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Full text of "Lettres à David: sur le Salon de 1819"

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• 9 




1— * 



LETTRES A DAVID. 



Sujet du frontispice. 

Sur un sarcophage du style antique > le portrait du rëgë* 
nërateur de la peinture en France s*élèye entre deux figu- 
res dont Tune est la France , et Tautre le génie de la pein- 
ture. Cette Peinture, suppliante et attristée, couronne 
Timage de son plus cher favori. La France , attentive aux 
vœux qu'elle forme , va déchirer cette liste ou se lit encore 
le nom de David. 

Nous devoils ce joli dessin à M. Deveria , jeime artiste 
plein de chaleur et de goût. Ici , nous ne pouvons en of- 
frir qu'un simple trait ; mais ce sujet terminé par un de 
nos plus habiles graveurs , pourra se trouver séparément 
chez le libraire , éditeur de cet ouvrage. 



DX Ii'lMFRIME&UE ]>£ FILLET AINÉt 



LETTRES 

A DAVID, 

PAR QUELQUES ÉLÈVES 

SE son ÉCOLE. 
OUVRAGE ORNÉ DE VINGT GRAVURES. 



A PARIS, 

CH]M PILLET aîné, IMPRIMEUR-LIBRAIRE, 

ionSCB DE LA COLLKCTIOM SES HŒITIU FBAKÇJIISBS , 



«/«>\ «««i^ W«'«Vlk«/V«VV\'WM/V4^/«%'UM W««4«%«W«%««««^;%W%«'VV\^^«%W«<V%% 



LETTRES 

A DAVID, 

sua 

LE SALON DE 4849; 



PREMIÈRE LETTRE- 



MoK CAER MAItBE , 

Le Salon s^est ouvert aujourd^hnl 25 août; et la 
foule attirée de toutes parts , a fait depuis ce matin 
* le siège du Louvre. Ce siège là était du moins paci^ 
'fique; beaucoup d'étrangers s'y sont encore mons- 
tres; mais on a remarqué que , cette fois, en sortant, 
ils n'avaient que le livrtt à ki main. 

Dieu sait si l'amour de la peinture est le seul 
amour qui mette en mouvement cette foule colifuse. 
Une curiosité assez vaine et une pressante envie de 
^ se faire voir, détermine un grand nombre de ces 
oisifs à se porter dans les vastes péristyles et sur les 
beaux escaliers d^ temple des arts. 



L'industrie française étale aussi ses produits ; mais 
il ne faut pas croire- qu'elle isesoit renfermé tout 
entière dans Tintérieur des galeries ; elle s'exerce 
jusque sur les escaliers; puisse quelque honnête pro- 
vincial ne pas s'apercevoir ce soir , en rentrant chez 
lui 9 qu'il en est à Paris de plus d'un genre ! 

Pour nous , mon cher maître , qui avons pris l'en- 
gagement public de vous rendre compte de nos re- 
marques , nous ne vous offrirons aujourd'hui qu'un 
aperçu général et rapide; car nous ne savons point » 
à la manière des critiques de profession , parler d'un 
objet sans l'avoir examiné ; et je vous avoue que , 
promené un moment dans toutes les salles sur les 
épaules de mes voisins qui se seraient passés , ainsi 
que moi , de ce petit triomphe impromptu , je n'ai 
rien à vou$ dire de positif, si ce n'est que xe que 
nous appelons nos matins f sont assez pauvres de 
productions dans l'exposition de 1819 , et que les 
élèves 9 au contraire , se sont éminemment distin** 
gués. 

Les noms connus d^bel de Pujol , de Couder ^ 
d'Horace Yernet , de Blondel , de Mauzaisse , de 
Lordon , de Granger , de Langlois , d'Hçrsent , de 
Schenetz , de Duçis , de Yan Brée et de quelques au- 
tres, passeront sous vos yeux pour des compositions 
^historiques ; ceux de Watelet , de Reigner , de Mi- 
challon , de Raymond , soutiendront Fhonneur du 
paysage ; enfin la sculpture se reconmiandera sous 



les noms de Flatters, Cortot, Ruxfaiel, David , et 
sous le nom nouveau du jeune Fayottier. 

