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Il
«B 351 BQ7
Ueatb'e flDobern tHanôuage Séries
'LE • •■•'•■•
TOUR DE LA FRANCE-
PAR DEUX ENFANTS
PAR
G. BRUNO .
t ABRIDGED AND EDITED WITH NOTES AND VOCABULARY
C. FONTAINE, B.L., L.D.
DiRBCTOR OF ROMANCB LaNGUAGB INSTRUCTION IN THB HiGH SCHOOLS
OF Washington, D. C.
BOSTC
D. C. HEATH & CO., PUBLISHERS
1901
T'
Copyright, 1901,
By D. C. Heath & Co.
INTRODUCTION
The title-page of the French édition of Le Tour
de la France par deux enfants bears the following
mention, "adopté et recommandé pour les biblio-T
thèques scolaires et inscrit sur la liste des ouvrages '
fournis gratuitement par la Ville de Paris à ses
écoles communales." This means that this work, the
reading of which was recommended by the " Com-
mittee of Twelve of the Modem Language Associa-
tion of America," is probably one of the books that^
hâve sold and still sell most extensively in France.
In its original form, however, it is far too large to
be read with interest by American pupils, and it has
therefore been reduced almost one half, being pro-
vided also with notes and a vocabulary to make it
accessible for elementary classes.
A map has been added on which the itinerary of the
two children André and Julien has been indicated.
Ail the names of towns, rivers, and mountains for
which no équivalent is to be found in English hâve
been left out from the vocabulary and should be
looked up on the map. Indeed, this volume to be read
with interest should be studied with almost continuous
référence to the map. In this manner pupils will in-
telligently follow the very extensive trip of the two
IV INTRODUCTION
children through France and become acquainted with
her peuple, customs, manners, and industries while
acquiring at the same time an extensive and practical
vocabulary, many of the words hère used being those
that are but seldom met with in purely literary pro-
ductions. Inasmuch as the irregular forms of verbs
hâve been included in the vocabulary, this text may
be taken up during the second half of the first year,
or at the beginning of the second, according to the
^e of pupils. It is hoped that in its Americanized
garb Le Tour de la France will prove useful to both
teachers and pupils.
C. Fontaine.
Central High School,
Washington, D. C,
January, 1901.
LE TOUR DE LA FRANCE
. PAR DEUX ENFANTS
Par un épais brouillard du mois de septembre
deux enfants, deux frères, sortaient de la ville de
Phalsbourg en
Lorraine. Ils ve-
naient de^ fràn- 5
chir la grande
porte fortifiée
q u ' o n 2 appelle
porte de France.
Chacun d'eux 10
était chargé d'un
petit paquet de
voyageur, soi-
:^9éil^ement ^ta-
ché et retenu ''sur 15
-l^épatiile ' par ûii
bâton. Tous tes
deux* mar-
chaient rapide-
ment, sans bruit ; ils avaient Tair inquiet.* 20
L'aîné des deux frères, André, âgé de quatorze ans,
PORTE FORTIFIÉE
2 LE TOUR DE LA FRANGE PAR DEUX ENFANTS
était un robuste garçon, si grand et si fort pour son
âge qu'il paraissait avoir au moins deux années de
plus. Il tenait par la main son frère Julien, un joli
enfant de sept ans, frêle et délicat comme une fille,
5 malgré cela courageux et intelligent plus que ne le^
sont d'ordinaire les jeunes garçons de cet âge. A leurs
vêtements de deuil, à Tair de tristesse répandu sur
leur visage, on aurait pu deviner qu'ils étaient orphe-
lins.
lo Lorsqu'ils se furent un peu éloignés^ de la ville, le
grand frère s'adressa à l'enfant et, à voix très basse,
comme s'il avait eu crainte que les arbres mêmes de
la route ne l'entendissent : — N'aie pas peur, mon petit
Julien, dit-il; personne ne nous a vus sortir.
15 — Oh ! je n'ai pas peur, André, dit Julien ; nous fai-
sons notre devoir. Dieu nous aidera.
Tous les deux continuèrent à marcher résolument
sous la pluie froide qui commençait à tomber. La nuit,
qui était venue, se faisait de plus en plus noire. Pas
20 une étoile au ciel ne se levait pour leur sourire; le
vent secouait les grands arbres en sifflant d'une voix
lugubre et envoyait des rafales d'eau au visage des
enfants. N'importe, ils allaient sans hésiter, la main
dans la main.^ - ' ' )
25-.. Après plp^icurs heures de fatigue et d'anxiété, ils
virent enfm, tbiit*'âu.loin, à travers les arbres, une
/. petit^'kjrtyçFe se, upr^trër, faible et tremblante comme
♦ '*»nfte* étoile* dans *ùn ciel d'orage. Prenant par un che-
min de traverse, ils coururent vers la chaumière
30 éclairée.
Arrivés devant la porte, ils s'arrêtèrent interdits,
n'osant frapper. Une timidité subite les retenait. 11
*^ ^ 'LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 3
était aisé de voir qu'ils n'avaient pas Thabitude de
heurter aux portes pour demander quelque chose.
André rassembla son courage.
— Julien, dit-il, cette maison est celle d'Etienne le
sabotier, un vieil ami de notre père: nous ne devons s
pas craindre de lui demander un service. Priofis Dieu
afin qu'il permette qu'on nous fasse bon accueil.^
Et les deux enfants, frappant un coup timide, mur-
murèrent en leur cœur : — Notre Père, qui êtes^ aux
cieux, donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien. lo
— Qui est là ? f it^ du dedans une grosse voix rude.
André prononça son nom :
— André Volden. i '
Alors la porte s'ouvrit toute grande,* et la lumière
de la lampe, tombant d'aplomb sur les petits voyageurs 15
debout près du seuil, éclaira leurs vêtements trempés
d'eau, leurs jeunes visages fatigués et interdits.
L'homme qui avait ouvert la porte, le père Etienne,
les contemplait avec une sorte de stupeur :
— Mon Dieu! qu'y a-t-il,*^ mes enfants? dit-il en 20
adoucissant sa voix, d'où venez-vous ? où est le® père ?
Et, avant même que les orphelins eussent eu le
temps de répondre, il avait soulevé de terre le petit
Julien et le serrait paternellement dans ses bras.
L'enfant, avec la vivacité de sentiment^ naturelle à 25
son âge, embrassa de tout son cœur^ le vieil Etienne,
et poussant un grand soupir : — Le père est au ciel,
dit-il.
— Comment! s'écria Etienne avec émotion, mon
brave® Michel est mort? 3°
— Oui, répondit l'enfant. Depuis la guerre, sa
jambe blessée au siège de Phalsboùrg n'était plus so-
4 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
lide : il est tombé d'un échafaudage en travaillant à
son métier de charpentier, et il s*est tué.^
— Hélas ! pauvre Michel ! dit Etienne, qui avait des
larmes aux yeux; et vous, enfants, qu'allez-vous de-
5 venir ?^ ^
André voulut reprendre le récit du malheur qui leur
était arrivé, mais le brave Etienne l'interrompit.
— Non, non, dit-il, je ne veux rien entendre main-
tenant, mes enfants; vous êtes mouillés par la pluie,
10 il faut vous sécher au feu; vous devez avoir faim et
soif, il faut manger.
Etienne aussitôt, faisant suivre d'actions ses pa-
roles,^ installa les enfants devant le poêle et ranima
le feu. En un clin d'œil une bonne odeur d'oignons
15 frits emplit la chambre, et bientôt la soupe bouillante
fuma dans la soupière.
— Mangez, mes enfants, disait Etienne en fouettant
les œufs pour l'omelette au lard.
Pendant que les enfants savouraient l'excellente
20 soupe qui les réchauffait, le père Etienne confection-
nait son omelette, et la femme du sabotier, enlevant
un matelas de son lit, préparait un bon coucher aux
petits voyageurs.
Le poêle ronflait gaîment. André, tout en man-
25 géant, répondait aux questions du vieux camarade de
son père et le mettait au courant de la situation.
Quant au petit Julien, il avait tant marché que ses
jambes demandaient grâce* et qu'il avait plus sommeil
que faim. Il lutta d'abord avec courage pour ne pas
30 fermer les yeux, mais la lutte ne fut pas de longue
durée, et il finit par s'endormir^ avec la dernière
bouchée dans la bouche.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS S
Il dormait si profondément que la mère Etienne
le déshabilla et le mit au lit sans réussir à l'éveiller.
Pendant que Julien dormait, André s'était assis
auprès du père Etienne. Il continuait le récit des évé-
nements qui les avaient obligés, lui et son frère, à 5
quitter Phalsbourg où ils étaient nés. Revenons^ avec
lui quelques mois en arrière.^ 1/
On se trouvait alors^ en 1871, peu de temps après
la dernière guerre avec la Prusse. A la suite de cette
guerre, l'Alsace et une partie de la Lorraine, y com- 10
pris* la ville de Phalsbourg, étaient devenues alle-
mandes; les habitants qui voulaient rester Français
étaient obligés de quitter leurs villes natales pour aller
s'établir dans la vieille France.
Le père d'André et de Julien, un brave charpentier 15
veuf de bonne heure, qui avait élevé ses fils dans
l'amour de la patrie, songea comme tant d'autres Al-
saciens et Lorrains à émigrer en France. Il tâcha donc
de réunir quelques économies pour les frais du voyage,
et il se mit à travailler avec plus d'ardeur que jamais. 20
André, de son côté,^ travaillait courageusement en ap-
prentissage chez un serrurier, s
Tout était prêt pour le voyage, l'époque même du
départ était fixée, lorsqu'un jour le charpentier vint
à tomber® d'un échafaudage. On le rapporta mourant 25
chez lui.
Pendant que les voisins couraient chercher du se-
cours, les deux frères restèrent seuls auprès du lit
où leur père demeurait immobile comme un ca-
davre. 30
Le petit Julien avait pris dans sa main la main du
6 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
mourant, et il la baisait doucement en répétant à tra-
vers ses larmes, de sa voix la plus tendre : Père ! . . .
Père!...
Comme si cette voix si chère avait réveillé chez le
S blessé ce qui lui restait de vie, Michel- Volden tres-
saillit, il essaya de parler, mais ce fut en vain; ses
lèvres remuèrent sans qu'un mot pût sortir de sa
bouche. Alors une vive anxiété se peignit^ sur ses
traits. Il sembla réfléchir, comme s'il cherchait avec
10 angoisse le moyen de faire comprendre à ses deux en-
fants ses derniers désirs ; puis, après quelques instants,
il fit un effort suprême et, soulevant la petite main
caressante de Julien, il la posa dans celle de son frère
aîné. Épuisé par cet effort, il regarda longuement
15 ses deux fils d'une façon expressive, et son regard
profond, et ses yeux tristes semblaient vouloir leur
dire: — Aimez-vous l'un l'autre,^ pauvres enfants qui
allez désormais rester seuls! Vivez toujours unis,
sous l'œil de Dieu, comme vous voilà^ à cette heure
20 devant moi, la main dans la main.
André comprit le regard paternel, il se pencha vers
le mourant:
— Père, répondit-il, j'élèverai Julien et je veillerai
sur lui comme vous l'eussiez fait vous-même. Je lui
25 enseignerai, comme vous le faisiez, l'amour de Dieu
et l'amour du devoir : tous les deux nous tâcherons de
devenir bons et vertueux.
Le père essaya un faible sourire, mais son œil,
triste encore, semblait attendre d'André quelque autre
30 chose.
André le voyait inquiet et il cherchait à deviner ; il
se pencha jusqu'auprès des lèvres du moribond, Tinter-
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 7
rogeant du regard. Un mot plus léger qu'un souffle
arriva à Toreille d'André: — France!
— Olii s'écria le fils aîné avec élan, soyez tranquille,
cher père, je vous promets que nous demeurerons les
enfants de la France ; nous quitterons Phalsbourg pour 5
aller là-bas; nous resterons Français, quelque peine
qu'il faille souffrir pour cela.
Un soupir de soulagement s'échappa des lèvres pa-
ternelles. La main froide de l'agonisant serra d'une
faible étreinte les mains des deux enfants réunies dans 10
la sienne, puis peu d'instants après, Michel Volden
exhala son dernier soupir.
Toute cette scène n'avait duré que quelques minutes ;
mais elle s'était imprimée en traits ineffaçables dans
le cœur d'André et dans celui du petit Julien. 15
Quelque temps après la mort de leur père, les deux
enfants avaient songé à passer en France comme ils
le lui avaient promis. Mais il ne leur restait plus
d'autre parent qu'un oncle demeurant à Marseille, et
celui-ci n'avait répondu à aucune de leurs lettres; il 20
n'y avait donc personne qui pût leur servir de tuteur.
Dans ces circonstances, les Allemands refusaient aux
jeunes gens orphelins la permission de partir, et les
considéraient bon gré mal gré^ comme sujets de l'Alle-
magne. André et Julien n'avaient plus alors d'autre 25
ressource, pour rester fidèles et^ à leur pays et^ au vœu
de leur père, que de passer la frontière à l'insu des
Allemands et de se diriger vers Marseille, où ils tâche-
raient de retrouver leur oncle. Une fois qu'ils,
l'auraient retrouvé, ils le supplieraient de leur venir 30
en aide et de régulariser leur situation en Alsace : car
8 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
il restait encore une année entière accordée par la loi
aux Alsaciens-Lorrains pour choisir leur patrie et
déclarer s'ils voulaient demeurer Français ou devenir
Allemands.
5 Tels étaient les motifs pour lesquels les deux enfants
s'étaient mis en marche et étaient venus demander au
père Etienne l'hospitalité.
Le lendemain, de bon matin, M"*® Etienne était sur
pied.
10 En vraie mère de famille,^ elle visita les deux pa-
quets de linge et d'habits que les deux voyageurs por-
taient sur l'épaule, et elle mit de bonnes pièces aux
pantalons ou aux blouses qui en avaient besoin. Elle
étendit tout autour les vêtements mouillés des enfants ;
15 lorsqu'ils furent secs, elle les brossa et tandis qu'elle
pliait avec soin le gilet d'André, un petit papier bien
enveloppé tomba d'une des poches.
— Oh! se dit l'excellente femme, ce doit être là
qu'est renfermée toute la fortune de ces deux enfants ;
20 si, comme je le crains, la bourse est trop légère, on
fera son possible^ pour y ajouter quelque chose.
Et elle développa le petit paquet. — Dix, vingt,
trente, quarante francs, se dit-elle ; que c'est peu^ pour
aller si loin ! ... la route est bien longue d'ici à Mar-
25 seille. Et les jours de pluie, et les jours de neige! car
l'hiver bientôt va venir . . . Les yeux de la mère Etienne
étaient humides.
— Et dire qu'avec si peu de ressources ils n'ont
point hésité à partir ! . . .
30 Pendant qu'elle songeait ainsi en son cœur, elle
s'était approchée de son armoire et elle atteignait sa
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 9
petite réserve d'argent, bien petite, hélas! car le père
et la mère Etienne avaient cruellement souffert des
malheurs de la guerre. Néanmoins, elle y prit deux
pièces de cinq francs et les joignit à. celles d'André:
— Etienne sera content, dit-elle : il m'a recommandé s
de faire tout ce que je pourrais ;^our les enfants de son
vieux camarade.
Quand elle eut glissé dans la bourse les pièces d'ar-
gent:
— Ce n'est pas le tout, dit-elle ; examinons ce petit lo
rouleau qui enveloppait la bourse, et voyons si nos
orphelins ont songé à se procurer de bons papiers,
attestant qu'ils sont d'honnêtes enfants et non des
vagabonds sans feu ni lieu . . ^ Ah ! voici d'abord le
certificat du patron d'André: 15
«J'atteste que le jeune André Volden a travaillé
chez moi dix-huit mois entiers sans que j'aie eu un
seul reproche à lui faire. C'est un honnête garçon,
laborieux et intelligent: je suis prêt à donner de lui
tous les renseignements que l'on voudra. Voici mon 20
adresse; on peut m'écrire sans crainte.
Pierre Hetman,
maître serrurier, établi depuis
trente ans à Phalsbourg.»
— Bien, cela! dit M°^* Etienne en repliant le certi- 25
ficat. Et ceci, qu'est-ce? Ah! c'est leur extrait de
naissance,^ très bien. Enfin, voici une lettre de maître
Hetman à son cousin, serrurier à Épinal, pour le prier
d'occuper André un mois: André portera ensuite son
livret d'ouvrier^ à la mairie d'Épinal et M. le Maire 30
y mettra sa signature. De mieux en mieux. Les
10
LE TOUR DE LA FR.\NCE PAR DEUX ENFANTS
chers enfants n'ont rien négligé: ils savent que tout
ouvrier doit avoir des certificats en règle. Allons,
espérons en la Providence ! tout ira bien.
Lorsque Julien et André s'éveillèrent, ils trouvè-
S rent leurs habits en ordre et tout prêts à être mis ; et
cela leur parut merveilleusement bon, car les pauvres
enfants, ayant perdu leur mère de bonne heure, n'é-
taient plus accoutumés à ces soins et à ces douces
attentions maternelles.
10 Julien, dès
qu'il fut habillé,
peigné, le visage
et les mains bien
nets, courut
15 avec reconnais-
sance embrasser
M"*® Etienne, et
la remercia d'un
si grand cœur
20 qu'elle en fut
tout émue.
— Cela est bel
et bon,^ répon-
L£ SABOTIER DES VOSGES
dit-elle gaîment,
25 mais il faut déjeuner. Vite, les enfants,^ prenez ce pain
et ce fromage, et mangez.
Pendant qu'André et Julien mangeaient, Etienne
entra.
— Enfants, dit le sabotier en se frottant les mains,
30 je n'ai pas perdu mon temps: j'ai travaillé pour vous
depuis ce matin. D'abord, je vous ai trouvé deux
places dans la charrette d'un camarade qui va chercher
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS II
des foins tout près de Saint-Quirîn, village voisin de
la frontière, où vous coucherez ce soir. On vous
descendra* à un quart d'heure du village. Cela éco-
nomisera les petites jambes de Julien et les tiennes,
André. Ensuite j'ai écrit un mot de billet que voici, 5
pour vous recommander à une vieille connaissance que
j'ai aux environs de Saint-Quirin, Fritz, ancien garde
forestier de la commune. Vous serez reçus là à bras
ouverts, les enfants, et vous y dormirez une bonne nuit.
Enfin, ce qui vaut mieux encore, Fritz vous servira de 10
guide^ le lendemain dans la montagne, et vous mènera
hors de la frontière par des chemins où vous ne ren-
contrerez personne qui puisse vous voir. C'est un
vieux chasseur que' l'ami Fritz, un chasseur qui con-
naît tous les sentiers de la montagne et de la forêt. 15
Soyez tranquilles, dans quarante-huit heures vous se-
rez en France.
— Oh! monsieur Etienne, s'écria André, vous êtes
bon pour nous comme un second père !
Vers le milieu de l'après-midi, la carriole dont 20
avait parlé le père Etienne s'arrêta sur la grande
route ;* le charretier, comme cela était convenu, siffla
de tous ses poumons^ pour avertir les jeunes voya-
geurs.
A ce signal, André et Julien saisirent rapidement 25
leur paquet de voyage; ils embrassèrent de tout leur
cœur la mère Etienne, et aussitôt le sabotier les condui-
sit vers la carriole.
Le charretier fit claquer son fouet et le cheval se mit
au petit trot.' 30
12 LE TOUR. DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
II
Une déception attendait nos jeunes amis à leur ar-
rivée dans la maison isolée du garde Fritz, située aux
environs de la forêt. Fritz, grand vieillard à barbe
grise, d'une figure énergique, était étendu sur son lit
5 qu'il n'avait pas quitté depuis plusieurs jours. Le
vieux chasseur était tombé en descendant la montagne
et s'était fait une fracture à la jambe.^
— Voyez, mes enfants, dit-il après avoir lu la lettre ;
je ne puLs -bouger de. mon lit. Comment pourrais-je
lo vous conduire? Et je n'ai auprès de moi que ma
vieille servante, qui ne marche pas beaucoup mieux que
moi.
André fut consterné, mais il n'en voulut rien faire
voir^ pour ne point inquiéter le petit Julien.
15 Toute la nuit il dormit peu. Le lendemain matin
de bonne heure, il se souvint d'avoir vu dans la cham-
bre du garde forestier une grande carte du départe-
ment, pendue à la muraille: c'était une de ces belles
cartes dessinées par l'état-major de l'armée française,
20 et où se trouvent indiqués jusqu'aux^ plus petits che-
mins.
— Je vais Tétudier, dit André, je dois passer la
frontière et je la passerai.
Le garde Fritz approuva la résolution et la fermeté
25 d'André. — A la bonne heure ! dit-il. Quand on veut
être un homme, il faut apprendre à se tirer d'affaire
soi-même.* Voyons, mon jeune ami, décrochez-moi^
la carte : si je ne puis marcher, du moins je puis parler.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 13
Vous avez si bonne volonté^ et je connais si bien le
pays, que je pourrai vous expliquer votre chemin.
Alors tous deux, penchés sur la carte, étudièrent le
pays.
Le garde parlait, montrant du doigt les routes, les s
sentiers, les raccourcis, faisant la description minu-
tieuse de tous les détails du chemin. André écoutait;
puis il essaya de répéter les explications ; enfin il des-
sina lui-même tant bien que maP sa route sur un
papier, avec les différents accidents de terrain^ qui lui lo
serviraient comme de jalons pour s'y reconnaître.
« Ici, écrivait-il, une fontaine ; là, un groupe de
hêtres à travers les sapins ; plus loin, un torrent avec
le gué pour le franchir, un roc à pic que contourne le
sentier, une tour en ruines.» 15
Enfin rien de ce qui pouvait aider le jeune voyageur
ne fut négligé. — Tout ira bien, lui disait Fritz, si vous
ne vous hâtez pas trop. Rappelez-vous que, quand
on se trompe de chemin* dans les bois ou les mon-
tagnes, il faut revenir* tranquillement sur ses pas,*^ 20
sans perdre la tête et sans se précipiter : c'est le moyen
de retrouver bientôt le vrai sentier.
Quand la brune fut venue, André et Julien se re-
mirent en route, après avoir remercié de tout leur cœur
le garde Fritz, qui de son lit leur répétait en guise 25
d'adieu :
(( Coufage, courage ! avec du courage et du sang-
froid on vient à bout de tout.»
14 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
III
A l'ouest, derrière les Vosges, le soleil venait de se
coucher; la campagne s'obscurcissait. Sur les hautes
cimes de la montagne, au loin, brillaient les dernières
lueurs du crépuscule, et les noirs sapins, agitant leurs
5 bras au souffle du vent d'automne, s'assombrissaient
de plus en plus.
Les deux frères avançaient sur le sentier, se tenant
par la main; bientôt ils entrèrent au milieu des bois
qui couvrent toute cette contrée,
lo André avait tatit étudié le pays toute la journée,
qu'il lui semblait le reconnaître comme s'il y avait déjà
passé. Malgré cela, il ne pouvait se défendre d'une
certaine émotion: c'était la première fois qu'il suivait
ainsi- les sentiers de la montagne, et cela dans l'obscu-
15 rite du soir.
A un carrefour les enfants s'arrêtèrent, puis après
un petit temps de repos ils se remirent en route. Mais
tout à coup l'obscurité augmenta. Julien effrayé se
serra plus près de son grand frère.
20 Bientôt les étoiles qui les avaient guidés jusqu'alors
disparurent. Un nuage s'était formé au sommet de
la montagne, et, grossissant peu à peu, il l'avait enve-
loppée tout entière. Les enfants eux-mêmes se trou-
vèrent bientôt au milieu de ce nuage. Entourés de
25 toutes parts d'un brouillard épais, ils ne voyaient plus
devant eux.
Ils n'avaient plus qu'un parti à prendre: attendre.
André s'approcha d'un grand sapin dont les bran-
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
IS
ches s'étendaient en parasol et pouvaient leur servir
d'abri contre la rosée nocturne.
— Viens, dit-il à son jeune frère, viens près de moi :
nous serons bien là^ pour attendre.
Julien s'approcha, silencieux; André s'aperçut que, s
sous l'humidité glaciale du brouillard, l'enfant fris-
sonnait; ses pe-
tites mains
étaient tout en-
gourdies par le lo
froid.
— Pauvre pe-
tit, murmura
André, assieds-
toi sur mes ge- 15
noux: je vais te
couvrir avec les
vêtements ren-
f ermés dans
notre paquet de 20
voyage; cela te
réchauffera, et,
si tu peux dor-
mir en attendant
que le brouillard 25
se lève, tu reprendras des forces pour la longue route
qu'il nous reste à faire.
L'enfant était si las qu'il ne fit aucune objection et
bientôt il s'endormit.
Peu à peu la douce tranquillité du sommeil de Julien 30
sembla gagner André, lui aussi.^ Dans l'immobilité
qu'il gardait pour ne pas éveiller Tenfant, il sentit ses
LA HALTE SOUS LE SAPIN
l6 LE TOUR DÉ LA FRANCE PAR DEUX ENFAKTS
yeux s'appesantir par la fatigue. Il eut beau lutter^
avec fermeté contre le sommeil, malgré lui ses pau-
pières se fermèrent à demi.
Après un temps assez long, comme il était à moitié
5 plongé dans une sorte de rêve, il lui sembla, à travers
ses paupières demi-closes, apercevoir une faible clarté.
Il tressaillit, et, secouant par un dernier^ effort le som-
meil qui Tenvahissait, il ouvrit les yeux tout grands.
La lune venait de se lever.
lo Le cœur d'André battit de joie.^ Il serra son jeune
frère dans ses bras.
— Réveille-toi, mon Julien, s'écria-t-il ; regarde! le
brouillard et l'obscurité sont dissipés ; nous allons pou-
voir enfin repartir.
15 Julien ouvrit les yeux; en voyant ce ciel lumineux,
il se mit à sourire naïvement, et, frappant ses petites
mains Tune contre l'autre, il sauta de plaisir.
Aussitôt on refit les paquets de voyage. Cette gaie
lumière avait fait oublier les fatigues précédentes. Les
20 deux enfants reprirent allègrement leur bâton ;^ tout
en marchant, on mangea une petite croûte de pain, et
on se rafraîchit en partageant une pomme que la mère
Etienne avait mise dans la poche de Julien.
Les enfants continuèrent à marcher courageusement
25 tout le reste de la nuit, et aussi vite qu'ils pouvaient.
Le ciel était si lumineux que la route était devenue
facile à reconnaître. Au petit jour* ils étaient sur
l'autre versant de la montagne, sur le sol français;
alors se jetant à genoux ils s'écrièrent : « France aimée,
30 nous sommes tes enfants, et nous voulons devenir
dignes de toi!» Puis ils se relevèrent, se remirent
bravement en marche et lorsque le soleil parut, em-
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 17
pourprant les cimes des Vosges, ils étaient déjà loin de
la frontière, hors de tout danger ; et, se tenant toujours
par la main, ils marchaient joyeusement sur une route
française, marquant le pas* comme de jeunes cons-
crits. • , 5
IV
Après plusieurs temps de repos suivis de marches
courageuses, les deux enfants aperçurent enfin vers
midi la petite pointe du clocher de Celles.* Fritz leur
avait laissé un mot de recommandation pour la veuve
d'un cultivateur de ce village, et ils se réjouissaient lo
d'arriver.
Ils cherchèrent la demeure de la veuve dont ils
avaient l'adresse. On leur indiqua une ferme située
à l'extrémité du village et ils s'avancèrent vers la mai-
son. 15
La fermière vint sur le pas de sa porte et regarda
les enfants qui s'approchaient d'elle, chapeau à la
main.
Dès le premier coup d'oeil la ménagère, femme d'or-
dre et de soin,^ fut bien prévenue en faveur des en- 20
fants. Aussi, lorsqu'elle eut lu le billet de Fritz, elle
fut tout à fait gagnée à leur cause.
Elle les accueillit aussitôt avec empressement, et,
comme on se mettait à table, elle les plaça auprès
d'elle. 25
Le dîner était frugal, mais l'accueil de la ménagère
était si cordial et nos jeunes voyageurs si fatigués,
qu'ils mangèrent du meilleur appétit la soupe aux
choux* et la salade de pommes de terre.
l8 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Après le dîner, la fermière les envoya jouer avec ses
propres enfants. On fit une grande partie de barres
ce qui excita Tappétit de toute cette jeunesse^ et le
souper parut excellent; mais André et Julien, qui se
S ressentaient de leur course de nuit,^ trouvèrent bien
meilleur encore le bon lit que la fermière leur avait
préparé; ils dormirent d'un seul somme^ jusqu'au len-
demain.
Ils auraient dormi plus longtemps sans doute si la
10 fermière n'avait pris soin de les éveiller.
— Levez- vous, enfants; je connais, à deux heures
d'ici,* un cultivateur qui va chaque semaine à Épinal ;
il vous prendra dans sa voiture si vous allez le trouver
assez matin.*^
15 Julien et André sortirent du lit: quoiqu'il leur sem-
blât n'avoir pas dormi la moitié de leur content,® ils
s'habillèrent à la hâte. Ils se lavèrent à grande eau^
le visage et les mains, ce qui acheva de les éveiller et
de les rendre dispos. Puis ils firent^ leur prière tous
20 deux et poliment allèrent dire bonjour à la fermière.
Elle leur mit à chacun une écuelle de soupe de lait
entre les mains. Ils eurent bientôt mangé, et au bout
de peu de temps ils étaient prêts à partir, tenant leur
paquet de vêtements et leur bâton.
25 Tous deux, avant de se mettre en route, allèrent re-
mercier la fermière qui les avait traités comme ses
enfants, et puis ils partirent.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS IQ
Le soir, grâce à la voiture du fermier, les enfants
arrivèrent à Épinal, où André se proposait de travailler
un mois pour obtenir un bon certificat de son patron et
du maire de la ville.
Épinal est une petite ville animée, chef-lieu du dé- s
partement^ des Vosges. Les enfants traversèrent sur
un pont la Moselle qui arrose la ville et s'y divise en
plusieurs bras. Ils furent d'abord embarrassés au
milieu de toutes les rues qui s'entre-croisaient ; mais,
après s'être informés poliment de leur chemin, ils ar- lo
rivèrent chez une parente de la fermière qui leur avait
donné la veille l'hospitalité à Celles.
Ils lui dirent qu'ils venaient de la part de^ la fer-
mière et lui demandèrent de les prendre en pension,
c'est-à-dire de les loger et de les nourrir, pendant le 15
mois qu'ils allaient passer à Épinal. André eut soin
d'ajouter qu'ils avaient quelques économies et paie-
raient le prix que la bonne dame fixerait.
M™* Gertrude (c'est ainsi qu'on l'appelait^) fit les
plus grandes difficultés. C'était une petite vieille 20
voûtée, ridée, mais l'œil vif et observateur. Elle était
assise auprès de la fenêtre devant une machine à cou-
dre, le pied posé sur la pédale de la machine et la main
sur l'étoffe pour la diriger. Elle interrompit son tra-
vail afin de questionner les enfants, parut hésitante: 25
— Je suis trop âgée, dit-elle, pour prendre un pareil
embarras.
Puis, rajustant ses lunettes, pour observer encore
20 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
mieux les enfants inconnus qui lui arrivaient et qu'elle
avait laissés tout le temps debout sur le seuil de sa
porte, elle finit par dire :^
— Entrez toujours,^ je vous coucherai ce soir; après
S cela nous verrons, vous et moi, ce que nous avons de
mieux à faire.
Les deux enfants fort interdits entrèrent dans la
maison de la vieille dame. Elle ouvrit un cabinet où
il y avait un grand lit, deux chaises et une petite table.
10 — C'est l'ancienne chambre de mon fils, dit-elle;
mon fils est mort dans la dernière guerre.
Elle s'arrêta, poussant un long soupir. — Prenez sa
chambre pour ce soir, ajouta-t-elle; plus tard nous ver-
rons.
15 Elle referma la porte brusquement et s'éloigna, les
laissant fort attristés de l'accueil qui leur était fait.^
Julien surtout était confondu, car il voyait que la
vieille dame se méfiait d'eux; il se jeta au cou de* son
frère.
20 — Oh! André, s'écria-t-il, il vaudrait mieux aller
ailleurs. Nous serons trop malheureux de passer un
mois chez quelqu'un qui nous prend, bien sûr, pour
des vagabonds . . . Pourtant, ajouta l'enfant, nous
sommes bien propres, et nous nous étions présentés si
25 poliment!
— Julien, dit André courageusement, ailleurs ce
serait sans doute tout pareil, puisque personne à Épinal
ne nous connaît. Ici, au moins, nous sommes sûrs
d'être chez une brave et digne femme, car la fermière
30 nous l'a dit. Tu sais bien, Julien, qu'il ne faut pas
juger les gens sur la mine. Au lieu de nous désoler,
faisons tout ce que nous pourrons afin de gagner sa
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 2Î
confiance . . . Pour commencer, puisqu'il n'est pas
encore sept heures, je vais lui demander où demeure
le maître serrurier pour lequel j'ai une recommanda-
tion. J'irai le voir tout de suite, et, si j'obtiens de l'ou-
vrage, la dame Gertrude verra bien que nous sommes 5
d'honnêtes enfants qui voulons travailler et gagner
son estime. Tu sais bien, Julien, qu'on estime tou-
jours ceux qui travaillent.
— Et moi ? dit Julien.
— Toi, mon frère, reste à m'attendre: je crois que 10
cela vaut mieux.
Et André partit dans la direction que lui indiqua la
mère Gertrude, tandis que Julien, poussant un gros
soupir, regardait son frère s'éloigner.
Il n'osait s'approcher de dame Gertrude, qui, sans 15
s'occuper de l'enfant, s'était remise à sa machine à
coudre et travaillait avec activité, car elle ne perdait
jamais une minute. Enfin la petite vieille se leva,
rangea son ouvrage avec soin, et prit sa cruche pour
aller à la fontaine. Elle passa près de Julien sans rien 20
dire, marchant toute voûtée, à pas lents, et respirant
d'un air fatigué.
L'enfant, en la regardant passer ainsi, faible et
cassée, se sentit ému. Il était habitué à respecter les
vieillards, et obligeant de son naturel.^ Il sut donc 25
vaincre la crainte qu'elle lui inspirait, il fit deux pas
en courant pour la rattraper et, tout rougissant, il lui
demanda :
— Voulez- vous, madame, que j'aille vous chercher
de l'eau ? 3°
La petite vieille surprise releva la tête : — C'est que,^
dit-elle, j'ai peur que vous ne cassiez ma cruche.
2 2 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
— Oh! que^ non, dit l'enfant; je vais bien faire
attention,^ soyez tranquille.
Et lestement il partit à la fontaine. Il revint bien-
tôt, portant avec précaution la précieuse cruche, qui,
5 bien sûr, était plus vieille que lui, car la mère Gertrude
était si soigneuse qu'elle ne cassait jamais rien.
Et la petite vieille sourit si amicalement à Julien qu'il
se sentit tout réconforté.
Lorsque André rentra une heure plus tard, il trouva
10 Julien bien affairé. Assis en face de la mère Gertrude,
il lui aidait à écosser sa récolte de haricots; car la
bonne dame avait un bout de jardin,^ derrière sa mai-
son, et, l'été ayant été favorable, elle avait fait une belle
récolte de haricots, pois, et autres plantes légumi-
15 neuses.
André fut émerveillé de voir l'enfant et la vieille
dame causer tous deux comme d'anciennes connais-
sances, et il acheva de rompre la glace en annonçant
qu'il avait de l'ouvrage pour le lendemain même, et
20 que son nouveau patron lui avait promis de faire entrer
Julien à l'école.*
M""® Gertrude parut alors aussi satisfaite que les
enfants eux-mêmes. Elle trempa la soupe,^ qui était
cuite à point,® et les trois nouveaux amis soupèrent en-
25 semble avec plus d'entrain qu'on n'eût pu le croire^
une heure auparavant.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 23
VI
Deux jours après leur arrivée à Êpinal, grâce à
Tactivité d'André, grâce à celle de M™' Gertrude, nos
enfants étaient complètement installés. André tra-
vaillait toute la journée à Tatelier de son patron, faisant
rougir* au feu de la forge le fer qu'il façonnait ensuite s
sur Tenclume, et qui devenait entre ses mains tantôt
une clef, tantôt un ressort de serrure ou un verrou. A
ses moments perdus^ le jeune serrurier, voulant se
rendre utile à la mère Gertrude, fit la revue^ de toutes
les serrures et ferrures de la maison : il joua* si bien lo
du marteau et de la lime qu'il remit tout à neuf,*^ au
grand étonnement de la bonne vieille.
Mais tout cela ne fut pas long à faire, car la maison de
la mère Gertrude n'était pas grande ; aussi il ne tarda
pas à se trouver inoccupé le soir, au retour de l'atelier. 15
— André, lui dit M™® Gertrude, vous n'allez plus à
l'école, vous voilà® maintenant un jeune ouvrier; mais
ce n'est point une raison, n'est-ce pas, pour cesser de
vous instruire?
André fit ce que lui conseillait la mère Gertrude, et 20
désormais il alla chaque soir au cours d'adultes.'^
Julien, de son côté, suivait l'école bien régulièrement
et bientôt il rapporta à la maison des livres que lui
prêtait l'instituteur et qu'il lisait le soir à haute voix.
Les jours où il n'y avait pas de classes d'adultes, 25
André passait la soirée avec son frère et la mère
Gertrude. Le temps alors s'écoulait encore plus gaie-
ment que de coutume.
24 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
VII
— Julien, dit un jour la mère Gertrude, c'est au-
jourd'hui la foire d'Épinal. Il fait beau temps, et
vous n'avez pas de classe: venez avec moi. Nous
irons acheter ma provision d'oignons et de châtaignes
5 pour Tannée, et nous la rapporterons tous les deux.
Julien, bien content, prit deux sacs sous son bras,
M™® Gertrude un panier, et Ton partit pour la foire.
Les magasins avaient leurs plus beaux étalages:
Julien et la mère Gertrude s'arrêtaient de temps en
10 temps pour les regarder. On parcourut ensuite le
marché pour se mettre au courant des prix, et on fit
les achats: on emplit un sac d'oignons, l'autre de
châtaignes, et le panier de pommes.
Mais tout cela était lourd à porter. L'enfant et la
15 bonne vieille avisèrent un banc à l'écart sur une place,
et l'on s'assit pour se reposer en mangeant une belle
pomme que la marchande avait offerte à Julien.
— Que^ de choses il y a à la foire ! dit Julien, qui
était enchanté de sa promenade. Je me suis beau-
20 coup amusé à regarder le grand magasin de verrerie ;
au soleil, cela brillait comme des étoiles.
— Savez-vous d'où venaient toutes ces verreries,
Julien ?
Julien réfléchit. — Oh ! dit-il, je sais cela, car c'est
2$ dans la Meurthe, où je suis né, que ces belles choses
se font.^ Je sais qu'il y a une grande cristallerie à Bac-
carat. Mais dites-moi, madame Gertrude, d'où vien-
nent donc toutes ces images grandes et petites qu'un
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 25
marchand avait étalées à la foire, le long d'un mur/
et que vous m'avez laissé regarder tout à mon aise?^
— Mon enfant, tout cela se fabrique ici même,^ à
Épinal. Le papier qu'on fait ici sera peut-être re-
couvert de ces dessins coloriés, qui s'en iront ensuite s
par toute la France pour amuser les enfants. Nos
papeteries, nos imageries, nos fabriques de papiers
peints pour tapisseries* sont connues partout. Nous
avons aussi dans notre département la petite ville de
Mirecourt, où se fabrique une très grande quantité lo
d'instruments de musique, des violons, des flûtes, des
clarinettes, des orgues de Barbarie** comme celui qui
joue là-bas sur un coin de la place, mais les hommes
ne sont pas seuls à bien travailler en Lorraine.
, — Oui, dit Julien, les femmes lorraines savent faire 15
de jolies broderies, et j'en ai vu à bien des étalages
aujourd'hui; mais je n'entends rien à cela, moi.®
— D'autres que vous s'y entendent, Julien ; les bro-
deries de Nancy, d'Épinal et de toute la Lorraine se
vendent dans le monde entier. Les navires en empor- 20
tent des cargaisons jusque dans les Indes; c'est le
travail de nos paysannes, de nos filles du peuple qu'on
se dispute ainsi.'' Nous avons 35,000 brodeuses en
Lorraine. Mais, si vous ne regardez pas volontiers les
broderies et les dentelles, je vous ai vu pourtant vous 25
arrêter fort en admiration devant une vitrine de fleurs
artificielles.
— Oh ! c'est vrai, dit Julien, il y a un rosier dans un
pot qui ressemble si bien à un rosier pour de bon,® que
je n'aurais jamais voulu croire qu'il fût en papier, si 30
ce n'était vous, madame Gertrude, qui me l'eussiez as-
suré.
20 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
— D'où viennent ces fleurs, Julien ?
— Je n'en sais rien du tout, mais elles sont bien
jolies.
— Elles viennent de l'ancienne capitale de la Lor-
5 raine, de Nancy, une grande et belle ville de 88000
âmes. Nancy est la seule ville de France qui rivalise
avec Paris pour les fleurs artificielles.
VIII
Un jour Julien arriva de l'école bien satisfait, car il
avait été le premier de sa classe, et il avait beaucoup
10 de bons points.*
— Puisque vous avez si joliment travaillé, Julien,
dit M™® Gertrude, je vais vous raconter une histoire.
C'est celle d'un des plus grands peintres qui aient ja-
mais existé. Il s'appelait Claude Gelée, et on l'a sur-
15 nommé le Lorrain en l'honneur de son pays, car il est
né dans ce département et en est une des gloires.^
Ce petit Claude était fils de simples domestiques. Dans
son enfance on le croyait presque imbécile, tant son
intelligence était lente et tant il avait de peine à ap-
20 prendre.
— Le pauvre enfant qui était si mal partagé de la
nature eut encore le malheur de perdre son père et sa
mère dès l'âge de douze ans. Resté orphelin, on le
mit en apprentissage chez un pâtissier, mais il ne put
25 jamais apprendre à faire de bonne pâtisserie. Son
frère aîné, qui était dessinateur, voulut lui enseigner
le dessin : il ne put y réussir.
Enfin un parent du jeune Claude l'emmena à Rome,
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 27
C'était en Italie et à Rome que se trouvaient alors les
plus grands peintres. Le petit Claude fut placé à
Rome au service d'un peintre pour apprêter ses repas
et aussi pour broyer ses couleurs.
Peu à peu il prit goût à^ la peinture, et son maître 5
lui donna quelques leçons.
Lorsque Claude venait à sortir de la ville et qu'il
parcourait la campagne, il restait des heures entières
à regarder les paysages, les arbres, les prairies, le soleil
qui s'élevait ou se couchait sur les montagnes. 10
Claude était maintenant sorti de ce long sommeil
où s'était écoulée son enfance. Il essaya de transporter
sur les tableaux les paysages qui le frappaient, et il y
réussit si bien que, dès l'âge de vingt-cinq ans, il s'était
rendu illustre. Il travailla 'beaucoup et devint très 15
riche, car ses tableaux se vendaient à des prix fort
élevés. De nos jours,^ leur valeur n'a fait qu'augmen-'
ter avec le temps, et on estime à un demi-million quatre
tableaux de Claude le Lorrain qui ornent aujourd'hui
le palais de Saint-Pétersbourg. Ceux que nous avons 20
à Paris, au musée du Louvre,^ sont d'un prix inesti-
mable.
IX
Le samedi suivant, Julien fut encore le premier; il
était si content, qu'il sautait de plaisir en revenant de
l'école. 25
M™« Gertrude était assise à sa fenêtre devant sa
machine à coudre. La fenêtre était ouverte, car il fai-
sait beau temps.
28 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
En relevant la tête M"® Gertrude aperçut de loin
le petit garçon: à son air satisfait elle devina vite
qu'il avait de bonnes nouvelles; elle lui sourit donc;
Tenfant aussitôt éleva en Tair^ ses bons points et accou-
5 rut à toutes jambes^ pour les lui mettre dans la main.
— Vous êtes un brave enfant, Julien; embrassez-
moi, et dites-moi ce qui vous ferait le plus de plaisir,
car je veux vous récompenser.
— Peut-être bien,^ dit-il, qu'en cherchant dans votre
lo mémoire vous y retrouveriez encore une histoire à me
raconter, comme celle de Claude le Lorrain.
— Eh bien! Julien, puisque vous aimez tant la Lor-
raine et que j'ai commencé à vous parler des grands
hommes qu'elle a donnés à la patrie, je veux bien con-
15 tinuer.
— Vous saurez d'abord, Julien, que, toutes les fois
qu'il s'est agi de* défendre la France, la Lorraine a
fourni des hommes résolus et de grands capitaines.
Nancy a vu naître Drouot, fils d'un pauvre boulanger,
20 célèbre par ses vertus privées comme par ses vertus
militaires, et que Napoléon P' appelait le sage, Bar-
le-Duc, le chef-lieu du département de la Meuse, nous
a donné Oudinot, qui fut blessé trente-cinq fois dans
les batailles, et Exelmans, autre modèle de bravoure.
25 Le général Chevert, de Verdun, défendit une ville avec
quelques centaines d'hommes seulement et donna
l'exemple d'une valeur inflexible. Et votre ville de
Phalsbourg, petit Julien, elle a vu naître le maréchal
Lobau, encore le fils d'un boulanger, qui devint un, de
30 nos meilleurs généraux et dont on disait : « Il est in-
variable comme le devoir.»*^
Mais si les hommes, en Lorraine, se sont illustrés à
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 29
défendre la patrie, sachez qu'une femme de la Lor-
raine, une jeune fille du peuple, Jeanne Darc, s'est ren-
due encore plus célèbre. Écoutez son histoire :
I. Jeanne Darc était née à Domremy, dans le dépar-
tement des Vosges où nous sommes, et elle n'avait 5
jamais quitté son village.
Bien souvent, tandis que ses doigts agiles dévidaient
la quenouille de lin, elle avait entendu dans la maison
de son père raconter la grande misère qui régnait alors
au pays de France. Depuis quatre-vingts ans la guerre 10
et la famine duraient. Les Anglais étaient maîtres de
presque toute la France; ils s'étaient avancés jusqu'à
Orléans et avaient mis le siège «devant cette ville; ils
pillaient et rançonnaient le pauvre monde. Les
ouvriers n'avaient point de trav^ail, les maisons, aban- 15
données s'effondraient, et les campagnes désertes
étaient parcourues par les brigands. Le roi Charles
VU, trop indifférent aux misères de son peuple, fuyait
devant l'ennemi, oubliant dans les plaisirs et les fêtes
la honte de l'invasion. 20
Lorsque la simple fille songeait à ces tristes choses, .
une grande pitié la prenait. Elle pleurait, priant de
tout son cœur Dieu et les saintes du paradis de venir
en aide à ce peuple de France que tout semblait avoir
abandonné. 25
Un jour, à l'heure de midi, tandis qu'elle priait dans
le jardin de son père, elle crut entendre une voix s'éle-
ver : — Jeanne, va trouver le roi de France ; demande-
lui une armée, et tu délivreras Orléans.
Jeanne était timide et douce; elle se mit à fondre 30
en larmes.^ Mais d'autres voix continuèrent à lui or-
30 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
donner de partir, lui promettant qu'elle chasserait les
Anglais.
Persuadée enfin que Dieu Tavait choisie pour dé-
livrer la patrie, elle se résolut à partir.
5 Tout d'abord^ elle fut traitée de folle, mais la ferme
douceur de ses réponses parvint à convaincre les plus
incrédules. Le roi lui-même finit par croire^ à la mis-
sion de Jeanne, et lui confia une armée.
