BONS LIVRES : ÉDITIONS EXACTES ET BELLES
LETTR F.S A POSTOLIO UES
DE
FIE IX. GRÉGOIRE XVI, PIE VII
ENCYCLIQUES, BREFS, oie.
Texte latin a\'ec la traduction française en regard
D'UNE-^OTICE BIOGRAPHIQUE
UK'ec portrait de chacun fie ces Papes
sri\ ii:s
D [TNE TABLE ALPHABÉTIQUE
f.v.. ■-■'/; rognri pro ti' ut non deficiut
fiUes trfi ■ et LU coiipri'in fratres tvos.
Luc, XXII, 2:^.
Mon amour pour Jcsus-Chpist doit s'étendre
particulièrement à son Vicaire sur la terre.
R. P. J'Alzon, Directoire des Aûg. de l'Assomption.
PARIS
8, rue François l'\ 8
:^
LETTRES APOSTOLIQUES
DE
PIE IX, GRÉGOIRE XVI, PIE VII
TYPOGRAPHIE KIRMIN-DIDOT KT C'". — MESNIL (EURE).
BONS LI\^RE3} ;û£piTIONS EXACTES, BELLES ET A BON MARCHÉ
t
LËTTOES APOSTOLIOUES
DE
PIE IX, GRÉGOIRE XVI, PIE VII
ENCYCLIQUES, BREFS, etc.
lexte latin avec la traduction française en regard
PRÉCÉDÉES
D'UNE NOTICE BIOGRAPHIQUE
avec portrait de chacun de ces Papes
D'UNE TABLE ALPHABÉTIQUE
Ego autem rogavi pro te ut non deficiat
fides tua : et tu confirma fratres tuos.
Luc, XXII, 23.
Mon amoup pour Jésus-Christ doit s'étendra
piirticulièreraent à son Vicaire sur la terre.
H. P. d'Alzom, Directoire des Aug. de l'Assomptioa
PARIS
A. ROaER ET F. OHERNOVIZ
ÉDITEURS
7, RDE DES GRANDS-AUGUSTINS, 7
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AVANT-PROPOS
La première édition des Lettres Apostoliques de S, S. Léon XIII
a été accueillie très favorablement par le Souverain Pontife, les
cardinaux, les évêques, le clergé et les laïques instruits.
S. S. Léon XIII a daigné nous faire connaître sa satisfaction :
J"ai le plaisir de vous dire que le Saint-Père a accueilli avec
satisfaction l'hommage que vous avez voulu lui faire tout re'cemment
en lui offrant le volume qui contient le texte latin, avec la traduc-
tion française en regard, des Lettres Encycliques de Sa Sainteté,
précédées d'une notice biographique. Et, en retour, il a bien voulu
me charger de vous transmettre sa Bénédiction Apostolique.
G. BOCCALI.
s. Em. le cardinal Bourret expose très nettement l'utilité de
cette publication :
Votre œuvre des Bons Livres est vraiment excellente
Je dois une mention particulière aux Lettres Apostoliques de
Léon XIIL Chacune de ces Lettres est un exposé magistral des
vérités qu'il importe le plus de connaître à notre époque. Vous avez
bien fait de les publier en latin et en français, et de les faire pré-
céder d'une notice biographique sur l'illustre Pontife qui gouverne
si admirablement l'Eglise de Dieu en ces temps troublés. Quel
est le prêtre qui ne voudra posséder ce beau livre? Quel est l'homme
d'études qui n'en doive faire le code de ses études? Quel est l'homme
d'œuvres qui n'y voudra chercher les inspirations de son zèle et la
règle de. sa conduite?
Les trois volumes de la nouvelle édition des Lettres Apos-
toliques de S. S. Léon XIII sont les premiers de la seconde
série des Bons Livres. Nous continuons cette série par un
VI AVANT- PROPOS
choix des Lettres des autres papes du xix'' siècle : Pie l\, (jré-
goire XVI, Pie Yll. On trouvera dans ce volume les documents
les plus précieux pour l'histoire contemporaine et Tétude de la
théologie.
Nous avons déjà publié le texte et la traduction du concile du
Vatican dans l'édition condensée des cinq premiers volumes des
Questions actiietles, p. 3-43.
Le bon accueil qu'on fera à ce précieux volume, comme à
ceux des l^ettres apostolif/ues de S. S. Léon XIII, nous encou-
ragera à pousser activement la publication de cette seconde
série de Bons Livres.
s. s. PIF- IX
BIOGRAPHIE DE PIE IX (*)
Pie IX (Jean-Marie), des comtes Mastdi Ferretti, né le 13 mai 1792
à Sinigaglia, dans les Etats de l'Eglise, passa cinq anne'es (1803-1808)
au collège alors renommé de Volterra, dirige' par les religieux
Scolopies. 11 voulut dès lors se consacrer au service de l'Eglise;
mais une grave maladie l'en détourna. Durant un voyage qu'il fît à
Notre-Dame de Lorette, il obtint miraculeusement sa guérison et put
entrer dès lors dans l'état ecclésiastique. Il fut successivement ton-
suré en 1809, minoré en 1818, promu au diaconat le 18 décem-
bre 1818 et célébra sa première messe le jour de Pâques 1819, à
Rome, dans la petite église de SanVAnna Dei Falignano. C'était
la chapelle d'une maison de refuge d'enfants pauvres que l'abbé
Mastaï catéchisa, soigna, dirigea pendant sept années. Le Pape
Léon XII ayant envoyé le cardinal Muzi au Chili, l'abbé Mastaï
l'accompagna en qualité d'auditeur. Il s'y fit remarquer par son
habileté, et à son retour se distingua également par la sagesse et
le désintéressement avec lesquels il administra plusieurs hôpitaux
et divers établissements de bienfaisance à Rome, entre autres le
grand hospice de Saint-Michel, le plus ancien et l'un des plus
vastes établissements de charité qui existent au monde. En
1827, il devint archevêque de Spolète. L'auditeur du Chili et le
président de Saint-Michel s'était ruiné pour les pauvres. Pour payer
ses bulles, le nouvel archevêque dut vendre une dernière petite pro-
priété qui lui restait. Grégoire XVl le créa cardinal. Nommé
m fstto dès 1839, il fut, le 14 décembre 1840, proclamé cardinal,
prêtre au titre de saint Pierre et saint Marcellin. Il devint en même
temps évêque d'Imola, comme l'avait été Pie VII, dont il prit le
nom au moment de son élection. Au moment de la mort du Pape
Grégoire XVI, le cardinal Mastaï partit pour Rome, où il arriva dans
la soirée du 12 juin 1846. Le 15, il entra au conclave avec les autres
cardinaux. Le 16, il fut élu à l'unanimité. Il fut couronné le 21 du
même mois. La prophétie de Malachie le désigne sous les mots de
Crux de Cruce, qui se sont parfaitement appliqués à la destinée de
ce Pontife pieux et vénéré. Dès le commencement de son règne, il
promulgua une amnistie générale en faveur de ceux qui avaient été
condamnés pour des délits politiques sous les gouvernements pré-
cédents, ordonna une foule de réformes dans l'administration
politique des Etats de l'Eglise, confia notamment les plus hautes
fonctions de l'Etat à des laïques et se rendit, par ses mesures libé-
rales etpaternelles et parl'affabilité de sa personne, l'idole de l'Italie et
(1) Voir Dictionnaire encyclopédique de la théologie catholique, publie
par le D"" Wetzer et le D"" AVelte. traduit de l'allemand par F. Goschler.
Art. Pie IX. Paris, Gaume, 1868, 26 vol. 8°.
X niOGIlAPIlIF. l)i: l'IE IX
du monde. Le cri de : Vive Pie IX! et l'hymne créé en son hon-
neur retentirent dès lors dans tout l'univers. Le 23 avril 1H48,
le Pape donna aux Etats de l'EjL'lise une constitution libre; mais
l'agitation révolutionnaire qui, de France, s'était propagée en Italie,
dépassa toutes les bornes, et le Pape, tout à l'heure presque
tlivinisé, ne fut plus en sûreté à Home. Son premier ministre, le
comte Rossi, qui s'était courat,'eusement voué à l'œuvre libérale du
Pape et au service personnel de Pie I\, fut lâchement assassiné
par les révolutionnaires, sur le seuil même de la Chambre des
députés, qu'il allait ouvrir au nom du Souverain Pontife.
Pie IX lut obligé do fuir Rome; vêtu en simple prêtre, et parvint,
grâce au concours du comte Spaur, ambassadeur de Bavière, à
s'échapper dans la nuit du 24 au 2o novembre 1848. Le roi de Naples
raccueillit avec respect, et le Pape demf^ura d'abord à Gaëte, plus
tard à Portici, touché de la sympathie que lui témoignait toute la
chrétienté, qui vint à son secours par la ferveur de ses prières et
l'abondance de ses dons. Le gouvernement révolutionnaire, établi
à Rome, sous un triumvirat dont faisait partie Mazzini, se maintint,
au milieu de l'agitation et du désordre, jusqu'au moment où la
France envoya une armée en Italie pour réintégrer le Pape dans ses
Etats, et rétablir l'ordre légitime. Les Français occupèrent Rome le
2 juillet 1849, et, après avoir destitue' les autorités révolutionnaires
et remis les choses à peu près en bon ordre, Pie IX rentra à Rome
le 12 avril! 850.
A peine rétabli, Pie IX se mit avec ardeur au travail. Commerce,
industrie, finances, instruction, moralité, la république avait tout
ruiné ou tout paralysé; Pie IX répara tout. Il rétablit les finances,
il pourvut à l'éducation de la jeunesse, à l'amélioration des détenus,
au secours des orphelins, des veuves, des infirmes, des vieillards;
de grands et nobles travaux furent accomplis; les arts eurent une
part magnifique dans cette restauration universelle. Pie IX, à qui
les archéologues ont décerné le titre de vindex antiqidtatis, acheva
la restauration de. la voie Appienne. Aux travaux du roi temporel, le
Pontife ajoutait, avec plus d'éclat encore, ceux de la souveraineté
spirituelle. L'œuvre de la Propagande fut accrue, des réformes
particulières furent opérées dans le clergé romain ; la hiérarchie
catholique fut rétablie en Angleterre et en Hollande; des concordats
furent conclus avec divers gouvernements; le dogme de llmma-
culée Conception de la Sainte Vieme Marie fut défini et proclamé.
Cependant, les signes avant-coureurs d'une perturbation prochaine
se multipliaient en Italie. Dans le Conu'rès de Paris, ouvert à la
suite de la guerre de Crimée, on formula contre le gouvernement
du Pape des attaques aussi injustes que surannées que l'on rendit
publiques afin d'entretenir l'agitation des esprits contre Rome.
Dans toute l'Europe, la presse révolutionnaire redoubla de calom-
nies contre le gouvernement pontifical. On inventa la ridicule et
fameuse affaire de Vinforluné Mortara, enfant né dans le judaïsme,
qui, ayant été baptisé en péril de mort, avait été conformément
aux lois de l'Eglise et de l'Etat pontifical, séparé de sa famille,
BIOGRAPHIE DE PIE IX XI
élevé aux frais du Saint-Père, quoique, d'ailleurs, ses parents
pussent le voir autant qu'ils le voulaient. La clameur devint uni-
verselle; la diplomatie se joignait aux journaux; enfin éclata la
guerre d'Italie.
Malgré la neutralité du Pape, déclarée et admise, malgré la pro-
clamation de l'empereur des Français, qui, en entrant en Italie, avait
iraranti au Pape Tentière conservation de son patrimoine, le Saint-
Père fut dépouillé des Romaines et de FOmbrie, ses plus riches
provinces, non par la France, qui ne s'y opposa pas, mais par le
Piémont qui protita de l'inaction du gouvernement impérial et de
l'armée française. A toutes les instances faites par le roi Victor-
Emmanuel pour entrer en arrangement, par tous les gouvernements
pour obtenir la ratification de ses iniquités et arracher au Pape la
sanction des faits accomplis, Pie ÏX o[)posa toujours le refus le
plus formel, le plus digne, le plus résolu. A toutes les suggestions
il répondit : Non! A toutes les menaces il répondit : Faites! Et,
avec ces deu:: mots, il a arrêté jusqu'à ce jour, aux portes de Home,
les Ilots montants de la révolution.
Apres la définition de l'Immaculée Conception, un autre acte
solennel, qui a si^malé le pontificat de Pie IX, étonné le monde par
sa hardiesse et sori succès, attesté l'inébranlable foi de l'Eglise et
sa persévérance dans ses traditions, fut celui de la canonisation des
martyrs du Japon, auquel il convia tous les évéques de la chrétienté.
Les évéques arrivèrent, en effet, de toutes les contrées. La France,
l'Angleterre, l'Espagne, l'Allemagne, la Hollande, l'Amérique,
l'Afrique, l'Asie se rencontrèrent au seuil du Vatican. La Russie
elle-même laissa partir quelques évéques et quelques religieux.
Depuis cent ans, aucun ecclésiastique n'était venu de ces contrées
à Rome avec un passeport moscovite. Deux nations seulement
n'étaient pas représentées par leur épiscopat : le Piémont et le
Portugal. Le jour de la Pentecôte 1862, il y eut, dans la basilique
de Saint-Pierre, cinquante mille prêtres et fidèles autour de trois
cents évêque.s (1)
I. GOSCULER.
(i) Nous ajouterons à ce rapide résumé des faits du glorieux pontificat
de Pie IX, le résumé d'une journée de ce saint Pontife, tel que nous le
lisons dans un intéressant opuscule auquel nous avons emprunté une
partie des détails de notre article, incomplet dans le texte allemand
(Célébrités calholiques : S. S. Pie IX, par M. Louis Veuillot ; Paris, Victor
Palnié, ISti.'i) :
M La journée du Pape commence à six heures. Aussitôt habillé il fait
une visite au Saint-Sacrement et se prépare à célébrer la Sainte Messe.
11 entend une seconde messe en actions de grâces, dite par un prêtre
de sa maison. Il donne ensuite audience au cardinal secrétaire d'Etat
pour les aflaires publiques et au majordome pour celles du palais.
11 lit les nombreuses lettres qui lui sont adressées et les remet à un
secrétaire avec ses instructions. Pendant ce travail du matin, il fait
une légère collation : un peu de pain, un mélange de chocolat et de
café, un verre d'eau. A dix heures commencent les audiences propre-
Ml BIOGRAPHIE DE PIE l^
Le 9 juin, les évoques répondaient à une allocution du Pape:
Nos acclamantes ac plaudentes respondemus nos tecuin et ad carcerem et
ad mortem ire paratos esse. La catholicité tout entière acclamait ainsi
le Saint-Père par la voix de ses prélats, car lorsque ceux-ci ren-
trèrent dans leurs diocèses, des manifestations enthousiastes vinrent
de tous côtés les remercier de leur vaillantealtitude auprès dePie IX.
Le S décembre 1804 parut la fameuse encyclique Quanta cura,
accompagnée d'un Syllabus et condamnant : le panthéisme, le natu-
ralisme, le rationalisme absolu, le rationalisme modéré, l'indiffé-
rentisme. le latitudinarisme, le socialisme, le communisme, les
Sociétés secrètes, les Sociétés bibliques, les Sociétés clérico-liliérales,
les erreurs relatives à l'Eglise et à ses droits, les erreurs relatives à
la société civile considérée soit en elle-même, soit dans ses rapports
avec l'E^tlise, les erreurs concernant la morale naturelle et chré-
tienne, les erreurs concernant le mariage chrétien, les erreurs sur
le principal civil du Pontife romain, les erreurs qui se rapportent au
libéralisme moderne. Cette remarquable encyclique condamnait
ainsi toutes les erreurs de notre temps.
En 1807, Pie L\ célébra, le 21 Juin, le vingt-et-unième anniversaire
de son couronnement. 512 évêques, plus de 20 000 prêtres et
140 000 fidèles étaient accourus à Rome pour te'moigner leur atta-
chement au Souverain Pontife. Le 20 juin, Pie IX tint un consistoire
où il annonça un concile œcuménique devant se réunir le 8 décem-
bre 1809 et le 7 juillet il prononça la béatification de 22o martyrs
japonais. A peine les prélats que Pie IX avait rassemblés à Rome
étaient-ils rentrés dans leurs diocèses qu'éclata la révolution
italienne soulevée par Garibaldi et soutenue par le gouverneur
piémontais-Italien.
A Mentana, les zouaves pontificaux et un régiment français
mirent en pleine déroute les 10 000 hommes de Garibaldi et la chré-
tienté tout entière s'unit pour subvenir aux besoins du Pape, au
moyen du « denier de Saint-Pierre ». Enfin, en 1869, le concile du
Vatican proclama Vinfaillibilité du Pape, aux acclamations du monde
ment dites; elles durent ordinairement jusqu'au dîner, à deux heures.
Ce dinar est d'une simpficité extrême. Au \atican, le Pape mange tout
seul. La dépense de sa table est de 1 écu (.5 fr. 35) par jour. A trois
heures il monte en voiture et se fait ordinairement conduire hors des
portes, oii il peut prendre un peu d'exercice. Parfois, il va visiter un
monastère. Entre cinq et six heures il est de retour; les audiences
recommencent. Elles se prolongent jusqu'à huit et dix heures de la nuit,
souvent plus loin. Alors le Pape récite son office, prie encore, et, se
retirant dans une humble chambre carrelée, sans feu, sans meubles, va
enfin prendre son repos.
» Outre les audiences dites extraordinaires (qui deviennent habituelles
et quotidiennes), un jour de chaque semaine est assigné pour une classe
déterminée d'affaires. Dans le courant du mois, et même de la semaine,
tous les services généraux de l'Eglise et tous les services particuliers de
l'Etat sont inspectés et dirigés. Le Saint-Père voit, en outre, quotidien-
nement le secrétaire d'Etat ou son substitut. 11 est de plus informé par
sescamériers secrets, véritables aides-de-camp de sa charité. »
BIOGRAPHIE DE PIE IX XIII
chrétien. En 1870, la France, en guerre avec l'Allemagne, retira
les soldats qu'elle avait à Rome.
Le? troupes italiennes y entrèrent le 20 septembre 1870 et dès lors
commença l'emprisonnement du Pape au Vatican. Deux fois Pie IX
tenta de ifaire cesser les hostilités entre la France et l'Allemagne,
mais sa voix ne fut pas écoutée et il eut la douleur de voir les
affreuses journées de la Commune. Depuis lors, Pie IX a toujours
montre le plus grand attachement à la France; de'plora les erreurs
qui s'y élevèrent avec tant de force à partir de cette époque, mais
applaudit aussi avec bonheur au mouvement catholique qui s'y
produisit : le dernier pèlerinage qu'il reçut fut un pèlerinage français.
En Allemagne, M. de Bismarck organisa, en 1872, leKulturkampf
ou lutte civilisatrice (contre l'Eglise). Le Pape protesta inutilement
auprès de l'empereur Guillaume; la persécution redoubla en 1874
et en 1875. Pie IX s'empressa de prodiguer les encouragements aux
catholiques persécutés en Allemagne, en Suisse, en Pologne, dans
de magnifiques encycliques, et s'efforça d'adoucir leufs maux. En
Amérique, Pie IX nomma le premier cardinal américain aux Etats-
Unis. Il eut la douleur de voir au Brésil les évêques de Para et
d'Olinda persécutés, ainsi que nombre de prêtres, par les francs-
maçons, mais, en revanche, Garcia Moreno gouverna pendant six ans
l'Equateur d'une façon digne des Gharlemagne et des saint Louis.
Pie IX pleura la mort de ce grand homme de bien.
Le 28 décembre 1877, le Pape tint un dernier consistoire, créa
deux cardinaux et préconisa 6 évêques.
Le 2 février. Pie IX reçut la délégation des Chapitres, des paroisses,
des couvents et des confréries de Rome qui venaient, selon l'usage,
lui offrir les cierges de la Chandeleur. Le 6 février il reçut une der-
nière audience. Le lendemain, à 5 h. 3/4, Pie IX mourut après une
douloureuse agonie.
Les funérailles de ce saint Pape furent attristées par des scènes
ignobles. Quand le corps de Pie IX fut transporté à la basilique
Saint-Laurent, désignée par lui-même pour le lieu de sa sépulture,
une bande de deux ou trois cents individus, étrangers à Rome pour
la plupart, attaquèrent le convoi en criant : « A mort le Pape, le
Pape à l'eau! » La police romaine ne fit rien pour empêcher cette
manifestation odieuse et les catholiques durent faire au Souverain
Pontife un rempart de leurs corps.
La modeste tombe de Pie IX a été entourée d'une riche grille par
Léon XIII. Elle porte cette inscription : Hypogeo tutando.
Son cœur a été placé dans les souterrains de la basilique de Saint-
Pierre.
Pie IX a vécu 8o ans, 8 mois, 26 jours; il a gouverné l'Eglise
catholique 31 ans, 7 mois et 23 jours. Il mourut le 7 février 1878.
Dans l'éloge funèbre de Pie IX (1), Mgr Mercurelli parle du grand
Pape en ces termes :
(1) Cet éloge funèbre a été enfermé dans un double tube en métal et
déposé dans le cercueil du Pontife.
XIV BIOGRAPHIE DE FIE IX
« Il s'efforça, avec un zèle infatigable, de protéger, relever et con-
cilier entre elles les Eglises orientales travaillées par le schisme,
les disputes et les dissensions, en essayant de nouvelles règles de
conduite, en augmentant le nombre des évèques, en venant à leur
aide par toute sorte d'offices, par sa libéralité, et en y envoyant
même un délégué apostolique et un légat a latere.
» Il n'omit rien non plus pour faire cesser la persécution de la
religion catholique en Russie, ou du moins pour arriver à l'adoucir,
soit par les conventions qu'il proposa, soit par le recours aux
ministres de cet Empire, soit par des demandes publiques, soit par
des lettres spéciales à l'empereur, soit par le délégué qu'il lui
envoya; tandis que, durant ce temps, il ne cessait de défendre et de
confirmer les Ruthènes et de consoler les Polonais. Et comme par-
tout les alîaires religieuses étaient en détresse, il mit toute diligence
à stipuler, avec la plupart des chefs des nations, des conventions
par lesquelles les droits et la liberté de l'Eglise fussent sauvegardés.
)> Il ne cessa jamais de dévoiler, de réfuter, de condamner, par
lettres encyclitiues, allocutions, discours publics, lettres à des
évèques ou à des personnes privées, les erreurs, cause de tant de
maux, et nommément les machinations de la franc-maçonnerie ; il
publia le célèbre Syllabus, qui sera perpétuellement le marteau de
toutes les erreurs; et, enfin, il convoqua et assembla un concile
œcuménique, afin que, en y proposant clairement la vraie doctrine
sur Dieu, sur l'Eglise et sur l'autorité et l'infaillibilité du Souverain
Pontife, on coupât la voie à tous les sophismes.
» Pendant qu'il s'est ainsi efï'orcé de saper le règne de Satan, il
s'est appliqué avec le même zèle à dilater le règne du Christ, à
enflammer la foi et la piété des catholiques et à leur procurer de
nouveaux et célestes secours. Il a rétabli la hiérarchie ecclésias-
tique en Angleterre et en Hollande, et il traitait de son rétablisse-
ment'en Ecosse lorsqu'il fut la proie de la mort. Il envoya des
missions jusqu'aux extrémités de la terre; il approuva un très grand
nombre de nouvelles familles religieuses appropriées aux besoins
particuliers du peuple; il favorisa avec ardeur les associations catho-
liques, instituées pour le soutien de l'Eglise et l'utilité du pro-
chain; il unit plus étroitement l'Eglise universelle au Très Saint
Cœur (le Jésus; il lui donna pour patron saint Joseph; parmi les
héros chrétiens dont les actions pouvaient être un encourage-
ment et le patronage un secours, il en inscrivit onze sur la liste des
bienheureux et o2 sur celle des saints ; il augmenta enfin la con-
fiance et le culte envers la Mère de Dieu par la définition dogma-
tique de son Immaculée Conception : par de tels soins, il dilata telle-
ment l'Eglise, qu'il dut ajouter 29 sièges métropolitains aux anciens,
132 sièges épiscopaux, 3 nullius diœcœsis,2 déle'gations apostoliques,
33 vicariats apostoliques et 13 préfectures apostoliques.
» Quoique placé sous une domination hostile, il défendit toujours
vigoureusement les droits de l'Eglise et du Saint-Siège; il reprocha
très sévèrement aux puissants, avec une liberté apostolique, le
crime d'usurpation sacrilège, et publia les censures portées contre
BIOGRAPHIE DE PIE IX XV
eui et les renouvela. Il veilla à la splendeur du culte divin, refit,
répara et orna les temples avec un luxe royal ou fournit de l'argent
et des ornements sacrés pour cela et chez lui et à l'étranger. 11
proposa une mélhode d'études pour l'avancement de la vraie science,
établit des universités catholiques, érigea des Séminaires, des
gymnases, des écoles; partout enfin, il laissa des monuments de sa
munificence; il fut d'une si grande libéralité que tout ce qui lui
parvenait semblait n'être point pour lui, mais pour les autres.
» Comme il joignait à toutes ces vertus une bonté et une affabi-
lité vi-aiment e.xtraordinaires, il se conciliait l'esprit des visiteurs au
point d'élever le respect et la dévotion due au Vicaire de Jésus-Christ
au degré du plus ardent amour. C'est ce que témoignèrent les
adresses, le concours si fréquent des pèlerins, et surtout les fêtes
des années jubilaires de sa prêtrise, de son épiscopat, de son pon-
tificat, qui fournirent des marques tout à fait inaccoutumées de la
piété filiale et du très ardent amour de tout l'univers catholique, v
Ouvrages à consulter sur S. S. Pie IX.
Bretoxxeau (Henri). Notice biographique sur Notre Saint-Pére le Pape
Pie IX, ornée d'un beau portrait. Paris, Sagnier et Bray, 1847, in-12 de
105 pages.
Balleydier (Alphonse). Rome et Pie IX, avec un portrait de Pie IX. Paris,
Pion, 1847, 1 vol. 8» de 378 pages.
Balmès (Prêtre). Pie IX, pontife et souverain. Paris, Lecoffre, 1848, in-8o
de 116 pages.
Bexoist (L.). Vie de S. S. Pie IX, ou biographie de cet auguste pontife,
suivie de pièces justificatives et d'un tableau chronologique des papes
depuis saint Pierre jusqu'à ce jour. Paris, Ilivert, 1848, in-12 de 107 pages.
Clavé (P.). Vie et pontificat de Pie IX. Paris, 1848, 8".
Recueil des actes de Notre Saint-Père le Pape Pie IX (texte et traduc-
tion). Tome I^"" contenant les actes de Pie IX depuis le commencement de
son pontificat jusqu'au is"" janvier 1848. Publié par le Comité pour la
défense de la liberté religieuse. Paris, Lecolfre, 1848, 1 vol. in-18 de
374 pages.
Clerc (J.-B.). Pie IX, Rome et l'Italie. Paris, Sagnier et Bray, 1849, 1 vol. 8»
de 340 pages.
Pie IX et l'armée française. Lettres de Rome (correspondance de VUni-
vers). Paris, Lecoffre, 1830, 1 vol. in-32 de VIIl-177 pages.
Spawr (B« de). Relation du voyage de Pie IX à Gaëte, 1832, 8°.
Zambianchi (Cl). Révolution et jésuitisme à propos de Pie IX et de lord
Palmerston. Londres, librairie polonaise, 1836, in-12.
RosELLY DE LoRGUEs. L'ambassadeur de Dieu et le Pape Pie IX, 1874, 8°.
DuMAX (Abbé). Pie IX avant et pendant son pontificat, pages d'histoire
comemporaine et récits anecdotiques. Paris, Palmé, 1877, in-12 de 323 pages.
Marvîotti (Abbé). Episcopat de Pie IX à Spolète et à Imola; traduit de
l'italien par l'abbé Brand. Paris, Olmer, 1877, in-18 de 93 pages.
XVI BIOGRAPHIE DE PIE IX
FouGEOis (Abbé A.). Histoire de Pie IX, son pontificat et son siècle.
Paris, Pougeois, 1877, 2 vol. in-S», et Paris, Boussières, 1886, in-8°.
Tesi-Passebini (Caiilo). Pio nono e il suo tempo, opéra storica. Firenze,
tip. délia SS. Concezione, 1877-1881, 3 vol. gr. in-4o.
Pie IXj aperçu chronologique de sa vie. Lyon, Josserand, 1877, in-32
de 30 pages.
Triplice oraaggio alla santita di Papa Pio IX nel suogiubileo episcopale,
oflerto dalle tre romane Académie, pontificia di archeologia, insigne dellc
belle arti denoniinata di S. Luca, pontificia de Nuovi Lincei. Homa, tip.
délia Pace, 1877, in-fol.
HcGUET (R. P.). Vie intime et édifiante de Pie IX le Bien-Aimi.-. Paris,
Castermann, 1878, in-8o de 392 pages.
Mauty (Abbé). Le pape Pie IX et l'empereur Napoléon III. Pans, Dou-
niol, 1878, in-8o de 100 pages.
Saint-Albin (Alex. de). La captivité de Pie IX. histoire des huit der-
nières années de son pontificat. Paris, Palmé, 1878, in-8o de C32 pages.
Sylvain (Abbé Charles). Histoire de Pie IX le Grand et de son pontificat.
Paris, Desclée, de Brousver et C'«, 1878, 3 vol. in-8o.
Tardirel (S. P.). Vie du Pape Pie IX, ses œuvres, ses douleurs. Québec,
Duquel, 1878, in-8° de 121 pages.
Veuillot (Louis). Pie IX. Paris, Palmé, 1878, in-12 de 123 pages.
Villefranche (J.-M.). Pie IX, sa vie, son histoire, son siècle. Paris, 1878
in-S».
Histoire de Pie IX le Grand et de son pontificat, par un membre de
I Académie des Arcades de Rome. Paris, Ressaire et Olmer, 1878, 2 vol.
in-12.
tin empereur, un roi, un Pape, une restauration. Paris, Charpentier,
1879, in-12.
Ideville (C'« Henri d'). L'ambassade du comte Rossi et les débuts du
pontificat de Pie IX. Lyon, Vitte et Pérussel, 1885, 8°.
^"'î' "et,
s. S. GREGOIRE XYI
BIOGRAPHIE DE GRÉGOIRE XYI ^'^
Grégoire XVI (Maur Capellari), pape, né le 18 septembre 1765 à
Bellune, dans les Etats vénitiens, reçut sous les yeux de son père,
homme instruit et religieux, une première éducation très soignée.
Entré jeune dans l'Ordre des Gamaldules, il ne tarda pas à se faire
remarquer de ses supérieurs par ses rares dispositions à l'étude des
langues et par l'étendue de ses connaissances. Avant d'être promu
au sacerdoce, il fut chargé de donner des leçons de théologie dans
différentes maisons de son Ordre. En 1799, il publia sous ce titre :
Le triomphe du Saint-Sicge et de VEgllse, ou les novateurs battus par
leurs propres armes, un traité destiné à réfuter les doctrines des
jansénistes, et en particulier de Tamburini. Elu, en 1807, vice-pro-
cureur général de son Ordre, il fut en même temps nommé abbé de
Saint-Grégoire, à Rome. Deux ans après, lors de l'enlèvement du
Souverain Pontife Pie VII de sa capitale, il se retira dans lé
monastère de Saint-Michel de Murano, près de Venise, où il reprit
l'enseignement de la théologie, cherchant dans l'étude des Saintes
Ecritures une consolation aux peines que lui faisait éprouver ce
triste événement. A la nouvelle de la délivrance du Pontife, il fit
éclater sa joie dans un écrit intitulé : Concours extraordinaire de tant
de prodiges considé^-c comme motif de foi, et se hâta de retourner à
Rome pour y présenter l'hommage de son respect au chef de
l'Eglise. Nommé par Pie VII, qui connaissait tout son mérite, con-
sulteur de différentes Congrégations, il fut élu vicaire général de
l'Ordre des Gamaldules à la place du savant P. Zurla, créé cardinal.
Ses talents et ses services le désignaient lui-même à cette haute
dignité, dont il fut revêtu en 1826 par le pape Léoiî XII, qui lui confia
en même temps la place de préfet de la Propagande, où il apprit à
connaître l'état et les besoins des missions auxquelles il devait
donner plus tard un si grand développement. Le talent qu'il avait
montré pour les négociations, dans différentes circonstances, le fit
choisir pour conclure un Goncordat avec le nouveau royaume des
Pays-Bas; et ce fut avec le même succès qu'il régla les intérêts de
l'Eglise avec la république des Etats-Unis, et même avec la Porte
Ottomane, dont il obtint l'affranchissement des Arméniens catho-
liques établis à Gonstantinople. Il jouissait donc de la plus grande
considération au Sacré-Collège, lorsque, à la mort de Pie VIII, les
cardinaux jetèrent les yeux sur lui pour le mettre à la tête de
l'Eglise, le 2 février 1831. En montant sur le trône pontifical, il prit
le nom de Grégoire XVI, à la mémoire de son illustre devancier. Dès
son avènement, il eut à réprimer les insurrections qui se mani-
(1) Voir Dictionnaire historique, par F. X. de Feller, art. Gréçioire XVI,
Paris, Gaume, 1847, 8 vol. 8».
XX BIOGKAPHIE DE GREGOIRE XVI
restaient sur plusieurs points; et forcé de recourir aux armes de
rAulriclie pour »'toulîer l'esprit de révolte parmi ses sujets, cette
mesure devint le prétexte do Toccupation d'Ancône par les Français.
Lorsque la paix fut rétablie dans ses Etats, le Souverain Pontife
s'occupa d'introduire des réformes utilos dans l'administration de
lajuslice et des deniers publics. En même temps, il fonda dans les
l)rincipales villes d'Italie, des écoles et des collèges, acheva la
reconstruction de Saint-Paul-hors-les-Murs, fit faire d'utiles travaux
à Tivoli, et institua l'ordre de Saint-Grégoire le Grand.
Comme chef de l'Eglise, il établit de nouveaux rapports entre le
Saint-Siège et le Portugal; il termina la lutte soutenue par l'arche-
vêque de Cologne contre le Cabinet prussien au sujet des mariages
mixtes, en les autorisant dans de certaines limites; et dans la
mémorable audience qu'il accorda à l'empereur de Russie, en
plaidant noblement la cause des catholiques devenus les sujets du
czar, il obtint des adoucissements à leur condition et prépara
leur alTranchissement. Grégoire XVI (1) a condamné L'Hermc-
siani)ime en Allemagne et le Laménaisianisme en France, et, par cet
acte de son autorité, a arrêté les progrès de ces deux nouvelles héré-
sies qui menaçaient d'envahir l'Europe (2). Mais le grand mérite de
ce Pontife, c'est l'impulsion qu'il sut donner à la prédication de
l'Evangile qui, grâce à son zèle vraiment apostolique, s'est déve-
loppée avec une admirable rapidité dans les cinq parties du globe;
il créa 75 cardinaux et institua plus de 500 évêques dont quarante
nouveaux en Amérique et dans l'Océanie (3). Sorti du cloître, il
garda sur le trAne pontifical la simplicité et l'austérité monastiques
Il mourut au Vatican dans de grands sentiments de piété et entouré
seulement de quelques simples prêtres, le !'=■■ juin 1846, à 81 ans et
8 mois, après quinze ans de règne. Grégoire XVI sera plus illustre
par les grandes choses qu'il a préparées que par celles qu'il a
laites.
Ouvrages à consulter sur S. S. Grégoire XVI.
La Farina. — Storia d'Itafia dal 1815 al 1850.
LuBiEXSKi. — (C'« Edouard) Guerres et révolutions (fltafie en 1848 et 1849.
M.\MiANi. — Précis poHtique des événements des Etats Romains.
RoHUBACHER. — Histoirc universelle de l'Etrlise catholique, t. XIV.
p. 700-733. Paris, Gaume, 1888.
(1) C'est sous le pontificat de Grégoire XVI que parurent en Suisse les
articles de Baden, en 1834. C'était une imitation des Articles organiques.
Grégoire XVI les condamna par l'Encyclique du 17 mai 1835. Ils furent
néanmoins acceptés dans une partie de la Suisse, mais les catholiques
résistèrent énergiquement aux bandes révolutionnaires des protestants
et libres penseurs.
(2) Il condamna également le magnétisme en ce que ses pratiques peu-
vent contenir d'indécence, d'immoralité, de supercherie ou de sortilège.
(3) En 183'J, Grégoire XVI célébra solennellement la canonisation des
bienheureux .Mphonse de Liguori, François Girolamo, Jean Joseph de la
Croix, Pacifique de San Séverine, Véronique Giuliani.
s. s. PIE VII
BIOGRAPHIE DE PIE VII (^)
Contrairement au dé^ir de la majorité du peuple et sous l'inlluence
de la France, Rome avait été décïare'e république en 1798. A peine
l'armée française eut-elle quitte' Rome, que le peuple romain se
souleva contre la nouvelle république, et que les Etats de l'Eglise
furent reconquis par les Napolitains et les Autrichiens. Mais le
prince à qui les Etats romains devaient être restitués était mort le
29 août 1709. Pie VI avait laissé l'ordre de réunir le conclave dans
la ville où se trouveraient le plus de cardinaux. En conséquence, le
cardinal-doyen Albani convoqua le conclave à Venise, et il s'y
trouva, en effçt, le i" décembre 1790, sous la protection de l'empe-
reur François II, trente-quatre cardinaux qui procédèrent à l'élec-
tion du nouveau Pontife. Leur choix flotta entre les cardinaux
Beliisoni et Mattei; mais, comme aucun des deux candidats ne
réunit les deux tiers des voix nécessaires. Hercule Gonsalvi, qui
était secrétaire du conclave, et qui avait déjà rempli d'autres fonc-
tions élevées, proposa le cardinal Barnabe Chiaramonti, et, en effet,
celui-ci fut élu le 14 mars 1800. Par reconnaissance pour son pré-
décesseur, qui l'avait revêtu de la pourpre, le nouveau pape prit le
nom de Pie VII. Il était né en 1742, à Césène, de la famille des
comtes Chiaramonti, était entré de bonne heure dans l'Ordre des
Bénédictins, était devenu lecteur, c'est-à-dire professeur à Rome,
avait gagné la bienveillance du pape Pie VI, qui était son parent,
était devenu évêque de Tivoli, puis d'Imola, enfin cardinal en 178S.
Il avait manifesté des opinions libérales durant son séjour à Imola;
il avait notamment, dans un sermon prêché en 1708, engagé ses
diocésains à obéir au gouvernement de la république cisalpine,
puisqu'elle existait de fait. Ce sermon l'avait fait passer, aux yeux
de bien des gens, pour un républicain et un révolutionnaire. Cepen-
dant, Pie VII devait devenir, entre les mains de la Providence, un
instrument de grâce, et subir une destinée inconnue à tous ses pré-
décesseurs. Dès que l'Autriche et Naples se montrèrent disposées
à restituer au nouveau pape la portion des Etats de l'Eglise qu'elles
avaient reprise aux Français, Pie VII se rendit à Rome (3 juillet 1800)
Mais le danger n'était pas loin. A peine le pape était-il rentré dans
Rome que Bonaparte rétablit, par la victoire de Marengo, remportée
le 14 juillet 1800, la gloire des armes françaises, singulièrement
amoindrie pendant son séjour en Egypte, et rien n'empêchait le
vainqueur de se rendre à Rome. Mais Napoléon avait été, dans l'in-
tervalle, élu premier consul (25 décembre 1799), et, après avoir
(1) Voir Diclionnaire encyclopédique de la théologie catholique, publié par
le D'' Wetzer et le D"" Welte, traduit de l'allemand par 1. Goschler. Art.
Pie VU. Paris, Gaume, 1868, 26 vol. 8°.
XXIV BIOGRAPHIE DE PIE Vil
vaincu la Révolution, il avait résolu de rétalilir l'R^lise catholiquo
en France. Il se montra, par conséquent, bienveillant envers le
Saint-Sièf,'e, et chercha à conclure un Conrordat avec le Saint-Père.
En elTet, Consalvi, qui avait éténonim*' cardinal et secrétaire d"Elat,
se rendit à Paris, où fut arrêté le Concordat de ISUl, qui stipula le
rétablissement de l'Eglise catholique en France et une nouvelle
circonscription des diocèses. Le pape promit qu'il demanderait à
tous les anciens évoques assermentés et non assermentés de résigner
leur siège. Le premier consul devait dès lors pouvoir nommer aux
évêchés vacants des candidats qui demanderaient l'institution cano-
nique du pape. Les curés devaient être nommés par les évèques, les
Séminaires et autres établissements reli^'ieux être sous leur abs(due
dépendance. Le gouvernement assurait aux évèques et aux curés un
traitement convenable ; les évèques prêtaient serment de fidélité
entre les mains du premier consul. Après la signature de ce Concordat,
Consalvi gagna de plus en plus la confiance du pape; il fut plus
vard remplacé dans cette faveur et dans ses fonctions par le cardi-
nal Pacca. Cependant, ni tous les évèques émigrés et non asser-
mentés, ni un grand nombre d'évêques assermentés et se trouvant
en France, n'étaient disposés à donner leur démission sans réserve.
Le pape en eut un profond ciiagrin, qu'augmenta la résolution
qu'avait le premier consul de renommer un certain nombre d'évêques
constitutionnels, sans qu'ils eussent donné satisfaction de leur con-
duite schismatique.
Enfin, le pape eut la douleur plus grande encore de voir Napoléon
ajouter au Concordat une série d'articles dits organiques qui annu-
laient une partie des promesses contenues dans le Concordat. Du
reste, le premier consul rencontrait de son côté, dans la réalisation
du Concordat et dans la restauration de l'Eglise catholique, de
nombreux obstacles et de graves difficultés de la part de son
propre entourage, surtout de la part des républicains nourris et
élevés dans l'incrédulité. « On croirait difficilement, disait-il, la
résistance que j'eus à vaincre pour ramener le catholicisme. C'est
au point qu'au Conseil d'Etat, où j'eus grand'peine à faire adoptei
le Concordat, plusieurs ne se rendirent qu'en complotant d'y
échapper : « Eh bien! se disaient-ils les uns aux autres, faisons-nous
protestants, et cela ne nous regardera pas. » Il est sûr que, dans
ce désordre auquel je succédais, sur les ruines où je me trouvais
placé, je pouvais choisir entre le catholicisme et le protestantisme.
Il est tout aussi vrai de dire que les dispositions du moment pous-
saient toutes à celui-ci. Mais, outre que je tenais réellement à ma
religion natale, j'avais les plus hauts motifs pour me décider. En
proclamant le protestantisme en France, qu'eussé-je obtenu? Deux
grands partis à peu près égaux, lorsque je voulais qu'ils n'y en eût
plus du tout; j'aurais ranimé la fureur des ^'uerres de religion. Ces
deux partis (les catholiques et les protestants), en se déchirant,
eussent annihilé la France et l'eussent rendue l'esclave de l'Europe,
tandis que j'avais l'ambition de l'en rendre maîtresse. Avec le catho-
licisme, j'arrivais bien plus sûrement à tous mes grands résultats :
BIOGRAPHIE DE PIE VII XXV
au dehors, le catholicisme me conservait le pape, et, avec mon
influence et nos forces en Italie, je ne désespérais pas tôt ou tard
de finir par avoir à moi la direction de ce pape (i). »
Malheureusement pour la suite des bons rapports entre le pape
et l'empereur Napoléon, l'envoyé français à Rome, M. Cacault, dut
céder sa place à l'oncle de l'empereur, le cardinal Fesch. M. Cacault
était un républicain converti, tîdèle à son iiouvernement, plein de
probité et de délicatesse envers le Saint-Sièpe, particulièrement
aimé par le pape et le cardinal Gonsalvi. Il avait, par sa loyauté et
son habileté, terminé d'une manière pacifique bien des affaires épi-
neuses. Ce que M. Cacault avait parfaitement arrangé fut dérangé
parle cardinal Fesch, qui fit même renvoyer, parle gouvernement
français, un de ses secrétaires d'ambassade, le vicomte de Chateau-
briand, trop appliqué à observer, vis-à-vis de la cour de Rome, le
ton de déférence respectueuse dont on usait autrefois vis-à-vis
d'elle. D'un autre côté, l'ambassadeur se plaignait de toutes sortes
de complots qu'on fomentait à Rome contre son neveu Napoléon.
Bientôt on comprit pourquoi le cardinal Fesch avait été envoyé en
ambassade. Le 8 mai 1804, Napole'on fut proclamé empereur, et le
nouveau souverain témoigna le désir d'être sacré par le pape. On
hésita longtemps dans le Sacré Collège à répondre à ce désir ; enfin
on se détermina pour l'affirmative, et le 2 novembre 1804, le pape
quitta Rome et rencontra, le 25 du même mois. Napoléon à Fon-
tainebleau. Il entra le 28 à Paris, et sacra solennellement l'em-
pereur dans la cathédrale, le 2 décembre. Napoléon se mit lui-même
la couronne sur la tête.
Le pape voulut profiter de l'occasion pour demander au nouvel
empereur le retrait de plusieurs décrets nuisibles à l'Eglise, mais il
ne réussit qu'en partie, en obtenant, par exemple, le rétablissement
des Sœurs de Charité, des Lazaristes et des prêtres des Missions
étrangères.
Après avoir terminé ses affaires à Paris, Pie VII voulut retourner
dans ses Etats; mais Napoléon le retint une semaine après l'autre,
et finit par lui suggérer la pensée de résider dorénavant à Avignon.
On faisait pressentir au pape, en cas de refus, la possibilité d'une
captivité prolongée. Mais Pie VII ayant craint, dès son départ de
Rome, qu"on ne le retînt violemment en France, avait, pour le cas
échéant, déposé en Sicile un acte formel de résignation du trône
pontifical. Il fit pressentir cette résolution extrême en ajoutant que,
si on le retenait, on n'aurait entre les mains que le moine Barnabe
Chiaramonti. Cet argument produisit son effet, et, le soir du même
jour, le pape obtint la permission de partir. Pie VII rentra dans
Rome le 6 mai 1803, à la grande satisfaction de ses sujets, et peu
de temps après. Napoléon lui envoya en cadeau une magnifique
tiare pontificale. Mais à peine Pie VII était-il de retour, que de nou-
(1) Sentiments de Napoléon sur la Dbnnité, pensées recueillies à Sainte-
Hélène, par M. le comte de Montholon. et publiées par M. le chevaliè*-
de Heautcrne, Paris, V^ édit., p. 43-44.
XXVI BIOGRAPHIE DE PIE VII
velles peineç vinrent l'accabler. Napoléon voulut que le pape pro-
nonçât le divorce de son frère Jérôme, qui avait épousé la" lille d'un
négociant protestant des Ktats-Unis (M"*^ Patterson). Le pape, ayant
reconnu que le mariage était parfaitement valide, ne put admettre
la demande. Napoléon décida la question de son chef et maria pour
la seconde fois son frère avec la princesse Catherine de Wurtem-
berg, sans pouvoir obtenir de Pie VII l'approbation de cette union.
Les rapports du pape avec la France devenaient de Jour en jour
plus tendus, et le cardinal Fesch augmentait les difficultés par la
haine qu'il portait au cardinal Cnnsalvi, qu'il accusait, auprès de
Napoléon, de conspirer avec l'Angleterre, l'Autriche et la liussie.
Lorsque la guerre éclata entre ces puissances et Napoléon, celui-
ci fit occuper la place d'Ancône, et répondit à la protestation de
Pie VII que c'était lui, Napoléon, qui était empereur de Home,
révélant nettement ainsi le plan qu'il avait formé de rendre le pape
son vassal. Consalvi, que Napoléon désif^nait comme la cause des
dissentiments entre la France et le Saint-Siège, remit à cette
époque son portefeuille, et fut remplacé par le cardinal Casoni,
sans que la situation s'améliorât. .Napoléon, au contraire, ordonna
au général Miollis d'occuper Rome, en déclarant que l'occupation
ne serait que temporaire et qu'elle avait lieu pour faciliter le pas-
sage de l'armée française se rendant dans le royaume de Naples.
Mais le pape ayant résisté à de nouvelles exigences de l'empereur,
celui-ci revendiqua les Etats de TLglise comme un don fait autrefois
par Gharlemagne, et le secrétaire d'Ltat de Pie VII fut retenu
prisonnier dans le palais du pape. Pie VII nomma alors pour
remplacer Casoni le courageux cardinal Pacca, en qualité de pro-
secrétaire d'Etat ; mais Pacca fut à son tour enlevé au Souverain
Pontife. Enfin parut un décret de Napoléon qui proclamait Home
ville libre et abolissait l'autorité du pape sur sa capitale. Le pape
avait prévu sa prochaine captivité. Il avait, dans cette hypothèse,
fait préparer une bulle d'excommunication contre .Napoléon, et dans
la nuit du 10 au 11 juin 1809, elle fut secrètement affichée. Dès
qu'on s'en aperçut, le général Miollis donna au général Radet l'ordre
de s'emparer du pape et de l'emmener. Dans la nuit du 4 au i» juillet,
le Quirinal fut, en effet, envahi à trois heures du matin, le pape
fut arrêté avec le cardinal Pacca, arraché de son palais, et, sans
avoir le temps de déposer les habits de clio'ur dont il était revêtu,
il fut placé dans une voiture soigneusement fermée. La voiture
partit avec les prisonniers. Plus le voyage était brusque, violent,
l'humiliation profonde, plus le pape, d'ailleurs si doux et presque
si faible, se montra calme et énergique. Ce ne fut qu'au bout de
deux jours que les domestiques du pape le rejoignirent avec le
strict nécessavre. La voiture du pape fut même renversée, et le
général Radet, qui était assis sur le siège, fut jeté dans un tas
de boue. On s'arrêta à Florence. Le pape y fut déposé dans l'appar-
tement où, dix ans auparavant, on avait retenu captif son illustre
.prédécesseur. Au bout de trois heures de repos, on l'entraîna plus
ioin, en lui enlevant, à son grand chagrin, la société du cardinal
BIOGRAPHIE DE PIE VII XXVII
Pacca. Plus Pie VII s'approchait de la France, plus Tenthousiasme
des peuples, eu le voyant, redoublait, tandis que le gouvernement
français ne lui accordait même pas la permission d'aller visiter, en
passant à Valence, la tombe de son pre'décesseur. De Valence,
Pie VII fut ramené en Italie, et on lui assigna pour prison Savone,
près de Gènes. En même temps, tous les cardinaux furent convoqués
à Paris, et, par un décret du 7 février 18iO, les Etats de l'Eglise
furent incorporés à l'Empire. On allait célébrer le mariage de
l'empereur avec l'archiduchesse d'Autriche, Marie-Louise (2 avril
1810). Vingt-six cardinaux, présents à Paris, assistèrent à la céré-
monie du mariage civil, mais il n'y en eut que treize au mariage
religieux. Ceux qui s'étaient abstenus furent bannis de Paris, et il
leur fut défendu de porter la pourpre à l'avenir. On les nomma les
cardinaux noirs, par opposition aux cardinaux rouges, qui s'étaient
montrés plus dévoués aux intérêts de l'empire français qu'à ceux
de l'Eglise. Le cardinal Pacca n'était ni parmi les uns, ni parmi
les autres, car il était captif à Fenestrelle, et le pape se trou-
vait privé non seulement du concours de son ministre, mais de
l'assistance de tous ses serviteurs, même de celle de son confesseur.
Pie VII continuait à résister aux exigences de l'empereur, qui
s'oublia au point de faire enlever au pape tous ses livres, même
son bréviaire, et donna l'ordre de ne plus dépenser à l'avenir, pour
l'entretien du pape, que 5 paoli (3 fr. 20; le vieux paolo valait
0 fr. 64). Mais cet ordre absurde et ridicule ne dura que deux
semaines, et le peuple de Savone montra d'autant plus d'attache-
ment au pape que l'empereur lui infligeait plus d'humiliations et
d'outrages. Le 14 janvier 1811, Napoléon fit déclarer au pape qu'il
avait cessé d'être le chef de l'Eglise catholique, et qu'il allait user
du pouvoir qu'avaient exercé ses prédécesseurs, les empereurs
romains, en destituant et instituant les papes. Il faisait cette
menace pour obtenir de Pie VII la confirmation des évèques qu'il
avait illégalement institués, mais le pape demeura inébranlable.
Napoléon appela alors en Conseil quelques cardinaux, un certain
nombre d'évêques et d'abbés, autour de lui, aux Tuileries. Il ouvrit
lui-même la séance par une vive sortie contre Pie VII. Les prélats
gardèrent le silence. Seul, l'abbé Emery, supérieur de Saint-
Sulpice, âgé de quatre-vingts ans, aussi vertueux que savant, eut le
courage de dire franchement la vérité au redoutable César. Napoléon,
loin d'en vouloir au noble vieillard, comme le pensaient en
tremblant les prélats consultés, approuva tellement la hardiesse de
M. Emery qu'il dit, en s'adressant au cardinal Fesch : « Vous êtes
un ignorant; allez trouver l'abbé Emery et faites-vous instruire par
lui dans les questions canoniques. » Cependant, Napoléon ne suivit
pas l'avis de M. Emery, qui mourut bientôt après.
L'empereur, mal conseillé, convoqua à Paris, en 1811, un concile
aational composé des évêques de l'empire français et du royaume
d'Italie. Le cardinal Fesch présida l'assemblée, et il eut, cette fois, le
courase d'ouvrir le concile en lisant la profession de foi du concile
de Trente, et en prêtant le serment d'obéissance envers le pape.
XXVIII BIOGRAPHIE DE PIE VII
Cette démarche lui rendit raiïection de Vie VII, et fut d'autant plus
importante que l'exemple du cardinal fut suivi par tous les prélats.
Cependant, dans le cours de ses délibérations, le concile adopta une
décision dictée par l'empereur, en vertu de laquelle, dans le cas où,
au bout de six mois, le pape n'aurait pas coiilirmé un évèque nommé
par l'empereur, le droit de confirmation serait dévolu au métropo-
litain ou au plus ancien évéque de la province. Le concile national
adopta avec une obéissance silencieuse ce décret antiranunique; un
seul prélat éleva la voix contre le décret : ce fut (iaspard-Maxi-
milien Droste-Vischering. Le concile, espérant amener le pape à
son avis, lui envoya cinq cardinaux routes à Savone, dans le cou-
rant de septembre 1811. En effet, ils obtinrent de Pie VII un bref
qui autorisait tout ce que le concile national avait arrêté. Les car-
dinaux espéraient, au retour, les éloges et les récompenses de l'em-
pereur, mais Napoléon rejeta le bref et ne voulut pas se réconcilier
avec le pape, parce qu'il n'aurait plus eu de motif de le retenir en
captivité. Pie VII fut laissé tranquille pendant l'hiver; mais, au mois
de juin 1812, il reçut l'ordre de venir en France, dans un costume
qui empêchât de le reconnaître, et, quoique Pie VII fût tombé
malade en route, au point qu'on l'administra, il fut entraîné nuit et
jour, et privé des soins et de la commisération qu'on a même pour
les malfaiteurs. Quand il fallait s'arrêter pour manger, le pape ne
pouvait sortir de la voiture, qu'on mettait sous une remise ou un
hangar. Pie VII arriva ainsi à Fontainebleau. Là, il ne fut entouré
que de gens dévoués à l'empereur et gardé à vue, jusqu'au moment
où l'empereur revint de la malheureuse campagne de liussie. Les
sollicitations des cardinaux rouges, les obsessions des personnes
qui entouraient le pape, les menaces de l'empereur finirent par
briser le courage du Pontife septuagénaire, et il signa, le 25 juin 1813,
le nouveau Concordat, qui, lui avait-on affirmé, ne devait avoir
qu'une valeur provisoire. Par ce Concordat, le pape renonçait
presque à toute influence sur la nomination des évêques; il pro-
mettait de résider à l'avenir où l'empereur le désirerait, même au
palais archiépiscopal de Paris, avec un traitement de 2000000 de
francs, en renonçant tacitem.ent aux Etats de l'Eglise.
Cependant, Pie VII, troublé à la pensée de cette funeste condes-
cendance, tomba dans une profonde mélancolie, et quelques-uns
de ses cai'dinaux noirs, auxquels on rendit la liberté, notamment
Piétro et Pacca, lui firent comprendre le véritable état des choses.
Encouragé et relevé par leur forte parole. Pie VII, dans un acte à
la fois humble et digne, rétracta et condamna sa faute, et ajouta
qu'il préférerait mourir plutôt que de persévérer dans son erreur.
Il envoya ce document à l'empereur, le pria d'entrer de nouveau en
pourparlers, et défendit sévèrement aux métropolitains de con-
firmer aucun évéque. Napoléon feignit de n'avoir rien reçu, éloigna
du pape ses fidèles conseillers, et publia le Concordat, sans toute-
fois tenir rigoureusement à son exécution.
Au bout de quelque temps. Napoléon chercha à renouer les négo-
ciations avec le pape, mais celui-ci ne voulut plus se prêter à des
«iO(;R.UMI1E de pie VII XXIX
conférences inutiles, et la bataille de Leipzig ayant été perdue,
Napoléon, pour donner quelque satisfaction au sentiment public,
laissa le pape complètement libre (23 janvier 1814). Tandis que Pie VII
partait pour Tltalie, Napoléon, dans ce même palais de Fontainebleau
où il avait si rigoureusement traité le pape, signait son acte d'abdi-
cation (avril 1814). Louis XVIII, remonté sur le trône de ses ancêtres,
noua immédiatement de nouvelles négociations avec le Saint-Siège,
et le malheureux Concordat de 1813 fut annulé. Pie VII était rentré
dans Rome le 24 mai 1814, aux cris de joie des Romains. Quelques-
unes des provinces des Etats de l'Eglise qui ne lui avaient pas encore
été restituées lui furent rendues par le Congrès de Vienne; seule-
ment, le comtat Venaissin et Avignon demeurèrent à la France.
Lorsque Napoléon, échappé de l'île d'Elbe (26 février 1815), fut
rentré aux Tuileries, son beau-frère Murât, roi de Naples, envahit
les Etats de l'Eglise, et Pie VII lut obligé de s'enfuir à Gênes. Mais
la prompte chute de Napoléon et son départ pour Sainte-Hélène
affranchirent Rome de tout danger, et le pape réclama les chefs-
d'œuvre d'art enlevés à Rome par le traité de Tolentino. Il chercha
à guérir les blessures que la Révolution française avait faites à
l'Eglise, et conclut à cette fin, avec divers Etats, des Concordats et
des conventions, notamment avec la France et la Bavière en 1817,
avec le Piémont, Naples, etc. Il entra en négociations avec d'autres
Etats. Par sa bulle SoUkitiido anlmarum, du 7 août 1814, il rétablit
l'Ordre des Jésuites; le 13 septembre 1821, il publia une bulle contre
les carbonari. Il mourut à la suite d'une chute, le 20 avril 1823, à
l'âge de quatre-vingt-un ans et six jours, après avoir régné vingt-
trois ans et demi.
La prophétie de Malachie l'avait désigné sous les mots à'aqidla
rapax, ce qui peut s'expliquer en ce sens-, ou que l'aigle des Fran-
çais lui avait enlevé tout ce qu'il possédait, ou que le pape, comme
un aigle puissant, avait tout ramené à lui.
Deux ans auparavant. Napoléon était mort, le 5 mai 1821.
Héfélé.
Ouvrages à consulter sur S. S. Pie VU.
Rexnexkampff (Alexaxder vo\). Ueber Plus VII und dessen Exkomuni-
kation Napoléons. S. Petersburg, gedruckt beira 1 stem Kadetten Korps,
1813, in-12.
SiMOX (Hexry). Vie politique et privée du Souverain Pontife Pie VII. Paris,
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Artaud. Storia di Pio VII. Vcnezia, Picotti, 1839, 4 vol. in-12.
Histoire du pontificat de Pie VII, extraite en grande partie de l'ouvrape
de M. Artaud et des Mémoires du cardinal Pacca. Paris, Le Clère, 1S4U.
1 vol. in-12.
Histoire des démêlés de Pie VU- avec Napoléon au sujet des affaires
XXX BIOGRAPHIE DE PIE VU
ecclésiastiques. lievtie des questions hislo7'iques, t. II, 549-594 (1866):
m, 019(1867).
C. M. F. nE V. Légende pontificale. Légende napoléonienne. Pie VU et
Napoléon I", 1800-1815. Chambéry, Châtelain, 188 4, 8°.
CiiAïu.oT (.\bbé). Pie VII elles Jésuites, traduit de l'italien par P.J. Noury.
Paris, 1884.
Sangiinetti (Le P. Sébastien). La Compagnie de Jésus et son existence
canonique dans l'Eglise. R''ponse au livre de l'abbé Chaillot : Pie Vil et
les Jésuites. Paris, liray et Retaux, 1884, 8",
Chotaud (H.). Le Pape Pie VII à Savone d'après les minutes des lettres
du général Berthier au prince Borghèse. Clermont-Ferrand, Mont-Louis,
1885, 8».
Chotard (H.). Le Pape Pie VU à Savone, d'après les minutes des lettres
inédites du général Berthier au prince Borghèse et d'après les mémoires
inédits de M. de Lebzeltern, conseiller d'ambassade autrichien. Paris,
Pion, 1887, in-i8.
Ouvrages à consulter
sur le Concordat et les Articles organiques (1)
Dcpi.N-. Réfutation des assertions de M. de Montalembert et défense des
Articles organiques. Paris, 1844, 8°.
PouTALis (J. E. M.). Discours, rapports et travaux inédits sur le Con-
cordat de 1801, les .\rticles organiques, etc. Paris, Joubert, 1845, in-8°,
Dahicste. Histoire de France. Le Concordat, t. IX, passim. Paris.
Hachette, 1865-187.3, 9 vol. in-8o.
Railx. Encycliques et documents en français et en latin. Bulle de rati-
fication du Concordat de 1801, t. 11, 585. Bar-le-Duc, Guérin, 1865, 2 vol. 8".
Theineh. Histoire des deux Concordats, Bar-le-Duc, 1869-1875, 2 vol. 8*.
Defert. Le Concordat de 1801 et les Articles organiques. Paris, 1878, 8».
P'reppel (Mgr). Œuvres polémiques. Le Concordat, passim. Paris, Palmé
1881-1S8S, 9 vol. in-12.
JoLY (Abbé). Etude historique et juridique sur le Concordat de 1801.
Paris, librairie de l'OEuvre Saint-Paul, 1881, in-S".
Amagat (Df A. L.). Discours sur le Concordat et la question religieuse.
Paris, Doin, 1882, 8».
Basoiix. Questions actuelles. Faut-il dénoncer le Concordat? Boulogne
sur-Mer. Aigre, 18S2, S».
BoLLAY DE LA Melrthe (C'«). La négociation du Concordat. Paris,
Gervais, 1882, 2 vol. 8».
BoiLAY DE LA Meurthe (C'«). Documents sur la négociation du Concordat
et sur les autres rapports de la France avec le Saint-Siège, en 1800 et
1801. Paris, Leroux, 8".
Rouoiette (Abbé). Le Concordat de 1801 et les Articles organiques,
Paris, Rousseau, 1882, in-18.
Concordat (Le) et la proposition Boysset. Paris, Palmé, 1882, in-24,
(1) Voir le texte du Concordat et des articles organiques p. 263 et 273
BIOGRAPHIE DE PIE VII IXXI
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Jn-iS.
Ollivier (Emile). Le Concordat est-il respecté? Paris, Garnier, 1883, in-18.
Picot (Ch\ République du Christ et monarchie du Pape. Infaillibilité,
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Roche (Jules). Le budget des Cultes, la séparation de l'Eglise et de
l'Etat et les Congrégations, le Concordat, le Syllabus. Paris, Marpon et
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1883, in-8o.
Laxess.w (J. L. de). L'Eglise et l'Etat. Conférence sur la séparation
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GuiLBERT (Mgr). Abolition du Concordat et séparation ae l'Eglise et de
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Paris, Garnier, 1883, in-16.
Ghastan (Abbé). Le Concordat et le gouvernement de la République.
Paris, Lévy, 1886, 8°.
Démarest (Anatole). La vérité sur le Concordat de 1801. Fontainebleau,
Crépin, 1886, 8".
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Bressox (J.). Assemblée générale des catholiques de 1887. Rapport sur
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Franck (J.). Que gagnera la France en dénonçant le Concordat? Paris,
Wattier, 1887, S».
Desjacques (R. p.). La nature et l'obligation des Concordats. Questions
actuelles, édition condensée, t. I-V, p. 83. Paris, 8, rue François ler,
1888.
TcRixAZ (Mgr). Les Concordats et l'obligation réciproque qu'ils imposent
à l'Eglise et à l'Etat. Paris, Retaux-Bray, 1888, 8°.
Chamard (Dom François). La Révolution, le Concordat et la liberté reli-
gieuse, Paris, Letouzey, 1891, in-16.
Yillefranche (J. m.). Le Concordat. Qu'on l'observe loyalement ou
qu'on le dénonce. Paris, Bloud et Barrai, 1891, in-18.
Perkaud (Mgr). La discussion concordataire au Sénat et à la Chambre
des Députés. Paris, Poussielgue, 1892.
Brugère. Histoire ecclésiastique. Le Concordat, p. 1138. Paris, Roger
Chernoviz, in-4« lithographie,
Hébrard (.\bbé). Les Articles organiques devant l'histoire. Paris , in-8».
LETTRES APOSTOLIOUES
ou
ENCYCLIQUES, BREFS. &
DE
LL. SS. PIE IX, GRÉGOIRE XVI, PIE VU
PARIS
A. ROGER ET F. CHERNOVIZ, ÉDITEURS
7, RUE DES GRANDS AUGUSTINS. 7
SS. PII pp. IX
EPISTOLA ENCYCLICA
Venerabilibus Fratribus Patriarckis, Primatibiis, Archiepiscopis , et
Episcopis iiniversisgratiam et communionem Aposlolicœ Sedis habeii-
tibus.
Plus PP. IX.
Vener.\biles Fratres,
Salutem et Apostolicam Benedictionem.
Quanta cura ac pastorali vigilantia Romani Pontifices prœde-
cessores nostri exsequsntes demandatiim sibi ab ipso Christo
Domino in persona beatissimi Pétri Apostolorum Principis offi-
cium, munusquepascendi agnos et oves, nunquam intermiserint
universum Dominicum gregem sedulo enutrira verbis fidei, ac
salutari doctrina imbuere, eumque ab venenatis pascuis arcere,
omnibus quidem ac vobis prgesertim compertum exploratum que
est, venerabiles Fratres. Et sane iidem decessores nostri augustae
catholicœ religionis, veritas ac justitiiB assertores et vindices,
de animarum sainte maxime solliciti nihii potius unquam
habuere, quam sapientissimis suis Litteris et Constitutionibus
retegere et damnare omnes hœreses et errores, qui divines Fidei
nostrae, catholicœ Ecclesiae doctrinœ, morum honestati, ac sem-
piternee hominum saluti adversi, graves fréquenter excitarunt
tempestates,etchristianamciviiemquerempublicammiserandum
in modum funestarunt. Quocirca iidem decessores nostri Apo-
stolica fortitudine continenter obstiterunt nefariisiniquorum ho-
minum molitionibus, qui despumantes tanquam iluctus feri
maris confusiones suas, ac libertatem promittentes. cum servi
sint corruptionis, fallacibus suis opinionibus, etperniciosissimis
scriptis catholicœ religionis civilisque societatis fundamenta
convellere, omnemque virtutem ac justitiam de medio tôlière,
omniumque animos mentesque depravare, et incautos impe-
ritamque prœsertim juventutem a recta morum.disciplina aver-
tere, eamque miserabiliter corrumpere, in erroris laqueos
LETTRE ENCYCLIQUE
DE SA SAINTETÉ PIE IX
A tous nos vénérables Frères, les Patriarches, les Primats, les Arche-
vêques et Eoêques en grâce et en communion avec le Siège Aposto-
lique.
PIE IX, PAPE.
VÉNÉRABLES FrÈRES,
Salut et Bénédiction Apostolique.
Tous ont appris, tous savent, et vous mieux que personne, vénérables
Frères, avec quelle sollicitude, avec quelle vigilance pastorale les Pontifes
Romains nos prédécesseurs ont rempli la charge et le devoir qui leur a
été confié par Jésus-Christ lui-même, dans la personne du Bienheureux
Pierre, Prince des Apôtres, de paître les agneaux et les brebis : jamais
ils n"ont cessé de nourrir fidèlement des paroles de la foi et de la doc-
trine du salut tout le troupeau du Seigneur et de le détourner des pâtu-
rages empoisonnés. En effet, gardiens et vengeurs de l'auguste religion
catholique, de la vérité et de la justice, ces mêmes prédécesseurs, pleins
de sollicitude pour le salut des âmes, n'ont jamais rien eu plus à cœur
que de découvrir et de condamner, par leurs Lettres et Constitutions
pleines de sagesse, toutes les hérésies et toutes les erreurs ; car, con-
traires à notre divine foi, à la doctrine de l'Eglise catholique, à l'hon-
nêteté des mœurs et au salut éternel des hommes, ces erreurs ont excité
souvent de violentes tempêtes et appelé sur l'Eglise et sur la société
civile de déplorables calamités. C'est pourquoi nos mêmes prédécesseurs
s'opposèrent constamment, avec une vigueur tout apostolique, aux cou-
pables machinations de ces méchants, qui, semblables aux Ilots de la
mer en furie, jetant l'écume de leurs hontes et promettant la liberté,
bien qu'esclaves de la corruption, se sont efforcés par de fausses maximes
et par de pernicieux écrits, d'arracher les fondements de l'ordre religieux
et de l'ordre social, de faire disparaître du monde toute vertu et toute
justice, de dépraver les cœurs et les esprits, de soustraire ù la règle des
mœurs les imprudents, surtout la jeunesse inexpérimentée, qu'ils ont
4 LETTRE EN'CYGLIQUE DE PIE IS
indiicere ac tandem ab Ecclesiae catholicaî sinu avellere conati
sunt.
Jam vero, uti vobis, venerabiles Fratres, apprime notuni ost,
nos vix dum arcano divinœ Providentiae consilio nullis certe
nostris mentis ad banc Pétri catbedram evecti fuimus, cum
videremus summo animi nostri dolore horribilern sane procellam
tôt pravis opinionibus excitatam, et gravissima ac nunquam
satis lugenda damna, quœ in christianum populum ex tôt erro-
ribus redondant, pro Apostolici nostri niinisterii officie illu^tria
praedecessorum nostrorum vestigia sectantes.. nostram extiilimus
vocem, acpluribus in vulguseditisencyclicis Epistolis et Allocii-
tionibus in Consistorio habitis, aliisque Apostolicis Litteris
praecipuos tristissimee nostrae œtatis errores damnavinius, exi-
miamqu3 vestrani episcopalem vigilanliam excitavimus, et uni-
versos catholicae Kcclesise nobis carissimos filios etiam atque
etiam monuimus et exhortati sumus; ut tam dirœ contagia pes-
tis omnino horrerent et devitarent. Ac prsesertim nostra prima
encyclica Epistola die 9 novembris anno 1846 vobis scripta,
binisque Allocutionibus, quarum altéra die 9 decembris 1834,
altéra vero 9 junii anno 1862 in Consistorio a nobis habita fuit,
monstrosa opinionum portenta damnavimus quœ bac potissimum
aetate cum maximo animarum damno et civiiis ipsius societatis
detrimento dominantur, quseque non solum calbolicae Ecclesiae,
ejusque salutari doctrinae ac venerandis juribus, verum etiam
sempiternae naturali legi a Deo in omnium cordibus insculptae,
rectœque rationi maxime adversantur, et ex quibus alii prope
omnes originem habent errores.
Etsi autem haud omiserimus potissimos hujusmodi errores
sœpe proscribere et reprobare, tamen catholicae Ecclesiae causa
animarumque salus nobis divinitus commissa, atque ipsius hu-
manae societatis bonum omnino postulant, ut iterum pastoralem
vestram sollicitudinem excitcmus ad alias pravas profligandas
opiniones, quaeexeisdem erroribusveluti ex fontibus erumpunt.
Quae falsœ ac perversae opiniones eo magis detestandae sunt,
quod eo potissimum spectant, ut impediatur et amoveatur salu-
taris illa vis, quam catholica Ecclesia ex divini sui Auctoris in-
htitutione et mandate libère exercere débet usque ad consumma-
tionem saeculi, non minus erga singulos homines, quam erga
nationes, populos summosque eorum principes, utque de medio
tollatur mutua illa inter Sacerdotium et Imperium consiliorum
societas et concordia, quae rei tum sacrée tum civili fausta sem-
per extitit ac salutaris (Gregor. XVI. Epist. encycl. Mirm-i,
15 aug. 1832).
Etenim probe noscitis venerabiles Fratres, hoc tempore non
« QUANTA CURA y, S DÉCEMBRE 1864 5
voulu corrompre misérablement pour la jeter dans les filets de l'erreur
et enfin l'arracher du sein de l'Eglise catholique.
Déjà, vous le savez très bien, vénérables Frères, sitôt que, par le
secret conseil de la Providence et sans aucun mérite de notre part, nous
fûmes élevé à la chaire de Pierre, voyant, le cœur navré de douleur,
l'horrible tempête soulevée par tant de doctrines perverses, les maux
immenses et souverainement déplorables attirés sur le peuple chrétien
par tant d'erreurs, nous avons élevé la voix, suivant le devoir de notre
ministère apostolique et les illustres exemples de nos prédécesseurs ; et
dans plusieurs Encycliques publiées par nous, dans des Allocutions pro-
noncées en Consistoire et dans d'autres écrits apostoliques, nous avons
condamné les principales erreurs de notre triste époque; nous avons, en
même temps, excité votre admirable vigilance épiscopale ; nous avons
averti et exhorté sans relâche tous les enfants de l'Eglise catholique, nos
fils bien-aimés, d'avoir en profonde horreur et d'éviter la contagion de
cette peste cruelle. En particulier dans notre première Encyclique du
9 novembre 1846, à vous adressée, et dans deux Allocutions, dont l'une
du 9 décembre iSbi, et l'autre du 9 juin 1862, prononcées en Consis-
toire, nous avons condamné les monstrueuses erreurs qui dominent sur-
tout aujourd'hui, au grand malheur des âmes et au détriment de la
société civile elle-même, et qui, sources de presque toutes les autres, ne
s'élèvent pas seulement contre l'Eglise catholique, contre ses salutaires
doctrines et ses droits sacrés, mais aussi contre l'éternelle loi de la
nature gravée par Dieu même dans tous les cœurs et contre la droite
raison.
Nous n'avons donc négligé ni de proscrire souvent ni de réprimer ces
erreurs principales; cependant la cause de l'Eglise catholique, le salut
des âmes divinement confiées à notre sollicitude, le bien même de la
société humaine demandent impérieusement que nous excitions de nou-
veau votre sollicitude à condamner d'autres opinions, sorties des mêmes
erreurs comme de leur source. Ces opinions fausses et perverses doivent
•être d'autant plus détestées que leur but principal est d'enchaîner et
d'écarter cette force salutaire dont l'Eglise catholique, en vertu de l'insti-
tution et du commandement de son divin Fondateur, doit faire usage
jusqu'à la consommation des siècles, non moins à l'égard des particuliers
qu'à l'égard des nations, des peuples et de leurs souverains ; ces fausses
opinions veulent aussi détruire l'union et la concorde mutuelle du sacer-
doce et de l'empire, toujours si salutaire à l'Eglise et à l'Etat.
En effet, il vous est parfaitement connu, vénérables Frères, qu'aujour-
6 LETTHE ENCYCLIQUE DE PIE IX
paucos roperiri, qui, civili consortio impium absurdumque na-
turalimni, ut vocant. principium applicantes, audciit docere, <( op-
timam societatis publica; rationem, civilemque progressum om-
nino requirere, ut humana societas conslituatur et gubernetur.
nulle habito ad religionem respectu, ac si ea non existeret, vel
saltem nulle facto veram inter falsasquc religiones discrimine ».
Atque contra sacrarum Litterarum, Ecclesiae, sanctorumque
Patruni doctrinam asserere non dubitant, « optimam esse con-
ditioneni societatis, in qua imperio non agnoscitur officiuni
coercendi sancitis pœnis violatores catholicaî religionis, nisi
quatenus pax publica postulet ».
Ex qua oninino falsa socialis regiminis idea haud liment erro-
neam illam fovere opinionem catholicaî Ecclesiae, animarumquo
saluti maxime exitialem, a rec. mem. Gregorio XVI prœdeces-
sore nostro deliramenium appellatam (Gregor. XVI Epist. encycl.
Mirari, 15 aug. 183:2), nimirum « libertatem conscientise et cul-
tuum esse proprium cujuscumque hominis jus, quod lege pro-
clamari et asseri débet in omni recte constituta societate, et jus
civibus inesse ad omnimodam libertatem nulla vel ecclesiastica,
vel civili auctoritatecoarctandam, quo suos conceptus quoscum-
que sive voce, sive typis, sive alia ratione palam publiceque
manifestare ac declarare valeant ». Dum vero id temere affir-
mant, haud cogitant et considérant, quod libertatem perditionis
(S. Aug., Epist. 105, al. 166) prœdicant, et quod « si humanis
persuasionibus semper disceptare sit liberum, nunquam déesse
poterunt, qui veritati audeant resultare, et de humanae sapienliaî
loquacitate confidere, cum banc nocentissimam vanitatem quan-
tum debeat fides et sapientia christiana vitare, ex ipsa Domini
nostri .lesu Christi institutione cognoscat(S. Léo Epist. 164, al.
133, §2, edit. Bail.).
Et quoniam ubi a civili societate fuit amota religio, ac repu-
diata divinœ revelationis doctrina et auctoritas, vel ipsa germana
justitiee humanique juris notio tenebris obscuratur et amittitur,
atque in verœ justitiaî legitimique juris locum materialissubsti-
tuitur viSj inde liquet cur nonnulli certissimis sanœ rationis
principiis penitus neglectis posthabitisque audeant, « volunta-
tem populi publica, quam dicunt, opinione vel alia ratione nia-
nifestatam constituere supremam legem ab omni divino h^uma-
noque jure solutam, et in ordine politico facta consummata, eo
ipso quod consummata sunt, vim juris habere ». Verum ecquis
non videt planeque sentit, hominum societatem religionis ac verae
justitiœ vinculis solutam nuilum aliud profecto propositum ha-
bere posse, nisi scopum coniparandi cumulandique opes, nul-
lamque aliam in suis actionibus legem sequi, nisi indomitam
Œ QUANTA CURA », 8 DÉCEMBRE 1864 7
d'hui il ne manque pas d'hommes qui appliquent à la société civile l'im-
pie et absurde principe du JSadtralisme, comme ils l'appellent : ils osent
enseigner que la a perfeclion des gouvernements et le progrès civil
exigent absolument que la société humaine soit constituée et gouvernée
sans plus tenir de compte de la religion, que si elle n'existait pas, ou du
moins sans faire aucune différence entre la vraie religion et les fausses ».
De plus, contrairement à la doctrine de l'Ecriture, de l'Eglise et des
saints Pères, ils ne craignent pas d'affirmer que a le meilleur gouverne-
ment est celui où l'on ne reconnaît pas au pouvoir l'obligation de
réprimer, par la sanction des peines, les violateurs de la religion catho-
lique, si ce n'est lorsque la tranquillité publique le demande »,
En conséquence de cette idée absolument fausse du gouvernement
social, ils n'hésitent pas à favoriser cette opinion erronée, on ne peut
plus fatale à l'Eglise catholique et au salut des âmes, et que notre pré-
décesseur d'heureuse mémoire, Grégoire XVI, appelait un délire, savoir
que oc la liberté de conscience et des cultes est un droit propre à chaque
homme ; qu'il doit être proclamé et assuré dans tout Etat bien constitué;
et que les citoyens ont droit à la pleine liberté de manifester hautement
et publiquement leurs opinions, quelles qu'elles soient, par la parole,
par l'impression ou autrement, sans que l'autorité ecclésiastique ou
civile puisse le limiter ». Or, en soutenant ces affirmations téméraires,
ils ne pensent pas, ils ne considèrent pas qu'ils prêchent une liberté de
perdition, et que, oc s'il est toujours permis aux opinions humaines
d'entrer en contlit, il ne manquera jamais d'hommes qui oseront résister
à la vérité et mettre leur confiance dans le verbiage de la sagesse humaine,
vanité extrêmement nuisible que la foi et la sagesse chrétienne doivent
soigneusement éviter, conformément à l'enseignement de Notre-Seigneur
Jésus-Christ lui-même.
Quand la religion est bannie de la société civile, la doctrine et l'auto-
rité de la révélation divine sont rejetées, la vraie notion de la justice et
du droit humain sobscurcit, se perd, et la force matérielle prend la place
de la justice et du vrai .droit. On voit donc clairement pourquoi certains
hommes, ne tenant aucun compte des principes les plus certains de la
saine raison, osent publier « que la volonté du peuple manifestée par ce
qu'ils appellent l'opinion publique ou de telle autre manière, constitue
la loi suprême, indépendante de tout droit divin et humain; et que,
dans l'ordre politique, les faits accomplis, par cela même qu'ils sont
accomplis, ont la valeur du droit ». Mais qui ne voit, qui ne sent très
bien qu'une société soustraite aux lois de la religion et de la vraie jus-
tice ne peut avoir d'autre but que d'amasser, d'accumuler des richesses,
et dans tous ses actes d'autre loi que l'indomptable désir de satisfaire
8 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
animi cupiditatem inserviendi propriis voliiptatibus et commo-
tlis? Eaproplrr hiijusmodi homines acerl)o sane odio insectantur
Ileligiosas Familias, quamvis de re christiana, civili, ac littera-
ria siimmoppre méritas, et blaterant easdem nullam habere le-
gitimam existendi rationem, atque ita hœreticorum commentis
plaudunl. Nam ut sapientissimo rec. mem. Pius VI decessor
noster docebat, « regularium abolitio lœdit statum publicœ pro-
fessionis consiliorum evangelicorum, lœdit vivendi rationem in
Ecclesia commendatam tanquam Apostolicae doctrinœ consenta-
neam, lœdit ipsos insignes fundatores, quos super altaritus ve-
neramur, qui nonnisi a Deo inspirati eas constituerunt societa-
tes » (Epist. ad card. de laRocbefoucault, d martii 1771). Atque
etiam impie pronunciant, auferendam esse civibus Ecclesiae fa-
cultatem, « qua eleemosynas christianœ caritatis causa palam
erogare valeant », acde medio tollendam legem, « quacertisali-
quibus diebus opéra servilia propter Dei cultum prohibentur »,
fallacissime prœtexentes, commemoratam facultatem et legem
optimœ pubiicae œconomiae principiis obsistere.
INeque contenti amovere religionem a publica societate, vo-
lunt religionem ipsam a privatis etiam arcere familiis. Etenim
funestissimum Comviunismi et Socialismi docentes ac profitentes
eiTorem asserunt « societatem domesticam seu familiam totam
suae existentiœ rationem a jure dumtaxat civili mutuari ; proin-
deque ex lege tantum civili dimanare ac pendere jura omnia
parentum in filios, cum primis vero jus institutionis educatio-
nisque curandœ ». Quibus impiis opinionibus machinationi-
busque in id prœcipue intendunt fallacissimi isti homines, ut
salutifera catholicae Ecclesiae doctrina ac vis a juventutis insti-
tutione et educatione prorsus eliminetur, ac teneri flexibilesque
juvenum animi perniciosis quibusque erroribus vitiisque misère
inficiantur acdepraventur. Siquidem omnes, qui remtum sacram
tum publicam perturbare, ac rectum societatis ordinemevertere,
et jura omnia divina et humana delere sunt conati, omnia nefa-
ria sua consilia, studia et operam in improvidam prœsertim
juventutem decipiendam ac depravandam, ut supra innuimus,
semper contulerunt, omnemque spem in ipsius juventutis cor-
ruptela collocarunt. Quocirca nunquam cessant utrumque cle-
rum. ex quo, veluti certissima historiée monumenta splendide
testantur, tôt magna in christianam, civilem et litterariam rem-
publicam commoda redundarunt, quibuscumque infandis modis
divexare, et edicere ipsum clerum « utpote vero utilique scientiae
etcivilitatisprogressuiinimicum, ad omni juventutis instituendae
educandœque cura et oflicio esse amovendum ».
At. vero alii, instaurantes prava ac toties damnata novatorum
a QUANTA CURA », 8 DÉCEMBRE 1864 9
ses passions et de se procurer des jouissances? Voilà pourquoi les
hommes de ce caractère poursuivent d'une haine cruelle les ordres reli-
gieux, sans avoir égard aux immenses services rendus par eux, à la reli-
gion, ù la société et aux lettres; pourquoi ils déblatèrent contre eux en
disant qu'ils n'ont aucune raison légitime d'exister : ils font écho aux
calomnies des hérétiques. En elTet, comme l'enseignait avec tant de
vérité Pie VI, notre prédécesseur d'heureuse mémoire, a l'abolition des
ordres religieux blesse l'état qui fait profession publique de suivre les
conseils évangéliques ; elle blesse une manière de vivre recommandée
par l'Eglise comme conforme à la doctrine des Apôtres; elle blesse, enfin,
les illustres fondateurs d'ordres qui ne les ont établis que par l'inspira-
tion de Dieu b. Ils vont plus loin, et dans leur impiété ils prononcent
qu'il faut ôter aux citoyens et à l'Eglise la faculté «. de donner publi-
quement l'aumône j> et abolir la loi qui, à certains jours fériés, œ défend
les œuvres serviles pour vaquer au culte divin t>. Tout cela sous le faux
prétexte que cette faculté et cette loi sont en opposition avec les prin-
cipes de la véritable économie publique.
Non contents de bannir la religion de la société, ils veulent l'exclure
de la famille. Enseignant et professant la funeste erreur du communisme
et du socialisme, ils affirment que a la société domestique ou la famille
emprunte toute sa raison d'être du droit purement civil, et, en consé-
quence, que de la loi civile découlent et dépendent tous les droits des
parents sur les enfants, même le droit d'instruction et d'éducation ».
Pour ces hommes de mensonge, le but principal de ces maximes impies
et de ces machinati&ns est de soustraire complètement à la salutaire doc-
trine et à l'influence de l'Eglise l'instruction et l'éducation de la jeu-
nesse, afin de souiller et de dépraver par les erreurs les plus perni-
cieuses et par toute sorte de vices, l'àme tendre et flexible des jeunes
gens. En effet, tous ceux qui ont entrepris de bouleverser l'ordre reli-
gieux et l'ordre social, et d'anéantir toutes les lois divines et humaines,
ont toujours fait conspirer leurs conseils coupables, leur activité et leurs
efforts à tromper et à dépraver surtout la jeunesse, ainsi que nous
l'avons rappelé plus haut, parce qu'ils mettent toute leur espérance
dans la corruption des générations nouvelles. Voilà pourquoi le clergé
régulier et séculier, malgré les plus indubitables et les plus illustres
témoignages rendus par l'histoire à ses immenses services dans l'ordre
religieux, civil et littéraire, est de leur part l'objet d'atroces et inces-
santes persécutions; et pourquoi ils disent que « le clergé étant ennemi
du véritable et utile progrès dans la science et la civilisation, il faut lui
ôter l'instruction et l'éducation de la jeunesse ».
11 en est d'autres qui, renouvelant les erreurs funestes et tant de fois
10 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
commenta, insigni impndcntia audent Ecclesiœ et hujus Aposto-
lica; Sedis supiemam auctoritatem a Christo Domino ei tribiitam
civilis auctoritatis arbitrio subjicere, et omniaejusdem Ecclesia3
et Sedis jura denegare circa ea quœ ad exteriorem ordinem per-
tinent. Nanique ipsos minime pudet affirmare « Ecclesiœ ieges
non obligare in conscientia, nisi cum promulgantur a civili
potestate ; acta et décréta Romanoruni Pontificum ad reiigionem
et Ecclesiam spectantia indigere sanclione et approbatione, vel
minimum assensu potestatis civilis : constitutiones Apostolicas
(Clément. XII, « Ineminenti » ; Benedict. XIV, « Providas Roma-
noruni » ; Pii VII, « Ecclesiam » ; Leonis XII, « Quo graiiora »),
quibus damnatur clandestinae societates, sive in eis exigatur,
sive non exigatur juramentum de sccreto servando, earumque
asseciae et faulores anathemate mulctantur, nullam habere vim
in illis orbis regionibus ubi ejusmodi aggregationes tolerantur
a civili gubernio ; excommunicationem a Concilio Tridentino et
Romanis Pontificibus latam in eos, qui jura possessionesque
Ecclesiae invadunt et usurpant, niti confusione ordinis spiritualis,
ordinisque civilis ac politici, ad mundanum dumtaxat bonum
prosequendum ; Ecclesiam nihil debere decernere, quod obstrin-
gere possit fidelium conscientias in ordine ad usum rerum tem-
poralium ; Ecclesise jus non competere violatores legum suarum
pœnis temporalibus coercendi ; conforme esse sacrée theolugice,
jurisque publici principes, bonorum proprietatem, quœ ab
Ecclesia, a Familiis religiosis aliisque locis piis possidentur,
civili gubernio asserere et vindicare ». Neque erubescunt palam
publiceque profiteri hœreticorum efîatum et principium, ex quo
tût perversœ oriuntur sententiae atque errores. Uictitant enim
« Ecclesiasticam potcstatem non esse jure divino distinctam et
independentem a potestate civili, neque ejusmodi distinctionem
et independentiam servari posse, quin ab Ecclesia invadanturet
usurpentur essentialia jura potestatis civilis ».
Atque silentio praeterire non possumus eorum audaciani, qui
sanam non sustinentes doctrinam contendunt « illis Apostolicœ
Sedis judiciis et decretis, quorum objectum ad bonum générale
Ecclesise, ejusdemque jura, ac disciplinam spectare declaratur,
dummodo fidei morumque dogmata non attingat, posse assen-
sum et obedientiam detrectari absque peccato, et absque uUa
catholicse professionis jactura ». Quod quidem quantopere ad-
versetur catholico dogmati plenae potestatis Romano Pontifici
ab ipso Christo Domino divinitus collatœuniversalem pascendi,
regendi, et gubernandi Ecclesiam, nemo est qiii non clarc aper-
teque videat etintelligat.
In tanta igitur depravatarum opinionum perversitate, nos
« QUANTA CURA », 8 DÉCEMBRE 1864 11
condamnées ilos novateurs, ont l'insigne impudence de dire que la
suprême autorité donnée à l'Eglise et à ce Siège apostolique par ^'olre-
Seigneur Jésus-Christ est soumise à l'autorité civile; de nier aussi tous
les droits de celte même Eglise et de ce même Siège à l'égard de l'ordre
extérieur. Dans le fait, ils ne rougissent pas d'affirmer que k les lois de
l'Eglise n'obligent pas en conscience, à moins qu'elles ne soient promul-
guées par le pouvoir civil ; que les actes et décrets des Pontifes Romains
relatifs à la religion et à l'Eglise ont besoin de la sanction et de l'appro-
bation, ou tout au moins de l'assentiment du pouvoir civil; que les
constitutions apostoliques, portant condamnation des sociétés secrètes,
soit qu'on y e.xige ou non le serment de garder le secret, et frappant
d'anathèmes leurs adeptes et leurs fauteurs, n'ont aucune force dans les
pays où le gouvernement civil tolère ces sortes d'agrégations ; que l'ex-
communication fulminée par le Concile de Trente et par les Pontifes
Romains contre les envahisseurs et les usurpateurs des droits et des pos-
sessions de l'Eglise repose sur une confusion de l'ordre spirituel et de
l'ordre civil et politique, et n'a pour but que des intérêts mondains; que
l'Eglise ne doit rien décréter qui puisse lier la conscience des fidèles
relativement à l'usage des biens temporels; qu'elle n'a pas le droit de
réprimer par des peines temporelles les violateurs de ses lois; qu'il est
conforme aux principes de la théologie et du droit public de conférer et
de maintenir au gouvernement civil la propriété des biens possédés par
l'Eglise, par les Congrégations religieuses et par les autres lieux pies ».
Ils n'ont pas honte de professer hautement et publiquement les axiomes
et les principes des hérétiques, source de mille erreurs et de funestes
maximes. Ils répètent, en effet, que « la puissance ecclésiastique n'est
pas, de droit divin, distincte et indépendante de la puissance civile; que
cette distinction et cette indépendance ne peuvent exister sans que
l'Eglise envahisse et usurpe les droits essentiels de la puissance civile ».
Nous ne pouvons plus passer sous silence l'audace de ceux qui, ne
supportant pas la saine doctrine, prétendent que « pour les jugements
du Siège apostolique et ses décrets dont l'objet déclaré est le bien géné-
ral de l'Eglise, ses droits et la discipline, dès qu'ils ne touchent pas aux
dogmes de la foi et des mœurs, on peut refuser de s'y conformer et de
s'y soumettre sans péché et sans aucun détriment pour la profession du
catholicisme ». Combien une pareille prétention est contraire au dogme
catholique de la pleine autorité, divinement donnée par Notre-Seigneur
Jésus-Christ lui-même au Pontife Romain, de paître, de régir et de gou-
verner l'Eglise universelle! Il n'est personne qui ne le voie clairement et
qui ne le comprenne.
Donc, au milieu de cette perversité d'opinions dépravées, pénétre du
12 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
Apostolici nostri oflîcii probe meniores, aede sanctissima nostra
religione, de sana doctrina et animarum salute nobis divinitus
commissa, ac de ipsius humanœ societatis bono maxime solliciti,
Apostolicam nostram vocem iterum extoUere existimavimus.
Itaqne onines et singulas pravas opinionos ac doctrinas siniïilla-
tim hisce Litteris commemoratas auctoritate nostra Apostolica
reprobamus, proscribimus atque damnamus, easque ab omni-
bus catbolicee Ecclesiae filiis, veluti reprobatas, proscriptas atque
damnatas omnino baberi volumus et mandamus.
Ac prœter ea optime scitis, venerabiles Kratres, hisce tempo-
ribus omnis veritatis justitiœque osores, et acerrimos nostrse
religionis bostes, per pestiferos libros, liljellos, et ephemerides
toto terrarum orbe dispersas populis ilkidentes, ac malitiose
mentientes, alias impias quasque disseniinare doctrinas. Neque
ignoratis, bac etiam nostra setate nonnullos reperiri^ qui satanae
spiritu permoti et incitati eo impietatis devencrunt, ut Uomina-
torem Dominum nostrum Jesum Cbristum negare, ejusque Uivi-
nitatem scelerata procacitate oppugnare non paveant. Hic vero
haud possumus, quin maximis meritisque laudibus vos efîera-
mus, venerabiles Fratres, qui episcopalem vestram vocem con-
tra tantam impietatem omni zelo attollere minime omisistis.
Itaque hisce nostris Litteris vos iterum amantissime alloqui-
mur, qui in sollicitudinis nostrae partem vocati summo nobis
inter maximas nostras acerbitates solatio, laetitiœ, et consola-
tioni estispropteregregiam, quapr8estatis,religionem,pietatem,
ac propter mirum illum amorem, fidem, et observantiam, qua
nobis et buic ApostoJicse Sedi concordissimis animis obstricti
gravissimum episcopale vestrum ministerium strenue ac sedulo
implere contenditis. Etenim ab eximio vestro pastorali zelo
expectamus, ut assumentes gladium spiritus, quod est verbum
Dei, et confortati in gratia Domini nostri Jesu Christi, velitis
ingeminatis studiis quotidie magis prospicere, ut fidèles curae
vestrae concrediti « abstineant ab herbis noxiis, quas Jésus
Cbristus, non colit. quia non sunt plantatio Patris » (S. Ignatius
M., ad Philadeph. 3). Atque eisdem fidelibus inculcare nunquam
desinite, omnem veram felicitatem in homines ex augusta nostra
religione, ejusque doctrina et exercitio redundare, ac beatum
esse populum, cujus Dominus Deus ejus (Psal. 143). Docete
«. catbolicae Fidei fundamento régna subsistere (S. Caelest.,
epist. 22 ad Synod. Epbes. apud Const. p. 4200), et nihil tam
mortiferum, tam prseceps ad casum, tam expositum ad omnia
pericula, si hoc solum nobis putantes posse sufficere, quod libe-
rum arbitrium, cum nasceremur, accppimus, ultra jam a Domino
nihil quœramus, id est, Auctoris nostri obliti, ejus potentiam,
« QUANTA CURA », 8 DÉCEMBRE 1864 13
devoir de notre charge apostolique, et plein de sollicitude pour notre
sainte religion, pour la saine doctrine, pour le salut des âmes qui nous
est confié d'en haut et pour le bien même de la société humaine, nous
avons cru devoir élever de nouveau notre voix. En conséquence, nous
réprouvons par notre autorité apostolique, nous proscrivons, nous con-
damnons, nous voulons et ordonnons que tous les enfants de l'Eglise
catholique tiennent pour réprouvées, proscrites et condamnées, toutes
et chacune des mauvaises opinions et doctrines signalées en détail dans
les présentes Lettres.
Outre tout cela, vous savez très bien, vénérables Frères, que les adver-
saires de toute vérité et de toute justice, que les ennemis acharnés de
notre sainte religion, au moyen de livres empoisonnés, de brochures et
de journaux répandus aux quatre coins du monde, trompent aujourd'hui
les peuples, mentent sciemment et disséminent toute autre espèce de doc-
trines impies. Vous n'ignorez pas non plus qu"à notre époque il en est
qui, poussés et excités par l'esprit de Satan, en sont venus t'i ce degré
•l'iniquité de nier le dominateur suprême, Jésus-Christ Notre-Seigneur,
et de ne pas trembler d'attaquer sa divinité avec la plus criminelle im-
pudence. Nous ne pouvons ici, vénérables Frères, nous empêcher de
vous donner les louanges les plus grandes et les mieux méritées pour le
zèle avec lequel vous avez eu soin d'élever votre voix épiscopale contre
une si grande impiété.
C'est pourquoi, dans les Lettres présentes, nous nous adressons encore
une fois à vous avec amour, à vous qui, appelés à partager notre solli-
citude, êtes pour nous, au milieu de nos grandes douleurs, un sujet de
consolation, de joie et d'encouragement, par votre religion, par votre
piété, par cet amour, cette foi et ce dévouement admirables avec les-
quels vous vous efforcez d'accomplir virilement et soigneusement la
charge si grave de votre ministère épiscopal, en union intime et cordiale
avec nous et avec ce Siège apostolique. En effet, nous attendons de votre
excellent zèle pastoral que, prenant le glaive de l'esprit, qui est la parole
de Dieu, et fortifiés dans la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ, vous
vous attachiez chaque jour davantage à faire en sorte que, par vos soins
redoublés, les fidèles confiés 5 votre garde « s'abstiennent des mauvaises
herbes que Jésus-Christ ne cultive point, parce qu'elles n'ont pas été
plantées par son Père ». Ne cessez jamais d'inculquer à ces mêmes
iidèles que toute vraie félicité découle pour les hommes de notre auguste
religion, de sa doctrine et de sa pratique, et qu'heureux est le peuple
dont Dieu est le Seigneur. Enseignez « que les royaumes reposent sur le
fondement de la foi, et qu'il n'y a rien de si mortel, rien qui nous expose
autant à la chute et à tous les dangers, que de croire qu'il nous sufiit
du libre arbitre que nous avons reçu en naissant, sans plus avoir autr.'
14 LETTRE ENCVCLIQUE DE PIE IX
ut nos ostendamus liberos, adjuremus » (S. Innocent. I, epist. 29
ad Episc. conc. Carthag., apud Const., p. 891).
Atqiie etiam ne omittatis docere « regiam potestatem non ad
soliini mundi regimen, sed maxime ad Ècclesiae prœsidium osse
coUatam (S. Léo, Epist. 156 al. 125), et nihil esse quod civita-
tum principibus et regibus majori fructui gloriœque essepossit,
quam si, ut sapienlissimus fortissimusque aller prœdecessor
noster S. Félix Zenoni imperatori perscribebat, Ecclesiam catho-
licam... sinant uti legibus suis, nec libertati ejus quemquam
permiltant obsistere... Certum est enim, hoc rébus suis esse
salutare, ut, cum de causis Dei agatur. juxtaipsiusconstitutum,
regiam voluntatem sacerdotibus Christi sludeant subdere, non
prœferre » (PiusVII, Epist. Encycl. Diu satis 15 maii 1800).
Sed si semper, yenerabiles Fratres, nunc potissimum intantis
Ecclesiae civilisque societatis calamitatibus, in tanta adversario-
rum contra rem catholicam et banc Aposlolicam Sedem conspi-
ratione tantaque errorum congerie, necesseomnino est, utadea-
mus cum fiducia ad thronum gratiue, ut misericordiam conse-
quamur, et gratiam inveniamus in auxilio opportuno. Quocirca
omnium fideliumpietatem excitareexistimavimus, utunanobis-
cum vobisque clementissimum luminum et misericordiarum
Patrem ferventissimis humillimisqueprecibus sine intermissione
orent et obsecrent, et in plenitudine lidei semper confugiant ad
Dominum nostrum Jesum Christum, qui redemit nos Deo in
sanguine suo, ejusque dulcissimum Cor flagrantissimae erga nos
caritatis victimam enixe jugiterque exorent, ut amoris sui vin-
culis omnia ad seipsum trahat, utque omnes homines sanctissimo
suo amore inflammati secundum Cor ejus ambulent digne Deo
per omnia placentes, in omni bono opère fructificantes. Cum
autem sine dubio gratiores sint Deo hominum preces, si animis
ad omni labe puris ad ipsum accédant, idcirco cœlestesEcclesiœ
thesauros dispensationi nostrae commisses Ghristifidelibus Apo-
stolica liberalitate reserare censuimus. ut iidem fidèles ad veram
pietatem vehementius incensi, ac per Pœnitentiœ sacramentum
a peccatorum maculis expiati, fidentius suas preces ad Deum
eftundant, ejusque misericordiam et gratiam consequantur.
Ilisce igitur Litteris auctoritate nostra Apostolica omnibus et
singulis utriusque sexus catholici orbis fidelibus plenariam
Indulgentiam ad instar Jubilaei concedimus intra unius tantum
mensis spatium usque ad totum futurum annum 1865 et non
ultra, a vobis, venerabiles Eratres, aliisque legitimis locorum
Ordinariis statuendum, eodem prorsus modo et forma, qua ab
initio supremi nostri Pontiflcatus concessimus per Apostolicas
nostras Litteras in forma Brevis die 20 mensis novembris anno
« QUANTA CURA », 8 DÉCEMBRE 1864 15
chose à demander à Dieu; c'est-à-dire qu'oubliant notre Auteur nous
osions renier sa puissance pour nous montrer libres ».
Ne négligez pas non plus d'enseigner o que la puissance royale n'est
pas uniquement conférée pour le gouvernement de ce monde, mais par-
dessus tout pour la protection de l'Eglise, et que rien ne peut être plus
avantageux ni plus glorieux pour les chefs des Etats et les rois que de
se conformer à ces paroles que notre sage et courageux prédécesseur
saint Félix écrivait à l'empereur Zenon : « Qu'ils laissent l'Eglise catho-
lique se gouverner par ses propres lois, et ne permettent à personne de
mettre obstacle à sa liberté... H est certain, en effet, qu'il est de leur
intérêt, toutes les fois qu'il s'agit des afTaires de Dieu, de suivre avec
soin l'ordre qu'il a prescrit, et de subordonner, au lieu d'imposer, leur
volonté royale aux prêtres du Christ. »
Mais si toujours, vénérables Frères, nous devons nous adresser avec
confiance au Trône de la grûce pour en obtenir miséricorde et secours
en temps opportun, nous devons le faire surtout maintenant, au milieu
de si grandes calamités de l'Eglise et de la société civile, en présence
d'une si vaste conspiration des ennemis et un si grand amas d'erreurs
contre la société catholique et ce saint Siège apostolique. Nous avons
donc jugé utile d'exciter la piété de tous les fidèles à s'unir à nous et à
vous, pour ne cesser d'invoquer, de supplier par les prières les plus fer-
ventes et les plus humbles le Père très clément des lumières et des misé-
ricordes ; pour recourir toujours dans la plénitude de leur foi à Notre-
Seigneur Jésus-Christ, qui nous a rachetés pour Dieu par son sang; pour
demander instamment et continuellement à son très doux Cœur, victime
de sa brûlante charité pour nous, d'entraîner tout à lui par les liens de
son amour, et de faire que, embrasés de son très saint amour, tous les
hommes marchent dignement selon ce Cœur divin, agréables à Dieu en
toutes choses, et portant des fruits en toutes sortes de bonnes œuvres.
Or, comme les prières des mortels sont plus agréables à Dieu quand ils
viennent à lui avec des cœurs purs de toute souillure, nous avons ré-
solu d'ouvrir aux fidèles chrétiens, avec une libéralité Apostolique, les
trésors célestes de l'Eglise confiés à notre dispensation, afin que, excités
plus vivement à la vraie piété et purifiés de leurs péchés par le Sacre-
ment de Pénitence, ils répandent avec plus de confiance leurs prières
devant Dieu et obtiennent sa grâce et sa miséricorde.
En conséquence, nous accordons, par la teneur des présentes Lettres,
en vertu de notre autorité Apostolique, à tous et à chaque fidèle de l'un
et l'autre sexe de Funivers catholique, une Indulgence plénière en forme
de Jubilé, à gagner dans l'espace d'un mois seulement, durant toute
l'année prochaine de 1863, et non au delà : ce mois sera désigné par
vous, vénérables Frères, et par les autres Ordinaires légitimes. L'Indul-
gence sera gagnée de la même manière que nous avons indiquée, au
commencement de notre pontificat, par nos Lettres Apostoliques en
ir, LETTHE ENeVCLIQUE DE PIE IX
1840 datas ; et ad universum episcopalem vestrum Ordinem
inissas, quaiiim initium Arcano dicinœ Providentiœ consilio. et
ciim omnibus eisdem facultatibus, quœ per ipsas Littcras a
nobis datœ fuerunt. V'olumus tamen, ut ea omnia servontur,
qu.c in commemoratis Litteris prœsci'iptasuntetea exfipiantur,
quœ excepta esse declaravimus. Ati^ue id concedimus, non
obstantibus in contrarium facientibus quibuscumqne, ctiain
sppciali et individua mentione ac derogatione dignis. Ut autem
oninis dubilatio et diflicultas amoveatur, earumdtim Litterarum
exeniplar ad vos perferri jussimus.
« llogemus, venerabiles Fratres, de intime corde et de Iota
mente misericordiam L)ei, quia et ipse addidit dicens : « Miscri-
ft cordiam autem meam non dispergam ab eis. » Petamus et
accipiemus, et si accipiendi mora et tarditas fuerit quoniam
graviter ofTendimus, pulsemu.s, quia et pulsanti aperietur, si
modo puisent ostium preces, gemitus, et lacrymœ nostrse, qui-
bus insistere et immorari, oportet, et si sit unanimis oratio... ;
unusquisque oret Deum non pro se tantum sed pro omnibus
fratribus, sicut Dominus orare nos docuit» (S. Cyprian. Epis. 11).
Quod vero faciiius Deus nostris, vestrisquo, et omnium iidelium
precibus, votisque annuat, cum omni fiducia deprecatricem
apud eum adhibeamus Immaculatam sanctissimamque Deiparam
Virginem Mariam, quae cunctas hiereses interemit in universo
mundo, quœque omnium nostrum amanlissima Mater « tota
suavis est ac plena misericordice omnibus sese exora-
bilem, omnibus clementissimam praebet, omnium nécessitâtes
amplissimo qiiodam miseratur afïectu ». (S. Bernard. Serm. de
duodecim prœrogativis B. M. V. ex verbis Apocalyp.), atque
utpote Regina adstans a dextris unigeniti Filii sui Domini nostri
Jesu Ghristi in vestitu deaurato circumamicta varietate nibil
est, quod ab eo impetrare non valeat. SufTragia quoque petamus
beatissimi Pétri, Apostolorum Principis, et coapostoli ejus Pauli,
omniumque Sanctorum coelitum, qui facti jam amici Dei perve-
nerunt ad cœlestia régna, et coronati possident palmam, ac de
sua immortalitate securi, de nostra sunt salute solliciti.
Denique cœlestium omnium donorum copiam vobis a Deo ex
animo adprecantes, singularis nostrae in vos caritatis pignus,
Apostolicam Benedictionem ex intimo corde profectam vobis
ipsis, venerabiles Fratres, cunctisque Clericis, Laicisque lideli-
bus curae vestrse commissis peramanter imperlimus.
Datum Roniee apud S. Petrum die viii decembris anno mdccclxiv,
decimo a Dogmatica definitione Immaculatœ Conceptionis Dei-
parse Virginis Mariœ, Pontificatus nostri anno decimo nono.
Plus PP. IX.
