocté aqueux brun rougel I-«e
poids des cendres est de : 2,70 p. 100.
Usages.
Le Tamarinier fournil un tronc droit formé d'un bois très
dur, fîbreux, se travaillant assez difficilement; il ne se laisse
pas attaquer par les vers et les termites. Débité, il fournil un
cœur noirâtre.
Ce bois est bon pour Fébénisterie, la menuiserie, la char-
pente, le charronnage. Il est également employé pour les cons-
tructions navales, les courbes des embarcations, la fabrication
des pilons, des mortiers.
La poudre de ses feuilles ou leur décoction appliquée sur les
plaies serait un caustique analogue à la teinture d'iode? La
pulpe bouillie, appliquée sur les plaies, ferait pousser les chairs.
L'écorce est astringente.
Sous le nom de Bengla (en Ouloff), on désigne des confitures
faites avec le fruit non mûr, lesquelles seraient un bon remède
contre la fièvre.
La macération ou la décoction de pulpe est donnée comme
laxatif, fébrifuge et sialagogue. Contre la soif, de la pulpe ou
des graines placées dans la bouche amènent une salivation
abondante. Les fleurs pilées Servent à préparer un couscoiis. Les
fruits réunis en boules hémisphériques ou en galettes se con-
servent longtemps, on les consomme ensuite légèrement sucrés.
Les petites branches servent de sokios (brosses à dents).
La pulpe est encore employée pour la coagulation des latex à
caoutchouc.
TETRAPLEURA THONNINGII Ws. Hooker.
Synonymes. — Adenanthera tetraptera Schum et Thon.
Noms indigènes. — Diola : Boussiline,
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LÉGL'MIKEIJSES AFRICAINES. 131
Station. — Dans la Casamance et en particulier dans la forêt de Ziguinchor
sur le chemin de Guidé.
Distribation géographique. — Le Tetrapleura Thonningii croit dans la
HoMle Guinée où il 9e rencontre en asset grande abondance; on le trouve
également dans VAngola,
Caractères botaniques. — C'est un grand et bel arbre à cime
arrondie dense. Le tronc et les grosses branches sont recouverts
d*uiie écorce grisâtre.
Les feuilles sont alternes ou subopposées, formées de folioles
peu nombreuses, petites, serrées, oblongues ou elliptiques,
obtuses, coriaces, glabres.
Les fleurs sont réunies en inflorescences peu nombreuses.
Le fruit est un légume, ayant environ 10 centimètres de long,
dont chacune des deux valves porte sur sa face dorsale deux
ailes longitudinales membraneuses.
C'est ce caractère qui est rappelé dans le nom générique de
cet arbre.
Caractères extérieurs. — Écorce. — L'écorce est extérieu-
rement gris cendré clair, pointillé de noir, crevassée; son
épaisseur est d'environ 5 millimètres. Sur la coupe transversale,
on voit, en commençant par l'extérieur : d'abord une zone subé-
rienne de teinte brun roux, puis une région interne brune tache-
tée de points clairs correspondant à des sections de paquets
fibreux.
Bols. — Le bois est de teinte claire, à grain fin, serré, assez
homogène ; il est légèrement chagriné en plus clair et ses sec-
tiohs radiales et tangentielles sont finement striées parles traces
des rayons médullaires.
Examen microscopique.
Vaisseaux. — Les vaisseaux sont rarement isolés, le plus
souvent groupés par deux ou trois en séries radiales.
La forme de leurs sections est arrondie ou aplatie dans les
groupements. Leur diamètre est compris entre 80 et 200 \l et
leur nombre, par millimètre carré, en moyenne de 9 à 10.
Leur surface cylindrique présente un réseau régulier de ponc-
tuations simples.
Rayons médullaires. — Les rayons médullaires assez nom-
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132
EM. PERROT ET G. GÉRARD.
breux (on en rencontre de 7 à 8 par millimètre) sont irréguliè-
rement distants; leur écart varie en effet de 50 à 300 [x et sou-
vent ils décrivent des courbes pour éviter les vaisseaux. En
épaisseur, ils ont le plus généralement 2 à 3 cellules; quant à
leur hauteur, elle varie de 50 à 300 [jl.
Fibres et parenchyme. — La masse du tissu lignifié est
formée de fibres irrégulières, très épaissies, longues d'environ
Fig. 24. — Tetrapleura Thonningii W. Hook. — Coupe transversale;
2 500 [X sur 12 à 14 de diamètre, avec d'assez nombreux flots
de parenchyme lignifié entourant les vaisseaux; quelquefois
ces îlots sont légèrement allongés et s'anastomosent entre eux;
les cellules qui les composent sont petites et ont des mem-
branes légèrement épaissies et pourvues de ponctuations. Le
, F 49
rapport -p=gY.
Comme on le voit, les 2 tissus sont sensiblement en quan-
tités égales.
Oxalate de chaux. — L'oxalate de chaux, assez abondant, est
disséminé aux confins des fibres et forme en coupe longitudinale
des séries de cristaux assez longues.
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LÉGUNIKEUSES AFRICAINES. 133
Déterminations physiques et chimiques.
Comme densité nous avons obtenu : 0,744.
Les réactifs indiqués ne donnent aucune coloration intéres-
sante.
Les décoctés aqueux et alcooliques sont peu colorés. Le
poids des cendres est de : 2 gr. 10 p. 100.
Usages.
Ce bois, facile à travailler, peut être utilisé dans la menui-
serie, la construction et surtout le cbarronnage.