A ce moment les Anglais étaient encore devant Or-
lo léans, et toute la France avait les yeux fixés sur la
malheureuse ville, qui résistait avec courage, mais qui
allait bientôt manquer de vivres. Jeanne, à la tête
de sa petite armée, pénétra dans Orléans malgré les
Anglais. Elle amenaft avec elle un convoi de vivres et
15 de munitions.
Les courages se rapimèrent.^ Alors Jeannfe, entraî-
nant le peuple à sa suite, sortit de la ville pour attaquer
les Anglais. ,
Dès la première rencontre, elle fut blessée et tomba
20 de cheval. Déjà le peuple, la croyant morte, prenait
la fuite : mais elle, arrachant courageusement la flèche
restée dans la plaie et remontant à cheval, courut vers
les retranchements des Anglais. Elle marchait au pre-
mier rang et enflammait ses soldats par son intrépi-
25 dite : toute Tarmée la suivit, et les Anglais furent chas-
sés. Peu de jours après, ils étaient forcés de lever le
siège.
Après Orléans, Jeanne se dirigea vers Reims, où
elle voulait faire sacrer le roi. D'Orléans à Reims la
30 route était longue, couverte d'ennernis. Jeanne les bat-
tit à chaque rencontre, et son armée entra victorieuse
à Reims,* où le roi fut sacré dans la grande cathédrale.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 31
Jeanne déclara alors que sa mission était finie et
qu'elle devait retourner à la maison de son père. Mais
le roi n'y voulut pas consentir et la retint en lui lais-
sant le commandement de l'armée.
Bientôt Jeanne fut blessée à Compiègne,^ prise par 5
trahison et vendue aux Anglais qui Tachetèrent dix
mille livres. Puis les 'Anglais la conduisirent à Rouen,^
où ils l'emprisonnèrent.
Le procès dura longtemps. Les juges faisaient tout
ce qu'ils pouvaient pour embarrasser Jeanne, pour la 10
faire se contredire et se condamner elle-même. Mais
elle, répondant toujours avec droiture et sans détours,
savait éviter leurs embûches.
— Est-ce que Dieu hait les Anglais ? lui demandait-
on. — Je n'en sais rien, répondit-elle; ce que je sais, 15
c'est qu'ils seront tous mis hors de France, sauf ceux
qui y périront.
On lui demandait encore comment elle faisait pour
vaincre :
— Je disais : « Entrez hardiment parmi les Anglais,» 20
et j'y entrais moi-même.
— Jamais, ajouta-t-elle, je n'ai vu couler le sang de
la France sans que mes cheveux se levassent.*
Après ce long procès, après des tourments et des
outrages de toute sorte, elle fut condamnée à être 25
brûlée vive sur la place de Rouen.
En écoutant cette sentence barbare, la pauvre fille se
prit à pleurer. « Rouen ? Rouen ! disait-elle, mourrai-
je ici ?» — Mais bientôt ce grand cœur reprit courage.
Elle marcha au supplice tranquillement ; pas un mot 30
de reproche ne s'échappa de ses lèvres ni contre le roi
32 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
qui Tavait lâchement abandonnée, ni contre les juges
iniques qui Tavaient condamnée.
Quand elle fut attachée sur le bûcher, on alluma.
Le Frère qui avait accompagné Jeanne Darc était resté
5 à côté d'elle, et tous les deux étaient environnés par
des tourbillons de fumée. Jeanne, songeant comme
toujours plus aux autres qu'à elle-même, eut peur pour
lui, non pour elle, et lui dit de descendre.
Alors il descendit et elle resta seule au milieu des
10 flammes qui commençaient à l'envelopper. Elle pres-
sait entre ses bras une petite croix de bois. On l'en-
tendit crier : Jésus ! Jésus ! et elle mourut.
Le peuple pleurait: quelques Anglais essayaient de
rire, d'autres se frappaient la poitrine, disant : — Nous
1$ sommes perdus; nous avons brûlé une sainte.
Jeanne Darc, mon enfant, est l'une des gloires les
plus pures de la patrie.
Les autres nations ont eu de grands capitaines qu'ils
peuvent opposer aux nôtres. Aucune nation n'a eu
20 une héroïne qui puisse se comparer à cette humble pay-
sanne de Lorraine, à cette noble fille du peuple de
France.
Dame Gertrude se tut ; Julien poussa un gros soupir,
car il était ému, et il garda le silence en réfléchissant
2$ tristement.
Cependant le temps s'écoulait: il y avait un mois
qu'André et Julien étaient^ à Épînal; on songeait déjà
au départ.
Le patron d'André, qui n'avait que des louanges à
30 faire du jeune garçon, lui avait donné un certificat
signé de lui-même avec le sceau de la mairie, puis l'at-
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
33
testation du maire de la ville déclarant qu'André et
Julien étaient de braves et honnêtes enfants, et qu'ils
avaient passé laborieusement leur temps à Épinal, Tun
à récole, l'autre chez son patron.
Nos jeunes garçons étaient bien contents. — Comme
c'est bon, disait André, d'avoir l'estime de tous ceux
avec lesquels on vitl
'X
Jé eéHili€ çve U nmiâèlndré Voldih
â traixtilU chez mot commt ouvrier terrûriet,
du 9 septembre iffli au 5 octolre 1871 et
que sa ccnivite n'a rien laissé à désirer.
•*H^
Depuis que le jour du départ était fixé, la mère
Gertrude s'était mise en quête^ pour trouver aux en-
fants l'occasion lo
d'une voiture.
Après bien des
peines et au prix
d'une légère gra-
tification, elle dé- 15
couvrit un voitu-
rier qui allait à
Vesoul et le dé-
cida à prendre les
enfants avec lui. 20
Le lendemain,
de grand matin,
elle les conduisit
à la place où le
voiturier avait 25
UN CERTIFICAT VISÉ PAR LE MAIRE . , ,
donne rendez-
vous, et, après s'être embrassés plus d'une fois, on
se sépara.
Épinal, U 5 octobre 1871.
Yv le 5 octobre 1871.
Le maire.
yf^"^
34 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Il était à peine quatre heures du matin lorsque la
voiture quitta Épinal; aussi le soir même les enfants
étaient à Vesoul, c'est-à-dire en Franche-Comté. Ve-
soul est une ville de dix mille âmes située au pied d'une
5 haute colline, dans une vallée fertile et verdoyante. Le
département de la Haute-Saône, dont elle est le chef-
lieu, est un des plus riches de France en mines de fer, et
de nombreux ouvriers travaillent à arracher le minerai
de fer dans les profondes galeries creusées sous le sol.
10 André et Julien ne connaissaient personne à Vesoul :
là, il n'y avait plus pour eux d'amis; il fallut payer
pour le lit et la nuit,^ entamer la petite réserve pour
acheter à déjeuner, et ne plus compter que sur ses
jambes pour faire la route.
15 "Malgré ^la, après avoir dormi une bonne nuit, les
enfants le lendemain partirent gaîment de Vesoul et
prirent la grande route de Besançon.
Malheureusement le temps était menaçant et après
quelques kilomètres de marche, ils commencèrent à
20 sentir de grosses gouttes.
— Quel malheur, dit Julien, que nous n'ayons pas
de parapluie, il va fallnîf giK nous^j^gj^g^^^^^^ Q^s à_
_j:o uvertx e qui nous fera perdre du temps.
Ils furent, en effet, obligés de s'abriter sous un han-
25 gar, mais bientôt la pluie cessa et ils se remirent en
marche pour faire les seize kilomètres, qu'il leur restait
à faire avant d'arriver à Besançon.
Quand ils y arrivèrent, et, après avoir cherché pen-
dant quelque temps, ils découvrirent une auberge dont
30 la propriétaire se trouva être une Alsacienne. Ils lui
racontèrent leur histoire, lui dirent le but de leur
voyage, et elle leur donna un lit à bon marché.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 35
Le lendemain, au moment où les enfants achevaient
de s'habiller, leur hôtesse entr'ouvrit la porte.
— Jeunes gens, leur dit-elle, comme vous allez jus-
qu'à Marseille, peut-être seriez-vous bien aises^ d'avoir
une occasion de faire la route jusqu'à Saint-Étienne, 5
sans qu'il vous en. coûtât rien que la peine de travailler
pendant quinze jours.^ Il y a soixante lieues d'ici
à Saint-Étienne : c'est un fameux bout de chemin.*
— Madame, dit André, pourvu que ce soit en com-
pagnie de braves gens^ nous ne demandons qu'à tra- 10
vailler.
— Soyez tranquilles, dit l'hôtesse; celui qui vous
emploierai est un bien honnête homme, mais proche de
ses intérêts.* Descendez, vous lui parlerez.
André et Julien descendirent dans la cuisine et se 15
trouvèrent en face d'un grand montagiïard jurassien.**
Il les regarda rapidement et parut satisfait de son
examen.
— Voici ce qu'il y a,® dit-il à André. Tous les ans,
à cette époque, je faisais avec ma femme une tournée 20
de Besançon à Saint-Étienne pour vendre et transpor-
ter les marchandises du pays ; mais cette année-ci ma
femme est malade et je vais avoir de la peine à faire
mes affaires^ tout seul. Si vous voulez tous les deux
travailler avec moi de bonne volonté, je me charge 25
de vous pour quinze jours. Au bout de ces quinze
jours vous serez à Saint-Étienne. Je vous coucherai
et je vous nourrirai tout le long du chemin, mais je ne
puis vous payer.
Le petit Julien ouvrait de grands yeux et souriait à 30
l'étranger.
— Monsieur, dit André en montrant Julien, mon
36 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
frère n'a pas huit ans, il ne peut guère faire autre
chose que des commissions.
— Justement, dit le Jurassien, il ne fera pas autre
chose. Vous qui êtes grand et fort, vous m'aiderez
5 à charger ma voiture, à soigner le cheval et à vendre.
— Volontiers, dit André; mais, si vous pouviez
ajouter quelque chose, ne fût-ce que cinq francs, nous
serions bien aises.
— Pas un centime, dit Thomme, c'est à prendre ou
10 à laisser.^
Julien sourit gentiment : — Oh ! fit-il, vous me don-
nerez bien un parapluie, n'est-ce pas? si je vous con-
tente bien : cela fait que nous pourrons^ voyager après
cela même par la pluie.
15 Le marchand ne put s'empêcher de rire à cette de-
mande de l'enfant. — Allons, dit-il, mon petit homme,
tu auras ton parapluie si les affaires marchent bien.
Le lendemain de bon matin M. Gertal (c'était le nom
du Jurassien) éveilla les deux enfants. André mit ses
20 habits de travail, et après déjeuner on quitta Besançon.
Pierrot (ainsi s'appelait^ le cheval de M. Gertal) mar-
chait bon train* comme un animal vigoureux et bien
soigné. Julien et André regardaient avec grand plai-
sir le pays montagneux de la Franche-Comté, car ils
25 étaient assis tous les deux à côté du patron sur le
devant de la voiture, d'où ils découvraient l'horizon.
A chaque étape du voyage, on déchargeait la voiture,
et chacun, suivant ses forces, le patron aussi, allait
porter dans les divers magasins les marchandises qu'on
30 avait amenées. Il fallait faire bien des courses fati-
gantes, et souvent assez tard dans la soirée; mais le
patron était juste: il nourrissait bien les enfants, et on
^ LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 37
dormait dans de bons lits. Nos deux orphelins étaient
si heureux de gagner leur nourriture et leur voyage
qu'ils en oubliaient la fatigue.
On s'arrêta à Lons-le-Saulnier et à Salins, qui doi-
vent leur noms et leur prospérité à leurs puits de sel.^ 5
Les enfants purent voir en passant ces grands puits
d'où on tire sans cesse l'eau salée, pour la faire éva-
porer dans des chaudières.
En quittant Lons-le-Saulnier, M. Gertal mit le
cheval au pas. — Voici une rude journée pour Pierrot, 10
dit-il, car nous allons monter sans cesse. Le village
des Rousses, où nous nous rendons, est en pleines mon-
tagnes,^ sur la frontière suisse.
En effet, la route ondulait continuellement en côtes
et en descentes rapides. Par moments on apercevait 15
les hautes cimes du Jura montrant au loin leurs pre-
mières neiges, et de noirs sapins poudrés de givre s'éta-
laient sur les flancs escarpés de la montagne.
Lorsqu'on arriva au bourg des Rousses, le soleil
venait de se coucher ; c'était l'heure où les vaches des- 20
cendaient toutes à la fois des pâturages de la montagne
pour rentrer aux étables. On arrêta Pierrot, afin de
ne pas effaroucher les bonnes bêtes; celles-ci s'en re-
venaient tranquillement, faisant sonner leurs clochettes
dont le bruit rustique emplissait la vallée. 25
Julien n'avait jamais été à pareille fête, car il n'avait
pas encore vu un si nombreux troupeau.
— Regarde bien, Julien, s'écria M. Gertal, et observe
ce qui va se passer.
— Oh ! dit Julien, je regarde si bien toutes ces belles 30
vaches que je suis en train de les compter;* mais il y
en a tant que c'est impossible.
3^ LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
— Ce sont toutes les vaches de la commune réunies
en un seul troupeau, dit M. Gertal, et il n'y a pour
les conduire qu'un pâtre, appelé le pâtre communal.
— Tiens ! s'écria Julien, qui regardait avec plus d'at-
S tention que jamais ; les unes s'en vont à droite, les
autres â gauche, celles-là devant ; voilà tout le troupeau
divisé, et le pâtre qui ne bouge pas pour les rappeler :
à quoi pense-t-il?
— N'as-tu pas entendu qu'il a sonné de la trompe?
10 Eh bien, dans le bourg chacun est prévenu par ce son
de trompe : on a ouvert les portes des étables, et, si le
troupeau se divise, c'est parce que chacune des vaches
prend le chemin de son étable et s'en va tranquillement
à sa crèche.
15 — Oh! vraiment, monsieur Gertal, vous croyez
qu'elles ne se tromperont pas ?
— Jamais elles ne se trompent; elles rentrent ainsi
tous les soirs; et tous les matins, à l'heure du départ,
il suffit encore au pâtre communal de sonner de la
20 trompe; aussitôt, dans le village, chacun ouvre les
portes de son étable; les vaches sortent et vont se ré-
unir toutes à un seul et même endroit, où le pâtre les
attend pour les conduire dans les belles prairies que
nous avons vues le long du chemin.
25 — Oh! que vôilà^ des vaches intelligentes! dit
André.
— Oui, certes, reprit Julien ; mais il y a autre chose
à remarquer que l'intelligence du troupeau ; c'est celle
des habitants du pays, qui s'entendent de bonne amitié^
30 pour mettre leurs troupeaux en commun'* et ne payer
qu'un seul pâtre, au lieu de payer autant de pâtres
qu'il y a de fermes et de troupeaux.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 39
XI
Le lendemain on se leva de bonne heure. M. Gertal
avait acheté la vieille au soir des marchandises qu'il
s'agissait de* charger dans la voiture. Il y avait de
ces énormes fromages dits de Gruyère qu'on fait dans
le Jura, et dont quelques-uns pèsent vingt-cinq kilo- 5
grammes.
En allant faire une commission pour le patron, Ju-
lien fut introduit dans une fromagerie où se trouvait
le fruitier auquel il devait parler: on appelle fruitier,
dans le Jura, celui qui fait les fromages. Le fruitier m
était aimable ; en voyant Julien ouvrir de grands yeux
surpris pour regarder la fromagerie, il lui demanda ce
qui rétonnait tant que cela.
— Oh! dit Julien, c'est cette grande chaudière que
je vois là sur le feu. Elle est aussi grande qu'une 15
barrique et elle a l'air pleine de lait.^
— Tout juste, enfant; il y a là trois cents litres de
lait à chauffer pour faire du fromage.
Les fermiers s'associent ensemble: ils m'apportent
leur lait tous les jours, de façon que je puisse emplir 20
ma grande chaudière. Alors je mesure le lait de cha-
cun, et je marque sur un livre le nombre de litres qu'il
a donnés. Quand les fromages sont faits et vendus,
on me paie pour ma peine, et les fermiers partagent
entre eux le reste de l'argent avec justice, suivant la 25
quantité de lait que chacun a fournie. Notre seul dé-
partement du Jura possède plus de cinquante mille
vaches et fabrique par an plus de qu9,tre miUions de
40 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
kilogrammes de fromages. Et nous faisons tout cela
en nous associant riches comme pauvres, d'un bon
accord.^
Le petit Julien, pour rattraper le temps qu'il avait
5 passé à écouter le fruitier, s'en revint en courant de la
fromagerie.
Ce n'était point à une auberge qu'on était descendu,
mais chez un cultivateur des Rousses, ami de M.
Gertal.
lo Le patron passa une partie de la soirée à faire ses
affaires chez ses clients, et les deux enfants restèrent
dans la ferme.
Lorsque la nuit fut tout à fait venue, la fermière
alluma deux lampes. Près de l'une les deux fils aînés
15 s'établirent. Ils avaient devant eux toute sorte d'ou-
tils, une petite enclume, dçs marteaux, des tenailles,
des limes, de la poudre à polir.^ Ils saisirent entre
leurs doigts de légers rubans d'acier qu'ils enroulaient
en forme de spirale après les avoir battus sur l'enclume.
20 André s'approcha d'eux tout surpris; leur travail,
qui lui rappelait un peu la fine serrurerie, l'intéressait
vivement.
— Que faites- vous là? demanda-t-il.
— Voyez, nous faisons des ressorts de montre. Dans
25 nos montagnes on fabrique les différentes pièces des
montres, de sorte qu'à Besançon on n'a plus qu'à les
assembler pour faire la montre même. Moi, je fa-
brît[ue des ressorts, d'autres font les petites roues, les
petites chaînes qui se trouvent à l'intérieur, d'autres
30 les cadrans émaillés où les heures sont peintes, d'autres
les aiguilles qui marqueront l'heure; d'autres enfin
façonnent les boîtiers en argent qu en or.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS \.
Tandis que les deux jeunes ouvriers en horloge,
causaient ainsi avec André, la fermière s^était assis
avec sa fille auprès de Tautre lampe. Elle avait un mé-
tier à faire les bas et travaillait avec activité. Pen-
dant ce temps, le plus jeune des enfants faisait son 5
devoir^ pour Técole du lendemain.
Il dessinait et faisait déjà très bien, des rosaces, des
fleurs, des animaux et de jolies figures d'ornementa-
tion. Bientôt M. Gertal revint et on alla se coucher,
car on devait se mettre en route très tôt le lendemain 10
matin.
XII
Le lendemain, en effet, on quitta les Rousses dès
trois heures du matin, car le patron voulait arriver à
temps pour le marché de Gex, une des principales villes
du département de TAin. 15
André enveloppa soigneusement le petit Julien dans
son manteau : Tenfant, bercé par le balancement de la
voiture et par le bruit cadencé des grelots sonores de
Pierrot, ne tarda pas à dormir aussi bien que dans
son lit. 20
Le clair de lune était splendide, la route lumineuse
comme en plein jour ; mais Tair était froid, car il gelait
sur ces hauteurs, et les noirs sapins avaient sur toutes
leurs branches de grandes aiguilles de glace qui bril-
laient comme des diamants. 25
Après plusieurs heures de marche sur une route tou-
jours montante, on traversa un dernier défilé entre
deux montagnes et 1 on arriva au haut d'un col d*où
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ExVFANTS
Ton découvrait toute la Suisse, la Savoie et les
Alpes.
André appela son frère et le petit Julien en un clin
d'oeil fut éveillé.
5 Les voyageurs se trouvaient au haut de la chaîne
du Jura.
Tout en bas, dans h>i>laine, s'étalait, 4, perte de vue,*
le grand lac de Genève, le plus beau de TEurope, do-
miné de toutes parts par des montagnes blanches de
10 neige.
C'était les Alpes de la Savoie dans lesquelles se
trouvent les plus hauts sommets de l'Europe. En face
se voyait le mont Blanc dont la cime couverte de neiges
éternelles dépassait toutes les autres.
15 Après avoir longuement admiré le splendide pano-
rama qui s'étalait devant leurs yeux étonnés les voya-
geurs se remirent en route et bientôt ils quittèrent le
département du Jura pour entrer dans celui de TAin
en Bourgogne.
20 . De la voiture, on apercevait déjà le clocher de la
petite ville de Gex, connue par les fromages qui
portent son nom.
— Enfants, dit le patron, nous voici arrivés à Gex ;
il s'agit à présent de travailler ferme.^ Nous aurons
25 une journée de fatigue aujourd'hui, et pas une mi-
nute à perdre.
Nos trois amis furent en effet si occupés toute la
journée qu'ils n'eurent pas le temps de manger autre
chose qu'un petit pain de deux sous^ en courant ; mais
30 personne ne songea à s'en plaindre. La vente était
bonne, le patron radieux, et les enfants enchantés
comme s'il se fût agi de leurs propres intérêts.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 43
Tout en se hâtant de faire les commissions, Julien
regardait le pays tant qu'il pouvait. De la ville de
Gex, on aperçoit encore le lac de Genève et les belles
Alpes de Savoie.
Deux jours après, on traversa, sans s'y arrêter, la 5
ville de Bourg, située dans la plaine fertile de la
Bresse. ^ ^s^
— Mes enfants, dit alors M. Gertal, je suis content
de vous, vous travaillez avec courage.^ Cela m'engage
à vous venir en aide. Vous avez quelques petites éco- 10
nomies, je veux vous montrer à les faire fructifier.
Tout en travaillant pour moi, vous travaillerez pour
vous: ce sera une sorte d'association que nous ferons
ensemble. Ecoutez-moi. La Bresse est connue par-
tout pour ses excellentes volailles. Je vais acheter 15
avec votre argent, dans une ferme des environs, une
vingtaine de belles poulardes, que vous vendrez au
marché de Mâcon, où nous allons nous rendre. Si peu
que vous gagniez^ sur chaque poularde, cela vous fera
sur le tout une somme assez ronde.^ Ne serez-vous 20
pas contents?
— Oh! fit Julien, je crois bien,^ monsieur Gertal.
Vous êtes bien bon pour nous, et je vais m'appliquer
à vendre, allez !
— Oui, dit André, nous vous en serons bien recon- 25
naissants, monsieur Gertal, car souvent je songe avec
inquiétude au terme de notre voyage. J'ai peur de ne
point retrouver notre oncle à Marseille, ou bien je
crains qu'il ne soit obligé de retourner en Alsace pour
obtenir que nous soyons Français. Si nous pouvions 30
arriver là-bas avec quelques économies, je serais moins
tourmenté. ^^„.^ a a p :?
^A • ^ f^ f^ y
•F THE
44 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
— Il ne faut point t'inquiéter comme cela, mon gar-
çon. Avec du courage et de la persévérance, on vient
à bout^ des choses les plus difficiles.
— Julien, dit M. Gertal lorsqu'on eut bien dîné,
5 viens avec moi à la ferme où je dois acheter nos pou-
lardes de Bresse; tu aimes Tagriculture, tu vas voir
une ferme bien tenue.
Julien enchanté se leva de table avec André.
On arriva dans une cour de belle apparence. A Ten-
lo trée deux grands arbres, un prunier et un cerisier,
donnaient en été leur ombrage et leurs fruits. Un
banc en pierre sous une tonnelle indiquait que le soir
on venait souvent s'y reposer des travaux de la jour-
née.
15 On entra dans la maison, et Julien, tout en souhai-
• tant le bonjour à la fermière, s'émerveilla de trouver
, la maison, si blaire et si gaie*
.Tandis que la fermière allait choisir les volailles au
poulailler, M. Gertal fit avec nos amis le tour de la
20 ferme. On visita les étàbles spacieuses; on admira
récurie proprement tenue. En passant devant la por-^
chérie, Julien fut bien surpris de voir l'habitation des
porcs non moins soignée que le reste de la ferme.
De la porcherie, on alla au poulailler rejoindre la
25 fermière.
Elle choisit vingt et une poulardes parmi les plus
^ fines : elle était bien aise d'en vendre d'un seul coup^
une si belle quantité, et elle les laissa à un prix avan-
tageux. Tout allait donc bien ; aussi notre ami Julien, •
30 en partant pour Màcon, faisait des rêves d'or.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 4$
XIII
Dans la même journée on arriva au chef -lieu du dé-
partement de Saône-et-Loire. La Saône passe le long
de la ville, et cette belle rivière est sillonnée de nom-
breux bateaux qui apportent à Mâcon les denrées et
produits des départements voisins. Mâcon fait aussi 5
xin grand commerce de vins.
Le lendemain M. Gertal, en parcourant le marché,
vit qu'il y avait peu de volaille sur la place.
— Enfants, dit-il à Julien et à André, tout le monde
est si occupé de la^ vendange en ce moment, que peu de 10
fermières ont eu le temps de venir. en ville apporter
leurs poulardes. Aussi la volaille est très chère; je
m e suis enquis des prix*: ne cédez pas la vôtre à moins
de cinquante centimes de bénéfice par pièce; elle sera
encore à meilleur marché^ que par toute la place.^ 15
André et Julienne le tinrent pour dit.^
Après bien des paroles et bien dii mal,* les vingt et
une poulardes se vendirent enfin. Le petit Julien fit
autant de tours qu'il fallut pour les porter chez les
acheteurs. A la dernière, il était si las qu'il n'en pou- 20
vait plus;*^ mais il était content de penser que par sa
peine et ses soins il allait avoir, lui aussi, contribué à
gagner quelque argent. Et cette pensée le rendait
tout fier et lui donnait du courage. Néanmoins il avait
bien de la peine à suivre la dame qui avait acheté la 25
poularde. Arrivée chez elle, cette dame le paya, et
Julien s'en retourna vite pour rejoindre André.
Il avait déjà fait les trois quarts du chemin, quand il
46 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
se rappela qu'il avait oublié de compter en le recevant
l'argent que la dame lui avait donné.
Aussitôt il vérifia sa monnaie^ et il s'aperçut que la
dame s'était trompée et lui avait remis un franc de
5 trop.
— Oh ! se dit-il, M. Gertal a bien raison quand il me
recommande de compter l'argent tout de suite. Si
c'était un franc de moins qu'il y avait, je n'oserais ja-
mais aller le réclamer à présent : la dame croirait que
10 je l'ai perdu : par bonheur ce franc est en trop, je n'au-
rai que le plaisir de le rendre.
En pensant cela, il poussa un gros soupir, car il était
bien fatigué.
— N'importe!^ se dit-il, profiter d'une erreur, ce
15 serait un vol. Et sans hésiter il revint sur ses pas.^
— Madame, s'écria-t-il tout essoufflé en arrivant à
la maison, voilà un franc de trop que vous m'avez
donné par erreur.
La dame regarda l'honnête petit garçon; elle le fit
2o asseoir et se mit à l'interroger sur son âge, son pays,
sa famille.
Il lui répondit gentiment et avec politesse.
En apprenant qu'il était orphelin et venait de TAl-
sace-Lorraine, la dame se sentit tout émue. Elle ouvrît
25 son armoire, et lui présentant un livre qui était sur une
planche :
— Tenez, mon enfant, lui dit-elle, je vous donne ce
livre: il parle de la France que vous aimez et des
grands hommes qu'elle a produits. Lisez-le: il est à
30 votre portée;* il y a des histoires et des images qui
vous instruiront et vous donneront, à vous aussi,
l'envie d'être un jour utile à votre patrie.
LE TOUR DE LA FINANCE PAR DEUX ENFANTS 47
Les yeux de Julien brillèrent de plaisir : il remercia la
dame de tout son cœur et s'en retourna, son livre sous
le bras, en mangeant pour se reposer une grappe de bon
raisin de la Bourgogne que la dame lui avait offerte.
Le soir, les deux frères comptèrent la somme d'ar- 5
gent que la vente leur avait rapportée. Ils avaient
gagné dans cette journée près de onze francs. Les or-
phelins ne savaient comment remercier M. Gertal;
André lui offrit de rester plus longtemps à son service
s'il avait besoin d'eux. 10
— Eh bien, mes jeunes associés, répondit M. Gertal,
j'accepte votre offre. J*ai fait moi aussi de meilleures
affaires que je ne Tespérais, et je songe à agrandir ma
clientèle; si vous pouvez rester dix jours de plus avec
moi, nous ferons une tournée par le Bourbonnais et 15
l'Auvergne avant d'aller à Lyon. Chemin faisant,^ je
vous aiderai encore à augmenter par des ventes avan-
tageuses votre petit pécule.
André accepta de grand cœur,^ et il fut convenu
qu'on allait soigner mieux que jamais le brave Pierrot, 20
dont les jambes auraient tant de chemin à faire. Ju-
lien, lui, s'était déjà mis dans un coin à feuilleter son
livre. — Comment as-tu donc eu ce livre, Julien ? de-
manda M. Gertal.
Quand Julien eut raconté son histoire, M. Gertal 25
l'approuva fort de s'être montré scrupuleusement hon-
nête et consciencieux : — Être consciencieux, lui dit-il,
c'est le moyen d'avoir le cœur content, et c'est aussi le
secret pour se faire estimer et aimer de tout le monde.
On quitta Mâcon de grand matin,^ et chemin faisant 30
nos trois amis, de la voiture même, assistèrent aux
travaux de vendange. Sur le flanc des collines on ne
48
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
voyait que vendangeurs et vendangeuses allant et
venant, la hotte pleine de raisin. Tout ce monde avait
Tair réjoui, car la récolte était abondante, et les raisins
de belle qualité.
5 Ailleurs, on apercevait des vignerons qui, à Tancienne
manière,^ piétinaient le raisin qu'on venait de cueillir.
Ils foulaient gaiement du pied Jes grappes mûres.
— Voyez-
V O U s ces SP^^:ClPr: rji^ ;^r'
lo hommes? dit
M. Gertal;
ils sont en
train de faire
le foulage*
15 des raisins.
— M on-
sieur Gertal,
dit Julien,
est-ce que
20 partout on
écrase ainsi
le raisin avec
les pieds pour faire le vin?
— Non, mon ami ; il y a beaucoup d'endroits oti on
25 se sert d'un fouloir, ce qui vaut mieux.
Pendant qu'on causait, on voyait toujours devant soi
des collines et encore des collines, toutes chargées de
vignes.
— Comment se nomment donc ces collines-là? de-
30 manda Julien en montrant du doigt les nombreuses
côtes qui ondulaient au soleil levant.
— Ce sont les monts du Charolais ; ils se continuent
LA FABRICATION DU VIN
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 49
tout chargés de raisins à travers la Bourgogne. Un
peu plus haut, ils prennent le nom de la côte d'Or.
Devines-tu pourquoi?
Julien réfléchit.
— Je crois bien que ouî,^ fit-il en parcourant des 5
yeux la campagne ensoleillée ; regardez, monsieur Ger-
tal, ces côtes couvertes de vignes : elles ont sous ce beau
soleil la couleur de Tor, à cause de leurs feuillages jau-
nis par l'automne.
— Cest vrai, petit Julien; mais ne penses-tu pas 10
aussi que toutes ces hottes pleines de raisin sont une
fortune, et que les belles vignes couleur d'or sont pour
la France une richesse, une mine d'or ? Les vignes de
notre pays rapportent à leurs propriétaires plus d'un
demi-milliard de francs chaque année. 15
— Que. d'argent cela fait ! Je comprends maintenant
ce qu'on m'a encore dit : que la Bourgogne est une des
plus riches provinces de France.
— C'est très juste, petit Julien, et il faut ainsi tâcher
de ne pas oublier tout ce que tu as appris à l'école. 20
— Oh ! je ne l'oublie pas, monsieur Gertal, allez ! Et
puis, dans le livre que m'a donné hier la dame de
Mâcon il y a beaucoup d'histoires sur les grands hom-
mes de la France ; je les lirai toutes. Voyez, monsieur
Gertal, comme il est beau, mon livre, avec ses images ! 25
Le patron feuilleta le livre avec intérêt, tandis que
Pierrot montait tranquillement la côte au pas.
• — Il est très beau, en effet, ce livre, dit M. Gertal ;
c'est un magnifique cadeau qu'on t'a fait là. Eh bien,
Julien, fais-nous part de tes richesses. Je vois ici en 30
titre : « Les grands hommes de la Bourgogne,» avec les
portraits de Vauban, de Buffon, de Bossuet; lis-nous
50 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
cela, mon garçon. Quand Pierrot marche au pas, c'est
bien facile de lire sans se fatiguer; voyons, com-
mence.
Julien, tout fier d'être érigé en lecteur, prit son livre
5 et commença d'une voix claire le chapitre suivant.
Toutes les provinces de France ont fourni des hom-
mes remarquables par leur talent ou par leur grande
âme, qui ont rendu des services à leur patrie et à
l'humanité; mais peu de provinces ont produit autant
lo d'hommes illustres que la Bourgogne, et ces grands
hommes ont été pour la plupart de grands patriotes.
i I. Parlons d'abord d'une des gloires de l'Église de
France, saint Bernard. Il naquit près de Dijon, d'une
famille noble, au onzième siècle.
15 C'est lui qui prêcha la seconde croisade pour délivrer
Jérusalem : lui-même raconte dans ses lettres qu'il en-
traînait tout le peuple derrière lui et changeait en
déserts les villes et les châteaux. En Allemagne, oti
l'on n'entendait point sa langue et où l'on ne pouvait
20 comprendre ce qu'il disait, les populations étaient ce-
pendant émues et persuadées par son accent et par ses
gestes. Comme on voulait massacrer les juifs pour se
préparer à l'expédition, saint Bernard empêcha cet
odieux massacre. Il mourut en 11 53.
25 IL Cinq siècles après, la Bourgogne devait^ encore
produire un grand prélat, qu'on a comparé plus d'une
fois à saint Bernard pour son éloquence et ses travaux.
Bossuet, né à Dijon, se fit d'abord remarquer de tous
ses camarades de classe par son assiduité et son ardeur
30 au travail. Dès l'âge de seize ans, Bossuet était cé-
lèbre dans tout Paris par son éloquence. Il devint
évêque de Condom, puis de Meaux, et précepteur du
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 51
fils du roi. Sa vie fut remplie par des travaux de
toute sorte.
m. En 1746, quarante-deux ans après la mort de
Bossuet, naquit à Beaune dans le département de la
Côte-d'Or un homme qui devait être une des gloires de 5
la science dans notre pays, c'est Gaspard Monge. En
1792 la France était attaquée par tous les peuples de
l'Europe à la fois; Monge fut chargé d'organiser la
défense de la patrie. Il se mit à cette œuvre avec toute
Tardeur de son génie. Il passait ses journées à visiter 10
les fonderies de canons; pendant les nuits, il écrivait
des traités pour apprendre aux ouvriers à bien fabri-
quer Tacier et à fondre les armes. Il était aidé par un
autre homme illustre, né aussi en Bourgogne, Carnot,
qui travaillait avec Monge à défendre la France, et qui 15
indiquait à nos armées les mouvements à faire pour
s'assurer la victoire. Ces deux hommes réussirent
dans leur œuvre. Quand la France eut en effet re-
poussé l'ennemi, Monge redevint professeur de géo-
métrie : c'est lui qui organisa notre grande École poly- 20
technique, où se forment nos ingénieurs pour l'armée
et pour les travaux publics, ainsi que nos meilleurs
officiers.
IV. La Bourgogne a donné le jour à un autre grand
savant: c'est Buffon qui est né au château de Mont- 25
bard. Il conçut la grande pensée d'écrire l'histoire de
la nature entière : il médita et étudia pendant dix ans,
puis commença à publier une série de volumes qui
illustrèrent son nom. Ses ouvrages furent traduits
dans toutes les langues. Avant de mourir, il vit sa 30
statue élevée à Paris, au Jardin des Plantes, avec cette
inscription : a Son génie a la majesté de la nature ! »
52 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
V. A Chalon-sur-Saône naquit, en 1765, Joseph
Niepce. C'est à lui et à Daguerre qu'est due l'inven-
tion de la photographie qui fut d'abord appelée da-
guerréotype.
Niepce est mort en 1833.
XIV
Après une longue journée de marche, la nuit était
venue, et déjà depuis quelque temps on avait allumé
les lanternes de la voiture ; malgré cela il faisait si noir^
qu'à peine y voyait-on à quelques pas devant soi.
10 Tout à coup le petit Julien tendit les bras en avant :
— Oh ! voyez, monsieur Gertal ; regarde, André ; là-
bas, on dirait un grand incendie; qu'est-ce qu'il y a
donc?
— En effet, dit André, c'est comme une immense
15 fournaise.
M. Gertal arrêta Pierrot : — Prêtez l'oreille, dit-il
aux enfants ; nous sommes assez près pour entendre.
Tous écoutèrent immobiles. Dans le grand silence
de la nuit on entendait comme des sifflements, des
20 plaintes haletantes, des grondements formidables. Ju-
lien était de plus en plus inquiet : — Mon Dieu, mon-
sieur Gertal qu'y a-t-il donc'^ ici? Bien sûr il arrive
là de grands malheurs.
— Non, petit Julien. Seulement nous sommes en face
25 du Creusot, la plus grande usine de France et peut-être
d'Europe. Il y a ici quantité de machines et de four-
neaux, et plus de seize mille ouvriers qui travaillent
nuit et jour pour donner à la France une partie ciu fer
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 53
qu'elle emploie. C'est de ces machines et de ces
énormes fourneaux chauffés à blanc^ continuellement
que partent les lueurs et les grondements qui nous ar-
rivent. Demain nous irons tous les trois visiter
Tusine. 5
Il y a trois grandes divisions distinctes dans rétablis-
sement du Creusot : fonderie, ateliers de construction- et
mines ; mais chacune des parties de l'usine est reliée à
l'autre par des chemins de fer ; c'est un va-et-vient per-
pétuel. 10
Le lendemain, après avoir fait leurs affaires nos
trois amis allèrent visiter la fonderie. Partout la
fonte en fusion coulait dans les rigoles ou tombait
dans de grands vases, et des ouvriers la versaient en-
suite dans les moules; en se refroidissant, elle prenait 15
la forme qu'on voulait lui donner : ici, on fondait des
marmites, des chenets, des plaques pour l'âtre des
cheminées; là, des pompes, ailleurs des balustrades et
des grilles.
Quand on eut bien admiré la fonderie, on passa dans 20
les grandes forges.
Là, Julien et André furent de nouveau bien étonnés.
La plupart des ouvriers qui allaient et venaient
avaient la figure garnie d'un masque en treillis métal-
lique. 25
Saisissant de longues tenailles, ils retiraient des
fours les masses de fer rouge; puis, les plaçant dans
des chariots qu'ils poussaient devant eux, ils les ame-
naient en face d'énormes enclumes pour être frappées
par le marteau. 3°
Mais ce marteau ne ressemblait en rien aux mar-
teaux ordinaires que manient les serruriers ou les for-
54 LE fOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
gérons des villages; c'était un lourd bloc de fer qui,
soulevé par la vapeur entre deux colonnes, montait
jusqu'au plafond, puis retombait droit de tout son
poids sur Tenclume.
5 — Regarde bien, Julien, dit M. Gertal: voici une
des merveilles de l'industrie. C'est ce qu'on appelle le
marteau-pilon à vapeur, qui a été fabriqué et employé
pour la première fois dans l'usine du Creusot oti nous
sommes. Ce marteau pèse de 3,000 à 5,000 kilo-
10 grammes : tu te figures la violence des coups qu'il peut
donner. Et cependant cette même masse peut donner
des coups aussi faibles qu'on le veut: elle peut casser
la coque d'une noix sans toucher à la noix même.
— Est-ce possible, monsieur Gertal ?
15 — Mais oui, dit un ouvrier qui connaissait M. Gertal
et qui regardait avec plaisir la gentille figure de Julien.
Tenez, petit, j'ai fini mon travail, et je vais vous faire
voir quelque chose de curieux.
L'ouvrier prit dans un coin^ sa bouteille de vin, plaça
20 dessus le bouchon sans l'enfoncer, mit la bouteille sur
l'enclume, et dit deux mots à celui qui faisait manœu-
vrer^ le marteau. La lourde masse se dressa, et Julien
croyait que la bouteille allait être brisée en mille mor-
ceaux ; mais le marteau s'abaissa tout doucement, vint
25 toucher le bouchon, et l'enfonça délicatement au ras
du goulot.
Bien d'autres choses émerveillèrent encore nos jeunes
amis. Là, le fer rouge passait entre des rouleaux et
sortait aplati en lames semblables à de longues bandes
30 de feu ; ailleurs, des ciseaux d'acier, mis en mouvement
par. la vapeur, tranchaient des barres de fer comme si
c'eût été du carton ; plus loin, des rabots d'acier, mus
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 55
encore par la vapeur rabotaient le fer comme du bois et
en arrachaient de vrais copeaux.
— Voyons maintenant les mines de houille, dit M.
Gertal.
Quand André et Julien arrivèrent, c'était le moment 5
où des ouvriers, munis de leurs lampes, allaient descen-
dre dans le souterrain. Julien les vit s'installer dans
la cage, au-dessus du gjand trou noir, que le jeune
garçon regardait avec épouvante. Puis on donna le
signal de la descente, une machine à vapeur siffla, et la 10
cage s'enfonça dans le trou avec les mineurs qu'elle
portait.
— Oh! monsieur Gertal, s'écria le petit Julien, je
vois que la Bourgogne travaille fameusement, elle
aussi ! et je réfléchis en moi-même que, si la France est 15
une grande nation, c'est que dans toutes ses provinces
on se donne bien du mal.
XV
On partit du Creusot le lendemain matin. Bientôt
même,^ on quitta le département de Saône-et-Loire.
On avait vendu au Creusot les marchandises qui étaient 20
dans la voiture, et Pierrot, allégé de sa charge, trottait
plus rapidement.
— Qu'est-ce donc que ces montagnes si boisées que
nous voyons à présent ? demanda Julien ; est-ce encore
la côte d'Or? 25
— A quoi penses-tu donc, Julien ? répondit le patron.
Tu sais bien que la côte d'Or est couverte de vignes.
S6 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Nous avons quitté la Bourgogne; nous voici dans le
Nivernais; les monts boisés que tu vois sont les col-
lines du Morvan.
— C'est un pays qui doit produire beaucoup de bois,
5 à ce qu'il me semble, dit André.
— Oui, la richesse du département de la Nièvre, ce
sont surtout ses forêts. Il y a beaucoup de cours
d'eau, au moyen desquels on expédie les bois en les fai-
sant flotter.
10 Le chef-lieu de la Nièvre, c'est Nevers et il s'y
trouve une importante fonderie de canons pour la ma-
rine. Un peu plus loin, à Bourges, se trouve aussi une
fonderie d'armes. Bourges, c'est lancienne capitale
du Berry et le chef-lieu du Cher dont les laines sont
15 renommées. Nous allons maintenant entrer dans le
Bourbonnais qui a formé le département de l'Allier et
dont le chef-lieu est Moulins. C'est dans ce départe-
ment qu'est Vichy, le plus grand établissement d'eaux
minérales du monde entier: il s'y est rendu,^ en cer-
20 taines années, jusqu'à cent mille personnes. Tous ces
gens venaient pour remettre leur santé, pour boire l'eau
chargée de divers sels qui jaillit toute chaude de terre,
ou pour prendre des bains dans cette eau. C'est que,
vois-tu,^ petit Julien, les eaux minérales sont encore au
25 nombre des principales richesses de la France: nul
pays ne possède autant de sources célèbres pour la
guérison des maladies.
Bientôt nos voyageurs quittèrent le Bourbonnais et
entrèrent en Auvergne. On se rendait à Clérmont-
30 Ferrand. Il faisait une belle journée d'automne, le
soleil brillait dans un ciel sans nuages. Comme la
route montait beaucoup, nos amis étaient descendus et
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 57
ils gravissaient la côte à pied tous les trois afin de
soulager un peu Pierrot.* Julien se dégourdissait les
jambes en sautant de ça, de là/ tout joyeux du beau
temps qu'il faisait. Bientôt pourtant il se rapprocha
de M. Gertal et d'André, et, du haut d'une grande 5
côte d'où la vue dominait l'horizon, il leur montra une
chaîne de montagnes ensoleillée.
— Qu'est-ce donc, je vous prie, demanda-t-il, que^
ces monts qui sont là tout entassés les uns auprès des
autres? Voyez! il en a qui ressemblent à de grands 10
dômes ; d'autres sont fendus, d'autres s^ouvrent par en
haut comme des gueules béantes. Voilà des mon-
tagnes qui ne sont point du tout pareilles aux autres
que nous avons vues.
— Julien, ce sont les dômes et les puys d'Auvergne. 15
Lé plus élevé de ceux que tu aperçois là-bas, c'est le
puy de Dôme. Regarde bien à ta gauche, à présent.
Vois-tu cette plaine qui s'étend à perte de vue ?^ C'est
la fertile Limagne, la terre la plus féconde de France.
Elle est arrosée par de nombreux cours d'eau et pro- 20
duit en abondance le blé, le seigle, l'huile, les fruits;
mais elle ne couvre pas tout le territoire de l'Auvergne ;
elle n'occupe que vingt-quatre lieues carrées. En re-
vanche la montagne ne produit que des pâturages et
des bois ; l'hiver y est bien long et rigoureux. 25
Dans le Cantal, il y a une race de bœufs très renom-
més, et Ton y fait de bons fromages.
— Le chef-lieu du Cantal, c'est Aurillac, une jolie
ville aux rues bien propres, arrosée par des ruisseaux
d'eau courante. Le Cantal est un département pauvre ; 30
ses habitants sont souvent obligés d'émigrer comme
on fait en Savoie pour aller gagner leur vie ailleurs :
s 8 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
ils se font portefaix, charbonniers, et souvent chau-
dronniers. Le métier de chaudronnier est un de ceux
que les Auvergnats préfèrent, et Aurillac est un des
grands centres de la chaudronnerie.
5 Quand le petit Julien arriva à Clermont et qu'il
eut parcouru les vieux quartiers de la ville pour
faire les commissions du patron, il fut tout désap-
pointé.
— Oh ! André, dit-il au retour pendant le dîner, que
10 c'est triste, ces quartiers-là ! les maisons sont si hautes,
et les pierres noires comme de Tardoise ! on dirait une
prison; pourquoi donc, monsieur Gertal?
— C'est qu'ici presque tout est construit en lave.
Il y a beaucoup d'anciens volcans en Auvergne, et on y
15 trouve des masses de lave considérables qu'on appelle
des coulées parce qu'elles ont coulé des volcans ; on en
rencontre^ parfois qui bordent le lit des rivières comme
une longue rangée de tuyaux d'orgue ; il y a aussi dans
la lave des trous, des colonnades, des grottes curieuses
20 ayant toute sorte de formes. Depuis cinq siècles on
exploite en Auvergne des carrières de lave, et on en a
retiré de quoi bâtir toutes les maisons de la Limagne,
et des pays voisins.
— Tout de même, dit le petit Julien, c'est bien singu-
25 lier de penser que les volcans nous ont donné la maison
où nous voilà !
— Ils ont aussi donné à la Limagne sa richesse. Gré-
néralement les terrains volcaniques sont fertiles. C'est
avec les blés abondants de la Limagne que Clermont
30 fait les excellentes pâtes alimentaires,^ les vermicelles,
les semoules dont j'ai acheté une grande quantité et
que nous chargerons demain dans la voiture. Les
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 59
fruits secs et confits que Clermont prépare si bien et
à bon marché ont aussi mûri dans la Limagne.
— Est-ce que vous en avez acheté, monsieur
Gertal?
— Oui, dit le patron, et j'en trouverai une vente cer- 5
taine, car ils sont renommés. En même temps il cher-
cha dans sa poche et atteignit un petit sac : — Voici des
échantillons; goûtez cette marchandise, enfants.
