Skip to main content

Full text of "Lettre d'un théologien à un autre théologien sur le Mystère de la Trinité"

See other formats


b^.  .. 


r  »  rw  r 


/ 


LETTRE 

D'  U  N 

THEOLOGIEN, 

A     L'  N    A  U  T  R  L 

THEOLÔ^EN, 

Sur  le  Myfiere  de  la 

TRINITE', 

I.    T  II  E  SS.    ^.    y.    2  1. 

Ep'ouvez  toutes  chofes ,  retenez  ce 
qui  eft  bon. 


M.  D  C  C,  XXIX. 


LIVRES   NOUVEAUX 

Qui  fe  trouvent  chez 
PIERRE    HUMB  E  RT. 

TRaiic  fur  les  Miracles  dans  lequel  on  prouve  que 
ie  DiAiîtri  n'en  faurdt  Jaire  fscur-confirnar 
fErreur  ,  ch  l'on  fait  v.vr  que  ceux  qu'on  lui  attribue 
ne  [ont  qu'un  effet  de  L'itnpofîure  ou  de  l'adreffie  des 
Hommes  ,  (3"  oùCon  exar/iine  le  Siftêmc  oppofé/t/ 
que  l'a  établi  le  D  S  A  \1  U  E  L  C  L  A  il  K  E  . 
dans  ion  Traité  fur  la  Religion  Naturelle  (^  Chré- 
tienne, par  Mr.  JAQUES  SERGES,  Vicaire 
a'^ppleby,   8.    1719. 

Dictionairs,  Hiftorique ,  Critique,  Chronologique. 
Geogra^iliique,  &  Littéral  de  la  Bible,  ernichi 
d'un  grand  nojnbrt  de  fgures  en  Taille  douce  ^  qui 
rcprcOîiitent  la  Jnti<\uitez.'fudp-tques  :  par  DO  M 
CAL  MET.  Fol.  4  vol.  Paris.  Idem  les  Volumes  3. 
(5*  4.  à  part. 

Commentaire  fut  la  Eilile  ,   parle  Même,  Fol.  9  vol. 

Hift.  desOidres  Militaires&  de  Chevalerie  ,  avec  une 
Differta:-\(nr  les  Duels ,  par  M.  BASN  AGE,  S.  4  v.  fig. 

— du  Chriftianiime  des  Indes  par  Mr.  L  A 

CROZE,   8.  fig, 

I)in«rtaiions  Hiftoriques  &  Critiques  fur  divers  fu- 
jets  par  Mr.  RIVAL,  Chapelain  du  R  O  1  DjE 
LA  G    B.,  11.   5  vol.   17*7 

Lettres  de  Mr.  B  A  Y  LE  ,  publiées  fur  les  Originaux 
avec  des  remarques  par  Mr.  DES  M  A  l  Z  E  .'^LJ  X 
ïi.   3  \o\.    1719' 

Hiftoire  du  Concile  de  Conftance  par  Mr.  L  E  N- 
f  A  N  T  ,  -  ^o«rf//e  Edition  enrichie  de  nouveaux 
Portraits  ôc  augmentée  de  la  moitié  par  l'AMteur, 
in  4.  1  vol.  fig.  1717.  La  rnéme  en  grand  Papier 
avec  des  Portraits  châfts. 

Sermons  fur  direis  Texics,  pst  le  même  ,  S.  1728. 

Le  Mentor  Moderne,  ;r,îrf«//  dt  l\/tniJoiSt  li.   4V0I.  iraj. 

Sermons  06  TUIotfon ,  Torm  Vl,  171p. 

AVER* 


«  9  *  -s.  •  «,  o,  fut,  /hl  ,»,  ,»,  /v.  ,w,  *.  •  ,if ,  «'.  w, . ,»; 
V.Vi  .V». -..,•'>:  ^^.•t.f>-»-.«>:-''^-.-'-:T^v?i'  .'-.•■..,  r.,-!^  .•■•-.»-. 5rfl  ;*f» 
*5'  'i'  «    *•  '«  ■4'  V  ■*■  *  '•*  •«■  "4^  V  V  ♦  ■*■  "«^  ■  •* 

AVERTISSEMENT. 

j^^cî  ri''(/}  au' un  Tiécis  d'un  Tr.iiti'  plut 
^^é  inda  fur  celte  même  mattére.  Si  et  Trat- 
îe  Cft  donne  au  T/^Z'.Vf,  il  fera  imprimé  en  là 
mcmc  foyme  cjt-te  cette  Leitre  ^  pour  pouvoir  ttre 
relié  dans  un  même  Volunr.e.  Dans  ce  Traité ^ 
il  n^y  at/ra  rien  d'ajouté  a  la  do^rine  mtnte^ 
f'.r  Limaille  fAtiteitr  de  cette  Lettre  a  exphcjtti 
jei  fi-ntimens  avec  toute  la  clar:é  &  toute  Ix 
p'-éc!]lûii  <]t'.i  lui  a  été  prijjihle.  Aiuis  les  rai  Ions 
Jnr  lefjuelles  les  fcnr:mcns''de  l"  Auteur  fout 
fondez.  CT"  dent  queh^ues-uncs  ne  font  tct  jlmple- 
mcnt  cju'indi^f^ié's ,  y  feront  exp^ifes  avec  plut 
de  clarté  &  d'étendue  eju'elles  ii''ont  pu  Vètre 
dans  un  fi  petit  écrit .  iSinflruilion  du  com- 
mun des  Chrétiens  étant  l.i  p>ii:cipale  vue  ejne 
V  Auteur  s''ejt  propofcc ,  tl  tâchera  de  faire  en 
flirte  j'ic  tous  ceux  cjui  s  êiudunt  à  avoir  une 
Religion  CT  une  foi  c slaitée  fotent  en  état  d^tn- 
tiii  ire  ces  m  itieres  ^  cT*  d'en  porter  leur  juje- 
fYikut.  Il  aitend  les  cbjcEîicns  cjne  les  antres 
7  r.cologiens  pourront  lai  jatr^^  ajin  que  fi  U  ré- 
ponjc  à  ijuel^u^une  de  ces  objeCtiom  peut  fervir 
aéc.aircir  davantajiirce  fujet  ^  tl puijfe  joindre 
cette  ïcpoiife  à  foti  Traité. 

Il  invite  tous  les  autres  Tl  é  l^iiens  à  con- 

€Oiiftr  avec  liti  d.ins  U  mthie  vue  &  dans  le 

A  z  méms 


AVERTISSEMENT. 

tneme  ejprit  ;  afin  cjue  tous  les  écrits  t^tii  pour» 
ront  être  faits  à  Voccafton  de  celui-ci  fervent  à 
éclairer  &  a  édifier  le  Public.  Chacun  d'eux 
peut  fe  regarder  comme  étant  celui  à  cjui  cette 
Lettre  s'adreffe  ^  dr  à  qui  1^ Auteur  demande  fes 
avis  ^  dans  un  efprit  de  douceur  ô"  de  charité. 

L. auteur  effére  de  la  modération  de  tous 
ceux  <jui  n'hélant  pas  de  fon  fentiment  entrepren- 
dront de  le  réfuter ,  que  (  comme  il  efi  féant  a 
des  Chrétiens ,  &  fur-tout  a  des  Théologiens)  ils 
tacheront  de  le  combattre  par  des  ratfons  ,  & 
mn  pas  par  des  inueBives  ^  qui  ne  peuvent  éclat' 
rer  ni  édifier  perfonne.  Il  déclare  a' avance  qu  il 
a  fortement  réfolu  de  ne  rien  repondre  a  des  ar- 
gumens  de  cette  dernière  forte ,  mais  de  les  laif- 
fer  au  jugement  de  Dieu. 

Vne  autre  chofe  dont  il  prie  ceux  quidaigne- 
ront  faire  quelque  réponfe  à  cette  Lettre,  âcfi 
àk  éviter ,  autant  qu'il  fera  poffible,  les  expref- 
Jîons  que  les  Théologiens,  &  fur  tout  les  Scolaf- 
tiques  ont  introduites ,  &  qui  ne  font  pas  en^ 
tendues  de  tout  le  monde.  Oh  que  s'ilsnecrojent 
pas  fe  pouvoir  paffer  d"* employer  quelque  expref* 
Jton  pareille,  il  leur  plaife  de  définir  cette  expref- 
Jton,  afin  de  lever  toute  équivoque,  (^  qu'il pa- 
rotfje  que  Von  ne  cherche  départ  &  d^auîreqnà 
mettre  la  vérité  dans  tout  fon  jour. 

LET- 


LETTRE 

D'  U  N 

THEOLOGIEN 

AUNAUTRE 

THEOLOGIEN, 

Sur  le  Myjlke  de  laT  K^nh". 

O  u  s  les  Syftêmes  de  la  Tri- 
nité qui  ont  parujurqu'àprc- 
jfent  fe  font  écartez  de  PEcri- 
'ture  à  l'égard  de  quelques 
Points.  La  caufe  de  cet  écart 
à  été  la  même  dans  tous  ceux  qui  ont  em- 
braflé  quelqu'un  de  ces  Syftêmes  différens. 
C'cft  qu'aucun  n'a  compris  la  manière  donc 
on  pou  voit  concilier  quatre  ordres  de  Paf- 
iîiges  de  l'Ecriture  j  ceux  qui  regardent  l'u- 
nité de  Dieu  j  ceux  qui  regardent  la  Divi- 
nité du  Père,  du  Fils,  &  du  St.  Efpriti 
ceux  qui  regardent  ladiftinéliondccestrois 
Perfbnnes  ;  enfin  ceux  qui  regardent  la  lli- 
bordination  de  l'une  à  l'autre.  Comme 
perfonne ,  de  ma  connoiOànce ,  n'a  crû  qu'il 
y  eut  moyen  d'expliquer  ces  quatre  ordres 
A  5  de 


6    LETTaE  d'i/n  Théologien 

de  Pailàges  fclon  leur  lins  propre  &:  n^.ta-? 
rel,  fans  mettre  une  partie  de  l'Ecriture  en 
contradiftion  avec  l'autre  partie,  cela  a  Fait 
que  fous  le  prétexte  commun  d'expliquer 
l'Ecriture  par  l'Ecriture,  chacun  de  ceux 
qui  ont  enibrallë  quelqu'une   de  ces   opi-  ■ 
nions  oppofécs  a  donné  un  kns  forcé  aux. 
Pafiages  de  l'Ecriture  dont  le  lèns  naturel 
ne  s'accordoit  pas  avec  le  Syftème  de  cette 
perfonne  là.  Entre  ceux  qui  fe  lont  heur- 
tez, à  cet  écueil ,  on  peut  compter,  fclon 
mon  jugement  les  Trithcïtcs  d'un  côté,  les 
Arriens  ôc  les  Sociniens  de  l'autre,  £c  les 
Sabelliens  ôc   les  Orthodoxes  de   l'autre. 
Vous  comprenez  qui  j'entens  par  ces  der- 
niers. Comme  c'cil  d'eux  qu^il  cil:  princi- 
palement queftion  à  préiént,  je  crois  pou- 
voir montrer  avec  une  évidence  fenfible, 
qu'ils  fe  font  éloignez  du  fens  clair  &  ma- 
niftfle  des  paroles  de  l'Ecriture,  lors  qu'il 
s'eil  agi  de  la  diftirftion  que  l'Ecriture  po- 
fe  entre  les  Perfonnes  divines,  6c  de  la  fu- 
bordmaiion  qu'elle  met  entr'cllcs.  Ils  nient 
abfblument  la  dernière  de  ces  choies ,  fins 
en  avoir  d'autre  fundiment,  fi  ce  n'eltque 
leur  Syflcmc  le  demande.   Quant  à  la  pre- 
mière, bien  qu'ils  fiflènt  profeifion  de  la 
reconnoitre,  ils  l'anéantifli-nt  en  éfet  auffi- 
bien  que  la  féconde,  en  ne  fulant  conflkr 
fctte  diftinclioiî  qu\n  une  dillinction  de 

Fr6' 


A    UN    AUTRE   ThEOLOCIEN.        f 

Tropriet ez.  OU  de  Modes;  au  lieu  que  l'K- 
cntuie  nous  propolc  ces  nois  Perfonnes 
comme  trois  Etres  uitclligcns  dillmcte,  & 
fubordcnncz  l'un  à  l'autre,  quoi  qu'elle 
nous  les  repréfente  aufîî  comme  étant  un  cC 
égaux  à  certain  égard. 