€ QUANTA CURA », 8 DÉCEMBRE 1864 17
forme de Bref du 20 novembre 1846, envoyées à tous les Evê(jucs de
l'univers, et commençant par ces mots : Arcano divinœ Provïdentiœ
consilio, et avec fous les mêmes pouvoirs accordés par nous dans ces
Lettres. Nous voulons cependant que toutes les prescriptions contenues
dans les susdites Lettres soient observées, et qu'il ne soit déroge à
aucune des exceptions que nous avons faites. Nous accordons cela, no-
nobstant toutes dispositions contraires, même celle qui serait digne
d'une mention spéciale et individuelle et d'une dérogation. Et, pour
écarter tout doute et toute difficulté, nous avons ordonné qu'un exem-
plaire de ces Lettres vous fût remis.
a Prions, vénérables Frères, prions du fond du cœur et de toutes les
forces de notre esprit la miséricorde de Dieu, parce qu'il a lui-même
ajouté : Je n'éloignerai pas d'eux ma miséricorde. Demandons, et nous
recevrons ; et, si l'effet de nos demandes se fait attendre parce que nous
avons grièvement péché, frappons ; car il sera ouvert à celui qui frappe,
pourvu que ce qui frappe la porte, ce soient les prières, les gémissements
et les larmes, dans lesquels nous devons insister et persévérer, et pourvu
que la prière soit unanime...; que chacun prie Dieu non seulement pour
lui-même, mais pour tous ses frères, comme le Seigneur nous a enseigné
à prier. » Et, afin que Dieu exauce plus facilement nos prières et nos
vœux, les vôtres et ceux de tous les fidèles, prenons en toute confiance
pour avocate auprès de lui l'Immaculée et très sainte Mère de Dieu, la
Vierge Marie. Elle a détruit toutes les hérésies dans le monde entier ;
Mère très aimante de nous tous, « elle est toute suave..., et pleine de
miséricorde..., elle se montre accessible à toutes les prières et, très
clémente pour tous, elle embrasse tous nos besoins avec une immense
affection et une tendre pitié ». Debout, en sa qualité de Reine, à la
droite de son Fils unique Notre-Seigneur Jésus-Christ, ornée d'un vête-
ment d'or et de parures diverses, il n'est rien qu'elle ne puisse obtenir
de lui. Demandons encore les suffrages du bienheureux Pierre, Prince
des Apôtres, et de Paul, son compagnon dans l'apostolat ; ceux aussi de
tous les Saints du ciel, ces amis de Dieu qui possèdent déjà le royaume
céleste, la couronne et la palme, et qui, désormais sûrs de leur immor-
talité, restent pleins de sollicitude pour notre salut.
Enfin, implorant pour vous, auprès de Dieu et de tout notre cœur,
l'abondance de tous les dons célestes, nous donnons du fond du cœur et
avec amour, comme gage de notre particulière affection, notre Béné-
diction .apostolique, à vous, vénérables Frères, et à tous les fidèles, clercs
et laïques, confiés à vos soins.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 8 décembre de l'année 1864,
dixième année depuis la Définition dogmatique de l'Immaculée-Conception
de la Vierge Marie, Mère de Dieu,
Et de Notre Pontificat la dix-neuvième.
PIE IX, PAPE.
18 LETTRE ENCYCLIiJL'I:: DL l'iE IX
SYLLABUS
COMPLECTENS PR^CIPUOS NOSTRiE ^ETATIS ERRORES QUI NOTANTUR IN
ALLOCLTIONIBUS CONSISTORIALIBLS, IN ENCYCLICIS ALUSQUE APOSTOLICIS
LITTERIS SANCTISSIMI DOMIiM NOSTRI PII PAl'.EIX.
I I. — Pantheismus, Naturalisîmis et liationalismus absolutus.
I. iSulluin supreinum, sapienlissiinum, providentissimumque
Nunien divinum existit ab hac rerum universitate distinctiirn,
et Deiis idem est ac rerum natura, et idcirco immutationibus
obnoxius ; Deusque reapsc (it in homine et mundo, atque omnia
Deus sunt et ipsissimam Dei habent substantiam : ac una eadem-
que res est Deus cum mundo, et proinde spiritus cum materia,
nécessitas cum libertate, verum cumfalso, bonum cum malo, et
justum cum injusto. (Alloc. Maxima quidem 9 junii 180:2.)
II. Neganda est omnis Dei actio in homines et mundum.
(Alloc. Maxima quidem 9 junii 1862.)
III. Humana ratio, nullo prorsus Dei respectu habito, unicus
est veri et falsi, boni et mali arbiter, sibi ipsi est lex et natura-
libus suis viribus ad hominum ac populorum bonum curandum
sufficit. (Alloc. Maxima quidem 9 junii 1862.)
IV. Omnes religionis veritates ex nativa humanse rationis vi
dérivant; hinc ratio est princeps norma qua homo cognitionem
omnium cujuscumque generis veritatum assequi possitac debeat.
(Epist. encycl. Qui pluribus 9 novembris 1846. — Epist. encycl.
diiigulai'i quidem 17 martii 1856. — Alloc. Maxima quidem
9 junii 1862.)
V. Divina revelatio est imperfecta et idcirco subjecta continue
et indefinito progressui qui humanœ rationis progressioni re-
spondeat. (Epist. encycl. Qui pluribus 9 novembris 1846. —
Alloc. Maxima quidem 9 junii 1862.)
VI. Christi fides humanie refragatur rationi ; divinaque reve-
latio non solum nihil prodest, verum etiam nocet hominis per-
feciioni. (Epist. encycl. Qui pîuribusd novembris 18i6. — Alloc.
Maxima quidem 9 junii 1862.)
VII. Proplietiœ et miracula in sacris Litteris exposita et nar-
rata sunt poetarum commenta et christianœ fidei mysteria pbi-
losophicarum investigationum summa; et utriusque Testamonli
libiis mythica conlinentur inventa: ipseque Jésus Cbristus est
mylhica fictio. (Epist. encycl. Qui pluribus i) novembris 1840.
— Alloc. Maxima quidem, 9 junii 1862.)
ï QUANTA CURA », 8 DÉCEMBRE 1864 19
SYLLABUS (RÉSUMÉ)
DES PRINCIPALES ERREURS DE NOTRE TEMPS SIGNALÉES DANS LES ALLO-
CUTIONS CONSISTORIALES, ENCYCLIQUES ET AUTRES LETTRES APOSTO-
LIQUES DE NOTRE TRÈS SAINT-PERE LE PAPE PIE IX
§ I. — Panthéisme, naturalisme et rationalisme absolu.
I. 11 n'existe aucun Etre divin, suprême, parfait dans sa sagesse et sa
providence, qui soit distinct de l'universalité des choses ; Dieu est iden-
tique à la nature des choses, et par conséquent assujetti aux changements;
Dieu, par cela même, se fait dans l'homme et dans le monde ; tous les
êtres sont Dieu et ont la propre substance de Dieu. Dieu est ainsi une
seule et même chose avec le monde, et conséquemment l'esprit avec la
matière, la nécessité avec la liberté, le vrai avec le faux, le bien avec le
mal, et le juste avec l'injuste. (AUoc. Maxima quidem du 9 juin 1862.)
II. On" doit nier toute action de Dieu sur les hommes et sur le monde.
(Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862.)
III. La raison humaine, considérée sans aucun rapport à Dieu, est
l'unique arbitre du vrai et du faux, du bien et du mal; elle est à elle-
même sa loi, elle suffit par ses forces naturelles pour procurer le bien
des hommes et des peuples. (Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862.
IV. Toutes les vérités de la religion découlent de la force native de la
raison humaine; d'où il suit que la raison est la règle souveraine d'après
laquelle Ihomme peut et doit acquérir la connaissance de toutes les
vérités de toute espèce. (Encycl. Qui pluribus du 9 novembre 1846. —
Encycl. Sinqulari quidem du 17 mars 1836. — Alloc. Maxima quidem
du 9 juin 1862.)
V. La révélation divine est imparfaite, et par conséquent sujette à un
progrès continuel et indéfini qui répond au développement de la raison
humaine. [ZncycX. Qui plurihus du 9' novembre 1846. — Alloc. Maxima
quidem du 9 juin 1862.)
VI. La foi du Christ est en opposition avec la raison humaine, et la
révélation divine non seulement ne sert de rien, mais elle nuit à la per-
fection de l'homme. (Encycl. Qui pluribus du 9 novembre 1846. — Alloc.
Maxima quidem du 9 juin 1862.)
VII. Les prophéties et les miracles exposés et racontés dans les saintes
Ecritures sont des fictions poétiques et les mystères de la foi chrétienne
sont le résumé d'investigations philosophiques ; dans les livres des deux
Testaments sont contenues des inventions mythiques, et Jésus lui-même
est un mythe. (Encycl. Qui pluribus du 9 novembre 1846. — Alloc.
Maxima quidem du 9 juin 1862.)
20 LETTHE KNCYCLIQCE DE PIE IX
I II. — I{ationalis7nus moderatus.
VIII — Quum ratio humana ipsi religioni aequiparetur, id-
circo theologicœ disciplinae perinde ac philosophicse tractandas
sunt. (Alloc. Singidari quadam perfusi 9 decembris 1854.)
IX. Omnia indiscriminatim dogmala religionis christianae
sunt objectum natiiralLs scientiae seu philosophiœ ; et humana
ratio hi.storice tantum exculta potest ex suis naturalibus viribus
et principiis ad veram de omnibus etiam reconditioribus dogma-
tibus scientiam pervenire, modo hœc dogmata ipsi rationi tan-
quam objectum proposita fuerint. (Epist. ad archiep. Frising.
Gi-ai'issimas 41 decembris 1862. — Epist. ad eumdem Tuas li-
benler 21 decembris 1863.)
X. Quum aliud sit philosophus, aliud philosophia, ille jus et
officium habet se submittendi auctoritati, quam veram ipse pro-
baverit; et philosophia neque potest, neque débet ulli sese sub-
mittere auctoritati. (Epist. ad archiep. Frising. Graiissimas
11 decembris 1862. — Epist. ad eumdem Tuas libenter 21 de-
cembris 1863.)
XI. Ecclesia non solum non débet in philosophiam unquam
aniniadvertere, verum etiam débet ipsius philosophise tolerare
errores, eique relinquere ut ipsa se corrigat. (Epist. ad archiep.
Frising. Gravissimas 11 decembris 1862.)
XII. Apostolicœ Sedis, Romanarumque congregationum dé-
créta liberum scientiae progressum impediunt. (Epist. ad archiep.
Frising. Tuas libenter 21 decembris 1863.1
XIII. Methodus et principia, quibus antiqui doctores schola-
stici theologiam excoluerunt temporum nostrorum necessitatibus
scientiarumqueprogressui minime congruunt. (Epist. ad archiep.
Frising. Tuas libenter 21 decembris 1863.)
XIV. Philosophia tractanda est, nulla supernaturalis revela-
tionis habita ratione. (Epist. ad archiep. Frising. Ttias libenter
21 decembris 1863.)
N. B. Gum rationalismi systemate cohœrent maximam par-
tem errores Antonii Gûnther, qui damnatur in Epist. ad card.
archiep. Coloniensem Eximiavi ttiam 15 junii 1847, et in Epist.
ad episc. Wratislaviensem Dolore haud mediocri 30 aprilis 1860.
I III — Indifferentismus, Latitudinarismus
XV. Liberum cuique homini est eam amplecti ac profiter!
religionem, quam rationis lumine quis ductus veram putaverit.
(Litt. apost. Multiplices inter 10 junii 1851. — Alloc. Maxima
quidem 9 junii 1862.)
XVI. Ilomines in cujusvis religionis cultu viam œternae salutis
c QUANTA CURA », 8 DÉCEMBRE 1864 21
§ II. — Rationalisme modéré.
VIII. Comme la raison humaine est égale à la religion elle-même, les
sciences théologiques doivent être traitées comme les sciences philosophi-
ques. (.\IIoc. Singulari quadamperfusi du 9 décembre 1854.)
IX. Tous les dogmes de la religion chrétienne sans distinction sont
l'objet de la science naturelle ou philosophie; et la raison humaine,
n'ayant qu'une culture historique, peut, d'après ses principes et ses
forces naturelles, parvenir à une vraie connaissance de tous les dogmes,
même les plus cachés, pourvu que ces dogmes lui aient été proposés
comme objet. (Lettre à l'archevêque de Freising : Gravissimas, du H dé-
cembre 1862. — Lettre au même : Tuas libenter,du 21 décembre 1863.)
X. Comme autre chose est le philosophe et autre chose la philosophie,
celui-là a le droit et le devoir de se soumettre à une autorité qu'il a
reconnue lui-même être vraie; mais la philosophie ne peut ni ne doit
se soumettre à aucune autorité. (Lettre à l'archevêque de Freising : Gra-
visstJnas, du 11 décembre 1862. — Lettre au même : Tuas libenter, du
21 décembre 1863.)
XI. L'Eglise non seulement ne doit dans aucun cas, sévir contre la
philosophie, mais elle doit tolérer les erreurs de la philosophie et lui
abandonner le soin de se corriger elle-même. (Lettre à l'archevêque de
Freising : Gravissimas, dn 11 décembre 1862.)
XII. Les décrets du Siège Apostolique et des congrégations romaines
empêchent le libre progrès de la science. (Lettre à l'archevêque de Frei-
sing : Tuas libenter, du 21 décembre 1863.)
XIII. La méthode et les principes d'après lesquels les anciens docteurs
scolastiques ont cultivé la théologie, ne conviennent plus aux nécessités
de notre temps et au progrès des sciences. (Lettre à l'archevêque de
Freising : Tuas libenter, du 21 décembre 1863.)
XIV. On doit s'occuper de philosophie, sans tenir aucun compte de la
révélation surnaturelle. (Lettre à l'archevêque de Freising : Tuas libenter,
du 21 décembre 1863.)
N. B. Au système du rationalisme se rapportent, pour la majeure
partie, les erreurs d'Antoine Giinther, qui sont condamnées dans la lettre
au cardinal-archevêque de Cologne: Èximiam tuam, du 15 juin 1857, et
dans la lettre à l'évêquedeBreslau iDo/ore haudmediocri, du 30 avril 1860.
§ III. — Tndifférentisme, Latitudinarisme.
XV. Il est libre à chaque homme d'embrasser et de professer la reli-
gion qu'il aura réputée vraie d'après la lumière de la raison. (Lettres
apostoliques : Multiplices inter, du 10 juin 1851. — Alloc. Maxima qui-
dem du 9 juin 1862.)
XVI. Les hommes peuvent trouver le chemin du salut éternel et
22 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
reperire œtcrnamque saliitem asseqiii possunt. (Epist. encycl.
Qui plio-ihus 9 novenibris 1846. — Alloc. Ubi primum 17 decem-
bris 1847. — Epist. encycl. Singulari quidem 17 martii 1856. j
XVII. Saltem bene sperandum est de œterna illorum omnium
sainte, qui in vera Ghristi Ecclesia nequaquam versantur. f^Alloc.
Sinfiulari qnadam 9 decembris 1854. — Epist. encycl. Qtianto
conficiamiir 17 augusti 1863.)
XV'III. Protestantismus non aliud est quam diversa verae
cjusdem christianœ religionis forma, in qua œque ac in Ecclesia
catholica Deo placcre datum est. Epist. encycl. Noscilis et
nobisaim 8 decembris 1849.)
I IV. — Socialismus, Commiinismus , Societates clandestinœ,
Societates biblicœ, Societates clerico-liberalcs.
Ejusmodi pestes sœpe gravissimisque verborum formulis
reprobantur in Epist. encycl. Qui pluribiis 9 novemb. 1846; in
Alloc. Quibus quantisque 20 april.1849; in Epist. encycl. Noscitis
et nobiscum 8 dec. 1849 ; in AWoc. Singulari quadam 9 decemb. 1854 ;
in Epist. encycl. Quanto conficiamur mœrore 10 augusti 1863.
I V. — Errores de Ecclesia ejusque juribus.
XIX. Ecclesia non est vera perfectaque societas plane libéra,
nec pollet suis propriis et constantibus juribus sibi a divino suo
Fundatore collatis : sed civilis potestatis est definire quge sint
Ecclesiœ jura ac limites, inlra quos eadeni jura exercere queat.
(Alloc. Singulari quadam 9 decembris 1854. — .\lloc. Multis gravi-
busque 17 decembris 1800. — Alloc. Maxima quidem 9 junii 1862.)
XX. Ecclesiastica potestas suam auctoritatem exercere non
débet absque civilis gubernii venia et assensu. (Alloc. Meminit
unusquisque 30 septembris 1861.)
XXI. Ecclesia non habet potestatem dogmatice definiendi
religionem catholicœ Ecclesiœ esse unice veram religionem. i Litt.
apost. Multipliées inter 10 junii 1851.)
XXII. Obligatio, qua catholici magistri et scriptores omnino
adstringuntur, coarctatur in lis tantura, quae ab infallibili
Ecclesiae judicio veluti fidei dogmata ab omnibus credenda pro-
ponuntur. (Epist. ad archiep. Frising. Tuas libenter 21 decem-
bris 1863.)
XXIII. Romani Pontifices et Concilia œcumenica a limitibus
suœ potestatis recesserunt, jura principum usurparunt, atque
etiam in rébus fidei et morum definiendis errarunt. (Litt. apost.
Multipliées inter 10 junii 1851.)
XXIV. Ecclesia vis inferendœ potestatem non habet, neque
« QUANTA CURA », 8 DÉCEMBRE 1864 23
obtenir le salut éternel clans le culte de n'importe quelle religion. (Encycl.
Qui pluribiis du 9 novembre 1846. — Alloc. Ubï primum du 17 dé-
cembre 1847. — Encycl. Singulari quidem du 17 mars 183G.)
XVII. .\u moins doit-on bien espérer du salut éternel de tous ceux
qui ne vivent pas dans le sein de la véritable Eglise du Christ. (Alloc.
Singulari quadam du 9 décembre 1854. — Encycl. Quanto conficiamur
du 17 août 1863.)
XVIII. Le protestantisme n'est pas autre chose qu'une forme diverse
de la même vraie religion chrétienne, forme dans laquelle on peut être
agréable à Dieu aussi bien que dans l'Eglise catholique. (Encycl. No-
scitis et nobiscum du 8 décembre 1849.)
§ IV. — Socialisme, Communisme, Soct secrètes^
Sociétés bibliques, Sociétés clérico-libérales.
Ces sortes de pestes sont souvent frappées de sentences formulées dans
les termes plus graves, dans l'Encyclique Qui pluribus du 9 novem-
bre 1846, dans l'Allocution Quibus quantisque du 20 avril 1849, dans
l'Encyclique ^oscitis et nobiscum du 8 décembre 1849, dans l'Allocution
Singulari quadam du 9 décembre 1834, dans l'Encyclique Quanto con-
ficiamur mœrore du 10 août 1863.
§ V. — Erreurs relatives à l'Eglise et à ses droits.
XIX. L'Eglise n'est pas une vraie et parfaite société pleinement libre ;
elle ne jouit pas de ses droits propres et constants que lui a conférés son
divin Fondateur; mais il appartient «au pouvoir civil de définir quels
sont les droits de l'Eglise et les limites dans lesquelles elle peut les
exercer, (Alloc. Singulari quadam du 9 décembre 18S4. — Alloc. Multis
gravibusquedu 17 décembre 1860. — Alloc.il/aa;maçuïdemdu9juin 1862.)
XX. La puissance ecclésiastique ne doit pas exercer son autorité sans
la permission et l'assentinient du gouvernement civil. (Alloc. Meminit
unusquisque du 30 septembre 1861.)
XXI. L'Eglise n'a pas le pouvoir de définir dogmatiquement que la
religion de l'Eglise catholique est uniquement la vraie religion. (Lettre
apostolique Multipliées inter du 10 juin 1851.)
XXII. L'obligation qui concerne les maîtres et les écrivains catholiques
se borne aux choses qui ont été définies, par le jugement infaillible de
l'Eglise, comme des dogmes de foi qui doivent être crus par tous. (Lettre
à l'archevêque de Freising : Tuas libenter, du 21 décembre 1863.)
XXIII. Les Souverains Pontifes et les Conciles œcuméniques se sont
écartés des limites de leur pouvoir; ils ont usurpé les droits des princes
et ils ont même erré dans les définitions relatives à la foi et aux mœurs.
(Lettre apostolique Multipliées inter du 10 juin 1831.)
XXIV. L'Eglise n'a pas le droit d'employer la force; elle n'a aucun
24 LETTRE ENCYCLIQUE DE l'IE IX
potestatem ullam temporalem directam vel indirectam. (Litt.
apost. Ad ojjostolicœ 22 augusti 1851.)
XXV. Prœter potestatem episcopatui inhœrentem, alla est
attributa temporalis potestas a civili iniperio vel expresse vel
tacite concessa, revocanda propterea, cuin libuerit, a civili im-
perio. (Litt. apost. Ad apostoticœ 22 augusti 18ol.)
XXVI. Ecclesia non habet nativum ac logitimum jus acqui-
rendi ac possidendi. (Alloc. Niinquam fore 15 decembris 1856. —
Epist. encycl. Incredibili 17 septembris 1863.)
XXVII. Sacri Ecclesiœ ministri Romanusque Pontifex ab
omni rerum temporalium cura ac doniinio sunt omnino exclu-
dendi. (Alloc. Maxima quidem ^ ]\xm\ 1862.)
XXVIII. Episcopis sine gubcrnii venia, fas non est vel ipsas
Apostolicas Litteras promulgare. (Alloc. Nîinquam fore 15 de-
cembris 1856.)
XXIX. Gratice a Romano Pontifice concessae existimari debent
tanquam irritœ, nisi per gubernium fuerint imploratae. (Alloc.
Niinquam fore 15 decemljris 1856.)
XXX. Ecclesiae et personarum ecclesiasticarum immunitas a
jure civili ortum habuit. (Litt. Apost. Multipliées inter 10 ju-
nii 1851.)
XXXI. Ecclesiasticum forum pro temporalibus clericorum
causis sive civilibus sive criminalibus omnino de medio tollen-
dum est, etiam inconsulta et reclamante Apostolica Sede. (Alloc.
Acerbissimum 27 septembris 1852. — Alloc. Nunquam fore 15 de-
cembris 1856.)
XXXII. Absque ulla naturalis juris et œquitatis violatione
potest abrogari personalis immunitas. qua clerici ab onere
subeundae exercendœque militiaî eximuntur ; banc vero abroga-
tionem postulat civilis progressus, maxime in societate ad for-
mam liberioris regiminis constituta. (Epist. ad episc. Montisre-
gal. Siiifiularis nobisque. 29 septembris 1864.)
XXXill. Non pertinet unicc ad ecclesiasticam jurisdictionis
potestatem proprio ac nativo juredirigere theologicarum rerum
doctrinam. (Epist. ad archiep. Frising. Tuas libenter 21 decem-
bris 1863.)
XXXIV. Doctrina comparantium Romanum Pontificem prin-
cipi libero et agenti in universa Ecclesia, doctrina est quae
medio œvo prœvaluit. (Litt. apost. Ad apostolicœ 22 augusti 1851.)
XXXV. Nihil vetat, aiicujus concilii generalis sententia aut
universorum populorum facto, summum pontificatum ab romano
Episcopo atque Urbe ad alium episcopum aliamque civitatem
transferri. (Litt. apost. Ad apostolicœ 22 augusti 1851.)
XXXVI. Nationalis concilii defmitio nuUam aliam admittit
« QUANTA CURA », 8 DÉCEMBRE 1864 25
pouvoir tenipoicl direct ou indirect. (Lettre apostolique Ad apostolicœ
du 2-2 août l8ol.)
XXV. En dehors du pouvoir inhérent à répiscopat, il y a un pouvoir
temporel qui lui a été concédé ou expressément ou tacitement par l'au-
torité civile, révocahle par conséquent à volonté par cette même autorité
civile. (Lettre apostolique Ad apostolicœ du 22 août 1831.)
XXVI. L'Eglise n'a pas le droit naturel et légitime d'acquérir et de
posséder, (.\lloc. Nunquam fore du 15 décembre 1856. — Encycl. /ncre-
dîbili du 17 septembre 1863.)
XXVIL Les ministres sacrés de l'Eglise et le Pontife Romain doivent
être e.\clus de toute gestion et autorité sur les choses temporelles. (Alloc.
Maxima quidem du 9 juin 1862.)
XXVIII. Il n'est pas permis aux évêqucs de publier même les Lettres
apostoliques, sans la permission du gouvernement. (Alloc. Nunquam
fore du 15 décembre 1856.)
XXIX. Les grâces accordées parle Pontife Romain doivent être regar-
dées comme nulles, si elles n'ont pas été demandées par l'entremise du
gouvernement. (Alloc. Nunquam fore du 15 décembre 1856.)
XXX. L'immunité de l'Eglise et des personnes ecclésiastiques tire son
origine du droit civil. (Lettre apostolique Multiplices inter du 10
août 1851.)
XXXI. Le for ecclésiastique pour les procès temporels des clercs, soit
au civil, soit au criminel, doit absolument être aljoli, même sans con-
sulter le Siège Apostolique et sans tenir compte de ses réclamations.
(Alloc. Acerbissimumdu 27 septembre 1832. — Alloc. Nunquam fore du
13 décembre 1856.)
XXXII. L'immunité personnelle, en vertu de laquelle les clercs sont
exempts de la milice, peut être abrogée sans aucune violation de l'équité
et du droit naturel. Le progrès civil demande cette abrogation surtout
dans une société constituée d'après une législation libérale. (Lettre à
l'évêque de Montréal: Singularïs nobisque, du 29 septembre 1864.)
XXXIII. Il n'appartient pas uniquement de droit propre et naturel à
la juridiction ecclésiastique de diriger l'enseignement des choses tiiéolo-
giqucs. (Lettre à l'archevêque de Freising : Tuas libenter, du 'il dé-
cembre 1863.)
XXXIV. La doctrine de ceux qui comparent le Pontife Romain à un
j)rince libre et exerçant son pouvoir dans l'Eglise universelle, est une
doctrine qui a prévalu au moyen âge. (Lettre apostolique Ad apostolicœ
du 22 août 1851.)
XXXV. Rien n'empêche que par un décret d'un concile général ou par
le fait de tous les peuples le souverain pontificatsoit transféré de l'Evêque
romain et de la ville de Rome à un autre évoque et à une autre ville.
(Lettre apostolique Ad apostolicce du 22 août 1851.)
XXXVI. La définition d'un concile national n'admet pas d'auirc dis-
26 LETTRE ENCYCLIQUE DE. PIE IX
aisputationem, civilisque administratio rem ad hosce terminos
exigere potest. (Litt. apost. Ad apostolicœ 22 augusti 1851.)
XXXVII. In.stitui possunt nationales Ecclesiae ab auctoritate
Romani Pontificis subductœ planeque divisœ. (Alloc. Midiis fira-
vibusque 17 decembris 1860. — Alloc. Jamdudum cernimiis
ISmartii 1861.)
XXXVIII. Division! Ecclesiae in orientalem atque occidentalera
nimia Romanorum Pontificum arbitria contulerunt (Litt. apost.
Ad apostolicœ 22 augusti 1851.)
I VI. — Errores de societale civili tum in se, tiim in suis Ecclesiam
relationibus spectata.
XXXIX. Reipublicse status, utpote omnium jurium origo et
fons, jure quodam pollet nullis circumscripto limitibus. (.Vlloc.
Maxima quidem 9 junii 1862.)
XL. Calliolicœ Ecclesiae doctrina humanae societatis bono et
commodis adversatur. (Epist. encj'cl. Qui pluribus 9 novem-
bris 1846. — Alloc. Quibus quantisque 20 aprilis 1849.)
XLI. Civili potestativelabinfideli imperante exercitse competit
potestas indirecta negativa in sacra; eidem proinde competit ne-
dum jus quod yocantexequatur, sed etiam jus appellationis, quam
nuncupant ab abusu. (Litt. apost. Ad apostolicœ 22 augusti 1851.)
XLII. In conflictu legum utriusque poteslatis, jus civile prœ-
valet. (Litt. apost. Ad apostolicœ 22 augusti 1851.)
XLIII. Laica potestas auctorilatem habet rescindendi, decla-
randi ac faciendi irritas solemnesconventiones (vulgo Concovdata)
super usu jurium ad ecclesiasticam iaimunitatem pertinentium
cum Sede Apostolica inilas, sine hujusconsensu, imoetea récla-
mante. (Alloc. In consistoriali 1 novembris 1850. — AUoc. Multis
gravibusque 17 decembris 1860.)
XLIV. Civilis auctoritas potest se immiscere rébus quœ ad re-
ligionem, mores et regimen spirituale pertinent. Hinc potest de
instructionibus judicare, quas Ecclesiae pastores ad conscientia-
rum normam pro suo munere edunt; quin etiam potest de divi-
norum sacramentorum administratione et dispositionibus ad ea
suscipienda necessariis decernere. (Alloc. In consistoriali 1 no-
vembris 1850. — Alloc. Maxima quidem 9 junii 1862.)
XLV. Totum schohirum publicarum regimen, in quibus ju-
ventus christianae alicujus Reipublicœ instituitur, episcopalibus
dnntaxat seminariis aliqua ratione exceptis, potest ac débet
attribui auctoritati civili, et ita quidem attribui, ut nuUum alii
cuicumque auctoritati recognoscatur jus immiscendi se in disci-
plina scholarum, in regimine studiorum, in graduum collatione,
« QUANTA CURA », 8 DÉCEMBRE 1864 27
cussion, et radniinistratioii civile peut exiger qu'on traite dans ces
limites. (Lettre apostolique Ad apostolicœ du 22 août 1831.)
XXXVII. On peut instituer des Eglises nationales soustraites à l'auto-
rité du Pontife Romain et pleinement séparées de lui. (Alloc. Multis gra-
v/ftwsg'ue, 17 décembre 1860. — kWoc.Jamdudumcernimus, ISmars 1861.)
XXXVIII. Trop d'actes arbitraires de la part des Pontifes Romains ont
poussé à la division de l'Eglise en orientale et occidentale. (Lettre, apos-
tolique Ad apostolicœ du 22 août 1851.)
§ VI. — Erreurs relatives à la société civile, considérée soit ert
elle-même, soit dans ses rapports avec l'Eglise.
XXXIX. L'Etat, comme étant l'origine et la source de tous les droits,
jouit d'un droit qui n'est circonscrit par aucune limite. (Alloc. Maxima
quidem du 9 juin 1862.)
XL. La doctrine de l'Eglise catholique est opposée au bien et aux
intérêts de la société humaine. (Encycl. Qiii pluribus A\i2 novembre. 1846.
— Alloc. Quibus quantisque du 20 avril 1849.)
XLI. La puissance civile, même quand elle est exercée par un prince
infidèle, possède un pouvoir indirect négatif sur les choses sacrées. Elle
a par conséquent non seulement le droit qu'on appelle d'exequatur, mais
encore le droit qu'on nomme d'appel comme d'abus. (Lettre apostolique
Ad npostolicœ du 22 août 1851.)
XLII. En cas de conflit légal entre les deux pouvoirs, le droit civil
prévaut. (Lettre apostolique Ad apostolicœ du 22 août 1851.)
XLIIl. La puissance laïque a le pouvoir de casser, de déclarer et
rendre nulles les conventions solennelles (concordats) conclues avec le
Siège Apostolique, relativement à l'usage des droits qui appartiennent à
l'immunité ecclésiastique, sans le consentement de ce Siège et malgré ses
réclamations. (Alloc. In consistoriali du l*"" novembre 1850. — Alloc.
Multis gravibusque du 17 décembre 1860.)
XLIV. L'autorité civile peut s'immiscer dans les choses qui regardent
la religion, les mœurs et le régime spirituel. D'où il suit qu'elle peut
juger des Instructions que les pasteurs de l'Eglise publient, d'après leur
charge, pour la règle des consciences; elle peut même décider sur l'ad-
ministration des sacrements et les dispositions nécessaires pour les rece-
voir. (Alloc. In consistoriali du l*"" novembre 1850. — Alloc. Maxima
quidem du 9 juin 1862.)
XLV. Toute la direction des écoles publiques dans lesquelles la jeu-
nesse d'un Etat chrétien est élevée, si l'on en excepte dans une certaine
mesure les séminaires épiscopaux, peut et doit être attribuée à l'autorité
civile, et cela de telle manière qu'il ne soit reconnu à aucune autre auto-
rité le droit de s'immiscer dans la discipline des écoles, dans le régime
des éludes, dans la collation des grades, dans le choix ou l'approbation
28 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
in delectu aut approbatione magistrorum. (Alloc. In Consisto-
riali 1 novembris 1850. — Alloc. Quibiis luctuosissimis 5 septem-
bris 1851.)
XLVI. Imo in ipsisclericorum seminariis rnethodu.s sludiorum
adhibenda civili auctoiitati subjicitur. (Alloc. Nunquam fore
15 decembris 1854.)
XLVII. Postulat optima civilis socletatis ratio, ut populares
scholœ, quœ patent omnibus cujusque e populo classis pueris, ac
publica universim instituta, quœ litteris severioribusque disci-
plinis tradendis et educationi juventutis curandœ sunt desti-
nata, eximantur ab omni Ecclesiœ auctoritate, modératrice vi et
ingerentia, plenoque civilis ac politicœ auctoritatis arbitrio sub-
jicianlur ad imperantium placita et ad communionem aetatis
opinionum amussim. (Epist. adarcbiep. Friburg. Quumnon sine
14julii 1864.)
XLVIII. Gatbolicis viris probari potest ea juventutis insti-
tuendœ ratio, quae sit a catholica fide et ab Ecclesiae potestate
sejuncta, quseque rerum duntaxat naturalium scientiam ac ter-
reuse socialis vitae fines tantummodo vel saltem primarium spe-
<;tet. (Epist. ad archiep. Friburg. Quiim non sine 14 julii 1804.)
XLIX. Civilis auctoritas potest impedire quominus sacrorum
antistites et fidèles populi cum Romano Pontifice libère ac
mutuo communicent. (Alloc. Maxima quidem 9 junii 1862.)
L. Laica auctoritas habet per se jus praesentandi episcopos et
potest ab illis exigere ut ineant diœcesum procurationem ante-
quam ipsi canonicam a S. Sede institutionem et Apostolicas
Litteras accipiant. (Alloc. Nunquam fore 15 decembris 1856.)
LI. Imo laicum gubernium habet jus deponendi ab exercitio
pastoralis mhiisterii episcopos, neque tenetur obedire Romano
Pontifici in iis quœ episcopatum et episcoporum respiciunt insti-
tutionem. (Litt. Apost. Mnltiplices inter 10 junii 1851. — Alloc.
Acerbissimum 27 septembris 1852.)
LIT. Gubernium potest suo jure immutare œtatem ab Ecclesia
prœscriptam pro religiosa tam mulierum quam virorum profes-
sione, omnibusque religiosis familiis indicere, ut neminem sine
suo permissu ad solemnia vota nuncupanda admittant. (Alloc.
Nunquam fore 15 decembris 1856.)
LUI. Abrogandœ sunt leges quœ ad religiosarum familiarum
statum tutandum, earumque jura et officia pertinent ; imo potest
civile gubernium iis omnibus auxilium prœstare, qui asuscepto
religiosœ vitœ instituto deficere ac solemnia vota frangerevelint ;
pariterque potest, religiosas easdem familias perinde ac colle-
giatas Ecclesias et bénéficia simplicia ctiam juris patronatus
penitus extinguere, illorumque bona et reditus civilis potestatis
« QUANTA CURA, 8 DÉCEMBRE 1864 29
lies maîtres. (AIIoc. /n consistoriali du l" novembre 1850. — Alloc.
Quibus luctHOStssimis du 5 septembre 1851.)
XLVI. Bien plus, même dans les séminaires des clercs, la méthode à
suivre dans les études est soumise à l'autorité civile. (Alloc. Nunquam
fore du 15 décembre 1856.)
XLVll. La bonne constitution de la société civile demande que les
écoles populaires, qui sont ouvertes à tous les enfants de chaque classe
du peuple, et en général que les institutions publiques destinées aux
lettres, à une instruction supérieure et à une éducation plus élevée de
la jeunesse, soient affranchies de toute autorité de l'Eglise, de toute
influence modératrice et de toute ingérence de sa part, et qu'elles soient
pleinement soumises à la volonté de l'autorité civile et politique, sui-
vant le désir des gouvernants et le courant des opinions générales de
l'époque. (Lettre à l'archevêque de Fribourg: Quum non sine du 14 juil-
let 1864.)
XLVin. Des catholiques peuvent approuver un système d'éducation
en dehors de la foi catholique et de l'autorité de l'Eglise et qui n'ait
pour but, ou du moins pour but principal, que la connaissance des
choses purement naturelles et la vie sociale sur cette terre. (Lettre à l'ar-
chevêque de Fribourg : Quum non sine, du 14 juillet 1864.)
XLIX. L'autorité séculière peut empêcher les évêques et les fidèles de
communiquer librement entre eux et avec le Pontife Romain. (Alloc.
Maxima quidem du 9 juin 1862.)
L. L'autorité séculière a par elle-même le droit de présenter les
évêques et peut exiger d'eux qu'ils prennent en main l'administration
de leurs diocèses avant qu'ils aient reçu du Saint-Siège l'institution
canonique et les Lettres Apostoliques. (Alloc. Nunquam fore du 15 dé-
cembre 1856.)
Ll. Bien plus, la puissance séculière a le droit d'interdire aux évêques
l'exercice du ministère pastoral, et elle n'est pas tenue d'obéir au Pontife
Romain en ce qui concerne l'institution des évêchés et des évêques.
(Lettre apostolique Multiplices inter du 10 juin 1851. — Alloc. Acerbis-
simum du 27 septembre 1852.)
LU. Le gouvernement peut, de son propre droit, changer l'âge pres-
crit pour la profession religieuse, tant des femmes que des hommes, et
enjoindre aux communautés religieuses de n'admettre personne aux
vœux solennels sans son autorisation. (Alloc. Nunquam fore du 15 dé-
cembre 1856.)
LUI. On doit abroger les lois qui protègent l'existence des familles
religieuses, leurs droits et leurs fonctions; bien plus la puissance civile
peut donner son appui à tous ceux qui voudraient quitter l'état religieux
qu'ils avaient embrassé et enfreindre leurs vœux solennels; de même
elle peut supprimer complètement ces mêmes communautés religieuses,
aussi bien que les églises collégiales et bénéfices simples, même de droit
de patronage, attribuer et soumettre leurs biens et revenus à l'adminis-
80 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE II
administrationi et arbitrio subjicere et vindicare. (Alloc; Acer-
bissirnum 27 septembris 1852. — Alloc. Probe memineritis 22 janua-
rii 18.j5. — Alloc. Cum sœpe 26julii 185.j.)
LIV. lièges et principes non solum ab Ecclesiœ jurisdictione
eximuntur, verunietiaininquœstioniljasjurisdictionisdiriinendis
superiores sunt Ecclesia (Litt. apost. Multipliées inttr 10 junii
1851.)
LV. Ecclesia a Statu, Statusque ab Ecclesia sejungendus est.
(Alloc. Acerbissùnum 27 septembris 1852.)
I Vil. — Errores de ethica naturali et Chi'istiana.
LVI. Morum leges divina haud egent sanctione, minimeque
opus est ut humanae leges ad naturœ jus conformentur aut obli-
gandi vim a Deo accipiant. (Alloc. Maxima quidem9 iumi 1862.)
LVII. Philosophicarum rerum morumque scientia, itemque
civiles leges possunt et debcnt a divina et ecclesiastica auctori-
tate declinare. (Alloc. Maxiwa qnidem 9 junii 1862.
LVIII. Aliœ vires non sunt agno.scendœ nisi illœ quœ in mate-
ria positœ sunt, et omnis morum disciplina honestasque collocari
débet in cumulandis et augendis quovis modo divitiis ac in
voluptatibus explendis (Alloc. Maxima quidem 9 junii 1862. —
Epist. encycl. Quanto conficiamur 10 augusti 1863.)
LIX. Jus in materiali facto consistit, et omnia humana officia
sunt nomen inane, et omnia humana facta juris vim habent.
(Alloc. Maxima quidem 9 junii 1862.)
LX. Auctoritas nihil aliud est nisi numeri et materialium
virium summa. (Alloc. Maxima quidem 9 junii 1802.)
LXI. Fortunata facti injustitia nuUum juris sanclitati detri-
mentum afïert. (Alloc. Jamdndum cernimus 18martii 1861.)
LXIl. Proclamandum est et observandum principium quod
vocant de non interventu. (Alloc. Novos et ante 28 septembris
1860.)
LXIII. Legitimis principibus obedientiam detrectare, imo et
rebellare licet. (Epist. encycl. Qui phiribus 9 novembris 1846. —
Alloc. Quisque vestrum A octobris 1847. — Epist. encycl. Noscitis
et nobiscum 8 decembris 1849. — Litt. apost. C^^m catholica
26 martii 1860.)
LXIV. Tumcujusque sanctissimi juramenti violatio. tum quœ-
libet scelesta flagitiosaque actio seuîpiternœ legi repugnans, non
solum haud est improbanda, verum etiam omnino licita, sum-
misque laudibus elferenda, quando id pro patriœ amore agatur.
(Alloc. Quibus quantisque 20 aprilis 1849.)
« QUANTA CURA », S DÉCEMBRE 1864 31
îration et à la volonté de rauforité civile. (Alloc. Acerbisst'mum du
27 septembre 18o"2. — Alloc. Probe metnineritis du 22 janvier 1853. —
Alloc. Cum sœpe du 26 juillet 18oo.)
LIV. Les rois et les princes, non seulement sont exempts de la juridic-
tion de l'Eglise, mais même ils sont supérieurs à l'Eglise quand il s'agit
de trancher les questions de juridiction. (Lettre apostolique Multipliées
inter du 10 juin 1851.)
LV. L'Eglise doit être séparée de l'Etat, et l'Etat séparé de l'Eglise.
(Alloc. Acerbissimum du 27 septembre 1832. j
§ VII. Erreurs concernant la morale naturelle et chrétienne.
LVI. Les lois de la morale n'ont pas besoin de la sanction divine, et
il n'est pas du tout nécessaire que les lois humaines se conforment au
droit naturel ou reçoivent de Dieu le pouvoir d'obliger. (Alloc. Maxima
quîdem du 9 juin 1862.)
LYII. La science des choses philosophiques et morales, de même que
les lois civiles, peuvent et doivent être soustraites à l'autorité divine et
ecclésiastique. (Alloc. Maxima quîdem du 9 juin 1862.)
LVIII. Il ne faut reconnaître d'autres forces que celles qui résident
dans la matière, et tout système de morale, toute honnêteté doit consister
à accumuler et augmenter ses richesses de toute manière, et à se livrer
aux plaisirs. (Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862. — Lettre enclyc.
Quanto confxciamur du 10 août 1863.)
LIX. Le droit consiste dans le fait matériel ; tous les devoirs des hom-
mes sont un mot vide de sens, et tous les faits humains ont force de
droit. (Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862.)
LX. L'autorité n'est autre chose que la somme du nombre et des forces
matérielles. (Alloc. Maxima quidem du 9 juin 1862.)
LXI. Une injustice de fait couronnée de succès ne préjudicie nullement
à la sainteté du droit. (^AUoc. Jamdudum cernimus du 18 mars 1861.)
LXII. On doit proclamer et observer le principe de non-intervention .
(Alloc. A'oios et ante du 28 septembre 1860.)
LXIIl. Il est permis de refuser l'obéissance aux princes légitimes et
même de se révolter contre eux. (Lettre encycl. Qui pluribus du 9 novem-
bre 18i6. — Alloc. Quisque vestrum A octobre 1847, — Lettre encycl.
Noscitis et nobiscum du 8 décembre 1849, — Lettre apostolique Cum
catholica du 26 mars 1860.)
LXIV. La violation d'un serment, quelque saint qu'il soit, et toute
action criminelle et honteuse opposée à la loi éternelle, non seulement
ne doit pas être blAmée, mais elle est tout à fait licite et digne des plus
grands éloges, quand elle est inspirée par l'amour de la patrie. (Alloc.
Quibus quantisque du 20 avril 1849.)
3» LETTRE E^•CYCLIQUE DE PIE IX
I VIII. — Errores de matrimonio christiano.
LXV. Nulla ratione ferri potest, Christiim evexisse matrimo-
nium ad dignitatem sacramenti. (Litt. apost. Ad apostolicœ
2-2 augusti 1851.)
LXVI. Matrimonii sacramentum non est nisi quid conlraclui
accessorium ab eoquc separabile, ipsumque sacramenluin in
una tantuni niiptiali benedictione situm est. (Litt. apo-st. Ad
apostolicœ 22 augusti 1851 .)
LXV'II. Jure naturce matrimonii vinculum non est indissolu-
Dile, et in variis casibus divortium proprie dictum auctoritate
civiii sanciri potest. (Litt. apost. Ad apostolicœ 22 augusti 1851.
— Alloc. Acerbissimum 27 septembris 1852.)
LXVIII. Ecclesia non habet potestatem impedimenta matri-
monium dirimentia inducendi, sed ea potestas civiii auctoritati
competit, a qua impedimenta existentia tollenda sunt. (Litt.
aposl. Multiplicesinter 10 iumi [Soi.)
LXIX. Ecclesia sequioribus sgeculis dirimentia impedimenta
inducere cœpit, non jure proprio, sed illo jure usa, quod a civiii
potestate mutuata erat. (Litt. apost. Ad apostolicœ 22 augusti
1851.)
LXX. Tridentini canones qui anathematis censuram illis infe-
runt qui facultatem impedimenta dirimentia inducendi Ecclesiae
negare audeant, vel non sunt dogmatici vel de hac mutuata
potestate intelligendi sunt. (Litt. apost. Ad apostolicœ 22 augusti
1851.)
LXXI. Tridentini forma sub intirmitatis pœna non obligat,
ubi lex civilis aliam formam prsestituat, et velit ac nova forma
interveniente matrimonium valere. (Litt. apost. Ad apostolicœ
22 augusti 1851.)
LXXII. Bonifacius VIII votum castitatis in ordinatione émis-
sum nuptias nullas reddere primus asseruit. (Litt. apost. Ad
apostolicœ 22 augusti 1851.)
LXXIII. Vi contractus mère civilis potest inter christianos
constare veri nominis matrimonium ; falsumque est, aut con-
tractum matrimonii inter christianos semper esse sacramentum,
aut nullum esse contractum, si sacramentum excludatur. (Litt.
apost. Ad apostolicœ 22 augusti 1851. — Lettera di S. S. Pio IX
al Ile di Sardegna, 9 settembre 1852. — Alloc. Acerbissimum
27 septembris 1852. — Alloc. Multis gravibusque 17 decembris
1860.)
LXXIV. Gausae matrimoniales et sponsalia suapte natura ad fo-
rum civile pertinent. (Litt. apost. Ad apostolicœ 22 augusti 1851 . —
Alloc. Acerbissimum 27 septembris 1852.)
a nUANTA CURA », S DÉCEMBRE 1S64 33
§ VHI. — Erreurs concernant le mariage chrétien.
LXV. On lie peut établir par aucune raisou que le Christ a élevé le
mariage à la iliguité de sacrement. (Lettre apostolique Ad apostoUcœ du
2-2 août I80I.)
LXVl. Le sacrement de mariage n'est qu'un accessoire du contrat et
qui peut en être séparé, et le sacrement lui-même ne consiste que dans
la seule bénédiction nuptiale. (Lettre apostolique Ad apostoiicœ du
22 août I80I.)
LXVII. De droit naturel, le lien du mariage n'est pas indissoluble, et
dans différents cas ie divorce proprement dit peut être sanctionné par
l'autorité civile. (Lettre apostolique .4(Z aposfoiicce du 22 août I80I. —
Alloc. Acerbissimiim du 27 septembre 1832.)
LXVin. L'Eglise n'a pas le pouvoir d'apporter des empêchements diri-
mants au mariage ; mais ce pouvoir appartient à l'autorité séculière, par
laquelle les empêchements exista uts peuvent être levés. (Lettre aposto-
lique .l/u/i!';;/ices inter du 10 juin 1851.)
LXIX. L'Eglise dans le cours des siècles, a commencé à introduire les
empêchements dirimants, non par son droit propre, mais en usant du
droit qu'elle avait emprunté au pouvoir civil. (Lettre apostolique Ad
apostoiicœ du 22 août 1831.)
LXX. Les canons du concile de Trente qui prononcent l'anathème
contre ceux qui osent nier le pouvoir qu'a l'Eglise d'opposer des empê-
chements dirimants ne sont pas dogmatiques ou doivent s'entendre de ce
pouvoir emprunté. (Lettre apostolique Ad apostoiicœ du 22 août 1831.)
LXXI. La forme prescrite par le concile de Trente n'oblige pas sous
peine de nullité, quand la loi civile établit une autre forme à suivre et
veut qu'au moyen de cette forme le mariage soit valide. (Lettre aposto-
lique Ad apostoiicœ du 22 août 1831 .;
LXXII. Boiiiface VIll a le premier déclaré que le vœu de chasteté
prononcé dans l'ordination rend le mariage nul. (Lettre apostolique Ad
apostoiicœ du 22 août 1831.)
LXXUI. Par la force du contrat purement civil, un vrai mariage peut
exister entre chrétiens ; et il est faux, ou bien que le contrat de mariage
entre chrétiens soit toujours un sacrement, ou que ce contrat soit nul
en dehors du sacrement. Lettre apostolique Ad apostolicce du 22 août
1831. — Lettre de S. S. Pie IX au roi de Sardaigne, 9 septembre 1832.
— Alloc. Acerbissimiim du 27 septembre 1832. — kWoc. Maltis gravihus-
que an 17 décembre 1860.)
LXXIV. Les mariages et les fiançailles par leur nature relèvent du
droit civil. (Lettre apostolique Ad apostolicce, 22 août 1831. — Alloc.
Acerbissimiim, 27 sei»t. 1832.)
ri4 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
.V. B. IIuc facere possmit duo alii errores de clericorum cœli-
batus abolendo ot de statu matrimonii statui virginitatis ante-
ferendo. Confodiuntur, prior in opist. encycl. Qui pluribus
\) novemliris 1846, posterior in litteris apost. Multiplices inter
lOjunii 1851.
I IX. — Errores de civili Romani Pontifici principatii.
LXXV. De temporalis regni cum spiiitiiali compatibiliiate
disputant inter se cbristianœ et catholiciB Ecclesiœ fiiii. (Litt.
apost. Ad apostolicœ 22 augusti 1851.)
LXXVI. Abrogatio civilis imperii, quo Apostolica Sedes poti-
tur, ad Ecclesiœ libertatem felicitatemque vel maxime condu-
ceret. (AUoc. Quibiis quantisque 20 aprilis 1849.)
iV. B. Prœter hos errores explicite notatos, alii complures im-
plicite reprobantur proposita et assertadoctrina, quam catholici
omncs firmissime retinere debeant, de civili Romani Pi)ntificis
principatu. Ejusmodi doctrina luculenter traditur in Alfoc. Qui-
bus quantisque20 apri] . 1849; in Alloc. Si semper an tca 20 maii I8o0 ;
in Litt. apost. Cîim catholica Ecclesia 26 mart. 1860; in Alloc.
Novos'^S sept. 1860; in Alloc. Jamdudum 18 mart. 1861 ; in Alloc.
Maxima qiiidcm 9 iumi 1862.
I X. — Errores qui ad liberalismum hodicrnum referuntur,
LXXVII. .(Etate bac nostra non amplius expedit. religionem
catholicam haberi lanquam unicam Status religionem, cœteris
quibuscumque cultibus exclusis. (Alloc. Nemo restrum 26 ju-
lii 1855.)
LXXVITI. Ilinc laudabiliter in quibusdam catholici nominis
regionibus lege cautum est, ut hominibus illuc immigrantibus
liceatpublicum proprii cujusque cultus exercitum habere. (.\lloc.
Acerbissimum 27 septembris 1852.)
LXXIX. Enim vero falsum est, civilem cujusque cultus liber-
tatem, itemque plenam potestatem omnibus attributam quasli-
bet opiniones cogitationesque palam publiceque inanifestandi
conducere ad populorum mores animosque facilius corrumpen-
dos ac indilTerentismi pestem propagandam. (AUoc. Nunquam
fore 15 decembris 1856.)
LrXXX. Romanus Pontifexpotestac débet cum progressu, cum
liboralismo et cum recenti civilitate sese reconciliare et compo-
nere. (Allo'c. Jamdudum cernimus 18 martii 1861.)
< QUANTA CUr.A », 8 DÉCEMBRE 1864 35
iV. B. — Ici peuvent se placer deux autres erreurs : l'abolition du
célibat ecclésiastique et la préférence due à l'état de mariage sur l'état de
virginité. Elles sont condamnées, la première dans la lettre encyclique
Qui pluribas da 9 novembre 18-i6, la seconde dans la lettre apostolique
Multiplices inter du 10 juin 1851.
§ IX. — Erreurs sur le prttmpat civil du Pontife Romain.
LXXV. Les fils de l'Eglise chrétienne et catholique disputent entre
eux sur la compatibilité de la royauté temporelle avec le pouvoir spiri-
tuel. (Lettre apostolique Ad apostolïcœ du 22 août 1851.)
LXXVI. L'abrogation de la sou%'eraineté civile dont le Saint-Siège est
en possession, servirait, même beaucoup, à la liberté et au bonheur de
l'Eglise. (Alloc. Quibus quantisque du 20 avril 1849.)
N. B. Outre ces erreurs explicitement notées, plusieurs autres erreurs
sont implicitement condamnées par la doctrine qui a été exposée et sou-
tenue sur le principal civil du Pontife Romain, que tous les catholiques
doivent fermement professer. Cette doctrine est clairement enseignée dans
l'Allocution Quibus quantisque du 20 avril 1849 ; dans l'Allocution S/
semper antea du 20 mai 1850 ; dans la Lettre apostolique C«m catholïca
ecclesia du 26 mars 1860; dans l'Allocution Novos du 28 septem-
bre 1860; dans l'Allocution /anidud;<m du 18 mars 1861 ; dans l'Allocu-
tion Maxima quidem du 9 juin 1862.
§ X. — Erreurs qui se rapportent au libéralisme moderne.
LXXVIl. A notre époque, il n'est plus utile que la religion catholique
soit considérée comme l'unique religion de l'Etat, à l'exclusion de tous
les autres cultes. (Alloc. A'emo vestrum du 26 juillet 1855.)
LXXVllI. Aussi c'est avec raison que, dans quelques pays catholiques,
la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s'y rendent y jouissent de
l'exercice public de leurs cultes particuliers. (Alloc. Acerbissimum du
27 septembre 1852.)
LXXIX. Il est faux que la liberté civile de tous les cultes et que le plein
pouvoir laissé à tous de manifester ouvertement et publiquement toutes
leurs pensées et toutes leurs opinions, jettent plus facilement les peuples
dans la corruption des mœurs et de l'esprit, et propagent la peste de
V Indifférentisme. (Alloc. Numquam fore du 15 décembre 1856.)
LXXX. Le Pontife Romain peut et doit se réconcilier et transiger avec
le progrès, le libéralisme et la civilisation moderne.^ Alloc. Jamdudum
cernimus du 18 mars 1861.)
ss. PII pp. IX
EPISTOLA ENCYCLICA
Venerabilibus Fralribus Antonio archiepiscopo Sanclœ Fidei de Bogota,
et episcopis ejus suffraganeis in Neogranatensi Ropublxca,
Plus PP. IX.
Venerabiles Fratiîes,
Salutem et apostolicam benedictionem.
Incredibili afflictamur dolore, et una vobiscum ingemiscimus,
venerabiles Fratres, cum noscamus quibus nefariis dirisquc mo-
dis a Neogranatensis Reipublicse gubernio catholica impetitur,
perturbatur, ac dilaceratur Ecclesia. Equidem verbis satisexpri-
merc haud possumus multipliées sacrilegosque ausus, quibus
gubernium idein gravissimas nobis et huic Apostolicœ Sedi in-
jurias afîerens, sanctissimam nostram religionem, ejusque vene-
randa jura, doctrinam, cultum, sacrosque ministros conculcare
ac destruere contendit.
Nanique idem gubernium duos pr;esertim abhinc annos infan-
das edidit leges et décréta, quee catholicee Ecclesiœ, ejusque do-
ctrinse, auctoritati, jurisbusque vel maxime adversantur. Hisce
enim iniquissimis legibus ac decrelis inter alia sacri ministri
prohibiti sunt ecclesiasticum ministerium exercere sine civilis
potestatis venia, et omnia Ecclesiœ bona usurpata. divendifa, ac
propterea parochige, et religiosœ utriusque sexus familice et
clerus, ac valetudinaria, domusque refugii, piaeque sodalitates,
bénéficia, et capellaniae etiam juris patronatus suis reditibus
spoiiatse. Atque per easdem injustissimas leges et décréta, legi-
timum Ecclesiœ acquirendi ac possidendi jus omnino oppugna-
tum. et cujusque acathoiici cultus libertas sancita, et omnes
utriusque sexus religiosœ familiœ in ?seogranatensi territorio
morantes de medio sublatae, earnmque existentia plane inter-
dicta, et vetita etiam omnium Litterarum et cujusque Aposto-
licee hujus Sedis Rescripti promulgatio, et exsilii pœna eccle-
LETTRE ENCYCLIQUE
DE SA SAINTETÉ PIE IX
A nos vénérables Frères, Antoine, archevêque de Santa-Fé de Bogota,
et aux éaéques ses suffragants dans la république de la Nouvelle-
Grenade,
PIE IX, PAPE
VÉNÉRABLES FrÈRES,
Salut et bénédiction apostolique.
Nous sommes en proie à une incroyable douleur et nous gémissons
avec vous, vénérables Frères, en considérant de quelle manière cruelle
et coupable le gouvernement de la république de la INouvelle-Grenade
attaque, bouleverse et déchire l'EsHse catholique. Nous avons peine à
trouver des paroles qui puissent exprimer ies attentats multipliés et
sacrilèges de ce gouvernement. Il se porte contre nous et ce Siège Apos-
tolique aux attaques les plus violentes pour chercher à fouler aux
pieds, à détruire notre très sainte religion, ses droits sacrés, sa doctrine,
son culte et ses ministres.
Depuis deux ans surtout, ce gouvernement a promulgué des lois et
des décrets détestables, entièrement contraires à l'Eglise catholique,
à sa doctrine, à son autorité et à ses droits. En vertu de ces lois et
de ces décrets iniques, il est, sans parler du reste, défendu aux ministres
sacrés d'exercer le ministère ecclésiastique sans l'autorisation de la puis-
sance civile; tous les biens de l'Eglise ont été usurpés et vendus, ce qui
a privé de leurs revenus les paroisses, les familles religieuses de l'un et
l'autre sexe , le clergé, les établissements hospitaliers, les maisons de
refuge, les pieuses confréries, les bénéfices et même les chapellenies éta-
blies sous le droit de patronage. Par ces mêmes lois, par ces mêmes
décrets contraires à toute justice, le droit légitime de l'Eglise à acqué-
rir et à posséder est pleinement violé, la liberté de tout culte non catho-
lique établie. Elles suppriment toutes les communautés religieuses de
l'un et de l'autre sexe fixées sur le territoire de la république et leur
interdisent absolument l'existence. Elles défendent la promulgation de
toutes lettres, de tout rescrit émanés de ce Siège Apostolique, infligeant
38 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
siasticis viris, laïcis vero mulctœ et carceris indicta, si huic
ordinationi obedire recusaverint.
Insuper cisdem detestandis legibus ac decretis slatuitur, ut
utriusque cleri viri cxsilii pœna aHicianlur, qui legi circa hono-
rum Ecclesiœ spoliationem olitemperare detrectaverint ; utque
omnes ecclesiastici honiines sacri ministerii munia obire minime
queant, nisi primum juraverint, se INeogranatcnsis lleipiiblicœ
constitulioni cunctisque illius legibus Ecclesiœ tantopere ad-
versis, jani editis et in posterum edendis obsequi, ac sinuil
exsilii pœna iis omnibus infligitur, qui hujusmodi impium illi-
citumque jusjurandum prœstare minime voluerint. Iia;c et alia
multa omnino injusta et impia, quœ singillatim commemorare
tœdet, contra Ecciesiam a iSeogranatensis Reipublicœ gubernio,
proculcatis omnibus divinishumanisquejuribus, suntconstituta.
Cum autem vos, venerabiles Fratrcs, pro egregia vestra reli-
gione et virtute haud omiseritis tum voce, tum scriptis con-
stanter obsistere tôt iniquis sacrilegisque ejusdem gubernii
ausibus et decretis, atque Ecclesiœ causam et jura impavide pro-
pugnare; tum ejusdem gubernii furor in vos, omnesque eccle-
siasticos viros vobis addictos, ac proprii oflicii et vocationis
memores, et in omnia quse ad Ecciesiam pertinent, saevire non
destitit. Quapropter vos fere omnes miserandum in modnm
afflicti, ac militari manu comprehensi, a vestro grege violenter
distracti, in vincula conjecti, in exsilium pulsi, et in pestiferi
aeris regiones amandati, et ecclesiastici viri, ac religiosarum
familiartim aliimni pravis gubernii ordinationibus merito ob-
stantes, vel in carcerem detrusi vel exsilio mulctati mortemoccu-
buere, vel in silvis vitam agere coacti sunt.
Cum vero omnes virgines Deo devotae ab ipso gubernio fu-
renter crudeliterque a propriis monasteriis expulsœ, et ad rerum
omnium inopiam redactce fuerint, a piis fidelibus, tristissima
iilarum conditione vehementercommotis, humaniter in proprias
domos receptse et admissœ, id œgerrime ferens gubernium, mi-
nitatur velle illas ex eorumdem fidelium domibus expellere ac
disperdere.
llinc sacra templa et cœnobia nudata, spoliata, poUuU, et in
militarium stationum usum commutata, eorumquc sacra su-
pellex et ornamenta direpta; hinc sacrorum cultus sublatus, et
chrislianus populus legitimis suis pastoribus orbatus, omni-
busque divinae nostrœ religionis prsesidiis misère destitutus,
cum summa nostra vestraque œgritudine in maximo aeternaî
salutis discrimine versatur. Ecquis catbolicis humanisque sen-
sibus animatus non vehementer ingemiscet, cum videat a Neo-
. granatensi gubernio tam gravi tamque crudeli persecutione ca-
«c IXCREDIBILI AFFLIGTAMUR », 17 SEPTEMBRE ISGo 39
la peine de Tcxil aux ecclésiastiques, celles de l'amende et de rempii-
sonnenient aux laïques qui refuseraient d'obtempérer à cette défense.
En outre, par ces lois et ces décrets détestables, tout membre du
clergé, séculier ou régulier, qui refuseraitde se conformer à l'ordonnance
qui prescrit la spoliation des biens ecclésiastiques est condamné à l'exil;
il est, de plus, interdit à tous les ecclésiastiques de remplir les devoirs
du sacré ministère, s'ils n'ont préalablement prêté serment d'obéir à la
constitution de la république de la Nouvelle-Grenade et à toutes les lois
de l'Etat, tant à celles qui ont déjà été portées, quoique si préjudiciables
à l'Eglise, qu'à celles qui pourraient être édictées plus tard; enfin, on
punit de l'exil quiconque refuserait ce serment illicite et impie. Toutes
ces prescriptions, et beaucoup d'autres qui outragent également la reli-
gion et la justice, et qu'il nous répugne de rappeler en détail, ont été
rendues contre l'Eglise, par le gouvernement de la Nouvelle-Grenade,
au mépris de toutes les lois divines et humaines.
Dans votre amour pour la religion, vénérables Frères, vous n'avez pas
négligé de vous élever résolument, tant de vive voix que par écrit, contre
tous ces attentats, contre tous ces décrets iniques et sacrilèges, ni de
défendre avec un courage que rien n'a pu ébranler la cause et les droits
de l'Eglise. Cette conduite a excité la colère du gouvernement; il a sévi
avec fureur contre vous, contre tous les ecclésiastiques qui vous sont
soumis, qui sont demeurés fidèles à leur vocation et à l'accomplissement
de leurs devoirs, et, en général, contre tout ce qui appartient à l'Eglise.
Vous avez été presque tous cruellement persécutés, saisis par 1.1 force
armée, séparés avec violence de vos troupeaux, jetés dans les fers, con-
damnés à l'exil et relégués dans des régions dont le climat est mortel ;
les ecclésiastiques, ainsi que les membres des familles religieuses qui ont
résisté, comme ils le devaient, aux ordres criminels du gouvernement,
ont été ou mis en prison ou exilés, ils ont trouvé la mort sur une terre
étrangère, ou bien ils ont été forcés de mener une vie misérable au sein
des forêts.
Les vierges consacrées à Dieu, après avoir été toutes brutalement
chassées de leurs monastères par ce même gouvernement et réduites au
dénûment le plus extrême, ont reçu l'hospitalité chez de pieux fidèles
touchés de leur condition misérable; mais le gouvernement, furieux de
cet accueil, menace de les chasser des maisons où elles ont trouvé un
asile et de les disperser.
.A.ussi les temples saints et les couvents ont-ils été dépouillés, souillés,
convertis en casernes; les ornements et tous les objets sacrés ont été
saisis, le culte divin supprimé, et le peuple chrétien, auquel on a enlevé
ses légitimes pasteurs, se- trouve privé de tous les secours de notre divine
religion. Qui ne voit quels périls en résultent pour le salut des âmes et
quel sujet d'amère affliction c'est pour nous et pour vous? Quel homme,
animé de sentiments catholiques ou seulement d'humanité^ne gémirait
profondément de voirie gouvernement de la Nouvelle-Grenade persécuter
40 LETTRE EN'CYCLIQUE DE PIE IX
Iholicam Ecclcsiam, ejusque doclrinam. auctoritatem,sacrasque
personas oppii^nari, ac tanlas ab ipso suprcmoî nostrœ et Apo-
stolicœ hujus Sedis auclurilati injurias et cunlinnelias inferri ?
Atque illud vel maxime dolendum, venerabiles Fralres, quod
nonniilli ecclesiastici homines existere potuerint, qui pravis
ipsius iiubernii legibus et consiliis obscqiii, favere, et comme-
moralum illicitum obedientiœ jurainentiun prœstare non dubita-
runt, cuni raaximo nostro vestroque mœrore, et bonorum om-
nium admiratione ac luctu.
In hac igilur tanta rei catholicœ clade, tantaque animarum
pernicie, Apostolici nostri offiRii probe memores ac de omnium
Ecclesiaruin bono vel maxime solliciti, et nobis^ uli clim Pro-
phetœ indictum existimantes : « Clama, ne cesses, quasi tuba
« exalta vocem tuam, et annuntia populo mco scelera eorum, et
« domui Jacob peccata eorum (1), » hisce Litteris Apostolicam
nostram attollentes vocem, omnia gravissima damna et injurias,
a Neogranatensi gubernio Ecclesise, ejusque sacris personis ac
rébus, et huic Sanctœ Sedi illatas, incessanter querimur et gra-
vissime exprobramus Atque omnia et singula, quœ sive in aliis
rébus ad Ecclesiam ejusque jus spectantibus ab eodeni Neogra-
natensi gubernio, et ab inferioribus quibusque illius magistra-
tibus décréta gesta, seu quomodolibet attentatasunt, auctoritate
nostra Apostolica reprobamus, damnamus, et leges ac décréta
ipsa cum omnibus inde secutis eadem nostra auctoritate abro-
gamus, et irrita prorsus, ac nuUius roboris fuisse et fore décla-
ra m us.
Ipsos autem illorum auctores etiam atque etiam in Domino
obtestamur, ut tandem aliquando suos oculos aperiant super
gravissima vulnera Ecclesiae imposita, ac simul recordentur
serioque considèrent censuras et pœnas, quas Apostolicae Con-
stitutiones, et generalium Conciliorum décréta contra Ecclesiae
jurium invasores facto ipso incurrendas infligunt, et idcirco
aniinœ suce misereantur prœ oculis habentes, « quoniam duris-
« sinium iis qui prœsunt fiet judicium (2). »
Atque etiam omni studio illos ecclesiasticos viros, qui guber-
nio favenles a proprio officio misère declinarunt, moneums et
exhortamur, ut sanctam suam vocationem animo reputantes, in
jiislitise veritatisque viam redire propeient, et illorum ecclesia-
sticorum hominum exeinpla œmulerilur, qui etiamsi infeliciter
lapsi praescriptum a gubernio obedientiae juranienlum praîstite-
runt, tamen, cum ingenti nostro ac suoruin antistitum gaudio,
idem jasjurandum retractare ac damnare gloriati sunt.
(1) Isaiœ. Lxvui, 1. — (2; Sap., v, 6.
€ INCREDIBILI AFFLICTAMUR ï, 17 SEPTEMBRE 1S63 'il
si cruellement l'Eglise, attaquer si violeinmcnt sa doctrine, son autorift\
les personnes consacrées à Dieu, se porter à de tels outrages, à de telles
iniquités contre notre autorité suprême, l'autorité de ce Siège Apostolique?
Ce que l'on doit surtout déplorer, vénérables Frères, c'est qu'il ait pu
se rencontrer un certain nombre d'ecclésiastiques qui n'ont pas bésité
d'obéir aux lois et aux conseils détestables de ce gouvernement, de les
appuyer et de prêter le serment illicite mentionné plus haut. C'est pour
nous et pour vous une source de grande douleur ; pour tous les gens de
bien une source d'étonnement et de deuil.
Emu de cette cruelle épreuve de l'Eglise catholique et de la perte des
âmes qui en est la suite, attentif aux devoirs de notre charge aposto-
lique, plein de sollicitude pour le bien de toutes les Eglises, nous consi-
dérons comme s'adressant à nous cet ordre donné jadis à un prophète:
« Crie et ne cesse pas, élève ta voix comme une trompette retentissante,
« fais connaître à mon peuple les crimes qu'il a commis, et à la maison
€ de Jacob les péchés dont elle s'est souillée, s Aussi nous élevons, dans
ces Lettres, notre voix, nous nous plaignons sans cesse des outrages, des
injustices criantes dont le gouvernement de la Nouvelle-Grenade s'est
rendu coupable à l'égard de l'Eglise, à l'égard des personnes et des
choses consacrées à Dieu, à l'égard de ce Saint-Siège; nous les réprou-
vons avee la plus grande énergie. Tous ces attentats contre les biens et
les droits de l'Eglise, soit ceux que nous avons mentionnés, soit les
autres qui ont été commis par ce même gouvernement ou par ses subor-
donnés, décrets, actes, mesures de toutes sortes, nous les réprouvons de
notre autorité apostolique, nous les condamnons ; de plus, nous abro-
geons ces lois et ces décrets avec toutes leurs conséquences, en vertu de
cette même autorité ; nous les déclarons absolument nuls et de nulle
valeur pour le passé aussi bien que pour l'avenir.
Quant aux auteurs de ces méfaits, nous les supplions instamment, au
nom du Seigneur, d'ouvrir enfin les yeux, de voir quelles graves bles-
sures ils font à l'Eglise, de se rappeler en même temps, en y rélléchis-
sant sérieusement, les censures et les peines que les constitutions apos-
toliques et les décrets des conciles généraux portent contre les envahis-
seurs des droits de l'Eglise et que ceux-ci encourent par le fait même.
Qu'ils aient donc pitié de leur âme, qu'ils se souviennent que a ceux qui
commandent seront a jugés avec la plus grande rigueur s.
Quant aux ecclésiastiques qui ont appuyé le gouvernement et miséra-
blement oublié leurs devoirs, nous les avertissons et nous les exhortons
de toutes nos forces de se rappeler leur sainte vocation, de rentrer
promptement dans le chemin de la justice et de la vérité, de suivre
l'exemple de ceux qui, après une triste chute, se sont fait gloire, à notre
grande joie et à la grande joie de leurs évêques, de rétracter et de con-
damner le serment d'obéissance qu'ils avaient eu le malheur de prêter au
gouvernement.
42 LETTRE ENCYCLIQUE DE IME IX
Intérim vero amplissiinas meritasqiic vohis tribuimus laudes,
venoraljilos Fratres, qui laborantes sicut boni milites Christi
Jesu, ac stienue in agonc certantes singulari conslantia et foili-
tutline. quoad per vos fieri potuit, seu voce^ seu litteris, Ecclesife
causam, ejusque doctrinani, jura, liberlatem defcndere, vestri-
que gregis saluti accurate consulere, cumque contra impias ini-
micorum hominum molitiones, et circumstantia religionis peri-
cula prœmunire haud omiseritis, gravissimas ornnes injurias,
moiestias, et asperrima quœque episcopali robore tolérantes.
Itaque dubitare non possumus, quin pari studio et contentione,
quantum in vobis est. pergatis, ut adhuc cum maxima vestri
nominis laude fecistis, divinœ nostrœ religionis causam propu-
gnare, et fldelium saluti prospicere.
Débitas quoque laudes deferimus fideli Neogranatensis Reipu-
blicae clero, qui suge vocationis servantissimus, et nobis, atque
huic Pétri Cathedrœ suisque anlistitibus addictus, propter Eccle-
siam, veritatem et justitiam tam vebementerexagitatus, imma-
nem omnis generis insectationem patientissime est perpessus et
patitur.
Non possumus quin admiremur et laudemus tôt virgines Deo
sacras, quœ etiamsi a suis monasteriis, violenter expulsae, et ad
tristem egestatem redactae, tamen cœlesliSponso firmiter adbœ-
rentes, ac miserrimam in qua versantur conditionem christiana
virtute perferentes, non cessant dies noctesque effundere corda
sua coram Deo, eumque humiliter enixeque pro omnium ac suo-
rum etiam persecutorum salute exorare.
Gollaudamus item catholicum Neogranatensis Reipublicas
populum, qui ex parte longe maxima in veteri suo erga catbo-
licam Ecclesiam, ac nos et hanc Apostolicam Sedem, et erga
suos antistites amore, fide, reverentia et obedientia persévé-
rât.
Ne cessemus autem, venerabiles Fratres, adiré cum fiducia
ad thronum gratiœ, et humillimis ac fervenlissimis precibus
misericordarium Patrem ac Deum totius consolationis sine
intermissione orare et obsecrare, ut exurgat et judicet causam
suam, et Ecclesiam suam sanctam a tantis, quibus istic et
ubique fere orbis premitur, calamitatibus eripiat, eamque
opportune auxilio soletur, et optatissimam diu in tôt tantisque
adversis serenitatem et pacem clenientissime largiatur, om-
niumque misereatur secundum maguani misericordiam suam.
atque omnipotenti s-a virtute efficiat, ut omnos populi, génies,
nationes ipsum ^t Unigenitum Filium suum Dominum nostrum
Jesum Cliristum una cum sancto Spiritu adorent, timeant,
agnoscant, ac ex toto corde, anima ac mente diligant, et omnia
c INGUEDIUÎLI AFFLIGTAMUR », 17 SEPTEMBRE 1863 43
En attendant ce retour, nous sommes heureux, vénérables Frères, de
vous payer le tribut de louanges qui vous est dû, à vous qui luttez
comme de vaillants soldats de Jésus-Clirist, avec autant de constance que
de courage; à vous qui, de vive voix et par écrit, avez défendu autant
qu'il était en vous la cause de l'Eglise, sa doctrine, ses droits, sa liberté,
et veillé avec sollicitude au salut du troupeau qui vous est confié, en
ayant soin de le prémunir contre les manœuvres impies des hommes
ennemis et contre les dangers qui menacent la religion; à vous qui avez
soulTert avec une constance vraiment épiscopale, les outrages, les vexa-
tions, les persécutions les plus dures. Aussi, nous n'en pouvons douter,
vous continuerez autant qu'il sera en votre pouvoir de déployer le même
zèle et la même énergie que vous avez montrés jusqu'ici, avec tant de
gloire, de défendre la cause de notre divine religion et de pourvoir au
salut des fidèles.
Nous louons aussi, comme il le mérite, le fidèle clergé de la république
de là Nouvelle-Grenade. Très attaché à sa vocation, uni fermement à
nous, à cette chaire de Pierre et à ses prélats, gravement persécuté pour
la cause de l'Eglise, de la vérité et de la justice, il a souffert, il souffre
encore chaque jour avec une invincible patience une persécution cruelle.
Il nous est impossible de ne pas louer, de ne pas admirer tant de
vierges consacrées à Dieu. Bien qu'expulsées avec violence de leurs mo-
nastères et réduites au plus triste dénùment, elles sont demeurées invio-
lablement fidèles à l'Epoux ceiesie, eues supportent avec une vertu
véritablement chrétienne leur misérable condition, elles ne cessent ni le
jour ni la nuit de répandre leur cœur devant Dieu, de lui demander
avec autant d'humilité que de ferveur le salut de tout le monde et même
celui de leurs persécuteurs.
Nous devons louer aussi le peuple catholique de la Nouvelle-Grenade,
dont l'immense majorité persévère dans l'amour, la foi, le respect et la
soumission qu'il a voués depuis si longtemps à l'Eglise catholique, à
nous, au Siège Apostolique, ainsi qu"à ses pasteurs.
Mais ne cessons pas, vénérables Frères, de nous présenter avec con-
fiance devant le trône de la grâce, de prier, de conjurer avec toute l'hu-
milité et toute la ferveur possibles le Père des miséricordes, le Dieu de
toute consolation ; qu'il se lève et juge sa cause, qu'il arrache son Eglise
aux affreuses calamités qui l'accablent en vos contrées et sur presque
toute la surface du globe; qu'il la console et lui donne le secours néces-
cessaire au nioment opportun ; qu'il lui accorde dans sa clémence la paix
et la sérénité qui sont depuis si longtemps l'objet de nos vœux, parmi de
si nombreuses et de si accablantes épreuves ; qu'il ait pitié de tous, dans
l'étendue de sa miséricorde; qu'il fasse, par sa vertu toute puissante,
que tous les peuples, toutes les nations, toutes les races le connaissent,
l'adorent, le craignent avec son Fils unique Jésus-Christ Notre-Seigneur
et avec l'Esprit-Saint ; qu'ils l'aiment aussi de tout leur cœur, de toute
H-i LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
divina manJala ac praeccpta religiose observantes, ut lilii Iticis
ambiilent in oinni bonitate, jiistitia et veritate.
Di^mum omnium cœlestiuni muneruin auspicem, et ceiii.^si-
mum prœcipuœ nostrge in vos benevolentiai pignus,Apostoli(am
Benedictionem ex imo corde depromptam vobis ipsis, venerabiles
Fralres, et gregi vestrae vigilantiui concredito peramanter
impertimus.
Ûatuni Romae, apud Sanctum Petruin die xvii septembris
anno mdccclxiii, pontlQcatus nostri anno decimo octavo.
Plus PP IX
« INCREDIBILI AFFLIGTAMUIl », 17 SEPTEMBRE 1863 45
leur ûme et de tout leur esprit ; qu'ils observent religieusement les com-
niandeineuls et les préceptes divins, qu'ils vivent ainsi comme les fils de
la lumière avec toute bonté, justice cl vérité.
Enfin, comme gage de tous les dons célestes et comme indubitable
témoignage de notre bienveillance spéciale envers vous, nous accordons
avec tendrc'sse et de tout notre cœur notre bénédiction apostolique à vous,
vénérables Frères, ainsi qu'au troupeau confié à votre vigilance,
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 17 septembre de l'an 1863, de
notre Pontificat le IS-'.
PIE IX, PAPE.
SS. PJl pp. IX
EPISTOLA ENCYCLIGA
Dilectis Filiis nostris S. R.E. Cardinalibus ac venerabilibus Fratrilms
Archiepiscopis et Episcopis Ilaliœ.
Plus PP. IX
DiLECTI FiLII NOSTRI ET VEXERABILES FrATRES,
Saiutem et apostolicam benedictionem.
Quanto conficiamur mœrore ob saevissimum sacrilegumque
bellum in omnibus fere terrarum orbis regionibus catholicae
Ecclesiae hisce asperrimis teiupunuus ailatum, ac praesertim in
infelici Italia ante nostros oculos a Subalpino gubernio pliires
abhinc annos indictum, et magis in dies excitatum. quisque
vestrum vel facile cogitatione assequi potest, dilecti Filii nostri
ac venerabiles Fratres. Verum inter gravissimas nostras angu-
stias, dnm vos intuemur, maxime afiicimur solatio et consolatione
Siquidem vos quamvis omnibus injustissimis violentisque mo-
dis miserandum in modum vexati, et a proprio grege avulsi, in
exilium ejecti, atque etiam in carcerem detrusi, tamen virtuteex
alto indulti nunquam intermisistis, qua voce, qua salutaribus
scriptis, Deiejusque Ecclesiae et Apostolicaehujus Sedis causam,
jura, doctrinam strenue tueri. vestrique gregis incolumitati con-
sulere. Itaque vobis ex animo gratulamur, quod vehementer
lœtamini pro nomine Jesu contumeliam pati, ac meritis vos lau-
dibus eiîerimus utentes sanctissimi nostri decessoris Leonis ver-
bis : « Licet laboribus dilectionis vestrae, quos pro observantia
« catholicae fidei suscepistis, toto corde compatiar, et ea quae
« vobis illata sunt,non aliter accipiam,quam si ipsepertule-
« rim ; intelligo tamen magis esse gaudii, quam mœroris, quod,
« confortante vos Domino Jesu Christo. in evangelica apostoli-
« caque doctrinainsuperabiles perstitistis Etcum vos inimici
« fidei christianae ab Ecclesiarum vestrarum sede divellerent,
i
LETTRE ENCYCLIQUE
DE SA SAINTETÉ PIE IX
A nos Fils bien-aimés les Cardinaux, à nos vénérables Frères
les Archevêques et Evêques d'Italie.
PIE IX, PAPE
Fils chéris kt vénérables Frères,
Salut et bénédiction apostolique.
Chacun de vous, Fils chéris et vénérables Frères, peut aisément se
figurer de quelle douleur nous sommes atteint par suite de la guerre
sauvage et sacrilège faite, en ces temps difficiles, à l'Eglise catholique
dans presque tous les pays du monde, et spécialement par suite de celle
qui, dans la malheureuse Italie, sous nos yeux mêmes, a été déclarée, il
y a plusieurs années, par le gouvernement piémontais, et qui devient de
jour en jour plus acharnée.
Toutefois, au milieu de nos graves afflictions, nous éprouvons une
joie et une émotion profonde quand nous jetons les yeux sur vous. Vous
êtes douloureusement tourmentés par toute sorte d'injustices et de vio-
lences, arrachés à votre troupeau, envoyés en exil, et même jetés en pri-
son ; cependant, armés de la force qui vient d'en-haut, vous n'avez jamais
cessé, soit par la parole, soit par d'utiles écrits, de défendre courageuse-»
ment la cause, les droits, la doctrine du Seigneur, de son Eglise et du
Saint-Siè.!;e, tout en pourvoyant au salut de votre troupeau. Aussi nous
vous félicitons cordialement de ce que vous êtes heureux de subir ces
outrages pour le nom de Jésus, et nous emploierons, pour vous donner
les louanges que vous méritez, les paroles de notre saint prédécesseur
Léon : « Quoique je compatisse de tout mon cœur aux afflictions que
a vous avez supportées pour la défense de la foi catholique ; quoique je
« ne considère pas autrement ce que vous avez souffert, que comme si je
ï l'avais enduré moi-même, je sens toutefois qu'il y a plus sujet de se
« réjouir que de gémir en voyant que, fortifiés par notre Seigneur Jésus-
« Christ, vous êtes restés invincibles dans la doctrine évangélique et
« apostolique; et que chassés de vos sièges par les ennemis de la foi
'iS LETTHE ENCYCLIQUE DE PIE !I
« maliiistis peregrinationis injuriam pati, quam ulla impietati^
« ipsorum contagione violari (1). »
Atque utinam vobis tantarum Ecclesiœ calamitatum finem
mintiare possimus! Secl nunquam satis lugenda moruni corru-
plelaundique ingravescens, et irreligiosis, nefandis.obscœnisque
bcriptis, ac scenicis spectaculis et meretriciis domibiis fere
ubiqueconstitutis, ac aliispravis artibus promota, et monstrosa
omnium errorum portenta qua(]uaversus disseminata. et abo-
minanda vitiorùm omniumque scelerum increscens colluvie, et
mortiferum incredulitatis ac indi/ferentismi virus longe iateque
diiïusum, et ecclesiasticne potestatis ac sacrarum rerum legumque
contemptio, despicienlia, et injusta ac violenta bonoruin Eccle-
siee depopulatio, et aceirima ac continua contra sacros mini-
stros ac religiosarum familiarum alumnos. virginesque Dec
devotas insectatio, ac diabolicum prorsus adversus Christum
ejusque Ecclesiam, doctrinam et hanc Apostolicam Sedem
odium, et innumerafere alia quae ab infensissimis rei catholicae
hostibus patranturet quotidie lamentaricogimur, videnluropta-
tissimiim illud protrahere ac differre tempus, quo plénum san-
ctissimœnostrgereligionis.justitiaeacveritatistriumpbum videra
possimus. Qui quidem triumphus déesse non poterit. etiamsi
nobis datum non sit noscere tempus eidem triumpho ab omni-
potenti Deo destinatum. qui omnia admirabili divina sua provi-
dentia régit, ac moderatur, et ad nostram dirigit utilitatem.
Etsi vero cœlestis Pater Ecclesiam suam sanctam in hac miser-
riraa et mortali peregrinatione militantem variis aerumnis et
calamitatibus affligi et vexari permittit, tamen cum ipsa a
Christo Domino supra immobilem et lirniissimam petram sit
fundata, non solum nuUa vi nulloque impetu convelli et labefa-
ctari unquam potest, verum etiam ipsis « persecutionibus non
« minuitur. sed augetur, et semper dominicus ager segete
« ditiori vestitur, dum grana, quse singula cadunt, multiplicata
« nascuntur ».
Quod, dilecti Filii nostri et venerabiles Fratres, luctuosissimis
etiam hisce temporibus singulari Dei beneficio evenire conspi-
cimus. Nam quamvis immaculata Cbristi Sponsa impioruni
hominum opéra in preesentia vehementer afflictetur, tamen de
suis hostibus agit triumphum. Enimvero ipsa suos triumphat
hostes, et mirifice splendescit tum singulari vestra et aliorum
venerabilium fratrum totius calholici orbis sacrorum antistitum
erga nos et hanc Pétri Gathedram (ide, amore, observantia, et
eximia constantia in catholica unitate tuenda; tum tôt pientis-
(1) S. Leonis niag. Epist. CLiv ad Episc. .-Egypt
€ QUANTO GONFICIAMUR », 10 AOUT 1863 49
« chrélienne. vous avez préféré soiifTiir les douleurs de l'exil plutôt que
« de vous souiller le moins du monde au contact de leur impiété. »
Et plût au Ciel que nous pussions aussi vous annoncer le terme de si
grandes calamités! Mais la corruption des mœurs qu'on ne saurait jamais
assez déplorer et qui se propage continuellement partout à l'aide d'écrits
impies, infAmes, obscènes, et de représentations thé;Uralcs; à l'aide de
maisons de péché, établies presque en tous lieux et d'autres moyens
dépravés; les erreurs les plus monstrueuses et les plus horribles dissé-
minées partout ; le croissantetabominable débordement de tous les vices
et de toutes les scélératesses; le poison mortel de l'incrédulité et de l'in-
difTérentisme largement répandu; l'insouciance et le mépris pour le pou-
voir ecclésiastique, pour les choses et les lois sacrées; l'injuste et violent
pillage des biens ecclésiastiques ; la persécution féroce et continuelle contre
les ministres des autels, contre les élèves des familles religieuses et les
vierges consacrées à Dieu; la haine vraiment satanique contre le Christ,
son Eglise, sa doctrine, et contre ce Saint-Siège apostolique; enfin, tous
ces autres excès presque innombrables commis par les ennemis acharnés
de la religion catholique, et sur lesquels nous sommes forcé de pleurer
chaque jour, semblent prolonger et ajourner le moment désiré où il nous
sera donné de voir le plein triomphe de notre sainte religion, de la vérité
et de la justice. Ce triomphe, cependant, ne pourra manquer, quoiqu'il
ne nous soit pas accordé de connaître le temps que lui a fixé le Seigneur
tout-puissant, lui qui règle et gouverne toutes choses avec son admirable
providence, et les tourne à notre avantage Quoique le Père céleste per-
mette que sa sainte Eglise militante soit tourmentée, dans ce pèlerinage
misérable et mortel, par diverses calamités, par des afflictions diverses;
néanmoins, comme elle est fondée par INotre-Seigneur Jésus-Christ sur
une pierre immobile, invulnérable, non seulement elle ne peut jamais
être renversée ni ébranlée par aucune force, par aucune violence, mais
encore, « loin de diminuer, elle s'accroît par le fait même de ces persé-
Œ cutions, et le champ du Seigneur se revêt toujours d'une moisson plus
a abondante, tandis que les grains qui tombent un à un renaissent
« multipliés. >
C'est là, Fils chéris et vénérables Frères, ce que nous voyons aussi se
produire dans ces temps déplorables, par un bienfait s])écial du Seigneur.
Il est vrai, l'Epouse immaculée du Seigneur est à celte heure vivement
aflligée par les impies; cependant elle triomphe de ses ennemis. Oui elle
en triomphe et sur elle jettent un merveilleux éclat, soit la foi, l'amoui-,
ie respect envers nous, envers la Chaire de saint Pierre, et l'admirable
constance à défendre l'unité catholique, qui vous distinguent particuliè-
retutn'x, vous et nos autres vénérables Frères, les évèques de tout le
monde catholique; soit le nombre si grand des œuvres pieuses de reli-
50 LETTHE ENCYCLIQUE DE PIE l\
simis religionis et christianœ charitatisoperibus, qnae,Deoaiixi-
liante, niagis in dies multiplicantur in catholico orbe; tum
sanctissiniae fidei luniine qno magis in dies tôt illustrantur
regiones; tum egregio Gatholicorum erga ipsain Ecclesiam, ac
nos et hanc Sanctam Sedem amore et studio ; tum insigni et
immortali martyrii gloria. Nostis enim quomodo in Tunkini et
Cochinchinœprœsertim regionibus, episcopi, sacerdotes laïcique
viri. ac vel ipsœ imbelles mulieres, ac teneri adolescentuli et
adolescentulae, veterum martyrum exempla aemulantes, animo
invicto et heroïca virtute crudelissimos quosque cruciatus dc-
spicere, et exulantes pro Christo vitam profiindere vehementer
ketantur. Quae sane omnia non levi nobis vobisque consolationi
esse debent, inter maximas quibus premimur acerbitates.
Verum cum apostolici nostri ministerii oflicium omnino pos-
tulet, ut Ecclesiœ causam nobis ab ipso Christo Domino com-
niissam omni cura studioque defendamus, illosque omnos
reprobemus, qui Ecclesiam ipsam, ejusque sacra jura, mini-
stros, et hanc Apostolicam Sedem oppugnare et conculcare non
dubitant, idcirco hisce nostris litteris denuo ea omnia et singula
conlirmamus, declaramus, ac damnamus, quee in pluribus con-
sistorialibus Allocutionibus aliisque nostris Litteris cum ingenti
animi nostri molestia lamentari, declarare, et damnare coacti
fuimus.
Atque hic, dilecti Filii nostri et venerabiles Fratres, iterum
commemorare et reprehendere oportet gravissimum errorem,
in quo nonnulli catholici misère versantur, qui homines in erro-
ribus viventes et a vera fide atque a catholica unitate alienos,
ad aeternam vitam pervenire posse opinantur. Quod quidem ca-
tholicœ doctrinœ vel maxime adversatur. Notum nobis vobisque
est, eos qui invincibili circa sanctissimam nostram religionem
ignorantia laborant, quique naluralem legem ejusque praecepta
in omnium cordibus a Deo insculpta sedulo servantes, ac Deo
obedire parati honestam rectamque vitam agunt, posse divincC
lucis et gratiae opérante virtute œternam consequi vitam, cum
Deus, qui omnium mentes, animes, cogitationes, habitusque
plane intuetur, scrutatur et noscit, pro summa sua bonitate et
clementia minime patiatur quempiam seternis puniri suppliciis,
qui voluntarise culpae reatum non habeat. Sed notissimum quo-
qiie est catholicum dogma, neminem scilicet extra calhulicam
Ecclesiam posse salvari, et contumaces adverssus ejusdem Ec-
clesiœ auctoritatem, deiinitiones, et ab ipsius Ecclesiœ unitate,
atque a Pétri successore Jlomano Pontiiice, oui vineœ custodia a
Salvatore est commissa, pertinaciter divises, œternam non pos*e
obtinere salutem.
a QUANTO CONFICIAMUR >, 10 AOUT 1863 51
gion et de charité chrétienne qui, grûce à Dieu, vont chaque jour se mul-
tipliant davantage dans l'univers; soit la sainte lumière de la foi, qui
chaque jour brille d'un nouvel éclat dans des contrées si nombreuses;
soit l'amour et le zèle ardents des catholiques envers l'Eglise, envers nous
et envers ce Saint-Siège; soit enfin la gloire insigne et immortelle du
martyre. Vous savez, en effet, que, spécialement dans le Tonkin et dans
la Cochinchine, les évêques, les prêtres, les laïques et même les faibles
femmes, les adolescents et les petites filles, imitent les exemples des
anciens martyrs, bravent avec un courage invincible, avec une héroïque
vertu les tourments les plus atroces, heureux de pouvoir donner dans
l'exil leur vie pour le Christ. Toutes ces choses doivent être pour nous
comme pour vous d'une grande consolation, au milieu des afflictions
cruelles qui nous accablent.
Mais, les fonctions de notre ministère apostolique exigent absolument
que nous défendions avec toute la sollicitude et tous les efforts possibles
la cause de l'Eglise qui nous a été confiée par Kotre-Seigneur Jésus-
Christ lui-même, et que nous réprouvions tous ceux qui ne craignent
pas de combattre et de fouler aux pieds cette Eglise, ses droits sacrés,
ses ministres et ce Siège Apostolique. Aussi, nous confirmons, par cette
lettre, nous déclarons et nous condamnons de nouveau, en général et en
particulier, tout ce que dans plusieurs de nos allocutions consistoriales
et dans d'autres lettres, nous avons été obligé, au grand regret de notre
âme, de déplorer, de signaler, de condamner.
Et ici. Fils chéris et vénérables Frères, nous devons rappeler de nou-
veau et blâmer l'erreur considérable où sont malheureusement tombés
quelques catholiques. Ils croient en effet qu'on peut parvenir à l'éter-
nelle vie en vivant dans Terreur, dans l'éloignement de la vraie foi et
de l'unité catholique. Cela est péremptoirement contraire à la doctrine
catholique. Nous le savons et vous le savez, ceux qui ignorent invinci-
blement notre religion sainte, qui observent avec soin la loi naturelle et
ses préceptes, gravés par Dieu dans le cœur de tous, qui sont disposés à
obéir au Seigneur, et qui mènent une vie honorable et juste, peuvent,
avec l'aide de la lumière et de la grAce divine, acquérir la vie éternelle;
car Dieu voit parfaitement, il scrute, il connaît les esprits, les âmes, les
pensées, les habitudes de tous, et dans sa bonté suprême, dans son infi-
nie clémence, il ne permet point qu'on souffre les châtiments éternels
sans être coupable de quelque faute volontaire. Mais nous connaissons
parfaitement aussi ce dogme catholique : qu'en dehors de l'Eglise on ne
peut se sauver, qu'il est impossible d'obtenir le salut éternel en se' mon-
trant rebelle à l'autorité et aux décisions de cette Eglise, en demeurant
opiniâtrement séparé de son unité et de la communion du Pontife
romain, successeur de Pierre, à qui a été confiée par le Sauveur la
garde de la vigne.
52 LETTRE ENCYCLIQUE DE l'IE L\
Clarissiina enim sunt Christi Domini verba : « Si Ecclesiam non
« audiorit, sit libi sicut cthnicus et publicanus (1). Qui vos audit,
« me audit, et qui vos spernit, me spernit, qui autem mespernit,
« spernit eum (jui misit me (2). Oui non crediderit, condeninabi-
« tur (3). Qui non crédit, jam judicatus^est (4). Qui non est me-
« cum, contra me est, et qui non collii^it mecum, dispergit (5). »
llinc apostolus PauUis hujusmodi liomines dicit « subversos, et
« proprio judicio condemnatos (G), » et Apostolorum Princeps
illus << appellat magistros mendaces, qui introducunt sectas per-
« ditionis, Dominum negant, superducentes sibi celerem perdi-
« tionem (7). »
Absit vero, ut catholicte Ecclesiai filii uUo unquam modo ini-
mici sint iis, qui eisdem fidei charitatisque vinculis nobiscum
minime sunt conjuncti; quin imo illos sive pauperes, siveœgro-
tantes, sive aliisquibusqueœrumnisafllictos, omnibus christianfe
charitatis officiis prosequi, adjuvare semper studeant, et in pri-
mis ab errorum tenebris, in quibus misère jacent, eripere, atque
ad catholicam veritatem et ad amantissimam matrem Ecclesiam
reducere contendant, qua} maternas suas manus ad illos amanter
tendere, eosque ad suum sinum revocare nunquam desinit, ut
in lide, spe et charitate fundati ac stabiles, et in omni opère
bono fructificantes, seternam assequantur salutem.
Nunc autei.i, dilecti Filii nostri ac venerabiles Fratres, silen-
tio prœterire non possumus alium perniciosissimum errorem et
malum, quo hac nostra infelicissima aetate hominum mentes
animique misère abripiuntur ac perturbantur. Loquimur nempe
de eiïrenato ac damnoso illo proprio amore et studio, quo non
pauci bomines, nulla plane proximi sui ratione habita, proprias
utilitates et commoda unice spectant et quaerunt; loquemur de
insatiabili illa dominandi et acquirendi cupiditate, qua honesta-
tis justitiseque regulis omnino posthabitis, divitias quovismodo
cupidissime congerere et cumulare non desinunt, ac terrenis
tantum rébus assidue intenti, etDei, religionis, animœque suae
immemores, suam omnem felicitatem in comparandis divitiis et
pecuniœ thesauris perperam collocant. Meminerint hujusmodi
homines ac serio meditentur gravissima illa Christi Domini
verba : « Quid prodest homini, si mundum universum lucretur,
« animse vero suae detrimentum patiatur (8) ? » Et animo sedulo
reputent quœ apostolus Paulus docet : « Qui volunt divites fieri,
a incidunt in tentationem et in laqueum diaboli, et desideria
(1) Matt., xvni, 17. — (2) Luc, x, 16. — (3) Marc, xvi. 16. — (i) Joan.,
III, 18. — (o) Luc, XI, 23. —(6) Tit., m. H. — (7) 2 Petr.. ii, l . —
{8) Matt. XVI, 26.
« QUANTO GONFICUMUR », 10 AOUT 4863 53
Citr les paroles du Clirist IS'olre-Scigneur sont parfaitement claires :
R S'il n'écoute pas l'Eglise, regarde-le comme un païen et comme un
« publicain. — Qui vous écoute m'écoute, qui vous méprise me méprise,
« et qui me méprise méprise Celui qui m'a envoyé. — Celui qui ne
0 croira pas sera condamné. — Celui qui ne croit pas est déjà jugé. —
a Celui qui n'est pas avec moi est contre moi, et celui qui n'amasse pas
a avec moi dissipe. » Aussi l'apôtre Paul dit que ces hommes sont a cor-
« rompus et condamnés par leur propre jugement » ; et le Prince des
a Apôtres assure qu'ils sont des «. maîtres menteurs, qu'ils introduisent
a des sectes de perdition, qu'ils renient le Seigneur, et attirent sur eux
c une prompte ruine r.
A Dieu ne plaise cependant que les fils de l'Eglise catholique soient
jamais les ennemis de ceux qui ne nous sont pas unis par les mêmes
liens de foi et de charité; ils doivent au contraire s'empresser de leur
rendre tous les services de la charité chrétienne, dans leur pauvreté,
dans leurs maladies, dans toutes les autres disgrâces dont ils sont affli-
gés; de les aider toujours, de travailler principalement à les tirer des
ténèbres des erreurs où ils sont plongés misérablement, à les ramener à
l'Eglise, celte mère pleine d'amour, qui ne cesse jamais de leur tendre
affectueusement ses mains maternelles, de leur ouvrir les bras pour les
établir et les affermir dans la foi, l'espérance et la charité, pour les faire
fructifier en toutes sortes de bonnes œuvres et leur faire obtenir le salut
éternel.
Maintenant, Fils chéris et vénérables Frères, nous ne pouvons passer
sous silence une autre erreur, un autre mal des plus funestes qui séduit
misérablement, dans ces temps malheureux, qui trouble les esprits et les
cœurs. iNous voulons parler de cet amour-propre, de cette ardeur effrénée
et nuisible qui porte un trop grand nombre d'hommes à n'avoir en vue,
à ne chercher que leurs intérêts et leurs avantages,sans avoir le moindre
égard pour leur prochain; nous voulons parler de ce désir insatiable de
dominer et d'acquérir, qui les pousse à amasser avidement et par tous
les moyens, au mépris même de toutes les règles de l'honnêteté et de la
justice, et à entasser sans relâche des trésors. Uniquement préoccupés
des choses de la terre, oublieux de Dieu, de la religion et de leur âme,
ils mettant misérablement tout leur bonheur à acquérir de l'or et des
richesses. Que ces hommes se rappellent et méditent sérieusement ces
graves paroles du Christ, notre Seigneur : « Que sert à l'homme de
« gagner le monde, s'il perd son âme? » Qu'ils réfléchissent attenti-
vement à ce qu'enseigne l'apôtre Paul : a Ceux qui veulent s'enrichir,
a dit-il, tombent dans la tentation et dans les filets du diable, dans beau-
0 J LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
« multa inulilia, el nociva, quaî mergunt homines inintoiitum
« et perditionem. Radix enim omnium maloruin est cii|>iditas,
« quam quidem appetentes, erraverunt a fide et insenienint se
« doloribus multis (1). »
K(|uidem homines juxta propriam ac diversam cujusqnc con-
dilionem suis laboribus necessaria vitae praesidia sibi comparare
debont, seu in litteris ac scientiis excolendis, seu in artibus tum
ingenuis tum vulgaribus exercendis, seu in publiais privatisque
muneribus obeundis, seu in rerum commercio "habendo : sed
omnino oportet, ut omnia cum honestate, justitia, integritate et
chaiitate agant, et Deum praî oculis semper habeant, ejusque
mandata ac prœcepta diligentissime observent.
Jam vero dissimulare non possumus acerbissimo nos angi
dolore, cum in Italia nonnulli ex utroque clero reperiantur viri,
qui adeo sanctae suae vocationis sunt obliti, ut minime erube-
scant exitialibus etiam scriptis falsas disseminare doctrinas, ac
populorum animos contra nos et hanc Apostolicam Sedem exci-
tare, ac civilem nostrum et ipsius Sedis principatum oppugnare,
et nequissimis catbolicae Ecclesise ejusdemque Sedis hostibus
omni opéra sludioque impudenter favere. Qui ecclesiastici viri
a suis antistitibus, et a nobis, atque ab hac Sancta Sede desci-
scentes, et Subalpini giibernii ejusque magistratuum favore et
auxilio freti, eo temeritatis devenerunt, ut, ecclcsiasticis censu-
ris et pœnis plane spretis, minime extimuerint quasdam omnino
improbandas Socielates Clerico-liberali, Di mutuo soccorso, Eman-
cipatrice del clero italiano vulgo appellatas, aliasque eodem pravo
spiritu animatas, constituere, et quamvis a propriis antistitibus
merito interdicti a sacro ministerio obeundo, tamen minime
pavent illud, veluti intrusi, in phiribus templis perpcram et
illicite exercere. Quapropter et commemoratas detestando socie-
tates, etimprobam eorumdem ecclesiasticorum hominum agendi
rationem reprobamus, damnamus. Atque eodem tempore hos
infelices ecclesiasticos viros etiam atque etiam monemus, horta-
mur, ut resipiscant, et redeant ad cor propriœque salnti consu-
lant, serio considérantes, quod « nullum ab aliis magis prœju-
« dicium, quam a sacerdotibus tolérât Deus, quando eos, quos
« ad aliorum correctionem posuit. dare de se exempla pravita-
a tis cernit; » ac diligenter méditantes, districtam ante tribunal
Christi rationem aliquando esse reddendam. Faxit Deus, ut hi
miseri ecclesiastici homines, paternis nostrismonitis oblempe-
rant( s, velint nobis eam adhibere consolationem, quam nobis
afïerunt illi utriusque cleri viri, qui misera decepti et in errorem
(1) I Tim. VI, 9, 10.
« QUANTO CONFICIAMUR », 10 AOUT 1863 55
a coup de désirs inutiles et nuisibles qui plongent les liommes dans la
0 ruine et dans la perdition ; car la cupidité est la racine de tous les
€ maux; aussi quelques-uns en y cédant ont dévié de la foi et se sont
a engacés dans mille douleurs. »
Les hommes doivent assurément, chacun selon sa condition propre et
spéciale, travailler à se procurer les choses nécessaires à la vie, soit en
cultivant les lettres et les sciences, soit en exerçant les arts libéraux ou
professionnels, soit en remplissant des fonctions privées ou publiques,
soit en se livrant au commerce; mais il faut absolument qu'ils fassent
tout avec honnêteté, avec justice, avec probité, avec charité; qu'ils aient
toujours Dieu devant les yeux, et qu'ils observent avec le plus grand
soin ses commandements et ses préceptes.
Mais nous ne pouvons le dissimuler, nous éprouvons une amère dou-
leur de voir en Italie plusieurs membres de l'un et de l'autre clergé tel-
lement oublieux de leur sainte vocation, qu'ils ne rougissent pas de
répandre, même dans des écrits désastreux, de fausses doctrines, d'exciter
les esprits des peuples contre nous et contre ce Siège Apostolique, d'atta-
quer notre pouvoir temporel et celui du Saint-Siège, d'en favoriser impu-
demment, avec ardeur et toute espèce de moyens, les déloyaux ennemis,
lesquels sont aussi les ennemis de l'Eglise catholique. Ces ecclésiastiques
se détachent des évêques, de nous, de ce Saint-Siège, et forts de la protec-
tion et du secours du gouvernement picmontais et de ses administrateurs,
poussent la témérité jusqu'à oser établir, au mépris absolu des peines et
des censures ecclésiastiques, des sociétés tout h fait condamnables sous
les noms de œ clérico-libérales, de secours mutuel, d'émancipatrice du
a clergé italien », et d'autres encore, animées du même esprit pervers;
et, quoique les évêques leur aient justement interdit d'exercer leur
ministère sacré, ils ne tremblent pas, intrus qu'ils sont, d'en remplir
criminellement les fonctions dans plusieurs églises. C'est pounjuoi nous
réprouvons et nous condamnons et ces détestables sociétés et la conduite
coupable de ces ecclésiastiques. Nous avertissons en même temps, nous
exhortons de plus en plus ces malheureux de faire pénitence, de rentrer
en eux-mêmes, de veiller à leur salut, de réfléchir sérieusement que
« Dieu n'éprouve pas de plus giands déplaisirs qu'en voyant des
a prêtres, chargés de corriger les autres, donner eux-mêmes le mauvais
« exemple » ; enfin de méditer attentivement sur le compte rigoureux
qu'ils devront rendre un jour au tribunal du Christ. Plaise à Dieu,
qu'accueillant nos avertissements paternels, ces infortunés ecclésias-
tiques veuillent bien nous donncv la consolation que nous recevons des
56 letthe ExcYCLiQuii: de pie ix
inducti, ad nos in sinp:ulos dies confu.^^iunt pœnitenles, ac sup-
plie! prece errati veniam et a censuris ecclesiasticis absolutio-
nem huniiliter enixeque implorantes.
Oplinio autem noscitis, dilecti Filii noslri ac venerabiles Fra-
tres, impia omnis generis scripta e tenebris emissa, ac dolis,
mendaciis, calumniis et blasphemiis plena, et scholas acatholi-
cis magistris tradilas, et templa acatholico cultui deslinata, ac
multiplices alias diabolicas sane insidias, artes, conatiis, (]uibus
Dei hominumqtie hostes in misera Italia catholicam Fcclesiam,
si fieri unquani posset, funditus evertere, ac populos et impro-
vidam prœsertim juventutem quotidie magis depravare, cor-
rumpere, et ex omnium animis sanctissimam nostram fideni
religionemque radicitusextirpare connituntur. Itaque nibil dubi-
tamus, quin vos, dilecti Filii nostri ac venerabiles Fratres, con-
fortati in gratia Domini Nostri Jesu Christi, pro egregio vestro
episcopali zelo pergatis, ut adhuc cum maxima vestri nominis
laude fecistis, concordissimis animis et ingeminatis studiis con-
stanter opponere muruiii pro domo Israël, et certare bonum
certamen fidei, et ab adversariorum insidiis fidèles curae ve-
strœ commissos defendere, illosque assidue monere, et exhortari,
ut sanctissimam fidem, sine qua impossibile est placere Deo, et
quam a Ghristo Domino per Apostolos tenet ac docet catholica
Ecclesia, constantissime teneant, ac stabiles et immoti perma-
neant in divina nostra religione, quse una est vera œternamque
parât salutem, ac civilem etiam societatem vel maxime sospitat
atque fortunat.
Quapropter ne desinatis per parochos praesertim aliosque
ecclesiasticos viros vitœ integritate, morum gravitate, ac sana
solidaque doctrina spectatostum divini verbi preedicatione, tum
catechesi populos curae vestrœ tradilos veneranda augustae nostrae
religionismysteria, doctrinam, praecepta, disciplinamcontinenter
et ac-curate docere. Etenim apprime scitis, ingentem malorum
partem ex divinarum rerum, quae ad salutem necessariae sunt,
inscitia plerumque oriri, ac propterea probe intelligitis, oninem
curam, industriamque esse adbibendam, ut hujusmodi malum
a populis depellatur.
Antequam vero huic nostrae epistolae finem faciamus, nobis
temperare non possumus, quin méritas Italiae clero laudes tri-
buamus, qui ex parte longe maxima nobis et huic Pétri oalhedrae
ac suis antistitibus ex animo adhœrens, a recta via minime de-
clinavit, sed illustria suorum antistitum exempla sequens, et
asperrima quœque palientissime perferens, munere suo egregie
perfungitur. Ea profecto spe nitimur fore, ut clerus idem, divina
auxiliante gratia, digne ambulans vocatione qua vocatus est.
« QUANTO CONFlCIAMUn », 10 AOIIT 1SG3 57
nieiiibrcs dos doux clergés, lorsque, inallieurcusement trompés et induits
eu eri'eur, ils icvionueut ù nous cliaquo jour pleins de repentir, implo-
rant ardemment et d'une voix su|)plianle le pardon de leur égarement
et l'absolution des censures ecclésiastiques.
