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LETTRE
D' U N
THEOLOGIEN,
A L' N A U T R L
THEOLÔ^EN,
Sur le Myfiere de la
TRINITE',
I. T II E SS. ^. y. 2 1.
Ep'ouvez toutes chofes , retenez ce
qui eft bon.
M. D C C, XXIX.
LIVRES NOUVEAUX
Qui fe trouvent chez
PIERRE HUMB E RT.
TRaiic fur les Miracles dans lequel on prouve que
ie DiAiîtri n'en faurdt Jaire fscur-confirnar
fErreur , ch l'on fait v.vr que ceux qu'on lui attribue
ne [ont qu'un effet de L'itnpofîure ou de l'adreffie des
Hommes , (3" oùCon exar/iine le Siftêmc oppofé/t/
que l'a établi le D S A \1 U E L C L A il K E .
dans ion Traité fur la Religion Naturelle (^ Chré-
tienne, par Mr. JAQUES SERGES, Vicaire
a'^ppleby, 8. 1719.
Dictionairs, Hiftorique , Critique, Chronologique.
Geogra^iliique, & Littéral de la Bible, ernichi
d'un grand nojnbrt de fgures en Taille douce ^ qui
rcprcOîiitent la Jnti<\uitez.'fudp-tques : par DO M
CAL MET. Fol. 4 vol. Paris. Idem les Volumes 3.
(5* 4. à part.
Commentaire fut la Eilile , parle Même, Fol. 9 vol.
Hift. desOidres Militaires& de Chevalerie , avec une
Differta:-\(nr les Duels , par M. BASN AGE, S. 4 v. fig.
— du Chriftianiime des Indes par Mr. L A
CROZE, 8. fig,
I)in«rtaiions Hiftoriques & Critiques fur divers fu-
jets par Mr. RIVAL, Chapelain du R O 1 DjE
LA G B., 11. 5 vol. 17*7
Lettres de Mr. B A Y LE , publiées fur les Originaux
avec des remarques par Mr. DES M A l Z E .'^LJ X
ïi. 3 \o\. 1719'
Hiftoire du Concile de Conftance par Mr. L E N-
f A N T , - ^o«rf//e Edition enrichie de nouveaux
Portraits ôc augmentée de la moitié par l'AMteur,
in 4. 1 vol. fig. 1717. La rnéme en grand Papier
avec des Portraits châfts.
Sermons fur direis Texics, pst le même , S. 1728.
Le Mentor Moderne, ;r,îrf«// dt l\/tniJoiSt li. 4V0I. iraj.
Sermons 06 TUIotfon , Torm Vl, 171p.
AVER*
« 9 * -s. • «, o, fut, /hl ,», ,», /v. ,w, *. • ,if , «'. w, . ,»;
V.Vi .V». -..,•'>: ^^.•t.f>-»-.«>:-''^-.-'-:T^v?i' .'-.•■.., r.,-!^ .•■•-.»-. 5rfl ;*f»
*5' 'i' « *• '« ■4' V ■*■ * '•* •«■ "4^ V V ♦ ■*■ "«^ ■ •*
AVERTISSEMENT.
j^^cî ri''(/} au' un Tiécis d'un Tr.iiti' plut
^^é inda fur celte même mattére. Si et Trat-
îe Cft donne au T/^Z'.Vf, il fera imprimé en là
mcmc foyme cjt-te cette Leitre ^ pour pouvoir ttre
relié dans un même Volunr.e. Dans ce Traité ^
il n^y at/ra rien d'ajouté a la do^rine mtnte^
f'.r Limaille fAtiteitr de cette Lettre a exphcjtti
jei fi-ntimens avec toute la clar:é & toute Ix
p'-éc!]lûii <]t'.i lui a été prijjihle. Aiuis les rai Ions
Jnr lefjuelles les fcnr:mcns''de l" Auteur fout
fondez. CT" dent queh^ues-uncs ne font tct jlmple-
mcnt cju'indi^f^ié's , y feront exp^ifes avec plut
de clarté & d'étendue eju'elles ii''ont pu Vètre
dans un fi petit écrit . iSinflruilion du com-
mun des Chrétiens étant l.i p>ii:cipale vue ejne
V Auteur s''ejt propofcc , tl tâchera de faire en
flirte j'ic tous ceux cjui s êiudunt à avoir une
Religion CT une foi c slaitée fotent en état d^tn-
tiii ire ces m itieres ^ cT* d'en porter leur juje-
fYikut. Il aitend les cbjcEîicns cjne les antres
7 r.cologiens pourront lai jatr^^ ajin que fi U ré-
ponjc à ijuel^u^une de ces objeCtiom peut fervir
aéc.aircir davantajiirce fujet ^ tl puijfe joindre
cette ïcpoiife à foti Traité.
Il invite tous les autres Tl é l^iiens à con-
€Oiiftr avec liti d.ins U mthie vue & dans le
A z méms
AVERTISSEMENT.
tneme ejprit ; afin cjue tous les écrits t^tii pour»
ront être faits à Voccafton de celui-ci fervent à
éclairer & a édifier le Public. Chacun d'eux
peut fe regarder comme étant celui à cjui cette
Lettre s'adreffe ^ dr à qui 1^ Auteur demande fes
avis ^ dans un efprit de douceur ô" de charité.
L. auteur effére de la modération de tous
ceux <jui n'hélant pas de fon fentiment entrepren-
dront de le réfuter , que ( comme il efi féant a
des Chrétiens , & fur-tout a des Théologiens) ils
tacheront de le combattre par des ratfons , &
mn pas par des inueBives ^ qui ne peuvent éclat'
rer ni édifier perfonne. Il déclare a' avance qu il
a fortement réfolu de ne rien repondre a des ar-
gumens de cette dernière forte , mais de les laif-
fer au jugement de Dieu.
Vne autre chofe dont il prie ceux quidaigne-
ront faire quelque réponfe à cette Lettre, âcfi
àk éviter , autant qu'il fera poffible, les expref-
Jîons que les Théologiens, & fur tout les Scolaf-
tiques ont introduites , & qui ne font pas en^
tendues de tout le monde. Oh que s'ilsnecrojent
pas fe pouvoir paffer d"* employer quelque expref*
Jton pareille, il leur plaife de définir cette expref-
Jton, afin de lever toute équivoque, (^ qu'il pa-
rotfje que Von ne cherche départ & d^auîreqnà
mettre la vérité dans tout fon jour.
LET-
LETTRE
D' U N
THEOLOGIEN
AUNAUTRE
THEOLOGIEN,
Sur le Myjlke de laT K^nh".
O u s les Syftêmes de la Tri-
nité qui ont parujurqu'àprc-
jfent fe font écartez de PEcri-
'ture à l'égard de quelques
Points. La caufe de cet écart
à été la même dans tous ceux qui ont em-
braflé quelqu'un de ces Syftêmes différens.
C'cft qu'aucun n'a compris la manière donc
on pou voit concilier quatre ordres de Paf-
iîiges de l'Ecriture j ceux qui regardent l'u-
nité de Dieu j ceux qui regardent la Divi-
nité du Père, du Fils, & du St. Efpriti
ceux qui regardent ladiftinéliondccestrois
Perfbnnes ; enfin ceux qui regardent la lli-
bordination de l'une à l'autre. Comme
perfonne , de ma connoiOànce , n'a crû qu'il
y eut moyen d'expliquer ces quatre ordres
A 5 de
6 LETTaE d'i/n Théologien
de Pailàges fclon leur lins propre &: n^.ta-?
rel, fans mettre une partie de l'Ecriture en
contradiftion avec l'autre partie, cela a Fait
que fous le prétexte commun d'expliquer
l'Ecriture par l'Ecriture, chacun de ceux
qui ont enibrallë quelqu'une de ces opi- ■
nions oppofécs a donné un kns forcé aux.
Pafiages de l'Ecriture dont le lèns naturel
ne s'accordoit pas avec le Syftème de cette
perfonne là. Entre ceux qui fe lont heur-
tez, à cet écueil , on peut compter, fclon
mon jugement les Trithcïtcs d'un côté, les
Arriens ôc les Sociniens de l'autre, £c les
Sabelliens ôc les Orthodoxes de l'autre.
Vous comprenez qui j'entens par ces der-
niers. Comme c'cil d'eux qu^il cil: princi-
palement queftion à préiént, je crois pou-
voir montrer avec une évidence fenfible,
qu'ils fe font éloignez du fens clair & ma-
niftfle des paroles de l'Ecriture, lors qu'il
s'eil agi de la diftirftion que l'Ecriture po-
fe entre les Perfonnes divines, 6c de la fu-
bordmaiion qu'elle met entr'cllcs. Ils nient
abfblument la dernière de ces choies , fins
en avoir d'autre fundiment, fi ce n'eltque
leur Syflcmc le demande. Quant à la pre-
mière, bien qu'ils fiflènt profeifion de la
reconnoitre, ils l'anéantifli-nt en éfet auffi-
bien que la féconde, en ne fulant conflkr
fctte diftinclioiî qu\n une dillinction de
Fr6'
A UN AUTRE ThEOLOCIEN. f
Tropriet ez. OU de Modes; au lieu que l'K-
cntuie nous propolc ces nois Perfonnes
comme trois Etres uitclligcns dillmcte, &
fubordcnncz l'un à l'autre, quoi qu'elle
nous les repréfente aufîî comme étant un cC
égaux à certain égard.