II.  Il  ne  faut  que  lire  l'Ecriture,  s'il  clc 
poflible,  avec  un  efprit  qui  ne  ibit  préocu- 
pé  d'aucun  Syftême,  pour  apercevoir  que 
les  Paflages  qui  dilbfiguentles  trois  Perfon- 
nes les  diftinguenc  couime  un  Etre  intelli- 
gent ce  dillingué  d'un  autre  Etre  intelli- 
gent. Cela  tit  fi  vrai ,  que  les  Orthodo- 
xes, qui  ne  reconnoiflent  dans  ces  Pallâges 
qu'un  icul  Etre  inteliigcnt  dillingué  de  lui- 
même  par  diverfes  propriétez  qu'ils  appel- 
lent T^r/owwf //a,  ne  fouticnnent  leur  expli- 
cation, ni  par  les  Pallâges  mêmes  qu'ils  ex- 
pliquent, ni  par  quelque  ici  de  l'uiàge  qui 
puilîè  autoriler  la  manière  dont  ils  expli- 
quent ces  Paflàgcs.  Ils  n'ont  point  d'autre 
preuve  de  leur  explication ,  que  les  confé- 
quences  qu'ils  fc  figurent  qu'une  explication 
oppofée  entraineroit  après  elle.  Si  l'on  fe 
déclaroit  pour  une  uiftinction  de  Subihm- 
ces,  les  trois  Perfonnes  feroient  trois  Dicux, 
êc  les  trois  ne  pourroient  pa»être  un ,  com- 
me l'Ecriture  nous  l'enfcigne,  C"eftàdire, 
que  l'explication  que  les  C)rthodoxes  don- 
nent .à  ces  Pafiàges-là,  n'cft  fondée  que  fur 
A4  la 


s     Lettre  d'cn  Théologien 

la  penfée  qu'ils  ont  que  le  fens  propre  & 
naturel  des  ilifciits  Pafiages  ne  peut  point 
compatir  avec  les  Pafiages  qui  établillent 
^'unité  de  Dieu,  l'unité  des  trois  Perfonnes, 
&  la  Divinité  de  chacune.  Ils  appellent  cela 
exj^li^ner  V  Ecriture  par  l'Ecriture  :  mais  d'au- 
tres, qui  ne  feront  pas  prévenus  pour  kur 
Syftême ,  l'appelleront  plutôt  abandonner 
le  lens  d'une  partie  de  l'Ecriture,  pour 
mettre  d'accord  cette  partie  avec  l'autre. 
En  éfet ,  il  ce  n'ell  pas  abandonner  le  fens 
de  l'Ecriture  que  de  ne  vouloir  entendre 
que  d'un  Teul  Etre  qui  penle  ce  qu'elle 
nous  dit  de  trois  biendilHncts,  chacun  del- 
quels  nous  eft  repréfcnté  comme  un  Etre 
qui  pcnfe ,  &  comme  un  Etre  qui  penfc 
dirtincl  de  Tautre,  je  ne  vois  pas  quand 
c'ell  que  l'on  pourra  accufer  un  interprête 
d'abandonner  le  ièns  de  l'Ecriture. 

JII.  Pour  convaincre  les  Orthodoxes  de 
bâtir  fur  un  fondement  ruineux  ,  je  n'ai 
qu'à  leur  faire  fentir  qu'ils  font  [prccifément 
dans  les  mêmes  termes  que  les  Triiheïtes, 
8c  les  Arriens.  Les  partilans  de  ces  deux 
fecles,  fc  fondant  fur  la  même  maxime  que 
les  Orthodoxes,  ^t'ii  faut  expliquer  r E- 
criture  par  P écriture ,  donnent  à  certains 
Paflàges  une  expHcaiion  forcée,  pour  ac- 
corder ces  Paflàges  avec  d'autres.  Les  uns 
donnenc  cetce  explication  aux  Paflàges  qui 

cta« 


A  UN  AUTRE  Théologien.     9 

établiilènt  l'unité  de  Dieu ,  les  aunes  la 
donnent  aux  Pallages  qui  établiflènt  la  Di- 
vinité du  Père,  du  Fils,  ôc  du  St.  Efprit, 
parce  qu'il  ne  connoiflént,  ni  les  uns,  ni 
les  autres,  que  ce  ieul  moyen  d'accorder 
ces  Pallages  avec  ceux  fur  lesquels  ils  fon- 
dent leur  Syftême.  Si  ces  trois  antagoniftes, 
l'Qrthcdoxc  ,  le  Trithéïte ,  6c  l'Arrien , 
entroient  en  dirpute  chacun  pour  loutenir 
les  opinions  contre  celles  des  autres ,  leurs 
difiérens  fe  réduiroit  acettequcftion  j  Quel 
d'entr'cux  eft  celui  qui  donne  une  explica- 
tion moins  forcée  aux  Paflàges  que  fcs  deux 
parties  lui  oppofcnt?  Je  ne  iài  pas  comment 
une  telle  qucftion  peut  être  décidée.  11  me 
paroit  par  là  qu'un  Juge  qui  ne  léroit  pré- 
venu d'aucun  Syilême  décideroit  qu'ils  font 
tous  trois  dans  le  tort  à  quelques  égards,  6c 
qu'ils  s'appuyenc  tous  trois  fur  une  maxime 
qui  eft  faullc  puis  que  chacun  a  un  droit  é- 
gal  de  fe  l'approprier. 

IV.  Une  autre  confidération  par  laquelle 
on  peut  convaincre  les  Orthodoxes  de  U 
fauiièté  de  leurs  principes  touchant  la  dil- 
tinction  des  Perfonnes,  c'ell  que  la  diffé- 
rence qu'il  y  a entr'euxôc les SabcUicns, les- 
quels ils  condannent  comme  des  hérétiques, 
eft  une  différence  fi  mince,  qu'il  eft  bien 
difficile  de  dire  en  quoi  elle  confifte,  fi  ce 
n'cft  pas  dans  la  manière  de  s'exprimer. 
.  A  f  Les 


ro     Lettre  d'un  Théologien 

Les  uns  &  les  autres  ne  reconnoiflcnt  dans 
les  trois  Pcrlonnes  qu'un  leiil  Etrcquipen- 
fc  ?  Et  fi  les  Oi'thodoxes  dillingaent  ces 
Perfonnes  par  disproprte'tez  perfonnelles,  qu'ils 
ne  iauroienc  dire  en  auoi  elles  conliilenc, 
mais  qui  ne  lailîcnt  pas  de  devoir  être  mi- 
ics  au  nombre  des  Modes,  puis  que  ce  ne 
font  pas  des  Subîlances  ;  les  Sabelliens  dif- 
tingucnt  ces  mêmes  Peribnnes  par  divers 
Attributs^  ou  par  diverfes  Opérations  de  lu 
Divinité.  Ce  font  là  aulli  des  Modes,  Sc 
des  Modes  dont  on  a  un  peu  plus  d'idée  que 
ceux  que  les  Orthodoxes  ont  imagine,  ou 
plutôt  dont  ils  parlent  fîuis  s'en  pouvoir 
former  d'idée.  Qui  empêchera  les  Sabel- 
liens ,  fipporé  qu'ils  veuillent  parler  le 
langage  des  Orthodoxes,  d'appellerces  At- 
trihats  ou  ces  Opér.uions  par  lefquelles  ils 
diilinguent  les  Perfonnes,  des  Propr:éiez 
Perfonnelies ,  ou  des  Perfonnalitez.'^.  Et  com- 
ment les  Orthodoxes  prouveraient-ils  que 
les  Fropriétez.  dont  ils  ie  fervent  pourdiftm- 

fuer  les  Perfonnes,  £<:  qu'ils  pourroient 
ien  appeller  Attributs  ^''ihvouXok.nx.^  met- 
tent une  plus  grande  dillinârion  entre  les 
Perfonnes  divines,  que  les  Attributs  ouïes 
Opéiations  de  la  Divinité  n'y  en  mettent 
félon  les  principes  des  Sabelhens  ? 

V.  11  cil   vrai   que  les   Orthodoxes   fe 
croyent  fondez. à  trouver  une  grande  difte- 

rencg 


A  UN  AUTRE  Théologien,     ii 

rence  entre  leurs  fcntimcns  6c  ceux  des  Sa- 
belliens  fur  ce  qu'ils  accuicnt  ccux-ei  de  ne 
conlïderer  le  Pcre,  le  Fils,  ci  le  St.  Efpiit 
qpc  comme  de  fimplcs  Attributs,  6c  non 
pas  comme  des  Perfonnes ,  c'eft  à  dire  comme 
des  Etres  qui  penfcnt.    Dans  cette  opinion 
ils  cioyent  avoir  folidement  réfuta  leurs  ad- 
verlancs  par  les  pailâges  de  l'Ecriture  qui 
nous  reprcicntent  chacune  des  trois  Perfon- 
ncs  comme  un  Erre  qui  penfe  6c  qui  agir, 
îvlats  il  me  fcmble  qu'on  devioit  avoir  la 
charité  6c  Pcquitc  à  l'égard  de  ceux  qui  ont 
des  fentimens  difiérens  des  nôtres,  de  ne  les 
croire  pas  extravagans  jufques  au  point  de 
ic   figurer  que  ces  trois   dont  nous  parle 
l'Ecriture  ne  font  que  des  attributs  ou  des 
Opérations  détachées  de  leur  Ibjct  qui  eft 
Dieu,  Icsquelks  celVeroient  par  cela  même 
d'être  des  Attributs  ou  des  Opéiations,  §C 
deviendroicnt  des  Subiliances  aétives.     Ils 
n'entcndenc  fans  doute  autre  chofc   finon 
que  chacun;de  ces  trois  cil  Dieu  même  le 
luanil-èflant  .fous   quelqu'un   de  ces  Attri- 
buts, on  bien  opérant  d'une  certaine  ma- 
nière  Qiioi  qu'il  en  loir,  lesSabelliensque 
j'ai  ici  en  vue,  6v  que  je  prctcns  mettre  en 
coraparailbn  avec  les  Orthodoxes,  font  ceux 
qui  ont  les  léntimens  que  je  viens  d'expo- 
fer.  Or  mcttmt  en  la  place  de  ces  Aitrtban 
6c  de  ces  0:é;\itioKS-d<:s  I^reprieiezi  perfofmfl^ 


Il    Lettre  d'un  Théologien 

les^  les  Orthodoxes  ne  veulent  dire  autre 
chofe  que  ce  que  difent  les  Sabellicns  donc 
je  parle,  ou  je  n'entens   point  du  tout  1^ 
penlce  des  Oi  chodoxes. 
'*''•  Si  les  Orthodoxes  fe  font  écartez  de  l'E- 
criture dans  ce  qui  regarde  la  diftindtion 
des  Pcrfonnes,  ils  ne  s'en  font  pas  moins 
écartez  dans  ce  qui  regarde  la  fubordina- 
tion  de  ces  Perfonnes,  &  leur  dépendance 
les  uns   des  autres.    Ils  nient  abiblumenc 
cette  fubordination  6c  cette  dépendance,  £c 
ils  ne  peuvent  pas,  félon  leur  Syllême;  fe 
difpenfer  de  la  nier;  puis  qu'ils  ne  recon- 
Koiiîcnt  dans  la  perfonne  du  Fils  (confide- 
rée  avant  Ton  incarnation  )    non  plus  que 
dans  la  Perfonne  du  St.  Efprit,  rien  que 
la  Divinité  toute  pure,  avec  laquelle  toute 
cfpéce  de  dépendance  &  de  fubordination 
cft  abfolumcnt  incompatible.     Mais  li    le 
Syftême  des  Orthodoxes  eft  d'accord  avec 
lui-même  en  ce  point,  il  eft  très  peu  d'ac- 
cord avec  l'Ecriture,  qui  nous  reprélente 
le  Fils  &;  le  St.  Efprit  comme  dépendans 
du  Pérc  à  diiTérens  égards. 