Vous le savez parfaitement, Fils chéris et vénérables Frères, tous les
genres d'écrits impies sont sortis des ténèbres, remplis d'hypocrisies, de
mensonges, de calomnies, de blasphèmes; des écoles sont confiées à des
maîtres non calholiques; des temples sont destinés aux cultes étrangers.
Vous savez le giand nombre des autres artifices vraiment sataniques, les
ruses et les eilorts qu'emploient ces ennemis de Dieu et des hommes,
dans la malheureuse Italie, pour y renverser de fond en comble l'Eglise
catholique, si jamais ils le pouvaient, pour dépraver, pour corrompre
chaque jour davantage les peuples, et spécialement la jeunesse, pour
arracher de tous les cœurs notre foi et notre religion sainte.
Aussi, nous n'en doutons pas, Fils chéris et vénérables Frères, forti-
fiés par la grâce de iNotre- Seigneur Jésus-Christ, et sous la noble inspi-
ration de voire zèle épiscopal, vous continuerez, comme vous l'avez fait
jusqu'ici, à la gloire de votre nom, de vous opposer constamment, d'un
commun accord et avec un redoublement d'ardeur, comme un mur
autour de la maison d'Israël, de combattre le bon combat de la foi, de
préserver des embûches des ennemis les fidèles confiés à votre sur-
veillance, de les avertir, de les exhorter sans relâche à conserver avec
constance cette sainte foi sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu,
que l'Eglise catholique a reçue de Jésus-Christ par l'intermédiaire des
Apôtres et qu'elle continue d'enseigner, à rester fermes et inébranlables
dans notre divine religion, la seule vraie, la seule qui prépare le salut
éternel, celle enfin qui assure à un si haut point la paix et le bonheur
de la société temporelle.
Ne cessez donc, surtout par le ministère des curés et des autres ecclé-
siastiques que recommandent l'intégrité de leur vie, la gravité de leurs
mœurs, une doctrine saine et solide, de prêcher, de catéchiser les peuples
commis à votre sollicitude, de leur enseigner continuellement et avec
soin les mystères, la doctrine, les préceptes et la discipline de notre
auguste religion. Car vous le savez très bien : une grande partie des
maux vient ordinairement de l'ignorance des vérités divines nécessaires
au salut, et, par conséquent, vous comprenez parfaitement qu'on ne doit
négliger ni soins, ni efforts pour éloigner des peuples un tel malheur.
Avant de terminer cette lettre, nous ne pouvons nous abstenir de don-
ner des éloges mérités au clergé d'Italie ; car, pour l'immense majorité,
il demeure attaché à cette chaire de Pierre, à nous, à ses prélats ; jamais
il n'a abandonné le droit chemin, mais, suivant les illustres exemples de
ses évèques, et souffrant toutes sortes d'épreuves avec la plus grande
patience, il remplit admirablement son devoir.
Kous espérons certainement (ju'-ivcc l'aide du secours divin, ce même
58 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
splcnrliilior.'x suce pietatis ac virtutis speeimina exhibere semper
contoiidat.
Debiti) quoque laudnm prœconio prosequimur tôt virs^ines
Deo sacras, quœ a propriis monasteriis violenter exturlialie, ac
suis redilijjus spoliatoe, et ad mendiritatom redact8e,hand lamen
fregcrunt fidem quani Sponso dedeiunt; sed omni constantia
trislissimam suam conditiouem tolérantes, non cessant diurnis
nocturnisque precibus levare manus suas in sancta, Deiim pro
omnium et suorum etiani persecutorum sainte obsecrantes, et
misericordiam a Domino patienter expectantes.
Meritis etiam laudibus Italiœ populos ornare gaudemus, qui
catholicis sensibus egregie animati tôt impias contra Kcciesiam
molitiones detestantur, et filiali nos et hanc sanctam Sedem ac
suos antistites pietate, observantia, et obedientiaprosequi vehe-
menter gloriantur, quique gravissimis licet diflicultatibus ac
periculis prœpediti, singularis sui erga nos amoris studiique
signilicationes modis omnibus quotidie exhibere, et maximas
nostras et Apostolicoe hujus Sedis augustias tum collatitia pe-
cunia, tum aliis largitionilius sublevare non desistunt.
In tantis autem acerbitatibus tantaque contra Ecclesiam exci-
tata tempestate, ne despondeamus unquam animum dilecti Filii
nostri ac venerabilesFratres, cum et consilium nostrum et forti-
tudo sit Christus, ac sine quo nibil possumus, per ipsum cuncta
possumus; qui confirmans praedicatores Evangelii et Sacramen-
toruin ministros, « Ecce ego, inquit, vobiscum sum omnibus
« diebus usque ad consummationem saeculi (l), » et cum certo
sciamus, inf'eri portas nunquam esse précvalituras adversus
Ecclesiam, quae semper stetit stabitqiie immota^ custode et vin-
dice Christo Jesu Domino nostro, qui eam sedificavit, et qui fuit
« heri, et hodie, ipso et in sœcula (2j. »
?se desinamus autem, dilecti Filii nostri ac venerabiles Fratres,
ardentiore usque studio in humilitate cordis nostri orationes et
postulationesDeo perJesum Ghrislum dies noctcsque ofîerre, ut,
hac turbulentissima tempestate depulsa Ecclesia sua sancta a
tantis calamitatibus respiret, et ubique terrarum optatissima
pace ac libertate fruatur, et novos ac splendidiores de suis ini-
micis agat triumphos, utque omnes errantes divinre suœ gratiae
lumine perfusi, ab erroris via ad veritatisjustitiœque iter rever-
tantur, ac dignum pœnitentiœ fruclum facientes, perpetuum
sancti sui nominis amorem et timorem habeant. Ut autem dives
in misericordia Deus ferventissimis nostris precibus facilius
annuat, invocemus potentissimum immaculatse sanctissimœque
(1) Mntt., xxviii, 20. — (-2) Ileb., xui, 8.
■ QUANTO CÛNFIGIAMIJK », 10 AOUT 1863 59
clergé correspondra dignement à la grâce de sa vocation, et s'appliquera
à donner des preuves de plus en plus éclatantes de sa piété et de sa vertu.
Eloges également mérités à tant de vierges consacrées à Dieu : arra-
chées violemment de leurs monastères, dépouillées de leurs revenus et
réduites à la mendicité, elles n'ont pas pour cela renié la loi qu'elles
avaient jurée à l'Epoux; mais supportant avec toute la constance possible
leur condition déplorable, elles ne cessent ni la nuit ni le jour de lever
au ciel leurs mains suppliantes, de prier Dieu pour le salut de tous, de
leurs persécuteurs mêmes, et d'attendre patiemment la miséricorde du
Seigneur.
Nous sommes heureux de donner aussi les louanges qu'ils méritent
aux peuples d'Italie : admirablement animés de sentiments catholiques,
ils détestent tant d'impies manœuvres dirigées contre l'Eglise, ils se font
une gloire suprême de payer un tribut de piété filiale, de respect et
dobéissance à ce Saint-Siège, à nous et à leurs évêques ; bien qu'empê-
chés par des difficultés et des périls très sérieux, ils ne laissent pas néan-
moins de manifester journellement, de toutes les manières, l'amour et le
dévouement incomparables qu'ils ont -pour nous, d'alléger, soit par les
dons recueillis de toutes parts, soit par d'autres offrandes, le poids acca-
blant de gène où nous nous trouvons et où se trouve le Siège Apostolique.
Au milieu de tant d'amertumes, au sein de la tempête violemment
déchaînée contre l'Eglise, ne perdons jamais courage, fils chéris et véné-
rables Frères. Le Christ n esi-n pas noue conseil et notre force ? Sans lui
nous ne pouvons rien, mais par lui nous pouvons tout; car en affermis-
sant les prédicateurs de l'Evangile et les ministres des sacrements :
« Voici, dit-il. que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consom-
mation des siècles. » Ne savons-nous pas positivement aussi que les
portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre l'Eglise? Elle a toujours
été, toujours elle sera immuable sous la garde et sous la protection de
Jésus-Christ Notre Seigneur qui l'a édifiée, qui était « hier, qui est
« aujourd'hui et qui sera aussi dans les siècles. »
Ne cessons pas, cependant, Fils chéris et vénérables Frères, d'offrir
jour et nuit, avec un zèle toujours plus ardent et dans l'humilité de notre
cœur, des supplications et des prières : demandons à Dieu, par l'entre-
mise de Jésus-Christ, de dissiper cet affreux ouragan, de faire que sa
sainte Eglise respire après tant de calamités, qu'elle jouisse dans tout
l'univers de la paix et de la liberté, objet de tous nos vœux, qu'elle rem-
porte sur ses ennemis de nouveaux et d'éclatants triomphes ; demandons
que ceux qui sont égarés, soient tous éclairés par la divine lumière de la
grâce, reviennent de l'erreur au chemin de la vérité et delà justice, qu'ils
produisent de dignes fruits de pénitence, qu'ils aient éternellement la
crainte et l'amour du saint nom de Dieu.
Et pour obtenir que dans son immense miséricorde Dieu exauce plus
facilement nos ardentes prières, invoquons le patronage puissant de riqi-
GO LETTHE ENCYCLIQUE DE l'IE IX
Dei Genitricis Virp:inis Mariœ patrocinium, ac sulîragia pelamus
sanctonim Apostolorum Pétri et l'auli, omniiimque bealorum
cœlitum, ut validis suis apud Deum deprecationibus implorent
omnibus misericordiam et gratiam in auxilio opportuno et
omnes calamitates et pericula, quibus Ecclesia ubique ac potis-
simum in Italia afdigitur, potenter avertant.
Denique certissimum singularis nostr.ne in vos benevolentiœ
pignus, apostolicam benedictionem ex inlimo corde profectam
vobis ipsis, dilecti Filii nostri ac vencrabiles Fratres, et gregi
curœ vestrre commisse peramanter impertimur.
Datum Romœ apud S. P<^trum die x Augusti anno mdccclxiii,
pontificatus nostri anno decimo octavo.
Plus PP IX.
a QUANTO GONFIGIAMUR », 10 AOUT 1863 61
maculée et très sainte vierge Marie, mère de Dieu ; réclamons aussi les
suffrages des apùtres Pierre et Paul, et de tous les bienheureux habitants
des cieux. Aii! que, par leurs supplications puissantes auprès de Dieu,
ils implorent i)our tous la miséricorde et la grâce en temps opportun,
qu'ils éloignent efficacement toutes les calamités, tous les périls dont
l'Eglise est atlligée partout, et spécialement en Italie.
Enfin, comme un témoignage indubitable de notre bienveillance parti-
culière envers vous, nous donnons afTectucusement et du fond du cœur,
la bénédiction apostolique à vous-mêmes, Fils chéris et vénérables Frères,
ainsi qu'au troupeau confié à vos soins.
Donné à Pionic, près Saiat-Picrre, le 10« jour d'août de Tannée 1863,
la 18« de notre pontificat,
PIE IX, PAPE.
SS. PII pp. IX
EPISTOLA APOSTOLICA
Plus PP. IX
AD PERPETUAM REI MEMOllIAU
Cum catholica Ecclesia a Christo Domino fundata et instituta,
ad sempiternam bominum salutem curandam perfectœ societa-
tis formam vi divinse suse institutionis obtinuerit, ea proinde
libertate pollere débet, ut in sacro suc ministerio obeundo nulli
civili potestati subjaceat. Et quoniam ad libère, ut par erat,
agendum, iis indigebat prf»«idiis ausp. t.emporum conditioni ac
necessitati congruerent; idcirco singuiari prorsus divinse Provi-
dentiœ consilio factum est, ut cum ilomanum corruit imperium
et in phira fuit régna divisum, Romanus Pontifex, quem Chi'i-
stus totius Ecclesiae suae caput centrumque constituit, civilem
assequeretur principatum. Quo sane a Deo ipso sapientissime
consultum est, ut in tanta temporalium principum multitudine
ac varietate summus Pontifex illa frueretur politica libertate,
quae tantopere necessaria est ad spirilualem suam potestatem,
auctoritatem et jurisdictionem toto orbe absque ullo impedi-
mento exercendam. Atque ita plane decebat, ne catholico orbi
ulla onretur occasio dubitandi, impuisu fortasse civilium pote-
statum, vel partium studio duci quandoque posse in universali
procuratione gerenda Sedem illam, ad quam propter potiorem
principal itatem necesse est omnem Ecclesiam convenire (1).
Facile autem intelligitur, quemadmodum ejusmodi Romanae
Ecclesiœprincipatus, licetsuapsenatura temporalem rem sapiat,
spiritualem tamen induat indolem vi sacrse, quam habet, desti-
nalionis, et arctissimi illius vinculi quo cum maximis rei Chri-
slianœ rationibusconjungitur. Quud tamen nil impedit,quominus
(1) S. Iren. cont. Ikti-. lib. ui, cap. 3.
LETTRE APOSTOLIQUE
DE SA SAINTETÉ PIE IX
PIE IX PAPE,
POUR EN PERPÉTOEU LA MÉMOir.E
Fondée et instituée par le Christ" Notie-Seigneur pour procurer le salut
éternel des hommes, l'Eglise catholique a obtenu en vertu de sa divine
institution, la forme d"une société parfaite; aussi doit-elle jouir de la
liberté, et, dans racconiplissement de son ministère sacré, n"ctre soumise
à aucun pouvoir civil. Pour agir librement, ainsi qu'il était juste, elle
avait besoin de secours en rapport avec la condition et la nécessité des
temps; c'est donc par un décret particulier de la divine Providence que,
lors de la clnite de l'empire romain et de sa division en plusieurs
rojaumes, le Pontife de Rome, établi par le Christ, chef et centre de
toute son Eglise, a acquis le pouvoir temporel. Ainsi la divine sagesse a
voulu qu'au milieu de tant de princes si di'férents, le souverain Pontife
jouisse de cette liberté politique qui lui est si nécessaire pour exercer
sans obstacle, dans tout l'univers, son pouvoir spirituel, son autorité et
sa juridiction. Car il convenait assurément que le monde catholique
n'eût aucune occasion de soupçonner que l'impulsion des pouvoirs civils,
ou la partialité à l'égard de quelques-uns, pût agir sur les déterminations
de ce Siège, auquel i il est nécessaire que se rattache toute l'Eglise à
cause de son autorité supérieure ».
Or il est facile de comprendre de quelle façon ce pouvoir de l'Eglise
romaine, quoique temporel de sa nature, revêt cependant un caractère
spirituel; c'est en vertu de sa destination sacrée et de ce lien étroit qui
le rattache aux intérêts les plus grands du Christianisme. Rien n'ein-
6'l LETTRE APOSTOLIQUE DE PIE IX
ea omnia rjuœ ad temporalem quoque populorum felicitatem
condiicunt porPici queant, quemadmodum ge.sti a ]{omanis
Ponlificibus per tôt sœcula civilis regiminis historia luculen-
tissinie testatur.
Ciim porro ad Ecclesiae bonum et utilitatem respiciat prin-
cipatus, de quo loquimur, mirum non est quod Ecclesifo ipsius
hostes persœpe illum convellerc et labefactare multiplici insi-
diarum et conatuum génère contenderint : in quo tamen nefa-ria
• illorum molimina, Deo Ecclesiam suam jugiter adjuvante, in
irritum serius ocius ceciderunt.
Jam vero novit universus orbis quomodo luctuosis hisce
temporibus infestissimi Gatholicœ Ecclesiaî et hujus Apostolicae
Sedis osores abominabiles facti in stiirliis suis (1), ac loquentcs in
hf/pocrisi mendacium (2), banc ipsain Sedem, proculcalis divinis
hiimanisque juiibus civili, quo potitur, principatu spoliare
nequiter adnitantur, idque assequi studeant non manifesta
quidem, ut alias, agressione armorumque vi, sed falsis œque
acperniciosis principiis callide inductis, ac popularibus motibus
malitiose excitatis. Neque enim erubesçunt nefandam populis
^ suadererebellionem contra legitimos principes, quœ ab Apostolo
^clare aperteque damnatur ita docente : « Omnis anima potes-
« tatibus sublimioribus subdita sit. Non est enim potestas nisi a
« Deo : quse autem sunt, a Deo ordinatae sunt Itaque qui resistit
« potestali, Dei ordinationi resistit. Qui autem resistunt, ipsi sibi
« damnationem acquirunt (3). » Dum vero pessimi istiusmodi
veteratores temporalem Ecclesiae dominationem aggrediuntur
ejusque venerandam auctoritatem despiciunt, eo impudentiae
deveniunt, ut suam in Ecclesiam ipsam reverentiam etobsequium
palam jactare non desinant. Atque illud vel maxime dolendum,
quod tam prava agendi ratione sese polluerit non nemo etiam ex
iis qui, uli Gatholicœ Ecclesiae filii, in ipsius tutelam atque prae-
sidium impendere debent auctoritatem quae in subjectos sibi po-
pulos potiuntur.
In subdolis ac perversis, quas lamentamur, machinationibus
prœcipuam habet partem Subalpinum gubernium, aquopridem
omnes norunt quanta et quam deploranda eo in regno damna
ac detrimenta Ecclesiae ejusque juribus sacrisque ministris fue-
rint illata, de quibus in consistoriali potissimum Allocutions
die XVII Januarii mdccclv habita vehementer doluimus. Post
despectas hactenus nostras ea de re justissimas reclamationes
gubernium ipsum eo temeritatis modo progressum est, ut ab
(1) Ps. xni, 1. — (2) 1 Tiin., iv, 2. — (3) S. Paul., Ep. ad Uom ,
c. xiii, V. 1, et SCI].
« CUM CATHOLICA », 26 MARS 1860 (j5
pêche ccpciidnnt de perfection lier les moyens qui conduisent à la féli-
cité même ten)|iorelIe des peuples; riiisloirc du gouvernement ponllfica]
pendant tant de siècles en est un éclatant témoignage.
Le pouvoir dont nous parlons ayant pour objet le bien et l'utilité de
l'Eglise, il n"e>î j)as étonnant que les emiemis de cette Eglise aient eu
si souvent recours aux perfidies et aux tentatives de tout genre pour
essayer de rébranler, de le détruire même. Mais, grâce aux secours que
Dieu donne constamment à cette Eglise, ces manœuvres criminelles ont
échoué tôt ou tard.
L'univers entier sait aujourd'hui comment, en ces temps douloureux
les plus acliarnés ennemis de l'Eglise catliolique et du Saint-Siège,
« devenus abominables dans leurs desseins et menteurs hypocrites, u
s'efTorcent criminellement, en foulant aux pieds les droits divins et
humains, de dépouiller ce Siège du pouvoir civil qu'il possède; ils cher-
chent à atteindre ce but, non plus comme d'autres fois, par une attaque
à découvert et par la force des armes, mais en répandant avec adresse de
faux et pernicieux principes, en excitant perfidement des mouvements
populaires. En efîet, ils ne rougissent pas de conseiller aux peuples une
rébellion coupable contre les princes légitimes, rébellion que l'Apôtre
condamne clairement et ouvertement en ces termes : « Que toute âme
« soit soumise aux puissances supérieures. Car il n'y a point de puls-
« sauce qui ne vienne de Dieu, et celles qui existent ont été établies par
« Dieu. Celui donc qui résiste à la puissance résiste à Tordre Je Dieu, et
« ceux qui y résistent attirent la condamnation sur eux-mêmes. » En
attaquant la domination temporelle de l'Eglise, en méprisant cette auto-
rité vénérable, ces imposteurs odieux sont assez impudents pour ne cesser
de vanter publiquement leur respect et leur soumission à l'égard de cette
même Eglise. Et, ce qu'il y a de plus déplorable, c'est qu'on ne saurait
dire que cette conduite coupable n'ait pas souillé quelqu'un de ceu.x mêmes
qui, en qualité de fils de 1 Eglise catholique, doivent employer à la secou-
rir et à la |)rotéger, l'autorité qu'ils possèdent sur les peuples qui leur
sont soumis.
A CCS manœuvres, perfides et perverses, a pris la principale part le
gouvernement piémontais. Tous savent combien de coups déplorables
ont été portés dans ce royaume, à l'Eglise, à ses droits et à ses ministres ;
imus nous en sommes déjà plaint vivement dans notre Allocution du
22 janvier 18o5. Après avoir méprisé nos plus justes réclamations, ce
même gouvernement a poussé l'audace jusqu'à ne pas craindre datla-
no LETTRE APOSTOLIQUE DE l'iE IX
irroganda universali Elcclesiae injuria minime abstinuerit, civi-
lem im|)et(Mi.s principatum, que Ueiis liane lî. Potri Sedem
instnictam voluit ad apostolici minislorii libertatem, uti ani-
madverlimus, tuondam alque servandam. Primum sane ex mani-
festis aggrcssionis indiciis prodiil (•uni in Parisiensi convenlu,
anno muccclvi acte, ex parte ejusdem Subalpini gubernii, inter
hostiles nonnullas expositiones, speciosa ([n;edam ratio propo-
sita fuit ad civile Romani Pontilicis dominiuin inliniiandum, et
ad ipsius Sanctocque hujus Sedis auctoritatem imminuendam.
Ubi vero superiore anno Italicum exarsit bellum inter Austrias
imperatorem et fœderatos invicem imperatorem (/alliarum ac
Sardinise regem, nihil fraudis, nihil sceleris prœtermissum est,
ut Pontificiaî nostrœ ditionis populi ad nefariam defectionem
modis omnibus impellerentur. Hinc instigatores missi, pecunia
largiter efïusa, arma suppeditata, incitamenta pravis scriptis et
ephemeridis admota, et omne fraudum genus adhibitum vel ab
illis, qui ejusdem gubernii legatione Romce fungentes, nulla
habita gentium juris honestatisque ratione. proprio munere per-
peram abutebantur ab tenebricosas molitiones in pontificii
nostri gubernii perniciem agendas.
Oborta deinde in nonnullis ditionis nostrœ provinciis, quse
dudum occulte comparata fuerat, seditione, illico per fautores
regia dictatura proclamata est. stalimque a Subalpino gubernio
commissarii adiecti, qui alio etiam nomine posteaappellati pro-
vincias illas regendas sumerent. Uum hicc agerentur, nos gra-
vissimi ofticii nostri memores non prœtermisimus binis nostris
Allocutionibus die xx junii et xxvi septembris superiore anno
habitis de violato civili hujusce S. Sedis principatu altissime
conqueri simulque violatores série monere de censurisacpœnis
per canonicas sanctiones inflictis, in quas ipsi proinde misère
inciderant. Existimandum porro erat, patratœ violationis aucto-
res per iteratas nostras monitiones acquerelas ab iniquopropo-
sito destitutos ; praBsertimcumuniversiCatholiciorbis sacrorum
antistites, et fidèles cujusque ordinis, dignitatis, et conditionis
eorumcurœcommissi, suas nostris expostulationibusadjungentes
unanimi alacritate nobiscum hujus Apostolicse Sedis, et univer-
salis Ecclesise justitiœque causam propugnandam susceperint,
cum optime intelligerent, quantopere civilis, dequoagitur, prin-
cipatus, ad liberam supremi pontilicatus jurisdictionem inlersit.
Verum (horrescentes dicimus !) Subalpinum gubernium non
solum nostra monita, querelas, et ecclesiasticas pœnas con-
tempsit, sed etiam in sua persistons improbitate, populari suf-
fragio pecuniis, minis aliisque callidis urtibus contra omne jus
extorto, minime dubitavit commemoratas nostras provincias
« CUM CATHOLICA », 26 MAHS I8G0 G 1
qucr les Jroits de l'Eglise universelle eile-niômc, en cliciTiiant à renver-
ser le pouvoir civil que Dieu a voulu joindre au Siège du bienheureux
Pierre, pour protéger et conserver, comme nous Tavons dit, la liberté
du ministère apostolique. Le premier indice manifeste de cette agression
s'est révélé au congrès de Paris, en lSo6, lorsque, entre autres proposi-
tions hostiles, le gouvernement piémontais présenta un moyen spécieux
d'amoindrir le domaine civil du Pontife romain, et de diminuer l'auto-
rité de ce Pontife et du Saint-Siège. Mais lorsque l'année dernière, la
guerre d'Italie éclata entre l'empereur d'Autriche et l'empereur des
Français allié au roi de Sardaigne, aucune fraude, aucun crime n'a été
épargné pour pousser de toute manière à une révolte criminelle les
peuples de notre domination pontificale. De là, des émissaires envoyés,
de l'argent largement répandu, des armes fournies, des excitations au
moyen de brochures et de journaux corrompus, toutes sortes de fraudes
employées, même par ceux qui se trouvaient à Rome en qualité d'am-
bassadeurs de ce royaume; sans tenir compte ni du droit des gens, ni de
l'honneur, ils abusaient indignement de leur position pour former de
ténébreux desseins contre notre gouvernement pontifical.
Ensuite, lorsque la sédition préparée de longue main et en secret, eut
éclaté dans quelques provinces de notre domination, aussitôt des affidés
proclamèrent la dictature royale, et des commissaires, appelés plus tard
d'un autre nom, furent choisis par le gouvernement piémontais pour
administrer ces provinces. Pendant que ces choses se passaient, attentif
aux graves devoirs de notre charge, nous n'avons pas manqué, dans nos
deux Allocutions, du iO juin et du 26 septembre de l'année dernière, de
nous plaindre hautement des atteintes portées au pouvoir civil de ce
Saint-Siège, et d'avertir en même temps les coupables des censures et
des peines canoniques qu'ils avaient malheureusement encourues. On
devait espérer que les auteurs de ces violences seraient détournés de
leurs criminels projets par nos avertissements et par nos plaintes réité-
rées, surtout en voyant les évêques de tout l'univers catholique, et les
fidèles de tout ordre, de toute dignité, de toute condition, confiés à leur
soin, joindre leurs protestations aux nôtres pour défendre unanimement
et courageusement la cause de ce Siège Apostolique, de l'Eglise univer-
selle et de la justice : car tous comprenaient très bien de quelle impor-
tance est le pouvoir civil pour le libre exercice de la juridiction du
suprême Pontificat. Mais (nous le disons avec horreur !) non content de
mépriser nos avertissements, nos plaintes et nos peines ecclésiastiques,
le gouvernement piémontais persista dans sa perversité. En captant
contre tout droit le suffrage populaire au moyen de l'argent, des me-
naces, de la terreur et de toutes sortes de moyens perfides, il n'a pas
hésité à envahir les provinces de nos Etats dont nous venons de parler.
68 LETTRE APOSTOLIQUE DE l'ÏE IX
invadere. occupare, et in siiam potcstatem doniinationemque
redigei-e. Vcrba quidem desunt ad tantiun improbandum faci-
nus, in quo plura et maxima liabentur facinora. Grave namque
admillilur sacrilegium,qno una simul aliéna jnra contra natura-
lein divinanique legeni usurpantur, Dinnisjuslitiœ ratio subver-
titiir, et cujusquc civilis principatus ac totius humanœ societatis
fuiidamenta penitus evertuntur.
Cum igiturex una parte non sine inaximo animi nostri do-
lore inlelligamus, irritas futuras novasexpostuiationes apud eos
qui relut aspidcs siirdœ obturantes mires suas (1) nihil hiicusque
monitis ac questibus nostris commoti sunt ; ex altéra vero parte
intime sentiamus quid a nobis intanta reruin iniquitate omnino
postulet Ecclesise hujusque Apostolicœ Sedis ac totius Catliolici
orbiscausa^ improboruni hominum opéra tam vehementcroppu-
gnata, idcirco cavendum nobis est ne diutius cunctando gravis-
simi oflicii nostri muneri déesse videamur. Ko nempe adducta
res est, ut ilhistribus prœdecessorum nostrorum vestigiis inhae-
rentes suprema illa auctoritate utamur, qua cum solvere, tum
etiam ligare nobis divinitus datum est ; ut nimiruni débita in
sontesadhibeatur severitas. eaque salutari caeteris exemplo sit.
Itaque post divini Spiritus lumen privatis publicisque preci-
bus iniploratum, post adhil)itum selectiie VV.FF. NN. S. II. E.Car-
dinalium Congregationis consiiium, auctoritate omnipotentis Dei
et SS. Apostolorum Pétri et Pauli ac nostra denuo declaramus,
eos omnes qui nefariam in prœdictis Pontiliciae nostrœ ditionis
provinciis rebellionem et earum usurpationem, occupationcm,
^et invasionem et alia hujusmodi, de quibus in memoralis no-
stris Allocutionibus die xx Junii et xxvi Seplembris superioris
anni conquesti sumus, vel eorum aliqua perpetrarunt, itemque
ipsorum mandantes, fautores, adjutores, consiliarios, adhœ-
rentes vel alios quoscumque prœdictarum rerum executionem
quolibet preetextu et quo vis modo procurantes, vel per seipsos
exequentes, majorem excommunicationem, aliasque censuras
ac pœnas ecclesiasticas a sacris canonibus, apostolicis Constitu-
tionibus, et generalium conciliorum, Tridentini praesertim (2),
decretis inflictas incurrisse, et si opus est, de novo excommuni-
camus et anathematizamus; item déclarantes, ipsos omnium, et
quorumcumque privilegiorum, gratiarum, et indultorum sibi a
nobis seu Romanis Pontificibus prEedecessoribus nostris (]uomo-
dolibet concessorum amissionis pœnas eo ipso pariter incurrisse;
nec a censuris hujusmodi a quoquam, nisi a nobis, seu Ilomano
Pontilice pro tempore existente (prœterquam in mortis arliculo,
(1) Ps. LVii, 1. — (2' Sess. xxil, cap \i, De rcform.
€ CUM GATHOLICA », "26 MARS 1860 00
tle les occuper, de les réduire en son pouvoir et sous sa domination. Les
paroles nous manquent pour llélrir un si grand crime; il en renferme
plusieurs autres des plus considérables. C'est en elTct un énorme sacri-
lèije puisque cest à la fois violer les droits d'antrui au mépris des lois
divines et humaines, renverser toute justice, détruire complètement les
fondements mêmes sur lesquels s'appuient tout pouvoir civil et toute
société humaine.
Nous comprenons d'un côté, non sans une profonde affliction de cœur,
que de nouvelles démarches seraient inutiles auprès de ces hommes qui,
c bouchant leurs oreilles comme des aspics sourds, » n'ont été touchés,
jusqu'ici, d'aucun de nos avertissements, d'aucune de nos plaintes; nous
.sentons vivement, d'un autre côté, ce qu'en face de tant d'iniquités
demande de nous la cause de ce Siège .\postolique et de tout l'univers
catholique, si gravement attaquée par l'œuvre de ces hommes méchants,
et nous avons à craindre de manquer aux devoirs de notre redoutable
charge, si nous tardions davantage à agir ; car les choses en sont venues
au point que pour marcher sur les traces de nos illustres prédécesseurs,
nous devons nous servir de cette suprême autorité que Dieu nous a
donnée de lier aussi bien que de délier, et employer à l'égard des cou-
pables une sévérité qui soit d'un salutaire exemple pour les autres.
C'est pourquoi, après avoir imploré les lumières du Saint-Esprit par
des prières publiques et particulières, après avoir pris l'avis d'une con-
grégation spéciale de nos vénéiables frères les cardinaux de la sainte
Eglise romaine, par l'autorité de Dieu tout-puissant, par celle des saints
apôtres Pierre et Paul, et parla nôtre, nous déclarons que tous ceux qui
ont pris part à la rébellion, à l'usurpation, à l'occupation et à l'invasion
criminelle des provinces susdites de nos Etats, et aux actes de même
nature dont nous nous sommes plaint dans nos Allocutions du 20 juin
et du 26 septembre de l'année dernière ; de même leurs commettants,
fauteurs, aides, conseillers, adhérents, ou autres quelconques ayant
procuré sous quelque prétexte et de quelque manière que ce soit l'exécu-
tion des choses susdites, ou les ayant exécutées par eux-mêmes, ont
encouru l'excommunication majeure et autres censures et peines ecclé-
siastiques portées par les saints canons et les constitutions apostoliques,
par les décrets des conciles généraux et notamment du saint concile de
Trente, et au besoin nous les excommunions et anathématisons de nou-
veau. Nous les déclarons en même temps déchus de tous privilèges,
grâces et induits accordés, de quelque manière que ce soit, tant par
nous que par nos prédécesseurs. Nous voulons qu'ils ne puissent être
déliés ni absous de ces censures par personne autre que nous-même ou le
Pontife romain alors existant, excepté à l'article de la mort, et en cas de
70 LETTHE APOSTOLIQUE DE PIE IX
et tune ciiin reincidontia in easdenî censuras eo ipso qno conva-
luerint absolvi ac lihorari posse ; ac insuper inhabiles ot inca-
paccs esse, qui absolutionis benelicinni consequantur, donec
omnia quoniodolibet attentata publiée retractaverint, rovocave-
rint, cassaverint, et aboleverint, ac omnia in pristinuin statiim
plenarie et cum effcctu redintegraverint, vel alias dcbilam et
condignam Ecclesiœ ac nobis, et huic sanctœ Sedi satisfactionem
in procmissis prœstiterint. Idcirco iilos omnes etiam specialissima
mentione dignos, necnon illoruni successores in ofliciis a retra-
ctatione.revocatione, et abolitione omnium, ut supra, allentato-
rum perse ipsos facienda, vel alias débita et condigna Ecclesiic,
ac nobis, et dictœ Sanctaî Sedi satisfactione realiter et cum
efîectuin eisdem preemissis exhibenda, prœsentium Litterarum,
seu alio quocumque prœtextu, minine liberos et exemptos, sed
semper ad hœc obligatos fore et esse, ut absolutionis bene-
ficium obtinere valeant, earumdem tenore prœsentium decer-
nimus etpariter declaranius.
Dum autem hanc muneris nostri partem, tristi nos urgente
necessitate, mœrentes implemus, minime obliviscimur, nosmet-
ipsos illius hic in terris vicariam operam agere, qui non vult
« mortem peccatoris, sed ut convertatur et vivat » (1), quique
in mundum « venitquœrereetsalvum facere quod perieral » (2).
Quapropter in humilitate cordis nostri ferventissimis precibus
ipsius misericordiam sine intermissione imploramus et expo-
scimus.ut eos omnes, in quos ecclesiasticarum pœnarum severi-
tatem adhibere coacti sumus, divinœ suœ gratiœ lumine propi-
tius illustret,atque omnipotente sua virtute de perditionis via ad
salutis tramitem reducat.
Decernentes prœsentes litteras, et in eis contenta quœcumque,
etiam ex eo quod preefati, et alii quicumque in preemissis inter-
esse habentes, seu habere quoniodolibet praetendentes, cujusvis
status, gradus, ordinis, prseeminentiae, et dignitatis existant, seu
alias specifica etindividua mentione et expressione digni illis non
consenserint, nec ad ea vocati, citati et auditi, causœque, pro-
pterquas pressentes emanaverint, sufficienteradductae, verificatœ
non fuerint, aut ex alia qualibet causa, colore, prœtextu, et ca-
pite, nullo unquam tempore de subreptionis vel obreptionis, aut
nullitatis vitio, aut intentionis nostrae, vel interesse habentium
consensus, ac alio quocumque defectu notari, impugnari, in-
fringi, retractari, in controversiam vocari, aut ad terminos juris
reduci, seu adversus illas aperitionis oris, restitutionis in inte-
grum, aliudve quodcumque juris, facti vel gratiœ remedium in-
(1) Ezech., xxxui, 11. — (2) Luc, xi\, 10.
« CUM CATHOLICA », 26 MARS 1860 71
convalescence ils relonibent sous les censures; nous les déclarons entiè-
rement inciipables de recevoir Tabsolution jusqu'à ce qu'ils aient publi-
quement rétracté, révoqué, cassé et annulé tous leurs attentats, qu'ils
aient pleinement et effectivement rétabli toutes choses dans leur ancien
élat. et qu'au préalable ils aient satisfait, par une pénitence propor-
tionnée à leurs crimes, à l'Eglise, au Saint-Siège et à nous. C'est pour-
quoi nous statuons et déclarons, par la teneur des présentes, que tous
les coupables, ceux mêmes qui sont dignes d'une mention spéciale, et que
leurs successeurs aux places qu'ils occupent ne pourront jamais, en vertu
des présentes ni de quelque prétexte que ce soit, se croire exempts et
dispensés de rétracter, révoquer, casser et annuler, par eux-mêmes,
tous ces attentats, ni de satisfaire réellement et efTcctivement, au préa-
lable et comme il convient, à l'Eglise, nu Saint-Siège et à nous; nous
voulons au contraire que, pour le présent et l'avenir, ils y soient tou-
jours obligés alin de pouvoir obtenir le bienfait de l'absolution.
Mais tandis que, pressé par une urgente nécessité, nous remplissons
avec affliction cette partie de notre charge, nous ne pouvons oublier que
nous tenons sur la terre la place de celui qui « ne veut pas la mort du
pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive », et qui est venu dans
le monde « pour chercher et sauver ce qui était perdu ». Aussi, dans
l'humilité de notre cœur, nous implorons la miséricorde divine, nous
demandons par de très ardentes prières que Dieu veuille bien éclairer
de la lumière de sa grâce ceux contre qui nous avons été obligé d'em-
ployer la sévérité des peines ecclésiastiques, et de les ramener par sa
toute-puissance de la voie de perdition dans le sentier du salut.
IVous voulons que les présentes lettres apostoliques et ce qu'elles ren-
ferment ne puissent être attaqués sous le prétexte que ceux qui y sont
désignés et tous ceux qui ont ou prétendent avoir intérêt au contenu
desdites lettres, de quelque état, grade, ordre, prééminence et dignités
qu'ils soient, quelque dignes qu'on les suppose d'une mention expresse
et personnelle, n'y ont pas consenti, qu'ils n'ont pas été appelés, cités et
entendus à l'eflet des piésentcs, et que leurs raisons n'ont point été pré-
sentées, discutées et vérifiées. Ces mêmes lettres ne pourront pas non
plus, et sous aucun prétexte, couleur ou motif, être considérées comme
entachées du vice de subreption, d'obreption, de nullité ou du défaut
d'intention de notre part ou de la part de ceux qui y ont intérêt. Le
contenu de ces lettres ne pourra non plus, sous prétexte de tout autre
défaut, être attaqué, atteint, relouché, remis en discussion ou restreint
dans les termes de droit. 11 ne sera allégué contre elles ni le droit de
réclamation verbale, ni celui de restitution dans l'entier état précédent,
i2 LETTRE APOSTOLIQUE DE PIE IX
tenlari, vel impetrari, aut impctrato, seu etiam motu, scienliaet
pote.slalis ]»leniludine paribus concesso et emanato, quempiani
in judicio, vel extra illud uli, sou juvari ullo modo posse : sed
ipsas présentes litteras semper lirmas, validas, et eflicaces exi-
slere et fore, suosque plenarios et inlegros elTectus sortir! et ob-
tinere, ac ab illis, ad quos spectat, et pro tempore quandocuni-
que spectabit inviolabiliter et inconrusse observari : siccjue et
non aliter in prœmissis pcr quoscunique jiidices ordinarios et
dologatos, etiam causarum palatii npostolici auditores, et S. R.
E. Cardinales, etiam de latere Legatos, et Sedis prœdictae nun-
tios, aliosve quoslibet quoctimque praeeminentia et potestate
fungenles et functuros, sublata eis, et eorum cuilibet quavis ali-
ter judicandi et interprclandi facultate et auctoritate, judicari et
detiniri debere, ac irritum et inane, si sccus super bis a quo(]uam
quavis auctoritate, scienter, vel ignoranter contigerit attentari
Non obstantibus prœmissis, et quatcnus opus sit, nostra et
cancellariœ apostolicee régula de jure quœsito non tollendo,
aliisque constitutionibus et ordinationibus apostolicis, nec qui-
busvis etiam juramento, confirmatione apostolica, vel quavis
firmitate alla roboratis statutis, et consuetudinibus, ac usibus,
et stylis etiam immemorabilibus, privilegiis quoque, indultis et
Litteris Apostolicis prœdictis, aliisque quibuslibet personis etiam
quacumque ecclesiastica vel mundana dignitate fulgentibus, et
alias quomodolibet qualificatis et specialem expressionem requi-
rentibus sub quibuscumque verborum tenoribus et formis, ac
cum quibusvis etiam derogatoriarum derogatoriis, aliisque effi-
cacioribus, efficacissimis et insolitis clausulis, irritantibusque,
et aliis decretis, etiam motu, scientia, et potestatis plenitudine
similibus, et consistorialiter, et alias quomodolibet in contrarium
prœmissorum concessis. editis, factisac pluries iteratis et quan-
ti^icumque vicibus approbatis, confirmatis, et innovatis. Quibus
omnibus -et singulis. etiamsi pro illorum sufficienti derogatione,
de illis eorumque lotis tenoribus specialis, specifica, expressa, et
individua, ac de verbo ad verbum, non autem per clausulas gé-
nérales idem importantes, mentio, seu quœvis alia expressio
habenda, aut aliqua alia exquisita forma ad hoc servanda foret,
tenores hujusmodi, ac si de verbo ad verbum, nil penitus omisso,
et forma in illis tradita observata exprimerentur et insererentur,
prœsentibus pro plene et suflicienterexpressis et insertis haben-
tes. illis alias in suo robore permansuris, ad praemissorum eiïe-
ctum hac vice duntaxat specialiter, et expresse derogamus, et
dorogatum esse volumus, caeterisque contrariis quibuscumque
non obstantibus.
Cum autem eœdem preesentes litlerse ubique, ac prœsertim in
e CUM CATHOLICA », 26 MARS ISt'O 73
OU tout autre uioycn de droit, de fait ou de grAce. Jamais on ne pouna
leur opposer, ni en jugement, ni hors du jugement, aucun acte ou con-
cession émané de noli'e propre mouvement, science certaine et plein pou-
voir. Nous déclarons que lesdites lettres sont et demeurent fermes, valides
et durables; qu'elles auront et sortiront leur entier et plein etlet, et
toutes leurs dispositions doivent être inviolablement et l'igoureusement
observées pai- ceux qu'elles concernent et intéressent, ou qu'elles pourrotit
concerner et intéresser dans la suite. Ainsi nous ordonnons à tous juges
ordinaires ou délégués, aux auditeurs mêmes des causes de notre palais
apostolique, aux cardinaux de la sainte Eglise romaine, aux légats a latere,
aux nonces du Saint-Siège et à tous autres, de quelque prééminence et
pouvoir qu'ils soient ou seront revêtus, de s'y conformer dans leurs
décisions et leurs jugements, ôtant à toute personne le pouvoir et la
faculté de juger et d'interpréter autrement, et déclarons nul et invalide
tout ce qui serait fait au préjudice des présentes, avec connaissance de
cause ou par ignorance, et de quelque autorité qu'on ose se prévaloir.
Et autant qu'il en ^-st besoin, nonobstant ce qui j)récède et notre règle
et celle de la chancellerie apostolique sur la conservation du droit acquis
et toutes autres constitutmns et décrets apostoliques, nonobstant aussi
tous autres arrêtés, usages, coutumes, formules même immémoriales,
privilèges et induits confirmés par serment, par sanction apostolique ou
de tout autre manière ; nonobstant aussi les susdites lettres apostoliques,
tous les autres personnages, de quelque manière qu'ils soient qualifiés et
de quelque dignité ecclésiastique ou séculière qu'ilssoient l'evêtus, quand
bien même ils prétendraient avoir besoin d'une désignation expresse et
spéciale, qu'ils se prévaudraient de clauses dérogatoires et décisives,
insolites et irritantes, et qu'ils réclameraient en leur faveur des décrets
émanés du propre mouvement, de la science certaine et de la plénitude
de la puissance du Siège A;i~-*-ii!i«i:e. en consistoire et ailleurs;
nonobstant, enfin, toutes autres concessmns faites, publiées et renouve-
lées à rencontre des présentes, si souvent que ces concessions aient été
approuvées, confirmées et renouvelées, nous déclarons que nous déro-
geons par ces présentes, d'une façon expresse et spéciale et pour cette
fois seulement, à ces constitutions, clauses, coutumes, privilèges, induits
et actes quelconques, et nous entendons qu'il y soit dérogé, quoique ces
actes ou quelques-uns d'eux n'aient pas été insérés ou spécifiés expressé-
ment dans les présentes, quelque dignes qu'on les croie d'une mention
spéciale, expresse ou individuelle, ou d'une forme particulière dans leur
expression; voulant que les présentes aient la même foicc (|uc si la
teneur des constitutions à supprimer et celle des clauses spéciales à
observer y étaient nommément et mot ù mot exprimées, et qu'elles
obtiennent leur plein et entier effet, nonobstant toutes choses à ce con-
traires.
Comme il est de notoriété publique qu'on ne peut en sûreté répandre
'■i LETTRE APOSTOLIQUE DE PIE IX
locis in qtiihiis maxime opus esset, nequeant tute publicari, uti
notoric cnnslat, voiumus iilas, seu earum exempla ad valvas
ecclesiœ l.ateranensis, et basilicœ Principis Apostolorum nec
non Gancellarice Apostolicoe, Curiœqne Generaiis in monte Cita-
torio, et in acie Campi Florae de Urbe, ut moris est, aftigi et
publicari, sicque publicatas et affixas omnes et singulos, quos
illaî concernant, perinde arctare, ac si unicuique eorum nomi-
natim et personaliter intimatœ fuissent.
Voiumus autem ut earumdem litterarum transumptis, seu
exemplis, etiam impressis, manu alicujus notarii pubiici sub-
scriptis, et sigillo alicujus personœ in dignitate ecclesiastica
constitutœ munitis, eadcm prorsus fides ubique locorum et gen-
tium tam in judicio, qunm extra illud ubique adhibeatur, quce
adhiberetur ipsispra:?sentibus, ac si forent exbibitœ velostensLU.
Datum lloma apud S. Petrum sub annulo Piscatoris, die xxvi
Martii anno mdccclx, Pontificatus nostri anno decimo quarto.
Loco si°"illi.
Plus PP. IX
« CUM CATHOLICA », 26 MARS 1860 75
les présenles lettres partout, et principalement dans les lieux où il im-
porterait le plus qu'elles le fussent, nous voulons que des exemplaires en
soient, selon l'usage, publiés et aflicliés aux portes de l'Eglise de Latran
et de la basili(]ue du Prince des apôtres, de la chancellerie apostolique,
de la cour générale au mont Citorio, et à rentrée du Champ de Flore, et
qu'ainsi publiées et affichées, tous et chacun de ceux qu'elles concernent
aient à s'y conformer,- comme si elles leur eussent été intimées indivi-
duellement et nommément.
?\ous voulons que les copies manuscrites ou imprimées de ces lettres,
pourvu qu'elles soient signées par un notaire public et revêtues du sceau
de quelque personne constituée en dignité ecclésiastique, reçoivent dans
tous les pays du monde, tant en jugement que dehors, la même foi et la
même confiance que l'inspection même de la minute des présentes.
Donné à Uomc, près Saii'.t-Pierre, sous l'anneau du Pécheur, le
26 mar» ISGO, l'an XIV de notre Pontificat.
PIE IX, PAPE.
s. s. PII IX
EPISTOLA ENCYCLICA
Dilectis Filiis nostris S. R. E. Cardinalibus ac venerabilibus Fratri-
bus Archiepiscopis et Episcopis imiversœ imperialis ac rogiœ
Austriacœ cUtionis,
Plus PP. IX
DiLECTI FlLII NOSTRI ET VEXERABILES FhATRES
Salutem et apostolicam benedictionem.
Singulari* quidem animi nosiri gaudio cognoscimus, vos»
dilecti Filii nostri ac venerabiles. Fratres, nostris et carissimi
in Christo filii nostri Francisci Josephi Austriae imperatoris, et
régis Apostolici desideriis cuique veslrum uno fere eodemque
tempore significatis, quam libentissime obsequentes, pro egregia
vestra religione et pastoral! sollicitudine statuisse convonire in
istam imperialem et regiam Vindobonensem civitatem, quo ibi
inter vos colloqui et consilia conferre possetis, ut rite ea omnia
perliciantur, quœ a nobis cum eodem carissimo in Christo filio
nostro sancita sunt in Conventione, quam idem clarissimus et
religiosissimus princeps cum summa nostra consolatione et
immortali sui nominis gloria, ob Ecclesiœ jura vindicata bonis
omnibus praî Isetitia gestientibus, ineundam nobiscum curavit.
Itaque dum vobis, dilecti Filii nostri et venerabiles Fratres, vel
maxime gratulamur, quod in hoc habendo conventu insigne ac
perspectum vcstrum pro Ecclesia studium impense ostenditis,
nobis temperare non possumus, quin vos bac occasione pera-
manter alloquamur, et intimos vobis animi nostri sensus ape-
riamus, ex quibus majorem in modum intelligetis, quanta vos
et omnes amplissimi istius imperii tideles populos curas vestrœ
commissos benevolentia prosequamur.
Atque in primis quod attinet ad commemoratae Conventionis
exspcutionem, cum optime noscatis multos in illa esse articules
qui a vobis prœcipue sunt exsequendi,tum vehementer optamus,
ut quoad modum in eorumdem arliculorum exsecutione unam
eamdemque certam viam atque rationem habere velitis, ca
LETTRE ENCYCLIQUE
DE SA SAINTETÉ PIE IX
A nos Fils bien-aimés les Cardinaux, à nos vénérables Frères les Arche-
vêques et Evéques de tous les Etats impériaux et royaux d'Autriche,
PIE IX, PAPE.
Chers Fils et vénérables Frères,
Salut et bénédiction apostolique.
INous avons appris avec une joie et une satisfaction toute particulière,
Fils bien-aimés et vénérables Frères, qu'empressés de déférer aux vœux
exprimés presque au même moment à chacun de vous par nous-même et
par notre très cher fils en Jésus-Christ, l'empereur François-Joseph, vous
avez résolu, sous l'inspiration de la foi qui vous distingue et de votre
zèle pastoral, de vous réunir dans la ville impériale et royale de Vienne,
pour y discuter et y conférer entre vous, afin qu'on puisse mettre la
dernière main aux conventions arrêtées entre nous et ce fils très cher en
Jésus-Christ, dans le Concordat que cet illustre et religieux prince a eu
soin de conclure avec nous. Ce concordat nous comble de consolation ; il
fait l'immortelle gloire du prince, rend à l'Eglise ses droits usurpés et
ravit de joie tous les gens de bien. Or, en vous félicitant avec bonheur,
du zèle remarquable que vous faites éclater pour l'Eglise en tenant cette
assemblée, nous ne pouvons nous abstenir, Fils bien-aimés et vénérables
Frères, de profiter de cette circonstance pour vous parler avec amour,
vous montrer les sentiments intimes de notre cœur et vous faire ainsi
comprendre davantage combien est grande l'affection que nous avons
pour vous, et pour tous les peuples fidèles de ce vaste empire confiés à
vos soins.
Et d'abord pour ce qui regarde l'exécution du concordat précité, vous
n'ignorez pas qu'il renferme un grand nombre d'articles qui vous con-
cernent tout spécialement; mais nous désirons avec ardeur que pour la
manière de les accomplir, vous vouliez bien suivre la même voie, avoir
/8 LETTIŒ ENCYCLIQUE DE PIE IX
tanicn circunispectione seduio pnidenterque adiiibita, «jnam
varia diversarum latissimi Austriaci imperii provinci.irum
adjuncta postulare poterunt. Si quœ autem de aliciijus articuli
sensu dubitatio, vel diflîcullas oriatur^ quod non ferc arbi-
tr.'imur, gratissimum nobis erit iliam a vûbis ad nos deferri, ut,
coUatis inter nos et Caesarem Apostolicam Majestalem consiliis,
veluti in trigesimo quinto ejusdem Conventionis articulo cau-
tum est, opportunas declarationes dare possimus.
Jam vero ardentissima illa charitas, qua universum Domini-
cum gregem nobis ab ipso Christo Domino divinitusconimissum
compiectimur, et gravissimum Apostolici nnstri ministerii
mumis que omnium nationum et popuiorum salutem totis viri-
bus procurare debemus, urgent nos,dilecti Filii nostri acvcnera-
biies Fratres, ut eximiam vestram pietatem, virtutem et episco-
palem vigilantiam, majore qua possumus contentione etiam
atque etiam excitemus, ut alacriori usque zelo pergatis omnes
episcopalis vestri muneris partes diligentissime implere, ac
nullis neque curis, neque consiliis, neque laboribus unquam par-
cere, quibus sanctissimee fidei nostree depositum in vestris diœ-
cesibus integrum inviolatumque custodiatis, et vestri gregis
incolumitati consulentes, illum ab omnibus defendatis inimico-
rum hominum fraudibus et insidiis. Namque probe noscitis
nefarias multiplicesque artes ac molitiones, et monstrosaomnis
generis opinionum portenta, quibus callidissimi perversorum
dogmatum architecti improvidos prœsertim et imperitos a veri-
tatis et justitiae tramite avertere atque in errorem. exitiumque
inducere connituntur.
Neque ignoratis, dilecti Filii nostri ac venerabiles Fratres, in-
ter plurima et nunquam satis lugenda mala, quœ ecclesiasticam
et civilem societatem vel maxime perturbant atque divexant,
duo potissimum nunc eminere, quœ aliorum omnium quœdam
veluti origo non immerito videantur. Vobis enim apprime nota
sunt innumera et funestissima sane damna, quse in christianam
et civilem rem publicam ex putidissimo indiff'crentismi errore
redundant. Hinc enim omnia erga Deum^ in quo vivimus. move-
mur, et sumus, officia penitus neglecta ; hinc sanctissima reli-
gio plane posthabita, hinc omnis juris, justitiae virtutisque fun-
damenta concussa ac propemodum eversa.
A qua turpissima sane indilferentismi forma haud admodum
distat illud de religionum indifïerentia systema e tenebris eru-
ptum, quo homines a veritate alienati veraeque confessionis
adversarii suaeque salutis immemores et inter se pugnantia
docentes et nunquam stabilitam sententiam habentes, nuUum
inter diversas fidei professiones discrimen admittunt, et pacem
« SINGULARI QUIDEM », 17 MARS 1856 70
une même façon de les entendre. Ave/ soin loutetois de prendre avec
prudence toutes les précautions que pounont réclamer les usages dilTé-
renls des dilVérentes provinces du vaste empire d'Autriche. Si certains
articles présentent des doutes, si des diflîcullés surgissent, ce que nous
ne croyons pa^, il nous sera très agréable que vous nous en fassiez
part; nous en conférerons avec sa majesté impériale et apostolique, ainsi
qu'il a été prévu par l'article 35 de ce concordat, et nous pourrons
donner les décisions convenables.
Maintenant l'ardente charité qui nous fait embrasser dans un même
sentiment d'amour tout le troupeau du Seigneur, divinement confié à
notre sollicitude par Jésus-Christ lui-même, la charge redoutable du
ministère apostolique qui nous oblige à pourvoir de toutes nos forces au
salut des nations et des peuples, tout nous presse, Fils bien-aimés et véné-
rables Frères, d'exciter de plus en plus, avec toute l'énergie dont nous
sommes capable, votre éminente piété, votre ardeur, votre vigilance
épiscopale à continuer de remplir avec un zèle de plus en plus ardent et
avec le plus grand soin toutes les fonctions de votre charge pastorale;
n'épargnez ni soins, ni avis, ni labeur pour conserver intact, inviolable,
dans vos diocèses, le saint dépôt de notre foi ; veillez sur l'innocence de
vos ouailles, préservez-les de tous les pièges et de toutes les embûches
de leurs ennemis. Car vous n'ignorez pas les coupables artifices, les ma-
nœuvres multipliées, les séductions de tout genre et les monstrueu)
systèmes employés par ces artisans perfides de perverses doctrines, pour
chercher traîtreusement à faire dévier du sentier delà vérité et de la jus-
tice, surtout les imprévoyants et les simples et à les jeter dans l'abîme
de l'erreur et de la perdition.
Entre les mau^ sans nombre et à jamais déplorables qui bouleversent
et déchirent le plus la société religieuse et civile, il en est deux surtout,
vous le savez, Fils bien-aimés et vénérables Frères, que l'on peut, à bon
droit, considérer comme la source de tous les autres. Vous connaissez
parfaitement, en elîet, combien sont nombreuses et funestes les calamités
que jette sur l'Eglise et sur l'Etat la source impure de l'inditrérentisme.
Avec ce système, en effet, on néglige complètement tout devoir envers
Dieu, quoique nous trouvions en lui la vie, le mouvement et l'être, on
met tout à fait de côté notre sainte religion; on ébranle, on renverse
presque entièrement tous les fondements du droit, de la justice et de la
vertu.
De cette plaie hideuse de l'indifférentisme diffère peu le système de
l'indifférence en matière de religion, système sorti des ténèbres, qui
détourne se$ adeptes de la vérité, les rend hostiles à la pratique de toute
vraie croyance, oublieux de leur salut; avec lui on enseigne des prin-
cipes contradictoires, on n'a point de doctrine arrêtée, on n'admet
aucune différence entre les professions de foi les plus divergentes, on
80 LETTRE ENCYCLIQUE DE IME IX
passini cum omnibus miscent, omniljiisque œternre ritœ por-
tum ox qualibet religione patere coiilendunt. Nihil çfiim iiiter-
est illis, îicet diversa tractantibus, dum ad unius verUatis expu-
gnationem conspirent (1).
Videtis profecto, dilecli Filii nostri ac venerabile^'ï'ratres, qua
vigilantia vobis sit excubandiun, ne tam dirœ contagia pestis
vestras oves misère inficiant ac perdant. Itaque ne desinatis
popuios vobis traditos ab hisce pernioiosissimis erroribus siîdulo
del'endere, eosque catbolicœ veritatis doctrina magis in dies
accurate imbuerc, et illos doc3re, qiiod sicut unus est Deus
Pater, unus Christus ejus, unus Spiritns sanclus, ita una est
divinitus revelata veritas, una divina fides humanae salutis ini-
tium, omnisque justificationis fundamentum, qua justus vivit,
et sine qua impossibile est placere Dec, et ad filioruni ejus con-
sortium pervenire (2) ; et una est vera, sancta, catholica, Apo-
stolica, Komana Ecclesia, et Cathedra una super Petrum Domini
voce fundata (3), extra quam nec vera fides, nec eeterna inveni-
tur salus, cum habere non possit Deum patrem qui Ecclesiam
non habet matrem, et falso confidat, se esse in Ecclesia, qui
Pétri Cathedram deserat, super quam fundata est Ecclesia (4).
NuUum vero majus potest esse delictum et nuUa macula defor-
mior, quam adversus Ghristum stetisse, quam Ecclesiam divine
ejus sanguine partam et acquisitam dissipasse, quam evange-
licse dilectionis oblitum. contra unanimem et concordem Dei
populum hûstilis discordiee furore pugnasseC5).
Cum autem ratio divini cultus ex hisce duobus constet, piis
dogmatibus et actionibus bonis, neque doctrina sine operibus
bonis accepta sit Deo, neque opéra recipiat Deus a religiosis dog-
matibus sejuncta, neque in solo opère virtutumaut in sola obser-
vantia mandatorum, sed etiam in tramite fidei angustaet ardua
sit via quœ ducit ad vitam ; tum ne intermittatis fidèles vestros
populos continenter monere et excitare, ut non solum in catho-
licse religionisprofessione magis in dies stabiles et immoti per-
sistant, verum etiam per bona opéra certain suam vocationem
et electionem facere satagant. Dum autem in vestri gregis salu-
tem procurandam incumbitis, ne omittatis in omni bonitate,
patientia et doctrina miseros errantes ad unicum Christi ovile,
atque ad catholicam unitatem revocare illis prœsertim Augu-
stin! verbis : « Venite, fratres, si vultis ut inseramini in vite :
« dolor est, cum vos videamus preecisos ita jacere ; numerate
(1) Tertul. de praescript. cap. 41. — (2) Rom., i, 17; Hebr., xi, 6; Trid.,
Sess. VI, cap 8. — (3) S. Gyprian. Epist. 43. — (4) S. Cyprian. de unitat.
Eccl. — (b) S. Cyprian. Epist. 72.
« SINGULARI QUIDEM », 17 MARS 1SÔ6 81
Vit en paix avec toutes, et Ton prétend que toutes, à quelque religion
qu'elles appartiennent, conduisent au port de l'éternelle vie. Eh! que
leur importent leurs divisions particulières, pourvu seulement qu'ils tra-
vaillent h h ruine de la vérité.
Vous voyez, Fils bien-aimés et vénérables Frères, de quelle vij^ilance
vous devez f-.iire preuve pour empêcher la contagion de cette épidémie
cruelle, de g;igner vos ouailles et de les perdre à jamais. Ne cessez donc
de prémunir avec le plus grand soin, contre ces erreurs damnables, les
peuples' qui vous sont confiés; de les pénétrer chaque jour plus intime-
ment des enseignements de la vérité catholique; de leur apprendre que,
comme il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, son Christ et son Esprit, il n'y
a qu'une seule vérité divinement révélée, une seule foi divine, principe
du salut de Fliomme, fondement de toute justification, vie du juste, sans
laquelle il est impossible de plaire à Dieu ni de parvenir <à l'hérilage de
ses enfants; qu'il n'y a qu'une seule et véritable Eglise, l'Eglise
sainte, catholique, apostolique, romaine; une seule chaire dont le Sei-
gneur lui-même a posé le fondement sur Pierre, loin de laquelle on
ne pc'it trouver ni véritable foi, ni salut éternel ; car celui-là ne peut
avoir Dieu pour père qui n'a pas l'Eglise pour mère, de plus, il est
absurde de se croire dans l'Eglise quand on divorce avec la chaire de
Pierre sur laquelle repose l'Eglise comme sur sa base. Mais il ne
peut y avoir de plus grand crime, point de honte comparable à celle de
s'être posé en adversaire du Christ, d'avoir travaillé à la destruction
de cette Eglise acquise et engendrée par son sang divin, d'avoir oublié
la charité évangélique, d'avoir lutté avec les fureurs de la discorde
cruelle, contre les cœurs unis, contre les enfants paisibles de Dieu.
Le culte divin se compose de deux éléments, de la foi et des œuvres :
point de vraie foi sans les œuvres, point d'œuvres agréables à Dieu sans
la foi. Ce qui rend étroite et ardue la voie qui mène à la vie, ce n'est
pas seulement l'obligation de pratiquer les vertus et d'observer les pré-
ceptes, c'est aussi la nécessité de ne point s'écarter de la foi. Ne cessez
donc d"'avertir, de presser vos peuples fidèles de devenir chaque jour plus
fermes et plus inébranlables dans leur croyance et de rendre chaque
jour plus assurée, par leurs bonnes œuvres, leur vocation et leur admis-
sion parmi les élus.
Mais en vous appliquant à procurer le salut de votre troupeau, ne
négligez point de travailler avec toute la bonté, toute la patience et la
sagesse possibles à faire rentrer dans le bercail unique de Jésus-Christ
les malheureux égarés, et pour les rappeler à l'unité catholique, adressez-
leur particulièrement ces paroles d'Augustin : « Revenez, Frères, s'il
« vous plaît, pour vous enter de nouveau sur le cep ; nous souffrons de
« vous en voir retranchés et jetés à terre. Comptez seulement les prêtres
82 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
« sacerdotes vcl ab ipsa Petri Sede, et in ordine illo patiuin
« quis cui successit videte ; ipsa est petra, qiiam non vincunt
«c supcibœ inferoruni portae (1). » Quicumque extra hanc do-
muni agnum comederit, profanus est ; si quis in arca Noe non
fuerit, peribit régnante diluvio (2).
Vcrum non minori sane pernicie alter nunc grassatur nior-
bus, cui ab elatione et quodarn veluti rationis fastu raliona-
lismi nomen est inditum. Non improbat certe Ecclesia (3) corum
studium qui veritatem scire volucrunt, quia Deus hominis
naturam veri adipiscendi cupientissimam fecit, neque improbat
recta3 sanœque rationis studia, quibus aninius excolitur, natura
investigatur, et abditissima quyeque ejusdeni arcana in apertam
proferuntur lucom. Siquidem novit ac probe tenetpientissima
mater, inter collata cœlitus munera (4) illud esse prœclarum,
quod ratione continetur, et quo ea omnia ques sensibus obnoxia
sunt praetergressi, insignem quamdam Dei imaginem in nobis
ipsis prseferimus. Novit quœrendum esse donec invenias, et
credendum quod invenisti, dum hoc insuper credas, aliud non
esse credendum ideoque nec requirendum, cum id inveneris et
credideris quod a Christo institutum est, qui non aliud tibi
mandat inquirendum, quam quod instituit (5).
Ecquid igitur est, quod ipsa non patitur, non sinit, et quod,
pro injuncto sibi oflicio tuendi depositi, omnino reprehendit
ac damnât? Illorum nimirum inorem vehementer reprehendit, ac
semper damnavit et damnât Ecclesia, qui ratione abutentes, eam
Dei ipsius loquentis auctorilali impie et stuUe opponere ac
prœferre non erubescunt neque reformidant, et dum insolenter
se extollunt, propria superbia suoque tumore cœcati veritatis
lumen amittunt, fidem, de qua scriptum est, qui non crediderit
condemnabitur (6j, superbissime aspernantur, sibique prœfi-
dentes (7) diffitentur ipsi Deo de se credendum esse, et iis qute
cognitioni nostree de se tribuit, obsequendum. Hi sunt quibus
constantissime opponit, œquum esse (8), ut de cognitione Dei
ipsi Deo credamus, cujus scilicet totum est, quod de eo credimus,
quia utique ab homine Deus, uti oportet, cognosci non potuit,
nisi salutarem sui cognitionem ipse tribuisset. Hi sunt, quos ad
(1) S. Cyrill. Hierosol. Cath. IV. Illuminnnd. n. 2. S. Léo. serni. o.
de ÎVativJt. Dom. — (2) ',;î psal. contr. part. Donat. — (3; S. Hieronyiii.,
cpisl. 14, al. 57. ad Damas. — (4) Lactant., divin, institut., lib. m,
cap. I. — (5) Clemens Alex. Stromat., lib. i. cap, 3, lib. ii, cap 2., et
Gregor. Thaumaturg. oraf. pane^yr. cap. 7, 13. — (S^Tertull., de praps-
cript., cap. 9. — (6) Marc, xvi, v. 16. — (7) S. Iliiar., de Trinit. lib. iv.
— (8) Cassian., de hicurnat., lib. iv, cap. 2.
« SINGULARI QUIDEM », 17 MARS 1856 83
a qui se sont succédé sur le siège, de Pierre, comment sur cette chaire de
« nos pères l'un a succédé à l'autre : ce siège est la pierre contre la-
« quelle ne peut rien l'orgueil des portes inl'ernales. Quiconque mange
« l'Agneau hors de cette enceinte est un profane ; quiconque n'est pas
« dans celte arche de JNoé au moment du déluge périra. »
Une autre maladie, non moins pernicieuse, étend maintenant ses
ravages : fruit de l'orgueil, elle fait en quelque sorte parade de la raison
et s'intitule r(7/î'ona//s?ne. L'Eglise ne blâme certainement pas l'ardeur
qui veut savoir la vérité, car c'est Dieu lui-même qui a mis au cœur de
l'homme la passion du vrai ; elle ne désapprouve pas non plus les efforts
que s'impose une raison droite et saine pour cultiver l'intelligence, étu-
dier la nature, percer les mystères les plus obscurs et mettre au jour les
secrets qu'elle cache dans son sein. Mère pieuse, elle sait, elle est complè-
tement sûre, que l'un des plus grands bienfaits du ciel est celte raison
qui nous élève au-dessus de ce qui tombe sous les sens et nous aide à
reproduire en nous-mêmes la grande image de Dieu. Elle sait qu'il faut
chercher jusqu'à ce que l'on trouve et croire ce que l'on a découvert,
pourvu que l'on se persuade encore qu'il ne faut croire, et conséquem-
ment rechercher, après l'avoir trouvé et quand on le croit, que ce qui a
été institué par le Christ, car le Christ ne commande d'étudier que ce
qu'il a établi.
Qu'est-ce donc que l'Eglise ne souffre pas, ne permet pas ? Qu'est-ce
qu'elle interdit absolument et condamne, comme l'y oblige la charge qui
lui est imposée de garder le dépôt divin ? Ce que l'Eglise réprouve de
toutes ses forces, ce qu'elle a toujours condamné et condamne encore,
c'est l'abus que font de la raison ceux qui ne rougissent ni ne craignent
de l'opposer avec autant de folie que d'impiété à la parole de Dieu, delà
mettre même au-dessus. Pleins d'arrogance et de présomption, l'orgueil
les aveugle, et perdant la notion du vrai, ils dé(l;iignent avec fierté la foi
dont il est écrit qu'en manquer sera un motif de condamnation ; ils
nient, dans leur confiance en eux-mêmes qu'on doive s'en rapporter
à Dieu sur Dieu, sur ce qu'il nous propose de croire et de savoir de lui.
C'est à ces hommes que l'Eglise a constamment opposé que, sur la con-
naissance de Dieu, il est juste que nous nous en référions à Dieu lui-
même, de qui nous tenons tout ce que nous croyons sur lui : car jamais
i'homrae n'eût pu connaître Dieu comme il doit être connu si Dieu même
ne s'était révélé à lui pour son salut. Ce sont ces hommes que l'Eglise
s'efforce de rappeler à l'usage du sens commun en leur disant : « Quoi
8l LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
mentis sanitatem hisce verbis revocare contendit : Quid niagis
contra rationem, quam ratione rationem conari transcendere ?
et qiiid magis contra fidem, quam credere noile quidquid non
possis ratione attingere (Ij? Atque his inculcare non desinit,
îidem non rationi, sed auctoritati inniti (2); nec enim dérobât,
ut cum Deus ad hominem loqiieretur, argumentis assereret suas
voces, tanquam fides ei non haberetur, sed ut oporluit, est
locutus, quasi rerum omnium maximus judex, cujus non est
argumentari, sedpronuntiare(3). Hisapertissimedenunlialunam
hominis spem unamque salutem positam esse in christiana lîde,
quœ veritatem docens, ac divina sua luce humanse ignorantiae
tenebras discutiens, pcr caritatem operatur, et in catholica
Ecclesia, quse verum retinens cultum, est stabile ipsius fidei
domicilium et Dei templum, extra quod, citra invincibilis igno-
rantiae excusationem, quisquis fuerit, est a spe vitœ et salu-
tis alienus. Et hos gravissime monet ac docet, quod humanae
artis peritia, si quando tractandis sacris eloquiis adhibetur, non
débet jus magisterii sibi arroganter arripere, sed veluti ancilla
dominée quodam famulatus obsequio subservire, ne si prœcedit
oberret, et dum exteriorum verborum sequitur consequentias,
intimée virtutis lumen amittat, et rectum veritatis tramitem
perdat (-4).
Neque existimari idcirco débet, nullum in Ecclesia Christi
profectum haberi religionis. Habetur namque, idemque maxi-
mus, dummodo tamen vere profectus sit fidei, non permutatio.
Crescat igitur oportet, et multum vehementerque proficiat tam
singulorum quam omnium, unius hominis quam totius Ecclesiœ,
aetatum acsœculorum gradibus, intelligentia, scientia, sapientia,
qua inlelligatur illustrius quod antea credebatur obscurius, qua
posterilas intellectum gratuletur, quod vetustas non intellectum
venerabatur, qua pretiosœ divini dûgma\is gemmaeexsculpantur,
fideliter coaptentur, adornentur sapienter, et splendore, gratia,
venustate ditescant, in eodem tamen génère, in eodem scilicet
dogmate, eodem sensu, eademque sententia, ut cum dicantur
Dove, ron dicantur nova (5).
Neminem vestrum mirari arbitramur, dilecti Filii nostri ac
venerabiles Fratres,si pro nostro fidei primatu et principatu (6),
de lucluosissimis hisce ac rei cum sacrœ, tum publicae pernicio-
sissimis erroribus denuo locuti simus, eximiamque vestram
(1) S. Bernard., epist. 190. — (2) S. Bernard., de Considérât., lib. v,
cap. 3. — (3)Laclant., divin. Inslilut., lib. m, c.ip. i. — (4) Petr. Dam.
opuscul. 3tj. cap. o. — (5j Vinc. Lirin., Conimoiiitor. — (6) S. Anibros.,
de hicarnal. cap, 4. n. 32. Cassian,, de Incarnat., lib. m, cap. 12.
« SINGULARI QUIDEM », 17 MARS 1856 85
« «Je plus contraire à la raison que de vouloir s'élever par la raison au-
n dessus (le la raison? et quoi de plus contraire à la foi que de refuser
t de croire ce que la raison ne peut saisir? »
L'Eglise ne cesse de leur répéter que le fondement de la foi n'est pas
la raison mais l'autorité ; car il ne convenait pas que Dieu pariant à
l'homme se servît d'arguments pour appuyer ses assertions comme si l'on
n'avait pas foi à sa parole; mais il s'est exprimé comme il a dû, c'est-à-dire
comme le souverain arbitre de toutes choses à qui il appartient d'affirmer,
non de disputer. Elle leur crie hautement que tout l'espoir de l'homme,
que tout son salut est dans la foi chrétienne, dans cette foi qui enseigne
la vérité, dissipe par sa lumière divine les ténèbres de l'ignorance humaine,
opère par la charité ; et en même temps dans l'Eglise catholique, car elle
conserve le vrai culte, elle est le sanctuaire inébranlable de la foi même,
et le temple de Dieu hors duquel, sauf l'excuse d'une ignorance invincible,
il n'y a point de salut à attendre. Elle leur disait aussi, avec beaucoup
d'autorité, que si parfois l'on peut donner dans l'explication de l'Ecriture
place à la science humaine, celle-ci aurait mauvaise grâce de s'en préva-
loir. Son rôle n'est pas de prétendre avec arrogance faire la maîtresse,
mais d'obéir comme une humble suivante : en marchant la première elle
pourrait s'égarer, elle pourrait, en s'attachant trop aux signes extérieurs,
aux mots, perdre la lumière de la vertu intérieure et s'écarter du droit
sentier de la vérité.
II n'en faut pas néanmoins conclure que dans l'Eglise du Christ, la
religion ne fait aucun progrès, elle en fait certainement, et de très con-
sidérables : mais il est nécessaire que ce soient des progrès et non des
changements dans la foi. Faites donc croître, il le faut, faites progresser
énergiquemcnt et le plus possible, pendant le cours des siècles et des
âges, l'intelligence, la science, la sagesse, de tous, de chacun, et de toute
l'Eglise; que l'on voie plus clairement ce que l'on croyait sans le voir;
que la postérité soit heureuse de comprendre ce que l'antiquité vénérait
seulement par la foi ; que l'on polisse les pierres précieuses du dogme,
qu'on les adapte avec fidélité, qu'on les monte avec sagesse, qu'on y
ajoute l'éclat, la grâce et la beauté, sans toutefois rien changer, c'est-à-
dire sans rien changer au dogme, au sens, à la pensée, en variant la
forme non le fond.
Nous le croyons. Fils bien-aimés et vénérables Frères, nul d'entre
Tons ne s'étonne si à raison de notre primauté spirituelle et de notre auto-
rité suprême nous vous avons entretenus itérativement de ces erreurs
déplorables et funestes qui atteignent la religion et la société; et si nous
avons cru devoir exciter contre elles votre admirable vigilance épisco-
80 LETTRE ENCYCLIQUE UE i'IE IX
npiscopalchi vigilanliam ad ilios prolli^andos excilare censue-
rinins. Ciim cniin inimicus homo non cesset superseminaie zi-
zania in medio trilici, tuni nos, qui divina disponente l'rovi-
dentia dominico agro excolendo prœsumus. atque uti servi tideles
et prudentes super Doniini fanniliam constituti sumus (1), ab iis
partibus explendis desistere non debeamus, quœ ab apostolico
nostro munere separari non possunt.
Nunc vero a singulari vestra pietate et prudentia exposcimus,
ut in hoc congressu ea potissimum inter vos consilia provide
sapientenjue inire studcatis, quœ in amplissimi istius imperii
regionibus ad majorem Dei gloriam promovendam, ac sempi-
ternani iiominum salutem procurandani conduccre exislimave-
ritis. Etsi enim vehenienter in Domino lœtemur, cum noscamus
multos existere tum ecclesiasticos, tum laicos homines, qui
Christianœ fidei et caritatis spiritu egregie animati bonuni Ghristi
diflundunt odorem, tamen non mediocri afiicimur dolore, cuna
haud ignoremus, in aliquibus locis nonnulios ex clero, suae di-
gnitatis et oflicii oblitos, minime ambulare pro ea vocatione qua
vocati sunt, et christianum populum sanctissimis divinte no-
stree religionis prœceptionibus parum instructum, gravibus-
que obnoxium periculis, a pietatis operibus et sacramentorum
frequentia infeliciter abstinere, atque a morum honestate
christianœque vitœ disciplina deflectere, et ad interitum ruere.
Persuasissimum nobis est vos, pro spectata vestra episcopali
sollicitudine, omnes curas cogitationesque esse collaturos, ut
commemorata damna omnino eliminentur.
Et quoniam optime scitis, dilecti Filii nostri ac venerabiles
Fratres, quantum ad eccîesiastici ordinis disciplinam instauran-
dam, populorum mores corrigendos eorumque damna avertenda,
vim habeant provincialia Concilia a canonicis sanctionibus sa-
pientissime priescripta et a sanctis antistitibus maximo semper
Ecclesiœ bono frequentata, idcirco vel maxime optamus, ut pro-
vinciales Synodes ad sacrorum Canonum normam rite conceie-
bretis, quo communibus cujusque ecclesiasticae istius imperii
provinciœ malisopportuna ac salutaria adhibeatis remédia. Cum
autem multa et gravia in hisce provincialibus Synodis a vobis
sint agenda, nostris in votis est, ut pro vestra sapientia, in isto
Vindobonensi conventu, concordissimis animis ea inter vos sus-
cipiatis consilia, quibus unanimes esse possitis, tum circa po-
tiores prœsertim res quœ in provincialibus synodis erunt tra-
ctandœ ac statuendœ, tum circa illa quœ uno eodemque studio a
vobis erunt prœstanda, ut in omnibus istius imperii provinciis
(1) 5. Ainbros., de fide ad Gratian. impcrat. lib. v, in prolog.
« SINGULARI QUIDEM », 17 MARS 1856 87
pale. Puisque riiomme ennemi ne cesse de semer l'ivraie au milieu du
froment, puisque d'un autre côté nous sommes chargé par la divine
Providence de veiller^sur le champ du Seigneur, et que nous sommes le
serviteur tidèle et prudent établi sur la famille du Maître, nous ne
pouvons cesser de remplir les devoirs inséparables de notre charge apos-
tolique.
Maintenant ce que nous demandons à la piété et à la prudence qui
vous distinguent, c'est que dans votre assemblée vous appliquiez voire
pénétration et votre sagesse à former surtout entre vous les desseins que
vous jugerez capables d'étendre la gloire de Dieu et de procurer le salut
des hommes dans toutes les parties de ce vaste empire. Il est vrai, nous
nous réjouissons amplement dans le Seigneur de savoir que beaucoup
d'ecclésiastiques, voire même de laïques, animés à un haut degré de
l'esprit de foi et de charité chrétiennes, répandent la bonne odeur de
Jésus Christ; mais aussi notre douleur n'est pas légère h la pensée que
dans quelques lieux plusieurs membres du clergé oublieux de leur
dignité et de leur devoir ont cessé de vivre dans l'esprit de leur vocation,
et que le peuple chrétien peu instruit des divins enseignements de notre
sainte religion, exposé aux plus graves dangers, renonce malheureuse-
ment aux œuvres de piété, à la fréquentation des sacrements, s'écarte de
l'honnêteté des mœurs, des règles de la vie chrétienne et court à sa per-
dition. Nous en sommes intimement persuadé, votre sollicitude épisco-
pale bien connue consacrera tous ses soins et toutes ses pensées à mettre
un terme à tous ces maux.
Vous savez, Fils bien-aimés et vénérables Frères, quelle est pour amé-
liorer la discipline ecclésiastique, corriger les mœurs des peuples, et
détourner les périls qui les menacent l'inlluence des conciles provin-
ciaux, sagement prescrits par les saints canons, et constamment employés
pour le bonheur de l'Eglise par les plus saints prélats; notre vœu le
plus ardent est donc que vous célébriez .selon les règles canoniques, ces
synodes provinciaux. Vous y trouverez les remèdes convenables et effi-
caces, aux communes souffrances de chaque province ecclésiastique de
l'empire. Comme vous aurez ^ traiter dans ces synodes des questions
graves et nombreuses, nous désirons que dans cette réunion de Vienne
vous preniez avec votre sagesse et d'un plein accord, des résolutions sur
les questions principales qui devront y être traitées et décidées, et sur
les mesures que votre zèle également réglé, devra employer pour assurer
Ç8 LETTRE ENCYCLIQUt: DE IME IX
divina nostra religio ejusque salutaris doctrina map:is in dies
vigeat, lloreat, dominetur, et fidèles populi, déclinantes a iiialo
et lacientes bonum, ambulent ut (ilii lucis in omni bonilate,
justilia ac veritate.
Et cnm nihil sit, quod alios magis ad virtutcni, pietatem, ac
Dei cultum assidue instruat, quam eorum vita et exemplum qui
se divino niinisterio dedicarunt, ne prœtermittatis omni indiistria
inter vosea statuere, quibus cleri disciplinani, ubi prolapsa est,
instauretis, et accuratam illius institutionem, ubi opus fuerit,
promoveatis. Quocirca,dilecti Filii nostri ac venerabiles Fratres.
coUatis inter vos consiliis conjunctisque studiis, diligentissime
prospicite, ut ecciesiastici viri propriœ dignitatis et officii seuiper
memores ab iis oninibus déclinent, quœ clericis vetita, quoique
eos nequaquam décent, ac virtutum omnium ornatu prœfulgentes
exemplum sint fidelium in verbo, in conversatione, in caritate,
in fide, in castitate, ut diurnas canonicas horas, qua decet, at-
tentione, ac pietatis affectu recitent, ac sancta oratione se exer-
ceant, et rerum cœlestium meditationi instent, decorem domus
Dei diligant, sacras functioneset cœremonias juxta Pontificale et
Rituale Romanum peragant, etproprii ministerii munus naviter,
scienter ac sancte obeant, et sacrarum prœsertim disciplinarum
studia nunquam intermittant, et sempiternœ hominum saluti
quœrendœ assiduam navent operam.
Ac pari cura consulite, ut omnes cujusque metropolitani,
cathedralis et collegialis templi canonici aliique beneticiarii choro
addicti morum gravitate, vitœ integritate, ac pietatis studio
undique praefulgere studeant, tanquam lucerrice ardentes positœ
super candelabrum in templo Domini, et omnes suscepti mu-
neris partes diligenter expleant, residendi legem servent, divini
cultus splendorem curent, atque alacres in excubiis Domini divi-
nas laudes studiose, rite, pie. religiose, non vero mente vaga,
non vagis oculis, non indecoro corporis statu concélèbrent, me-
moria semper repetentes, quod ipsi ad chorum accedunt, non
modo ut sanctissimum Deo cultum venerationemque tribuant,
verum etiam ut a Deo ipso et sibi et aliis omne bonum depre-
centur.
Sed quam vehementer ad ecclesiasticum spiritum tuendum
et fovendum, atque ad salutarem constantiam retinendam con-
férant spiritualia exercitia, innumeris idcirco per Romanos Pon-
tifices praedecessores nostros ditata indulgcntiis, quisque vestrum
optinie noscit. Ea proinde cunctis ecclesiasticis vestris viris
etiam atque etiam commendare et inculcare ne desinatis, quo
ipsi certo dierum spatio in opportunum aliquem locum sœpo
secedent, ubi quavis humanarum rerum cura abjecta, omnia sua
« SINGULARI QUIDEM », 17 MARS 1856 89
à notre religion divine et à ses salutaires enseignements, dans toutes les
provinces de cet empire, une vigueur, une beaulé. une autorité (|Hi
croissent iliaque jour davantage; et pour obtenir que les peuples fidèles
s'éloignent du mal, pratiquent le bien, marchent comme des enfants de
lumière dans la bonté, dans la justice et dans la vérité.
De tous les moyens qui peuvent porter continuellement les autres à la
vertu, à la piété, à l'amour du service de Dieu, il n'en est point de plus
puissant que la vie et l'exemple de ceux qui se sont dévoués au saint
ministère : ne négligez donc pas de prendre entre vous et avec toute votre
prudence les moyens propres à rétablir la discipline dans le clergé, par-
tout où elle aura subi quelque échec, et à la faire prospérer, où le besoin
s'en fera sentir. Par conséquent. Fils bien-aimés et vénérables Frères,
après avoir mis en commun vos idées et vos désirs, employez tout votre
zèle, toute votre ardeur à faire que les ecclésiastiques n'oublient jamais
leur dignité ni leurs devoirs, s'éloignent de tout ce que le clergé ne peut
se permettre sans faute et sans inconvenance; qu'ornés de toutes les vertus
ils servent dexemple aux fidèles dans leurs paroles, leur genre de vie,
dans la charité, la foi et la chasteté dont ils feront preuve; qu'ils récitent
les heures de chaque jour avec l'attention et la piété désirables; qu'ils
s'exercent à la prière et à la méditation des choses du ciel; qu'ils aiment
la beauté de la maison de Dieu ; qu'ils accomplissent les fonctions saintes
et les cérémonies du culte sans s'écarter du Pontifical et du Rituel
romain ; qu'ils remplissent les devoirs particuliers de leur ministère avec
ardeur, science et sainteté ; qu'ils n'interrompent jamais l'étude surtout
des sciences sacrées, et qu'ils travaillent constamment à procurer le salut
des hommes qui leur sont confiés.
Veillez avec un égal souci à ce que les chanoines de inétropoles, de
cathédrales, de collégiales et les autres bénéficiers astreints au service du
chœur s'attachent par la gravité de leurs mœurs, la pureté de leur vie.
leur amour pour la piété, à briller de tous côtés comme des lumières
placées sur le chandelier dans le temple du Seigneur; qu'ils remplissent
avec zèle tous les devoirs de leur ministère; qu'ils travaillent à la splen-
deur du culte divin, observent la résidence, veillent avec bonheur pour
célébrer les louanges du Seigneur avec application, régularité, piété,
religion, évitant d'avoir l'esprit et les yeux distraits, une attitude peu
décente; qu'ils n'oublient jamais que s'ils font l'office du chœur ce n'est
pas seulement pour rendre à Dieu le culte sacré et le respect qui lui sont
dus, mais encore pour le supplier de répandre sur eux et sur autrui toutes
sortes de grâces.
Mais chacun de vous sait parfaitement combien servent à entretenir, à
nourrir l'esprit ecclésiastique, et à assurer la constance dans le bien, ces
exercices spirituels que les Pontifes romains nos prédécesseurs ont enri-
chis d'indulgences sans nombre. Ne cessez donc de les recommander .'j
tous vos ecclésiastiques et de les y porter de plus en plus : que pour un
nombre de jours déterminés ils se retirent souvent dans un endroit con-
venable. Là, faisant trêve à toute occupation humaine, ils devront exa-
00 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
facla, dicta, cogitatacorani Deo quam diligenlissime reputantes,
et aniios œternos assidua meditalionc habentes in mente, ac
maxinia bénéficia sibi a Deo collata rccolentes, studeant contra-
ctas de nuindano pulvere sordes abluere, et resuscitare gratiam
quœ ipsis data est per impositionem manuum, et expoliantes ve-
tercm hominem cum actibus suis novum induant, qui creatus est
in justitiaet sanctitate.
Quoniam vero sacerdotuni labia custodire debent scientiam,
qua et respondere possint ils, qui legem requirunt de ore ipso-
rum (1), et contradicentes revincere, idcirco, dilccti Filii nostri
ac venerabiies Fratres, in rectam accuratamque cleri institulio-
nem omnes vestras curas convertatis oportet. Summa igitur
contentione omnia conamini, ut in vestris prœcipue seminariis
optima ac plane catholica vigeat studiorum ratio, qua adole-
scentes clericivel a prima pueritia, per probatissimos magistros
ad pietatem, omnemque virtutem et ecclesiasticum spiritum
mature fingantur, ac latinœ lingua3 cognitione, et humanioribus
litteris philosophicisque disciplinis ab omni prorsus cujusque
erroris periculo alienis sedulo imbuantur. Atque in primis om-
nem adhibete vigilantiam, ut cum dogmaticam tum moralem
theologiam ex divinis libris sanctorumque Patrum traditione,
et infallibili Ecclesise auctoritate haustam ac depromptam, ac
simul solidam divinarum litterarum, sacrorum Canonum, eccle-
siasticœque historiée, rerumque Jiturgicarum scientiam congruo
necessarii temporis spatio diligentissime addiscant. Ac vobis
summopere cavendum in librorum delectu, ne in tanta grassan-
tium errorum coUuvie a sanse doctrinœ semita ecclesiastici
adolescentes temere abducantur, cum prsesertini haud ignoretis
viros eruditos, a nobis in religione dissidentes et ab Ecclesia
prœcisos, in vulgus edere tam divinos libros quam sanctorum
Patrum opéra, concinna illa quidem elegantia, sed sœpo, quod
maxime est dolendum, vitiata, ac prgeposteris commentariis a
veritate detorta.
Neminem vestrum latet quantopere Ecclesiœ hisce prœsertim
temporibus intersit idoneos habere ministres, qui vitœ sancti-
tate, et salutaris doctrinœ laude prœstantes ac potentes in opère
et sermone, valeant Dei ejusque sanctse Ecclesiœ causam strc-
nue tueri, et sedificare domum fidelem. Nihil itaque intentatum
est relinquendum ut juniores Glerici vel a teneris annis sancte
ac docte educentur, quandoquidem nonnisi ex ipsis rite institutis
utiles Ecclesice ministri fieri possunt. Quo vero facilius pro exi-
mia vestra religione, ac pastorali sollicitudine accuratam Cleri
(1) Malach., ii, 7.
« SINGULARI QUIDEM », 17 MARS 1856 91
miner devant Dieu, avec le plus grand soin, toutes leurs actions, leurs
paroles et leurs pensées; méditer constamment les années élcrnclles,
songer aux immenses bienfaits qu'ils ont reçus de Dieu, s'attacher ain.i
à effacer les fautes dont ils se sont souillés dans la poussière du monde, à
faire renaître la grâce qui leur a été donnée par l'imposition des mains,
à se dépouiller du vieil homme et de ses mœurs pour revêtir le nouveau qui
a été créé dans la justice et la sainteté.
Comme les lèvres des prêtres doivent être les dépositaires de la science,
afin de pouvoir répondre à ceux qui veulent par eux connaître la loi
et de repousser les attaques des contradicteurs, il importe. Fils bien-
airaés et vénérables Frères, que vous employiez toute votre sollicitude à
procurer au clergé une bonne et saine éducation. Consacrez donc tous
vos efforts et tous vos moyens à faire fleurir, surtout dans vos sémi-
naires, les études bonnes et entièrement catholiques ; que dès l'ûge le
plus tendre, les jeunes clercs y soient formés, par des maîtres éprouvés,
à la piété, à la vertu et à l'esprit ecclésiastique; qu'ils y puisent, avec la
science de la langue latine et des lettres humaines, des connaissances
philosophiques pures et éloignées de tout péril d'erreur. Veillez ensuite
et particulièrement à leur faire enseigner la théologie, soit dogmatique
soit morale, d'après les livres divins, la tradition des saints Pères et
l'autorité infaillible de l'Eglise ; à leur faire acquérir aussi, pendant Je
temps nécessaire et convenable, avec le plus grand soin et d'une manière
solide, la science des lettres sacrées, des saints canons, de l'histoire ecclé-
siastique et de la liturgie. Veillez particulièrement au choix des livres,
dans la crainte qu'entraînés par le déluge d'erreurs dont nous sommes
inondés, les jeunes ecclésiastiques n'abandonnent témérairement la voie
des saines doctrines; maintenant surtout, vous le savez, que des hommes
instruits mais séparés de nous en matière de religion et retranchés de
l'Église, ont publié la Bible et les ouvrages des Pères traduits avec une
certaine élégance, mais souvent, hélas! viciés et détournés du sens
véritable par les commentaires infidèles qui les accompagnent.
Nul de vous n'ignore combien l'Église a besoin, particulièrement à
notre époque, de ministres capables, distingués par la sainteté de leur
vie, par l'étendue et la droiture de leur science en œuvres et en paroles,
habiles à défendre la cause de Dieu et de sa sainte Église et à édifier au
Seigneur une maison fidèle. On ne doit donc rien négliger pour donner
aux jeunes clercs dès leur bas âge une éducation docte et sainte; c'est
l'unique moyen de former pour l'Église des ministres vraiment utiles.
Or, afin d'arriver de plus en plus à procurer aux clercs une éducation
qui répoi de à votre éminente piété, à votre sollicitude pastorale, à ce
92 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
jnstitutionem ex qua Ecclesiae bonum , ac populorum salus
tantopere pendet, quo.tidie magis promovere valeatis, ne vos
pigeât exhortari, rogare egregios vestrarum diœcesium eccle-
siasticos, laicosque viros divitiis pollentes et in rem ratho-
licam prseclare animâtes, ut vestrum sectantes exempium
aliquam pecuniœ vim perlibenter tribuere velint, quo nova
etiarn seminaria érigera et congrua dote instruere possitis, in
quibus adolescentuli clerici vel ab ineunte setate rite insti-
tuantur.
Nec muiori studio, dilecti Filii nostri ac venerabiles Fratres,
ea omnia consilia suscipienda curate, quibus vestrarum diœ-
cesium juventus cujusque conditionis et sexus magis in dies
catholico plane modo educetur. Quapropter episcopalis vestrae
vigilantise nervos intendite, ut juventus 'ante omnia spiritu
timoris Dei mature imbula, ac pietatis lacté enutrita, nedum
lidei elementis, sed pleniori sanctissimae nostrœ religionis
cognitione sedulo excolatur, atque ad virtutem morumque
honestatem christianaeque vitae rationem conformetur, et
ab omnibus perversionis et corruptionis illecebris et scopulis
arceatur.
Pari autem sollicitudine ne desinatis unquam fidèles populos
vobis commisses opportunis quibusque modis ad religionem et
pietatem etiam atque etiam excitare. Itaque ea omnia peraglte,
quibus ipsi lideles populi magis in dies salutari catbolicœ ve-
ritatis ac doctrinœ pabulo enutriti Deum ex toto corde diiigant,
ejusque mandata apprime servent, sanctuarium ejus fréquenter
ac religiose adeant, sabbata ejus sanctificent, ac sœpe qua
par est veneratione et pietate tum divini sacrificii celebrationi
intersint, tum ad sanctissima Pœnitentiœ et Eucharistiœ sacra-
menta accédant, et singnlari devotione sanctissimam Dei Geni-
tricem immaculatam Virginem Mariam prosequantur et colant,
ac mutuam intor se continuam caritatem habentes et precibus
instantes ambulent digne Deo, per omnia placentes et in omni
opère bono fructificantes (1).
Cum autem sacrae Missiones ab idoneis operariis peractaî
summopere conducant ad lidei religionisque spiritum in populis
oxcitandum, eosque ad virtutis ac salutis semitam revocaudos,
vehementer optamus ut illas identidem in vestris diœcesibus
agendas curetis. Ac méritas summasque laudes iis omnibus
deferimus, qui e vestro ordine in suas diœceses tam salntare
sacrarum Missionum opus jam invexere, ex quo divina adspi-
rante gratia uberes fructus perceptos fuisse gaudemus
(1) Coloss., I, 10.
« SINGULARI QUIDEM », 17 MARS 1S56 93
qu'exigent la gloire de l'Eglise et le salut des peuples, ne vous lassez pas
d'exliortor, de prier les ecclésiastiques distingués de vos diocèses, les
laïques opulents mais bien disposés en faveur de la religion catholique,
de vouloir bien, 5 votre exemple, fournir de lion cœur quelque somme
d'argent pour vous mettre à même de construire et de doter convena-
blement des séminaires, destinés à donner dès l'enfance une bonne édu-
cation aux jeunes clercs.
N'ayez pas moins d'ardeur, Fils bien-aimés et vénérables Frères, à
chercher les moyens de donner à la jeunesse de vos diocèses, quels que
soient sa condition et son sexe, une éducation chaque jour plus catho-
lique. Déployez donc l'énergie de votre vigilance épiscopale pour que,
pénétrée de bonne heure et avant tout, de l'esprit de crainte de Dieu, et
abreuvée du lait de la piété, la jeunesse acquière, outre les éléments de
la foi, une connaissance exacte et plus complète de notre sainte religion,
se forme à la vertu, aux bonnes mœurs, à l'esprit de la vie chrétienne et
s'éloigne de toutes les séductions, de tous les dangers où le vice triomphe,
où succombe l'innocence.
Même sollicitude pour ne cesser jamais d'exciter de plus en plus et
par tous les moyens possibles les peuples fidèles qui vous sont confiés, 5
la piété et à la religion. Ainsi donc faites tout pour nourrir chaque jour
davantage ces peuples du pain salutaire de la vérité et de la foi catho-
lique, leur faire aimer Dieu de tout leur cœur, observer parfaitement
ses préceptes, visiter souvent et religieusement son sanctuaire, sanctifier
le dimanche, assister fréquemment, av^ecle respect et la piété nécessaires,
au divin sacrifice, s'approcher dignement aussi des augustes sacrements
de Pénitence et d'Eucharistie, servir et honorer avec une dévotion toute
particulière la très sainte Mère de Dieu, l'immaculée vierge Marie, avoir
entre eux une mutuelle et impérissable charité, persévérer dans la prière,
vivre ainsi d'une manière digne de Dieu, lui plaisant en toutes choses et
fructifiaiit en toutes sortes de bonnes œuvres.
Comme les missions faites par des ouvriers capables sont éminemment
propres à réveiller dans les peuples l'esprit de foi et de i-eligion, à les
faire rentrer dans le sentier de la vertu et, du salut, nous désirons vive
ment que de temps en temps vous en fassiez oélébrcr dans vos diocèses.
Nous félicitons ardemment, et comme ils le méritent, tous ceux d'entre
vous qui ont déjà introduit dans les limites de leur juridiction cette
œuvre salutaire des missions, d'où nous sommes heureux que soient
sortis, sous l'intluence de la grûce divine, des fruits abondants.
Oi LETTRE ENCYGLIUUli DE PlE IX
Hœc potissimnm in islo vestro conventu prœ oculis habeatis
oportet, dilccti Filii nostri ac venerabiles Fratres, ut conimu-
nibiis nialis, comnuinibus studiis provide medcri possitis. Ete-
nim ;id prœcipua cujusque vestrec diœcesis damna reparanda,
ejusque prosperitatem promovendam, nibil frequenti ejusdem
diœceseos lustratione et dioicesanœ synodi celebratione validius
esse probe intelligitis. Quœ duo quantopere a Concilio praeser-
tim Tridcntino sint prœscripta et inculcata, neminem vestrum
l'ugit. Quamobrem pro spectata vestra in gregem vobis com-
missum sollicitudine et caritate, nihil antiquius habere velitis,
quam ex canonicis sanctionibus vestras diœceses impensissimo
studio invisere, et ea omnia accurate perficere quœ ad ipsani
visilationem fructuose peragendam omnino pertinent. Quo in
munere obeundo vobis summopere cordi sit, sumnaa cura ac
paternis prœsertim monitis, et frugiferis concionibus aliisque
opportunissimis modis, errores, corruptelas et vitia, si quae
irrepserin-t, radicitus evcllere, omnibus salutis documenta prœ-
bere, cleri discipbnam sartam tectamque tueri, et fidèles spiri-
tualibus prœsertim quibusque subsidiis juvare, munire, et
omnes Cbrislo lucrifacere.
Nec dissimileni diligentiam impendite in diœcesanis ibi Sy-
nodis juxta sacrorum Canonum normam celebrandis ea prœ-
cipue statuentes, quœ ad majus cujusque vestr» diœcesis bonum
spectare pro vestra prudentia duxeritis.
IS'e vero in sacerdotibus, qui doctrinœ et lectioni attendere
debent, quique obstricti sunt oflicio docendi popuhim ea quœ
scire omnibus necessarium est ad salutem, et ministrandi Sa-
cramenta (1), sacrarum disciplinarum studium unquam restin-
guatur aut languescat industria, optatissimum nobis est, ut
a vobis, ubi lieri possit, in omnibus vestrarum diœcesium
regionibus, instituantur opportunis regulis congressus, de
morum prœsertim theologia ac de sacris ritibus, ad quos
singuli potissimum presb^-teri teneantur accedere, et afferre
scripto consignatam propositœ a vobis quœstionis explicatio-
nem, et aliquo temporis spatio a vobis prœfmiendo inter se
disserere de morali theologia deque sacrorum rituum disci-
plina, postquam aliquis ex ipsis presbyteris sermonemde sacer-
dotalibus prœcipue ofiiciis habuerit.
Cuni autem,in vestro grege procurando, operam prse cœteris,
manum auxiliumque vobis prœstent parochi, quos in sollici-
tudinis partem adscitos et in arte omnium maxima obeunda
adjutores habetis, eorum zelum omni studio inflammare ne
(l)Concil. Trident., Sess. xxiii, cap. 1-i de liel'orm.
« SINGULARI QUIDEM », 17 MARS 1856 95
Ce que, dans votre assemblée, vous devez avoir préfcrablement devant
les yeux, Fils hien-aimés et vénérables Frères, c'est de vous préparer à
faire face, })ar des elTorts communs, aux maux dont vous souffrez tous.
En effet, pour réparer les pertes principales que vos diocèses peuvent
avoir subies et augmenter leur prospérité, il n'y a rien de plus efficace
que des visites fréquentes et des synodes régulièrement tenus, vous le
savez. Vous savez aussi que le Concile de Trente surtout a recommandé
et prescrit ces deux moyens. La sollicitude et la charité remarquables
dont vous faites preuve envers le trou[)eau confié à vos soins demandent
donc que, oonl'ormément aux lois canoniques, vous n'ayez rien plus à
cœur que de visiter vos diocèses avec le plus grand zèle et de faire, avec
soin, tout ce qui peut assurer le fruit de la visite. Or, en accomplissant
ce devoir, attachez-vous fortement, par vos soins, surtout par vos avis
paternels, par vos utiles discours et par tous les moyens les plus conve-
nables, à déraciner les erreurs, les désordres et les vices qui auraient pu
se glisser dans votre troupeau; à distribuera tous l'enseignement du
salut, à raffermir la discipline du clergé, à aider, à fortifier les fidèles
principalehient en leur distribuant tous les secours spirituels, et à les
gagner tous à Jésus-Christ.
Prenez également à tâche de célébrer les synodes diocésains, confor-
mément aux règles des saints canons, et d'y faire les ordonnances que
votre prudence jugera les plus propres à procurer le plus grand bien de
chacun de vos diocèses.
Il est à craindre que dans les prêtres qui doivent s'appliquer à l'en-
seignement et à l'étude, à qui incombe la charge d'instruire le peuple
des choses dont la connaissance est indispensable au salut, et d'adminis-
trer les sacrements, on ne voie s'alïaiblir l'amour de la science et se
refroidir le zèle; aussi, nous désirons souverainement que dans les diffé-
rentes parties de vos diocèses vous établissiez, sitôt que vous le pourrez,
des conférences où l'on s'occupe préférablement de théologie morale et de
liturgie. Les prêtres surtout seront tenus de s'y présenter avec une réponse
écrite aux questions posées préalablement par vous, d'y discuter, pendant
un temps déterminé par vous également, sur la théologie morale, sur les
lègles liturgiques, après que l'un d'eux aura prononcé un discours qui
devra traiter principalement des devoirs du sacerdoce.
Les curés surtout vous prêtent aide et secours dans Ja conduite de
votre troupeau; vous les avez admis au partage de votre sollicitude et iis
sont vos coopératcurs dans le plus grand de tous les arts. Ne cessez donc.
Fils bien-ainiés et vénérables Frères, d'enflammer leur zèle, de les exciter
96 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
interniittatis, dilecti Filii nostri ac venerabiles Fraires, ut
propi'io iminere ea qiia par est diligentia ac relii^ione f(lnl,^an-
tur. mis idcirco inculcate, ut nunquain cessent christianani ple-
bem sibi traditain sedulo pascere divini verbi praiconio, ac S;icra-
mentorum et multiformis gratiaî Dei dispensatione, et rudes
homines ac maxime puerulos christianae, fidei mj'steriis nostrœ-
que religionis documentis, amanter patienterque erudire, et
errantes ad salutis iler adducere, ut summopere studeant odia,
simultates, inimicitias, discordias, scandala tollere, et confor-
tare pusillanimes, et visitare indrmos, eosque omni prœsertim
spiritual! ope juvare, çt miseros, afflictos, atque aerumnosos
consolari, omnesque exhortari in doctrina sana, et monere ut
religiosissime reddant quœ sunt Dei Deo, et quce sunt Ceesaris
Csesari, docentes quod omnes, non solum propter iram sed
etiam propter conscientiani, principibus et potestatibus subditi
esse et obedire debent in iis omnibus, quœ Dei et Ecclesiae legi-
bus minime adversantur.
Pergite vero, ut facitis, cum summa vestri nominis laude,
dilecti Filii nostri ac venerabiles Fratres, accuratam vestrarum
diœcesium relationem statutis temporibus ad nostram Concilii
Congregationem miltere, ac nos de rébus ad ipsas diœceses per-
tinentibus diligenter certiores facere, ut majori cum vestree,
tum earumdem diœcesium utilitati providere possimus. Nobis
autem innotuit in quibusdam germanici territorii diœcesibus
aliquas circa parochiarum potissimum collationem invaluisse
consuetudines, et nonnuUos ex vobis optare ut hujusmodi con-
suetudines serventur. Nos quidem propensi sumus ad adhiben-
dam indulgentiam, postquam tamen easdem consuetudines ab
unoquoque vestrum speciatim ac perdiligenter expositas débite
examine perpenderimus. ut eas intra illos permittamus limites,
quos nécessitas et prsecipua locorum adjuncta suaderepoterunt,
cum pro Apostolici nostri ministerii munere curare omnino
debeamus, ut canonicœ prœscriptiones generatim sedulo obser-
ventur.
Antequam finem huic noslrse Epistolae faciamus, quœ vos
omnes Austriaci imperii sacrorum antistites alloqui summopere
gaudemus, nostrum ad vos sermonem prœsertim convertimus,
venerabiles Fratres archiepiscopi et episcopi qui in eodem nobi-
lissimo imperio morantes, ac nobiscum in vera fide et catholica
nnitate conjuncti, et buic Pétri cathedrœ adhœrentes, Orientalis
Fcclesiœ ritus et laudabiles consuetudines ab hac Sancta Sede
probatas, seu permissas colitis. Compertum exploratumque
vobis est quo in pretio hœc Apostolica Sedes vestros semper
habuerit ritus, auorumobservantiam tantopere inculcavit, quem-
«SINGULAIU QUIDEM », 17 MARS 1856 97
de tout votre cœur h accomplir leurs devoirs avec toute l'activité et la
religion convenables. Répétez-leur que jamais ils ne doivent omettre de
nourrir avec soin le peuple qui leur est confié, par la prédication de la
parole de Dieu, la dispensation des sacrements, la distrihulion des nom-
breuses gn\ces divines; d'enseigner avec amour, avec paîience aux igno-
rants, surtout aux petits enfants, les mystères de la foi chrétienne et les
vérités de notre religion; de faire rentrer les égarés dans le chemin du
salut; de s'appliquer particulièrement à détruire les haines, les rancunes,
les inimitiés, les discordes, les scandales ; h fortifier les pusillanimes, à
visiter les malades, à leur procurer préférablement les secours spirituels;
à consoler les malheureux, les afiligés et tous ceux qui sont dans la
peine; enfin h apprendre et à exciter tout le monde, conformément à la
saine doctrine, à rendre religieusement à Dieu ce qui est à Dieu, à César
ce qui est à César; car, en tout ce qui n'est contraire ni aux lois de Dieu,
ni aux lois de l'Eglise, tous doivent se soumettre, obéir aux princes et
aux puissances, non seulement par crainte de la colère, mais par devoir
de conscience.
Continuez comme vous faites, et â la grande gloire de votre nom. Fils
bien-aiuiés et vénérables Frères, à envoyer à la Congrégation du Concile,
aux époques déterminées, un rapport exact sur la situation de vos dio-
cèses respectifs, à nous mettre avec soin au courant de ce qui les inté-
resse, afin que nous puissions être plus utiles soit à vous, soit à ces dio-
cèses. 11 nous est parvenu que dans plusieurs diocèses du territoire ger-
manique certaines coutumes ont prévalu sur la collation des paroisses et
que quelques-uns d'entre vous en désirent la conservation. Nous sommes
disposé à user d'indulgence à cet égard, après avoir cependant soumis à
un examen attentif ces mêmes coutumes dont nous attendons que chacun
devons nous fasse une relation détaillée et approfondie; nous pourrons
les autoriser dans les limites que la nécessité et les circonstances princi-
pales des provinces paraîtront exiger; notre devoir, avant tout, est de
faire observer soigneusement les prescriptions canoniques.