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TROISIEME PARTIE
CONCLUSION.
En comparant et discutant les données fournies par les études
précédentes, il est facile de faire ressortir les particularités qui,
par leur constance et leur précision permettent de caractériser
les espèces et de reconnaître si deux bois d'origine géographique
différente proviennent bien d'arbres botaniquement identiques \
Parmi les caractères extérieurs que fournit l'examen macro-
scopique considérons d'abord la couleur. Cet élément est celui
qui le premier s'offre à la vue et doit à notre avis servir de base
à un premier classement. On séparera ainsi les échantillons en
un certain nombre de groupements et, si les bois possèdent un
cœur et un aubier différenciés, on considérera uniquement la
couleur de la partie centrale représentant le bois parfait. On
peut de cette façon établir les classes suivantes :
I. Les Bois BLANCS (type Peuplier). Exemple : Parkia biglobosa,
II. Les BOIS JAUNE ciTRiN (type Buis). Exemple : Albizzia
anthelminthica (aubier de Swartzia madagascariensis) ,
1. Au dernier moment, nous avons eu connaissance d'un travail dû à
MM. D»* J.-W. MoLL et H. -H. Janssonius et intitulé « Mikrographie des
Hoizes ».
Dans cet ouvage important, ces deux auteurs divisent l'étude du bois
en 3 parties comprenant respectivement : Tanatomie microscopique
(description de la masse ligneuse), l'histologie (description spéciale des
tissus), la cytologie (description des éléments cellulaires). Après avoir
examiné les réactifs employés, ils présentent en un tableau d'ensemble,
renfermant de multiples divisions et sous-divisions, l'ensemble des
caractères à considérer dans une étude du bois. Enfin, dans une deuxième
partie, ils examinent successivement un grand nombre d'espèces ligneuses
d'après la méthode qu'ils ont indiquée. Dans les nombreux schémas
répartis dans le texte, les régions parenchymateuses sont couvertes de
hachures, représentation conventionnelle qui a l'inconvénient de rendre
sensiblement l'inverse de l'effet produit sur l'œil ou sur les photographies.
Cet ouvrage apporte un grand appoint à la connaissance microscopique
du tissu ligneux, mais il nous semble qu'il ne rend pas inutile celui que
nous avons entrepris.
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CONCLUSION. ia5
III. Les BOIS ROUGES (type Acajou). Exemple : Prosopis
oblonga (cœur).
IV. Les BOIS NOIRS (type Ebène). Exemple : Dalbergia mêla-
noxylon, Swartzia madagascariensis (cœur).
V . Les BOIS DE TEINTE NEUTRE pouvaut so subdiviser en :
A. Brun jaune (type Noyer). Exemple : Bauhinia reticulata.
B. Brun rouge (type Palissandre). Exemple : Deiarium sene-
galense.
Dans ces classes ensuite une seconde division peut être
obtenue en formant des groupes renfermant :
1° Les bois ne présentant pas de cœur diiTérencié. Exemple :
Erythrina senegalensis.
T Les bois présentant un cœur à contour dégradé. Exemple :
Prosopis oblonga.
3** Les bois présentant un cœur à contour net. Exemple :
Ormosia laxiflora.
Enfin une autre sélection peut être obtenue par le rapproche-
ment des espèces ayant un grain de même ordre de grosseur;
on aura ainsi :
A. Les BOIS A GROS GRAIN. Exemple : Erythrina senegalensis.
B. Les BOIS A GRAIN MOYEN, Exemple : Parkia bigloèosa.
C. Les BOIS A GRAIN FIN. Exemple : Swartzia madagasca-
riensis.
L*écorce, par son épaisseur, sa régularité, son adhérence au
bois, sa couleur, fournira autant de renseignements de réelle
valeur pour Tidentification encore plus complète de Tespèce
examinée.
Les déterminations physiques et chimiques que nous avons
mentionnées entrent également en ligne de compte; elles ser-
viront surtout, au point de vue systématique, en fournissant au
dossier de Tespèce un chiffre de valeur constante, celui de la
densité, la principale utilité des autres observations de ce genre
se rapportant surtout à la détermination des qualités économi-
ques du bois considéré.
De Texamen microscopique on doit chercher également à
déduire une subordination des caractères qui facilitera le dia-
gnostic des échantillons commerciaux.
En première ligne, nous placerons le caractère tiré de Tépais-
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136 EM. PERAOT RT G. GÉRARD.
seur et du mode de distribution des rayons médullaires. On
notera donc toujours avec le plus grand soin le nombre de cel-
lules qui, sur les coupes tangentielles, composent ces rayons
médullaires dans leur plus grande épaisseur, ainsi que le nombre
de ces rayons médullaires répartis par millimètre sur les coupes
transversales.
Ces deux indications sont le plus souvent concordantes, et
coïncident presque toujours dans la classification des caractères
amenant à Tidentification des espèces.
Dans le cas, relativement très rare, où le nombre des cellules
des rayons médullaires éloignerait un bois de la série normale-
ment établie par le nombre de ces rayons, cette anomalie elle-
même constituerait un nouveau caractère de spécification. Cette
méthode pour les Légumineuses africaines étudiées nous a.
permis d'établir six groupes.
I. — Rayons médullaires possédant généralement une assise
DE cellules. — Le nombre des rayons médullaires par millimètre
est supérieur généralement à 10. Exemples :
Pterocarpus erinaceus 12 par millimètre.