VII.  I.  Elle  nous  les  fut  regarder  com- 
me dépendans  du  Père  à  l'égard  de  leur 
exiflÉhce  ^  ou  bien  de  leur  fuh/tfiatjce,  ^fî 
les  Orthodo.'^xs  aiment  mieux  le  fécond 
terme  que  le  premier  ,  autrevTîcnt  j'aurais 
crû  qu'ils  lignifient  h  même  choie  l'un 

que 


A  UN  AUTRE  Théologien,     i^ 

que  l'autre.)  Le  Fils  ôc  le  St.  Efprit  ont 
donc  reçu  leur  fubftftance  du  Père  ,  \\\n 
par  voye  de  Génération,  l'autre  par  voye  de 
^roceffion.  Quelque  idée  qu'on  k  forme  de 
ces  deux  exprcflîons ,  elles  marquent  que 
le  Fils  6c  le  St.  Efprit  ont  reçu  quelque 
chofe  du  Père.  Or  avoir  reçu  de  qucU 
qu'un  fi  fubfillance,  &  fubfiftcrdcpendam- 
lï>ent  de  quelqu'un  ont  paflè  jufqu'à  pré- 
fent  pour  des  expreflîons  fynonimes  \  de 
même  qu'on  a  crû  fe  bien  exprimer  en  di- 
fant  que  quand  on  a  reçu  quelque  chofe  de 
quelqu'un,  on  poflede  cette  chofe  dcpcn- 
danïmcnt  de  celui  de  qui  on  l'a  reçue.  Oit 
peut  donc  nier  qu'il  y  ait  de  la  dépendance, 
c'cft  à  dire,  on  peut  nier  l'cxpreflion ;  mais 
l'idée  ne  laillé  pas  de  demeurer. 

VlII.  2.  Cette  même  dépendance  fe  prou- 
ve par  Venvoi  du  Fils  6c  du  St.  Efpnt,  6c 
par  les  autres  confidérations  que  l'Ecriture 
nous  fournit ,  comme  vous  favcz.  Pour 
nier  que  ce  foit-!à  une  dépendance,  les  Or- 
thodoxes auront  recours  en  vain  à  ce  qu'ils 
appellent  o^cwow/V ,  par  laquelle  ils  préten- 
dent accorder  avec  l'indépendance  qui  clt 
eflcntielle  aux  trois  Pcrfonncs,  tout  ce  que 
l'Ecriture  nous  dit  qui  marque  quelque  dé- 
pendance entr'elles.  S'ils  entendent  quel- 
que chofe  par  ce  mot  oeconomie ,  leur  pen- 
fée  eft  que  c'a  été  par  un  pur  cfet  de  leur 


14    Lettre  d'un  Théologien 

confentement  ^  que  Ic  Fils  &  Ic  St.  Efprit  fê 
loiK  chargez  pour  un  tcms  des  fonctions  en 
vertu  desquelles  ces  deux  Peifonnes  font 
regardées  comme  inférieures  au  Père.  Je  ne 
leur  demanderai  pas  ce  qu'ils  peuvent  ap- 
peller  confentemçtit  entre  trois  Perfonncs  qui, 
îèlon  edx,  ne  font  qu'un  feul  èc  même  E- 
trc  qui  penfe.  Les  Orthodoxes  ne  làuroient 
m'ex'pliquer  leur  penfée^  car  je  fuis  pcr- 
fuadc  qu'ils  ne  l'entendent  pas  eux-mêmes. 
Mais  tenons  nous  en  à  l'idée  que  leurs  cx- 
piciTions  nous  donnent,  fc  dis  donc  que 
confentir  à  dépendre,  c'ell  toujours  dépen- 
dre: de  h  même  manière  qu'un  peuple  ic 
rend  dépendant  de  celui  qu'il  élit  volontai- 
rement pourêtrefonRoi.  Et  dépendre  pen- 
dant un;tems,  c'elt  aullî  dépendre.  Ainfî 
à  tous  ces  égards  les  Orthodoxes  ne  fiu- 
roient  lé  difpenfer,  s'ils  s'en  tiennent  à  l'E- 
criture, de  rcconnoitre  quelque  dépendan- 
ce entre  les  Perfonnes  divines. 

IX.  Je  penlé  avoir  démontre  que  les  Or- 
thodoxes fc  font  écarte?,  de  l'Ecriture  à  Tégai  d 
du  fens  des  Pafiàges  qui  établiflènt  la  dii- 
tinélion  &  la  fuhordination  des  Perfonncs 
divines.  Mais  fi  Ton  entend  ces  Partages  le- 
]on  l'idée  qu'ils  préfentent  naturellement  à 
liotrc  efprit,  le  moyen  de  les  concilier  avec 
ces  deux  autres  ordres  de  Partages  dont  j'ai 
fait  mention  au  commencement  de  cette  Let- 
tre? 


A   UN    AUTRE    ThEOLOG  IrN.       If 

ti'c  ?  Le  moyen  de  n'ctrc  ni  Trirhutc,  ni 
Airicn,  à  moins  que  de  devenir  S.ibcllien, 
ou  de  prendre  le  parci  que  les  Orthodoxes 
ont  cmbrallé?  Voilà  ladirticulié,  &  je  crois 
pouvoir  dire  hardiment,  fondé  ilir  Tcvi- 
dencc  ,   que  Dieu   m'a  fait  la  grâce  d'en 
trouver  la  vraye  &  Tunique  Iblution.     il 
m'ell    venu  dans  la  pcnfce  que  l'on  peut 
concilier  fort  bien  ces  quatre  ordres  dePaf- 
fagcs  les  uns  avec  les  autres,  (ans  donner  à 
aucun  d'eux  une  explication  forcée,  6c  en 
les  entendant  naturellement  :   comme  aufîî 
l;\ns  dire  rien  qui  ne  puillc  être  entendu , 
&  làns  faire  palUr  des  expi\ liions  inintelli- 
gibles à  la  faveur  de  l'incomprchenlibilitc 
du  myllere.  11  n'y  a  qu'à  examiner  s'il  ne 
leroit  p.is  poflible  de  concevoir  que  les  trois 
Pcrfonnes  fullént  un  Icul  Ktre  intelligent  à 
un  certain  égard,  &  trois  Etres  intelligens 
à  un  autre  égard  ;  6c  que  ces  trois  Êtres 
intelligens    hiîlènt  égaux  en  un  fcns  ,   5c 
inégaux  ik  fubordonnc/.  en  un  autre  fcns. 

X.  La  cbofe  me  paroit  fort  poOiblc,  6c 
la  do6trinc  de  l'incarnation  de  Jcfus-Chrill, 
doélrine  que  je  reçois  avec  une  pcrluaHon 
entière  comme  elle  cil  reçue  6c  enléio;née 
parmi  les  Orthodoxes  me  fournit  la  clé  6c 
le  dénouement  de  tout  l'énigme.  Selon  les 
Orthodoxes ,  l'union  des  deux  natures  en 
Jefus-Chiill  icru  concilier  divers  PalVages 

de 


i6    Lettre  d'un  Théologien 

de  l'Ecriture  qui  parlent  de  lui  d'une  ma- 
nière contradictoire ,  à  ce  qu'il  paroit ,  le 
faifant  tantôt  égal,  tantôt  inégal  au  Père. 
On  n'a  qu'à  fuivrc  ce  même  chemin,  Se 
l'on  trouvera  qu'il  n'y  a  plus  de  difficulté 
en  rien,  ôc  que  l'Ecriture  eft  en  tout  par- 
faitement d'accord  avec  elle-même. 

X[.  t^ue  l'on  conçoive  feulement  que  le 
Pérc  c'cil  la  Divinité  toute  purej  êc  que 
le  Fils  &  k  St.  Efprit  (je  parle  du  Fils 
confidcré  foit  avant,  foit  après  fa  venue  en 
chair  )  font  deux  autres  Peribnnes,  en  cha- 
cune desquelles  il  y  a  deux  natures:  une 
nature  divine,  qui  tft  la  même  dans  cha- 
cune des  trois  Perfonnes,  6c  au  regard  de 
laquelle  ils  font  un  feul  &  même  Dieu, 
ayant  une  même  elfence  divine  ,  unique 
non  feulement  en  efpece,  mais  en  nombre: 
&  outre  cela  une  nature  rinie  &  dépendan- 
te ,  unie  avec  cette  nature  divine,  de  la 
même  manière  que  les  Orthodoxes  enfci- 
gnent  que  Jefus-Chrift  efl  Dicuôc  homme. 
Voilà  un  fondement  d'unité:  voilà  un  fon- 
dement de  dillinélion  :  voilà  un  fondement 
d'égalité:  voilà  un  fondement  d'inégalité 
6c  de  Tu  bord  i  nation.  Quand  les  trois  Per- 
fonnes font  comparées  entr'ellcs  ^  quand  il 
t{\  fliit  mention  des  diHérentes  relations 
qu'elles  ont  l'une  avec  l'autre,  elles  ne  font 
pas  confidcrées  au  regard  de  ce  qu'elles  ont 

de 


A  UN  Auth'E  Théologien.     17 

de  commun,  qui  cft  la  Divirtiré  ,  mais  au 
rcûard  de  ce  qu'elles  ont  de  particulier,  6c 
qui  les  dilliiiguc.  Ainli  côhihie  il  n'y  a  que 
la  Divinité  toute  pure  dins  la  Perfonnc  dU 
Pérc,  il  eïl  naturel  que  les  dtux  autres 
Perfônnes  foicnt  repréfentees  comme  lui 
ctaht  intcricures,  tt  comm'e  dépendant  de 
lui-.  Dans  tes  oCcafions,  et  n'eil  pas  la  Di- 
vinité qui  ell  mife  en  comparailbn  avec  là 
Diviilité  ,  tnais  la  I^ivinité  eil  compdrcc 
avèt  deux  riatures  dépenddnrcs ,  auxquelles 
il  a  plu  à  la  Divinité  de  s'unir. 

XII.  Ce  i^bu  de  hVots  Ibftît  pour  vous 
donner  l'idée  de  tout  monSylUme.  IlvoU^ 
lèra  aifè  d'apercevoir  qu'il  i'accorde  avec 
h  doélriiie  des  Orthodoxes  en  tout  ce  qu'ils 
ont  fait  prorcffibh  jufqu'iei  de  regarder  cbhi- 
mc  cflcntiel  au  falUt.  L'unité  de  Dieu ,  h 
Divihitédu  Pél-è,  dU  Fils  &  du  St.  EC- 
prit;  la  difiinélioh  de  ces  trois  PerfoMhcsj 
rlticariiatibh  dbJefus-Chrift  ;  &  la  fatisfilc- 
tiôn:  éc  font  là  tout  aUtàilt  d'alticlbs  fuf 
lesquels  ma  do6tiifit  5c  et  lié  des  Orthbdd^ 
\£ii  elt  la  même.  Il  n'v  à  (Jufe  teite  dift^- 
rciîce.  Ils  dlfent  qub  celte  dillitiftibu  dé 
Perfonhts  clt  une  diiîlnéliôh  de  Modes  ^ 
^^  je  ibûtiens  qUc  c'elt  ûhc  dli^iîlftidrt  de 
Subicincës. 

XIII.  Ce  qu'il  y  a  de  partituHèr  6itis 
WonSyllcmc  lemblera  peut  être,  a  la  prc- 

B  miére 


i8    Lettre  d'un  Théologien 

miérevue,  appuyc  fur  des  fuppofitions  ar* 
bitraircs  ,  tirées  de  mon  cerveau ,  ôc  qui 
n'ont  aucun  fondement  dans  la  révélation. 
Je  me  crois,  au  contraire,  en  état  de  prou- 
ver ,  par  des  démonftrations  aufîi  évidentes 
que  des  démonllrations  mathématiques  puif- 
ient  être,  que  tous  les  articles  qui  compo- 
fent  mon  Syftême  font  fondez  fur  l'autori- 
té de  TEcriture. 

XIV.  Déjà  s'il  n'eft  queftion  que  de 
comparer  mon  Syftêmc  avec  tous  ceux  qui 
ont  paru  jufqu'ici  fur  la  Trinité,  pour  dé- 
cider par  cette  comparaifon  quel  eft  celui 
qui  doit  être  préfère  aux  autres,  il  ne  ièra 
pas  befoin  d'un  long  examen  pour  s'aillircr 
que  le  mien  s'accorde  beaucoup  mieux  avec 
la  raifon  6c  l'Ecriture  qu'aucun  des  autres 
Syftêmes.  Celui-ci  n'a  rien  de  contradic- 
toire, ni  de  fait,  ni  en  apparence.  Il  ne 
contient  rien  d'oppofé  à  quelqu'une  de  nos 
lumières  naturelles.  Il  ne  renferme  riend'i- 
iiintelligible.  Il  ne  donne  à  aucun  Paiîàgc 
de  l'Ecriture  un  fens  forcé.  Quel  autre  Syf- 
tême  (fms  excepter  celui  des  Orthodoxes) 
peut  le  difputer  au  mien  à  tous  ces  égards  .<• 
Or  fi  un  Syftcmc  qui  a  tous  ces  avantages 
ne  doit  pas  être  préféré  à  ceux  à  qui  il  en 
manqne  plufieurs  &  des  plus  eilêntiels, 
qu'on  me  dife  qu'elles  font  les  conditions 

requi- 


A    UN   AUTRE   THEOLOGIEN.       I9 

requifes  pour  qu'il  faille  donner  la  prcfé- 
rcnce  à  quelque  Syftéme. 