Avant de clore cette lettre, où nous avons le bonheur de vous entretenir,
vous tous prélats de l'empire d'Autriche, nous nous adressons à vous
spécialement, vénérables Frères archevêques et évêques, qui dans ce
grand empire, en union avec nous dans la vraie foi, dans la doctrine
catholique et attachés à cette chaire de Pierre, suivez les rites de l'Eglise
orientale et ses louables coutumes, approuvées ou permises par le Saint-
Siège. Vous avez appris, vous comprenez quel prix ce Siège Apostolique
d toujours attaché à vos rites : il en a souvent exigé l'observation, comme
nS LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
admodum luculenter testantur tôt Romanorurn Pontificum
decessoriini nostrorum décréta et constitutiones, inter quas
commemorare satis est Litteras Benedicti XIV praedecessoris
pariter nostri die xxvi Julii, anno mdcclv éditas, qiiarum
jnitiiim Allalœ, et nostras die vi Jannarii anno mocccxlviii omni-
bus Orientalibus missas, quœ incipiunt In Suprema Pétri apostoli
Secle. Itaque vos etiam summopere excitamns, ut pro eximia
vestra religione et episcopali sollicitudine ministerium vestrum
implentes, atque ante oculos habentes ea omnia de quibus locuti
sumus, vestram omnem ciirani, industriam et vigilantiam con-
tinenter impendatis, ut vester clerus virtutibus omnibus orna-
tus, et optimis disciplinis potissimum sacris accurate excultus,
in s-?mpiternam iidelium salutem quœrendam intentissiino stu-
dio incumbat, ut fidèles populi instent viani quœducitad vitam,
ut quotidie magis sancta augeatur et amplificetur catholicae
religionis unio, et sacramcnta administrentur ac divina cele-
brentur officia juxta vestram disciplinam, iis tamen lilurgicis
libris adhibitis, qui ab bac Sancta Sede probati fuerunt. Etcum
nihil nobis optatius, quam vestris et vestrarum fidelium indi-
gentiis quam libentissime occurrere, ne omittatis ad nos confu-
gere, nobisque exponere vestrarum diœcesium res, et illarum
relationem ad nostram Congregationem fidei propagandae prse-
positam quarto quoque anno mittere.
Uenique, dilecti Filii nostri ac venerabiles Fratres, vos obte-
stamur, ut intentissimo studio connitamini magis in dies con-
gervare, fovere, et augere pacem et concordiam inter universum
istarum omnium diœcesium clerum tum latini, tum greeci
catholici ritus, ut omnes qui militant in castris Domini, mutuo
fraternae caritatis afTectu se invicem honore prœvenientes, Dei
gloriae et animarum saluti unanimiter ac studiosissime inser-
viant
Habetis quœ, pro impensissima nostra erga vos et fidèles
istius vastissimi imperii populos caritate, vobis, dilecti Filii
nostri ac venerabiles Fratres, nunc potissimum significanda
censuimus, ac pro certo habemus, vos pro egregia vestra
virtute, religione, pielate, ac perspecta in nos et banc Pétri
Cathedram fide et observantia, hisce paternis nostris desideriis
monitisque quam libentissime et cumulatissime esse obse-
cuturos. Ac plane non dubitamus, quin vos omnes dilecti Filii
nostri ac venerabiles Fratres, pastorum Principem Ghristum
Jesum continenter intuentes, qui se bumilem et mitem corde
est professus, quique dédit animam suam pro ovibus suis, relin-
quens. nobis exemplum ut sequamur vestigia ejus, contendatis
tolis viribus illius exempla sectari, documenta obsequi, et gregi
« SINGULAUI QUIDEM », 17 MARS 18Ô6 99
l'attestent surabondamment les décrets et constitutions de tant de Pon-
tifes romains nos prédécesseurs, et parmi ces décrets et constitutions
les lettres de Benoit XIV du 26 juin 1755, qui commencent ainsi:
Allatœ, et celles que nous-mêine avons envoyées le 6 janvier 1848
à tous les Orientaux et qui commencent par ces mots : In suprema Petri
apostoli sede. Ainsi donc nous vous engageons aussi de toutes nos forces
non seulement à remplir votre ministère, avec toute la religion et toute
la sollicitude pastorale qui vous animent, non seulement ^ fixer vos
regards sur tout ce que nous venons de dire, mais surloui a employer
continuellement vos soins, votre intelligence, votre vigilance, pour obte-
nir qu'orné de toutes les vertus, profondément instruit des sciences et
surtout des sciences sacrées, votre clergé s'occupe avec un zèle soutenu
à procurer 1,'éternel salut des fidèles, à faire marcher les populations cnré-
tiennes dans la voie qui conduit à la vie ; à étendre, à augmenter de
jour en jour et de plus en plus la sainte unité de la religion "atho-
lique, à administrer les sacrements et à célébrer les divins offices selon
votre discipline, mais en faisant usage des livres liturgiques qui ont
reçu l'approbation du Saint-Siège. Et comme nous ne désirons rien tant
que d'avoir le bonheur de veiiir en aide à vous et aux fidèles de votre
juridiction, n'oubliez pas de recourir à nous, de nous rendre compte des
affaires de vos diocèses, d'en envoyer chaque quatre ans le rapport à notre
Congrégation de la propagande.
Nous vous supplions, en terminant. Fils bien-aimés et vénérables
Frères, d'employer tous vos efl'oi'ts pour conserver, entretenir et augmen-
ter chaque jour et de plus en plus la paix et la concorde parmi les
ecclésiastiques du rite latin et du riîe grec-catholique de tous ces diocèses ;
que ceux qui combattent sous l'étendard du Seigneur, animés, sans
exception, l'un pour l'autre, d'une aiTection mutuelle, d'une fraternelle
charité, et se prévenant par des témoignages d'honneur, s'attachent tous
d'un com.mun accord et avec grande ardeur à procurer la gloire de Dieu
et le salut des âmes.
Voilà, chers Fils et vénérables Frères, ce que, dans notre immense
amour pour vous et pour les fidèles de ce vaste empire, nous avons cru
devoir vous faire connaître. iNous tenons pour certain qu'inspirés par
par vos éminentes vertus, votre religion, votre piété, votre foi et votre
respect si connu pour nous et pour cette chaire de Pierre, vous vous
empresserez d'obéir à nos avis, à nos paternels désirs, vous irez même au-
delà. Bien plus, nous ne doutons pas. Fils bien-aimés et vénérables Frères,
que, les yeux continuellement fixés sur le Prince des pasteurs, sur Jésus-
Christ qui s'est montré doux et humble de cœur; qui a donné son âme
pour ses brebis, nous laissant son exemple pour nous inviter à marcher
sur ses traces, vous travaillerez de toutes vos forces à le prendre pour
modèle, à suivre ses enseignements, à veiller assidûment sur le troupeau
100 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
cnraevestrœ commisso assidue advigilare, in omnibus laborare,
ministerium vcstiiirn implere, et quœrere non qiuxî vestrasunt.
sed (]uœ Christi Jesu. neqne jam ut dominantes in cleris, sed uti
pa.stores, imo patres amantissimi et facti forma ijregisex animo,
niliil tam molestum. tam impcditum, tam ardiium unquam fore
putetis, quod in omni paticntia, mansuetudiiie, lenitate. pru-
dentia ferendum, expediendum ac providcndum pro ve.>?trarum
ovium salute non ruretis.
Nos intérim in humilitatecordis nostrihaudomittimusassiduas
fervidasque clementissimo liiminum et misericordiarnm Patri
Deo totius consolationis adhil)erc preees, ut iiberrima ijuœque
suae bonitatis dona super vos propitius semper effundat, quai in
dilectas quoque oves vobis concreditas copiose descendant. Gujus
divini praesidii auspicem et propensissimaj aîque ac sludiosis-
simfe nostrae in vos voluntatis testem Apostolicam benedictionem
ex imo corde depromptam vobis singulis, dilecti Filii nostri ac
venerabiles Fratres, cunctisque istarum Ecclesiarum ciericis
laicisque (idelibus peramanter impeitimur.
Datum lloniiB apud Sanctum Petrum die xvii Martii, anno
MDCCCLvi, Pontificatus nostri anno decimo.
FILS PP. IX
« SIN'GULARI QUIDEM », 17 MAUS 1856 tOl
qui vous est confié, à vous occuper toujours, à remplir votre ministère, à
rechercher, non ce qui vous plaît, mais ce qui plaît à .Icsus-Christ, à vous
montrer, non les dominateurs du clergé, mais ses pasteurs, mais ses pères
très aU'ectueux, à devenir le modèle du troupeau, à ne trouver rien de si
pénible, rien de si difficile, rien de si ardu (|uc vous ne le soutiriez, que
vous ne renlropreniez. que vous ne l'accomplissiez avec toute la patience,
toute la mansuétude, toute la douceur et toute la prudence possibles
pour le salut de vos ouailles.
Pour nous, nous ne cessons d'adresser les prières les plus ferventes au
doux Père des lumières et des miséricordes, au Dieu de toute consolation.
>"ous lui demandons de répandre toujours abondamment les effusions de
sa bonté propice sur vous, et de les faire descendre largement sur les
chères brebis dont vous avez la garde. Comme gage de ce divin secours,
comme témoignage de notre vive alîcction, de notre dévouement envers
vous, nous accordons avec amour et de tout notre cœur la bénédiction
apostolique à chacun de vous. Fils bien-aimés et vénérables Frères, à
tous les clercs et à tous les fidèles de vos diocèses.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le 17 mars de l'année 18S6, dixièn:e
de noire Pontificat.
PIE IX, P.\PE.
SS. PII pp. IX
CONSTITUTIO
PIUS EPISCOPUS, SERVUS SERVORUM DEI
AD PERPETUAM P£I MEMORIAM
InelT.ibilis Deus, cujus viœ misericordia et veritas^ cujns vo-
luntas omnipotentia, et. cujus sapientia attingit a fine usque ad
finem fortiter et dlsponit omnia suaviler, cum ab omni œterni-
tate praeviderit luctuosissimam totius humani generis ruinain
ex Adami transgressione deiivandam, atqiie in mysterio a scecu-
lis abscondito primum suae bonitatis opus decreverit per Verbi
incarnationem sacramento occultiore compiere, ut contra mise-
ricors suum propositum homo diabolicge iniquitatis versiitia
actus in culpam non periret, et quod in primo Adamo casurum
erat in secundo felicius erigeretur, ab initio et ante saecula uni-
genito Filio suo Matreni, ex qua caro factus in beata temporum
plenitudine nasceretur, elecrit atque ordinavit, tantoque prae
creaturis universis est prosequutus amore, ut in illa una sibi
propensissima voluntate complacuerit. Quapropter illam longe
ante omnes angelicos Spiritus, cunctosque Sanctos cœlestium
omnium charismatum copia de thesauro divinitatis deprompta
ita mirifice cumulavit, ut Ipsa ab omni prorsus peccati labe
semper libéra, ac tota pulchra et perfecta, eam innocentiae et
sanctitatis plenitudinem prœ se ferret, qua major sub Ueo nulla-
tenus intelligitur, et quam prœter Deum nemo assequi cogitando
potest. Et quidem docebat omnino, ut perfeclissimse sanctitatis
splendoribus semper ornata fulgeret, ac vel ab ipsa originalis
culpse labe plane immunis amplissimum de antiquo serpente
triumphum referret tam venerabilis mater, cui Deus Pater
unicum Filium suum, quem de corde suo aequalem sibi genilum
tanquam seipsum diligit, ita dare disposuit, ut naturaliter esset
unus idemque commnnis et Patris et Virginis Filius, et quam
ipse Filius substantialiter facere sibi matrem elegit, et de qua
Spiritus Sanctus voluit, et operatus est, ut conciperetur et nas-
ceretur ille, de quo ipse procedit.
CONSTITUTION
DE N. T. S. P. LE PAPE PIE IX
L'IMMACULÉE CONCEPTION DE LA SAINTE VIERGE
PIE EVÈQUE
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU
En mémoire perpétuelle de la chose.
Dieu ineffable, dont les voies soin niiséricorde et vérité, dont la volonté
est toute-puissance, dont la sagesse atteint d'une extrémité jusqu'à Tautre
avec une force souveraine et dispose tout avec une merveilleuse douceur,
avait prévu de toute éternité la déplorable ruine en laquelle la trans-
gression d'Adam devait entraîner tout le genre humain ; et dans les pro-
fonds secrets d'un dessein caché à tous les siècles, il avait résolu d'ac-
complir, dans un mystère encore plus profond, par l'Incarnation du
Verbe, le premier ouvrage de sa bonté, afin que l'homme, qui avait été
poussé au péché par la malice et la ruse du démon, ne pérît pas, con-
trairement au dessein miséricordieux de son Créateur, et que la chute
de notre nature, dans le premier Adam, fût réparée avec avantage dans
le second. Il destina donc, dès le commencement et avant tous les siècles,
à son Fils unique, la Mère de laquelle, s'étant incarné, il naîtrait, dans
la bienheureuse plénitude des temps; il la choisit, il lui marqua sa place
dans l'ordre de ses desseins; il l'aima par dessus toutes les créatures,
d'un tel amour de prédilection, qu'il mit en elle, d'une manière singu-
lière, toutes ses plus grandes complaisances. C'est pourquoi, puisant dans
les trésors de sa divinité, il la combla, bien plus que tous les Esprits
angéliques, bien plus que tous les Saints, de l'abondance de toutes les
grâces célestes, et l'enrichit avec une profusion merveilleuse; afin qu'elle
fût toujours sans aucune tache, entièrement exempte de l'esclavage du
péché, toute belle, toute parfaite et dans une telle plénitude d'innocence
et de sainteté qu'on ne peut, au-dessous de Dieu, en concevoir une plus
grande, et que nulle autre pensée que celle de Dieu même ne peut en
mesurer la grandeur. Et certes il convenait bien qu'il en fût ainsi, il
convenait qu'elle resplendît toujours de l'éclat de la sainteté la plus par-
faite, qu'elle fût entièrement préservée, même de la tache du péché ori-
ginel, et qu'elle remportât ainsi le plus complet triomphe sur l'ancien
serpent, cette Mère si vénérable. Elle à qui Dieu le Père avait résolu de
donner son Fils unique, Celui qu'il engendre de son propre sein, qui lui
est égal en toutes choses et qu'il aime coinme lui-même, et de le lui don-
ner de telle manière qu'il fût naturellement un même unique et com-
mun Fils de Dieu et de la Vierge; Elle que le Fils de Dieu lui-même
avait choisie pour en faire substantiellement sa Mère; Elle enfin, dans
le sein de laquelle le Saint-Esprit avait voulu que, par son opération
divine, fût conçu et na-uît Celui dont il procède lui-même.
loi CONSTITUTION DE PIE IX
Qiiani original(-m augiistœ Virginis innocentiam cum admira-
bili cjiisdeni sanclitate, prœcelsaqiie Dei matris dignilate omnino
cohrcrentem catholica Ecclesia, qiiœ a Sancto semper edocta
Spiritu columna est ac firmamentiim veritalis, tanquam doclri-
nam possidens divinitusacceptam, et cœlestis revelationis depo-
sito comprehensam mulliplici continenter ratione, splendidisque
factis magis in dies explicare, proponeie, ac fovere nunqnam
deslitit. Hanc enim doctrinam ab antiquissimis teinporibus
vigentem, ac fidelium aniniis penitus insitam, et sacroruin An-
tistilum eu ris studiisque per calholicain orbem mirifice propa-
gatam ipsa Ecclesia luculentissime significavit, cum ejusdem
Virginis Conceptionem publiée fidelium cultui ac venerationi
proponere non dubitavit. Que illustri quidem facto ipsius Vir-
ginis Conceptionem veluti singularem, miram, et a reliquorum
hominum primordiis longissime secretam, et omnino sanctam
colendam exhibuit, cum Ecclesia nonnisi de Sanctis dies festos
concelebret. Atque idcirco vel ipsissima verba, quibus divinae
Scripturœ de increata Sapientia loquuntur, ejusque sempiternas
origines reprœsentant, consuevit tum in ecclesiasticis Officiis,
tum in sacrosancta Liturgia adhibere, et ad illius Virginis pri-
mordia transferre, quœ uno eodemque decreto cum divinae Sa-
pientise incarnatione fuerant prœslituta.
Quamvis autem hœcomnia pênes (ideles ubique prope recepta
ostendant, quo studio ejusmodi de Immaculata Virginis Conce-
ptione doctrinam ipsa quoque Ilomana Ecclesia, omnium Eccle-
siarum mater et magistra, fuerit prosequuta, tamen illustria
hujus Ecclesiœ facta digna plane sunt, quœ nominatim recen-
seantur, cum tanta sit ejusdem Ecclesiœ dignitas, atque aucto-
ritas, quanta illi omnino debetur, quœ est catholicœ veritatis et
unitatis centrum, in qua solum inviolabiliter fuit custodita re-
ligio, et ex qua traducem fidei reliquœ omnes Ecclesiœ mutuentur
oportet. Itaque eadem Romana Ecclesia nihil potius habuitquam
eloquentissimis quibusque modis Immaculatam Virginis Conce-
ptionem, ejusque cultum et doctrinam asserere, tueri, promovere
et vindicare. Quod apertissime planissimeque testantur et décla-
rant tôt insignia sane acta Romanorum Pontificum Uecessorum
ISostrorum, quibus in persona Apostolorum Principis ab ipso
Christo Domino divinitus fuit commissa suprema cura atque po-
tf'stas pascendi agnos et oves, confirmandi fratres, et universam
legendi et gubernandi Ecclesiam.
Knimvero Prœdecessores Nostri vehementer gloriati sunt
AposLolica sua auctoritate festum Conceptionis in Romana Ec-
clesia inslituere, ac proprio Oflicio. propriaque Missa, quibus
prœrogativa immunitatis ab hœreditaria labe manifestissime
n INEFFAIHLIS », S DÉCh-MBIîE 1854 105
Celle innocence originelle de l'ouguste Vierge, si parfailemcnt en rap-
porl avec son a<lnui-al)le sainteté et avec sa dignité siiréniiiicntc de Mèi'e
de Dieu, l'Eglise catholique qui, toujours enseignée par rEs|)rit-Saint,
i-sl la colonne et le fondement de la vérité, l'a toujours possédée connue
une doctrine reçue de Dieu même et renfermée dans le dépôt de la révé-
lation céleste. Aussi, par Fexposilion de toutes les preuves qui la dé-
montrent, comme par les faits les plus illustres, elle n'a jamais cessé de
la développer, de la proposer, de la favoriser chaque joui- davantage.
C'est celle doctrine, déjà si florissante des les temps les plus anciens, et
si profondément enracinée dans l'esprit des fidèles, et propagée d'une
manière si merveilleuse dans tout le monde catholique par les soins et
le zèle des saints Evêques, sur laquelle l'Eglise elle-même a manifesté
son sentiment d'une manière si significative, lorsqu'elle n'a point hésité
à proposer au culte et à la vénération publique des fidèles la Conception
de la Vierge. Par ce fait éclatant, elle montrait bien que la Conception
de la Vierge devait être honorée comme une Conception admirable, sin-
gulièrement privilégiée, différente de celle des autres hommes, tout à
fait à part et tout à fait sainte, puisque l'Eglise ne célèbre de fêtes qu'en
l'honneur de ce qui est saint. C'est pour la même raison, qu'emprun-
tant les termes mêmes dans lesquels les divines Ecritures parlent de la
sagesse incréée et représentent son origine éternelle, elle a continué de
les employer dans les offices ecclésiastiques et dans la liturgie sacrée, et
de les appliquer aux commencements mêmes de la Vierge; commence-
ments mystérieux, que Dieu avait prévus et arrêtés dans un seul et
même décret, avec l'Incarnation de la Sagesse divine.
Mais encore que toutes ces choses connues, pratiquées en tous lieux
par les fidèles, témoignent assez quel zèle l'Eglise Romaine, qui est la
Mère et la Maîtresse de toutes les Eglises, a montré pour cette doctrine
de l'Immaculée Conception de la Vierge ; toutefois, il est digne et très
convenable de rappeler en détail les grands actes de cette Eglise, à cause
de la prééminence et de l'autorité souveraine dont elle jouit justement,
et parce qu'elle est le centre de la vérité et de l'unité catholique, et celle
en qui seule a été garanti inviolablement le dépôt de la religion, et celle
dont il faut que toutes les autres Eglises reçoivent la tradition de la foi.
Or, celle sainte Eglise Romaine n'a rien eu de plus à cœur que de
professer, de soutenir, de propager et de défendre, par tous les moyens
les plus persuasifs, le culte et la doctrine de l'Immaculée Conception :
c'est ce que prouvent et attestent de la manière la plus évidente et la
plus claire tant d'actes importants des Pontifes romains, Nos prédéces-
seurs, auxquels, dans la personne du Prince des Apôtres, Notre-Seigncur
Jésus-Christ lui-même a divinement confié la cliarge, et la puissance
suprême de paître les agneaux et les brebis, de confirmer leurs frères,
de régir et de gouverner l'Eglise universelle.
Nos prédécesseurs, en effet, se sont fait une gloire d'instituer de leur
autorité apostolique la fêle de la Conception dans l'Eglise Romaine, et
d'en relever rimportancc et. la dignité par un office propre et par une
messe propre, où la prérogative de la Vierge et son exemption de la
tache héréditaire étaient affirmées avec une clarté manifeste. Quant au
lOG CONSTITUTION DE l'IE IX
asserebatur, augere, honcslare, et cultum jam institutuni omni
ope promovere, amplificare sive erugalis iii(Julgeiitiis,sive i'acul-
tate tributa civitalibus, provinciis, regnisque, ut Deiparam sub
titiilo Immaculatœ Conceptionis patronam sibi deligerent, sive
comprobatis Sodalilatibus, Congregationibus, lleligiosisqne Fa-
niiliisad Immaculatœ Conceptiunis honorem institutis, sivelau-
dibus eorum pietati delatis qui monasteria, xenodochia, altaria,
templa sub Immaculali Conceplus titulo erexerint, aut sacra-
menti religione interpositaimmaculatamDèiparœ Conceptionem
streuue propugnare spoponderint. Insuper summopere lœtati
sunt décernera Conceptionis feslum ab omni Ecclesia esse ha-
bendum eodem censu ac numéro, quo festum IVativitatis, idem-
que Conceptionis festum cum octava ab universa Ecclesia cele-
brandum, et ab omnibus inter ea quœ prsecepta sunt, sancte co-
lendum, ac Pontificiam Capellam in Patriarchali Nostra Liberiana
Basilica die Virginis Conceptioni sacro quotannis esse pera-
gendam. Atque exoptantes in lidelium animis quotidie magis
fovere banc de Immaculata Deiparae Conceptione doctrinam,
eorumque pietatem excitaread ipsam Virginem sine labe origi-
naii conceptam colendam, et venerandam, gavisi sunt quam
libentissime facultatem tribuere, ut in Lauretanis Litaniis, et in
ipsa Missse Preefatione Immaculatus ejusdem Virginis prociama-
retur Conceptus atque adeo lex credendi ipsa supplicandi lege
statueretur. iN'os porro tantorum Prœdecessorum vestigiis inhcC-
rentes, non solum quae ab ipsis pientissime sapientissimeque
fuerant constituta probavimus, et recepimus, verum etiam
memores institulionis Sixti IV proprium de Immaculata Conce-
ptione Officium auctoritate Nostra munivimus, illiusque usum
universœ Ecclesiœ laetissimo prorsus animo concessimus.
Quoniam vero quge ad cultum pertinent, intimo plane vinculo
cum ejusdem objecto conserta sunt. neque rata et fixa manere
possunt, si illud anceps sit, et in ambiguo versetur. idcirco De-
cessoresNostri Romani Pontifices omni cura Conceptionis cultum
amplificantes, illius etiam objectum ac doctrinam declarare et
inculcare impensissime studuerunt. Etenim clare aperleque do-
cuere, festum agi de Virginis Conceptione, atque uti falsam. et
ab Ecclesiœ mente alienissimam proscripserunt illoi'iim opinio-
nem, qui non Conceptionem ipsam, sed sanctificationem ab
Ecclesia coli arbitrarentur et aftirmarent. Neque mitius cum iis
agendum esse existimarunt, qui ad labetactandam de Immacu-
lata Virginis Conceptione doctrinam, excogitato inter primui»
atque alterum Conceptionis instans et momentum discrimine, as-
serebant, celebrari quidem Conceptionem, sed non pro primo in-
stanti atque momento. Ipsi namque Prœdecessores Nostri suarum
1
« INEFFAIÎILIS », 8 DÉCEMBRE 1854 107
culte déjà institué, ils faisaient tous leurs efforts pour le répandre et le
propager, soit en accordant des indulgences, soit en concédant aux villes,
aux provinces, aux royaumes, la faculté de se choisir pour protectrice la
Mère de Dieu, sous le titre de l'Immaculée Conce|)tion ; soit en approu-
vant les confréries, les congrégations et les instituts religieux établis en
l'honneur de llmmaculée Conception; soit en décernant des louanges à
Id piété de ceux qui auraient élevé, sous le titre de l'Immaculée Concep-
tion, des monastères, des hospices, des autels, des temples, ou qui s'en-
gageraient par le lien sacré du serment à soutenir avec énergie la doc-
trine de la Conception Immaculée de la Mère de Dieu. En outre, ils ont,
avec la plus grande joie, ordonné que la fête de la Conception serait
célébrée dans toute l'Eglise avec la même solennité que la fête de la
^■alivité•, de plus, que cette même fête de la Conception serait faite par
l'Eglise universelle, avec une octave, et religieusement observée par tous
les fidèles comme une fête de précepte, et que chaque année une chapelle
pontificale serait tenue, dans notre basilique patriarcale libérienne, le
jour consacré à la Conception de la Vierge.
Enfin, désirant fortifier chaque jour davantage cette doctrine de l'Im-
maculée Conception de la Mère de Dieu dans l'esprit des fidèles, et exci-
ter leur piété et leur zèle pour le culte et la vénération de la Vierge
conçue sans la, tache originelle, ils ont accordé, avec empressement et
avec joie, la faculté de proclamer la Conception Immaculée de la Vierge
dans les litanies dites de Lorette, et dans la Préface même de la messe,
afin que la règle de la prière servît ainsi à établir la règle de la croyance.
IVous-même, suivant les traces de Nos glorieux prédécesseurs, non seu-
lement Nous avons approuvé et reçu ce qu'ils avaient établi avec tant de
piété et de sagesse, mais, Nous rappelant l'institution de Sixte IV^, Nous
avons confirmé par Notre autorité rofficc propre de Tlmmaculée Concep-
tion, et Nous en avons, avec une grande joie, accordé l'usage h toute
l'Eglise.
Mais comme les choses du cuUe sont étroitement liées avec son objet,
et que l'un ne peut avoir de consistance et de durée si l'autre est vague
et mal défini; pour cette raison, les Pontifes romains Nos prédécesseurs,
en même temps qu'ils faisaient tous leurs efforts pour accroître le culte
de la Conception, se sont attachés, avec le plus grand soin, à en faire
connaître Tobjet et à en bien inculquer et préciser la doctrine. Ils ont
en effet enseigné clairement et manifestement que c'était la Conception
de la Vierge dont on célébrait la fête, et ils ont proscrit comn)e fausse
et tout à fait éloignée de la pensée de l'Eglise, l'opinion de ceux qui
croyaient et qui affirmaient que ce n'était pas la Conception, mais la
Sanctification de la sainte Vierge que l'Eglise honorait. Ils n'ont pas cru
devoir garder plus de ménagements avec ceux qui, pour ébranler la doc-
trine de l'Immaculée Conception de la Vierge, imaginaient une distii>c-
tion entre le premier et le second instant de la Conception, prétendaient,
f]u"à la vérité c'était bien la Conception qu'on célébrait, mais pas le pre-
mier moment de la Conception.
. Nos prédécesseurs, en effet, ont cru qu'il était de leur devoir de sou-
tenir et défendre de toutes leurs forces, tant la fête de la Conception de
108 CONSTITUTION DE VIE IX
pai'tium esse duxerunt, et Beatissiiïiie Virginis Conceptionis
fosliim, ot ('onceptionem pro primo instanti tanquain verum
cuit us ol)jcctum omni studio tueri ac piopugnare. llinc decre-
toria plane verba. quibus Alexander VII DecessorNustersincerain
Ivclesiœ mentem declaravit, iiKpiiens : « Sane vêtus est Cbrisli
fiilelium erga ejus beatissimani .Matrem Virgincni Mariaui pietas
sontentium, ejus animam primu instanti ci'eationis, atque infu-
sionis in corpus fuisse speciali Dei gratia et privilegio, intuilu
meritorum Jesu Christi ejus Filii bumani generis Redemptoris,
a macula peccati originalis prœservatam immunem, atque in
hoc sensu ejus Conceptionis festivitatem solemni ritu culentium
et celebrantium (i). •»
Atque illud inprimis solcmne quoque fuit iisdem Decessoribus
Nostiis doctrinam de Immaculata Dei niatrisGonceptionesartam
tectamque omni cura, studio et contentione tueri. Etenim non
solum nuUatenus passi sunt, ipsam doctrinam quovismodo a
quopiara notari,, atque traduci, verum etiam longe ulterius pro-
gressi perspicuis declarationibus, iteratisque vicibus edixerunt,
doctrinam, qua Immaculatam Virginis Conceptionem profitemur,
esse, suoque merito baberi cum ecclesiastico cuitu plane con-
sonam, eamque veterem.. ac prope universalem et ejusmodi.
quam Romana Ecclesia sibi fovendam, tuendamque suscepeiit,
atque omnino dignam, quœ in sacra ipsa Liturgia, soleranibusque
precibus usurparetur. Neque bis contenti.ut ipsadeimmaculato
Virginis Conceptu doctrina inviolata persisteret, opinionem buic
doctrinre adversam sive publiée, sive privatim defendi posse
severissime prohibuere, eamque multipliri voluti vulnere con-
fectam esse voluerunt. Quibus repotitis luculentissimis declara-
tionibus, ne inanes viderentur, adjecere sanctionem : quœ omnia
laudatus Prœdecessor Noster Alexander VII his verbis est com-
plexus:
« Nos considérantes, quod Sancta Romana Ecclesia de Inte-
meratœ semper Virginis Mariœ Conceptione festum solemniter
célébrât, et spéciale ac proprium super hoc ofllcium olim ordi-
navit juxta piam, devotam, et laudabilem institutionem, quœ a
Sixto IV Prœdecessore Nostro tune emanavit, volentesque lau-
dabili huic pietati et devotioni, et festo, ac cultu secundum illam
exbibito, in Ecclesia Romana post ipsius cultus institutionem
numquam immutato, Romanorum Ponlificum Prœdecessorum
jN'ostrorum exemplo, favere nec non tueri pietatem, et dcvotio-
nem banc colendi, et celebrandi beati.<simam Virginem, prœve-
(1) Alexander Vil, Gonst. SolUcititdo omnium Ecclesiarum, \ii decem-
bris 16U1.
0 INIil'-FABILIS », 8 DÉCEMBRE 1S54 109
la Vierge !)ietil>ciireuse, que le premier instant de sa conception, comme
étant le vérilabic objet de ce culte. De Ifi ces paroles d'une autorité tout
à fait décisive, par lesquelles Alexandre Vil, l'un de Nos prédécesseurs,
a déclaré lu véritable pensée de l'Eglise : « ('/est assurément, dit-il, une
t ancienne croyance que celle des pieux fidèles qui pensent que l'Ame de
« la bienheureuse Vierge .Marie, Mère de Dieu, dans le premier instant
( où elle a été créée et unie à son corps, a été, par un privilège et une
« grâce spéeiale de Dieu, préservée et mise à l'abri de la tache du péché
« originel, et qui, dans ce sentiment, honorent et célèbrent solennelle-
« ment la fête de sa Conception. »
Mais surtout Nos prédécesseurs ont toujours, et par un dessein suivi,
lra\ aillé avec zèle et de toutes leuis forces à soutenir, à défendi'c et ù
maintenir la doctrine de rimmaculée Conception de la Mère de Dieu. En
ellet, non seulement ils n'ont jamais souffert que cette doctrine fût l'objet
d'un blâme ou d'une censure quelconque; mais ils sont allés beaucoup
plus loin. Par des déclarations positives et réitérées, ils ont enseigné que
la doctrine par laquelle nous professons la Conception Immaculée de la
Vierge était tout à fait d"accord avec le culte de l'Eglise, etqu'on la con-
sidérait à bon droit comme telle; que c'était l'ancienne doctrine, presque
universelle et si considérable, que l'Eglise romaine s'était chargée elle-
même de la favoriser et de la défendre; enfin, qu'elle élait tout à fait
digne d'avoir place dans la Liturgie sacrée et dans les prières les plus
solennelles. Non contents de cela, afin que la doctrine de la Conception
Immaculée de la Vierge demeurât à l'abri de toute atteinte, ils ont sévè-
rement interdit de soutenir publiquement ou en particulier l'opinion
contraire à cette doctrine, et ils ont voulu que, frappée pour ainsi dire
de tant de coups, elle succombât pour ne plus se relever. Enfin, pour
que ces déclarations répétées et positives ne fussent pas vaines, ils y ont
ajouté une sanction. C'est ce qu'on peut voir dans ces paroles de Notre
prédécesseur Alexandre VII :
« Nous, dit ce Pontife, considérant que la Sainte Eglise Romaine
« célèbre solennellement la fête de la Conception de Marie sans tache et
« toujours vierge, et qu'elle a depuis longt-emps établi un office propre
« et spécial pour cette fête, selon la pieuse, dévote et louable disposition
<t de' Sixte IV, Notre prédécesseur, voulant à Notre tour, à l'exemple des
(I Pontifes romains, Nos prédécesseurs, favoriser cette pieuse et louable
a dévotion, ainsi que la fêle et le culte qui en est l'expression, lequel
'< culte n'a jamais changé dans l'Eglise Romaine depuis qu'il a été ins-
« titué; et voulant aussi protéger cette pieuse dévotion, qui consiste à
" honorer par un culte public la Bienheureuse Vierge, comme ayant été,
« par la grâce prévenante du Saint-Espiit, préservée du péché originel;
« désirant enfin conserver dans le troupeau de Jésus-Christ l'unité
4 d'esprit dans le lien de la paix, apaiser les dissensions et ôter toute
« cause de scandale : sur les instances et les prières des susdits Evêques
« et des chapitres de leurs églises, du roi Philip|)c et de ses royaumes,
« Nous renouvelons les constitutions et décrets (]ne les Pontifes romains,
« Nos prédécesseurs, et spécialement Sixte IV. Paul V et Grégoire XV,
« ont publiés en faveur du sentiment qui affirme (|ue l'âme de la Dien-
« heureuse Vierge Marie, dans sa création et au moment de son union
110 CONSTITUTION DE IME IX
niente scilicet Spiritus Sancti gratia, a peccato originali prapser-
vatani. nipiiMilcsquc in Christi grege iinitatem spiritus in vinculo
pacis, scdatis oITensionibiis et jurgiis, amolisque scandalis con-
sorvnre : ad pr.Bfatoruin Episcoporum ciim Ecclesiarum sn.irun
Capitulis, ac Philippi llegis, ejusque Regnorum oblatani .\obis
instantiam, ac preces ; Conslitutioncs, et Décréta, a Ilomanis
Pontilicibus Praedecessoribus Nostris, et prsscipue a Sixlo IV,
i'aulo V et Gregorio XV édita in favorem sententise assorentis,
Animam beatae Mariae A'irginis in siii creatione, et in corpus
infusione, Spii'itus Sancti gratia donatam, et a peccato originali
prfeservatam fuisse, nec non et in favoiem festi, et cultus Gon-
ceptionis ejusdem Virginis Deiparae secundum piam istam sen-
teiitiam, ut prœfertur, exbibiti, innovanius, et sub censuris et
pœnis in eisdemGonstitutionibuscontentis, observari mandamus.
« Et insuper omnes et singulos, qui praefatas Constituliones,
seu Decif'ta ita pergent interpretari, ut favorem per illas dictée
sententiae, et festo seu cultui secundum illam exbibito, frustren-
tur, vel qui banc eamdem senlentiam, festum seu cullum in
disputationem revocare, aut contra ea quoquo modo directe,
vel indirecte aut quovis prœtextu, etiam delînibilitatis ejus
examinandae, sive sacram Scripturam, aut sanctos Patres, sive
Doctores glossandi vel interpretandi, denique alio quovis prœ-
textu seu occasione, scriplo seu voce loqni, concionari, tractare,
disputare, contra ea quid(iuam determinando, aut asserendo,
vel argumenta contra ea atlbiendo, et insoluta relinquendo, aut
alio quovis inexcogitabili modo disserendo ausi fuerint; prœter
pœnas et censuras in Gonstitutionibus Sixti IV contentas, quibus
illos subjacere volumus, et per prœsentes subjicimus, etiam
concionandi, publiée legendi, seu docendi , et interpretandi
facultate, ac voce activa, et passiva in quibuscumque electioni-
bus, 60 ipso absque alia declaratione privatos esse volumus;
nec non ad concionandum, publiée legendum, docendum, et
interpretandum perpétuas inbabilitatis pœnas ipso facto incur-
rere absque alia declaratione; a quibus pœnis nonnisi a JNobis
ipsis, vel a Successoribus Nostris Romanis Pontificibus absolvi,
aut super iis dispensari possint : nec non eosdem aliis pœnis,
Nostro, et eoruiT.dem Romanorum PontiHcum Successorum
IVostrorum,arbitrio infligendis, pariter subjacere volumus per
prœsentes, innovantes Pauli V et Gregorii XV superius mcmo-
ratas Gonslitutiones sive Décréta.
« Ac libros, in quibus prsefata sententia, festum, seu cultus
secundum illam in dubiuni revocatur, aut contra ea quomodo-
cu mque, ut supra, aliquid scribitur aut legitur, seu locutiones,
conciones, tractatus et disputationes contra eadem continentur.
oc INKFFABILIS », 8 DÉCEMBRE 18ôi 111
« avec le corps, a été dotée de la grâce du Saint-Esprit et préservée du
« péché originel, et aussi en faveur de la Conception de la même Vierge,
« mère de Dieu, lesquels sont établis et praliqués, comme il est dit plus
< haut, en conformité de ce pieux sentiment ; et nous commandons que
a l'on garde lesdites constitutions sous les mômes censures et peines qui
€ y sont portées.
d De plus, tous et chacun de ceux qui continueront à interpréter les-
e dites constitutions ou décrets de manière à rendre illusoire la faveur
« qu'ils accordent au susdit sentiment, ainsi qu'à la fête et au culte éta-
a. blis en conséquence, ou qui oseront renouveler les disputes sur ce
« sentiment, cette fête et ce culte, de quelque manière que ce soit,
a directement ou indirectement, et aussi sous quelque prétexte que ce
« puisse être, même sous celui d'examiner s'il peut y avoir lieu à une
« définition sur ce sujet, ou sous le prétexte de faire des gloses ou des
« interprétations sur la Sainte Ecriture, les saints Pères ou les Docteurs;
« ou qui oseront enfin, sous quelque autre prétexte et à quelque occasion
« que ce soit, de vive voix ou par écrit, parler, prêcher, disserter, dis-
n puter, soit en affirmant et décidant quelque chose à l'encontre, soit en
« élevant des objections et les laissant sans réponse, soit en employant
« enfin quelque autre forme ou moyen de discussion que Nous ne pou-
« vons pas ici prévoir; outre les peines et les censures contenues dans
« les Constitutions de Sixte IV et auxquelles Nous A'^oulons les soumettre
c et les soumettons en effet par ces présentes; Nous voulons de plus que
Œ par le fait même, et sans autre déclaration, ils soient privés de la
« faculté de prêcher, faire des leçons publiques, enseigner et interpréter,,
R et de toute voix active et passive dans quelque élection que ce soit ; et
« en outre que toujours par le seul fait, et sans autre déclaration préa-
a lable, ils soient frappés d'une perpétuelle inhabilité à prêcher, faire
« des leçons publiques, enseigner et interpréter, desquelles peines Nous
« Nous réservons à Nous seul, et aux Pontifes romains Nos successeurs,
<t le droit l'absoudre ou de dispenser, sans préjudice des autres peines
Œ qui pourraient Nous paraître, à Nous et aux Pontifes romains Nos
« successeurs, devoir leur être infligées, et auxquelles ils seront soumis,
« coirme. Nous les y soumettons par les préceptes, renouvelant les Cons-
« tttutions et décrets de Paul V et de Grcj^oire XV, rappelés plus haut.
« Quant aux livres dans lesquels le susdit sentiment ou la légitimité
« de la fête et du culte établis en conséquence sont révoqués en doute,
« et dans lesquels est écrit ou se lit quelque chose à l'encontre, comme
a il a été dit plus haut, ou qui contiennent des dires, discours, traités et
€ disputes contre les sentiments, fêtes et cultes susdits, soit que ces
112 CONSTITUTION DE l'IK IX
post Pauli V supra laudatutn Decretum édita, aut in postoiiim
quoniodolibet edenda, prohibemus sub pœnis et censuris in
Indice lii)rorum proliibitoruni conlentis: et ipso facto absque
declaralione pro expresse proliibitis haberi voiunius et nianda-
nnis. »
Umncs autem norunt quanto studio bœc de Imniaculala Uei-
paive Viiginis Conceptione doctrina a spectatissimis llelii;iosis
Familiis, et celebrioribus Tlieoloùicis Academiis ac pra-slaiilis-
sir.iis rerum divinarum scientia Uoctoribus fuerit tradita. asserta
ac propugnata. Omnes pariter norunt quantopcre sollicili fue-
rint Sacrorum Antistites vel in ipsis ecclesiaslicis .conv<*nlibus
palam publiceque profileri, sancliss^imam Dei Genitriceni Virgi-
nem Mariam ob prœvisa Christi Domini Redomptori mérita
nunquam originali subjacuisse peccato, sed prœservatani omnino
fuisse ab originis labe, et ideirco subiimiori modo redemptam,
Ouibus illud profecto gravissimum, et omnino maximum accedit.
ipsam quoque Tridentinam Sj'nodum, cum dogmaticum de pec-
cato originali ederet decretum, quo juxta sacrarum Scriptura-
rum, sanctorumque Patrum, ac probatissimorum Conciliorum
testimonia statuit, ac definivit, omnes homines nasci originali
culpa infectos, tamen solemniter déclarasse, non esse suse inlen-
tionis in decreto ipso, tantaque delinitionis amplitudine com-
prehendere beatam, et immaculatam Virginem Uei (ienitricem
3Iariam. Hac enim declaratione Tridcnlini Patres, ipsain beatis-
simam Virginem ab originali labe solntam pro rerum teinpo-
rumque adjunctis satis innuerunt, atque adeo perspicue signifi-
carunt, nihil ex divinis Litteris, nihil ex traditione, Patrumque
auctoritate rite afferri posse, quod tantae Virginis praîrogativae
quovis modo refragetur.
Et re quidem vera banc de Immaculata beatissimae Virginis
Conceptione doctrinam quotidie magis gravissimo Ecclesiae
sensu, magisterio, studio, scientia, ac sapientia tam splendide
explicatam, declaratam, continnatam, et apud omnes catbolici
orbis populos, ac nationes mirandum in modum propagatam,
in ipsa Êcclesia semper extitiss»^ veluti a majoribus acceptam,
ac revelatse doctrinœ charactere insignitam illustri venerandae
antiquitatis Ecclesiœ orientalis et occidentalis monumenta vali-
dissime testantur. Christi enim Ecclesia sedula depositorum
apud se dogmatum custos, et vindex. nihil in bis unquam per-
mutât, nihil minuit, nihil addit, sed omni industria vetera lide-
liter, sapienterque Ivactando si qua antiquitus informata sunt,
et Patrum fides sévit, ifa limare, expolire studet, ut prisca illa
cœlestis doctrinœ dogmata accipiant evidentiam, lucem, distin-
ctionem, sedretineantplenitudinem, integrilatem, proprietatem,
a INEFFABILIS », 8 DÉCEMBRE 1854 113
« livres aient été publiés après le décret précité de Paul V ou qu'ils voient
« le jour à l'avenir, de quelque manière que ce soit, Nous les défendons
« sous les peines et les censures contenues dans l'Index des livres pro-
« liibés, voulant et ordonnant que, par le seul lait et sans autre déclara-
« lion, ils soieiU tenus pour expressément défendus. »
Au reste, tout le monde sait avec quel zèle cette doctrine de l'Inima-
culéc Conception de la Vierge, Mèi'c de Dieu, a été enseignée, soutenue,
défendue par les ordres religieux les plus recoinmandables, par les
Facultés de théologie les plus célèbres et par les docteurs les plus versés
dans la science des choses divines. Tout le monde sait égalenienlcombicn
les Evêques ont montré de sollicitude pour soutenir hautement et publi-
quement, même dans les assemblées ecclésiastiques, que la Très Sainte
Vierge Marie, Mère de Dieu, en prévision des mérites de Jésus-Christ,
Nôtre-Seigneur et Rédempteur, n'avait jamais été soumise au péché
originel ; mais qu'elle avait été entièrement préservée de la tache d'origine,
et par conséquent rachetée d'une manière plus sublime. A tout cela il
faut ajouter une chose qui est assurément d'un grand poids et de la plus
haute autorité, c'est que le Concile de Trente lui-même, en publiant son
décret dogmatique sur le péché originel, dans lequel, d'après les témoi-
gnages des Saintes Écritures, des saints Pères et des conciles les plus
autorisés, il est établi et défini que tous les hommes naissent atteints du
péché originel ; le saint Concile déclare pourtant d'une manière solennelle
que, malgré l'étendue d'une définition si générale, il n'avait pas l'inten-
tion de comprendre dans ce décret la Bienheureuse et Immaculée Vierge
Marie. Mère de Dieu. Par cette déclaration, les Pères du Concile de Trente
ont fait suffisamment entendre, eu égard aux circonstances et aux temps,
que la Bienheureuse Vierge avait été exempte de la tache originelle, et
ils ont été très clairement démontré qu'on ne pouvait alléguer an'c
raison, ni dans les divines Ecritures, ni dans la Tradition, ni dans l'auto-
rité des Pères, rien qui fût. de quelque manière que ce soit, en contra-
diction avec cette grande prérogative de la Vierge.
C'est qu'en effet cette doctrine de l'Immaculée Conception de la Bien-
heureuse Vierge a toujours existé dans l'Eglise; l'Eglise, parla très grave
autorité de son sentiment, par son enseignement, par son zèle, sa science
et son admirable sagesse, l'a de plus en plus mise en lumière, déclarée,
confirmée et propagée d'une manière merveilleuse chez tous les peuples
et chez toutes les nations du monde catholique ; mais, de tout temps,
elle l'a possédée comme reçue des Anciens et des Pères, et revêtue des
caractères d'une doctrine révélée. Les plus illustres monuments de l'Eglise
d'Orient et de l'Eglise d'Occident, les plus vénérables par leur antiquité,
en sont un témoignage irrécusable. Toujours attentive à garder et à
défendre les dogmes dont elle a reçu le dépôt, l'Église de Jésus-Christ
n'y change jamais rien, n'en retranche jamais rien, n'y ajoute jamais
rien ; mais portant un regard fidèle, discret et sage sur les enseignements
anciens, elle recueille tout ce que l'antiquité y a mis, tout ce que la foi
des Pères y a semé. Elle s'applique à le polir, à en perfectionner la for-
mule, de manière que ces anciens dogmes de la céleslc doctrine reçoivent
l'évidence, la lumière, la distinction, tout en gardant leur plénitude,
leur intégrité, leur caractère propre, en un mot, de façon quils se déve-
ll'i CONSTITUTION DE PIE IX
ac in siio lanlum génère crescant, in eodeni scilicet dogmate,
eodeni sensu, eademque sentenlia.
Eijuidein Patres, Ecclesiœque Scriptores cœlestibus edocti
eloquiis nil'iil anliquius habuere, quain in libris ad exp/icandas
Scripturas, vindicanda doginala criidiendosque 'fidèles elueu-
bratis sumniam Virginis sanctilatem, dignitatem, atque ab oniiii
peccati labe integritatem, ejusque praeclaram de leterrinio liu-
mani generis lioste victoriam inultis mirisque modis cerlatim
prœdicare atque etferre. Quapropler enarrantes verba, quibiis
Dous praeparala renovandis morlalibus suse pietatis remédia
inter ipsa mundi primordia prœnunlians et deceptoris serpentis
retudit audaciam, et nostri generis speni mirifice erexit inquiens:
« Inimicitias ponam inter te et mulierem, sementuum et semen
illius, » docuere divino hoc oraculo ciare aperteque praemon-
stratum fuisse misericordem humani generis Redemptorem, sci-
licet Unigenitum Dei Filium Ghristum Jesum, ac designatam
beatissimam Ejus Matreni Virginem Mariani, ac siraul ipsissimas
utriusque contra diabolum inimicitias insigniter expressas. Quo-
circa sicut Christus Dei hominumque mediator humana assumpta
natura delens quod adversus nos erat chirographum decreti,
illud cruci triumphator affixit, sicsanctissima Virgo arctissinio,
et indissolubili vinculo cum eo conjuncta una cum lilo, et per
111 uni sempiternas contra venenosum serpentem inimicitias exer-
cens, ac de ipso plenissime triumphans illius caput immaculato
pede contrivit.
llunc eximium, singularemque Virginis triumphum, excellen-
tissimamque innocentiam, puritatem, sanctitatem, ejusque ab
onini peccati labe integritatem, atque ineiïabiiem cœlestium om-
nium gratiarum, virtutum, ac privilegiorum copiam, et magni-
tudinem iidem Patres vid^erunt tum in arca illa Noe, quœ divi-
nitus constituta a communi totius mundi naufragio plane salva
et incolumis evasit; tum in scala illa, quam de terra ad cœluin
usque pertingere vidit Jacob, cujus gradibus Angeli Dei ascen-
debant, et descendebant, cujusque vertici ipse innitebatur Do-
minus; tum in rubo illo, quem in loco sancto Moyses undique
ardere, ac inter crépitantes ignis llammas non jam comburi aut
jacturam vel minimam pati. sed pulchre virescere ac florescere
conspexit; tum in illa inoxpugnabili turri a facie inimici, exqua
mille clypei pendent, omnisque armatura fortium; tum in horln
illo concluso, qui nescit violari, ne(]uecorrumpi ullis insidiarum
frandibus; tum in corusca illa Dei civitate, cujus fundamenta in
montibus sanctis; tum in augustissinio illo Dei templo. quod
divinis refulgens splendoribus plénum est gloria Domini;tum
in aliis ejusdem generis omnino plurimis, quibus excelsam Dei-
i
« IXEFFABILIS », 8 DÊCEMBnE 1854 115
loppenl snns changer de nature, et qu'ils demeurent toujours dans la
même vérité, dans le même sens, dans la même pensée.
Or, les Pt res et les écrivains ecclésiastiques, nourris des paroles célestes,
n'ont rien eu plus à cœur, dans les livres qu'ils ont écrits pour expliquer
l'Ecriture, pour défendre les dogmes et instruire les fidèles, que de louer
et d'exalter à l'envi, de mille manières et dans les termes les plus magni-
fiques, la parfaite sainteté de Marie, son excellente dignité, sa préservation
de toute taclie du péché et sa glorieuse victoire sur le cruel ennemi du
genre humain. C'est ce qu'ils ont fait en expliquant les paroles par les-
quelles Dieu, annonçant dès les premiers jours du monde les remèdes
préparés par sa miséricorde pour la régénération et le salut des hommes,
confondit l'audace du serpent trompeur, et releva d'une façon si conso-
lante l'espérance de notre race. Ils ont enseigné que par ce divin oracle :
<t Je mettrai l'inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et la
tienne, » Dieu avait clairement et ouvertement montré à l'avance le
miséricordieux Rédempteur du genre humain, son Fils unique, Jésus-
Christ, désij,Mié sa Bienheureuse Mère, la Vierge Marie, et nettement
exprimé l'inimitié de l'un et de l'autre contre le démon. En sorte que,
comme le Christ, médiateur entre Dieu et les hommes, détruisit, en
prenant la nature humaine, l'arrêt de condamnation qui était contre nous
et l'attacha triomphalement à la croix; ainsi la Très Sainte Vierge, unie
étroitement, unie inséparablement avec lui, fut, par lui et avec lui, l'éter-
nelle ennemie du serpent venimeux, le vainquit, le terrassa sous son pied
virginal et sans tache, et lui brisa la tête.
Cette éclatante et incomparable victoire de la Vierge, cette innocence,
cette pureté, cette sainteté par excellence, cette exemption de tout péché,
cette grandeur et cette ineffable abondance de toutes les grftces, de toutes
les vertus, de tous les privilèges dont elle fut comblée, les mêmes Pères
les ont vues, soit dans cette arche de Noé qui seule, divinement édifiée,
a complètement échappé au commun naufrage du monde entier; soit
dans l'échelle que contempla Jacob, dans cette échelle qui s'éleva de la
terre jusqu'au ciel, dont les Anges de Dieu montaient et descendaient les
degrés, et sur le sommet de laquelle s'appuyait Dieu lui-même; soit dans
ce buisson ardent que Moïse vit brûler dans un lieu saint, et qui, loin
d'être consumé par les flammes pétillantes, loin d'en éprouver même la
moindre altération, n'en était que plus vert et plus lloiissant; soit dans
celte tour inexpugnable à l'ennemi et de laquelle pendent mille boucliers
et toute l'armure des forts ; soit dans ce jardin fern)é qui ne saurait être
profané et qui ne craint ni les souillures, ni les embûches; soit dans
cette cité de Dieu tout étincelante de clartés et dont les fondements sont
assis sur les montagnes saintes ; soit dans cet auguste temple de Dieu
tout rayonnant des splendeurs divines et tout plein de la gloire du Sei-
gneur ; soit enfin dans une foule d'autres figures de ce genre qui, suivant
110 CONSTITUTION Dli PIE IX
parœ dignitatem, ejusque illibatam innocfntiam, et nulli un-
quam luevo ubnoxiarn sanctitatem insigniter prœnunfiatam
l'uisse Patres tradiderunt.
A(J hanc eamdem dis'inorum munerum veluti summam, origi-
nalciiique Virginis, de qua natiis est Jésus, integritatem dcscri-
bendaiu iidem Prophetarum adhibentes eloquia non aliter ip^^am
augustam Virginem concelebrarurit, ac uti columbam, et sanctam
Jérusalem, et excelsum Dei thronum, et arcam sanctificilionis
et donium, quam sibi reterna œditicavit Sapientia, et Reginani
illam. quœ deliciis afduens, et innixa super Dilectum suuni, ex
ore Altissimi prodivit omnino perfecta Speciosa ac penilus cara
Deo, et nulle unipiam labis nœvo maculata. Cum vero ipsi Pa-
tres, Ecclesiseque Scriptores animo menteque reputarent, bea-
tissimam Virginem ab Angelo Gabriele sublimissimam Dei Ma-
tris dignitatem ei nuntiante, ipsius Dei nomine et jussu gratia
plenam fuisse nuncupatam, docuerunt bac singulari solemnique
salutatione nunquam alias audita ostendi, Deiparam fuisse om-
nium divinarum gratiarum sedem; omnibusque divini Spiritus
charismatibus exornatam, imo eorumdem cbarismatum infinitum
prope thesaurum; abyssumque inexhaustam, adeo ut nunquam
maledicto obnoxia, etuna cum Filio perpétuas benedictionis par-
ticeps ab Elisabeth divino acta Spiritu audire meruerit : Bene-
dicta Tu inter matières, et benrdictus fnictus ventris fui.
llinc non luculenta minus, quam concors eorumdem sententia,
gloriosissimam Virginem, cui fecit magna, qui potens est, ea
cœlestium omnium donorum vi, ea gratiœ plonitudine, eaque
innocentiaemicuisse, qua veluti ineffabile Dei miraculum,immo
omnium miraculorum apex, ac digna Dei Mater extiterit, et ad
Deum ipsum pro ratione creatœ naturœ, quam proxime acce-
dens omnibus, qua humanis, qua angelicis preeconiis celsior
evaserit. Atque idcirco ad originalem Dei Genitricis innocen-
liam, justitiamque vindicandam,non Eam modo cum llevaadhuc
virgine, adhuc innocente, adhuc incorrupta, et nondum morti-
feris fraudulentissimi serpentis insidiis decepta sa3pissime con-
tulerunt,verum etiam mira quadam verborum, sententiarumque
varietate prœtulerunt. Heva enim serpenti misère obsequuta
et ab originali excidit innocentia, et illius inancipium evasit,sed
beatissima Virgo originale donum jugiter augens, quin serpenti
aures unquam prsebuerit. illis vim potestatemque virtute divi-
nitiis accepta funditus labefactavit.
Quapropter nunquam C(^^ssarunt Deiparam appellare vel lilium
inter spinas, vel terram omnino intactam, virgineam, illibatam,
immaoulalam, semper benedictam, et ab omni peccati conta-
gione liberam, ex qua novus formatus est Adam, vel irreprehen-
a I.NEI'-KAIJILIS », S DÉGEMBUE 1854 117
les Pères, ont été les emblèmes éclatants de la haute dignité de la Mère
de Dieu, île sa perpétuelle innocence, et de cette sainteté qui n'a jamais
souffert la plus légère atteinte.
'Pour décrire ce même assemblage de tous les dons célestes et cette
originelle intégrité de la Vierge, de laquelle est né Jésus, les mêmes
Pères, empruntant les paroles des Prophètes, ont célébré cette auguste
Vierge, comme la colombe pure, comme la sainte Jérusalem, comme le
trône élevé de Dieu, l'arche de la sanctification et la demeure que s'est
bâtie l'éternelle Sagesse; comme la Reine qui, comblée des plus riches
trésors et ap|)uyée sur son bien-aimé, est sortie de la bouche du Très-
Haut, parfaite, éclatante de beauté, entièrement agréable à Dieu, sans
aucune tache, sans aucune flétrissure. Ce n'est pas tout, les mêmes Pères,
les mêmes écrivains ecclésiastiques ont médité profondément les paroles
que l'ange Gabriel adressa à la Vierge Bienheureuse lorsque, lui annon-
çant qu'elle aurait l'honneur insigne d'être la Mère de Dieu, il la nomma
pleine de grâces, et considérant ces paroles prononcées au nom de Dieu
même et par son ordre, ils ont enseigné que par cette solennelle saluta-
tion, salutation singulière et inouïe jusque-là, la Mère de Dieu nous était
montrée comme le signe de toutes les grâces divines, comme ornée de
toutes les faveurs de l'Esprit divin, bien plus, comme un trésor presque
infini de ces mêmes faveurs, comme un abîme de grâce et un abîme sans
fond, de telle sorte qu'elle n'avait jamais été soumise à la malédiction,
mais avait toujours partagé la bénédiction de son Fils, et avait mérité
d'entendre de la bouche d'Elisabeth, inspirée par l'Esprit-Saint : « Vous
êtes bénie entre toutes les femmes, et le fruit de vos entrailles est béni. »
De là ces pensées, exprimées aussi unanimement qu'éloquemn^ent j)ar
les mêmes Pères, que la très glorieuse Vierge, Celle en qui le Tout-
Puissant a fait de grandes choses, a été comblée d'une telle effusion de
tous les dons célestes, d'une telle plénitude de grâces, d'un tel éclat de
sainteté, qu'elle a été comme le miracle ineffable de Dieu, ou plutôt le
chef-d'œuvre de tous les miracles; qu'elle était digne d'être la Mère de
Dieu, qu'elle s'est approchée de Dieu même autant qu'il est permis à la
nature créée, et qu'ainsi elle est au-dessus de toutes les louanges, aussi
bien de celles des Anges, que de celles des hommes. C'est aussi pour cela,
qu'afin d'établir l'innocence et la justice originelle de la Mère de Dieu,
non seulement ils l'ont très souvent comparée avec Eve encore vierge,
encore innocente, encore exempte de corruption, avant qu'elle eût été
trompée par le piège mortel de l'astucieux serpent, mais, avec une admi-
rable variété de pensées et de paroles, ils la lui ont même unanimement
préférée. Eve, en effet, pour avoir misérablement obéi au serpent, perdit
l'innocence originelle et devint son esclave; mais la Vierge Bienheureuse,
croissant toujours dans sa grâce originelle, ne prêta jamais l'oreille au
serpent, et ébranla profondément sa puissance et sa force par la vertu
qu'elle avait reçue de Dieu.
Aussi n'ont-ils jamais cessé d'appeler la Mère de Dieu, ou bien un lys
parmi les épines, ou bien une terre absolument intacte, une terre
vierge, dont aucune tache n'a même eflleuré la surface, une terre toujours
bénie, libre de toute contagion du péché, et dont a été formé le nouvel
Adam; ou bien un irréprochable, un éclatant, un délicieux paradis d'in-
118 CONSTITUTION DE PIE IX
sibileni. lucidissimum, amœnissimumque innocentiee, immorta-
litalis, ac deliciaruin paradisum a iJeo ipso consitum et ab
(iinnibus venenosi serpentis insidiis defensum, vel lignum im-
marcescibile, quod peccati vermis nunquam corruperit, vel
fontcm semper illiniem, et Spiritus Sancti virtute signatum. vel
divinissimum templum, vol immortalitatis thesaurum, vel nnam
et solam non moiiis sed vitœ (lliam, non irse sed gratiae gormen,
quod semper virens ex corrupta infectaque radice singnlari Dei
providentia prœter statas communesque legcs effloruerit. Sed
quasi heec, licet splendidissima, satis non forent, propriis defini-
tisque senlentiis edixerunt, nullam prorsus, cum de peccatis
agitur, habendam esse quaestionern de sancta Virgine Maria, cui
plus gratiae coliatum fuit ad vincendum omni ex parte peccatum ;
tum professi sunt, gloriosissimam Virginem fuisse parentum
reparatricem, posterorum viviticatricem, a saeculo electam, ab
Altissimo sibi preeparatam, a Deo, quando ad serpentem ait :
« Ininiicitias ponam inter te et mulierem, » prcedictam, quae
procul dubio venenatum ejusdem serpentis caput contrivit; ac
propterea affirmarunt, eamdem beatissimam Virginem fuisse
per gratiam ab omni peccati labe integram, ac liberam al) omni
contagione et corporis, et animse, et intellectus, ac semper cum
Deo conversatam, et sempiterno fœdere cum illo conjunctam,
nunquam fuisse in tenebris, sed semper in luce, et idcirco ido-
neum plane extitisse Christo habitaculum non pro habitu cor-
poris, sed pro gratia originali.
Accedunt nobilissima efîata, quibus de Virginis Conceptione
loquentes testati sunt, naturam gratiae cessisse ac stetisse tre-
niuiam pergere non sustinentem; nam futurum erat. ut Dei
Genitrix Virgo non antea ex Anna conciperetur, quam gratia
fructum ederet; concipi siquidem primogenitum oportebat, ex
qua concipiendus esset omnis creaturae primogenitus. Testati
sunt carnem Virginis ex Adam sumptam maculas Adee non ad-
misisse, ac propterea beatissimam Virginem tabemaculum esse
ab ipso Deo creatum, Spiritu Sancto formatum, et purpureae
rêvera operae quod novus ille Beseleel auro intextum variumque
eflinxit, eamdemque esse meritoque celebrari ut illam, quoe pro-
pi iiim Dei opus primum extiterit ignitis maligni telis latuerit,
et pulchra natura, ac labis prorsus oinnis nescia, tanquam aurora
undequaque rulilans in mundum prodiverit in sua Conceptione
Iminaculata. Non enim decebat, ut illud vas electionis commu-
nibuç lacesseretur injuriis, quoniam plurimum a caeteris diffe-
rens, natura communicavit non culpa, immo prorsus derebat ut
sicut Unigenitus in cœlis Patrem habuit, quem Seraphim ter
Sanctum extollunt, ita Matrem haberet in terris, quœ nitore
« INEFFABILIS », 8 DÉCEMBRE 1854 110
nocence et d'immortalité, planté par Dieu lui-même, et inaccessible à
tous les pièges du serpent venimeux; ou bien un bois incorruptible que
le pécbé, ce ver rongeur, n'a jamais atteint; ou bien une fontaine tou-
jours limpide et scellée par la vertu du Saint-Esprit; ou bien un temple
divin, un trésor d'immortalité ; ou bien la seule et unique fille non de la
mort, mais de la vie, une production non de colère, mais de grâce, une
plante toujours verte qui, par une providence spéciale de Dieu, et contre
les lois communes, est sortie florissante d'une racine flétrie et corrompue.
Tout cela est plus clair que le jour; cependant, comme si ce n'était point
assez, ils ont, en propres termes et d'une manière expresse, déclaré que,
lorsqu'il sa^nt de péché, il ne doit pas même être question de la Sainte
Vierge Marie, parce qu'elle a reçu plus de grûce, afin qu'en elle le péché
fut absolument vaincu et de toute part. Ils ont encore professé que la très
glorieuse Vierge avait été la réparatrice de ses ancêtres et qu'elle avait
vivifié sa postérité; que le Très-Haut l'avait choisie et se l'était réservée
dès le commencement des siècles; que Dieu l'avait prédite et annoncée
quand 11 dit au serpent : «Je mettrai l'inimitié entre toi et la femme, »
et que, sans aucun doute, elle a écrasé la tête venimeuse de ce même
serpent; et pour cette raison, ils ont affirmé que la même Vierge bien-
heureuse avait été, par la grâce, exempte de toute tache du péché, libre
de toute contagion et du corps, et de l'âme, et de l'intelligence; qu'elle
avait toujours conversé avec Dieu; qu'unie avec lui par une alliance
éternelle, elle n'avait jamais été dans les ténèbres, mais toujours dans la
lumière, et par conséquent qu'elle avait été une demeure tout à fait digne
du Christ, non à cause de la beauté de son corps, mr.is à cause de sa
grâce originelle.
Viennent enfin les plus nobles elles plus belles expressions par les-
quelles, en parlant de la Vierge, ils ont attesté que, dans sa conception,
la nature avait fait place à la grâce et s'était arrêtée tremblante devant
elle, n'osant aller plus loin.
11 fallait, disent-ils, avant que la Vierge Mère de Dieu fût conçue par
Anne, sa mère, que la grâce eût fait son œuvre et donné son fruit ; il
fallait que Celle qui devait concevoir le premier-né de toute créature fût
elle-même conçue première-née. Ils ont attesté que la chair reçue d'Adam
par la Vierge n'avait pas contracté les souillures d'Adam, et que pour
cette raison la Vierge bienheureuse était un tabernacle créé par Dieu
lui-même, formé par le Saint-Esprit, d'un travail aussi beau que la
pourpre, et sur lequel ce nouveau Béséléel s'était plu à répandre l'or et
les plus riches broderies ; qu'elle devait être célébrée comme Celle qui
avait été d'abord l'œuvre propre de Dieu, comme Celle qui avait échappé
aux traits de feu du malin ennemi, et qui, belle par nature, ignorant
absolument toute souillure, avait paru dans le monde, par sa Conception
Immaculée, comme l'éclatante aurore qui jette de tous côtés ses rayons.
11 ne convenait pas, en effet, que ce vase d'élection subît le commun
outrage, puisqu'il était si différent des autres, et n'avait avec eux de
commun que la nature, non la faute ; ou plutôt comme le Fils unique a
dans le ciel un Père, que les séraphins proclament trois fois saint, il
convenait absolument qu'il eût sur la terre une mère en qui l'éclat de
1-20 CONSTITUTION DE PIE IX
sanctilatis nunquam carnerit. Atque hœc quid(2m doctrina adeo
niajorum mentes, animnsqne occupavit, ut singularis et omnino
niirus pênes illos invaluerit loqnendi usns, quo Ueiparam sx'pis-
sime coiiipellarunt inimaciilatam unmiqne ex parle imniacu-
latain, innocentem et innocentissiinaiii, illibatam et iinde(|uaque
illihalam, sanctam et ab omni peccati sordc alienissimam, totam
puram, totam intemeralam, ac ipsam prope puritatis et inno-
centiœ formam pulchritudine pulchiiorem, venustate venu-
sliorem. sanctiorem sanctilate, solamquesanctam purissiniamque
anima et corpore, qiiœ siipergressa est omnem integrit.item et
virginitatem, ac sola tota facla domicilium universai-um gra-
tiarum Sanctissimi Spiritus et quae, solo Deo excepto, extitit
cuoctis superior, et ipsis Cherubim et Seraphim, et omni exer-
citu Angelorum natura pulchrior, formosior et sauctior, cui prœdi-
car.dae cœlestes etterrenœ linguse minime sufficiunt. Quem usum
ad sanctissimœ quoqiie Liturgiie monumenta atque ecclesiaslica
officia sua veluti sponte fuisse traductum, et in illis passim re-
currere, ampliterque dominari nemo ignorât, cum in illis Deipara
invocetur et prœdicetur veluti una incorrupta pulchritudinis
columba, veluti rosa semper vigens, et undequaque purissima
et semper immaculata semperque beata, ac celebietur uti inno-
centia, qucfi nunquam fuit laesa. et altéra Heva, quae Emmanue-
lem peperit.
Nil igitur mirum si de Immaculata Deiparœ Virginis Conce-
ptione doctrinam judicio Pacrum divinis Litteris consignatam,
tût gravissimis eorumdem testimoniis traditam, tôt illustribus
venerandœ antiquitatis monuinentis expressam et celebratam,
ac maximo gravissimoque Ecclesire judicio propositam et con-
firmatam tanta pietate, religione et amore ipsius Ecclesiœ Pas-
tores, populique fidèles quotidie magis profitere sint gloriati, ut
nihil iisdem dulcius, nihil carius, quam ferventissimo alfectu
Deiparam Virginem absque labe original i conceptam ubique
colère, venerari, invocare, et prsedicare. Quamobrem ab antiquis
temporibus Sacrorum Antistites, Ecclesiastici viri, regulares
Ordines,ac vel ipsi imperatores et Reges ab bac Apostolica Sede
enixe efflagitarunt, ut Immaculata sanctissimse Dei Genitris
Conceptio veluti catholicœ fidei definirelur. Quœ postulationes
hac quoque setate iteratse fueruntac potissimum felicis recorda-
tionis Gregorio XVI Preedecessori iNostro. ac nobis ipsis oblatse
sunl tum ab Episcopis, tum a clero sœculari, lum a lleligiosis
Familiis, ac summis Principibus et fidelibus populis.
Nos itaque singulari animi Nostri gaudio b;oc omnia probe
noscentes, ac serio considérantes, vix dum licel immeriti arcano
divines providentice consilio ad banc sublimem Pétri Calhedram
a INEFFABILIS », 8 DÉCliMBUE 1854 121
sa sainiplo n'eût jamais été flélri. Et cette doctrine a tellement rempli
l'esprit et le cœur des anciens et des Pères que, par un langage étonnant
et singulier, qui a prévalu parmi eux, ils ont très souvent appelé la Mère
de Dieu immaculée et parlaitemeiit iniMiaculée. innocente et très inno-
cente, iri'éproclKible et absolument irréprociiable, sainte et tout à fait
étrangère à toute souillure de péché, toute j)ure et toute chaste, le
modèle et pour ainsi dire la forme même de la pureté et de l'innocence,
plus belle et plus gracieuse que la beauté et la grftce même, plus sainte
que la sainteté, seule sainte et très pure d'ànie et de corps, telle enfin
qu'elle a surpassé toute intégrité, toute virginité, et que seule devenue
tout entière le domicile et le sanctuaire de toutes les grûces de l'Esprit-
Saint, elle est, à l'exception de Dieu seul, supérieure à tous les êtres,
ptus belle, plus noble, plus sainte, par sa grâce native, que les chéru-
bins eux-mêmes, que les séraphins et toute l'armée des anges, si excel-
lente, rti un mot, que pour la louer, les langues du ciel et celles de la
terre sont également impuissantes. Personne, au reste, n'ignore que tout
ce langage a passé, comme de lui-même, dans les monuments de la litur-
gie sacrée et dans les offices de l'Eglise, qu'on l'y rencontre à chaque pas
et qu'il y domine; puisque la Mère de Dieu y est invoquée et louée,
comme une colombe unique de pureté et de beauté; comme une rose
toujours belle, toujours fleurie ; comme l'innocence même, toujours
pure, toujours immaculée, toujours heureuse, qui n'a jamais été bles-
sée ; enfin, comme la nouvelle Eve, qui a enfanté rEninianuel.
Faut-il s'étonner, après cela, si une doctrine, qui, au jugement des
Pères, est consignée dans les Saintes Ecritures, qu'ils ont eux-mêmes
transmise et attestée tant de fois et d'une manière si imposante, que
tant d'illustres monuments d'une antiquité vénérable contiennent d'une
manière expresse, que l'Eglise a proposée et confirmée par la très grave
autorité de son jugement ; en un mot, si la doctrine de l'Immaculée
Conception de la Vierge, Mère de Dieu, a été l'objet d'une telle piété,
d'une telle vénération, d'un tel amour; si les pasteurs de l'Eglise elle-
même el les peuples fidèles se sont fait une telle gloire de la professer
chaque jour davantage, en sorte que leur plus douce consolation, leur
joie la plus chère a été d'honorer, de vénérer, d'invoquer et de louer
partout, avec la plus tendre ferveur, la Vierge, Mère de Dieu, courue
sans la tache originelle? Aussi, dans les temps anciens, les Evêques, les
ecclésiastiques, les ordres réguliers et même les empereurs et les rois,
ont instamment prié le Siège apostolique de définir comme un dogme
de la foi catholique l'Immaculée Conception de la très sainte Mère de
Dieu. De nos jours même, ces demandes ont été réitérées, el surtout
elles ont été présentées à Notre prédécesseur Grégoire XVI, d'heureuse
mémoire, et à iNous-même, tant par les Evêques, par le clergé séculier
et par le cierge régulier, que par les princes souverains et les peuples
fidèles.
Prenant donc en sérieuse considération, dans une joie profonde de
notre cœur, tous ces faits, dont nous avons une pleine reconnaissance ; à
peine élevé sur la chaire de saint Pierre, malgré notre indignité, pai' un
secret dessein de la divine Providence, avons-Nous pris en main le gou-
122 CONSTITUTION DE PIE I.\
evecti tolius Ecclesias gubernacula tractanda suscepinius, nihil
cerle antiquius habuimiis, quam pro siimma Nostra vel a teneris
annis orga sanctissimam Dei Genitricem Virsinem Mariam vene-
ratione, pietate et alTectu ea omnia peragere, quaj adhuc in
Ecclesice volis esse poterant, ut beatissimte Virginishonor auge-
retiir, ejusque preeroizativœ uberiori luce nilerunt. Omnem
aiilem maturitatem adhibere volentcs constituimiis peculiarem
VV. FF. NN. S. R. E. Cardinalium religione, consilio, ac divi-
narum reruni scienlia illustrium Gongregationem, et viros ex
clerc tum saîculari, tum regulari, theologicisdisciplinisapprime
excultos selegimus, ut ea omnia, qu;c Immaculatam Virginis
Gonceptionem respiciunt, accuratissime perpenderent, proprianfi-
que !?enlentiam ad nos déferrent. Quamvis. autem iVobis ex
receptis poslulationibus de delinienda tandem aliquando Imma-
culata Virginis Gonceptione perspectus esset plurimorum Sacro-
rum Anlistilum sensus, tamen Encyclicas Litteras die 2 Februarii
anno 1849 Gajetge datas ad omnes Venerabiles Fratres totius
calholici orbis Sacrorum Antistites misimus, ut, adhibitis ad
Deum precibus, nobis scripto etiam signiflcarent, quœ esset
suorum fidelium erga Immaculatam Deiparee Gonceptionem
pietas, ac devotio, et quid ipsi praesertim Antistites de bac ipsa
definitione ferenda sentirent, quidve exoptarent, ut, quo fieri
solemnius posset, supremum Nostrum judicium profcrremus.
Non mediocri certe solatio affecti fuimus ubi eorumdem
Venerabilium Fratrum ad Nos responsa venerunt. Nam iidem
incredibili quadam jucunditate, laetitia, ac studio nobis rescri-
bentes non solum singularem suam, et proprii cujusque cleri,
populique fidelis erga Immaculatum beatissimae Virginis Gon-
ceptum pietatem, mentemque denuo confirmarunt, verum etiam
communi veluti voto a Nobis expostularunt, ut Immaculata
ipsius Virginis Gonceptio supremo Nostro judicio et auctoritate
deliniretur. Nec minori certe intérim gaudio perfusi sumus,
cum VV. FF. NN. S. R. E. Gardinales commemoratse peculiaris
Gongrcgationis et praedicti Theologi Gonsultores a Nobis electi
pari alacritate et studio post examen diligenter adbibitum banc
de Immaculata Deiparee Gonceptione definitionem a Nobis eflla-
gitaverint.
Post hsec illustribus Praedecessorum Nostrorum vestigiis
inhserentes, ac rite recteque procedere optantes, indiximus et
habuimus Gonsistorium, in quo Venerabiles Fratres Nostros
Sanctae Romanse Ecclesise Gardinales alloquuti sumus eosque
summa animi Nostri consolatione audivimus a nobis exposcere,
ut dogmatum de Immaculata Deiparœ Virginis Gonceptione
deflnitiunem emittere vellemus
« INEFFAIilLIS », 8 DÉCEMBRE 1854 123
vcrnail de toute l'Eglise, que notre plus ardent désir a été, suivant la
vénération, la piété et l'amour dont nous sommes animé depuis Nos plus
tendres années envers la très sainte Mère de Dieu, la Vierge Marie,
d'achever tout ce qui pouvait être encore dans les vœux de l'Eglise, afin
d'accroître l'Iionneur de la bienheureuse Viergeet de répandre un nouvel
éclat sur ses prérogatives. Mais voulant y apporter toute la maturité,
ISous avons institué une Congrégation particulière, formée de Cardinaux
de la sainte. Eglise Romaine, ÎNos vénérables frères, illustres par leur
piété, leur sagesse et leur science des choses divines, et iNous avons choisi
tant dans le clergé séculier que dans le clergé régulier, des hommes spé-
cialement versés dans l'étude de la théologie, afin qu'ils examinassent
avec le plus grand soin tout ce qui regarde l'Immaculée Conception de
la Vierge et nous fissent connaître leur propre sentiment. En outre, bien
que les demandes par lesquelles on ISous sollicitait de définir enfin
l'Immaculée Conception Nous eussent instruit du sentiment d'un grand
nombre d'Evèques, Nous avons adressé une Encyclique, datée de Gaëte,
2 février 1849, à tous nos vénérables Frères les Evêques de tout le monde
catholique, afin qu'après avoir adressé à Dieu leurs prières, ils nous
fissent connaître par écrit quelle était la dévotion et la piété de leurs
fidèles envers la Conception Immaculée de la Mère de Dieu, et surtout
quel était le propre sentiment des Evêques sur la définition projetée et
leurs désirs à cet égard, de manière que nous pussions rendre notre ju-
gement suprême le plus solennellement possible.
Certes, Notre cœur n'a pas reçu une médiocre consolation lorsque le?
réponses de Nos vénérables frères Nous sont parvenues; car non seule-
ment dans ces réponses, toutes pleines d'une joie, d'une allégresse et d'un
zèle admirables, ils Nous confirmaient leur propre sentiment et leur
tendre dévotion, ainsi que ceux de leur clergé et de leur peuple fidèle
envers la Conception Immaculée de la Bienheureuse Vierge, mais ils
Nous demandaient, comme d'un vœu unanime, de définir par Notre juge-
ment et autorité suprême l'Immaculée Conception de la Vierge. Notre
joie n'a pas été moins grande lorsque Nos vénérables frères les Cardinaux
de la sainte Eglise Romaine, membres de la Congrégation particulière
dont nous avons parlé plus haut, et les théologiens consulteurs choisis
par Nous, Nous ont demandé, avec le même empressement et la même
joie, après un mûr examen, celte définition de la Conception Immaculée
de la Mère de Dieu.
Après ces choses, suivant donc les traces illustres de Nos prédécesseurs,
et désirant procéder régulièrement et selon les formes, Nous avons or-
donné et tenu un consistoire, dans lequel, après avoir adressé une allo-
cution à nos vénérables frères les Cardinaux de la sainte Eglise Romaine,
Nous les avons entendus avec la plus grande consolation Nous demander
de vouloir bien prononcer la définition dogmatique de l'Immaculée Con-
ception de la Vierge Mère de Dieu.
124 CONSTITUTION Dli PIE IX
Raque phirimum in Domino confisi advenisse Icmporiim op-
porUiiiitatiMiifiio Immaculatasanctissimse DeiGeniliicis Viii;inis
Mari.B Conci^ptione delinienda, qiiara divina eloqtiia, vene-
randa tradilio, perpetuiis Ecclesiœ sensus, singularis calholico-
runi Antistituin, ac fidelium conspiratio et insigriia Prœdeces-
sorum Noslrormii acta, constitutioncs mirifice illustrant atque
déclarant; rébus omnibus diligentissime perpensis, et assiduis,
fervidis(]ue ad Deum precibusefTusis, minime cunctanduin Nobis
esse censuimus supremo Noslro jiidicio Immaculatani ipsius
Virginis Conceptionem sancire, delinire, atque ita pienlissimis
catholici orbisdesideriis, Nostrncque in ipsam sanctissiriiam Vir-
ginem pietati satisfacere, ac simul in Ipsa Unigenituin i^'ilium
suum Dominum iXostrum Jesum Christum magis atque magis
honorificare. cum in Filium redundet quidquid honoris etlaudis
in Matrem impenditur.
Quare postqnani nunquam intermisimus in humilitate et
jejunio privatas Nostras et publicas licclesiœ preces Deo Patri
per Filium Fjus offerre, ut Spiritus Sancti virtute mentem No-
stram dirigere, et confirmare dignaretur, implorato universse
cœlestis Curiœ praesidio, et advocato cum gemitibus Paraclito
Spirilu, eoque sic adspiranle, ad honorem Sanctce et Individuse
Trinitatis, ad decus et ornamentum Virginis Deiparae, ad exal-
tationem Kidei cntholicae, et Christianae lleligionis augmentum,
auctoritale Domini Nostri Jesu Christi, bealorum Apostolorum
Pétri et Paulin ac Noslra declaramus, pronunciamus et defini-
mus, doctrinam, quœ tenet beatissimam Virginem Mariam in
primo instanti sage Conceptionis fuisse singulari omnipolentis
Del gratia et privilegio, intuitu meritorum Christi Jesu Salva-
lons humani generis. ab omni orisinaîis culpae labe prœserva-
tam, iinnuin(>m,esse a Deo revelalam. atque idcirco ab omnibus
iiuelibus firmiter coiistanterque credendarn. Quapropter si qui
st'Cus ac a iNobis dclinitum est, quod Deus avertat, prœsiimpse-
rint corde senlire, ii noverint, ac porro sciant, se proprio judi-
cio condemnatos, naufragium circa tidem passos esse, et ab
unitate Ecclesise defecisse, ac pra'terea facto ipso suo semet
pcenis e jure statiitis subjicere si quod corde sentiunt, verbo aut
scri| to, vel alio qiiovi?^ externo modo signilicari ausi fuerint.
Repi tum quidem est gaudio os Nuslrum et lingua iXostra
exullalidne, atque bumillimas maxiinas(]ue Christo Jesu Dumino
Nostro •■ gimus et semper agemus gralias, quod singulari suo
benelicio INobis licet immerentibus c(jncesserit hune honoi-e.m
atque h ne gioriam et laudem sanctissimae suae Matri otferre
etdi ceii ère. Certissima vero spe et omni prorsus liducia mti-
uiU! fore, ut ipsa beatissima Virgo, quœ tota pulchra et Imma-
e INEFFABILIS », 8 DÉCEMBRE 1854 125
C'est [jourquoi, plein de confiance, et persuadé dans le Seigneur que
le temps opportun est venu de di>finir l'Immaculée Conception de la très
sainte Mère de Dieu, la Vierge Marie, que la divine, la vénérable tradi-
tion, le sentiment constant de lEglisc, l'unanime accord des Evêques
catholiques et des fidèles, les actes mémorables de nos prédécesseurs,
ainsi que leurs constitutions, ont mise dans une admirable lumière et si
formellement déclarée; après avoir mûrement pesé toutes choses, après
avoir répandu devant Dieu d'assidues et de ferventes prières, Nous avons
pensé qu'il ne fallait pas tarder davantage à décider et définir par INoIre
jugement supièine l'Immaculée Conce|)tion de la Vierge, à satisfaire
ainsi les si pieux désirs du monde catholique et iNotre propre piété envers
la très sainte Vierge, et en même temps à honorer de plus en plus en
elle son Fils unique Notre-Seigneur Jésus-Christ, puiscjue tout l'honneur
et toute la gloire qu'on rend à la Mère rejaillit sur le Fils.
En conséquence, après avoir offert sans relâche, dans l'humilité et le
jeûne. Nos propres prières et les prières publiques de l'Eglise à Dieu le
Père par son Fils, alin qu'il daignût, par la vertu de FEsprit-Saint,
diriger et conlirmer Notre esprit; après avoir imploré le secours de
toute la cour céleste et invoqué avec gémissements l'Esprit consolateur,
et ainsi, par sa divine inspiration, pour l'honneur de la sainte et indivi-
sible Trinité, pour la gloire et Fornement de la Vierge Mère de Dieu,
pour l'exaltation de la foi catholique et l'accroissement de la religion
chrétienne; par l'autorité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, des bienheu-
reux apôtres Pierre et Paul et de la Nôtre, Nous déclarons. Nous pro-
nonçons et définissons que la doctrine qui tient que la Bienheureuse
Vierge Marie, dans le premier instant de sa conception, a été, par une
grâce et un privilège spécial du Dieu tout-puissant, en vue des mérites
de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, préservée et exempte de
toute tache du péché originel, est révélée de Dieu, et par conséquent
qu'elle doit être crue fermement et inviolablement par tous les fidèles.
C'est pourquoi, si quelqu'un avait la présomption, ce qu'à Dieu ne
plaise, de penser contrairement à Notre définition, qu'il apprenne et
qu'il sache que, condamné par sou oroprc jugement, il aurait souffert
naufrage dans la foi et cessé d'êtrô aans l'unité de l'Eglise; et que, de
plus, il encourt par le fait même les peines de droit, s'il ose exprimer
ce qu'il pense de vive voix ou par écrit, ou de toute autre manière exté-
rieure que ce soit.
En vérité. Notre bouche est pleine de joie et Notre langue est dans
l'allégresse; et Nous rendrons toujours les plus humbles et les plus pro-
fondes actions de grâces à Notre-Seigneur Jésus-Christ, de ce que, pnr
une faveur singulière, il Nous a accordé, malgré Notre indignité, d'offrir
et de décerner cet honneur, cette gloire et cet hommage à sa très sainte
Mère. Nous avons la plus ferme espérance et la confiance la plus assurée
que la Vierge bienheureuse qui, toute belle et toute immaculée, a écrasé
\'2G CONSTITUTION" UK l'IK IX
culatîi venenosum crudelissimi serpentis caput contrivit, et salu-
tem attulit mundo, qnœque Prophetarum, Apostolorunii|ue
prœconium, et honor ftlartyrum, oiiiniumque Sanclorum kclitia
et corona, quœque tutissimam cuncloniin periclitantium pi'iTu-
gium, et lidissima auxilialrix, ac toUus lerrarum orbis poleritis-
sima apud unigenitum Filium suuin medialrix, et conciliatrix,
ac priGclarissimum Ecclesi;o sancta3 decus et ornamentum,
lirmissimumque praesidium, cunctas semper interemit hœreses,
et fidèles populos, genlesque aniaximis omnisgeneris calaniita-
tibus eripuit, ac Nos ipsos a lot ingruentibus periculis libera-
vit, velit validissimo suo palrocinio efficere, ut sancta Mater
Gatholica Ecclesia cunctis amotis diflicultatibus, cunctisque
profligatis erroribus ubicumque gentium, ubicumque locorum,
quotidie magis vigeat, floreat, ac regnct a mari usque ad mare
et a tlumine usque ad termines orbis terrarum, onmique pace,
tranquillitate,ac libertate fruatur ut rei veniam, segri medelam,
pusilli corde robur, afflicti consolationem, périclitantes adjuto-
rium obtineant, et omnes errantes discussa mentis caligine ad
veritatis ac justitiee semitam redeant, ac fiât unum ovile, et
unus pastor.
Audiant hœc Nostra verba omnes Nobis carissimi Catholicœ
Ecclesiœ filii, et ardentiori usque pietatis, religionis, et amoris
studio pergant colère, invocare, exorare beatissimam Dei (îene-
tricem Virginem Mariam sine labe originali conceptam, atque
hanc dulcissimam misericordise et gratiae Matrem in omnibus
periculis, angustiis, necessitatibus, rebusque dubiis ac trepidis
cum omni fiducia confugiant. Nihil enim limendum, nihilque
desperandum Ipsa duce, Ipsa auspice, Ipsa propitia, Ipsa prote-
gente, quœ maternum sane in nos gerens animum, nostraeque
salutis negotia tractans de universo humano génère estsollicita,
et cœli terrœque Regina a Domino constituta, ac super omnes
Angelorum choros Sanctorumque ordines exaltata adstans a
dextris Unigeniti Filii sui Domini Nostri Jesu Ghristi maternis
suis precibus validissime impetrat, et quod quœrit invenit, ac
frustrari non potest.
Denique ut ad universalis Ecclesiœ notitiam hœc Nostra de
Immaculata Conceptione beatissimse Virginis Mariée definitio
deducatur, has Apostolicas Nostras Litteras, ad perpetuam rei
memoriam exstare voluimus; mandantes ut haruin transumptis,
seu exemplis etiam impressis, manu alicujus Notarii publici
subscriptis, et sigillo personse in ecclesiastica dignitate consti-
tutœ munitis, eadem prorsus fides ab omnibus adhibeatur, quœ
ipsis prœsentibus adhiberetur, si forent exhibitœ, vei ostensœ.
Nulli ergo hominum liceat paginam hanc Nostrœ declaratio-
« INEFI-'ABILIS », 8 DÉCEMBRE 1854 137
b fpte voîiimcuse ilu cruel serpent et apporté le salut au monde ; qui est
la louauj^e des prophètes et des apôtres, l'honneur des martyrs, la joie
Pi la couronne de tous les saints, le refuge le plus assuré de tous ceux
qui sont en péril, le secours le plus lidèle, la médiatrice la plus puis-
sante auprès de son fils unique pour la réconciliation du monde entier;
la gloire h; plus belle, rornement le plus éclatant, le plus solide appui
de la sainte Eglise; qui a détruit toutes les hérésies, arraché les peuples
et les nations lidèles à toutes les plus grandes calamités, et Nous a iNous-
mêmc délivré de tant de périls, menaçants, voudra bien faire en sorte,
par sa protection toute puissante, que la sainte Mère l'Eglise cathoikjo.f!
triomphe do toutes les c'ifficultés, de toutes les erreurs, et soitde jour en
jour plus forte, plus florissante chez toutes les nations et dans tous les lieux ;
qu'elle règne d'une mer à l'autre et depuis les rives du lleuve jusqu'aux
extrémités du monde; qu'elle jouisse de toute paix, de toute tranquil-
lité, de toute liberté, et qu'ainsi les coupables obtiennent leur pardon,
les malades leur guérison, les faibles de cœur la force, les afiligés la
consolation, ceux qui sont en danger le secours; que tous ceux qui sont
dans l'erreur, délivrés des ténèbres qui couvrent leur esprit, rentrent
dans le chemin de la vérité et de la justice, et qu'il n'y ait plus qu'un
seul bercail et qu'un seul pasteur.
Que les enfants de l'Église catholique, Nos fils bien-aimés, entendent
Nos paroles, et qu'animés chaque jour d'une piété, d'une vénération,
d'un amour plus ardent, ils continuent d'honorer, d'invoquer, de prier
la Bienheureuse Mère de ï-neu. la Vierce isarie, conçue sans la tache
originelle ; et que, dans tous leurs périls, dans leurs angoisses, dans leurs
nécessités, dans leurs doutes et dans leurs frayeurs, ils se réfugient avec
une entière confiance auprès de cette très douce Mère de miséricorde et
de grâce. Car il ne faut jamais craindre, il ne faut jamais désespérer,
sous la conduite, sous les auspices, sous le regard, sous la protection de
Celle qui a pour nous un cœur de mère, et qui, traitant elle-même l'af-
faire de notre salut, étend sa sollicitude sur tout le genre humain ; qui,
établie par le Seigneur Reine du ciel et de la terre, et élevée au-dessus
de tous les chœurs des anges et de tous les ordres des saints, se tient i^
la droite de son fils unique, Notre-Seigneur Jésus-Christ, et intercédant
auprès de lui avec toute la puissance des prières maternelles, trouve ce
qu'elle cherche, et son intercession ne peut être sans effet.
Enfin, pour que cette définition par Nous prononcée touchant l'Imma-
culée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie, soit portée à la con-
naissance de l'Eglise universelle. Nous avons voulu la' consigner dans nos
présentes Lettres Apostoliques, en perpétuelle mémoire de la chose,
ordonnant que les copies qui seront faites desdites Lettres, ou même les
exemplaires qui en seront impri«iés, contresignés par un notaire public,
et munies du sceau d'une personne constituée en dignité ecclésiastique,
obliennentfoi auprès de tous, de la même manière absolumentque feraient
les présentes Lettres elles-mêmes, si elles étaient exhibées ou montrées.
Qu'il ne soit donc permis à qui que ce soit de détruire, ou d'attaquer,
128 CONSTITUTION DE Pli: IX
nis, pronuntiationis ac delinitionis infringere, vel ei ausu teme-
rario advcM-.sari et contraire. Si quis auteni hoc attentare prae-
siiin|»serit, indignationem omnipotfntis Dei ac beatoruni Pétri
et Pauli Apostolorum ejus se noverit incursurum.
Datum Romai apiid Sanctiim l'etriim Anno Incarnationis
Dominicœ millf^simo octini^entesimo quinqna^esimo quarto,
VI Idus deceinbiis anno mdcccliv, Pontificatus Nost' i anno
nono.
FILS PP. IX.
« INEFFABILIS », 8 DÉCEMBRE iS'A 129
OU conticilirc, par une audacieuse li-tnérité. cet acte écrit de Notre décla-
ration, décision et définition. Que si qu(^l(|u'un avait la hardiesse de l'en-
treprendre, qu'il sache qu'il encourrait l'indignation du Dieu tout puis-
sant et de ses Apôtres Pierre et Paul.
Donné à lîonic, près la basilique de Saint-Pierre, l'année mil huit cent
cinquantc-quatricMC de rhicarnalion de Notre-Seigneui , le sixième jour
avant les Ides de Décembre de l'an 1834, de Notre Pontificat le 9-.
PIE IX, PAIE.
SS. PU pp. IX
LITIERE APOSTOLIC.^
Damnatic ti prohioitio operis cui tiiuhis « juris ccciesiastici insti-
tutiojies Joannis Aepomuccni ynytz, in reçjio Taurincnsi atheiupo
professoris», — itemqiie : « In jus ecclesiasticum uniiersum tracta-
tiones, anctoris ejusdem. n
AD PERPETUAM REI MEMORI.'^
Ad Apostolicse Sedis fastigium sola niiserentis Uei clementia,.
nuUo suffragio meritorum evecti, atque a cœlesti Patrefamilias
vineae suse cuslodiendœ preepositi, omnino officii nostri ac mu-
neris esse ducimus, si quee noxia germina excrevisse noscamus,
ea succidere atque evellere stirpitus, ne in Dominici agri per-
niciem altius radices agant ac dillundantur. Et sane quum jani
Inde ab Ecclesiœ surgencis exoraio. tanquam in igné aurum,
probari oportuerit electorum iîdem. idcirco Apostoius, vas elec-
tionis,monitûs jam tum fidèles voluit, surrexisse quosdam qui
« convertunt et conturbant Evangelium Christi, » quibus fal-
sas doctrinas disseminantibus, lideique deposito detrahentibus
« etianisi angélus evangelizet, prceterquam quod evangiiizalum
« est, anatbema (1) » diceretur. Et quamquani infensissimi
veritatis hostes proiligati seniper victique ceciderint, nunquam
tamen destiterunt assurgere, acriusque exerere vires, quibus
universam, si fieri posset, Ecclesiam labefactare niterentur.
llinc profanas manus injicientes in sancta. Apostolicœ hujus
Sedis prœrogativas et jura invadere, Ecclesiœ constitulionem
pervertere, atque integrum fidei depositura pessumdare ausu
impio contenderunt. Porro elsi nobis magno solatio sit Cbristi
Servatoris promissio, quaportas inferi nunquam contra Ecclesiam
prœvalituras edicit, non possumus tamen non intimo cruciari
animi angore, gravissimam animarum perniciem considérantes,
quam ex effreni pravos libros edendi licentia, perversaque impu-
(1) Galat.; ), 7, 8.
LETTRE APOSTOLIQUE
DE SA SAINTETÉ PIE IX
Condamnation et pj^ohibition d'un ouvrage intitulé : Institutions de
Droit ecclésiastique, par Jean Népomucène Nuijtz, professeur à
Vuniversité royale de Turin, — et d'un autre ouvrage intitulé :
Traité de droit ecclésiastique universel, du même auteur.
POUR EN CONSERVER LE PERPETUEL SOUVENIR
Elevé au faîte du Siège Apostolique par la seule clémence d'un Dieu
miséricordieux, non par nos propres mérites, notre droit et notre devoir
sont de rechercher les germes nuisibles afin de les détruire, d'arracher
les plantes parasites dans la crainte qu'elles ne jettent de protondes
racines dans le champ du Seigneur, et ne finissent par le couvrir.
Nous voyons en effet, que dès l'origine de l'Eglise, la foi des élus ayant
été mise à l'épreuve comme l'or dans la fournaise, l'Apôtre, ce vase d'élec-
tion, voulut mettre les fidèles en garde contre ceux qui falsifiaient et
dénaturaient l'Evangile : à ces prédicateurs de doctrines erronées, aux
infidèles gardiens du dépôt de la foi, à un ange même s'il eût enseigné un
autre Evangile que le sien on devait dire anathènic. Bien que les ennemis
les plus acharnés de la' vérité aient succombé, toujours terrassés et
vaincus, jamais ils n'ont cessé de se relever et de redoubler d'efforts
pour arriver, s'il était possible, à la destruction de l'Eglise entière ; jetant
sur les choses saintes un bras sacrilège, leur audace impie ne tend à rien
moins qu'à confisquer les prérogatives de ce Siège Apostolique et ses droits,
à changer la constitution de l'Eglise, à détruire l'intégrité de la foi. La
promesse de Jésus-Christ que l'enfer n'aura jamais raison de l'Eglise, nous
rassure, il est vrai; cependant ce n'est pas sans un profond déchirement
de cœur que nous voyons, au gi'and détriment des âmes, l'invasion
effrénée des mauvais livres, l'impudence et la scélératesse porter de jour
en jour sur un plus vaste plan les atteintes les plus graves aux choses de
Dieu et de la reliiiion.
132 LETTP.E APOSTOLIQUE DE PIE IX
dentia, ac scelere qiiidlilict contra divina ac sacra audendi
latins in dics manare comijorimus.
Janivero in hac libroruni nndiqne .^lassantinm peste, locum
sibi vindicat opus sic inscriptnm « Juris EcclfsiasUci Institu-
« tiones Joannis Nepomuconi Nuytz in reqio Tanrinensi athe-
« nceo professons, » itemquc «In Jns Ecclesiasticum universum
« ïractationes » auctoris ejiisdem, cujns nefarii operis doctrina
ex una illius athenaîi cathi'dra sic dilTnsa est, ut select;e ex eo
acathoiicœ thèses ad disputandum propositœ sint prolytis ephe-
Ijis, qui lauream seu doctoris gradum conseqni adspii'arent. In
liis vero libris ac thesibus in specieni adserendi jura sacerdotii
atqiie iniperii, ii traduntur errores, nt pro saiutaris doctrinre
pneceptis venenata omnino pocula juventuti porrigantur. Auctor
siqiiidem pravis suis propositionibus carunique commentis, iila
oninia, quœ a Romanis Pontificibus prœdecessoribiis nostris,
prœsertim Joanne XXII, Benedicto XIV, Pio VI, ac Gregorio XVI,
atque a tôt Gonciliornm decretis, pra3sertim a Lateranensi IV,
Fluientino ac Tridcnlino damnata, janidiii ac rejecta sunt,
quodam fuco novitatis adspersa alque illita auditoribus propo-
nere suis ac typis edere non erubuit.
Quandoquidem palam, et aperte in editis dicti auctoris libris
asseritur, Ecclesiain vis inferendœ potestatem non habere, ne-
que potestatem ullam lemporalem directam , vel indirectam.
Division! Ecclesiœ in Orientalem atque Occidentalem niniia
Uomanorum Pontilicum arbitria contulisse ; prœter potestatem
Episcopatui inhcerentem, aliam esse attributam temporalem a
civili imperio vel expresse, vel tacite concessam revocandam
proptereacum libuerit a civili potestatevel ab infideli imperante
exeicitœ competere potestatem indirectam negativani in sacra;
civilem potestatem, ab ecclesiastica, si damno afiiciatur, sibi
consulere per potestatem indirectam negativam in sacra ; illi
competere nedum jus, quod vocant. e.reqnatiir. sed vero etiam
appellationem ab abiisu: in conflictu legum utriusque potestatis,
jus civile prœvalere ; nihil vctare alicujns Concilii generalis
sententia, aut universorum populorum facto. Summum Pontifî-
catum ab Homano Episcopo, atque Urbe ad alium episcopum
aliamque civitatem transferri ; nationalis Concilii detinilidnem
nuUam aliam admittere disputationem et civilcin adniinistra-
tionem, rem ad hosce termines cxigere posse ; doctrinam
comparantium libero Principi Ilomanum Pontificem, et agenti
in universa Ecclesia, doctrinam esse, quœ medio œvo prœvaluit.
eiïectusque adhuc manere, de temporalis regni cum spirituali
compatibilitale disputare inter se Christianee et Catholicae
Ecclesiœ filios.
« AD APOSTOLIG.E », 22 AOUT ISÔl 133
Au nonil)re de ces livres pestilentiels il faut placer sans contredit le
Cours de droit ecclésiastique de Jean-yépoinncènc I\iiytz, professeur à
rathém'e royal de Turin, et le Traité sur le droit ecclésiastique universel,
du même auteur, ouvrage dont la doctrine funeste s'est tellement répan-
due de rathénée où elle a été enseignée d'abord, qu'on a puise dans ce
recueil des thèses anticatlioliques pour être soutenues par les jeunes aspi-
rants au grade de docteur. Sous prétexte d'établir, dans ces livres et
thèses, les droits réciproques du sacerdoce et de l'empire, on inocule l'er-
reur; au lieu des enseignements d'une saine doctrine on oiîre à la jeunesse
des coupes empoisonnées. Dans ces pi'opositions erronées e't dans leurs
dévelo|)pcmcnts, l'auteur n'a pas rougi de jeter à ''oreille du public et de
livrer à l'impression des erreurs déjà condamnées et proscrites ])ar nos
prédécesseurs les Pontifes Romains, surtout par Jean XXII, Benoît XIV,
Pie VI et Grégoire XVI, par une foule de conciles, en particulier par le
1V« de Latr;vi, celui de Florence et de Trente, erreurs qu'il avait pris
soin pourtant de recouvrir d'un vernis de nouveauté.
On a trouvé clairement et ouvertement enseignées, dans les livres
publiés par l'auteur, les propositions suivantes: l'Eglise n'a pas le pouvoir
de contraindre; elle n'a aucune autorité directe ou indirecte sur le tem-
porel ; la division de l'Eglise en Eglise orientale et occidentale a sui'gi
du despotisme des Pontifes Romains; en dehors du pouvoir inhérent à
répiscopat, il y a un pouvoir temporel qui lui a été concédé ou expres-
sément ou tacitement par l'autorité civile, révocable par conséquent à
volonté par cette même autorité civile; la puissance civile, même quand
elle est exercée par un prince infidèle, possède un pouvoir indirect négatif
sur les choses sacrées; si la puissance civile est lésée par le pouvoir
ecclésiastique elle peut pourvoira sa conservation par le pouvoir indirect
négatif qu'elle possède en caractère de religion; elle a par conséquent
non seulement le droit qu'on appelle d'exequatur, mais encore le droit
qu'on appelle d'appel comme d'abus; en cas de conflit légal entre les
deux pouvoirs, le droit civil prévaut; rien n'empêche que par un décret
d'un concile général ou par le fait de tous les peuples le souverain ponti-
ficat soit transféré de l'Evêque romain et de la ville de Rome à un autre
évèquc et à une autre ville; la définition d'un Concile national n'admet
pas d'autre discussion, et l'aduiinistration civile peut exiger qu'on traite
dans ces limites; la doctrine de ceux qui comparent le Pontife romain à
un prince libre et exerçant son pouvoir dans l'Eglise universelle, est une
doctrine qui a prévalu au Moyen-Age; les fils de l'Eglise chrétienne et
catholique disputent entre eux sur la compatibilité de la royauté tempo-
relle avec le pouvoir spirituel.
13'i LETTRE APOSTOLIQUE DE PIE IX
Plura quoque de matrii)ionio falsa asseruntur, niilla ratione
afTerri posse Christuni evexisse matrimonium ad dignitateni
sacramenti ; matrimonii sacranientiun non esse nisi qiiid con-
tractui accessorium, ab coque separahile, ipsumque sacramen-
tuni in una tantum nuptiali benedictione situm esse; jure na-
turœ matrimonii vinculum non esse indissolubile: Kcclesiam non
habere potestatcm impedimenta matrimonium dirimentia indu-
cendi, sed eam civili poteslati competere a qua impedimenta
existentia tollenda sint; causas matrimoniales, et si)Onsalia
suapte natura ad forum civile pertinere; Ecclesiam sequioribus
sœculis dirimentia impedimenta inducere cœpisse, non jure pro-
prio sed iiio jure usam, quod a civili potestate illis mutuata
erat; Tridentinos canones, qui anathematis censuram infenint,
qui facultatem impedimenta dirimentia inducendi Ecclesiœ ne-
gare audeant, vel non esse dogmaticos, vel de hac mutuata jdo-
testate intelligendos. Quin addit Tridentinam formam sub in-
firmitatis pœna non obligare ubi lex civilis aliam formam prae-
stituat, et velit hac nova forma interveniente matrimonium valere;
Bonifacium VIII votum castitatis in ordinatione emissum nuptias
nullas reddere primum asseruisse.
Plnra denique de potestate Episcopali, de pœnis hœreticorum
et schismaticorum, de Romani Pontificis infallibilitate, de Con-
ciliis temere atque audacter in hisce libris proposita occurrunt,
quœ persequi singillatim ac referre in tanta errorum colluvie
omnino tœdeat.
Quaproptei- compertum est auctorem per hujusmodi doctri-
nam ao sententias eo intendere, ut Ecclesise constilutionem ac
regimen pervertat, et Catholicam fidem plane destruat: siquidem
ne errantes in viam possint redire justitise, externo judicio et
potestate coercitiva Ecclesiam privât, de matrimonii natura ac
vinculo falsa sentit ac docet, et jus statuendi, vel relaxandi im-
pedimenta dirimentia Ecclesiœ denegat, et civili addicit pote-
stati ; denique sic Ecclesiam cidem civili imperio subditam esse
per summum nefas asserit, ut ad potestatem civilem directe,
vel indirecte conférât quidquid de Ecclesiaî regimine, de perso-
nis rebusque sacris, de judiciali Ecclesiœ foro divina est institu-
tione vel ecclesiasticis legibus sancitum, atque adeo impium
rénovât Protestantium systema, quo fidelium societas in servi-
tutem redigitur civilis imperii.
Ouanquam vero nemo est qui non intelligat perniciosum hu-
jusmodi pravumque systema errores instaurare jamdiu Ecclesiœ
judicio profligatos, tamen ne simplices atque imperiti decipian-
tur. admonere omnes de pravœ doctrinœ insidiis ad nostrum
pertinet apostolatum; expedit siquidem, ut ibi damna fidei sar-
« AD APOSTOLIC.E », 22 AOUT 1S5I 135
Il a v'-ï;nlemcat enseigne une nuiuiJuilc d'erreurs sur le niaiioge : telles
juiii les suivantes : On ne peut établir ])ar aucune raison que le Christ a
élevé le mariage îi la dignité de sacrement; le sacrement de mariage n'est
qu'un accessoire du contrat et qui peut en être séparé, et le sacrement
lui-même ne consiste que dans la seule bénédiction nuptiale; de droit
naturel, le lien du mariage n'est pas indissoluble; l'Eglise n'a pas le
pouvoir d'apporter des empêchements dirimants au mariage; mais ce
pouvoir appartient à l'autorité séculière, par laquelle les empêchements
existants peuvent être levés; les causes matrimoniales et les fiançailles,
par leur nature propre, appartiennent à la juridiction civile; l'Eglise,
dans le cours des siècles, a commencé à introduire les empêchements
dirimants non par son droit propre, mais en usant du droit qu'elle avait
emprunté au pouvoir civil; les canons du Concile de Trente qui pronon-
cent l'anathème contre ceux qui osent nier le pouvoir qu'a l'Eglise d'op-
poser des empêchements dirimants ne sont pas dogmatiques ou doivent
s'entendre de ce pouvoir emprunté; il ose dire que la forme prescrite par
le Concile do Trente n'oblige pas, sous peine de nullité, quand la loi
civile établit une autre forme à suivre et veut qu'au moyen de cette forme
le mariage soit valide; Boniface VllI a le premier déclaré que le vœu de
chasteté prononcé dans l'ordination rend le mariage nul.
L'auteur ajoute nombre d'autres assertions téméraires et réprouvées
sur le pouvoir des évêques, les peines encourues par les hérétiques et
les schismatiques, l'infaillibilité du Pontife romain, les Conciles, asser-
tions dont il serait fastidieux de poursuivre le détail dans un ouvrage
où les erreurs fourmillent.