Bauhinia rufescens 12 —
Bauhinia reticulata 16 —
Type spécial :
Berlinia acuminata 6 —
IL Rayons médullaires possédant généralement 2 ou 3 assises
DE CELLULES. — De 5 à 10 rayons médullaires par millimètre.
Exemples :
Ormosia laxiflora 10 par millimètre.
Swartziamadagascariensis. . . \0 —
Tetrapleura Thonningii 7 —
Cassia Sieberiana 7 —
Tamarindus indica 7 —
Albizzia Lebbeck 6 —
— anlhelminlhica .... 5 —
Prosopis oblonga 5 —
IIL Rayons médullaires possédant 3, 4 ou o assises de cellules.
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CONCLUSION. 137
— De 5 à 10 rayons médullaires par millimètre. Exemples :
Deiarium microcarpum .... 6 par millimètre.
— senegalense 6 —
Daniella thurifera 6 —
Parkia africana 5 —
— biglobosa 4 —
A part :
Burkea africana H —
IV. Rayons médullaires possédant 5 à 10 assises de cellules. —
De 4 à 5 rayons médullaires par millimètre. Exemples :
Accacia Seyal 5 par millimètre.
— Sénégal
— Sieberiana
— arabica
— allissima
Dichrostachys nutans
Y. Rayons médullaires possédant 8 a 12 assises de cellules. —
De 3 à 4 rayons médullaires par millimètre. Exemple :
Erythrina senegalensis 3 par millimètre.
Dans ces déterminations en ce qui concerne l'épaisseur, on ne
tient pas compte des petits rayons ; mais on se base uniquement
sur la taille moyenne de la majorité des éléments qui contribue
seule, d ailleurs, à donner leur aspect général aux diverses
coupes tangentielles.
Voici donc établies déjà diverses séries de groupements dans,
lesquels il sera facile ensuite d*établir au microscope des caté-
gories nouvelles grâce i la plus ou moins grande richesse en
F
fibres ; pour cela on établira comme il a été dit le rapport p.
C'est ainsi que la valeur de ce rapport du tissu fibreux au paren-
chyme ligneux séparera par exemple dans le premier groupe :
le Bauhinia rufèscens p = — soit 7 >
F* 8f> 2
du Plerocarpus erinaceus p = 00 *^** T *
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138 ËM. PERROT ET G. GÉRARD.
Dans le deuxième groupe on différenciera de même :
VOrmosia taxiflora -p = ^ soit j »
Y A Ibizzia anthelminthica p = ^^ soit j >
le Cassia Sieberiana p = ^ soit ~ •
Enfin, comme nous l'avons déjà signalé dans la première partie
de ce travail, une place toute spéciale doit être réservée à l'indi-
cation de la présence ou l'absence d'un appareil sécréteur.
Les Daniella^ les Detarium, etc., sont nettement caractérisés
par ces formations dont l'aspect permet une diagnose encore
plus rapide, et ce caractère est de première valeur pour les végé-
taux qui nous occupent dans ce travail.
Les ponctuations des vaisseaux, les formes cristallines, la fré-
quence et la disposition de l'oxalate de chaux rendront égale-
ment possible la distinction d'espèces voisines pour lesquelles
les autres caractères seront identiques ou présenteront des diffé-
rences insignifiantes.
Les renseignements fournis par l'étude de l'écorce viendront
également apporter leur appoint et aideront à établir la classifi-
cation dichotomique qui doit être dans la mesure du possible, la
conclusion absolue de ces études.
Celle classification, quand elle sera complète, permettra, dans
la plupart des cas, d'arriver facilement et rapidement, à l'aide
de l'examen extérieur et de l'étude microscopique du bois et de
son écorce, à déterminer à quelle famille, àquelgenreou môrae
à quelle espèce appartient la plante productrice.
Nous n'avons pas encore établi un tel tableau pour les Légu-
mineuses étudiées, ce travail serait incomplet et en conséquence
inutile. Mais, plus tard, lorsque le nombre des bois étudiés sera
beaucoup plus grand, il sera dès lors possible et nécessaire de
tracer, en se basant sur les fiches établies pour chaque espèce,
un système de fiches, de consultation aisée, à l'aide duquel toute
personne munie de notions suffisantes de morphologie végétale
arrivera rapidement à caractériser toutes espèces ligneuses. C'est
pourquoi nous espérons * étendre d'abord la série de ces études
1 . Nous réunissons depuis plusieurs mois tous les bois de la forêt tro-
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CONCLUSION. i39
aux différents bois de l'Afrique occidentale, et terminer par
l'établissement de ce document analytique quand nos recherches
activement continuées nous auront fourni des éléments suffi-
sants.
Nous plaçant à un autre point de vue plus pratique, nous
allons faire ressortir maintenant, par une simple exposition des
données recueillies dans la deuxième partie de ce travail, la
connexité qui existe entre les particularités de la structure
intime d'un bois et les qualités économiques qui en résultent
pour lui.
Parmi les déterminations physiques une seule a été abordée
ici, c'est celle de la densité, et quelques remarques s'imposent
à ce sujet. En se basant sur ces données, les bois peuvent être
répartis entre 4 catégories :
1" EXTBA-LÉGKBS : D < 0,500.
Exemple : Erythrina senegaleiisis chez qui D = 0,428.
2* Bois légers : 0,500 < D < 0,750.
Ex.... : Daniella ihurifera D = 0,503
Burkea africana D = 0,677
Parkia biglobosa D = 0,699.