XV.  j'avoue  que  parmi  les  fuppofitions 
qui  compofent  mon  Syftcme,  il  y  en  a 
une  qui  n'ell  pas  formellement  contenue 
dans  l'Ecriture  j  c'eft  celle  qui  attribue  au 
St.  Elprit  une  nature  fkjie  jointe  avec  h 
nature  divine.  Mais  cette  fuppoficionrcul-f 
te  de  l'union  de  tous  les  Pailàges  qui  par- 
lent du  myftérc  de  la  Trinité;  puisqu'elle 
fournit  un  moyen  d'expliquer  tous  cespaf- 
fages  d'une  manière  naturelle  ,  ^  de  les 
concilier  entr'eux;  ce  qu'aucun  Syllcmc 
dift'érent  de  celui-ci  n'a  encore  fû  faire,  ni 
ne  pounajam.ais  faire.  On  ell  allure  qu'on 
a  trouve  le  vrai  fens  d'une  énigme,  quand 
on  peut  faire  une  fuppofition  qui  s'ajullc 
parfaitement  avec  toutes  les  cxpreflîons  qui 
compofent  l'énigme,  6c  qui  fait  évanouir 
toutes  les  contradicbions  que  l'énigme  fem- 
blc  renfermer.  Il  eft  aifé  d'appliquer  a  mon 
Syftéme  ce  que  je  viens  de  dire.  Si  l'on  ne 
tiouve  pas  que  ce  foit  làuncraifon  fuffifan- 
te  pour  le  devoir  admettre,  il  faudra  bannir 
de  la  Théologie  ôc  de  la  Religion  toutes  les 
«ioétrincs  qui  ne  font  tirées  de  l'Ecriture 
que  par  la  voye  des  conféquenccs ,  ôc  qu'on 
regarde  comme  appuyées  fur  l'Ecriture, 
parce  que  ce  H'eft  qu'en  les  fuppofant  qu'on 
peut  concilier  divers  Paflàgcs  cntr'eux.  Je 
B  i  vous 


lo   Lettre  d'un  T II EOLOGiEr»    ' 

vous  laiflè  à  juger  jufqu'où  cela  peut  aller. 
XVI.  L'union  de  deux  natures  en  la 
Pcrfonnc  du  Fils  avant  même  fon  Incarna- 
tion, cil  une  des  principales  fuppofitions 
qui  compofent  mon  Syftême.  Je  puis  avan- 
cer que  cette  fuppofition  eft  contenue  for- 
mellement dans  l'Ecriture,  ôc  je  fuisenétar 
de  l'établir  fur  des  preuves  pareilles  à  celles 
fur  lesquelles  on  appuyé  le  dogme  de  l'In- 
carnation. Ces  preuves  for-t  pnfes  de  tous 
les  Paiînges  de  l'Ancien  Teilamcnt  oij  le 
Fils  de  Dieu  eft  appelle  ^rj^e  ou  Envoyé  de 
Dieu,  Tel  eft  celui  de  l'Exode  ch.  XXIII. 
TÎ'.  20,  21.  Foici  f  envoyé  un  Anqe  devant 
toi,  afin  (jhH  te  garde  dans  le  chemin  y  c^r 
^u'il  t^ intïodtiife  au  lieu  que  jC  t^ai  préparé. 
Donne-toi  garde  de  le  mettre  en  colère ,  &  écou- 
te fa  voix ,  &  ne  l'irrite  point  :  car  il  ne  par- 
donnera point   votre  péché  ,    parce  q^u  e 

MON    NOM   EST   EN   LUI.    Lcs  Orthodo- 

xcs  Ibnt  perfuadez  par  des  preuves  incon- 
teftables,  que  cet  Ange  de  Dieu  étoit  Dieu 
même ,  6c  qu'il  étoit  la  propre  Pcrfonne  du 
Ejls  de  Dieu.  Mais  j'ajoute  à  ce  qu'ils  di- 
fent  fur  ce  fujet,  que  li  l'on  compare  tous 
ces  endroits,  oii  il  eft  nommé  tantôt  Dieu, 
tantôt  Angej  où  tantôt  il  eft  repréfenté 
comme  Dieu  même,  tantôt  comme  un  Etre 
dépendant  de  Dieu ,  il  eft  naturel  de  con- 
clurre  de  tous  ces  Paftages  confércî:  l'un  a- 

vec 


A  UN  aqtre  Théologien.     21 

vcc  l'autre,  que  s'il  ctoit  Dieu,  il  étoiten 
même  tcms  un  Ange,  c'cil  à  dire  un  Etre 
intelligent  fini,  auquel  Dieu  ctoit  uni  per- 
fonnellement.  Mon  raifonnement  cil  aufïi 
jurte  que  celui  des  Orthodoxes,  qui  con- 
cluent qu'il  eft  Dieu  &:  homme  depuis  fà 
venue  au  Monde,  fondez  fur  les  Paflàgcs 
où  il  eft  appelle  Dieu,  joints  à  ceux  oîi  il 
çft  appelle  homme.  Je  fouhaite  en  particu- 
lier que  l'on  Çàiïc  attention  à  celui  que  je 

viens  de  citer.  Foici  j'envo\e  ««  Ange 

parce  cjue  mon  nom  e(î  enlm.  On  voit  ici  deux 
natures  diftinftcs.  On  y  voit  la  nature  di- 
vine: car  le  nom  de  Dieu  qui  cil  en  cet 
Ange,  c'efl  Dieu  mcnic.  Déplus,  ce  qui 
appartient  ù  Dieu  en  propre  lui  eft  attri- 
bué ,  comme  de  pardonner  ou  ne  pas  par- 
donner, de  punir  ceux  qui  Portjnfcnt,  ëcc. 
Une  nature  finie  6c  dépendante  lui  cil  auili 
attribuée  j  le  nom  d'/^w^f ,  la  qualité  d'£«- 
voy^  de  Diett  marque  allez  une  telle  nature. 
Enfin  ces  paroles,  m^n  mm  eft  en  lui,  mar- 
quent l'union  6v  la  diilinétion  tout  cnfcm- 
olc  de  ces  deux  natures,  le  nom  de  Dieu 
étant  djftingué  de  celui  en  qui  le  nom  de 
Dieu  fc  trouve.  C'eft  ainfi  que  l'union  per- 
fonnelle  des  deux  Natures  en  Jefus  Chrift 
fe  prouve  par  ces  PaHàgcsj  *  Ditt*  a  été 

*i.  Tim.IlL  ï6. 

B  3 


1%    Lettre  d'li n  Théologien 

munifefic  en  chair'.  *  La  Parole  a  été  faiu 
chair. 

XVII.  Enfin  tout  ce  Syflêmeeft  appuyé 
fur  deux  principes  que  je  viens  de  démon- 
trer par  l'Ecriture  Sainte.  L'un  eft  que  la 
diftindion  des  trois  Perfonncs  eft  une  dif- 
tindion  de  fubftance  à  fubftance.  L'autre 
eft-  que  le  Fils  &.  le  St.  Elprit  font  fubor- 
donnez  au  Père,  &  que  le  St.  Efprit eft  fu- 
bordonnc  au  Fils  à  certains  égards.  Tous 
les  Orthodoxes  font  prévenus  généralement 
de  l'opinion  que  ces  deux  principes  ne  peu- 
vent point  s'accorder  avec  les  autres  dog- 
mes que  l'tcriture  nous  cnleigne ,  &:  cette 
prévention  eft  la  feule  ôc  unique  caufe  qui 
fîiit  qu'ils  rejettent  ces  deux  principes  j  quoi 
qu'en  les  rcjettant  ils  s'éloignent  du  fens 
naturel  d'un  tics  grand  nombre  de  pallàges 
de  l'Ecriture  où  ces  deux  principes  font 
contenus.  La  néccffité  oii  les  Orthodoxes 
ont  crû  être  d'expliquer  ces  Palfigcs-là  de 
la  manière  qu'ils  ont  fait ,  les  a  contraints 
de  paifer  Tur  tous  les  inconvéniens  d'une 
explication  qui  iioit  à  rendre  toute  l'Ecri- 
ture inintelligible,  fi  l'on  iuivoit  la  même 
méthode  par  tout  ailleurs.  A  préfent  que 
je  viens  de  montivr  par  la  fimple  cxpolî- 
tion  du  pvélent  Syiréme,  qu'il  n'y  a  rien 
qui  oblige  à  recourir  à  des  explications  11 

peu 

*  Jean  I.  1^ 


A    UN    AUTRE    TnEOLOGinN.      l^ 

peu  naturelles,  la  Rnifon  veut  que  l'on 
regarde  les  deux  principes  mentionnez  ci- 
dcllus  comme  des  véritcz  que  l'Ecriture 
nous  a  révélées  d'une  manière  auifi  claire 
qu'aucune  autre  vcrirc  qui  nous Ibit connue 
par  la  révélation.  Or  ces  deux  principes, 
étant  une  fois  poftz,  me  fournillcnt  deux 
Argumcns  invincibles ,  qui  dcmontrcnc 
tout  mon  Syllcme.    Voici  Ij  premier. 

I.       A  R  G  U  M   E  N  T. 

XVIIl.  I.  Puifquc  le  Fils  cil:  diftingnc 
du  Pcie  comme  un  Etre  intelligent  c(l  dif- 
tingué  d'un  autre  Etie  intclligenr,  ii  faut 
qu'il  y  ait  dans  l'une  de  ces  deux  Perfonn^s 
un  Etre  intelligent  qui  n'cll  pas  dans  l'au- 
tre. 

2.  Cet  Etre  intelligent,  qui  efl:  dans  l'un 
des  deux  6c  n'ell  pas  dans  l'autre,  doit  être 
un  Etre  intelligent  fini  ;  puilque  la  Divini- 
té, qui  eft  un  Etre  intelligait  inhni,  clt 
dans  l'un  6c  dans  l'autre,  6c  qu'il  ne  lâu- 
roit  y  avoir  plus  d'un  l^iiu. 

5.  Celle  de  ces  deux  Perfonncs  en  qui 
cet  Etre  intelligent  Hni  fe  trouve,  partici- 
pe aufîî  à  la  Divinité.  Donc  il  faut  que  ce t- 
t:  Perlonne  foit  compolée  d:  deux  natures, 
l'une  qui  elt  Dieu,  l'autre  qui  cil  un  Etre 
i.itelligcnt  fini. 

B  4  4.  11 


14    Î^FTTR^  n'uN  Theolqgiçn 

4  II  n'e(l  quellion  que  de  lavoir  (i  c'e(l 
Je  Pcre ,  ou  le  Fils  qui  cfl  compolc  de  ces 
diei4x  natuiçs.  Qv  nous  n'avons  aucun,c  ia,i- 
ibn  qui  nous  détcrçiinc  a  fiippofçi;  que  c'clt 
jç  Père,  6c  ^oys  avons  des  raifons  très  for- 
tes de  juger  que  c'ell  le  Fils  qui  cit  coai- 
pofé  de  CCS  deux  natures. 

5.  Donc  le  Fils,  outrç  la  nature  divine 
qui  lui  cit  commync  avec  le  Pcre,  a  unç 
nature  intelligente  finie  qui  lui  effc  particu- 
lière, 6c  qui  le  diftingue  dç  la  Pcrlonnedu 
Père. 

Je  ne  vois  pas  ce  qu'on  peut  oppolçr  à 
aucune  4c  ces  cinq  propofitions. 