II. Il ne faut que lire l'Ecriture, s'il clc
poflible, avec un efprit qui ne ibit préocu-
pé d'aucun Syftême, pour apercevoir que
les Paflages qui dilbfiguentles trois Perfon-
nes les diftinguenc couime un Etre intelli-
gent ce dillingué d'un autre Etre intelli-
gent. Cela tit fi vrai , que les Orthodo-
xes, qui ne reconnoiflent dans ces Pallâges
qu'un icul Etre inteliigcnt dillingué de lui-
même par diverfes propriétez qu'ils appel-
lent T^r/owwf //a, ne fouticnnent leur expli-
cation, ni par les Pallâges mêmes qu'ils ex-
pliquent, ni par quelque ici de l'uiàge qui
puilîè autoriler la manière dont ils expli-
quent ces Paflàgcs. Ils n'ont point d'autre
preuve de leur explication , que les confé-
quences qu'ils fc figurent qu'une explication
oppofée entraineroit après elle. Si l'on fe
déclaroit pour une uiftinction de Subihm-
ces, les trois Perfonnes feroient trois Dicux,
êc les trois ne pourroient pa»être un , com-
me l'Ecriture nous l'enfcigne, C"eftàdire,
que l'explication que les C)rthodoxes don-
nent .à ces Pafiàges-là, n'cft fondée que fur
A4 la
s Lettre d'cn Théologien
la penfée qu'ils ont que le fens propre &
naturel des ilifciits Pafiages ne peut point
compatir avec les Pafiages qui établillent
^'unité de Dieu, l'unité des trois Perfonnes,
& la Divinité de chacune. Ils appellent cela
exj^li^ner V Ecriture par l'Ecriture : mais d'au-
tres, qui ne feront pas prévenus pour kur
Syftême , l'appelleront plutôt abandonner
le lens d'une partie de l'Ecriture, pour
mettre d'accord cette partie avec l'autre.
En éfet , il ce n'ell pas abandonner le fens
de l'Ecriture que de ne vouloir entendre
que d'un Teul Etre qui penle ce qu'elle
nous dit de trois biendilHncts, chacun del-
quels nous eft repréfcnté comme un Etre
qui pcnfe , & comme un Etre qui penfc
dirtincl de Tautre, je ne vois pas quand
c'ell que l'on pourra accufer un interprête
d'abandonner le ièns de l'Ecriture.
JII. Pour convaincre les Orthodoxes de
bâtir fur un fondement ruineux , je n'ai
qu'à leur faire fentir qu'ils font [prccifément
dans les mêmes termes que les Triiheïtes,
8c les Arriens. Les partilans de ces deux
fecles, fc fondant fur la même maxime que
les Orthodoxes, ^t'ii faut expliquer r E-
criture par P écriture , donnent à certains
Paflàges une expHcaiion forcée, pour ac-
corder ces Paflàges avec d'autres. Les uns
donnenc cetce explication aux Paflàges qui
cta«
A UN AUTRE Théologien. 9
établiilènt l'unité de Dieu , les aunes la
donnent aux Pallages qui établiflènt la Di-
vinité du Père, du Fils, ôc du St. Efprit,
parce qu'il ne connoiflént, ni les uns, ni
les autres, que ce ieul moyen d'accorder
ces Pallages avec ceux fur lesquels ils fon-
dent leur Syftême. Si ces trois antagoniftes,
l'Qrthcdoxc , le Trithéïte , 6c l'Arrien ,
entroient en dirpute chacun pour loutenir
les opinions contre celles des autres , leurs
difiérens fe réduiroit acettequcftion j Quel
d'entr'cux eft celui qui donne une explica-
tion moins forcée aux Paflàges que fcs deux
parties lui oppofcnt? Je ne iài pas comment
une telle qucftion peut être décidée. 11 me
paroit par là qu'un Juge qui ne léroit pré-
venu d'aucun Syilême décideroit qu'ils font
tous trois dans le tort à quelques égards, 6c
qu'ils s'appuyenc tous trois fur une maxime
qui eft faullc puis que chacun a un droit é-
gal de fe l'approprier.
IV. Une autre confidération par laquelle
on peut convaincre les Orthodoxes de U
fauiièté de leurs principes touchant la dil-
tinction des Perfonnes, c'ell que la diffé-
rence qu'il y a entr'euxôc les SabcUicns, les-
quels ils condannent comme des hérétiques,
eft une différence fi mince, qu'il eft bien
difficile de dire en quoi elle confifte, fi ce
n'cft pas dans la manière de s'exprimer.
. A f Les
ro Lettre d'un Théologien
Les uns & les autres ne reconnoiflcnt dans
les trois Pcrlonnes qu'un leiil Etrcquipen-
fc ? Et fi les Oi'thodoxes dillingaent ces
Perfonnes par disproprte'tez perfonnelles, qu'ils
ne iauroienc dire en auoi elles conliilenc,
mais qui ne lailîcnt pas de devoir être mi-
ics au nombre des Modes, puis que ce ne
font pas des Subîlances ; les Sabelliens dif-
tingucnt ces mêmes Peribnnes par divers
Attributs^ ou par diverfes Opérations de lu
Divinité. Ce font là aulli des Modes, Sc
des Modes dont on a un peu plus d'idée que
ceux que les Orthodoxes ont imagine, ou
plutôt dont ils parlent fîuis s'en pouvoir
former d'idée. Qui empêchera les Sabel-
liens , fipporé qu'ils veuillent parler le
langage des Orthodoxes, d'appellerces At-
trihats ou ces Opér.uions par lefquelles ils
diilinguent les Perfonnes, des Propr:éiez
Perfonnelies , ou des Perfonnalitez.'^. Et com-
ment les Orthodoxes prouveraient-ils que
les Fropriétez. dont ils ie fervent pourdiftm-
fuer les Perfonnes, £<: qu'ils pourroient
ien appeller Attributs ^''ihvouXok.nx.^ met-
tent une plus grande dillinârion entre les
Perfonnes divines, que les Attributs ouïes
Opéiations de la Divinité n'y en mettent
félon les principes des Sabelhens ?
V. 11 cil vrai que les Orthodoxes fe
croyent fondez. à trouver une grande difte-
rencg
A UN AUTRE Théologien, ii
rence entre leurs fcntimcns 6c ceux des Sa-
belliens fur ce qu'ils accuicnt ccux-ei de ne
conlïderer le Pcre, le Fils, ci le St. Efpiit
qpc comme de fimplcs Attributs, 6c non
pas comme des Perfonnes , c'eft à dire comme
des Etres qui penfcnt. Dans cette opinion
ils cioyent avoir folidement réfuta leurs ad-
verlancs par les pailâges de l'Ecriture qui
nous reprcicntent chacune des trois Perfon-
ncs comme un Erre qui penfe 6c qui agir,
îvlats il me fcmble qu'on devioit avoir la
charité 6c Pcquitc à l'égard de ceux qui ont
des fentimens difiérens des nôtres, de ne les
croire pas extravagans jufques au point de
ic figurer que ces trois dont nous parle
l'Ecriture ne font que des attributs ou des
Opérations détachées de leur Ibjct qui eft
Dieu, Icsquelks celVeroient par cela même
d'être des Attributs ou des Opéiations, §C
deviendroicnt des Subiliances aétives. Ils
n'entcndenc fans doute autre chofc finon
que chacun;de ces trois cil Dieu même le
luanil-èflant .fous quelqu'un de ces Attri-
buts, on bien opérant d'une certaine ma-
nière Qiioi qu'il en loir, lesSabelliensque
j'ai ici en vue, 6v que je prctcns mettre en
coraparailbn avec les Orthodoxes, font ceux
qui ont les léntimens que je viens d'expo-
fer. Or mcttmt en la place de ces Aitrtban
6c de ces 0:é;\itioKS-d<:s I^reprieiezi perfofmfl^
Il Lettre d'un Théologien
les^ les Orthodoxes ne veulent dire autre
chofe que ce que difent les Sabellicns donc
je parle, ou je n'entens point du tout 1^
penlce des Oi chodoxes.
'*''• Si les Orthodoxes fe font écartez de l'E-
criture dans ce qui regarde la diftindtion
des Pcrfonnes, ils ne s'en font pas moins
écartez dans ce qui regarde la fubordina-
tion de ces Perfonnes, & leur dépendance
les uns des autres. Ils nient abiblumenc
cette fubordination 6c cette dépendance, £c
ils ne peuvent pas, félon leur Syllême; fe
difpenfer de la nier; puis qu'ils ne recon-
Koiiîcnt dans la perfonne du Fils (confide-
rée avant Ton incarnation ) non plus que
dans la Perfonne du St. Efprit, rien que
la Divinité toute pure, avec laquelle toute
cfpéce de dépendance & de fubordination
cft abfolumcnt incompatible. Mais li le
Syftême des Orthodoxes eft d'accord avec
lui-même en ce point, il eft très peu d'ac-
cord avec l'Ecriture, qui nous reprélente
le Fils &; le St. Efprit comme dépendans
du Pérc à diiTérens égards.