3** Bois LOURDS : 0,750<D<1 000.
Ex.... : Detariumsenegalense D = 0,761
Acacia Sénégal D = 0,963.
4° Bois EXTRA-LOURDS : D > 1 000.
Ex.... : Ormosia laxi/lora ha. (aubier)=^ 1100 ;Dc=l 140.
Swartzia madagascariensis De = 1030.
Si nous comparons maintenant les densités du cœur et de
l'aubier, nous trouvons que le rapport jr—y — r-r-^ est le plus
fréquemment compris entre 1,05 et 1,15; il diminue assez
régulièrement à mesure que la densité de l'aubier augmente.
C'est ce qu'exprime le tableau suivant :
picale africaine, dont nous recevons des échantillons parfaitement déter-
minés et classés par M. Aug. Chevalier, chargé de missions spéciales en
Afrique et .dont nous entreprenons simultanément l'étude systématique
et micrographique. Le travail d'ensemble sera donc poursuivi sans inter-
ruption.
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140 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
Prosopis oblonga ££_1M_4 iz
Acacia arabica 1^ QM^ - ..
* Da — Ô327~*'^*
Acacia Sing Pc _ 0,946 _
Acacia Seyal 5?_Mi^_4 4a
Da — 0,831— ^'^^
StoarUia madagascariensis. 2^ = ^'^\ = \ m
ua 0^545 '"
Ormosia laxiflora .... £i=iill_4 0^
Dâ TTrcr — *'""^
Parmi les caractères microscopiques, il convient encore de
citer le diamètre et le nombre des vaisseaux ; la considération
de ces deux données permettra d*estimer la texture plus ou
moins grosse du tissu ligneux; les éléments vasculaires suivent,
en effet, d'une façon générale, les autres éléments du bois dans
leurs variations en grosseur et en abondance; d'autre part,
étant de taille plus grande et par conséquent plus faciles à
mesurer, il y aura avantage à les prendre comme élément d'es-
timation.
Diamètre Nombre
des vaisseaux. de vaisseaux
par millimètre.
l"" Texture très fine : 0 à 100(1 10 i ao
Ormosia laxiflora 80 |ji 14
Swartzia madagaseariensis . . 90 |x 16
2'' Textore fine : 100 à 150 (jl S à 10
Plerocarpus erinaceus ..... 120 |ji 9
Prosopis oblonga 120 |x 6
S"" Texture moyenne : 150 à 200 {jl 3 à 4
Parkia biglobosa 180 |ji 4
Daniella thurifera. 200 jx 4
4'' Texture grosse : 200 à 250 {x 2 à 3
Albizzia Lebbeck 220 |x 3
Acacia altissima ....... 250 |jl 2
5^ Texture très grosse : 250 [jl à oo 3 à 0
Eryihrina senegalensis 300 |x 2àâ'
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CONCLUSION. i41
Or Tune des expressions commerciales courantes dont on se
sert dans l'industrie des bois, celle de la nature du grairiy se rap-
porte à la texture intime du tissu ligneux et n'est autre que
la résultante de plusieurs propriétés élémentaires :
l"" La nature et le mode de répartition des éléments du bois.
2^* La disposition relative des tissus fibreux et du parenchyme
ligneux indiquée par la largeur ou Técartement des bandes
fibreuses qui peut varier comme on le sait entre des limites très
étendues. Cest ainsi que la largeur des bandes fibreuses dans
le Swartzia madagascariensis est de 1 00 à 150 |jl ; dans le Dichros-
tachys nutans de 300 \k environ, dans V Acacia Seyal de 500 jx.
3"" Enfin la largeur et le nombre relatif des rayons médullaires.
Les fibres, par leur épaisseur, leur longueur, leur trajet, leur
abondance, donnent à certains bois des qualités spéciales, aussi
devons-nous tenir grand compte des données de leur étude dans
la classification commerciale. La dureté est fonction de l'abon-
dance du tissu fibreux comme de l'épaisseur des membranes
(fibres et parenchyme ligneux), et l'abondance des fibres, donnée
F
par le rapport p, permet de répartir les bois en 3 catégories.
P 70
1* Bois TRÈS DURS : P^TÔÔ*
Ex.... : Prosopis oblonga p = -g.
P 77
Ormosia laxiflora P= — .
70 P ^0
2^ Bois de dureté moyenne : jttjt > p > jtîâ •
P fiK
Ex,... : Albizzia anthelminthica pi= —
F 39
Detarium senegalense p = TO-
00 D F ^ 30
3*" Bois tendres : p < wwj •
P j K
Ex.... : Erythrina senegalensis p = jT^.
Mais les types groupés dans ces sections établies en s'ap-
puyant sur cette seule valeur se trouveront fréquemment séparés
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142 EM. PERBOT ET G. GÉRARD.
les uns des autres si on examine l'épaisseur des parois, c'est-à-
dire rimportance de la lignification.
L'élasticité d'un bois sera fonction de la longueur et de la
finesse des éléments fibreux ou parenchymateux ; les bois à
fibres courtes comme le Prosopis oblonga ont des fibres qui
mesurent de 900 à 1000 jx, celles de VOrmosia laxiflora de 800
à 1000 [x; ils sont résistants mais peu élastiques.
Le Tetrapleura Thonningii, au contraire, dont le bois est très
élastique, possède des fibres longues atteignant 2 500 [x avec un
diamètre de 11 à 14 (x.