XIX.  Oji  peur  taire  un  raifonnetriieii; 
^out  pareil  fur  la  Pcrfonnc  du  St.  Efprit  \ 
^  ce  qu'on  vieuç  de  conclure  du  Fils,  on 
le  conclura  du  St.  Elprit.  Il  n'y  a  qu'unp 
^ulc  choie  à  y  ajoiitcr,  qui  eft  que  cette 
Intelligcnee  finie  qui  diilingue  leSt.Efprit 
du  Pcre,  doit  être  diBo  cote  de  l'Intel  ligety: 
ce  finie  qui  diftinguc  le  Fils  du  Pcre  j  puis 
que  le  t)t.  Efprit  cil  a,ufli  diftingué  du  FiJ& 
comme  un  Etre  lntçliig<-'nt;  ctt  diftinguc. 
d'un  autçe  Eti.e  intelligent.  Afin  donc  que 
les  tro^s  Psrfonues  foient  diftinguces  l'un.e 
d.e  l'autre  dç  1^  manière  que  l'Ecritu.e  liçsv 
diftinguc ,  il,  faut  qu'il  y  ait  entr'cllcs  trois 
intelligences  j  une  «liàijiie,  qui  eft Dieu,  6c 
qui  cft  commune  aux  trois  Perlbnnes  ;  6<. 

deux 


A  UN  AUTRE  Théologien,    îJ 

dçux  autres  finies,  quifont pariiculicrcsau 
i'ils  Se  au  St.  Efpm;  &  qui,  diltinguant 
CCS  deux  Pcilbniiesdu  Pçrc,  ksdiibni^uciit 
en  yyiCiXiÇ:  tcms  l'une  de  l'autre. 

Vous  venez  de  voir  enquoiconfillemon 
^r^U'O^itnt..  Voici  le  l'econd. 

H.     Argument. 

XX.  I.  Si  le  Fils  av  le  St.  Efprit  font 
dépcndaifts  du  Père  à  quelque:s  égards,  il 
fa^t  qu'il  y  ait  en  chacun  d'eux  une  nature 
finiç  j  puiiquc  la  dépendance  cft  une  im- 
perfeclioi^  qyi  ne  iau.ifoit  le  rencomrer  dans 
îa  nature  diyinCf-,  laquelle  po^dc  loutesles 
j)erli\,çtipns. 

î,  Qr  Pantccédcnt  a  ctc  dça>ontré  pai: 
Vi^çriture. 

5.  Ponc  Icçon^équcn^  ivclavroitètrcrc» 
vçqué  en  doute,  6c  dç.  la  rdvfUe  tout  cç 
qui.  9  été  déi^ontré  par  rAKgUiia,vnt  préc^ 
iltm. 

^JÇX-l-  C^t,  ArguBpent  me  parojt  infoly-r 
y^v.  Les  Or<Iîpdox;es  ne  peuvent  Giquiv^ç 
qu'ça  niant;  q^jic  les  relation^  que  l'^critU"» 
^e  attjnbiie  ai^  Fils  &;  au  St.  Elpi-ît  p.<r  rapi 
fOYi  au  Pékc  rçnfcFUKijJf  tiç  liii  dçpettdancj^ 
^  de  riiBp<?rÇ,^(5tion.  Majis  poui- IbîitcniruDQ 
çiçgatipi»!  pareille^  il  fltut  reiiv\.rrer  l'idée 
4«^  Df^s  avons  de  la  dépendance  &  d,q 
'       B  y  l'ira- 


i6    Lettre  d'un  Théologien 

l'imperfcâ:ion.  Ceux  qui  me  nieront  cela, 
me  feronc  plaifir  de  me  donner  ladclinition 
de  ces  deux  termes.  Us  me  feront  plaifir  de 
me  dire  en  même  tems   par  quelle   régie 
nous  pouvons  connoîtrc  ce  qui  c^  une  im- 
perfection qu'on  ncfauioit  attribuer  uDieu 
ians  détruire  l'idée  que  nous  avons  de  lui 
comme    de  l'Etre  infiniment  parfiit.     Si 
l'on  me  produit  une  Icmblable  régie,  je 
me  fais  fort  de  démontrer  par  cette  même 
régie  ;  que  ce  que  l'Ecriture  attribue  au  Fils 
&  au  St.  Elpnt,  quand  clic  les  compare 
au  Père,   renferme  qnclquc   imperfcéition 
incompatible  avec  rcllcnce  divine. 

XXII.  Une  autre  confidération  qui  fcrt 
à  fortifier  mon  fécond  Argument ,  c'cil  qu'il 
eft  tout  pareil  à  celui  par  lequel  les  Ortho- 
doxes prouvent  qu'il  faloit  que  le  Fils  de 
Dieu  fut  homme  aufli  bien  que  Dieu,  afin 
qu'il  pût  exercer  la  charge  de  Médiateur, 
fie  de  Répondant,  &  être  une  Victime  pour 
les  pcchairs.  La  raifcn  des  Orthodoxes cft 
que  l'humiliation ,  les  Ibuflfi-ances  5c  la  mort, 
attachées  à  ces  fonélions,  font  des  impcr- 
fedions  contraires  à  la  nature  de  Dieu ,  & 
qu'elles  demandent  par  confcquent  quj  ce 
iVlediateur  eut  une  nature  humaine,  qui  fut 
unlbjct  capable  de  toutes  cesimpcrfeclions. 
Ou  il  fiut  que  les  Orthodoxes  m'accordent 
que  la  Divinité  même  ne  peut  pas  être  en- 

gcn- 


A  UN    AUTRE   ThEOLOGIEN.       2/ 

gcndrcc,  ni  procéder,  ni  ctrc envoyée,  &c. 
où  ,  s'ils  me  le  nient,  je  ferai  fondé  a  leur 
nier  à  mon  tour  que  la  Divinité  même  ne 
puillc  pas  fouftrir,  Sc  ne  puillc  pas  mourir. 
Qu'ils  allèguent  leurs  raifons,  &  j'allci^ue- 
rai  ks  miennes. 

XXIll.  Ceux  qui  n'approuveront  pas  ce 
SylU-me,  ne  fauroient  au  moins  le  rejcttcr 
comme  étant  contraire  a  la  laifon  où  a  l'E- 
'criturc.  On  ne  dira  pas  qu'il  renferme  rien 
d'abfurde   ou  de   contradictoire,  à    moins 
que  le  dogme  de  l'Incarnation,  duquel  je 
fais  la  bazc  de  tout  ce  Syllcme,   ne  doive 
erre  regardé  comme  un  dogme  ablurde  & 
contradiéloirc.    Or  on  ne  j^rouvera  jamais 
que  c'en  cil  un,  li  ce  dogvne  cft  bien  en- 
tendu. On  ne  démontrera  jamais  non  plus, 
eue    Dieu  ayant  pu  s'unir  d'une  manière 
tort  étroite  avec  une  nature  intelligente  fi- 
nie, n*ait  pas  pu  s'unir  avec  deu.x  de  ces  na- 
tures. 

XXIV.  Qiiant  à  l'Ecriture,  depuis  près 
de  deux  ans  que  ce  SylU-me  s'cil  oflert  à 
ma  mcditation,  j'ai  examiné  dans  mon  cl- 
prit  fi  ce  Livre  facré  ne  contenoit  rien  qui 
fut  contraire  à  mes  fuppofitions,  ou  qu'on 
pût  y  oppofer  avec  un  fondement  apparent. 
Je  n'ai  pu  encore  m'imagincr  qu'une  feule 
objection  que  l'on  me  pourra  faire.  Cette 
objedion  regarde  l'articlw  de  la  Cenéraùon 

eut' 


5.S    Lettre  d'un  Théologien 

éternelle  du  Fils.  On  me  dira  fans  doute,  que 
fi  ce  qui  conftituc  la  cliftinclion  du  Pcre 
d'avec  le  Fils  cil  une  nature  intelligente 
finie  qui  foit  dans  le  Fils ,  il  faut ,  ou  que 
cette  nature  intelligente  n'ait  point  eu  de 
commencement,  ce  qu'on  croit  répugner  à 
un  Etre  fini;  ou  qu'elle  ait  eu  un  commen- 
cement, lequel  toutefois  doit  précéder  la 
création  du  Monde.  En  ce  fécond  cas,  le 
fils  n'auroit  pas  été  engendre  du  Pcre  de 
toute  éternité.  11  fcroit  éternel  en  qualité  de 
Dieu  ;  mais  il  ne  feroit  pas  éternel  en  qua- 
lité de  Fils  de  Dieu.  Dogme  contre  lequel 
plufieurs  Orthodoxes  zélcz  ne  manqueront 
pas  de  crier,  4  P  hère  fie!  a  Pimpietél  Mais 
fans  prendre  parti  fur  aucun  de  ces  deux 
cas,  parce  que  je  n'ai  pas  de  railonfuffifan- 
te  de  me  déterminer,  ni  pour  l'un,  ni  pour 
l'autre,  je  dis  que  Ton  ne  fiuiroit  démon- 
trer, QU  que  l'un,  ou  que  l'autre  foit  faux  . 
quoi  que,  pour  réfuter  mon  Syftême  par 
cet  endroit,  il  fiudroit  que  l'on  pût  démon- 
trcrqu'ils  font  faux  tous  les  deux. 

XXV.  Pour  commencer  par  le  premier 
cas,  je  ne  vois  pas  que  l'on  puiflc  démon- 
trer par  quelque  argument  que  ce  puiflc 
être,  que  Dieu  n'a  pas  pu  de  toute  éternité 
donner  l'exiflencc  à  quelque  Etre  fini ,  & 
qu'il  faille  nécellaircrajnt  qu'il  fc  foit  écou- 
lé une  infinité  de  ficcks. ,  pendant  iefqucl^ 

Dieu 


A   tJN   AUTRE   ThÉOLOCIEÎT        I9 

Dieu  n'ait  pu  1  icn  produire.  Je  ne  fai  pas 
comment  on  pourroit  montrer  qu'il  y  a  de 
l'abfurdicc  dans  cette  pro^Xilition  ;  Comms 
Dieu  n'a  jamAn  commencé (Cttre ,  anjfi  n^-t-il 
jamati  commencé  d" agir ,  fuit  en  /hi-mcmt ,  foti 
hors  de  lui-même.  L'éternité  indépendante 
cft  une  perfcclion  de  la  Divinité,  j'en  con- 
viens :  mais  on  ne  fauroit  démontrer  la  mê- 
me chofc  touchant  une  éternité  dépendante, 
&  qui  a  l'on  principe,  non  dans  l'Etre  mê- 
me qui  poflédc  cette  éternité ,  mais  dans  Dieii 
qui  a  donné  l'cxilknee  a  cet  Etre,  quoi  que 
ce  foit  de  teutc  éternité  qu'il  la  lui  ait  don- 
née. 

XXVI.  Quand  au  fécond  ctis,  dans  le- 
quel on  pourroit  prétendre  que  l'cternitédc 
laGénération  du  Fils  cfl  un  article  de  l'oi , 
&  une  vérité  démontrée  par  l'Ecriture  ;  je 
fai  bien  que  l'on  le  fonde  lur  trois  Pallà^es, 
qui  font  pris  au  Pf.  i.  Prov.  8.  &  Mich.  5. 
Mais  de  tous  ces  Pafl'agcs  je  n'en  trouve  pas 
un  feul  qui  ibit  concluant.  La  preuve  qu'ort 
tire  du  Pf.  i.  ne  mérite  aucune  attention. 
Où  a-t-on  vu  qu^aujourd'^hiri  marque  l'éter- 
nité? Et  combien  n'entre-t-ilpasde/>£>///o»i 
de  principe  dans  Targument  que  l'on  tire  de 
ce  Pafl'ige  ? 

XXVIT.  Ni  les  paroles  de  Mich.  f.  ni 
celles  dcl^rov.  8.  ne  prouvent  rien  non  plus 
fur  le  l'ujet  en  quelbon.  Cai'  pour  celles  de 

Mch. 