En voyant cette foule ii amateurs , pressée , cou* 
doyée , heurtée , pour pénétrer au salon , qui pour- 
rait se défendre d'une réflexion naturelle ? C^est un 
singulier jour à choisir que la fête du roi , pour Ton- 
yerture d'une exposition de peinture. S'il est déjà 
bizarre de jeter au nez du public des tableaux , des 
gravures , de la sculpture , de Parchitecture , avec 
tous les métiers à-la-fois qui servent nos besoins , 
nos usages et notre luxe, il Test davantage de diviser 
rintérét qu'ils inspirent par d'autres intérêts et des 
devoirs. Comment ose-t-on mettre le Louvre en 
quelque rivalité avec les Tuileries? N'aviez-vous pas 
à craindre que tant de préoccupation et d'allégresse 
ne laissassent qu'à un très -petit nombre de per- 
sonnes le loisir de se rendre dans de froides galeries, 
où ne sont offerts à leur admiration que des marbres 
et des toiles , souvent inanimées ? 

L'exposition de 1817 correspondait déjà à un an- 
niversaire consacré par des réjouissances ; en chan- 
geant ainsi , toutes les années , l'époque de cette ses- 
sion des arts , il n'y a pas de raisons pour que le pro- 
chain salon ne se règle sur les cérémonies du sacre , 
et que tous les enfans du sang royal qui viendront 
successivement affermir les destinées du trône y 
n'ouvrent les yeux au milieu d'un appareil de ta- 
bleaux. On ye^it une époque fixe pour (çtte solen- 



4 

nité , et celles de la cour n'ont rien de commun aree 
la fête des arts. L'ouverture du salon ne peut être 
indécise et capricieusement réglée comme la repré** 
sentation d'une pièce sur l'alficbe d'un théâtre ; cette 
mobilité de résolutions entraînerait de graves in- 
convéniens. Voulez-vous l'ouvrir au mois d'avril ? 
vous direz que les beaux jours et l'éclat de la lu- 
mière sont plus favorables à l'examen des couleurs 
et aux jugemens du public . Ne voulez-vous l'admettre 
qu'au milieu de l'automne? vous direz que vous 
laissez aux artistes ces longues journées dont la tem^- 
pérature même est utile au matériel de leur travail.' 
Je vois des motifs pour toutes les saisons, mais je 
n'en vois aucun pour en changer. Les amateurs ré- 
gleront leurs affaires, leurs voyages sur l'époque 
connue de l'exposition, et s'il est vrai que les arts 
aient quelquefois besoin de la richesse , vous n'expo- 
serez point de pauvres artistes à être privés de sa 
présence et de la concurrence utile des amateurs.^ 
Soyez courtisan, cela peut être souvent fort utile ; 
mais quelquefois aussi soyez directeur de nos 
Musées. 

M. de Forbin, que vous connaissez peut-être 9 
est un homme de beaucoup d'esprit. Il était déjà 
amateur distingué de peinture , il *est devenu graiid 
peintre le jour où il a été nommé à l'emploi de 
M. Denon. Pour être artiste, dit-on, il ne lui man- 
quait que deux petites conditions de plus : la science^ 



îdtt dessin et de la codeur ; ceux de nos confrères 
qui passent maintenant par ses antichambres {>ouf 
arriver au Salon ne connaissent plus de défauts dans 
sa manière. M. de Forbin les laisse dire et se garde 
de les croire ; mais il sait quUl peut rendre deux 
services essentiels aux arts , et il y emploiera sans 
doute ses efforts. Le premier de ces services serait 
de ne plus classer le salon , comme il l'a fait cette 
année , d'après les règles d'une symétrie toute pué*- 
rile qui confond les genres , les compositions, et qui 
rapproche quelquefois ( involontairement sans doute) 
les tableaux de certains maîtres privilégiés des essais 
d'un élève dont les défauts font ressortir les qualités 
du favori; le second serait de rendre à nos études 
ces toiles magnifiques , ces immenses compositions 
qui , dan^ les quinze années qui viennent de s'écou-p 
1er , ont fait la. gloirç d.Q notice école et l'enyie des», 
étrangers. 