De ce qui précède, il résulte clairement que le but de l'auteur, son
intention, est de changer la Constitution de l'Eglise, sa discipline, de
détruire entièrement la loi catholique; et de fait, pour fermer à l'erreur
toute voie de retour à la vérité, il prive l'Eglise de tout pouvoir coer-
citif, de toute action juridique ad extra. 11 enseigne de fausses idées
sur la nature et le lien du mariage; il dénie à l'Eglise le droit d'établir
et de lever les empêchements dirimants, tandis qu'il l'accorde au pouvoir
civil. Pour comble d'audace, il afiirme que l'Eglise est subordonnée au
pouvoir civil ; il attribue directement ou indirectement à ce pouvoir
tout ce qui, dans le gouvernement de l'Eglise, les personnes, les choses
consacrées et les. tribunaux ecclésiastiques, est d'institution divine ou
sanctionné par les lois ecclésiastiques; il renouvelle ainsi le système
impie du protestantisme qui asservit au pouvoir civil la société des
fidèles.
11 n'est personne assurément qui ne sache que ce système pernicieux,
insensé, ressuscite des erreurs depuis longtemps foudroyées par les
décrets de l'Eglise: toutefois, afin que la simplicité et l'inexpérience ne
se laissent pas surprendre, notre devoir apostolique est d'indiquer les
pièges que récèle cette doctrine perverse. II !n)|)(irte, en effet, que celui
dont la foi ne saurait défaillir guérisse les blessures faites à la foi. C'esf
130 LETTRE APOSTOLIQUE DE PIE IX
iantur, iibi non polest fides sentire defcctiim (1). Propterea de
unitatc, atqiie inlegrilate Catholicae fidci ox Apostolici ininislerii
oflicio sollicili, ut fidèles omnes perveisam auctoris doctrinam
devilent, fidemque a Patribus per hanc Apostolicam Sedem, co-
lumnam et firmarnentum veritatis, acceplam constanterteneant,
niemoratos lihros, in quibus reconsitaî nefariaî opinione^ conti-
nentiir ac defenduniur, accurato primuni examini subjefimus,
ac deinde apostolicœ censurœ j^ladio percellere ac damnure de-
crevimus
Itaque acceptis consultationibus in Theologica et Sacrorum
Canonum facultatibus Maojislrorum, acceptisque suffragiis VV
FF. NN. S. R. F. Cardinalium Congregationis suprema3 et uni-
versalis Inquisitionis, motii proprio ex certa scieiitia ac matura
deliberatione nostra, deque apostolicœ potestatis plenitudine
prœdictos libros, tanquani continentes propositiones et doctrinas
respective falsas, temerarias, scandaiosas, erroneas, in S. Sedem
inji.!riosas,ejusdem juribusderogantes, Fcclesiœ regimen etdivi-
nain ejus constitutionem subvertentcs, schismaticas, hœreticas,
Protestantismo ejusque propagationi faventes, et bueresim et in
systema jamdiu ut hœreticum damnatum in Luthero, Baio,
MarsilioPatavino,Jansenio, Marco Antonio De-Dominis, Richerio
Laborde et Pistoriensibus, aliisque abEcclesia pariter damnatis
inducentes necnon et Canonum Concilii Tridentini eversivas,
reprobamus, damnamus ac pro reprobatis et damnatis ab
omnibus haberi volumus et mandamus.
Prœcipinius idcirco,ne quisquam fidelium cujuscumque condi-
tionis et gradus, etiamsi specilica et individua mentione dignus
esset, audeat prœfatos libros ac thèses apud se retinere, aut
légère sub pcënis suspensionis a divinis quoad clericos et quoad
laicos excommunicationis majoris ipso facto incurrendis, quarum
absolutioneni et relaxationem nobis et successoribus nostris Ro-
manis Pontilicibus reservamus, excepto tantum quoad excom-
municationem mortis articulo. Mandamus quoque lypographis
ac bibliopolis, cunctisque et singulis cujuscumque gradus et
dignitatis, ut quoties praedicti libri ac thèses ad eorum manus
pervenerint, déferre teneantur ordinariis sub iisdem ro-spcctive
pœnis, nempe quoad clericos suspensionis a divinis, quoad laicos
excommunicationis majoris superius comminatis. Neque tantum
memoratos libros ac thèses, sed alios aliasquc qucscumqnc sive
scriptis, sive typis exaratos libros, vel forte cxarandos >'A impri-
mendos, in quibus eadem nefaria doctrina renovctur ex inlegro,
aut in parte sub iisdem pœnis superius expressis damnamus,
(1) S. 13crn. Ep. 190.
à
« AD APOSTOLIC.TÎ », 22 AOUT 1851 137
pourquoi, chargé, au nom du ministère apostolique ([ue nous exerçons, de
veiller à ruiiité et à l'intégrité de la foi catliolique, nous voulons pré-
munir les fidèles contre la doctrine erronée de cet auteur, les tenir
étroitement attachés à la croyance des Pères, transmise par ce Siège
Apostolique, colonne et soutien de la vérité; aussi nous avons soumis à
un examen scrupuleux les livres précités où sont contenus et défendus
les enseignements détestables par nous mentionnes; puis nous avons
résolu de les frapper du glaive de la censure apostolique et de les con-
damner
En conséquence, après avoir pris l'avis des maîtres en Théologie et en
Droit canon, recueilli les suffrages de nos vénérables frères de la Con-
grégation suprême et universelle- de l'inquisition, de nous-même, de
science certaine et après miire délibération, en vertu de notre plein pou-
voir apostolique, nous réprouvons et condamnons, nous voulons et nous
ordonnons que tous tiennent pour condamnés et réprouvés les livres pré-
cités comme renfermant des propositions et des doctrines respectivement
fausses, téméraires, scandaleuses, erronées, injurieuses envers le Saint-
Siège, empiétant sur ses droits, subversives de la discipline de l'Eglise et
de sa divine constitution, schisraatiques, hérétiques, favorisant le protes-
tantisme et sa diffusion, inclinant vers l'hérésie et le système déjà con-
damné dans Luther, Baius, Marsile de Padoue, Jansénius, Marc-Antoine
de Dominis, Richer, Laborde, le conciliabule de Pistoie et autres égale-
ment condamnés par l'Eglise, propositions enfin contraires aux Canons
du Concile de Trente.
Donc nous défendons à tous et chacun des fidèles, de quelque condition
et dignité qu'il soit, fùt-ii jugé digne d'une mention particulière et indi-
viduelle, de conserver près de lui les livres et thèses précités ou de les
lire sous peine de suspense a divinis pour les ciercs, et pour les laïques
de l'excommunication majeure encourue par le seul fait ; ils ne pourront
en être absous ou relevés que par nous et nos successeurs les Pontifes
Romains, excepté pour l'excommunication en cas de mort. Nous l'enjoi-
gnons également aux imprimeurs et libraires, à tous et à chacun, de
quelque grade et dignité qu'il soit : chaque fois que lesdits livres et thèses
leur tomberont sous les mains, ils seront tenus de les livrer aux ordi-
naires sous les mêmes peines respectives ci-dessus fulminées, à savoir
pour les clercs de la suspense a divinis et pour les laïques de Texcommu-
nication majeure. Et nous condamnons et réprouvons, nous défendons
de lire, imprimer ou retenir non seulement les ouvrages et thèses sus-
mentionnés, mais encore tous les autres livres écrits ou imprimés, à
écrire ou à imprimer, dans lesquels cette même funeste doctrine serait
exposée en entier ou partiellement, et ce, sous les mêmes peines sus-
édictées.
138 LETTRE APOSTOLIQUE DE PIE IX
reprobannis atque legi, imprinii, relincri omnino prohibemus.
Horlamiir tandem in Domino et observamus, venerahile»
Fralies, qnos nobiscuni pastoraiis zelus et sacerdotali.s con-
stantia conjungit, ut pro sibi commisso docendi ministerio omni
sollicitudine vigilantes in cuslodia gregisChristi, oves suas a tam
venenatis pascuis, hoc est ab horum librorum lectione avertere
satagant ; et quoniam verilas cnm minime defemlitur, opprimitur (1),
murum œneum, etcolumnam ferrcam sese constituantpro domo
Dei contra vaniloquos et seductores qui divina atque bumana
jura sus deque miscentes, neque Caesari quœ sunt Caesaris, neque
quœ Dei sunt, Deo ipsi reddentes, sacerdotium et imperium
commituntinter se atque adeo impetere utrumque, atque evertere
connitunlur.
Ut autem prœsentes litterœ omnibus innotescant nec quis-
quam illarum ignorantiam prœtexere et allegare valeat, vo-
lumus acjubemusipsas ad valvas basibeae Apostolorum Prin-
cipis, et canceilariœ apostolicœ necnon curiœ generaiis in Monte
Citatorio et in acie Gampi Florœ de Urbe per aliquem ex curso-
ribus nostris, ut moris est, pubiicari, illarumque exempla ibi
affixa reb'nqui ; sic vero affixas ac publicatas perinde omnes
afficere, ad quos spectant, ac si unicuique illorum personaliter
notificatcG atque intimatœ fuissent. Prœsentium quoque Littera-
rum transumptis etiam impressis, manu aUcujus pubbci nutarii
subscriptis etsigillo personaî in ecclesiasticadignitateconstitutae
munitis, eadem fideni in judicio et extia haberi voiumus, quœ
eisdem bis baberetur, si forent exhibitœ vel ostensœ.
Datum llomee apud S. Petrum sub annuio Piscatoris, die xxii
Augusti, anno mdcccli, pontilicatus nostri anno sexto.
A. Gard. Lambruschini.
(1) S. Fclix m, disl. .S3.
€ AD APOSTOLIC.E », 22 AOUT 1851 t39
Enfin nous exilerions dans le Seigneur, nous supplions nos vénérables
Frères, que leur zèle pastoral et leur coiistanee sacerdotale nous tiennent
étroitement unis, de faire en sorte que chacun de ceux qui sont chargés
de dirigei- une partie du troupeau du Christ confié à sa garde, s'attache
à éloigner son bercail des pfiturages empoisonnés, nous voulons dire des
livres condamnés; et puisque la vérité que Ton ne défend point ne tarde
pas h succomber, nous les exhortons à s'établir comme des murs d'airain
et des colonnes de fer pour la maison de Dieu contre ces hommes vains
et trompeurs qui confondant les droits de Dieu et ceux de l'homme, ne sa-
vent faire la part de César ni celle de Dieu, mettent aux prises le sacerdoce
et l'empire, emploient leurs efforts à les attaquer et à les renverser tous
deux.
Pour que les présentes lettres soient connues de tous et que personne
ne puisse prétexter de leur ignorance et s'en faire une excuse, nous vou-
lons et ordonnons qu'elles soient publiées et qu'un exemplaire en soit af-
fiché, par quelqu'un de nos huissiers, sur les portes de Saint-Pierre, de
la chancellerie apostolique, aussi bien que sur celles de la Cour suprême à
Monte Citatorio, dans la ville, sur la place du Champ de Flore. Ainsi af-
fichées et publiées elles obligeront tous ceux qu'elles concernent comme
si elles avaient été notifiées et signifiées à chacun d'eux personnellement.
Les copies manuscrites, ou même les exemplaires imprimés des présentes,
pourvu qu'ils soient revêtus de la signature d'un notaire public et mu-
nis du sceau d'une personne constituée en dignité ecclésiastique, feront
foi en justice et en toute autre occasion comme si l'exemplaire original
était produit ou présenté.
Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, sous l'anneau du pêcheur, le
22^ jour d'août, l'an 18oî ; de notre Ponf.ificat le 6".
A. Card. Lambruschini.
ss. i>ii pp. IX
LITTER.E APOSTOLICiE
Damnnlloel prnkihilio operis tnsi'x tomis hispanico idiomate editisnb
til'do « Defcnsa de la autoritad de los gobiernos ij de los obispos
contra las pretenciones de la caria romana, » por Francisco de
Panla G. Vigil. Lima 18 18.
AD PERPETUAM REI MKMORIAM
Multipliées inter gravissimasque, quibus undique preniimur,
olïicii nostri curas, et niaximas hiijus tf-mporiscalamitates, quœ
in gliscenti rerum omnium novitate animum nostrum sollicitant
anguntque vehementer, illud aeeedit magnopero dolcndum, quod
libri perniciosissimi e latebris jansenistarum aliorumque hiijns
geiieris in diem enimpant, quibus hujiis sœciili lîlii in perstiasibi-
libus humanœ sapientiaî vcrl)is loquunturperversa,ut abducant
discipulos post se. Apostolici itaque nostri ministerii ratio
postulat, ut libros istiusmodi solemniorem in modum ad catho-
licœ rcligionis puritatem ac venerandam Ecclesiœ disciplinam
tuendam conservandamque proscribamus, et damnemus, ac
Dominicum gregem a pastorum principe Jesu Christo humilitati
nostrœ commissum ab exitiosa illorum lectione et retentione
tanquam ;i vencnatis pasciiis omni soUicitudine praeservare et
avei'tere non prœtermittamus.
Jam vcro cum in lucem prodiisse acceperimus Librum seu
Opus, sex tomis constans, hispanico idiomate exaratum, cul
titulus « Defensa de la autoritad de los Gobiernos y de los
« Obispos contra las pretencionos de la Curia Romana. por Fran-
« cisco de Paula G. Vigil. Lima 1848, » atque ex ipsa operis
inscriptione satis intellcxerimus. anctorem esse hominem in banc
Apostolicam Sedem malcvolo animo alTectum, haud omisimus
illud pervolvere, ac facili negotio, quamvis non sine niaximo
cordis nostri mœrore, eumdem librum plures Pistoriensis Synodi
errores dogmatica bulla Auclorcm fideifei. rec. Pii VI decessoris
nostri jam conlixos renovantem, aliisque pravis doctrinis et pro-
positionibus iterum iterumque damnatis undique redundantem
novimus atque perspeximus.
LETTRE APOSTOLIQUE
DE SA SAINTETÉ PIE IX
Condamnation et prohibition iVun ouvrage en six volumes, 'public en
espagnol sous ce titre : Défense de l'autorité du Gouvernement
et des Évèques, contre les prétentions de la cour Romaine. »
par Fr an roi s de Paule G. Vigil. Lima 1848.
POUR CONSERVER LE PERPETUEL SOUVENIR
Au milieu des sollicitudes multipliées et si pesantes qui nous pressent
de toutes parts dans rexercice de notre charge, au milieu des grandes ca-
lamités de ce temps qui dans le changement incessant de toutes choses,
inquiètent notre cœur et l'accablent d'angoisses, nous souO'rons surtout
de voir sortir chaque jour des repaires des jansénistes et autres gens de
la même espèce les livres les plus pernicieux, dans lesquels les enfants
de ce siècle présentent, sous le séduisant langage de la sagesse humaine,
des doctrines perverses, afin d'entraîner des disciples à leur suite. C'est
pourquoi la nature même de notre charge apostolique exige que, pour
défendre la pureté de la religion catholique et la sainte discipline de
l'Eglise, nous proscrivions et condamnions ces livres de la manière la
plus solennelle et que nous n'omettions point de détourner et de pré-
server de la lecture mortelle et de la possession de ces écrits, comme de
pâturages vénéneux, le troupeau du Seigneur confié à notre humilité par
le Prince des pasteurs, Jésus-Christ.
En conséquence, ayant été informé qu'il avait paru en langue espa-
gnole un ouvrage en six tomes, intitulé : « Défense de l'autorité des Gou-
a vernemcnts et des Evèques contre les prétentions de la cour de Home,
« par François de Paule. G. Vigil. Lima, 1848; » et le titre seul de ce
livre nous faisant assez entendre qu'il avait pour auteur un homme
animé, contre le Siège Apostolique, d'un esprit malveillant, nous l'avons
lu, et il nous a été facile de voir, à notre grande douleur, qu'il renou-
velait plusieurs erreurs du Synode de Pistoie, déjà anathéniatisées par la
Bulle dogmali(iue : Auctorem fidet, de notre prédécesseur Pic VI, d'heu-
reuse mémoire, et que d'autres doctrines et propositions perverses plu-
sieurs fois comdamnées y débordaient de partout.
142 LETTRE APOSTOLIQUE DE l'IE IX
Auctor enini, licet catholicus, ac divino niinisterio, uti ft?i tur,
mancipatus, ut indiirerentismnm ac rationalismuni, quo se in-
fectum prodit, securius ac impune soijuatur, denesat Ecclesife
inesse potestatem dogrnatice deliniendi, religionem Ecck-«iœCa-
tholicœ esse unice veram religionem. docetque cuique liberum
esse eam amplecti ac profiteri religionem, quam rationis lu-
mine qnisductus veram putaverit; legem cœlibatus impudenter
aggreditur. et novatorinn more statum conjugalem anteponit
statui virginitatis; potestUem, qua Ecclesia donata est a sue
Divino Institulore, stabiliendi impedimenta matrimonium diri-
mentia a principibus terrae dimanare tuetur, eamque Christi
Ecclesiamsibi arrogas=3 impie aflirmat; Ecclesife et personarum
immunitatem, Dei ordinatioiic et canonicis sanctionibus consti-
tutam, ajurecivili ortum habuisse asserit, nec illum pudet de-
fendere, majori œstimatione et obsequio prosequendam esse do-
mum oratoris alicujus nationis quam templum Dei viventis ;
gubernio laico attrilDuit jus deponendi ab exercitio pastoralis
ministerii epi?;copos, quos Spiritus sanctus posuit regere Eccle-
siam Dei (1) ; suadere nititur iis, qui clavum tenent publicarum
rerum, ne obediant Romano Pontifici in iis, quce episcopatuum
et episcoporum respiciunt institutionem; reges alio.^que princi-
pes, qui per baptismum facti sunt membra Ecclesife, subtrahit
ab ejusdem Ecclesiœ jurisdictione non secus ac reges paganos ;
quasi principes christiani in rébus spiritualibus et ecclesiasticis
non essent filii acsubditi Ecclesiœ; imo cœlestia terrenis, sacra
profanis, summa imis monstrose permiscens, docere non veretur,
terrenam potestatem in quaestionibus jurisdictionis dirimendis
esse Ecclesiam, quse columna est et firmamentum veritatis : tan-
dem ut alios quamplures omittamus errores, eo audaeiœ, et im-
pietatis progreditur, ut lîomanos PontiQces et Concilia œcume-
nica a limitibus sure potestatis recessisse, jura principum usur-
passe, atque etiam in rébus fidei et morum defmiendis errasse
infando ausu contendat.
Quanquam vero tôt ac tanta in eodem opère contineri erro-
rum capita cuique facile innotescat, attamen prœdecessorum no-
strorum vestigiis inhœrentes mandavimus, ut in nostra Univer-
salis Inquisitionis Congregatione praefatum opus in examen
adduceietur, ac postea ejusdem Congregationis judicium nobis
referretur. Porro Yen. fratres nostri S. 11. E. cardinales inqui-
sitores générales, prœvia ejusdem operis censura, et perpensis
consultarum sufïragiis, memoratum opus tanquam continens
doctrinas et propositiones respective « scandalosas, temerarias,
M) Act.. XX, 28.
« MULTIPLICES », 10 JUIN 1851 143
L'auleiir. eu effet, quoique catholique, et même, comme on le rapporte,
ingagé ilans le sacré ministère, voulant s'abandonner in)puiiénient et on
)ute sécurité à l'indiffércntisme et au rationalisme dont il se montie
ifeclé, nie que TEglise ait le pouvoir de définir dogmatiquement que la
feligion de l'Eglise catholique soit la seule vraie religion; il enseigne que
caacun est lihre d'embrasser et de piot'esser celle qu'il jugera véritable,
eft suivant la lumière de la raison ; il attaque avec impudence la loi du
cilibat, et, selon la coutume des novateurs, il met l'état conjugal au-
dessus de la virginité; il prétend que le pouvoir qui a été donné à
l'Eglise par son divin Fondateur d'établir des empêchements dirimants
au mariage, émane des princes de la terre, et il pousse l'impiété jusqu'à
affirmer que l'Eglise du Christ l'a injustement usurpé; il avance que
l'immunité de l'Eglise et celle des personnes qui lui sont consacrées, la-
quelle a été constituée par l'ordre de Dieu et par les sanctions canoniques,
tirent leur origine du droit civil, et il n'a pas honte de soutenir qu'on
doit plus estimer et honorer la maison de l'ambassadeur d'une nation
(|ueIconque que le temple du Dieu vivant; il attribue au gouvernement
laï(|ue le droit de déposer de l'exercice du ministère pastoral les Evèques
que le Saint-Esprit a établis pour régir l'Eglise de Dieu ; il s'efforce de
persuader à ceux qui tiennent le timon des affaires publiques de ne
point obéir au Pontife Romain dans les choses qui regardent l'Episcopat
et l'institution des Evèques; les rois et autres princes qui, par le bap-
tême, ont été faits membres de l'Eglise, il les soustrait à la juridictiou
de cette même Eglise, comme s'ils étaient des rois païens, comme si les
princes chrétiens, dans les choses spirituelles et ecclésiastiques, n'étaient
pas les fils et les sujets de l'Eglise. -Bien plus, par une monstrueuse con-
fusion des choses du ciel et des choses de la terre, du sacré et du pro-
fane, des choses su|)érieures avec les inférieures, il ne craint pas d'en-
seigner que, lorsqu'il faut résoudre des questions de juridictmn, la puis-
sance terrestre est supérieure à l'Eglise, colonne et fondement de la vérité.
Enfin, pour omettre un grand nombre d'autres erreurs, il pousse l'au-
dace et l'impiété jusqu'à soutenir avec une infâme impudence que les
Pontifes romains et les Conciles œcuméniques ont outrepassé les limites
de leur puissance, usurpé les droits des princes, erré même en définissant
les choses de la foi et des mœurs.
Il est évident pour tout le monde que ces erreurs si nombreuses et si
graves existent dans ce livre; néanmoins, suivant la coutume de nos
prédécesseurs, nous avons ordonné que cet ouvrage fût examiné par
notre Congrégation de l'Inquisition universelle et que le jugement de
cette Congrégation nous fut ensuite soumis. Or, nos vénérables frères
les inquisiteurs généraux, cardinaux de la sainte Eglise romaine, après
avoir pesé la censure et le vote préalable des consulteurs, ont été d'avis
que l'ouvrage susdit doit être condamné et prohibé comme renfermant
des doctrines et des propositions respectivement « scandaleuses, fausses,
a schismatiques, injurieuses pour les Pontifes romains et pour les Con-
«t ciles œcuméniques, subversives de la puissance, de la liberté et de la
« juridiction de l'Eglise, erronées, impies et hérétiques. »
144 LETTIlE APOSTOLIQUE DE PIE IX
<(. falsas, schismalicas, llomanis Pontificiltus et Conciliis œcu-
« nienicis injuriosas, Ecclesiœ potc^^tatis, libortatis, et Jurisdic-
« tionis eversivas, erroneas, impias, et Inereticas, » daninan-
diiiTi atque prohibendiim censuenint.
Ilinc nos, audita prœdictonim relatione, et cunctis plene ac
mature consideratis, de consilio prœfatoriim cardinalium, atque
etiam molu proprio, ex certa scientia, deque Apostolicœ pote-
statis plenitudine mcmoratum opus, in quo doctrinae ac pioposi-
tiones, ut supra notatœ, continentur, ubicumque, et quocumque
alio idJomate, seu quavis editione aut versione hue ustjue im-
pressum, vel in posterum, quod absit, imprimendum, tenore
prcesentium damnamus et reprobamus, atque legi ac retinere
prohibemus, ejusdemque operis impressionem, descriptionem,
lectionem, retentionem, et usum omnibus et singulis Ghristi fi-
delibus, etiam specifica et individua mentione et expressione di-
gnis,sub pœnaexcommunicationisper contrafacientesipso facto,
absque alia declaratione, incurrenda, a*qua nemo a quoquam,
prœterquam a nobis seu Romano Pontilice pro tempore exi-
stente, nisi in mortis articulo constitutus, absolutionis benefi-
cium obtinere queat, omnino interdicimus.
A^olentes et auctoritate apostolica mandantes, ut quicumque
librum seu opus prœdictum pênes se habuerint, illud statim
atque prœsentes litterae innotuerint, locorum ordinariis, velhœ-
reticœ pravitatis inquisitoribus tradere atque consignare te-
neantur, in contrarium facientibus non obstantibus quibuscum-
que.
Ut autem eœdem présentes Litterœ ad omnium notitiam fa-
cilius perducantur, nec quisquam illarum ignorantiam allegare
queat, volumus et auctoritate pra3fata dccernimus, illas ad val-
vas basilicee Principis Apostolorum, et cancellariiE apostolicse,
nec non curiae generalis in Monte Citatorio, et in acie Campi
Florsein Urbe per aliquem ex cursoribus nostris, ut moris est,
publicari, illarumque exempla ibidem affixa relinqui : sic vero
publicatas, omnes et singulos, quos concernunt, perinde afficere
et arctare, ac si unicuiqueillorum personaliternotiticati3e et inti-
matœ fuissent; ipsarum autem pra^sentium Litterarum tran-
sumptis, seu exemplis, etiam imprcssis, manu alicujus notarii
publici subscriptis, et sigillo personœ in ecclesiastica dignitate
conslitutce munitis, eamdem prorsus fidem tam in judicio, quam
extra illud ubique locorum baberi, quœ haberetur iisdem prœ-
sentibus, si exhibitœ forent vel ostensœ.
Datum Romœ, apud S. Petrum, sub annulo Piscatoris, die
X junii, annoMDCcci.i, pontificatus nostri anno v.
Plus PP IX
« MULTIPLICES », 10 JUIN 1851 145
C'est pourquoi, rapport nous ayant été fait de ce qui précède, et toutes
\choscs étant mùi'enient considérées, du conseil des cardinaux ci-dessus
iésignés et aussi de notre propre niouvcnicnt, de noti'C science certaine
;t de la plénitude de la puissance apostolique, nous condamnons, nous
réprouvons, selon la teneur des présentes, nous défendons de lire cl de
Îetcnir l'ouvrai^e susdit où sont contenues les doctrines et les proposi-
ions qualiliécs et notées comme il est dit ci-dessus, ainsi que toutes les
éditions, versions ou traductions qui en ont été ou qui en seraient faites, '
en quelque langue et en quelque lieu qu'il ail déjà été imprimé ou qu'il
le soit à l'avenir, ce qu"à Dieu ne plaise, Nous interdisons donc absolu-
ment à tous et à chacun des fidèles du Christ, même fi ceux (jui seraient
dignes de mention expresse, spécifique et individuelle, d'imprimer, de
transcrire, de lire, de garder cet ouvrage, d'en user en aucune façon, et
cela sous peine dcxcomtnunication encourue par tout contrevenant ipso
facto, sans qu'il soit besoin d'aucune autre déclaration, et dont per-
sonne, à moins qu'il ne se trouve à l'article de la mort, ne pourra obte-
nir l'absolution que de nous-même eu du Pontife Romain existant alors.
Nous voulons et ordonnons, en vertu de l'autorité apostolique, que
quiconque a chez soi le livre ou ouvrage susdit soit tenu, aussitôt que
les présentes lettres lui seront connues, de le livrer et de le remettre à
l'Ordinaire du lieu qu'il habite ou aux inquisiteurs de la perversité héré-
tique, nonobstant ce qui pourrait être à ce contraire.
Et afin que les présentes Lettres soient plus aisément portées à la con-
naissance de tous, afin que personne ne puisse prétexter cause d'ignorance,
nous vouions, nous décrétons, en vertu de l'autorité apostolique, qu'elles
seront publiées, selon l'usage, par quelqu'un de nos huissiers, aux portes
de la basilique du Prince des Apôtres, de la chancellerie apostolique, du
tribunal suprême à Monte-Citorio, dans la ville, sur la place du Champ
de Flore, et que des exemplaires y demeureront affichés. Ainsi promul-
guées, elles atteindront et obligeront tous et chacun de ceux qu'elles
concernent, comme si elles avaient été notifiées et signifiées à chacun
d'eux personnellement. Les copies manuscrites, ou même les exemplaires
imprimés des présentes, pourvu qu'ils soient revêtus de la signature
d'un notaire public et munis du sceau d'une personne constituée en
dignité ecclésiastique, feront foi en justice et en toute autre occasion
comme si l'exemplaire original était produit ou présenté.
Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, sous l'anneau du Pêcheur, le
10« jour de juin, l'an 1851 ; de notre pontificat le 5^.
PIE IX, PAPE.
SS. PII pp. IX
EPISTOLA ENCVCLICA
Archiepiscopis et Episcopta Italiœ
Vexerabiles Fratres,
Salutem et xVpostolicam Benedictionem.
Nostis et nobiscuinunaconspicitis,venerabiles Fratres, quanta
nuper perversitate invaluerint perditi quidam veritatis, justitite
et honestatis cujusque inimici, qui sive per fraudem omnisque
generis insidias, sive palam et tanquam fluctusferi maris despu-
mantesconfusionessuas, etïrenatamcogitandi, loquendi, et impia
quseque audendi licentiam quaquaversus dilîundere contendunt
inter tideles Italise populos, et catholicam religionem in Italia
ipsa labefactare, ac, si lîeri unquam posset, funditus evertere
commoliuntur. Apparuit tota diabolici eorum consilii ratio tum
aliis nonnuUis in locis, tum in aima preesertim urbe, supremi
Pontificatus nostri sede, in qua, nobis abire Inde coactis, libe-
rius, paucis licet mensibus, debaccbati sunt; ubi divinis huma-
nisque rébus nefario ausucommiscendis, eo tandem illorum furor
pervenit, ut spectatissimi urbani cleri,et prœsulum sacra inibi
Jussu nostro impavide curantium turbata opéra, et auctoritate
despecta, vel ipsi interdum miseri aegroti cum morte collu-
ctantes, cunctis destituti religionis subsidiis, animam inter pro-
cacis aliciijus meretricis illecebrasemittere cogebantur.
Jam vero etsi doincepsRomana eademurbs, et aliae Pontificiae
ditionis provincise^ Deo miserante, per catbolicarum nationum
arma eivili nostro regimini restitutœ fuerint, ac bellorum
tumultus in aliis pariter regionibns Italiae cessaverit, non desti-
tere tamen nec sane désistant improbi illi Dei hominumque
hostes a nefando suo opère, si minus per apertam vim, aliis
certe fraudulendis nec semper occultis modis urgendo. Verum
infirmitati noslrae supremam potius Dominici gregis curam in
tanta temporum difficultate sustinenti, et peculiaribus hujusmodi
Ecclesiarum Italire periculis vehementer afflictœ, non levis inter
LETTRE ENCYCLIQUE
DE SA SAINTETÉ PIE IX
Aux Archevêques et aux É vécues d'Italie
VÉNÉRABLES FrÈRES,
Salut et Bénédiction Apostolique.
Vous savez et vous voyez comme nous, vénérables Frères, quelle
perversité viennent de déployer certains hommes perdus, ennemis de
toute vérité, de toute justice, de toute honnêteté : soit par fraude et par
des artifices de toute espèce, soit ouvertement et jetant comme une mer
en furie l'écume de leurs confusions, ils s'efforcent de répandre de toutes
parts, parmi les peuples fidèles de l'Italie, la licence effrénée de la
pensée, de la parole, de tout acte audacieux et impie pour y ruiner la
religion catholique, et, si cela pouvait jamais être, pour la renverser
jusque dans ses fondements. Tout le plan de leur dessein satanique s'est
révélé en divers lieux, mais surtout dans la ville bien-aimée, siège de
notre pontificat suprême, où, après nous avoir _^.Jraintde la quitter, ils
ont pu se livrer plus librement pendant quelques mois à toutes leurs
fureurs. Là, dans un affreux et sacrilège mélange des choses divines et
des choses humaines, leur rage monta à ce point que, méprisant l'autorité
de l'illustre clergé de Rome et des prélats qui, par notre ordre, demeuraient
intrépides à sa tête, ils ne les laissèrent pas même continuer en paix
l'œuvre sacrée du saint ministère; et, sans pitié pour de pauvres malades
en proie aux angoisses de la mort, ils éloignaient d'eux tous les secours
de la religion et les contraignaient de rendre le dernier soupir entre
les bras d'infâmes prostituées.
Bien que, depuis lors, la ville de Rome et les autres provinces du
domaine pontifical aient été, grâces à la miséricorde de Dieu, rendues, par
les armes des nations catholiques, à notre gouvernement temporel ; bien
que les guerres et les désordres qui en sont la suite aient également
cessé dans les autres contrées de l'Italie, ces ennemis infâmes de Dieu et
des hommes n'ont pas cessé et ne cessent pas leur travail de destruction ;
ils ne peuvent plus employer la force ouverte; mais ils ont recours à
d'autres moyens, les uns cachés sous des apparences frauduleuses, les
autres visibles à tous les yeux. Au milieu de si grandes difficultés, por-
tant la charge suprême de tout le troupeau du Seigneur, et rempli de la
plus vive aftliction à la vue des périls auxquels sont particulièrement
exposées les Eglises de l'Italie, c'est pour notre infirmité, au sein des
148 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
aerumnas consolalio est ex pastorali vcstro studio, venerahiles
Fratres, cnjiis niulta nobis documenta, et in medio pr<X't»'rit;c
tempestatis turbine non defuerant, et nova in dies clarioraque
obveniunt. Ipsa autem rei iîravitas urget nos, ut pro débite
Apostolici oHicii fraternitatiijus vestris, in nostrœ sollicitudinis
partem vocatis, acriores sermone atque hortationibus nostris
addamus stimulosad pnchanda constanter una nobiscnm prœUa
Domini, atque ad ea oninia concordibus animis providenda ac
prœstanda, quibus, Deo benedicente, et damna reparentur quœ-
cumque llebgioni sanctissimaî per Italiam illata jam sint, et
imminentia in posterum pericula propulsentur.
Inter multipliées fraudes, quibus prœdicti Ecclesiee hostes uti
consueverunt ad Italorum animos a (ide cathoh'ca abalienandos,
asserere etiam, et quaquaversus clamitare non erubescunt,
catholicam religionem Italiae gentis gloriae, magnitudini, et
prosperitati adversari, ac propterea opusesse, ut illius locoPro-
testantium placita et conventicula inducantur, constituantur et
propagentur, quo Italia pristinum veterum temporum, id est
ethnicorum, splendorem iterum acquirere possit. In quo sane
illorum commento haud facile quis existimaverit, num dete-
standa magis sit vesanœ impietatis malitia, vel impudentia men-
tientis improbitatis?
Etenim spiritualeemolumentum ut de potestate tenebrarumin
Dei lumen translati, et justificati gratia, Ghristi hœredes simus
secundum spem vitœ ceternœ, hoc scilicet animarum emolumen-
tum, acatholicos religionis sanclitatedimanans, ejus profecto est
pretii, ut quœcumque hujus mundi gloria et faustitas in compa-
ratione illius plane in nihilum esset computanda. « Quid enim
prodest homini, si mundum universum lucretur, animœ vero
suœ detrimentum patiatur? Aut quem dabit homo comrauta-
tionem pro anima sua? » (Matth., xvi, 26. i At vero tantum
porro abest, ut temporalia illa detrimenta Italorum genti ad
verse fidei professionnem acciderint, ut imo religioni catholicae
in acceptis referre illa debeat si llomano labanteimperio non in
eam conditionem deciderit, in quam Assyrii et Ghaldaei, Medi,
Persaeque, et Macedones populi, multos antea dominati per
annos, commutata deinceps temporum vice, dilapsi fuerant.
Etenim nemo prudens ignorât, per sanctissimam Ghristi reli-
gionem effectum esse, ut Italia non solum a tôt actantis, quibus
obruebatur, errorum tenebris fuerit erepta, verum etiam ut
inter antiqui illius imperii ruinas, et barbarorum tota Europa
grassantiumincursiones. ad eam nihilominus gloriam et magni-
tudinem prœ cœteris totius mundi nationibus se provectam con-
spiceret, ut per sacram Pétri cathedram singulari Dei beneficio
oc NOSTIS ET NOBISGUM », 8 DÉCEMBRE 1849 149
douleurs, une giaiule consolation, vénérables Frères, que le zèle pasto-
ral dont, au plus fort même de la tempête qui vient de passer, vous
nous avez donné tant de preuves, et ([ui se manifeste clia([ue jour
encore par des témoignages de plus en plus éclatants, tlependaut la gravité
des circonstances nous |)resse d'exciter plus vivement encore, de notre
parole et de nos exhortations, selon le devoir de notre charge Apostolique,
votre fraternité, qui partage nos sollicitudes, h combattre avec nous
et dans l'unité les combats du Seigneur, à préparer et à prendre d'un
commun accord toutes les mesures pour réparer, avec la bénédiction de
Dieu, le mal déjà fait en Italie à notre religion sainte, pour prévenir et
repousser les périls dont un avenir prochain la menace.
Entre les fraudes sans nombre qut les susdits ennemis de l'Église ont
coutume de mettre en œuvre pour rendre odieuse au.x Italiens la foi
catholique, Tune des plus perfides est celle-ci : ils ne rougissent pas d'af-
firmer, de répandre partout à grand bruit, que la religion catholique est
un obstacle à la gloire, à la grandeur, à la prospérité de la nation ita-
lienne, et que, par conséquent, pour rendre à l'Italie la splendeur des
anciens temps, c'est-à-dire des temps païens, il faut mettre à la place de
la religion catholique, insinuer, propager, établir les enseignements des
protestants et leurs conventicules. On ne sait ce qui, en de telles affir-
mations, est le plus détestable, la perfidie de l'impiété furieuse ou l'im-
pudence du mensonge éhonté.
En effet, le bonheur spirituel d'être soustraits à la puissance des
ténèbres et transportés dans la lumière de Dieu, d'être justifiés par la
grâce et de devenir les héritiers du Christ dans l'espérance de la vie éter-
nelle, ce bonheur des âmes, émanant de la sainteté de la religion catho-
lique, est certes d'un tel pri.x qu'auprès de lui toute la gloire et toute
la félicité de ce inonde doivent être regardées comme un pur néant.
« Que sert à l'homme de gagner tout l'univers, s'il vient à perdre son
âme? Ou que donnera l'homme en échange pour son âme? » .Mais, bien
loin que la profession de la vraie foi aitcausé à la race italienne les dom-
mages temporels dont on parle, c'est à la religion catholique qu'elle doit
de nètre pas tombée, à la chute de l'empire romain, dans la même
ruine que les peuples de l'Assyrie, de la Chaldée, de la Médie, de la
Perse, de la Macédoine. Aucun homme instruit ne l'ignore, en effet :
non seulement la sainte religion du Christ a arraché l'Italie aux ténèbres
des erreurs si nombreuses et si grandes qui la couvraient tout entière,
mais encore au milieu des ruines de l'antique ein|)iie et des invasions
pes barbares ravageant toute l'Europe, elle l'a élevée dans la gloire et la
grandeur au-dessus de toutes les nations du monde; possédant dans son
sein, par un bienfait singulier de Dieu, la chaire sacrée de Pierre, l'It-i
IJU LETTRE ENCYCLIOUE DE PIE IX
in ipsa collocatam latins atque solidius prœsideret Religione
divina, qiiaiii pr;efucM'at olim dominatione terrena.
Atque ex hoc ipso Apostolicœ habendœ Sedis singulari piivi-
legio, et ex religione catholica lirmiores exinde in Italiae popiilis
radiées obtinente alia porro permulta, eadenique insignia hene-
licia profecta sunt. Siquidem sanctissima Christi religio ver.e
sapientise raagistra, humanitatis vindex, ac virtulum omnium
fecunda parens, avertit quidem Italorum animos ab infelicis
illius gloriaî splendore, quam illornm majores in perpetiio bel-
lorum tumiillu, in extcrorumoppressione, atque in longe maximo
hominum numéro, ex eo quod vigebat jure belli.ad durissimam
captivitatem redigendo posuerant. sed una simul Italos ipsos
catholicaî veritatis luce collustratos ad sectandam justitiam et
misericordiam, atque adeo ad prgeclara etiam pietatis in Deum
et beneficentiee erga homines a3mulanda opéra excitavit. llinc in
prœcipuis Italiae urbibus admirari est sacra templa, et alia
Christianorum temporum monumenta, haudquaquam percruen-
tos labores hominum sub captivitate gementium, sed ingenuo
vivificge caritatis studio confecta, et pia cujusque generis insti-
tuta, quœ sive ad religionis exercitia, sive ad educationem ju-
ventutis, et litteras, artes, disciplinas rite excolendas, sive ad
miserorum œgritudines et indigentias sublevandas comparata
sunt. Ilœc igitur divina religio, in qua tôt quidem nominibus
Italiae salus, félicitas et gloria continetur, hœc scilicet religio
illa est, quam ab Italiae populis rejiciendam inclamant ! Lacrymas
cohibere non possumus, venerabiles Fratrcs, dum conspicimus
aliquos nunc Italos reperiri, improbos adeo, misereque illusos,
ut pravis plaudentes doctrinis, in tantam Italiae perniciem con-
spirare cum ipsis non reformident.
Sed vero ignotum vobis non est, venerabiles Fratres, praeci-
puos illos hujus scelestissimae machinationis architectos eo tan-
dem spectare, ut populos omni perversarum doctrinarum vento
agitatos, ad subversionem impellant totius ordinis humanarum
rerum, atque ad nefaria novi Socialismi et Communistni systemata
traducant. IVorunt autem et longo multorum sœculorum experi-
mento comprobatum vident, nuilam sibi consensionem sperari
posse cum Ecclesia catholica, quœ scilicet in custodiendo divinae
revelationis deposito nihil unquam detrahi patitur propositis
fidei veritatibus, nihil illis pernova hominum commenta admi-
sceri. Idcirco consilium inierunt deltalis populis traducendis ad
Protestantium placita et conventicula ; in quibus, ut illos deci-
piant, non aliud esse dictitant, quam diversam verœ. ejusdem
christianae religionis formam, in qua, œqueac in Ecclesia catho-
lica, Deo placere datum sit. Interea minime ignorant, profuturum
a NOSTIS ET NOBISGUM », 8 DÉCEMBRE 1849 1^1
lie doit ;i la reiii!;ioii divine un empire plus solide et plus étendu que son
antique domination terrestre.
Ce privIK'ge singulier de posséder le Siège Apostolique, et de A'oir par
cela n)ênie 1;» religion catholique jeter dans les peuples de l'Italie de plus
fortes racines, a été pour elle la source d'autres bienfaits insignes et
sans nonil)re. Maîtresse de la A'éritable sagesse, protectrice vengeresse
de rhumiinité, mère féconde de toutes les vertus, la sainte religion du
Christ détourna l'ùme des Italiens de cette soif funeste de gloire qui
avait entraîné leurs ancêtres à faire perpétuellement la guerre, à tenir
les peuples étrangers dans l'oppression, à réduire, selon le droit martial
alors en vigueur, une immense quantité d'hommes à la plus dure servi-
tude; et en même temps illuminant les Italiens des clartés de la vérité
catholique, elle les porta par une impulsion puissante à la pratique de
la justice, de la miséricorde, aux œuvres les plus éclatantes de piété
envers Dieu et de bienfaisance envers les hommes. De là, dans les prin-
cipales villes de l'Italie, tant de saintes basiliques et autres monuments
des âges chrétiens, lesquels n'ont pas été l'œuvre douloureuse d'une
multitude réduite en esclavage, mais librement élevés par le zèle d'une
charité pleine de vie. Ajoutez les pieuses institutions de tout genre con-
sacrées, soit aux exercices de la vie religieuse, soit à l'éducation de la
jeunesse, aux lettres, aux arts, à la sainte culture des sciences, soit enfin
au soulagement des malades et des indigents. Telle est donc cette reli-
gion divine, qui procure à tant de titres divers le salut, la gloire, le
bonheur de l'Italie, et que l'on voudrait faire rejeter par les peuples de
cette même Italie. Nous ne pouvons retenir nos larmes, vénérables
Frères, en voyant qu'il se trouve, à cette heure, quelques Italiens assez
pervers, assez livrés à de misérables illusions, pour ne pas craindre
d'applaudir aux doctrines dépravées des impies et de conspirer avec
eux la perte de leur patrie.
Mais vous n'ignorez pas, vénérables Frères, que les principaux auteurs
de cette détestable entreprise ont pour but de pousser les peuples, agités
par tout vent de perverses doctrines, au bouleversement de tout ordre
dans les choses humaines, et de les livrer aux criminels systèmes du
nouveau Socialisme et du Communisme. Or ces hommes savent et voient,
par la longue expérience de beaucoup de siècles, qu'ils ne doivent espérer
aucune complicité de l'Eglise catholique ; car, dans la garde du dépôt
de la révélation divine, elle ne souffre jamais qu'il soit rien retranché
aux vérités présentées par la foi ni qu'il y soit rien ajouté. Aussi ont-ils
formé le dessein d'attirer les peuples italiens aux opinions et aux assem-
blées des protestants; là, répètent-ils sans cesse afin de les séduire, on
ne doit voir autre chose qu'une forme différente de la même véritable
religion chrétienne, et l'on y peut plaire à Dieu aussi bien que dans
l'Eglise catholique. En attendant, ils savent très bien que rien ne peut
152 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
summopere inipiœ su o causœ principium illud, quod in Prote-
stantiniii i^Iacilis prœcipuiim est, do sarris scilicet Scripturis pri-
vato uniusciijusi|ue judicio intolligondis. Exinde cnim facilius
sibi fore conlidunt, ut primo quidem sacris ipsis litteris perperam
interpretatis abutanlur ad errores suos, quasi Dei nomine,
difTundendos ; suhinde autem ut honiines superbissima ilia de
divinis rébus judifandi licenlia inflatos propellant ad communia
ipsa justi honestiqiie principia in dubium revocanda.
Absit tamen, venerabiles Fratres, ut Itaiia, ex qua, ob Sedem
Apostolici magisterii Jiomaî constitutam, nationes àlia.' incor-
ruptos sahitaris doctrine latices haurire soiitœ sunt, fiât illis in
posterum lapis oiïensionis et petra scandali ; absit, ut dilectae
hœc Dominica} vineœ pars in dirept.ionem cedat omnium bestia-
rum agri ; absit, ut Itali populi, venefico liabylonici calicis
haustu dementati, parricidaiia contra matrem Ecclesiam arma
suscipiant. Nobis quidem, uti et vobis, in hœc tanti periculi
tempora occulto Dei judicio reservatis, cavendum omnino est,
ne fraudes atque impetus hominum contra Italiœ fidem conspi-
rantium extimescamus, nostris quasi viribus superandos ; cum
nostrum consilium et fortitudo sit Christus, et sine quo nihil
possunius, per ipsum cuncta possimus (Ex S. Leone Magno,
Epist. ad llusticum Xarbonensem). Agite igitur, venerabiles
Fratres. advigilate impcnsius super creditum gregcm, eumque
a rapacium luporum iiisidiis et aggressionibus tueri contendite.
Communicate invicem consilia, pergite, ut jam instituistis, cœtus
habere inter vos ; ut malorum initiis et prœcipuis pro locorum
diversitate periculorum fontibus communi investigatione per-
spectis, sub auctoritate ac ductu Sanctœ hujus Sedispromptiora
mis remédia comparare valeatis, atque ita una nobiscum con-
cordissimis animis totoque pastoralis studii robore curas labo-
resque vestros, Deo adjuvante, in id conferatis. ut omneshostium
Ecclesiœ impetus, artos. insidiœ, molimina irrita fiant.
Ea vero ut in irritum cadant, satagendum omnino est. ne
populus de christiana doctrina acde loge Domini parum instru-
ctus, et diuturna in niultis grassantium virorum licentia hebeta-
tus, paratas sibi insidias et propositorum errorum gravitatem
agnoscore vix possit. A vestra igitur pastorali soilicitudine
vehementer exposcimus, venerabiles Fratres, ut nunquam intor-
mittatis omnem adhibere operam, quo crediti vobis fidèles,
sanctissima religionis nostrse dogmata ac preecepta pro cujusque
captu diligenter edoceantur, simulque moneantur, et excitenlur
omnimodis advitam moresque suos ad illorum normam compo-
nendds. Inflammate in eum finem ecclosiasticoruni hominum
zelum, illorum prsesertim, quibus animarum cura deraandata
« NOSTIS ET NOBISGUM », 8 DÉCEMBRE 1849 153
l'Ire plus utile à leur cause impie que le premier principe des opinions
prolestantes, le princi|)e de la libre interprétation des saintes Ecritures
par le jugement particulier de chacun. Ils ont la confiance qu'il leur
deviendra plus facile, après avoir abusé d'abord de l'interprétation en
mauvais sens des Lettres sacrées, pour répandre leurs erreurs comme au
nom de Dieu, de pousser ensuite les hommes, enllcs de l'orgueilleuse
licence de juger des choses divines, à révoquer en doute niC'me les prin-
cipes communs du juste et de l'honnête.
IVéanmoins, vénérables Frères, à Dieu ne plaise que l'Italie, où les
auties nations ont coutume de puiser les eau.x pures de la saine doctrine,
parce que le siège apostolique a été établi à Rome, devienne pour elles
désormais une pierre d'achoppement et de scandale ! A Dieu ne plaise
que cette portion chérie de la vigne du Seigneur soit livrée en proie aux
bêtes! A Dieu ne plaise que les peuples italiens, après avoir bu la démence
à la coupe empoisonnée de Babylone, prennent jamais des armes parricides
contre l'Eglise mère! Quant à nous et quant à vous, que Dieu, dans son
jugement secret, a réservés pour ces temps de si grand danger, gardons-
nous de craindre les ruses et les attaques de ces hommes qui conspirent
contre la foi de l'Italie, comme si nous avions à les vainci-e par nos
propres forces; car le Christ est notre conseil et notre force; sans lui
nous ne pouvons rien, mais par lui nous j)ouvons tout. Agissez donc,
vénérables Frères, veillez avec plus d'attention encore sur le troupeau
qui vous est confié, faites tous vos efforts pour le défendre contre les
embûches et les attaques des loups ravisseurs. Communiquez-vous
mutuellement vos desseins, continuez, comme vous avez déjà commencé,
d'avoir des réunions entre vous; après avoir ainsi découvert, dans une
commune investigation, l'origine de nos maux, et selon la diversité des
lieux, les sources principales des dangers, vous pourrez y trouver, sous
l'autorité et la conduite du Saint-Siège, les remèdes les plus prompts :
et pleinement d'accord avec nous, vous appliquerez, avec l'aide de Dieu
et avec toute la vigueur du zèle pastoral, vos soins et vos travaux à
rendre vains tous les efforts, tous les artifices, toutes les embiiches et
toutes les manoeuvres des ennemis de l'Eglise.
Pour y parvenir, il faut travailler de toutes ses forces à empêcher que
trop peu instruit de la doctrine chrétienne et de la loi du Seigneur,
hébété d'ailleurs par la longue licence des vices, le peuple n'ait peine à.
distinguer les embûches qu'on lui tend et la méchanceté des erreurs qu'on
lui propose. C'est pourquoi, nous le demandons instamment à votre
sollicitude pastorale, vénérables Frères, ne cessez jamais d'appliquer
tous vos soins à ce que les fidèles qui vous sont confiés soient instruits,
suivant l'intelligence de chacun, des saintes vérités et des préceptes de
notre religion: qu'ils soient en même temps avertis et excités par tous
les moyens à y conformer leur vie et leurs mœurs. Enflammez dans ce
bnt le zèle des ecclésiastiques, surtout de ceux qui ont charge d'âmes;
154 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
esf,,utserio méditantes ministeriuni, quod acceperimt in Domino,
et habentes ob oculos Tridentini Concilii piœscripta Ses. v, cap.
2; sess.xxiv. cap. 4 et 7 de llef.), niajori usque alacritate, prout
temporum ratio postulat, in ohii.stiaiiœ plebis instructionem
inrumbant, et sacra eloquia, a saliilis monita in omnium cor-
dibus inserere studeant, annuntiando ijisis cum brevitate et facili-
tate sermonis vitia qure eos dedinare, et virtutes quas sectari
oporteat, ut pœnam œternam evadere, et cœlestem gloriam
consequi valeant.
Speciatim vero procurandum est, ut fidèles ipsi impressum in
animis habeant, alteque defixum dogma illud sanctissima3 no-
strœ religionis, quod est denecessitatecatholicœfideiad obtinen-
dam salutem. (Hoc dogma a Cbristo acceptuni, et inculcatum a
Patribusatquea Conciiiis, habeturetiam in formulis Piofessionis
Fidei, tum in ea scilicet, quse apud Latinos, tum in ea, quae
apud Grœcos tum in alia, quae apud ceteros Orientales calholicos
in usu est.) Ilunc in finem summoperc conducet, ut in publicis
orationibus fidèles laici una cum clero agant identidem peculiares
Deo gratias pro inestimabili catholicœ religionis beneficio, quo
ipso omnes clemcntissime donavit, alque ab eodem misericor-
diarum Pâtre suppliciter pétant, utejusdem religionis professio-
nem in regionibus nostris lueri et inviolatam conservaredignetur.
Inlerea vobis ccrte peculiaris erit cura, ut fidèles omnes tem-
pestive a fraternitatibus vestris suscipiant sacramentum Gonfir-
mationis, per quod summo Dei beneficio specialis gratiae robur
confertur ad iidem catholicam in gravioribus etiam periculis
constanter profitendam. Nec porro ignoratis, eumdem in finem
prodessC: ut ipsi a peccatorum sordibus, per sinceram illorum
detestationem, et sacramentum Pœnitentiœ expiati sœpius dévote
percipiant sanctissimum Eucharistiœ sacramentum, in quo spi-
ritualem esse constat animorum cibum et antidotum, quo libe-
remura culpis quolidianis, et a peccatis mortalibus praeserve-
mur, atque adeo symbolum unius illius corporis, cujusChristus
caput existit, cuique nos, tanquam membra, arctissima fidei,
spei, et charitatis connexione adstrictos esse voluit, ut idipsum
omnes diceremus, nec essent iii nobis schismata. (Ex Trid.,
sess. XIII., Dec. de Euchar. Sacramento, cap. 2.)
Equidem non dubitamus, quin parochi, eorumque adjutores,
et sacerdotes alii, qui certis diebus, jcjuniorum prœsertim tem-
pore, ad prgedicationis ministerium deslinari consueverunt,
auxiliarem vobis operam sedulo in bis omnibus sint prœstituri.
Attamen illorum operœ adjungere interdum oportet extraordi-
naria subsidia spiritualium exercitiorum et sacrarum missio-
num, quas, ubi operariis idoneiscommissœ fuerint, valde utiles
i
« NOSTIS ET NOBISCUM », 8 DÉGEiMBRE 1849 155
et que. méditant profondément sur le ministère qu'ils ont reçu dans le
Seigneur, ayant devant eux les prescriptions du concile' de Trente, ils
se livrent avec la plus grande activité, selon que l'exige la nécessité
des temps, à l'instruction du peuple, s'appliquent à graver dans tous
les cœurs les paroles sacrées, les avis salutaires, leur faisant connaître,
dans des discours simples et courts, les vices qu'ils doivent fuir pour
éviter la peine éternelle, les vertus qu'ils doivent rechercher pour obtenir
la gloire céleste.
Il faut veiller spécialement à ce que les fidèles eux-mêmes aient pro-
fondément gravé dans l'esprit le dogme de notre sainte religion sur la
nécessité de la foi catholique pour obtenir le salut. C'est pourquoi il
sera souverainement utile que, dans les prières publiques, les fidèles
s'unissent au clergé afin de rendre de temps en temps de particulières
actions de grâces à Dieu pour l'inestimable bienfait de la religion catho-
lique qu'ils tiennent tous de sa bonté infinie, et de demander humble-
ment au Père des miséricordes de daigner protéger et conserver intacte
dans nos contrées la profession de cette même religion.
Cependant vous aurez spécialement soin d'administrer à tous les
fidèles, dans le temps convenable, le sacrement de Confirmation; par un
souverain bienfait de Dieu il donne la force et une grâce particulière
pour confesser avec constance la foi catholique, même dans les plus
graves périls. Vous n'ignorez pas non plus qu'il produit un autre effet,
c'est d'amener les fidèles à se purifier plus souvent des souillures de
leurs péchés par une sincère contrition et par le sacrement de Pénitence,
et à recevoir fréquemment avec dévotion la très sainte Eucharistie,
nourriture spirituelle des âmes, antidote qui nous délivre des fautes
quotidiennes et nous préserve des péchés mortels, symbole de ce seul
corps dont le Christ est la tète et auquel il a voulu que nous fussions
attachés comme ses membres par le lien si fort de la foi, de l'espérance
et de la charité, afin que nous ayons tous le même langage, et qu'il n'y
ait pas de divisions parmi nous.
Assurément nous ne doutons pas que les curés, leurs vicaires et les
autres prêtres qui dans certains jours, surtout au temps du jeûne, se
livrent au ministère de la prédication, ne s'empressent de vous prêter
leur concours en toutes ces choses. Cependant il faut de temps en temps
employer encore les secours extraordinaires des exercices spirituels et
des saintes missions ; confiées à des hommes capables, elles sont, avec
150 LETTRE ENCYCLIQUE DE PII:; IX
benediceiite Domino osse constat tum fovon(la3 liunuiiiiu jtidati,
tum ppcc.itoribus, et longo eliam vitionini haljitti dopravatis
hominibus ad saliilaiem pœnitentiani oxritandis. at(ii.ie adeo ut
fidelis popuhis cr.îscat in scientia Dei et in omni opère bonc
fruclilicel, et ubeiioribus cœlestis gratiœ auxiliis nmnitus a per-
versis inimicurum Ecclesiœ doctrinis constantiiis abliori-rat.
Cseterum in bis omnibus voslrae acsaccrdotum vobis auxilian-
titim curoc eo inler aMa spectabunt, ut(ideles majoreni boirorem
concipiant illorum scelerum, qiitc cumaMoiiim scandalo |)atran-
tur. Nostis enim, quantum diversis in locis excreverit eorum
numerus, qui sanctos cœiites vel ipsum quoque sacrosanctum
Uei nomen palam blâspbemare audent, aut in concubinatu vivere
dignoscuntur cum incestu interdum conjimcto, aut festis diebus
servilia opéra apertis etiam oflicinis exercent, aut Ecciesiœ
prœcepta de jejuniis ciboramque delectu pluribus quoque
adstantibus contemnunt, aut alia diversa crimina simili modo
committere non erubescunt. Meminerit igitur. vobis inslantibus,
fidelis popuUis, et serio consideret magnam in peccatorum
bujusmodi gravitatem, et severissimas pœnas, quibus illorum
auctores plectendi erunt tum pro reatu cujusque criminis pro-
prio, tum pro spiritual i periculo, in quod Fratres suos pravi sui
exempli contagione induxerunt. Scriplum est enim : Vœ mnndo
a scandalis... Vœ homini illi per quem scandalum venit (Matlh.,
xviii).
Inter diversa insidiarum gênera, quibus vaferrimi Ixclesiœ
humanaeque societatis inimici populos seducere annituntur,
ilkid cerle in prœcipuis est, quod nefariis consiliis suis jamdiu
paratum in novee arlis librarice pravo usu invenerunt. Itaque in
eo loti snnt, ut impios libeilos, et epbemeridesacpageLas men-
dacii, calumniarum. et seductionis plenas edere in vulgus ac
multiplieare qjiotidie non intermittant. Imo et prcesidio usi
Societatum Biblicarum, quœ a Sancta bac Sedejamdudum dam-
natae sunt. (Extant ea super re, prœter alia prœcedenlia décréta,
Enc3'clicee litterce Gregorii XVI, datœ postridie nonas maii
MDCCCXLiv, quœ incipiiint : fnter prœcipuas 7nachinationes, — cujus
sanctiones Nos quoque inculcavimus in Encycliq. Ep. data
9 novemb. 1846), sacra etiam Bibba prœter Ècclesiœ régulas
(Vid. lleg. 4 ex lis quœ a Patribus in Conc. Trid. delectis con-
scriptœ et a Pio IV a|)probatœ fuerunt in Const. Domini fjrefjis
24 mart. 1564 et auditionem eidem factam a Congr. Indicis,
auctoritate Ben. XIV 17 jun. 1737, quœ omnia prœmitti soient
Indici libr. probib.) in vulgareni lingiiam translata, alque adeo
comipta et in pravum sensum infando ausu delorla dilîundere,
illorumque lectionem sub Religionis obtentu fideli plebi com-
i
a NOSTIS ET NOBISCUM », 8 DÉCEMBRE 1849 157
!a bénédiction de Dieu, très utiles pour récliaulTer la piété des bons,
excitci- à une salutaire pénitence les pécheurs et les honunes dépravés
par une longue habitude des vices, faire croître le peuple fidèle dans la
science de Dieu, lui faire produire toutes sortes de biens, le munir des
secours ahomlants de la gnîce céleste et lui inspirer une invincible hor-
reur pour les doctrines perverses des ennemis de l'Eglise.
Du reste, en toutes ces choses, vos soins et ceux des prêtres, vos
coopérateurs, tendront particulièrement à faire concevoir aux fidèles la
plus grande horreur pour les crimes qui se commettent au grand scandale
du prochain. Car vous savez combien, en divers lieux, a grandi le nombre
de ceux qui osent publiquement blasphémer les saints du ciel et même
le très saint nom de Dieu ; qui sont connus comme vivant dans le concu-
binage et y joignent ])arfois l'inceste; qui, les jours fériés, se livrent à
des œuvres serviles, leurs boutiques même ouvertes; qui, en présence
de plusieurs, méprisent les préceptes du jeûne et de l'abstinence, ou qui
ne rougissent pas de commettre de la même manière d'autres crimes
divers. Qu'<à la voix de votre zèle le peuple fidèle se représente et consi-
dère sérieusement l'énorme gravité des péchés de cette espèce, et les
peines très sévères dont seront punis leurs auteurs, tant pour la culpabi-
lité propre de chaque faute que pour le danger spirituel que la conta-
gion de leur mauvais exemple a fait courir à leurs frères. Car il est écrit :
« .Malheur au monde à cause des scandales... Malheur à l'honimc par qui
vient le scandale. »
Parmi les divers genres de pièges où les plus subtils ennemis de
l'Eglise et de la société humaine s'elforcent de prendre les peuples, un
des principaux est assurément celui qu'ils avaient préparé déjà depuis
longtemps dans leurs criminels desseins, et qu'ils ont trouvé dans l'usage
dépravé du nouvel art de la librairie. Ils s"a|)|)liquent tout entiers à ne
passer pas un jour sans multiplier, sans jeter dans les populations des
libelles impies, des journaux, des feuilles détachées, pleins de men-
songes, de calomnies, de séductions. Bien plus, usant du secours des
sociétés bibliques, qui, depuis longtemps déjà, ont été condamnées par
le .Saint-Siège, ils ne rougissent pas de répandre de saintes Bibles, tra-
duites en langage vulgaire, sans qu'on ait pris soin de se conformer aux
règles de l'Eglise, profondément altérées et rendues en un mauvais sens
avec une audace inouïe, et, sous un faux prétexte de religion, d'en
recommander la lecture au peuple fidèle. Vous comprenez parfaitement,
158 LETTRE EXCYCLIQUE DE PIE IX
mentlare non verentur. Ilinc pro sapienlia vostra oplime intelli-
gitis, venerabiles Fratres, quanta vobis vi.silantia et sollicitiuJine
adlaborandiim sit, ut lideles oves a postifora illorum lectione
prorsus adhorreant ; atque ut de divinis noniinatim Litleris
nieminerint, neminem hominum id sihi arrogare posse, ut suœ
pnidentise innixus illas ad suos sensus contorquere prœsumat
contra eum sensum, quem tenuit et tenet sancta Mater Ecclesia ;
cui quidem soli a Christo Domino niandatum est, ut fidei depo-
situm custodiat, ac de vero divinorum Eloquiorum sensu et in-
terprotatione judicet (Vid. Trid.,sess. iv in Décret, de Editione et
usu sacrorum Librorum.)
Ad ipsam vero pravorum librorum contagionem comprimen-
dam porutile erit, venerabiles Fratres, ut quicumque pênes vos
sint insignis sanœquedoctrinœvirialiaparva item molisscripta,
a vobis scilicet antea probata, edant in œdificationem fidei, ac
salutarem popuii instructionem. Ac vestrœ hinc curœ erit, ut
eadem scripta, uti et alii incorruptœ pariter doctrinse, probatae-
que utilitatis libri ab aliis conscripti, prout locorum ac perso-
narum ratio suggesserit, inter fidèles din"undantur.
Omnes autem, qui unavobiscum in defensionem fidei adlabo-
rant, eo speciatim spectabunt, utpietatem, venerationem, atque
observantiam erga snpremam hanc Pétri Sedem, qua vos, vene-
rabiles Fratres, tantopere excellitis, in vestrorum fidelium ani-
mis infirment, tueantur, alteque defigant. Meminerint scilicet
fidèles popuii, vivere hic et praesidere in successoribus suis
Petrum, Apostolorum Principem (Ex actis Ephesini Goncilii,
Act. III, et S. Pétri Chrysologi, Epist. ad Eutychen), cujus
dignitas in indigno etiam ejus herede non déficit (Léo M., Serm.
in anniv. Assumpt. suœ). Meminerint, Ghristum Dominum
posuisse in hac Pétri cathedra inexpugnabile Ecclesiae suae fun-
damentum (Math., xvi, 18) et Petro ipsi claves dédisse regni
cœlorum (Ibid., v.l9) ac propterea orasse, ut non deficeret fides
ejus, eidemque mandasse ut confirmaret in illa fratres (Lucts
xxvii, 31, 32) ; ut proinde Pétri successor Romanus Pontifex in
universum orbem teneat primatum, et verus Christi vicarius,
totiusque Ecclesiœ caput, et omnium christianorum Pater et
doctor existât. (Ex concilie œcumenico Florentino, in Def. seu
Decr. Unionis.)
In qua sane erga Ilomanum Pontificem populorum commu-
nione et obedientia tuenda, brevis et compendiosa via est ad
illos in catholicse veritatis professione conservandos. Neque enim
fieri potest, ut quis a catholica fide ulla unquani ex parte rebellet,
nisi et auctoritatem abjiciat Romanœ Ecclesiœ, in qua extat ejus-
dem lidei irreformabile magisterium a divino Redemptore l'un-
« NOSTIS ET NOBISCUM », 8 DÉCEMBRE 1849 159
dans votre sagesse, vénérables Frères, avec quelle vigilance et quelle
sollicitude vous devez travailler à amener les chrétiens à fuir avec
horreur ces lectures empoisonnées, à se souvenir, pour ce qui est nom-
mément des divines Ecritures, qu'aucun homme, appuyé sur sa propre
prudence, ne peut s'arroger le droit ni avoir la présomption de les
interpréter autrement que ne les a interprétées et que ne les interprète
la sainte Ei^lise, notre mère, à qui seule iNotre-Seigneur Jésus-Christ a
confié le dépôt de la foi, le jugement sur le vrai sens et l'interprétation
des Livres divins.
Or, pour arrêter la contagion des mauvais livres, il sera très utile,
vénérables Frères, que des livres de même volume, écrits par des
honunes de science distinguée et saine, et préalablement approuvés par
vous, soient publiés pour l'édification de la foi et la salutaire éducation
du peuple. Vous aurez soin de faire répandre parmi les fidèles ces
mêmes livres, et d'autres livres de doctrine également pure, composés
par d'autres auteurs selon que le demanderont les lieux et les personnes.
Tous ceux qui coopèrent avec vous à la défense de la foi auront spé-
cialement en vue de faire pénétrer, d'aflermir, de graver profondément
dans l'esprit de vos fidèles la piété, la vénération et le respect envers ce
Siège suprême de Pierre, sentiments par lesquels vous vous distinguez
éminemment, vénérables Frères. Que les peuples fidèles se souviennent
qu'ici vit et préside, en la personne de ses successeurs, Pierre, le prince
des apôtres, dont la dignité ne s'éteint pas dans un indigne héritier.
Qu'ils se souviennent que Jésus-Christ iNotre-Seigneur a placé sur cette
chaire de Pierre l'inexpugnable fondement de son Eglise, qu'à Pierre il
a donné les clefs du royaume des cieux, qu'il a prié afin dobtenir que
la foi de Pierre ne faillît jamais, et ordonné à Pierre de confirmer ses
frères dans cette foi. Ainsi le successeur de Pierre, le Pontife Romain
possède l'autorité suprême de tout l'univeis ; il est le vrai Vicaire de
Jésus-Christ, le Chef de toute FEglise, le Père et le Docteur de tous les
Chrétiens.
Le maintien de cette union commune des peuples dans robcissance
au Pontife Romain est le moyen le plus court et le plus direct de les
conserver dans la profession de la vérité catholique. En cll'et, on ne peu,
se révolter contre la foi catholique sans rejeter en même temps l'auto-
rité de l'Eglise Romaine, en qui réside l'autorité irréformable de la foit
fondée par le divin Rédempteur, et en qui conséquemment a toujours
\G0 LETTRE ENCYCLIQUE DE IME IX
flatiim, et in qna propterea semper consorvala fuit ea'quœ est
al) Apostdlis Iraditio. Ilinc non nio^jo antiquis hfcreticis, sed
etiam recentioril)ns Protestantibus, quorum cœteroquin tanla in
reliquis suis placitis discordia est, illud commune semper fuit,
ut auctoritatem impugnarent Apostolicas Sedis, quam nulle
prorsus tempore, nullaque arte, aut molimine, ne ad unum qui-
dem ex suis erruribus tolerandum inducere potuerunt. Idcirco
hodierni etiam Dei et humanœ societatis hostes nihil inausum
relinquunt, ut Halos populos a nostro Sanctœque ejusdem Sedis
obsequio divellant; rati nimirum,tum demum possesibi contin-
gere, ut Italiam ipsam impietate doctrinae suse novorumque
systematum peste contaminent.
Atque ad pravam hanc doctrinam et systemata quod attinet,
notum jam omnibus est, illos eo potissimum spe.ctare, ut liber-
tatis et œqualitatis nominibus abutentes, exitiosa Communismi
et Socialismi commenta in vulgus insinuent. Constat autem, ipsis
seu Communismi seu Socialismi magistris, diversa licet via, me-
thodo agentibus, illud demum commune esse propositum, ut
operarios atque alios inferioris prsesertim status homines suis
deceptos fallaciis, et faustioris conditionis promissione illusos,
continuis commotionibus exagitent. atque ad graviora paulatim
facinora exerccant; ut postmodum illorum opéra uti possint ad
superioris cujusque auctoritatis régi mon oppugnandum, ad expi-
landas, diripiendas, vel invadendas Ecclesiœ primum, ac deinde
aliorum quorumcumqueproprietales, ad omnia tandem violanda
divina humanaque jura, in divini cultus destructionem,. atque in
subversionem totius ordiniscivilium societatum. In tanto autem
Italiœ discrimine vestrum munusest, venerabiles Fratres, omnes
pastoralis studii nervos inténdere, ut lidelis populus agnoscat
perversa hujusmodi placita et systemata, si ab aliis decipi se
patiatur, in œternam pariter ac temporalem ejus perniciem fore
cessura.
Moneantur itaque fidèles curœ vestrœ concrediti, pertinere
omnino ad naturam ipsam humanœ societatis, ut omnes aucto-
ritati obtemperare debeant légitime in illa constitutœ; necquid-
quam commutari posse in prœceptis Domini, quœ in sacris Lit-
teris ea super rem annuntiata sunt ; scriptum est enim : « Sub-
« jecti estote omni humange creaturœ propter Deum sive régi,
« quasi prœcellenti ; sive ducibus, tanquam ab eo missis ad vin-
ce dictam malefactorum, laudem vero bonorum : quia sic est
« voluntas Dei ut benefacientes obniutescere faciatis impruden-
« tium hominum ignorantiam : quasi libcri, et non quasi velamen
« habentes malitiic libertatcm, sed sicut servi Dei » (I Pétri, ir,
13, seq). Et rursus : « Omnis anima potestatibus sublimio-
« NOSTIS ET NOBISCUM », 8 DÉCEMBRE 1849 IGl
été conservée la tradition qui vient des apôtres. C'est pourquoi les héré-
tiques anciens et les protestants modernes, si divisés dans le reste de
leurs opinions, se sont toujours entendus afin d'attaquer l'autorité du
Siège Apostolique ; et ils n'ont pu, en aucun temps, par aucun artilice,
par aucune manœuvre, l'amener à tolérer même une seule de leurs
erreurs. Aussi les ennemis actuels de Dieu et de la société humaine
n'omettent rien pour arracher les peuples italiens à notre obéissance et à
l'obéissance du Saint-Siège, persuadés qu'alors il leur sera possible de
parvenir à souiller rilalie de Timpiété de leur doctrine et à y répandre
la contagion mortelle de leurs nouveaux systèmes.
Quant à cette doctrine de dépravation et h ces systèmes, tout le monde
sait déjà qu'ils ont pour but principal de répandre dans le peuple, en
abusant des mots de liberté et d'égalité, les peinicieuscs inventions du
Communisme et du Socialisme. 11 est constant que les chefs soit du
Communisme, soit du Socialisme, tout en agissant par des méthodes et
des moyens différents, ont le dessein commun de tenir en agitation
continuelle et d'habituer peu à peu à des actes plus criminels les ouvriers
et les hommes de condition inférieure, trompés par leur langage artifi-
cieux et séduits par la promesse d'un état de vie plus heureux. Ils comp-
tent se servir ensuite de leur secours pour attaquer le pouvoir de toute
autorité supérieure, pour piller, dilapider, envahir les propriétés de
l'Eglise d'abord, et ensuite celles de tous les autres particuliers, pour
violer enfin tous les droits divins et humains, amener la destruction du
culte de Dieu et le bouleversement de tout ordre dans les sociétés civiles.
Dans un si grand danger pour l'Italie, il est de votre devoir, vénérables
Frères, de déployer toutes les forces du zèle pastoral pour faire com-
prendre, au peuple fidèle que, s'il se laisse entraîner à ces opinions et à
ces enseignements pervers, il sera conduit à son malheur temporel et à
sa perte éternelle.
Avertissez donc les fidèles confiés à vos soins qu'il est essentiel à la
nature même de la société humaine que tous obéissent à l'autorité légi-
timement constituée dans cette société; et que rien ne peut être changé
dans les préceptes du Seigneur, qui sont énoncés dans les Lettres sacrées
sur ce sujet. Car il est écrit: « Soyez donc soumis pour l'amour de
Dieu à toutes sortes de personnes, soit au roi comme au souverain; soit
aux gouverneurs, comme à des hommes envoyés par lui pour punir les
méchants et récompenser les bons. Car la volonté de Dieu est que par
votre bonne volonté vous fermiez la bouche aux lioaimes ignorants et
insensés; libres, non pour vous servir de votre liberté comme d'un voile
de malice, mais pour agir en serviteurs de Dieu. » Et encore: « Que
1C"2 LETTRE ENCYCLIQUE DE l'IE IX
« ribus snbdila sit; non est enini potestas nisi a Deo ; qiiœ autem
« sunt. a Deo ordinatœ sunt ; itaque (jiii resistit potestati, Dei
« ordinationiresistit: qui autem resistmil. ip>i sibi damnationem
« acqnivurit » (Rom., xiii, i, seq.».
Sciant priioterea, esse pariter naturali^, atque adeo incommii-
labilis conditionis humanarum renini, ut intcr eos etiam, qui
in sublimiori auctoritate non snnt, alii tamen aliis^ sive ob
(liversas animi aut corporis dotes, sive ob divitias et externa
bujusmodi bona prœvaleant : nec ullo libertatis et aeqnalitatis
obtentu fieri unquam posse, ut aliéna bona vel jura invadere
aut quomodo libet violare licitum sit. Perspicwa boc quoque in
génère et passiin incHilcata extant in sacris Litteris divina prœ-
cepta, quibus nedum ab occupatione alienarum rerum, sed ab
ipso etiam ejus desiderio districteprobibemur (Exodi, xx, 15, 17.
— Ucuteronomii, v, 19, 21).
Sed meminerint insuper pauperes et miseri qnicumquc homi-
nes quantum ipsi debeant catholicce religioni, in qua intemerata
viget et palam prcedicatur Christi doctrina; qui bénéficia in pau-
peres vel miseros collata perinde baberi a se declaravit, ac si
facta sibi ipsi fuissent (Matthœi, xviii, 15; xxv, 40, 45): atque
omnibus prœnuntiatam voluit peculiarem rationem, quam in die
Judicii habiturus est de iisdem misericordiee operibus, sive sci-
licet ad pra3mia seternae vitœ fidelibus tribuenda, qui illis vaca-
verint: sive ad illos, qui ea neglexerint, seterniignis pœna mul-
ctandos (Matthaei, xxv, 34, seq.).
Ex qua Gbristi Domini prœnuntiatione, aliisque illius circa
divitiarum usum earumque pericula severissimis monitis
(Matthaei, xix, 23, seq. — Lucœ, vi, 4; xvii. 22; seq. — Epist.
Jacobi, v, 1, seq.), in Ëcclesia catholica inviolate custoditis, fa-
ctum porro est, ut pauperes et miseri apud catbolicas genteç in
longe mitiore, quam apud alias quaslibet, conditione versentur.
Atque hi quidem in regionibus nostris uberiora adhuc subsidia
obtinerent nisi plura instituta, quœ majorum pietate comparata
fuerant ad ipsorum levamen, extincta nuper repetitis publica-
rum rerum commotionibus aut direpta fuissent. l)e relique pau-
peres nostri, Christo ipso docente meminerint, non esse cur
tristes sint de conditione sua: quandoquidem in paupertate ipsa
facilior eis parata via est ad obtinendam salutem, dummodo
scilicetsuam indigentiam patienter sustineant, et non re tantum,
sed spiritu pauperes sint. Ait enim : « Beati pauperes spiritu,
quoniam ipsorum est regnum cœiorum ». (Mattliaei, v, 3.)
Sciât etiam fidelis populus universus, veteres reges ethnica-
rum rerum prœsides multo graviusfrequentiusque abusos fuisse
potestatesua; atque bine religioni nostrœ sanctissimcein acceptis
« XOSTIS ET NOBISCUM », 8 DÉCEMBRE 1849 16-^
toute âme soit soumise aux puissances supérieures; car il n'y a point de
puissance qui ne soit de Dieu, et toutes les puissances existantes sont
ordonnées de Dieu. Celui donc qui résiste aux puissances résiste à l'ordre
de Dieu et ceux qui y résistent attirent sur eux la condamnation. »
Qu'ils sachent encore que, dans la condition des choses humaines,
il est naturel et invaiiahle que même entre ceux qui n'ont point une
autorité plus élevée, les uns l'emportent sur les autres, soit pai- diverses
qualités de l'csprii ou du corps, soit par des richesses ou d'autres biens
extérieurs de celte sorte; et que jamais, sous aucun prétexte de liberté
et d'égalité, il ne peut être licite d'envahir les biens ou les droits d'au-
trui, ni de les violer d'une façon quelconque. Les commandements
divins sur ce sujet, qui sont gravés çà et là dans les Livres saints, sont
fort clairs, et nous défendent formellement de nous emparer du bien
d'autrui, de le désirer même.
Que les pauvres surtout et les malheureux se rappellent combien ils
doivent à la religion catholique, Elle garde vivante et intacte, elle
prêche hautement la doctrine du Christ, et le Christ a déclaré qu'il
regarderait comme fait à sa personne le bien fait aux pauvres et aux
malheureux; il a de plus annoncé d'avance et à tous le compte particu-
lier qu'il demandera, au jour du jugement, sur les œuvres de miséri-
corde, soit pour récompenser de l'éternelle vie les fidèles qui auront
accompli ces œuvres, soit pour punir de la peine du feu éternel ceux qui
les auront négligées.
De cet avertissement du Christ Notre-Seigneur et des avis très sév^ères
qu'il a donnés touchant l'usage des richesses et leurs dangers, avis con-
servés inviolablement dans l'Eglise catholique, il est résulté que la con-
dition des pauvres et des malheureux est de beaucoup plus douce chez
les nations catholiques que chez toutes les autres. Les indigents obtien-
draient dans nos contrées des secours encore plus abondants si, au
milieu des récentes commotions des affaires publiques, de nonibreu.x
établissements fondés par la piété de nos ancêtres pour les soulager
n'avaient été détruits ou pillés. Au reste que nos pauvres se souvien-
nent, d'après l'enseignement de Jésus-Christ lui-même, qu'ils ne doivent
point s'attrister de leur condition: car la pauvreté même leur a préparé
pour le salut un chemin plus facile, pourvu toutefois qu'ils supportent
patiemment leur indigence, et qu'ils soient pauvres non seulement en
réalité, mais encore en esprit. Car il est dit : « Heureux les pauvres en
esprit; le royaume des cieux est à eux. y>
Le peuple fidèle tout entier doit savoir aussi que les anciens rois des
nations païennes et les chefs de leurs républiques ont abusé de leur
lui LETTUt: ENCYCLIQUE DE PIE I\
referenfJiini esse co.qnoscal, si prinripes rliristianoriim tempo-
rum irenliiim, aliosqiie in illis piiblicaruni formidantes, reli-
gione adnioncnle, jndiciiim dtirissiuiujn, quocl his. qui prœsunt,
ftel ; et de.slinatiim peccantibus suppliciiini sempiternuni, in quod
potcnles potenler tormenta ■palienlur (Sapientiœ, vi, 6, 7), justiori
erga subjectos populos et clementiori regimine utuntur.
Agnoscant denique crediti vestris nostrisque curis fidèles,
veram perfectamque hominum lil)ertatem et rcqualitaleni in
christianœ legis custodia positam esse ; quandoquidem Deus
omnipotens, qui fecit piisillum et mafjnum, et cui luqualiter
cura est de omnibus (Sapientiœ, vi,8), non suhtrahet personam cujus-
quam (Actorum, xvii, 31). ac diem statuit in quo judicalurus est
orbem in œquitate (Matthœi, xvi, 27), in suc Unigenito Christo
Jesu, qui venturxis est in gloria Patris sui cum amjelis suis, et tune
reddet tinicuique secundum opéra ejus.
Quod si fidèles iidem paterna suorum pastorum monita et
commemorata superius christianœ legis mandata despicientes, a
supradictis hodiernarum machinationum promotoribusdecipi se
patiantur, et in perversa Socialismi et Lommunismi systeinata
conspirare cum illis voluerint, sciant, serioque considèrent, the-
saurizare se sibimetipsis apud divinum Judicem thesauros vin-
dictœ in die irœ, nec quidquam intereaexconspiratione illatem-
poralis in populum utilitutis, sed nova potius miseriarum et
calamitatum incrementa obventura. Non enim datum hominibus
est, novas stabilire societates et communiones naturali huma-
narum rorum conditioni adversantes atque idcirco conspiratio-
num hujusmodi, si per Italiam dilatarentur, non alius esse
exitus posset, nisi ut hodierno publicarum rerum statu per
mutuas civium contra cives aggressiones, usurpationes, caedes
labefactato funditusque convulso, pauci tandem aliqui, multo-
rum spoliis locupletati, summum in communi ruina dominatum
arriperent.
Jam vero ad fidelem avertendum ab impiorum insidiis, et in
professione custodiendum catholicae religionis, atque ad verœ
virtutis opéra excitandum, magna, ut probe scitis, vis est in
illorum vita et exemple, qui divinis se ministeriis mancipanint.
Verum, proh dolor! non defuere per Italiam aliqui, pauci illi
quidem, viri ecclesiastici, qui ad Kcclesiae hostes transfugœ non
minimo illis ad fidèles decipiendos adjumento fuerunt. Sed vobis
certe, venerabiles Fratres, novo illorum lapsus stimulo fuit, ut
acriori in dies studio in cleri disciplinam advigiletis. Atque hic
in futurum quoque tempus, pro eo ac debemus prospicere cu-
pientes, tempcrare nobis non possumus, quin commendemus
denuo, quod in prima nostraad totius orbis episcopos Encyclica
Œ NOSTIS ET NOBISCUM », 8 DÉCEMBRE 1819 165
pouvoir beaucoup plus gravement et beaucoup plus souvent : par là il
reconnaîtra que si les princes des temps chrélicns redoutent, à la voix
de la religion, \o jugement trè.< sévère qui sera rendu sur ceux qui com-
mande n t. cl Vclerucl supplice destiné aux pécheurs, supplice dans lequel
les puissants seront puissamment lorturrs, il en est redevable i cette
sainte religion, et que ces princes conduisent les peuples qui leur >ont
soumis avec plus de justice et de douceur.
Les fidèles confiés à vos soins et aux nôtres doivent reconnaître enfin
que la vraie et parfaite liberté, que l'égalité des hommes, ont été mises
sous la garde de la loi chrétienne, puisque le Dieu tout-puissant, qui a
fait le petit et le grand, et qui a un soin égal de tous, ne soustraira au
jugement la personne de qui que ce soit, et n'aura égard à aucune
grandeur : il a fixé le jour où il jugera l'univers dans sa justiceen Jésus-
Christ, son Fils unique, qui doit venir dans la gloire de son Père avec
ses anges, et qui rendra alors à chacun selon ses œuvres.
Si les fidèles, méprisant les avis paternels de leurs pasteurs et les
préceptes de la loi chrétienne que nous venons de rappeler, se laissent
troni|)er par les promoteurs des manœuvres actuelles, s'ils consentent à
conspirer avec eux pour les systèmes pervers du Socialisme et du Com-
munisme, qu'ils le sachent et le considèrent sérieusement : ils amasse-
ront pour eux-mêmes auprès du divin Juge des trésors de vengeance au
jour de la colère; et en attendant il ne sortira de cette conspiration
aucun avantage temporel pour le peuple, mais bien plutôt un accroisse-
ment de misères et de calamités. Car il n'est pas donné aux hommes
d'établir de nouvelles sociétés et des communautés opposées à la con-
dition naturelle des choses humaines; et c'est pourquoi le résultat dé
pareilles conspirations, si elles s'étendaient en Italie, serait celui-ci :
l'état actuel des choses publiques serait ébranlé et renversé de fond en
comble par des luttes de citoyens contre citoyens, par des usurpations,
par des meurtres, puis au milieu de la ruine commune quelques
hommes enrichis des dépouilles du grand nombre saisiraient le pouvoir
suprême.
Pour détourner le peuple fidèle des embûches des impies, pour le
maintenir dans la profession de la religion catholique et l'exciter aux
œuvres de la vraie vertu, l'exemple et la vie de ceux qui se sont voués au
sacré ministère a, vous le savez, une grande puissance. Mais, ô douleur!
il s'est trouvé en Italie des ecclésiastiques, en petit nombre, il est vrai,
qui ont passé dans les rangs des ennemis de l'Eglise, et ne les ont pas
peu aidés à tromper les fidèles. Pour vous, vénérables Frères, la chute
de CCS hommes a été un nouvel aiguillon ; il vous excite à veiller avec un
zèle de plus en plus actif à maintenir la discipline du clergé. Et ici, vou-
lant, suivant notre devoir, prendre des mesures préservatrices pour l'ave-
nir, nous ne pouvons nous empêcher de vous recommander de nouveau
un point sur lequel nous avons déjà insisté dans notre première Letti e
1(iC> LETTRE ENCYCLIOUE DE PIE IX
Epistola inculcavimus (novembris 1840.), nempe ut nemini cito
mamis imp(jiiatis (I Timoth., v, 22), sed in ecclesinsticfe niilitiaï
delofiii majorem usquedili^cntiam adhibeatis. Ue iis praeseilim,
qui saci'is ordinibus initiari desiderent. inijuirere et diu multum-
qiie invesligare opus est, mim ea doctiina gravilate morum et
divini cultus studio commcndentur, ut certa spes alTulgeat fore,
ut tanquam lucernœ ardentes in domo Duniini eoruni vivendi
l'alione atque opéra œdificationem et spiritualem vestro gregi
ulilitalem aiïere queant.
Oiioniam vero ex monasteiiis reclc administratis ingens in
Ecclesia Dci splendor atque utilitas dimanat, et regularis etiam
clerus adjutricem vobis in procuranda aniinarum salute operam
navat, vobis ipsis, veneiabiles Fratres, in mandatis damus,
primum quidem ut religiosas familias cujusque diœcesis nostro
Domine certiores faciatis, nobis peculiaresœrumnasingemiscen-
tibus, quas multas illarum in recenti calamitoso tempore per-
pessse sunt, non levi interea consobitioni fuisse animorum pa-
tientiam, atque in virtutis et rcligionis studio constantiam, quibus
plurimi ex religiosishominibusadexemplum secommendarunt;
et si aliqui non defuerint, quisuœprofessionis obliti cum magno
bonoruni scandalo, et nostro fratrumque suorum dolore tur-
pissime prsevaricati sunt : deinde vero, ut prœsides earumdeni
familiaruni, et superiores, ubi opus fuerit, illarum moderatores
nostris verbis adhortemini, ut pro sui officii debito, nulli par-
cant curœ atque industriœ, quo regularis disciplina, ubi servatur,
magis in dies vigeat et floreat, ubi vero detrimentum aliquod
passa fuerit, omnino reviviscat et redintogretur. .Moneant in-
stanter iidem prœsides, arguant, increpent religiosos illarum»
alumnos, ut serio considérantes quibus se votis Deo obtrinxe-
runt, illa diligenter reddere studeant, suique instituti régulas
inviolate custodiant, et mortificationem Jesu in suo corpore cir-
cumferentes ab iis omnibus abslineant, quaî proprice vocationi
adversantur, et operibus instent, quœ caritatem Dei ac proximi,
perfectteque virtutis studium prœ se ferant. Gaveant praesertim
supradicti ordinum moderatores, ne ulli ad religiosa institula
aditum faciant, nisi cujus antea vitam, mores atque indolem ac-
curatissime expenderint; ac deinde illos tantum ad religiosam
professionem admittant, qui tyrocinio rite posito ea dederint
verœ vocationis signa, ut judicari merito possit, ipsos non alia
de causa religiosam vitam amplecli, nisi ut Deo unice vivant, et
suam atque aliorum salutem pro cujusijue instituti ratione pro-
curare possint. Super bis autem deliberatum fixumque nobis est,
utea omnino serventur, quœ ad rcligiosarum familiaruni bonum
statuta prœscripta(]ue sunt in decrelis a noslra Congregatione
« NOSTIS ET NOBISCUM », 8 DÉCEMBRE 1849 167
Encyclique aux évêqucs de tout Tunivcrs : nous vous rappelons de n'im-
poser jamais légèrement les mains à personne et d'apporter le soin le plus
attentif au clioix de la milice ecclésiastique. Il faut une longue recherche,
une minutieuse investigation au sujet surtout de ceux qui désirent en-
trer dans les ordres sacrés ; il faut vous assurer qu'ils se recommandent
par la science, par la gravité des mœurs et par le zèle du culte divin,
de façon à donner l'espoir certain que, semblables à des lampes ardentes
dans la maison du Seigneur, ils pourront par leur conduite et par leurs
œuvres procurer à votre troupeau l'édification et Tulilité spirituelles.
L'Eglise de Dieu retire des monastères, lorsqu'ils sont bien conduits,
une immense utilité et une grande gloire, et le clergé régulier vous
porte à vous-mêmes, dans votre travail pour le salut des ;\mes, un
secours précieux. C'est pourquoi nous vous demandons, vénérables
Frères, d'abord d'assurer de notre part aux familles religieuses de cha-
cun de vos diocèses, qu'au milieu de tant de douleurs nous avons par-
ticulièrement ressenti les maux que plusieurs d'entre elles ont eu à souf-
frir dans ces derniers temps, et que la courageuse patience, la constance
dans l'amour de la vertu et de la religion, dont un grand nombre de
religieux ont donné l'exemple, a été pour nous une source de consola-
tions d'autant plus vives qu'on en a vu d'autres, oubliant la sainteté de
leur profession, au grand scandale des gens de bien, et remplissant
d'amertume notre cœur et le cœur de leurs frères, prévariquer honteu-
sement. En second lieu, vous aurez soin d'exhorter en notre nom
les chefs de ces familles religieuses, et, quand cela sera nécessaire, les
premiers supérieurs, à ne rien négliger des devoirs de leur charge pour
rendre la discipline de plus en plus régulière là où elle s'est maintenue
vigoureuse et florissante, et pour la rétablir dans toute son intégrité et
toute sa force là où elle aurait reçu quelque atteinte. Ces supérieurs
rappelleront sans cesse, et par les avertissements, et par les représenta-
tions, et par les reproches, aux religieux de leurs maisons qu'ils doivent
sérieusement considérer par quels vœux ils se sont liés envers Dieu, s'ap-
])liquer à tenir ce qu'ils ont promis, garder inviolablement les règles de
leur institut, et, portant dans leur corps la mortification de Jésus, s'abs-
tenir de tout ce qui est incompatible avec leur vocation, se donner tout
entiers aux œuvres qui entretiennent la charité envers Dieu, envers le
prochain, et l'amour de la vertu parfaite. Que sur toutes choses les
modérateurs de ces Ordres veillent à ce que l'entrée n'en soit ouverte à
aucune personne qu'après un examen approfondi et scrupuleux de sa
vie, de ses mœurs et de son caractère; que personne n'y puisse être
admis à la profession religieuse qu'après avoir donné, dans un noviciat
fait selon les règles, des preuves d'une véritable vocation, de telle sorte
qu'on puisse à bon droit présumer que le novice n'embrasse la vie reli-
gieuse que pour vivre uniquement en Dieu et travailler, selon. la règle de
son institut, à son salut et au salut du prochain. Sur ce point, nous
voulons et entendons que l'on observe tout ce qui a été statué et pres-
crit, pour le bien des familles religieuses, dans les décrets publiés le
108 LDTTRE I-NCYCLIQL'E Dli l'ili IX
super sfalii Recula ri uni die 25 januarii supcMiori anno editis, et
A|tost'»lica noslra auctorilale sancitis.
Posl Ikcc ad sœcularis cleri deiectum revocato serrnone, C(jit)-
mendatam in primis volumus fratornitatibus vestris instructio-
neni et educationem minoruin clericoruni, quandofpndem idunei
Ecclesiae ministri vix aliter habeii possunt, quani ex illis, cpii
ab adolescentia et prima œtate ad sacra eadem ofdcia rite infur-
mati fuerint. Pergite igilur, venerabilesFratres, omnem iinpen-
dere industriam atque operam, quo sacraî niilitiae tyrones a
teneris annis, quoad ejuslieri poterit, in ecclesiastica seminaria
recipiantur, atque inibi, tanquam novellse plantationes succre-
scenles in circuitu tabernaculi Domini, advilœ innocentiam,reli-
gionem, modostiam, et ecclesiasticum spiritum conformenlur,
simulque litteras, et minores, majoresque disciplinas, prœsertim
sacras addiscant a selectissimis magistris, qui scilicet doctrinam
sectentur ab oinni cujusque erroris periculo alienam.
Quoniam vero haud facile vobis continget minorum omnium
clericorum cruditionem in seminariis perlicere, etcseteros etiam
ex laicorum ordine adolescentes ad pastoralem vestram solli-
citudinem pertinere non est dubium, excubate insuper, venera-
biles Fratrcs, aliis omnibus publicisprivatisque scbolis, et quan-
tum in vobis est omni ope atque induslria adnitimini, ut tota in
illis studiorum ratio ad catholicœ doctrinœ normam exigatur, et
conveniens in illas juventus ab idcneis et probitate ac religione
spectatis magistris ad veram virtutem, bonasque aites ac disci-
plinas instituta, opportunis muniatur prœsidiis quibus structas
sibi ab impiis insidias agncscat, et exitiales eorumdem errores
devitet, atque ita sibi et christianse ac civili reipublicae orna-
mento et utilitati esse possit.
Eo autem in génère prœcipuam vobis planeque liberam au-
ctoritatem et curam vindicabitis super protessoribus sacrarum
disciplinarum, et in reliquis cninibus quœ Heligionis sunt, aut
lleligionem proxime attingunt. Advigiiaie. ui m tota quidem
scholarum ratione, sed in his maxime quue Heligionis sunt, libri
adhibeantur ab erroris cujusque suspicione immunes. Commo-
nete animarum curatores. ut seduli vobis adjutores sint in iis,
quœ scholas respiciunt infantium et juvenum primœ .letatis ; quo
destinentur ad illas magistri et magistrœ prcbatissimœ bone-
statis, et in pueris autpuellis ad christianœ fidei rudimenta insti-
tuendis libri adbibeantur a sancta bac Sede probati. ^ua in re
dubitare non possumus, quin parochi ipsi exemplo illis sint, et
vobis sedulo instantibus, in pueros ad christianœ doctrinœ pri-
mnnlia instruendos quotidie magis incumbant, eamque instru-
ctionem ad graviores sui muneris partes omnino pertinere memi-
a NOSTIS ET XOHISCUM », 8 DÉCEMBRE 1849 t GO
2o janvier de l'année dernière, par notre Congrégation des réguliers,
décrets revêtus de la sanction de notre autorité Apostolique.
Revenons au choix du clergé séculier. Nous tenons premiil^renient ;'i
recommander à votre fraternité l'instruction et Péducation des clercs
mineurs; car l'Eglise ne peut guère espérer trouver de dignes ministres
que parmi ceux qui, dès leur jeunesse et leur premier ûge, ont été, sui-
vant les règles prescrites, formés au ministère sacré. Continuez donc,
vénérables Frères, à user de toutes vos ressources, à faire tous vos
efforts pour que les recrues de la milice sacrée soient autant que pos-
sible reçues dans les séminaires ecclésiastiques dès leurs plus jeunes ans,
et pour que, rangés autour du tabernacle du Seigneur, elles grandissent
et croissent comme une plantation nouvelle dans l'innocence de la vie,
la religion, la modestie, l'esprit ecclésiastique, apprenant en même
temps, de maîtres choisis dont la doctrine soit pleinement exempte de
tout péril d'erreur, les lettres, les sciences élémentaires et les hautes
sciences, mais surtout les lettres et les sciences sacrées.
Mais, comme vous ne pourrez que difficilement compléter l'instruc-
tion de tous les clercs mineurs dans les séminaires; comme d'ailleurs
les jeunes gens de l'ordre laïque doivent assurément être aussi l'objet
de votre sollicitude pastorale, veillez également, vénérables Frères, sur
toutes les autres écoles publiques et privées, et, autant qu'il est en vous,
mettez vos soins, employez votre iniluence, faites vos etforts, pour que
dans ces écoles les études soient en tout conformes à la règle de la doc-
trine catholique ; pour que la jeunesse qui s'y trouve réunie soit formée
à la vertu, aux lettres, aux sciences et aux arts par des maîtres rccom-
mandables sous le rapport de la religion et des mœurs; pour qu'elle soit
convenablement préparée à reconnaître les pièges tendus par les impies,
à éviter leurs funestes erreurs, à servir utilement et avec gloire la société
chrétienne et la société civile.
C'est pourquoi vous revendiquerez la principale autorité, une autorité
pleinement libre, sur les professeurs des sciences sacrées et sur toutes
les choses qui sont de la religion ou qui y touchent de près. Veillez à
ce qu'en rien ni pour rien, mais surtout en ce qui touche les choses de
la religion, on n'emploie dans les écoles que des livres exempts de tout
soupçon d'erreur. Avertissez ceux qui ont charge d'àmes d"être vos coo-
pérât eviA's vigilants en tout ce qui concerne les écoles des enfants et du
premier âge. Que les écoles ne soient confiées qu'à des maîtres et à des
maîtresses d'une honnêteté éprouvée, et que, pour enseigner les éléments
de la foi chrétienne aux petits garçons et aux petites filles, on ne se
serve que de livres approuvés par le Saint-Siège. Sur ce point, nous ne
pouvons douter que les curés ne soient les premiers à donner rexem|)le,
et que pressés par vos incessantes exhortations, ils ne s'appliquent
chaque jour davantage à instruire les enfants des éléments de la doctrine
chrétienne, se souvenant que c'est là un des devoirs les plus graves delà
170 LETTIIE ENCYCLIQUE IJE PIE IX
nerint (Tii^lfrit., sess. xxiv, c. A. — Honcd. XIV, Const., Htst
minime, 7 fubr. 1742). litleni vero adiiioiu-nrli eriint. ut in suis
sive ad |)ueros, sive ad reiiquani plolji-m inslructionibus habere
ob oculos non omittant Catechisnium Homanuni, quem ex dé-
crète Tiidcntini Concilii et S. Pii V, ininiortalis ineinoriœ deces-
soris nosiri, jussu editum, alii |)orro Suinnii Pontilices, ac no-
niinatim fel. record. Clcmens XIII cunctis animarum pasloribus
denuo cûnimendatum voluit, tanquum « ad pravarum opinionuni
fraudes removendas, et ver-'un sananique doctrinam propagan-
dam stabilitandamque opportunissinium subsidium » (In Kncy-
clicis Litteris ea de ro ad omncs Episcopos datis 14 junii 1761).
Ilaud sane mirabimini. venerabiles Fiatres, si de bis fusiori
aliquantulum calamoscripsimus. Enim vero prudentiam vestram
minime fugit periculoso hue tempore vobis nobisque ipsis omiii
industria atque opéra, ao magna animi firmitate connitendum et
invigilandum esse in illis omnibus, quce scholas et puerorum ac
juvenum utriusque sexus instructionem et educationera attin-
gunt. Nostis enim, hodiernos Reiigionis humanœque societatis
inimicos, diabolico plane spiritu, in id suas omnes artes con-
ferre, ut juvéniles mentes et corda a prima ip.sa œtate perver-
tant. Idcirco etiam nihil intentatum, nihil prorsus inausum
relinquiint, ut scholas et instituta quœlibet juventutiseducationi
deslinata ab Ecclesiœ auctoritate et a sacrorum Pastorum vigi-
lantia omni ex parte subducant.
Juxta haec firma spe sustenlamur fore, ut carissimi in Christo
filii nostri omnes Italiaî principes fraternitatibus vestris potenti
patrocinio suo adfuturi sint, quo in supradictis omnibus muneri
vestro uberius satisfacere valeatis: nec dubitamus, quin iidem
ipsi Ecclesiam et omnia tam spiritualia quani temporalia ejus
jura tueri vellint. Id quidem religion i congruum est, avitaeque
pietati, quase in exemplumanimatosostendunt. Illorum quoque
sapientiam non latet, initia malornm omnium, quibus tantopere
aftligimur, a detrimentis repelenda esse, quœ Religioni Eccle-
siœque CathoIica3Jamdiu, prœsertim vero aProtestantium œtate,
irrogata fuerant. Perspiciunt scilicet, ex depressa stepius sacro-
rum Antistitum auctoritate, et ex crescente in dies multorum
contumaciaindivinisetecclesiasticisprœceptisimpune violandis,
factura fuisse, ut minueretur pariter populi obsequium erga
civilem potestatem, et hodiernis publicœ tranquillitatis inimicis
planior inde pateret via adseditionos contra principem commo-
vendas. Persiiiciunt etiam, ex occupatis non rare, direptisque,
ac palam divenditis temporalibus bonis ad Ecclesiam légitime
proprietatis jure spectantibus, contigi.sse, ut decrescente in
populis reverentia erga proprietates reiigionis destinatione con-
« NOSTIS ET NOBISCUM », 8 DÉCEMBRE 1849 171
charge fini leur est confiée. Vous devrez de même leur rappeler que
dans leurs instructions soit aux enfants, soit au peuple, ils ne doivent
jamais perdre de vue le Catéchisme Romain, publié conformément au
décret du Concile de Trente, par l'ordre de saint Pie V, notre prédéces-
seur d'immortelle mémoire, et recommandé à tous les pasteurs des ûmes
par d'autros Souverains Pontifes, notamment par Clément XIII, comme
« un secours on ne peut plus propre à repousser les fraudes des opinions
perverses, à propager et à établir d'une manière solide la véritable et
saine doctrine ».
Vous ne vous étonnerez pas, vénérables Frères, si nous vous parlons
un peu longuement sur ce sujet. Votre prudence, assurément, a reconnu
qu'en ces temps périlleux nous devons, vous et nous, faire les plus
grands efforts, employer tous les moyens, lutter avec une constance iné-
branlable, déployer une vigilance continuelle pour tout ce qui touche
aux écoles, à l'instruction et à l'éducation des enfants et des jeunes gens
de l'un et de l'autre sexe. Vous savez que, de nos jours, les ennemis de
la religion et de la société humaine, poussés par un esprit vraiment dia-
bolique, s'attachent à pervertir de toutes les manières le cœur et l'intel-
ligence des jeunes gens dès le premier ûge. C'est pourquoi, il n'y a pas
de moyen qu'ils ne mettent en œuvre, il n'y a pas d'entreprise auda-
cieuse qu'ils ne tentent pour soustraire entièrement à l'autorité de
l'Eglise et à la vigilance des pasteurs sacrés, les écoles et tout établisse-
ment destiné à l'éducation de la jeunesse.
Nous avons donc la ferme espérance que nos très chers fils en Jésus-
Christ, tous les princes de l'Italie aideront votre fraternité de leur puis-
sant patronage, à remplir avec plus de fruit les devoirs de votre charge
que nous venons de rappeler. Nous ne douions pas non plus qu'ils n'aient
la volonté de protéger l'Eglise et tous ses droits, soit spirituels, soit tem-
porels ; rien n'est plus conforme à la religion et à la piété qu'ils ont
héritée de leurs ancêtres et dont ils se montrent animés ; il ne peut, d'ail-
leurs, échapper à leur sagesse que la cause première de tous les maux
dont nous sommes accablés n'est autre que le mal fait à la religion et à
l'Eglise catholique dans les temps antérieurs, mais surtout à l'époque où
parurent les protestants. Ils voient, par exemple, que le mépris croissant
de l'autorité des évêques,que les violations chaque jour plus multipliées
et impunies des préceptes divins et ecclésiastiques, ont diminué dans
une proportion analogue le respect du peuple pour la puissance civile, et
ouvert aux ennemis actuels de la tranquillité publique une voie plus
large aux révoltes et aux séditions, lis voient que le spectacle souvent
renouvelé des biens temporels de l'Eglise envahis, partagés, vendus pu-
bliquement, quoiqu'ils lui appartiennent en vertu d'un droit légitime de
propriété, et que l'afTaiblissement, au sein des peuples, du sentiment de
respect pour les propriétés consacrées par une destination religieuse,
172 LETTRE ENXYCLIQUE DE PIE IX
secratas, miilti hinc faciliores prœberent aures audacissiinis
novi Sorialismi et Communismi assevioy'ihna, qui alias parileialio-
ruiii pi'oprietalesoccupari acdispeiliii aiit aiia quavisralinrn' in
oinniiiiii iisum converti posse roniniiniscuntur. Perepiciiint
insuper recidisse paulatim in civilem potestatem impedimenta
illa. quce jam diu multiplici fraude comparata fuerant ad rohi-
!>endos Ecclesiae Pastores, ne sacra sua auctoritate uti libère
possent. Perspiciunt denique calamitatum, quibus ur^^mur,
nullum aliud inveniri posse promptius et majoris virtutis reme-
dium, quam ut refloreat in tota Italia splendor Reiigionis Eccle-
siœque Catholicœ, in qua diversis liominum conditionibus et
indigentiis opporlunissima prœsto esse prœsidia non est dubium.
Siquidem (verbis utimur S. Augustini) ; « Catholica Ecclesia
non solum ipsum Ueum, sed etiam proximi dilectionem atque
caritatem ita complectitur, ut omnium morborum, quibus pro
peccatis suis animas œgrotant, omnis apud illam medicinam
prcepolleat. Ipsa pueriliter pueros, fortiter juvenes, quiète senes
prout cujusque non corporis tantum.sed animi œtas est,exercet
et docet. Ipsa feminas viris suis non ad explendam libidinem,
sed ad propagandara sobolem, et ad rei familiaris societatem
casta et fideli obedientia subjicit; et viros conjugibus non ad
illudendum imbeciliorem sexum, sed sinceri amoris legibusprœ-
ficit. Ipsa parentibus filios libéra quadam servitute subjungit,
parentes filiis pia dominatione prœponit. Ipsi fratribus fratres
Religionis vinculo firrniore atque arctiore, quam sanguinis,
nectit, omnemque generis propinquitatem et affmitatis necessi-
tudinem, servatis naturae vokmtatisque nexibus, mutua caritate
constringit. Ipsa dominis serves non tam conditionis necessitate,
quam officii delectatione docet adhœrere; et dominos servis,
summi Dei, communis Domini, consideratione placabiles, et ad
consulendum magis, quam coercendum propensiores facit. Ipsa
cives civibus, gentes gentibus, et prorsus homines primorum
parentum recordatione non societate tantum, sed quadam etiam
fraternitate conjungit. Docet reges prospicere populis, monet
populos se subdere regibus. Quibus honor debeatur, quibus
affectus, quibus reverentia, quibus timor, quibus consolatio,
quibus exhortatio, quibus disciplina, quibus objurgatio, quibus
supplicium, sedulo docet, ostendens quemadmodum et non
omnibus omnia, et omnibus caritas, et nulli debeatur injuria »
(S. Augustinus. de Moribus Cathol. Ecclesiae lib. i).
Nostrum igitur vestrumque est, venerabiles Fratres, ut nulli
parcentes labori, nulla unquam diiïicultati^ deterriti, toto pasto-
ralis studii robore tueamur in Italis ]iupulis cultum catholicaç
Religionis, et non solum obsistamus alacriter impiorum cona-
« NOSÏIS ET NOBISCL'M », 8 DÉGEMUnE 184'J 173
ont eu pour effet de rendre un grand nombre d'iionimes plus accessibles
nu.\ asMM'lions audacieuses du nouveau Socialisme et du Communisme,
cnseign:int que l'on peut de même s"emparer des autres propriétés et
les part;iger ou les liansl'ornier de toute autre manière pour l'usage de
tous, lis voient de plus retomber peu à peu sur la puissance civile toutes
les entraves multipliées jadis avec tant de persévérance pour empêcher
les pasteurs de l'Eglise d'user librement de leur autorité sacrée. Ils voient
enfin qu'au milieu des calamités qui nous pressent il est impossible de
trouver un remède d'un effet plus prompt et d'une plus grande efficacité
que la religion et l'Eglise catholique refleurissant et reprenant sa splen-
deur dans toute l'Italie; car elle possède, on n'en saurait douter, les
moyens les plus propres à secourir l'homme dans toutes les conditions
et dans tous les besoins.