Il y avait des abricots, des cerises, des prunes. Julien
fut d'avis que la Limagne était un pays superbe, puis- 10
qu'il donne des fruits si parfaits, et que les habitants
étaient fort industrieux de savoir si bien les conserver.
M. Gertal reprit alors : — Pour votre vente à vous,^
enfants, je vous achèterai des dentelles du pays: à
Lyon, vous les vendrez à merveille. 15
En Auvergne, les femmes font des dentelles à très
bas prix et solides. Il y a soixante-dix mille ouvrières
qui travaillent à cela dans l'Auvergne et dans le dé-
partement voisin, la Haute-Loire, chef-lieu le Puy.
Comme la vie est à bon marché^ dans tous ces pays, et 20
que les populations sont sobres, économes et conscien-
cieuses, elles fabriquent à bon compte^ d'excellente
marchandise, et le marchand qui la revend n'a point
de reproches à craindre.
Ce fut à la petite pointe du jour* qu'on quitta Cler- 25
mont; aussi on arriva de bonne heure à Thiers. Cette
ville toute noire, aux rues escarpées, aux maisons en-
tassées sur le penchant d'une montagne, est très in-
dustrieuse et s'accroît tous les jours. C'est la plus im-
portante de France pour la coutellerie. 30
Pendant que Pierrot dînait, nos amis dînèrent eux-
mêmes, puis on se diligenta pour faire les affaires ra-
6o LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
pidement, car le patron ne voulait pas coucher à
Thiers.
M. Gertal emmena les enfants avec lui, et ils ache-
tèrent un paquet d'excellente coutellerie à bon marché,
5 pour une valeur de 35 francs ; la veille, on avait déjà
employé à Clermont les 35 autres francs en achats de
dentelles.
Quand on fut en route, tandis que Pierrot gravissait
pas à pas le chemin montant, Julien dit à M. Gertal :
10 — Avez-vous vu, monsieur, les jolies assiettes or-
nées de dessins et de fleurs dans lesquelles on nous a
servi le dessert à Thiers? Moi, j'ai regardé par der-
rière, et j'ai vu qu'il y avait dessus : Limoges. Je pense
que cela veut dire qu'on les a faites à Limoges. Li-
15 moges n'est donc pas loin d'ici?
— Ce n'est pas très près, répondit M. Gertal. Ce-
pendant le Limousin touche à l'Auvergne. C'est un
pays du même genre, un peu moins montagneux et
beaucoup plus humide.
20 — Je vois, reprit Julien, que dans ce pays-là on fa-
brique beaucoup d'assiettes, puisqu'il y en a jusque par
ici.^
— Oh ! petit Julien, il y en a par toute la France, des
porcelaines et des faïences de Limoges. Non loin de
25 cette dernière ville, à Saint- Yrieix, on a découvert une
terre fine et blanche : c'est cette terre que les ouvriers
pétrissent et façonnent sur des tours pour en faire de
la porcelaine. Il y a à Limoges une des plus grandes
manufactures de porcelaine de la France. Limoges
30 est du reste une ville peuplée, commerçante et très in-
dustrieuse, mais nous n'y passerons pas.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
6l
XVI
Bientôt nos trois voyageurs arrivèrent à un ha-
meau situé dans la montagne au milieu des « bois
noirs,)) comme on les appelle, à une dizaine de kilo-
mètres de Thiers. On descendit chez un fermier du
hameau que le patron connaissait. Puis M. Gertal, 5
qui ne perdait jamais
une minute, courut la
campagne pour acheter
des fromages d'Au-
vergne. 10
Pendant ce temps Ju-
lien et André étaient
restés chez la fermière
et passaient la veillée en
famille. 15
Dans un coin voisin
du foyer, un petit gar-
çon de rage de Julien,
assis par terre, tressait des paniers d'osier.
Julien s'approcha de lui, portant sous son bras le 20
précieux livre d'histoires et d'images que lui avait
donné la dame de Mâcon ; puis il s'assit à côté de l'en-
fant.
Le jeune vannier se rangea pour faire place à Julien,
et sans rien dire le regarda avec de grands yeux timides 25
et étonnés ; puis il reprit son travail en silence.
Ce silence ne faisait pas l'affaire de notre ami Julien,
qui s'empressa de le rompre.
LE JEUNE VANNIER
62 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
— Comment vous appelez- vous ? dit-il avec un sou-
rire expansif. Moi, j'ai bientôt huit ans, et je m'ap-
pelle Julien Volden.
— Je m'appelle Jean- Joseph, dit timidement le petit
5 vannier, et j'ai huit ans aussi.
— Jean- Joseph, continua Julien, aimez-vous les his-
toires ?
— Je crois bien, répondit le jeune vannier; c'est tout
ce qui m'amuse le plus au monde.
lo — Eh bien, dit Julien, je vais vous lire une histoire
de mon livre. Ce sont les histoires des hommes
illustres de la France : il y en a eu dans toutes les pro-
vinces, car la France est une grande nation ; mais nous
lirons l'histoire des hommes célèbres de l'Auvergne,
15 puisque vous êtes né en Auvergne, Jean-Joseph.
— C'est cela, dit Jean- Joseph; voyons les grands
hommes de l'Auvergne.
Julien commença à voix basse, mais distincte-
ment.
20 — La France, notre patrie, était, il y a bien long-
temps de cela, presque entièrement couverte de grandes
forêts. Elle s'appelait alors la Gaule, et les hommes
à demi sauvages qui l'habitaient étaient les Gaulois.
Nos ancêtres, les Gaulois, étaient grands et robustes,
25 avec une peau blanche comme le lait, des yeux bleus
et de longs cheveux blonds ou roux qu'ils laissaient
flotter sur leurs épaules.
Ils estimaient avant toutes choses le courage et la
liberté. Ils se riaient de la mort, ils se paraient pour
30 le combat comme pour une fête.
Leurs femmes, les Gauloises, ne leur cédaient en rien
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 63
pour le courage. Elles suivaient leurs époux à la
guerre; des chariots traînaient les enfants et les ba-
gages; d'énormes chiens féroces escortaient les chars.
Nos pères se défendaient vaillamment, si vaillam-
ment que les armées de César, composées des meilleurs 5
soldats du monde, furent sept ans avant de soumettre
notre patrie.
Mais enfin la Gaule, couverte du sang de ses enfants,
épuisée par la misère, se rendit.
Un jeune Gaulois, né dans T Auvergne, résolut alors 10
de chasser les Romains du sol de la patrie.
Il parla si éloquemment de son projet à ses com-
pagnons que tous jurèrent de mourir plutôt que de
subir le joug romain. En même temps, ils mirent à
leur tête le jeune guerrier et lui donnèrent le titre de 15
Vercingétorix, qui veut dire chef.
Bientôt Vercingétorix envoya en secret dans toutes
les parties de la Gaule des hommes chargés d'exciter
les Gaulois à se soulever.
Au jour désigné d'avance, la Gaule entière se sou- 20
leva d'un seul coup, et ce fut un réveil si terrible que,
sur plusieurs points, les légions romaines furent ex-
terminées.
César, qui se préparait alors à quitter la Gaule, fut
forcé de revenir en toute hâte, pour combattre Vercin- 25
gétorix et les Gaulois révoltés. Mais Vercingétorix
vainquit César à Gergovie.
Six mois durant, Vercingétorix tint tête à César,
tantôt vainqueur, tantôt vaincu.
Enfin César réussit à enfermer Vercingétorix dans 30
la ville d'Alésia, où celui-ci s'était retiré avec soixante
mille hommes.
64 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Alésia, assiégée et cernée par les Romains, ne tarda
pas à ressentir les horreurs de la famine.
La ville, où les habitants mouraient de faim, songeait
à la nécessité de se rendre lorsqu'une armée de secours
5 venue de tous les autres points de la Gaule se présenta
sous les murs d'Alésia.
Une grande bataille eut lieu; les Gaulois furent
d'abord vainqueurs, et César, pour exciter ses troupes,
dut combattre en personne. On le reconnaissait à tra-
10 vers la mêlée à la pourpre de son vêtement. Les Ro-
mains reprirent l'avantage; ils enveloppèrent Tarmée
gauloise. Ce fut un désastre épouvantable.
Dans la nuit qui suivit cette funeste journée, Ver-
cingétorix, voyant la cause de la patrie perdue, prit
15 une résolution sublime. Pour sauver la vie de ses
frères d'armes, il songea à donner la sienne. Il savait
combien César le haïssait ; il savait que plus d'une fois,
dès le commencement de la guerre. César avait cherché
à se faire livrer Vercingétorix par ses compagnons
20 d'armes, promettant à ce prix de pardonner aux révol-
tés. Le noble cœur de Vercingétorix n'hésita point : il
résolut de se livrer lui-même.
Au matin, il rassembla le conseil de la ville et y
annonça ce qu'il avait résolu. On envoya des parle-
25 mentaires porter ses propositions à César. Alors, se
parant pour son sacrifice héroïque comme pour une
fête, Vercingétorix, revêtu de sa plus riche armure^
monta sur son cheval de bataille. Il fit ouvrir les
portes de la ville, puis s'élança au galop jusqu'à la
30 tente de César.
Arrivé en face de son ennemi, il arrête tout d'un coup
son cheval, d'un bond saute à terre, jette aux pieds du
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 65
vainqueur ses armes étincelantes d*or, et fièrement,
sans un seul mot, il attend immobile qu'on le charge
de chaînes.
Vercingétorix avait un beau et noble visage ; sa taille
superbe, son attitude altière, sa jeunesse produisirent 5
un moment d'émotion dans le camp de César. Mais
celui-ci, insensible au dévouement du jeune chef, le
fit enchaîner, le traîna derrière son char de triomphe
en rentrant à Rome, et enfin le jeta dans un cachot.
Six ans Vercingétorix languit à Rome dans ce cachot 10
noir et infect. Puis César, comme s'il redoutait encore
son rival vaincu, le fit étrangler.
On garda un instant le silence. Chacun songeait en
soi-même à ce que Julien venait de lire. Puis le jeune
garçon, reprenant son livre, continua sa lecture. 15
— C'est encore l'Auvergne qui a vu naître, l'an 1768,
un homme de guerre également célèbre par son cou-
rage et par son honnêteté: Desaix.
Desaix à l'âge de vingt-six ans était déjà général.
Il prit part aux grandes guerres de la Révolution f ran- 20
çaise contre l'Europe coalisée.
Desaix était d'une extrême probité. Quand on
frappait les ennemis d'une contribution de guerre, il ne
prenait jamais rien pour lui, et cependant il était lui-
même pauvre ; « mais, disait-il, ce qu'on peut excuser 25
chez les autres n'est pas permis à ceux qui commandent
des soldats.» Aussi était-il admiré de tous et estimé
de ses ennemis. En Allemagne, où il fit longtemps
la guerre, les paysans allemands l'appelaient le bon
générai En Orient, dans la guerre d'Egypte où il 30
66 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
#
suivit Bonaparte, les musulmans qui habitent le pays
l'avaient surnommé le sultan juste, c'est-à-dire le chef
juste.
En 1800, se livra dans le Piémont, près de Marengo,
5 une grande bataille. Nos troupes, qui avaient traversé
les Alpes par le mont Saint-Bernard pour surprendre
les Autrichiens, se trouvèrent attaquées par eux. Après
une résistance héroïque, nos soldats pliaient et com-
mençaient à s'enfuir. Tout à coup, Desaix arriva en
10 toute hâte à la tète de la cavalerie française ; il se jeta
au milieu de la mêlée, donnant l'exemple à tous et gui-
dant ses soldats à travers les bataillons autrichiens,
qui furent bientôt bouleversés. Mais une balle enne-
mie le blessa à mort et il tomba de son cheval ; au mo-
15 ment d'expirer, il vit les ennemis en fuite : il avait par
son courage décidé la victoire. «Je meurs content,
dit-il, puisque je meurs pour la patrie.»
Ses soldats lui élevèrent un monument sur le champ
même de la bataille. Plus tard, sa statue fut érigée à
20 Clermont-Ferrand.
XVII
Lorsque M. Gertal rentra, on se mit à table tous
ensemble.
Après le repas, la veillée ne se prolongea guère:
chacun se coucha de bonne heure. André et Julien
25 furent conduits dans un petit cabinet; Jean- Joseph
monta au second sous les combles, où il y avait une
étroite mansarde, et M. Gertal eut, au premier étage,
le meilleur lit.
— Tenez- vous tout prêts dès ce soir, dit le patron
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 67
aux enfants: nous partirons demain de bonne heure;
la voiture est chargée, il n'y a que Pierrot à atteler et
je vais boucler ma valise avant de me mettre au lit.
— Oui, oui, soyez tranquille, monsieur Gertal, dirent
les enfants. — Et, avant de se coucher, ils bouclèrent 5
aussi toute prête la courroie de leur paquet.
Depuis longtemps chacun dormait dans la ferme
lorsque André se réveilla tout suffocant et mal à Taise.
Il était si gêné qu'il put à peine, au premier moment,
se rendre compte de ce qu'il éprouvait. Il sauta hors 10
de son lit sans trop savoir ce qu'il faisait et il ouvrit
la fenêtre pour avoir de l'air.
Le vent froid de la montagne s engouffra aussitôt
en tourbillonnant dans la pièce et ouvrit la porte mal
fermée. Alors une fumée épaisse entra dans le cabinet, 15
puis un crépitement suivit,, comme celui d'un brasier
qui s'allume. André pris de terreur courut au lit oii
dormait Julien ; il le secoua avec épouvante. — Lève-
toi, Julien, le feu est à la ferme.^
L'enfant s'éveilla brusquement, sachant à peine où 20
il en était,^ mais André ne lui laissa pas le temps de
se reconnaître. Il lui mit sur le bras leurs vêtements ;
lui-même saisit d'une main, sur la chaise, le paquet
de voyage bouclé la veille; de l'autre, il prit la main
de Julien, et, l'entraînant avec lui, il courut à travers 25
la fumée réveiller M. Gertal et jeter® l'alarme dans la
ferme.
— André, cria le patron, je te suis, éveille tout le
monde; puis cours vite à Pierrot, attèle-le, fais-lui
enlever la voiture hors de danger; moi, je vais aider 30
le fermier à se tirer d'affaire.*
André, toujours tenant Julien, s'élança au plus vite.
68 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Quand il arriva aux étables, la flamme tournoyait
déjà au-dessus, car il y avait des fourrages dans le
grenier, et des étincelles avaient embrasé la toiture
•en chaume.
5 — Habille-toi, dit André à Julien, qui claquait des
dents au vent de la nuit.
Lui-même, à la hâte, passa^ une partie de ses vête-
ments, et, prenant le reste, il jeta le tout dans la voi-
ture.
10 Bientôt arrivèrent les gens de la ferme. C'était un
brouhaha et un effroi indescriptibles.
Au milieu de ce désordre général, à travers la fumée
aveuglante, André réussit pourtant à atteler Pierrot à
la voiture. Il mit Julien dedans et, d'un vigoureux
15 coup de fouet, il entraîna le tout dans le chemin éclairé
par les lueurs rouges de l'incendie.
Quand la voiture fut hors de danger, André attacha
le cheval à un arbre.
L'incendie avait fait des progrès effrayants, et on
20 ne pouvait songer à l'éteindre, car il n'y avait point
de pompes à feu dans le hameau.
Cependant le petit Julien arriva à son tour.
Sa première pensée fut de chercher Jean- Joseph à
travers la foule; personne ne songeait à Jean-Joseph
25 et ne savait où il était.
— Bien sûr, dit le petit garçon avec effroi, Jean-
Joseph est resté dans sa mansarde; je cours le cher-
cher.
Il partit en toute hâte, mais déjà il n'y avait plus
30 moyen de monter jusque-là : l'escalier s'était effondré
et les flammes tourbillonnaient à l'entrée.
Julien revint dans la cour : la lucarne de la mansarde
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 69
était hermétiquement close par son petit volet. A
coup sûr Jean- Joseph dormait encore sans se douter
du danger.
Julien saisit une pierre ronde assez grosse, et avec
habileté il la lança dans le volet de toutes ses forces. 5
Ce volet, qui s'ouvrait en dedans et ne tenait que par
un mauvais crochet, céda aussitôt: au milieu du cré-
pitement de rincendie, on distingua le bruit de la
pierre roulant dans la mansarde, tandis que la petite
voix de Julien criait : — Jean-Joseph ! Jean- Joseph ! 10
L'instant d'après, le visage épouvanté de Jean-
Joseph se montra à la lucarne. Le pauvre enfant
dressait au-dessus de sa tête ses deux petites mains
jointes dans un geste désespéré tandis que sa voix
appelait: — Au secours! au secours! 15
André, qui s'était absenté un instant, revint alors,
traînant une échelle.
Il s'élança légèrement sur les barreaux, qui pliaient
sous son poids. Arrivé au dernier, il se retourna,
présentant le dos à la muraille et se soutenant contre, 20
puis, levant ses deux bras jusqu'à la hauteur de la
lucarne :
— Aide-toi de mes bras; Jean-Joseph, dit-il d'une
voix calme; descends sur mes épaules et n'aie pas
peur. 25
Jean- Joseph s'assit sur la lucarne, puis se laissa
glisser le long du mur jusqu'à ce que ses pieds tou-
chassent le dos d'André.
Quand celui-ci sentit Jean- Joseph sur ses épaules,
il le fit glisser dans ses bras, par devant lui; puis il 30
le posa sur le second barreau de l'échelle : — Descends
devant à présent, lui dit-il.
70 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Jean-Joseph descendit rapidement, André à sa suite.
Ils arrivaient à peine au dernier tiers de Téchelle qu'un
bruit se fit entendre. Une partie du toit s'effondrait ;
des pierres détachées du mur roulèrent et vinrent
5 heurter Téchelle, qui s'affaissa lourdement.
Un cri s'échappa de toutes les bouches ; mais, avant
même qu'on eût eu le temps de s'élancer, André était
debout. Il n'avait que de légères contusions, et il
relevait le petit Jean- Joseph, qui s'était évanoui dans
lo l'émotion de la chute.
Quand l'enfant revint à lui,^ il était encore dans les
bras d'André. Celui-ci, épuisé lui-même, s'était assis
à l'écart sur une botte de paille.
Le premier mouvement du petit garçon fut d'en-
15 tourer de ses deux bras le cou du brave André, et, le
regardant de ses grands yeux effrayés qui semblaient
revenir de la tombe, il lui dit doucement : — Que vous
êtes bon!
Lorsque cette nuit pénible fut achevée, le lendemain,
20 au moment de partir, M. Gertal prit le fermier à part:
— Mon brave ami, lui dit-il, je vous vois plus dé-
sespéré qu'il ne faut. Il -faut avoir du courage, avec
le temps on répare tout. Tenez, les affaires ont été
bonnes pour moi cette année. Dieu merci ; cela fait que
25 je puis vous prêter quelque chose. Voici cinquante
francs; vous me les rendrez quand vous pourrez: je
sais que vous êtes un homme actif : seulement promet-
tez-moi de ne pas vous laisser aller au découragement.
Le fermier, ému jusqu'aux larmes, serra la main du
30 Jurassien, et on se quitta le cœur gros.^
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS ?!
XVIII
On quitta l'Auvergne et on entra dans le Lyonnais.
M. Gertal fit remarquer aux enfants qu'on était dans
Tun des départements les plus industrieux de la
France, celui du Rhône. Aux environs de Lyon, nos
trois amis passèrent au milieu de villages animés; s
Julien demanda le nom de cet endroit. — C'est le mont
d'Or, dit M. Gertal ; un joli nom, comme tu vois. Ne
le confonds pas avec la montagne que nous avons vue
en Auvergne, non loin de Clermont, et qui s'appelle le
mont Dore. Sais-tu qu'est-ce qui fait la richesse de ces lo
villages où nous sommes? Ce sont des chèvres que
les cultivateurs élèvent. Dans aucun lieu de Iji France
il n'y a autant de chèvres sur une si petite étendue de
terrain. On en compte des milliers qui sont toutes
enfermées dans des étables. On fait de leur lait un 15
fromage estimé, si bien que chaque chèvre rapporte
chaque année aux habitants 125 francs par tête.
Il était déjà soir quand nos voyageurs arrivèrent
près de Lyon. Devant eux se dressaient les hautes col-
lines couronnées par les dix-sept forts de Lyon et par 20
l'église de Fourvières, qui dominent la grande cité.
Ces collines étaient encore éclairées par les derniers
rayons du crépuscule tandis que la ville se couvrait
de la brume du soir. Mais bientôt tous les becs de gaz
s'allumèrent comme autant d'étoiles qui, perçant la 25
brume de leur blanche lueur, illuminaient la ville tout
entière et renvoyaient des reflets jusque sur les cam-
pagnes environnantes.
72 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
— Que c'est joli ! disait Julien ; je n'avais jamais vu
pareille illumination.
Bientôt nos amis arrivèrent sur les magnifiques
quais du Rhône qui, avec ceux de la Saône, se déve-
5 loppent sur une longueur de 40 kilomètres. A leurs
pieds coulait en grondant le fleuve, que remontaient
et descendaient des bateaux à vapeur.
On arriva peu après à la maison oti Ton devait
passer la nuit, et Julien s'endormit en voyant encore
10 en rêve la grande ville, ses longs quais, ses ponts et
son fleuve bruyant.
— Oh! monsieur Gertal, quelle grande ville que ce
Lyon! s'écria le petit Julien, qui n'en pouvait plus^
de fatigue un matin qu'il revenait de porter un paquet
15 chez un client. J'ai cru que je marcherais tout le jour
sans arriver, tant il y a de rues à suivre et de ponts à
passer !
— Mais, dit le patron, tu sais bien que c'est la se-
conde ville de France, petit Julien.
20 — Tiens, c'est vrai, cela. Mais, monsieur Gertal,
qu'est-ce qui fait donc que certaines villes deviennent
de si grandes villes, tandis que les autres ne le de-
viennent point?
— Cela tient presque toujours à l'industrie des habi-
25 tants et à la place que les villes occupent, petit Julien.
Lyon est situé à la fois sur la Saône et sur le Rhône.
Par la Saône il communique avec la Bourgogne et
l'Alsace; par le Rhône, avec la Suisse d'un côté et
avec la Méditerranée de l'autre. Par le canal de Bour-
30 gogne et les autres canaux, il communique avec Paris
et la plupart des grandes villes de France. Six lignes
de chemins de fer aboutissent à Lyon, et ses deux
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 73
grandes gares sont sans cesse pleines de marchandises.
N'est-ce pas là une magnifique position pour le com-
merce d'une ville, Julien? Mais ce n'est pas le tout:
il faut encore que la ville où toutes ces routes abou-
tissent soit industrieuse et que ses habitants sachent 5
travailler. C'est là la gloire de Lyon, cité active et
intelligente entre toutes, cité de travail qui a su main-
tenir au premier rang dans le monde une de nos plus
grandes industries nationales: la soierie. Il y a à
Lyon, 120,000 ouvriers qui travaillent la soie, petit 10
Julien, et dans les campagnes environnantes 120,000
y travaillent aussi : en tout 240,000 environ.
— 240,000 ! fit Julien étonné.
— Oui, Julien. As-tu vu, en passant dans les fau-
bourgs de la ville, ces hautes maisons d'aspect pauvre, 15
d'où l'on entend sortir le bruit actif des métiers ? C'est
là qu'habite la nombreuse population ouvrière. Cha-
cun a là son petit logement ou son atelier, souvent per-
ché au cinquième ou sixième étage, souvent aussi en-
foncé sous le sol, et il y travaille toute la journée à 20
lancer la navette entre les fils de soie. De ces obscurs
logements sortent les étoffes brillantes, aux couleurs
et aux dessins de toute sorte, qui se répandent ensuite
dans le monde entier. Il se vend tous les ans à Lyon
pour plus de 500 millions de francs de soieries. 25
Bientôt nos amis songèrent à vendre leurs marchan-
dises et c'était plaisir de voir avec quel soin ils arran-
geaient chaque jour leur petit étalage sur une des
places les plus fréquentées.
Il y en avait là pour tous les goûts. Dans un coin, 30
c'étaient les beaux fruits de l'Auvergne, les pâtes et
vermicelles fins de Clermont: dans un autre, Tex-
74 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
cellente coutellerie achetée à Thiers s'étalait relui-
sante ; puis, au-dessus, les dentelles d'Auvergne se dé-
ployaient en draperies ornementales, à côté des bas au
métier^ achetés dans le Jura. Enfin, sous une vitrine
5 à cet usage, brillaient dans tout leur éclat quelques
montres de Besançon avec chaînes et breloques, et des
boucles d'oreilles fabriquées en Franche-Comté; puis
des objets sculptés dans les montagnes du Jura, an-
neaux de serviettes, tabatières, peignes et autres, com-
lo plétaient l'assortiment.
André debout à un coin, M. Gertal à l'autre, s'occu-
paient à la vente. Julien, assis sur un tabouret, se
reposait après chaque commission pour se préparer à
en faire d'autres.
15 Du coin de l'oeil il suivait, avec un vif intérêt, le
petit tas de coutellerie et le paquet de dentelles qui
représentaient leurs économies. Souvent, parmi les
passants affairés de la grande ville, quelques-uns
s'arrêtaient devant l'étalage, frappés du bon marché
20 et de la belle qualité des objets et aussi de l'air avenant
des marchands. A mesure que le tas diminuait et que
le paquet arrivait à sa fin, la figure de Julien s'épa-
nouissait d'aise.
Un soir enfin, André vendit à une dame son der-
25 nier mètre de dentelle et à un collégien son dernier
couteau. Les enfants comptèrent leur argent, qu'An-
dré avait mis soigneusement à part, et, à leur grande
joie, ils virent qu'ils avaient 85 francs.
— 85 francs! disait le petit Julien en frappant de
30 joie dans ses mains. Quoi ! nous avons plus du double
d'argent que nous n'avions en quittant Phalsbourg!
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 75
XIX
Quand on eut quitté Lyon et ses dernières mai-
sans tandis que la voiture courait à travers les cam-
pagnes fertiles et les beaux vignobles, Julien prit son
livre, et, profitant de la première côte que Pierrot
monta au pas, fit la lecture à haute voix. 5
A Lyon est né un homme qu'on a proposé depuis
longtemps comme modèle à tous les travailleurs.
Jacquard était fils d'un pauvre ouvrier tisseur et
d'une ouvrière en soie. Dès l'enfance, il connut par
lui-même les souffrances que les ouvriers <ie cette lo
époque avaient à endurer pour tisser la soie. La loi
d'alors permettait d'employer les enfants aux travaux
les plus fatigants: ils y devenaient aveugles, bossus,
bancals, et mouraient de bonne heure.
Le jeune Jacquard, mis à ce dur métier, tomba lui- 15
même malade. Ses parents, pour lui sauver la vie,
durent lui donner une autre occupation; ils le pla-
cèrent chez un relieur, et ce fut un grand bonheur pour
l'enfant, car, une fois dans l'atelier de reliure, il ne se
borna pas à cartonner les livres qu'on lui apportait : à 20
ses moments de loisir, il lisait ces livres, et il acquit
ainsi l'instruction élémentaire qu'on n'avait pu lui
donner.
Une fois instruit, le studieux ouvrier sentit s'éveiller
en lui le goût de la mécanique, et il conçut l'idée d'une 25
machine qui accomplirait à elle seule le pénible tra-
vail qu'il avait lui-même accompli jadis. Mais de
76 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
tristes événements vinrent interrompre ses recherches :
c'était le moment des guerres de la Révolution, où les
citoyens combattaient les uns contre les autres en
même temps que contre les ennemis de la France. Il
5 se fit soldat et alla combattre, lui aussi, pour la patrie.
Pendant qu'il était sur le champ de bataille, son fils
unique mourut à Lyon. Sa femme était dans la mi-
sère, tressant, pour vivre, des chapeaux de paille. C'est
alors qu'il revint de l'armée, et ce fut au milieu de
10 cette tristesse et de cette misère générale qu'il finit
par construire la machine à laquelle il a donné son
nom.
Mais que de temps il fallut pour que cette mer-
veilleuse machine fût estimée à son vrai prix! Les
15 ouvriers mêmes dont elle devait soulager le travail la
voyaient de mauvais œil.^ Un jour, on la brisa sur la
place publique, et le grand homme qui l'avait inventée
eut lui-même à souffrir les mauvais traitements d'ou-
vriers ignorants.
20 Enfin, au bout de douze ans d'efforts, son métier
fut généralement adopté et fit la richesse de Lyon.
Les ouvriers, qui craignaient que la machine nou-
velle ne leur nuisît et ne leur enlevât du travail, virent,
au contraire, leur nombre augmenter chaque jour: il
25 y a maintenant à Lyon plus de cent mille ouvriers en
soieries. Et partout on a adopté le métier de Jacquard,
en Allemagne, en Angleterre, en Italie, en Amérique
et jusqu'en Chine.
La ville de Lyon, reconnaissante envers cet homme
30 qui a fait sa prospérité, lui a élevé une statue sur une
de ses places.
II. Parmi les hommes célèbres que Lyon a produits,
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 77
on peut citer encore Bernard de Jussieu, né dans les
dernières années du dix-septième siècle. Il s'adonna
à rétude de la botanique. C'est Bernard de Jussieu
qui trouva le moyen de bien classer les milliers de
plantes que produit la nature, de les distinguer les- unes 5
des autres et de savoir les reconnaître.
Quand on se promène à Paris, au Jardin des Plantes,
on voit un grand arbre, un magnifique cèdre, qui rap-
pelle Bernard de Jussieu. C'est, en effet, ce dernier
qui Ta rapporté dans son chapeau et planté en cet en- 10
droit, alors que l^e grand arbre n'était encore qu'une
petite plante.
Après avoir traversé un joli pays, verdoyant et bien
cultivé, nos. voyageurs virent de loin monter dans le
ciel un grand nuage de fumée. En approchant, Julien 15
distingua bientôt de hautes cheminées qui s'élevaient
dans les airs à une soixantaine de mètres. — Oh ! dit
Julien, on dirait que nous revenons au Creusot, mais
c'est bien plus grand encore. Combien voilà de chemi-
nées ! 20
— C'est Saint- Etienne, dit M. Gertal. Et Saint-
Étienne a en effet plus d'un rapport avec le Creusot,
car, là aussi, on travaille le fer, l'acier; on y fait la
plus grande partie des outils de toute sorte qui servent
aux différents métiers. 25
Parmi les grandes villes de la France, Saint-Êtienne
est la plus récente. Il y a cent ans, c'était plutôt un
bourg qu'une ville, car elle n'ayait que six mille habi-
tants ; aujourd'hui elle en a cent trente-quatre mille.
Ce qui fait la prospérité de cette ville, c'est qu'elle 30
est tout entourée de mines de houille. Ces mines lui
78 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
donnent du charbon tant qu'elle en veut pour faire
marcher^ ses machines.
A ce moment, on entrait dans Saint-Étienne et on
y voyait de grandes rues bordées de belles maisons,
5 mais »tout cela était noirci par la fumée des usines ; la
terre elle-même était noire de charbon de terre, et,
quand Te vent venait à souffler, il soulevait des tour-
billons de poussière noire.
La voiture se dirigea vers une hôtellerie que con-
10 naissait M. Gertal et qui était située non loin de la
grande Manufacture nationale d'armes.
Quand on arriva, il était déjà tard et le travail venait
de cesser à la Manufacture. Alors, à un signal donné,
on vit tous les ouvriers sortir à la fois: c'était une
15 grande foule, et Julien les regardait passer avec sur-
prise, en se demandant comment on pouvait occuper
tant de travailleurs.
— Et tous les fusils dont la France a besoin pour
ses soldats! lui dit André; ne crois-tu pas qu'il y ait
20 là de quoi donner de la besogne? Sans compter les
sabres, les épées, les baïonnettes : la plus grande partie
de tout cela se fait à Saint-Étienne.
Cependant l'industrie du fer n'occupe encore que la
moitié de ses nombreux ouvriers. Ce ne sont point
25 des objets de quincaillerie que je vais acheter ici; ce
sont des soieries, des rubans, des velours. Il y a,
aujourd'hui, à Saint-Étienne plus de 40,000 ouvriers
occupés à tisser la soie. Ici encore on trouve ces mé-
tiers inventés par Jacquard qui fabriquent jusqu'à^
30 trente-six pièces de rubans à la fois.
En disant ces mots, M. Gertal sortit avec les deux
enfants pour aller f^ire des achats. Il se rendit chez
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 79
plusieurs fabricants de rubans et de soieries, où Ton
entendait encore, malgré l'heure tardive, le bruit mo-
notone des métiers.
M. Gertal devait rester un jour seulement à Saint-
Étienne. Le surlendemain, au moment du départ, il 5
dit à Julien :
— Mon ami, le temps approche oti nous allons nous
quitter. Te rappelles-tu la promesse que je t'ai faite
à Besançon? Je ne Tai pas oubliée, moi. Voici le
petit cadeau que tu désirais. 10
En même temps, M. Gertal atteignit un parapluie
soigneusement enfermé dans un fourreau en toile cirée.
— Je te Tai acheté ici même, dit-il.
— Oh! merci, monsieur Gertal, s'écria Julien en
ouvrant le parapluie. Mais, ajouta-t-il, il est en soie, 15
vraiment ! Oh ! qu'il est grand et beau ! voyez, mon-
sieur Gertal, comme André et moi nous serons bien
garantis là-dessous ! Et avec cela il est léger comme
un jonc. Que vous êtes bon, monsieur Gertal!
Puis, passant le parapluie à André, qui le remit dans 20
son étui, l'enfant courut aussitôt embrasser le patron.
On quitta ensuite la grande ville industrielle pour
se diriger vers le sud-est, et on passa du Lyonnais
dans le Dauphiné.
XX
C'ÉTAIT à Valence, chef-lieu du département de la 25
Drôme, dans le Dauphiné, que nos trois amis devaient
se quitter.
M. Gertal y acheta diverses marchandises, y compris
8o LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
des objets de cuir, gants, et peaux fines, qu'on travaille
à Valence, à Annonay et dans toute cette contrée de
la France. Ensuite M. Gertal se prépara à repartir.
Après six semaines de fatigue et de voyage, il avait
S hâte de retourner vers le Jura, où sa femme et son fils
Tattendaient. Les enfants, d'autre part, avaient encore
soixante lieues à faire avant d'arriver à Marseille.
Ce fut sur la jolie promenade d'où Ton découvre
d'un côté les rochers à pic qui dominent le Rhône, de
lo l'autre côté les Alpes du Dauphiné, que nos amis se
dirent adieu.
— André, dit M. Gertal, quand tu m*as demandé
quelque chose comme salaire à Besançon, je n'ai rien
voulu te promettre, car je ne te connaissais pas;
15 mais depuis ce jour tu t'es montré si laborieux, si cou-
rageux, et tu m*as donné si bonne aide en toute chose,
que je veux t'en montrer ma reconnaissance. J'ai fait
l'autre jour à Julien le cadeau que je lui avais pro-
mis; voici maintenant quelque chose pour toi, André.
20 Et il tendit au jeune garçon un porte-monnaie tout
neuf, où il y avait trois petites pièces de cinq francs
en or.
Et le Jurassien, sans laisser à André le temps de le
remercier, l'attira dans ses bras ainsi que le petit
25 Julien:
— Que le ciel vous bénisse, enfants, dit-il, avec émo-
tion. Et Ton se sépara.
Une heure après, les deux enfants,' leur paquet sur
l'épaule, suivaient la grande route de Valence à Mar-
30 seille, qui longe le cours du Rhône.
Quand le soir fut venu, ils demandèrent à coucher
dans une sorte de petite auberge, moitié ferme et moitié
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 8l
hôtellerie, comme il s'en rencontre dans les villages.
Ils firent le prix à Tavance, et s'assirent ensuite auprès
de la cheminée pendant que la soupe cuisait.
Le lendemain, pour continuer leur voyage, les en-
fants purent profiter de l'occasion d'un char à bancs. 5
La route se fit d'abord le plus gaîment du monde. Le
ciel était d'un bleu éblouissant; toutefois, depuis la
veille, un grand vent froid du nord-ouest s'était levé
et soufflait à tout rompre.^ C'était ce vent de la val-
lée du Rhône que les gens du pays appellent mistral, 10
d'un mot qui veut dire le maître, car c'est le plus puis-
sant des vents, et il a une telle force qu'il a pu faire
dérailler des trains de chemins de fer en marche.
La voiture avançait bon train: le vent la poussait
par derrière et ajoutait sa force à celle du cheval. 15
Mais, à un détour de la route, qui descendait en pente
rapide, le vent souffla si fort que la voiture se trouva
précipitée en avant avec .une violence sans pareille.
Le cheval n'eut pas la force de se maintenir, et il
s'abattit, brusquement. La secousse fut telle que les 20
voyageurs se trouvèrent lancés tous les quatre hors
de la voiture.
Chacun se releva plus ou moins contusionné, mais
sans blessure grave. Seul, le petit Julien avait le pied
droit et le poignet tellement meurtris et engourdis qu'il 25
ne pouvait appuyer dessus. Quand il voulut se relever
et marcher, la douleur l'obligea de s'arrêter aussitôt.
En même temps il se sentait la tête toute lourde et
le front brûlant; il se retenait à grand'peine de
pleurer. 30
André était bien inquiet, craignant que l'enfant n'eût
quelque chose de brisé dans la jambe et dans Iç bras.
82 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Le conducteur, fort inquiet lui-même, s'approcha
de Julien ; il lui fit remuer les doigts de la main et ceux
du pied blessé, et voyant que le petit garçon pouvait
remuer les doigts: — Il n'y a probablement rien de
5 brisé, dit-il; c'est sans doute une simple entorse au
pied et à la main.
Puis, s'adressant à André: — Jeune homme, prenez
votre mouchoir et celui de Tenfant; mouillez-les avec
Feau du fossé: appliquez ces mouchoirs mouillés, Tun
lo au pied, l'autre au poignet de votre frère. L'eau froide
est le meilleur remède au commencement d'une entorse
ou de toute espèce de blessure ; elle empêche l'enflure
et l'irritation.
Pendant qu'André s'empressait de soigner son pe-
15 tit frère et lui appliquait les compresses d'eau froide,
le conducteur releva le cheval, qui n'avait pas
de mal; mais les brancards de la voiture étaient
brisés. Il était impossible de remonter dans le char
à bancs, et il fallut aller chercher de l'aide pour le
2o traîner jusque chez le charron du plus prochain vil-
lage.
Julien ne pouvait marcher, et il se plaignait de plus
en plus d'un violent mal de tête.
André le prit dans ses bras et, le cœur tout triste, il
2$ fit ainsi une demi-lieue de chemin en portant le petit
garçon qui se désolait.
En arrivant au bourg voisin de l'accident, les deux
enfants furent installés chez une excellente femme du
lieu.
30 Le petit Julien souffrait de plus en plus. Il portait
sans cesse la main à son front: la tête, disait-iî, lui
faisait bien plus de mal que tout le reste.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 83
On le coucha pour le reposer, mais il ne put dormir.
La fièvre l'avait pris, une de ces fièvres brûlantes qui
sont le principal danger des chutes.
André alarmé courut chercher le médecin, et lui
expliqua leur accident de voiture. 5
— L'entorse ne sera pas grave, dit le docteur après
examen ; mais cet enfant a une forte fièvre et un délire
qui m'inquiète. Ne vous couchez pas, mon ami; de
demi-heure en demi-heure^ vous ferez prendre à votre
frère une potipn calmante que je vais vous écrire; 10
veillez-le avec soin. S'il peut s'endormir d'un bon
sommeil, il sera hors de danger. Je reviendrai demain
matin.
André resta toute la nuit au chevet de Julien,
veillant l'enfant comme eût fait la plus tendre des 15
mères.
Julien était toujours dans une agitation extrême.
La nuit touchait à sa fin, et l'inquiétude d'André
allait croissant.
Enfin Julien épuisé de fatigue resta immobile ; puis, 20
peu à peu, il garda le silence, ses yeux se fermèrent ;
il s'endormit, sa petite main dans celle de son frère,
qui, brisé de fatigue et d'émotion, finit par s'endormir
lui-même à son tour, la tête appuyée sur le bois du lit^
où Julien reposait, la main immobile dans celle de 25
l'enfant.
XXI
Heureusement les prévisions du médecin se réali-
sèrent. Quand Julien s'éveilla, il était beaucoup
84 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
mieux : le délire avait disparu et la fièvre était presque
tombée.
Deux jours de repos achevèrent de le remettre.
Le médecin permit alors aux deux jeunes Lorrains
5 de partir pour Marseille, mais il prit André à part et
lui recommanda de ne pas laisser le petit garçon se
fatiguer.
— L'entorse du pied, dit-il, ne permettra pas à votre
frère de rçarcher facilement avant un mois. D'ici là,
lo il faut distraire cet enfant et ne pas. le laisser s'at-
trister tout seul, de crainte que la fièvre nerveuse dont
il vient d'avoir un accès ne reparaisse.
André remercia le médecin de ses bons avis; il ne
savait comment lui montrer sa reconnaisance, car le
15 docteur, loin de vouloir être payé, avait fait cadeau à
son petit malade d'un pantoufle de voyage pour le pied
blessé.
La gaîté de Julien revenait peu à peu : il voulut aider
• lui-même, de son lit, à faire le paquet de voyage, et il
20 n'oublia pas de mettre dans sa poche son livre sur les
grands hommes, afin, disait-il, de bien s'amuser à lire
dans le chemin de fer.
Lorsque les préparatifs furent achevés, André régla
partout les dépenses qu'il avait faites: puis il prit le
25 petit Julien dans ses bras. Julien portait de sa main
valide le paquet de voyage attaché au fameux para-
pluie. Quoique bien embarrassés ainsi, les deux en-
fants se rendirent néanmoins à la gare, qui n'était
éloignée que d'un quart d'heure.
30 Une demi-heure après, les deux enfants étaient assis
l'un près de l'autre dans un wagon de 3® classe. .Au
bout d'un instant la locomotive siffla et le train partit
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 85
à toute vitesse.^ Derrière eux, les belles cimes des
Alpes du Dauphiné montraient leurs têtes blanches de
neige que le soleil faisait reluire.
— André, dit Julien, puisque nous passons en ce
moment dans le Dauphiné, je veux connaître les grands s
hommes de cette province.
Et les enfants se mirent à lire la vie de Bayard
qui a été surnommé « le chevalier sans peur et sans re-
proche.»
Il descendait d'une famille de preux et il combattit lo
en Italie, en Navarre et en Picardie. Il mourut des
suites d'une blessure qu'il reçut tandis qu'il protégeait
la retraite de l'armée française à Romagnano en Ita-
lie.
Au bout de trois heures, le train s'arrêta à la gare 15
d'Avignon. Du chemin de fer on voyait la ville, et
André montra en passant à Julien un grand monu-
ment situé sur le penchant d'un rocher, et qui, avec
ses vieux créneaux, ressemble à une forteresse. C'était
l'ancien château où les papes résidaient lorsqu'ils ha- 20
bitaient le comtat Venaissin,^ enclavé dans la Pro-
vence.
Pendant ce temps le train s'était remis en marche.
On traversa sur un beau pont la Durance, ce torrent
terrible par ses inondations, qui descend en courant 25
des montagnes, et dont les eaux, amenées par un long
aqueduc, alimentent la ville de Marseille.
Au delà de l'antique cité d'Arles, la Provence, jus-
que-là couverte de cultures et où on apercevait le feuil-
lage gris des oliviers, devint stérile, sans herbe et sans 30
arbres. Les enfants étaient entrés dans les plaines de
la Crau, puis de la Camargue, desséchées par le souffle
86 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
du mistral, couvertes de cailloux, et qui ressemblent à
un désert de TAfrique transporté dans notre France.
Là paissent en liberté de nombreux troupeaux de
bœufs noirs et de chevaux demi-sauvages, semblables
5 aux chevaux arabes.
Puis on entra sous un grand tunnel, celui de la
Nerthe, qui a plus d'une lieue de long. Peu de temps
après, on arrivait dans la vaste gare de Marseille, et
les deux enfants sortirent de wagon au milieu du va-et-
10 vient des voyageurs.
André s'informa avec soin du chemin à suivre pour
se rendre à l'adresse de son oncle. Puis, courageuse-
ment, il reprit Julien entre ses bras et, à travers Ta
foule qui allait et venait dans la grande ville, il s'ache-
15 mina tout ému. ^
Enfin on atteignit la rue tant désirée ; avec un grand
battement de cœur on frappa à la porte et on demanda
Frantz Volden.
Un marin d'une quarantaine d'années vint ouvrir et
20 répondit : — Frantz Volden n'est plus ici, voilà tantôt
cinq mois qu'il est parti.^
— Mon Dieu ! s'écria André avec anxiété ; et il de-
vint tout pâle comme s'il allait tomber. Mais bientôt,
surmontant son trouble, il reprit:
25 — Où est-il allé? savez-vous, monsieur?
— Parbleu, jeune homme, dit celui qui avait ouvert
la porte, entrez vous reposer : Frantz Volden est mon
ami ; nous causerons mieux de lui dans la maison que
sur la porte.
30 Et le brave homme, montrant le chemin aux enfants,
marcha devant eux dans un corridor étroit et som-
bre.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 87
On arriva dans une chambre où la femme du marin
préparait le souper.
— Voici ce qui en est/ reprit le marin. Ce pauvre
Volden avait un frère en Alsace-Lorraine. Depuis la
dernière guerre, Frantz songeait souvent au pays. Il 5
se disait tous les jours : « Mon aîné doit être bien mal-
heureux là-bas, car il a subi les misères de la guerre
et des sièges; mais moi, j*ai quelques économies et je
lui dirai: — Michel, viens-t'en en France avec moi,
nous achèterons un petit bout de terre, et nous ferons lo
valoir^ cela à nous deux.^ » Mais auparavant Frantz
avait des affaires à régler à Bordeaux, et il est parti
par Cette pour s'y rendre, travaillant le long de son
chemin à son métier de charpentier de marine, afin de
se défrayer du voyage. 15
— Hélas! dit André tristement, nous venons,. nous,
d'Alsace-Lxjrraine pour le trouver. Nous sommes les
fils de ce frère qu'il voulait revoir, et qui est mort;
mais, en mourant, notre père nous avait fait promettre
d'aller rejoindre notre oncle, et nous sommes venus. 20
Nous avions d'abord écrit trois lettres, mais on ne nous
a pas répondu.
— Je le crois bien, dit le marin en ouvrant son ar-
moire et en montrant les trois lettres précieusement
enveloppées: elles sont arrivées après le départ de 25
Frantz. J'attendais d'avoir son adresse pour les lui
envoyer; mais depuis cinq mois il ne m'a pas donné
signe de vie.*
André réfléchissait tristement. — Comment allons-
nous faire? dit-il enfin. Nous ne savons pas l'adresse 30
de notre oncle à Bordeaux ; et d'ailleurs nous ne pour-
rions aller jusque-là: mon jeune frère ne peut plus
88 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
marcher, il est au bout de ses forces. D'autre part,
nous n'avons plus assez d'argent pour prendre le che-
min de fer jusqu'à Bordeaux.
— Allons, allons, ne vous désolez pas à l'avance, dit
5 le marin. Les pauvres gens sont au monde pour
s'entr'aider. Nous ne sommes pas riches non plus;
'^ mais à cause de cela on sait compatir au malheur d'au-
trui.