M'est- ilf pas surprenant qu& les Batailles. 
d^AusterlitZf , à^Eylau^, de Martngo , Vhâpita( de 
Joffa f le pardçn aux té^oltis du Caire , la ricepUon 
4fs clefs de Fierme et vos tableaux, mon cher Mai-r 
ti:e , soient voilés à no^ regards , et encore obscure-. 
ment cachés dans la poudre d'uii garde-meuble , 
.sous prétexte qu'ik attestent de grands talens et 
rappellent toute la splendeui: d^e qos açmes ? Qu'im- 
porte le sujet de ces peintures quand ces peintures.. 
s.ontdiSs chefjs-d'c^uvre i" Les action^ appartiençenlcn 



6 

t-elles aux ressentimens de la terre quand elles sont 
passées dans le domaine des arts? La pudeur de 
quelques sentimens afTectés par nos royaîistes , inca- 
pables de supporter la vue de nos triomphes , serait- 
elle plus craintive que celle des jeunes filles qui pas- 
sent sans baisser les yeux devant la statue d' An tinoUs ? 

Je cède la plume à un autre de vos disciples pour 
reprendre le crayon , que vous nous avez instruit à 
-conduire. Nous sommes, vous le verrez, différens 
d'opinion sur quelques points ; mais la bonne foi de 
nos discussions , dont vous êtes juge , se manifestera 
ainsi. La liberté de penser est toujours la première 
loi de ces républiques qui ne se perpétuent , hélas ! 
que dans les ateliers. 

Agréez, etc« N^ 



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DEUXIÈME LETTRE. 



Paris,' a 5 août 1819. 

• * 

ïiE grand nombre d'ouvrages de peinture , de sculp*- 
tyre et d'architecture exposés tous les deùxans prou- 
vent sans doute que les beaux arts sont plus cultivés 
en France qu'ils ne l'ont été dans aucun autre pays. 
Mais , si dan^ cette foule de productions on est obligé 
d'en chercher quelques-unes qui méritent de justes 
éloges ; si ce petit nombre qui semble encore dimi-^ 
nuer chaque année appartient aux maîtres qui , sor-. 
tis de la même école ^ quoique guidés par un génie 
différent, furent jusqu'à ce jour les soutiens et la 
gloire de la peinture ; si dans leurs élèves on ne 
reconnaît plus la même élévation de pensées , le. 
même goût, ce style pur et noble, cette étude ac- 
complie et de l'antique et de la nature , que faudra-^ 
t-il penser de l'état de la peinture en France ? 

Ce n'est point ce grand nombre de tableaux , cette 
foule de statues trop complaisamment a,moncelées 
qui prouvent que tes arts sont ftorissans. Que l'on 
fasse un examen scrupuleux des divers genres dj& 