VII. I. Elle nous les fut regarder com-
me dépendans du Père à l'égard de leur
exiflÉhce ^ ou bien de leur fuh/tfiatjce, ^fî
les Orthodo.'^xs aiment mieux le fécond
terme que le premier , autrevTîcnt j'aurais
crû qu'ils lignifient h même choie l'un
que
A UN AUTRE Théologien, i^
que l'autre.) Le Fils ôc le St. Efprit ont
donc reçu leur fubftftance du Père , \\\n
par voye de Génération, l'autre par voye de
^roceffion. Quelque idée qu'on k forme de
ces deux exprcflîons , elles marquent que
le Fils 6c le St. Efprit ont reçu quelque
chofe du Père. Or avoir reçu de qucU
qu'un fi fubfillance, & fubfiftcrdcpendam-
lï>ent de quelqu'un ont paflè jufqu'à pré-
fent pour des expreflîons fynonimes \ de
même qu'on a crû fe bien exprimer en di-
fant que quand on a reçu quelque chofe de
quelqu'un, on poflede cette chofe dcpcn-
danïmcnt de celui de qui on l'a reçue. Oit
peut donc nier qu'il y ait de la dépendance,
c'cft à dire, on peut nier l'cxpreflion ; mais
l'idée ne laillé pas de demeurer.
VlII. 2. Cette même dépendance fe prou-
ve par Venvoi du Fils 6c du St. Efpnt, 6c
par les autres confidérations que l'Ecriture
nous fournit , comme vous favcz. Pour
nier que ce foit-!à une dépendance, les Or-
thodoxes auront recours en vain à ce qu'ils
appellent o^cwow/V , par laquelle ils préten-
dent accorder avec l'indépendance qui clt
eflcntielle aux trois Pcrfonncs, tout ce que
l'Ecriture nous dit qui marque quelque dé-
pendance entr'elles. S'ils entendent quel-
que chofe par ce mot oeconomie , leur pen-
fée eft que c'a été par un pur cfet de leur
14 Lettre d'un Théologien
confentement ^ que Ic Fils & Ic St. Efprit fê
loiK chargez pour un tcms des fonctions en
vertu desquelles ces deux Peifonnes font
regardées comme inférieures au Père. Je ne
leur demanderai pas ce qu'ils peuvent ap-
peller confentemçtit entre trois Perfonncs qui,
îèlon edx, ne font qu'un feul èc même E-
trc qui penfe. Les Orthodoxes ne làuroient
m'ex'pliquer leur penfée^ car je fuis pcr-
fuadc qu'ils ne l'entendent pas eux-mêmes.
Mais tenons nous en à l'idée que leurs cx-
piciTions nous donnent, fc dis donc que
confentir à dépendre, c'ell toujours dépen-
dre: de h même manière qu'un peuple ic
rend dépendant de celui qu'il élit volontai-
rement pourêtrefonRoi. Et dépendre pen-
dant un;tems, c'elt aullî dépendre. Ainfî
à tous ces égards les Orthodoxes ne fiu-
roient lé difpenfer, s'ils s'en tiennent à l'E-
criture, de rcconnoitre quelque dépendan-
ce entre les Perfonnes divines.
IX. Je penlé avoir démontre que les Or-
thodoxes fc font écarte?, de l'Ecriture à Tégai d
du fens des Pafiàges qui établiflènt la dii-
tinélion & la fuhordination des Perfonncs
divines. Mais fi Ton entend ces Partages le-
]on l'idée qu'ils préfentent naturellement à
liotrc efprit, le moyen de les concilier avec
ces deux autres ordres de Partages dont j'ai
fait mention au commencement de cette Let-
tre?
A UN AUTRE ThEOLOG IrN. If
ti'c ? Le moyen de n'ctrc ni Trirhutc, ni
Airicn, à moins que de devenir S.ibcllien,
ou de prendre le parci que les Orthodoxes
ont cmbrallé? Voilà ladirticulié, & je crois
pouvoir dire hardiment, fondé ilir Tcvi-
dencc , que Dieu m'a fait la grâce d'en
trouver la vraye & Tunique Iblution. il
m'ell venu dans la pcnfce que l'on peut
concilier fort bien ces quatre ordres dePaf-
fagcs les uns avec les autres, (ans donner à
aucun d'eux une explication forcée, 6c en
les entendant naturellement : comme aufîî
l;\ns dire rien qui ne puillc être entendu ,
& làns faire palUr des expi\ liions inintelli-
gibles à la faveur de l'incomprchenlibilitc
du myllere. 11 n'y a qu'à examiner s'il ne
leroit p.is poflible de concevoir que les trois
Pcrfonnes fullént un Icul Ktre intelligent à
un certain égard, & trois Etres intelligens
à un autre égard ; 6c que ces trois Êtres
intelligens hiîlènt égaux en un fcns , 5c
inégaux ik fubordonnc/. en un autre fcns.
X. La cbofe me paroit fort poOiblc, 6c
la do6trinc de l'incarnation de Jcfus-Chrill,
doélrine que je reçois avec une pcrluaHon
entière comme elle cil reçue 6c enléio;née
parmi les Orthodoxes me fournit la clé 6c
le dénouement de tout l'énigme. Selon les
Orthodoxes , l'union des deux natures en
Jefus-Chiill icru concilier divers PalVages
de
i6 Lettre d'un Théologien
de l'Ecriture qui parlent de lui d'une ma-
nière contradictoire , à ce qu'il paroit , le
faifant tantôt égal, tantôt inégal au Père.
On n'a qu'à fuivrc ce même chemin, Se
l'on trouvera qu'il n'y a plus de difficulté
en rien, ôc que l'Ecriture eft en tout par-
faitement d'accord avec elle-même.
X[. t^ue l'on conçoive feulement que le
Pérc c'cil la Divinité toute purej êc que
le Fils & k St. Efprit (je parle du Fils
confidcré foit avant, foit après fa venue en
chair ) font deux autres Peribnnes, en cha-
cune desquelles il y a deux natures: une
nature divine, qui tft la même dans cha-
cune des trois Perfonnes, 6c au regard de
laquelle ils font un feul & même Dieu,
ayant une même elfence divine , unique
non feulement en efpece, mais en nombre:
& outre cela une nature rinie & dépendan-
te , unie avec cette nature divine, de la
même manière que les Orthodoxes enfci-
gnent que Jefus-Chrift efl Dicuôc homme.
Voilà un fondement d'unité: voilà un fon-
dement de dillinélion : voilà un fondement
d'égalité: voilà un fondement d'inégalité
6c de Tu bord i nation. Quand les trois Per-
fonnes font comparées entr'ellcs ^ quand il
t{\ fliit mention des diHérentes relations
qu'elles ont l'une avec l'autre, elles ne font
pas confidcrées au regard de ce qu'elles ont
de
A UN Auth'E Théologien. 17
de commun, qui cft la Divirtiré , mais au
rcûard de ce qu'elles ont de particulier, 6c
qui les dilliiiguc. Ainli côhihie il n'y a que
la Divinité toute pure dins la Perfonnc dU
Pérc, il eïl naturel que les dtux autres
Perfônnes foicnt repréfentees comme lui
ctaht intcricures, tt comm'e dépendant de
lui-. Dans tes oCcafions, et n'eil pas la Di-
vinité qui ell mife en comparailbn avec là
Diviilité , tnais la I^ivinité eil compdrcc
avèt deux riatures dépenddnrcs , auxquelles
il a plu à la Divinité de s'unir.
XII. Ce i^bu de hVots Ibftît pour vous
donner l'idée de tout monSylUme. IlvoU^
lèra aifè d'apercevoir qu'il i'accorde avec
h doélriiie des Orthodoxes en tout ce qu'ils
ont fait prorcffibh jufqu'iei de regarder cbhi-
mc cflcntiel au falUt. L'unité de Dieu , h
Divihitédu Pél-è, dU Fils & du St. EC-
prit; la difiinélioh de ces trois PerfoMhcsj
rlticariiatibh dbJefus-Chrift ; & la fatisfilc-
tiôn: éc font là tout aUtàilt d'alticlbs fuf
lesquels ma do6tiifit 5c et lié des Orthbdd^
\£ii elt la même. Il n'v à (Jufe teite dift^-
rciîce. Ils dlfent qub celte dillitiftibu dé
Perfonhts clt une diiîlnéliôh de Modes ^
^^ je ibûtiens qUc c'elt ûhc dli^iîlftidrt de
Subicincës.
XIII. Ce qu'il y a de partituHèr 6itis
WonSyllcmc lemblera peut être, a la prc-
B miére
i8 Lettre d'un Théologien
miérevue, appuyc fur des fuppofitions ar*
bitraircs , tirées de mon cerveau , ôc qui
n'ont aucun fondement dans la révélation.
Je me crois, au contraire, en état de prou-
ver , par des démonftrations aufîi évidentes
que des démonllrations mathématiques puif-
ient être, que tous les articles qui compo-
fent mon Syftême font fondez fur l'autori-
té de TEcriture.
XIV. Déjà s'il n'eft queftion que de
comparer mon Syftêmc avec tous ceux qui
ont paru jufqu'ici fur la Trinité, pour dé-
cider par cette comparaifon quel eft celui
qui doit être préfère aux autres, il ne ièra
pas befoin d'un long examen pour s'aillircr
que le mien s'accorde beaucoup mieux avec
la raifon 6c l'Ecriture qu'aucun des autres
Syftêmes. Celui-ci n'a rien de contradic-
toire, ni de fait, ni en apparence. Il ne
contient rien d'oppofé à quelqu'une de nos
lumières naturelles. Il ne renferme riend'i-
iiintelligible. Il ne donne à aucun Paiîàgc
de l'Ecriture un fens forcé. Quel autre Syf-
tême (fms excepter celui des Orthodoxes)
peut le difputer au mien à tous ces égards .<•
Or fi un Syftcmc qui a tous ces avantages
ne doit pas être préféré à ceux à qui il en
manqne plufieurs & des plus eilêntiels,
qu'on me dife qu'elles font les conditions
requi-
A UN AUTRE THEOLOGIEN. I9
requifes pour qu'il faille donner la prcfé-
rcnce à quelque Syftéme.