— Eh ! oui, dit la femme du marin, nous nous aide-
lo rons tous, et le bon Dieu fera le reste. Voyons, met-
tons-nous à table. Mon mari est un homme de bon
conseil : en mangeant, il va débrouiller votre affaire,
n'est-ce pas, Jérôme?
En même temps l'excellente femme avait attiré la
15 table dans le milieu de la chambre. Elle p^laça André
à sa droite et Julien à sa gauche, et elle servit à chacun
une bonne assiette de soupe au poisson^ qui est le mets
favori de la Provence.
Pendant le dîner, André raconta leur voyage de
2o point en point, puis il chercha ses certificats pour les
montrer à Jérôme.
Jérôme avait écouté le récit d'André avec une grande
attention ; ensuite il réfléchit assez longtemps sans rien
dire. Sa femme l'observait avec confiance.
25 Jérôme, en effet, sur la fin du dîner, sortit de ses ré-
flexions silencieuses: — Je crois, dit-il, qu'il y aurait
un moyen de vous tirer d'embarras, mes enfants.
Avez-vous peur de la mer?
— Oh ! monsieur, dirent à la fois les deux enfants,
30 depuis si longtemps nous désirons la voir! Nous n'a-
vons pas pu encore aller sur le port depuis que nous
sommes à Marseille, car nous sommes venus droit chez
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 89
VOUS ; mais je vous réponds que nous n'aurons pas peur
de la mer.
— A la bonne heure, reprit le marin. Eh bien, mon
bateau vous mènera à Cette, un joli port du départe-
ment de THérault: je mets à la voile^ après-demain. 5
Une fois à Cette, j'interrogerai les uns et les autres
sur Volden; nous autres mariniers, nous nous con-
naissons tous, et déjà, à mon dernier voyage, j'avais
chargé un camarade qui partait vers Bordeaux par le
canal du Midi^ de prendre des informations sur Ta- 10
dresse de Volden. Nous aurons donc, je l'espère, des.
nouvelles de votre oncle à Cette. Aussitôt on le pré-
viendra de votre arrivée, et je vous confierai à un ma-
rinier qui vous conduira par le canal jusqu'à Bordeaux.
Pendant qu'André et Julien remerciaient Jérôme, sa 15
femme se mit à préparer pour les enfants Tancienne
chambre où couchait leur oncle. Cette chambre n'avait
pas été louée depuis le départ de Frantz Volden. Les
enfants, dès le soir même, y furent installés. C'était
un petit cabinet qui dominait les toits de la ville. 20
Quand André ouvrit la fenêtre, il poussa un cri de
surprise :
— Oh ! Julien, dit-il, que c'est beau !
Et, prenant Julien dans ses bras, il le porta jusqu'à
la fenêtre. — La mer, la mer! s'écria Julien. 25
De la fenêtre, en effet, on découvrait à perte de vue^
la mer, d'un bleu plus foncé encore que le ciel ; on
apercevait aussi le port de Marseille et les navires in-
nombrables dont les mâts se pressaient les uns contre
les autres, agitant aux tourbillons du mistral leurs pa- 30
villons de toutes les couleurs. Les derniers rayons du
soleil couchant emplissaient l'horizon d'un e^ lumiè re
i OFTHf \
go LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
d'or. Les deux enfants, serrés Tun contre Tautre, re-
gardaient tour à tour Timmensité du ciel et celle de la
mer, puis le port plein de navires et la grande ville qui
s'étendait au-dessous d'eux.
Quand la nuit fut venue, ils se couchèrent et bientôt
s'endormirent profondément.
XXII
Dès le lendemain, André commença à se rendre utile
au patron, voulant le dédommager de la nourriture et
du coucher qu'il leur donnait. Le jeune garçon des-
10 cendit donc de bonne heure, vêtu de ses habits de tra-
vail, suivit le marin au port, où l'on devait achever le
chargement du bateau, et le lendemain ce bateau mo-
deste et pauvre mit de bonne heure à la voile.
— Le vent est favorable, disait Jérôme, il faut en
15 profiter.
On sortit du port, et on passa devant les forts qui le
s protègent, devant les murailles qui s'avancent en mer
pour le défendre contre la violence des vagues. Enfin
on vit s'ouvrir l'horizon sans limite de la pleine mer,^
20 qui semblait dans le lointain se confondre avec le ciel.
Julien ne pouvait se lasser de regarder cette grande
nappe bleue sur laquelle le bateau bondissait si légère-
ment; le vent enflait les voiles et on marchait vite.
André observait la manœuvre avec attention pour ap-
25 prendre ce qu'il y avait à faire. La mer était bonne,^
et les deux jeunes Lorrains n'éprouvèrent pas le mal
de mer.^
Le patron et les deux hommes d'équipage, lorsqu'ils
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 9I
se trouvaient à portée de Julien, lui adressaient la pa-
role et lui montraient les divers points de la côte.
Du bateau, on put apercevoir longtemps Marseille,
dont les innombrables maisons se pressaient au bord
de la mer, le sémaphore, le clocher de Notre-Dame de 5
la Garde surmonté d'une statue colossale qui brillait
de loin au soleil, enfin la ceinture de hautes collines qui
s'élevaient de chaque côté de la ville, baignant leur
pied jusque dans la mer.
— Comme elle est belle, cette côte de Provence ! dit 10
Julien. Elle est toute découpée en caps arrondis.
Comment donc s'appellent ces montagnes qui ondulent,
là-bas, à droite?
— Ce sont les montagnes qui entourent Toulon, ré-
pondit le père Jérôme. Voilà encore un port superbe ! 1 5
Seulement ce ne sont guère des navires de commerce
qui s'y abritent, comme à Marseille : ce sont des vais-
seaux de guerre, car Toulon est notre grand port de
guerre sur la Méditerranée.
Le bateau allait vite, et parfois la poussière humide^ 20
des vagues arrivait jusque sur la figure de Julien.
Celui-ci voyait toujours se succéder devant lui les
côtes et les golfes de Provence, bordés de montagnes.
— Quelle superbe contrée, disait le patron Jérôme,
que cette Provence toute couverte d'oliviers, de pins et 25
d'herbes odorantes ! C'est mon pays, ajouta-il, fière-
ment, et vois-tu, petit, à mon avis,^ c'est le plus beau du
monde.
- — Patron, dit l'un des marins, le lieu où l'on est né
est toujours le premier du monde. Ainsi, moi qui vous 30
parle, je ne connais rien qui me rie au cœur comme le
joli comté de Nice : car je suis né là sur la côte, dans
92 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
une petite maison entourée d*orangers et de citronniers
qui toute Tannée sont couverts de fleurs et de
fruits. Tout vient^ si bien dans notre chaud pays ! Il
y a autant de fleurs en hiver qu'au printemps ; pendant
S que la neige couvre les contrées du nord, les étrangers
malades viennent chercher chez nous le soleil et la
santé.
— Et la Corse,^ donc, s'écria l'autre marin. Quel
pays, quelle fertilité ! Elle a en raccourci'* tous les cli-
10 mats. Sur la côte, du côté d'Ajaccio,* c'est la douceur
du midi; notre campagne est pleine aussi d'orangers,
de lauriers et de myrtes, comme votre pays de Nice,
camarade. Nos oliviers sont dix fois hauts comme
ceux de votre Provence, patron. Et les palmiers
15 peuvent croître chez nous comme en Algérie. Cela
n'empêche pas qu'on trouve sur nos hautes montagnes
neuf mois d'hiver, de neige et de glace, et de grands
pins qui se moquent de l'avalanche.
— Oui, dit le patron ; mais vous n'avez guère de
20 bras*^ chez vous; la Corse est peu peuplée, vos terres
sont souvent incultes.
— Patron, c'est vrai. Nous tenons plus volontiers
un fusil que la charrue. Mais patience, nos enfants
s'instruisent, et ils comprendront bientôt le parti qu'ils
25 peuvent tirer des richesses du sol. En attendant, la
France nous doit le plus habile capitaine du monde.
Napoléon P'.
— Eh bien, moi, dit le petit Julien, qui était content
aussi de donner son avis, je vous assure que la Lor-
30 raine vaut toutes les autres provinces. Il n'y a point
d'orangers chez nous, ni d'oliviers; mais on sait joli-
ment travailler en Lorraine, les femmes comme les
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 93
hommes, et Ton a su s'y battre aussi ; car nous avons eu
Jeanne Darc et de grands généraux.
— Alors, pour nous mettre d'accord, dit André en
souriant à Tenfant, disons donc que la France entière,
la patrie, est pour nous tout ce qu'il y a de plus cher 5
au monde.
— Bravo! vive la France, dit d'une même voix le
petit équipage.
Pendant que le patron de la Ville d*Aix s'éloignait
pour donner des ordres, Julien atteignit son fidèle 10
compagnon de voyage, son livre sur les grands hom-
mes de la France.
— Voyons donc, se dit-il, pendant que tout le monde
est occupé, moi je m'en vais faire connaissance avec
quelques-uns des noms célèbres de la Provence. 15
Et il se mit à lire avec attention.
I. A Marseille, naquit en 1622 un grand homme qui
fut à la fois sculpteur, peintre et architecte, Pierre
Puget.
Le jeune Puget travailla d'abord chez un construc- 20
teur de navires et, à l'âge de seize ans, il se fit remar-
quer par un superbe navire qu'il avait orné de dessins
et de sculptures en bois.
Mais, à ce moment de sa vie, le rêve du jeune Puget
n'était pas de sculpter : c'était d'apprendre la peinture 25
et, pour l'étudier, d'aller en Italie, où étaient alors les
plus grands maîtres de cet art. Dans ce but, il tra-
vailla avec courage comme ouvrier pendant un an,
afin de gagner la somme nécessaire à son voyage.
Puis, à dix-sept ans, il partit à pied, s'arrêtant en route 30
quand l'argent lui manquait, et recommençant à tra-
vailler jusqu'à ce qu'il eût gagné de quoi aller plus
loin.
94 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Une fois arrivé en Italie, il étudia la peinture auprès
de différents maîtres. Il montrait déjà dans cet art un
véritable génie, lorsqu'il tomba gravement malade.
Le médecin lui dit qu'il ne se guérirait pas s'il con-
5 tinuait à peindre, à cause de l'odeur malsaine des pein-
tures, et qu'il lui fallait changer d'occupation pour
sauver sa santé. Le jeune peintre se trouva ainsi
obligé de recommencer des études nouvelles: il ne se
découragea pas, et il reprit son premier métier de sculp-
10 teur. Sa gloire ne perdit rien au change,^ car c'est dans
la sculpture qu'il a acquis, non sans des peines et des
travaux incessants, une impérissable renommée.
Pierre Puget avait gravé dans sa maison ces paroles
qui semblent résumer sa vie:
15 «Nul bien sans peine.»
Le vent continuant d'être bon, on ne tarda pas à
perdre de vue la Provence. On aperçut les côtes basses
du Languedoc, toutes bordées d'étangs et de marais sa-
lants,^ où l'eau de mer, s'évaporant sous la chaleur du
20 soleil, laisse déposer le sel qu'elle contient.
— En face de quel département sommes-nous ? de-
manda Julien qui cherchait à s'instruire.
— C'est le Gard, dit le patron.
— Chef-lieu Nîmes, répondit Julien.
25 — Oui, répondit Jérôme ; Nîmes est une grande et
•belle ville, où sont de magnifiques monuments d'au-
trefois. Il y a un vaste cirque de pierres appelé les
arènes, où on donnait dans les anciens temps des jeux
et des spectacles.
30 Peu d'heures après on était en vue du département
de l'Hérault. Le patron fit observer à Julien qu'avec
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
95
une longue-vue^ on pourrait apercevoir les maisons de
la ville de Montpellier, ainsi que le beau jardin du
Peyrou qui la domine.
Nous voici près de Cette, ajouta-t-il. Nous arrive-
rons de bonne heure. 5
Le soir, en effet, n'était pas encore venu quand on
aperçut Cette et la montagne assez haute qui la domine.
Lorsqu'on eut replié les voiles et attaché le bateau,
le patron s'informa de Frantz Volden auprès d'un ma-
rinier qui arrivait lo
de Bordeaux par
le canal du Midi.
On lui apprit que
Volden était bien
malheureux: il 15
était venu à Bor-
deaux pour retirer
ses économies de
chez un armateur
ARÈNES DE NÎMES ^ qui il Ics avait 20
confiées, mais cet armateur avait fait de mauvaises
affaires;^ tout ce que Volden possédait se trouvait
englouti. Volden en avait conçu un tel chagrin qu'il
avait fini par tomber gravement malade. A cette
heure, il était à l'hôpital de Bordeaux, atteint d'une 25
fièvre typhoïde, dans un état de délire et de fai-
blesse tels qu'il ne fallait pas songer à lui annoncer im-
médiatement la mort de son frère Michel en Alsace-
Lorraine et l'arrivée de ses neveux.
Jérôme, en apprenant ces tristes nouvelles, se trouva 30
bien embarrassé pour donner conseil à André et à
Julien.
96 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
— Mes enfants, leur dit-il, réfléchissez vous-mêmes.
Si vous allez à Bordeaux par le canal et qu'André tra-
vaille à bord, cela ne vous coûtera rien, c'est vrai, mais
ce sera un voyage d'un mois, et très pénible, en hiver
5 surtout. Peut-être feriez-vous mieux de prendre le
chemin de fer: je puis vous prêter une trentaine de
francs pour compléter ce qui vous manque, et dès de-
main vous serez rendus à Bordeaux sans fatigue.
— Je vous suis bien reconnaissant, patron Jérôme,
10 répondit André d'une voix tremblante, car il était ac-
cablé par le nouveau malheur qui les frappait; mais,
en supposant que nous prenions aujourd'hui le chemin
de fer pour arriver à Bordeaux demain, que devien-
drions-nous dans cette grande ville, si je ne trouvais
15 pas tout de suite de l'ouvrage? Songez-y donc : Julien
ne peut marcher, notre oncle est à l'hôpital, et n'a peut-
être pas d'économies pour sa convalescence.
— C'est vrai, dit Jérôme, frappé du bon sens d'An-
dré.
20 — Quelle situation, alors, patron Jérôme ! non seule-
ment il nous serait impossible de vous rembourser les
trente francs que vous m'offrez si généreusement, mais
il nous faudrait essayer d'emprunter encore à d'autres.
Non, cela n'est pas possible. Nous prendrons le ba-
25 teau, Julien et moi, et nous écrirons dans quelques
jours à notre oncle pour lui annoncer notre arrivée.
Un mois, d'ailleurs, est vite passé avec du courage.
Dans un mois Julien aura retrouvé ses jambes, notre
oncle sera sans doute convalescent; nous arriverons à
30 Bordeaux avec nos économies au complet^ et avec ce
que j'aurai gagné en plus pendant le mois. Nous pour-
rons peut-être alors être utiles à mon oncle, au lieu de
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 97
lui être à charge. Pour cela, nous n'avons besoin que
d'un mois de courage.
— Je vous approuve, André, lui dit Jérôme; c'est
bien, à la bonne heure ! J'ai eu du plaisir à vous en-
tendre parler ainsi.
XXIII
Le patron Jérôme, dès le lendemain, usa de son in-
fluence auprès d'un marinier qu'il connaissait pour
l'engager à emmener avec lui les deux enfants. Après
bien des pourparlers, il obtint qu'André toucherait
vingt francs de salaire en arrivant à Bordeaux. lo
— C'est peu, dit-il à André, mais le Perpignan est
un bateau bien installé.^ Vous y serez mieux couché
et mieux nourri que sur bien d'autres. Le patron est
un parfait honnête homme. Rappelez-vous seulement
qu'il est vif comme la poudre^ et soyez patient. 15
André et Julien, après avoir remercié Jérôme, re-
prirent encore une fois leur petit paquet de voyage.
Mais Julien voulut absolument essayer ses forces : en
s'appuyant beaucoup sur le bras d'André et à peine sur
son pied malade, il arriva à faire quelques pas, ce qui 20
le transporta de joie.
— Oh ! s'écria-t-il en battant des mains de plaisir, je
marcherai avant un mois, tu verras, André.
André était lui-même tout heureux, mais il ne voulut
pas que l'enfant se fatiguât. De plus, il avait hâte 25
d'arriver pour ne pas faire attendre le nouveau patron.
Il prit donc Julien sur son bras et suivit le plus vite
qu'il put une partie des quais de Cette, jusqu'à ce qu'il
98
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
aperçût le Perpignan. Mais il eut beau se hâter/ il
arriva en retard.
Le patron était à bord/ fort impatient, car il n'at-
tendait qu'André pour donner le signal du départ; ce
S qui lui fit accueillir les enfants avec la plus grande
brusquerie: il se repentait déjà, disait-il, de s'être
chargé d'eux, et il le leur répéta devant tous les marins.
André s'excusa aussi poliment qu'il put, et Julien,
tout interdit, se blottit en silence sur un coin du pont,
10 entre deux
sacs de ga-
rance d'Avi-
gnon, où le
patron d'un
15 geste avait
fait signe de
le déposer.
Le bateau
se mit en
20 marche.
Julien prit
alors le
parti de lire
dans son
25 livre.
— Tiens, dit-il, voici justement qu'il s'agit du canal
du Midi, où nous sommes à cette heure.
Et il commença à lire.
Il apprit que le canal du Midi, qui unit l'Océan et la
30 Méditerranée, avait été fait par Riquet, un ingénieur
qui naquit au commencement du dix-septième siècle et
qui est considéré comme un des plus grands du monde.
LE CANAL DU MIDI A CETTE
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 99
Il lut aussi la vie de La Pérouse, un navigateur fameux
qui, pendant le règne de Louis XVI fit le tour du
monde et dont les deux vaisseaux furent brisés sur les
rochers d'une île de TOcéanie pendant une tempête
furieuse. S
Tout le long du chemin, le Perpignan s'arrêtait dans
les villes importantes. A Béziers, ville de 42,000 âmes,
les mariniers embarquèrent dans le bateau des eaux-
de-vie qu'on y fabrique. Plus loin on chargea des
miels récoltés à Narbonne, et renommés pour leur goût 10
aromatique. A Carcassonne on débarqua de la laine
pour les draps, car dans l'antique cité de Carcassonne,
perchée sur une colline et entourée d'une ceinture de
vieilles tours, il y a de nombreux tisserands qui fabri-
quent des lainages. 15
Au moment où on venait de quitter Carcassonne, le
ciel, qui avait été nuageux jusqu'alors, s'éclaircit un
matin, et Julien en s'éveillant aperçut vers le sud
une grande chaîne de montagnes couvertes de neiges.
Des pics blancs et de longs glaciers étincelaient au 20
soleil.
— Oh ! dit Julien, on croirait voir les Alpes.
— C'est la chaîne des Pyrénées, dit le patron. Tiens,
Julien, vois-tu là-bas ce pic pointu et tout blanc qui dé-
passe les autres de toute sa hauteur ? C'est le Canigou, 25
la plus haute montagne du Roussillon. Par là-bas, à
droite, ce sont les montagnes de l'Ariège ou du comté
de Foix, riches en mines de fer; puis viennent les
Hautes-Pyrénées, où jaillissent un grand nombre de
sources d'eaux chaudes que les malades fréquentent en 30
été. C'est dans le département des Hautes-Pyrénées
que se trouvent aussi les plus beaux sites de ces mon-
lOO LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
tagnes, entre autres le cirque de Gavamie avec sa ma-
gnifique cascade et son pont de neige qui ne fond
jamais.
Quand on approcha de Toulouse, le temps, tout en
5 s'éclaircissant, s'était fort refroidi, et le vent soufflait
avec force, comme d'ordinaire dans la plaine du Lan-
guedoc. A Toulouse il fallut se donner bien de la
peine, car l'ancienne capitale du Languedoc, peuplée de
150,000 âmes, est une grande ville commerçante: le
10 Perpignan lui apportait quantité de marchandises,
principalement de beaux blés d'Afrique.
Le Perpignan au-dessus de Toulouse, quitta le canal
du Midi et entra dans la Garonne, ce beau fleuve qui
descend des Pyrénées pour aller se jeter dans l'Océan
15 au delà de Bordeaux.
La jambe de Julien était presque guérie et sa gaîté
lui revenait. A la pensée qu'on arriverait bientôt à
Bordeaux, il se sentait joyeux.
— Pourvu que notre oncle Frantz soit guéri aussi,
20 pensait-il.
Bientôt, au loin, on vit sur le fleuve toute une forêt
de mâts.
— André, disait Julien en frappant dans ses mains,^
vois donc ; nous arrivons, quel bonheur !
25 On apercevait en effet Bordeaux avec ses belles mai-
sons et son magnifique pont de 487 mètres jeté sur le
fleuve.
Chacun, sur le Perpignan, était plus attentif que
jamais à la manoeuvre, afin qu'il n'arrivât pas d'acci-
30 dent. Bientôt le Perpignan prit sa place au bord du
quai animé, où des marins et des hommes de peine^
allaient et venaient chargés de marchandises.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS lôï
Une planche fut jetée pour aller du bateau au quai,
et Ton mit pied à terre.^
Le patron, qui avait Toeil vif, avait • remarqué urtr
homme assis à Técart sur un tas. de planches et qui,
pâle et fatigué comme un convakscjènt, Semblait coiv ; 5
sidérer avec attention l'arrivée du bateau. Le patron
frappa sur Tépaule d'André: — Regarde, dit-il, je
parie que voilà ton oncle, auquel tu as écrit Tautre
jour.
André regarda et le cœur lui battit d'émotion, car 10
cet inconnu ressemblait tellement à son cher père qu'il
n'y avait pas moyen de se tromper. — Julien, dit-il,
viens vite.
Et les enfants, se tenant par la main, coururent vers
l'étranger. 15
En voyant ces deux enfants descendus du Perpignan
et qui couraient vers lui, l'oncle Frantz à son tour
pensa vite à ses jeunes neveux. Il leur ouvrit les
bras: — Mes pauvres enfants, leur dit-il en les em-
brassant l'un et l'autre, comment m'avez vous deviné 20
au milieu de cette foule?
— Oh! dit Julien avec sa petite voix qui tremblait
d'émotion, vous lui ressemblez tant! J'ai cru que
c'était lui!
L'oncle de nouveau embrassa ses neveux, et tout 25
bas: — Je ne lui ressemblerai pas seulement par le
visage, dit-il; enfants, j'aurai son cœur pour vous
aimer.
— Mon Dieu, murmurèrent intérieurement les deux
orphelins, vous nous avez donc exaucés, vous nous 30
avez rendu une famille!
102 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
■:: •. \ . . . - XXIV
.ïioNCLÈFrantz. était sorti de Thôpital depuis huit
' jours. Il avait loué sur un quai de Bordeaux une
petite chambre. Dans cette chambre il y avait un se-
cond lit tout prêt pour l'arrivée des deux orphe-
5 lins.
Quoique Frantz eût été gravement malade, il repre-
nait ses forces assez vite. C'était un robuste Lorrain,
de grande taille et de constitution vigoureuse. Dans
huit jours,^ dit-il aux enfants, je serai de force^ à
lo travailler.
— Attendez-en quinze,^ mon oncle, dit André; cela
vaudra mieux.
Après les chagrins que Frantz Volden venait
d'éprouver, il se sentit tout heureux d'avoir auprès
15 de lui ces deux enfants. La sagesse et le courage
d'André l'émerveillaient et le réconfortaient, la vivacité
et la tendresse de Julien le mettaient en joie.*
— Enfants, dit un matin l'oncle Frantz, voici mon
avis sur notre situation. Nous avons beau être sur
20 le sol de la France, cela ne suffit pas aux Alsaciens-
Lorrains pour être regardés comme Français; il leur
faut encore remplir les formalités exigées par la loi
dans le traité de paix avec l'Allemagne. Donc nous
avons tous les trois à régler nos affaires en Alsace-
25 Lorraine. La loi nous accorde encore pour cela neuf
mois. Une fois en règle de ce côté,*^ une fois notre
titre de Français reconnu, nous songerons au reste.
— Oui, oui, mon oncle, s'écrièrent André et Julien
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 103
d'une même voix, c'est ce que voulait notre père, c'est
aussi ce que nous pensons.
— Seulement, mes enfants, TAlsace-Lorraine est
loin et nos économies bien minces, car les six mille
francs que j'avais placés sont perdus sans retour:^ 5
c'était le fruit de vingt années de travail et de priva-
tions, et tout est à recommencer maintenant. Tâchons
donc de faire notre voyage sans rien dépenser, mais
au contraire en gagnant quelque chose, comme vous
l'avez fait vous-mêmes depuis quatre mois. Vous 10
savez que par métier je suis charpentier de navire.
Eh bien, il y a au port de Bordeaux un vieil ami à
moi, le pilote Guillaume, dont le vaisseau va partir
bientôt pour Calais. Il m'a promis de prier le capi-
taine du navire de m'employer à son bord. 15
— Moi-même, dit André, j'y pourrai gagner quelque
chose.
— Et moi ? demanda Julien.
— Nous débattrons par marché^ ton passage, et nous
nous embarquerons tous les trois. C'est un de ces 20
navires de cabotage^ nombreux à Bordeaux, qui ont
l'habitude d'aller, en suivant les côtes, de Bordeaux
jusqu'à Calais. Nous serons là-bas dans quelques se-
maines et avec un peu d'argent de gagné. Nous re-
prendrons de l'ouvrage sur les bateaux d'eau douce* 25
qui naviguent sans cesse de Calais en Lorraine, et
nous arriverons ainsi sans qu'il nous en ait rien
coûté.
— Nous allons donc voir encore la mer ! dit Julien.
— Oui, l'Océan. 30
L'oncle Frantz réussit à faire ce qu'il voulait.
On s'embarqua et Julien se mit à lire. Le premier
I04 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
grand homme dont il étudia la vie ce fut Montesquieu,
un philosophe, législateur et jurisconsulte fameux
qui naquit près de Bordeaux et dont le principal
ouvrage « L'Esprit des Lois » a été traduit dans toutes
S les langues. En continuant sa lecture il en arriva à
Daumesnil un des meilleurs généraux de Napoléon 1^^.
Les soldats qui combattaient avec lui l'avaient nommé
le brave. A Wagram, il eut la jambe emportée par
un boulet. Devenu colonel, puis général, il fut nommé
10 gouverneur de Vincennes, un des forts qui défendent
les approches de Paris. Le peuple l'appelait Jambe
de Bois.
En 1814, les armées étrangères qui avaient envahi la
France entourèrent Vincennes et envoyèrent demander
15 à Daumesnil de rendre sa forteresse. — «Rendez-moi
"^ d'abord ma jambe,» répondit-il. Et comme l'un des
envoyés, irrité de cette saillie, lui répliquait : « Nous
vous ferons sauter,» Daumesnil, lui montrant simple-
ment un magasin où étaient amassées 1,800,000 livres
20 de poudre : « S'il le faut, répondit-il, je commencerai
et nous sauterons ensemble.» Les envoyés se retirè-
rent, peu rassurés, et le fort ne put être pris.
L'année suivante, les ennemis envahirent de nouveau
la France et revinrent mettre le siège devant le fort
25 de Vincennes. De nouveau, ils députèrent des en-
voyés vers Daumesnil ; mais, comme la violence et les
menaces n'avaient point réussi l'année précédente au-
près du général, on essaya de le corrompre par de
l'argent. Il était pauvre, on lui offrit un million pour
30 qu'il rendît la place de Vincennes. Daumesnil ré-
pondit avec mépris à l'envoyé qui lui avait remis une
lettre secrète du général prussien;
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS I05
— Allez dire à votre général que je garde à la fois
sa lettre et la place de Vincennes: la place, pour la
conserver à mon pays, qui me Ta confiée; la lettre,
pour la donner en dot à mes enfants: ils aimeront
mieux cette preuve de mon honneur qu'un million s
gagné par trahison. Vous pouvez ajouter que, malgré
ma jambe de bois et mes vingt-trois blessures, je mé
sens encore plus de force qu'il n'en faut pour défendre
la citadelle, ou pour faire sauter avec elle votre gé-
néral et son armée. 10
Ainsi Vincennes demeura imprenable grâce à ce
général qui, comme on l'a dit, « ne voulut jamais ni se
rendre ni se vendre.»
— Bravo ! s'écria fièrement le petit Julien, voilà un 15
homme comme je les aime, moi, puis il continua et lut
la vie de Fénelon, l'illustre prélat qui fut précepteur
du petit-fils de Louis XIV, et celle de Saint Vincent
de Paul qui consacra sa vie entière à secourir les in-
fortunés. 20
Un jour que le petit Julien s'était attardé tout un
après-midi dans la cabine à faire ses devoirs,^ il fut
bien étonné en revenant sur le pont de ne plus aperce-
voir la mer, mais un beau fleuve bordé de verdoyantes
prairies et semé d'îles nombreuses. Le navire remon- 25
tait le fleuve, d'autres navires le descendaient, allaient
et venaient en tous sens.
— Oh ! André, dit Julien, on croirait revenir à Bor-
deaux.
— Nous approchons de Nantes, dit André; tu sais 30
bien que Nantes est comme Bordeaux un port cons-
truit sur un fleuve, sur la Loire.
lo6 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Le navire en effet, après plusieurs heures et plu-
sieurs étapes, arriva devant les beaux quais de Nantes.
Julien fut enchanté de se dégourdir les jambes^ en
marchant sur la terre ferme.^ Il alla avec André faire
S des commissions dans cette grande ville, qui est la plus
considérable de la Bretagne et une de nos principales
places de commerce.
Mais le séjour fut de courte durée. On chargea
rapidement sur le navire des pains de sucre* venant des
lo importantes raffineries de la ville, des boîtes de sar-
dines et de légumes fabriquées aussi à Nantes, et des
vins blancs d'Angers et de Saumur. Puis on redes-
cendit le fleuve. On revit à Tembouchure de la Loire
les ports commerçants de Saint-Nazaire et de Paim-
15 bœuf, oti s'arrêtent les plus gros navires dç l'Amé-
rique et de rinde. Enfin on se retrouva en pleine
mer.
Bientôt le Poitou arriva devant la vaste rade de
Brest, dont la difficile entrée est bordée de rochers et
20 protégée par des forts. Une fois ce passage franchi,
c'est la rade la plus sûre du monde. Brest, où se
trouve notre école navale, est avec Toulon notre plus
grand port militaire. On n'y entra pas cependant, car
le patron n'y avait rien à faire, et un soir on aperçut
25 dans le lointain, à travers une brume légère, la lueur
rouge, blanche ou bleue, des phares placés sur les
pointes les plus avancées de la presqu'île bretonne, qui
dessinaient ainsi dans la nuit les contours de la côte.
Tantôt c'étaient des feux fixes,* tantôt des feux à
30 éclipses** qui semblaient s'éteindre et se rallumer tour
à tour, et qui, tournant sur eux-mêmes, éclairaient suc-
cessivement toutes les parties de l'horizon.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 107
— Que tous ces phares sont beaux à voir! disait
Julien; c'est une vraie illumination.
— Tout cela est fait pour nous éclairer dans notre,
route: les phares tiennent compagnie au navigateur
et lui indiquent le bon chemin. Tu ne peux te faire 5
une idée, petit Julien, combien cette côte de Bretagne
était dangereuse autrefois. Il y a là des rochers qui
ont mis en pièces je ne sais combien de navires : leurs
noms font penser à tous les désastres qu'ils ont causés ;
dans la Baie des Trépassés, par exemple, que de nau- 10
f rages il y a eu ! Lorsque, dans les tempêtes, la mer
se brise sur tous ces rochers, elle fait un tel bruit qu'on
l'entend sept lieues à la ronde.^ Il se produit aussi des
tourbillons et des gouffres où tout vaisseau qui entre
se trouve englouti. Mais maintenant les plus dange- 15
reux de ces rochers portent chacun leur phare, et alors,
au lieu d'être un péril pour les marins, ils leur sont une
aide et semblent s'avancer eux-mêmes dans la mer
pour mieux les guider.
XXV
Un jour que Frantz était assis sur un tas de cor- 20
dages à côté du vieux pilote, Julien s'approcha, son
livre à la main.
— Qu'est-ce que tu lis là, petit? demanda l'oncle
Frantz.
— Mon oncle, je lis ce qu'il y a dans mon livre sur 25
la Bretagne et sur ses grands hommes; nous sommes
justement encore en face des côtes de la Bretagne, et
il me semble que c'est un beau pays.
Io8 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
— Certes, dit Tonde Frantz: mais voyons, lis tout
haut.
— Et lis bien, ajouta le père Guillaume, nous t'écou-
tons.
5 La Bretagne a donné à la France beaucoup
d'hommes vaillants; parmi eux on remarque Du-
guesclin.
DuGUESCLiN naquit, en 13 14, près de Rennes, l'an-
tique et belle capitale de la Bretagne. Duguesclin
10 était laid de figure, il avait un caractère intraitable,
mais il était plein de courage et d'audace. Dès Tâge
de seize ans, il trouve moyen de prendre part, sans
être connu, à un de ces combats simulés qu'on appelait
tournois, et qui étaient une des grandes fêtes de Té-
15^ poque. Il entre au milieu des combattants avec la
visière de son casque baissée, pour n'être reconnu de
personne, et terrasse l'un après l'autre seize chevaliers
qui s'offrent à le combattre. Au moment où il terras-
sait son dernier adversaire, celui-ci lui enlève son
20 casque du bout de sa lance et on reconnaît le jeune
Bertrand Duguesclin. Son père accourt à lui et
l'embrasse; il est proclamé vainqueur au son des
fanfares.
Après s'être ainsi fait connaître, Duguesclin entra
25 dans Tarmée et commença à combattre les Anglais,
qui occupaient alors une si grande partie de la
France.
Il remporta sur eux une série de victoires ; par mal-
heur, un jour il se trouva vaincu et fut fait prisonnier.
30 Le Prince Noir, fils du roi d'Angleterre, fit faire
bonne garde autour de lui, et on le tint en prison à
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 109
Bordeaux. Il languit ainsi plusieurs mois. Un jour le
prince le fit amener devant lui :
— Bertrand, dit-il, comment allez-vous ?
— Sire, j'irai mieux quand vous voudrez bien; j'en-
tends depuis longtemps dans ma prison les rats et les 5
souris qui m'ennuient fort; je n'entends plus le chant
des oiseaux de mon pays, mais je l'entendrai encore
quand il vous plaira.
— Eh bien, dit le prince, il ne tient qu'à vous que ce
soit bientôt. 10
Et le prince essaya de lui faire jurer de ne plus com-
battre pour sa patrie. Bertrand refusa.
On finit par convenir que Bertrand Duguesclin re-
couvrerait sa liberté en payant une énorme sommes
d'argent pour sa rançon. 15
— Comment ferez-vous pour amasser tant d'argent?
dit le prince. I
— Si besoin est, répliqua Bertrand, il n'y a femme
ou fille en mon pays, sachant filer, qui ne voudrait
gagner avec sa quenouille de quoi me sortir de pri- 20
son.
On permit alors à Duguesclin d'aller chercher lui-
même tout cet argent, sous le serment qu'il reviendrait
le rapporter.
Duguesclin quitta Bordeaux monté sur un roussin 25
de Gascogne, et il recueillit déjà, chemin faisant, une
partie de la somme.
Mais voilà qu'il rencontre de ses anciens compa-
gnons d'armes, qui, eux aussi, avaient été mis en
liberté sur parole^ et ne pouvaient trouver d'argent 30
pour se racheter.
— Combien vous faut-il ? demanda Bertrand.
IIO LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Les uns disent « cent livres ! » les autres « deux
cents livres ! » et Bertrand les leur donne.
Quand il arriva en Bretagne, à son château où rési-
dait sa femme, il avait donné tout ce qu'il avait. Il
5 demanda alors à sa femme de lui remettre les revenus
de leur domaine et même ses bagues, ses bijoux.
— Hélas ! répondit-elle, il ne me reste rien, car il est
venu une grande multitude de pauvres écuyers et che-
valiers, qui me demandaient de payer leur rançon. Ils
10 n'avaient d'espoir qu'en moi, et je leur ai donné tout
ce que nous possédions.
Duguesclin serra sa femme sur son cœur.
— Tu as fait tout comme moi,^ lui dit-il, et je te
. remercie d'avoir si bien compris ce que j'aurais fait
15 moi-même à ta place.
Alors Bertrand se remit en route pour aller retrouver
le Prince Noir.
— Où allez- vous loger ? lui demanda celui-ci.
— En prison, monseigneur, répondit Bertrand. J'ai
20 reçu plus d'or, il est vrai, qu'il n'était nécessaire pour
me libérer; mais j'ai tout dépensé à racheter mes
pauvres compagnons d'armes, de sorte qu'il ne me
reste plus un denier.
— Par ma foi ! avez- vous vraiment été assez simple
25 que de délivrer les autres pour demeurer vous-même
prisonnier ?
— Oh, sire, comment ne leur aurais- je pas donné?
Ils étaient mes frères d'armes, mes compagnons.
Duguesclin ne resta pourtant point en prison : peu
30 de temps après son retour, on vit arriver aux portes
de la ville des mulets chargés d'or. C'était le roi de
France qui envoyait la rançon de son fidèle général.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS î 1 1
Duguesclin put donc recommencer à combattre pour
son pays. Il chassa successivement les Anglais de
toutes les villes qu'ils occupaient en France, sauf
quatre.
Duguesclm était déjà vieux et il combattait encore; 5
il assiégea la forteresse de Châteauneuf-de-Randon,
située âans les montagnes des Cévennes. Le gouver-
neur de la ville promit de se rendre. Mais Duguesclin
mourut sur ces entrefaites, la ville se rendit néan-
moins au jour fixé, et on apporta les clefs des portes 10
sur le tombeau de Duguesclin, comme un dernier hom-
mage rendu à la mémoire du généreux guerrier.
Le lendemain la mer était devenue mauvaise.
— Assieds-toi tranquillement, mon Julien, dit André
au petit garçon, cela vaudra mieux que de courir sur le 15
pont pour embarrasser la manœuvre et risquer d'être
emporté par les lames, qui sont fortes.
— Oui, André, répondit l'enfant, je vais m'asseoir
dans un petit coin et m'amuser à lire tout seul pour ne
déranger personne. Et Julien, tirant de sa poche son 20
livre, qui ne le quittait jamais, l'ouvrit à la page où il
en était resté la veille. Il lut ce qui suit :
Il y a, à Test de la Bretagne, deux fertiles pro-
vinces qui semblent la continuer, et qui sont arrosées
aussi par la Loire ou ses affluents: c'est le Maine et 25
l'Anjou.
Le Maine produit des chanvres et des lins, dont on
fait dans le pays des toiles renommées. Les bœufs et
les volailles du Mans sont d'excellente race; le pays
est boisé, et le gibier y abonde. • 30
112 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
C'est dans le Maine, près de Laval, que naquit le
célèbre chirurgien Ambroise Paré. Il jouait un jour
avec de jeunes villageois de son âge, et tous ces enfants
couraient et sautaient ensemble. Tout d'un coup, Tun
S d'eux tomba et ne put se relever. Il s'était fait une
grave blessure à la tête, et le sang coulait en abon-
•dance. Tous ses camarades, sottement effrayés à la
vue du sang et le croyant mort, se mettent à fuir en
criant. Seul le petit Ambroise, à la fois plus coura-
10 geux et plus compatissant, s'approche de son cama-
rade, lui lave sa plaie, la bande avec son mouchoir;
puis, comme l'enfant pouvait à peine se remuer, il le
charge sur ses épaules et le transporte chez ses parents.
Cette présence d'esprit et cette fermeté de caractère
15 furent bientôt connues dans le pays. Un chirurgien de
l'endroit en entendit parler, fit venir près de lui le petit
Ambroise, et, voyant qu'il ne demandait qu'à s'ins-
truire, le prit chez lui comme aide.
A partir de ce moment, Ambroise Paré commença à
20 étudier la chirurgie, qu'il renouvela plus tard par ses
découvertes. Il devint médecin du roi. Toute sa vie
est un long exemple de travail, de science, de dévoue-
ment et de modestie.
Quand la peste éclata à Paris, le roî quitta la ville,
25 mais Ambroise Paré, quoiqu'il fût médecin du roi, re-
fusa de l'accompagner et voulut rester à Paris pour
soigner les malades. Il s'exposa à tous les dangers et
parvint ainsi à sauver bien des malheureux en risquant
lui-même sa vie.
30 Les soldats l'appelaient leur bon père. Un jour,
dans une campagne, il fut fait prisonnier par les Espa-
gnols. On fie l'avait point reconnu, mêlé à la foule
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS II3
des prisonniers; mais un de ses compagnons vient à
tomber malade : il le soigne, il le sauve. On le recon-
naît aussitôt et on lui rend la liberté.
Ce grand homme avait une modestie égale à son
génie. Un jour, on le félicitait d'une guérison mer- 5
veilleuse qu'il venait d'accomplir. Il fit cette simple
réponse, qui est devenue célèbre:
— Je Tai pansé. Dieu la guéri.
David d'Angers a gravé ces mots au bas de la statue
d'Ambroise Paré qu'il a sculptée. 10
L'Anjou est plus fertile encore que le Maine; les
vents tièdes de l'Océan rendent le climat assez doux,
mais humide. La campagne produit de bons vins, sur-
tout ceux de Saumur. Angers, ville de 73,000 âmes,
a une importante école d'arts et métiers, et ses environs 15
renferment de nombreuses carrières d'ardoises. A
Saumur se trouve une grande école de cavalerie, où
l'on instruit les officiers et^ les soldats.
Avant de traverser l'Anjou et la Bretagne pour se
jeter dans la mer pr^ de Nantes, la Loire arrose un 20
pays couvert comme l'Anjou de verdoyantes prairies,
de maisons de campagne et de châteaux : c'est la Tou-
raine, qu'on a surnommée, à cause de sa fertilité, le
Jardin de la France,
Près de Tours, ville de 61,000 âmes, placée au bord 25
de la Loire dans une situation admirable, naquit un
des plus grands savants du monde. Descartes, dont la
statue s'élève à Tours.
Le jeune Descartes, à seize ans, avait déjà étudié
toutes les sciences, et il ne tarda pas à s'illustrer par 30
une longue série de découvertes dans les sciences les
114 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
plus diverses: mathématiques, physique, astronomie,
philosophie.
Il mourut à cinquante-trois ans et fut inhumé dans
réglise Saint-Étienne à Paris où Ton voit encore son
5 tombeau.
— Père Guillaume, dit Julien le lendemain matin en
arrivant sur le pont à côté du pilote, vous m'avez dit
l'autre jour que vous étiez Normand ; voulez-vous que
nous parlions de votre pays ? Cela m'amusera beaucoup.
10 — Voilà qui est bien parlé, petit Julien. Assieds-toi
tranquillement en face de moi, et nous causerons de la
Normandie, et le père Guillaume, levant le doigt dans
la direction des côtes normandes :
— Par là-bas, dit-il, au loin, comme un bras qui se
15 plongerait dans l'Océan, il y a un cap que je ne puis
voir sans un battement de cœur: c'est le cap de la
Hague, petit Julien ; c'est par là que je suis né. Tout
près est le magnifique port de Cherbourg dont la rade
est défendue par une digue qui n'a pas sa pareille au
20 monde. ^
Elle a presque une lieue, et s'avance au milieu d'une
des mers les plus agitées et les plus dangereuses qu'il
y ait sur la côte de France ; mais elle est si bien cons-
truite en gros blocs de granit que les plus grandes
25 tempêtes ne l'endommagent pas, que les navires qui
sont derrière jouissent d'un calme parfait au moment
même où les vagues déferlent au large comme des
montagnes qui s'entre-choquent.
Et puis la Normandie a bien d'autres ports. Il y a
30 d'abord le Havre, qui est après Marseille le port le plus
commerçant de toute la France : plus de dix mille vais-
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS I15
seaux y entrent chaque année et y apportent les pro-
duits de toutes les parties du monde, surtout le coton
récolté en Amérique par les nègres. Puis nous avons
Dieppe, connu pour ses bâtiments de pêche et pour ses
bains de mer, Fécamp, Honfleur en face du Havre, 5
Granville qui occupe plus de quinze cents hommes à la
pêche des huîtres, et dont les navires vont à Terre-
Neuve pêcher la morue. Enfin Rouen est aussi un
port très commerçant sur la Seine.
Les navires remontent le fleuve comme à Nantes 10
nous avons remonté la Loire et à Bordeaux la Ga-
ronne. Rouen, qui a plus de 113,000 habitants, est une
grande ville laborieuse, pleine d'usines, de machines et
de travailleurs. Elle file à elle seule trente millions
de kilogrammes de coton, chaque année, dans ses vastes 15
filatures où la vapeur met en mouvement des milliers
de bobines.
— Père Guillaume, demanda Julien, y a-t-il de
bonnes terres en Normandie ?
— Je le crois bien, petit. La Normandie est Tun des 20
sols les plus fertiles de la France. Nous avons des
prairies sans pareilles, où on élève de nombreux trou-
peaux. C'est là que chaque année on vient acheter les
boeufs gras qui sont ensuite promenés à Paris, et qui
sont bien les plus beaux qu'on puisse voir. Les che- 25
vaux normands, dont la ville de Caen fait grand com-
merce, sont connus partout. Enfin, mon ami, nos fer-
mières font du beurre et des fromages que tout le
monde achète; nous envoyons par millions en Angle-
terre les œufs de nos basses-cours, et nos belles poules 30
sont une des races des plus estimées. La campagne est
tout ombragée d'arbres fruitiers, de pommiers qui nous
Il6 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
donnent un excellent cidre, de cerisiers dont les bonnes
cerises approvisionnent TAngleterre. La Normandie
est une des provinces les plus riches et les plus fertiles
de notre France.
5 — Père Guillaume, voulez- vous que je vous lise ce
que dit mon livre sur les grands hommes de la Nor-
mandie ?
— Certainement, mon enfant, lis, je t'écoute.
L'un des plus grands poètes de la France, CoR-
lo NEiLLE, est né à Rouçn au commencement du dix-sep-
tième siècle. Ses pièces en vers, qui furent représen-
tées à Paris, excitèrent un véritable enthousiasme. Les
œuvres de Corneille sont, en effet, remplies de senti-
ments élèves et de nobles maximes : il nous émeut par
15 Tadmiration des personnages qu'il représente. Aussi
son nom fut parmi les plus illustres du dix-septième
siècle. Napoléon disait de lui : « Si Corneille avait
vécu de mon temps, je l'aurais fait prince.» Ce grand
homme mourut à Paris en 1684. Ses principales tra-
20 gédies sont ; Le Cid, Horace, Cinna et Polyeucte.
Julien continuait sa lecture ; mais le pilote Guillaume
ne récoutait plus depuis déjà quelque temps; il était
tout occupé du navire et de la mer. Le vent s'était levé
plus fort, et on voyait au loin l'Océan qui commençait
25 à blanchir d'écume.
— Allons, laisse-moi, petit, dit Guillaume ; tes his-
toires sont intéressantes, mais nous les verrons une
autre fois. Sur toutes ces côtes la mer est mauvaise,
et je pourrais bien avoir ce soir forte besogne.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS H?
XXVI
Le petit Julien s'était couché tard; on était inquiet
à bord du bâtiment, car la mer était de plus en plus
mauvaise.
Au milieu de la nuit, Tenfant dormait profondément
comme on dort à son âge. Tout d'un coup il fut 5
réveillé en sursaut.^ Au-dessus de sa tête, sur le plan-
cher du navire, il entendait les marins aller et venir
avec agitation. En même temps, c'étaient de Ipngs
roulements comme ceux du tonnerre, des sifflements
aigus, des grondements à assourdir. — Hélas ! se dit- 10
il, c'est la tempête!"