Qu'il nous soit permis, en terminant ces déductions, de nous
livrer à un essai de groupement de bois des Légumineuses afri-
cains étudiées, en nous basant sur les usages respectifs auxquels
ils paraissent destinés par les qualités que nous avons fait
ressortir* :
Menuiserie légère : Acacia Sieberiana^ Parkia biglobosa^
Daniella thunferat
Menuiserie fine, tabletterie, sculpture : Acacia altissima^
Detarium sénégalaise et microcarpum, Bauhinia reticulata et
rufescenSy Afzelia africana.
Ebénisterie, travail au tour, gravure sur bois : Ormosia
laxiflora, Swartzia madagascariensis, Dalbergia melanoxylon,
Pterocarpus erinaceus, Prosopis oblonga, A Ibizzia anthelminthica.
Charronnage, manches d'outils : Tetrapleura Thonningii ,
A Ibizzia Lebbeck, Cassia Sieberiana.
Charpentes : Cordyla africana, Tamarindus indica, Cassin
Sieberiana.
Bois légers pour bateaux : Acacia altissima.
Bois pour courbes, bordages: Acacia arabica, Detarium senega-
lense et microcarpum.
Nous pensons avoir montré suffisamment, dans les quelques
pages qui précèdent, par un simple rapprochement de chiffres
1. Il est bien entendu que ces conclusions doivent être envisagées sous
la réserve expresse de la possibilité de se procurer à bon compte les
espèces en question. Il faudra en déterminer l'habitat, l'abondance dans
divers pays et la facile exploitation.
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CONCLUSION. 143
et de rapports, Timportance économique et la précision des
données fournies par Texamen microscopique.
Des résultats définitifs ne pourront être acquis qu'après
l'extension de cette étude à une quantité suffisante d'espèces
ligneuses appartenant aux diverses familles végétales et de pro-
venances géographiques difîérentes.
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ERRATA
DAN^ LES SYNONYMIES DES ESPECES DÉCRITES DANS LA DEUXiÈyE PARTIE
Page 49. Lire : Mimosa altissima Ruxb, et non Oliver.
— 50. — Acacia niloiica Delile et non Delib.
— Mimosa adstringens Schum. et Thonn. et non astrin-
gens Thomm.
— 60. — Acacia Giraffa Lieb. el non Ac. Gir, Delib.
— A. Fistula Schweinf. et non .4. fislula Sciiwein.
— 70. — Albizzia Lebbeck, Benth. el non Alb. Lebbeck Will.
= Acacia Lebbeck Willd.
— 85. — Cassia Javanicœ Benth : supprimer le mot affinis
et lire C, javanicœ, Sieber ex Benth.
— 102. — Dichrostachys nutaris et non D. nulois.
— Acacia gracilis Mari, et non Ac, gracilis Lecard.
— Desmanthus irichoslachyus et non Dennanlhus
irichostachiis.
— 114. — Mimosa biglobosa el non M. biglandulosa.
— Prosopis fieculifera el non P. facculifera.
— 120. — Plerocarpus ermac^us Lam. el non Pt. erinaccus,
Porrel.
supprimer P, sanialnioides L'Hér. qui est synonyme
de Pt. esculenlvs.
— 130. — Tetrapleura Thoiiningii Benth. el Tct, Thonningii
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51. Regnaijlt, Recherches sur les affinités de structure des tiges des plantes
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148 EM. PERROT ET G. GÉRARD.
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52. Reiche (K.), Zur Kenntniss der Lebensthàtigkeit einiger chilenischer
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53. Reinke, Beitràge zur Anatomie der Laubblàtterbesonders an den zâhnen
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54. Hhein, Anat. d. Csesalpin. Dissert. Kiel, 1888.
55. Richard (A.), in Guillemin, Perrottet et Richard.
56. Rossmann (J.), Ueber den Bau des Holzes der in Deutschland wildwach-
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57. Rcssell ( W.), Appareil sécréteur des Papilionacées. Revue de Bot., t. II,
1898, p. 341, 344.
58. Saupe, Anat. Bau d. Holzes der Legum. Flora, 1887, p. 259, 275, 295,
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59. SÉBiRE (R. P. A.), Les plantes utiles du Sénégal. Paris, 1899.
60. D»" SoLEREDER (Hans), Systemalische Anatomie der Dicotyledonen.
Stuttgart, 1899.
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Mûnchén, 1885.
61. Schumacher Ch. Fred. — Beskrivelse af Guineiske Planter^ vom ère
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Dansk, Vid. Selsk. Afh. III, 1828, pp. 21-248; IV, pp. 1-236.
62. Stone (Herbert), On the identification of wood by means of tke anato-
mical characters, Journ. society of arts, décembre 1901.
— The timbei*s of commerce and their identification. Londres, 1904.
63. Thil (A.), Constitution anatomique du boisy Paris, 1900. (Etude pré-
sentée à la Commission des méthodes d'essai des matériaux de construc-
tion. Exposition univ. de 4900),
64. Thil (A.) et Touroude, Sur une étude micrographique du tissu ligneux
dans les arbres et les arbrisseaux. C. R., CIX, 922, 1889.
65. Trécul, Dm tannin dans les Légumineuses. C. R., t. LX; 1865, p. 22{i,
et Ann. se. nat., série 5, t. IV, p. 378, et Adansonia, t. Vil, p. 113, 117.