XV. j'avoue que parmi les fuppofitions
qui compofent mon Syftcme, il y en a
une qui n'ell pas formellement contenue
dans l'Ecriture j c'eft celle qui attribue au
St. Elprit une nature fkjie jointe avec h
nature divine. Mais cette fuppoficionrcul-f
te de l'union de tous les Pailàges qui par-
lent du myftérc de la Trinité; puisqu'elle
fournit un moyen d'expliquer tous cespaf-
fages d'une manière naturelle , ^ de les
concilier entr'eux; ce qu'aucun Syllcmc
dift'érent de celui-ci n'a encore fû faire, ni
ne pounajam.ais faire. On ell allure qu'on
a trouve le vrai fens d'une énigme, quand
on peut faire une fuppofition qui s'ajullc
parfaitement avec toutes les cxpreflîons qui
compofent l'énigme, 6c qui fait évanouir
toutes les contradicbions que l'énigme fem-
blc renfermer. Il eft aifé d'appliquer a mon
Syftéme ce que je viens de dire. Si l'on ne
tiouve pas que ce foit làuncraifon fuffifan-
te pour le devoir admettre, il faudra bannir
de la Théologie ôc de la Religion toutes les
«ioétrincs qui ne font tirées de l'Ecriture
que par la voye des conféquenccs , ôc qu'on
regarde comme appuyées fur l'Ecriture,
parce que ce H'eft qu'en les fuppofant qu'on
peut concilier divers Paflàgcs cntr'eux. Je
B i vous
lo Lettre d'un T II EOLOGiEr» '
vous laiflè à juger jufqu'où cela peut aller.
XVI. L'union de deux natures en la
Pcrfonnc du Fils avant même fon Incarna-
tion, cil une des principales fuppofitions
qui compofent mon Syftême. Je puis avan-
cer que cette fuppofition eft contenue for-
mellement dans l'Ecriture, ôc je fuisenétar
de l'établir fur des preuves pareilles à celles
fur lesquelles on appuyé le dogme de l'In-
carnation. Ces preuves for-t pnfes de tous
les Paiînges de l'Ancien Teilamcnt oij le
Fils de Dieu eft appelle ^rj^e ou Envoyé de
Dieu, Tel eft celui de l'Exode ch. XXIII.
TÎ'. 20, 21. Foici f envoyé un Anqe devant
toi, afin (jhH te garde dans le chemin y c^r
^u'il t^ intïodtiife au lieu que jC t^ai préparé.
Donne-toi garde de le mettre en colère , & écou-
te fa voix , & ne l'irrite point : car il ne par-
donnera point votre péché , parce q^u e
MON NOM EST EN LUI. Lcs Orthodo-
xcs Ibnt perfuadez par des preuves incon-
teftables, que cet Ange de Dieu étoit Dieu
même , 6c qu'il étoit la propre Pcrfonne du
Ejls de Dieu. Mais j'ajoute à ce qu'ils di-
fent fur ce fujet, que li l'on compare tous
ces endroits, oii il eft nommé tantôt Dieu,
tantôt Angej où tantôt il eft repréfenté
comme Dieu même, tantôt comme un Etre
dépendant de Dieu , il eft naturel de con-
clurre de tous ces Paftages confércî: l'un a-
vec
A UN aqtre Théologien. 21
vcc l'autre, que s'il ctoit Dieu, il étoiten
même tcms un Ange, c'cil à dire un Etre
intelligent fini, auquel Dieu ctoit uni per-
fonnellement. Mon raifonnement cil aufïi
jurte que celui des Orthodoxes, qui con-
cluent qu'il eft Dieu &: homme depuis fà
venue au Monde, fondez fur les Paflàgcs
où il eft appelle Dieu, joints à ceux oîi il
çft appelle homme. Je fouhaite en particu-
lier que l'on Çàiïc attention à celui que je
viens de citer. Foici j'envo\e «« Ange
parce cjue mon nom e(î enlm. On voit ici deux
natures diftinftcs. On y voit la nature di-
vine: car le nom de Dieu qui cil en cet
Ange, c'efl Dieu mcnic. Déplus, ce qui
appartient ù Dieu en propre lui eft attri-
bué , comme de pardonner ou ne pas par-
donner, de punir ceux qui Portjnfcnt, ëcc.
Une nature finie 6c dépendante lui cil auili
attribuée j le nom d'/^w^f , la qualité d'£«-
voy^ de Diett marque allez une telle nature.
Enfin ces paroles, m^n mm eft en lui, mar-
quent l'union 6v la diilinétion tout cnfcm-
olc de ces deux natures, le nom de Dieu
étant djftingué de celui en qui le nom de
Dieu fc trouve. C'eft ainfi que l'union per-
fonnelle des deux Natures en Jefus Chrift
fe prouve par ces PaHàgcsj * Ditt* a été
*i. Tim.IlL ï6.
B 3
1% Lettre d'li n Théologien
munifefic en chair'. * La Parole a été faiu
chair.
XVII. Enfin tout ce Syflêmeeft appuyé
fur deux principes que je viens de démon-
trer par l'Ecriture Sainte. L'un eft que la
diftindion des trois Perfonncs eft une dif-
tindion de fubftance à fubftance. L'autre
eft- que le Fils &. le St. Elprit font fubor-
donnez au Père, & que le St. Efprit eft fu-
bordonnc au Fils à certains égards. Tous
les Orthodoxes font prévenus généralement
de l'opinion que ces deux principes ne peu-
vent point s'accorder avec les autres dog-
mes que l'tcriture nous cnleigne , &: cette
prévention eft la feule ôc unique caufe qui
fîiit qu'ils rejettent ces deux principes j quoi
qu'en les rcjettant ils s'éloignent du fens
naturel d'un tics grand nombre de pallàges
de l'Ecriture où ces deux principes font
contenus. La néccffité oii les Orthodoxes
ont crû être d'expliquer ces Palfigcs-là de
la manière qu'ils ont fait , les a contraints
de paifer Tur tous les inconvéniens d'une
explication qui iioit à rendre toute l'Ecri-
ture inintelligible, fi l'on iuivoit la même
méthode par tout ailleurs. A préfent que
je viens de montivr par la fimple cxpolî-
tion du pvélent Syiréme, qu'il n'y a rien
qui oblige à recourir à des explications 11
peu
* Jean I. 1^
A UN AUTRE TnEOLOGinN. l^
peu naturelles, la Rnifon veut que l'on
regarde les deux principes mentionnez ci-
dcllus comme des véritcz que l'Ecriture
nous a révélées d'une manière auifi claire
qu'aucune autre vcrirc qui nous Ibit connue
par la révélation. Or ces deux principes,
étant une fois poftz, me fournillcnt deux
Argumcns invincibles , qui dcmontrcnc
tout mon Syllcme. Voici Ij premier.
I. A R G U M E N T.
XVIIl. I. Puifquc le Fils cil: diftingnc
du Pcie comme un Etre intelligent c(l dif-
tingué d'un autre Etie intclligenr, ii faut
qu'il y ait dans l'une de ces deux Perfonn^s
un Etre intelligent qui n'cll pas dans l'au-
tre.
2. Cet Etre intelligent, qui efl: dans l'un
des deux 6c n'ell pas dans l'autre, doit être
un Etre intelligent fini ; puilque la Divini-
té, qui eft un Etre intelligait inhni, clt
dans l'un 6c dans l'autre, 6c qu'il ne lâu-
roit y avoir plus d'un l^iiu.
5. Celle de ces deux Perfonncs en qui
cet Etre intelligent Hni fe trouve, partici-
pe aufîî à la Divinité. Donc il faut que ce t-
t: Perlonne foit compolée d: deux natures,
l'une qui elt Dieu, l'autre qui cil un Etre
i.itelligcnt fini.
B 4 4. 11
14 Î^FTTR^ n'uN Theolqgiçn
4 II n'e(l quellion que de lavoir (i c'e(l
Je Pcre , ou le Fils qui cfl compolc de ces
diei4x natuiçs. Qv nous n'avons aucun,c ia,i-
ibn qui nous détcrçiinc a fiippofçi; que c'clt
jç Père, 6c ^oys avons des raifons très for-
tes de juger que c'ell le Fils qui cit coai-
pofé de CCS deux natures.
5. Donc le Fils, outrç la nature divine
qui lui cit commync avec le Pcre, a unç
nature intelligente finie qui lui effc particu-
lière, 6c qui le diftingue dç la Pcrlonnedu
Père.
Je ne vois pas ce qu'on peut oppolçr à
aucune 4c ces cinq propofitions.