Il chercha autour de lui son frère; mais André
n'était plus là: sans doute il s'était réyeillé avant
Julien et était sorti de la cabine pour aider les mate-
lots. 15
Julien essaya de se lever, mais la mer secouait telle-
ment le navire qu'il ne put se tenir debout et fut jeté
contre la cloison.
L'enfant épouvanté rassembla pourtant tout son cou-
rage ; il s'habilla à la hâte, priant Dieu en lui-même ; 20
il ouvrit la porte de la cabine et fit quelques pas en
s'appuyant contre les murs. Le bruit se fit alors en-
tendre plus effrayant encore: les coups de tonnerre
se succédaient sans interruption, et la lueur des éclairs
était si vive que Julien fut obligé de fermer les yeux. 25
En même temps la mer mugissait avec violence, étouf-
fant par instants le bruit du tonnerre.
Tout à coup un grand craquement se fit entendre.
Il8 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Le bâtiment trembla de la quille jusqu'au mât, et
Julien reçut une telle secousse qu'il roula de nouveau
par terre. Le navire venait d'être jeté sur un écueil.
Un long cri d'effroi retentit à bord, se mêlant aux
5 sifflements du vent et des flots. Julien, pris d'une
peur indicible, se mit à crier lui aussi de toutes ses
forces: — André! André!
Une main le souleva, la main de son frère, qui avait
tout d'abord pensé à lui dans ce suprême péril. André
lo serra l'enfant dans ses bras : — N'aie pas peur, lui
dit-il, je ne te quitterai pas.
Et à voix basse il ajouta: — Julien, il faut prier
Dieu, il faut avoir confiance en lui, il faut avoir du
courage.
15 Tout en parlant ainsi, André emportait Tenfant dans
ses bras, tâchant par son énergie de relever le courage
de son jeune frère. Gardant sa présence d'esprit au
milieu du danger, il avait d'abord aidé de son mieux
les matelots à la manœuvre. Mais maintenant on ne
20 devait plus songer qu'à opérer le sauvetage,^ car le
navire était perdu: malgré les efforts du pilote Guil-
laume et ceux de l'équipage, il avait été précipité par
le vent sur les dangereux rochers de la côte, et son
flanc avait été si largement ouvert que de toutes parts
25 en entendait l'eau entrer en bouillonnant dans la cale.
Le bâtiment appesanti s'enfonçait peu â peu dans les
flots, comme si une main invisible l'eût entraîné au
fond de l'Océan.
Lorsque André arriva sur le pont du navire, il tenait
30 toujours Julien dans ses bras. Il s'arc-bouta contre
un mât, car les lames écumantes sautaient sur le pont
et lui fouettaient les jambes avec assez de force pour
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 1 19
le renverser. Le capitaine, jugeant qu'il n y avait plus
d'espoir et pas une minute à perdre, venait de com-
mander de mettre la chaloupe à la mer.
Bientôt quelques matelots s'écrièrent que l'embar-
cation était trop petite pour contenir tout le monde, s
d'autant plus que l'oncle Frantz et les deux enfants
se trouvaient en sus de l'équipage habituel.
— Qu'on mette aussi le canot à la mer, dit alors
le capitaine.
L'équipage lui obéit de suite et bientôt les deux lo
embarcations flottèrent à côté du bâtiment perdu. Le
capitaine et ses hommes s'embarquèrent dans la cha-
loupe, le pilote Guillaume, l'oncle Frantz, les deux
enfants dans le canot et l'on se mit à ramer énergique-
ment. Bientôt cependant la chaloupe fut perdue de vue. 15
Le canot était si léger qu'il semblait que la première
vague eût dû l'engloutir, mais il bondissait sur la
cime du flot pour retomber l'instant d'après dans le
sillon que le flot laisse derrière lui. Le pilote tenait
le gouvernail ; l'oncle Frantz et André maniaient cha- 20
cun une rame d'une main vigoureuse.
Les dernières heures de la nuit furent des heures
d'angoisse pour les naufragés. Enfin les premiers
rayons du jour parurent et éclairèrent la mer. Tout
à coup Julien, dont les yeux étaient tournés vers 25
l'ouest, aperçut au loin une sorte de petite nuage noi-
râtre qui flottait au-dessus de l'horizon.
— Ne voyez- vous pas ce nuage ? dit-il à son oncle.
Celui-ci regarda, puis, se levant tout à coup : — Oh !
dit-il, ce n'est point un nuage, c'est de la fumée. 30
Sûrement un vapeur est par là. Nous pouvons es-
pérer.
I20 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DE^UX ENFANTS
Bientôt en effet la fumée sembla approcher, épaissir ;
puis, quelques minutes plus tard, on distinguait le
haut des mâts et de la cheminée du vaisseau.
On se leva et on agita tout ce qu'on possédait d'é-
5 toffes à couleurs voyantes.^ Julien avait joint ses
petites mains, les yeux tournés vers le ciel.
Tout d*un coup le navire à vapeur changea de direc-
tion et marcha juste sur le canot. Le signal avait
été aperçu et on venait pour secourir les naufragés.
10 Quelques instants après, ils étaient tous à bord^
du grand bateau à vapeur la Ville de Caen, qui re-
prenait sa route vers Dunkerque, les emportant avec
lui.
Dans rivresse de se voir sauvés, Julien et André s'é-
15 taient jetés au cou de leur oncle et du brave Guil-
laume.
— Ami, dit Frantz au vieux pilote normand, dé-
sormais c'est entre nous à la vie et à la mort.' Nous
te devons d'exister encore : dispose de nous au besoin.
20 — Frantz, dit Guillaume, s'il en est ainsi, je veux
te demander une chose.
— Quoi que ce soit, dit Frantz, je le ferai.
— Eh bien, Frantz, lorsque tu auras terminé tes
affaires en Alsace-Lorraine, viens me trouver dans
25 le petit bien que je possède auprès de Chartres ; je sais
que, si tu n'avais pas perdu toutes tes économies à
Bordeaux, tu aurais acheté un bout de terre pour t'y
établir; moi, me voilà propriétaire et je n'entends pas
grand'chose à l'agriculture; viens te reposer un mois
30 auprès de moi. Tu m'aideras de tes conseils, nous ré-
fléchirons ensemble à l'avenir, et, si le cœur te disait*
de t'installer auprès de nous, nous serions bien heureux.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 121
— Hélas! mon brave Guillaume, répondit Frantz,
j'irai te voir, je te le promets, mais je ne pourrai rester
longtemps: nous ayons notre vie à gagner, André et
moi, nous avons à élever et à instruire Julien.
— Que comptez- vous faire? 5
— Je n'en sais rien encore, dit Frantz en soupirant.
Cette tempête a achevé de bouleverser mes projets.
Nos vêtements à tous sont au fond de la mer, et, si
je n'avais eu soin de mettre dans ma ceinture mes
papiers avec une centaine de francs qui nous restaient, lo
nous n'aurions plus rien que nos bras à cette heure.
— Ah ! mon Dieu, c'est pourtant vrai, s'écria Julien,
toutes nos affaires^ sont restées sur le navire et ont
sombré avec. Et mes cahiers et mes livres que j'avais
si bien pris soin d'emporter de Phalsbourg, tout est 15
perdu! Quel dommage! je n'y avais pas songé en-
core.
Et Tenfant laissa tomber ses bras d'un air désolé.
Mais à ce moment il sentit quelque chose de dur dans
sa poche, et il ne put retenir un petit cri de plaisir: 20
— Oh! fit-il, j'ai tout de même encore un livre,
mon livre sur les grands hommes. Il était dans ma
poche et il s'est trouvé sauvé sans que j'y pense.
Le vieux pilote embrassa Julien, et serrant la main
de Frantz: — Allons, dit-il, ne nous désolons pas, 25
Frantz. Songe que dans ma vie j'ai passé. des heures
plus dures encore, et pourtant me voilà petit proprié- v
taire à présent. Ton tour de bonheur arrivera aussi,
tu verras; il arrive toujours pour ceux qui comme
toi ne craignent 'ni la peine ni le travail, parce qu'ils 30
veulent honnêtement se tirer d'affaire.
— Et puis, mon oncle, ajouta André, vous n'êtes
y
122 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
pas seul, et nous, nous ne sommes plus orphelins. A
nous trois, nous formons une petite famille. Nous
nous aimons, nous nous soutiendrons tous les trois;
nous serons heureux, allez, sinon par la richesse, au
S moins par Taffection.
Le paquebot arriva rapidement à Dunkerque oti
nos amis retrouvèrent le capitaine et Téquipage qui
eux aussi avaient été recueillis par un bateau. Ce
port, le plus fréquenté du département du Nord, tire
10 son nom des dunes de sable près desquelles la ville
est bâtie. C'est, avec Boulogne et Calais, un centre
important pour la pêche des harengs et des sardines.
Frantz désirait se rendre au plus vite eai Alsace-
Lorraine avec ses neveux sans rien dépenser; il son-
15 gea à se procurer de Toccupation sur un des bateaux
qui font le service des canaux du Nord^ et qui, re-
gagnant le canal de la Marne au Rhin, passent tout
près de Phalsbourg.
On parcourut la ville animée de Dunkerque; on
20 passa devant la statue de Jean Bart, et Julien admira
Tair résolu du célèbre marin.
L'oncle Frantz ne trouva pas du premier coup^ ce
qu'il désirait. Ce fut seulement après deux jours de
recherches, bien des peines et bien des tracas, qu'il
25 obtint de l'ouvrage à bord d'un bateau. Encore ne
lui promit-on d'autre salaire que leur nourriture à tous
les trois.
Nos amis s'en revenaient donc la tête basse, le front
soucieux, songeant qu'il allait falloir entamer leur
30 petite réserve d'argent pour s'acheter des vêtements
de rechange; et ils étaient si tristes qu'ils marchaient
sans rien se dire, préoccupés de leurs réflexions.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 123
— Eh bien, s'écria Guillaume qui les attendait sur
le seuil de la porte, arrivez donc: il y a du nouveau
qui vous attend.^
Julien, en voyant la figure radieuse du brave pilote,
devina vite que les nouvelles étaient bonnes; il s*é- 5
lança à sa suite de toutes ses petites jambes,^ et on
monta quatre à quatre^ l'escalier de la mansarde qu'on
avait louée en arrivant.
Quand la porte fut ouverte, Julien demeura bien
surpris. Il aperçut au beau milieu de la mansarde 10
quatre caisses de voyage portant chacune le nom de
l'un de nos quatre voyageurs. Julien, naturellement,
s'empressa d'ouvrir celle qui portait son nom, et il
fit un saut d'admiration en voyant dans le tiroir de
la caisse de bonnes chemises à sa taille,* des bas, des 15
souliers neufs, un chapeau en toile cirée*^ et une paire
de pantalons en bon drap.
— Mais, père Guillaume, dit l'enfant en déployant
toutes ces richesses, est-ce que c'est possible que ce
soit pour moi, tout cela ! D'où vient cette belle caisse ? 20
Et André qui en a autant! et mon oncle aussi, et
vous aussi! Qu'est-ce que cela veut dire?
— Petit Julien, répondit le père Guillaume, ravi de
la bonne surprise qui épanouissait tous les visages,
c'est le cadeau d'adieu de notre capitaine. Il a fait 25
dresser avec moi, comme la loi l'y obligeait, le procès-
verbal® du naufrage du navire : le Poitou était assuré
avec toute sa cargaison et le capitaine ne perdra rien :
il a trouvé juste que nous ne perdions rien aussi, et
il nous envoie ces vêtements en échange de ceux qui 30
ont coulé avec le navire. En même temps, il a ajouté
le paiement promis à chacun de nous pour la tra-
124 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
versée. Volden, voici tes cinquante francs; André,
en voici trente, et toi, Julien, voici un cahier et des
livres tout neufs pour te récompenser d'avoir été cou-
rageux en mer comme un petit homme.
S Julien ne se possédait pas d*aise.^ Cette caisse à
son adresse, c'était le premier meuble qu'il eût pos-
sédé.
— Mon oncle, disait-il en sautant de plaisir, voyez
donc, nous avons maintenant un mobilier : c'est comme
lo si nous possédions chacun une armoire!
Tout d'un coup, ils s'interrompit pour pousser une
nouvelle exclamation de surprise:
— Ah! mon Dieu! dit-il, jusqu'à mon joli para-
pluie que M. Gertal m'avait donné et j'avais tant de
15 regret d'avoir perdu! Eh bien, le capitaine en a mis
un au fond de la caisse, et il est tout pareil, regarde,
André.
— Je m'imagine, dit l'oncle Frantz en tendant
la main avec émotion à Guillaume, qu'il y a quel-
20 qu'un qui a sans doute aidé la mémoire du capitaine.
— Mon vieil ami, dit Guillaume, j'étais chargé de
faire l'inventaire complet; j'ai tâché de ne rien ou-
blier.
XXVII
Le lendemain nos amis se séparèrent en se pro-
25 mettant de se revoir bientôt. Guillaume allait retrou-
ver sa femme. Frantz et ses neveux se dirigeaient
vers Phalsbourg pour y terminer leurs affaires.
Lorsque le bateau quitta Dunkerque pour naviguer
LE. TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 125
sur le canal, Julien, debout sur le pont, observait le
pays avec attention. — Regarde bien, Julien, lui dit
Toncle Frantz, le département du Nord ovi nous voici
vaut la peine que tu Tadmires. C'est, après le départe-
ment de la Seine, le plus peuplé de France, et Tagri- 5
culture comme l'industrie y est prospère.
En effet, tout le long des bords du canal, souvent
noircis par la poussière du charbon de terre, on voyait
se déployer de grandes plaines où travaillaient sans
relâche les cultivateurs affairés. On était à la fin de 10
janvier, et chacun préparait la terre à recevoir les se-
mences du printemps.
— Dans deux mois, ajouta Toncle Frantz, ce ne sera
partout qu'un immense tapis vert : ici du chanvre et du
lin, dont on fera les belles toiles du Nord ou les den- 15
telles de Valenciennes et de Douai ; là, le colza, la na-
vette et Toeillette pour les huiles, le houblon pour la
bière, les betteraves pour les raffineries de sucre et
pour la nourriture des bestiaux, enfin les céréales de
toute sorte ; car ici il n'y a jamais un mètre de terrain 20
inoccupé.
— Et toutes ces grandes cheminées, mon oncle, dit
Julien, qu'est-ce donc?
— Ce sont les cheminées d'usines de toute sorte,
raffineries de sucre, distilleries d'eau-de-vie, fabriques 25
d'amidon. Bientôt nous verrons les moulins à huile et
à farine. Plus tard nous rencontrerons des puits de
mines : les mines d'Anzin et de Valenciennes pro-
duisent à elles seules le tiers de toute la houille retirée
du sol français. 30
Bientôt on arriva à Lille, la cinquième ville de
France, qui est en même temps une place forte de pre-
126 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
mier ordre, tout entourée de remparts et de bastions,
et qui soutint plusieurs sièges héroïques. Julien fut
envoyé faire quelques commissions à travers Lille: il
revint émerveillé du mouvement qu'il avait vu partout,
5 et du bruit des grandes filatures dont on entendait en
passant siffler les machines à vapeur.
Comme il avait vu sur une place de Lille le nom de
Philippe de Girard, il songea aussitôt à interroger son
livre sur ce grand homme, et il vit que c'est lui qui a
10 inventé la machine à filer le lin,, puis tournant la page
il continua sa lecture.
L'Artois et la Picardie sont, comme la Flandre, des
pays de plaines très fertiles qui produisent en abon-
dance le blé, le colza et le lin. Ces trois provinces in-
15 dustrieuses, placées en face de l'Angleterre, font aussi
un grand commerce maritime. Par les ports de Bou-
logne et de Calais passent ch^ique année, par centaines
de mille, les personnes qui se rendent d'Angleterre en
France ou de France en Angleterre.
20 II y a cinq cents ans, le roi d'Angleterre, Edouard
III, avait envahi la France et assiégé Calais. Les
habitants, pendant une année entière, soutinrent vail-
lamment le siège; mais les vivres vinrent à manquer,
la famine était affreuse, il fallut se rendre.
25 Le brave gouverneur de la ville, Jean de Vienne, fit
dire au roi d'Angleterre que Calais se rendait et que
tous ses habitants demandaient à quitter la ville.
Le roi répondit qu'il ne les laisserait pas sortir, mais
ferait tuer les plus pauvres et accorderait la vie aux
30 riches au prix d'une forte rançon.
Voici la belle réponse que lui fit alors Jean de Vienne.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS I27
— Seigneur roi, nous avons tous combattu aussi
loyalement les uns que les autres, nous avons tous subi
ensemble bien des misères, mais nous en subirons de
plus grandes encore plutôt que de souffrir que le plus
pauvre de la ville soit traité autrement que le plus riche 5
d'entre nous.
Le roi furieux répondit qu'en ce cas il les ferait tous
pendre.
Les chevaliers anglais réussirent pourtant à le cal-
mer un peu, et il se contenta d'exiger que Calais lui 10
livrât six bourgeois, parmi les notables, pour être mis
à mort.
Le gouverneur de la ville vint alors au marché pour
annoncer la triste nouvelle. Il fit sonner la cloche.
Au son de la cloche, hommes et femmes se réunirent 15
pour l'entendre.
Grande fut la consternation en. apprenant l'arrêt du
roi d'Angleterre. Tous se regardaient les uns les
autres, se demandant quelles seraient parmi eux les six
malheureuses victimes. Tout d'un coup le plus riche 20
bourgeois de la ville, Eustache de Saint-Pierre, se
leva; il s'avança vers le gouverneur et, d'une voix
ferme, il se proposa le premier pour mourir.
Aussitôt trois autres bourgeois imitent son noble
exemple et, quand il ne reste plus que deux victimes à 25
choisir, tant d'habitants se proposent pour mourir et
sauver leurs concitoyens, que le gouverneur de la ville
est obligé de tirer au sort.^
Ensuite les six bourgeois partirent au camp anglais,
en chemise, pieds nus, la corde au cou, portant les 30
clefs de la ville. Ils s'agenouillèrent devant le roi en
lui tendant les clefs.
128 LE TOUR de' la FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Il n y eut alors, parmi les Anglais, * si vaillant
homme^ qui pût s'empêcher de pleurer en voyant le dé-
vouement des six bourgeois. Seul, le roi d'Angleterre,
jetant sur eux un coup d'œil de haine, commanda que
S Ton coupât aussitôt leurs têtes. Tous les barons et
chevaliers anglais versaient des larmes et demandaient
de faire grâce, mais Edouard, grinçant des dents, s'écria :
— Qu'on fasse venir le coupe-tête.
Au même moment la reine d'Angleterre arriva. Elle
10 se jeta à deux genoux aux pieds du roi, de son époux:
— Grâce, grâce ! dit-elle ; et elle pleurait à tel point
qu'elle ne pouvait se soutenir. Ah ! gentil sire, je ne
vous ai jamais rien demandé; aujourd'hui je vous le
demande, pour l'amour de moi, ayez pitié de ces six
15 hommes!
Le roi garda le silence durant quelques moments,
regardant sa femme agenouillée devant lui: — Ah!
madame, dit-il, j'aimerais mieux que vous fussiez ail-
leurs qu'ici.
20 Enfin il s'attendrit et il accorda la grâce des six
héros de Calais.
— Mon oncle, dit un jour André à l'oncle Frantz, il
y a une chose qui me préoccupe; lorsque noàs avons
quitté la Lorraine, le père et la mère Etienne nous
25 ont aidés comme si nous étions leurs enfants, et la
bonne mère Etienne, sans rien me dire, a glissé dans
ma bourse deux pièces de cinq francs que j'y ai trou-
vées à Épinal. Cependant ils sont très gênés,^ car ils
ont perdu toutes leurs économies pendant la guerre,
30 et moi, malgré nos peines, j'ai néanmoins en ce moment
deux fois -plus d'argent qu'en quittant Phalsbourg,
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 129
Je voudrais bien leur rendre ces deux pièces de cinq
francs et leur en montrer ma reconnaissance.
— Je t'approuve, André, dit Toncle Frantz. Nous
arriverons bientôt à Reims, profitons-en pour acheter
une chaude couverture que nous offrirons à la mère 5
Etienne. Quand ils arrivèrent dans cette ville c'était
un jour de marché, et partout s'étalaient les produits
de la Champagne qui consistent surtout en lainages,
en fers, en vins célèbres.
Tout en causant, on choisit une bonne couverture, 10
chaude et grande, et on se réjouit par avance du plaisir
qu'on aurait à l'offrir à la mère Etienne.
On reprit ensuite le chemin du bateau et on recom-
mença à travailler en songeant qu'on arriverait bientôt
en Lorraine. 15
Julien prit son livre d'histoires et lut ce qui s'y trou-
vait sur la Champagne.
Ce fut d'abord la vie de Colbert qui, fils d'un simple
marchand de laines de Reims, devint premier ministre
de Louis XIV et laissa dans l'histoire une réputation 20
sans égale d'habileté et d'intégrité, puis ce fut l'histoire
de Philippe Lebon qui découvrit le gaz d'éclairage
et enfin celle de Jean de La Fontaine, le grand fabu-
liste dont les fables sont connues du monde entier par
leur grâce et par les bons enseignements qu'elles con- 25
tiennent.
Après une semaine .de fatigue on arriva enfin en
Alsace-Lorraine, à Phalsbourg.
L'oncle Frantz, usant de ses droits de tuteur auprès
des autorités allemandes, s'empressa de déclarer pour 30
ses neveux et pour lui-même leur résolution de rester
Français et d'habiter en France, /^^ ^ ^^^*>v
f OF T rtc X
( UNiVERSITY 1
130 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Alors Toncle Frantz et les deux enfants se sentirent
tout émus d'être enfin arrivés au but qu'ils avaient
poursuivi avec tant d'énergie et de persévérance. Ils
songèrent à la France; ils étaient heureux de lui ap-
5 partenir et d'avoir une patrie ; et cependant il ne restait
plus devant eux rien autre chose, ni maison, ni ville
où Ton pût s'installer et vivre tranquille : désormais il
faudrait travailler sans relâche pour gagner le pain
quotidien jusqu'à ce qu'on eût enfin un foyer.
10 Julien et André, le cœur gros de souvenirs, suivaient
avec émotion les rues de la ville natale. On passa
devant la petite maison où Julien et André étaient
nés, où leur mère, où leur père étaient morts.
Après la maison paternelle, la première où se ren-
15 dirent les enfants fut celle de l'instituteur qui les avait
instruits, et auquel ils voulaient exprimer leur recon-
naissance.
L'instituteur découvrit dans un coin de son jardin
quelques fleurs en avance sur le printemps, et Julien fit
20 un gros bouquet de ravenelles d'or et de pervenches
bleues. Puis nos trois amis, dans une même pensée,
se dirigèrent vers le petit cimetière de Phalsbourg.
Le soleil allait bientôt se coucher, empourprant l'ho-
rizon, lorsqu'on arriva près de la tombe de Michel Vol-
25 den. On s'agenouilla devant la petite croix en fer
qu'André avait lui-même forgée autrefois et placée sur
la tombe de son père ; puis on y déposa le bouquet de
Julien.
Alors de ces trois coeurs remplis de tendresse et de
30 regrets s'éleva intérieurement une prière.
L'oncle Frantz, immobile sur le gazon, repassait en
son âme les souvenirs de sa jeunesse; il songeait aux
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS I31
belles années passées en compagnie de ce frère qui
dormait son dernier sommeil au milieu des vieux
parents, sur la terre natale devenue une terre étran-
gère! Il lui jurait en son cœur d'être le père de ses
deux orphelins. 5
Quant à André et à Julien, ils avaient les yeux pleins
de larmes : — Père, murmuraient-ils, nous avons rempli
ton vœu, nous sommes enfin les enfants de la France ;
bénis tes fils une dernière fois.
Le lendemain, au moment de quitter Phàlsbourg, lo
l'oncle Frantz reçut une lettre de Bordeaux, lettre
courte, simple, dix lignes seulement; mais ces dix
lignes imprévues lui causèrent une telle émotion qu'il
faillit se trouver mal.^
« Frantz, disait la lettre, vous aviez placé toutes vos 15
économies chez mon père, et sa ruine vous a absolu-
ment ruiné, vous aussi. Elle en a ruiné beaucoup
d'autres, malheureusement, et le but le plus cher de
ma vie sera de les rembourser tous. Je ne le puis que
très lentement; néanmoins, comme de tous les créan- 20
ciers de mon père vous êtes celui auquel il s'intéresse
le plus, je veux commencer par vous le devoir que je
me suis imposé d'acquitter peu à peu tous les engage-
ments de mon père. Présentez-vous donc à la banque
V. Delmore et C*®, rue de Rivoli, à Paris: il vous sera 25
versé les 6,500 francs qui vous sont dus.»
— André, Julien, s'écria l'oncle Frantz en ouvrant ses
bras aux deux enfants, et en les serrant étroitement sur
son cœur, remerciez Dieu avec moi et n'oubliez jamais
le nom de l'homme d'honneur qui vient de m'écrire. 30
André lut la lettre tout haut ; Julien écoutait, les yeux
grands ouverts de surprise.
132 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
— Est-ce possible? s*écria-t-il. Alors, mon oncle,
nous ne sommes plus pauvres, et nous pourrons, nous
aussi, cultiver un petit bien comme vous le vouliez?
Oh! mon Dieu, mon Dieu, quel bonheur!
XXVIII
5 Le soir même, nos trois amis, après avoir rendu
visite au vieux sabotier Etienne et à sa femme, repar-
tirent pour la France. Ils avaient résolu d'aller re-
trouver Guillaume, en passant par Paris pour y rece-
voir les fonds de Toncle Frantz.
10 Cette fois on avait prit trois places dans le chemin
de fer. •
On arriva le lendemain à cinq heures du matin.
Après avoir installé ses malles dans une chambre voi-
sine de la gare, on revêtit ses habits neufs, on mangea
15 un morceau de pain et de fromage d'un grand appétit
et Ton se mit en route.
Les magasins commençaient à s'ouvrir, les omnibus
se mettaient en mouvement; Julien s 'émerveillait de
voir tant de monde aller et venir.
20 Cependant il ne tarda pas à trouver que les rues de
Paris étaient bien longues et que ses petites jambes
n'avaient jamais été à pareille épreuve.
— Sais-tu, lui dit André, comme on parcourait l'in-
terminable rue de Rivoli, qui s'étend depuis la place de
25 la Concorde jusqu'au delà de l'Hôtel de Ville, sais-tu
quelle longueur feraient toutes les rues de Paris si elles
çtaiçnt à la suite les unes des autres.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 133
— Oh! point du tout, dit Julien; André, dis-le-moi
vite si tu le sais.
— Eh bien, elles feraient une rue longue de mille
kilomètres, c'est-à-dire plus longue que le chemin de
Paris à Marseille. 5
Tout en causant on parvint enfin à la maison du
banquier, non loin des Halles centrales.^ L'oncle
Frantz entra chez le banquier et y reçut l'assurance
que le lende-
main matin il 10
toucherait les
6i500 francs
qui lui étaient
dus.. Tran-
quilles sur ce 15
point, nos
trois amis re-
prirent leur
promenade.
On se trou- 20
vait tout près
des Halles centrales, l'oncle Frantz y conduisit les
enfants. Il était neuf heures du matin, c'est-à-dire
le moment de la plus grande animation. Julien n'en
pouvait croire ses yeux ni ses oreilles. — Oh! oh! 25
s'écria-t-il, c'est bien siir une des grandes foires de
l'année! Que de monde! et que de choses il y a à
vendre !
L'oncle se mit à rire de la naïveté de Julien.
— Une foire ! s'écria-t-il ; mais, mon ami, il n'y en a 30
jamais aux Halles ; le bruit et le mouvement que tu vois
aujourd'hui sont le bruit et l'animation de chaque jour.
LA PLACE DE LA CONCORDE
134 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
— Quoi ! c'est tous les jours comme cela !
— Tous les jours. Il faut bien que ce grand Paris
mange. Songe qu'il renferme trois millions d'habi-
tants.
5 — Oh ! dit le petit Julien, ils auront certes de quoi
le faire. Jamais depuis que je suis au monde je n'ai
vu en un seul jour tant de provisions. Regarde,
André, ce sont des montagnes de choux, de salades : il
y en a des tas hauts comme des maisons! Et des
10 mottes de beurre^ empilées par centaines et par mille !
— Ce Paris est un Gargantua,^ comme on dit; où
trouve-t-on toutes ces provisions ?
— Julien, dit Toncle Frantz, ces provisions arrivent
à Paris de tous les points de la France: Paris a sept
15 gares de chemin de fer; il a aussi la navigation de la
Seine à laquelle aboutissent les canaux français. Par
toutes les voies les provisions lui arrivent. Tiens, re-
garde par exemple cet étalage de légumes : il y a là des
choses qui ont passé la mer pour arriver à Paris ; voici
20 des artichauts, penses-tu qu'il puisse en pousser un seul
en ce moment de l'année dans les campagnes voisines
de Paris?
— Non, il fait encore trop froid.
— Eh bien, Alger^ où il fait chaud envoie les siens à
25 Paris, qui les lui paie très cher. Ces fromages vien-
nent du Jura, de l'Auvergne, du Mont-d'Or, que tu te
rappelles bien; ces montagnes de beurre, ces paniers
d'œufs viennent de la Normandie et de la Bretagne.
— Mon Dieu, dit Julien, que de monde est occupé en
30 France à nourrir Paris !
On quitta les Halles et on se dirigea vers la Cité,
qui est une île formée par la Seine au milieu de Paris.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 135
Pour s'y rendre, on traversa la Seine sur Tun des vingt-
huit ponts que Paris possède. Au milieu, Frantz fit
arrêter les enfants.
— Regardez, leur-dit-il, voilà la Cité, le berceau de
Paris. C'est là qu'il y a deux mille ans s'élevait une 5
^petite bourgade appelée Lutèce: on ne voyait alors en
,ce lieu qu'une centaine de pêcheurs, s'abritant à l'om-
bre des grands arbres et de la verdure que fertilisait le
limon du fleuve. La Seine leur servait de défense et
de rempart, et deux ponts placés de chaque côté du 10
fleuve permettaient
de le traverser.
Peu à peu Paris
s'est agrandi. Son
histoire a été celle 15
de la France. A
mesure que la
France sortait de la
barbarie, Paris, sé-
jour du gouverne- 20
ment, s'élevait et
prenait une impor-
tance rapide. Nul
événement heureux ou malheureux pour la patrie,
dont Paris et ses habitants n'aient subi le contre-coup. 25
Vous vous rappelez que pendant la dernière guerre,
Paris souffrant de la faim et du froid a résisté quatre
mois aux Allemands. Séparé de tout le pays par le
cercle de fer des ennemis, il n'avait point d'autres nou-
velles de la patrie que celles qui lui arrivaient sous 30
l'aile des pigeons messagers.
Tout en causant on avait traversé le pont et on ar-
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LA CITÉ
136 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
riva en face de Notre-Dame, Téglise métropolitaine de
de Paris. Ce fut le tour d^André de dire ce qu'il savait.
— Petit Julien, vois-tu cette belle église tout ornée
de dentelles découpées dans la pierre, de statues taillées
S avec art ; elle aussi a assisté aux premiers jours de la
France. La première église de Paris fut bâtie ici il y
a quinze cents ans, elle s'appelait Notre-Dame. Lors-
qu'elle devint trop petite et commença à tomber en
ruine, on entreprit la construction de celle-ci sur la
10 place même où était l'ancienne Notre-Dame, et on mit
un siècle à la construire. Les voûtes de Notre-Dame,
depuis lors, n'ont cesse de retentir chaque fois que la
France était en péril ou en fête. Elles ont été l'écho
des soupirs de tout un peuple. Leurs cloches ont sonné
15 non seulement pour la naissance et la mort d'un
homme, mais pour les espérances et les deuils de la
patrie entière.
— Oh ! dit Julien, entrons donc nous aussi à Notre-
Dame, voulez-vous mon oncle?
20 Ils y entrèrent quelques instants.
— Mon oncle, dit Julien en sortant de l'église, qu'est-
ce que ce grand bâtiment qui est là tout près ?
— C'est l'Hôtel-Dieu, le premier et le plus ancien
hôpital de Paris, qui fut bâti il y a douze cents ans par
25 Saint Landry, évêque de Paris.
Tout en écoutant l'oncle Frantz, nos enfants sui-
vaient les quais. Le long du chemin ils passèrent
devant le joli clocher doré de la Sainte-Chapelle, le
Palais de Justice, le quai aux Fleurs couvert d'étalages
30 des fleurs les plus variées.
Puis on arriva dans le quartier des Écoles,^ et l'on
vit en passant une foule de jeunes gens qui allaient aux
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS IJ?
cours de la Sorbonne,^ du Collège de France,^ de
l'École de médecine, de l'École de droit. Julien s'émer-
veillait aussi de voir tant de boutiques de livres, avec
de belles cartes aux devantures.
André s'arrêta longtemps devant un magasin où 5
l'on fabriquait des instruments de précision : cet art qui
lui rappelait son métier l'intéressait. Derrière la
vitrine, on apercevait les ouvriers au travail, polissant
l'acier, limant, ajustant avec une adresse merveilleuse
les appareils les plus compliqués. lo
Plus loin on admira des instruments d'optique, lon-
gues-vues, microscopes, thermomètres, baromètres, etc.
— Mon oncle, disait Julien, c'est donc à Paris qu'on
fait tous ces instruments qui servent à la science ?
— Oui certes, Julien, et nous voici en ce moment 15
dans le quartier savant de Paris. Là est l'Institut de
France, où se réunissent les cinq Académies' com-
posées des hommes les plus illustres ; là sont les écoles
de premier ordre que la France ouvre à ses enfants:
l'École normale supérieure, d'où sortent les professeurs 20
qui enseigneront dans les lycées de l'État ; l'École poly-
technique, où s'instruisent les officiers qui commande-
ront les régiments français et les futurs ingénieurs qui
feront pour la France des travaux difficiles, ponts,
aqueducs, canaux, ports, machines à vapeur. C'est en- 25
core dans ce quartier que se trouve l'École de médecine,
où se préparent un grand nombre de nos médecins, et
l'École de droit, d'où sortent beaucoup de nos avocats.
— Paris a aussi d'admirables bibliothèques, comme
la Bibliothèque nationale. C'est le roi Charles V, dit le 30
Sage, qui fonda cette bibliothèque devenue si célèbre.
Il avait rassemblé dans une tour, dite tour de la librai-
13^ LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
rie, 600 volumes manuscrits, car Timprimerie n'était
pas inventée. Sous Colbert la Bibliothèque nationale
prit des développements immenses. C'est maintenant la
plus grande qui existe et qui ait existé. Chaque jour,
5 par centaines, des hommes, des jeunes gens laborieux,
des femmes viennent consulter, dans Tune des vastes
salles de ce palais, les ouvrages dont ils ont besoin.
En causant ainsi on marchait toujours et on com-
mençait à être bien las ; on songea à se reposer un peu
10 et à réparer ses forces.
L'oncle Frantz entra avec ses neveux dans un petit
restaurant, et pour une modique somme on fit un bon
repas.
— Maintenant, dit Frantz, nous allons monter en
15 omnibus et nous rendre au Jardin des Plantes, où se
trouvent réunis les plantes et les animaux curieux du
monde entier.
Les trois visiteurs montèrent sur le haut d'un omni-
bus, et la lourde voiture partit au trot, les emportant
20 tout le long des quais animés qui bordent la Seine.
Julien et André ouvraient leurs yeux tout grands pour
tout voir.
Après une demi-heure, l'omnibus s'arrêta devant la
grille d'un vaste parc, et nos trois amis entrèrent sous
25 les arbres qui entre-croisent leurs branches au-dessus
des allées.
Là, bien des gens allaient et venaient, mais c'était
surtout vers la droite qu'on voyait une grande foule et
ce fut par là que l'oncle Frantz mena Julien.
30 Ils arrivèrent devant des espèces de grandes cages
grillées, derrière lesquelles on voyait s'agiter des bêtes
féroces. Dans la plus grande, c'était un lion d'Afrique
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS I39
à la crinière brune qui tournait avec impatience autour
de sa cage et bâillait en face de la foule. A côté de lui,
dans d'autres cages, d'autres lions, les uns dormant, les
autres couchés sur le dos: Tun d'eux, le plus jeune,
était en train de s'amuser avec une grosse boule de 5
bois. A côté, c'était le tigre royal, plus loin c'étaient
les panthères et le jaguar accroupi comme pour faire
un bond. A quelque distance on entendait des rires, et
la foule se pressait devant une grande et haute cage en
forme de rotonde. . 10
— Oh ! dit Julien, qu'est-ce qu'il y a là ?
C'étaient les singes. Il y en avait une grande quantité
réunis, et tout cela courait, gesticulait, criait en se dis-
putant. A l'intérieur se trouvaient des barreaux et une
sorte d'arbre : le long des branches les singes montaient 15
et descendaient, se lançant en l'air et s'accrochant aux
branches tantôt avec leurs mains, tantôt avec leur queue.
Julien serait resté volontiers toute une journée à re-
garder les singes, mais il y avait encore bien des choses
à voir. 20
On alla admirer la belle taille et la mine intelligente
de l'éléphant, qui, enfermé dans une sorte de rotonde,
attrapait avec sa trompe les bouchées de pain qu'on lui
donnait, et les introduisait ensuite dans sa bouche.
Comme on lui présentait en ce moment un gros mor- 25
ceau de pain qu'il ne pouvait saisir avec sa trompe à
travers les barreaux, il fit comprendre d'un geste qu'il
ne pouvait le prendre ainsi, et, relevant la tête, il ouvrit
une gueule énorme où eussent pu entrer à la fois une
vingtaine de pains de même grosseur. On lança par- 30
dessus la grille le morceau dans sa gueule, qu'il re-
ferma aussitôt avec satisfaction.
140 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
— C'est un bien intelligent animal, dit Toncle Frantz ;
il est, dit-on, plus intelligent encore que le cheval, dont
il tient lieu dans les pays chauds.
A côté de réléphant il y avait Ténorme hippopotame,
5 qui vit dans les rivières de l'Afrique, le rhinocéros avec
sa corne plantée au bout du museau et sa peau épaisse
comme une cuirasse, sur laquelle les balles glissent sans
pouvoir Tentamer. Nos trois visiteurs virent encore la
girafe aux longues jambes, si longues qu'elle est forcée
10 de s'agenouiller pour boire. Ils virent Tautruche, cet
énorme oiseau qui galope plus vite qu'un cheval et
franchit de grandes distances dans le désert. Ils virent
encore bien d'autres animaux, une vaste volière con-
tenant des oiseaux de toute sorte dont le charmant plu-
15 mage miroitait au soleil, et ailleurs, dans des cages spé-
ciales, des vautours, des aigles ; puis, par tout le jardin,
dans de petites cabanes, c'étaient des moutons de toute
sorte, des chèvres, des espèces étrangères de biches et
de bœufs, des loups, des renards, des animaux sauvages.
20 Ils passèrent enfin devant les vastes serres qui
étaient à demi entr'ouvertes, car le temps était beau et
le soleil donnait en plein.^ Là s'étalaient les plantes
des pays chauds avec leurs feuilles et leurs fleurs
étranges, et ils s'attardèrent longtemps à les regarder.
25 Le temps passe vite à Paris. Quand on eut fini de
voir le Jardin des Plantes, la brume du soir commen-
çait déjà à s'étendre, et de toutes parts les becs de gaz
s'allumaient.
On suivit les quais de la Seine et on admira en pas-
30 sant le Louvre. André expliqua à Julien que les salles
de ce palais sont remplies par les plus beaux tableaux
des grands peintres de tous les pays.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS I41
Nos promeneurs arrivèrent ainsi jusqu'au palais du
Corps législatif, situé sur les bords de la Seine. — C'est
là que maintenant se rassemblent chaque année les dé-
putés élus par toute la France pour faire les lois. Ils
partagent le pouvoir de faire des lois, ou pouvoir légis- s
latif, avec les sénateurs, qui siègent dans un autre
palais entouré de jardins magnifiques : le Luxembourg.
Quant au président de la République, qui est chargé
de faire exécuter les lois par Tintermédiare des divers
ministres et qui possède ainsi le pouvoir exécutif, il lo
habite un palais appelé TÉlysée. Là se rassemble le
conseil des ministres, qui discute sur les affaires de
l'État. Les ministres de la France sont le Ministre de
l'Intérieur, le Ministre de l'Instruction Publique, le
Ministre de la Justice et des Cultes, le Ministre des 15
Finances, le Ministre de la Guerre, le Ministre des Af-
faires Étrangères, le Ministre de l'Agriculture et du
Commerce, le Ministre des Travaux Publics, le Minis-
tre de la Marine et des Colonies, le Ministre des Postes
et Télégraphes. 20
Julien écoutait avec attention toutes les explications
qu'on lui donnait, mais il était si fatigué qu'il demanda
à aller se coucher et l'on se décida à rentrer.
XXIX
Le lendemain, lorsqu'on eut reçu l'argent de l'oncle
Frantz, on se dirigea vers la gare de l'Ouest et on 25
monta en wagon pour aller rejoindre le vieux pilote
Guillaume dans l'Orléanais. On s'arrêta quelques
heures à Versailles, pour visiter le château que Louis
142 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
XIV y fit construire et qui lui servit de résidence.
André et Julien se promenèrent dans le parc aux allées
symétriques et ils admirèrent les nombreux jets d'eau
des bassins.
5 On remonta ensuite en chemin de fer, et Julien, pour
ne pas perdre son temps en voiture et pour compléter
tout ce qu'il savait déjà de la France, ouvrit son livre
LE CHATEAU DE VERSAILLES
sur les grands hommes et lut les derniers chapitres
avec attention.
10 L'Ile-de-France et surtout Paris ont produit tant
de grands hommes que l'espace manquerait pour ra-
conter leur vie. Bornons-ïious à quelques mots sur les
principaux poètes et savants dans cette contrée:
Racine, qui fut Iç rival de Corneille pour la poésie,
15 naquit en 1639.
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 143
Il fit paraître à Paris une série de chefs-d'œuvre qui
contribuèrent à Téclat du siècle de Louis XIV : ce sont
des tragédies, où Ton représente des événements
propres à émouvoir.
BoiLEAU, né à Paris en 1636, fut aussi l'un des prin- 5
cipaux poètes du siècle de Louis XIV. Il tourna en
ridicule/ dans ses vers, les vices et les défauts de son
temps et écrivit aussi un traité sur la poésie appelé
« L'Art poétique.»
Parmi les savants nombreux que Paris a vus naître, lo
un des plus illustres est Lavoisier, né en 1743. Il fit
ses études dans les grands cçllèges de Paris et y obtint
les plus beaux succès. Dès sa première jeunesse il
montra un goût très vif pour les sciences ; il étudia l'as-
tronomie^ puis la botanique avec Jussieu,^ et enfin une 15
science qu'il devait plus tard transformer et renou-
veler : la chimie.
Aussi, dès l'âge de vingt-cinq ans, grâce à ses
savants travaux, il fut élu membre de l'Académie des
sciences. 20
On doit à Lavoisier de nombreuses découvertes:
c'est lui qui a su trouver le premier de quels gaz
l'air que nous respirons se compose, de quels élé-
ments est formée l'eau que nous buvons; c'est lui
qui a expliqué comment la respiration nous fait 25
vivre.
Malheureusement, une mort prématurée vint arrêter
le grand Lavoisier au milieu de ses travaux. C'était
l'époque sanglante de 1794, où la France attaquée de
tous côtés, au dehors et au dedans, ne savait plus dis- 30
tinguer ses amis et ses ennemis. Lavoisier, qui avait
occupé un poste dans les finances, fut accusé avec beau-
144 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
coup d'autres. Lui-même, sûr de son innocence, au
lieu de s enfuir, vint noblement se constituer prison-
nier. Mais, enveloppé dans une condamnation qui
frappait à la fois des coupables et des innocents, il
5 mourut sur Téchafaud.
La veille de sa mort, les savants qui avaient tra-
vaillé avec lui et qui admiraient son génie étaient venus
le voir dans son cachot: ils lui avaient apporté une
couronne, symbole de la gloire qui lui était réservée
10 dans l'avenir.
Quelques heures après être partis de Paris, et après
avoir traversé Chartres, célèbre par sa belle cathédrale
gothique, nos voyageurs descendaient du chemin de
fer. Ils laissèrent dans la petite gare leurs caisses de
15 voyage; puis, munis seulement d'un paquet léger et
d'un bâton, ils suivirent à pied la route qui menait à
la ferme de la Grand'Lande, située dans la partie la
plus mon tueuse de TOrléanais.
Ils marchaient depuis une bonne demi-heure et
20 n'avaient encore rencontré personne à qui s'informer
du chemin; ils craignirent de s'être égarés. Afin
d'apercevoir mieux le pays, ils montèrent sur un talus,
et Julien distingua, à deux cents pas de là, derrière une
haie, deux petites filles accroupies par terre, un cou-
25 teau à la main, en train de cueillir de la salade sauvage.
Il les appela pour qu'elles leur indiquassent le chemin.
Sa voix fut plusieurs fois répétée par un bel écho de
la colline; malgré cela, les deux petites filles étaient
si occupées à leur besogne qu'elles n'y firent point
30 attention.
— Mon oncle, dit alors Julien, je vais descendre la
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 145
colline et courir près d'elles pour leur demander le
chemin.
L'enfant courut en avant et s'approchant des deux
petites, qui avaient levé la tête en l'entendant venir :
— Est-ce que la ferme de la Grand'Lande est loin 5
d'ici? leur demanda-t-il.
— Oh ! non, répondit l'aînée, dans cinq minutes on
est chez nous.
— Chez vous, reprit Julien en regardant les deux
enfants de tous ses yeux; mais alors vous êtes donc 10
les petites filles de M. Guillaume?
— Mais oui,^ répondirent-elles à la fois.
— Et nous, s'écria le petit garçon tout joyeux, nous
sommes ses amis et nous venons le voir. Peut-être
bien vous a-t-il parlé de nous déjà : je m'appelle Julien 15
Volden.
La petite Marie se mit à sourire : — Notre père nous
a souvent parlé de vous, Julien, dit-elle ; il vous aime
beaucoup.
Et les deux enfants regardèrent Julien avec intérêt, 20
comme si la connaissance était désormais complète
entre eux.
Julien, enchanté, reprit aussitôt: Vous devez être
bien contentes à présent d'avoir une ferme et de vivre
aux champs? Moi, j'aime les champs comme tout,^ 25
savez- vous ?
Le visage des petites filles s'était assombri. L'aînée
poussa un gros soupir et ne répondit rien. La plus
jeune, Marie, plus expansive que sa sœur, s'écria triste-
ment : 30
— Oh! Julien, nous avons beaucoup de peine, au'
contraire. Il y a sur la ferme des charges trop dures,^
146 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
à ce que dit papa ; et puis, pendant la guerre, les bâti-
ments ont été a moitié détruits ; rien n'est ensemencé.
Alors papa dit : « Il vaut mieux que je m'en retourne
sur mer ! » et maman pleure.
5 L'enfant, qui avait exposé la situation tout d'une
haleine, s'arrêta d'un air découragé.
La petite figure de Julien s'attrista à son tour. En
ce moment, l'oncle Frantz et André arrivèrent, et on
se dirigea vers la ferme.
10 Bientôt on vit au pied de la colline, derrière quelques
noyers mutilés, les bâtiments de la ferme.
— Mon Dieu! s'écria Julien en joignant les mains
avec tristesse, pauvre maison ! elle est presque démolie :
il y a des places où il ne reste plus que les quatre
15 murs tout noirs avec des trous de boulets. Je vois
qu'on s'est battu ici comme chez nous : il me semble que
je reviens à Phalsbourg.