50    Lettre  d'un  Théologien 

Aiich.  5.  Et  fes  ijfptes  font  des  jadis,  dés  les 
tems  éternels -y  comment  prouvcia-t-on  que 
le  Fils  y  cft  confiJcrc  en  qualité  de  Fils  de 
Dieu?  ëc  que  ce  terme,  (es  iJJ^es,  fignifie 
là  génération?  Ne  peut-il  pns être conliderc 
en  cet  endroit  par  rapport  à  fa  Divinité  qui 
ell  éternelle?  Mais  je  veux  qu'il  foit  confi- 
deré  dans  ce  Pailàge  en  qualité  de  Fils  de 
Dieu,  comme  c'clt,  ilins [contredit,  en  cet- 
te qualité  qu'il  ell  parlé  de  lui.  Proverbe  8. 
comment  prouvcra-t-on    que   ces  termes, 

T      ,         •.'.•  )         '^       •  }         •.■•.  ■  j         "  j      mai 

quent  l'éternité,  foit  dans  l'un ,  foit  dans  l'au- 
tre de  ces  deux  Pafîàges  ?  On  fait  que  toutes 
ces  expreHions  font  appliquées  indiffcrem- 
ment , 6c  à  Dieu ,  &:  aux  créatures ,  ôc  qu'elles 
ne  fignitïcnt  proprement  autre  chofe  il  non  ce 
qui  a  été  depuis  long  tems.  Ces  exprefTions 
iont  donc  équivoques,  6c  c'eft  la  nature  du 
fu.et  qui  les  détermine  à  fîgnifier,  ou  une 
durée  qui  n'a  point  de  commencement,  ou 
une  durée  longue,  à  la  vérité,  mais  qui  a 
eu  un  commencement.  Ainfi  ces  exprc/- 
fions  ne  fauroient  déterminer  la  nature  de 
leur  fujet,  c'eft  au  contraire  la  nature  de  leur 
fujet  qui  les  doit  déter-miner, 

XXVIII.  Maisileftdit/'roz/.8.^//Wd54- 
fejfe  a  été  engendrée  eivant  Us  abimes  ^  avant  les 
fontaines  chargées  d'eaux\&c.  c-'eftù-dire,avann 
la  création  du  Monde.  Que  peut-on  conclure 

de 


A   UN    AUTRE  ThEOLOGIEN.       51 

dclaPMon  Sydcmecnfcignc-t-il  le  contraire? 
A-t-on  quelque  preuve  de  cette  propofition. 
Tout  ce  qui  a  été  avant  le  Monde  cil  éter- 
nel? Dieu  n'a-t-il  pas  pu  donner  l'cxUlence 
à  quelque  Etre  avant  qu'il  eût  crée  le  Mon- 
de? Et  ilippolc  qu'il  l'eut  fait,  un  pareil 
Etre  ne  pourroit-il  pas  parler  de  lui-même 
dans  les  mêmes  termes  que  parle  la  SagciTe 
dans  les  Proverbes  ?  Y  auroic-il  dans  un  pa- 
reil langage  quelque  chofe  d'outre,  &  d'hy- 
perbolique. Ne  pourroit-il  pas  dire.  J'ai 
été  avant  le  Monde,  fi  cfectivcment  il  a  été 
avant  le  Monde  ?  Mais,  dit-on,  Dic.i  ... 
fert  de  ces  mêmes  cxprefllons  pourdéhgnLi' 
ion  éternité.  J'en  conviens.  Mais  ces  cx- 
prciTions  ne  marquent  l'éternité  de  Dieu , 
que  parce  que  c'elt  a  Dieu  qu'elles ibnt  ap- 
pliquées. De  leur  nature,  elles  ne  marquent 
qu'une  durée  bornée,  qui  pourroit  être  cel- 
le de  quelque  créature-,  ôc  ce  n'cil  qu'en 
étendant  leur  (îgnitication  qu'on  peut  s'en 
fervir  pour  marquer  l'éternité  de  Dieu.  Qui 
eil-ce  donc  qui  pourroit  prouver  que  ces 
mêmes  exprelîîons  ne  peuvent  en  aucune 
rencontre  être  prifes  en  leur  iens  propre  & 
naturel ,  en  forte  qu'on  ne  les  failc  llgnitîer 
que  ce  que  les  termes  Cgniiîent  d'eux-mê- 
mes? C'eil  encore  ici  le  fujct  qui  doit  dé- 
terminer le  fcns  des  expreflions}  &  ce  no 

foDC 


^%   Lfe  i  tAÊ  b\iJsr  Yméologiew 

font  pas  les  expréfllons  cjûi  dôivèrtt  déteî> 
mmcr  la  nature  du  fujet. 

XXIX.  Je  crois  avoir  lildhti-é  fufifàmi 
ment  que  l'on  ne  petit  rien  proiivér  par  ces 
Pallagcs.  Qiiânt  au^  autres  qui  àttrifeuèht 
^éternité  au  Fils,  ils  ne  prouvent  rien  con- 
tre moi  qui  reconnais  qU'il  eft  Dieu ,  &:  qu*ii 
cft  éternel  erttaht  que  Dieu.  Si  vous  fivcir 
quelque  Palîàgc  de  l'Ecriture,  outre  ceux 
que  je  viens  d'indiquèt-j  qiie  l'on  peUtoppo'-i 
fer  à  mon  Sy  llêmê ,  je  vous  prie  de  mVri 
donner  la  connoifiance,  &  je  vous  promets 
de  l'examiner  avec  toute  l'attention  d'une 
perfonne  qui  ne  cherche  que  la  vérité. 

XXX.  fc  prévois  que  l'on  me  pourra 
faire  des  objeétions  d'une  autfe  nature  Oii 
me  dira  que  quand  mes  fentiitiéns  fcroicnt 
vrais,  je  ne  dcvrois  pas  les  rendre  publics^ 
à  caule  des  troubles  qu'une  nouveauté  de 
cette  nature  pourra  excitet"  d-ins  l'Eglife. 
J'ai  pefé  ces  inconveniens ,  5c  ce  font  ce§ 
cônfîdél'atiôns  qui  m'ont  engage  à  rcriferj 
mer  ces  penfécs  en  rftoi-mêmc,  èi  à  ne  les' 
Communiquer  à  pCffonne,  pendant  près  de 
deux  ans.  J'aurois  peut-être  continué  à  \té 
fUpprimcr  pour  toujours,  à  l'imitation  d'Uii 
*  illiiftrc  Théologien  j  qui  peut  être  a  éii 
une  penfée  pareille  à  là  miëhhe  fur  cettt; 
ftlâtiete  :  mais  qui ,  par  les  raifohs  que  je' 

viens 
*  La  Placette,  Répnfe  à  J<fixOl'jcâiom,ôiC, 


A  UN    AUTRE    ThEOLOGIEN        ^J 

riens  d'indiquer  a  enterré  avec  lui  toutes 
les  vues  qu'il  a  pu  avoir  fur  ce  fujet.  Mais 
ma  confcicncc  m'a  fait  enfin  des  reproches 
fur  mon  filence;  6c  pcrfuadé  d'avoir  non 
feulement  rencontré  la  vérité,  mais  une  vé- 
rité très  utileal'Eglife,  j'ai  craint  que  Dieu 
ne  me  demandât  compte  de  ce  talent  en- 
foui", &  j'ai  crû  que  s'il  nous  donnoit  quel- 
ques lumières,  c'ctoit  dans  la  vue  qu'elles 
fufîènt  communiquées  à  l'Eglifc  par  notre 
canal 

XXXI.  J'ai  donc  oppofé  à  toutes  les 
raifons  qui  pouv^oicnt  m'engager  à  conti- 
nuer de  me  taire,  celles  qui  peuvent  m'en- 
gager à  rompre  mon  filencc.  En  fuppofanc 
que  ce  Syllemc  cil  appuyé  fur  des  preuves 
iolides  6c  convaincantes,  j'ai  réfléchi  qu'il 
levé  toutes  les  difficultés ,  tant  du  côte  de 
l'Ecriture,  que  du  coté  de  laRaifon,  aux- 
quelles tous  les  autres  Syllcmcs  avoicnt  été 
cxpofez,  &  en  particulier  celui  qui ell  reçu 
dans  l'Eglilé.  Il  m'a  paru  que  ce  leroit  tra- 
vailler utilement  pour  l'honneur  de  l'Ecri- 
ture Sainte  &  de  la  Religion  Chrétienne,  5c 
par  conféquent  pour  la  gloire  de  Dieu  ,  pour 
l'affermilîcmcnt  &:  pour  la  propagation  de 
notre  fîiinte  foi,  que  de  montrer  aux  ad  vcr- 
faircs  de  notre  Réhgion,  Athées,  Déïftes. 
Juifs,  Mahometans,  Payens ,  que  notre 
.Religion  n'elt  pas  auflî  abfurde  qu'ils  fe  la 
C  figu- 


54    Lettre  d'un  Théologien 

figurent,  &  que  nos  Ecritures  font  mieux 
d'accord  avec  elles-mêmes  qu'ils  ne  pcnfent. 
J'ai  crû  que  ce  feroit  leur  oter  un  achoppe- 
ment très-confidérable,  6c  un  prétexte  des 
plus  apparens  de  demeurer  dans  l'infidélité. 
Il  m'a  aufli  femblé  que  ce  feroit  retrancher 
la  principale  caufe  de  toutes  ces  Seélés  qui 
ont  divifc  PEglife  à  l'occafion  du  dogme  de 
la  Trinité.  C'eft  l'incompréhenfibilité  du 
myftére  qui  a  fait  naître  ces  Sedes,  &  cette 
încompréhenfibilité  n'étoit  autre  chofe  que 
l'impolîibilité  que  l'on  fc  figuroit  à  conci- 
lier les  Pailages  qui  traitent  de  ce  Point  de 
la  Religion.  Cela  même  a  été  caufe  que 
l'on  s'cll  écarté  de  l'Ecriture  par  diffcrens 
chemins,  comme  je  l'ai  remarqué  au  com- 
mencement de  cette  Lettre.  Chacun  s'ima- 
ginant  que  fon  chemin  efl  le  meilleur,  6c 
ayant  les  mêmes  raifons  pour  foûtenir  fba 
choix ,  comme  perfonne  n'eft  en  état  de 
convaincre  fcs  AJverfaijes  que  par  les  mê- 
mes Argumens  dont  fes  Adverfaires  peuvent 
fe  fervir  contre  lui,  cela  rendladivifion  ir- 
rémédiable, 6c  la  réunion  impofTible.  Ce 
nouveau  Syftême  ouvre  à  tous  ces  partis  di- 
vifez,  l'unique  moyen  de  fe  reunir,  quieft: 
de  fe  rapprocher  de  l'Ecriture.  Si  ce  Syf- 
tême  eft  reçu,  les  Catholiques  Romains  ne 
pouriont  plus  défendre  lescontradiétionsde 
leur  dogme  de  la  Tranfubltantiation  par  cel- 
les 


A    UN    AUTRE    ThEOLOGIEN.       Î^ 

jts  du  dogme  de  la  Trinité.  Ils  feront  dé- 
chus d'une  objcciicii  à  k^quclle  ,  quoi  qu'on 
puiflè  dire,  on  n'a  jamais  répondu  rien  de 
îhtisfaifànt.  Enfin  combien  de  particuliers 
dans  la  communion  des  F glifes Orthodoxes, 
verront  avec  joye  leurs  doutes  difiîpez ,  leurs 
difficultez  levées?  Combien  de  gens,  qui 
Orthodoxes  deprofeflion,  nourriliènt  dans 
leurs  coeurs  des  Icntimens  Arricns,  Sabel- 
liens,  ou  Trithcïtes,  peut  être  fans  le  ia- 
voir,  reviendront  de  leurs  erreurs  par  ce 
moyen?  Voilà,  Monlieur,  les  principales 
raifons  qui  m'ont  fait  juger  que  ccSyilême 
iêroit  unie  à  l'Eglifc. 