66. Tschirch, Angewandte Pflanzenanatomie. Leipzig, 1889.
67. Tschirch et OEsterlé, Anatomischer Atlas. Leipzig, 1893-1900.
68. Unwin, Comparaison of the strength of colonial timbers with Ihat o/
european timbers. Impérial Institute Journal, vol Vil.
— The testing of the materials of construction, Ed. 1899.
69. Ursprung, Beitràge zur Anatomie und Jahresringbildung tropischer
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— Zur Periodicitàt des Dickenwachstums in den Tropen. Bot. Zeil., 1904,
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70. Van Tieghem, Sur le réseau de soutien de VÉcorce de la racine, Ann. se.
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71. Vooelsberger, Anat. Charakt. d'Hedysareen. Diss. Univ. Erlangen. —
Greifswald, 1893, p. 59.
72. VtJiLLEMiN, iipp. sécréteur des Papilionacées. Bull. Soc. Bol.de France,
t. XXXVIll, 1891, p. 193, 200.
73. Wedel, Anat. d. Ei-ytrophlœum. Diss. Erlangen, p. 26.
74. Wevland, Anat., charakt d. Galegeen. Diss. Mûnehen, 1893.
75. Wiesner (J.), Die RohstofTe des Pflanzenreiches, 2 Aufl., 1903.
76. WiTTLiN, Ueber die Bildung der KalkoxalatTaschen. Bot. Centralb.,
1896, t. 67, p. 33.
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TABLE ALPHABÉTIQUE DES NOMS INDIGÈNES
ABRÉVIATIONS
Oulofr(ou Wolofif ou Yolofif) 0.
Toucouleurs (ou foulahs) (laogue : foulbé) T.
Saracole S.
Kassonké K.
Malinké M.
Bambara B.
Onassalou Oa.
Sonhraî (langue kissour) , Son.
Arabe Ar.
Touareg (langue temacheg) tem.
Timene t.
Simba s.
Sérère ser.
None (sérère ou Thiès) . . n.
Mandingue (ou socé) m.
Falor f.
Diola D.
Baynounke b.
Salante Bal.
Senoufo San.
Haoussas H.
Portugais créole P.
Anglais créole ou Acou A.
Absaq.
Acacia,
tem.
Ahadès.
Acacia alhida.
tem.
Alouk.
Acacia Sieberiana,
t.
Alouki.
— —
t.
Amoura.
— arabica.
ar.
Aouarouar.
— Sénégal.
tem,
Aourouar.
— —
Ar.
Babdé.
Daniella thurifera.
Bal.
Babel.
Bauhinia reticulata.
Ar.
Bagana.
Acacia arabica.
B.
Bagana.
— —
K.
Bagana.
~~ — •
M.
10.
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150
EM. PERROT ET G. GÉRARD.
Baggui.
Acacia Sieberiana.
B.
Balansa.
— albida.
Oa.
_^
— —
B.
Balevi.
Pterocarpus erinaceus.
T.
San.
— —
ter.
Bangboua.
Cassia Sieberiana.
80U8SOU.
Bani.
Pteroc'irpus erinaceus.
T.
Banigna.
Acacia arabica.
son.
Bara-na.
9
?
Barkehi.
Bauhinia reticulata.
T.
Barkevi.
— —
T.
Billeur.
Herminiera elaphroxylon.
O.
Bilor.
— —
O.
Bissogna.
Acacia tortilis H.
Son.
Bodo.
Detunum senegalen$e.
M.
Boïna.
Acacia arabica.
B.
Boïna.
— —
Ôa.
Boket.
Pterocarpus erinaceus.
f.
Bonank.
Acacia arabica.
B.
Bosogna.
Tamarindus indica.
son.
Bouana.
Acacia arabica.
B.
Boubalinangou.
Daniella thurifera.
D.
Bonbrib.
Acacia albida.
D.
Boufâlat.
Bauhinia reticulata.
D.
Boulbe.
Acacia Seyal.
T.
Boulbi.
— —
T.
__
— tortilis H.
T.
Boursâ.
Mimosa asperata.
f.
Bousayma.
— —
0.
Bousé.
Acacia altissima.
D.
Bousesègne.
— tortilis H.
D,
Boussi-line.
Tetrapleura Thonningii.
D.
Boutefoul.
Acacia albida.
D.
Boutoulao.
Acacia ataxacantha D. C.
D.
Bransan.
— albida.
K.
Bransan guhoni.
Acacia Sieberiana.
M.
Cada.
— albida.
0.
Cougou.
Mimosa asperata.
son.
Dakhar.
Tamarindus indica.
0.
Danha.
Detarium microcarpum.
0.
Dank.
— —
O.
Danka.
— —
O.
Ded.
Mimosa asperata.
0.
Ded.
Acacia pennata W.
O.
Deda.
— —
O.
Deda.
Albizzia anthelminthica.
O.
Deligna.
Acacia Sénégal.
sen.
Deligna.
■ — —
son.
Detah.
Detarium senegalense.
O.
Diabbe.
Acacia arabica.
K.
Diabbe.
— —
8.
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UBIS ALPHABÉTIQOB.
m
Diabé (pluriel de Diammi).
Diabi.
Acacia arabica.
U
Diahan.
Fierocarpus escuUntus.
?
Dialan Kamban.
Entada africana.
?
Diami.
Tamarindus indica.
T.
Diammi (pluriel : Diabé).
— ' —
T.
Diane.
— —
T.
Diegou.
Pierocarpm escukntus.
?