Et, tout en marchant, Julien réfléchissait aux mal-
heurs sans nombre que la guerre entraîne après elle
20 partout où elle passe.
Dans la grande salle délabrée de la ferme, dont
les murs portaient encore la trace des balles, le
pilote Guillaume se promenait la tête basse, les
mains derrière le dos. Il était changé: il n'avait
25 point cet air d'assurance et de décision qui lui était
habituel à bord du navire: il semblait inquiet et
abattu.
A la voix de la petite Marie il se retourna et, aper-
cevant ses amis, il courut se jeter au cou de son ancien
30 camarade.
— Frantz, lui dit-il à demi-voix, tu arrives à propos,^
car je suis dans la peine et je compte sur ton amitié
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 147
pour me donner du courage. Il va me falloir encore
quitter ma femme et mes enfants, alors que j'espérais
passer ici auprès d'eux le temps qui me reste à vivre :
je suis tout triste en y pensant.
Et comme Frantz l'interrogeait: — Voici, dit-il, en 5
deux mots ce dont il s'agit.^ Le parent qui nous a
laissé cette propriété en héritage avait emprunté de
l'argent sur sa terre ; je ne puis rembourser cet argent,
et je vais être obligé de vendre la terre ; mais les biens
ont tant baissé de prix depuis la guerre et la ferme 10
est en si triste état, que je ne la vendrai pas moitié de
ce qu'elle vaut. Je serai donc après cela au même
point qu'avant d'hériter, et je n'aurai d'autre ressource
que de retourner sur l'Océan.
L'oncle Frantz s'approcha du pilote et prenant sa 15
main dans les siennes:
— Guillaume, dit-il avec émotion, te rappelles-tu
cette nuit d'angoisse que nous avons passée ensemble
au milieu de la tempête? Nous te devons la vie. A
présent que tu te trouves dans l'embarras, c'est à nous 20
de te venir en aide. Je ne suis plus aussi pauvre que
je l'étais quand tu nous as quittés, et c'est maintenant
surtout que j'en suis heureux, puisque je puis t'être
utile.
En même temps il avait tiré de sa poche une liasse 25
de papiers.
— Tiens, dit-il, regarde: les honnêtes gens ne
manquent pas encore en France; le fils de l'armateur
de Bordeaux m'a remboursé tout ce qui m'était dû par
son père. Prends cela, et va payer ceux qui voudraient 30
te forcer à vendre ton bien pour Tacheter le quart de
ce qu'il vaut.
148 LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
Guillaume était si ému qu'il resta un moment sans
répondre.
Puis, gravement : — J'accepte, Frantz, dit-il, mais à
une condition : c'est que nous ne nous séparerons plus.
5 Ma terre, une fois délivrée de cette charge,^ a de la
valeur; elle est fertile, nous nous associerons pour la
cultiver, nous partagerons les profits; nous ne ferons
plus qu'une seule famille.
Et les deux amis s'embrassèrent étroitement, tandis
10 que la femme du vieux pilote, de son côté, remerciait
Frantz avec effusion.
Six ans se sont écoulés depuis ce jour. Ceux qui
ont vu la ferme de la Grand'Lande à cette époque ne
la reconnaîtraient plus maintenant.
15 Pas un mètre de terrain n'est inoccupé.
Mais aussi comme tout le monde travaille à la
Grand'Lande ! C'est une vraie ruche où les paresseux
ne trouveraient pas de place.
Venez avec moi, nous la parcourrons en quelques
20 instants.
Il est à peine jour sur les coteaux verts de la ferme,
mais les coqs vigilants ont salué l'aurore : à leur voix
le poulailler s'éveille; une trentaine de poules, ca-
quetant et chantant, vont chercher dans la rosée -les
25 petits vers qu'a fait sortir la fraîcheur de la nuit.
Bientôt la ménagère matinale, la bonne dame Guil-
laume, elle aussi, sera debout. Regardez : sa fille aînée
la suit. Adèle est une belle et laborieuse fille qui a
déjà quinze ans et demi, et qui, active comme sa mère,
LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS 149
court partout où sa présence est utile, à la laiterie, aux
étables, au potager.
Le potager, c'est surtout le domaine de l'oncle
Frantz. L'oncle Frantz est un jardinier de premier
ordre. Il a aussi un verger superbe, avec des espa- 5
liers* admirables.
Mais voici le pilote Guillaume. Il conduit à l'abreu-
voir le joli troupeau de vaches, les juments et leurs
poulains.
Cette fillette de onze ans qui sort de la ferme, c'est 10
la petite Marie, la plus jeune de la famille. D'une
main elle emporte avec précaution la soupe chaude des
laboureurs, de l'autre elle tient ses livres de classe, car
elle va de ce pas à l'école.
Venons avec elle jusque là-bas, dans ces champs où 15
les gais rayons du soleil sèment leur or sur les sillons.
Reconnaissez- vous ce grand garçon barbu déjà? C'est
André. Quand il y a chômage^ chez le serrurier du
bourg, André travaille à la ferme. En ce moment,
deux beaux bœufs rouges traînent la charrue : le jeune 20
homme les excite doucement, et de sa voix mâle, un
peu grave, il chante une vieille chanson du pays natal ;
car André n'a oublié ni son père, ni son premier amour,
la Patrie. A l'heure matinale où l'alouette, montant
comme une flèche, chante au-dessus des sillons, l'âme 25
du jeune homme s'élance, elle aussi, tantôt vers le passé
plein de souvenirs, tantôt vers l'avenir qui s'ouvre avec
ses devoirs et avec ses espérances. André a vingt ans
juste : il sera bientôt sous les drapeaux, il sera bientôt
soldat de la France. 30
Près d'André, regardez cet adolescent encore un
peu mince, avec de grands yeux expressifs et af-
ISO LE TOUR DE LA FRANCE PAR DEUX ENFANTS
fectueux: c'est notre petit Julien. Comme il a
grandi! C'est qu'il a quatorze ans et demi, savez-
vous ? Ah ! le temps passe vite. Oui, mais Julien l'a
bien employé: il a appris tout ce qu'un jeune homme
5 peut apprendre dans la meilleure école et avec la meil-
leure volonté possible.
Mais quel est ce camarade de son âge qui travaille
aux champs avec lui et qui ne le quitte guère? De-
vinez . . . Vous le connaissez pourtant; c'est le jeune
10 Jean- Joseph, l'orphelin d'Auvergne, qui a pu venir re-
joindre nos amis à la ferme de la Grand'Lande: il
est devenu pour eux comme un nouveau frère.
Vous souvenez-vous? il y a six ans, à pareille
époque, André et Julien s'étaient endormis sous un
15 sapin de la montagne, à la veille de franchir les
Vosges ; et, quand le soleil s'était levé ce matin-là, les
deux enfants sans soutien, s'agenouillant sur la terre
de France qu'ils venaient d'atteindre, s'étaient écriés
ensemble : « France aimée, nous sommes tes enfants,
20 et nous voulons devenir dignes de toi ! » Ils ont tenu
parole. Les années ont passé, mais leur cœur n'a point
changé; ils ont grandi en s'appuyant l'un sur l'autre^
et en s'encourageant sans cesse à faire le bien ; ils res-
teront toujours fidèles à ces deux grandes choses qu'ils
25 ont appris si jeunes à aimer: Devoir et Patrie.
NOTES
NOTES
Page 1* — I. ils venaient de franchir, they had just passed
(through). This very common idiom, venir de with an infinitive
= " to hâve just — ^," should be carefully learned, from je viens
de — , "I hâve just — ," throughout the présent and imperfect
tenses of the indicative ; it does not occur elsewhere.
2. on is often best translated by using the folio wing verb in the
passive voice.
3. Tous les deux, both of them,
4. Us avaient l'air inquiet, they looked anxious.
Page 2. — I. le, lit. "it" or "so," refers to courageux et intel-
ligent; but, as well as the ne, it is not translated.
2. Lorsqu'ils se furent un peu éloignés, When they were a short
distance f (" had withdrawn a little ").
3. la main dans la main, hand in hand. Note use of definite
article.
Page 8* — I. qu'on nous fasse bon accueil, that we may be
given a kind welcome. Cf. page i , note 2.
2. qui êtes, note use of the second person plural instead of the
singular form in English.
3. fit, hère said,
4. s'ouvrit toute grande, was opened wide, The reflective verb
is frequently translated by the passive voice.
5. Mon Dieu! qu'y a-t-il, Heavensî what is the matter, what has
happened,
6. le, note use of definite article instead of possessive in English.
7. vivacité de sentiment, impulsiveness,
8. de tout son cœur, heartily,
9. brave, goody kind,
153
154 NOTES [P. 4-10
Page 4. — I. il s'est tué, he was killed. Note reflexive form
in French.
2. qu'allez-YOUS devenir, what will become of you,
3. faisant suivre d'actions ses 'p&xoles, /ittin^ her actions to her
words,
4. ses jambes demandaient grâce, he was tired ont; lit., " his
legs begged for mercy."
5. il finit par s'endormir, hefinally went to sUep.
Page 5. — X, 2. revenons avec loi quelques mois en arrière,
let us go back with htm afew months.
3. on se trouvait alors, it was then,
4. y compris, including; y^ " in it," refers to Lorraine.
5. de son côté, too,
6. vint à tomber, /^r//; venir à, "to happen to." Cf. with venir
de, page i, note i.
Page 6. — I. se peignit, was depictcd; lit, "painted." Note use
of reflexive for passive.
2. aimez-vous l'un l'autre, love one another,
3. comme vous voilà, as you are.
Page 1* — I. bon gré mal gré, willing or unwilUng,
2. et . . . et, both . . . and; the repeated use of et emphasizes
pays and vœu de leur père.
Page 8. — I. en vraie mère de famille, as a true mother would
hâve donc.
2. on fera son possible, / will do my besU Note indefinite form.
3. que c'est peu, how Utile it is.
Page 9* — I. sans feu ni lieu, without hearth or home,
2. extrait de naissance, certificate of birth.
3. livret d'ouvrier. According to French law, every mechanic
must hâve a book in which his différent places of employment are
recorded. Such a book must be signed by the town mayor when
the owner of it changes his place of résidence.
Page 10. — I. cela est bel et bon, tkis is well andgood enough.
2. les enfants, my; cf. page 3, note 6, or omit in translating.
p. U-17] NOTES 15s
Pagre !!• — i. on vous descendra, he will Ut y ou off.
2. vous servira de guide, will act as y our guide y will guide you,
3. que introduces the subject. In translating make Vami Fritz
subject of est and do not translate que,
4. la grande route, the highway,
5. de tous ses poumons, witk ail his might; lit., " lungs."
6. se mit au petit trot, started off on a slow trot.
Pagre 12. — I. s'était fait une fracture à la jambe, had broken
one of his legs,
2. il n'en voulut rien faire voir, he did not show it; he would
not allow any of his consternation (en) to be seen.
3. jusqu'aux, even the,
4. à se tirer d'affaire soi-même, toget out of difficulty alone,
5. décrochez-moi, take down, moi is hère untranslatable ; it is
the so-called "dative of interest," or "ethical dative."
Page 18« — I. Vous avez si bonne volonté, You are so willing,
2. tant bien que mal, as well as he could,
3. accidents de terrain, irregularities in the surface of the
country.
4. quand on se trompe de chemin, when one loses oné^s way,
5. revenir . . . sur ses pas, to retrace one*s steps.
Pagre 15* — I. nous serons bien Ik, we shall be well sheltered
there,
2, lui aussi. Note emphatic use of the pronoun.
Page 16. — I. il eut beau lutter, he vainly struggled; avoir
beaUy " to do in vain," is a common idiom.
2. dernier, "last," hère, suprême.
3. reprirent allègrement leur bâton, merrily started out again ;
lit., " merrily took again their sticks."
4. au petit jour, at daybreak.
Page VI • — I. marquant le pas, keeping step,
2. Celles, a little village not on maps.
3. femme d'ordre et de soin, an orderly and careful woman,
4. la soupe aux choux, note use of plural, also adjectival use of
noun.
156 NOTES [P. 18-23
«
Pagre 18« — i. toute cette jeunesse, fUl those young people.
2. se ressentaient de leur course de nuit, werefeeling the effects
of their night march,
3. d'un seul somme, witkout waking up; lit., "in one single
nap."
4. à deux heures d'ici, tivo hours^ walkfrom hère,
5. assez matin, early enough in the moming,
6. la moitié de leur content, Aal/ as much as they wanted to,
7. à grande eau, with plenty of water,
8. firent, cf. page 3, note 3.
Pagre 19. — I. chef-lieu du département. France is divided
into 87 départements the main city of each of which is called chef-
lieu.
2. de la part de, sent by, in the name of,
3. c'est ainsi qu'on l'appelait, such was her nanu.
Pagre 20. — elle finit par dire, cf. page 4, note 5.
2. toujours, however,
3. fait, cf. page 3, note i.
4. il se jeta au cou de, hefell on the neck of.
Pagre 21. — I. de son naturel, naturally, by nature.
2. c'est que, but; lit., " the f act is that."
Pagre 22. — i. que emphasizes the négative, but is not trans-
lated.
2. je vais bien faire attention, I s hall be very careful.
3. un bout de jardin, a bit of garden,
4. de faire entrer Julien à l'école, to hâve Julian admitted to the
public schooL
5. elle trempa la soupe, she poured the soup over the bread,
6. cuite à point, done to perfection.
Pagre 23. — i. faisant rougir, bringing to a red heaU
2. à ses moments perdus, when he had time to spare,
3. fit la revue, looked over^ examined,
4. joua, worked.
5. remit tout à neuf, put everything in thorough repair,
6. vous voilà, y ou now are^ cf. page 6, note 3.
7. cours d'adultes, classes for grozon people.
r. 24-30] NOTES . 157
Pagre 24* — i. que de, how many.
2. se font, are made. Cf. page 3, note 4.
Page 25. — i. le long d'un mur, alonga wall,
2. tout à mon aise, as long as I pleased,
3. ici même, in this very town,
4. i^va tBC^\BaKn»Sy for wall décoration,
5. orgues de Barbarie, hand-organs.
6. moi, used merely for emphasis; indicate in translating by
stress of voice on "/," preceding.
7. qu'on se dispute ainsi, tkat is so much sougkt afler,
8. pour de bon, naturaly reaU
Pagre 26. — i. bons points, good marks,
2. en est une des gloires, is one of its glories, en refers to dé-
partement.
Pagre 27. — i. il prit goût à, ke acquired a tastefor,
2. de nos jours, at the présent time^ now.
3. musée du Louvre. This Palace, formerly the résidence of
French kings, was begun in 1204 under the reign of Philippe-Au-
guste. Under Francis I, Henry II, Louis XIII and Louis XIV it
was added to and beautified, but was not completed before the
second half of the nineteenth century. It is now an art gallery,
probably the largest in the world.
Pagre 28. —- 1. en l'air, up,
2. à toutes jambes, asfast as he could,
3. peut-être bien, perhaps. Bien is hère untranslatable.
4. il s'est agi de, " it was a question of ," it became necessary,
5. comme le devoir, as duty itself.
Pagre 29* — i. elle se mit à fondre en larmes, she melted into
tears.
Pagre 80. — i. tout d'abord, atfirst,
2. finit par croire. Cf. page 4, note 5.
3. les courages se ranimèrent, the people plucked up courage,
4. Reims, a city of Champagne in the Department of Marne, is
famous for its Gothic cathedral. See map.
158 NOTES [P. 31-«
Pagpe SI* — I. Compiès;iie is situated about 40 miles North of 1
Paris. See map.
2. Rouen, the chef4Uu of the Department of Seine-inférieure 1
and the former capital of Normandy, is celebrated for its Gothic !
Court-House and churches. See map.
3. sans que mes cheyenx se leyassenty without its making my \
hoir stand on end, „^^^ |
Pagr® 32. — I. il y avait on mois . . . étaient à Spinal, j
André and Julian had already been a month in Epinaî. Note use /
of the imperfect tense instead of the pluperfect in English. / 1
Page 88* — i. s'était mise en quête, had been looking around. I
Pagre 84. — i. nuit, hère lodging.
Page 85* — i. peut-être seriez-yous bien aises, you would per-
haps be glad. Note inverted construction.
2. quinze jours, afortnight; not "fifteen days."
3. c'est un fameux bout de chemin, it is quite a (long distance) \
bit of road, ^
4. proche de ses intérêts, stingy^ close. I
5. montagnard jurassien, a mountaineer from the Jura; an in-
habitant of the Jura mountains in Eastem France.
6. Voici ce qu'il y a, hère is how the matter stands, \
7. à faire mes affaires, to attend to my business.
Page 36. — i. c'est à prendre ou à laisser, take it or leave it.
2. cela fait que nous pourrons, so that we s hall be able,
3. ainsi s'appelait, such was the name, so was called. Cf.
page 19, note 3.
4. marchait bon train, was going at a fast gait.
Page 3 7. — i. puits de sel, sait wells.
2. est en pleines montagnes, is in the midst of mountains,
3. que je suis en train de les compter, which I am counting.
Cf. " In the act (midst) of counting."
Page 38. — i. que voilà, thèse are.
2. qui s'entendent de bonne amitié, who friendly agrée,
3. pour mettre leurs troupeaux en commun, to put their herds
together.
p. a^HIT] NOTES 159
Page 89. — i. qu'il s'agissait. Cf. page 28, note 4.
2. elle a l'air pleine de lait, it lôoks as if it were full of milk.
Cf. page I, note 4.
Pagre 40. — I. d'un bon accord, in afriendlyway. Cf. page
38, note 2.
2. de la poudre à polir, poUshing powder.
Pagre él« — I. faisait son devoir, was preparing his Usson,
(exercises).
Page é2« — I. à perte de vue, as far as one could see.
2. ferme, hère hard,
3. un petit pain de deux sous, a two-cent roîl.
Page é8. — I. si peu que vous gagniez, however HtUe y ou
make (eam).
2. une somme assttz ronde, agood round sum.
3. je crois bien, y es y indeed.
Page 4é« — I. on vient à bout, one overcomes; lit., "cornes to
the end."
2. d'un seul coup, at one time.
Page 45* — i. à meilleur marché, cheaper.
2. par toute la place, freely, anywhere else,
3. se le tinrent pour dit, took good notice of it; se is dative of
Lnterest.
4. bien du mal, mue h work.
5. il n'en pouvait plus, he was tired out. Cf. page 4, note 4.
Pagre 46. — i. monnaie, change,
2. n'importe, no matter,
3. il revint sur ses pas. Cf. page 13, note 5.
4. il est à votre portée, it is not beyond you; lit., "within your
reach."
Pagre 47. — i. chemin faisant, on the way, while we are travel-
ing.
2. de grand cœur. Cf. page 3, note 8.
3. de grand matin, very earîy in the morning. Cf. page 18,
note 5.
l6o ' NOTES [P. 48-67
Pagre 48. — I. à Pancienne manière, in the oîd way, manner.
2. ils sont en train de faire le foulage, they are right in the
crushing of grapes ; lit., "trampling down."
Page 49. — i. je crois bien que oui, Ifeel sure I do.
Pagre 50. — I. devait, was to.
Pagre 52. — i. il faisait si noir, it was so dark.
2. qu'y a-t-il donc? Cf. page 3, note 5.
Pagre 53. — i. chauffés à blanc, brought to a wkite keat.
Pagre 54, — i. dans un coin,/r<?« a corner.
2. qui faisait manœuvrer, who worked.
Pagre 55..— i. bientôt même, very soon also.
Pagre 56. — i. il s'y est rendu. Note impersonal form and, in
translating, make jusqu'à cent mille personnes subject of the verb
and use the latter in the plural.
2. c'est que, vois-tu, because you must know.
Page 57* — i. de ça, de là, hère andthere.
2. que, hère untranslatable.
3. à perte de vue. See page 42, note i.
Page 68. — i. on en rencontre, some are found. En refers to
coulée in preceding sentence; also cf. page i, note 2.
2. pâtes alimentaires, lit, "alimentary pasties/' a gênerai ex-
pression designating tapioca, sago, macaroni, noodles, etc.
Page 59. — i. à vous. Cf. page 15, note 2.
2. à bon marché, cheap. Cf. page 45, note i.
3. à bon compte = à bon marché.
4. à la petite pointe du jour, at the break of day.
Page 60. — I. jusque par ici, even hère.
Page 67. — I. le feu est à la ferme, the farm-house is on f ire.
2. sachant à peine oh il en était, hardly knowing where he was
or what he was doing.
3. jeter, "throw"; hère, togive.
4. à se tirer d'affaire, to get out of trouble. Cf. page 12, note 4.
p. 68-90] NOTES l6l
Pagre 68* — i. passa, here^putûn, donned.
Page 70. — I. revint à lui, came to his sensés ^ revived.
2. on se quitta le cœur gros, they parUd with heavy hearts.
Page 72. — i. qui n'en pouvait plus. Cf. page 4, note 4.
Pagre 76. — i. la voyaient d'un mauvais œil, hoked upon it
with disfavor.
Page 78. — I. pour faire marcher, to put in motion^ drive,
2, jusqu'à, as many as.
Page 81. — I. soufflait à tout rompre, was blowing furiously ;
lit., " hard enough to break everything."
Page 88. — z. de demi-heure en demi-heure, every half hour,
2. bois du lit, bedst^ad.
Page 85. — i. à toute vitesse, atfull speed,
2. le comtat Venaissin, now a part of the department of Vau-
cluse, belonged to the Holy See from 1274 to 1791 while Avignon
was the popes* résidence from 1309 to 1377.
Page 86. — I. voilà tantôt cinq mois qu'il est parti, it will
soon befive months since he left.
Page 87. — I. voici ce qui en est. Cf. page 35, note 6.
2. nous ferons valoir, we shall improve^ cultivate.
3. à nous às^XJiyfor both of us,
4. il ne m'a pas donné signe de vie, / hâve not heardfrom him ;
lit., "he has not given me any sign of life.**
Page 88. — i. soupe au poisson. A kind of chowder popular
in Southern France.
Page 89. — i. je mets à la voile, I sait.
2. canal du Midi. This canal was built in the latter part of the
XVII. century (i 667-1 681). It connects the Atlantic Océan with
the Mediterranean sea and is about 150 miles long.
Page 90. — I. la pleine mer, the ope h sea,
2, bonne, hère smooth.
l62 NOTES [P. 91-103
3. n'éprouyèrent pas le mal de mer, did not expérience any sea-
sickness.
Page 91. — I. la poussière humide, the spray,
2. à mon avis, in my opinion.
Page 92« — i. tout vient, every thinggrows.
2. Corse (Corsica). This island was annexed to France in 1768.
3. elle en a raccourci, "it has epitomized ;" // has samples of.
4. Ajaccio, the chef -lieu of the department of Corsica, is situated
on the western coast of the island.
5. VOUS n'avez guère de bras, you hâve hardly any laborers; lit,
"arms."
Page 9é. — I. sa gloire ne perdit rien au change, his glory
was not lessened by the change,
2. marais salants, salt-marshes.
Page 96. — i. longVLt-T^iQymarine-glctsSffield'glass,
2. avait fait de mauvaises affaires, hadfailed in business.
Page 96. — i. au complet, intact, whole.
Page 97. — i. bien installé, with good accommodations,
iz. il est vif comme la poudre, he is very quick-tempered ; lit.,
"quick as gunpowder."
Page 98. — i. il eut beau se hâter, he hastened in vain,
2, à bord, on board the ship.
Page 100. — en frappant dans ses mains, clappinghis hands.
2. hommes de peine, porters.
Page 101. — I. Pon mit pied à terre, they landed.
Page 102. — I. dans huit jours, within a week,
2. je serai de force, I shall be strong enough,
3. quinze, supplyyV^wrj. Cf. page 35, note 2.
4. le mettaient en joie, made him happy.
5. une fois en règle de ce côté, when that matter is settled.
Page 103. — I. sans retour, hopeîessly.
2. nous débattrons par marché, we shall make a bargainfor.
p. 105-123] NOTES 163
3. navires de cabotage, coastvoise vessels,
4. bateaux d'ean donce, river and canal beats.
Pagre 106* — I. à faire ses devoirs; cf. page 41, note i.
Faire 106* — I. de se dégourdir les jambes, to streuh his legs;
lit., " to get the numbness out of his legs."
2. la terre ferme, soHd ground ; " terra firma."
3. pains de ^re, loaves of sugar,
4. feux fixes, steady lights,
5. feux à éclipses, revolving lights.
Page 107* — I. sept lieues à la ronde, within a radius o/seven
leagues.
Page 109« — I. avaient été mis en liberté sur parole, had
been paroled.
Page 110* — I. tout comme moi, exactlyas I skouldkave done.
Page 117« — I. il fut réveillé en sursaut, he was awakened
with a start.
Page 11 8. — I. à opérer le sauvetage, of saving the people.
Page 120. — I. couleurs voyantes, bright, gaudy colors.
2. à bord, cf. page 98, note 2.
3. c'est entre nous à la vie et à la mort, there is an undying
friendship between us.
4. si le cœur te disait, if you should like^ had a mind to.
Page 121. — I. dlUAl^Sj thingSy possessions.
.Page 122. — i. qui font le service des canaux du Nord, which
ply on the Northern canals,
2, du premier coup, at once^ immediately.
Page 128« — i. qui vous attend, in store for you^ which awaits
you,
2. de toutes ses petites jambes. Cf. page 28, note 2.
3. quatre à quatre, /t^^r steps ata Urne.
4. taille, size,
5. toile cirée, oil-cloth,
6. le procès-verbal, the written report,
164 NOTES [P. 124-143
Page 124* — i. ne se possédait pas d'aise, was beside himself
withjoy.
Page 127* -^ i. de tirer an sort, to draw lots.
Page 128. — i. il n'y eut ... si vaillant homme, there was
no mattf however brave,
2. ils sont très gênés, they are in very narrow circumstances.
Page 181. — I. il faillit se trouver mal, he almost fainted
away; faillit^ " just missed."
Page 138. — i. halles centrales, Central Market,
Page 184, — i. mottes de beurre, rolls of butter weigking each
thirty pounds or more,
2. Gargantua, the principal character in one of Rabelais's books
bas become synonymous with heavy eater.
3. Alger, the capital of the French colony Algeria is situated on
the south coast of the Mediterranean.
Page 136. — i. le quartier des Écoles is that part of Paris
where are found the " University,!* " Polytechnic School,** " School
of Medicine," "Law School," etc. It is often called "Latin
Quarter."
Page 18 ?• — I. la Sorbonne, at présent the seat of the Uni-
versity of Paris but at first a theological school, was founded by
Robert de Sorbon in 1250.
2. Collège de France. This institution was founded by Fran-
cis I about 1 530. Practically ail literatures, languages and sciences
are taught hère by the most famous professors of France. Ail
courses and lectures are free.
3î les cinq Académies, i.e. the "French Academy" (1635), the
"Academy of Inscriptions and Belles-Lettres" (1701), the "Acad-
emy of Moral and Political Science" (1795), the "Academy of Fine
Arts" (1819) and the "Academy of Science" (1666).
Page 140. — I. le soleil donnait en plein, the sun was shining
directly on them (the green-houses).
Page 148. — i. il tourna en ridicule, he ridiculed.
2. Jussieu, a famous French botanist, was born in 1699 and died
in 1777. See pages 76-77.
p. 146-160] NOTES 165
Page lé5« — I. mais oui, ^^ j, indeed.
2. comme tout (cf. coUoquial English, "like every thing '% very
mue h indeed,
3. des charges trop dures, too keavy encumbrances (mortgage).
Pagre 146. — i. à propos, at the Hgkt Hme^ opportunely.
Page 147. — i. voici ... ce dont il s'agit, this is , . , what
the trouble is about
Page 148. — i. une fois délivrée de cette charge, once free
front that encumbrance.
Pagre 149. — i. espalier. A fruit tree trained on a wall.
2. Quand il y a chômage, When there is no work to do.
Page 150. — I. en s' appuyant Pun sur l'autre, helping one
another.
VOCABULARY
à, at, by, to, f rom, in, of .
abaisser (s'), to be lowered.
abandonner, to abandon, give
up, forsake.
abattre (s'), to fall.
abattu -e, cast down, dejected.
abondance,/., abundance.
abondant -e, abundant.
abonder, to be abundant, abound
with.
abord (d'), at first.
aboutir, to corne to, end.
abreuvoir, m,, horsepond, water-
ing-place.
abri, m., shelter.
abricot, m., apricot.
abriter (s'), to take shelter.
absenter (s'), to go away, be
absent.
absolument, positively, abso-
lutely, completely.
académie,/., Academy.
accabler, to overwhelm, crush.
accent, m., accent, expression.
accepter, to accept.
accès, m., attack.
accident, m., accident.
accompagner, to accompany.
accomplir, to accomplish, do,
make.
accord, m., agreement; se met-
tre d' — , to agrée,
accorder, to grant.
accourir, to run, run forth.
accoutumer, to accustom.
167
accrocher (s'), to hang on.
accroître (s'), to grow.
accroupi -e, cowering, crouch-
ing, stooping.
accueil, m., réception, welcome.
accueillir, to receive, welcome.
accuser, to accuse.
achat, m,, purchase.
acheminer (s'), to set out, start.
acheter, to buy.
acheter (s'), to buy for oneself.
acheteu-r -se, buyer.
achever, to achieve, finish, com-
plète.
acier, m., steel.
acquérir, to acquire.
acquitter, to clear, pay off.
acti-f -ve, active.
action,/., act, action.
activité,/., activity.
adieu, m. y farewell
admirable, admirable.
admiration,/, admiration.
admirer, to admire.
adolescent, ;»., lad.
adonner (a*), to dévote oneself.
adopter, to adopt.
adoucir, to soften.
adresse, /., address, skill, dex-
terity.
adresser (s')i to address.
adulte, m. /.y adult.
adversaire, w./., adversary, op-
ponent.
affaire, /, af fair ; — s, business ;
si les — s marchent bien, if
business is good; faire ses
i68
VOCABULARY
— S, to attend to one*s busi-
ness; faire V — , to suit,
please; se tirer d* — , to get
out of trouble.
affairé -e, busy.
affaisser (s')» to tumble down,
sink.
affection,/., affection, love.
affectueu-x -se, affectionate.
affluent, m., tributary stream.
affreu-z -se, awf ul.
afin, so that; — que, de, so
that, in order to.
Airique, /., Af rica.
âge, m., âge.
âgé -e, old, aged.
agenouiller (sOi to kneel down.
agile, nimble.
agir (sO, to be the question,
the matter.
agitation,/., agitation,
agiter, to move, disturb, agi-
tate, wave,
agiter (s*), to move, move
around.
agonisant -e, dying person. *
agrandir, to increase, enlarge.
agrandir (a*), to grow, increase.
agriculture,/., agriculture.
aide, m., assistant, helper.
aide,/., aid, help; venir en — ,
to help.
aider, to help, aid.
aider (s*), to help oneself, help
one another.
aigle, m.f eagle.
aigu-ê, shrill, sharp.
aiguille, /., hand (of clocks),
needle.
aile,/., wing.
ailleurs, elsewhere; d» — , be-
sides, moreover.
aimable, amiable.
aimer, to love, like.
aimer (s*), to love one another.
aîné -e, eldest, elder. [as.
ainsi, so, thus ; — que, as well
air, m., air, appearance.
aise, /, gladness ; mal à V — ,
uncomfortable.
aise, glad.
aisé -e, easy.
ajouter, to add.
ajuster, to adjust.
alarme,/., alarm.
alarmer, to alarm.
Algérie,/., Algeria.
alimenter, to supply.
allée,/., walk (of gardens).
alléger, to lighten, relieve, un-
load.
allègrement, jovously, merrily.
Allemagne,/., Germany.
allemand -e, German.
aller, to go, advance.
aller (s'en), to go away.
allez ! indeed ! Àlso see aller,
allons, well, see aho aller,
allumer, to kindle, light.
allumer (s'), to be lighted,
kindle.
alors, then ; — que, when.
alouette,/., skylark.
Alpes, /.//«r., Alps.
Alsace,/., Alsace.
Alsacien -ne, Alsatian.
alti-er -ère, haughty.
altitude,/., altitude,
amasser, to gather, collect, piJe
up.
âme,/., soûl.
amener, to bring.
Amérique,/., America,
ami -e, f riend.
amicalement, kindly, amicably.
amidon, m., starch.
amitié,/., friendship.
amour, »?., love,
amuser, to amuse,
amuser (s'), to amuse oneself.
an, w., year; tous les— s, every
year; par — , annually, every
year.
ancêtres, m.plur.^ ancestors.
ancien -ne, former, old.
André, m.^ Andrçw,
VOCABULARY 169
Anglais -e, English.
Angleterre,/., England.
angoisse,/., anxiety, anguish.
animal, 01., animal.
animation,/., animation.
animé -e, animated, busy (of
towns).
anneau, m, y ring,
année,/., year; cette— ci, this
year.
annoncer, to announce.
antique, old, antique,
anxiété,/, anxiety.
apercevoir, to perceive, see, dis-
cover.
apercevoir (s»), to notice, see.
aplatir, to flatten.
aplomb (d'), perpendicularly.
appareil, m., apparatus.
apparence,/, appearance.
appartenir, to belong.
appeler, to call. .
appeler (s'), to be called.
appesantir, to make heavy.
appesantir (s*), to grow heavy.
appétit, m, y appetite.
appliquer, to apply.
appliquer (s') y to apply oneself.
apporter, to bring.
apprendre, to leam, hear, teach,
tell. [ship.
apprentissage, m.y apprentice-
apprêter, to prépare.
approche, /., approach ; les — s,
surroundings, way to.
approcher, to approach, corne
near. [near.
approcher (s')» to approach, go
approuver, to approve.
approvisionner, to supply.
appuyer, to lean.
appuyer (s'), to lean upon, rest.
après, after, afterwards.
après-demain, the day after to-
morrow.
après-midi, m.f.^ afternoon.
aqueduc, m. y aqueduct.
arabe, Arabie, Arabian.
arbre, w., tree.
arc-bouter (s*), to prop, support
oneself.
architecte, m., architect.
ardeur,/, ardor, energy.
ardoise,/, slate.
arène,/, arena.
argent, 01., silver, money.
armateur, m.y ship-owner and
fitter.
arme,/, arm, weapon.
armée,/, army.
armoire,/, closet.
armure,/, armor.
aromatique, spicy, aromatical.
arracher, to pull out, ex tract
arranger, to arrange.
arrêt, m.y décision, sentence,
arrêter, to stop, arrest.
arrêter (s»), to stop,
arrière (en), back.
arrivée,/, arrivai,
arriver, to arrive, come, happen,
occur, reach.
arrondi -e, round, rounded.
arroser, to water.
art, m.y ^rt.
artichaut, /»., artichoke.
artificiel -le, artificial.
aspect, m.y aspect, look.
assembler, to put together.
asseoir, to seat.
asseoir (s'), to sit down.
assez, enough, pretty. [tion.
assiduité,/, assiduity, applica-
assiéger, to besiege.
assiette,/, plate.
assis -e, seated.
assister, to be présent at.
association,/, association, part-
nership.
associé -e, partner.
associer (s'), to form a partner-
ship, Company,
assombrir (s')> to grow dark.
assortiment, m.y assortment.
assourdir, to deafen. [ise.
assurance, /, assurance, prom-
I70
VOCABULARY
assurer, to assure, insure.
assurer (s'), to make sure.
astronomie,/., astronomy.
atelier, m., shop, studio.
âtre, »/., hearth.
attacher, to fasten, attach, tie,
bind, moor.
attaquer, to attack.
attarder (s') y to pass (of time),
be belated.
atteindre, to reach, bring out.
atteint -e, struck, attacked.
atteler, to harness, hitch up.
attendant (en), meanwhile, in
the meantime.
attendre, to expect, wait for,
' wait, await ; faire — , to keep
waiting. [lent.
attendrir (s*), to be moved, re-
attenti-f -ve, attentive.
attention,/., attention.
attestation,/, attestation.
attester, to attest, certify.
attirer, to draw.
attitude,/, attitude.
attraper, to catch.
attrister, to sadden.
attrister (s'), to be sad, sorrow.
au, to the, at the, in the, on the.
auberge,/, inn.
aucun -e, not any, none, no.
audace,/, audacity.
au-delà, beyond.
au-dessous, below.
au-dessus, above, over. [ment.
augmenter, to increase, aug-
aujourd'hui, to-day, at the prés-
ent time.
auparavant, before.
auprès, near, with, of.
aurore,/, dawn.
aussi, also, therefore, either;
— ... que, as ... as.
aussitôt, at once, immediately.
autant, as many, as much; —
. . . que, as many ... as ; d' —
plus, so much more so.
automne, m.y fall, autumn.
autorité,/, authority.
autour, around.
autre, other.
autrefois, of old, former times,
formerly.
autrement, otherwise, in an
other manner.
autrichien -ne, Austrian.
autruche,/, ostrich.
autrui, m., others, other people.
aux, to the.
avalanche,/, avalanche.
avance, /, advance; par — ,
d' — , in advance, beforehand;
à 1* — , in advance, before-
hand.
avancé -e, forward, advanced.
avancer, to advance, go on,
progress.
avancer (s'), to advance, go,
corne forward.
avant, before; — même, even
before ; en — , forward, ahead.
avantage, m,, advàhtage; re-
prendre V — , to get again the
better of the fight.
avantageu-x -se, advantageous,
profitable.
avec, with, besides. ,
avenant -e, pleasant.
avenir, m.y future.
avertir, to warn, inform.
aveuglant -e, blinding.'
aveugle, blind.
avis, m.y advice, counsel, opin-
ion ; être d* — , to think.
aviser, to see.
avocat, m.y lawyer.
avoir, to hâve.
ayant, see avoir.
B
bagage, m., baggage.
bague,/, ring,
baigner, to bathe.
baie,/, bay.
VOCABULARY
171
bailler, to yawii. [bath.
bain, w., bath; — de mer, sea
baïonnette,/., bayonet.
baiser, to kiss. ,
baisser, to lower, go down, fall.
balancement, m. y rocking.
balle,/., bullet.
balustrade,/, balustrade.
banc, m,y bench; chair à — s,
wagonette.
bancal -e, bandy-legged.
bande,/, band, strip.
bander, to bind up.
banque, /, bank, banking-
house.
banquier, m., banker.
barbare, barbarous.
barbarie,/., barbarity, savage-
ness.
barbe,/, beard.
barbu -e, bearded.
baromètre, m., barometer.
baron, m., baron.
barre,/, bar; partie de — , a
game of prisoner's base.
barreau, »?., round (of ladders),
bar.
barrique,/, barrel.
bas, m, y stocking, bottom.
bas, down, low; tout en — , at
the bottom ; tout — , in a low
voice.
bas -se, low.
basse-cour,/, poultry-yard.
bassin, tn.y basin.
bastion, /w., bastion.
bataille, /., battle ; champ de
—, battlefield.
bataillon, m,, battalion.
bateau, w., boat ; — à vapeur,
steamboat.
bâtiment, m., vessel, ship, build-
ing; — de pêchej fishing ves-
sel,
bâtir, to build.
bâton, m.y stick, walking-stick.
battement, m.^ beating (of the
heart).
battre, to beat, hammer down ;
— des mains, to clap one's
hands.
battre (se), to fight.
béant -e, gaping, wide open.
beau, bel -le, beautiful, fine,
nice; avoir — , to be of no
avail.
beaucoup, many, much.
bec, m.y jet (of gas) ; — de gaz,
gas lamp, gas jet.
bénéfice, w., profit.
bénir, to bless.
berceau, m., cradle.
bercer, to rock,
besogne,/, work.
besoin, w., need; au — , in case
of need.
bestiaux, plur. of bétail,
bétail, m. y cattle.
bête,/, animal, beast.
betterave, /., sugar beet.
beurre, w., butter.
bibliothèque,/, library.
biche,/, female deer, hind.
bien, «/., benefit, good, estate,
land.
bien, well, very, many; ou — ,
or else; si — que, so that;
eh — , very well.
bientôt, soon.
bière,/, béer,
bijou, m. y jewel.
billet, m.y note; un mot de — ,
a short note.
blanc -he, white.
blanchir, to become white,
whiten.
blé, w., wheat.
blessé -e, wounded person.
blesser, to wound.
blessure,/, wound.
bleu -e, blue.
bloc, m.y block.
blond -e, light, blond,
blottir (se), to cower, crouch,
squat.
blouse,/, jacket, coat, blouse.
172
VOCABULARY
bobine,/., bobbin, Spool.
bœuf, tn.f ox.
boire, to drink.
bois, m. y wood.
boise -e, wooded.
boîte,/., can, box.
boîtier, »?., case (of watches).
bon -ne, good, kind, fuU.
bond, m.y bound, leap; faire un
— , to leap.
bondir, to skip, bound.
bonheur, m. y happiness, good
fortune, good îuck; par — ,
happily.
bonjour, m.y good morning,
good day.
bord, m.y border, shore; board,
bank ; à — , on board of ship.
Bordeaux, m. y Bordeaux.
border, to edge, border, Une.
borner (se), to limit oneself.
bossu -e, hunchbacked.
botanique,/., botany.
botte,/., bundle.
bouche,/., mouth.
bouchée,/., mouthful, pièce,
bouchon, m. y cork.
boucle,/., buckle; — s d'oreille,
ear-rings.
boucler, to buckle up.
bouger, to move, budge.
bouUlant -e, boiling, hot.
bouillonner, to bubble.
boulanger, m. y baker.
boule,/., bail.
boulet, m. y cannon-ball. [set.
bouleverser, to overthrow, up-
bouquet, m.y bouquet.
bourg, m.y borough.
bourgade, /., small town, bor-
ough.
bourgeois -e, citizen.
Bourgogne,/., Burgundy.
bourse,/., purse.
bout, m,y end, pièce, tip; venir
à — de tout, to succeed in
everything.
bouteille,/., bottle.
boutique,/., shop, store.
brancards, m. plur.y shaft.
branche,/., branch.
bras, m.y arm, limb, branch (of
rivers).
brasier, m.y great fire, fire.
brave, good, brave.
bravement, bravely.
bravo i bravo!
bravoure,/, bravery, gallantry.
breloque,/, watch-charm.
Bretagne,/, Brittany.
breton -ne, of Brittany.
brigand, m.y brigand.
brillant -e, brilliant.
briller, to shine, glitter.
briser, to break, break down.
briser (se), to be broken, break
oneself.
broderie,/, embroidery.
brodeu-r -se, embroiderer.
brosser, to brush.
brouhaha, m.y uproar.
brouillard, m.y fog, mist.
broyer, to grind, crush.
bruit, m.y sound, noise.
brûlant -e, hot, burning.
brûler, to burn.
brume,/., fog, haze.
brun -e, brown.
brune,/, twilight, dusk.
brusquement, roughly, abnipt-
ly, with a start, suddenly.
brusquerie,/, bluntness, rough-
ness.
bruyant -e, noisy.
bûcher, m.y funeral pile.
but, m.y aim, purpose, object,
end ; dans ce — , for that pur-
pose.
cabane,/, cottage, cabin, shed.
cabine,/., cabin.
cabinet, m.y small room.
cachot, m.y cell, dungeon.
VOCABULARY
cadayre, m., corpse.
cadeaUy m. y gift, présent.
cadencé -e, cadenced.
cadran, m.y dial.
cage, /., car (of mine pits),
cage,
cahier, m., note-book, exercise-
book.
caillou, m, y stone, pebble.
caisse,/., box; — de voyage,
travelling-box.
cale,/., hold (of ships).
calmant -e, soothing, anodyne,
calming.
calme, m,y calm, quiet.
calme, calm.
calmer, to quiet down, calm.
camarade, m.y comrade.
camp, m. y camp.
campagne, /., country, cam-
paign ; maison de — , country-
house, country-seat.
canal, m. y canal,
canon, m,y cannon.
canot, tn,y cutter, yawl.
cap, m,y cape,
capitaine, m, y captain, officer,
gênerai,
capitale,/., capital.
caqueter, to cackle.
car, for, because.
caractère, m., temper, character.
caresser, to caress.
cargaison,/., cargo.
carré -e, square.
carrefour, m. y cross-roads.
carrière,/., quarry.
carriole,/., wagon,
carte,/, map.
carton, m. y paste-board.
cartonner, to bind a book in
boards.
cas, m,y case; en ce — , in that
case.
cascade,/, cascade.
casque, m. y helmet.
cassé -e, broken down, bent.
casser, to break.
de, be-
cathédrale,j
cause, /j cause; à
cause of.
causer, to talk, cause,
cavalerie,/, cavalry.
ce, cet -te, ces, this, that, thèse,
those.
ceci, this.
céder, to sell, yield, give in ; ne
— en rien, not to be inferior.
cèdre, «/., cedar.
ceinture,/, belt.
cela, that; c'est — , that is it,
very well.
célèbre, celebrated.
celui, celle, ceux, celles, this,
that, thèse, those; — ci, this
one; - — ^là, that one.
cent, hundred.
centaine, /., hundred, about a
hundred.
centime, m, y about the fifth of
a cent.
centre, w., center. [while.
cependant, however, mean-
cercle, m. y circle.
céréales, /.//«r., cereals, grains
of ail kind.
cerise,/, cherry,
cerisier, m.y cherry-tree.
cerner, to surround.
certain -e, certain.
certainement, certain! y.
certes, certainly.
certificat, m, y certificate, testi-
monial.
certifier, to certify.
César, m,y Caesar.
cesse,/, ceasing; sans — , al-
ways, without ceasing.
cesser, to stop, cease.
chacun -e, each one, every one.
chagrin, m.y grief, sorrow.
chaîne,/., chain; watch-chain.
chaise,/, chair,
chaleur,/, heat, warmth.
chaloupe, /., ship's boat, long
boat.
174
VOCABULARY
chambre,/., room.
champ, m., field; aux — s, in
the country.
changer, to change.
chanson,/., song.
chant, /«., singing, song.
chanter, to sing, chirp, crow.
chanvre, w., hemp.
chapeau, m.^ bat.
chapelle,/., chapel.
chapitre, /«., chapter.
chaque, each, every.
char, m.y wagon, cart, chariot,
car; — de triomphe, trium-
phal car; — à bancs, wag-
onette.
charbon, f«., coal; — de terre,
coal.
charbonnier, w., coalman.
charge,/., load, burden; être â
— à quelqu'un, to be a bur-
den upon any one.
chargement, w., loading, load.
charger, to load, charge, in-
trust.
charger (se), to take charge.
chariot, «?., hand-cart, wagon,
cart.
Charles, m.y Charles.
charmant -e, charming, delight-
ful.
charpentier, m. y carpenter.
charrette,/., wagon.
charretier, w., wagoner.
charron, w., wheelwright, wag-
on-maker.
charrue,/., plow.
chasser, to drive away, chase.
chasseur, w., hunter.
châtaigne,/., chestnut.
château, m.y castle.
chaud -e, hot, warm.
chaudière,/., boiler, kettle.
chaudronnerie,/., coppersmith's
trade.
chaudronnier, w., coppersmith.
chauffer, to beat.
chaume, m.^ thatch.
chaumière, /., thatch-covered
cabin, cottage.
chef, fn,y chief.
chef-d'œuvre, w., master-piece.
chef-lieu, w., the main city of a
French department.
chemin, /w., way, road; — de
traverse, cross-road; tout le
long du — , on the way; —
de fer, railroad, steam car;
— faisant, on the way.
cheminée, /., chimney, fire-
place, smoke-stack.
chemise,/, shirt, night-gown.
chenet, m.^ andiron.
ch-er -ère, dear, expensive,
chercher, to seek, get, look for,
try \ aller — , to go for.
cheval, w., horse.
chevalier, /»., knight.
chevet, /w., bedside.
cheveu, w., hair.
chèvre,/, female goat.
chez, to, at the house, of, in;
— lui, to his house ; — nous,
in our house.
chien, /«., dog.
chimie,/, chemistry.