Eu effet, pour employer ici les paroles de saint Augustin: « L'Eglise
catholique embrasse dans son amour etdans sa charité, non seulement
Dieu lui-même, mais encore le prochain ; et dans ses mains se trouvent
tous les remèdes à toutes les maladies qu'éprouvent les unies par suite
de leurs péchés. Elle exerce et enseigne les enfants en se faisant enfant,
les jeunes gens avec force, les vieillards avec gravité, chacun, en un mot,
selon que l'exige l'Age, non pas seulement du corps, mais encore de
Tàme. Elle soumet la femme à son mari par une chaste et lidèle obéis-
sance, non pour assouvir le libertinage, mais pour propager la race
humaine et conserver )a société domestique. Elle met ainsi le. mari au-
dessus de la femme, non pour qu'il se joue de ce sexe plus faible, mais
afin qu'ils obéissent tous deux aux lois d'un sincère amour. Elle assu-
jétit les fils à leurs parents dans une sorte de servitude libre, et l'autorité
qu'elle donne aux parents sur leurs enfants est une sorte de domination
compatissante. Elle unit les frères aux frères par un lien de religion plus
fort, plus étroit que le lien du sang; elle resserre tous les nœuds de
parenté et d'alliance par une charité mutuelle qui respecte l'union de
la nature et celle qu'ont formée les volontés diverses. Elle apprend aux
serviteurs à s'attacher à leurs maîtres, non pas tant à cause des néces-
sités de leur condition que par l'attrait du devoir; elle rend les maîtres
doux à leurs serviteurs par la pensée du Maître commun, le Dieu
suprême, et leur fait préférer les voies de la persuasion aux voies de la
contrainte. Elle unit les citoyens aux citoyens, les nations aux nations,
et tous les hommes entre eux, non seulement par le lien social, mais
encore par une sorte de fraternité, fruit du souvenir de nos premiers
parents. Elle enseigne aux rois à avoir toujours en vue le bien de leurs
peuples; elle avertit les peuples de se soumettre aux rois. Elle apprend
à tous, avec une sollicitude que r-.e:: ne iasse, à qui est dû l'honneur, à
qui l'affection, à qui le respect, à qui la crainte, à qui la consolation, à
qui l'avertissement, à qui l'exhortation, à qui la discipline, à qui la
réprimande, à qui le supplice, montrant comment toutes choses ne sont
pas dues à tous, mais qu'à tous est due la charité et à personne l'injus-
tice, j)
C'est donc notre devoir et le vôtre, vénérables Frères, de ne reculer
devant aucun labeur, d'affronter toutes les difficultés, d'employer toute
la force de notre zèle pastoral pour protéger chez les peuples italiens le
culte de la religion catholique, non seulement en nous opposant éner-
174 LETTHli ENCYCLIQUE DE PIE IX
tibus, qui Italiam ipsam ab Ecclesice sinu evellere comnioliuntur,
sed etiain dégénères illosltalia) (îlios, qui jani eorumdeni aiiibus
sednci se passi fiierint, ad sakitis viam revocare annitamur.
Vf'i-iiinlainen, cuin omiie daluiii optimum et omne domim
perfectum desursum descendat, adeamus cnm (idiicia ad throimm
gratiœ, venerabiles Fratres, et cœlestem himinum et misericor-
diarum Patrem publicis privatisque precibus orare suppliciter
atque obsecrare non intermittamus, ut per mérita Unigenili
Filii sui Domini Nostri Jesu Chnsti,avertensfaciem suam a pec-
catis nostris, omnium mentes et corda virtute gratige suœ pro-
pitius illustret, ac rebelles quoque ad se compellens voluntates,
Ecclesiam sanctani novis victoriis et triumphis amplificet; quo
in tota Italia, imo et ubique terrarum, merito pariter ac numéro
populus ci serviens augeatur. Invocemus etiam sanctissimam
Dei Genitricem, immaculatam Virginem Mariam, quse praevalido
apud Deum patrocinio siio quod quœrit invenit, et frustrari non
potest, atque una Petrum Apostolorum Principem et Coaposto-
lum ejus Paulum, omnesque Sanctos cœlites, ut clementissimus
Dominus, eorum intervenientibus precibus, flagella iracundin^
suae a lidelibus populisavertat ; etcunctis, qui christiana profes-
sione censentur, tribuat propitius per gratiam suam et illa
respuere, quse huic inimica sunt nomini, et ea quse sunt apUi
sectari.
Demum, venerabiles Fratres, nostrse in vos studiosissimse vo-
îuntatis testem accipite ApostolicamBenedictionem,quamintimo
cordis alïectu, vobis ipsis, et clericis, laicisque fidelibus vigi-
lantiae vestrae concreditis peramanter impertimur.
Datuni Neapoii in suburbano Portici, die viii decembris Anni
MDCGCxLix, Ponlificatus nostri anno quarto.
Plus PP. IX.
a NOSTIS ET NOBISCUM », 8 DÉCEMBRE 1849 175
giquenicnt aux efforts des impies qui trament le complot d'arracher
notre jatrie elle-même au sein de l'Eglise, mais encore en travaillant
puissamment à ramener dans la voie du salut ces fils dégénérés de Tlta-
lie, qui déjà ont eu la faiblesse de se laisser séduire.
Mais tout bien excellent et tout don parfait vient d'en haut; approchons
donc avec confiance du trône de la grâce, vénérables Frères, ne cessons pas
de supplier, d'implorer, de conjurer par des prières publiques et parti-
culières le Père céleste des lumières et des miséricordes: que, par les
mérites de son Fils unique iNotre-Seigneur Jésus-Christ, détournant sa
face de nos jiéchés, il éclaire, dans sa clémence, tous les esprits et tous
les cœurs par la vertu de sa grâce; que, domptant les volontés rebelles,
il glorifie la sainte Eglise par de nouvelles victoires et de nouveaux
triomphes, et que, dans toute l'Italie et par toute la terre, le peuple
qui le sert croisse en nombre et en mérite. Invoquons aussi la très
sainte Mère di> Dieu. Marie, la Vierge immaculée, obtenant tout ce
qu'elle demande par son tout-puissant patronage auprès de Dieu ; elle
ne peut demander en vain. Invoquons avec elle Pierre, le prince des
apôtres, Paul, son frère dans l'apostolat, et tous les Saints du ciel, afin
que le Dieu très clément, apaisé par leurs prières, détourne des peuples
fidèles les fléaux de sa colère, et accorde, dans sa bonté, â tous ceux
qui portent le nom de chrétiens, de pouvoir par sa grâce rejeter tout ce
qui est contraire à la sainteté de ce nom, et pratiquer tout ce qui lui
est conforme. '
Enfin, vénérables Frères, recevez, en témoignage de notre vive affec-
tion pour vous, la Bénédiction Apostolique que, du fond de notre cœur,
nous donnons avec amour, à vous, au clergé, et aux fidèles laïques
confiés à votre vigilance.
Donné à A'aples, au faubourg de Portici, le 8 décembre 1849, de notre
Pontificat l'an IV.
PIE IX. PAPE.
SS. PII pp. IX /
EPISTOLA ENGYCLICA
Venerabilibus fratribus, Patriarcliis, Primatibus, Arckiepiscopis et
Episcopis universis gratiam et communionem Sedis Apostolicœ
habentibus.
Plus PP. IX
Venerabiles Fratres,
Salutem et Apostolicam Benedictionem.
Qui pluribus jam abhinc annis una vobiscum, venerabiles
Fratres, episcopale munus plénum laboris, plénum sollicitudinis
pro viribus obire, ac Dominici gréais partem curœ nostrae com-
missam pascere nitebamur in montibus Israël, in rivis etpascuis
uberrimis, ob mortem clarissimi preedecessoris nostri Grego-
rii XVI, cujus certe memoriam atque illustria et gloriosa facta
aureis notis inscripta in Ecclesiae fastis semper admirabitur
posteritas, praeter omnem opinionem cogitationemque nostram.
arcano divinœ Providentiœ consilio, ad summum pontilicatum,
non sine maximaanimi nostri perturbationeactrepidationeevecti
fuimus. Etenim si semper grave admodum et periculosum apo-
stolici ministerii onusmerito est habitum atque habendum,hisce
quidem dinicillimischristianœreipublicaetemporibusvelmaxime
formidandum. Itaque infirmitatis nostrœ probe conscii, et gra-
vissima supremi apostolatus officia, in tanta prsesertim rerum
vicissitudine, considérantes tristiti.Te et lacrymis nos plane tra-
didissemus, nisi omnem spem poneremus in Deo salutari nostro,
qui nunquam derelinquit sperantes in eo, quique, ut polentiae
suse virtutem ostendat, ad suam regendam Ecclesiam infirmiora
identidem adhibet, quo magis nia2:isque omnes cognoscant Deum
ipsum esse, qui Ecclesiam aamirabiii sua providentia gubernat
atque tuetur. lUa etiam consolatio nos vehementer sustentât,
quod in animarum salute procuranda vos socios et adjutores
habeamus, venerabiles Fratres, qui in sollicitudinis nostrœ par-
tem vocati, omni cura et studio ministerium vestrum implere,
ac bonum certamen certare contenditis. Hinc ubi primum in
sublimi ac Principis Apostolorum cathedra, licet immerentes,
collocati in persona beati Pétri gravissimum munus ab ipso
seternopastorum Principe divinitustributum accepimus pascendi
LETTRE ENCYCLIQUE
DE SA SAINTETÉ PIE IX
A tous nos renerables Frères les Patriarches, les Primats, les Arche-
vêques et Ëvéques en grâce et en communion avec le Siège Aposto-
lique.
PIE IX, PAPE.
VÉNÉRABLES FrÈRES,
Salut et Bénédiction Apostolique.
Depuis plusieurs années nous tâchions, vénérables Frères, de remplir
avec vous, selon nos forces, la charge si laborieuse et si pleine de solli-
citude de l'épiscopat, et de paître sur les montagnes d'Israël, au milieu
des eaux vives et des plus riches pâturages, la portion du troupeau du
Seigneur confiée à nos soins, quand, par suite de la mort de notre très
illustre prédécesseur, Grégoire XVI, dont la mémoire et les glorieuses
actions, gravées en lettres d'or dans les fastes de l'Eglise, feront toujours
l'admiration de la postérité, nous ayons été, contre toute notre attente
et par un impénétrable dessein de la divine Providence, élevé au souve-
rain pontificat, mais ce n'est pas sans une très grande inquiétude d'esprit
et une vive appréhension. En effet, si la charge du ministère apostolique
a toujours été regardée avec raison et doit être regardée toujours comme
fort grave et périlleuse, c'est surtout dans les conjonctures si difficiles où
se trouve engagée la république chrétienne qu'elle est à redouter. Aussi,
connaissant notre faiblesse et considérant les devoirs extrêmement impor-
tants de l'apostolat suprême, surtout dans des circonstances aussi
fâcheuses, nous n'aurions pu que nous abandonner à la tristesse et aux
larmes, si nous n'avions placé toute notre espérance dan5 le Dieu notre
Sauveur, qui n'abandonne jamais ceux qui espèrent en lui, et qui, pour
faire éclater la grandeur de sa puissance, emploie de temps en temps au
gouvernement de l'Eglise les instruments les plus faibles, afin que tous
connaissent de plus en plus que c'est lui-même, qui, par son admirable
providence, gouverne et défend cette Eglise. Une autre consolation émi-
nemment propre à nous soutenir, c'est de penser que, dans nos efforts
pour le salut des âmes, nous vous avons pour aides et coopérateurs,
vous, vénérables Frères, qui, appelés h partager notre sollicitude, vous
appliquez avec tant de soin et de zèle à remplir votre ministère et à com-
battre avec courage. Aussi, du moment où, placé, sans mérite de notre
part, sur cette chaire sublime du Prince des Apôtres, nous avons reçu
du Prince éternel des pasteurs, dans la personne du bienheureux Pierre,
la charge divinement établie et si importante de paître et de gouverner,
178 LETTHE KNCYCLIQUE DE PIE IX
ac recrendi nun solum agnos, univoi'sum scilicet fhristianiiin
popiiluin. venim ctiam oves, hoc est anlislites, niliilcc-rte iiobis
poliiis. iiiliil oplabiliiis fuit, quain ut inlimo caritalis afleclii vos
onincs alloqucreniur. Qiianiobrem vixcJuin ex more institiiloqiie
decessorum nostrorum in nostra Lateraneiisi basilica suinmi
ponlificatus possessionem suscepimus, nuUa inlerposita niora,
bas ad vos Litteras danius, ut eximiam vestram excitemus pie-
tateiii, quo majore usque alacritate, vigilantia, contentione cus-
todientes vigilias noctis super gregem curœ vestrœcommissnm,
atque episcopali robore et constantia adversus teterrimum
lîumani generis hostem dimicantes, veluti boni milites Christ!
Jesu, strenue opponatis murum pro domo Israël.
IN'eminem vestrum latet, venerabilcsFratres, hacnostiadeplo-
randa œtate acerrimum acformidolosissimum contra calbolicam
rem universam bellum ab iis huminibus conilari, qui nefaria
inter se societate conjuncti, sanam non sustinenles doctrinam.
atque a veritate auditum avertentes, omnigena opinionum por-
tenla e tenebris eruere, eaque totis viribus exaggerare, atque
in vulgus prodere et disseminare contendunt. llorrescimus qui-
dem animo et acerbissimo dolore conlicimur, cum omnia erro-
rum monstra, et varias multiplicesque nocendi artes, insidias,
machinationes mente recogitamus, quibus hi veritatis et hicis
osores, et peritissimi fraudis artifices omne pietatis, justiliœ,
honestatis studium in omnium animis restinguere, mores cor-
rumpere, jura quœque divina et humana perturbare, catholicam
religionem civilemque societatem convellere, labefactare, imo,
si fieri unquani posset, funditus evertere commoliuntur.
Noscitis enim, venerabiles Fratres, hos infensissimos christiani
nominis hostes, cœco quodam insanientis inipietatis impetu
misère raptos eo opinandi temeritateprogredi, ut inaudita pror-
sus audacia « aperientes os suum in blasphemias ad Deum »
(Apocalyp., xiii, 6), palam publiceque edocere non erubescant,
commentitia esse, et hominum inventa sacrosancta nostrœ reli-
gionis mysteria, cathoHcœ Ecclesioe doctrinam humanse societa-
tis bono et commodis adversari, ac vel ipsum Christum et Deum
ejurare non extimescant. Et quo facihus popuHs illudant, atque
incautos prœsertim et imperitos decipiant, et in errores secum
abripiant, sibi unis prosperitatis vias notas esse comminiscuntur.
sibique philosophorum nomen arrogare non dubitant, période
quasi philosophia, qute tota in naturae veritate investiganda
versatur, ea respuere debeat, quaj supremus et clementissimus
ipse totius naturae auctor Deus singulari beneficio et misericor-
dia hominibus manifestare est dignatus, ut veram ipsl félicita tem
et salutem assequantur. Mine pruîpostero sane et fallacissimo
« QUI PLURIBUS », 9 NOVEMBRE 1846 179
non seulement les agneaux, ou tout le peuple chrétien, mais encore les
brebis, ou les cvèques, nous n'avons rien eu tant i\ cauir, (fue de vous
faire entmdre à tous Texprcssion de notre tendresse et de notre charité.
C'est pourquoi, h peine avons-nous, selon l'usage de nos prédécesseurs,
pris posse^sion du suprême pontificat dans notre basilique de Latran,
que nous vous adressons ces Lettres, pour exciter AOtre éminente piété à
veiller nuit et jour sur le troupeau confié à vos soins, avec un redouble-
ment de zèK' et d'activité, à combattre avec une fermeté et une constance
cpiscopale contre le terrible ennemi du genre humain, et à former ainsi,
comme de ^ aillants soldats de Jésus-Christ, un rempart inexpugnable
pour la défense de la maison d'Israël.
Nul d'entre vous n'ignore, vénérables Frères, que, .dans ce siècle
déplorable, une guerre furieuse et redoutable est déclarée au catholi-
cisme. Unis entre eux par un pacte criminel, les ennemis de notre reli-
gion repoussent les saines doctrines, ils ferment l'oreille à la voix de la
vérité, ils produisent au grand jour les opinions les plus funestes et font
tous leurs efforts pour les répandre et les faire triompher dans le public.
Nous sommes saisi d'horrçur et pénétré de la douleur la plus vive,
quand nous réfléchissons à tant de monstrueuses erreurs, à tant de
moyens de nuire, tant d'artifices et de coupables manœuvres, dont se
servent ces ennemis de la vérité et de la lumière; habiles dans l'art de
tromper, ils veulent étouffer dans les esprits tout sentiment de piété, de
justice et d'honnêteté, corrompre les mœurs, fouler aux pieds tous les
droits divins et humains, ébranler la religion catholique et la société
civile, les détruire même de fond en comble, s'il était possible.
Vous le savez en effet, vénérables Frères, ces implacables ennemis du
nom chrétien, emportés par une aveugle fureur d'impiété, en sont venus
à un degré inouï d'audace : « ouvrant leur bouche aux blasphèmes contre
Dieu », ils ne rougissent pas d'enseigner hautement et publiquement que
les augustes mystères de notre religion sont des erreurs et des inventions
humaines, que la doctrine de l'Eglise catholique est opposée au bien et
aux intérêts de la société; ils ne craignent même pas de renier le Christ
et de renier Dieu. Pour mieux tromper les peuples, poui' entraîner avec
eux dans l'erreur les esprits inexpérimentés et sans science, ils feignent
de connaître seuls les voies du bonheur; ils s'arrogent le titre de philo-
sophes, comme si la philosophie, dont le propre est la recherche des
vérités naturelles, devait rejeter ce que Dieu lui-même, auteur suprême
de la nature, a daigné, par un -insigne bienfait de sa miséricorde, révéler
aux hommes pour les conduire dans le chemin du bonheur et du salut.
180 LETTHE ENCYCLIQUE DE PIE IX
argumentandi génère nunqiiam desinunt human.i! rationis vim
et exfolloiitiani appellare, extollere contra sanctissimam CInisti
lidem, alque audacissime blaterant, eam hiimanœ refragari
rationi. (Juo cei-te iiihil dementius, nihil magis impium, nihil
contra ipsani rationem magis repugnans tingi, vel excogitari
polcst. Etsi enina fides sit supra rationem, nulla tamen vera
dissensio nuilumque dissidium inter ipsas inveniri unquam
potest, cum ambœ ab iino eodemque immutabilis œternœque
veritatis fonte Dec Optimo Maximo oriantur, atque ita sibi mu-
tuani opem ferant, ut recta ratio fidei veritatem demonstret, tuea-
tur, defendat; tldes vero rationem cognitione mirifice illustret,
confirmet atque perficiat.
Neque minori certe fallacia, vencrabiles Fratres, isti divinae
revelationis inimici, humanum progressum summis laudibus
eflerentes, in catholicam religionem temerario plane acsacrilego
ausu illum inducere vellent, perinde ac si ipsa religio non Dei,
sed hominum opus esset aut philosophicum aliquod inventum,
quod humanis modis perfici queat. Inistos tam misère deh'rantes
perconimode quidem cadit, quod Tertullianus sui temporis phi-
losopbis merito exprobrabat: « Qui stoicum, et platonicum, et
dialecticum christianismumprotulerunt w (Tertull.,dePrœ.script.,
cap. viii). At sane cum sanctissima nostr'a religio non al) humana
ratione fuerit inventa, sed a Deo hominibus clementissime pa-
tefacta, tum quisque vel facile intelligit religionem ipsam ex
ejusdem Dei loquentis auctoritate omnem suam vim acquirere,
neque ab humana ratione deduci aut perfici unquam posse.llumana
quidem ratio, ne in tanti momenti negotio decipiatur et erret.
divinœ revelationis factum diligenter inquirat oportet, ut certo sibi
constét Deum esse locutum, ac Eidem, quemadmodum sapien-
tissime docet Apostolusrationabileobsequium exhibeat (Ad Rom.
XIII, 1). Quis enim ignorât vel ignorare potest omnem Deo
loquenti fidem esse habendam, nihilque rationi ipsi magis con-
sentaneum esse, quam iis acquiescerefirmiterque adhaerere. quae
a Deo, qui nec falli nec fallere potest, revelata esse constite-
rit?
Sed quam multa, quam mira, quam splendida praesto sunt
argumenta, quibus humana ratio luculentissime evinci omnino
débet, divinam esse Christi religionem, et « omne dogmatum
nostrorum ptincipium radicem desuper ex cœlorum Domino
accepisse » (S. Joan. Chrysost., honjil. 1 in Isai.), ac propterea
nihil fide nostra certius, nihil securius, nihil sanctius exstare,
et quod firmioribus innitatur principiis. Hœc scilicet fides,. vitae
magistra, salutis index, vitiorum omnium expultrix, ac virtu-
tam fecunda parens et altrix, divini sui auctorisetconsummato-
« QUI PLL'RIDUS », 9 NOVEMBllK 184G 181
F.n violant ainsi toutes les règles dn raisonnement, ils ne cessent d'en
appeler à la puissance, h la supériorité de la raison humaine, et ils l'élèvent
contre la foi sainte du Christ, qu'ils rojjrésenleiit audacieuscment comme
rennemio de celte raison. On ne saurait certainement rien iniai,'iner de
plus insensé, de plus impie, déplus contraire à la raison elle-mèine; car,
quoique la foi soit au-dessus de la raison, il ne peut jamais exister entre
elles aucune opposition, aucune contradiction réelle, parce que toutes
deux émanent de Dieu même, source unique de l'immuable et éternelle
vérité; et qu'ainsi elles doivent s'entr'aider, la droite raison démontrant,
soutenant et défendant la vérité de la foi, et la foi affranchissant la raison
de toutes les erreurs, l'éclairant, l'affermissant et la complétant par la
connaissance des choses divines.
C'est avec la même perfidie, vénérables Frères, que ces ennemis de la
révélation divine vantent sans mesure le progiès humain et voudraient,
par un attentat téméraire et sacrilège, l'introduire dans la religion catho-
lique, comme si cette religion était l'œuvre, non de Dieu, mais des
hommes, ou une invention philosophique susceptible de perfectionne-
ments humains. Sur ces malheureux en délire tombe directement le
reproche adressé par Tertullien aux philosophes de son temps : « Ils ont
inventé, disait-il, un christianisme stoïcien, platonicien et dialecticien. »
En effet, notre très sainte relii;ion n'a pas été inventée par la raison
huniaine, mais Dieu l'a fait connaître aux hommes dans son infinie clé-
mence; chacun comprend donc sans peine qu'elle emprunte toute sa
force à l'autorité de la parole de Dieu, et qu'elle ne peut être ni diminuée
ni perfectionnée par la raison de l'homme. La raison humaine, il est
vrai, pour n'être pas trompée dans une affaire de telle importance, doit
examiner avec soin le fait de la révélation divine, afin d'être assurée que
Dieu a parlé, et afin que sa soumission à sa parole divine soit raison-
nable, comme l'enseigne l'Apôtre avec une grande sagesse. Qui ignore,
en effet, qui peut ignorer que la parole de Dieu mérite une foi entière,
et que rien n'est plus conforme à la raison que d'acquiescer et de s'atta-
cher avec force à ce qu'a sûrement enseigné ce Dieu qui ne peut ni être
trompé ni tromper?
Mais qu'elles sont nombreuses, qu'elles sont admirables, qu'cries sont
éclatantes, les preuves qui doivent convaincre clairement la raison hu-
maine que la religion du Christ est divine, a que toutes nos croj^ances ont
leur principe et leur origine dans le Seigneur du ciel b, et qu'il n'y a
rien de plus certain, rien de plus sûr, rien de plus saint, rien de mieux
affermi que notre foi? Vraie maîtresse de la vie, guide sûr dans les voies
du salut, victorieuse de tous les vices, mère et nourrice féconde des vertus,
182 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
ris Christi Jesu nativitate, vita, morte, resiirrectione, sapientia,
prodiuiis, vaticinationibus confirmata, siipernœ doctrinœ luce
undique refulgens, ac cœlestiwm divitiariim dilata tliesauris, tôt
prophetariiiii pnxîdictionibus, tôt miraculorum splendore, tôt
niartyrum constantia, tôt sanctorum coloria vel maxime clara
ot insignis, salutan^s proferens Christi leges, ac majores in dies
ex crudelissimis ipsis persecutionibus vires acquirens, univer-
sum orbem terra marique, a solis ortu usque ad occasnin, iino
crucis vGxillo pervasit, atqne idolorum prolligata fallacia, erro-
rum depulsacaligine, triumphatisqiie cujusqiiegenerishoslibus,
omnes populos, gentes^, nationes, utcumque iminanitate barba-
ras, ac indole, moribus, legibus, institutis diversas divinœ
cognitionis lumine iliustravit, atque suavissimo ipsius Christi
jugo subjecit, annimtians omnibus pacem, annuntians bona.
Quee certe omnia tanto divinse sapientiœ ac potentiae fulgore
undique collucent, ut cnjusque mens et cogitatio vel facile intel-
ligat christianam fidem Dei opus esse. Itaque humana ratio ex
splendidissimis hisce, œque ac lirmissimis argumentis clare
aperteque cognoscens Deum ejusdem fidei auctorem existere,
ulterius progredi nequit, scd quavis difficultate ac dubitatione
penitus abjecta atque remota, omne eidem lidei obscquium
prœbeat oportet, cum pro certo habeat a Deo tradituin esse
quidquid fides ipsa hominibus credendum et agendum proponit.
Atque bine plane apparet in quanto errore illic etiam ver-
sentur, qui ratione abutcntes, acDei eloquiatanquamhunianum
opus existimantes, proprio arbitrio illa explicare, interpretari
temere audent, cum Deus ipse vivam conslituerit auctoritatem,
quee verum legitimumque cœlestis suae revelationis sensum do-
ceret, constabiliret, omnesque controversias in rébus fidei et
morum infallibili judicio dirimeret, ne fidèles circumferantur
omni vento doctrinœ in nequitia hominum ad circumventionem
erroris. Quœ quidem viva et infallibilis auctoritas in ea tantum
viget Ecclesia, quae, a Christo Domino supra Petrum, totius
Ecclesiae caput, principem et pastorem, cujus fidem nunquam
defecturam promisit, sedificata, suos legitimos semper habet
Pontifices sine intermissione ab ipso Petro ducentes originem,
in ejus cathedra collocatos, et ejusdem etiam doctrinœ, dignitatis,
honoris ac potestatis heredeset vindices. Et quoniam ubi Petrus,
ibi Ecclesia (S. Ambros., in Psal. 40), ac Petrus per Romanum
Pontificem loquitur (Concil. Chalced., Act. 2), et semper in suis
successoribus vivit, et judicium exercet (Synod. Ephes., Act. 3),
ac prœstat quaerentibus fidei veritatem (S. Petr. Chrysol., Epist.
ad Eutich.), idcirco divina eloquia eo plane sensu sont acci-
pienda, quem tenuit ac tenet hsec ilomana beatissimi Pétri ca-
a QUI PLURIBUS », 9 NOVEMBRE 1846 183
cette loi confirmée par la naissance, la vie, la mort, la résurrection, la
sagesse, les prodi,:;os, les prédictions de son divin auteur et consommateur
Jésus-Clirist, brille partout de la lumière d'une doctrine supéiieure,
elle est enrichie des trésors célestes, illustrée par les oracles de tant de
prophètes, par l'éclat de tant de prodiges, par la constance de tant de
martyrs, par la gloire de tant de saints; de plus, portant de toutes parts
les lois salutaires du Christ, et acquérant toujours de nouvelles forces
au sein des plus cruelles persécutions, elle s'est répandue dans tout
l'univers, du levant au couchant, armée du seul étendard de la croix; et
foulant aux pieds les idoles, dissipant les ténèbres des erreurs, triomphant
des ennemis de tout genre, elle a éclairé des lumières de la connaissance
divine tous les peuples, les nations les plus barbares, les plus difTérentes
de caractère, de mœurs, de lois et de coutumes; et leur annonçant à
toutes la paix et le bonheur, elle les a soumises au joug si doux du Christ.
Ces événements portent tellement l'empreinte de la sagesse et de la puis-
sance divines, qu'il n'est pas d'esprit qui ne puisse aisément comprendre
que la foi chrétienne est l'œuvre de Dieu. Aussi, convaincue par tant de
preuves évidentes que Dieu est l'auteur de cette foi, la raison humaine
ne doit pas s'élever plus haut; et méprisant les difficultés, repoussant
tous les doutes, persuadée d'ailleurs que la foi ne propose rien à la
croyance et à la pratique des hommes qu'elle ne l'ait reçu de Dieu, elle
est obligée de s'y soumettre sans réserve.
On voit aussi par là combien est- grande l'erreur de ceux qui, abusant
de la raison, et traitant les oracles divins coiunie une œuvre de l'homme,
osent les expliquer à leur gré et les interpréter témérairement : Dieu
lui-même n'a-t,-il pas établi une autorité vivante pour enseigner et
maintenir le vrai et légitime sens de sa céleste révélation, et pour
terminer par un jugement infaillible toutes les controverses en matière
de foi et de mœurs, afin que les fidèles ne tournent pas à tout vent de
doctrine, entraînés dans les pièges de l'erreur par la perversité des
hommes? Or, cette autorité vivante et infaillible n'existe (jue dans cette
Eglise que le Christ Notre-Seigneur a bâtie sur Pierre, chef, prince,
pasteur de toute l'Eglise, et à la foi de qui il a promis lie ne jamais
défaillir. Aussi cette Eglise a-t-elle toujours eu depuis Pierre des Pon-
tifes légitimes qui se sont succédé sans interruption sur sa chaire, héri-
tiers et défenseurs de sa doctrine, de sa dignité, de son honneur et de
sa puissance. Mais là où est Pierre, là est l'Eglise ; Pierre parle toujours
par le Pontife Romain, toujours il vit dans ses successeurs ; par eux il
juge, et offre la vérité de la foi à ceux qui la cherchent; il est donc
nécessaire d'entendre les divers oracles dans le même sens qu'a retenu
184 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE ÎX
thedra, quœ, omnium Ecclesiarum mater et map:istra (Concil.
Trid., Sess. vu do Baptis), fidem a (Ihrislo Domino tradilam,
intogram inviolatamque semper sGrvavit, eamque (idoles edoi-uit
omnibus ostendens salutis semilam, et incorruplœ veritatis doc-
trinam. Hœc siquidem principalis Ecclesia, unde unitas sacerdo-
lalis exorta (S. Cyprian., lOpist. 55 ad Cornel. Pont.), hœc pie-
tatis metropolis, in qua est intégra christianœ religionis ac per-
fecta soliditas (Litter. Synod. Jean. Gonstantinop. ad Ilormisd,
Pontif.; et Sozom., Ilistor. lib. m, cap. 8 , in qua semper Apos-
tolicœ cathedrcc viguit principatus S. August., Epist. 1G2). ad
quam propter potiorem principalitatem necesse est omnem con-
venire Ecclesiam, hoc est qui sunt undique fidèles (S. Irenœus,
lib. III contra hœreses, cap. 3), cum qua quicumquenon colligit,
spargit (S. liieronym., Epist. ad Damas. Pontif.).
Nos igitur, qui inscrutabili Dei judicio in hac veritatis cathedra
collocati sumus, egregiam vestram pietatem vehementer in
Domino excitamus, venerabiles Fratres, ut omni sollicitudine
et studio fidèles curse vestrœ concreditos assidue monere, exhor-
tari connitamini, ut hisce principiis firmiter adhœrentes. nun-
quam se ab iis decipi et in errorem induci patiantur. qui abomi-
nabiles facti in studiis suis humani progressus obtentu fidem
destruere, eamque rationi impie subjicere acDei eloquiainvertere
contendunt, summamque Deo ipsi injuriam inferre non reformi-
dant, qui cœlesti sua religione hominum bono atque saluti cle-
mentissime consulere est dignatus.
Jam vero probe noscitis, venerabiles Fratres, alia errorum
monstra et fraudes, quibus hujus sœculi filii catholicam reli-
gionem, etdivinam Ecclesirc auctoritatem,ejusque legesacerrime
oppugnare. et tum sacrae tum civilis potestatis jura conculcare
conantur. Hue spectant nefari;e molitionis contra hanc Romanam
beatissimi Pétri cathedram, in qua Ghristus posuit inexpugna-
bile Ecclesire suse fundamentum. Hue clandestinœ illœ sectœ e
tenebris ad rei tum sacrœ tum publicae exitium et vastitatem
emersœ, atque a Romanis Pontitlcibus decessoribus nostris
iterato anathemate damnatse suis Apostolicis Litteris (Cle-
mens XH, Const. In emimnti; Bened. XIV, Constit. Providas;
Pius Vn, Ecclosiam a Jesu Christo : Léo XH. Const. Quo firaviora)
quas nos apostolicœ nostrœ potestatis plenitudine confirmamus,
et diligentissime servari mandamus. Hoc volunt vaferrimce
biblicœ societates, quœ veterem hœreticorum artem rénovantes,
divinarum Scripturarum libros, contra sanctissimas Ecclesise
régulas, vulgaribus quibusque linguis translates, ac perversis
sœpe expl icat ion ibusinterpretatos,mnximeexemplarium numéro
ingentique expensa omnibus cujusque generis hominibus eliam
« QUI PLUIUBUS », 9 NOVEMBRE 1846 185
et retient celte cliairc romaine du bienheureux Pierre: mère et maîtresse
de toutes les E!j;lises, elle a toujouis conservé entière et inviolable, elle a
enseigné aux fidèles la foi reçue du Christ Notre-Seigneur, montrant à
tous le chemin du salut, et la vérité sans corruption. Elle est cette
Eglise principale d'où sort l'unité du sacerdoce; cette métropole de la
piété, où se trouve la pleine et parfaite solidité; de la religion chré-
tienne, où a toujours subsisté dans sa force la primauté de la chaire
apostolique ; où toute l'Eglise, c'est-à-dire tous les fidèles, quelque part
qu'ils se tmuvent, doivent recourir à cause de son incomparable auto-
rité, et avec laquelle, enfin, quiconque refuse de recueillir ne fait que
dissiper.
Placé par un impénétrable jugement de Dieu sur cette chaire de
vérité, nous faisons dans le Seigneur de vives instances à votre éminente
piété, vénérables Frères ; nous vous engageons à travailler de toute
l'ardeur de votre zèle à instruire les fidèles confiés à vos soins ; excitez-
les à s'attacher à ces principes, à ne se laisser tromper ni entraîner dans
l'erreur par ces hommes, qui, livrés à des passions détestables, et sous
prétexte de favoriser le progrès humain, mettent tout en œuvre pour
détruire la foi, la soumettre à la raison et pervertir la parole divine. Ils
ne craignent pas d'outrager ainsi Dieu lui-même; car, dans son infinie
bonté, il a donné aux hommes sa religion céleste, comme un moyen de
bonheur et de salut.
Vous connaissez bien aussi, vénérables Frères, les autres monstrueuses
erreurs et les artifices qu'emploient les enfants de ce siècle pour faire
une guerre si acharnée à la religion catholique, à la divine autorité de
l'Eglise, à ses lois, et pour fouler aux pieds les droits de la puissance
soit ecclésiastique, soit civile. Tel est le but des coupables manœuvres
contre cette chaire romaine du bienheureux Pierre, sur laquelle le
Christ a établi le fondement inexpugnable de son Eglise. Tel est le but
de ces sociétés secrètes, sorties des ténèbres pour la ruine de la religion,
des Etats, et déjà plusieurs fois frappées d'anathème par les Pontifes
Romains, nos prédécesseurs, dans leurs Lettres Apostoliques; or, dans la
plénitude de notre puissance apostolique, nous confirmons ces Lettres
et nous voulons qu'elles soient observées avec un grand soin. Tel est le
but de ces perfides sociétés bibliques qui renouvellent les anciens arti-
fices des hérétiques et ne cessent de répandre, à un nombre immense
d'exemplaires et à très grands frais, les livres des divines Ecritures
traduits, contre les très saintes règles de l'Eglise, dans toutes les langues
vulgaires, et souvent expliqués dans un sens pervers. Ces livres sont
18G LETTUIi LNCVGLIOUE UK VIE IX
rudioribus i,n-aliulo impertiri, obtrudere non cessant, ut divina
traditione, Patnim doctrina, et calholicœ Ecclesiœ auctorilate
rejecla,onines eloquiaDominipriv^ato sno judicio interpretcnlur,
eorumqiie sensum pervertant, atque ila in maximos elabantur
errores. Quas societatcs suoriim docessorum excmpla ai'mulans
recol. mem. Gregoriiis XVI, in cujus locum, meritis licet inipa-
ribus, suffccti sumus, suis Apostolicis Litteris reprobavit
(Gregor. XVI, in Litteris encyclicis ad omnes episcopos, ijuarum
initium Intcr prœcipuas machinationes) , et nos pariter damnatas
esse volumus.
Hue spectat horrendum, ac vel ipsi naturali rationis lumini
maxime repugnansde cujusHbet religionis indiiïerentiasystema,
quo isti veteratores, omni virtutis et vitii, veritatis et erroris,
honestatisetturpitudinis sublato discrimine, hominesincujusvis
religionis cultu œternamsahitem assequi posse comminiscuntur,
perinde ac si ulla unquam esse posset participatio jui^titia3 cum
iniquitate, aut societas lucis ad tenebras,et conventio Christi ad
Beiial. Hue spectat fœdissima contra sacrum clericorum ca;ii-
batum conspiratio, quse a nonnullisetiam,proh dolor! ecclesias-
ticis viris foretur, quipropriae dignitatis misère obliti, se volup-
tatum blanditiis et illecebris vinci et deliniri patiuntur; hue
perversa in philosophicis praesertim disciplinis docendi ratio,
quge improvidam juventutem misenandum in modum decipit,
corrumpit, eique fel draconis in calice Babylonis propinat;huc
infanda,acvel ipsi naturalijuri maxime adversadeCo/wmMnjsmo,
uti vocant, doctrina, qua somel admissa, omnium jura, res, pro-
prietates, ac vel ipsa humana^ societifs funditus everterentur;
hue tenebricosissimtc eorum insidiœ, qui in vestitu ovium, cum
intus sint lupi rapaces, mentita ac fraudulenta piirioris pietatis^
et severioris virtutis, ac disciplinte specie humiliter irrepunt,
blande capiunt, molliter ligant, latenter occidunt, hominesque
ab omni religionis cultu absterrent, et dominicas oves rnactant
atque discerpunt. Hue denique, ut cœtera, quse vobis apprime
nota acperspecta sunt, omittamus, teterrima tôt undique volan-
tium et peccare docentium voluminum ac libellorum contagio,
qui apte compositi, ac fallaciœ et arliiicii pleni, immanibusque
sumptibus per omnia loca in christianœ plebis interitum dissi-
pati, pestiferas doctrinas ubique disséminant, incautorum potis-
simum mentes animosque dépravant, et maxima religion! infe-
runt detrimenta.
Ex hac undique serpentium errorum colluvie atque effrenata
cogitandi, loquendi scribendique licentia mores in deterius pro-
lapsi, sanctissima Christi spreta religio, divini cultus improbata
înajestas, hujus Apostolicœ Sedis divexata potestas, Ecclesif»
<t QUI PLUI'vIBUS », 'J NOVEMBUE 18i6 187
offerts gratuitement à toute sorte de personnes, même aux plus igno-
rants, alin que cluicun rejetant la divine tradition, la doctrine des Pères
cl Tautorité de l'Eglise catholique, entende les oracles divins selon son
jugement. proi)re, en pervertisse le sens et tombe ainsi dans les plus
grandes eneurs. Le Pontife de glorieuse mémoire à qui nous succédons,
bien qu'inférieur en mérites, Grégoire XVI, suivant en cela l'exemple de
ses prédécesseurs, a réprouvé ces sociétés par ses Lettres apostoliques ;
nous voulons aussi qu'elles soient condamnées.
Tel est le but de cet épouvantable système d'indifférence pour toute
religion, qui est absolument opposé aux lumières de la raison elle-même.
Dans cet affreux système, les apôtres de l'erreur suppriment toute dis-
tinction entre la vertu et le vice, la vérité et l'erreur, l'honnêteté et la
turpitude, et prétendent que les hommes peuvent obtenir le salut éternel
dans quelque religion que ce soit, comme s'il pouvait jamais y avoir
accord entre la justice et l'iniquité, entre la lumière et les ténèbres,
entre le Christ etBélial. Tel est le but de cette infâme conjuration contre
le célibat sacré des clercs ; ô douleur ! elle trouve faveur même auprès
de quelques ecclésiastiques qui, misérablement oublieux de leur propre
dignité, se laissent flatter et vaincre par les trompeurs attraits de la
volupté. Tel est le but de cette manière perverse d'enseigner surtout les
sciences philosophiques; elle trompe déplorablement une jeunesse inex-
périmentée, la corrompt et lui verse le fîel du dragon dans la coupe de
Babylone! Tel est le but de l'exécrable doctrine dite du Communisme :
totalement contraire au droit naturel lui-même, elle ne pourrait s'établir
sans renverser de fond en comble tous les droits, les intérêts, la propriété,
la société même. Tel est le but des menées profondément ténébreuses
de ces hommes qui, cachant la rapacité des loups sous la peau des
brebis, s'insinuent adroitement dans les esprits, les séduisent par les
dehors d'une piété plus élevée, d'une vertu plus sévère, les enchaînent
doucement, les tuent dans l'ombre, les détournent de toute pratique
religreuse, égorgent et mettent en pièces les ouailles du Seigneur. C'est
là, enfin, pour ne rien dire d'une foule d'autres choses qui vous sont
assez connues, c'est là que tend cette effroyable contagion de livres et
de brochures qui surgissent de toutes parts pour enseigner le mal :
habilement écrits, pleins de fourberie et d'artifice, répandus en tous
lieux et à grand frais pour la ruine du peuple chrétien, ces livres dissé-
minent partout des doctrines empoisonnées, pervertissent les esprits et
les cœurs, surtout des ignorants, et causent à la religion un mal
immense.
Par suite de ce déluge général des erreurs, de cette licence effrénée
dans les pensées, dans les discours et dans les écrits, les mœurs se per-
dent, la sainte religion du Christ est méprisée, la majesté du culte divin
188 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
oppugnata alque in tiirpem sorvitiilom rcdacta auctoritas, epi-
scoponim jura conculcata, niati-jmonii sanclitas violata, cujnsque
potcstatis rcgimen labefactatum, ac tut alla tumchristianœ, tum
civilis reipnblicœ damna, quœ coinniunibus lacrymis una
vobiscum llcre cogimiir, venerabilcs Fratres.
In tantaigiturreligionis, rerum ac temporum vicissitudine, de
univers! Doaiinici gregis salute nobisdivinituscommissavebomen-
lei'solliciti,pro Apostolicinostri niinislcrio oflicionibilceiieinau-
siun, nibilque intciitatum relinquemus, quo cunclœ christiana3
faniiliœ bono totis viribns consulamus. Verum prœclaram ([iioque
vestrani pietateni, virtutem, prudentiam summopere in Domino
excitamus, venerabiles Fratres, ut cœlesti ope freti una nobiscum
Dei, ejusque sanctse Ecclesiœ causam, pro loco, quem tenetis,
pro dignitate, qua insignili estis, impavide defendatis. Vobis
acriterpugnandum esse intelligitis, cum minime ignoretisquibus
quantisque intemerataCbristi Jesu Sponsa vulneribusafficiatur,
quantoque acerrimorum hostium impetu divexetur.
Atque in primis optime noscitis. vestri muneris esse catholi-
cam lidem episcopali robore tueri, defendere, ac summa cura
vigilare, ut grex vobis commissus in eastabilis et immotus per-
sistât, quam nisi qtiisque integram inviolatamque servai'erit, absque
dubio in œlcrnuvi peribit (ex symb. Qnicumqué). In hanc igitur
fidem tuendam atque servandam pro pastorali vestra sollicitu-
dine diligenter incumbite, neque unquam desinite omnes in ea
insti'uere, contirmare nutantes, contradicentes argiiere, infirmos
in fide corroborare, nibil unquam omnino dissimulantes ac
ferentes quod ejusdem fidei puritatem, vel minimum violare
posse videatur.
Neque minori firmitate in omnibus foveteunionem cum Gatho-
lica Ecclesia, extra quam nulla est salus, et obedientiam erga
hanc Pétri cathedram, cui tanquam firmissimo fundamento tota
sanctissimae nostr^e religionis moles innititur. Pari vero con-
stantia sanctissimas Ecclesice leges custodiendas curate, qiiibus
profecto virtus, religio, pietas summopere vigent ettlorent. Cum
autem « magna sit pietas prodere latcbras impiorum et ipsum
in eis, cui serviunt, diabolum debellare » (S. Léo, Serm. viii..
cap. -i), illud observantes monemus, ut omni ope et opéra mul-
tiformes inimicorum hominum insidias, fallacias, errores, frau-
des, machinationes fideli populo detegere, eumque a pestiferis
libris diligenter avertere atque assidue exhortari velitis, ut im-
piorum sectas et societates fugiens, tanquam a facie colubri, ea
omnia studiosissime devitet, quœ fidei , religionis morumque
integritati adversanfur. Qua de re nunquam emnino sit, ut ces-
setis pi-œdicare Evangelium, quo christiana plebs magis in dies
« QUI PLURII3US », 9 NOVEMBRE 1846 189
condamnée, la puissance de ce sièi;e apostolique ofTciisée, l'autorifé de
TEglise attaquée et réduite à une lionleuse servitude, les droits des
évoques foulés aux pieds, la sainteté du mariage violée, tous les pouvoirs
ébranlés. Ces maux et tant d'autres qui posent sur la société soit chré-
tienne soit civile, nous obligent, vénérables Frères, 5 confondre nos
larmes avec les vôtres.
Dans des conjonctures aussi critiques pour la religion et pour tout,
vivement frappé de Tobligation où nous sommes devant Dieu de veiller
au salut de tout le troupeau du Seigneur, il n'y arien certainement dans
le devoir de notre ministère apostolique que nous ne soyons disposé à
oser et à entreprendre pour procurer, selon nos forces, le bien de toute
la famille chrétienne. Mais nous faisons au nom du Seigneur un pres-
sant appel à votre insigne piété, à votre courage, à voire prudence, véné-
rables Frères; appuyés sur le secours du ciel, unissant vos efforts aux
nôtres, défendez avec intrépidité la cause de Dieu et de sa sainte Eglise,
selon le poste que vous occupez et la dignité dont vous êtes revêtus.
Vous comprenez avec quelle générosité vous devez combattre, puisque
vous voyez le nombre et la grandeur des blessures de l'Epouse sans
tache de Jésus-Christ, ainsi que la violence des assauts que lui livrent ses
ennemis.
Et d'abord vous savez qu'il est de votre devoir de soutenir, de dé-
fendre avec toute la vigueur épiscopale la doctrine catholique, et de
veiller avec le plus grand soin à ce que le troupeau qui vous est confié
y demeure inébranlablement attaché ; puisque, « ù moins de l'avoir
conservée dans son intégrité et sa pureté, nul ne peut éviter la perte
éternelle ». Tournez donc toute votre sollicitude pastorale vers le main-
tien et la conservation de celte foi, el ne cessez de l'enseigner à tous,
d'affermir ceux qui chancellent, de reprendre ceux qui rallaquent, de
fortifier ceux qui s'y montrent faibles; ne dissimulez, ne souffrez ja-
mais rien de ce qui pourrait en altérer tant soit peu la pureté.
Il ne vous faut pas moins de fermeté pour entretenir dans tous l'union
avec l'Eglise catholique, hors de laquelle il n'y a point de salut, et
l'obéissance à cette chaire de Pierre, laquelle est comme le fondement
inébranlable sur lequel repose tout l'édifice de notre sainte religion.
Travaillez avec la même constance à faire observer les saintes lois de
l'Eglise, éminemment propres à ranimer et à faire fleurir. la vertu, la
religion, la piété. Mais, comme « un des principaux devoirs de la piété
est de démasquer les ténébreuses menées des impies, et combattre en
eux le démon, dont ils se font les instruments », nous vous conjurons
de mettre tout en œuvre pour découvrir au peuple fidèle les embûches,
les fourberies, les erreurs, les artifices, les machinations si multipliées
des hommes ennemis, et pour le détourner de la lecture de leurs écrits
pestilentiels, exhortez-le assidûment à fuir, comme il ferait à la vue
d'un serpent, les réunions et les sociétés des impies, à éviter avec le
plus grand soin tout ce qui porterait atteinte à Fintégrité de la foi, de
la religion et des mœurs.
Ne vous lassez donc jamais de prêcher l'Evangile, afin que le peuple
chrétien, toujours plus pénétré des très saintes maximes de la loi chré-
19n LETTIIE ENCYCLIQUE DE PIE IX
sanctissimis christianae legis prseceptionibus erudita crescat in
scicntia Uei, declinet a malo et faciat boniim atque anjbulet in
vils Domini. Et quoniam noslis vos pro (^hristo legatione l'ungi,
qui se mileni et huniileni corde est processus, quique non venit
vocare juslos, sed peccatores, relinquens nobis exerapliim, ut
si'([naniini vestigia ejus: quos in niandatis Domini delinquentes,
atque a veritatis et justiliae semita aberrantes inveneritis, haud
omiltite eos in spiritu lenitatis et niansuetudinis paternis mo-
nitis et consiliis corripere atque arguere, observare, increpare in
omiii bonitate, patientia et doctrina, cum « sa3pe plus erga corri-
gendos agat benevolentia, quani austeritas, plus exhortatio, quani
comminalio, plus cari tas, quampotestas»(Concil.Trid.,Sess,xiii,
cap. 1 de lleform.). lllud etiam totis viribus praestare contendite,
venerabiles Fratres, ut fidèles caritatem sectentur, pacem inqui-
rant, etquse caritatis et pacis sunt sedulo exequantur, quo cunctis
dissensionibus, inimicitiis, œmulationibus. siniultatibus penitus
extinctis, omnes se niutua caritate diligant. atque in eodem
sensu, in eadem sententia perfecti sint, et idem unanimes sen-
tiant, idem dicant, idem sapiant in Ghristo Jesu Domino nostro.
Debilam erga principes et potestatesobedientiam acsubjectionem
christiano populo inculcare satagite, edocentes juxta Apostoli
monitum (Rom., xiii, 1, 2) non esse potestatem nisi a Deo,
eosque Dei ordinationi resistere, adeoque sibi damnationem
acquircrc, qui potestati resistunt, atque idcirco praeceptum po-
testati ipsi obediendi a nemine unquam citra piaculum posse
violari nisi forte aliquid imperetur, quoad Dei et Ecclesise legi-
bus adversetur.
Verum cum « nihil sit, quod alios magis ad piotatem et Dei
cultum assidue instruat, quam eorum vita et exemplum^ qui se
divino minislerio dedicarunt» (Concil. Trid., Sess. xxii, cap.i de
Reform.), et cujusmodi sunt sacerdotes, ejusmodi plerumque
esse soleat et populus, pro vestra singulari sapientia perspicitis,
venerabiles Fratres, summa cura et studio vobis esse elaboran-
dum, ut in clero morum gravitas, vitœ integritas, sanctitas,
atque doctrina eluceat, et ecclesiastica disciplina ex sacrorum
canonum prœscripto diligcntissime servetur, et ubi collapsa
fuerit, in pristinum splendorem restituatur. Quapropter, veluti
prœclare scitis, vobis summopere cavendum, ne cuipiam, juxta
Apostoli prœceptum, cito manus imponatis, sed eos tantum
sacris initietis oïdinibus, ac sanctis tractandis admoveatis
mysteriis, qui accurate exquisiteque explorati, ac virtutum
omnium ornatu et sapientiœ laude spectati, vestris diœcesibus
usui et ornamento esse possint, atque ab iis omnibus déclinantes,
quœ Ciericis vetita, et attendentes lectioni, exhortation!, doc-
« QUI PLURinUS », 9 NOVEMBRE 1846 191
(ienne, avance dans la science de Dieu, évite le mal, fasse le bien et
marche dans les voies du Seigneur. Vous savez que vous êtes les repré-
sentants du Christ, qui s'est montré doux et humble de cœur, et (|ui est
venu appeler, non les justes, mais les pécheurs, nous donnant rexemple
et nous invitant à marclicr sur ses traces; ayez donc soin de corriger et
de reprendre, dans un esprit de douceur et de mansuétude, par des avis
et des conseils paternels, ceux que vous verrez transgresser les comman-
dements de Dieu et s'écarter du chemin de la vérité et de la justice;
employez les prières et les réprimandes en toute bonté, patience et doc-
trine, sachant que « souvent, dans les corrections, la bonté obtient plus
que la sévérité, l'exhortation plus que la menace, la charité plus que
l'autorité ». Faites aussi tout ce qui dépendra de vous, vénérables
Frères, pour amener les fidèles à pratiquer la charité, à, chercher la
paix, à accomplir les devoirs qu'imposent ces vertus; étouffant ainsi
toutes les discussions, les inimitiés, les rivalités, les rancunes, ils se
chériront mutuellement, et s'uniront dans une même pensée, un même
sentiment, une même volonté en Jésus-Christ IVotre-Seigneur. Appli-
quez-vous à inculquer au peuple chrétien l'obéissance et la soumission
dues aux princes et aux puissances ; enseignez-leur, selon l'avis de
l'Apôtre, qu'il n'est point de pouvoir qui ne vienne de Dieu, et qu'en
résistant au pouvoir on résiste à l'ordre établi de Dieu, en provoquant
sa condamnation, et que, par conséquent, nul ne peut violer sans crime
le précepte d'obéir à l'autorité, à moins qu'elle ne lui commande des
choses contraires aux lois de Dieu et de l'Eglise.
Mais, comme c rien ne contribue tant à former les autres à la piété et
au culte de Dieu que la vie et l'exemple de ceux qui se sont consacrés
au divin ministère j, comme la conduite du peuple est le plus souvent
la reproduction de celle des prêtres, vous comprenez dans votre haute
sagesse, vénérables Frères, que vous ne sauriez travailler avec trop de
zèle à faire briller dans le clergé la gravité des mœurs, la pureté de la
vie, la sainteté et la science, à maintenir l'exacte observation de la dis-
cipline ecclésiastique établie par les saints canons, et à lui rendre sa
vigueur partout où elle serait tombée. C'est pourquoi, comme vous le
savez, en vous gardant d'imposer trop tôt les mains à qui que ce soit,
selon le précepte de l'Apôtre, n'initiez aux saints ordres et n'appliquez
aux fonctions saintes que ceux qui, après d'exactes et rigoureuses
épreuves, vous paraîtront ornés de toutes les vertus, recommandabics
par leur sagesse, propres à servir et à honorer vos diocèses, éloignes de
tout ce qui est interdit aux clercs, appliqués à l'étude, à la prédicafion,
192 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
trinae « exemplum sint fidelium in verbo, in conversatione, in
caritate, in fide, in castitate » (I ïimolh., iv, 12), cunctisque
aiïerant venerationem et populum ad christianae religionis
inslilutionem fingant, excitent, atqiie inflamnient, « melius enim
profecto est », ut sapientissime monet inimorlalis memoriœ
Benedictus XIV decessor noster, « pauciores habereministros,
sed probos, sed idoneos atque utiles, quam plures, qui in œdifi-
cationem corporis Christi, quod est Ecclesia, nequidquani sint
valiluri » (Bened. XIV in Epist. Encycl. Ubi primiim).
Neque vero ignoratis, majori diligentia vobis in illorum
praîcipne mores et scientiam esse inquirendum, quibus anima-
rum cura et regimen committitur, ut ipsi, tanquam fidèles
multiformis gratiae Dei dispensatores, plebem sibi concreditam
sacramentorum administratione, divini verbi praedicatione ac
bonorum operum exemplo continenter pascere, juvare, eamque
ad omnia religionis instituta ac documenta informare, atque ad
salutis semitam perducere studeant. Intelligitis nimirum Parochis
officii sui ignaris vel negligentibus continno et populorum
mores prolabi, et christianam laxari disciplinam, et religionis
cultum exsolvi atque convelli, ac vitia omnia et corruptelas in
Ecclesiam facile invehi.
Ne autem Dei sermo « qui vivus, et efficax, et penetrabilior
omni gladio ancipiti » (Hebr., iv, 12) ad animarum salutem est
institutus, ministrorum vitio infructuosus évadât, ejusdem
divini verbi praeconibus inculcare. prœciperenunquam desinite,
venerabiies Fratres, ut gravissimum sui muneris officium aoima
reputantes, evangelicum ministerium non in persuasibilibus
humanae sapientiœ verbis, non in profano inanis et ambitiosae
eloquentiœ apparatu et lenocinio, sed in ostensione spiritus et
virtutis (I Cor., xi, 4) religiosissime ex.erceant, ut recte tractantes
verbum veritatis, et non semetipsos, sed Cbristum crucifixum
praedicantes, sanctissimœ nostree religionis dogmata, prœcepta,
juxta catholicœ Ecclesiœ et Patrum doctrinam gravi ac splen-
dido orationis génère populis clare apertequeannuntient, pecu-
liaria singulorum officia accurate explicent, omnesque a flagitiis
deterreant, ad pietatem inflamnient, quo fidèles Dei verbo
salubriter imbuti atque refecti vitia omnia déclinent, virtutes
sectentur, atque ita œternas pœnas evadere et cœlestem gloriam
consequi valeant Universos ecclesiasticos viros pro pastorali
vestra sollicitudine et prudentia assidue monete, excitate, ut
serio cogitantes ministerium, quod acceperunt in Domino, omnes
proprii muneris partes diligentissime impleant, domus Dei deco-
rem summopere diligant, atque intimo pietatis sensu sine inter-
missione instent obsecrationibus et precibus, et Canonicas
« OUI PLDRinus s, 9 NOVEMBRE 1846 193
h l'instruction, capables de « servir de modèles aux fidèles dans les
paroles, dans la conduite, dans la charilc, dans la foi, dans la chas-
teté », capables encore d'inspirer le respect à tous, de former, d'exciter,
d'enflammer le peuple ù la pratique de la religion chrétienne; « car il
vaut certainement mieux », ainsi que l'observe notre prédécesseur,
Benoît XIV. d'inimortcUe mémoire, œ n'avoir que peu de prêtres, mais
bons. capal)les et utiles, (|ue d'en avoir un grand nombre qui ne seraient
pas propres à édifier le Corps du Christ, qui est l'Eglise ».
Vous n'ignorez pas que vous devez vous enquérir avec plus de soin
encore des mœurs et de la science de ceux qui sont chargés de la conduite
des âmes, afin qu'ils s'appliquent continuellement comme de fidèles dis-
pensateurs des divers ticsors de la grâce de Dieu, à nourrir et h assister
le peuple qui leur est confié, par l'administration des sacrements, par la
prédication de la parole divine, par l'exemple des bonnes œuvres; afin
aussi qu'en le pénétrant de l'esprit et des maximes de la religion, ils le
fassent marcher dans le sentier du salut. Vous savez, en effet, que si les
curés ignorent leurs devoirs ou négligent de les remplir, les mœurs des
peuples se corrompent aussitôt, la discipline chrétienne se relâche, on
abandonne les pratiques religieuses, et dans l'Eglise s'introduisent aisé-
ment les désordres et tous les vices.
« Pleine de vie, de puissance, et plus pénétrante que le glaive à deux
tranchants», la parole de Dieu a été établie pour le salut des âmes, et ne
doit pas devenir infructueuse par la faute de ses ministres; ne vous
lassez donc jamais, vénérables Frères, d'avertir et de commander aux
prédicateurs de cette divine parole, de se pénétrer de l'extrême impor-
tance de leurs fonctions ; de s'appuyer religieusement, dans l'exercice
du ministère évangélique, non sur les discours persuasifs de la sagesse
humaine, non sur les efforts et les artifices d'une vaine et fastueuse élo-
quence, mais sur l'assistance de l'esprit et de la vertu d'en haut; de
traiter dignement la parole de vérité, de prêcher le Christ crucifié, au
lieu de se prêcher eux-mêmes; d'annoncer aux peuples d'un style clair
et intelligible, mais plein de gravité et de noblesse, les dogmes et les
préceptes de notre sainte religion, selon la doctrine de l'Eglise catho-
lique et des Pères ; d'expliquer en détail les devoirs particuliers de
chacun; de détourner tous les hommes du crime, de les porter à la
piété, afin que, présentement pénétrés et nourris de la parole de Dieu,
les fidèles s'abstiennent de tous les vices, pratiquent toutes les vertus,
et puissent éviter ainsi les peines éternelles et parvenir à la gloire
céleste. Dans votre sollicitude et votre prudence épiscopnles, avertissez
assidûment tous les ecclésiastiques, exhortez-les à considérer sérieuse-
ment le ministère qu'ils ont reçu de Dieu, à en remplir exactement les
obligations, à prendre souverainement à cœur la gloire de la maison de
Dieu, à s'adonner sans relâche à la prière et à la récitation des heures
194 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
lioras ex Ecclesiœ praecepto persoivant. ([110 et divina sibi
auxilia ad gravissima oflifii sni mimera obeunda impetrare, et
Deum christiano populo placatum ac propitium ivddere pos-
sint.
Cum autem, venerabiles Fratres, vestram sapientiam minime
fugiat, idoneos Ecclesiœ ministros uonnisi ex optime insUtulis
clericis fieri posse, magnamque vim in recta hoiinn institutione
ad rcliquum vitœ cursum inesse, pergite omnes episcopaiis ve-
stri zeli nervos in id potissimum intendere, ut adolescentes cle-
rici vel a teneris annis tum ad pietatem solidamque virtutem,
tum ad litteras severioresque disciplinas, prsesertim sacras, rite
informcntur. Quare vobis nihil antiquius, nihil poilus esse dé-
bet, quam omni opéra, solertia, industria, ciericorum Semina-
ria ex Tridentinorum Patrum prescripto iConcil. Trid., Sess.
XXIII., cap. 18, de Reform.) instituere, si nondum existunt,
atque instituta, si opus fuerit, ampliticare, eaque optimis mode-
ratoribus et magistris instruere, ac intentissimo studio conti-
nenter advigilare, ut inibi juniores clerici in timoré Domini, et
ecclesiastica disciplina sanote religioseque educentur, et sacris
potissimum scientiis, juxta catholicam doctrinam ab omni
prorsus cujusque erroris periculo alienis, et Ecclesice traditio-
nibus, et sanctorum Patrum scriptis, sacrisque cœremoniis, ri-
tibus, sedulo ac penitus excolantur; quo habere possitis gnavos
atque industries operarios, qui ecclesiastico spiritu prœditi ac
studiis recte instituti valoant in tempore dominicum agrum di-
ligenter excolere, ac strenue prœliari prœlia Uomini.
Porro cum vobis compertum sit ad ecclesiastici ordinis digni-
tatem, et sanctimoniam retinendam et conservandam pium spi-
ritualium exercitiorum institutum vel maxime conducere, pro
episcopali vestro zelo tam salutare opus urgere, omnesque in
sortem Uomini vocatos monere, hortari ne intermittatis, ut
ssepe in opportunum aliquem locum iisdem peragendis exercitiis
secedant, quo, exterioribus curis sepositis, ac vehementiori stu-
dio œternanim divinarumque reriim meditationi vacantes, et
contractas de mundano pulvere sordes detergere, et ecclesiasti-
cum spiritum renovare possint, atque expoliantes veterem ho-
minem cum actibus suis, novum induant, qui creatus est in jus-
titia et sanctitate (I Ephes., iv, 2i) Neque vos pigeât si in Gleri
institutione et disciplina paulo diutius immorati sumus. Etenim
minime ignoratis multos existere, qui errorum varieîatem, in-
constantiam, mutabilitatemque pertœsi, ac sanctissimam no-
stram religionem profitendi necessitatem sentientes, ad ipsius
religionis doctrinam, prœcepta, instituta eo facilius, Deo bene
juvante, amplectenda, colendaque adducentur, quo majori Cle-
« QUI PLURIBUS », 9 NOVEMBRE 1846 195
canoniales, confoniiéinent au précepte de l'Eglise, dans la vue d'obtenir
le secours divin pour l'accomplissenient de leurs importants devoirs,
d'apaiser le Seigneur et de le rendre propice au peuple chrétien.
Comme vous n'ignorez pas, vénérables Frères, que la bonne éducation
des clercs est le seul moyen de procurer à l'Eglise de bons ministres, et
qu'elle exerce une grande inlluence sur tout le cours de la vie. continuez
à faire tous vos efforts pour former les jeunes clercs, dès leurs tendres
années, à la piété, à une vertu solide, à la connaissance des lettres, à
l'étude des hautes sciences, surtout des sciences sacrées. N'ayez donc rien
tant à cœur que d'établir des séminaires pour les clercs, selon les pré-
ceptes des Pères de Trente, là où il n'y en aurait pas; d'augmenter, s'il
est besoin, ceu.x qui existent, de leur donner des supérieurs et des maîtres
excellents, de veiller incessamment et avec la plus grande application à
ce que les jeunes clercs y soient élevés saintement et religieusement dans
la crainte du Seigneur, dans l'amour de la discipline ecclésiastique;
qu'ils y soient formés, selon la doctrine catholique et sans aucun danger
d'erreur, surtout à la connaissance des sciences sacrées, des traditions de
l'Eglise, des écrits des saints Pères, des cérémonies et des rites sacrés :
ainsi vous aurez d'infatigables et d'habiles ouvriers; animés de l'esprit
ecclésiastique et bien instruits, ils pourront cultiver le champ du Père
de famille et soutenir avec gloire le poids des combats du Seigneur.
Dans la conviction où vous êtes que rien n'est plus propre à entretenir,
à conserver la dignité, la sainteté de l'ordre ecclésiastique, que la pieuse
institution des exercices spirituels, favorisez de toutes vos forces cette
œuvre salutaire; ne cessez d'exhorter tous ceux qui ont été appelés à
l'héritage du Seigneur à se retirer souvent dans quelque lieu propre à ces
exercices; que, libres des affaires extérieures et entièrement appliqués
à la méditation des vérités éternelles et divines, ils puissent se purifier
des souillures contractées au milieu de la poussière du monde, se
retremper dans l'esprit ecclésiastique, se dépouiller du vieil homme et
de ses œuvres pour se revêtir de l'homme nouveau, qui a été créé dans la
sainteté et la justice. Ne regrettez pas que nous vous ayons parlé un
peu longuement de l'éducation et de la discipline du clergé : car vous
n'ignorez point qu'il y a une multitude d'hommes dégoûtés de la diver-
gence, de l'inconstance et de la mobilité des erreurs ; ils sentent la
nécessité de professer notre sainte religion, et, avec le secours de Dieu,
ils se décideront d'autant plus facilement à en embrasser la doctrine,
les préceptes et les pratiques, qu'ils verront le clergé se distinguer
Î96 LETTRE ENCYCLIQUE DE l'IE IX
rum pietatis, iiite.irritatis, sapientiœ laiido, ac virtutum omnium
expmplo ot splendore CcCteris antecellere oonspexerint.
Cœtcriim, Fratres carissimi, non dubilamus qiiin vos omnes
ardenli erga Deuni et homines caritale inconsi, summoin Ecde-
siam amoreinllammati, angelicis prene virtulibiis instructi, epi-
scopali fortitudine, jirudentia miiniti, uno epdeinque sanctœ vo-
Inntatis desiderio animati, Apostolorum vesligia sectantes, et
(Ihiistum Jesum pastorum omnium exemplar, pro que logatione
lungimini, imitantes, quemadmodum decet episcopos, concor-
dissimis studiis facti forma gre.iïis ex animo, sanctitatis vestrae
splendore clerum populumque (idelcm illuminantes, atqueinduti
viscera misericordiœ et condolentes iis qui ignorant et errant,
dévias ac pereuntes oves evanîrelici Pastoris exemplo amanter
quœrere, persequi ac paterno affectu vestris humeris imponere,
ad ovile reducere, ac nuilis neque curis, neque consiliis, neque
laboribus parcere unquam velitis, quo omnia pastoralis muneris
officia religiosissime obire, ac omnes dilectas nobis oves pre-
tiosissimo Christi sanguine redemptas, curœ vestrœ commissas
et a rapacium luporum rabie. iinpetu, insidiis defendere easque
abvenenatis pascuis arcere, adsalutariapropellere,etquaoper5,
qua verbo, qua exemplo ad œternœ salutis portum deducere
valeatis. In majori igitur Uei et Ecclesise gloria procuranda viri-
liter agite, venerabiies Fratres, et omni alacritate, sollicitudine,
vigilantia in hoc simul elaborate, ut omnibus erroribus penitus
depulsis, viliisque radicitus evulsis, fides, religio. pietas, virtus
majora in dies ubique incrementa suscipiant, cunctique fidèles
abjicientes opéra tenebrarum, sicut filii lucis aml)ulent digne,
Deo per omnia placentes eL in omni opère bono fructificantes.
Atque inter maximas angustias, difficultates, pericula, quœ a
gravissimo cpiscopali vestro ministerio, hisce prœsertim tempo-
ribus, abesse non possunt, noiite unquam terreri, sed conforta-
mini in Domino, et in potentia virtutis Ejus, « qui nos in con-
gressione nominis sui constitutos desuper spectans, volentes
comprobat, adjuvatdimicantes, vincentes coronat » (S. Cyprian.,
Ep. 77, ac Nemesia, etc.).
Cum autem nobis nihil gratins, nihil jucundius, nihil optabi-
lius quam vos omnes, quos diligimus in visceribus Christi .lesu,
omni affectu, consilio, opéra juvare, atque una vobiscum in Uei
gloriam et catholicam lidem tuendam, propagandam toto pec-
tore incumbere, et animas salvas facere, pro quibus vitain
ipsam, si opus fuerit, profundere parati sumus, venite, Fratres,
obtestamur et obsecramus, venite magno animo, magnaque
fiducia ad hanc beatissimi Apostolorum Principis Sedem, Catho-
licœ unitatis centrum, atque Episcopatus apicem, iinde ipse
« QUI PLURIBUS », 9 NOVEMBRE 1846 197
davantage du reste des hommes par la piété et la pureté de sa vie, par
sa réputation de sagesse et l'exemple de toutes les vertus.
Enfin, très chers Frères, nous en avons la douce conviction, embrases,
comme vous l'êtes, d'une ardente charité envers Dieu et envers les
hommes, cntlammés d'un grand amour pour l'Eglise, enrichis de vertus
presque angéliques, doues d'un courage et d'une prudence épiscopales,
animés tous d'un même et saint désir, marchant sur les traces des
apôtres, imitant, comme il convient à des évèques, celui dont vous êtes
les ambassadeurs, Jésus-Christ même, le modèle de tous les pasteurs,
devenus par votre union la forme et la règle du troupeau, éclairant des
rayons de votre sainteté le clergé et le peuple fidèle, ayant des entrailles
de miséricorde, et compatissant vivement au sort de ceux qui s'égarent
dans les ténèbres de l'ignorance et de l'erreur; vous êtes disposés,
suivant l'exemple du pasteur de l'Evangile, à voler avec amour à la
recherche des brebis qui se perdent^ <à les charger avec une tendresse
paternelle sur vos épaules, à les ramener au bercail, à n'épargner ni
soins, ni conseils, ni travail, pour remplir l'cligieusement tous les devoirs
de la charge pastorale; pour mettre à l'abri de la rage, des attaques et
des embûches des loups ravisseurs ces chères brebis qui sont rachetées
jiar le sang précieux de Jésus-Christ, et confiées i'i vos soins; pour les
détourner du poison de l'erreur, les conduire dans les bons pâturages et
les faire aborder, à force de Joins, d'instructions et d'exemples au port
de l'éternel salut. Travaillez donc généreusement, vénérables Frères, à
procurer la plus grande gloire de Dieu et de l'Eglise, et, par votre acti-
vité, votre zèle, votre vigilance et votre accord, appliquez-vous à dissiper
toutes les erreurs, à extirper tous les vices, à faire prendre chaque jour
et en tous lieux de nouveaux accroissements à la foi, à la religion, à la
piété et à la vertu. Amenez tous les fidèles à renoncer aux œuvres de
ténèbres, à se conduire d'une manière digne des enfants de lumière, à
chercher en tout le bon plaisir de Dieu et ii produire toute sorte de
bonnes œuvres. Au milieu de tant de graves embarras, de difficultés et
de dangers inséparables, surtout en ce temps, de votre redoutable
charge épiscopale, ne vous laissez pas abattre par la crainte, mais cher-
chez votre force dans le Seigneur, et confiants en la puissance de sa
grâce, pensez que du haut du ciel il a les yeux fixés sur ceux qui sont
dans la mêlée pour la gloire de son nom, qu'il applaudit à la bonne
volonté, qu'il aide les combattants et couronne les vainqueurs.
Nous vous chérissons tous bien vivement dans les entrailles de Jésus-
Christ, et nous ne désirons rien tant que de vous aider de notre amour,
de nos conseils, de notre pouvoir et de travailler avec vous à la gloire de
Dieu, à la défense, à la propagation de la foi catholique et au salut de
ces âmes pour lesquelles nous sommes prêt à sacrifier, s'il le faut, notre
vie; venez donc, chers Frères, nous vous en conjurons, venez avec un
cœur ouvert et une entière confiance à ce siège du bienheureux prince
des Apôtres, centre de l'unité catholique et faîte de l'épiscopat, d'où
198 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE IX
episcopatus ac tota ejusdem nominis auctoritas mersit ; venite
ad nos quotiescumque nostrae et ejusdem Sedis auctoritatis ope,
auxilio, prœsidio vosindigere noveritis.
In eam porro spem erigimur fore, ut carissimi in Chrislu filii
noslri viri principes, pro eorum pietatc et religione in memoiiam
revocantes « regiam potestalem sijji non solum ad inundi
regimen. sed maxime ad Ecclesia3 praesidium esse collatam »
(S. Léo, Ep. 156 ad Léon. Aug.T>, et nos cum Ecclesiœ cuisam
tnm eorum regni agere, et salutis, ut provinciarum suarum
quieto jure potiantur (Idem, épis. 43 ad ïheodos. Aug.), com-
munibus nostris votis. consiliis, studiis sua ope et auctoritate
faveant, atque ipsius Ecclesiœ libertatem incolumitatemque de-
fendant, ut et « Ghristi dextera eorum defendatur imperium » (Ib.)
Quœ omnia ut prospère feliciterque ex sententia succédant,
adeamus cum fiducia, venerabiles Fratres, ad thronum gratiae,
atque unanimes, in humilitate cordis nostri, Patrem misericor-
diarum, et Deum totius consolationis enixis precibus sine inter-
missione obsecremus, ut per mérita unigeniti Filii sui infirmi-
tatem nostram omnium cœlestium charismatum copia cumulare
dignetur, atque omnipotent! sua virtute expugnet impugnanles
nos, et ubique augeat fidem, pietatem, devotionem, pacem, quo
Ecclesia sua sancta, omnibus adversitatibus et erroribus penitus
sublatis, optatissima tranquillitate fruatur, ac fiât unum ovile et
unus pastor.
Ut autem clementissimus Dominus faciiius inclinet aurem
suam in preces nostras, et nostris annuat votis, deprecatricem
apud ipsum semper adhibeamus sanctissimam Dei Genitricem
Immaculatam Virginem Mariam, quse nostrum omnium dulcis-
sima mater, mediatrix, advocata, et spes fîdissima ac maxima
fiducia est; cujus patrocinio nihil apud Deum validius, nihil
prsesentius. Invocemus quoque Apostolorum principem, cui
Christus ipse tradidit claves regni cœlorum, quemque Ecclesiœ
suœ petram constituit, adversus quam portée inferi prœvalere
nunquam poterunt, et Coapostolum ejus Paulnm, atque omnes
Sanctos cœiites, qui jam coronati pos^ident palmam, ut deside-
ratam divinse propitiationis abundantiam universo christiano
populo impetrent. — Denique cœlestium omnium munerum au-
spicem. et potissimae nostrae in vos caritatis testem, accipite
Apostolicam Benedictionem, quam ex intimo corde depromptam
vobis ipsis, venerabiles Fratres, et omnibus clericis, laicisque
fideiibus curœ vestrœconcreditis amantissime impertimur.
Datum Romse apud Sanctam Mariam Majorem, die ix No-
vembris, anno mdcccxlvi, Pontificatus nostri anno primo.
Plus PP. IX
oc QUI PLURiBUS », 9 NOVEMBRE 1846 199
répiscopat lui-même tire son origine et toute son autorité: venez à nour,
chaque l'ois que vous croirez avoir i)osoin du secours de la protection de
notre autorité et de celle de ce siège.
Nous en avons la confiance, les princes, nos très chers fds en Jésus-
Christ, se rappelleront, dans leur piété et leur religion, que « la puis-
sance royale leur a été donnée, non seulement pour le gouvernement
du monde, mais surtout pour la défense de l'Eglise », et que nous sou-
tenons en même temps la cause de l'Eglise, celle de leur royaume et de
leur salut, pour qu'ils jouissent en paix de leur autorité sur leurs pro-
vinces : ainsi nous favoriserons, par leurs secours et leur autorité, les
vœux et les désirs que nous formons en commun, et, « afin que la droite
du Christ prenne la défense de leur empire », ils défendront la liberté
et la prospérité de l'Eglise.
Pour obtenir l'heureux accomplissement de ces désirs, allons avec
confiance, vénérables Frères, au trône de la grâce, et pénétrés tous d'un
vif sentiment d'humilité, adressons sans relâche, au Père des miséri-
cordes et au Dieu de toute consolation, les plus instantes prières; que
par les mérites de son Fils unique, il daigne répandre sur notre faiblesse
l'abondance des dons célestes, qu'il terrasse nos ennemis par sa vertu
toute puissante, qu'il fasse fleurir partout la foi, la piété, la dévotion, la
paix; que, dissipant toutes les erreurs, toutes les oppositions, l'Eglise
jouisse de la tranquillité qu'on doit tant désirer, et qu'il n'y ait plus qu'un
troupeau et qu'un pasteur.
Mais, pour que le Dieu très clément écoute plus facilement nos prières
et exauce nos vœux, recourons à l'intercession de sa très sainte Mère,
l'immaculée vierge Marie, notre très douce mère, notre médiatrice, notre
avocate, notre espérance la plus ferme, l'appui de notre confiance, et
dont la protection est ce qu'il y a de plus puissant et de plus efficace
auprès de Dieu. Invoquons aussi le prince des Apôtres, k qui le Christ a
remis les clefs du royaume des cieux, dont il a fait pour son Eglise la
pierre fondamentale contre laquelle les portes de l'enfer ne pourront
jamais prévaloir; invoquons encore son collègue l'apôtre Paul, ainsi que
tous les saints habitants du ciel, déjà couronnés et en possession de la
palme, afin qu'ils fassent descendre sur tout le peuple chrétien les tré-
sors de miséricorde divine.
Enfin, comme présage des dons célestes, et en témoignage de notre
grande charité pour vous, recevez la Bénédiction Apostolique que nous
donnons du fond de notre cœur, à vous, nos vénérables Frères, à tous les
ecclésiastiques et aux fidèles la'i'ques confiés à vos soins.
Donné à Rome , près Sainte-Marie-Majeure , le 9 novembre , l'an
18i6, de notre Pontificat le premier.
PIE IX, PAPE
SS. GREGORII PP. XVI
EPISTOLA ENCYCLIGA
Ad omnes Patriarchas, Primates, Arckiepiscopos et Episcopos.
GREGORIUS PAPA XVI.
Vexerabiles Fratres,
Salutem et apostolicam benedictionem.
Mirari vos arbitramur, quod ab imposita nostree humilitali
Ecclesiae universas procurati ne nondum Litteras ad vos dede-
rimus, prout et consueludo vv:,! a ptiinis temporibus invecta, et
benevolentia in vos nostra postiilasset. Erat id quidem nobis
maxime in votis, ut dilataremus illico super vos cor nostrum,
atque in communicatione spiritus ea vos adioqueremur voce,
qua confirmare fratres in persona beati Pétri jussi fuimus (1).
Verum probe nostis, quanam malorum œruinnariimque procella
primis pontificatus nostri momentis in eam subito aitiludinem
maris acti fuerimus, in qua, nisi dextera Dei fecisset virtutem,
ex teterrima impiorum conspiratione nos congemuissetis de-
mersos. Refugit animus tristissima tôt discriminum recensione
susceptum inde mœrorem refricare ; Patrique potius omnis con-
solationis benedicimus qui, disjectis perduellibus, prœsenti nos
eripuitpericulo, atque, turbulentissima sedata tempestate, dédit
a metu respirare. Proposuimus illico vobiscum communicare
consilia ad sanandas contritiones Israël ; sed ingens curarum
moles, quibus in concilianda public! ordinis restitutione obruti
fuimus, moram tune nostrœ huic objecit voluntati. Nova inté-
rim accessit causa silentii ob factiosorum insolentiam, qui signa
perduellionis iterum attollere conati sunt. Nos quidem tantam
hominum pervicaciam, quorum eiïrenatus furor impunitate diu-
liirna. impensœque nostrae benignitatis indulgentia non deliniri,
sed ail potius conspiciebatur, debuimus tandem, ingenti licet
cum mœrore, ex collata nobis divinitus auctoritate, virga com-
pescere (2); ex quo prout jam probe conjicere potestis, opero-
cior in dies instantia nostra quolidiana facta est.
(t) Luc, xxu, 32. — [-2) 1 Gorinth., iv, 21.
LETTRE ENCYCLIQUE
DE N. S. P. LE PAPE GRÉGOIRE XVI
A tous les Patriarches, Primats, Archevêques et Eoéques,
GRÉGOIRE XVI, PAPE.
VÉNÉRABLES Frères,
Salut et bciiédiction apostolique.
Vous êtes sans doute étonnés que, depuis le jour où le fardeau du
gouvernement de toute l'Es'i'^e a été imposé à notre faiblesse, nous ne
vous ayons pas encore adressé nos Lettres, comme l'auraient demandé,
soit la coutume introduite même dès les premiers temps, soit notre
affection pour vous. C'était bien, il est vrai, le plus ardent de nos vœux
de vous ouvrir tout d'abord notre cœur, et de vous faire entendre, dans
la communication de l'esprit, cette voix avec laquelle, selon l'ordre
reçu par nous dans la personne du bienlieureux Pierre, nous devons
confirmer nos frères. Mais vous savez assez quels maux, quelles cala-
mités, quels orages nous ont assailli dès les premiers instants de notre
Pontificat ; comment nous avons été lancé tout à coup au milieu des
tempêtes : ah ! si la droite du Seigneur n'avait manifesté sa puissance,
vous auriez eu la douleur de nous y voir englouti, victime de l'affreuse
conspiration des impies.
>'otre cœur se refuse à renouveler, par le triste tableau de tant de
périls, la douleur qu'ils nous ont causée, et nous bénissons plutôt le
Père de toute consolation d'avoir dispersé les traîtres, de nous avoir
arraché au danger imminent et de nous avoir accordé, en apaisant la
plus terrible tempête, de respirer après une si grande crainte. Nous
nous proposâmes aussitôt de vous communiquer nos desseins pour la
guérison des plaies d'Israël ; mais le poids énorme de soucis dont nous
fûmes accablé pour le rétablissement de l'ordre public, retarda encore
l'exécution.
A ce motif de silence, s'en joignit un nouveau : l'indolence des factieux
qui s'efforcèrent de lever une seconde fois l'étendard de la rébellion.
A la vue de tant d'opiniâtreté de leur part, en considérant que leur
fureur sauvage, loin de s'adoucir, semblait plutôt s'aigrir et s'accroître
par une trop longue impunité et par les témoignages de notre paternelle
indulgence, nous avons dû enfin, quoique l'ûme navrée de douleur, faire
usage de l'autorité qui nous a été confiée par Dieu, les arrêter, la verge
à la main; et depuis, comme vous pouvez bien conjecturer, notre solli-
citude et nos fatigues n'ont fait qu'augmenter de jour en jour.
20C LETTRE ENCYCLIQUE DE fiRICr.OIItE XVI
Astcum, qiiod ipsum iisdem ex causis distuleramus, jam pos-
sessionom piuitiik'atus in Lateranensi basilica ex more in>titu-
loque niajorum adiverinius, omni demum abjecla cunclatione,
ad vus properamus, venerabiles Fratix'S, testemque nostrte erga
vos voluntatis epistolam damus lœlisvsimo hoc die, que do Vir-
ginis sanotissimœ in cœlum assunipttc Iriumpho soleninia festa
peragimus, ut quam patronam ac sospiteni inter iiiaximas
quasque calamitates persensimus, ipsa et scribentibus ad vos
nobis adstet propitia, menlcmque nostram cœlesti aftlatu sue
in ea inducat consilia, quae christiano gregi futura sint quam
maxime salutaria.
Mœrentes quidem animoque tristitia confecto venimus ad vos,
quos pro vestro in religionem studio, ex tanta, in qua ipsa ver-
satur, temporum acerbitate maxime anxios novimus. Vere enim
dixerimus,horam nunc esse potestatis tenebrarum adcribrandos
sicut triticum filios electionis(l). Vere«luxit, et deduxit terra...
« infecta ab habitatoribus suis, quia transgressi sunt leges,
« mutaverunt jus, dissipaverunt fœdussempiternum (2j. »Loqui-
mur, venerabiles Fratres, quœ vestris ipsi oculis conspicitis,
quœ communibus idcirco lacrymis ingemiscimus. Alacris exultât
improbitas, scientia impudens, dissoluta licentia; despicitur
sanctitas sacrorum, et quœ magnam vim magnamque necessi-
tatem possidet, divini cultus majestas ab hominibus nequam
improbatur, polluitur, habetur ludibrio. Sana hinc pervertitur
doctrina, erroresque omnis generis disseminantur audacter. Non
leges sacrorum, non Jura, non instituta, non sanctiores quselibet
disciplinée tutae sunt ab audacia loquentium iniqna. Vexatur
acerrime Romana hœc nostra beatissimi Pétri Sedes in qua posuit
Christus Ecclesiae firmamentum ; et vincula unitatis in dies magis
labefactantur, abrumpuntur. Divina Ecclesiœ auctoritas oppu-
gnatur, ipsiusque juribus convulsis, substernitur ipsa terrenis
rationibus, ac persummam injuriam odio populorum subjicitur,
in turpem redacta servitutem. Débita episcopis obedientia infrin-
gitur eorumque jura conculcantur. Personant horrendum in
modum academiae ac gymnasia novis opinionum monstris, quibus
non occulte amplius et cuniculis petitur catholica fides, sed horri-
lîcum ac nefarium ci bellum aperte jam et propalam infertur.
Institutis enim exemploque prœceptorum corruptis adolescen-
tium animis, ingens religionis clades, morumque perversitas
teterrima percrebuit. llinc porro freno religionis sanctissimœ
projecto, per quam unam régna consistunt, dominatusque vis
ac robur lirmatur, conspicimus ordinis publici exitium, labem
(i) Luc, XXII, o3. — (2) Isaiœ, xxiv, o.
« MIRARI VOS », 15 AOUT 1832 203
Mais puisque, après des retards nécessités par les mêmes causes, nous
avons pris possession du Pontificat dans la Basilique de Latran, selon
l'usage et les institutions de nos prédécesseurs, nous courons à vous
sans aucun délai, vénérables Frères, etconuneun témoignage de nos sen-
timents pour vous, nous vous adressons cette lettre écrite en ce jour
d'allégresse, où nous célébrons, par une fête solennelle, le triomphe de la
très sainte Vierge, et son entrée dans les cieux. Nous avons ressenti sa
protection et sa puissance au milieu des plus redoutables calamités :
ah ! qu'elle daigne nous assister aussi dans le devoir que nous remplis-
sons envers vous, et inspirer d'en haut à notre âme les pensées et les
mesures qui seront les plus salutaires au troupeau de Jésus-Christ!
C'est, il est vrai, avec une profonde douleur et l'âme accablée de tris
tesse, que nous venons à vous; car nous connaissons votre zèle pour la
religion et les cruelles inquiétudes que vous inspire le malheur des temps
où elle est jetée. IN'ous pouvons le dire en toute vérité : c'est maintenant
l'heure accordée à la puissance des ténèbres pour cribler, comme le fro-
ment, les enfants d'élection. « La terre est vraiment dans le deuil ; elle
« se dissout, infectée par ses habitants; ils ont en effet ti-ansgressé les
« lois, changé la justice et rompu le pacte éternel ». Nous vous parlons,
vénérables Frères, de maux que vous voyez de vos yeux, et sur lesquels
par conséquent nous versons des larmes communes. La perversité, la
science sans pudeur, la licence sans frein s'agitent pleines d'ardeur et
d'insolence; la sainteté des mystères n'excite pius que le mépris, et la
majesté du culte divin, si nécessaire à la fois et si salutaire aux hommes,
est devenue, pour les esprits pervers, un objet de blâme, de profanation,
de dérision sacrilège. De là, la sainte doctrine altérée et les erreurs de
toute espèce semées partout avec scandale. Les rits sacrés, les droits, les
institutions de l'Eglise, ce que sa discipline a de plus saint, rien s'est
plus à l'abri de l'audace des langues d'iniquité. On persécute cruellement
notre Chaire de Rome, ce Siège du bienheureux Pierre sur lequel le Christ
a posé le fondement de son Eglise; et les liens de l'unité sont chaque
jour affaiblis de plus en plus, ou rompus avec violence. La divine auto-
rité de l'Eglise est attaquée; on lui arrache ses droits; on la juge d'après
des considérations toutes terrestres, et à force d'injustice, on la dévoue
au mépris des peuples, on la réduit à une servitude Jionteuse. L'obéis-
sance due aux évêqnes est détruite et leurs droits sont foulés aux pieds.
On entend retentir les académies et les universités d'opinions nouvelles
et monstrueuses ; ce n'est plus en secret ni sourdementqu'elles attaquent
la foi catholique; c'est une guerre horrible et impie qu'elles lui déclarent
publiquement et h découvert. Or dès que les leçons et les exemples des
maîtres pervertissent ainsi la jeunesse, les désastres de la religion pren-
nent un accroissement immense, et la plus efl'rayante immoralité gagne
et s'étend. Aussi, une fois rejetés les liens sacrés de la religion, qui seuls
conservent les royaumes et maintiennent la force et la vigueur oc l'auto-
rité, on voit l'ordre public disparaître, l'autorité malade, et toute puis-
204 LETTRE ENCYCLIQUE DE GHÉGOinE XVI
principatus omnisque legilimœ potestatis convcrsionem inva-
lescere. Qiia3 quidem tanta calaniilaliiin coogeries ex illanim in
primis conspiratione societatum ost repetenda, in quas qnidquid
in hœresibus et in sceleratissimis quihusqne sectis sacrilegiim,
llagitiosum, ac blasphemum est. quasi in sentinam quaindam,
cum omnium sordium concrctione coniluxit.
llœc, venerabiies Fratres, et alia complura, et fortassis eliam
graviora, qure in prœsens percensere longum esset, ac vos probe
nostis. in dolore esse nos jubent acerbo sane ac diuturno, quos
in catbedra principis Apostoloium constitutos zelus univers;e do-
mns Uei comedat prœ caeteris opus est. Vei-iim cum eo nos ioci
positos esse agnoscamus, quo deplorare duntaxat innumera heec
mala non sufliciat, nisi et ea convellere pro viribus connitamur ;
ad oppm tldei vestrœ confugimus vestramque pro Catholici gre-
gis sainte sollicitiidinom advocamus, venerabiies Fratres, quo-
rum spectata virtus ac religio et singuiaris prudentia et sedula
assiduitas animos nobis addit, atque in tanta rerum asperitate
afflictos consolatione sustentât pcrjucunda. Nostrum quippe est
partim vocem tollere, omniaque conari, ne aper de silva demo-
liatur vineam, neve lupi mactent gregem. Nostrum est oves in ea
duntaxat pabula compellere, quœ salutaria iisdem sint, nec vel
tenui suspicione perniciosa. Absit, carissimi, absit ut, quando
tanta premant mala, tanta impendcant discrimina, suo desint
muneri pastores, et perculsi metu dimittant oves, vel, ol.'jecta
cura gregis, otio turpeant ac desidia. Agamus idcirco in unitate
spiritus communem noslram seu verius Dei causam, et contra
communes hostes pro totius populi salute una omnium sit vigi-
lantia, una contentio.
Id porro apprime prœstabitis, si, quod vestri muneris ratio
postulat, altendatis vobis et doctrinœ. illud assidue revolventes
animo, « universalem Ecclesiam quacumque novitate pul-
« sari (1), » atque ex S. Agathonis pontificis monitu, « nihil de
« iis. quse sunt regulariter definita, minui debere, nihil mutari,
« nihil adjici, sed ea et verbis et sensibus iilibata esse custo-
« dienda (2). » Immota idne consistet firmitas unitatis, quse hac
B. Pétri cathedra suo veluti fundamento continetur, ut unde in
Ecclesias omnes venerandee communionis jura dimanant, ibi
« universis et murus sit, et securitas. et portus expers fluctuum,
« et bonorum thésaurus innumerabilium (3). » Ad eorum itaque
retundendam audaciam, qui vel jura Sanctse hujus Sedis infrin-
(1) S. Celest. PP. Ep. i\. ad Episc. G;(lli;ir. — (2) S. .Agalho PP. Ep.
ad Imp. apud Labb. Toiii II, pag. 235. Ed Maiisi.
(3) S. Innocent. PP. Ep. 11. apud Couslant.
a MIRARI VOS u, 15 AOUT 183Î 205
sance légitime menacée d'une révolution toujours plus prochaine. Abîme
(le malheurs sans fond, qu'ont surtout creusé ces sociétés conspiratrices
dans lesquelles les hérésies et les sectes ont, pour ainsi dire, vomi comme
dans une espèce de sentine, tout ce qu'il y a dans leur sein de licence, de
sacrilège et de blasphème.
Telles sont, vénérables Frères, avec beaucoup d'autres encore et peut-
être plus graves, qu'il serait aujourd'hui trop long de détailler et que
vous connaissez tous, les causes qui nous condamnent à une douleur
cruelle et sans relûche, puisqu'établi sur la Chaire du Prince des Apôtres,
nous devons plus que personne être dévoré du zèle delà maison de Dieu
tout entière. Mais la place même que nous occupons nous avertit qu'il
ne suffit pas de déplorer ces innombrables malheurs, si nous ne faisons
aussi tous nos efforts pour en tarir les sources. Nous réclamons donc
l'aide de votre foi, et pour le salut du troupeau sacré nous faisons un
appel à votre zèle, vénérables Frères, vous dont la vertu et la religion si
connues, vous dont l'admirable prudence et la vigilance infatigable
augmentent notre courage et répandent le baume de la consolation dans
notre Ame aflligée par tant de désastres. Car c'est à nous d'élever la voix,
d'empêcher par nos efforts réunis que le sanglier de la forêt ne boule-
verse la vigne et que les loups ne ravagent le troupeau du Seigneur. C'est
à nous de ne conduire les brebis que dans des pâturages qui leur soient
salutaires et où l'on n'ait pas à craindre pour elles une seule herbe mal-
faisante. Loin de nous donc, nos très chers Frères, au milieu de fléaux,
de dangers si multipliés et si menaçants, loin de nous l'insouciance et les
craintes de pasteurs qui abandonneraient leurs brebis ou qui se livreraient
à un sommeil funeste sans aucun souci de leur troupeau! Agissons en
unité d'esprit pour notre cause commune, ou plutôt pour la cause de
Dieu; et contre de communs ennemis unissons notre vigilance, pour le
salut de tout le peuple, unissons nos efforts.
C'est ce que vous ferez parfaitement si, comme votre charge vous en
fait un devoir, vous veillez sur vous et sur la doctrine, vous redisant
sans cesse à vous-mêmes que « toute nouveauté bat en brèche l'Eglise
« universelle ». et d'après l'avertissement du saint pape Agathon, « rien
« de ce qui a été régulièrement défini ne supporte ni diminution, ni
« changement, ni addition, repousse toute altération du sens et même
« des paroles. » C'est ainsi que demeurera ferme, inébranlable, cette
unité qui repose sur le Siège de saint Pierre comme sur sa base; et le
centre d'où dérivent, pour toutes les églises, les droits sacrés de la com-
munion catholique, « sera aussi pour toutes un mur qui les protégera,
« un asile qui les couvrira, un port qui les préservera du naufrage et un
« trésor qui les enrichira de biens incalculables. » Ainsi donc pour répri-
mer l'audace de ceux qui s'efforcent, ou d'anéantir les droits du Saint-
206 LETTHE ENCYCLIQUE DE GRÉGOIRE XVI
gère conanlnr, vel dirimerc Ecclesiarum cum ipsa conjunctio-
nem, qu.'iun.i enedein nituntur et virent, niaxfiniini fidei in cam
ac venoralionis sincerœ studium inculcate, inclamantes cum
S. Cypriano, « falsoconfidere se esse in Ecclesia, qui cathedram
« Pétri deserat, super quam fundata est Ecclesia (1). »
In hoc ideo elaborandum vobis est assidueque vigilandum, ut
fidei depositum custodiatur in tanta liominum impiorum conspi-
ratione, quam ad illud diripiendum perdendumque factam ia-
mentamur. Meminerunt omnes, judicium de sana doctrina, qua
populi imbuendi sunt, atque Ecclesice universœ regimen et ad-
ministrationem, pênes Ilomanum Pontilicem esse oui « plena
pascendi, regendi. etgubernandi universalem Ecclesiam potestas
a Ghristo Domino tradita fuit, » uli Patres Florentini Concilii
diserte declararunt (2). Est autem singulorum episcoporum cathe-
dra3 Pétri lidelissime adhœrere, depositum sancte religioseque
custodire, et pascere, qui in eis est, gregem Dei. Presbyteri vero
subjecti sint oportet episcopis, quos « uti animœ parentes susci-
« piendos ab ipsis esse (3) » monet llieronymus : nec unquam
obliviscantur, se vetustis etiam canonibus vetari, quidpiam in
suscepto ministerioagere, ac docendi et concionandi munus sibi
sumere « sine sententia episcopi, cujus fidei populus est credi-
« tus, et a quo pro animabus ratio exigetur (4;. » Certum denique
firmumque sit, eos omnes, qui adversus prœstitutum hune ordi-
nem aliquid moliantur, statum Ecclesiœ, quantum in ipsis est
perturbare.
Nefas porro esset, atque ab eo venerationis studio prorsus
alienum, qua Ecclesiee leges sunt excipiendee, sancitam ab ipsa
disciplinam, qua et sacrorum procuratio, et morum norma, et
jurium Ecclesise ministrorumque ejus ratio continetur, vesana
opinandi libidine improbari, vel ut certis jurisnaturaeprincipiis
infestam notari, vel mancam dici atque imperfectam civilique
auctoritati subjectam.
Cum autem, ut ïridentinorum Patrum verbis utamur, constet
Ecclesiam « eruditam fuisse a Chrislo Jesu ejusque Apostolis,
« atque a Spiritu sancto illi omnem veritatem in dies suggerente
«. edoceri (5), » absurduni plane est, ac maxime in eam injurio-
sum, restaurationem ac regenerationem quamdam obtrudi, quasi
necessariam ut ejus incolumitati et incremento consulatur,
(1) S. Cypr. de unitate Eccles.
(2) Coiic. Fior. Sess. 25. In définit, apiid Lalib. Tom XVIII, col. o28.
edit. Venet. — (3) S. Hieron Ep. 3, ad INopot. a.i ad 24. — (4) Ex Can,
Ap. 38, apud Labb. Tom. 1, pag. 38. Edit. Mansi.
(5) Conc. Tiid. Sess. 13 dec. de Eucharisl. in proœm.
« MIRARI VOS », 15 AOUT 1832 2U7
Siège, ou d'en détacher les églises dont il est le soutien et la vie, incul-
quez sans cesse aux fidèles de profonds sentiments de confiance et de
respect envers lui. faites retentir à leur oreille ces paroles de saint Cyprien :
a C'est une erreur de croire être dans l'Eglise lorsqu'on abandonne le
a Siège de Pierre, qui est le fondement de l'Eglise. »
Le but de vos efîorts et l'objet de votre vigilance continuelle, doit donc
être de garder le dépôt de la foi au milieu de cette vaste conspiration
d'hommes impies que nous vojons, avec la plus vive douleur, formée
pour le dissiper et le perdre. Que tous s'en souviennent : le jugement
sur la saine doctrine dont on doit nourrir le peuple, le gouvernement et
l'administration de l'Eglise entière appartiennent au Pontife romain,
« à qui a été confié, par Notre-Seigneur Jésus-Christ, » comme l'ont si
clairement déclaré les Pères du concile de Florence, « le plein pouvoir de
a paître, de régir et de gouverner l'Eglise universelle. » Quant aux évo-
ques en particulier, leur devoir est de rester inviolablement attachés à
la Chaire de Pierre, de garder le saint dépôt avec une fidélité scrupuleuse,
et de paître le troupeau de Dieu qui leur est soumis. Pour les prêtres, il
faut qu'ils soient soumis aux évèques et « qu'ils les honorent comme les
a pères de leurs âmes. » selon l'avis de saint Jérôme; qu'ils n'oublient
jamais quil leur est défendu, même par les anciens Canons, de rien
faire dans le ministère qui leur a été confié, et de prendre sur eux la
charge d'enseigner et de prêcher, «. sans l'approbation de l'évêque, à qui
n le soin des fidèles a été remis et qui rendra compte de leurs âmes. »
Qu'on tienne enfin pour une vérité certaine et incontestable, que tous
ceux qui cherchent à troubler en quoi que ce soit cet ordre ainsi établi,
ébranlent autant qu'il est en eux la constitution de l'Eglise.
Ce serait donc un attentat, une dérogation formelle au respect que
méritent les lois ecclésiastiques, de blâmer, par une liberté insensée
d'opinion, la discipline que l'Eglise a consacrée, qui règle l'administra-
tion des choses saintes et la conduite des fidèles, qui détermine les
droits de l'Eglise et les obligations de ses ministres, de la dire ennemie
des principes certains du droit naturel, incapable d'agir par son imper-
fection même, ou soumise à l'autorité civile.
Mais puisqu'il est certain, pour nous servir des paroles des Pères de
Trente, que a l'Eglise a été instruite par Jésus-Christ et par ses Apôtres.
« et que l'Esprit-Saint, par une assistance de tous les jours, ne manque
« jamais de lui enseigner toute vérité, « c'est le comble de l'absurdité et
de l'outrage envers elle de prétendre qu'une restaiiratton et qu'une
régénération lui sont devenues nécessaires pour assurer son existence et
ses progrès, comme si l'on pouvait croire qu'elle aussi fût sujette, soit à
'-M^ta^' -■ , T,^lA.OL.'
208 LKTTRE ENCYCLIQUE DE GRÉGOIRE XVI
pjerinde ac si censeri ipsa possit vel defectui, vel obscuralioiii,
vol aliis hujuscemodi incommodis obnoxia ; quo quodem imtli-
niine eu spectant novatores, iit « recentis humante institiilionis
« jaciantiir futidanionla, » illudque ipsiim eveniat. quod dote-
staturCyprianus, ut (jute divina n'sostcdiumanatiat Ecclesia 1).»
l'erpendant vero, qui consilia id genus niachiiiantiir, uni llomano
Pontilici ex S. Leonis teslimonio « canonum dispensationem esse
« creditam » ipsiusque duntaxat esse, non vero privati hominis,
« de paternarum regulis sanctionum » quidj)iaui deceinere,
atque ita, queniadmodum scribitS. Gelasius, « décréta canonum
« librare, decessorum((ue prœceptamotiri, utqu;e nécessitas teni-
« porum restaurandis Ecclesiis relaxanda déposait, adhibita
« consideratione diligenti tempcrentur {"2). »
Hicautemvestramvohiinusexcitataniproreligioneconstantiam
adversus fœdissimam in clericalein ctelibatum conjurationem,
quamnostisefîervescerein dieslalius, connitentibuscum perditis-
simis nostri œvi philosophis nonnuUis etiam ex ipsoecclesiastico
ordine, qui personœ obiiti munensque sui, ac bianditiis abrepti
voiuptatum, eo licentiaî proruperunt, ut publicas etiam atque
iteratas aliquibus in locis ausi sint adhibere principibus postu-
lationesad disciplinam illam sanctissimam perfrmgendam. Sed
piget de turpissimishisceconatibus longe vos scrmonedistinere,
vestrroque potius religioni tidentes committimus, ut legem
niaximi momenti, in quam lascivientium Icla undique sunt
intenta, sartam tectain custodiri, vindicari, defendi, ex sacrorum
canonum prœscripto, omni ope contendalis.
Honorabile deinde Christianorum connubium, quod « Sacra-
« mentum magnum » nuncupavit Paulus « in Christo et Eccle-
« sia (3) » communes nostras cuias efllagitat, ne quid adversus
ipsius sanctitatem. ac de indissulubiii ejusdem vinculo minus
recte sentiatur, vel tentetur induci. Impense id jam commenda-
rat suis ad vos Litteris felicis recordationis prœdecessor noster
Pius VIII : adhuc tamen infesta eidem moiimina succrescunt.
Docendi itaque sunt sedulo populi, matrimonium semel rite ini-
tum dirimi amplius non posse, nexisque connubio Deum indi-
disse perpetuam vitae societatem, nodumque necessitudinis, qui
exsolvi, nisi morte, non possit. Memores, sacris illud rébus
adnumerari, et Ecclesiœ proinde subjici, prœstitutas de ipso
ejusdem Ecclesias leges habeant ob oculos, iisque pareant sancte
accurateque, ex quarum executione omnino pendet ejusdem
connubii vis, robur, ac justa consociatio. Gaveant, ne quod sa-
(1) S. Cypr. Ep. o-2, Edit. Baluz. — (2) S. Gelasius PP. in Ep. ad
Episcop. Lucaiiiœ. — (3) Ej)lies., v, 32.
€ MIRARI VOS », 15 AOUT 1832 209
la défaillance, soit à robscurcisscnient, soit à toute autre altération de ce
genre, l^t que veulent ces novateurs téméraires, sinon « donner de nou-
« veaux fondements à une institution qui ne serait plus, par là même,
0 que l'ouvrage de Ihonime » et réaliser ce que saint Cj'prien ne peut
assez détester, a en rendant lEglisc tout humaine de divine qu'elle
a est? » Mais que les auteurs de semblables manœuvres sachent et
retiennent qu'au seul Pontife Romain, d'après le témoignage de saint
Léon « a élé confiée la dispensation des Canons, » que lui seul, et non
pas un simple particulier, a le pouvoir de prononcer a sur les règles
« sanctionnées par les Pères, » et qu'ainsi, comme le dit saint Gélase,
€ c'est à lui de balancer entre eux les divers décrets des Canons, et de
« limiter les ordonnances de ses prédécesseurs, de manière à relâcher
« quelque chose de leur rigueur et à les modifier après mûr examen,
a selon que le demande la nécessité des temps, pour les nouveaux besoins
« des églises. »
Nous réclamons ici la constance de votre zèle en faveur de la Religion
contre les ennemis du célibat ecclésiastique, contre celte ligue impure
qui s'agite et s'étend chaque jour, qui se grossit même par le mélange
honteux de plusieurs transfuges de l'ordre clérical et des plus impudents
philosophes de notre siècle. Oublieux d'eux-mêines et de leur devoir,
jouets de passions séductrices, ces transfuges ont poussé la licence au
point d'oser, en plusieurs endroits, présenter aux princes des requêtes,
même publiques et réitérées, pour obtenir l'abolition de ce point sacré
de discipline. iMais nous rougissons d'arrêter longtemps vos regards sur
de si honteuses tentatives, et pleins de confiance en votre religion, nous
nous reposons sur vous du soin de défendre de toutes vos forces, d'après
les règles des saints Canons, une loi de si haute importance, de la con-
server dans toute son intégrité, et de repousser les traits dirigés contre
elle de tous côtés par des hommes que tourmentent les plus infâmes
passions.
Un autre objet appelle notre commune sollicitude, c'est le mariage des
chrétiens, cette alliance honorable que saint Paul a appelée « un grand
Sacrement en Jésus-Christ et en son Eglise. »
EtoufTons les opinions hardies et les innovations téméraires qui
pourraient compromettre la sainteté de ses liens et leur indisso-
lubilité. Déjà cette recommandation vous avait été faite d'une manière
toute particulière par les Lettres de notre prédécesseur Pie VIII, d'heu-
reuse mémoire. Cependant les attaques de l'ennemi vont toujours
croissant; il faut donc avoir soin d'enseigner au peuple que le mariage,
une fois légitimement contracté, ne peut plus être dissous ; que Dieu
a imposé aux époux qu'il a unis l'obligation de vivre en perpétuelle
société, et que le nœud qui les lie ne peut être rompu que par la
mort. N'oubliant jamais que le mariage est renfermé dans le cercle des
choses saintes et placé par conséquent sous la juridiction de l'Eglise, les
fidèles auront sous les yeux les lois qu'elle-même a faites à cet égard ; ils
y obéiront avec un respect et une exactitude religieuse, persuadés que,
de leur exécution, dépendent absolument les droits, la stabilité et la
légitimité de Tunion conjugale. Qu'ils se gardant d'admettre en aucune
210 LETTRL ENCYCLIQUE DE GRÉGOIIlE XVI
croniin canunum placitis Gonciliorumque tlecretis officiât, ulla
ratiulie admittant, probe gnari, exitiis infelices illa habitura
esse conjugia, quœ vel adversus EcclesiiB disciplinain, vel non
propitiato prius Dec, vel solo œstu libidinis juri^antur, quin de
sacramento ac de mysteriis, quae illo significantur, ulla teneat
sponsos cogitatio.