XXXII.  J'ajoute  à  cela  qu'il  y  a  fi  peu 
de  différence  entre  ce  Svltémc  6c  la  doétri- 
ne  reçue  parmi  les  Orthodoxes,  qu'on  peut 
le  recevoir  (ans  prelquc  rien  changera  leurs 
confcffionsde  foi.  Ils  crovent  qu'il  y  a  un 
ièul  Dieu,  &  qu'il  y  a  trois  Perfonnes,  le 
Père,  le  Fils,  &  le  Saint  El'prit,  chacune 
dcfqucUes  cil:  Dieu.  Ils  continueront  à  le 
croire,  6c  bien  loin  qu'ils  foient  obligez  de 
changer  quelque  cholè  à  leurs  expreffions , 
\c  mot  de  Terfomie ^  qui  étant  pris  au  plu- 
rier n'a aucuneidée dans  leur  Sylléme,  con- 
ièrve  dans  celui-ci  la  ngnification  naturelle 
&  connue.  Ilsdifent  que  les  trois  Perfonnes 
ïonr.  trots  manières  d'être  delà  Divinité.  Dans 
^uel  Sylléme  cela  ic  peut-il  due  d'une  ma- 
C  a  nièrs 


^6  Lettrf  d'un  Théologien 

nicre  plus  intelligible  que  dans  le  mien? 
La  Divinité  n'cft-elle  pas  d'une  manière 
difFérente  dans  le  Père ,  dans  le  F  ils ,  6c  dans 
le  Saint  Efpnt?  Ils  font  confifter  la  géné- 
ration du  l'"ils  &  la  proceffion  du  St.  Elprit 
en  ce  que  le  Père  a  communiqué  Ton  cilcn- 
ce  divine  au  Fils  6c  au  Saint  Elprit.  Ce 
font  des  mots  qui  n'ont  aucun  lins  dans 
leur  Syftême  :  mais  dans  celui-ci  ils  figni- 
fîent  quelque  chofe  de  réel,  on  peut  en- 
tendre ce  qu'on  dit.  Ces  raifons ,  ce  me 
femblc,  devroient  difpofer  les  cfprits  des 
Orthodoxes  à  revenir  des  préventions  que 
ce  qu'il  y  a  de  nouveau  dans  ce  Syftême  ne 
manquera  pas  d'abord  d'exciter  en  eux.  Ils 
doivent  regarder  ces  idées,  plutôt  comme 
des  éclaircillèmcns  d'une  doélrine  qu'on  a 
très  peu  entenduejufqu'àprélcnt,  que  com- 
me des  changcmens  effectifs.  Rien  ne  fera 
innové,  ni  dans  les  fentimens  que  nous  de- 
vons avoir  à  l'égard  de  Dieu ,  à  l'égard  de 
Jcfus  Chrift,  à  l'égard  du  Saint  Efprit,  ni 
dans  le  culte  dont  nous  les  devons  honorer; 
ni  dans  les  fondemens  de  ces  fentimens  Se 
de  ce  culte.  L'œconoraie  de  notre  falut  de- 
meure abfolument  la  même. 

XXXIII.  Par  dcfllis  tout  cela ,   ils  de- 
vroient fe  fouvenir  qu'ils  font  des  Reformez, 
&  non  pas  des  Catholiques  Romains.  Que 
leur  Eglife  n'cil  pas  plus  infaillible  que  cel- 
le 


A   UN    AUTRE   ThEOLOGIEN.      57 

le  de  Rome  ne  l'ctoit  quand  nos  Percs  fe 
font  fcparcz  de  cette  dernière.  Que  l'Ecri- 
ture cil  la  règle  unique  fur  laquelle  ilsfont 
yii'ofciVion  d'appuyer  leur  foi  ,  6c  non  les 
traditions  de  leurs  Ancêtres,  ou  les  déci- 
dons d'aucune  afiemblce  de  Théologiens  que 
ce  puilfe  être.  Qii'à  moins  qu'ils  ne  veuil- 
lent renoncer  au::  maximes  fondamentales 
de  la  Reformation,  il  ne  leur  cil  pas  per- 
mis d'oppofer  la  prcicription  à  l'Ecriture  & 
à  la  Raifon ,  &  de  prétendre  renverftr  un 
Syllême  appuyé  fur  de  pareils  fondcmcns, 
en  fe  fervant  des  mêmes  armes  par  où  ceux 
de  Romeauroicnt  pu  renverfer  avec  la  mê- 
me facilité  la  doétrinc  Réformée  aulTi-toC 
qu'elle  commença  à  paroiire.  Ils  fe  tralii- 
Jiiront  eux-mêmes,  s'ils  font  leur  principal 
fort  de  cette  Objcclion  j  Cela  fjl  uon-veau^ 
vos  Pires  ne  nom  ont  pas  enfetgnè  cette  d;t}rinc\ 
Nous  n'en  a  vions  jamais  entevdu  parler.  Qii'on 
oppofe  raifons  à  raifons,  cVli  tout  ce  que  je 
demande.  Si  l'on  fuit  une  méthode  lî  julle, 
fi  diizne  de  Chrétiens,  6c  de  Chrétiens  rc- 
formez,  beaucoup  de  difHcultez  fe  trouve- 
ront applanics,  plulîeurs  doutes  feront  le- 
vez, 6c  la  vente  de  quelque  côté  qu'elle 
foit ,  paroitra  au  jour  avec  plus  de  luilrc. 

XXXIV.  Nonobllant  toutes  les  raifons 

qui  devroient  faire  recevoir  ce  Syllêmc,  il 

y  auroit  de  l'imprudence  à  fc  Battcr  qu'il  ne 

C  3  trou- 


gS    Lettre  d'lin  Théologien 

trouvera  pas  de  violentes  opporitioni.jqLianJ 
on  fait  de  quelle  manière  les  efpnti  des  hom- 
mes font  conilitucz ,  pour  lu  plupart.  Mais 
comme  il  n'y  a  point  de  veriié  inconnue, 
qui  venant  à  s'établir  n'ait  rencontré  des 
oppofitions  pareilles,  6c  que  Dieu  veut  ce- 
pendant que  la  vérité  foit  propolée  aux 
hommjs,  &  qu'elle  ierve  même  a  les  éprou- 
ver, 6c  à  dillinguer  ceux  qui  aiment  Dit-U 
6c  la  venté  de  ceux  qui  n'aiment  que  leurs 
intérêts  préfens  j  je  ne  crois  pas  que  la  crain-r 
te  des  oppofitions  puillè  légitimement  dif- 
penfer  ceux  que  Dieu  a  faits  les  dépolîtaircs 
de  fa  vérité  de  la  fîiirc  briller  aux  yeux  des 
hommes.  11  faut,  ce  me  femble,  allier  en 
ces  occafions  la  prudence  6c  la  fermeté ,  au- 
tant que  nos  foibles  lumières  fe  peuvent  c- 
tcndrci  fuivre  là  vocation;  obéir  à  Dieu 
qui  nous  déclare  fa  volonté  par  les  circonf- 
tances  où  il  nous  mec  ;  ÔC  remettre  l'évé- 
nement entre  fes  mains. 

XXXV.  Voila,  Monfieur,  quelles  font 
mes  penfées  &  mes  fcntimens.  lie  but  que 
je  me  propofe  en  vous  les  communiquant 
ell  que  V0U5  me  fafîicz  part  rcciproqucment 
de  vos  lumières.  Sur-tout  je  vous  prie  de 
ne  m.e  rien  cacher  de  tout  ce  qu'il  vous 
fèmble  qu'on  pourroit  objcéler  à  mon  Syf- 
tême,  ou  de  tout  ce  qui  pourroit  aflfoiblir 
les  raifons  fur  lelquellcs  jei'appuye,  ou  en- 
fin 


A   UN   AUTRE   THEOLOGIEN.      59 

fin  de  tout  ce  qui  pourroit  juflifier  le  Syi- 
tc.Tie  commun ,  dans  les  chefs  où  je  crois 
avoir  prouve  qu'il  n'cll  pas  conforme  à 
l'Ecriture ,  ni  par  confcqucnt  à  la  vérité. 
Tout  ce  que  vous  me  direz  ne  pourra  qu'ê- 
tre d'une  "grande  utilité  pour  l'éclaircif  c- 
ment  de  la  vérité.  Je  vous  fcrois  tort  de 
croire  que  vous  n'êtes  pas  dans  la  difpofi- 
tion  de  concourir  avec  moi  en  tour  ce  que 
votre  confcience  vous  dictera  cire  utile, 
pour  l'avancement  de  l'œu\Tc  de  notre  Dieu, 
êc  de  notre  Sauveur,  au  fervicc  duquel  nous 
avons  l'honneur  d'être  vous  6v  moi.  Je  vous 
•  recommande  a  fi  grâce,  &:  je  iu:s  6cc. 

Qj-ioi  que- je  me  fois  allez  expliqué  dans 
tout  le  corps  de  cette  Lettre,  pour  vous 
firiie  connoitre  mon  Sylléme,  j'ai  crû  que 
je  ferois  bien  de  vous  en  envoyer  une  delcrip- 
tion  plus  prccife,  telle  qu'eit  la  fuivante. 

Principes  en  cjuoi  mes  fentimensi* accordent  avec 
ceux  des  Grîhcdoxes. 

Je  rcconnois  avec  les  Orthodoxes ,  6-:  dans 
le  mcine  iéns  qu'eux,  l'unité  de  Dieu,  la 
Divinité  du  Père,  du  Fils  &  du  Saint  Ef- 
prit,  l'Incarnation,  laSatisfiCtion  j  Sctous 
les  autres  dogmes  qui  font  une  conféquencc 
de  ceux  que  je  viens  d'expliquer.  11  n'y  a 
C  4  que 


40    Lettre  d'cn  Théologien 

que  les  articles  fuivans  en  quoi  il  y  a  quel- 
que différence  entre  les  fentimens  des  Or- 
ïiiodoxes,  6c  les  miens. 

Principes  particuliers  à  mon  Syfiême. 

1.  Outre  la  Divinité,  qui  eft  un  Etre 
infiniment  parfait,  unique  en  nombre,  in- 
dépendant, indivilible,  il  y  a  deux  Ktres 
intelligen!-  finis,  auxquels  Dieu  a  donné 
l'exiftcnce  dans  un  tcms  qui  a  précède  la 
création  du  Monde.  Je  ,nc  détermine  pas  Ci 
ce  tcms  a  eu  un  commencement,  ou  s'il 
n'en  a  pas  eu  un. 

2,  Dieu  s'cft  uni  à  chacun  de  ces  deux 
Etres  intell igens  finis  d'une  manière  trcs- 
ctroitc.  Je  puis  appcller  cette  union,  unign 
ferfonnelle,  en  pren;int  le  terme  de  perfonnel- 
ie  dans  le  même  fens  que  les  Oithodoxes 
Je  prenent,  quand  ils  l'ai^pliquent  u  l'union 
de  la  nature  divine  avec  la  nature  humaine 
de  Jefus-Chrift. 

L'Etre  infiniment  parfont,  qui  cil  Dieu, 
Se  ces  deuK  Etres  finis  auxquels  Dieu  s\\\ 
uni,  conltitucnt  trois  Peiionncs.  Je  prens 
le  mot  de  Perfonne  dans  le  icnsque  les  hom- 
mes ont  accoutume  de  le  prendre  dans  leur 
Jangngc  ordinaire,  quand  ils  entendent  par 
une  Perfonne  un  Etre  intclligem,  uni  ou 
non  uni  à  un  corps.  Eu  ce  ftns-ià  trois  Per- 

louncs 


A  UN   AUTRE  ThEOLOCIEN.      ^Ï 

fonncs  font  trois  Etres  intclligens  diftin6t$ 
l'un  de  l'autre. 

4.  I.a  première  Pcrfonnc,  qui  eftlcPc- 
ïQy,  c'cll  Dieu  confidcré  tel  qu'il  cften  lui- 
même,  fans  le  joindre  à  aucun  autre  Ltrc 
dillcrcnt  de  lui.  L;i  Icconde  Pcrlbiinc  c|ui 
cli  le  Fils,  cft  une  de  ces  deux  lntcll»i;en- 
ccs  finies  dont  je  viens  de  parler  ,  unie  très 
étroitement  avec  la  Divinité  La  troilicinc 
Pcrlonne,  qui  eft  le  Saint  Elprit ,  ell  la 
ièconde  de  ces  deux  Intelligences  finies,  à 
laquelle  la  Divinité  elt  unie  irès-étroite- 
ment,  de  même  qu'à  la  première. 

5.  Ainfi  dans  la  l^crlonne  du  Pcre  il  n'y 
a  qu'une  feule  nature,  c'elt  la  Divinité  tou- 
te pure.  Dans  chacune  des  deux  Pcrfonnes 
du  r  ils  &  du  Saint  Elprit ,  il  y  a  deux  na- 
tures ,  iivoir  une  nature  divine ,  qui  cil  uni- 
que en  nombre,  &  la  même  dans  chacune 
des  trois  Perlonnes  ,  ÔC  une  nature  intelli- 
gente finie,  qui  cfl  propre  au  Fils6c  au  St. 
Elprit  ëc  qui  diftingue  ces  deux  Pcrlbnncs 
de  celle  du  Père,  vk  les  diflingue  auili  l'u- 
ne de  l'autre;  parce  que  la  nature  intelli- 
gente finie  qui  eil  dans  le  Fils,  &  la  natu- 
re inrelligcnte  finie  qui  cftdansleSt.Eibrif, 
font  deux  Etres  dillinéls  l'un  de  l'autre. 