Chine,/, China.
chirurgie,/, surgery.
chirurgien, m.^ surgeon.
choisir, to sélect, choose.
chose, /., thing; quelque — ,
something; autre — , any-
thing else; grand' — , very
much, a great deal.
chou, m. y cabbage.
chute,/, fall.
ci, hère.
cid, w., cid, chief-commander.
cidre, m.^ cider.
ciel, w., sky, heaven.
cieux, plur. of ciel.
cime,/., summit, top.
cimetière, w., cemetery.
cinq, five.
cinquante, fifty.
cinquième, fifth.
VOCABULARY
I7S
circonstance,/., circumstance.
ciré-e, waxed; toile — , oil-
cloth.
cirque, m.^ circle, circus, amphi-
theater.
ciseaux, m, plur.y scissors.
citadelle,/., citadel.
cité,/, city.
citer, to quote, cite, name.
citoyen -ne, citizen,
citronnier, m.^ lemon-tree.
clair, m. y light.
clair -e, clear.
claquer, to crack; fit — ,
cracked (of whips) ; chatter (of
teeth).
clarinette,/., clarinet
clarté,/., light, glimmer.
classe,/., class, school.
classer, to classify, class.
clef,/., key.
client -e, customer.
clientèle,/., custom, clientèle.
climat, m.y climate.
clin, »!., wink; en un — d'œil,
in the twinkling of an eye.
cloche,/, bell.
clocher, m.y steeple,
clochette,/., bell, little bell.
cloison,/., partition.
clos -e, closed, shut.
coalise-e, allied.
cœur, m,y heart, mind; d'un si
grand — , so heartily.
coin, m.y corner.
col, m.y neck (of mountains).
collège, m.y school, collège.
collégien, m.y schoolboy.
colline,/., hill.
colonel, m.y colonel,
colonie,/., colony.
colonnade,/., colonnade,
colonne,/, pillar, column.
colorié -e, colored.
colossal -«, colossal.
colza, m.y colza.
combat, m.y combat, battle,
fight.
combattant, m.y fighter.
combattre, to fight, combat.
combien, how much, how many,
how.
comble, m.y frame of a roof,
commandement, m.y command,
commandment.
commander, to command, order.
comme, as, like, how, as well
as.
commencement, m.y beginning.
commencer, to begin, com-
mence,
comment, how, what.
commerçant -«, commercial,
commerce, m.y commerce, trade;
navire de — , merchantman.
commission, /., errand; faire
des — s, to go on errands.
communal -e, communal.
commune, /., community, vil-
lage,
communiquer, to communicate,
be connected.
compagnie,/, company.
compagnon, m^ companion,
comrade,
comparer, to compare,
comparer (se), to be compared.
compatir, to sympathize with.
compatissant -e,compassionate.
compl-et -ète, complète.
complètement, completely.
compléter, to complète, make
up.
compliqué -e, intricate, compli
cated.
composer, to compose.
composer (se), to be composed.
comprendre, to understand, in-
clude ; y compris, included.
compresse,/, compress.
compte, m.y account ; se rendre
— , to realize, understand.
compter, to count, rely, count
up, expect.
comté, m.y county.
concevoir, to conceive.
176
VOCABULARY
concitoyen -ne, fellow-citizen.
concorde,/., concord.
condamnation, /., condemna-
tion.
condamner (se), to condemn
oneself.
condition,/., condition.
conducteur, m., driver.
conduire, to lead, conduct, take,
tend.
conduite,/., conduct, behavior.
confectionner, to make.
confiance,/., confidence, trust.
confier, to intrust, confide, give
in charge.
confit -e, preserved, candied.
confondre, to compound, con-
fuse, mix up.
confondre (se), to be blended.
connaissance,/., acquaintance;
faire — , to make the ac-
quaintance.
connaître, to know, be ac-
quainted. [other.
connaître (se), to know one an-
consacrer, to dévote.
consciencieu-x -se, conscien-
tious.
conscrit, /»., recruit, conscript.
conseil, m.y council, counsel, ad-
vice.
conseiller, to counsel.
consentir, to consent.
conserver, to préserve, keep.
considérable, considérable, im-
portant.
considérer, to consider, watch.
consternation,/, consternation.
consterner, to dismay.
constituer (se), to give oneself
into custody.
constitution,/., constitution.
constructeur, ///., builder.
construction,/., construction.
construire, to build, construct.
consulter, to consult.
contempler, to look at, gaze
upon.
contenir, to contain, hold.
content -e, glad, satisfied, con-
tented.
contenter, to satisfy.
contenter (se), to be satisfied
with, content oneself with.
continuellement, continually.
continuer, to continue, go on.
contour, m.^ outline, contour,
contourner, to go around, turn
around.
contraire, contrary; au — , on
the contrary.
contre, against.
contre-coup, m., repercussion,
conséquence, rebound.
contredire (se), to contradict
oneself.
contrée,/., country, part of the
country.
contribuer, to contribute.
contribution, /., tax, contribu-
tion,
contusion,/., bruise.
contusionné -e, bruised.
convalescence,/., convalescence,
convalescent -e, convalescent,
convenir, to agrée,
convaincre, to convince.
convoi, m.y convoy.
copeau, m.y chip.
coq, m. y rooster, cock.
coque,/., shell (of nuts).
cordage, m, y cordage, rope.
corde,/, rope; la — au cou, a
rope around their neck.
cordial -e, cordial,
corne,/., horn.
corps, m. y body; — législatif,
the House of Deputies.
corridor, m.y hall, corridor.
corrompre, to corrupt, bribe.
Corse,/., Cor^ica.
côte,/., hill, seacoast.
côté, m.y side; de son — , he,
she also, on his side; d'un
— , on one side ; à — de, by
the side of.
VOCABULARY
177
coteau, m.^ hill.
coton, m.^ cotton.
cou, m., neck.
couchant, setting.
couché -e, lying down.
coucher, m.y bed.
coucher, to sleep, lodge, stop
over night, put to bed.
coucher (se), to set, retire, go to
bed.
coudre, to sew; machine à —,
sewing-machine.
coulée,/., flowing, flow.
couler, to flow, run, go down.
couleur,/., paint, pigment, color.
coup, ;//., knock, blow ; tout à — ,
d'un — , suddenlv; d'un seul
— , ail at once ; a — sûr, cer-
tainly; — de tonnerre, clap
of thunder.
coupable, guilty.
couper, to eut.
coupe-tête, tn.^ executioner.
cour,/., court-yard.
courage, w., courage, energy;
rassembler tout son — , to sum-
mon ail one's courage.
courageusement, courageously,
industriously.
courageu-x -se, courageous,
brave, industrious.
courant, »?., current; mettre
quelqu'un au — , to make some
one conversant, acquainted.
courir, to run, hasten, go
through.
couronne,/., crown, wreath.
couronner, to crown.
courroie,/., leather strap.
cours, m.y stream, course, lec-
ture.
course,/., course, march; faire
des — s, to go on errands.
court -e, short.
cousin -e, cousin.
couteau, w., knife.
coutellerie,/., cutlery.
coûter^ to çost.
coutume,/., custom; que de —,
than usual.
couvert, /»., shelter; se mettre
à — , to get under shelter.
couverture,/., blanket.
couvrir, to cover.
couyrir (se), to be covered.
craihdre, to fear.
crainte,/., fear; de — que, for
fear that.
craquement, m.^ cracking noise,
créanci-er -ère, creditor.
crèche,/., manger,
créneau, ;//., battlement.
crépitement, w., crackling (of
fire).
crépuscule, w., twilight.
creuser, to dig. *
cri, m. y cry.
crier, to cry ou t.
crinière,/., mane.
cristallerie,/., cut-glass works.
crochet, w., hook.
croire, to believe, think.
croisade,/., crusade.
croître, to increase.
croix,/., cross,
croûte,/., crust.
cruche,/, jug.
cruellement, cruelly.
cueillir, to gather, pick.
cuir, w., leather.
cuirasse,/, cuirass, breastplate.
cuire, to cook.
cuisine,/., kitchen.
culte, m. y worship.
cultivateur, m. y f armer,
cultiver, to cultivate.
culture,/., cultivation.
curieu-z -se, curious.
daguerréotype, m.y daguerréo-
type,
dame,/, lady.
danger, w., danger.
^78
VOCABULARY
dangereu-x -se, dangerous.
dans, in, within.
de, of, from, with, to, in, for,
on.
débarquer, to unship, land.
debout, standing, up; se tenir
— , to stand up.
débrouiller, to arrange, settle
décharger, to unload.
déception, /., disappointment,
déception.
décider, to persuade, décide.
décider (se), to make one's mind
up, décide.
décision, /., détermination, dé-
cision,
déclarer, to déclare.
découpé*-e, eut out, indented.
découragé -e, discouraged.
découragement, m., discourage-
ment.
décourager (se), to be dis-
couraged.
découverte,/., discovery.
découvrir, to discover, see, look
over.
décrocher, to take down.
dedans, w., inside; en — , from
inside.
dedans, in, within.
dédommager, to compensate,
make up.
défaut, w., fault, defect.
défendre, to défend.
défendre (se), to keep oneself
from, défend oneself.
défense,/., defence, protection,
déferler, to break into foam.
défilé, /w., défile, long narrow
pass. [penses.
défrayer (se), to pay the ex-
dégourdir (se), to remove the
numbness from.
dehors, outside.
déjà, already.
déjeuner, to breakfast.
delà, beyond ; au — , beyond,
furtber on.
délabré -c, dilapidated.
délicat -e, délicate.
délicatement, delicately.
délire, m.y deliriousness ; avoir
le — , to be délirions.
délivrer, to relie ve, deliver, free.
demain, to-morrow.
demande,/., request.
demander, to ask, beg, inquire
for.
demander (se), to wonder, ask
oneself.
demeure, /., dwelling-house,
house.
demeurer, to remain, live.
demi -e, half.
démolir, to demolish.
denier, w., the i3th of a farth-
ing.
denrée, /., merchandise, pro-
visions.
dent,/, tooth; claquer des — s,
to chatter with one's teeth;
grincer des — s, to grind
one*s teeth.
dentelle,/, lace.
départ, w., departure, leaving.
département, m., department (a
division of France).
dépasser, to overtop, surpass,
exceed.
dépense, /, expense, expendi-
ture.
dépenser, to spend.
déployer, to display, unfold.
déployer (se), to be displayed,
extend, unroll.
déposer, to remain, deposit, put.
depuis, since, from, for.
député, w., deputy.
députer, to send, députe,
dérailler, to jump the track, de-
rail,
déranger, to disturb, trouble,
derni-er -ère, last, latter.
derrière, behind, after; par — ,
from behind.
dès, from, since, as soon as, on.
VOCABULARY
179
des, of the.
désappointé -e, disappointed.
désastre, m., disaster.
descendre, to descend, corne
down, go down, put up, stop,
alight (from a carriage).
descente,/., declivity, descent.
description,/., description,
désert, m.y désert,
désert -e, deserted.
désespéré -e, desperate.
déshabiller, to undress.
désigner, to appoint, designate.
désir, m., wish, désire.
désirer, to désire, wish for; ne
rien laisser à — , to be entire-
ly satisfactory.
désolé -e, disconsolate.
désoler (se), to be disconsolate,
grieve.
désordre, »*., confusion, dis-
order.
désormais, henceforth.
dès que, as soon as.
desséche -e, dried up.
dessert, w., dessert.
dessin, m., drawing, design,
figure, pattern.
dessinateur, m.y draftsman.
dessiner, to draw, design, out-
line.
dessus, on, over, above.
détacher, to loosen, detach.
détail, m.y détail, particular.
détour,/, évasion, subterfuge,
curve.
détruire, to destroy.
deuil, m.y sorrow, grief, mourn-
ing.
deux, two ; tous les — , both of
you, of them.
devant, before, in front of,
straight ahead; par — , in
front,
devant, m.y front,
devanture, /., front, show win-
do^. [ment.
développement, w., develop-
développer, to unwrap, open.
développer (se), to ex tend.
devenir, to become.
dévider, to wind (into skeins).
deviner, to guess, divine, dis-
cover.
devoir, must, ought, to owe, to
be to.
devoir, m.y duty.
dévouement, m.y sacrifice, dé-
votion, self-sacrifice.
diamant, m.y diamond.
Dieu, m.y God; mon — ,heavens,
gracions; — merci, thank
God.
différent -e, différent,
difficile, difficult, hard.
difficulté,,/; difficulty.
digne, worthy.
digue,/., sea-wall, dike.
diligenter (se), to make haste,
hurry up.
diminuer, to diminish.
dîner, m.y dinner.
dîner, to dine.
dire, to say, tell, call; c'est à
— , that is to say ; vouloir — ,
to mean.
dire (se), to say to oneself, be
said, say.
direction,/, direction,
diriger, to lead, direct.
diriger (se), to direct oneself,
go-
discuter, to discuss.
disparaître, to disappear.
dispos, active, well.
disposer, to dispose,
disputer (se), to quarrel.
dissiper, to scatter.
distance,/, distance,
distillerie,/, distillery.
distinct -e, distinct.
distinctement, distinctly.
distinguer, to distinguish.
distraire, to amuse, divert.
divers -e, différent, diverse,
diviser, to divide,
i8o
VOCABULARY
diviser (se), to be divided, di-
vide oneself.
division,/., division.
dix, ten.
dix-sept, seventeen.
dix-septième, seventeenth.
dizaine,/., about ten.
doigt, »/., finger.
domaine, m.^ estate, domain,
province,
dôme, m,y dôme.
domestique, w./, servant, do-
mestic.
dominer, to overlook, rise
above.
dommage, m., damage; quel
— ! what a pity !
donc, then, now, therefore.
donner, to give.
donner (se), to give oneself.
dont, of which, whose, of whom,
with which.
doré -e, gilded.
dormir, to sleep.
dos, m.y back.
dot,/., dowry.
double, w., double. [ly.
doucement, gently, softly, slow-
douceur, /., sweetness, gentle-
ness, mildness.
douleur,/., pain,
doute, w., doubt; sans — , with-
out doubt.
douter (se), to suspect.
dou-x -ce, sweet, soft, gentle,
mild.
douze, twelve.
drap, m. y cloth, broadcloth.
drapeau, m,y flag.
draperie,/., hangings, drapery.
dresser, to raise, draw (of pa-
pers).
dresser (se), to rise.
droit, m.y right, law; école de
— , law school.
droit, straight, directly.
droite, /., right ; à —, to the
right.
droiture, /., honesty, upright-
ness.
du, of the, from the.
dû, due, due.
dune,/., down (of sand).
Dunkerque, m.y Dunkirk.
dur -e, hard.
durant, during.
durée,/., duration.
durer, to last.
£
eau,/., water, rain; jet d' — ,
fountain.
eau-de-vie,/., brandy,
éblouissant -e, dazzling.
écart (à 1'), aside, apart.
échafaud, m., scaffold.
échafaudage, m.y scaffolding.
échange, m.y exchange,
échantillon, m., sample.
échapper (s')» to escape, corne
out.
échelle,/, ladder.
écho, w., écho.
éclair, m.y lightning.
éclairage, m.y lighting, illumina-
tion; gaz d' — , illuminating
gas.
éclaircir (s*), to clear up.
éclairer, to light, light up.
éclat, m.y brightness, glitter,
brilliancy, glory.
éclater, to break out.
école,/., school.
économe, thrifty, economical,
saving.
économie, /, economy; — s,
savings.
économiser, to s^ve, spare.
écosser, to shell (of peas or
beans).
écouler (s'), to pass.
écouter, to listen, hear, lis ten to.
écraser, to crush.
écrier (s*), to exclaim, cry out.
VOCABULARY
l8l
écrire, to write.
écueil, m.j reef.
écuelle,/., porringer, bowl.
écunuuit -e, foaming.
écume,/., foam.
écurie,/., stable (for horses).
écuyer, m., squire, esquire.
effaroucher, to scare away.
effet (en), in reality, in fact.
effondrer (s»), to tumble down,
fall in.
effort, iw., effort,
effrayant -e, frightful.
effrayer, to frighten.
effroi, /7i., fright.
effusion,/., effusion.
égal -e, equal.
également, equally.
égarer (s*), to lose one's way.
église,/., church.
Egypte,/., Egypt.
ehl ahl welll — bien, very
well, well.
élan, impulsiveness, enthusiasm.
élancer (s'), to start, rush, run
forth, lift oneself.
élément, m., élément.
élémentaire, elementary, prima-
éléphant, m., éléphant.
élevé -e, high, lofty.
élever, to raise, bring up, erect.
élever (s'), to rise, arise, be
erected.
elle, she, her.
elle-même, herself, itself.
éloigné -e, distant,
éloigner (s'), to go away, get
far.
éloquemment, éloquent! y.
éloquence,/., éloquence,
élu -e, elected.
émaillé -e, enamelled.
embarcation,/., boat, craft.
embarquer, to put on ship-
board, embark, sbip.
embarquer (s*), to embark, ship,
sail.
embarras, m., trouble, difficul-
emoarrasser, to embarrass, hin-
der.
embouchure, /., mouth (of ri-
vers).
embraser, to set on fire, kindle.
embrasser, to kiss, embrace.
embrasser (s'), to kiss, embrace
one another.
embûche, /., snare.
émerveillé -e, amazed.
émerveiller, to astonish, amaze.
émerveiller (s')y to be aston-
ish ed, marvel.
émeut, see émouvoir,
émigrer, to emigrate.
emmener, to take away, lead
away, take.
émotion,/, émotion.
émouvoir, to move.
empêcher, to prevent, preclude.
empêcher (s*), to help, prevent,
refrain.
empiler, to pile up.
emplir, to fill.
employer, to employ, give em-
ployment, use.
emporter, to carry away, take
away, carry.
empourprer, to purple, light up,
color in purple.
empressement, m., eagerness,
kind attention.
empresser (s'), to hasten.
emprisonner, to imprison,
emprunter, to borrow.
ému -e, moved.
en, of them, of it, for it.
en, in, within, as, into.
enchaîner, to bind in chains,
chain up.
enchanter, to delight.
enclavé -e, enclosed.
enclume,/, an vil.
encore, still, yet, again.
encourager (s'), to encourage
one another.
l82
VOCABULARY
endommager, to damage,
endormiras'), to go to sleep.
endroit, m. y place,
endurer, to endure, bear.
énergie,/., energy.
énergique, energetic.
énergiquement, energetically.
enfance,/., childhood.
enfant, m.^ child.
enfermer, to shut in, coop up.
enfin, finally, at last.
enflammer, to excite,
enfler, to swell.
enflure,/, swelling.
enfoncer, to push in, drive in,
bury.
enfoncer (s'), to sink.
enfuir (s*), to flee, run away.
engagement, m.^ promise; — s,
liabilities.
engager, to iuduce, engage,
englouti -e, lost, swallowed up.
engloutir, to swallow up, engulf .
engouffrer (s'), to rush.
engourdir, to benumb.
enlever, to remove, take away,
carry away.
ennemi -e, enemy.
ennuyer, to weary, annoy,
bother.
énorme, enormous.
enquérir (s'), to inquire.
enrouler, to roll up.
enseignement, m. y teaching.
enseigner, to teach.
ensemble, together.
ensemencer, to sow.
ensoleillé -e, sunny.
ensuite, afterwards, then, be-
sides.
entamer, to begin to spend, eut.
entasser, to crowd, pile up.
entendre, to hear, understand*
enthousiasme, m.y enthusiasm. \
enti-er -ère, whole, entire.
entièrement, entirely, wholly.
entorse,/, sprain.
entourer, to surround.
entr'aider (s'), to help one an-
other.
entrain, m., heartiness, spirit.
entraîner, to carry away, draw,
lead away.
entre, between, in, among.
entre-choquer (s»), to dash
against one another.
entre-croiser, to cross, . cross
one another.
entre-croiser (s*), to cross one
another.
entrée, /., entrance, mouth (of
harbors).
entrefaites, ///«r., sur ces — ,
in the meanwhile.
entreprendre, to undertake.
entrer, to enter, come in.
entr'ouvrir, partly to open.
envahir, to invade, take hold
of.
envelopper, to wrap, envelop,
surround, wrap up, take in.
envie,/, désire, wish.
environ, about.
environnant -e, surrounding.
environner, to surround, en-
velop.
environs, m, plur.y environs, vi-
cinity ; aux — , in the vicinity.
envoyé, w., envoy.
envoyer, to send, drive, wrap,
fold up.
épais -se, thick, dense,
épaissir, to grow thick, thicken.
épanouir, to brighten up.
épanouir (s'), to light up.
épaule,/, shoulder.
épée,/, sword.
époque,/, time, epoch.
épouvantable, frightful.
épouvante,/, fright.
épouvante, to frighten.
épou-x -se, husband, wife.
s épreuve,/, ordeal, test,
éprouver, to feel, expérience,
meet with.
épuiser, to exhaust.
VOCABULARY
183
équipage, crew (of boats).
ériger, to raise, promote.
k erreur,/., error, mistake.
escalier, m., stairway.
escarpé -e, steep, cragged.
escorter, to escort.
^ espace, m.f room, space.
Espagnol -e, Spaniard, Spanish.
' espèce,/., kind, species, sort,
espérance,/., hope.
espérer, to hope.
' espoir, m., hope.
esprit, m.y spirit, mind.
essayer, to try.
essoufflé, -e, breathless.
^ est, m,y Éast.
estime,/., esteem.
estimer, to esteem, regard, es-
timate, value,
et, and.
> étable,/, stable,
établir, to establish.
établir (s'), to settle, establish
oneself, to place oneself, sit
down. [ment.
établissement, m., establish-
étage, m.y floor, story; premier
— , second floor.
étalage, >{., display, show win-
dow, goods.
étaler, to display, expose for
sale.
étaler (s*), to be spread out, be
displayed.
étang, m.y pond, pool,
étape,/, stopping-place, stop,
état, m.y condition, state, coun-
try.
état-major, m.y staff.
été, m.y summer.
éteindre, to put out (of fire),
-extinguish.
éteindre (s'), to be extinguished,
go out.
étendre, to spread, spread out,
stretch out.
étendre (s'), to extend, be spread
out.
étendu -e, stretched, lying.
étendue,/, area, expanse,
éternel -le, everlasting, eternal.
Etienne, m.y Stephen.
étincelant -e, sparkling.
étinceler, to glitter, sparkle.
étincelle,/, spark.
étoffe,/, cloth, stuff.
étoile,/, star.
étonnement, m.y astonishmeut.
étonner, to astonish.
étouffer, to stifle.
étrange, strange, unusual.
étrang-er -ère, stranger, f oreign.
étrangler, to strangle.
être, to be. [embrace.
étreinte, /, pressing, clasping,
étroit -e, narrow.
étroitement, closely.
étude, /., study ; faire ses — s,
to study.
étudier, to study.
étui, m.y case,
eu, see avoir.
Europe,/, Europe,
eux, them, they, themselves.
eux-mêmes, themselves.
évanouir (s'), to swoon, faint
away.
évaporer, to evaporate.
évaporer (s*), to evaporate.
éveUler, to awake, wake up.
éveiller (s*), to awake.
événement, m.y event.
évêque, m.y bishop.
éviter, to avoid.
examen, m.y examination.
examiner, to examine.
exaucer, to hearken to, hear
favorably.
excellent -e, excellent,
exciter, to excite, cause, urge.
exclamation,/, exclamation,
excuser, to excuse.
excuser (s'), to excuse oneself,
apologize.
exécuter, to exécute, enforce,
carry out.
i84
VOCABULARY
exécuti-f -ve, executive.
exemple, w., example; par — ,
for example.
exhaler, to exhale,
exiger, to exact, demand.
exister, to exist, 11 ve.
expansi-f -ve, open-hearted, ex-
pansive.
expédier, to send off, dispatch.
expédition,/., expédition,
expirer, to expire,
explication, /., explanation.
expliquer, to explain.
exploiter, to work.
exposer, to describe, expose,
exposer (s*), to expose oneself. -
expressi-f -ve, expressive,
exprimer, to express,
exterminer, to exterminate, an-
nihilate.
extrême, extrême,
extrémité,/., end, extremity.
F
fable,/., fable.
fabricant, m.^ manufacturer.
fabrique,/., factory, mill.
fabriquer, to make, manufac-
ture.
fabriquer (se), to be made.
fabuliste, m.^ fabulist.
face, /., face ; en — , opposite,
in the présence.
facile, easy.
facilement, easily.
façon, /., way, manner ; de — ,
so that.
façonner, to make up, work,
shape.
faible, weak, feeble.
faiblesse,/., weakness.
faïence,/, crockery, china.
faille, see falloir.
faim, /, hunger; avoir — , to
be hungry; mourir de — , to
starve.
faire, to do, make, say.
faire (se), to make oneself, be-
come, grow, be made.
falloir, to be necessary, must,
take, need. [mously.
fameusement, very hard, fa-
fameu-x -se, famous.
famille,/, family.
famine,/, famine,
fanfare, /, f lourish of trumpets.
farine,/, flour. r
fasse, see faire,
fatigant -e, tiresome.
fatigue,/, fatigue, weariness.
fatigué -e, tired.
fatiguer (se), to become tired.
faubourg, w., suburb.
faveur,/, favor.
favorable, favorable,
favori -te, favorite,
fécond -e, productive,
féliciter, to congratulate.
femme,/, wife, woman.
fendu -e, split, cleft.
fenêtre,/, window.
fer, m., iron; chemin de — ,
railroad, steam car.
ferme, firm, steady.
ferme,/, farm-house, farm.
fermer, to close, shut.
fermer (se), to be closed, close
oneself.
fermeté,/, firmness, energy.
fermi-er, -ère, farmer, farmer's
wife.
féroce, fierce, ferocious.
ferrure,/, iron-work.
fertile, fertile,
fertiliser, to fertilize.
fertilité,/, fertility.
fête, /, festival, merry-making,
holiday, amusement, festivity.
feu, m, y fire; pompe à — , fiie
engine.
feuillage, w., foliage.
feuille,/, leaf.
feuilleter, to tum the pages
over, peruse.
VOCABULARY
185
fidèle, faithful.
f i-er -ère, proud.
y fièrement, proudly.
fièvre,/., fever.
figure,/., face, drawing.
figurer (se), to imagine.
^ fil, m., thread.
^ filature,/., spinning-mill, weav-
ing-mill.
filer, to spin.
fille,/., girl, daughter.
^ fillette,/., little girl.
fils, m,f son.
fin,/., end.
fin -e, fine.
finances, /. //«r., finance, fi-
nances.
finir, to end, finish.
fixer, to fix, settle.
flamme,/., flame.
> flanc, »/., flank, side.
flèche,/., arrow.
fleur,/., flower.
fleuve, m,f river.
. flot, m,, wave, billow.
flotter, to f]oat down, wave,
float.
flûte,/, flûte.
foi,/, faith; par ma —, upon
my faith.
foin, m. y hay.
foire,/., fair.
fois, /., time; une — , once;
toutes les — , every time; à
la. — , at the same time, both ;
deux —, twice.
foncé -e, deep, dark.
fond, m.f bottom.
fonder, to found.
fonderie,/., foundry.
fondre, to cast, melt.
fonds, m.f funds, money.
fontaine,/, spring, fountain.
fonte,/, cast iron ; — en fusion,
melted iron.
^ force, /, strength, force; de
toutes ses — s, with ail his
might.
forcer, to compel, oblige.
forestier, w., forester.
forêt,/, forest.
^orge,/, forge.
forger, to forge.
forgeron, /;/., blacksmith.
formalité,/., formality, form.
forme,/, form, shape.
former, to form.
former (se), to be formed, be
trained, be educated.
formidable, formidable.
fort, m., fort.
fort, very, very much.
fort -c, strong, hard, heavy.
forteresse, /., f ortress.
fortifier, to fortify.
fortune,/, fortune.
fossé, m.y ditch.
fou, toi -le, insane, crazy.
fouet, m.y whip; coup de — ,
lash of the whip.
fouetter, to whip, beat, lash.
foule,/., crowd.
fouler, to trample on, down.
fouloir, m.y press.
four, m.y oven.
fournaise,/, furnace.
fourneau, m.y blast-furnace.
fournir, to furnish, provide,
fourrage, m.y fodder, forage.
fourreau, m.y case.
foyer, m.y hearth, fire-place,
home,
fraîcheur,/, coolness.
frais, m. plur.y expenses.
franc, m.y franc (about 20 cents),
français -e, French.
France,/, France,
franchir, to cross, go through,
travel.
frapper, to knock, rap, clap (of
hands), strike, hit, tap ; — de,
to levy (of taxes).
frapper (se), to strike oneself.
fréquenter, to fréquent,
frère, m.y brother, friar.
frêle, frail.
i86
VOCABULARY
frissonner, to shiver.
frit -e, f ried.
froid, w., cold.
froid -e, cold.
fromage, m.^ cheese.
fromagerie, /., cheese-dairy.
front, w., forehead, face.
frontière, /., frontier, bound-
ary.
frotter (se), to rub.
fructifier, to fructify.
frugal -c, frugal,
fruit, »!., fruit, resuit.
fruitier, w., cheese-maker.
fruiti-er -ère, fruit, fruit-bear-
ing ; arbre — , f ruit-tree.
fuir, to flee.
fuite, /., flight ; prendre la —,
to flee ; en — , flying.
fumée,/., smoke.
fumer, to steam, smoke.
funeste, fatal,
f urieu-x -se, furious.
fusil, m. y rifle, shotgun.
fusion,/., melting; fonte en —,
melted iron.
futur -c, future.
gagner, to reach, gain, win,
eam.
gai -e, cheerful, gay.
gaîment, cheerfully, gayly.
gaîté,/., gaiety, cheerfulness.
galerie,/., gallery, creep-hole.
galop, w., gallop.
galoper, to gallop, run.
gant, w., glove.
garance, /., madder-root.
garantir, to protect, shelter.
garde, /, guard, watch ; faire
bonne — , to keep good watch.
garde, m.^ guard.
garder, to keep, main tain, pré-
serve.
gare, /., railroad station.
garnir, to provide, garnish.
Gascogne,/., Gascony.
gauche, /., left; à —, to the
left.
garçon, m., boy.
Gaule,/., Gaul.
Gaulois -e, Gaul.
gaz, m., gas; bec de — , gas
burner, gas lamp ; — d'éclai-
rage, illuminating-gas.
gazon, m,^ grass, turf.
geler, to f reeze.
gêné -e, uncomfortable.
général, m., gênerai.
général -e, gênerai.
généralement, generally, usual-
généreusement, geneirously.
Genève,/., Geneva.
génie, m. y genius.
genou, w., knee; à — x, on one's
knees.
genre, m,^ kind, sort,
gens, m. /. plur,, people;
jeunes — , young men.
gentil -le, pretty, graceful,
gentle.
gentiment, gracefuUy.
géométrie,/, geometry.
Gertrude,/, Gertrude.
geste, m.^ gesture.
gesticuler, to gesticulate.
gibier, ///., game.
gilet, tn.y vest.
girafe,/, giraffe.
givre, w., hoar-frost.
glace,/, ice.
glacial -e, cold, glacial,
glacier, m, y glacier,
glisser, to glide, slip,
gloire,/, glory.
golfe, m,, gulf, bay.
gothique, gotbic.
gouffre, m. y Whirlpool, gulf.
goulot, w., neck (of bottles).
goût, m. y taste, inclination, lik-
ing.
goûter, to taste.
VOCABULARY
187
goutte,/., drop.
gouvernail, »/., rudder, helm.
gouvernement, m,, government.
gouverneur, w., govemor.
grâce, /., mercy, pardon, grace-
f ulness ; — à, thanks to ; faire
— , to pardon, hâve mercy.
grand -e, great, large, tall, elder,
wide.
grandir, to grow.
granit, /»., granité.
grappe,/., bunch.
gras -se, fat.
gratification,/, gratuity, boun-
ty.
grave, grave, senous.
gravement, gravely, seriously.
graver, to engrave, carve out.
gravir, to climb up.
grelot, m., small bell, sleigh-
bell.
grenier, m., attic, garret.
grille, /., grate, grating, wrought-
iron gâte,
grillé -e, grated.
grincer, to grind, gnash ; — des
dents, to grind one's teeth.
• gris -e, gray.
grondement, m., rumbling,
growling, roaring.
gronder, to rumble, roar.
gros -se, big, large, heavy.
grosseur,/, size. ,
grossir, to grow large,
grotte,/, grotto.
groupe, m., cluster, group.
Gruyère (fromage de), Swiss
cheese.
gué, m., ford.
guère, hardly.
guérir, to recover, get well, heal,
cure.
guérison,/., cure, recovery.
guerre,/, war.
guerrier, »i., warrior.
gueule,/., muzzle, mouth,
guide, m. y guide.
guider, to guide.
Guillaume, w., William,
guise, /, manner, way ; en
de, by way of.
* désignâtes aspirate h
habUe, able, clever.
habileté, /., skilfulness, abllity.
habiller, to dress.
habiller (s*), to dress, dress one-
self.
habit, m.y clothing, garment; — s
de travail, working-clothes.
habitant -e, inhabitant,
habitation,/., habitation, abode.
habiter, to inhabit, live.
habitude, /., habit, custom.
habitué -c, used, accustomed.
habituel -le, usual, ordinary.
*haie,/., hedge.
*haine,/., hâte, hatred.
*hair, to hâte,
haleine, /, breath ; tout d'une
— , ail in one breath.
'haletant -e, panting.
'hameau, m.y hamlet.
'hangar, m., shed.
'hardiment, boldly.
'hareng, w., herring.
'haricot, m.^ bean.
'hâte, /., haste ; à la — , hasti-
ly ; en toute — , very hastily ;
avoir — , to be in haste.
'hâter (se), to hasten, hurry.
'haut, w., top, summit.
'haut -e, high, lofty; tout — ,
aloud.
hélas 1 alas!
herbe,/, grass, herb.
héritage, w., inheritance.
hériter, to inherit.
hermétiquement, tight.
héroïne,/, heroine.
héroïque, heroic.
'héros, m., hero.
hésiter, to hesitate.
i88
VOCABULARY
'hêtre, w., beech-tree.
heure,/., hour; de bonne — ,
early, early in lif e ; à la bonne
— , well and good.
heureusement, fortunately, hap-
pily.
heureu-x -se, happy, fortunate.
'heurter, to knock, rap, strike
against, hit against.
hier, yesterday.
hippopotame, m,, hippopota-
mus.
histoire,/., story, history.
hiver, m,, winter.
hommage, m,, homage.
homme, m,^ man.
honnête, honest.
honnêtement, honestly.
honnêteté,/, honesty.
honneur, /»., honor.
'honte,/, shame.
hôpital, OT., hospital.
Horace, m., Horace, Horatius.
horizon, w., horizon.
horlogerie, /., clock-making,
watch-making.
horreur,/, horror.
'hors, out, out of.
hospitalité,/, hospitality.
hôte -sse, host.
hôtel, w., hôtel, mansion; —
de ville, City Hall ; — Dieu,
hospital.
hôtellerie, /, inn, hostelry.
hotte,/, basket (to carry things
on one's back).
'houblon, m.,, hops.
'houille,/, coal.
huile, /, vegetable oil, oil.
'huit, eight.
huître,/, oyster.
humanité, /, humanity, man-
kind.
humble, humble.
humide, moist, damp, humid.
humidité, /, dampness, humid-
ity.
ici, hère ; — même, in this very
place ; d' — là, f rom now to
that time.
idée,/, idea.
ignorant -e, ignorant,
il, he, it.
île,/, island.
illumination,/, illumination,
illuminer, to illuminate.
illustre, illustrions,
illustrer, to make illustrions, il-
lustrate.
illustrer (s*), to make oneself
illustrious.
ils, they.
image,/, picture.
imagerie,/, picture factory.
imaginer (s'), to imagine, fancy.
^^mbécile, imbécile, weak-minded.
imiter, to imitate.
immédiatement, immediately,
at once,
immense, immense,
immensité,/, immensity.
immobile, motionless.
immobilité,/, immobility.
impatience,/, impatience,
impatient -e, impatient.
impérissable, imperishable.
important -e, important.
importer, to be of moment;
n'importe, no matter.
imposer (s»), to impose upon
oneself.
impossible, impossible,
imprenable, impregnable.
imprévu -e, unforeseen, unex-
pected.
imprimer (s'), to be impressed.
imprimerie,/, printing.
incendie, w., fire.
incessant -e, incessant,
inconnu -e, unknown.
incrédule, incredulous.
inculte, uncultivated.
Inde,/, India.
VOCABULARY
189
indescriptible, undescribable.
indicible, unspeakable, inex-
pressible.
indifférent -e, indiffèrent.
indiquer, to indicate, designate,
show,
industrie, /., industry.
industriel -le, manufacturing.
industrieu-x -se, industrious.
ineffaçable, indelible.
inestimable, inestimable.
infect -e, close, infectious.
inflexible, inflexible.
influence,/., influence.
information, /., information ;
prendre des — s, to inquire.
informer (s*), to inquire.
infortuné -e, unfortunate, mis-
érable, unhappy.
ingénieur, m., engineer.
inhumer, to bury.
inique, iniquitous.
innocence,/., innocence.
innocent -e, innocent.
innombrable, innumerable.
inoccupé -e, idle. [éd.
inqui-et -ète, anxious, disquiet-
inquiéter, to make uneasy, dis-
turb.
inquiéter (s*), to be anxious.
inquiétude,/., anxiety.
inscription,/, inscription,
insensible, insensible.
inspirer, to inspire.
installer, to install, put.
installer (s*), to place oneself,
install oneself, settle.
instant, w., instant, moment;
par — s, at times.
institut, m. y institute.
instituteur, m.^ public-school
teacher. [cation,
instruction, /., instruction, edu-
instruire, to instruct, teach, give
instructions, educate.
instruire (s*), to be educated,
become educated ; learn.
instrument, m., instrument.
insu (à P), unknown to.
intégrité,/., integrity.
intelligence,/, intelligence.
intelligent -e, intelligent.
interdit -e, abashed, confused.
intéressant -e, interesting.
intéresser, to interest. [est in.
intéresser (s*), to take an inter-
intérêt, w., interest.
intérieur, w., inside, interior;
à 1* — , inside; ministre de
P — , secretary of state.
intérieurement, inwardly, in
one's mind, heart.
intermédiaire, w., médium ; par
V — , through the médium.
interminable, endless, intermi-
nable.
interroger, to question, ask, in-
terrogate.
interrompre, to interrupt.
interrompre (s»), to interrupt
oneself.
interruption,/, interruption.
intraitable, ungovernable, un-
tractable.
intrépidité,/, intrepidity.
introduire, to introduce.
inondation,/, inundation, flood.
invariable, invariable, un-
changeable.
invasion,/, invasion.
inventaire, w., inventory.
inventer, to invent.
invention,/, invention.
invisible, invisible.
ira, see aller. [mation.
irritation, /., irritation, inflam-
irriter, to irritate, anger.
isolé -e, lonely, isolated.
Italie,/, Italy.
ivresse,/, intoxication.
jadis, formerly.
jaguar, /»., jaguar.
190
VOCABULARY
jaillir, to gush out, spout out.
jalon, m.^ stake.
jamais, ever, never; ns . . . — ,
never.
jambe, /., leg; retrouver ses
— s, to be able to walk.
janvier, /«., January.
jardin, m,^ garden, public gar-
den, parle,
jardinier, w., gardener.
jaunir, to make yellow.
Jean, w., John.
Jérusalem,/., Jérusalem.
Jésus, tn.^ Jésus.
jet, w., jet; — d'eau, fountain.
jeter, to throw, cast, throw
down.
jeter (se), to throw oneself,
empty (of rivers).
jeu, m. y game, play.
jeune, young.
jeunesse,/, youth.
joie,/., joy; transporter de —,
to be transported with joy.
joindre, to join, add, clasp (of
hands).
joint -e, clasped.
joli -e, pretty.
joliment, well, prettily.
jonc, w., rééd.
jouer, to play.
joug, m, y yoke.
jouir, to enjoy.
jour, m., day, daylight; en plein
— , in broad daylight ; donner
le — , to give birth ; tous les
— s, every day.
journée, /., day; c'était une
belle — , it was a fine day.
joyeusement, joyously.
joyeu-x -se, cheerful, joyful.
juge, w., judge.
juger, to judge.
jui-f -ve, Jew.
Julien, ;//., Julian.
jument,/, mare.
jurer, to swear. [lawyer.
jurisconsulte, w., jurisconsult,
jusque, to, up to, until, even to ;
— dkns, as far as; jusqu'à,
as far as, as many as, even;
jusqu'en, even in; — là, so
far; jusqu'à ce que, until.
juste, just, exactly; équitable;
tout — , exactly.
justement, exactly.
justice,/, justice; palais de — ,
court-house.
K
kilogramme, /»., kilogram(about
two pounds).
kilomètre, w., about three-fifths
of a mile.
la, the, her, it.
là, there; — bas, over there;
par — , thereabout, in that
direction.
laborieusement, laboriously.
laborieu-x -se, industrious, la-
borious.
laboureur, /«., plowman, farm-
hand.
lac, m, y lake.
lâchement, cowardly.
là-dessous, hère under, there
under.
laid -e, ugly, homely.
lainage, w., woolen stuff.
laine,/, wool.
laisser, to leave, let, give, leave
alone.
laisser (se), to let oneself, allow
oneself.
lait, m,, milk.
laiterie,/, dairy-room.
lame, /., sheet (of iron), wave,
billow.
lampe,/, light, lamp.
lance,/, spear, lance.
lancer, to dart, shoot, throw.
lancer (se), to dart, spring.
VOCABULARY
191
langue,/., tongue, language.
languir, to pine, languish.
lanterne,/., lantern.
lard, m., bacon.
large, m,y breadth; au — , in
the open sea.
largement, widelv, broadly.
larme,/., tear; ému jusqu'aux
— s, moved to tears.
las -se, tired.
lasser (se), to tire, get tired.
laurier, m.y laurel.
lave,/., lava.
laver, to wash.
laver (se), to wash oneself.
le, the, him, it.
leçon,/., lesson.
lect-eur -rice, reader.
lecture, /., reading.
lég-er -ère, light, slight, weak.
légèrement, lightly, nimbly.
légion,/, légion,
législateur, «?., legislator, law-
maker.
législati-f -ve, législative ; Corps
— , the House of Deputies.
légume, m., vegetable.
légumineu-x -se, leguminous.
lendemain, /;/., the next day.
lent -e, slow,
lentement, slowly.
lequel, laquelle, lesquels, les-
quelles, whom, which.
les, the, them.
lestement, quickly.
lettre,/., letter.
leur, them, to them.
leur -s, their.
levant, rising.
lever, to raise.
lever (se), to rise.
lèvre,/., lip.
liasse,/, bundle, roU.
libérer (se), to be liberated,
freed.
liberté,/, freedom, liberty.
lieu, m,y place, village; au — de,
instead of j avoir — , to take
place; tenir — , to take the
place. [miles).
lieue, /., league (about three
ligne,/. Une.
lime,/, file.
limer, to file.
limite,/, limit, bound.
limon, m.y slime, ooze.
lin, m.y flax.
linge, m.f linen.
lion, m. y lion.
lire, to read.
lit, m, y bed; grand — , double
bed; se mettre au — , to go
to bed.
litre, m.y litre (about a quart).
livre,/, franc, pound.
livre, m. y book.
livrer, to deliver, betray, give up.
livrer (se), to deliver oneself up,
surrender, be fought (of bat-
tles).
livret, m,y little book.
locomotive,/, locomotive,
logement, m.^ lodging, apart-
raent.
loger, to lodge.
loi,/, law.
loin, far; tout au — , very far;
plus — , f urther ; de — , au — ,
in the distance, from afar; —
de, far from.
lointain, m,y distance; dans le
— , in the distance.
loisir, m.y leisure.
long, m., length ; tout le —, ail
along.
long -ue, long,
longer, to run along.
longtemps, long, a long time;
assez — , quite a while.
longuement, at length, long, a
long time.
longueur,/, length.
longue-vue, /, spy-glass, small
télescope,
orrain -e.
Lorraine.
192
VOCABULARY
Lorraine,/., lorraine,
lors, then.
lorsque, when.
louange,/., praise.
louer, to rent.
Louis, m.y Lewis,
loup, m.y wolf.
lourd -e, heavy.
lourdement, heavily.
loyalement, loyally, faithfully.
lucarne,/., garret-window.
lueur,/., light, glimmer.
lugubre, gloomy, moumful, lu-
gubrious.
lui, him, to him, of him, he, her,
to her ; chez — , to his house.
lui-même, himself.
lumière,/., light.
lumineu-x -se, luminous, bright.
lune, /., moon; clair de — ,
moonlight.
lunettes, /. plur.y spectacles.
Lutèce, /., the former name of
Paris,
lutte,/., struggle, fight.
lutter, to struggle, fight.
lycée, m.y collège, lyceum.
Lyon, m.y Lyons.
machine, /., machine, engine,
machinery ; — à vapeur,
steam engine.
madame,/., Madam, Mrs.
magasin, m.y store, powder
magazine.
magnifique, magnificent.
main,/., hand; battre des — s,
to clap one's hands.
maintenant, now.
maintenir, to maintain.
maintenir (se), to hold back,
hold out.
maire, m.y mayor.
mairie,/., city hall.
mais, but.
maison, /., house ; — de cam-
pagne, country-house, coun-
try-seat.
maître, m.y master.
majesté,/., majesty.
mal, badly.
mal, m.y harm, pain ; se donner
du — , to take pains ; n'avoir
pas de — , not to be hurt;
taire du — , to hurt.
malade, m.f.y patient, sick per-
son.
malade, ill, sick.
maladie,/., disease, malady.
mâle, manly.
malgré, in spite of .
malheur, m.y misfortune, catas-
trophe; par — , unfortunate-
malheureusement, unhappily,
unfortunately.
malheureu-x -se, unhappy, un-
fortunate.
malle,/., trunk.
malsain -e, unhealthy.
maman,/., mamma.
manger, to eat.
manier, to handle, work.
manquer, to be wanting, lack.
manœuvre, /., handling, work-
ing (of ships).
mansarde,/, garret.
manteau, m.y cloak, overcoat.
manufacture,/., manufactory.
manuscrit -e, manuscript.
marchand -e, merchant.
marchandise, /., merchandise,
goods.
marche,/, march, walk, march-
ing, travelling; se mettre en
— , to start out ; en — , in mo-
tion,
marché, m.y market, bargain,
market-place ; bon — , cheap,
cheaply, cheapness.
marcher, to walk, march, go,
ride, progress, sail.
maréchal, m.y marshal.
VOCABULARY
193
mari, m,, husband.
Marie,/., Marie, Mary.
marin, m.y sailor.
marine, /., navy; charpentier
de — , boat carpenter.
marinier, m.^ mariner.
maritime, maritime, naval.
marmite,/., kettle.
marquer, to write down, mark.
Marseille,/., Marseilles.
marteau, m., hammer.
marteau-pilon, m., trip-hammer.
masque, m.^ mask.
massacre, m.^ massacre.
massacrer, to massacre, slaugh-
ter.
masse,/, mass, block.
mât, m,y mast.
matelas, m., mattress.
matelot, m., sailor.
maternel -le, motherly.
mathémathiques,/.//»r., math-
ematics.
matin, /»., morning ; de bon — ,
de grand — , early in the morn-
ing; tous les — s, every morn-
ing.
matinal -e, early.
mauvais -e, bad, poor, rough
(of the sea).
maxime,/, maxim.
mécanique, /., machinery, me-
chanics.
médecin, m., physician.
médecine,/., medicine.
méditer, to think over, medi-
tate.