XIX. Oji peur taire un raifonnetriieii;
^out pareil fur la Pcrfonnc du St. Efprit \
^ ce qu'on vieuç de conclure du Fils, on
le conclura du St. Elprit. Il n'y a qu'unp
^ulc choie à y ajoiitcr, qui eft que cette
Intelligcnee finie qui diilingue leSt.Efprit
du Pcre, doit être diBo cote de l'Intel ligety:
ce finie qui diftinguc le Fils du Pcre j puis
que le t)t. Efprit cil a,ufli diftingué du FiJ&
comme un Etre lntçliig<-'nt; ctt diftinguc.
d'un autçe Eti.e intelligent. Afin donc que
les tro^s Psrfonues foient diftinguces l'un.e
d.e l'autre dç 1^ manière que l'Ecritu.e liçsv
diftinguc , il, faut qu'il y ait entr'cllcs trois
intelligences j une «liàijiie, qui eft Dieu, 6c
qui cft commune aux trois Perlbnnes ; 6<.
deux
A UN AUTRE Théologien, îJ
dçux autres finies, quifont pariiculicrcsau
i'ils Se au St. Efpm; & qui, diltinguant
CCS deux Pcilbniiesdu Pçrc, ksdiibni^uciit
en yyiCiXiÇ: tcms l'une de l'autre.
Vous venez de voir enquoiconfillemon
^r^U'O^itnt.. Voici le l'econd.
H. Argument.
XX. I. Si le Fils av le St. Efprit font
dépcndaifts du Père à quelque:s égards, il
fa^t qu'il y ait en chacun d'eux une nature
finiç j puiiquc la dépendance cft une im-
perfeclioi^ qyi ne iau.ifoit le rencomrer dans
îa nature diyinCf-, laquelle po^dc loutesles
j)erli\,çtipns.
î, Qr Pantccédcnt a ctc dça>ontré pai:
Vi^çriture.
5. Ponc Icçon^équcn^ ivclavroitètrcrc»
vçqué en doute, 6c dç. la rdvfUe tout cç
qui. 9 été déi^ontré par rAKgUiia,vnt préc^
iltm.
^JÇX-l- C^t, ArguBpent me parojt infoly-r
y^v. Les Or<Iîpdox;es ne peuvent Giquiv^ç
qu'ça niant; q^jic les relation^ que l'^critU"»
^e attjnbiie ai^ Fils &; au St. Elpi-ît p.<r rapi
fOYi au Pékc rçnfcFUKijJf tiç liii dçpettdancj^
^ de riiBp<?rÇ,^(5tion. Majis poui- IbîitcniruDQ
çiçgatipi»! pareille^ il fltut reiiv\.rrer l'idée
4«^ Df^s avons de la dépendance & d,q
' B y l'ira-
i6 Lettre d'un Théologien
l'imperfcâ:ion. Ceux qui me nieront cela,
me feronc plaifir de me donner ladclinition
de ces deux termes. Us me feront plaifir de
me dire en même tems par quelle régie
nous pouvons connoîtrc ce qui c^ une im-
perfection qu'on ncfauioit attribuer uDieu
ians détruire l'idée que nous avons de lui
comme de l'Etre infiniment parfiit. Si
l'on me produit une Icmblable régie, je
me fais fort de démontrer par cette même
régie ; que ce que l'Ecriture attribue au Fils
& au St. Elpnt, quand clic les compare
au Père, renferme qnclquc imperfcéition
incompatible avec rcllcnce divine.
XXII. Une autre confidération qui fcrt
à fortifier mon fécond Argument , c'cil qu'il
eft tout pareil à celui par lequel les Ortho-
doxes prouvent qu'il faloit que le Fils de
Dieu fut homme aufli bien que Dieu, afin
qu'il pût exercer la charge de Médiateur,
fie de Répondant, & être une Victime pour
les pcchairs. La raifcn des Orthodoxes cft
que l'humiliation , les Ibuflfi-ances 5c la mort,
attachées à ces fonélions, font des impcr-
fedions contraires à la nature de Dieu , &
qu'elles demandent par confcquent quj ce
iVlediateur eut une nature humaine, qui fut
unlbjct capable de toutes cesimpcrfeclions.
Ou il fiut que les Orthodoxes m'accordent
que la Divinité même ne peut pas être en-
gcn-
A UN AUTRE ThEOLOGIEN. 2/
gcndrcc, ni procéder, ni ctrc envoyée, &c.
où , s'ils me le nient, je ferai fondé a leur
nier à mon tour que la Divinité même ne
puillc pas fouftrir, Sc ne puillc pas mourir.
Qu'ils allèguent leurs raifons, & j'allci^ue-
rai ks miennes.
XXIll. Ceux qui n'approuveront pas ce
SylU-me, ne fauroient au moins le rejcttcr
comme étant contraire a la laifon où a l'E-
'criturc. On ne dira pas qu'il renferme rien
d'abfurde ou de contradictoire, à moins
que le dogme de l'Incarnation, duquel je
fais la bazc de tout ce Syllcme, ne doive
erre regardé comme un dogme ablurde &
contradiéloirc. Or on ne j^rouvera jamais
que c'en cil un, li ce dogvne cft bien en-
tendu. On ne démontrera jamais non plus,
eue Dieu ayant pu s'unir d'une manière
tort étroite avec une nature intelligente fi-
nie, n*ait pas pu s'unir avec deu.x de ces na-
tures.
XXIV. Qiiant à l'Ecriture, depuis près
de deux ans que ce SylU-me s'cil oflert à
ma mcditation, j'ai examiné dans mon cl-
prit fi ce Livre facré ne contenoit rien qui
fut contraire à mes fuppofitions, ou qu'on
pût y oppofer avec un fondement apparent.
Je n'ai pu encore m'imagincr qu'une feule
objection que l'on me pourra faire. Cette
objedion regarde l'articlw de la Cenéraùon
eut'
5.S Lettre d'un Théologien
éternelle du Fils. On me dira fans doute, que
fi ce qui conftituc la cliftinclion du Pcre
d'avec le Fils cil une nature intelligente
finie qui foit dans le Fils , il faut , ou que
cette nature intelligente n'ait point eu de
commencement, ce qu'on croit répugner à
un Etre fini; ou qu'elle ait eu un commen-
cement, lequel toutefois doit précéder la
création du Monde. En ce fécond cas, le
fils n'auroit pas été engendre du Pcre de
toute éternité. 11 fcroit éternel en qualité de
Dieu ; mais il ne feroit pas éternel en qua-
lité de Fils de Dieu. Dogme contre lequel
plufieurs Orthodoxes zélcz ne manqueront
pas de crier, 4 P hère fie! a Pimpietél Mais
fans prendre parti fur aucun de ces deux
cas, parce que je n'ai pas de railonfuffifan-
te de me déterminer, ni pour l'un, ni pour
l'autre, je dis que Ton ne fiuiroit démon-
trer, QU que l'un, ou que l'autre foit faux .
quoi que, pour réfuter mon Syftême par
cet endroit, il fiudroit que l'on pût démon-
trcrqu'ils font faux tous les deux.
XXV. Pour commencer par le premier
cas, je ne vois pas que l'on puiflc démon-
trer par quelque argument que ce puiflc
être, que Dieu n'a pas pu de toute éternité
donner l'exiflencc à quelque Etre fini , &
qu'il faille nécellaircrajnt qu'il fc foit écou-
lé une infinité de ficcks. , pendant iefqucl^
Dieu
A tJN AUTRE ThÉOLOCIEÎT I9
Dieu n'ait pu 1 icn produire. Je ne fai pas
comment on pourroit montrer qu'il y a de
l'abfurdicc dans cette pro^Xilition ; Comms
Dieu n'a jamAn commencé (Cttre , anjfi n^-t-il
jamati commencé d" agir , fuit en /hi-mcmt , foti
hors de lui-même. L'éternité indépendante
cft une perfcclion de la Divinité, j'en con-
viens : mais on ne fauroit démontrer la mê-
me chofc touchant une éternité dépendante,
& qui a l'on principe, non dans l'Etre mê-
me qui poflédc cette éternité , mais dans Dieii
qui a donné l'cxilknee a cet Etre, quoi que
ce foit de teutc éternité qu'il la lui ait don-
née.
XXVI. Quand au fécond ctis, dans le-
quel on pourroit prétendre que l'cternitédc
laGénération du Fils cfl un article de l'oi ,
& une vérité démontrée par l'Ecriture ; je
fai bien que l'on le fonde lur trois Pallà^es,
qui font pris au Pf. i. Prov. 8. & Mich. 5.
Mais de tous ces Pafl'agcs je n'en trouve pas
un feul qui ibit concluant. La preuve qu'ort
tire du Pf. i. ne mérite aucune attention.
Où a-t-on vu qu^aujourd'^hiri marque l'éter-
nité? Et combien n'entre-t-ilpasde/>£>///o»i
de principe dans Targument que l'on tire de
ce Pafl'ige ?
XXVIT. Ni les paroles de Mich. f. ni
celles dcl^rov. 8. ne prouvent rien non plus
fur le l'ujet en quelbon. Cai' pour celles de
Mch.