Dieli Kamba.
Bntada africana.
?
Dimb.
Cordyla —
O.
Dimba.
— —
O.
Ditah.
Detarium senegalense»
O.
D*Khar.
Tamarindus indica.
O.
Dobole.
Ormosia laxifiora.
T,
Dougoura.
Cordyla africana.
B.
Dougouro.
— —
Oa.
Dougouto.
— —
K.
Douke.
— —
T.
Enokay.
Parkia biglobosa.
D.
Fâ.
OrtMsia laxifiora.
S.
Fancouhingui.
. ?
BOUISOU.
Fara-Fara.
Bauhinia reHculata.
ton.
Faro.
— —
K.
Farôba.
Parkia biglobosa.
P.
Feleriay.
Lonchocarpm formosianus.
O.
Fench.
Acacia SeyaL
O.
Forabero.
— altissima.
peuhl.
Foraberou.
— —
peuW,.
Fourmou.
9
?
Fousente-farate.
Erylkrina ienegalensis.
D.
Gadiandj.
Mimosa asperata.
T.
Gaodi.
Acacia arabica.
T.
Gaoub.
Acacia arabica.
T.
Gaoud.
— —
T.
Gaoudi.
— —
T.
Ghighis.
Bauhinia reticulata.
O.
Gnélj.
Detarium senegalense.
0.
Goguêl.
Bauhinia reticulata.
f.
Goli.
Prosopis obUmga.
e.
Gonakie.
Acacia arabica.
Q
(dM bords du Sénégal)
Goni.
Pterocarpus erinaceus.
9'
Gononi.
Vimosa asperata.
B.
Goué.
Pterocarpus erinaceus.
B.
Gouen.
— —
Oft.
Guele.
M.
Guelen.
Prosopis oblonga.
M.
—
Oa.
__
_ —
K.
__
... —
B.
Gueno.
Pterocarpus erinaceus.
¥•
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11^2
EM. PBRROT ET G. GÉRARD.
Guenb.
Pterocarpus erinacetu.
K.
Guerackiao.
Mimosa asperata.
O.
Guese-bine.
Acacia Sieberiana,
8.
Guese-bini.
— Sénégal.
8.
Guese-coule.
— SeyaL
8.
Guire.
Prosopis oblonga.
T.
Hak.
Acaria albida.
f.
Handiar.
Lonchocarpui formofianus.
O.
Hamout.
Daniella tkurifera.
T.
Hol.
Dttarium seneyaUnse.
0.
Holi.
— —
0.
Hom.
— —
f.
Houlle.
Parkia biglobosa.
0.
Houndieul.
Erythrina ienegalensis.
o.
Ir.
Prosopis oblonga.
0.
Jadié.
Acacia tortilis H.
B.
Kada.
— albida.
O.
Kadd.
— _
0.
Kade.
— —
O.
Kaki.
Copaifera copallina.
?
Kara.
Tamarindus indica.
f.
KarboD.
Acacia tortilis H.
P.
Kared.
Tamarindus indica.
Kaseit.
Cassia Sieberiana.
DioU.
Kassane.
Acacia albida.
son.
Kennwood.
— tortilis H.
Acou
Kharallé.
Tamarindus indica.
8.
Ko-flna.
M.
Koki.
Prosopis oblonga.
T.
Kololo.
Acacia Sieberiana.
M.
KoQcodie.
Detarium microcarpum.
T.
Ko-nere.
?
?
Kongh'oli.
?
?
Korombine.
Prosopis oblonga.
8
Ko-sau.
?
?
Kougnie sad.
Acacia albida.
8.
Kougne-son.
__ —
8.
Koulou-Koulou.
Ormosia laxiflora.
M.
— —
— —
B.
K.
Oa.
Koungecelegou.
Acacia Sieberiana.
Lerou.
Erythrina senegalensis.
M.
Maye.
Mimosa asperata.
0.
M'Barquehi.
Bauhinia reticulata.
T.
Mbaylo.
Lonchocarpus formosianus.
O.
M^bembé.
— senegalensis.
?
M'Bilor.
Herminiera elaphroxylon.
O.
M'bombay.
Lonchocarpus formosianus.
sar.
M'Gouin.
Pterocarpus erinaceus.
m.
Missa amandan.
?
?
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i
TABLE ALPHABÉTIQUE.
IS
Mpenah.
Acacia SeyaL
son.
Mpenah.
— —
O.
Namare.
Bauhinia rufescens.
T.
Namari.
— —
T.
N'daba-coumba.
Detarium senegalense.
B.
NMali.
— —
ser.
N diander.
Mimosa asperata.
O.
N'doli.
Detarium senegalense.
T.
N domb.
Acacia SeyaL
ser.
N douk.
Detarium senegalense.
O.
NMoy.
__ —
ser.
Neb-neb.
Acacia arabica.
O.
Nep-nep.
— —
f.
— —
— —
ser.
Nere.
Parkia biglobosa.
n.
B.
Nere.
__ __
m.
—
— —
Oa.
Neri.
— —
BOUSSOU.
Nele.
— —
T. S.K. M
Neteguy.
Acacia rubra Lecard.
0.
Nette.
Parkia biglobosa.
B.
Ngarap.
Acacia ataxacantha D. C.
O.
Ngayo.
Bauhinia reticulaia.
ser.
Nghas.
Acacia Sieberiana.
ser.
Ngobop.
— Sénégal.
ser.
—
— ataxacantha D. C.
ser.