Alteram iiunc pei'soquimur causam malorum uberriman^,qui-
bus afllictari Ln prœsens comploramus Ecclesiam, indiiïerentis-
nuini scilicet, seu pravam illam opinionem, qiias improborum
fraude ex omni parte percrebuit, qualibet fidei professione reter-
nam posse uninite salutem comparari, si mores ad recti honesti-
que normam exigantur. At facili sane negotio, in re perspicua
planeque evidenli, errorem cxitiosissimum a populis vestrse
curœ concreditis propelletis. Admonente enim Aposlolo (1),
« unum esse Deum, unam fidem, unum baptisma, » extinie-
scant, qui e religione qualibet palere ad portum beatitudinis
adituni comminiscuntur, reputentque animo ex ipsius Servato-
ris testimonio, « esse se contra Christum, quia cum Christo non
« sunt (2), » seque infeliciter dispergere, quia cum ipso non col-
ligunt, ideoque « absque dubio aîternum esse pcrituros, nisi
« teneant catholicam fidem, eamquc integram invioljitamque
« servaverint (3). » Hieronymum audiant, qui, cum in très
partes schismate scissa esset Ecclesia, narrât se, tenacem pro-
positi, quando aliquis rapere ipsum ad se nitebatur, constanter
claniitasse : « Si quis cathedrœ Pétri jungitur, meus est (4). »
Falso autem sibi quis blandiretur, quod et ipse in aqua sit rege-
neratus. Opportune enim responderet Augustinus (5) : « Ipsam
« formam habet etiam sarmentum, quod prsecisum est de vite:
« sed quid illi prodest forma si non vivit de radice? »
Atque ex hoc putidissimo indifferentismi fonte absurda illa
finit ac erronea sententia, seu potius deliramentum, asserendam
esse ac vindicandam cuilibet libertatem conscientiœ. Gui qui-
dem pestilentissimo errori viam sternit plena illa atque immo-
derata libertas opinionum, quae in sacras et civilis rei labem
late grassatur, dictitantibus per summani impudentiam nonnul-
lis, aliquid ex ea commodi in religionem promanare. At « quae
« pejor mors animœ, quam libertas erroris? » inquiebat Augu-
stinus (6). Freno quippe omni adempto quo homines continean-
tur in semitis veritatis, proruente jam in praeceps ipsorum
natura ad malum inclinata, vere apertum dicimus puteum
(1) Epiies., IV, o. — (2) Luc, xi, 23. — (3) Symbol. S. Athanas. —
(4) S. Hier. Ep. 58. — (S) S. Aug. in Psal. contra part. Donat. —(6)
S. Aug. Ep. 166.
€ MIRARI VOS ï, 15 AOUT 1832 21 1
façon rien de ce (]ui déroge aux règles canoniques et aux décrets des
conciles; sachant bien qu'une alliance sera toujours malheureuse, lors-
qu'elle aura été formée, soit en violant la discipline ecclésiastique, soit
avant d'avoir obtenu la béucdiclion divine, soit en ne suivant que la
lougue d'une passion qui ne leur permet de penser ni au sacrement, ni
aux mystères augustes qu'il signifie.
Nous venons maintenant à une cause, hélas! trop féconde des maux
déplorables (jui afiligent à présent l'Eglise. Nous voulons dire Vindiffé-
rentisvie, ou cette opinion funeste réoandue partout par la fourbe des
méchants, qu'on peut, par une profession de foi quelconque, obtenir le
salut éternel de l'àme, pourvu qu'on ait des mœurs conformes à la jus-
tice et à la probité. Mais dans une question si claire et si évidente, il
vous sera sans doute facile d'arracher du milieu des peuples confiés à
vos soins une erreur si pernicieuse. L'Apôtre nous en avertit : « Il n'y a
« qu'un Dieu, qu'une foi, qu'un baptême » ; qu'ils tremblent donc ceux
qui s'imaginent que toute religion conduit par une voie facile au port de
la félicité ; qu'ils réiléchissent sérieusement sur le témoignage du Sauveur
lui-même: « qu'ils sont contre le Christ dès lors qu'ils ne sont pas
1 avec le Christ ; ■» qu'ils dissipent misérablement par là même qu'ils
n'amassent point avec lui, et que, par conséquent, a ils périront éternel-
« lement, sans aucun doute, s'ils ne gardent pas la foi catholique et s'ils
oc ne la conservent entière et sans altération. 35 Qu'ils écoutent saint
Jérôme racontant lui-même, qu'à l'époque où l'Eglise était partagée en
trois partis, il répétait sans cesse et avec une résolution inébranlable, à
qui faisait effort pour l'attirer à lui: « Quiconque est uni à la chaire de
a Pierre est avec moi. » En vain essayerait-on de se faire illusion en
disant que soi-même aussi on a été régénéré dans l'eau, car saint
Augustin répondrait précisément : «. 11 conserve aussi sa forme, le sar-
oc ment séparé du cep ; mais que lui sert cette forme, s'il ne vit point de
a la racine? »
De cette source empoisonnée de Vinclifferentïsme, découle cette maxime
fausse et absurde ou plutôt ce délire : qu'on doit procurer et garantir à
chacun la liberté de conscience ; erreur des plus contagieuses, à laquelle
aplanit la voie cette liberté absolue et sans frein des opinions qui, pour
la ruine de l'Eglise et de l'Etat, va se répandant de toutes parts, et que
certains hommes, par un excès d'impudence, ne craignent pas de repré-
senter comme avantageuse à la religion. Eh! « quelle mort plus funeste
« pour les ùmes, que la liberté de l'erreur! » disait saint Augustin. En
voyant ôter ainsi aux hommes tout frein capable de les retenir dans les
sentiers de la vérité, entraînés qu'ils sont déjà à leur perte par un naturel
enclin au mal, c'est en vérité que nous disons qu'il est ouvert ce puits
de l'abîme, d'où saint Jean vit monter une fumée qui obscurcissait le
212 LLTTRE ENCYCLIQUE DE GRÉGOIRE XVI
abyssi (i), e quo vidit Joannes ascondere fumum qdo obscnia-
tus ost sol, lociistis Pî eo prodeuntibus in vastit.itoin bivras. Inde
enim animorum inimutationes, inde adolcscentium in détériora
corruptio, inde in populo sacrorum reriinique ac legiim sandis-
simarum contemptus, inde uno verbo [lestis rei publica; prae
qiialibet capitalior, cum experientia teste vel a prima antiqui-
tate notum sit, civitates^ qiige opibus, imperio, gloria floruere,
hoc uno malo concidisse. iiberlate immoderata opinionum, li-
centia concionum, rerunn novandarum cupiditate.
Iluc spectat deterrima i!Ia ac niinquam satis exsecranda et
deiestabilis libertas artis librariœ ad scripta quoclibet edenda
in vulgus, quam tanto convicio audent nonnulli efflagitare ac
promovere. Perhorrescimus, venerabiles Fratres, intuentes qui-
bus monstris doctrinarum, sou potius quibus errorum portentis
obruamur, quœ longe ac late ubique disseminantur ingenti
librorum multitudine, libellisque et scriptis, mole quidem exigiiis,
malitia tamen permagnis, e quibus nialedicitonem egressam
illacryinamur super faciem terrse. Sunt tamen. proh dolor! qui
eo impudentiœ abripian'.ur, ut asserant pugnaciter, banc erro-
rum colluviem inde prorumpentem. satis cumuiate compensari
ex libro aliquo, qui in bac tanla pravitatum tempestate ad
religionem ac veritalcni propugnandam edatur. Nefas profecto
est, omniquc jure improbatum, patrari data opéra malum certum
ac majus, quia spes sit, inde boni aliquid habiliim iri. IS'umquid
venena bbere spargi, ac publiée vendi comportarique, imo et
obbibi debere sanusquis dixerit, quod remedii quidpiam habea-
tur, quo qui utuntur, eripi eos ex interitu identidem contingat?
Verum longe alla fuit Ecclesiae disciplina in exscindenda malo-
rum librorum peste vel ab Apostolorum setate, quos legimus
grandem librorum vim publiée combussisse (2). Satis sit, leges
in Concilio LateranensiV in eam rem datas perlegere, et consti-
tutionem, quse deinceps a Leone X fel. rec. prsedecessore nostvo
fuit édita, ne « id quod ad fidei augmentum acbonarum artium
« propagationem salubriter est inventum. in contrarium conver-
« tatur. ac Christi lidelium saluti detrimentum pariât (i). »
Id quidem et Tridentinis Patribus maximœ curœ fuit, qui
remedium tanto huic malo adbibuere, edito saluberrimo decreto
de Indice librorum, quibus impura doctrina contineretur, confi-
ciendo (4). « Pugnandum est acriter, » inquit Clemens Xlll fel.
(1) Apocalyps., ix, 3. — (2) Act. xix. \9. — (3) Act. Conc. Lateran.
V. Sess. 10, ubi refertur Const. Leoiiis X. S.egeiida est anicrior Const.
Alexandri VI, Inter muttiplices, in qua niulla ad rem. — (4) Conc. Trid.
Sess. XVIII et xxvi.
« MIRARI VOS », 15 AOUT 183'î 213
soleil, et des sauterelles sortir pour la dévastation <Ic la terre. De la, en
effet, le peu de stabilité des esprits ; de là, la corruption toujours crois-
sante des jeunes gens; de là, dans le peuple, le mépris des droits sacrés,
des choses et des lois les plus saintes ; de là, en un mot, le fléau le plus
funeste qui puisse ravager les Etats ; car l'expérience nous l'atteste et
l'antiquité la plus reculée nous l'apprend : pour amener la destruction
des Etats les plus riches, les plus puissants, les plus glorieux, les plus
florissants, il n'a fallu que cette liberté sans frein des opinions, cette
licence des discours publics, cette ardeur pour les innovations.
A cela se rattache la liberté de la presse, liberté la plus funeste, liberté
exécrable, pour laquelle on n'aura jamais assez d'horreur et que certains
hommes osent avec tant de bruit et tant d'instance, demander et étendre
partout. iNous frémissons, vénérables Frères, en considérant de quels
monstres de doctrines, ou plutôt de quels prodiges d'erreurs nous sommes
accablés ; erreurs disséminées au loin et de tous côtés par une multitude
immense de livres, de brochures, et d'autres écrits, petits il est vrai en
volume, mais énormes en perversité, d'oii sort la malédiction qui couvre ,
la face de la terre et fait couler nos larmes II est cependant, ô douleur!
des hommes emportés par un tel excès d'impudence, qu'ils ne craignent
pas de soutenir opiniâtrement que le déluge d'erreurs qui découle de là
est assez abondamment compensé par la publication de quelque livre
imprimé pour défendre, au milieu de cet amas d'iniquités, la vérité et la
religion. Mais c'est un crime assurément, et un crime réprouvé par toute
espèce de droit, de commettre de dessein prémédité un mal certain et
très grand, dans l'espérance que peut-être il en résultera quelque bien ;
et quel homme sensé osera jamais dire qu'il est permis de répandre des
poisons, de les vendre publiquement, de les colporter, bien plus, de les
prendre avec avidité, sous prétexte qu'il existe quelque remède qui a
parfois arraché à la mort ceux qui s'en sont servis ?
Mais bien différente a été la discipline de l'Eglise pour l'extinction des
mauvais livres, dès l'âge même des Apôtres. Nous lisons, en effet, qu'ils
ont brûlé publiquement une grande quantité de livres. Qu'il suffise,
pour s'en convaincre, de lire attentivement les lois données sur cette
matière dans le V^ Concile de Latran et la Constitution publiée peu après
par Léon X, notre prédécesseur d'heureuse mémoire, pour empêcher
€ que ce qui a été heureusement inventé pour l'accroissement de la foi et
« la propagation des arts utiles, ne soit perverti en un usage tout con-
« traire et ne devienne un obstacle au salut des fidèles. » Ce fut aussi
l'objet des soins les plus vigilants des Pères de Trente ; et pour apporter
remède à un si grand mal, ils ordonnèrent, dans le décret le plus salu-
taire, la confection d'un Index des livres qui contiendraient de mauvaises
214 LETTRE ENCYCLIQUE DE GUÉGOIHE XVI
rec. praedecessor nosler in suis de noxioriim librorum proscri-
ptione encyclicis Lilleris, «pugnandum est «icriter, quantum res
« ipsa efllagitat, et pro viribus, tôt librorum morlifera extermi-
« nanda pcrnicies : nunquam enim matera subtrahetur erroris,
« nisi pravitatis facinorosa elemcnta in flammis combusta
« depereant (1). » Exhac itaqiio conslanti omnium œtatum solli-
citudine, qua semper sancta haic Apostolica Sedes suspr-ctos et
noxios libres damnare, et de bominnm manibus extorquera
enisa est, patct luculentissime, quantopere falsa, temeraria,
(Mdemque Apostolicae Sedi injnriosa, et fœcunda malorum in
christiano populo ingentium sit illorum doctrina qui nedum
censuram librorum veluti gravem nimis, et onerosam rejiciunt,
sed eo etiam improbitalis progrediuntur, ut eam prœdicent a
recti juris principiis abhorrere, jusque illius decernendœ haben-
dseque, audeant Ecclesise denegare.
Gum autem circumlatis in vulgus scriptis doctrinas quasdam
promulgari acceperimus. quibus débita erga principes fides atque
submissio labefactatur, facesque perduellionisubique incendun-
tur : cavendum maxime erit, ne populi inde decepti a recti
semita abducantur. Animadvertant onines, « non esse, juxta
« Apostoli monitum, potestatem nisi a Deo : qnro autem sunt, a
« Deo ordinatie sunt. Itaque qui resistit poteslati, Dei ordinationi
« resistit, et qui resistunt, ipsi sibi damnationem acquirunt (2). »
Ouocirca et divina et humana jura in eos clamant, qui turpissi-
mis perduellionis seditionumque machinationibus a (ide in prin-
cipes desciscere, ipsosque ab imperio deturbare connituntur.
Atque bac plane ex causa, ne tanta se turpitudine fœdarent
veteres Christiani, sœvientibus licet persecutionibus, optime
tamen eos de imperatoribusac de imperii incolumitate meritos
fuisse constat, idque nedum fide in iis^ quai sibi mandabantur
religioni non contraria, accurate prompteque perflciendis, sed
et constantia, et efîuso etiam in prœliis sanguine luculentissime
comprobasse. « Milites christiani, ait S. Augustinus, scrvierunt
« impcratori infideli ; ubi veniebatur ad causam Christi, non
« agnoscebant, nisi illum qui in cœlis erat. Distingnebant domi-
« num œternum a domino temporal i, et tamen subditi erant
« propter Dominum œternum etiam domino temporali (3). »
Usée quidem sibi ob oculos proposuerat Mauritius martyr invi-
ctus, legionis Tuebange primicerius, quando, ut S. Eucherius
refert, heec respondit imperatori : « Milites sumus. iniperator,
« tui, sed tamen servi, quod libère confitemur, Dci... Et nunc
(1) Lit. Clem. XIII. Ghristiana' -2j iiov. 1760.— (2) Rom., \iii, 1,2,
— (3) S. Aug. in Psal. 124, n. 7.
« MIRARI VOS », 15 AOUT 1832 215
doclrincs. « 11 faut combattre avec courage, » dit Clément XIII, notre
prédécesseur d'heureuse mémoire, dans sa lettre encyclique sur la pros-
cription des livres dangereux, « il faut combattre avec courage, autant
0 que la chose elle-même le demande, et exterminer de toutes ses forces
« le fléau de tant de livres funestes ; jamais on ne fera disparaître la
« matière de Terreur, si les criminels éléments de la corruption ne pé-
« rissent consumés parles flammes. » Par cette constante sollicitude avec
laquelle, dans tous les ûges, le Saint-Siège Apostolique s'est efforcé de
condamner les livres suspects et dangereux et de les arracher des mains
des hommes, il apparaît clairement combien est fausse, téméraire, inju-
rieuse au Siège Apostolique, et féconde en grands malheurs pour le
peuple chrétien, la doctrine de ceux qui, non contents de rejeter la
censure comme trop pesante et trop onéreuse, ont poussé la perversité,
jusqu'à proclamer qu'elle répugne aux principes de la justice et jusqu'à
refuser audacieusement à l'Eglise le droit de la décréter et de l'exercer.
Nous avons appris que, dans des écrits répandus dans le public, on
enseigne des doctrines qui ébranlent la fidélité, la soumission due aux
princes et qui allument partout les torches de la sédition; il faudra
donc bien prendre garde que trompés par ces doctrines, les peuples ne
s'écartent des sentiers du devoir. Que tous considèrent attentivement que
selon l'avertissement de l'Apôtre, <t il n'est point de puissance qui ne
« vienne de Dieu ; et celles qui existent ont été établies par Dieu ; ainsi
« résister au pouvoir c'est résister à l'ordre de Dieu, et ceux qui résis-
« tent attirent sur eux-mêmes la condamnation. » Les droits divins et
humains s'élèvent donc contre les hommes qui, par les manœuvres les
plus noires de la révolte et de la sédition, s'efforcent de détruire la fidé-
lité due aux princes et de les renverser de leurs trônes.
C'est sûrement pour cette raison et pour ne pas se couvrir d'une
pareille honte, que malgré les plus violentes persécutions, les anciens
chrétiens ont cependant toujours bien mérité des empereurs et de l'em-
pire; ils l'ont clairement démontré, non seulement par leur fidélité à
obéir exactement et promptementdans tout ce qui n'était pas contraire à
la religion, mais encore par leur constance et par l'effusion même de
leur sang dans les combats. « Les soldats chrétiens, dit saint Augustin, ont
« servi l'«mpereur infidèle; mais s'agissait-il de la cause du Christ? ils
« ne reconnaissaient plus que celui qui habite dans les cieux. Ils distin-
« guaient le Maître éternel du maître temporel, et cependant à cause du
« Maître éternel ils étaient soumis au maître même temporel. » Ainsi
pensait Maurice, l'invincible martyr, le chef de la légion thébaine, lors-
qu'au rapport de saint Eucher, il fit cette réponseà l'empereur : « Prince.
<( nous sommes vos soldats; mais néanmoins, nous le confessons libre-
« ment, les serviteurs de Dieu... Et maintenant ce péril extrême ne fait
210 LETTRE ENCYCLIQUE DE GnÉGOIRE XVI
« non nos hœc ultima vilae nécessitas in rebellionem coegit:
« lenenius ecce arma, et non resistimus, quia mori, quam occi-
« dere satins volumus (1). » Qiiaî quidem veterum Christiano-
rum in principes fides eoetiam illustrior elTuIget, si perpendatur
cum TfMlulliano tune tomporis Christianis « non defuisse vim
« nunierorum et copiarum, si hostes exertos agere voluissent.
« llesterni sumus, inquit ipse, et vestra omnia implevinius,
« urbes, insulas, castella, municipia, conciliabula, castra ipsa,
« tribus, decurias, palatium, senatum, forum.... Cui bello non
« idonei, non prompti fuissemus, etiam impares copiis, qui lam
« libentor trucidamur, si non apud istam disciplinam niagis
« occidi liceret, quam occidere ?... Si tantas vis hominum in
« aliquem orbis remoti sinuni abrupissemus a vobis, suiïudisset
« utique pudore dominationem vestram tôt qualiunicumque
« amissio civium, imo et ipsa destitutione punisset. Procul
« dubio expavissetis ad solitudinem vestram;... queesissetis,
« quibus imperaretis : plures hostes, quam cives vobis reman-
« sissent : nunc autem pauciores hostes habetis prae multitudine
« Christianorum i2). »
Praeclara hœc immobilis subjectionis in principes exempla,
quœ ex sanctissimis Christianae religionis prœceptis necessario
proficiscebantur, detestandam illorum insolentiam, et improbi-
tfitem condemnant, qui projecta, efïrenataque procacis libertatis
cupiditate œstuantes, toti in eo sunt, ut jura quœque principa-
tuum labefactent atque convellant, servitutem sub libertatis
specie populis illaturi. Hue sane scelestissima deliramenta con-
siliaque conspirarunt Waldensium, Beguardorum, Wicleûsta-
rum, aliorumquehujusmodi filiorum Belial, qui humani generis
sordes ac dedecora fuere, merito idcirco ab Apostolica hac Sede
toties anathemate confixi. Nec alia profecto ex causa omnes
vires intendunt veteratores isti. nisi ut cum Luthero ovantes
gratulari sibi possint, « liberos se esse ab omnibus » : quod ut
facilius celeriusque assequantur, flagitiosiora quœlibet audacis-
sime aggrediuntur.
rs'eque lœtiora et religioni et principatui ominari possemus ex
eorum votis, qui Ecclesiam a legno separari, mufuamque im-
perii cum sacerdotio concordiani abnnnpi discupiunt. Constat
quippe,pertiniesci ab impudentissimœ libertatis amatoribus con-
corcliam illam, quae semper rei et sacras et civili fausta extitit
ac salutaris.
At ad caeteras acerbissimas causas, quibus solliciti sumus, et
(1) S. Euclier. apml Ruinard. Act. SS. MM. de SS. .Mauril. et Soc, n. 4.
— (2j Tertul. in Apolog. Cap. 35.
» MIRARI VOS n, 15 AOUT ISSÎ 217
Œ point de nous des rebelles; vojcz, nous avons les armes à la main, et
« nous ne résistons point, car nous aimons mieux mourir que de tuer. »
Cette fidclilé des anciens chrétiens envers les princes apparaît plus
illustre encore, si Ton considère, avec Tcrtullien, que la force du
nombre et des « troupes ne leur manquait pas alors, s'ils eussent voulu
« agir en ennemis déclares. Nous ne sommes que d'hier, dit-il lui-même,
« etnous remplissons tout, vos villes, vos îles, vos iorteresses, vos muni-
« cipes, vos assemblées, les camps eux-mêmes, les tribus, les décuries,
« le palais, le sénat, le forum... A quelle guerre n'eussions-nous pas été
« propres et disposés même à forces inégales, nous, qui nous laissons
« égorger avec tant de facilité, si par la foi que nous professons il n"éta;t
« pas plutôt permis de recevoir la mort que de la donner ? Nombreux
« comme nous le sommes, si, nous étant retirés dans quelque coin du
« monde, nous eussions rompu avec vous, la perte de tant de citoyens,
<i quel qu'eût été leur caractère, aurait certainement fait rougir de honte
« votre tyrannie. Quedis-je? Cette seule séparation eût été votre chûti-
« ment. Sans aucun doute, vous eussiez été saisis d'etfroi à la vue de
<i votre solitude... Vous eussiez cherché à qui comnaander; il vous fût
« resté plus d'ennemis que de citoyens; mais maintenant vos ennemis
e sont en plus petit nombre, grâce à la multitude des chrétiens. »
Ces éclatants exemples d'une constante soumission envers les princes,
tiraient nécessairement leur source des préceptes sacrés de la religion
chrétienne; ils condamnent l'orgueil démesuré, détestable de ces hommes
déloyaux qui, brûlant d'une passion sans règle et sans frein pour une
liberté qui ose tout, s'emploient tout entiers à renverser et à détruire
tous les droits de l'autorité souveraine, apportant aux peuples la servi-
tude sous les apparences de la liberté. C'était vers le même but, aussi,
que tendaient de concert les extravagances coupables et les désirs crimi-
nels des Vaudois, des Béguards, des Wicléfistes et d'autres semblables
enfants de Bélial, la honte et l'opprobre du genre humain, et pour ce
motif ils furent, tant de fois et avec raison, frappés d'anathème par le
Siège Apostolique. Si ces fourbes achevés réunissent toutes leurs forces;
c'est sûrement et uniquement afin de pouvoir dans leur triomphe se féli-
citer, avec Luther, d'être libres de tout ; el c'est pour l'atteindre plus
facilement et plus promptement qu'ils commettent avec la plus grande
audace les plus noirs attentats.
Nous ne pourrions augurer des résultats plus heureux pour la reli-
gion et pour le pouvoir civil, des désirs de ceux qui appellent avec tant
d'ardeur la séparation de l'Eglise et de l'Etat, et la rupture de la con-
corde entre le sacerdoce et l'empire. Car c'est un fait avéré, que tous les
amateurs de la liberté la plus effrénée redoutent par dessus tout cette
concorde, qui toujours a été aussi salutaire et aussi heureuse pour
l'Eglise que pour l'Etat.
218 LETTRE ENCYCLIQUE DE GRÉGOIRE XVI
in communi discrimine dolore quodam an.iîimnr prrecipuo, ac-
cessere consociationes qnredani, statitpie ('ijotiis, quibus, quasi
agniine facto cnm cujnsciimque etiam lalsre religionis al cultiis
sectatoribus, simulala (luidem in religionempietate, vere tamen
novitatis seditionumque ubique proniovcndarum cupidino, li-
bertas omnis generis prœdicatur, peiiiirbationes in sacram et
civilem rem excitantur, sanctiorquaîlibet auctorilas discerpitur.
HcBcperdolenti sane animo, fidontes tamen in Eo, qui iniperat
ventis et facit tranquillitatem, scribimus ad vos, venerabiles
Fratres, ut induti sciitum lidei contendatis prœliari strenue
prœlia Domini. Ad vos potissiniuni pertinet, stare pro muro
contra omnem altitudinem extollontem se ad versus scientiam
IJei. Exerite gladium spiritus^ qnod est verbum Dei, habeantque
avobispanem, qui esuriunt justitiam. Adsciti, ut sitis cultores
gnavi in vinea Domini, id unum agite, in hoc simul laixtrate, ut
radix quœlibet amaritudinis ex agro vobis commisso evellatur,
omnique enecato semine vitiorum convalescat ibi seges keta vir-
tutum. Eos in primis afTeetu paterno complexi, qui ad sacras
prœsertim disciplinas, et ad philosophicas quœstiones animum
appulere, hortatores auctoresque iisdem sitis, ne solius ingenii
sui viribus freti imprudenler a veritatis semita in viam abeant
impiorum. Meminerint, Deum esse « sapientiœ ducem, eincnda-
toremque sapientium (1), » ac lieri non posse ut sine Deo Deum
discamus, qui per Verbum docet homines scire Deum (ïJ). Su-
perbi, seu potius insipientis hominis est, fidei mysteria. quœ
exsuperant omnem sensum, humanis examinare ponderibus,
nostrœque mentis ratione conlidere, qu;e naturaî humange con-
ditionedebilis est et infirma.
Cœterum communibus hisce votis pro rei et sacrée et publicae
incolumitate carissimi in Christo lilii nostri viri principes sua
faveant ope et auctoritate, quam sibi collatam considèrent non
solum ad mundi regimen, sed maxime ad Ecclesiaî praesidium.
Animadvertant sedulo, pro illorum imperio et quiète geri. quid-
quid pro Ecclesiœ salute laboratur: imo pluris sibi suadeant
tidei causam esse debere quam regni, magnumque sibi esse per-
pendant, dicimus cum S. Leone Pontifice, « si ipsorum diade-
mati de manu Domini etiam tidei addatur corona. » Positi
quasi parentes et tutores popuiorum, veram, constantem, opu-
lentam iisquietem parient et tranquiliitatem, si in eam potissi-
mum curam incumbant, ut incolumis sit religio et pietas in
Deum, qui habet scriptum in femore : « Rex regum et Dominus
dominantium (3).w
(1) Sap. vil, 15. — (12) S. Irenœus lib. iv,cap. 6. — (3j .\poc., \ix, 16
ot MIRARI VOS », 15 AOUT 1832 219
Aux autres causes de notre déchirante sollicitude et de la douleur acca-
blante (]ui nous est en quelque sorte particulière au milieu du danger
coninuui, viennent se joindre encore certaines associations et réunions,
ayant des règles déterminées. Elles se forment comme en corps d'armée,
avec les sectateurs de toute espèce de fausse religion et de culte, sous les
&pparences, il est vrai, du dévouement à la religion, mais en réalité dans.
le désir de répandre partout les nouveautés et les séditions, proclamant
toute espèce de liberté, excitant des troubles contre le pouvoir sacré et
contre le pouvoir civil, et reniant toute autorité, même la plus sainte.
C'est avec un cœur déchiré, mais plein de confiance en Celui qui com-
mande aux vents et rétablit le calme, que nous vous écrivons ainsi, véné-
rables Frères, pour vous engager à vous revêtir du bouclier de la foi, et
à déployer vos forces en combattant vaillamment les combats du Seigneur.
A vous surtout il appartient de vous opposer comme un rempart ù toute
hauteur qui s'élève contre la science de Dion. Tirez le glaive de l'esprit,
qui est la parole de Dieu, ei cionnez la nourriture à ceux qui ont faim
de la justice. Choisis pour cultiver avec soin la vigne du Seigneur, n'agissez
que dans ce but et travaillez tous ensemble à arracher toute racine amère
du champ qui vous a été confié, à y étouffer toute semence de vices
et à y faire croître une heureuse moisson de vertus. Embrassez avec une
affection toute paternelle ceux surtout qui appliquent spécialement leur
esprit aux sciences sacrées et aux questions philosophiques : exhortez-les
et amenez-les à ne pas s'écarter des sentiers de la vérité pour courir dans
la voie des impies, en s'appuyant imprudemment sur les seules forces de
leur raison. Qu'ils se souviennent que c'est -< Dieu qui conduit dans les
<r routes de la vérité et qui perfectionne les sages, » et qu'on ne peut,
sans Dieu, apprendre à connaître Dieu, le Dieu qui, par son Verbe,
enseigne aux hommes à le connaître. C'est à l'homme superbe, ou plutôt
à l'insensé de peser dans des balances humaines les mystères de la foi,
qui sont au-dessus de tout sens humain, et de mettre sa confiance dans
une raison qui, par la condition même de la nature de l'homme, est faible
et débile.
Au reste, que les Princes nos très chers fils en Jésus-Christ favorisent
de leur puissance et de leur autorité les vœux que nous formons avec
eux pour la prospérité de la religion et des Etats ; qu'ils songent que le
pouvoir leur a été donné, non seulement pour le gouvernement du
monde, mais surtout pour l'appui et la défense de l'Eglise ; qu'ils consi-
dèrent sérieusement que tous les travaux entrepris pour le salut de
l'Eglise, contribuent à leur repos et au soutien de leur autorité. Bien
plus, qu'ils se persuadent que la cause de la foi doit leur être plus chère
que celle même de leur empire, et que leur plus grand intérêt, nous le
disons avec le Pape saint Léon, « est de voir ajouter, de la main du Sei-
oc gneur, la couronne de la foi à leur diadème. » Etablis comme les pères
a et les tuteurs des peuples, ils leur procureront un bonheur véritable
et constant, l'abondance et la tranquillité, s'ils mettent leur principal
soin à faire fleurir la religion et la piété envers le Dieu qui porte écrit
sur sou vêtement: « Roi des rois, Seigneur des seigneurs. »
220 LETTRE EXCYCLIQUE DE GRÉGOIRE XVI
Sed ut oinnia hœc prospère ac folicitor evoniant, levaimis
oculos nianusque ad sanctissimam Virginein Mariain, quœ sola
iinivorsas hœreses int(M*emit, noslracjue niaxima lidiicia, iino
Iota ratio est spej nostrtc (1). Suo ipsa patrocinio, in tanta Do-
minici gréais necessitate, sludiis, consilii.s, actionibiisque nostris
cxitiis secundissimos iniploret. Id et ai) ai)ostol<»riim principe
Pelro, et alj ejus coaposlolo Paulo liuniili pre*-»' el'llagitenins, ut
stetis onines pro niuro, ne fundanientinn aliud ponatiir prœter
id ipiod positiim est. Ilacjncunda spc freti, conlidinius, auctorein
consummatorenique fidei .lesuni Cliristuin consolaturuin tandem
esse nos ouines in tril)ulationiljus, quœ invenerunt nos niniis,
cœlestique auxilii auspicein apostolicaui lienedictionem, voijis,
venerabiles Fratres, et ovibus vestree curae traditis peramanter
inipertimur.
Datuni Romse apud S. Mariam Majorem xviii kalendas sep-
tembris die solemni Assumptionis ejusdeiu B. V. MAItl.E, anno
Dominicœ Incarnationis mdcccxxxii, Pontificalus nostri anno ii.
GREGORIUS PP. XVI.
(1) Ex S. iJcrnartlo, Scrni. de Nat. B. M. V., ^ '/.
i MIRARI VOS », 15 AOUT 1832 221
Mais pour que toutes ces choses s'accomplissent heureusement, levons
les yeux et les mains vers la très sainte Vierge Marie. Seule elle a détruit
toutes les hérésies; en elle nous mettons une immense confiance, elle est
même tout l'appui qui soutient notre espoir. Ah ! que dans la nécessité
pressante où se trouve le troupeau du Seigneur, elle implore pour notre
zèle, nos desseins et nos entreprises les plus heureux succès. Demandons
aussi, par dhumbles prières, à Pierre, prince des Apôtres, et à Paul,
Tassocié de son apostolat, que vous soyez tous comme un mur inébran-
lable, et qu'on ne pose pas d'autre fondement que celui qui a été posé.
Appuyé sur ce doux espoir, nous avons confiance que l'auteur et le con-
sommateur de notre foi, Jésus-Christ, nous consolera tous enfin, au
milieu des tribulations extrêmes qui nous accablent; et comme présage
du secours céleste, nous vous donnons avec amour, vénérables Frères, à
vous et aux brebis confiées à vos soins, la bénédiction apostolique.
Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, le 18 des calendes de sep-
tembre, le jour solennel de l'Assomption de cette bienheureuse Vierge
Marie, l'an 1832 de riafiarnation de Notre-Seigneur, de notre Pontificat
le deuxième
GRÉGOIRE XVI. PAPE.
SS. GREGORII PP. XVI
EPISTOLA ENGYCLICA
Ad omnes Patriarchas, Primates, Archiepiscopos et Episcopos,
GREGORIUS PAPA XVI
Venerabiles Fratres,
Salutem et apostolicam benediclioneni.
Inter prœcipuas machinationes, quibus nostra hac aetate aca-
tholici diversorum nominnm insidiari cultoribus catholicae veri-
tatis, eorumque animos a sanctitate fidei avertere connituntur,
haud ultimum tenent locum socielates Biblica*, quas in Anglia
prinium instilutas, ac longe hinc lateque diffusas, facto veluti
agniine in id conspirare conspicimus, ut divinarum Scriptura-
runi libros vulgaribus quibusque linguis interpretatos perma-
gno edant exemplariiim numéro, eosqiie inter Ghristianos juxta
atque infidèles nulle delectu disséminent, et horum quemlibet
ad ilios nuUo duce legendos alliciant. Ita igitur, quod suo jani
tempore lamentabatur Hieronymus (1), et garni! œ atiiii, et deliro
seni, et sophistœ verboso, et unicersis, si modo légère norint, cu-
jusque conditionis hominibus communem faciuntartemScriptu-
raruni sine magistro intelligendarum : imo, quod longe absur-
dissimum pseneque inauditum est, ne ipsas quidem inlideliuni
plèbes ab ejusmodi intelligentise communione excludunt.
Sed vos quidem mmime lacei. venerabiles Fratres, quorsum
haec societatum earumdem molimina pertineant. Probe enim
nostis consignatum in sacris ipsis Litteris monitum Pétri apo-
stolorum Principis, qui post laudatas Pauli epistolas, esse ail in
illis « queedam diflicilia intellectu, quae indocti et instabiles de-
ce pravant, sicut et cœteras Scripturas, ad suam ipsorum perdi-
« tionem ; » statimque adjicit : « Vos igitur, fratres, praescientes
« custodite; ne insipientium errore traducti escidatis a propria
« firmitate (i2). » Hinc et perspectum vobis est vel a prima chri-
( l) Epist. ad Pauliiium ^ 7, quae est epislola lui, toiu. I.Op.S.Hieroii»
edit. Vallarsii.— (2) II Pétri, m, 16, 17.
LETTRE ENCYCLIQUE
DE N. T. S. P. LE PAPE GRÉGOIRE XVI
A tous les Patriarches, Primats, Archevêques et Evêques,
GRÉGOIRE XVI, PAPE.
VÉNÉRABLES FrÈRES,
Salut et bénédiction apostolique.
Entre les manœuvres principales qu'emploient de nos jours les non
catholiques de dénominations diverses, pour chercher à surprendre les
serviteurs de la vérité catholique et à détourner leurs esprits de la sain-
teté de la foi, les sociétés bibliques ne tiennent pas le dernier rang.
Instituées d'abord en Angleterre, et de \h répandues au loin, nous les
voyons former comme un corps d'armée et s'entendre pour publier à un
nombre infini d'exemplaires les livres des divines Ecritures traduits dans
toutes les langues vulgaires, pour les disséminer au hasard, soit parmi
les chrétiens, soit parmi les infidèles, pour engager chacun à les lire sans
aucune direction. Aujourd'hui donc, comme saint Jérôme le déplorait
déjà de son temps, on accorde « au babil de la bonne femme, au rado-
te tage du vieillard décrépit, à la verbosité du sophiste, à tous » enfin, de
quelque condition qu'ils soient et pourvu qu'ils sachent lire, la faculté
d'interpréter les Ecritures sans aucun guide ; bien plus, ce qui est le
comble de l'absurdité et presque absolument inouï, on ne refuse pas
cette intelligence aux peuplades même infidèles.
Vous ne pouvez ignorer, vénérables Frères, où tendent les efforts des
sociétés bibliques. Vous n'avez pas oublié cet avis du prince des apôtres,
consigné dans les saints livres : après avoir loué les épifrcs de saint
Paul, il dit « qu'elles contiennent quelques endroits difficiles à entendre,
« que des hommes ignorants et sans consistance détournent en de mau-
« vais sens, aussi bien que les autres Ecritures, pour leur propre rume. »
Et il ajoute incontinent : « Vous donc, mes frères, qui en êtes instruits
ce d'avance, prenez garde; n'allez pas, emportés par les égarements de
« ces insensés, déchoir de votre fidélité. » Aussi est-il bien établi pour
224 LETTRE ENCYCLIQUE DE GRÉGOIl'.E XVI
stiani nominis œlate hanc fuisse propriam liœreticorum artem,
ut repudiato verbo Dei lradito,et Ecclesia' Calholicœauctoritate
rejecla, Scripturas aut tnanu interpolaront, aut sensu evpositione
interverterent (I). Nec denique iicnoratis, quanta vel diliiientia
vel sapientia opus sit ad transferenda lideliter in aliam linguam
eloquia Domini; ut nihil proinde facilius contingat quani ut in
eoiunidem versionibus per societates Biblicas multiplicatis, gra-
vis'.iiini ex tôt interpretum vel imprudentia vel fraude inseran-
tur eiTores , quos ipsa porro illarum mullitudo et varietas diu
occultât in perniciem multorum. Ipsarum tamen societatum pa-
rum aut nihil omnino interest, si hominos Biblia illa vulgaribus
sermonibus interpretata lecturi in alios poliusquam alios errores
dilabantur; dummodo assuescant paulatim ad liberum de Scri-
pturarum sensu judicium sibinietipsis vindicandum, atque ad
contemnendas traditiones divinas ex Patrum doctrina in Ecclesia
Catholica custoditas, ipsumque EcclesicB magisterium repudian-
dum.
Hune in fineni Biblici iidem socii Ecclesiam Sanctamque hanc
Pétri Sedem calumniari non cessant, quasi apluribusjam saecu-
lis fidelem populum a sacrarum Scripluraruni cognitionearcere
conetur: quum tamen plurima extent eademque luculentissima
documenta singularis studii, quo recentioribus ipsis temporibus
Summi Pontilices, eœterique illorum ductu Catholici antistites
usi sunt, ut Gatholicorum gentes ad Dei eloquia scripta et tradita
impensius erudirentur. Quo imprimis pertinent décréta Triden-
tinœSynodi, quibus neduni episcopis mandatum est, ut sacras
Scripturas divinamque Lf.7cw frequentius per diœcesim annuntian-
dam curarent (2), sed, ampliata insuper Lateranensis Concilii (3)
institutione, provisum, ut in singulis ecclesiis seu cathedralibus
seu collegiatis urbium insigniorumque oppidorum non deesset
theologalis prsebenda, eademque conferretur onmino personis
idoneis sacrse Scripturse exponendse et interpretandae (4). De ipsa
postmodum theologali praebenda ad Tridentinae illius sanctionis
normam constituenda, et de lectionibus a canonico theologo ad
clerum atque etiani ad populum publiée habendis actum est in
plurimis synodis provincialibus (5), necnon in Romano Goncilio
anni MDCGxxv (6) in quod Benedictus XIII fel. rec. praedecessor
(l) Tertuliianus, lib. de Prœscriplionibus adver. hapreticos, c. 37, 28.
(:2) Sess. -2i, c. i,dc llef. — |3) Coiicil. Latcran. anni 1215, sub Inno-
ccntio III, cap. 2, quod in corpus juris reiatuni est, cap. 4^ de Magistris.
— (4) Trid. Sess. 5, c. 1 de Réf. — (oi In Concil. Mediol. 1. an. 15Go.
par. 1. tit. o de Prœb. Theol. — Mediol. V. an 1579, par. III, lit. 5 quce
ad bene/icior. collât, attin. — Aquensi, an. 1585, lit. de Canonicis. —
El aliis pluiib. — (Gj Tit. 1, cap. 6, seqq.
« INTER PRiECIPUAS », 8 MAI 1844 225
vous que. dès les premiers âges du christianisme, le propre des héréti-
ijues fut de répudier la parole de Dieu transmise par la tradition, et de
rejeter lautoritc de l'Eglise catholique, pour lacérer de leur main les
Ecritures, ou en corrompre le sens par leur interprétation. Vous n'igno-
rez pas non plus quelle sollicitude, quelle sagesse est nécessaire pour
transporter fidèlement dans une autre langue les paroles du Seigneur.
Qu'y a-t-il donc de surprenant si, dans ces versions multipliées par les
sociétés bibliques, l'imprudence ou la mauvaise foi de tant d'interprètes
insère les erreurs les plus graves, que la multitude et la diversité des
traductions tiennent longtemps cachées pour la ruine de plusieurs? Mais
qu'importe à ces sociétés que les lecteurs de leurs traductions tombent
dans une erreur ou dans une autre, pourvu qu'ils s'accoutument insen-
siblement à juger librement et par eux-mêmes du sens des Ecritures, à
mépriser les traditions des Pères conservées dans l'Eglise catholique, à
répudier même l'autorité enseignante de l'Eglise?
Aussi les membres de ces sociétés ne cessent de poursuivre de leurs
calomnies l'Eglise et le Saint-Siège; ils l'accusent de chercher, depuis
plusieurs siècles, à éloigner le peuple fidèle de la connaissance des Ecri-
tures sacrées. Et cependant, combien de preuves éclatantes du zèle remar-
quable que, dans ces derniers temps mêmes, les souverains pontifes et,
sous leur conduite, les autres évêques catholiques ont mis à procurer au
peuple une connaissance plus approfondie de la parole de Dieu soit écrite
soit transmise par la tradition ! A cela se rapportent en premier lieu les
décrets du concile de Trente; il y est d'abord enjoint aux évêques de
veiller à ce que les Ecritures sacrées et la loi divine soient plus fré-
quemment expliquées dans leurs diocèses; de plus, enchérissant sur une
institution due au concile de Latran, il y fut réglé, que, dans chaque
église cathédrale ou collégiale des grandes cités et des principales villes,
il y eût une prébende théologale, et qu'elle fût conférée exclusivement à
des personnes capables d'exposer et d'interpréter la sainte Ecriture. Ce
qui concerne l'érection de cette prébende théologale, conformément aux
décisions du concile de Trente, et les explications publiques à donner aux
clercs et au peuple par le théologal, fut traité ensuite dans plusieurs
synodes provinciaux et dans le concile romain de l'année 17:2o, où avaient
été convoqués par le pape Benoit XllI, notre prédécesseur d'heureuse
2-J() LETTRE ENCYCLIQUE DE GnÉGOIRE XVl
nosler nedum sacros antistites Ilomanœ provincise. sed plures
etiam ox anhiepiscopis. episcopis, cœtpiisque locoruni ordinariis
SancUe huie Sedi nulle» medio subditis convocaverat(l). Idem
prœterea Summus Pontifex eumdeni in lincm nonnulla constituit
in Apostolicis Litteris, quas pro Italia nominalim insulisque ad-
jacentibus dédit (2). Vobis deniqne. venerabiles Fratres, qui de
conditione sacrarum rerum in cujusque diœcesi ad Sedeni Apo-
stolicam statis teniporibus referre (3) consuevistis. ex responsis
per nostram Congregationeni Concilii ad decessores vestros, aut
ad vos ipsos iterum iterumque datis, perspectum est, quemad-
modum Sanctaeadem Sedes c^t gratulari episcopis soleat si praî-
bendatos theologos habeant in publicis sacrarum Lilterarum
lectionibus munere suo bene fungentes, ut nunquam intermittat
excitare atque adjuvare pastorales illorum curas, si alicubi res
adhuc ex sententia non successerit.
Cœterum ad translata in vulgares linguas Biblia quod attinet,
multis jani abhinc sseculis contigerat, ut diversis in locis sacri
antistites majore interdum vigilantia uti debuerintubi versiones
hujusmodi aut in occultis lectitari conventiculis, aut per hœreti-
cos impensius diffundi animadverterent. Atque hue spectant
monita et cautiones adhibitre ab Innocentio III glor. mem.
decessore nostro circa laicorum mulierumque cœtus, sub pietatis
obtentu et legendarum Scripturarum causa, secreto habitos in
Metensi diœcesi (4) : nec non et peculiares vulgarium Bibliorum
interdictiones, quas sive in Galliis paulo post (5), sive in Ilispa-
niis ante sœculum xvi (6) latas invenimus. Sed ampliore postmo-
dum providentia opus fuit, cum Lutherani Calvinianique acatho-
lici, incommutabilem fidei doctrinam incredibili, prope errorum
varietate oppugnare ausi, nihil intentatum relinquebant ut fide-
lium mentes deciperent perversis explicationibus sacrarum Lit-
terarum editisque per suos asseclas novis illarum in popularem
sermonem interpretationibus; quarum quidem exemplis multi-
(t) In Litteris indictionis Concilii 2i deccmbris 1724. — (2j Const.
Pastoralis officii, XIV. Kalend. Junii, an. 1727.
(3) Ex Constit. Sixti V. Romanus Pontifex, Xlll. Kal. Jan. an. 1585 et
Const. Bened. XIV. Quod sancta Sardicensis Sj/nodtis, IX. Kal. de-
cemb. 1740. (T. I. BuUar. ejusdem Ponlif., et ex Instructione, quaeexstat
in Append. ad dict., t. I.)
(4) In tribus Litteris datis ad Melenses, alquead illorum episcopum et
capitul., nec non ad abbates Cistcrcienseni, .Morimundenscm, et de Crista,
qua; sunt Epist. 141, 142, lib. 11, et Epist. 235, lib. IIL inédit. Balutii.
— (5j In Concil. Tolosano, anni 1229, can. 14. — (6) Ex testirnonio
Cardinalis Pacecco in Concilie Tridentino ^npud Pallavicinuni, Storia
del Concil. di Trente, lib. VI, cap. 12.)
0 IXTER PR.ECIPUAS », 8 MAI 1844 227
luénioire, non seulement les évêques de la province, mais 9ussi plusieurs
des archevêques, évoques et autres ordinaires des lieux qui relevaient im-
médiatement du Saint-Siège. Dans ce but encore, le même souverain pon-
tife établit plusieurs statuts dans des lettres apostoliques adressées expres-
sément à l'Italie et aux îles adjacentes. Et vous, nos vénérables Frères,
qui aux temps voulus, avez coutume d'informer le Saint-Siège de l'état
de chacun de vos diocèses, vous connaissez les réponses données par notre
Congrégation du concile à vos prédécesseurs et réitérées souvent à vous-
mêmes ; et vous saA'ez combien le Saint-Siège s'empresse de féliciter les
évêques lorsqu'ils ont des théologiens prébendes qui accomplissent digne-
ment leur devoir et expliquent en public les saintes Lettres; comment il
ne cesse d'exciter, d'animer leur sollicitude pastorale, lorsque sous ce
rapport il ne trouve pas encore tout ce qu'il désire.
Quant h ce qui regarde es traduciions de a Bible, déjà depuis plu-
sieurs siècles les évêques ont dû, de temps en temps et en j)lusieurs en-
droits, redoubler de vigilance, en les voyant lues dans des conventicules
secrets, et répandues avec profusion par les hérétiques. C'est à cela qu'ont
trait les avertissements et les décrets de notre prédécesseur de glorieuse
mémoire, Innocent III, relatifs à certaines réunions secrètes d'hommes
et de femmes, tenues dans le diocèse de Metz, sous le prétexte de vaquer,
à la piété et à la lecture des livres saints. Nous voyons aussi des traduc-
tions de Bibles condamnées en France bientôt après et en Espagne avant
le xvi® siècle. Mais il fallait user d'une vigilance nouvelle avec les héré-
sies de Luther et de Calvin. Assez audacieux pour vouloir ébranler la
doctrine immuable de la foi par la diversité presque incroyable des
erreurs, leurs disciples mirent tout en œuvre pour tromper les âmes des
fidèles par de fautives explications des saints livres et de nouvelles tra-
ductions, merveilleusement aidés, dans la rapidité et l'étendue de leur
228 LETTRE ENCYCLIQUE DL; GRÉGOIHE XVI
plicanuis, et citissime divulgandis inventœ nuper typographirœ
artis prresidio juvabanlur. Itaque iis in regulis, quœ a Patribus
a Tridcntina Synodo delcctis conscripta-, et a Pio IV fel. niem.
pra}decessore nostro (1) approbatœ, Indicique libroruni probi-
bitorum praeniissy3 siint, generali sanctione slalutum legitur. ut
Hiblia vulgari sernione édita non aliis perniitterentur nisi qui-
bus illorum lectio ad fidei atque pietdlis aiif/mnilum profutiira ju-
dicarelur (2). Hmc eidem regulœ^ nova subinde, propter persé-
vérantes bœrelicorum fraudes cautione constricta, ac demum
auctoritate Benedicti XIV adjecta dcclaratio est, ut permissa
porro babeatur lectio vulgarium versionum, quœ « ab Aposto-
« lica Sede approbatae, aut cum annotation! 1ms desumptis ex
« sanctis Ecclesiœ Patribus vel ex doctis Catholicisque viris »
editœ fuerint (3).
Non defuere intérim novi ex Jansenii scholasectarii, qui banc
Ecclesiœ Sedisque Apostolicœ prudentissimam œconomiam mu-
tuato a Lutheranis Calvinianisque stylo reprehendere non sunt
veriti, quasi Scripturarum lectio unicuique fidelium generi
omni tempore atque «bique locorum utilis et necessaria esset,
atque ideo nemini posset auctoritate ulla interdici. Hanc vero
Jansenianorum audaciani graviori censura reprehensam habe-
nms in solemnibus judiciis, quœ toto plaudente catliolico orbe
contra illorum doctrinas tulerunt bini rec. mem. Summi Pon-
tifices, nimirum Glemens XI in Gonstitutione Unigemtns
anni mdccxhi f-4), et Plus VI in Constit. Auciorem fidei
an ni mdccxciv (5).
Ita igitur antequam instituerentur societates biblicœ, jamdu-
dum in commemoratis Ecclesiœ decretis fidèles prœmuniti fue-
rant ad versus hœreticorum fraudem, in spccioso illo divinas
Litteras ad communem usum dilTundendi studio latentem. Pius
autem VII glor. rec prœdecessor noster, qui societates ipsas
suo tempore ortas magnis invalescere auctibus comperit, haud
sane abstinuit opponere se illarum conatibus tum per aposto-
licos suos nuntios, tum per epistolas et per décréta a diversis
cardinalium S. R. E. Congregationibus édita (6j, tum suis dua-
[i) \nQ,on?,Wl. Dominki gregis, 24 marlii 156i. — (2) In Regulis
Indicis III et IV. — (3) In Addition, ad dict. Regul. IV, e.\ dccrelo Coii-
grcgationis Indicis 17 junii 1757.
(4) In proscriptione Propositionum Quesnclli,«« num. 79 ad 85. —
(o) In daninationc Proposit. Pseudo-Synodi Pistoriensis, nuni. G7.
(6) Impriniis per epistolani Congregationis Propagandae Fidei ad vica-
rios aposlolicos Persiœ, Arnieni;p, aliaruinque Orienlis regionuni dalam
3 augusti 1816, et per Decieluni <le omnibus liujusniodi vcrsionibus
edituni a Cong, Indicis 23 junii 1817.
a INTER PR.ECIPUAS », 8 MAI 1844 259
débit, par Tari nais-;ant de limpriniene. Aussi, dans les règles que rédi-
gèrent les Pères choisis par le coiieiie de Trente, qu'approuva notre pré-
décesseur Pie IV, d'Iieureuse mémoire, et qui furent inscrites en tète de
l'index des livres défendus, il est expressément statué de ne permettre la
lecture d'une traduction de la Bible qu'à ceux qu'on juge devoir y jjuiser
Vaccroissement de la piété et de la foi. Cette i-ègle dut être restreinte
encore à raison de l'astuce persévérante des hérétiques, et Benoît XIV
déclara, avec toute son autorité, qu'on pouvait regarder comme permise
la lecture des traductions a approuvées par le Siège Apostolique, ou
a publiées avec des annotations tirées soit des Pères de l'Eglise, soit
a d'interprètes savants et catholiques, a
Cependant il se rencontra des adeptes de la secte janséniste qui,
empruntant la logique des luthériens et des calvinistes, ne rougirent pas
de reprocher à l'Eglise et au Saint-Siège cette sage conduite. A leur dire,
la lecture de la Bible était utile et nécessaire à chaque fidèle en tout
temps et partout ; aucune autorité n'avait donc le droit de l'interdire.
Cette audace des jansénistes fut condamnée avec plus de rigueur dans
deux décisions solennelles que portèrent contre leurs doctrines, aux
applaudissements de tout l'univers catholique, deux souverains pontifes,
d'honorable mémoire, Clément XI, par sa constitution Untgenitus de
1713, Pie VI, par la constitution Auctorem fidei de 1794.
Ainsi, les sociétés bibliques n'étaient pas encore établies, et déjà les
décrets mentionnés avaient prémuni les fidèles contre l'astuce des héré-
tiques, voilée sous le zèle spécieux de propager la connaissance des Ecri-
tures. Pie VH, notre prédécesseur de glorieuse mémoire, vit ces sociétés
naître et prendre de grands développements; il ne cessa de résister à
leurs efforts par ses nonces apostoliques, par des lettres, des décrets ren-
dus dans diverses congrégations des cardinaux, par deux lettres pontifi-
230 LETTRE ENCYCLIQUE DE GRÉGOIRE XVI
buspontificiis Litteris quas ad Gnesnensem (1) atque ad Mohilo-
viensem (2) archiepiscopos dédit. Sul)inde Léo XII, fel. niom.
decossor noster, ipsa illa Biblicorum sociorum molimina persé-
cutas est in encyclicis Litteris ad oniiies catholici nri)is antistites
datis die v Maii an. mdcccxxiv; idqiie ipsuni deniio fecit novis-
simus fel. item record prœdecessor noster PiusVllI in encyclica
Epistola édita die xxiv maii an. mdcccxxix. Nos tandem, qui
meritis longe imparibus in hujus locum successimus, haud sane
prœtermisimus eumdem in tinem apostolicam sollicitudinem
nostram impendere, atque inter alia cnravimus, ut sancilae olim
de vulgaribus Scripturarum translationibus regulae in (idelium
memoriarn revocarentur (3).
Est aulem cur vobis summopere gratulemur, venerabiles
Fratres, quod excitati pietate prudentiaquevestra et supradictis
decessorum nostrorum Litteris confirmati haudquaquam ne-
glexistis commonere ubi opus fuit catbolicas oves, utab insidiis
caverent, quœ sibi a biblicis sociis struebantur. Ex hisce autem
episcoporum studiis cum supremœ hujus Pétri Sedis sollicitudine
conspirantibus, benedicente Domino factum est, ut incauti qui-
dam catholici homines, qui biblicis societatibus imprudenter
favebant, perspecta subinde fraude, ab eisdem recesserint, et
reliquus fidelium populus immunis ferme a contagione perman-
serit, quae inde illi imminebat.
Ea intérim spe tenebantur sectarii biblici, ut magnam se con-
secuturos laudem non ambigerent ex infidelibus ad christiani
nominis professionem utcumque inducendis pcr lectionem sacro-
rum Codicum vulgari ipsoruip. lingua editorum, (juos ingenti
plane exemplarium copia missionariis, seu excursoribus a se
destinatis, per illorum regiones distribui ac vel nolentibus obtrudi
curabant. Sed hominibus christianum nomen prœter régulas a
Christo ipso institutas propagare conantibus nihil pœne ex sen-
tentia contigit, nisi quod potuere interdum nova creare impe-
dimenta catholicis sacerdotibus, qui ad gentes ipsas ex Sanctaî
hujus Sedis missione pergentes nuUis parcebant laboribus, ut
prœdicatione verbi Dei sacramentorumque administratione
novos Ecclesiœ filios parèrent, parati etiam pro illorum sainte
atque testimonium fidei sanguinemsuum inter exquisita quaeque
tormenta profundere.
Jam vero inter sectarios illos sua ita expectatione frustratos,
et perdolenti recogitantes animo ingenteni pecunise vim hacte-
nus erogatam suis Bibliis edendis nulloque fructu divulgandis,
(l)Die i junii 181G. — (-2( Die 4 septemhris 181G. — (3) hi monito
adjecto ad Decretuni Congiegatioiiis liulicis 7 januarii 183G.
« INTEIi PR.ECIPUAS i>, S MAI 1814 231
cales adressées aux archevêques de Gnesnc et de Moliiloff. Quant à
Léon XII, notre prédécesseur d'heureuse mémoire, il signala les ma-
nœuvres des sociétés bibliques dans sa lettre encyclique du o mai 182i,
adressée à tous les évêques de l'univers catholique. C'est ce que fit
aussi Pie VIH dans l'Encyclique du 24 mai 1829. INous enfin, qui avons
succédé à sa charge, si indigne que nous en soyons, nous n'avons pas
oublié d'appliquer au même dessein notre sollicitude pastorale, et nous
avons tenu, entre autres chr.-^es, à rappeler aux fidèles les règles déjà
établies relativement aux traductions de la Bible.
ÎSous devons ici vous féliciter vivement, vénérables Frères, de ce
qu'excités par votre piété et votre sagesse, soutenus par les lettres de
nos prédécesseurs, vous n'avez pas négligé d'avertir au besoin le trou-
peau fidèle, pour le prémunir contre les pièges tendus par les sociétés
bibliques. Ce zèle des évêques, uni à la sollicitude du Saint-Siège, a été
béni du Seigneur; avertis du mal, plusieurs catholiques imprévoyants
qui favorisaient les sociétés bibliques, se sont retirés, et le peuple a été
presque entièrement préservé de la contagion qui le menaçait.
Cependant les sectaires biblisles se promettaient une grande gloire; ils
comptaient amener jusqu'à un ceitain point les infidèles à la profession du
christianisme, par la lecture des Livres sacrés publiés dans les langues
vulgaires de ces peuples, et répandus à un nombre infini d'exemplaires
par les missionnaires ou colporteurs qu'ils envoient dans ces régions
pour les distribuer à qui veut les recevoir et même pour les faire rece-
voir bon gré mal gré à qui n'en veut pas. Mais à ces hommes qui cher-
chent à propager le nom chrétien, en se plaçant en dehors des règles
instituées par le Christ lui-même, rien ou presque rien n'a réussi selon
leurs espérances : ils ont pu seulement créer quelquefois de nouveaux
obstacles à ces prêtres catholiques, qui, après avoir reçu leur mission du
Saint-Siège, vont vers ces mêmes peuples, et n'épargnent aucun labeur
afin d'engendrer de nouveaux fils à l'Eglise par la parole de Dieu et par
l'administration des sacrements, prêts à répandre leur sang dans les plus
eruels supplices pour le salut des âmes et en témoignage de la foi.
Or, parmi ces sectaires, ainsi frustrés dans leur attente et réfléchissant
dans leur esprit chagrin aux sommes immenses dépensées à éditer leurs
Bibles et à les répandre sans aucun lésultat, il s'en est trouvé naguère
232 LETTRE ENCYCLIQUE DE GHÉGOIHE XVI
inventi nupcr aliqui sunt, qui machinationes suas novo quodam
ordine disposuerunt ad If.alorum poli.ssimuni nostrœque ipsius
urbis civium animos prima veluti a^gressione appctendos. Sci-
licet exacccptis modo nuntiis docunienlisque conipertum habe-
mus, plurcs homines diversarum sectaniin Neo-Eboraci in Ame-
rica proximo anno convenisse, pridioque idus Junias inivisse
novam societatem Fœderis Christiani nomine nuncupatam, et
aliis poiTO atque aliis ex omni gente sodalibus, seu coiistitutis
in ejusdem auxilium sodalitiis amplificandam ; quorum com-
mune cum ipsis consilium sit, ut religiosam libertatem, seu
potius vesanum indifîerentiae super rcligione studium llomanis
Italisque cœteris infundant. Fatentur enimvero a pluribus rétro
SGcculis tantum ubique ponderishabuissellomanseltalaequegen-
tis instituta, ut nil magnum in orbe processerit, quin factum
fuent ab aima bac Urbe principium ; quod quidem non ex con-
stituta hic, disponente Domino, suprema Pétri Sede, sed ex
quibusdam antiquee Romanorum dominationis reliquiis, in usur-
pata, ut dictitant, a decessoribus nostris potestate permanenti-
bus, derivatum volunt. Quare cum statutum illis populos uni-
versos conscientiœ seu potius erroris libertate donare, ex qua,
veluti e suo fonte, politica ctiani libertas cum publicae ad ipso-
rum sensum prosperitatis incremento dimanet ; nihil tamen sibi
posse videntur, nisi prirnum apud Italos Uomanosque cives ali-
quid profecerint, eorum deinceps auctoritate atque studiis pênes
reliquas gentes magnopere usuri. Atque id facile se assecuturos
confidunt, cum tôt ubique terrarum Itali sint diversis in locis
degentes,indequeinpatriam haud levi numéro rémanentes; quo-
rum non paucos vel novarum rerum studio sua jam sponte
incensos, vel corruptos moribus, aut inopia afflictos nnllo fere
negotio ad nomen societati dandum, vel saltem ad suamoperam
pretio ilii vendendum alliciant. Eo igitur curas suas converte-
runt, ut horum manibus undique conquisitis vulgaria corrupta-
que Biblia hue advehantur et in manus fideliumclancuium inge-
rantur : itemque ut distribuantur una simul pessimi alii libelli-
que, ad mentem legentium ab Ecclesiœ Sanctseque hujus Sedis
obsequio abalienandam, Italorum eorumdem opecompositi, aut
in patrium sermonem translati ex aliis auctoribus ; inter quos
Hisloriam reformationis a Merle ci Aubigné conscriptam, et JMemo-
rabilia super roformatione apud Italos Joannis Cric prsecipue dési-
gnant. Cœterum de toto hoc librorum génère, quale futurum sit
vel ex eo intelligi polest, quod societatis statuto prsescriplum
fertnr circa peculiares sodalium quorumdam coetus librorum
delectui destinâtes, videlicet ut nunquam in hos ne duo quidem
unius ejusdtm religiosœ sectae viri conveniant.
« INTER PR.ECIPUAS », 8 MAI 1844 233
qui ont ourdi leurs trames sur un nouveau plan, se j)roposant pour but
d'atteindre, comme par une première attaque, les imcs des habitants de
l'Italie et des citoyens de notre propre Ville. 11 nous est prouvé i)ar des
messages et des documents reçus il y a peu de temps, que des hommes
de sectes diverses se sont réunis l'an dernier à ÎNew-York en Amérique,
et la veille des ides de juin, ont formé une nouvelle association dite de
VAlliance chrétienne, destinée à recevoir dans son sein des membres de
tout pays et de toute nation, et à se fortifier par l'adjonction ou l'affilia-
tion d'autres sociétés établies pour lui venir en aide, dans le but commun
d'inoculer aux Romains et aux autres peuples de l'Italie, sous le nom de
liberté religieuse, l'amour insensé de l'indilîérence en matière de reli-
gion. Car ils avouent que depuis un grand nombre de siècles les institu-
tions de la nation romaine et italienne sont d'un si grand poids, que
rien de grand ne s'est produit dans le monde qui n'ait eu son principe
dans cette Ville mère; ce qu'ils n'attribuent pas à l'établissement en ces
lieux, par la disposition du Seigneur, du siège suprême de Pierre, mais
à certains restes de l'antique domination des Romains, que l'on voit
encore, disent-ils, dans la puissance que nos prédécesseurs ont usurpée.
Résolus donc de gratifier tous les peuples de la liberté de conscience ou
plutôt de la liberté de l'erreur, d'oii coule, comme de sa source, et pour
l'accroissement de ce qu'ils appellent la prospérité publique, la liberté
politique, ils croient ne rien pouvoir si, d'abord, ils n'avancent leur
œuvre auprès des citoyens Italiens et Romains, dont l'autorité et l'action
sur les autres peuples leur serait ensuite un secours tout puissant. Ce
qui leur fait espérer d'atteindre aisément ce premier résultat, c'est qu'un
si grand nombre d'Italiens séjournent dans les diverses parties de la
terre, d'où un grand nombre reviennent à la patrie : beaucoup d'entre
eux étant déjà ou spontanément enflammés du goût des choses nouvelles,
ou corrompus dans leurs mœurs, ou en proie à la misère, on les déter-
mine presque sans peine à s'enrôler dans l'Association nouvelle ou du
moins à lui vendre leur concours à prix d'argent. Ainsi donc, après
avoir recueilli ces hommes de toutes parts, ils emploient tous les moyens
pour faire porter jusque dans Rome leurs Bibles en langue vulgaire et
corrompues, et pour les faire distribuer clandestinement aux fidèles;
pour faire distribuer en même temps et afin d'aliéner l'esprit des lecteurs
de l'obéissance due à l'Eglise et à ce Saint-Siège, les livres et les libelles
les plus détestables, composés par ces Italiens, ou traduits par eux d'au-
tres auteurs ; parmi eux ils recommandent particulièrement l'histoire de
la Réforme, de Merle d'Aubigné, et les Mémoires sur la Réforme en
Italie, de Jean Cric. Du reste, on peut se faire une idée de ce que peuvent
être tous ces écrits, d'après ce statut qu'on attribue à l'association; il y
est dit qu'on ne peut jamais admettre dans certaines réunions particu-
lières pour le choix des livres, deux membres appartenant à la même
secte reliffieuse.
234 LETTllE EXCYCLIQUE DE GriÉCOinE .\VI
Hœc lit ]iiimnm relata ad nos sunl, non potuimus equidem
non conlrislari 2:raviler in consideratione periculi, quod ncdiim
per remota ab_ Urhe loca, scd prope ipsum Catholicaî unitatis
centrum, incolumitati rcligionis sanctissimœ a sectariis parari
cognovimus. Quamvis enim tiniendum minime sit ne deficiat
unquam Pétri Sedes, in qua inexpugnabile Ecclesiœ suai funda-
mentum a Christo Uoniino posilum est, non ideo tamen cessare
nos licet ab illius auctoritate tuenda : et ipso insuper supremi
apostolatus officio admonemur severissimse rationis, quam
reposcet a nobis divinus pastorum Princeps ob succrescentia in
Dominico agro zizania, si quœ ab inimico homine nobis dor-
mientibus superseminata fuerint, atque ob creditarum ovium
sanguinem quœ nostra bine culpa perierint.
Itaque nonnullis S. R. E. cardinalibus in consilium adhibitis,
ac tota rei causa graviter matureque perpensa, ex eorum quo-
que sententia deliberavimus banc ad vos omnes dare epistolam,
venerabiles Fratres, qua et cunctas supradictas socie4,ates bibli-
cas dudum a nostris decessoribus reprobatas apostolica rursus
auctoritate condemnamus; et nostri pariter supremi Apostola-
tus judicio reprobamus nominatim et condemnamus memora-
tam novam societatem Christiani Fœderis, superiore anno Neo-
Eboraci constitutam, et alia ejusdem generis sodalitia si quae
jam ei accesserint aut in posterum accèdent Hinc notum omni-
bus sitjgravissimi coram Deo et Ecclesia criminisreos fore illosi
omnes, qui alicui earumdem societatum dare nomen, aut ope-
ram suam commodare seu quomodocumque favere prœsumpse-
rint. Confirmamus insuper et innovamus auctoritate apostolica
supra memoratas praescriptiones jamdiu éditas super editione,
divulgatione, lectione et retentione librorum sacrae Scripturœ in
vulgares linguas translatorum : de aliis vero cujusque scripto-
ris operibus in communem notitiam revocatum volumas, stan-
dum esse generalibus reguliset decessorum nostrorum decretis,
quœ Indici prohibitorum librorum prœposita babentur; atque
adeo non ab iis tantum libris cavendum esse qui nominatim in
eumdem Indicem relati sunt, sed ab aliis etiam, de quibus in
commemoratis generalibus prioscriptionibus agitur.
Vobis autem, venerabiles Fratres, ulpote in nostrœ sollicitu-
dinis partem vocatis, commendamus in Domino vebementer, ut
apostolicum judicium et mandata bœc nostra oonireditis pasto-
rali procurationi vestrœ populis annuntietis et explicetis, pro
Joco et tempore; fidelesque oves a prœdicta socieiate Fœderis
Christiani, cœterisque eidem auxiliaiitibus, nec non ab aliis bi-
blicis societatibus, atque ab omni cuin illis communicatione aver-
tere connitamini. Juxta liœc vestrum quoque erit tum Biblia in
« IXTER PR.ECIPUAS », 8 xMAI 1844 235
Aussitôt que ces clioscs nous ont été rapportées, nous n'avons pu que
nous al'tligcr profondément en considérant le péril préparé par les sec-
taires à notre sainte Religion, non seulement dans les lieux éloignés de
Rome, mais jusqu'au centre même de l'unité catholique. On ne doit pas
craindre ^ans doute de voir jamais tomber le siège de Pierre sur lequel
a été posé par le Christ Notre-Seigneur, l'inexpugnable fondement de son
Eglise; il ne nous est pas permis cependant de négliger la défense de son
autorité, et l'office même du suprême apostolat non: rappelle que le
Prince divin des Pasteurs nous demandera un compte rigoureux de
Tivraiequi croît dans le champ du Seigneur, si l'homme ennemi a pu en
répandre la semence pendant notre sommeil, et du sang des brebis con-
fiées à notre garde, si c'est par notre faute qu'elles ont péri.
Aussi, après avoir consulté plusieurs cardinaux de la sainte Eglise,
après avoir gravement et miirement pesé toute l'afTaire, de leur avis,
nous avons résolu de vous adresser à tous cette lettre, vénérables Frères.
Nous y condamnons de nouveau, en vertu de l'autorité apostolique,
toutes les susdites sociétés bibliques déjà réprouvées par nos prédéces-
seurs ; et de même, par le jugement de notre suprême apostolat, nous
réprouvons nominativement et nous condamnons l'association nouvelle
ci-dessus désignée, de V Alliance chrétienne, constituée l'an dernier à New-
York, ainsi que toutes les sociétés de même genre qui déjà se seraient
unies ou qui s'uniraient dans la suite à cette association. Que tous le
sachent donc: ce serait, devant Dieu et devant l'Eglise, se rendre cou-
pable d'un crime très grave que de s'affilier ou prêter aide à quelqu'une
desdites sociétés ou de les favoriser d'une manière quelconque. Nous
confirmons en outre et nous renouvelons par notre autorité apostolique
les prescriptions rappelées plus haut et déjà depuis longtemps promul-
guées sur la publication, la propagation, la lecture et la conservation des
livres de l'Ecriture sacrée traduits en langues vulgaires ; quant aux autres
ouvrages, quels qu'en scient les auteurs, tous doivent savoir qu'il faut
s'en tenir aux règles générales et aux décrets de nos prédécesseurs ])iaccs
en tête de l'Index des livres prohibés; et qu'on doit se garder non seule-
ment des livres nominativement indiqués dans ce même Index, mais
encore de tous ceux dont il est question d'une manière générale dans les-
dites prescriptions.
Pour vous, vénérables Frères, appelés à partager notre sollicitude,
nous vous recommandons vivement, dans le Seigneur, d'annoncer et
d'expliquer, selon les lieux et les temps, aux peuples confiés à votre
charge pastorale, ce jugement apostolique et nos présents commande-
ments; faites aussi tous vos efforts pour éloigner les brebis fidèlesde la
susdite association de VAlliance chrétienne, et de toutes celles qui lui
viennent en aide, ainsi que des autres sociétés bibliques, et de tout rap-
port avec les unes et les autres. Vous devrez encore, d'après cela, oter
des mains des fidèles soit les Bibles traduites en langue vulgaire, publiées
236 LETTRE EN'CYCLIQUE DE GRÉGOIRE XVI
viilgarem linguam conversa, quae contra supradictas Roniano-
nnn roiiUliciim sanctiones édita fucrint, tum alios quoscunique
proscriptos damnososvc libros e fidclium manibus evollere,
atqnc adeo provid rc ut fidèles ipsi et monitis et auctoritate
vestra edoceanlur quod pabitli genus sibi salulare, quod noxium ac
mortiferum ducere debeant (1).
Intérim instate quotidie magis, venerabiles Fratres, prœdica-
tioni verhi Dei tum per vos ipsos, tum per singulos in cujusque
diœcesi animarum curatores, aliosque viros ecclesiasticos ei
muneri idoneos; atque advigilate impensius super ilios praeser-
tim, qui destinati sunt lectionibus sacrae Scriptnrœ publiée
habendis, ut ofiicio suo ad audientium captum diligenter fun-
gantur, et sub nullo unquam obtentu divinas ipsas Litteras con-
tra Patrum traditionem aut praHer Ecclesiee Gatholicée sensum
interpretari et explicare audeant. Denique sicut boni pastoris
proprium est non modo tueri atque enutrire adhœrentes sibi
oves, sed eas etiam, quœ in longinqua recesserint, quterere ac
revocare ad ovile; ita et vestri nostrique muneris erit omnes
pastoralis studii nervos eo item intendere, ut quicumque ab
hujusmodi sectariis noxiorumque iibrorum propagatoribus
seduci se passi sint. gravitatem peccati sui per Uei gratiam
agnoscant, et salutaris pœnitentise remediis expiare satagant :
nec vero abjiciendi sunt abeodem sacerdotalis sollicitudinis stu-
dio seductores illorum, prœcipuique ipsi impietatis magistri;
quorum etsi major iniquitas sit, non tamen abstinere debemus
ab eorum salute, quibus polerimus viis et modis, impensius
procuranda.
Ceeterum, venerabiles Fratres, contra insidias et molimina
sociorum Fœdcris Christiani peculiarem et acriorem imprimis
vigilantiam exposcimus ab iis ex vestro ordine, qui Ecclesias
regunt in Italia sitas, aut aliis in locis ubi Itali saepius versan-
tur, maxime autem in Italiœ confiniis, aut ubicumque emporia
portusque extant, unde frequentior in Italiam commeatus est.
Cum enim sectariis ipsis propositum sit inibi ad efTectum addu-
cere consilia sua, hinc et episcopos potissimum eorumdem loco-
rum alacri constantique studio nobiscum allaborare oportet
illorum machinationibus, adjuvante Domino, dissipandis.
lias autem nostras vestrasque curas adjutum iii non dubita-
mus praesidio civilium potestatum, imprimis potentissimorum
Italiee principum, tum pro singulari suo studio religionis catho-
licœ conservandse, tum quod ipsorum prudentiam minime fugit
(1) Ex niandato Leonis XII, cdilw uiia cum decrelo Congregationis
Indicis 20 niartii i8-2o.
a INTEIt l'R.ECIPUAS », S MAI 1844 237
contrairement aux sanctions ci-dcssns rappelées des Pontifes romains, et
de plus, veiller à ce que, par vos avertissements et par votre autorité,
les cliréliens apprennent quels pâturages ils doivent regarder comme
salutaires, lesquels, comme nuisibles et mortels.
Cependant, appliquez-vous chaque jour davantage, vénérables Frères,
à la prédication de la parole de Dieu, soit par vous-mêmes, soit par les
curés ayant charge d'âmes dans chaque diocèse et par les autres ecclésias-
tiques propres à cette fonction ; veillez plus particulièrement sur ceux-là
surtout qui sont chargés d'expliquer publiquement l'Ecriture sacrée ;
qu'ils aient soin, en s'acquittant de leur office, de se mettre à la portée
de leurs auditeurs, et qu'aucun d'eux ne se permette, sous quelque pré-
texte que ce soit, d'expliquer et d'interpréter les divines Lettres dune
manière contraire à la tradition des Pères ou en dehors du sens de
l'Eglise catholique. Enfin, comme le propre d'un bon pasteur est non
seulement de protéger et de nourrir les brebis qui restent près de lui,
mais encore de courir à la recherche de celles qui se sont écartées au
loin et de les ramener au bercail, ainsi votre devoir et le nôtre sera
d'employer toutes les forces de l'amour pastoral pour faire reconnaître,
par la grâce de Dieu, la gravité de leur péché à tous ceux qu'auraient pu
séduire les sectaires ci-dessus désignés et les propagateurs de mauvais
livres, et pour lès amener à expier leurs fautes par le remède d'une sa-
lutaire pénitence. Votre sollicitude pastorale ne doit pas même négliger
les séducteurs de tes malheureux ni les maîtres eux-mêmes del'iniquité;
quoique leur iniquité soit plus grande, nous ne devons pas nous abstenir
de procurer avec ardeur leur salut par toutes les voies et tous les moyens
en notre pouvoir
Au reste, vénérables Frères, nous demandons une vigilance particuliè-
rement active contre les embûches et les tentatives des membres de
VAlljancc chrétienne, à ceux de votre ordre qui régissent les Eglises
situées en Italie ou dans les lieux que les Italiens fréquentent davantage,
mais surtout dans les pays limitrophes et partout où se trouvent des
marchés et des ports d'où le passage en Italie est plus fréquent. Les sec-
taires s'efforçant d'exécuter leurs desseins dans ces lieux-là mêmes, c'est
surtout aux évèques de ces lieux de travailler ardemment et constamment
avec nous à déjouer leurs manœuvres, avec le secours de Dieu.
Vos efforts et les nôtres auront nous n'en doutons pas, l'appui des puis-
sances civiles, et particulièrement des très hauts et très puissants
princes de l'Italie, soit à cause de leur zèle pour la conservation de la
238 LETTRE ENCYCLIQUE DE GRÉGOIRE XVI
publicœ etiam rei interesse plurimum, utsupradicta sectariorum
molimina in irrilum cadant. Constat enim, diutiirnoque supe-
rioruni temporum experimento comprobatum est. populis a
fidelilate atqne obedientia erga suos principes retrahendis non
aliam esse planiorem viam, quam indiiïerentiani in religionis
negotio a sectariis siib religiosœ libertatis nomine propagatam.
Atque id ne dissimulant quidem novi illi sodales hœdevis Cliris-
tiani: qui licet sese alienos profîteantiir a civiiibus sedilionibus
concitandis, ex vindicato taincn unicuique de plèbe Jîibliorum
interpretandorum arbitrio, dilliisaque ila in Italorum gentom
omnimoda qiiam vocant libertate conscientiœ, politicaiu pariter
Itaiiœlibertatem sua veluti sponte consecuturam fatentur.
Quod vero primum et maximum est, levemus una simul ma-
nus nostras ad Deum, venerabiles Fratres. eique nostram, totius-
que gregis, et Ecclesioe suœ causam omni, qua possumus, fer-
vidarum precum humilitate commendemus ; invocata etiam
deprecatione piissima Pétri apostolorum Principis aliorumque
Sanctorum, ac prœsertim beatissimce virginis Marias, cui datum
est cunctas hœreses interimere in universo mundo.
Ad extremum, nostrœ pignus ardentissimœ caritatis aposto-
licam benedictionem vobis omnibus, venerabiles Fratres, et
concreditis curœ vestrœ clericis, laicisque fidelibus effuso cordis
affectu peramanter impertimur.
Datum Romaî apud S. Petrum postridie nonas maii mdcccxliv,
Pontificatus nostri anno decimo quarto.
GREGORIUS PP. XVI.
oc INTEH PR.ECIPUAS =, 8 MAI 1844 239
religion catlioliqiie, soit parce que leur sagesse n'ignore pas qu'il importe
beaucoup au liion public de faire échouer les projets des sectaires. Il est
constant, en ctVet, et l'expérience des temps passés ne le prouve que
trop, que rindilTércnce en matière de religion, propagée par les sectaires
sous le nom de liberté religieuse, est la voie la plus sûre pour retirer les
peuples de la fidélité et de Tobéissance qu'ils doivent aux jjrinces. Elles
nouveaux associés de V Alliance chrétienne ne s'en cachent pas. Ils pro-
testent n'avoir aucun dessein d'exciter des séditions civiles; mais en attri-
buant à chacun indistinctement l'interprétation delà Bible et en propageant
parmi les Italiens ce qu'ils appellent l'entière liberté de conscience, ils se
vantent de donner par là même la liberté politique à l'Italie.
Mais avant tout et par-dessus tout, levons tous ensemble nos mains
vers Dieu, vénérables Frères : recommandons-lui notre cause, la cause
de tout son troupeau et de son Eglise, par les prières les plus humbles
et les plus fer%entes; invoquons aussi la très pieuse intercession de
Pierre, le Prince des Apôtres, de tous les autres Saints, et surtout de la
bienheureuse Vierge Marie, à qui il a été donné d'exterminer toutes les
hérésies dans tout l'univers.
Enfin, et comme gage de notre ardente charité, nous vous donnons
avec amour et avec effusion de cœur notre bénédiction apostolique, à
vous tous, vénérables Frères, à tous les clercs ainsi qu'à tous les fidèle.'
laïques confiés à vos soins.
Donné à Rome, près Saint-Pierre, le lendemain des nones de mai 1844
de notre Pontificat l'an li«,
GREGOIRE XVI, PAPE.
SS. PII pp. VIT
LITIERE APOSTOLICiE
■piUS PP. VII
Venerabilis Frater,
Salutem et apostolicam benedictionem.
Post tain diuturnas easque vehementissimas tempestates, qui-
bus et Pétri navis mirum in modiim agitata fuit, et nos etiam,
qui gubernaculum ejus immerentes tenemus, jactari ac prope-
modum obrui visi sumus, comprimi tandem cœpta estvcntorum
inuentium vis, atque eam, quani tamdiu nostris bonoiumque
omnium votis precibusque expetivimus, reduci confidimus Iran-
quillitatem. Dum vero nos pristinam quo tempore minime spe-
rabanius libertatem adepti, non tam nobis ipsis quam Ecclesiœ
restitutos esse lœtaremur, ac Patri misericordiarum de hoc tanto
beneficio gratias humiliter aueremus; magna facta nobis fuit
consolationis accessio, quod (Jallicanœ nationi designatum regem
esse agnoverimus e stirpe illa progenitum gloriosissima, quœ et
sanctissimum olim regem protulit Ludovicum, et tam insigni-
bus in Ecciesiam Dei, atque in banc Apostolicam Sedem meritis
fulsit. Atque haec quidem voluptas animum nostrum eo usque
pervasit, ut quanquam publica tantum acta Isetissimum ad nos
hujus rei nuntium attulerint, nulia tamen tiabita ratione receptae
consuetudinis, de extraordinario in Gallias nuntio ablegando
cogitaverimus, ut, eo interprète, nuncupato régi restitutam
potestatem amplissimis verborum significationibus gratulare-
mur.
Gaudium tamen hoc nostrum cito grandissimus perturbavit
(iolor, cum scilicet novam regni constitutionem a Parisiensi
senatu decretam publicœ ephemerides retulerunt. Dum enim
sperabamus fore, ut commutatis tam féliciter rébus, non modo
impedimenta omnia catholicœ religionis, reclamantibus perpé-
tue nobis, in Galliis parata de medio quam citissime tollerentur,
verum etiam splendori ejus atque ornamento, oblata bac oppor-
LETTRE APOSTOLIQUE
DE N. T. S. P. LE PAPE PIE VÎI
à Mgr de Boulogne, évêque de Troyes
PIE VU, ÏÂVE.
VÉNÉRABLE FrÈRE,
Salut et bénédiction apostolique.
Après les longues et furieuses tempêtes, qui ont si étrangement agité
le vaisseau de saint Pierre, et qui étaient, semble-t-il, sur le point de
nous renverser et de nous engloutir nous-mème, qui tenons, quoique
indigne, le gouvernail, la violence des vents commence enfin à s'apaiser,
et nous pouvons espérer le retour de la tranquillité, depuis si longtemps
Tobjet de nos vœux et de nos prières, aussi bien que de celles de tous les
gens de bien.
Après avoir ainsi recouvré notre ancienne liberté au moment où nous
nous y attendions le moins, nous nous réjouissions d'avoir été rendus à
nous-même, ou plutôt à l'Eglise, et nous rendions au Père des miséricor-
des nos humbles actions de grâce pour un si grand bienfait, lorsqu'un
nouveau sujet de grande consolation est venu accroître notre joie : nous
avons appris que le roi désigné pour gouverner la nation française était
un descendant de cette glorieuse race qui a produit autrefois saint Louis,
et qui s"est illustrée par tant de mémorables services rendus à l'Eglise et
à ce Siège Apostolique. A cette nouvelle, notre contentement a été si
grand, que, sans la connaître encore que par la voie de la publicité, et
dérogeant à cet égard à l'usage établi, nous avons résolu d'envoyer un
nonce extraordinaire en France, pour féliciter ce prince, en notre nom
et dans les termes les plus expressifs, de la puissance royale qui lui est
rendue.
iMais cette joie a été bientôt troublée; elle a fait place à une grande
douleur, quand nous avons vu la nouvelle constitution du royaume,
décrété par le sénat de Paris et publiée dans les journaux. Nous avions
espéré qu'à la faveur de l'heureuse révolution qui venait de s'accomplir,
non seulement la religion cathcfiquc serait délivrée sans aucun retard de
toutes les entraves qu'on lui avait imposées en France, malgré nos cons-
tantes réclamations, mais qu'on profiterait (V- circonstances si favorables
pour la rétablir dans tout son lustre et pourvoir à sa dignité. Or, nous
242 uETTIlE APOSTpLIQUE DE PIE VII
lunitate: consulcrolui- ; viiliiniis primiim, servari alluin de eain
constilulione silentiuin sed ne Uei omnipotentis iiiiidem, per
quem re^es régnant et principes impcrant, lieri meiiLionem.
Facile iibi,venerabilis Frater, pouMis [lersuadere, quam grave,
qnam acerbum, quam molesluni hoc accident nobis, quibus a
Jesu Christo, Uei Fiiio ac Domino nostro, summa christianœ rei
commissa est. Quomodo enim ferre œquo animo possumus
catholicam religionem, quam primis ipsis Ecclesiae sœculis Gallia
recepit, quœ tôt fortissimorum martyrum sanguine in 30 ipso
regno est eonfirmata, quam longe maxima Gallorum pars pro-
litetur, et vero etiam inler gravissimas superiorum annorum
adversitates, persecutiones, pericula, fortiteret constanter asse-
ruit, quam denique stirps ipsa, ad quam dcsignatus rex pertinet,
et profitetur et tanto studio tutata est cathobcam, inquimus,
banc sanctissimam religionem^ non modo non eam declarari, cui
soli in universa Gallia iegum praesidium et gubernii auctoritas
sulfragelur, verum etiam, in ipsa instauratione regni penitus
prœteriri ?
At multo etiam gravior, ac vere acerbissimus cordi nostro
xlolor accrevit, quo divexari nos, premi conflictarique fatemur
ex constitutiunis articulo vicesimo secundo, in quu perspeximus
Ubertaiem cultuum et conscientiœ, ut iisdem quaî iert articulus
verbis utamur, non permitti modo vi constitutionis, sedlibertati
hujusmodi, prtetereaque cultuum, quos vocant, ministris praesi-
dium patrociniumque promitti. IS'on opus certe multis est, cum
tecum agamus, ut plane agnoscas, quam lethali vulnere catho-
lica religio in Galliis per hujusmodi articulum percellatur. Dum
enim cultuum indiscriminatim omnium libertas asseritur, hoc
ipso Veritas cum errore confunditur, ac pari loco cum haeretico-
rum sectis, judaicaque ipsa perfidia, sancta et immaculata Christi
sponsa Ecclesia, extra quam salus esse non potest, collocatur.
Dum vero hœreticorum etiam sectis eorumque ministris favor
patrociniumque promittitur, eorum non personœ modo, sed erro-
res etiam ipsi toleranturconfoventurque; inquo exitialisetnun-
quam satis deploranda haeresis illacontinetur, quœ ut D. Augus-
tinus refert « omnes hœreticos recte ambulare, et vera dicere
« affirmât : quod ita est absurdum, ut mihi incredibile videa-
« tur (1). »
Non minus autem et mirari et dolere debuimus de servata
permissaque, articulo constitutionis xxiii, imprimendi libertate,
ex qua sane quam magna pericula, et quam certa pernicies mo-
ribus et fidei impendat, si dnbitare quis posset, ipsa praeterito-
(IJ De Hœresibus, iiuni. Tii.
a POST TAM DIUTURNAS », 29 AVRIL 1814 243
avons remarqué en premier lieu que, dans la constitution mentionnée,
la relii^ion catliolique est entièrement passée sous silence, et qu'il n'y est
pas mcnie fait mention du Dieu tout-puissant par qui régnent les rois,
par qui les princes commandent.
Vous comprendrez facilement, vénérable Frère, ce qu'une telle omission
a dii nous faire éprouver de peine, de chagrin, d'amertume, à nous que
Jésus-Christ, le Fils de Dieu, Notrc-Seigneur, a chargé du suprême gou-
vernement de la société chrétienne. Et comment ne serions nous pas
désolé? Cette religion catliolique établie en France dès les premiers siècles
de l'Eglise, scellée dans ce royaume même par le sang de tant de glorieux
martyrs, professée par la très grande partie du peuple français, à laquelle
ce même peuple a gardé avec courage et constance un invincible attache-
ment à travers les calamités, les persécutions et les périls des dernières
années, cette religion enfin que la race à laquelle appartient le roi dési-
gné professe elle-même, et qu'elle a toujours défendue avec tant de zèle,
non seulement elle n'est pas déclarée la seule ayant droit dans toute la
France à l'appui des lois et de l'autorité du gouvernement, mais elle est
entièrement omise dans l'acte même du rétablissement de la monarchie !
Un nouveau sujet de peine, dont notre cœur est encore plus vivement
affligé, et qui, nous l'avouons, nous cause un tourment, un accablement
et une angoisse extrêmes, c'est le 22^ article de la constitution. Non seu-
lement on y permet la liberté des cultes et de conscience, pour nous
servir des termes mêmes de l'article, mais on promet appui et protection
à celte liberté, et en outre aux ministres de ce qu'on nomme les cultes.
11 n'est certes pas besoin de longs discours, nous adressant à un évêque
tel que vous, pour vous faire reconnaître clairement de quelle mortelle
blessure la religion catholique en France se trouve frappée par cet article.
Par cela même qu'on établit la liberté de tous les cultes sans distinction,
on confond la vérité avec l'erreur, et l'on met au rang des sectes héré-
tiques et même de la perfidie judaïque, l'Epouse sainte et immaculée du
Christ, l'Eglise hors de laquelle il ne peut y avoir de salut. En outre, en
promettant faveur et appui aux sectes des hérétiques et à leurs ministres,
on tolère et on favorise non seulement leurs personnes, mais encore leurs
erreurs. C'est implicitement la désastreuse et à jamais déplorable hérésie
que saint Augustin mentionne en ces termes : « Elle affirme que tous
« les hérétiques sont dans la bonne voie et disent vrai, .absurdité si
e monstrueuse que je ne puis croire qu'une secte la professe réellement. »
Notre étonnement et notre douleur n'ont pas été moindres quand nous
avons lu le 23» article de la constitution, qui maintient et permet lu
liberté de la presse, liberté qui menace la foi et les mœurs des plus
2-i4 LEITHE APOSTOLIQUE DE PIE VII
lum lemporum expericntia docerct : plane enini constat, hac
potissimiim via de|)ravatos prinium popiilonini mores, turbas,
ix'bellioiiGsque conllatas. Gravissima ha;c niala in tanta homi-
uuni corru|)teIa tiincnda adhuc essent, si, quod Deus avortai,
libéra cuilibetquœ magis placeant typis mandandi poteslas per-
mitterctur.
Nequevero non alias de nova consliliitione regni dolendi causas
habenuis, in articulis prœserlim vi, xxiv et xxv. Singillatim qui-
dem tibi eas exponere praetcrniittimus, eo quod facile fraterni-
talem tuam quo ejiismodi articuli spectent perspecturam minime
dubilanius.
In tanta quidem ac tam justa perturbatione animi nostri, ea
spes nos solàtur, fore, ut propositae constitutionis articulis,
quos memoravimus, designatus rex minime subscribat, id siqui-
dem ab avita pietate atque a religionis studio, quo incensum
esse non dubilamus, nobis certissime pollicennir. At quoniam,
si in fidei etanimarum periculo taceremus, nostrum certissime
proderemus ministerium, bas ad te, venerabilis Frater, cujus
lidei et sacerdotalis roboris non dubia argumenta habemus, dare
intérim litteras constituimus, non modo ut exploratum sit im-
probari vebementissime a nobis ea quœ bucusque tibi exposui-
mus, etquidquid contra catbolicam religionem proponi fortasse
posset; verum etiam, ut collatisquoque, cum aliis gallicanarum
Ecclesiarum prœsulibus quos tibi adjungere judicaveris, conci-
liis studiisque, des operam ut tam gravia mala quœ, nisi citis-
sime propuisentur, Ecclesiœ in Galliis imminent, avertantur,
legesque illœ, décréta, aliœque gubernii sanctiones, de quibus,
ut probe scis, superioribus annis conqueri nunquam destitimus,
quœque adhuc vigent, removeantur.
Itaque designato régi te sistas; signifiées ei vehementissimum
dolorem quo, post tantas adversitates ac tribulationes hue us-
queperlatas, in communi omnium lœtitia animus noster ob prse-
missa contlcitur atque torquetur; exponas quam gravia catho-
licaî religioni damna, quanta animabus pericula, quod lldei
exitium in Galliis comparetur, si expositœ constitutionis articu-
lis assentiretur; omnino nobis persuadere non posse regni sui
initium auspicari sic velle, ut ab infligendo catholicse religioni
gravissimo hoc et fere insanabili vulnere ducat exordium; con-
tra Deum ipsum, in cujus potestate omnium sunt jura regnorum,
ab eo certissime postulare, ut, quam ei tanto cum bonorum om-
nium nostroque in primis gaudio rcstituit potestatem, banc in
Kcclcsiœ Dei potissimum columnam atque ornamentum impen-
dat; sperare nos ac vehementer confidere, fore ut, aspirante Dco,
vox nostra, te interprète, animum ejus tangat, vcstigiaque pre-
< POST TAM DIUTURNAS n, 20 AVRIL 1814 245
fjramls ix'iils et d'une ruine cerlaine. Si qnchju'un pouvait en douter,
respéi'ioiice des temps passés sul'iiiait seule pour le lui apprendre. C'est
un fait i^leinement constaté: celte liberté de la presse a été l'instrunient
principal qui a premièrement dépravé les mœurs des peuples, puis cor-
rompu et renversé leur foi, enfin soulevé les séditions, les troubles, les
révoltes. Ces malheureux résultats seraient encoreactuellement à craindre,
vu la méchanceté si grande des hommes, si, ce qu'à Dieu ne plaise, on
accordait à chacun la liberté d'imprimer tout ce qu'il lui plairait.
D'autres points de la nouvelle constitution du royaume ont été aussi
pour nous un sujet d'aflliction ; en particulier les articles 6", 24« et 2o«.
Nous ne vous exposerons pas en détail nos raisons à cet égard. Votre fra-
ternité, nous n'en doutons pas, discernera facilement la tendance de ces
articles.
Dans une si grande et si juste afliîclLOn de noire àme, une espérance
nous console, c'est que le roi désigné ne souscrira pas les articies men-
tionnés de la nouvelle constitution. La piété héréditaire de ses ancêtres
el le zèle pour la religion, dont nous ne doutons pas qu'il ne soit animé,
nous en donnent la plus entière confiance.
Mais comme nous ne saurions, sans trahir notre ministère, garder le
silence dans un si grand péril de la foi et des âmes, nous avons voulu,
vénérable Frère, vous adresser cette lettre, à vous, dont nous connais-;
sons la foi et le courage sacerdotal, pour en avoir eu des preuves nom
équivoques, non seulement afin qu'il soit bien constaté que nous réprou-
vons le plus énergiquement possible les articles ci-dessus exposés, et toutj
ce qu'on viendrait à proposer de contraire à la religion catholique, mais|
encore afin que, vous concertant avec les autres évoques delà France que.
vous jugerez à propos de vous adioindre. et vous aidant de leurs conseils
et de leur coopération, vous vous elKu-ciez ae conjurer le plus prompte-,
ment possible les grands maux qui menacent l'Eglise en France et de:
faire abolir ces lois, ces décrets et ces autres ordonnances du gouverne-'
ment qui sont encore en vigueur, et dont nous n'avons cessé de nous
plaindre, comme vous le savez, pendant les précédentes années.
Allez donc trouver le roi ; faites-lui savoir la profonde affliction dont,!
après tant de calamités et de tribulations endurées jusqu'aujourd'hui, et
au milieu de la joie générale, notre âme se trouve assaillie et accablée à
cause des motifs mentionnés. Représentez-lui quel coup funeste pour la
religion catholique, quel péril pour les âmes, quelle ruine pour la foi
seraient le résultat de son consentement aux articles de ladite constitu-
tion. Dites-le-lui de notre part : nous ne pouvons nous persuader qu'il
veuille inaugurer son règne en faisant à la religion catholique une bles-
sure si profonde et qui serait presque incurable. Dieu lui-même, aux
mains de qui sont les droits de tous les royaumes, et qui vient de lui
rendre le pouvoir, au grand contentement de tous les gens de bien, et
surtout de notre cœur, exige certainement de lui qu'il fasse servir prin-
cipalement cette puissance au soutien et à la splendeur de son Eglise.
Nous espérons, nous avons la ferme confiance que, Dieu aidant, notre
voix, transmise par vous, touchera son cœur, et que, marchant sur les
246 LETTRE APOSTOLIQUE DE PIE IX
mens praedocessoriim siiorum, qui, ob assertam totics vindica-
taniqut^caliiolicam rcligionem, chrislianissimorum rcgum al) hac
sancta Sede tituiuin moiueriint, quod débet, qiiod boni omnes
expectant, quod nos incensissimo studio flagitamus lidei catho-
licœ patrocinium suscipiat.
Exere, venerabilis Fraler, vires omnos tuas, ac religionis ze-
lum quo (lagras, gratiam qua vales plurimum, eloquentiam qua
prœslas, in maximum hoc sanctissimumque opus conféras. Da-
bitur tibi ccrte a Domino quid loquaris, nosque etiam til)i auxi-
lium de sancto precibus implorare nostris non praetermittimus,
qui interea tibi gregique tuae curœ commisso apostolicam bene-
dictionem amantissime impertimur.
Datum CesenaB; die xxix aprilis mdcccxiv, pontifîcatus nostri
anno xv.
Plus PP. VU.
« POST TAM DIUTURNAS >, 29 AVRIL ISU 247
traces do ses prédécesseurs, i\ qui leur dévouement pour la religion
catholique et la dél'ense qu'ils en prirent tant de fois si généreusement,
ont valu de la part de ce Saint-Siège le litre de rois très chrétiens, il
prendra en main la cause de la foi eatholicjue, comme c'est son devoir,
comme tous les bons l'attendent de lui, comme nous le lui demandons
nous-même avec les plus vives instances.
Déployez, vénérable Frère, toutes vos forces, tout le zèle dont vous
êtes animé pour la religion; faites servir h cette grande et sainte cause
l'ascendant que vos qualités vous ont acquis et l'éloquence qui vous dis-
tingue. Le Seigneur, nous n'en doutons pas, vous suggérera les paroles
convenables; et, de notre côté, nous implorerons pour vous le secours
d'en haut. En attendant, nous vous donnons, avec toute l'efTusion de
notre cœur, à vous et au troupeau conlié à vos soins, la bénédiction
apostolique.
Donné à Césène, le 29® jour d'avril de l'année 181-i, de notre' pontili-
cat la 15''.
PIE VII, PAPE.
SS. PII pp. VII
EPISTOLA ENCYCLICA
Venerabilihiis fratnbus patriarchis, prwialibus, arcJiiepiscopis, et
ep'iscopis universis gratiam et communionem Sedis Apostolicœ haben-
tibtis,
Plus PP. VII.
Venerabiles Fratres,
Salutem et apostolicani benedictionem
Diu satis videmur apiid vos tacuisse ; nunc exaclis duobus
jam mensibus, iisque non cura nec labore vacuis, ex quo hoc
tai)tum oneris nostme imbecillitati Deus imposuit, cunctaî ut
Ecclesige suoe nos prœficeret, obtcmperandum nobis est non tam
consuetudini, quœ vel ab ultimis temporibus invaluit, quam
amori erga vos nostro, quem necessitudine collegii duduni sus-
ceplum, nunc vero mirum in modum aucturn pleneque cuniula-
tum sentimus. vos ut per bas litteras saltem adioquamur; quo
nibil sit nobis dulcius, nitîil jucuncfius. Ad quod nosetiam velie-
menter hortatur et impellit oflicii illius, quod propriuni nobis
et prœcipuum est, ratio illis consignata et declarata verbis : « Con-
firma fratres tuos. » Neque enim hoc miserrimo, ac turbulen-
tissimo tempore minus quam unqiiani antea Satan « expetivit
« nos omnes, utcribraret sicut triticum ».
Quanquarn quis est tam hebes^ tam averso a nobis animo,
quin intclligat perindeque perspiciat, atque illa, quae oculis cer-
nuntur, in liis quoque difticuUatibus, et asperitatibus rerum
prœstitisse Christum, quod esset professus, ut « oraret pro
« Petro, ne iides ejus deticeret (^1)? » Obstupesceut posteri certe
sapientiam, magnitudinem animi, et constantiam Pii VI, ciijus
potestati nos successimus ; utinam vero etiam virtuti, quœ nuilo
tempestatum impetu^ neque calamitatum concursu convclli aut
labefactari potuit. Ne is Martini illius, a quo nostrœ olim Sedi
tanta accessit laus, primum in adfirmanda ac defendenda veri-
tate lidem, in perferendis deinde laboribus et œrumnis parem
(1) Luc, XXII, 31, 32.
LETTRE ENCYCLIQUE
DE N. T. s. P. LE PAPE PIE VU
A tous nos vénérables p'ères, les patriarches, les primats, archevêques
et évêques en grâce et en communion avec le Siège Apostolique.
PIE VII, PAPE.
VÉNÉRABLES FrÈRES,
Salut et bénédiction apostolique.
Il vous semble sans doute que nous avons assez longtemps gardé le
snence. Deux mois déjà se sont écoulés, qui n'ont pas été pour nous
sans souci ni labeur, depuis qu<i Dieu a imposé à notre infirmité, le
lourd fardeau de la direction de son Eglise Nous devons enfin obéir,
moins à une coutume qui date des temps les plus reculés, qu à notre
affection pour vous. Formée depuis longtemps dans les rapports de la
confraternité, nous la sentons aujourd'hui merveilleusement accrue et
parvenue à son comble; aussi rien n'est-il plus doux pour nous et plus
agréable que de converser avec vous au moins dans, ces lettres. Ce qui
nous y engage puissamment encore et nous y détermine, c'est la nature
du devoir particulier et principal de notre charge consigné et exprimé
dans ces paroles : « Confirme tes frères. » Car en ces temps si malheu-
reux et si troublés, Satan n'a pas moins désiré « que par le passé nous
« cribler tous comme le froment. »
Qui serait d'ailleurs assez aveugle et assez indisposé contre nous pour
ne point voir aussi clairement que ce qui tombe sous les jeux, qu'au
milieu de tant de difficultés et de circonstances critiques, le Christ a
rempli sa promesse « de prier pour Pierre, afin que sa foi ne défaillît
n point. ï La postérité admirera certainement la sagesse, la grandeur
d'âme et la constance de Pie VI. Plaise à Dieu, qu'héritier de sa puis-
sance, nous puissions l'être aussi de son courage : ni la violence des
tempêtes ni le concours de toutes les infortunes n'ont pu l'abattre,
l'ébranler même. A'a-t-il pas fait revivre devant nous ce Martin qui a
tant honoré ce Siège, par sa foi à professer et à défendre la vérité, par
son invincible courage à supporter les travaux et les souffrances?
250 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE VII
fortitudinem nobis retulit civitateet Sede sua crudelissimc pul-
sus, imperio, honore, fortunis omnibus spoliatus, statim ut
locum quielis et tranquillitatis aliquem videbatur nactus, demi-
grare alio compuisus, adfecta quainvis tetate et valetudine esset,
ut nec pedibus ingredi posset, in longinquam adeo lerram abstra-
ctus, quum acerbioris pra3terea exilii terror identidem ci iiropo-
nerctur. qiuim, nisi alicujus fuissetci et pietas liberalitas opitu-
lata non habuisset quo se et paucos, qui se assectarentur, aleret,
quum ejus infirmitas et solitudo quotidie tentaretur, nunquam
tamen a se ipse discessit, non ulla fuit deceptus fraude, nullo
perturbatus metu, nulla spe debnitus, nullis incommodis nec
periculis fractus ; nuilam ab eo ne litteram qnidem aut vocem
exprimere inimici potuerunt, qutc non documento esset omnibus,
Petrum « ad hoc usque tempus et semper in suis successoribus
« vivere et judicium exercere, quod ncmini dubium, atque omni-
« bus adeo cetatibus apprime cognitum esse (1), » auctor valde
bonus in conciho Ephesino pronuntiavit.
Quanti vero faciendum illud est, eo quo grati sensu animi
memoria repetendum, quod et fuit sane tempore Pii VI mors a
Deo donata (sic enim est dicendum potius quam vita erepta),
quum nihil jam impedimento esset, quominus de successore
illius declarando rite deliberaretur! Recordamini, venerabiles
Fratres, quo eramus metu soliiciti et suspensi, quum sanctœ
Romanes Ecclesise cardinales, et insi suis sedibus ejecti, com-
plures in custodiam tradili, aiiquot ad necem expetiti, permuiti
mare trajicere summa hieme coacti, rébus nudati suis, egentes-
que omnes, magno plerique intervalle a se disjuncti, quum viis
ab hoste obsessis, nec litterce illos inter commeare, nec ipsi quo
vellent oportuissetque adiré permittorentur ; nunquam profecto
videbantur convenire posse, ut Ecclesiœ orbitati succurrerent
more institutoque majorum, si quis casus Pium IV perculisset,
quem quotidie de vita dimicare audiebamus. Ouis tum adflictis
ac perditis prope rébus humano solum consilio atque ope nixus
id sperare, quod singulari Dei benignitate evenit, fuisset ausus,
non ante e vita Pium VI excessurum quam constituta ab ipso
pontificiorum post se habendorum oomitiorum ratione cuncta
fera pacata Italia, comparatis omnibus, cardinales frequentissimi
Venetiis praesto essent futuri ad suffragium ferendum in caris-
simi in Christo filii nostri Francisci llungarise régis apostolici, et
Bohemiaî régis illustris, ac Romanorum imperatoris electi prœ-
sidio ac tutela ? Agnoscant vel ex bis homincs, frustra quemquam
conari « donum Uei » evertere, quœ est Ecclesia super Petrum,
(1) Aclio 1, num. 1 1.