50 Lettre d'un Théologien
Aiich. 5. Et fes ijfptes font des jadis, dés les
tems éternels -y comment prouvcia-t-on que
le Fils y cft confiJcrc en qualité de Fils de
Dieu? ëc que ce terme, (es iJJ^es, fignifie
là génération? Ne peut-il pns être conliderc
en cet endroit par rapport à fa Divinité qui
ell éternelle? Mais je veux qu'il foit confi-
deré dans ce Pailàge en qualité de Fils de
Dieu, comme c'clt, ilins [contredit, en cet-
te qualité qu'il ell parlé de lui. Proverbe 8.
comment prouvcra-t-on que ces termes,
T , •.'.• ) '^ • } •.■•. ■ j " j mai
quent l'éternité, foit dans l'un , foit dans l'au-
tre de ces deux Pafîàges ? On fait que toutes
ces expreHions font appliquées indiffcrem-
ment , 6c à Dieu , &: aux créatures , ôc qu'elles
ne fignitïcnt proprement autre chofe il non ce
qui a été depuis long tems. Ces exprefTions
iont donc équivoques, 6c c'eft la nature du
fu.et qui les détermine à fîgnifier, ou une
durée qui n'a point de commencement, ou
une durée longue, à la vérité, mais qui a
eu un commencement. Ainfi ces exprc/-
fions ne fauroient déterminer la nature de
leur fujet, c'eft au contraire la nature de leur
fujet qui les doit déter-miner,
XXVIII. Maisileftdit/'roz/.8.^//Wd54-
fejfe a été engendrée eivant Us abimes ^ avant les
fontaines chargées d'eaux\&c. c-'eftù-dire,avann
la création du Monde. Que peut-on conclure
de
A UN AUTRE ThEOLOGIEN. 51
dclaPMon Sydcmecnfcignc-t-il le contraire?
A-t-on quelque preuve de cette propofition.
Tout ce qui a été avant le Monde cil éter-
nel? Dieu n'a-t-il pas pu donner l'cxUlence
à quelque Etre avant qu'il eût crée le Mon-
de? Et ilippolc qu'il l'eut fait, un pareil
Etre ne pourroit-il pas parler de lui-même
dans les mêmes termes que parle la SagciTe
dans les Proverbes ? Y auroic-il dans un pa-
reil langage quelque chofe d'outre, & d'hy-
perbolique. Ne pourroit-il pas dire. J'ai
été avant le Monde, fi cfectivcment il a été
avant le Monde ? Mais, dit-on, Dic.i ...
fert de ces mêmes cxprefllons pourdéhgnLi'
ion éternité. J'en conviens. Mais ces cx-
prciTions ne marquent l'éternité de Dieu ,
que parce que c'elt a Dieu qu'elles ibnt ap-
pliquées. De leur nature, elles ne marquent
qu'une durée bornée, qui pourroit être cel-
le de quelque créature-, ôc ce n'cil qu'en
étendant leur (îgnitication qu'on peut s'en
fervir pour marquer l'éternité de Dieu. Qui
eil-ce donc qui pourroit prouver que ces
mêmes exprelîîons ne peuvent en aucune
rencontre être prifes en leur iens propre &
naturel , en forte qu'on ne les failc llgnitîer
que ce que les termes Cgniiîent d'eux-mê-
mes? C'eil encore ici le fujct qui doit dé-
terminer le fcns des expreflions} & ce no
foDC
^% Lfe i tAÊ b\iJsr Yméologiew
font pas les expréfllons cjûi dôivèrtt déteî>
mmcr la nature du fujet.
XXIX. Je crois avoir lildhti-é fufifàmi
ment que l'on ne petit rien proiivér par ces
Pallagcs. Qiiânt au^ autres qui àttrifeuèht
^éternité au Fils, ils ne prouvent rien con-
tre moi qui reconnais qU'il eft Dieu , &: qu*ii
cft éternel erttaht que Dieu. Si vous fivcir
quelque Palîàgc de l'Ecriture, outre ceux
que je viens d'indiquèt-j qiie l'on peUtoppo'-i
fer à mon Sy llêmê , je vous prie de mVri
donner la connoifiance, & je vous promets
de l'examiner avec toute l'attention d'une
perfonne qui ne cherche que la vérité.
XXX. fc prévois que l'on me pourra
faire des objeétions d'une autfe nature Oii
me dira que quand mes fentiitiéns fcroicnt
vrais, je ne dcvrois pas les rendre publics^
à caule des troubles qu'une nouveauté de
cette nature pourra excitet" d-ins l'Eglife.
J'ai pefé ces inconveniens , 5c ce font ce§
cônfîdél'atiôns qui m'ont engage à rcriferj
mer ces penfécs en rftoi-mêmc, èi à ne les'
Communiquer à pCffonne, pendant près de
deux ans. J'aurois peut-être continué à \té
fUpprimcr pour toujours, à l'imitation d'Uii
* illiiftrc Théologien j qui peut être a éii
une penfée pareille à là miëhhe fur cettt;
ftlâtiete : mais qui , par les raifohs que je'
viens
* La Placette, Répnfe à J<fixOl'jcâiom,ôiC,
A UN AUTRE ThEOLOGIEN ^J
riens d'indiquer a enterré avec lui toutes
les vues qu'il a pu avoir fur ce fujet. Mais
ma confcicncc m'a fait enfin des reproches
fur mon filence; 6c pcrfuadé d'avoir non
feulement rencontré la vérité, mais une vé-
rité très utileal'Eglife, j'ai craint que Dieu
ne me demandât compte de ce talent en-
foui", & j'ai crû que s'il nous donnoit quel-
ques lumières, c'ctoit dans la vue qu'elles
fufîènt communiquées à l'Eglifc par notre
canal
XXXI. J'ai donc oppofé à toutes les
raifons qui pouv^oicnt m'engager à conti-
nuer de me taire, celles qui peuvent m'en-
gager à rompre mon filencc. En fuppofanc
que ce Syllemc cil appuyé fur des preuves
iolides 6c convaincantes, j'ai réfléchi qu'il
levé toutes les difficultés , tant du côte de
l'Ecriture, que du coté de laRaifon, aux-
quelles tous les autres Syllcmcs avoicnt été
cxpofez, & en particulier celui qui ell reçu
dans l'Eglilé. Il m'a paru que ce leroit tra-
vailler utilement pour l'honneur de l'Ecri-
ture Sainte & de la Religion Chrétienne, 5c
par conféquent pour la gloire de Dieu , pour
l'affermilîcmcnt &: pour la propagation de
notre fîiinte foi, que de montrer aux ad vcr-
faircs de notre Réhgion, Athées, Déïftes.
Juifs, Mahometans, Payens , que notre
.Religion n'elt pas auflî abfurde qu'ils fe la
C figu-
54 Lettre d'un Théologien
figurent, & que nos Ecritures font mieux
d'accord avec elles-mêmes qu'ils ne pcnfent.
J'ai crû que ce feroit leur oter un achoppe-
ment très-confidérable, 6c un prétexte des
plus apparens de demeurer dans l'infidélité.
Il m'a aufli femblé que ce feroit retrancher
la principale caufe de toutes ces Seélés qui
ont divifc PEglife à l'occafion du dogme de
la Trinité. C'eft l'incompréhenfibilité du
myftére qui a fait naître ces Sedes, & cette
încompréhenfibilité n'étoit autre chofe que
l'impolîibilité que l'on fc figuroit à conci-
lier les Pailages qui traitent de ce Point de
la Religion. Cela même a été caufe que
l'on s'cll écarté de l'Ecriture par diffcrens
chemins, comme je l'ai remarqué au com-
mencement de cette Lettre. Chacun s'ima-
ginant que fon chemin efl le meilleur, 6c
ayant les mêmes raifons pour foûtenir fba
choix , comme perfonne n'eft en état de
convaincre fcs AJverfaijes que par les mê-
mes Argumens dont fes Adverfaires peuvent
fe fervir contre lui, cela rendladivifion ir-
rémédiable, 6c la réunion impofTible. Ce
nouveau Syftême ouvre à tous ces partis di-
vifez, l'unique moyen de fe reunir, quieft:
de fe rapprocher de l'Ecriture. Si ce Syf-
tême eft reçu, les Catholiques Romains ne
pouriont plus défendre lescontradiétionsde
leur dogme de la Tranfubltantiation par cel-
les
A UN AUTRE ThEOLOGIEN. Î^
jts du dogme de la Trinité. Ils feront dé-
chus d'une objcciicii à k^quclle , quoi qu'on
puiflè dire, on n'a jamais répondu rien de
îhtisfaifànt. Enfin combien de particuliers
dans la communion des F glifes Orthodoxes,
verront avec joye leurs doutes difiîpez , leurs
difficultez levées? Combien de gens, qui
Orthodoxes deprofeflion, nourriliènt dans
leurs coeurs des Icntimens Arricns, Sabel-
liens, ou Trithcïtes, peut être fans le ia-
voir, reviendront de leurs erreurs par ce
moyen? Voilà, Monlieur, les principales
raifons qui m'ont fait juger que ccSyilême
iêroit unie à l'Eglifc.
XXXII. J'ajoute à cela qu'il y a fi peu
de différence entre ce Svltémc 6c la doétri-
ne reçue parmi les Orthodoxes, qu'on peut
le recevoir (ans prelquc rien changera leurs
confcffionsde foi. Ils crovent qu'il y a un
ièul Dieu, & qu'il y a trois Perfonnes, le
Père, le Fils, & le Saint El'prit, chacune
dcfqucUes cil: Dieu. Ils continueront à le
croire, 6c bien loin qu'ils foient obligez de
changer quelque cholè à leurs expreffions ,
\c mot de Terfomie ^ qui étant pris au plu-
rier n'a aucuneidée dans leur Sylléme, con-
ièrve dans celui-ci la ngnification naturelle
& connue. Ilsdifent que les trois Perfonnes
ïonr. trots manières d'être delà Divinité. Dans
^uel Sylléme cela ic peut-il due d'une ma-
C a nièrs
^6 Lettrf d'un Théologien
nicre plus intelligible que dans le mien?