6.  Cette  dillinélion  des  Perlonnes  ett  une 

dillinélion  réelle.     Elles   font  dillinguécs 

tomme  une  Pcrfonnc  eft  diitinguce  d'une 

G  5  autre 


'4^    Lei  TRE  d'un  Théologien 

autre  Perfonne,  c'cft-à-dire  comme  un  Etre 
intelligent  cft  diïlinguc  d'un  autre  Etre  m- 
tclligent.  Elles  ne  lailll^nt  pas  d'être  un, 
fous  un  certain  égard  ,  entant  que  chacune 
des  trois  dï  Dieu,  &  le  même  Dieu  que 
les  deux  autres. 

7.  La  Perfonne  du  Fils  a  été  compofce 
de  deux  natures  avant  ion  Incarnation, au f- 
fî  bien  qu'après.   Mais  avant  Ton  Incarna- 
tion, la  nature  finie  étoit  une  nature  pure- 
ment fpiritucllc  ou  Angélique;  &  dans  l'In- 
carnation le  Fils  a  pris  à  foi  une  nature  hu- 
maine.  Ainfi  au  lieu  qu'il  ctoit  auparavant 
Dieu  5c  Ange,  il  cil  devenu  Dieu ÔC  Hom- 
me.    On  pourra  demander  li  cette  nature 
Angélique  que  le  Filsavoit  avant  Ton  Incar- 
nation ,  clt  devenue  l'ame  du  corps  qu'il  a 
pris  en  venant  au  Monde;  ou  fi  en  prenant 
ce  corps,  il  a  pris  aufiî  une  ame particuliè- 
re à  ce  corps  i  lans  que  cette  nature  intelli- 
gente finie  ait  cefié  d'être  unie  à  la  Perlbn- 
ne,  comme  elle  l'étoit  auparavant.  Au  pre- 
mier cas,  il  n'y  àuroitcu  en  lui  que  deux 
natures,  ioit  avant  Ion  Incarnation,  foit  a- 
près;  comme  il  a  éié  dit  au  commencement 
de  cet  Article.   Au  fécond  cas,  il  y  auroit 
en  lui  trois  natures,  depuis fon Incarnation, 
toutes  trois  diftinéles  Se  qui  ne  laillèroient 
pas  de  compofer  une  même  Perfonne,  fa- 
voir  une  nature  Divine,  une  nature  Angé- 
lique, 


A   UN   AUTRE   THEOLOGIEN.      43 

liquc,  6v  une  nature  humaine.  Lcpksfiir, 
ù  mon  avis,  clt  de  ne  rien  dajimmcr  fur 
cette  quclcion  doîiteufe*,  parce  que  PEcri- 
iLirc  ne  nous  inllruit  pus  afllz  lur  ce  lujcr, 
au  moins  à  ce  qu'il  nous  paroit.  Je  ne  vois 
aucun  inconvénient  à  loutcnirloit l'un,  foie 
l'autre  de  ces  deux  partis.  Cependant  le 
j'iémicr  me  paroît  s'accorder  beaucoup 
mieux  que  le  fccond  avec  les  idées  que  l'E- 
criture nous  donne,  &  il  ne  renferme  point 
de  difficulté  qu'on  ne  paille  lever  facilc- 
mcnc.  C'ell  pourquoi  je  panche  aullî  da- 
vantage de  ce  coté-la  ,  mais  fans  rien  déci- 
der. 

8.  Lorsque  les  trois  Perfonnes  font  com- 
parées entrVlles  ou  diilini^uécs  par  les  dif- 
fcrcntCb  relations  qu'elles  ont  les  unes  avec 
les  autres,  elles  ne  font  pas  comparées  ou 
miles  en  relation  (Mon  ce  qu'elles  ont  de 
coininun  ,  mais  Iclon  ce  qu'elles  ont  de  par- 
ticulier. Ainlî  la  réiuti>n  quil  y  a  entre  le 
Père  &  les  deux  auires  Perlonnes  n'cll  pas 
une  relation  entre  la  Divmité  du  Père,  6c 
la  Divinité  du  Fils,  ou  la  Divinité  du  St. 
Efpiit:  car  ce  ne  (ont  pas  trois  Divinitcz 
dift'érentes,  mais  le  feulôc  même  Dieu,  le 
feul  ôv  même  Etre  qui  ne  Tauroit  être  mis 
en  relation  avec  lui-même.  Mais  c'ell  une 
relation  qui  a  lieu  entre  la  Divinité  qui  ell 
loute  pure  dans  h  PcrionncduPére,  ôclcs 

deux 


44    Lettre  d*un  Théologien 

deux  Intelligences  finies  qui  font  dans  le 
Fils  6c  dans  le  St.  Efprit.  De  même  la  re- 
lation qu'il  y  a  entre  le  Fils  £c  le  St.  Efprit, 
n'cfl  pas  une  relation  entre  la  nature  divine 
de  l'un,  êc  la  nature  divine  de  l'autre; 
puisque  ce  ne  font  pas  deux  natures  divines, 
mais  un  mêm.e  Etre.  Mais  cetie  relation  a 
lieu  entre  les  deux  Intelligences  finies,  celle 
du  Fils,  6c  du  St.  Efprit. 

9.  Comme  les  titres  de  Fils  8c  de  St.  Ef- 
prit font  des  titres  qui  marquent  les  relations 
qu'il  y  a  entre  ces  deux  Pcrlonnes  6c  celle 
du  Père  j  6c  que  les  termes  de  Génération 
6c  de  Frocefion ,  dont  l'un  cil  approprié  au 
Fils,  6c  l'autre  au  St.  Efprit,  marquent 
nuffi  ces  mêmes  relations:  ce  n'cil  pas  la 
nature  divine  qui  cft  le  fujet  à  quoi  il  faut 
rapporter  ces  termes,  foit  dans  le  Fils,  foit 
dans  le  St.  Efprit  j  mais  c'clt  la  nature  finie 
à  quoi  il  les  fiiut  rapporter.  Je  veux  dire 
que  la  féconde  Pcrfonne  n'cft  pas  appellée 
Fils  de  Dieu,  6c  n'a  pas  été  engendrée  en 
qualité  de  Dieu ,  mais  en  qualité  d'Etre  in- 
telligent fini.  Et  que  par  la  même  Raifon 
le  St.  Efprit  n'cll  pas  appelle  Efprit  de  Dieu, 
&  n'ell  pas  procédé  du  Père  en  qualité  de 
Dieu,  mais  en  qualité  d'Etre  intelligent  fi- 
ni. Au  refte,  j'ignore  la  difièrence  qu'il  y 
a  entre  la  Çc'nération  6c  la  Preccffion.  Ces 
deux  termes  expriment  la  manière  dont  les 

deux 


A   UN    AUTRE  ThEOLOGIEIC.      4f 

deux  Intelligences  finies  du  Fils  2c  du  St. 
Efprit  ont  été  produites  par  celle  du  Pérc: 
mais  cette  matière  m'eft  inconnue.  Je  fai 
feulement  que  la  féconde  Pcrfonnc  cft  ap- 
pellée  Fils  de  Dieu  dans  un  fens  qui  lui  ert: 
propre ,  &  qui  ne  convient  à  aucun  autre 
Etre  fini. 

ïo.  Les  titres  de  Sdgejfe  de  Dieu  ^  oC  dc 
Parole  de  Dieu  ^  marquent  aufli  des  rela- 
tions particulières,  que  le  Fils,  en  qualité 
d'Intelligence  finie,  a  avec  le  Père.  Mais 
ces  relations  me  font  inconnues,  &  je  ne 
faurois  en  parler  que  par  conjeélure. 

1 1.  Le  Fils  &  le  St.  Efprit,  confidercz 
entant  que  Dieu,  font  égaux  au  Père,  puis- 
qu'ils font  le  même  Dieu  que  le  Père.  Mais 
confiderc2  en  qualité  de  deux  Intelligences 
finies,  ils  font  à  cet  égard,  inférieurs  au 
Père ,  6c  dépendans  du  Pérc.  De  même  k 
Fils  èc  le  St.  Efprit  font  deux  Perfonnes, 
parfaitement  égales,  fi  on  les  confidére  du 
côté  dc  la  nature  Divine  qu'ils  pofledent. 
Mais  fi  on  les  confidére  comme  deux  Etres 
intelligens  finis ,  rien  n'empêche  qu'il  n'y 
ait  quelque  fubordination  entr'eux  à  cet  c- 
gard.  Cette  fubordination  peut  être  fondée, 
ou  fur  la  différence  qu'il  peut  y  avoir  en- 
tre ces  deux  natures  intelligentes  finies,  ou 
fur  la  différente  manière  dont  elles  peuvcnc 
êc.e  unies  avec  la  Divinité.  Comme  Ja  rai- 
fort 


4<^   Lettre  d'un  Théologien 

fbn  nous  dicle  que  cette  fu bord inationn'cfl: 
pas  impodiblc,  l'Ecriture  nous  apprend 
qu'elle  exiile,  6c  que  le  Fils  a  quelque  de- 
gré de  prééminence  fur  le  St.  El'prit.  Mais 
elle  ne  nous  apprend  pas  jufqu'oti  cette 
prééminence  s'étend,  ni  fi  elle  n'cft  que 
pour  un  tcms,  ou  pour  toujours.  C'eft 
pourquoi,  je  ne  détermine  non  plus  rien 
îur  un  lujct. 

12.  Le  Fils  6c  le  St.  Efprit  font  l'objet 
de  tous  nos  hommages  religieux,  auHibien 
que  le  Père.  Mais  ces  hommages  ne  s'a- 
dreflent  pas  à  ce  qu'il  y  a  de  fini  dans  ces 
deux  Perlonnes,  mais  à  ce  qu'il  y  a  en  eux 
d'infini  ôc  de  divin.  Ainfi,  ibit  que  nous 
honorions  le  Père,  Toit  que  nous  hono- 
rions le  Fils  &:  le  St.  Efprit,  nous  n'avons 
qu'un  feul  6c  même  Dieu  pour  objet  de  no- 
tre culte  èc  de  notre  adoration.  Nous  ado- 
rons ce  Dieu  ,  félon  qu'il  fe  fait  confidercr 
a  nous,  ou  dans  la  Perfonne  du  Père,  ou 
dans  les  Perfonnes  du  Fils  &  du  St.  Efprit, 
auxquelles  il  s'eil  uni,  &  dans  lesquelles  il 
nous  manifefte  fa  glorieufe  préfencc.  C'elt 
ainfi  qu'il  la  manifclloit  autrefois,  (quoi- 
que d'une  manière  moins  exprellè)  &  qu'il 
recevoir  aufli  les  hommages  6c  le  culte  des 
hommes  à  qui  il  fe  manifelloit  ,  dans  le 
buiflbn  enflammé  au  milieu  duquel  Dieu 
parla  à  Moife  j  dans  la  colomnc  de  nuée  6c 


A  UN   AUTRE   TnEOLOGIEN.      \1 

de  feu ,  qui  conduifbit  les  Ifraëlitcs  dans  le 
défcrt,  6c  du  milieu  de  laquelle  Dieu  leur 
adrelîà  fouvcnc  la  parole;  dans  cet  Aiige 
qui  ie  fit  voir  diverlcs  fois  aux  anciens  Pa- 
triarches fous  une  forme  vilîblcj  6c  en  di- 
vers autres  objets  fcnfiblcs.  Je  ne  rapporte 
pas  ces  ;  exemples  comme  étant  tout-à-faïc 
pareils ,  mais  comme  ayant  quelque  rapport 
a  la  chofe  que  je  voudrois  tâcher  de  rcpré- 
lenter ,  6c  comme  étant  propres  à  en  don- 
ner quelque  idée.  En  un  mot,  les  hom- 
mngcs  que  nous  rendons  au  Filsôc  au  Saint 
Elprit,  ne  fe  rapportent  pas  aux  Intelligen- 
ces finies  de  ces  deux  Perfbnnes,  mais'à  la 
Divinité  qui  cil  en  eux  :  de  la  même  ma- 
nière que  les  hommages  que  nous  rendons 
à  Jefus-Chrill,  Dieu  6c  Homme,  ne  fc 
rapportent  pas  à  lii  nature  humaine,  mais  9 
fa  nature  divine. 

F    I    N. 


f'Ffir  ^:w;^mf^p^' 


■'ï^.- 


^   •  I 


'■■■S.--, 


x*2^^