« DIU SATIS », 15 MAI 1800 251
Cruellement expulsé de Rome et de son Siège, privé du commandement,
des honneurs, et déporiillé de tous ses biens, sitôt que Pie VI paraissait
avoir rencontré un lieu de repos et de tranquillité, il était contraint
d'émigrer encore, malgré son grand Age et 1 épuisement de sa santé;
infirme au point de ne pouvoir marcher, il lui fallait aller dans des con-
trées lointaines; et quoiqu'il lût placé à chaque instant sous la menace
d'un exil encore plus dur; quoiqu'il eût été dans l'impuissance de suf-
fire à ses besoins et à ceux des quelques peisonnes de sa suite, si la
piété et la générosité de quelqu'un n'était venue à son secours; quoi-
qu'on profitât chaque jour de sa faiblesse et de son isolement pour le
tenter, jamais sa constance ne se démentit ; il ne se laissa ni surprendre
par la ruse, ni ébranler par les menaces, ni lléchir par les promesses, ni
abattre par les souffrances ou les dangers ; ses adversaiies ne purent
produire de lui une seule lettre, une seule parole qui ne lût pour tous
la preuve et qu'aujourd'hui et toujours Pierre vit et exerce l'autorité
« dans ses successeurs ; » c'est ce qu'un grand orateur proclamait dans
le concile d'Ephèse a comme un fait certain aux yeux de tous et dans
tous les âges. »
Mais ce qui doit faire au plus haut point l'objet de notre admiration
et de notre reconnaissance, c'est que Dieu accorda à Pie VI le bienfait
de la mort plutôt qu'il ne le ravit à l'existence, au moment même où
cessait tout obstacle au choix régulier de son successeur. Rappelez-vous,
vénérables Frères, quelles étaient nos craintes, nos sollicitudes et nos
angoisses, quand les cardinaux de la sainte Eglise romaine, expulsés,
eux aussi, de leurs sièges, étaient la plupart jetés en prison, quelques
autres poursuivis et menacés de mort, beaucoup forcés de passer la mer
en plein hiver, sans aucune ressource, tous dans le besoin, séparés sou-
vent par de grandes distances ; quand l'ennemi occupant toutes les
issues, ils ne pouvaient ni communiquer par lettres, ni se rendre selon
leurs désirs où les appelait le devoir : alors certainement il ne semblait
pas possible qu'ils se réunissent afin de pourvoir au veuvage de l'Eglise
selon la règle et les institutions de nos pères, dans le cas où quelqu'ac-
cident serait survenu à Pie VI, dont nous savions la vie continuellement
en danger. Eh bien! au milieu de ces aftlictions'et dans une situation
presque désespérée, qui eût pu, en ne s'appuyant que sur les conseils et
les ressources de la sagesse humaine, prévoir, ce que pourtant préparait
l'admirable et divine Providence, que Pie VI ne mourrait qu'après avoir
réglé la manière d'élire le futur Pontife, qu'après la pacification presque
complète de l'Italie et qu'au moment où fout étant disposé, les cardinaux
se rencontreraient en grand nombre à Venise pour donner leur suffrage,
sous l'égide et sous la protection de notre très cher fils en Jésus-Christ,
François, roi apostolique de Hongrie, illustre roi de Bohême, élu empe-
reur des Romains? Ah! que les hommes reconnaissent, à ces traits, que
l'on lente en vain de renverser « la maison de Dieu, «c'est-à-dire l'Enlisé
252 LETTRE EXCYCLIQUE DE PIE VII
Ycritate, non sohim nomine petram, œdificatam, contra « qnam
« portœ infori non praevalebunt (1), fundata enim est super
« petram i2). »
Nemo unqaam religionis Christianœ hostis fuit, quin bellum
eodem tempore nefarium cum Pétri cathedra gesserit, qua
stante, illacadere et labare neqneat : cujus pontificum « ordina-
« tione et successione, » uti denunciut aperte omnibus sanctus
Irenœus, « ea, quœ est ab Apostolis in Ecclesia traditio et veri-
« tatis prœconatio, pervenit usque ad nos, et est plenissima
« hœc ostensio, unam et eamdem vivificatricem fidem esse,
« quœ in Ecclesia ab Apostolis usque nunc sit conservata et tra-
ce dita in veritate (3). »
Hac prorsus via grassati etiam sunt, qui nostra œtate nescio
quam pestem ac labem falsœ philosophite supponere contende-
runt ei philosophiae (sic enim christianam doctrinani rectissinie
appellant grœci prœserlim Paires), quam Dei Filius œternaipsa
sapientia e cœlo detulit atque hominibus impertivit. Atqui
« scriptum est; » pulchre omnino in eos Pauli ista jactantur :
« Perdam sapientiam sapientium,etprudentiani prudentium re-
« probabo. Ubi sapiens, ubi scriba, ubi inquisitor hujussœculi?
« Nonne stultam fecit Deus sapientiam hujus mundi (4)? »
Quse sane eo libentius commemoramus, venerabiles Fratres,
quod inde animus mirum in modum recreetur, et erigatur, et
inflammetur ad niiUum defugiendum laborem, nullam dimica-
tionem pro Christ! Ecclesia, quam is nobis, non solum non oplan-
tibus, sed ne cogitantibus quidem, quin multum reformidantibus,
regendam, tuendam, ornandam, amplificandam tradidit et com-
mendavit : qui certe « idoneos nos faciet ministros novi testa-
« menti, uti sublimitas sit virtutisDei, et non ex nobis (3). »
Quamobrem vestram nunc excito in commonitione sincerani
mentem, venerabiles Fratres, quos hœc nimirum cura etsollici-
tudo pro sua quemque parte tangit, ut conspiretis nobiscum, ut
vestrum in id studiiim, diligentiam, operam conferalis. Quod
Christus precatus a Pâtre suo est, nunquam ex animo eftluat :
« Pater sancte, serva eos in nomine tuo. ut sint unum sicut et
« nos...; non pro eis (Apostolis sciliceti rogo tantum, sed et pro
« eis, qui credituri sunt per verbum eorum in me, ut omnes
« unum sint, sicut tu Pater in me, et ego in te, ut et ipsi in nobis
« unum sint (6). » Nostrum est maxime oflicium ejusmodi uni-
tatem firmiter tenere et vindicare, ut Gyprianus admonet {de
(1) Mallh., VII, -2i. — (-2) Matth., xvi, IS. — (3) Adv. haeies. lib. m,
cap 3. — (4; I Coiinlli., i, 19, 20. — (oj II Cor., m, 6. — ^G) Joan.,
XVII, II, '20, 21.
« DIU SATIS », 15 MAI 1800 253
biMie sur Pierre; que Pierre est véritablement digne du nom qu'il porte
et que ri'glise étant ainsi fondée sur la pierre < les portes de l'enfer ne
« prévaudront point contre elle. »
Jamais la religion chrétienne n'a eu d'ennemi qui n'ait en même
temps déclaré à la chaire de Pierre une guerre sacrilège; car tant que
cette chaire est debout, la religion ne peut ni tomber ni chanceler.
« C'est par l'ordination et la succession de ses pontifes, comme saint
« Irénée le proclame solennellement devant tout l'univers, ([ue la tradi-
« tion répandue par les Apôtres dans l'Eglise, et la prédication de la
« vérité sont parvenues jusqu'à nous; c'est ce qui prouve évidemment
« que la même foi vivifiante a été conservée et transmise avec pureté
« dans l'Eglise depuis les Apôtres jusqu'à nous. »
A ce moyen ont eu recours aussi ces hommes qui de nos jours ont
opposé je ne sais quelle horreur et quelle infection de philosophie men-
teuse, à cette philosophie (car sous ce nom les Pères grecs surtout ont
désigné la doctrine chrétienne avec une profonde justesse), que le Fils de
Dieu, l'éternelle sagesse, est venu du ciel révélera la terre. Maison peut leur
appliquer merveilleusement ces paroles de saint Paul : a 11 est écrit : Je
« confondrai la sagesse des sages, je réprouverai la prudence des pru-
t dents. Où sont les sages, les docteurs et les savants du siècle? Dieu n'a
« t-il pas convaincu de folie la sagesse de ce monde? »
Nous aimons d'autant plus, vénérables Frères, à vous rappeler tous ces
souvenirs, que nous y trouvons un merveilleux motif de consolation,
d'encouragement et de zèle pour ne reculer devant aucun labeur, aucun
combat, en faveur de l'Eglise du Christ que lui-même nous a confiée.
Sans aucune prévision, sans aucun désir de notre part et malgré nos
frayeurs, il nous a chargé de la gouverner et de la défendre, d'en aug-
menter la gloire et d'en étendre l'empire. Il saura donc certainement
« faire de nous de dignes ministres de la nouvelle alliance, de telle sorte
« sorte que notre grandeur vienne de la vertu de Dieu et non de
« nous. »
C'est pourquoi, vénérables Frères, vous qui avez chacun une part de
ce soin et de cette sollicitude, je fais appel à vos sentiments 'lévoués;
travaillez avec nous, consacrez à la même œuvre votre zèle, votre activité,
vos forces. iN'e perdez jamais de vue la prière du Christ à son Père :
« Père saint, conservez-les pour votre nom, afin qu'ils soient un comme
« nous. Ce n'est pas seulement pour eu.\ (c'est-à-dire pour les Apôtres)
« que je vous prie, mais pour ceux qui croiront un jour en moi par la
« vertu de leur parole, pour que tous soient un comme vous en moi,
€ mon Père, et moi en vous, et qu'ils soient eux-mêmes un en nous. »
C'est sur nous principalement que pèse le devoir d'établir et de mainte-
nir fermement cette unité, suivant l'avis de Cyprien De l'unité de l'Eglise,
254 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE VII
unitate Ecoles iœ), quani intuens ac deniirans « creflat mundus,
quia lu me niisisli (1); » quod permit orarc Christus.
Quamobrcm Ghristi ipsius, qui nobis adest, nec a nosiro un-
quani latere discedit, nosquc conliiiiial illis verhis : « Non tur-
« betur cor veslrum rieque forniidct; creditis in Deum, et in
« me crédite (2), » ejus auxilio. inquam, freti, communi studio et
alacritate ad communem salutem incumbamus. Urbes, oppida.
agri, civitates, provinciae, régna, nationes per tôt annos jam
divexatœ, afflictœ, miseras, ac perditce solatium aliquod et re-
niedium efflagitant; quod non aliunde quidem est, quam a
Ghristi doctrina quaerendum sperandumque. Nœ qui ab illa
alieno adhuc sunt animo, eos possumus confidentia majore
nunc Augustini vocibus Jacessere : « Dent exercitum taleni
« quales doctrina Ghristi esse milites jussit, dent taies provin-
« ciaies, taies maritos, taies conjuges, taies parentes, taies
« filios, taies dominos, taies scrvos, taies reges, taies judices,
« denique debitorum ipsius fisci redditores et exactores, quales
« esse prœcipit doctrina chistiana, » quod cum eflicere neqneant,
« non dubitent eam confiteri, magnam, si obtemperetur, salutem
« esse Reipublicce (3). »
JNostri ergo muneris et officii est, venerabiles Fratres, homi-
nibus, gentibus laborantibus succurrere. mala, quorum cogi-
tatio lacrymas coniniovet.. quœ(|ue premunt, quœque impen-
dent, ab omnium cervicibus depellere : nam « dédit Ghristus
« pastores et doctores ad consummationem sanctorum, in opus
« ministerii, in œdificationem corporis Ghristi : donec occur-
« ranius omnes in unitatem fidei et agnitionis Filii Dei (4). »
A qua opéra navanda si quid forte quemquam nostrum deter-
reat, aut impediat, aut retardet, quo se llagitio ille ac scelere
adstringet? '
Vos itaqucj venerabiles Fratres, oramus primum omnium et
obsecramus, hortamur et monemus, atque adeo vobis manda-
nuis, ut nihil vigilantiœ, nihil diligentiœ, nihil curse, nihil plane
laboris prœtermittatis, quo « depositum custodiatis » doctrinaî
Ghristi, ad quod perdcndum nostis, quanta conjuratio, et a qui-
bus facta sit. Ne quem ante in cleruin adsciscatis, ne cui omnino
« dispensationem » credatis « mysteriorum Dei, » ne quem con-
fessiones audire aut conciones habere patiamini, ne cui curatio-
nem aut munus quodcumque deferatis, quam sedulo expendatis,
et excutiatis, lenteque « probetis spiritns utrum ex Deo sint ^5) ».
Quandoquidem utinam non usu didicerimus, quam hœc œtas
(1) Joan., XVII, 21. —(2) Joan., xiv, 1- — (3) Lib. 83, Quacst.
(4) Ephes., IV, 12. — (5; Joan., iv, 1. —
a DIU SATIS », 15 MAI 1800 255
afin qu'à celte vue « le monde » étonne « croie que c'est vous qui m'avez
(t envoyé, » comme dit le Christ dans la suite de sa prière.
Appuyons-nous donc sur le secours du Christ qui nous assiste, se tient
sans cesse à nos côtés, et nous fortifie en nous disant : « Que votre cœur
ne se trouble point; ne « craignez rien, vous croyez en Dieu, croyez
« aussi en moi. » Appliquons-nous dans une communauté de zèle et
d'ardeur fi procurer le salut de tous. Les cités, les villes, les bourgs, les
communes, les provinces, les royaumes et les nations, après tant d'années
de ravages, d'aflîictions, de misères et de bouleversements, demandent à
grands cris quelque soulagement et le remède à leurs maux. Ce remède
ne peut venir et on ne doit l'attendre que de la seule doctrine du Christ.
Maintenant surtout nous pourrons adresser avec plus de confiance et d'un
air triomphant ces paroles de saint Augustin à ceux qui en sont encore
éloignés : « Q.u'on nous donne des soldats et des citoyens, des maris et
« des épouses, des parents et des enfants, des maîtres et des serviteurs,
€ des rois, des juges, enfin des débiteurs et des receveurs du fisc, tels
n que les veut la doctrine chrétienne, » et si l'on est dans l'impossibilité
de le faire « qu'on avoue sans détour, que la fidélité à cette doctrine
a serait, pour l'Etat, une grande prospérité. »
Il est donc du devoir de notre charge, vénérables Frères, de porter
secours aux citoyens et aux nations en souffrance, de détourner de toutes
les tètes, les maux qui les accablent dans le présent ou les menacent pour
l'avenir, et dont la seule pensée provoque nos larmes. Car le Christ a a
« établi des pasteurs et des docteurs afin qu'ils travaillent h la perfection
« des saints, aux fonctions de leur ministère, à l'édificalion du corps de
0 Jésus-Christ jusqu'à ce que nous nous rencontrions tous dans l'unité
oc d'une même foi et de la connaissance du Fils de Dieu. » De quel crime,
de quel forfait ne se rendrait point coupable celui d'entre nous qui se
laisserait intimider, détourner ou relarder dans l'exécution de cette
œuvre?
Aussi, vous surtout, vénérables Frères, nous vous prions, nous vous
conjurons, nous vous exliortons, nous vous avertissons, nous vous com-
mandons même, de ne rien négliger sous le rapport de la vigilance, de
l'activité, de la sollicitude et du travail, pour conserver le dépôt de la
doctrine du Christ. Combien, hélas! et avec quelle fureur on travaille à
la dissiper! N'admettez personne dans les rangs du clergé, ne confiez à
personne a la dispensation des mystères de Dieu, » le ministère de la
confession ou de la prédication, ni charge d'ame, ni emploi quelconque,
avant d'avoir soigneusement examiné, contrôlé et mûrement éprouvé
'< si l'esprit vient de Dieu ». Plût au ciel que notre expérience nous per-
256 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE VII
magnam « pseudo-apostolorum » copiam eiïuderit, « qui siint
« opcrarii siibdoli transligurantes se in Apostolos Ghristi, » a
qiiibus, nisi prospicianius, ne, « sicut serpens Evam .seduxit
« astulia sua, ita corrumpentur sensiis fidelium, et excident a
« simplicitate, qiiœ est in Chrislo (1). »
Atque « universo quidem gregi, in quos vos Spiritus sanctus
« posuit episcopos attendere (2) •» vos oportet. Sed omnium
maxime paterni amoris benevolentiœque vestrœ vigilantiam,
studium, industi'iam, operam pueri sibi et adolescentes depo-
scunt quos cum exemplo suo nobis, tum oratione Christus tam
vehementer comniendavit (3), quorum in teneris animis inficien-
dis et corrumpendisomnescontenderuntnervos, quires privatas
et publicas evertere, divina et humana jura omnia permiscere
sunt moliti, spem in eo maximam nefaria cogitata perficiendi
collocantes. Pseque hos enim fugit, mollis cerae instar illos esse,
qui tractari facile et in quamlibet partem flecti etfmgi possint :
quam vero formam semel susceperint, eam, quum aetate pro-
gressi obduruerint, pertinacissime retinent, aliamque respuunt;
ex quo tritum illud omnium sermone e divinis Litteris prover-
bium : « Adolescens juxta viam suam, etiam cum senuerit, non
recedet ab ea (4). » Nolito ergo committere, venerabiles Fratres,
« ut filii hujus saeculi prudentiores « quam filii lucis in genera-
« tione sua sint 5 . » Quibus viris regendi in seminariis et col-
legiis tradantur pueri et adolescentes; quibus disciplinis im-
buantur ; qui deligantur in lyceis magistri, quœscholœ habeantur,
etiam atque etiam considerate, pervestigate sedulo, odoramini,
lustrate omnia : excludite, arcete « rapaces lupos, non parcen-
tes » innocontium agnorum gregi, ac, si quo forte irrepserint,
eos inde extrudite, exterminate protinus « secundum potestatem,
« quam dédit vobis Dominus in sedilicationem (61. »
Quse sane potestas vel in ea, quœ capitalior sit, exscindenda
peste, librorum scilicet, ut a nobis tota expromatur, postulat
ipsa etiam Ecclesise salus, reipublicae, principum, mortalium
omnium, quam vita nostra multo cariorcm et potiorem habere
debemus. Quo de argumento copiose apud vos et accurate agit
fel. rec. prœdecessor noster Clemens XIII in suis apostolicis Lit-
teris in forma Brevis ad vos die xxv nov. anno mdcclxvi datis.
'Neque illos modo libros extorquendos de hominum manibus,
delendos penitus et comburendos dicimus, quibus aperte do-
ctrina Ghristi oppugnatur; sed etiam, ac multo magis omnium
(1) H Cor., XI, 3.
(2) Acl., XX, -28. — (3) Matth , xix ; Marc, x; Luc, xviii.
(4) Prov., xxu, 6. — [bj Luc, xvi, 8. — (G) Act. , xx, 29 : II Cor., vin, 10
« DIU SATIS », 15 MAI 1800 2S7
mit d'ignorer la mullitiule « des faux apôtres » ciiifcndrés de nos jours,
« artisans de ruses, transfigurés en apôtres du (Ihrist! » Si nous n'y
pourvoyons ils corrompront sûrement les esprits des fidèles, « de même
« que le serpent séduisit Eve par ses artifices, et les feront déchoir de la
u >iniplicité qui est selon le Christ. »
Il faut sans doute que vous soyez attentifs i à tout le troupeau sur
« lequel le Saint-Esprit vous a donné la surveillance. » Mais la vigilance,
le zèle, l'industrie, l'activité de votre amour paternel et de votre bien-
veillance sont dus principalement à ces enfants, à ces jeunes gens que le
Christ nous a reeonimaiulés avec tant d'instances par ses exemples, et par
ses discours, et dont se sont attachés à pervertir et h corrompre les tendres
esprits, de toutes leurs forces et dans l'espérance de réaliser ainsi plus
sûrement leurs coupables projets, ces conspirateurs, ennemis de tcrut bien
public et privé, qui tendent à confondre toute notion des droits divins et,
humains. Ils savent bien (jue comme une cire molle qui se manie facile-
ment, que l'on plie en tous sens, et qui peut recevoir toute empreinte, ces
jeunes gens garderont, avec les progrès de l'âge, celle qu'ils auront une fois
reçue et refuseront de se prêter à toute autre ; de là ce proverbe des livres
sacrés que l'on retrouve dans toutes les bouches : n Le jeune homme suit
sa première voie; dans sa <t vieillesse même il ne la quittera point. »
Gardez-vous donc de permettre, vénérables Frères, que les enfants du siècle
soient plus prudents dans la conduite de leurs alfairt^s que les enfants de
lumière! Considérez sans cesse, recherchez avec soin, pressentez, exami-
nez, à quels supérieurs vous devez confier le soin des enfants et de la
'eunessedans les séminaires et les collèges; quelles matières il faut ensei-
gner, quels maîtres il faut donner aux lycées, quelles écoles il faut ouvrir.
Excluez, repoussez oc les loups rapaces qui n'épargneraient point » le trou-
peau de ces agneaux innocents, et si quelques-uns d'eux s'y glissent,
chassez-les, expulsez-les immédiatement « selon la puissance que le Sei-
gneur vous a donnée pour « l'édification. »
C'est surtout pour arrêter le fléau qui fait le plus de ravages, la con-
tagion des mauvais livres, que nous devons déployer toute cette puis-
snn(?e. Aiosi le réclame de nous le salut de l'Eglise et de l'Etat, des
j)ri lices et de tous les mortels, qui doit nous être plus cher et plus pré-
cieux que notre propre vie. Notre prédécesseur, Clément Xlll, d'heureuse
mémoire, vous a déjà longuement et exactement entretenus de ce sujet
dans ses lettres apostoliques, en forme de Bref, datées du 2.o novem-
bre 1766. Nous ne disons pas qu'il faille arraclier aux mains des hommes,
détruire entièrement et brûler seulement les livres qui combattent ou-
verrcment la doctrine du Christ ; nous voulons aussi qu'on détourne
25ï> LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE VII
sunt mentes atqiie oculi ab iis prohibcndi, qui occultius illud
atqne ex insidiis faciunt. Ad quos inlernoscendos « tractalu
« longo, ut Cyprianus inquit (1), et argumentis opus non est:
« probatio est ad (idem facilis compcndio veritatis : » lo(|uitur
Dominus ad Petrum : « Pasce oves meas (2) ». Id pabuli ergo
genus oves Christi salutare sibi ducere, id amplecti, eo se alere
debent, quo Pétri illas vox et auctoritas immiserit; unde vero
hœc avocet ac deterreat, id noxium plane ac pestiferum existi-
marc, ab co vehementissime abhorrerc, necuîlacapi specie per-
vertique illecebra. Qui non ita se morigeros prœbeant, in ovibus
Christi certe numerandi non sunt. Qua in causa, venerabilesFra-
tres, non possumus connivere, nec tacere, nec remissiiis agere :
nisi enim htcc taiita cogitandi, loquendi, scribendi, legendique
licentia coerceatur et reprimatur, hoc malo, quo tamdiu aftli-
ctaniur, relevati tantisper videbiinur sapieritissimorum et for-
tissimorum regum et ducum consilio et copiis: ast, ejus stirpe
et scmine non sublato et extincto (perhorresco equidem dicere,
verum est dicendum), serpet iUud latius, et roborabitur, orbem-
que terrarum totum conipiectetur, nec ei posthac delendo aut
propuisando militum legiones, excubitc, vigiliae, munitiones
urliium, propugnacula imperiorum suf(icient.
Quem nostrum^ venerabiles Fratres, non moveat et excitet
quod per Ezeciiielem vatem Deus nobis edicit : « Fili hominis,
« speculatorem dedi te domui Israël : et audies de ore meo ver-
« hum, et annuntiabis eis ex me. Si dicente me ad impiuin:
« Morte moiieris, non annuntiaveris ei..., ipse impius in iniqui-
« tate sua morietur: sanguinem autem ejus de manu tua requi-
« ram (3). » Ilœc me sententia, fateor. dies noctesque exstimu-
lat ac pungit, nec patietur unqnam in meo fungendo munere
inertem esse ac timidum; voDisque me non modo adjutorem et
fautorem semper, sed pnncipem ac ducem fore polliceor ac
spondeo.
Atqui est aliud prœterea « depositum custodiendum » nobis,
veneraiiiles Fratres, magnaquc animi firmitudine et constantia
tuendum, sanctissimarum sciHcet Ecclesiœ legum, quibus disci-
plinam suam ipsa, pênes quam nimirum unam ejusmodi sit
potestas, constitiiit, quibus profccto piotas virtusque iloret, qui-
bus Christi Sponsa « terribilis est, ut castrorum acies ordina-
« ta (4) »,quarum plerœque etiam, « velut quœdam fundamenta
« suntferendis fidei jactaponderibus,» ut S.Zozimi prœdecessoris
nostri verbis utamur (5). Nihil est, quod civitatum principibus
(1) S. Cypr., de Unit. Ecclcsiœ. — (2) .loan., xxi, 13. — (3; Ezech.,
ni, 17, 18. — (i) Cant., vi, 3. — (5) Epist., 7.
B DIU SATIS », 15 MAI 1800 259
l'esprit et les yeiix de tous les fiilèles de ceux surtout qui l'altaqucnt
secrètement et avec artifice. « Pour les discerner, dit saint Cyprien, il
a ne faut ni un long examen, ni un raisonnement étudié; le (idèle j)eut
« les reconnaître très facilement dans l'intérêt de la vérité. » Le Sei-
gneur a dit à Pierre : a Pais mes brebis. i> Ainsi les pâturages que les
brebis du Christ doivent estimer, rechercher et dont elles doivent se
nourrir, ce sont ceux où les conduisent la voix et l'autorité de Pierre;
quant à ceux dont cette voix les rappelle et les détourne, elles doivent
sans hésitation les considérer comme nuisibles et empoisonnés, les fuir
avec horreur, sans se laisser entraîner ni séduire par de trompeuses
apparences ni des dehors attrayants. Ceux qui n'ont ])oint cette docilité
ne peuvent sûrement compter parmi les brebis du Christ. Sur ce sujet,
vénérables Frères, nous ne pouvons ni dissimuler, ni nous taire, ni
lléchir; si, en effet, l'on n'arrête, si on ne réprime cette licence effrénée
dépensées, de paroles, d'écrits et de lectures, nous pourrons, il est vrai,
grâce à l'habileté et aux armées des rois et des capitaines les plus sages
et les plus puissants, paraître tant soit peu soulagés du mal sous lequel
nous gémissons depuis si longtemps ; mais la racine n'en étant point
extirpée ni le germe détruit ij'ai horreur de le dire, et pourtant je ne
puis le taire!), le mal s'étendra, se fortifiera, ravagera tout l'univers, et,
plus tard, ni légions, ni garnisons, ni sentinelles, ni remparts de ville,
ni barrières d'empires ne suffiront pour l'anéantir ou l'éloigner.
Qui de nous, vénérables Frères, ne se sentirait ému et animé à ces
paroles que Dieu nous adresse par le prophète Ezéchiel : « Fils de
l'homme, je t'ai donné pour sentinelle à la maison d'Israël, Tu écoute-
« ras la parole de ma bouche et tu la leur annonceras de ma part. Si,
a lorsque je dirai à l'impie: Tu seras puni de mort, tu nele lui annonces
« pas, l'impie mourra dans son impiété, mais je te redemanderai son
« sang. B Cette sentence, je l'avoue, m'excite et m'aiguillonne nuit et
jour; elle ne |)ermettra jamais que je m'acquitte avec indolence ou timi-
dité des fonctions de mon ministère, et je promets, j'assure que je ne
serai pas seulement votre aide et votre appui, mais aussi votre chef et
votre guide.
Nous avons encore, vénérables Frères, un autre dépôt à conserver, à
garder avec une grande force d'âme et une invincible constance : c'est
celui des lois saintes de l'Eglise. Etablies par elle-même pour fornu'r sa
discipline, car elle en a seule le pouvoir, ces lois font fleurir infaillible-
ment la piété et la vertu; elles rendent l'épouse du Christ « terrible
« comme une armée rangée en bataille; » et, pour emprunter les paroles
de notre prédécesseur Zozime, plusieurs d'entre elles sont comme des
fondements disposés pour soutenir les constructions de la foi.
Rien n'est plus avantageux et plus glorieux pour les chefs des Étals
260 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE VII
ac regibus majori fructui gloriœque esse possit, qiiani si, ut
sapientissiinus fortissimusque aller prtpdocessor nostcr S. Félix
Zenoni inipciatori prescribebat : « Eccicsiam catliolicam... si-
« nant uli legibus suis ncc iibertati fjus quemquani permitlant
« obsistere... Certum est onim, hoc robus suis esse salutaro. ut.
« curn de causis Dei agatur juxta ipsius consliluluui, regiam
« voluntatem sacerdotibus Gbristi studeant subdere, non prœ-
« ferre. »
De bonorum vero Ecclesiœ «deposito, quee quidem vota sunt,
« opes, sacra pecunia, sanctoruni subslaiilia, ros Dei, » quemad-
niodum Patres, concilia, divinœque Litteraî signidcant ac decla-
ant, ecquidnam vobis, venerabiies Fratres, prcecipiemus, Eccle-
^ia nunc iis spoliata misère ac nudata'? Id nempe unum ut detis
operam, ut contendatis, quo omnes intelligant ac in animum
/nducant. quod Aquisgranense olim Conciiium brevi bac, et
perspicua, accurataque sententia conclusit : « Quisquis quce
« abi fidèles de haîreditate possessionum suarum, ob remedium
« animarum suarum, Deo ad honorem, et decorem Ecclesiœ
« suœ, ejusque ministrorum usus. contulcrunt, aut abstulerit,
« aut auferre prœsumpserit, procul dubio aliorum data in
« animée suée convertit pericuhini fl). » Non certe « tenacitatis
« studio » (née omni ratione cunctis hoc possumus non niiuMS
quam S. Agapitus preedecessor nosterconfirmare) «autsœcularis
utilitatis causa, » sed divini consideratione judicii (2) ad ea
repetenda movemur. quorum jubemur «dispensatores esse fidèles
« et prudentes (3). »
Quanquam nullum plane precibus, nec adhortationibus, nec
monitis, necactionibus nostris relinquent locum christiani reges
civitatumque principes, qui se Ecclesiee « nutricios (4) » per
Isaiam fuisse dictos, optime tenent, atque esse gloriantur; quo-
rum profecto fides, pietas, œquitas, sapientia, religio tantam
spem nobis adfert, tantamque oxpectationem excitât, ut pro
certo habeamus.. curaturos illos reddi protinus « quœ sunt Dei
Deo: » neque commissuros suas personare aures bis Dei ipsius
vocibus et querelis : « Argentum meum et aurum tulistis, et
« desiderabilia mea et puloherrima (5) : » nec dissimiles Con-
stantini et Caroli Magnorum futures, quorum preecipue fuit in
Ecclesiam nobilitata liberalitas et justitia : quorum etiam alter
se professus est « nosse multa régna, et reges eoriim propteroa
« cecidisse, quia Ecclesiam exspoliaverunt; » cujus rei causa
(1) Cap., xxxvii, tom. IV Coiic. Ilanhiin., col. 1423. — (2) Ep. •* ad
Csesar. ep. Arelat. Bull. Rom. toni. XI, f. 59. — (3) Luc, xii, 4-2.
(4} Isai., XLix, 23. — (H) Joël., ni, o.
n DIU SATIS k, 15 MAI 1800 261
pt pour les rois, que de se conformer à ces paroles adressées à rciiipereur
Zenon par un autre de nos prédécesseurs, le sage et courageux saint
Félix : « Qu'ils laissent l'Eglise catholique se gouverner par ses propres
« lois et ne permettent h personne de mettre obstacle à sa liberté. Car il
a est indubitable que, lorsqu'il s'agit des choses de Dieu, il est de leur
« intérêt de suivre l'ordre qu'il a prescrit et de s'attacher à soumettre,
€ au lieu d'imposer leur volonté royale aux prêtres du Christ. »
Quant au dépôt des biens ecclésiastiques, lesquels, pour nous servir des
expressions et des déclarations des Pères des conciles et des saintes Ecri-
tures, sont réellement « des offrandes faites au Seigneur, les ressources,
« le trésor sacré, la subsistance des saints et la propiiélé de Dieu, » que
pouvons-nous vous prescrire, vénérables Frères, au milieu de la spolia-
tion déplorable et du dénùment de l'Eglise? Une seule chose: c'est d'ap-
.i)liqucr vos soins et vos efforts à convaincre et à persuader chacun de ce
qu'un concile d'Aix-la-Chapelle a exprimé par cette sentence, aussi courte
que claire et précise : « Quiconque ravira ou tentera de ravir ce que
« d'autres fidèles, en vue du soulagement de leur ûme, auront consacré à
a Dieu de leurs propres biens, pour l'honneur et l'ornement de son Eglise
a et pour les besoins de ses ministres, celui-là, sans aucun doute, fera
« tourner les dons d'autrui au détriment de son ûme. » Et nous pour-
rions le prouver à tous, non moins clairement que notre prédécesseur
saint Agapit: « Ce n'est certes ni l'esprit d'avarice, ni la vue d'aucun
« intérêt temporel, » mais la considération des jugements de Dieu qui nous
porte à reven(li(]uer ces biens, dont nous devons être « les dispensateurs
« fidèles et prudents ».
Mais les rois chrétiens et les chefs des Etats ne voudront sûrement nous
laisser aucun motif de prier, d'exhorter, d'avertir et de réclamer. Ils
savent parfaitement qu'lsa'ie lésa proclames lésa nourriciers» de l'Eglise
et ils s'en glorifient. Leur foi, leur piété, leur justice, leur sagesse, et
leur religion nous donnent tant de gages d'espérance, que nous sommes
convaincus qu'ils s'empresseront de rendre « à Dieu ce qui est à Dieu, »
et ne s'exposeront pas à entendre retentir 5 leurs oreilles ces paroles et
ces plaintes du Seigneur: « Vous avez ravi mon argent et mon or; ce que
j'avais de plus précieux et de plus beau. » Ils voudront ressembler aux
grands empereurs Constantin et Charlemagne, qui se sont ilUistrés par
leur libéralité et leur justice envers l'Eglise, et dont l'un a même déclaré
« qu'il connaissait beaucoup de royaumes et de rois tombés, pour avoir
a dépouillé l'Eglise». Aussi déclare-t-il hautement à ses enfants et aux
262 LETTRE ENCYCLIQUE DE PIE VII
suis liberis, et iis, qui poslca rempuhlicam gèrent, edicit nt
inculcal : « Quantum valenius et possunius, per Deum et oninia
« sanctoium mérita, prohibemus contcslamurque, ne taiia la-
« ciant, nec faccre volentibus consentiant, sed adjutores et de-
« fensores Ecclesiarum et cultorum Dei pro viribus existant (1 ). »
Neque illud in harum litterarum extiemo celari vos oportet,
venerabiles Fratres, « quoniam tristilia mihi magna est, et
« continuus dolor cordi meo (2), » pro (iliis meis, qui sunt Gal-
]in3 populi, cœterique, apud quos idem furor nondum defeibuit.
Quid mihi optatius contingeret, quam vitam pro illis profun-
dere, si eorurn salus meo posset intcritu repr.csentari ? Non
inficiamur, quin prœ nobisferimus, permultum ad nostri luctus
acerbitatem minuendam ac leniendam vaiere invictum animi
robur et constantiam, quam complurcs ex vol)is prœstitislis,
quœ menti observatur quotidie nostrœ, quamque omnis generis
quidcm homines, œtatis, ordinis mirilice sunt secuti, qui sane
quidvis injuriarum, periculorum, jacturarum, suppliciorum
perpeti, inortemque ipsam oppetere maluerunt, prœclarumque
id sibi existimarunt, quam ilîiciti ac nefarii sacramenti labe
pollui, ac scelere alligari, atque Sedis Apostolicœ decretis ac
sententiis non parère. Nœ haud minus est virtus, nostra memo-
ria, quam crudelitas renovata priscorum temporum. Neque ulla
vero uspiam gens est, quam non mea cogitatio, paternusque
amor, et cura complectatur, cujus a nobis et a veritate dissidio
non valde mœream et discrucier, cuique opituiari non gestiam.
Nobiscum ergo societatem etiam coite precum, ut post diu-
turnam hanc jactationem « Ecclesia habeat pacem, ut œdilice-
« tur ambulans in timoré Domini, et consolatione sancti Spiri-
« tus (3), » nullaque res jam impediat, quin « unum w ex
omnibus nationibus « ovile fiat, et unus pastor (4) ». Vobis
interea tam bene animatis ac paratis, et, cui prcesidetis, gregi
apostolicam benedictionem propensissima voluntate impertimur.
Datum Venetiis ex monasterio S. Georgii Majoris, die décima
quinta maii millesimo octingentesimo, pontificatus nostri anno
primo.
Plus PP. VU.
(1) Ap. Baluz. Capit., 1. I, cap. ni. — (2) Rom., ix, 2.
(3) Act., IX, 31. — (4) Jo.ii., X, 16.
« DIU SATIS », 15 MAI 1800 263
futurs ailministrateurs de ses Etats : « Au nom du Seigneur et par les
« mérites des saints nous leur détendons de toute notre puissance et au-
u torité, nous leur interdisons de rien faire de semblable, ni d'être les
a complices de pareils attentats: qu'il» soient plutôt, dans la mesure de
a leurs forces, les appuis, les défenseurs des églises et des serviteurs de
« Dieu. »
Près de terminer cette lettre, je ne dois point vous dissimuler, véné-
rables Frères, qu'une profonde « tristesse et une douleur continuelle rem-
plissent mon cœur » au sujet de mes enfants, les peuples de la Gaule, et
d'autres aussi dont le délire n'est point encore calmé. Ah ! si ma«nort
pouvait procurer leur salut, qu'y aurait-il pour moi de plus désirable
que de sacrifier ma vie pour eux? INous ne le nions pas, nous le procla-
mons au contraire devant vous, ce qui contribue singulièrement à adou-
cir, à tempérer l'amertune de notre douleur, c'est le courage et la cons-
tance invincible qu'ont déployés beaucoup d'entre vous et que nous ne
cessons d'admirer; noble exemple qu'ont suivi glorieusement des hommes
de tout rang, de tout Age et de toute condition. Car ils ont préféré s'expo-
ser à toute sorte d'injustices, de périls, de sacrifices et de tourments,
braver la mort elle-même; ils ont mis là leur gloire, plutôt que 'de se
souiller et de se déshonorer en prêtant un serment coupable et sacrilège,
plutôt que de n'obéir pas aux décrets et aux volontés du Saint-Siège.
Oui, nos jours ont été témoins du renouvellement des vertus comme des
cruautés des premiers âges. Et il n'y a dans l'univers aucune nation que
je n'embrasse dans mes pensées, dans mon amour paternel et ma sollici-
tude ; il n'y en a point dont la séparation d'avec pous et d'avec la vérité
ne nous cause des chagrins et des tourments, et à laquelle, je n'ambi-
tionne de porter secours.
Formez donc aussi avec nous une conjuration de prières; obtenons
qu'après cette longue tempête « l'Eglise jouisse de la paix, qu'elle pros-
« père en marchant dans la crainte du Seigneur et la consolation de
« l'Esprit-Saint », que rien ne s'oppose plus à l'union de tous les peuples
en un seul troupeau sous un seul pasteur. » Vous cependant qui êtes si
bien disposés et préparés si parfaitement, recevez la bénédiction aposto-
lique : nous vous la donnons de tout notre cœur, ainsi qu'au troupeau
que vous conduisez.
Donné à Venise, au monastère de Saint-Georges-le-Majeur, le quin-
zième jour de mai, de l'an mil huit cent, le prernier de notre Pontificat.
PIE VII, PAPE.
CONCORDAT DE 1801
CONVENTION ENTllE SA SAINTETÉ PIE VII ET LE GOUVERNEMENT FRANÇAIS
Sa Sainteté le Souverain Pontife Pie VII, et les premiers Consuls
de la Uiipublique française, ont nommé pour leurs plénipotentiaires
respectifs :
Sa'Sainteté, S. Em. Mgr Hercule Consalvi, cardinal de la sainte
Eglise romaine, diacre de Sainte-Agatlic ad xiiburram, son secrétaire
d'Etat; Joseph de Spina, archevètiue de Corinthe, prélat domestique
de Sa Sainteté, assistant du trône poiitilical ; et'le P. Caselli, théolo-
gien consultant de Sa Sainteté, pareillement munis des pouvoirs en
bonne et due forme ;
Le premier Consul, les citoyens, Joseph Bonaparte conseiller
d'Etat, Crétet, conseiller d'Etat et Dernier docteur en théologie, curé
de Saint-Laud d'Angers munis de pleins pouvoirs ;
Lesquels, après échange des pleins pouvoirs respectifs, ont arrêté
la Convention suivante :
Convention entre Sa Sainteté Pie VII et le
gouvernement français.
Le gouvernement de la république fiançaise reconnaît que la
religion catholique, apostolique et romaine, est la religion de la
grande majorité (1) des citoyens français.
Sa Sainteté reconnaît également que cette religion a retiré et attend
encore en ce moment le plus grand bien et le plus grand éclat de
l'établissement du culte catholique en France, et de la profession
particulière qu'en font les Consuh de la république (2).
En conséquence, d'après cette reconnaissance mutuelle, tant pour
le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité inté-
rieure, ils sont convenus de ce qui suit :
Art. I". La religion catholique, apostolique et romaine sera libre-
ment exercée en France : son culte sera public, en se conformant
aux règlements de police que le gouvernement jugera nécessaires pour
la tranquillité piiblique.
Consalvi nous apprend dans ses Mémoires quelle lutte il eut à soutenir
pour obtenir la publicité du culte catholique.
« L'argumentqui revenait sous mille fonneset mille couleurs... était l'im-
possibilité absolue d'exercer partout publiqueiuent et en tout les pratiques
du culte, spécialement dans les villes et les campagnes où le nombre des
(1) Longe pars maxima.
(2) Coinpliment et gage de protection indirecte, la seule que put espérer
l'Eglise à cette époque.
CONCORDAT DE 1801 265
catholiques était inférieur à celui des sectaires et des ennemis du catho-
licisme...
« l.e gouvernement en concluait qu'il lui était impossible d'accepter une
publicité indéfinie du culte ; et, imposant une restriclion qu'il juf^c.iit
absolument nécessaire, il formula, dans les ternies suivants, cet article
si souvent indiqué et si fort contesté : Le culte sera public en se con/or-
mant toutefois aux règlements de police. «
Consalvi, craignant qu'on abusât plus tard de cette clause pour asservir
l'Eglise, refusa absolument de l'accepter et, après une discussion qui dura
« onze heures d'horloge », il triompha des commissaires du gouvernement
par ce dilenme : « Ou l'on est de bonne foi en alTirmant que le motif
qui force le gouvernement à exercer la publicité du culte la restriction
de se conformer aux règlements de police est le maintien imyérieux de la
tranquillité publique et alors le gouvernement ne peut pas et ne doit pas
avoir de dithculté, à ce qu'on l'exprime dans l'article ; ou le gouvernement
ne souhaite pas qu'on l'exprime, et alors il n'est pas de bonne foi, et il
montre par là-même, qu'il veut cette restriction pour assujettir l'Eglise
à ses volontés. » Grâce à cette prévoyance et à cette fermeté, Consalvi
obtint la rédaction définitive de l'article et en précisa le sens pour les
jurisconsultes de bonne foi.
Art. 2. — 11 sera fait par le Saint-Siège, de concert avec ]e gouver-
nement, une nouvelle circonscription des diocèses français.
Ce n'est plus comme en 1790, le gouvernement français qui se donne !e
pouvoir de délimiter les diocèses; c'est le Saint-Siège, de concert avec le
gouvernement, celui-ci n'y concourant que par son approbation. Tout cela
est conforme aux principes catholiques et renverse les théories révolu-
tionnaires.
Art. 3. — Sa Sainteté de'clarera aux titulaires des évêchës français
qu'elle attend d'eux avec une ferme confiance, pour le bien de la paix
et de l'unité, toute espèce de sacrifices, même celui de leurs sièges.
D'après cette exhortation, s'ilsserefusaientà ce sacrifice commandé
parle bien de l'Eglise (refus néanmoins auquel Sa Sainteté ne s'attend
pas), il sera pourvu par de nouveaux titulaires au gouvernement des
évêchés de la circonscription nouvelle de la manière suivante:
Tous ceux qui connaissent l'histoire doivent avouer que jamais, depuis
Jésus-Christ, on n'avait exigé un pareil sacrifice de l'épiscopat tout cnLicr
d'une grande nation, qui, loin d'avoir démérité de la religion, était au
contraire couronné de l'auréole de la persécution et du martyre. Cette
considération doit obliger l'Etat à se conformer plus scrupuleusement à
l'esprit du Concordat,
Art. 4, — Le premier consul de la République rîom???era, dans les trois
mois qui suivront, la publication de la Bulle de Sa Sainteté, aux arche-
vêchés et évêchés de la circonscription nouvelle. Sa Sainteté conférera
l'inslituLion canonique, suivant les formes établies par rapport à
la France avant le changement de gouvernement.
C'était une faveur de la part du Saint-Siège d'attribuer à un gouverne-
ment sorti de la Révolution, un privilège qui n'avait été accordé jusqu'alors
qu'à des rois très chrétiens qui rendaient de grands services à l'Eglise.
11 n'est pas besoin ce semble de relever le ridicule qui retombe sur ceux
266 CONCORDAT DK 1801
qui ont voulu attacher à l'expression nominabil « il nommera » le sons de
faire, de créer. Jamais les rois de France, dont le premier Consul désirait
les privilèges, n'ont prétendu créer, faire des évi'ques. Il faut donc prendre
le mot nommer dans le sens canonique de présenter. Ce n'est que par
VInsliluliun canonique quel qu'en soit le coUateur, qu'un dignitaire ecclé-
siastique est vraiment revêtu de ses fonctions sacrées. Ce qui l'a précédé
n'est qu'un préliminaire inellicace.
Art 5. — Les nominations aux évêchés qui vaqueront dans la
suite seront également faites par le premier consul, et rinstitutiou
canoi'lique sera donnée par le Saint-Siège, en conformité de l'article
précédent.
Dans cet article, il n'est rien dit des conflits qui peuvent s'élevi-r entre
le Pape et le gouvernement civil, sur le choix des sujets désignés pour
ï'épiscopat. Mais comme Bonaparte avait pour but de se faire attribuer,
et rien de plus, les prérogatives des rois de France, il est évident que
les choix des sujets présentés peuvent sous l'empire du Concordat du
15 juillet 1801, comme sous celui de Léon X être réformés, rejetés et
annulés sans que le Pape ait à rendre compte de son refus. M. Emile
OUivier, qiii exagère les droits du gouvernement aux dépens de ceux
du Saint-Siège, reconnaît cependant l'évidence de ce droit: » Le Pape
doit conserver sous sa responsabilité devant Dieu et devant l'Eglise le
droit d'accorder ou de refuser l'institution canonique, sans donner d'autre
motif de sa résolution qu'un non possumus non motivé. Sans cela, son
droit de gouvernement serait paralysé dans sa m;uiifestation la plus
importante. {L'Eglise et l'Etat au concile du Vatican, t. l, p. 115.)
Art 6. — Les évêques avant d'entrer en fonctions prêteront directe-
ment, entre les mains du premier consul, le serment de fidélité qui
était en usage avant le changement de gouvernement, exprimé dans
les termes suivants :
« Je jure et promets à Dieu, sur les saints Evangiles, de garder
obéissance et fidélité au gouvernement établi par la Constitution de
la République française. Je promets aussi de n'avoir aiicun»^ intelli-
gence, de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune lic/ue,
soit au dedans, soit au dehors, qui soit contraire à la tranquillité
publique; et si, dans mon diocèse ou ailleurs, j'apprends qu'il se
trame quelque chose au préjudice de l'Etat, je le ferai savoir à
mon gouvernement. »
AjtT, 7, — Les ecclésiastiques du second ordre prêteront le même
serment entre les mains des autorités civiles désignées par le
gouvernement.
Avant la Révolution, le clergé et les évêques en particulier occupaient
dans l'Etat une situation qui permettait de les traiter, sous ce rapport,
comme des personnages dont la fidélité était nécessaire au bien du royaume.
Après la suppression de leurs privilèges, le serment qu'on leur demande
ne s'explique que par la condescendance de l'Eglise et la susceptibilité de
l'Etat. Le premier consul avait à compter avec tout le parti révolution-
naire, qui tenait à imposer un serment au clergé catholique, toujours
suspect à ses yeux. Le représentant du Saint-Siège, malgré la répugnance
du clergé resté fidèle pour toute espèce de serments qui lui rappelaient
involontairement la tyrannie révolutionnaire, consentit à sanctionner un
serment mais absolument inoflensif au point de vue de la doctrine.
CONCORDAT DE 1801 267
Art. 8. — La formule de prière suivante sera re'cite'e à la fin de
l'oilice divin dans toutes les églises catholiques de France : Domine,
salvam fac Rempublicain ; Domine, salvosf'ac Consules.
Condescendance. Les prêtres catholiques, persécutés pendant dix ans par
la République, ne pouvaient accepter sans mérite de prier publiquement
pour ce gouvernement alors même qu'il prenait une voie plus paciûque.
Art. 9. — Les e'vèques feront une nouvelle circonscription des
paroisses de leurs diocèses, qui n'aura d'effet que d'après le consen-
tement du |:;ouvernement.
Les circonscriptions des paroisses étant distinctes des circonscriptions
des communes, on ne voit pas pourquoi le consentement du gouverne-
ment était requis au préalable pour l'exercice d'une juridiction purement
spirituelle. Cette concession est donc une nouvelle condescendance de la
part de l'Eglise.
Art. 10. — Les évêques nommeront aux cures. Leur choix ne
pourra tomber que sur des personnes agréées par le gouvernement.
Aujourd'hui, on abuse de cet article en différant ou en refusant d'agréer
les prêtres choisis par les évêques; et ce ne sont point les curés propre-
ment dits, mais les desservants eux-mêmes, et les simples vicaires qui
passent, contrairement à l'esprit et à la lettre du Concoi'dat, par la férule
du préfet ou du ministre.
Toutes les exigences du gouvernement consulaire ne sont appuyées que
sur l'exemple de l'ancien régime de la Constitution civile du clergé,
abrogée officiellement par la Convention.
Les dix premiers articles du Concordat sont une série d'énormes conces-
sions faites par l'Eglise à l'Etat, en échange d'une liberté parcimonieu-
sement accordée, bien qu'elle fût due, en vertu même du principe le plus
fondamental de la Révolution.
Ils sont donc bien injustes ceux qui suppriment ou diminuent cette
liberté de droit commun et achetée au prix de tant de sacrifices.
Art. 11. — Les évêques pourront avoir un chapitre dans leur
cathédrale et un séminaire pour leur diocèse, sans que le gouverne-
ment s'oblige à les doter.
Si le gouvernement ne contribue en rien à la dotation des chapitres
et des séminaires, de quel droit en restreint-il la fondation, en la repré-
sentant comme une faveur, une licence {pourront aooir) ?
Aussi, à partir de 1804, la législation française subit-elle des modifica-
tions importantes, en faveur des chapitres et des séminaires ; la simple
justice l'exigeait. Il n'en est pas de même sous le gouvernement actuel.
Le Concordat, ni même les Articles organiques ne disent un mot de
l'obligation pour les jeunes gens destinés au sacerdoce, de satisfaire à la
loi qui astreignait tous les français à la conscription et au service
militaire.
Cette immunité était considérée comme une conséquence de la vocation
ecclésiastique. La Révolution l'avait respectée tant qu'elle avait reconnu
un culte religieux et public. Napoléon I'^"', au déclin de sa gloire, alors
qu'il appelait sous les drapeaux tous les Français capables de porter les
armes, ne songea même pas à imposer le même joug aux jeunes lévites.
La loi du 21 mars 1832 détermina définitivement les conditions de cette
268 CONCORDAT DE 1801
immunité supposée par le Concordat, et rciifermée dans son esprit. Ces
conditions restèrent les mêmes jusqu'à l'adnption de la loi de ISS'J.
Les articles i et 11 du Concordat consacrent implicitement cette immu-
nité ecclésiastique. En effet, comment lecullc catholique eût-il joui d'une
pleine et entière liberté, si tous les jeunes gens qui se destinaient au
'accrdoce eussent été astreints préalalilenicnt au service militaire? Le
Concordat met en vigueur, en faveur du gouvernement consulaire, les
plus importants privilèges de l'ancien régime, il était bien juste que le
gouvernement reconnût cette immunité, et certes, Consalvi n'aurait
jamais signé le Concordat s'il avait prévu qu'une des libertés les plus
essentielles à la religion serait un Jour refusée et anéantie par le gou-
vernement obligé par ce Concordat.
Art. 12. — Toutes les églises métropolitaines, cathe'drales, pnrois-
siales et autres, non aliénées, nécessaires au culte, seront muscs à la
disposition des évêques.
Si celte expression seront mises à la disposition des évêques, évidemment
empruntée au décret d'aliénation des biens du clergé, du 2 novembre 1789,
ne signifiait que l'usage; il s'en suivrait que la nation, en 1"89, ne s'est
approprié que l'usage des domaines ecclésiastiques. Cette interprétation
est contraire à l'histoire. Il faut admettre que cette expression est une
manière atténuée, pour signifier sont la propriété de la nation, comme a
osé le dire, en propres termes, la Législative de 1791 . 11 faut donc entendre
l'article 12 du Concordat en ce sens que l'Etat restitue à l'Eglise les
édifices sacrés, non aliénés (1).
Pie VII affirme expressément cette vérité dans sa bulle de ratification,
approuvée et reçue par le gouvernement consulaire : ■< Quoique nous
eussions vivement désiré, dit-il, que tous les temples fussent rendus aux
catholiques, nous avons cru qu'il suffisait d'obtenir du gouvernement que
toutes les églises métropolitaines, cathédrales, paroissiales et autres,
fussent remises à la disposition des évêques (2). » Ce qu'on rend à un
propriétaire devient nécessairement sa propriété. Donc, si les églises
appartenaient à l'autorité ecclési.islique avant la Révolution, en 1801,
elles lui ont été rendues au môme litre.
Le cardinal Caprara, dans son décret du 9 avril 1802, par lequel il
promulgua la bulle de Pie VII : Qui Christi Domini, relative a la nouvelle
circonscription des évêchés, recommande expressément aux archcv.-ques
et évêques des nouveaux diocèses, « d'appliquer tous leurs soins, pour que
les éi'lises métropolitaines et cathédrales çîa auraient besoind'étreréparées ;
ou qui manqueraient complètement, ou ne seraient pas pourvues conve-
nablement de vases sacrés ou des autres choses requises pour l'exercice
décent des fonctions épiscopales et du culte divin, soient inunies de tout
ce qui est nécessaire à ce double point de vue. »
Un simple usager n'a pas à se préoccuper des réparations à faire aux
bâtiments qu'il occupe. Aussi, le gouvernement actuel, qui prétend avoir
l'article 7-i porte : " Les immeubles autres que les édifices destinés au
logement et les jardins attenants (qui d'après l'article '12 doivent être
(1) Voir Bévue catholique des Institutions et du Droit, t. XXI, pp. i-o et
suiv. M. Gavouyère, doyen de la Eaculté catholique de droit d'Angers,
prouve parfaitement cette vérité.
(2) TllEl^EU, loc. cit, t. 1«S p. 2G4.
CONCORDAT DE 1801 269
rendus aux curés et aux desservants des succursales) ne pourront être
atîectés à des titres ecclésiastiques, ni possédés par les ministres du culte,
à raison de leurs fonctions. «
Donc les édifices et les jardins attenants, dont parle l'article 72, doivent
être considérés comme des propriétés ecclésiastiques affectées à des titres
ou à des fonctions sacrées, de la même nature que les bénéfices avant la
Révolution, la prohibition relative aux autres immeubles le démontre
jusqu a l'évidence. JVl. Portails lui-même l'avoue expressément dans son
rapport.
« On avait craint, dit-il, que la faculté de donner des immeubles ne
joignit à divers autres inconvénients celui de devenir un prétexte de solli-
citer et d'obtenir, sous les apparences d'une fondation libre, la restitution
souvent forcée des biens qui avaient appartenu au clergé et dont l'alié-
nation avait été ordonné par les lois. »
On doit aussi affirmer la propriété ecclésiastique « des édifices ancien-
nement destinés au culte catholique, actuellement dans les mains de la
nation », dit l'article 75, et qui d'après le même article, à raison « d'un
édifice par cure et par succursale, seront remis à la disposition des
évêques. »
La réalité de cette propriété ecclésiastique ressort aussi de l'article 76,
par lequel il est statué qu'il sera établi « des fabriques, pour veiller à
l'entrelien et à la conservation des temples, à l'administration des aumônes. ><
Si ces temples avaient été livrés seulement pour l'usage du culte par le
préfet ou la commune, c'eût été cette dernière qui aurait dû être chargée
de l'entretien et de la conservation des monuments. La création des
fabriques, empruntée à l'ancien régime, démontre qu'il s'agit d'une pro-
priété ecclésiastique, dont la gestion est en dehors des attributions des
autorités civiles.
Le gouvernement français renie cet engagement solennel du Concordat
en revendiquant la propriété de ces églises restituées en 1801 aux évêques,
c'est-à-dire à l'autorité diocésaine, personne morale parfaitement capable
d'être propriétaire, aussi bien que l'Etat, les départements, la commune,
les fabriques ou les associations industrielles.
La violation du Concordat est d'autant plus grave que la plupart de ces
églises ont été construites par la générosité et parfois même par la main
des fidèles, l'histoire de la splendide cathédrale de Chartres nous en fournit
un touchant exemple.
Art. 13. — Sa Sainteté, pour le bien de la paix et l'heureux re'ta-
blissement de la religion catholique, de'clare que ni elle, ni ses
successeurs ne troubleront en aucune manière les acquéreurs des biens
ecclésiastiques aliénés, et qu'en conséquence la propriété de ces
mêmes biens, les droits et revenus y attachés, demeureront incom-
mutables entre leurs mains ou celles de leurs ayants cause.
Cet article renferme un aveu implicite de l'invalidité, ou au moins de
l'illicéité de l'aliénation des biens ecclésiastiques faite en 1789. Il reconnaît
aussi implicitement à l'Eglise le droit de propriété ; ce qui est une réaction
contre le principe socialiste, au nom duquel la nation en 1789, s'était
emparée des biens du clergé de France.
L'Eglise a cependant besoin des biens de la terre pour la subsistance de
ses ministres, et surtout pour l'exercice de la charité envers les pauvres.
C'est pourquoi, comme faible compensation des biens abandonnés, le
Concordat alloue aux ecclésiastiques un traitement qui n'est que la rente
à un taux infime des biens pris par la nation et ensuite concédés par
l'Eglise.
270 CONCORDAT DE 1801
Art. 14. — Le f:ouvernemeiit assurera un traitement convenable
aux e'véques et aux curés dont les diocèses et les paroisses seront
compii? dans la circonscription nouvelle.
Evidemment on ne se conforme ni à l'esprit ni à la lettre du Concordat
qviand on traite le budget des cultes comme un impôt vulgaire liont on
discute publiquement l'utilité et l'étendue, et surtout quaud nos gcniver-
nanls, trop oublieux des conventions signées par le Pape et par la
France, regardent les traitements ecclésiastiques comme une laveur
dont on pourrait priver le clergé sans injustice.
Le 1"" février 1889, M. Gauwain, bien qu'il fût commissaire du gouver-
nement, eut la courageuse indépendance de plaider contre le gouver-
nement, qui depuis 1882 retient par mesure administrative (arbiti'aire)
les traitements ecclésiastiques (l).
L'article 2 du titre Y de la constitution de 1791 porte que « le traite-
ment des ministres du culte catholique, pensionnés en vertu des décrets
de l'Assemblée nationale, fait partie de la dette nationale. ■•
Pourquoi le traitement des ministres du même culte, pensionnés en
vertu du Concordat et m6me des Articles organiques reconnus comme
lois de l'Etat, ne ferait pas tout aussi bien partie de la dette nationale.
M. Gauwain n'a pas craint d'affirmer que « si les curés et les desser-
vants sont créanciers de l'Etat, ils ont le droit, comme tout autre créan-
cier d'être payés de tout ce qui leur est dû.
Art. 15. — Le gouvernement prendra également des mesures
pour que les catholiques français puissent, s'ils le veulent, faire en
faveur des églises des fondations.
Le projet qui fut présenté, le 13 juillet ISOl, au Cardinal Consalvi,
portait : <> Le gouvernement de la République prendra des mesures pour
qu'il soit permis aux catholiques français de faire des fondations, en
rentes sw l'Etat, en faveur des églises, lesquelles, dans cette jouissance,
seront soumises à toutes les charges de l'Etat ».
Après vingt-quatre heures d'un pénible travail, le Cardinal fit accepter
sa nouvelle rédaction, qui enlevait au projet toutes les restrictions, et
même l'impôt.
Dans la lettre du 12 mai, adressée à Bonaparte, Pie VII avait expres-
sément rappelé ce point important :
" Nous ne saurions, disait-il, nous dispenser de vous demander....
qu'il soit permis aux ecclésiastiques et aux lieux pieux, de recevoir et de
posséder même des biens immeubles, comnie le veulent le droit et l'usage
très ancien de l'Eglise. » (Theiner, t. 1, p 12.'j.)
Sous les régimes précédents, le gouvernement avait autorisé les évêques
à recevoir sous le titre légal de leur mense, plusieurs immeubles destinés
à des œuvres pies de diverses natures.
Nos gouvernants actuels en 1880, sous prétexte que légalement la
mense épiscopale ne peut posséder que des' biens affectés à l'usage
personnel, cà l'évoque et non pas k d'autres œuvres ecclésiastiques, a fait
vendre à l'encan les immeubles qu'il avait autorisé lui-même à placer
sous le titre lég.<l de mense épiscopale.
Le 8 avril 1883, on a vu quelque chose de plus révoltant encore,
M. Thévenet, ministre des cultes, signait un décret ainsi conçu:
(l) Recueil périodique et critique de jurisprudence, de juridiction et de
doctrine, 3» cahier mensuel, 1889, p. 12-22.
CONXORDAT DE 1801 271
Akt. 1". — « E?.t approuvée, pov.rlc compte de la menseépiscopalecieNimes,
l'r.cq'.iisition faite au nom de cet établissement par M. Basson, alors cvt'que
de Ninieï. suivant contrat reçu, le 22 juin 1876... d'un jardin et dépen-
dances, sis commune de Sommières (Gard).... »
Art 11. — " Le commissaire pour l'administration des biens de la mense
épiscopale de Nimes, pendant la vacance du siège, devra faire procéder
imuK'diatement à l'aliénation aux enchères publiques..., des immeubles
dont la désignation suit : Un immeuble,.., sis à Sommières (Gard) »
Boycr de bouillane, éaiineat avocat de Nimes, apprécie en ces termes
ce singulier procédé ministériel :
« Que penserait-on d'un tuteur, achetant un immeuble pour le mettre
en vente le lendemain ? Tous les hommes sensés estimeraient que ce tuteur
manque à son devoir. S'il est opportun d'acquérir, n'ordonnez pas la
vente ; s'il est opportun de vendre, n'ordonnez pas l'acquisition. » (1)
Nous trouvons dans ces ventes une nouvelle preuve que nos gouver-
nants s'écartent de l'esprit et même de la lettre du Concordat.
Art. 16. — Sa Sainteté reconnaît dans le premier consul de la
République française les mêmes droits et prérogatives dont jouissait
prè)> d'elle l'ancien gouvernement.
On ne peut que sourire de pitié en entendant les interprétations qui
ont été données aux prérogatives, dont il est question dans cet article,
par la Chambre et le Conseil d'Etat en 1883. Cependant ce dernier, dans
son arrêt de 1889, n'a pas osé persister à invoquer cet article pour étarer
ses théories sur la sujétion de l'E^^lise et de l'Etat: mais nos députés ne
cesseront pas pour cela de nous dire que le gouvernement, en vertu de
cet article 16, a hérité de tous les droits de nos monarques à régenter à
sa guise le clergé de France.
La meilleure manière de réfuter ces singulières prétentions, c'est de
citer les documents contemporains qui relatent ce que le premier consul
lui-même entendait par ces droits et prérogatives près du Saint-Siège.
Il charge Cacault de rédiger un niémoire sur « les privilèges et droits de
toutes natures dont jouissait ia rrance a Rome avant la Révolution, et
de l'envoyer aussitôt à Paris, afin i]u'il pût servir de modèle pour bien
rétablir les anciennes relations entre les deux pouvoirs (2). »
Pie Vil, dans sa Bulle EccLesia cru-^iaii. v.i parle pas autrement: « Eadem
jura et privilégia, quibus apucl sanccam seaem fruebatur antiquum regimen
(Thei.ner, II, pièces jus tif., p. 126.) »
Ceux qui liront dans les Documents inédits sur l'histoire de France, la
collection des principaux privilèges de la cour conférés par le Saint-
Siège (volume in-4o de 411 p.), verront qu'il y est question de tout autre
chose que du prétendu droit de régenter le clergé de France en matière
de discipline ecclésiastique ou civile.
Art. 17. — Il est convenu entre les parties contractantes que, dans
le cas ou quelqu'un des successeurs du premier consul actuel ne
serait pas catholique, les droits et prérogatives mentionnés dans l'ar-
ticle ci-dessus, et la nomination aux évêchés, seront réglés, par
(1) Note sur la vente des immeubles de la mense épiscopale de Nimes, in-S.
Nimes 1883, p. lo.
(2) Thei.ner, i, 251.
272 CONCORDAT DE 1801
rapporta lui, par une nouvelle convention. Les ratifications seront
échangées à Paris dans l'espace de quarante jours.
.\v.int 1789, l'onction sainte que recevaient nos rois, le serment qu'ils
faisaient de protéger l'Eglise dans l'accoinpli'^senient des décrets disripli-
nair -s promulgués par les conciles, dans la personne de ses ministre-*,
dans ses biens et ses immunités, conféraient en échange à ses princes des
privilèges qu'ils pouvaient considérer comme des droits héréditaires. De
là les concordats qui exprimaient l'union des deux pouvoirs et leur entente
réciproque.
La Révolution de 1789 a brisé volontairement cette union séculaire du
sacerdoce et de l'empire. Comme l'a très bien dit à la Chambre des députés.
Mgr Freppel : la séparation de l'Eglise et de l'Etat existe en France depuis 1789.
Le Concordat n'a rien changé à l'état social créé par la Révolution; il
a seulement stipulé un modus vivcndi entre deux puissances divisées
désormais par deux courants et deux principes contraires. L'Eglise vit
de la foi chrétienne: l'Etat, depuis la Révolution non seulement n'admet
plus, mais renie la foi chrétienne envisagée comme principe social et
comme guide du gouvernement des peuples.
Le chef de l'Etat n'a donc aucun droit de s'immiscer dans les affaires de
l'Eglise. 11 ne peut agir sous ce rapport qu'en vertu d'une concession,
d'une condescendance qui a pris sa source dans une situation difficile et
délicate.
ARTICLES OR&ANIQUES
DE LA CONVENTION DU 26 MESSIDOR AN IX ET LOI DU 18 GERMLNAL AN S
i On fait habituellement suivre le texte du Concordat du texte des
Articles organiques, quoique ces derniers ne fassent pas partie du
Concordat.
Les Articles organique^, comme chacun le sait, furent ajoutés
subrepticement par Napoléon au Concordat, sans en avertir ni
Pie vil, ni ses le'^ats. Aussi Pie VII protesta-t-il à plusieurs reprises
contre cette action indigne. Les cardinaux Gaprara et Consalvi
firent de même.
Il est utile do rappeler aux lecteurs que ces Articles n'ont aucune
valeur, puisqu'ils n'ont pas été approuvés par Pie VII, l'une des
parties contractantes.
Nous reproduisons seulement deux des protestations de Pie VII.
Pour plus de détails, voir les Questions actuelles : Lettres du cardinal
Consalvi au ministre Cicault. Protestation du cardinal Caprani,
légat du Saint-Siège, t. XI, p. 132. Les Articles organiques ne sont
ni une loi ecclésiastique, ni une loi de l'Etat, t. XII, p. 2. La
discussion concordataire au Sénat et à la Chambre, par Mgr Perraud,
t. XII, p. 163.
Lettre de Pie VII à Napoléon I".
27 mai 1802. 27 mai 1802.
« Per questo Noi vi prft- « C'est pourquoi nous vous
ghiamo caldamente, affinche gli supplions chaleureusement de
Articoli organici che ci erano faire en sorte que les Articles
ignoti, ricevano opportune e ne- organiques, qui nous étaient in-
cessarie modificazioni e cambia- connus, reçoivent les modifica-
menti. tions nécessaires.
» Notre Cardinal Légat vous
» Il Nostro Cardinal Legato vi fera à ce sujet connaître plus
farà conoscere su di cio più par- particulièrement nos désirs qui,
ticolarmente i Nostri desideri, nous en avons l'espoir, seront
che confidiamo che saranno da complètement satisfaits par
Voi piainente appagati » vous »
Dans son allocution du jour de l'Ascensioa de Notre-Seigneur qu'il fit
répandre partout. Pie VII prolestait aussi contre les .\rticles organiques
et disait :
Que la consolation qu'il éprouvait du rétablissement de la reli-
gion en France, lui était rendue pourtant bien amère par les lois
organiques qui avaient été rédigées sans qu'il en sût rien, et sur-
tout sans qu'il les eût approuvées
274 ARTICLES ORGANIQUES
Texte des Articles organiques de la convention
du 26 messidor an IX et loi du 18 germinal an X.
TiTitE pi". — Du régime de l'Eglise catholique dans ses
rapports généraux avec les droits et la police de l'Etat.
AnT. I»"". — Aucune bulle, bref, rescrit, décret, mandat, provision,
signature servant de provision, ni autres expéditions de la Cour de IJomc,
même ne concernant que les particuliers, ne pourront être reçus, publiés,
imprimés, ni autrement rais à exécution, sans l'autorisation du gouver-
nement.
AiiT. 2. — Aucun individu se disant nonce, légat, vicaire ou commis-
saire apostolique, ou se prévalant de toute autre dénomination, ne
pourra, sans la même autorisation, exercer sur le sol français ni ailleurs
ancune fonction relative aux atfaires de l'Eglise gallicane.
AuT. 3. — Les décrets des synodes étrangers, même ceux des conciles
généraux, ne pourront être publiés en France, avant que le gouvernement
en ait examiné la forme, leur conformité avec les lois, droits et franchises
de la République française, et toiit ce qui, dans leur publication, pourrait
altérer ou intéresser la tranquillité publique.
Art. 4. — Aucun concile national ou métropolitain, aucun synode dio-
césain, aucune assemblée délibérante, n'aura lieu sans la permission
expresse du gouvernement.
Art. 5. — Toutes les fonctions ecclésiastiques seront gratuites, sauf
les oblations qui seraient autorisées et fixées par les règlements.
Art. C. — Il y aura recours au Conseil d'Etat, dans tous les cas d'abus
de la part des supérieurs et autres personnes ecclésiastiques.
Les cas d'abus sont : l'usurpation ou l'excès de pouvoir, la contraven-
tion aux lois et règlements de la Républiqu(% l'infraction des règles con-
sacrées par les canons reçus en France, l'attentat aux libertés, franchises
et coutumes de l'Eglise gallicane, et toute entreprise ou tout procédé qui,
dans l'exercice du culte, peut compromettre l'honneur des citoyens, trou-
bler arbitrairement leur conscience, dégénérer contre eux en oppression
ou en injure, ou en scandale public.
Art. 1. — Il y aura pareillement recours au Conseil d'Etat, s'il est
porté atteinte à l'exercice du culte et à la liberté que les lois et les
règlements garantissent à ses ministres.
\nT. 8. — ^^ Le recours compètera à toute personne intéressée. A) défaut
de plainte particulière, il sera exercé d'office par les préfets.
Le fonctionnaire public, l'ecclésiastique ou la personne qui voudra
exercer ce recours, adressera un mémoire détaillé au conseiller d'Etat,
chargé de toutes les afTaires concernant les cultes, lequel sera tenu de
prendre, dans le plus court délai, tous les renseignements convenables;
et, sur son rapport, l'alfaire sera suivie et définitivement terminée dans
la forme administrative, ou renvoyée, selon l'exigence des cas, aux
autorités compétentes.
Titre II. — Des ministres.
JjECTioN PREMIÈRE. — Dispositions générales.
Art. 9. — Le culte catholique sera exercé sous la direction des arche-
vêques et évêques dans leurs diocèses, et sous celle des curés dans leurs
paroisses.
ARTICLES ORGANIQUES 275
Art. 10. — Tout privilôire portant exemption ou attribution de la
juridiction cpiscopale est aboli.
Art. U. — Les archevêques ou évêques pourront, avec l'autorisation
du gouvernement, établir dans leurs diocèses des Chapitres cathédraux
et des Séminaires. Tous autres établissements ecclésiastiques sont
supprimés.
Art. 12. — Il sera libre aux archevêques et évêques d'ajouter à leur
nom le titre de citoyen ou de monsieur. Toutes autres qualités sont
interdites.
Sectiox II. — Des archevêques ou métropolitains.
Art. 13. — Les archevêques consacreront et installeront leurs suffra-
gants. En cas d'empêchement ou de refus de leur part, ils seront suppléés
par le plus ancien évêque de l'arrondissement métropolitain.
Art. 14. — Ils veilleront au maintien de la loi et de la discipline dans
les diocèses dépendants de leur métropole.
Art. 15. — Us connaîtront des réclamations et des plaintes portées
contre la conduite et "les décisions des évêques suffragants.
Section III. — Des évêques, des vicaires géiiéraux et des Séminaires
Art. 16. — vOn ne pourra être nommé évêque avant l'âge de trente ans,
et si on n'est originaire Français.
Art. n. — Avant l'expédition de l'arrêté de nomination, celui ou ceux
qui seront proposés ."jeront tenus de rapporter une attestation de bonne
vie et mœurs, expédiée par l'évêque dans le diocèse duquel ils auront
exercé les fonctions du ministère ecclésiastique; et ils seront examinés
sur leur doctrine par un évêque et deux prêtres, qui seront commis par
le premier consul, lesquels adresseront le résultat de leur examen au
conseiller d'Etat chargé de toutes les affaires concernant les cultes.
Art. 18. — Le prêtre nommé par le premier Consul fera les diligences
pour rapporter l'institution du Pape.
Il ne pourra exercer aucune fonction avant que la Bulle, portant son
institution, ait reçu l'attache du gouvernement, et qu'il ait prêté, en
personne, le serment prescrit par la convention passée entre le gouver-
nement français et le Saint-Siège.
Ce serment sera prêté au premier consul; il en sera dressé procès- verbal
par le secrétaire d'Etat.
Art. 19. — Les évêques nommeront et institueront les curés. Néanmoins,
ils ne manifesteront leur nomination et ils ne donneront l'institution
canonique, qu'après que cette nomination aura été agréée par le premier
consul.
Art. 20. — Ils seront tenus de résider dans leurs diocèses ; ils ne pourront
en sortir qu'avec la permission du premier consul.
Art. 21. — Chaque évêque pourra nommer deux vicaires généraux, e
chaque archevêque pourra en nommer trois; ils les choisiront parmi les
prêtres ayant les qualités requises pour être évêques.
Art. 22. — Ils visiteront annuellement et en personne une partie de
leur diocèse, et, dans l'espace de cinq ans, le diocèse entier.
En cas d'empêchement légitime, la visite sera faite par un vicaire
général.
Art. 23. — Les évêques seront chargés de l'organisation de leurs
séminaires, et les règlements de cette organisation seront soumis ;i
l'approbation du premier consul.
Art. 24. — Ceux qui seront choisis pour l'enseignement dans les Sénii-
276 ARTICLES ORGANIQUES
naires, souscriront la déclaration faite par le clergé de France, en 1682,
et publiée par un édit de la inAine année. Il se soumettront à y enseigner
la doctrine qui y est contenue, et les év."-ques adresseront une expédition
en forme de cette soumission, au conseiller d'Etat chargé de toutes les
aOaires concernant les cultes.
Art. 25. — Les évêques enverront, toutes les années, a ce conseiller
d'Etat, le nom des personnes qui étudieront dans les Séminaires et qui se
destineront à l'état ecclésiastique.
AnT. 20. — Ils ne pourront ordonner aucun ecclésiastique, s'il ne justifie
d'une propriété produisant au moins un revenu annuel de trois cents franc«;
s'il n'a atteint l'âge de vingt-cinq ans, et s'il ne réunit pas les qualités
requises par les canons reçus en France.
Les évêques ne feront aucune ordination avant que le nombre des
personnes à ordonner ait été soumis au gouvernement et par lui agréé.
Section IV. — Des curés.
Art. 27. — Les curés ne pourront entrer en fonctions qu'après avoir
prêté, entre les mains du préfet, le serment prescrit par la convention
pas!=ée entre le gouvernement et le Saint-Siège. Il sera dressé procès-
verbal de cette prestation, par le secrétaire général de la préfecture, et
copie collationnée leur en sera délivrée.
Art. 28. — Ils seront mis en possession par le curé ou le prAtre que
l'évêque désignera.
Art. 29. — Ils seront tenus de résider dans leur paroisse.
Art. 30. — Les curés seront immédiatement soumis aux évêques, dans
l'exercice de leurs fonctions.
Art. 31. — Les vicaires et desservants exerceront leur ministère sous la
surveillance et la direction du curé.
Ils seront approuvés par l'évêque et révocables par lui.
Art. 32. — Aucun étranger ne pourra être employé dans les fonctions
du ministère ecclésiastique, sans la permission du gouvernement.
Art. 33. — Toute fonction est interdite à tout ecclésiastique, même
Français, qui n'appartient à aucun diocèse.
Art. 34. — Un prêtre ne pourra quitter son diocèse pour aller desservir
dans un autre, sans la permission de son évèque.
Section V. — Des Chapitres cathédraux et du gouvernement des diocèses
pendant la vacance des sièges.
Art. 3d. — Les archevêques et évêques qui voudront user de la faculté
qui leur est donnée d'établir des Chapitres, ne pourront le faire sans avoir
rapporté l'autorisation du gouvernement, tant pour l'établissement lui-
même que pour le nombre et le choix des ecclésiastiques destinés à le former
Art. 36. — Pendant la vacance des sièges, il sera pourvu par le métro-
politain, et, à son défaut, par le plus ancien des évêques suffragants, au
gouvernement des diocèses.
Les vicaires généraux de ces diocèses continueront leurs fonctions,
même après la mort de l'évêque, jusqu'à son remplacement.
Art. 37. — Les métropolitains, les Chapitres cathédraux seront tenus,
sans délai, de donner avis au gouvernement de la vacance des sièges et
des mesures qui auront été prises pour le gouvernement des diocèses
vacants.
Art. '^S. — Les vicaires généraux qui gouverneront pendant la vacance,
ainsi que les métropolitains ou capitulaires, ne se permettront aucune
innovation dans les usages et coutumes des diocèses.
ARTICLES ORGANIQUES 277
Titre UI. — Du culte.
Art. 39. — Il n'y aura qu'une liturgie et un catéchisme pour toutes les
Eglises de France.
Art. 4U. — Aucun curé ne pourra ordonner des prières publiques
extraordinaires dans sa paroisse sans la permission spéciale de l'évêque.
Art. 41. — Aucune fête, à Texception du dimanctie, ne pourra être
établie sans la permission du gouvernement.
Art. 42. — Les ecclésiastiques useront, dans les cérémonies religieuses,
des habits et ornements convenables à leurs titres : ils ne pourront,
dans aucun cas, ni sous aucun prétexte, prendre la couleur et les marques
distinctives réservées aux évêques.
Art. 43. — Tous les ecclésiastiques seront habillés à la française et en
noir.
Les évêques pourront joindre à ce costume la croix pectorale et les bas
violets.
Art. 44. — Les chapelles domestiques, les oratoires particuliers ne
pourront être établis sans une permission expresse du gouvernement,
accordée sur la demande de l'évêque.
Art. 45. — Aucune cérémonie religieuse n'aura lieu hors des édifices
consacrés au culte catholique, dans les villes où il y a des temples
destinés à différents cultes.
Art. 46. — Le même temple ne pourra être consacré qu'à un même
culte.
Art. 47. — 11 y aura, dans les cathédrales et paroisses, une place dis-
tinguée pour les individus catholiques qui remplissent les autorités civiles
et militaires.
Art. 48. — L'évêque se concertera avec le préfet pour régler la manière
d'appeler les fidèles au service divin par le son des cloches. On ne pourra
les sonner pour toute autre cause, sans la permission de la police
locale.
Art. 49. — Lorsque le gouvernement ordonnera des prières publiques,
les évêques se concerteront avec'Ie préfet et le commandant militaire du
lieu, pour le jour, l'heure et le mode d'exécution de ces ordonnances.
Art. 50. — Les prédications solennelles appelées serinons, et celles
connues sous le nom de stations de l'A vent et du Carême, ne seron faites
que par des prêtres qui en auront obtenu une autorisation spéciale de
l'évêque.
Art. 51. — Les curés, aux prônes des messes paroissiales, prieront et
feront prier pour la prospérité de la République française et pour les
consuls.
Art. 52. — Ils ne se permettront, dans leurs instructions, aucune
inculpation directe ou indirecte, soit contre les personnes, soit contre
les autres cultes autorisés par l'Etat.
Art. 53. — Ils ne feront au prône aucune publication étrangère à
l'exercice du culte, si ce n'est celles qui seront ordonnées par le
gouvernement.
Art. o4. — Ils ne donneront la bénédiction nuptiale qu'à ceux qui
justifieront, en bonne et due forme, avoir contracté mariage devant
ï'ollicier civil.
Art. 53. — Les registres tenus par les ministres du culte, n'étant et ne
pouvant être relatifs qu'à l'administration des sacrements, ne pourront,
dans aucun cas, suppléer les registres ordonnés par la loi pour constater
l'état civil des Français.
Art. 56. — Dans' tous les actes ecclésiastiques et religieux, on sera
278 ARTICLES ORGAMQUES
obligé «le se servir du calemlrlcr d'éqiiirinxe, établi par les lojs de la
Héi)ublique: on désignera les jours par les noms qu'ils avaient dans le
calendrier des solstices.
Aux. 57. — Le repos des fonctionnaires publics sera fixé au dimanche.
TiTiiE IV. — De la circonscription des archevêchés, des évèchés
et des paroisses, des édifices destinés au culte, et du traitement
des ministres.
Section I. — De la circonscription des archevêchés et des évêchés.
Art. 58. — 11 y aura en France di.x archevêchés ou métropoles et
cinquante évêchés.
AuT. 59. — La circonscription des -métropoles et des diocèses sera faite
conformément au tableau ci-joint.
Section II. — De la circonscription des paroisses.
Ar.T. 00. — Il y aura au moins une paroisse dans chaque justice de
paix.
11 sera en outre établi autant de succursales que le besoin pourra
l'exiger.
AuT. Gl. — Chaque évêque, de concert avec le préfet, réglera le nombre
et l'étendue de ces succursales. Les plans anvtés seront soumis au
gouvernement, ne pouront être mis à exécution sans son autorisation.
Art. G2. — Aucune partie du territoire français ne pourra être érigée
en cure ou succursale, sans l'autorisation expresse du gouvernement.
Art. 03. — Les prêtres desservant les succursales seront nommés par
les évêques.
Section UI. — Du traitement des ministres.
Art. 64 — Le traitement des archevêques sera de 13 000 francs.
Art. 65. — Le traitement des évoques sera de 10 000 francs.
Art. 66. — Les curés seront distribués en deux classes.
Le traitement des curés de la première classe sera porté à l'JOO fr. ;
celui des curés de la seconde classe à 1000 francs.
Art. 67. — Les pensions dont ils jouissent, en exécution des lois de
r.\ssemblée constituante, seront précomptées sur leur traitement.
Les Conseils généraux des grandes communes pourront, sur les biens
ruraux ou sur leurs octrois, leur accorder une augmentation de traitement,
si les circonstances l'exigent.
Art. 68. — Les vicaires et desservants seront choisis parmi les ecclé-
siastiques pensionnés, en exécution des lois de r.Vsscmblée constituante.
Le montant de ces pensions et le produit des oblations formeront leur
traitement.
Art. 60. — Les évêques rédigeront les projets de règlements relatifs
aux oblations que les ministres du culte sont autorisés'à recevoir pour
l'administration des sacrements. Les projets de règlements rédigés par
les évêques ne pourront être publiés ni autrement mis à exécution qu'après
avoir été approuvés par le gouvernement.
Art. 70. — Tout ecclésiastique, pensionnaire de l'Etat, sera privé de sa
pension, s'il refuse, sans cause légitime, les fonctions qui pourront lui
être confiées.
Art. 71. — Les Conseils généraux de département sont autorisés à
procurer aux archevêques un logement convenable.
ARTICLES ORGANIQUES 279
Art. 72. — Les presbytères et les jardins attenants non aliénés seront
rendus aux curés et aux desservants des succursales, A défaut de ces
presbytères, les Conseils généraux des communes sont autorisés à leur
procurer un logement et un jardin.
AuT. 73. — Les fondations qui ont pour objet l'entretien des ministres
et l'exercice du culte ne pourront consister qu'en rentes constituées sur
l'Etat; elles seront acceptées par l'évêque diocésain, et ne pourront être
exécutées qu'avec l'autorisation du gouvernement.
Art. 74. — Les immeubles, autres que les édifices publics, destinés
au logement, et les jardins attenants, ne pourront être atiectés à des
titres ecclésiastiques, ni possédés par les ministres du culte à raison de
leurs fonctions.
Sectio.x IV. — Des édifices destinés au culte.
Art. 75. — Les édifices anciennement destinés au culte catholique,
actuellement dans les mains de la nation, à raison d'un édifice par cure
et par succursale, seront mis à la disposition des évêques par arrêté du
préfet du département.
Une expédition de ces arrêtés sera adressée au conseiller d'Etat chargé
de toutes les affaires concernant les cultes.
Art. 76. — Il sera établi des fabriques pour veiller à l'entretien et à la
conservation des temples, à l'administration des aumônes.
Art. 77. — Dans les paroisses où il n'y aura point d'édifice disponible
pour le culte, l'évêque se concertera avec le préfet pour la désignation
d'un édifice convenable.
TABLE DES MATIERES
Avant-propos V
Portrait et biographie de S. S. Pie IX VU
Ouvrages à consulter sur S. S. Pie IX. XV
Portrait et biographie de S. S. Grégoire XVI XVII
Ouvrages à consulter sur S. S. (irégoire XVI XX
Portrait et biographie de S. S. Pie VII XXI
Ouvrages à consulter sur S. S. Pie VII XXIX
Ouvrages à consultersur le Concordatct les articlesorganiqucs. XXX
Encyclique de S. S. Pie IX « Quanta cura » sur les erreurs
modernes, aux Patriarches, Primats, Archevêques et Evèques
du monde catholique, S décembre 1S6A 2
Zèle des Souverains Pontifes contre l'erreur. — Ce qu'a déjà Tait
Pie IX contre les erreurs actuelles. — Ce qui l'oblige à élever de
nouveau la voix. — Athéisme dans le gouvernement. — Liberté de
conscience. — Liberté des cultes. — Liberté de la presse. — Souve-
raineté du peuple ; doctrine des faits accomplis. — De l'aumône et
du repos des jours fériés. — Communisme, socialisme, éducation
donnée par l'Etat. — Subordination de l'Eglise à l'Etat. — Obéis-
sance due à l'Eglise. Négation de la divinité de Jésus-Christ. —
Exhortation pressante de combattre toutes ces erreurs. — Politique
chrétienne. — Invitation à la prière pour les besoins de l'Eglise. —
Jubilé — S'adresser à la Sainte ^'ierge.
SvLLABUS (résumé) des principales erreurs de notre temps
signalées dans les allocutions consistoriales, encycliques et
autres lettres apostoliques de :<. 1.5. P. le pape Pie LX 18
Panthéisme; Naturalisme et Rationalisme absolu. — Rationalisme
modéré! — Inditlërentisme, latitudinarisme. — Socialisme, commu-
nisme, Sociétés secrètes; Sociétés bibliques; Sociétés clérico-libé-
rales. — Erreurs relatives à l'Eglise et à ses droits; erreurs relatives
à la société civile, considérée soit en elle-même, soit dans ses rapports
avec l'Eglise. — Erreurs concernant la morale naturelle et chré-
tienne. — Erreurs concernant le mariage chrétien. — Erreurs sur !e
principat civil du Pontife romain. — Erreurs qui se rapportent au
libéralisme moderne.
Encyclique de S. S. Pie IX «I.ncredibii.i afflictamur», sur la per-
sécution dans la Nouvelle-Grenade, à Mgr Antoine, arche-
vêque de Santa-Fé de Bogota et au* autres évèques de la
Nouvelie-Grenade, y? se^î^e/HÔre /(S65 36
TABLE DES MATIÈRES 281
Persécutions impies ;i la Nouvelle -Grenade. ^ Lois iniques rendues
depuis deux ans. — Asservissemenb du rainisti're ecclésiastique. —
Confiscations . — Liberté des cultes. ^ Suppression des commu-
nautés religieuses. — Défense de promulguer les lettres du Pape. —
Obligation de prêter serment. — Courage des évèques. — Fureurs-
du gouvernement contre l'épiscopat et le clergé fidèle. — Odieuses
persécutions '^ontre les religieuses. — Profanation des choses sacrées.
— Dangers pour le salut éternel. — Défections douloureuses. — Le
Pape doit parler. — Ses protestations. — Ses e.xhortations. — Féli-
citations aux évèques. — Au clergé. — Aux religieuses. — Au peuple
demeuré fidèle. — Invitation à prier.
Encyclique de S. S. Pie IX « Qu.\nto configiamor »,aux cardinaux,
archevêques et évèque*^ d'Italie, iO août 1863 46
Consolations que donne au Saint-Père l'épiscopat italien. — Si le
triomphe de la religion n'est pas prochain, il est sûr. — La gloire de
l'Eglise éclate au milieu des persécutions actuelles. — Obligation de
condamner l'erreur. — Indiiïérence en fait de religion. — Hors de
l'Eglise point de salut. — Charité obligatoire envers ceux mêmes
qui ne sont pas catholiques. — Attachement à la terre. — Travailler
pour vivre. — Trahison de prêtres italiens. -^ On veut détruire
l'Eglise en Italie. — Il faut résistera ses ennemis. — Nécessité d'ins-
truire le peuple. — Félicitations et exhortations au clergé fidèle, aux
religieuses, au peuple clirétien. — Confiance aux promesses de Jésus-
Christ. — Exhortation à la prière.
Lettre apostolique de S. S. Pie IX « Cum catholica », surle pouvoir
temporel du Pape, 26 mars 1860 62
Desseins de la Providence en accordant au Pape un pouvoir tem-
porel. — Ce pouvoir est sacré. — ■ Comment il est attaqué par les
ennemis de l'Eglise. — Manœuvres employées contre lui par le gou-
vernement piémontais. — Protestation du Pape, des évèques et des
fidèles. — Usurpation du Piémont. — Obligation imposée au Pape. —
Excommunication des coupables. — Elle est réservée au Pape. —
Vœux en faveur des excommuniés. — Rien ne peut infirmer la sen-
tence du Pontife. — Publication de la sentence.
Encyclique de S. S. Pie IX « Singulari quideu », sur les erreurs
présentes elles rapports de la raison et de la foi, aux cardi-
naux, archevêques et évèques d'Autriche, 47 mars 1836 78
Assemblée du clergé à Vienne. — Concordat avec l'empereur d'Au-
triche. — Mode d'exécution du Concordat. — Vigilance pastorale.
— Première source de nos maux : Indifférence en matière de religion.
— Les deux éléments de la religion. — Autre source de maux : le
rationalisme. — Exercice légitime de la raison. — La raison est évi-
demment obligée de se soumettre à la foi. — La foi repose sur l'au-
torité. — La foi nuit-elle aux progrès de la science? — Nécessité de
ranimer l'esprit religieux. — Conciles provinciaux. — Discipline
ecclésiastique. — Retraites ecclésiastiques. — Direction des Petits
282 TABLE DES MATIÈRES
et (les Grands Séminaires. — Education catholique delà jeunesse. —
Missions. — Visites éplscopalcs. — Synodes diocésains. — Confé-
rences ecclésiastiques. — Ministère des curés. — Leurs devoirs. —
Rapports ;'i envoyer à Uonic sur l'état des diocèses. — Rites et cou-
tumes de l'Eglise d'Orient. — Ranimer le zèle du clergé oriental. —
Recourir au Pape. — Union dans le clergé. — Jésus-Christ modèle
des pasteurs. — Vœux et bénédiction apostoliques.
Constitution de S. S. Pie IX « Ineff.xbilis Deus » sur l'Imma-
culée-Conception de la Sainte Vierge, 8 décembre iSoi 102
Concessions faites par les prédécesseurs de Pie IX en faveur de l'Im-
maculée Conception. — Alexandre VII sur la doctrine de l'Immarulée
Conception. — Hommages rendus par tous les chrétiens. — llom-
luages rendus par les Pères de l'Eglise. — Figures de l'Immaculée
Conception. — Figures de Marie. — Piété des Pères et des chrétiens
envers Marie. — Réunion du consistoire. — Définition du dogme de
l'Immaculée Conception. — Actions de grâces à Marie. — Recom-
mandations aux fidèles.
Lettre apostolique de S. S. Pie IX « Ad apostolic^ sedis » con-
damnant et prohibant les Institutions du Droit ecclésiastique
par Nuytz. et le Traité de droit ecclésiastique universel du même
auteur, 22 août iSoi 130
Impérieuse obligation de condamner les mauvais livres. Les
ouvrages de Nuytz reproduisent des erreurs déjà condamnées. —
Erreurs relatives à la puissance ecclésiastique. — Erreurs relatives
au mariage. — Autres faussetés. — But impie de l'auteur. — Sentence
de condamnation. — Suspense et excommunication. — Exhortation
à combattre l'erreur. — Promulgation de la sentence.
Lettre apostolique de S. S. Pie IX « Multiplices inter « condam-
nant et prohibant la Défense de l'autorité du gouvernement et
des évoques contre les prétentions de la cour romaine par Fran-
çois de Paule, Y 0 juin iSoi 140
Erreurs contenues dans l'ouvrage de François de Paule. — Quali-
fications de ces erreurs. — Excommunication prononcée contre les
lecteurs ou les possesseurs de l'ouvrage. — Publication de cette
condamnation.
Encyclique de S. S. Pie IX « Ncstis et nouiscum » sur la religion
en Italie et les erreurs présentes, aux cardinaux, arche-
vêques et é vêques d'Italie, 8 décembre 1849 146
Rage impie des révolutionnaires pendant qu'ils dominaient à
Rome. — Us représentent le catholicisme comme un obstacle au
bonheur et à la gloire de l'Italie. — Ce que l'Italie doit au catholi- •
cisme. — Combien la civilisation chrétienne l'emporte sur la civili-
sation païenne. — Le but des révolutionnaires est d'établir le socia-
lisme et le communisme. — Prendre courage et s'opposer énergique-
ment au mal. — S'appliquer d'abord à l'instruction du peuple. —
Insister sur la nécessité d'être catholique. — Réception des sacre-
TABLE DES MATIÈRES 283
ments. — Nécessité des missions. — Mauvais livres et sociétés bibli-
ques. — Y opposer la composition et la propagande de bons livres.
— Attachement à l'Eglise romaine. — Obéissance au Souverain Pon-
tife. — Démasquer les desseins pervers du socialisme. — Nécessité
de l'autorité. — De l'inégalité des conditions. — Vraie liberté, égalité
parfaite dans la religion. — Affreux dangers du communisme. —
Précautions à prendre pour l'admission à la cléricature. — Avis aux
religieux. — Séminaires. — Education religieuse de la jeunesse. —
Sérieux avertissements donnés aux princes par les événements
actuels. — Remèdes à tous nos maux. — ■ Ne rien négliger pour
s'opposer aux complots des méchants. — Recourir à la prière.
Encyclique de S. S. Pie IX « Qui pluribus », aux patriarches,
primats, archevêques et évêques du monde catholique,
9 novembre 48 i6 176
Conspiration ourdie contre la religion catholique et contre la
société civile. — La religion représentée comme étant contraire aux
lumières de la raison. — La religion attaquée au nom du progrès.
— Preuves éclatantes de la divinité de la religion. — Divine, uni-
verselle et incomparable autorité de l'Eglise romaine. — Condam-
nation nouvelle des sociétés secrètes et des sociétés bibliques. —
Indifférence en matière de religion. — Célibat ecclésiastique, éduca-
tion de la jeunesse. — Communisme. — Mauvais livres. — Pureté
de la foi. — Dévouement à l'Eglise et obéissance à ses lois. — Pré-
dication. — Vertus nécessaires aux prêtres. — Devoirs des pasteurs.
— Devoirs des prédicateurs. — Education des clercs. — Sémi-
naires. — Retraites ecclésiastiques. — Influence du clergé. — Obli-
gations épiscopales. — Concorde entre le sacerdoce et l'Empire. —
Prier Dieu, la Sainte Vierge, les apôtres et les saints.
Encyclique de saint Grégoire XVI «Mirari vos», aux patriarches,
primats, archevêques et évêques du monde catholique,
U août 4832 200
Troubles publics. — Etat déploi'able de la société. Guerre impla-
cable déclarée a l'Eglise. — Désastre qu'elle attire jusque dans
l'ordre civil. — Le devoir des Pontifes est d'y remédier. — Attache-
ment à l'Eglise romaine. — Les évêques soumis au Pape et les
prêtres à l'évêque. — Respect pour la discipline de l'Eglise. — Enne-
mis du célibat ecclésiastique. — Indissolubilité du mariage. — Autorité
de l'Eglise sur le mariage. — Indifférentisme. — Liberté de con-
science. ~ Liberté de la presse. — Les mauvais livres. — Index des
livres prohibés. — Soumission due aux puissances. — Exemples
donnés par les premiers chrétiens. — Maurice et la légion thébaine.
— Amis prétendus de la liberté, trois amis du despotisme. — Sépa-
ration de l'Eglise et de l'Etat. — Sociétés secrètes. — Obligation de
combattre pour ia foi. — Les princes doivent protéger la religion.
— Prier avec mstance.
Encyclique de S. S. Grégoire XVI « I.nter pr^ecipuas », sur
284 TAIILE DES MATlicUKS
l'étude et l'interprétation de la Bible, aux patriarches, pri-
mats,arche vôques et évèques du monde cathol ique, S mai i Si i. 222
Dessein coupable des Sociétés bibliques. — Tous ne sont |)as
capables d'entenJre l'Ecriture par eux-inéuies. — Combien l'Eglise
romaine prend à tâche de faire connaître l'Ecriture au peuple. —
Précautions à prendre pour les versions de la Bible en lanj,'ue vul-
gaire, — Condaumation des Sociétés bibliques. — Uésultats heureux
de cette condamnation. — L'alliance chrétienne formée contre les
Italiens. — Condanmation de l'alliance chrétienne. — Règles rela-
tives aux traductions de la Bible en langue vulgaire et aux livres
prohibés. — Instruire avec soin les fidèles. — Enseignement de
l'Ecriture. — Déjouer les etforts tentés auprès des Italiens. — Les
princes doivent leur appui. — Prière.
Lettre apostolique de Pie VII « Post t.\m diuturn.\s », à Mgr de
Boulogne, évoque de Troyes, 29 aiTiMS/4 240
Joie de Pie VII à l'avènement de Louis XVIII. — Douleur qu'il
éprouve : la nouvelle constitution ne parle pas de Dieu ni de la reli-
gion catholique. — Elle consacre la liberté des cultes, la liberté de
la presse. — Autres défauts. — Les évoques doivent travailler à obte-
nir que le roi ne souscrive pas ces articles. — Considération à faire
valoir. — Le roi doit se déclarer protecteur de la religion.
Encyclique de S. S, Pie VII«Dius.\tis)), aux patriarches, primats,
archevêques et évêques du monde catholique, 15 mai 4800. 248
Eloge de Pie VI. — La Providence se manifeste visiblement pour
lui choisir un successeur. — Ainsi Dieu a déjoué les complots des
ennemis de son Eglise. — Confiance en Dieu du nouveau Pontife.
— II recommande l'union à l'épiscopat. — La religion assure le
bonheur des peuples. — Tous les évèques doivent se dévouer à la
faire fleurir. — Avec quel soin ils doivent choisir les ministres
sacres. — Pourvoir à l'éducation chrétienne de la jeunesse. —
Ecarter, anéantir les mauvais livres. — Vigilance continuelle. —
Liberté de la discipline ecclésiastique. — Respect dû aux propriétés
ecclésiastiques. — Les princes doivent être les protecteurs de
l'Eglise. — Union de prières.
Texte du Concordat de 1801 264
Protestations contre les Articles organiques 273
Texte des Articles organiques du Concordat de ISOi 274
TABLE DES MATIÈRES
PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE
A
Ad aposfolicœ, Encyclique de
S. S. Pie IX 130
Alexandre VII (Témoignage de
N. S. -P. le Pape) sur la doc-
trine de l'Immaculée Con-
ception 109
Alliance chrétienne formée
contre les Italiens 233
— (Condamnation de V). . 235
Articles organiques (Protesta-
tion contre les) 274
— (Texte des) 276
Athéisme dans le gouverne-
ment 7
Autorité (Nécessité de 1') 161
B
Bible (Précautions à prendre
pour les versions de la) en
langue vulgaire, 227 235
Bibliques (Condamnation des
Sociétés), 23, 137, 183, 223, 229
C
Catholicisme (Les révolution-
naires représentent le)
comme un obstacle au bon-
heur et à la gloire deTItalie . 1 49
Catholique (Nécessité d'f'tre). 155
Célibat ecclésiastique, 187 209
Chanoines (Obligations des).. 89
Charité obligatoire envers le
prochain 53
Chrétiens (Exemples de sou-
iTiission au pouvoir donnés
par les premiers) 215
Civilisation chrétienne (Excel-
lence de la) 151
Clergé (Discipline du) 89, 165,
191 261
— (Influence du) 197
— (Union du) 99
— (Concorde entre le) et
le pouvoir civil 199
— (Assemblée du) à
Vienne 77
— (Ranimer le zèle du)
oriental 99
Cléricature (Précautions à
prendre pour l'admission à
la) 167
Clérico-libérales (Condamna-
tion des Sociétés) 23
Communisme (Dangers et con-
damnation du) 9, 23, 145,
161, 165, 173 187
Conception (Bulle « Ineffa-
bilis » proclamant l'Imma-
culée) de Très Sainte Vierge. 103
— (Hommages rendus par
les chrétiens à l'Immaculée). 131
— (Hommages rendus par
les Pères à l'Immaculée)... 113
— (Figures de l'Imma-
culée) 115
— (Doctrine touchant l'Im-
maculée) 121
— (Définition du dogme de
l'Immaculée) 123
Conciles provinciaux 87
Concordat avec l'empereur
d'Autriche 77
— (Mode d'exécution du). . 79
Concordat de 1801 entre S. S.
Pie VII et l'empereur Napo-
léon I"". Texte et observa-
tions 264
— (Ouvrages à consulter xxxt
sur le)
Conditions (De l'inégalité des). 163
Conscience (Liberté de)7, 211, 243
Cultes (Liberté des) 7, 39 243
Cum Catholica, Encyclique de
S. S. Pie IX 62
D
Dieu (Existence de) 19
— (Influence de) 19
286
TADLE DES MATIERES PaV; ORDRE ALPHABETIQUE
iJiu salis, Kncvclique de S. S.
Pie VII....; 248
Droit ecclésiaslique (Cours de}
parNuyIz et Traité sur le
droit ecclésiastique par le
môme (133). ConiJamiialion. 131
Ecclésiastique (Discipline) 89,
165, 191 261
— (Erreurs relatives à la
puissance) 133
Ecclésiastiques^Gouvernement
des biens) 261
Ecritures (Libre interprétation
des Saintes) 153
— (Enseigncmentdes Sain-
tes) 22u 237
Education donnée par l'Etat. 9
— catholique de la jeu-
nesse, 93, 1(59, 187 237
— dans les Séminaires, 109. 193
Egalité parfaite dans la religion
chrétienne 163
Eglise catholifiue (Autorité
del') 183
— (Autorité de 1') sur le
mariage 209
— (Respect pour la disci-
pline de l')... 207
— (Les droits de V) 23
— (La gloire de 1") éclate
au milieu des persécutions
actuelles 49
— (Le pouvoir de l') 11
— (Utilité et fruits de 1'). 173
— (L') est-elle opposée aux
progrès de la science 21
— (L') et ses rapports avec
la société civile 27
— (Obéissance, dévouement
et attachement à 1') 11, 159,
189 203
— Guerre déclarée à l')... 203
— (Hors de 1') point de
salut, 51 81
— (Séparation de 1') et de
l'Etat 217
Erreur (Zùle des Souverains
Pontifes contre 1') 3
— (Obligation de condam-
ner I') 51
Erreurs présentes (Ce qu'a fait
Pie IX contre les) 3
— (Syllabus des) 19
Evêques (Obligations des) 197
— (Soumission des) au l'ajie 207
— (Union des) 233
Foi (La), élément de la reli-
gion 81
— (La) repose sur l'auto-
rité 85
— (La) ne nuit pas aux pro-
grès de la science 83^
— (Ramener les égarés à
la) 81
— (Obligation de combattre
pour la) 219
Gouvernement (Le) athée,... 7
Grégoire XVI. Portrait (XV);
biographie (XVII) ; ouvrages
à consulter (XX).
Grenade (Persécutions dans la
Nouvelle) 37
Incredibili afflictamur. Ency-
clique de S. S. Pie IX 37
Inditlérentisme, 21, 51, 79,
187 211
Ineffabilis Deus, Constitution
de S. S. Pie IX 102
Inler prœcipuas, Encyclique
de S. S. Grégoire XVI 222
Italie (Ce que I') doit au catho-
licisme i49
i
Jésus-Christ (Divinité de) 13
— Modèle des pasteurs... 99
Jeunesse (Education de la) 93,
169, 187...- 257
Libéralisme moderne 33
Liberté de conscience, des
cultes, de la presse (Voir ces
mots).
— (Vraie) dans la religion
chrétienne 163
— (Prétendus amis de la).. . 217
Livres (Propagande des bons). 139
— (Impérieuse obligation de
condamner les mauvais) 131,
141. 157, 189, 213 237
Louis XVIII (Joie de Pic VII
à l'avènement de) , ... 241
TADLE DES MATIÈRES PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE
M
Jlariage chrétien 33
— (Indissolubilité du) 209
— (Autorité de l'Eglise sur
le).. 209
— (Erreurs touchant le). .. . 13o
Marie (Figures de) 115
— (Innoceuce de) 115
— ^Mérites, gloires de)... . 117
— (Pouvoir de) 17
Miracles (Valeur des) 19
Mirari vos, Encyclique de S.
S. Grégoire XVI 200
Missions paroissiales, 93 iS5
Morale naturelle et chrétienne
(Erreurs sur la) 31
Mulliplices intei\ Lettre apos-
tolique de S. S. Pie IX 140
N
Naturalisme 19
Nostis et nobiscitm, Encj'clique
de S. S. Pie IX 146
Nuytz (Condamnation des ou-
vrages de), 133 137
OEuvres (Les), élément de la
religion 81
Orient (Rites et coutumes de
l'Eglise d') 97
Oriental (Ranimer le zèle du
clergé) 99
Panthéisme(Condamnationdu). 19
Pape (Obéissance au) 159
Pastorale (Vigilance) 79
Paule (Erreurs contenues dans
Touvrage de François de)
intitulé : Défense de l'auto-
rité des gouvernements et des
évêques contre les pré tentioi"
de la Cour romaine (141j.
Condamnation de cet ou-
vrage (143). Excommunica-
tion des lecteurs et des pos-
sesseurs 145
Pauvres (Combien les) doivent
à la religion catholique.... 163
Pères (Hommages rendus par
les) à l'Immaculée Concep-
tion de Marie, H3 117
Persécutions dans la Nouvelle
287
Grenade 37
Peuple (Souveraineté du) 9
— Nécessité d'instruire le)
fil 153
Philosophie (Soumission de la)
à la religion catholique 21
Pie VI (Eloge de) 249
Pie VII. Portrait (XXI). Bio-
graphie (XX 111). Ouvrages à
consulter (XXXI)
— (Joie de) à l'avènement
de Louis XVIII 241
Pie IX. Portrait (V). Biogra-
phie (VU). Ouvrages à con-
sulter (XIV)
— (Ce qu'a fait) contre les
erreurs actuelles 5
Piémont (Usuijiation du) 67
Piémontais (Excommunica-
tion des) qui ont attaqué le
pouvoir temporel 69
Piété (Esprit de) 93
Politique chrétienne 13
Pontifes (Zèle des Souver.dnsj
contre l'erreur 3
Post tam c/ù//?<)'?ifls,Lettreapos-
tolique de S. S. Pie VII.... 240
Pouvoir (Soumission au) 215
— (Exemples de soumission
au) donnés par les premiers
chrétiens 215
Pouvoir temporel du Pape, 35, 171
— (Desseins de la Provi-
dence en accordant au Pane
le) 63
— (Le) est sacré 65
— (Le) attaqué par les en-
nemis de l'Eglise et par le
gouvernement piémontais. 65
— (Protestationsdu Papeet
des évéques contre les at-
teintes portées au) 67
— (Excommunication por-
tée centre les Piémontais
^i:i ont attaqué le) 69
Freaicateurs {Devoirs des)... ÎS9
ivresse (Liberté de la) 7, 313. 243
Prêtres (choix des) 255
— (Sollicitude des) pour
les fidèles 95
— ( Souuiission des ) aux
évêques 207
— (Trahis(ms des) italiens 55
Prière (Invitation à la) 15, 43,
.•;9, 175, 199, 2îil, 2o9 263
Princes (Les) doivent protéger
288
TABLE DKS MATIERES PAR ORDRE ALPHABETIQUE
la religion 219
l'roplicties (Valeur des) 19
Q
Quanta cura, Encyclique de S.
S. Pie IX 2
Quanloconficiamur,Encyc\\(\\xe
de S. S. Pie IX 46
Qui pluribus. Encyclique de S.
S. Pie IX 176
R
Raison (Exercice légitime de la). 83
— (La) est obligée de se
soumettre à la foi 83
Rationalisme 19
— (Le),sourcedenosuiaux). 83
— (Il faut éviter lei 219
Religieuses (Suppression des
communautés) dans la Nou-
velle-Grenade 39
— (Utilité des commu-
nautés) 167
Religion catholiq ue (Les
dogmes de la) 21
— (Preuves de la divinité de
la) 181
— (Lesdcuxélémentsdela). 81
— (Combien lespauvres doi-
vent à la) 163
— (La) n'est pas contraire
aux lumières de la raison.. . 181
— (La) attaquée au nom du
progrès 181
— (Con spiration ourdie
contre la) 179
— (Indilî'érence en ma-
tière de) ol, 79, 187 211
Retraites sacerdotales, 89.... 19o
Richesses (Amour des) 53
Sacrements (Réception des).. 1d5
Salut (Hors de l'Eglise point
de), .">l 81
Séminaires (Direction et ins-
truction dans les), iM, If.'J. . 193
Sinfjulari guidem. Encyclique
de S. S. Pie IX 76
Socialisme (Dangers et con-
damnation du), 9, 23, 14a,
161,163 173
Société (La) civile et ses rap-
ports avec l'Eglise 27
— (L'étatdéplorabledela). 203
Sociétés secrètes, bibliques et
clérico-libérales(Condamna-
tion des), 23 185
Syllabusdeserreursprésentes. 19
Synodes diocésains 95
Thébaine (Maurice et la légion). 213
V
I Vienne (Assemblée du clergé à). 77
Tj-po^iaphie Firmiu-Diilot et C
.Mcsiùl (Eure).
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