La Divinité n'cft-elle pas d'une manière
difFérente dans le Père , dans le F ils , 6c dans
le Saint Efpnt? Ils font confifter la géné-
ration du l'"ils & la proceffion du St. Elprit
en ce que le Père a communiqué Ton cilcn-
ce divine au Fils 6c au Saint Elprit. Ce
font des mots qui n'ont aucun lins dans
leur Syftême : mais dans celui-ci ils figni-
fîent quelque chofe de réel, on peut en-
tendre ce qu'on dit. Ces raifons , ce me
femblc, devroient difpofer les cfprits des
Orthodoxes à revenir des préventions que
ce qu'il y a de nouveau dans ce Syftême ne
manquera pas d'abord d'exciter en eux. Ils
doivent regarder ces idées, plutôt comme
des éclaircillèmcns d'une doélrine qu'on a
très peu entenduejufqu'àprélcnt, que com-
me des changcmens effectifs. Rien ne fera
innové, ni dans les fentimens que nous de-
vons avoir à l'égard de Dieu , à l'égard de
Jcfus Chrift, à l'égard du Saint Efprit, ni
dans le culte dont nous les devons honorer;
ni dans les fondemens de ces fentimens Se
de ce culte. L'œconoraie de notre falut de-
meure abfolument la même.
XXXIII. Par dcfllis tout cela , ils de-
vroient fe fouvenir qu'ils font des Reformez,
& non pas des Catholiques Romains. Que
leur Eglife n'cil pas plus infaillible que cel-
le
A UN AUTRE ThEOLOGIEN. 57
le de Rome ne l'ctoit quand nos Percs fe
font fcparcz de cette dernière. Que l'Ecri-
ture cil la règle unique fur laquelle ilsfont
yii'ofciVion d'appuyer leur foi , 6c non les
traditions de leurs Ancêtres, ou les déci-
dons d'aucune afiemblce de Théologiens que
ce puilfe être. Qii'à moins qu'ils ne veuil-
lent renoncer au:: maximes fondamentales
de la Reformation, il ne leur cil pas per-
mis d'oppofer la prcicription à l'Ecriture &
à la Raifon , & de prétendre renverftr un
Syllême appuyé fur de pareils fondcmcns,
en fe fervant des mêmes armes par où ceux
de Romeauroicnt pu renverfer avec la mê-
me facilité la doétrinc Réformée aulTi-toC
qu'elle commença à paroiire. Ils fe tralii-
Jiiront eux-mêmes, s'ils font leur principal
fort de cette Objcclion j Cela fjl uon-veau^
vos Pires ne nom ont pas enfetgnè cette d;t}rinc\
Nous n'en a vions jamais entevdu parler. Qii'on
oppofe raifons à raifons, cVli tout ce que je
demande. Si l'on fuit une méthode lî julle,
fi diizne de Chrétiens, 6c de Chrétiens rc-
formez, beaucoup de difHcultez fe trouve-
ront applanics, plulîeurs doutes feront le-
vez, 6c la vente de quelque côté qu'elle
foit , paroitra au jour avec plus de luilrc.
XXXIV. Nonobllant toutes les raifons
qui devroient faire recevoir ce Syllêmc, il
y auroit de l'imprudence à fc Battcr qu'il ne
C 3 trou-
gS Lettre d'lin Théologien
trouvera pas de violentes opporitioni.jqLianJ
on fait de quelle manière les efpnti des hom-
mes font conilitucz , pour lu plupart. Mais
comme il n'y a point de veriié inconnue,
qui venant à s'établir n'ait rencontré des
oppofitions pareilles, 6c que Dieu veut ce-
pendant que la vérité foit propolée aux
hommjs, & qu'elle ierve même a les éprou-
ver, 6c à dillinguer ceux qui aiment Dit-U
6c la venté de ceux qui n'aiment que leurs
intérêts préfens j je ne crois pas que la crain-r
te des oppofitions puillè légitimement dif-
penfer ceux que Dieu a faits les dépolîtaircs
de fa vérité de la fîiirc briller aux yeux des
hommes. 11 faut, ce me femble, allier en
ces occafions la prudence 6c la fermeté , au-
tant que nos foibles lumières fe peuvent c-
tcndrci fuivre là vocation; obéir à Dieu
qui nous déclare fa volonté par les circonf-
tances où il nous mec ; ÔC remettre l'évé-
nement entre fes mains.
XXXV. Voila, Monfieur, quelles font
mes penfées & mes fcntimens. lie but que
je me propofe en vous les communiquant
ell que V0U5 me fafîicz part rcciproqucment
de vos lumières. Sur-tout je vous prie de
ne m.e rien cacher de tout ce qu'il vous
fèmble qu'on pourroit objcéler à mon Syf-
tême, ou de tout ce qui pourroit aflfoiblir
les raifons fur lelquellcs jei'appuye, ou en-
fin
A UN AUTRE THEOLOGIEN. 59
fin de tout ce qui pourroit juflifier le Syi-
tc.Tie commun , dans les chefs où je crois
avoir prouve qu'il n'cll pas conforme à
l'Ecriture , ni par confcqucnt à la vérité.
Tout ce que vous me direz ne pourra qu'ê-
tre d'une "grande utilité pour l'éclaircif c-
ment de la vérité. Je vous fcrois tort de
croire que vous n'êtes pas dans la difpofi-
tion de concourir avec moi en tour ce que
votre confcience vous dictera cire utile,
pour l'avancement de l'œu\Tc de notre Dieu,
êc de notre Sauveur, au fervicc duquel nous
avons l'honneur d'être vous 6v moi. Je vous
• recommande a fi grâce, &: je iu:s 6cc.
Qj-ioi que- je me fois allez expliqué dans
tout le corps de cette Lettre, pour vous
firiie connoitre mon Sylléme, j'ai crû que
je ferois bien de vous en envoyer une delcrip-
tion plus prccife, telle qu'eit la fuivante.
Principes en cjuoi mes fentimensi* accordent avec
ceux des Grîhcdoxes.
Je rcconnois avec les Orthodoxes , 6-: dans
le mcine iéns qu'eux, l'unité de Dieu, la
Divinité du Père, du Fils & du Saint Ef-
prit, l'Incarnation, laSatisfiCtion j Sctous
les autres dogmes qui font une conféquencc
de ceux que je viens d'expliquer. 11 n'y a
C 4 que
40 Lettre d'cn Théologien
que les articles fuivans en quoi il y a quel-
que différence entre les fentimens des Or-
ïiiodoxes, 6c les miens.
Principes particuliers à mon Syfiême.
1. Outre la Divinité, qui eft un Etre
infiniment parfait, unique en nombre, in-
dépendant, indivilible, il y a deux Ktres
intelligen!- finis, auxquels Dieu a donné
l'exiftcnce dans un tcms qui a précède la
création du Monde. Je ,nc détermine pas Ci
ce tcms a eu un commencement, ou s'il
n'en a pas eu un.
2, Dieu s'cft uni à chacun de ces deux
Etres intell igens finis d'une manière trcs-
ctroitc. Je puis appcller cette union, unign
ferfonnelle, en pren;int le terme de perfonnel-
ie dans le même fens que les Oithodoxes
Je prenent, quand ils l'ai^pliquent u l'union
de la nature divine avec la nature humaine
de Jefus-Chrift.
L'Etre infiniment parfont, qui cil Dieu,
Se ces deuK Etres finis auxquels Dieu s\\\
uni, conltitucnt trois Peiionncs. Je prens
le mot de Perfonne dans le icnsque les hom-
mes ont accoutume de le prendre dans leur
Jangngc ordinaire, quand ils entendent par
une Perfonne un Etre intclligem, uni ou
non uni à un corps. Eu ce ftns-ià trois Per-
louncs
A UN AUTRE ThEOLOCIEN. ^Ï
fonncs font trois Etres intclligens diftin6t$
l'un de l'autre.
4. I.a première Pcrfonnc, qui eftlcPc-
ïQy, c'cll Dieu confidcré tel qu'il cften lui-
même, fans le joindre à aucun autre Ltrc
dillcrcnt de lui. L;i Icconde Pcrlbiinc c|ui
cli le Fils, cft une de ces deux lntcll»i;en-
ccs finies dont je viens de parler , unie très
étroitement avec la Divinité La troilicinc
Pcrlonne, qui eft le Saint Elprit , ell la
ièconde de ces deux Intelligences finies, à
laquelle la Divinité elt unie irès-étroite-
ment, de même qu'à la première.
5. Ainfi dans la l^crlonne du Pcre il n'y
a qu'une feule nature, c'elt la Divinité tou-
te pure. Dans chacune des deux Pcrfonnes
du r ils & du Saint Elprit , il y a deux na-
tures , iivoir une nature divine , qui cil uni-
que en nombre, & la même dans chacune
des trois Perlonnes , ÔC une nature intelli-
gente finie, qui cfl propre au Fils6c au St.