N'gognen.
Pterocarpus ennaceus.
8.
Ngorokolok.
Albizzia anthelminthica.
f.
N'goula.,
Pterocarpus erinaceus.
Gabon.
N'guiguis.
Bauhinia reticulata.
O.
Niama.
— —
Oa.
m.
Noumou-guire.
Prosopis oblonga.
B.
Oa.
B.
O.
Ouaki.
Acacia arabica.
Ouankare.
Cordyla af ricana.
S.
Ouassa.
?
?
Ouki.
Acacia Sénégal.
f.
Oulli.
Parkia biglobosa.
0.
Patouki.
Acacia Sénégal.
T.
Pek.
- SeyaL
f.
Pêk.
— Sieberiana,
f.
Rahn.
Detarium microcarpum.
ser.
Rand.
Bauhinia rufesceyis.
O.
Randa.
— —
O.
Sadie.
Acacia SeyaL
B.
—
— Sénégal.
Oa.
Saer.
Albizzia Lebbeck.
Sahe.
Acacia SeyaL
Oa.
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154
EM. PERROT ET G. GÉRARD.
Sahe.
Sahe-fin.
Sahe-koyo.
Sam ban n.
Same.
Sanan.
Sanar.
Sandandan.
Santan.
San tangue.
Saon.
Sélé.
Selen.
Seligué.
Sendiègne.
Séou.
Sesban.
SiUle.
SiOli.
Simbach.
Sindia.
Sindian.
Sindiangûe.
Sindiègne.
Sindin.
Sing.
Sing-sing.
Singuia.
Singuian.
Sini.
Sinthy.
Sintj.
Sinya.
Sipignan.
Sô.
Sob.
Solay.
Son.
Soûl.
Sourour.
Taba.
Talha.
Tamba.
Acacia Sénégal.
M.
— Sénégal.
K.
— SeyaL
K.
— rubra Lecard.
aer.
Albizzia anthebmntica.
Daniella thurifera.
K.
— —
M.
— —
Oa.
— —
B.
Acacia Sieberiana,
O.
Daniella thurifera.
O.
8.
ser.
Loncliocarpus formosianus.
Cassia Sieberiana.
O.
Sesbania aegyptiaca.
O.
Daniella thurifera.
•6B.
Cassia Sieberiana.
O.
Parkia biglobosa.
ser.
Sesbania aegyptiaca.
français.
Bauhinia i^ufescens.
B.
_ —
B.
Ormosia laxiflora.
O.
Cassia Sieberiana.
M.
— —
B.
— —
T.
Cassia Sieberiana.
O.
Sesbania aegyptiaca.
T.
Acacia Sieberiana.
O.
— —
K.
Cassia —
B.
— —
Oa.
S.
K.
z z
—
M.
Sesbania aegyptiaca.
f.
Dichrostachys nutans.
O.
.^
O.
Cassia Sieberiana.
nom français.
Acacia albida.
P.
Berlinia acuminata.
O.T. 8.K.M
B. oa.
Tamarindus indica.
S.
Lonchocarpus formosianus.
O.
Acacia tortilis H.
Simba.
— Sieberiana.
ser.
— tortilis H.
O.
— SeyaL
O.
Detarium microcarpum.
Oa.
Acacia tortilis H.
Ar.
— arabica.
AT.
Detarium microcarpum.
B.
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TABLE ALPHABÉTIQUE.
Tamba.
Detarium microcarpum.
S.
M.
n.
Tangalanj.
— senegalense.
Thiaski.
Acacia albida.
T.
Thidiaye.
Cassia Sieberiana.
f.
Tiaski.
Acacia albtda.
T.
Tombarou.
Ormosia laxiflora.
K.
Tombi.
Tamarindus indica.
n.
B.
m.
Tombigui.
— —
K.
Soussou.
Tomi.
— — ■
Oa.
Tondo.
9
?
Toumbo K'hari.
9
?
Toumbou M'Gouin.
9
?
Trafi din tera.
Acacia ataxacantha D. C.
P.
Vekhe.
Pterocarpus ennaceus.
O.
Vén.
— —
O.
Vene.
— —
O.
Vine.
—
O.
Verack.
Acacia Sénégal,
O.
Vereck.
Acacia Sénégal.
O.
Yafé.
Bauhinia reticuUUa,
S.
Yen-de-cousaye.
Acacia Sieberiann.
K.
Yîf.
Parkia biylobosa.
n.
Yiie.
Prosopis oblongn.
O.
Zadie.
Acacii Seyal.
B.
155
761-01 — Coulommiers. Imp. Paul BRODARD. — 7-0*7.
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CARACTÈRES MICROSCOPIQUES DU BOIS
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Bois de Légumineuses africaines.
1907. PI. VII.
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CARACTÈRES MICROSCOPIQUES DU BOIS
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Bois de Lég-amineuses africaines.
1907. PI. VIII.
Bauhinia rufescens Lam
— Coupe transvers.ilr
G. = 20.
Bauhinia ru/escens Lam.
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— Coupe long. lang.
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CARACTÈRES MICROSCOPIQUES DU BOIS
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Bois de Légumineuses africaines.
1907. PI. IX.
Acacia altissima Lecard.
— Coupe transv.
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CARACTÈRES MICROSCOPIQUES DU BOIS
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Bois de Légumineuses africaines.
1907. PI. X.
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— Coupe long, tfing.
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— Coupe long. tang.
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— Coupe transversale.
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