Méditerranée,/, Mediterranean.
méfier (se), to distrust.
meilleur -e, better; le — , the
best.
mêlée,/, battle, melee.
mêler, to mix, mingle.
mêler (se), to be mingled, mixed.
membre, /«., member.
même, same, very, even, self,
itself ; tout de — , 'jiist the
$ame, however,
mémoire,/, memory.
menace,/, threat.
menacer, to threaten.
ménagère,/, housewife, house-
keeper.
mener, to lead, conduct, take.
mépris, »?., contempt, scorn.
mer, /, sea; pleine — , open
sea ; bain de — , sea bath.
merci, thanks ; Dieu — , thanks
God.
mère,/, mother.
merveille, /., marvel; à — ,
wonderfully well.
merveilleusement, marvellous-
merveilleu-z -se, marvellous.
messag-er -ère, messenger, car-
rier; pigeon — , carrier-pig-
eon.
mesure,/, measure; à — que,
in proportion as.
mesurer, to measure.
métallique, metallic; treillis—,
wire netting.
métier, m,, trade, loom^usiness.
mètre, w., mètre (a little over a
yard).
métropolitain -e, metropolitan.
mets, m. y dish.
mettre, to put, put on (of cloth-
ihg), put in, take.
mettre (se), to begin, set to, put
oneself.
meuble, m,y pièce of furniture.
meurtri -e, bruised, contused.
Michel, w., Michael.
microscope, w., microscope.
midi, m., midday, noon, South.
miel, m.y honey.
mieux, better; de — en — , bet-
ter and better; de son — , to
his best.
milieu, m,^ middle; au beau — ,
in the very middle.
militaire, military.
mille, thousand. [lions.
milliard^ w., onç thousand mil-
194
VOCABULARY
millier, w., thousand.
million, m.^ million.
mince, slender, small.
mine, /., appearance, mien,
mine,
minerai, m., ore.
minéral -e, minerai,
mineur, m., miner.
ministre, w., minister.
minute,/., minute,
minutieu-x -se, minute.
miroiter, to shine, reflect the
light.
misère, /., misery, misfortune,
poverty.
mission,/., mission.
mistral, m., North-West wind.
Mme. = Madame,
mobilier, w., furniture, set of
^ furniture.
modèle, w., model.
modeste, modest, unassuming.
modestie,/, modesty.
modique, small, moderate.
moi, me, to me, I; chez — , at
my honse.
moi-même, m y self,
moins, less ; du — ,au — , at least ;
de — , too little.
mois, w., month.
moitié,/, half.
moment, w., moment, time;
au — même, at the very time,
moment,
mon, ma, mes, my.
monde, w., world, people; tout
le — , everybody.
monotone, monotonous.
Monseigneur, w., Mylord.
Monsieur, m., Mr., Sir.
mont, m.^ mount.
montagne,/, mountain.
montagneu-x -se, mountainous,
hilly.
montant -e, rising, ascending.
monter, to ascend, go up hill, go
up.
montre,/, watch,
montrer, to show, point out.
montrer (se), to show oneself,
appear.
montueu-x -se, hilly, moun-
tainous.
monument, m,, monument, build-
ing, édifice.
moquer (se), to laugh at.
morceau, »/., pièce, fragment.
moribond -e, dying person.
mort,/, death; à — , fatally.
mort -e, dead.
morue, /, cod.
mot, m., w^^^dr ~--^
motif, m., motive, reason.
mouchoir, m.^ handkerchief.
mouillé -e, wet.
mouiller, to wet.
moule, m., mold.
moulin, w., mill.
mourir, to die.
mouton, m.^ sheep.
mouvement, m.^ move, ma-
nœuvre, movement, motion,
activity, bustle; mettre en
— , to move, put in motion;
se mettre en — , to run.
moyen, w., means, possibility;
au — de, by means of.
mugir, to roar.
mulet, m.y mule.
multitude,/, multitude.
munir, to provide, provide
with.
munitions, / plur,^ ammuni-
tion.
mur, w., wall.
mûr -e, ripe.
muraille,/, wall.
mûrir, to ripen.
murmurer, to murmur.
museau, m.^ nose (of animais).
musée, m.^ muséum, art gal-
lery.
musique,/, music.
musulman -e, Mussulman.
mutilé -e, mutilated.
myrte, w., myrtle.
VOCABULARY
195
N
naissance,/., birth.
naître, to be born.
naïvement, naively, candidly.
naïveté, /., simplicity, artless-
ness.
Napoléon, Napoléon.
nappe,/., sheet (of water).
naquit, see naître,
natal -c, native,
nation,/., nation.
national -e, national,
nature, /., nature.
naturel -le, natural.
naufrage, m.^ shipwreck.
naufragé -e, sbipwrecked per-
son.
naval -e, naval,
navette,/., shuttle, rape-seed.
navigateur, m. y navigator.
navigation,/, navigation,
naviguer, to navigate, sail.
navire, ;«., ship, vessel; — de
commerce, merchantman ; —
à vapeur, steamship.
ne . . . pas, no, not ; — ... que,
only.
né -«, see naître,
néanmoins, nevertheless.
nécessaire, necessary.
nécessité,/, necessity.
négliger, to neglect.
nègre, /«., negro.
neige, /., snow.
nerveu-x -se, nervous.
net -te, neat, clean.
neuf, nine.
neu-f -ve, new ; tout — , brand-
new.
neveu, »«., nephew.
ni . . . ni, neither . . . nor.
noble, noble.
noblement, nobly.
nocturne, nocturnal, of the night.
noir -«, dark, black.
noirâtre, blackish.
noircir, to blacken.
noix,/, nut.
nom, m, y name.
nombre, /»., number.
nombreu-x -se, numerous.
nommer, to name, call, appoint,
make.
nommer (se), to be called.
non, no, not.
nord, m,, North.
nord-ouest, North-West.
normal -e, normal.
normand -e, of Normandy.
Normandie,/, Normandy.
notable, ^/., notable, leading
man.
notre, nos, our.
nôtre, le, la ; nôtres, les, ours.
Notre-Dame,/, Our Lady.
nourrir, to feed.
nourriture,/, board, food, feed.
nous, we, us, to us ; chez — , at
home, in our country.
nouveau, nouvel -le, new ; de — ,
anew, again ; du — , something
new.
nouvelle,/, news,
noyer, »»., walnut-tree.
nu -c, bare; pieds -s, bare-
footed.
nuage, ///., cloud.
nuageu-x -se, cloudy.
nuire, to harm, préjudice, hurt.
nuit, /., right.
nul -le, no, not any.
obéir, to obey.
objection,/, objection,
objet, m,y object, article,
obligeant -e, obliging.
obliger, to oblige, compel, de-
mand.
obscur -e, dark, obscure,
obscurcir (s*), to grow dark.
obscurité, /, darkness, obscu-
rity.
196
VOCABULARY
observat-eur -rice, observing.
observer, to observe, watch,
notice,
obtenir, to obtain, get.
occasion,/., chance, occasion,
occupation,/., work, occupation.
occupé -e, busy.
occuper, to give employment,
occupy.
occuper (s*), to mind, pay at-
tention.
océan, m,f océan.
Océanie,/., Oceania.
octobre, /»., October.
odeur,/., odor.
odieu-x -se, odious, hateful.
odorant -e, fragrant, odorifer-
ous.
œil, m.y eye; coup d' — , glance;
en un clin d'— , in the twin-
kling of an eye.
œillette,/., field-poppy.
œuf, OT., egg.
œuvre,/., work.
officier, m.y officer.
offre,/, offer.
offrir, to offer, présent,
offrir (s*), to offer oneself.
Ohl O! ho!
oignon, m.^ onion.
oiseau, w., bird.
olivier, m.y olive-tree.
ombrage,/., shade.
ombrager, to shade.
ombre,/., shade, shadow.
omelette,/., omlet.
omnibus, m.j omnibus,
on, one, people, they.
oncle, m.y uncle.
onduler, to wind, roll (of
ground).
onze, eleven.
onzième, eleventh.
opposer, to oppose, compare,
optique,/., optics.
or, m.y gold; d* — , golden.
orage, m.y storm ; d' — , stormy.
oranger, m.y orange-tree.
ordinaire, ordinary; d'— , usu-
ally ; comme d* — , as usually.
ordonner, to order, command.
ordre, m.y order, rank.
oreille, /., ear; prêter 1* — , to
listen carefuUy; boucles d»— ,
ear-rings.
organiser, to organize.
orgue, m.y organ.
Orient, m.y Orient, East.
Orléanais, m.y the country
around Orléans,
ornemental -e, omamental.
ornementation, /., ornamenta-
tion.
orner, to adom.
orphelin -«, orphan.
oser, to dare.
osier, m., willow.
où, where, when; d* — , from
where, whence.
OU, or.
oublier, to forget.
ouest, m.y West,
oui, yes.
outil, m.y tool.
outrage, m.y outrage,
ouvert, see ouvrir,
ouvrage, m.y work.
ouvri-er -ère, working-man,
working-woman, working.
ouvrir, to open.
ouvrir (s*), to be opened, open
oneself, open.
paille,/., straw.
paiement, m.y pay ment, salary.
pain, m.y bread, loaf of bread.
paître, to graze.
paix,/., peace. [court-house.
palais, m.y palace; — de justice,
pâle, pale.
palmier, m.y palm-tree.
panier, m.y basket.
panorama, ;//., panorama.
VOCABULARY
197
panser, to dress (of wounds),
treat.
pantalon, m,j trousers, panta-
loons.
panthère,/., panther.
pantoufle,/., slipper.
papa, m., papa.
pape, m.j pope,
papeterie,/., paper-mill.
papier, m,, paper.
X>aquebot, m.y steamer,
paquet, m., package, bundle.
par, by, on, through, over, in,
for.
paradis, /»., paradise, heaven.
paraître, to look, seem, appear;
faire — , to publish, write.
parapluie, m,y umbrella.
parasol, m.y parasol.
parbleu, well, why, indeed.
parc, m. y park.
parce que, because.
parcourir, to go through, run
over, glanée over, look over,
go over.
par-dessus, over.
pardonner, to pardon, forgive.
pareU -le, like, such, similar,
alike, equal; tout — , just the
same.
parent -e, relative ; — s, parents.
parer (se), to adom oneself.
paresseu-x -se, lazy person,
idler.
parfait -e, perfect.
parfois, sometimes.
parier, to bet, wager.
parlementaire, w., bearer of a
flag of truce, parliamentary.
parler, to speak.
parmi, among, in the midst of.
parole, /., word ; adresser la —
à, to speak to; tenir — , to
keep one's word.
part, /., part, share ; de toutes
— s, on ail sides ; faire — , to
share; à — , aside; d'autre
— , on the other hand.
partagé -c, endowed.
partager, to share.
parti, m.y décision, profit, advan-
tage.
XMirtie,/., part, game, division.
partir, to go, leave, corne ; à —
de, from, to start from.
X>art0ut, everywhere.
parvenir, to succeed, arrive.
pas, m.y step, threshold; mettre
un cheval au — , to walk a
horse; au — , walking; — à
— , step by step ; faire quel-
ques — , to take a few steps.
pas, no, not; ne . . . — , not.
X>assage, m.^ passage.
passant -e, passer-by, pedes-
trian.
passer, to pass, cross, spend (of
time) ; — en, to cross over.
passer (se), to take place, hap-
pen.
pâte,/., ps^sty, paste.
paternel -le, paternal, fatherly.
paternellement, fatherly, pater-
nally.
patience,/., patience.
patient -e, patient.
pâtisserie,/., pastry.
pâtissier, m.^ pastry-cook.
pâtre, m. y shepherd.
patrie,/., fatherland, country.
patriote, m. /., patriot.
patron, m., employer, master,
captain (of boats).
pâturage, m., pasture, pasture-
ground.
paupière,/, eyelid.
pauvre, poor.
pavillon, /»., flag.
payer, to pay.
pays, m.t country, home, land.
paysage, m., landscape.
paysan -ne, countryman, coun-
trywoman, peasant.
peau,/., skin.
pêche, /., fishing; bâtiment de
— , fishing-vessel.
içS
VOCABULARY
pêcher, to fish.
pêcheur, w., fisherman.
pécule, /«., sum of money, sav-
ings.
pédale,/., pedal.
peigne, »i., comb.
peigner, to comb.
peindre, to paint.
peine, /., hardship, trouble, dif-
ficulty, work; à — , hardly,
scarcely ; à grand' — , with
great difficulty ; valoir la — ,
to be worth while.
peintre, w., painter.
peinture,/., painting, paint.
penchant, »/., slope.
pencher (se), to lean.
pendant, during; — que, while.
pendre, to hang.
pénétrer, to penetrate.
pénible, painf ul,disastrous, hard.
pensée,/., thought.
penser, to think.
pension, /., pension; de les
prendre en — , to board them.
pente,/., slope, hill.
percer, to break through, pierce.
percher, to perch, be up.
perdre, to lose.
père, m., father.
péril, m, y péril, danger.
périr, to perish.
permettre, to permit, allow, let.
permission, /., permission,
persévérance,/., persévérance.
personnage, m.^ personage, char-
acter. .
personne,/., person; ne . . . —
nobody.
persuader, to persuade,
pervenche,/, periwinkle.
peser, to weigh.
peste, /., bubonic plague.
petit -e, small, little, short.
petit-fils, m., grandson.
pétrir, to knead. [by little,
peu, little, few; — à —, little
peuple, w., people, nation.
peuplé -e, populated, peopled.
peur, /., fear; avoir — , to be
afraid.
peut-être, perhaps.
phare, m., light-house.
philosophe, m.y philosopher.
philosophie^/., philosophy.
photographie,/., photography.
physique,/., physics.
pic, w., peak ; a — , perpendic-
ular.
Picardie,/, Picardy.
pièce, /., patch, pièce, coin,
room, drama ; mettre en — s,
to pull, tear to pièces.
pied, m., foot; être sur — , to
be up; à — , on footj — s
nus, barefooted.
Piémont, m., Piedmont.
pierre,/, stone.
Pierre, w.. Peter,
piétiner, to trample under foot.
pigeon, m.y pigeon; — messa-
ger, carrier-pigeon.
piller, to plunder, pillage,
pilote, m., pilot.
pin, m., pine-tree.
pitié,/, pity.
place, /., place, seat, public
square, market-place, room,
situation, position, location;
— forte, fortified town,strong-
hold.
placer, to place, put, invest.
plafond, m.y ceiling.
plaie,/, wound.
plaindre (se), to complain.
plaine,/, plain.
plainte,/, moan, groan.
plaire, to please.
plaisir, m.y pleasure, joy.
planche,/, shelf, board, plank.
plancher, m.y floor.
plante,/, plant ; Jardin des — s,
botanical garden.
planter, to plant, set, fix.
plaque,/, plate,
plein -e, f ull.
VOCABULARY
of
pleurer, to weep, cry.
plier, to fold, yield, fall back.
plonger, to plunge.
plonger (se), to plunge.
pluie,/., rain.
plumage, m,^ plumage, feathers.
plupart, /., most, most part,
greatest part,
plus, more; de — en — , more
and more; ne . . . — , no
more; le — , the most; non
— , either.
plusieurs, several, many.
plutôt, rather; — que, rather
than.
poche,/., pocket,
poêle, m.y stove.
poésie,/, poetry.
poète, m.y poet.
poétique, poetical.
poids, m.y weight.
poignet, m.y wrist.
point, no, not, not at ail.
point, m.y point, part, matter;
de — en — , exactly, in dé-
tail,
pointe,/, point,
pointu -e, pointed, sharp.
pois, m.y pea.
poitrine,/, chest.
poliment, politely.
polir, to polish.
politesse,/, politeness.
polytechnique, polytechnic.
pomme,/, apple.
pommier, w., apple-tree.
pompe,/, pump; — à feu, fire
engine.
pont, m.y bridge, deck.
population,/., population, peo-
ple.
porc, m.y pig.
porcelaine,/, porcelain.
porcherie,/, pig-sty.
X>Ort, m.y harbor.
porte,/, door, gâte,
portée,/, reach; à — , within
hearing.
portefaix, m.y porter, street-
porter.
porte-monnaie, m.y pôcketbook.
porter, to carry, bear.
portrait, m.y picture, portrait.
poser, to place, put.
position,/, position, situation.
posséder, to own, possess, hold.
possible, possible.
poste, m.y situation, position.
poste,/, post-office.
pot, m.y pot.
potager, m.y kitchen garden.
potion,/, potion.
poudre,/, gunpowder.
poudrer, to powder.
poulailler, m.y chicken-house.
poulain, m.y coït.
poularde,/, fat chicken.
poule,/, hen.
pour, for, to, in order to.
pourparler, m.y discussion, par-
ley.
pourpre,/, purple.
pourquoi, why.
poursuivre, to pursue.
pourtant, however.
pourvu que, provided. [grow.
pousser, to push, give out, utter,
poussière,/, dust.
pouvoir, can, may, to be able.
pouvoir, m.y power.
prairie,/, meadow.
précaution,/., précaution.
précédent -e, previous.
précepteur, m.y preceptor, tutor.
prêcher, to preach.
précieusement, carefully, pre-
ciously.
précieu-x -se, precious.
précipiter, to throw, hurl, pre-
cipitate.
précipiter (se), to rush.
précision,/, précision.
préférer, to prefer.
prélat, m.y prelate.
prématuré -e, untimely, pré-
maturé.
VOCABULARY
premi-er -ère, f irst.
prendre, to take, capture, seize.
prendre (se), to begin.
préoccupé -e, preoccupied, ab-
sorbée^ [mind.
préoccuper, to preoccupy the
préparatif, m.^ préparation.
préparer, to prépare.
préparer (se), to prépare one-
self, get ready.
près, near ; tout — , quite near ;
— de, nearly, almost.
présence,/., présence.
présent (à), at présent, now.
présenter,* to présent.
présenter (se), to présent one-
self, arrive.
président, w., président.
presque, almost.
presqu'île,/., peninsula.
presser, to press.
presser (se), to be crowded,
crowd.
prêt -e, ready.
prêter, to lend, loan.
preuve,/, proof.
preux, w., gallant knight.
prévenir, to impress, prédis-
pose, warn, inform.
prévision,/, prévision.
prier, to pray, beg, ask.«.
prière,/., prayer.
prince, /«., prince.
principal -e, principal.
principalement, principally,
especially.
printemps, w., spring.
prison,/., prison, jail.
prisonni-er -ère, prisoner.
privation,/., privation, depriva-
tion.
privé -e, private, personal.
prix, w., price.
probablement, probably.
probité,/, probity, honesty.
procès, m. y trial.
prochain -e, near.
proclamer, to proclaim.
procurer (se), to procure, get.
produire, to bring forth, pro-
duce, product.
produire (se), to be made, pro-
duce.
produit, m.y product, produce.
professeur, w., prof essor.
profit, w., profit, gain.
profiter, to take advantage,
profit.
profond -e, profound, deep.
profondément, soundly, pro-
foundly.
progrès, w., progress, headway.
projet, m.f project, plan.
prolonger (se), to be prolonged,
extend, last.
promenade,/, promenade, out-
ing, public garden, square,
walk.
promener, to lead through, take
out.
promener (se), to walk, prome-
nade.
promeneu-r -se, promenader,
walker.
promesse,/, promise.
promettre, to promise.
promettre (se), to promise one
another.
prononcer, to pronounce, utter,
speak.
proposer, to propose.
proposer (se), to propose, intend,
offer oneself, propose oneself.
proposition, /., proposai, prop-
osition.
propre, own, clean, neat, calcu-
lated, fitted, qualified, suit-
able, proper.
proprement, cleanly.
propriétaire, m. /, proprietor,
owner, land-owner.
propriété, /., property.
prospère, prospérons, thriving.
prospérité,/, prosperity.
protéger, to protect, détend.
Providence,/, Providence.
VOCABULARY
20I
province,/., province.
provision,/., provision.
prune,/., plum.
prunier, plum-tree.
Prusse,/., Prussia.
prussien -ne, Prussian.
pu, see pouvoir.
publi-c -que, public.
publier, to publish.
puis, then.
puisque, since, as.
puissant -e, powerful.
puisse, see pouvoir.
puits, w., well, pit, shaft (of
mines).
pur -e, pure.
pût, see pouvoir,
puy, /«., a volcanic formation
looking like a well.
Vyxéné^Syf.plur., Pyrénées.
quai, m., quay, wharf.
qualité,/, quality.
quand, when.
quant à, as to.
quantité,/, quantity, number.
quarantaine,/, about forty.
quarante, forty.
quart, w., quarter, fourth.
quartier, w., quarter.
quatorze, fourteen.
quatre, four.
quatre-vingts, eighty.
que, that, which, whom, than,
but, how much, many, how.
quel -le, quels, quelles, what,
which, who.
quelque, some, few, whatever.
quelqu'un -e, some one, some-
body.
quenouille, /., distaffful, spin-
ning-wheel,
question,/, question.
questionner, to question, ask
questions.
queue,/, tail.
qui, that, which, when, whom.
quille,/, keeJ.
quincaillerie,/, hardware.
quinze, fifteen.
quitter, to leave.
quitter (se), to part.
quoi, what; de — , enough;
— que, whatever.
quoique, although.
quotidien -ne, daily.
R
rabot, m.y plane,
raboter, to plane,
raccourci, m.y short eut.
race,/, race, breed.
racheter, to redeem. [self.
racheter (se), to redeem one-
raconter, to tell, relate.
rade,/, road, roadstead.
radieu-x -se, radiant,
rafale,/, squall ; —d'eau, driv-
ing rain, blast of rain.
raffinerie,/, refinery.
rafraîchir (se), to refresh one-
self, get refreshed.
raisin, m.y grape.
raison, /., reason ; avoir — , to
be right.
rajuster, to push up, readjust.
rallumer (se), to be lighted
again.
rame,/, oar.
ramer, to row.
rançon,/, ransom.
rançonner, to ransom.
rang, m.y rank.
rangée,/, row.
ranger, to put in order, arrange.
ranger (se), to move aside.
ranimer, to s tir up.
rapide, steep, rapid.
rapidement, rapidly, quickly.
rappeler, to call back, recall,
remind.
202
VOCABULARY
rappeler (se), to remember.
rapport, m.i resemblance.
rapporter, to bring back, bring,
yield. [again.
rapprocher (se), to corne near
ras (au — de), level with.
rassembler, to gather up, call
together ; — tout son courage,
to summon ail one's courage,
rassembler (se), to meet.
rassuré -e, tranquillized, réas-
surée!; peu — , somewhat anx-
ious.
rat, m., rat.
rattraper, to catch up, make up.
ravenelle,/., wall-flower.
ravir, to delight.
rayon, m., ray.
réaliser (se), to be realized.
récent, -e, new, récent,
recevoir, to receive.
rechange, m., spare things;
vêtements de — , spare clothes.
réchauffer, to warm up.
recherche, /., research, looking
around.
récit, m.f narration, account,
story.
réclamer, to demand, claim.
récolte,/., crop, harvest.
récolter, to gather, harvest.
recommandation,/., recommen-
dation.
recommander, to recommend.
recommencer, to begin again.
récompenser, to recompense, re-
ward.
fort,
réconforter, to cheer up, com-
reconnaissance,/, gratitude.
reconnaissant -e, gratef ul, thank-
ful.
reconnaître, to recognize; s*y
— , to find one's way.
reconnaître (se), to know where
one is, collect oneself.
recouvrer, to regain, recover.
recouvrir, to cover.
recueillir, to collect, gather, pick
up.
redescendre, to go down again.
redevenir, to become again.
redouter, to redoubt, fear.
refaire, to make again, do again.
refermer, to close again.
réfléchir, to reflect, think over.
reflet, /«., reflection.
réflexion, /., thinking, thought,
reflection.
refroidir (se), to get cold, cool
down.
refuser, to refuse,
regagner, to reach, rejoin.
regard, m.^ glance, look,
regarder, to look at, gaze upon.
regarder (se), to look at one an-
other.
régiment, m.^ régiment,
règle, /., rule ; en — , regular,
in due form, in agreement
with the law.
régler, to settle.
régner, to reign.
régulariser, to make regular, lé-
gal ; put in order.
régulièrement, regularly.
règne, m.y reign.
regret, m., regret.
rejoindre, to meet.
réjoui -e, merry, cheerful.
réjouir (se), to rejoice.
relâche, m.^ relaxation, rest.
relever, to raise, pick up, restore,
relever (se), to rise again, get
up.
relier, to connect, unité.
relieur, w., bookbinder.
reliure,/., bookbinding.
reluire, to shine, glitter.
reluisant -e, shining, brilliant.
remarquable, remarkable.
remarquer, to notice; se faire
— , to attract notice,
rembourser, to refund, reim-
burse, repay.
remède, w., remedy.
VOCABULARY
203
remercier, to thank.
remettre, to remit, give, restore,
regain, put again, make well.
remettre (se), to start again, be-
gin again.
remonter, to mount again, as-
cend, enter (of carriages).
rempart, m.^ rampait,
remplir, to f ill, f ulf il.
remporter, to carry away, get;
— une victoire, to»get a vie-
tory,
remuer (se), to move, stir.
renard, m.^ fox.
rencontre,/., encounter, battle.
rencontrer, to meet, meet with.
rencontrer (se), to be met with,
be found.
rendez-vous, w., appointment,
meeting; donner un — , to
make an appointment.
rendre, to render, make, return,
give back, surrender, pay (of
visits).
rendre (se), to make oneself, go,
surrender.
rendu -e, arrived.
renfermer, to inclose, contain,
include.
renommé -e, renowned.
renommée,/., renown, famé.
renouveler, to renovate, renew.
renseignement, ///., information,
rentrer, to enter again, go back,
reënter, go home,
renverser, to upset, throw down.
renvoyer, to send back.
répandre, to spread.
répandre (se), to be distributed,
be scattered.
reparaître, to come on again, re-
appear.
réparer, to repair, make up, re-
cruit (of strength).
repartir, to start again, return.
repas, m,, meal, repast.
repasser, to look in again, go
over.
repentir (se), to repent.
répéter, to repeat.
replier, to fold again, furl (of
sails).
répondre, to answer, reply, as-
sure.
réponse,/., answer, response.
repos, »!., rest, repose.
reposer, to rest.
reposer (se), to rest.
repousser, to repuise, drive
back.
reprendre, to résume, take up
again, take again, recover, go
on.
représenter, to represent, per-
form.
reproche, m,, reproach.
république,/., republic.
réputation,/., réputation.
réserve, /., reserve, provision,
savings.
réserver, to reserve.
résidence, f., résidence.
résider, to réside,
résistance,/., résistance,
résister, to resist. [lute.
résolu -e, stout-hearted, reso-
résolument, resolutely.
résolut, see résoudre,
résolution, / , resol u tion.
résoudre, to résolve, décide,
make one*s mind up.
résoudre (se), to décide, make
one's mind up.
respecter, to respect.
respiration,/., breathing.
respirer, to breathe.
ressembler, to resemble look
like.
ressentir, to expérience, feel.
ressentir (se), to feel the effects
of.
ressort, w., spring.
ressource,/., resource.
restaurant, w., restaurant,
reste, w., rest, remainder; du
— , beside, moreover.
204
VOCABULARY
rester, to remain; en — , to
stop,
résumer, to sum up.
retard, w., delay ; en — , late.
retenir, to hold, fix, keep back,
retain.
retenir (se), to refrain, keep
from.
retentir, to resound, écho,
retirer, to draw out, pull ont,
extract, withdraw.
retirer (se), to withdraw, fall
back.
retomber, to fall back, fall
again.
retour, /«., return ; au — , af ter
returning.
retourner, to go back, return.
retourner (se), to turn around.
retraite,/., retreat.
retranchement, m. y intrench-
ment.
retrouver, to find again, find,
meet again.
retrouver (se), to find oneself
again, be again.
réunir, to gather, put together,
unité, collect.
réunir (se), to meet.
réussir, to succeed, be success-
ful.
revanche (en), on the other
hand.
rêve, m.y dream.
réveil, w., awakening.
réveiller, to awake.
réveiller (se), to wake up.
revendre, to sell again, resell.
revenir, to go back, come back,
return.
revenu, w., income.
revêtir, to put on, don.
revêtu -e, clad.
revoir, to see again
revoir (se), to see one another
again.
révolté -e, revolted.
révolution,/., révolution.
riche, rich, wealthy.
richesse, /., wealth, richness,
riches.
ridé -e, wrinkled.
rien, nothing, anything.
rigole, /., trench, furrow, litt'.e
ditch.
rigoureu-z -se, severe, rigorouo.
rire, /«., laughter.
rire, to be pleasant, smile, laugh.
rire (se), \o laugh at.
risquer, to risk, run the risk.
rival, w., rival.
rivaliser, to rival, compete, vie.
rivière,/., river,
robuste, strong, robust.
roc, fn,y rock,
rocher, i»., rock,
roi, m.y king.
Romain -e. Roman,
rompre, to break,
rond -e, round.
ronfler, to roar (of stoves).
rosace,/., rose, rose-work.
rosée,/, dew.
rosier, m., rosebush.
rotonde,/., rotunda.
roue,/., wheel.
rouge, red-hot, red.
rougir, to blush,
rouleau, w., roU, roUer.
roulement, w., rolling, rumbling,
roaring.
rouler, to roll, tumble.
roussin, m.y donkey.
route, /, way, road, distance;
grande —, highway ; faire la
— , to travel; en — , on the
way; se remettre en — , to
start out again.
rou-x -sse, red, reddish, tawny.
royal -e, royal,
ruban, m.y strip, ribbon.
ruche,/, beehive.
rude, coarse, rude, hard.
rue,/, Street.
xuine,/, ruin.
ruiner, to ruin.
VOCABULARY
205
ruisseau, /«., stream, gutter,
brook.
rustique, rural, rustic.
S
sable, m.f sand. ^
sabotier, /»., wooden-shoe maker.
sabre, m.j sabre.
sac, /»., sack, bag.
sachant, see savoir.
sachez, see savoir.
sacrer, to crown.
sacrifice, m.f sacrifice.
sage, wise.
sagesse,/., steadiness.
saillie,/., repartee,witticism.
saint -e, saint. [burg.
Saint-Pétersbourg, Saint Peters-
saisir, to grasp, seize.
salade, /., salad, lettuce, herb,
green.
salaire, m., salary, wages.
salé -e, sait,
salle,/, hall, room.
saluer, to salute, hall,
samedi, m.^ Saturday.
sang, m.y blood.
sang-froid, m., coolness, self-
control.
sanglant -e, bloody.
sans, without.
santé, /., health.
sapin, w., fir-tree.
sardine,/., sardine.
satisfaction, /, satisfaction,
satisfait -e, satisfied.
sauf, except.
saurez, see savoir,
saut, m., leap, jump; faire un
— , to leap, take a leap.
sauter, to jump, leap, explode;
faire —, to blow up.
sauvage, savage, wild.
sauver, to save.
savant -e, scientist, savant,
learned, scientific.
Savoie,/, Savoy.
savoir, to know, be able, can,
know how.
savourer, to relish.
sceau, m.f seal.
scène,/, scène,
science,/, science,
scrupuleusement, scrupulously.
sculpter, to carve.
sculpteur, w., sculptor.
sculpture,/, carving, sculpture.
s-ec -èche, dry.
sécher, to dry.
second, m.j third floor.
second -e, second.
secouer; to shake off, shake.
secourir, to help, succor.
secours, »«., help; au — I helpl
secousse,/, jerk, shock.
secret, zw., secret ; en -^, secret-
secr-et -ète, secret.
seigle, m., rye.
seigneur, m., lord.
seize, sixteen.
séjour, m.f résidence, seat, stay,
sojourn.
sel, m.f sait,
semaine,/, week.
sémaphore, m.f sémaphore,
semblable, similar, like.
sembler, to seem.
semence,/, seed.
semer, to strew, dot, scatter.
semoule,/, farina, semoule,
sénateur, w., senator.
sens, m.f sensé, direction,
sentence,/, sentence.
sentier, w., path.
sentiment, m.y sentiment, feel-
ing.
sentir, to feel.
sentir (se), to feel oneself.
séparer, to separate.
séparer (se), to part,
sept, seven.
septembre, w., September.
septième, seventh.
2o6
VOCABULARY
série,/., séries.
serment, m. y oath.
serre,/., green-house, hot-house.
serrer, to press.
serrer (se), to come close.
serrure,/, lock.
serrurerie,/, locksmith's art.
serrurier, m.y locksmith.
servante,/, servant girl.
service, w., service.
serviette,/., napkin.
servir, to serve, help.
servir (se), to use.
seuil, w., threshold.
seul -ej alone, only, single.
seulement, only.
si. so, if.
siècle, m. y century.
siège, m.y siège.
siéger, to sit (of assemblies).
sien -ne, le, la ; siens, siennes,
les, his, hers, its.
sifflement, m. y whistling, hiss-
ing.
siffler, to whistle.
signal, m. y signal,
signature,/, signature.
signe, m. y sign.
signer, to sign.
silence, m.y silence; garder le
— , to remain silent.
silencieu-x -se, silent.
sillon, m,y hoUow, furrow.
sillonner, to plough, furrow.
simple, simple, silly, single-
minded.
simplement, simply.
simulé -e, sham.
singe, m.y monkey. [liar.
singuli-er -ère, singular, pecu-
sinon, if not.
sire, m.y Sire, sir.
site, m.y site, landscape, scenery.
situation, /., situation,
situé -e, situate.
six, six.
sixième, sixth.
sobre, sober.
sœur,/, sister.
soi, oneself, themselves.
soie,/, silk.
soierie,/, silk-making, silk.
soif, /, thirst ; avoir — , to be
thirsty.
soigner, to care for, look after.
soigneusement, carefuUy.
soigneu-x -se, careful.
soi-même, oneself.
soin, m.y care, attention; avoir
— , to be careful.
soir, m.y evening, night ; tous
les — s, every evening.
soirée,/, evening.
soit, see être.
soixantaine,/, about sixty.
soixante, sixty.
sol, m.y soil, terri tory, ground.
soldat, m.y soMier.
soleil, m.y Sun.
solide, strong.
sombre, dark, somber.
somme,/., sum.
sommeil, m.y sleep, sleepiness;
avoir — , to be sleepy.
sommet, m.y summit, top.
son, m.y Sound, ringing.
son, sa, ses, his, her, its.
songer, to think.
sonner, to ring, sound, blow (of
homs).
sonore, sonorous.
sorte,/., kind, sort; de — que,
so that.
sortir, to go out, come out, take
out, come.
sottement, foolishly.
soucieu-x -se, full of care, anx-
ious.
souffert, see souffrir,
souffle, m.y breath, blowing.
souffler, to blow.
souffrance,/, suffering.
souffrir, to suffer, stand, en-
dure.
souhaiter, to wish, bid.
soulagement, m.y relief.
VOCABULARY
207
soulager, to relieve, facilitate.
soulever, to lift, raise.
soulever (se), to revolt, rise.
soulier, m,y shoe.
soumettre, to conquer, submit.
soupe,/., soup.
souper, m.j supper.
souper, to sup, eat supper.
soupière, /., soup tureen.
soupir, m,, sigh ; pousser un —,
to heave a sigh.
source,/., spring.
sourire, m., smile.
sourire, to smile.
souris,/., mouse.
sous, under.
soutenir, to sustain, stand.
soutenir (se), to support one-
self, stand up, help one
another.
souterrain, w., subterranean
gallery (of mines).
soutien, m., support, supporter.
souvenir, /«., remembrance, rec-
ollection.
souvenir (se), to remember.
souvent, often.
soyez, see être.
spacieu-x -se, spacious.
spectacle, m., performance,
spectacle.
spirale,/., spiral.
splendide, splendid.
statue,/, statue.
stérile, barren, stérile.
studieu-z -se, studious.
stupeur,/, amazement, stupor.
su, see savoir.
subir, to suffer, undergo.
subit -e, sudden.
sublime, sublime.
succéder, to foUow one another.
succéder (se), to foUow one an-
other.
succès, m,j success.
successivement, successively, in
succession.
sucre, ;//., sugar.
sud-est, m.y South-East. .
suffire, to suffice, be sufficient.
suffocant -e, choking, suffocat-
ing.
Suisse,/, Switzerland.
suisse, Swiss.
suite, /., continuation, resuit;
à la — , af ter, as a resuit ; tout
de — , at once, immediately;
à sa — , after her, him.
suivant, according to.
suivant -e, next, foUowing.
suivre, tafollow.
sujet, m. y subject.
sultan, m.y Sultan.
superbe, superb.
supérieur -e, superior, high.
supplice, w/., exécution.
supplier, to beseech, entreat,
supplicate.
supposer, to suppose.
suprême, suprême,
sur, on, upon, over, in, from, at,
towards.
sûr -e, sure, certain, safe ; bien
— , certainly.
sûrement, surely, certainly.
surlendemain, w., the day after
next, third day.
surmonter, to top, conquer,
overcome.
surnommer, to sumame.
surprendre, to surprise, take by
surprise,
surpris -e, surprised. [prise.
surprise, /., astonishment, sur-
surtout, above ail, especially. ^
sus (en), over and above.
sut, see savoir,
symbole, w., symbol.
symétrique, symmetrical.
table,/, table; se mettre à -
to sit down at the table,
tableau, ;//., painting, picture.
2o8
VOCABULARY
tabouret, m., stool.
tâcher, to try, endeavor.
taille,/., size, stature.
tailler, to eut, carve.
taire (se), to remain silent.
talent, /»., talent.
talus, m.y slope, declivity.
tandis que, while.
tant, so much, so many, as
much, as many ; — ... que,
as much ... as.
tantôt, sometimes, about, al-
most; — ... — , now . . .
then.
tapis, m.y carpet.
tapisserie,/., wall-paper.
tard, late; plus — , later.
tarder, to be long.
tardi-i -ve, late.
tas, m.y pile, heap.
tel -le, such.
télégraphe, m., telegraph.
tellement, so, so much.
tempête,/., tempest.
temps, m.y time, weather, while;
il fait beau — , the weather
is fine ; de — en — , f rom time
to time, now and then ; à *— ,
on time ; en même — , at the
same time.
tenailles, /.//«r., pincers.
tendre, tender, loving.
tendre, to extend, outstretch,
hand out, hold out.
tendresse,/, love, tenderness.
tenez, take, see hère, look hère;
• also see tenir.
tenir, to hold, keep, resuit"; ne
— qu'à, only to dépend.
tenir (se), to hold one another,
hold oneself, be; — debout,
to stand up.
tente,/, tent.
terme, m.y end.
terminer, to complète, finish.
terrain, m.y ground, land, terri-
tory.
terrasser, to throw down, fell.
terre, /, ground, earth, clay,
land; pomme de — , potato;
par — , à — , on the ground,
floor; charbon de — , coal.
Terre-Neuve,/, Newfoundland.
terreur,/, terror.
terrible, terrible.
territoire, m.y area, territory.
tête,/, head; tenir — , to cope
with, resist ; par — , a head ;
mal de — , headache.
thermomètre, m., thermometer.
tiède, mild, warm.
tien -ne, le, la ; tiens, tiennes,
les, thine.
tiens, look ! well, why ; also see
tenir,
tiers, m.y third.
tigre, m.y tiger.
timide, timid, bashful.
timidement, timidly.
timidité,/, bashfulness, timid-
ity.
tirer, to draw, pull, get out.
tiroir, m.y drawer.
tisser, to weave.
tisserand, m.y weaver.,
tisseur, m.y weaver.
titre, m.y title, right.
toi, thee, to thee, thou.
toile, /, cloth, linen cloth ; —
cirée, oilcloth.
toit, m.y roof,
toiture,/., roof,
tombe,/, grave,
tombeau, m.y tomb, grave,
tomber, to fall; laisser — , to
drop,
ton, ta, tes, thy.
tonnelle,/, arbor.
tonnerre, m., thunder; coup de
— , clap of thunder.
torrent, m.y torrent,
tôt, early.
toucher, to touch, confine, re-
ceive.
toujours, always, ever.
tour,/, tower.
VOCABULARY
209
tour, m.y trip, tour, lathe, turn;
faire le — , to go around; à
son — , in his turn ; — à — ,
in turn, by turns.
tourbillon, m., whirlwind, cloud
(of smoke, dust) ; whirlpool.
tourbillonner, to whirl.
tourment, m.^ torment.
tourmenté -e, anxious.
tournée,/., trip, round.
tourner, to revolve, turn.
tournoi, m., toumament.
tournoyer, to whirl, wheel round.
tout, ail, very, very much, quite.
— en, while ; du — , at ail.
tout -e, tous, toutes, ail, every.
tout à fait, quite, entirely.
toutefois, however, neverthe-
less.
tracas, m,, difficulty, bustle.
trace,/., trace, mark.
traduire, to translate.
tragédie,/., tragedy.
trahison,/., treason.
train, m.y railroad train; bon
— , rapidly.
traîner, to carry, draw, drag.
trait, m., feature, trait, stroke.
traité, m.^ treatise, treaty.
traitement, »*., treatment.
traiter, to treat.
trancher, to eut, slice.
tranquille, easy, quiet.
tranquillement, quietly, tran-
quilly.
tranquillité,/., quietness, tran-
quillity.
transformer, to transform.
transporter, to convey, transfer,
carry, transport; — de joie,
to be transported with joy.
travail, m., work ; habits de — ,
working-clothes.
travailler, to work.
travailleu-r -se, worker.
travers (à), through, among,
across.
traverse, see chemin.
traversée,/, passage, crossing,
trip.
traverser, to cross, pass through.
treillis, w., netting; — métal-
lique, wire netting.
tremblant -e, trembling.
trembler, to shake, tremble.
trempé -e, soaked, drenched.
trentaine,/, about thirty, thir-
trente, thirty.
trépassé -e, dead.
très, very.
tressaillir, to startle.
tresser, to weave.
triomphe, m.f triumph.
triste, sad.
tristement, sadly.
tristesse,/, sadness. [of us.
trois, three; à nous — , three
trompe,/, horn, trunk (of élé-
phants).
tromper (se), to mistake, be
mistaken, make a mistake.
trop, too, too much, too many.
trot, w., trot; au — , on a trot,
trotting.
trotter, to trot.
trou, m.y hole.
trouble, /»., émotion, trouble.
troupeau, m. y herd, block.
troupes,/ //ï/r., troops, forces.
trouver, to find, meet, think.
trouver (se), to find oneself, be.
tuer, tokill. [killed..
tuer (se), to kill oneself, be
tunnel, w., tunnel.
tut, see taire.
tut-eur -rice, guardian.
tuyau, m., pipe.
typhoïde, typhoid.
un -e, a, an, one.
unique, only, unique.
unir, to unité, connect.
2IO
VOCABULARY
usage, m., usage, use.
user, to use.
usine,/., factory, mill.
utile, useful.
vache,/., cow.
va-et-vient, m.^ going and com-
ing, motion.
vagabond -e, vagabond, tramp.
vague,/, wave.
vaillamment, valiantly.
vaillant -e, valiant, brave,
vain -e, vain ; en — , in vain.
vaincre, to conquer, vanquish.
vainqueur, w., victor, conqueror.
vaisseau, w., vessel, ship.
valeur,/, valor, courage, value,
worth.
valide, good, valid.
valise,/, valise,
vallée,/, Valley.
valoir, to be worth, be as good
as, be equal to ; — mieux, to
be better; — la peine, to be
worth while.
vannier, w., basket-maker.
vapeur, w., steamer, steamship.
vapeur, /., steam ; bateau à — ,
steamboat.
varié -e, varied.
vase, w., réceptacle, vase.
vaste, vast.
vaudra, see valoir,
vautour, w., vulture.
vécu -e, see Vivre,
veille,/., the day before, eve.
veillée,/, evening, sitting up.
veiller, to watch, nurse.
velours, m., velvet.
vendange,/, vintage.
vendangeu-r -se, vintager.
vendre, to sell.
vendre (se), to be sold, sell one-
self.
venir, to corne, happeu; faire
— , to send for.
vent, m.y wind.
vente,/, selling, sale.
ver, m.^ worm.
verdoyant -e, verdant, green.
verdure,/, verdure.
verger, m., orchard.
vérSier, to examine, verify.
véritable, real, true.
vermicelle, m., vermicelli.
verrerie, /., glasswares, glass-
works.
verrou, w., boit.
vers, w., verse, poetry.
vers, towards.
versant, w., slope.
verser, to pour out, shed, pay.
vert -e, green.
vertu,/, virtue.
vertueu-z -se, virtuous.
vêtement, m. y clothing, garment ;
— 3 de rechange, spare clothes.
vêtu -e, clothed, clad.
veu-f -ve, widower, widow.
veux, see vouloir,
vice, m.y vice.
victime,/, victim.
victoire, /., victory ; remporter
une — , to get a victory.
victorieu-x -se, victorious.
vie,/, life, living.
vieil, see vieux,
vieillard, »«., old man, old peo-
ple.
vieux, vieil -le, old.
vi-f -ve, keen, alive, vivid,
sharp, ardent, eager.
vigilant -e, vigilant,
vigne,/, grape-vine.
vigneron -ne, wine-grower, wine-
maker.
vignoble, w., vineyard.
vigoureu-x -se, vigorous, strong.
village, iw., village,
villageois -e, villager.
ville, /., city, town; Hôtel di
—, City Hall,
vin, /«., wine.
vingt, twenty.
VOCABULARY
Yingtainey/., score, twenty.
violence,/., violence.
yiolon, i»., violin.
virent, see voir.
visage, m., face, visage.
viser, to sign.
visière,/., visor (of helmets).
visite,/, visit, call.
visiter, to look over, visit.
visiteu-r -se, visitor, sightseer.
vite, quickly; au plus — , as
fast as possible. [dow.
vitrine, /., show-window, win-
vivacité,/, vivacity, quickness.
vive, long live.
vivement, deeply, keenly.
vivre, to live.
vivres, m. plur.^ provisions,
food.
vœu, w., wish, vow.
voici, hère is, hère are, this is ;
nous — , hère we are.
voie,/., way.
voilà, there is, are, behold, hère
is.
voile,/, sail.
voir, to see ; faire — , to show.
voir (se), to be seen, see one-
self.
voisin -e, neighbor, near by;
— de, near.
voiture, /, wagon, carriage, ve-
hicle, coach.
VOiturier, m.^ waggoner.
voix, /, voice; à haute — ,
aloud; d'une même — ,.to-
gether; à demi — , in a low
voice.
vol, w., theft.
volaille,/, poultry.
volcan, w., volcano.
volcanique, volcanic.
volet, m. y shutter.
volière, /., aviary, large bird-
cage.
volonté,/, will, wish; de bonne
— , willingly.
volontiers, with pleasure, will-
ingly.
volume, »!., volume.
votre, vos, your.
*Jirouloir, to wish, will ; — bien,
to like, be willing.
vous, you, to you.
vous-même, yourself j — s, your-
selves.
voûte,/, nave, arch, vault.
voûté -e, bent.
voyage, »i., voyage, trip, trans-
portation, travelling.
voyager, to travel.
voyageu-r -se, traveller.
vrai -e, true, genuine, real, right.
vraiment, truly, really.
vue,/, sight, view.
W
wagon, m», coach (of railroads).
y, there, it, to it, them, to them,
of it; il — a, there is, there
are, ago; il — avait, there
was, there were, ago.
yeux, plur, of œil ; de tout ses
—, eagerly.
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