Elprit ëc qui diftingue ces deux Pcrlbnncs
de celle du Père, vk les diflingue auili l'u-
ne de l'autre; parce que la nature intelli-
gente finie qui eil dans le Fils, & la natu-
re inrelligcnte finie qui cftdansleSt.Eibrif,
font deux Etres dillinéls l'un de l'autre.
6. Cette dillinélion des Perlonnes ett une
dillinélion réelle. Elles font dillinguécs
tomme une Pcrfonnc eft diitinguce d'une
G 5 autre
'4^ Lei TRE d'un Théologien
autre Perfonne, c'cft-à-dire comme un Etre
intelligent cft diïlinguc d'un autre Etre m-
tclligent. Elles ne lailll^nt pas d'être un,
fous un certain égard , entant que chacune
des trois dï Dieu, & le même Dieu que
les deux autres.
7. La Perfonne du Fils a été compofce
de deux natures avant ion Incarnation, au f-
fî bien qu'après. Mais avant Ton Incarna-
tion, la nature finie étoit une nature pure-
ment fpiritucllc ou Angélique; & dans l'In-
carnation le Fils a pris à foi une nature hu-
maine. Ainfi au lieu qu'il ctoit auparavant
Dieu 5c Ange, il cil devenu Dieu ÔC Hom-
me. On pourra demander li cette nature
Angélique que le Filsavoit avant Ton Incar-
nation , clt devenue l'ame du corps qu'il a
pris en venant au Monde; ou fi en prenant
ce corps, il a pris aufiî une ame particuliè-
re à ce corps i lans que cette nature intelli-
gente finie ait cefié d'être unie à la Perlbn-
ne, comme elle l'étoit auparavant. Au pre-
mier cas, il n'y àuroitcu en lui que deux
natures, ioit avant Ion Incarnation, foit a-
près; comme il a éié dit au commencement
de cet Article. Au fécond cas, il y auroit
en lui trois natures, depuis fon Incarnation,
toutes trois diftinéles Se qui ne laillèroient
pas de compofer une même Perfonne, fa-
voir une nature Divine, une nature Angé-
lique,
A UN AUTRE THEOLOGIEN. 43
liquc, 6v une nature humaine. Lcpksfiir,
ù mon avis, clt de ne rien dajimmcr fur
cette quclcion doîiteufe*, parce que PEcri-
iLirc ne nous inllruit pus afllz lur ce lujcr,
au moins à ce qu'il nous paroit. Je ne vois
aucun inconvénient à loutcnirloit l'un, foie
l'autre de ces deux partis. Cependant le
j'iémicr me paroît s'accorder beaucoup
mieux que le fccond avec les idées que l'E-
criture nous donne, & il ne renferme point
de difficulté qu'on ne paille lever facilc-
mcnc. C'ell pourquoi je panche aullî da-
vantage de ce coté-la , mais fans rien déci-
der.
8. Lorsque les trois Perfonnes font com-
parées entrVlles ou diilini^uécs par les dif-
fcrcntCb relations qu'elles ont les unes avec
les autres, elles ne font pas comparées ou
miles en relation (Mon ce qu'elles ont de
coininun , mais Iclon ce qu'elles ont de par-
ticulier. Ainlî la réiuti>n quil y a entre le
Père & les deux auires Perlonnes n'cll pas
une relation entre la Divmité du Père, 6c
la Divinité du Fils, ou la Divinité du St.
Efpiit: car ce ne (ont pas trois Divinitcz
dift'érentes, mais le feulôc même Dieu, le
feul ôv même Etre qui ne Tauroit être mis
en relation avec lui-même. Mais c'ell une
relation qui a lieu entre la Divinité qui ell
loute pure dans h PcrionncduPére, ôclcs
deux
44 Lettre d*un Théologien
deux Intelligences finies qui font dans le
Fils 6c dans le St. Efprit. De même la re-
lation qu'il y a entre le Fils £c le St. Efprit,
n'cfl pas une relation entre la nature divine
de l'un, êc la nature divine de l'autre;
puisque ce ne font pas deux natures divines,
mais un mêm.e Etre. Mais cetie relation a
lieu entre les deux Intelligences finies, celle
du Fils, 6c du St. Efprit.
9. Comme les titres de Fils 8c de St. Ef-
prit font des titres qui marquent les relations
qu'il y a entre ces deux Pcrlonnes 6c celle
du Père j 6c que les termes de Génération
6c de Frocefion , dont l'un cil approprié au
Fils, 6c l'autre au St. Efprit, marquent
nuffi ces mêmes relations: ce n'cil pas la
nature divine qui cft le fujet à quoi il faut
rapporter ces termes, foit dans le Fils, foit
dans le St. Efprit j mais c'clt la nature finie
à quoi il les fiiut rapporter. Je veux dire
que la féconde Pcrfonne n'cft pas appellée
Fils de Dieu, 6c n'a pas été engendrée en
qualité de Dieu , mais en qualité d'Etre in-
telligent fini. Et que par la même Raifon
le St. Efprit n'cll pas appelle Efprit de Dieu,
& n'ell pas procédé du Père en qualité de
Dieu, mais en qualité d'Etre intelligent fi-
ni. Au refte, j'ignore la difièrence qu'il y
a entre la Çc'nération 6c la Preccffion. Ces
deux termes expriment la manière dont les
deux
A UN AUTRE ThEOLOGIEIC. 4f
deux Intelligences finies du Fils 2c du St.
Efprit ont été produites par celle du Pérc:
mais cette matière m'eft inconnue. Je fai
feulement que la féconde Pcrfonnc cft ap-
pellée Fils de Dieu dans un fens qui lui ert:
propre , & qui ne convient à aucun autre
Etre fini.
ïo. Les titres de Sdgejfe de Dieu ^ oC dc
Parole de Dieu ^ marquent aufli des rela-
tions particulières, que le Fils, en qualité
d'Intelligence finie, a avec le Père. Mais
ces relations me font inconnues, & je ne
faurois en parler que par conjeélure.
1 1. Le Fils & le St. Efprit, confidercz
entant que Dieu, font égaux au Père, puis-
qu'ils font le même Dieu que le Père. Mais
confiderc2 en qualité de deux Intelligences
finies, ils font à cet égard, inférieurs au
Père , 6c dépendans du Pérc. De même k
Fils èc le St. Efprit font deux Perfonnes,
parfaitement égales, fi on les confidére du
côté dc la nature Divine qu'ils pofledent.
Mais fi on les confidére comme deux Etres
intelligens finis , rien n'empêche qu'il n'y
ait quelque fubordination entr'eux à cet c-
gard. Cette fubordination peut être fondée,
ou fur la différence qu'il peut y avoir en-
tre ces deux natures intelligentes finies, ou
fur la différente manière dont elles peuvcnc
êc.e unies avec la Divinité. Comme Ja rai-
fort
4<^ Lettre d'un Théologien
fbn nous dicle que cette fu bord inationn'cfl:
pas impodiblc, l'Ecriture nous apprend
qu'elle exiile, 6c que le Fils a quelque de-
gré de prééminence fur le St. El'prit. Mais
elle ne nous apprend pas jufqu'oti cette
prééminence s'étend, ni fi elle n'cft que
pour un tcms, ou pour toujours. C'eft
pourquoi, je ne détermine non plus rien
îur un lujct.
12. Le Fils 6c le St. Efprit font l'objet
de tous nos hommages religieux, auHibien
que le Père. Mais ces hommages ne s'a-
dreflent pas à ce qu'il y a de fini dans ces
deux Perlonnes, mais à ce qu'il y a en eux
d'infini ôc de divin. Ainfi, ibit que nous
honorions le Père, Toit que nous hono-
rions le Fils &: le St. Efprit, nous n'avons
qu'un feul 6c même Dieu pour objet de no-
tre culte èc de notre adoration. Nous ado-
rons ce Dieu , félon qu'il fe fait confidercr
a nous, ou dans la Perfonne du Père, ou
dans les Perfonnes du Fils & du St. Efprit,
auxquelles il s'eil uni, & dans lesquelles il
nous manifefte fa glorieufe préfencc. C'elt
ainfi qu'il la manifclloit autrefois, (quoi-
que d'une manière moins exprellè) & qu'il
recevoir aufli les hommages 6c le culte des
hommes à qui il fe manifelloit , dans le
buiflbn enflammé au milieu duquel Dieu
parla à Moife j dans la colomnc de nuée 6c
A UN AUTRE TnEOLOGIEN. \1
de feu , qui conduifbit les Ifraëlitcs dans le
défcrt, 6c du milieu de laquelle Dieu leur
adrelîà fouvcnc la parole; dans cet Aiige
qui ie fit voir diverlcs fois aux anciens Pa-
triarches fous une forme vilîblcj 6c en di-
vers autres objets fcnfiblcs. Je ne rapporte
pas ces ; exemples comme étant tout-à-faïc
pareils , mais comme ayant quelque rapport
a la chofe que je voudrois tâcher de rcpré-
lenter , 6c comme étant propres à en don-
ner quelque idée. En un mot, les hom-
mngcs que nous rendons au Filsôc au Saint
Elprit, ne fe rapportent pas aux Intelligen-
ces finies de ces deux Perfbnnes, mais'à la
Divinité qui cil en eux : de la même ma-
nière que les hommages que nous rendons
à Jefus-Chrill, Dieu 6c Homme, ne fc
rapportent pas à lii nature humaine, mais 9
fa nature divine.
F I N.
f'Ffir ^:w;^mf^p^'
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