8 

inërite de tootes ces productions , et Ton se convain- 
cra trop malheureusement que l'art est bien près 
de dégénérer; quMl s'engs^e dans une mauvaise 
route : illa parcourra avec d'autant plus de rapidité 
que Ton s'efforce de croire qu'il est au plus haut point 
de perfection. Et que, soit par calcul, soit pour flatter 
l'autorité , soit par une insouciance bien condam- 
nable , aucun de ceux qui pourraient le mieux diri- 
ger n'ose signaler ses erreurs , ou ne veut le rame- 
ner dans la route véritable loin de laquelle il s'égare. 
On pourrait penser que les arts ne doivent fleurir 
dans un pays que pendant un court espace^e tems. 
Bien des exemples le feraient craindre. Mais nous 
croyons découvrir que lorsqu'on les possédait , on 
ne faisait pas assez pour les conserver. Le siècle 
de Léon X voit s'ouvrir une école superbe : une 
foule d'artistes du plus haut talent se répandent en 
Italie. Raphaël,/ en douze années, forme une école 
d'où sortent cinq pu six peintres dont les ouvrages 
font toujours une partie de la gloire de Rome. Bien-» 
lAt, à la mort prématurée de ce grand homme , les 
arts sous différens maîtres perdent cette supériorité 
qu'il leur avait acquise , et presque entièren^ent dé- 
générés fuient leur terre natale : aucune institution 
alors ne pouvait les protéger. La Hollande , la Flan- 
dre, l'Espagne ne voient briller qu'un moment la 
peinture ; le genre qu'avaient adopté leurs artistes , 
Içur manque de^tyle dans leurs plus grandes compo*. 



9 
^ons ; remplies cependant de plus d'an genrtf 
de mérite, devaient amener une prompte décadence*^ 
En France , k diverses époqnes la peinture semble 
yoaloir se fixier : eomme dans les autres pays elle ne 
peut y demeurer long-tems. Son séjour fut de courte 
durée malgré les carresses de François l" et les 
prodigalités de Louis XIY. 

Cependant rette France semblait privilégiée: les 
beaux-arts , après avoir pris un élan glorieux avaient 
disparu pendant le règne de Louis XY , lorsque les 
premières années de la révolution les ont vus sortir 
une seconde fois de la barbarie. On vous dut cette 
résurrection soudaine et imprévue, mon cher Maître ; 
à vous qui , élevé dans les faux principes de la der- 
nière école , aviez besoin de génie pour renoncer 
tout -à-coup à d'incertaines études , et pour dé- 
couvrir dans Tantique toutes ces beautés qui formè- 
rent ce goût et développèrent ce beau talent, la 
^oire de la peinture française. 

On prétendrait à tort que Fien fut alors le chef de 
récole ; ce serait aussi peu exact que si Ton désignait 
le Perrugin comme Iç chef de cette fameuse école 
dont rhonneur appartient à Raphaël. David seul le 
devint; malgré toutes, les obligations dont il est rede- 
vable à ses maîtres , son talent supérieur a fait davan- 
tage. Ses maîtres, ses émules ont pu sentir comme 
lui les beautés de Tantique , mais nul ne les a mieux 
rendues. C'est vous qui le premier, peut-être , de 



'"% 



tous les peintres avez su poser sur la toile ces formée, 
pures des statues grecques ^ en leur donnant la yie 
qui leur manquait.. Personne mieux que vous ne 
pouvait enseigner. Les défauts même. qu'on essaya* 
de TOUS reprocher ne pouvaient nuire à l'excellence 
de votre méthod e 

Il est bien des genres de mérite en peinture; mais 
tous ne rendent pas propre à enseigne^: Tel jqui se 
distingue par la fougue de son in^gination, par la* 
^diesse de son dessin y le grandiose de ses com*- 
positions , pourrait manquer de style , de pureté dans • 
les formes ; les nuances délicates , les expressions su« 
blimes de Tantique pourraient lui être échappées. 
Par cela même , il serait dangereux qu'il fût à la tête 
d'une école : il ne pourrait pas communiquer son 
génie, son talent à ses élèves; et il ne serait pas à 
même de les diriger dans la première route qu'ils 
doivent suivre : l'étnde du beau chez les anciens. 

Tel autre , d'un génie moins fougueux , doué d'un 
esprit fin et observateur , aura bien étudié le dessin 
pur des statiies grecques ; rien ne choquera dans ses 
ouvrages ni pour le goût ni pour le style , mais il 
poussera peut-être trop loin cette perfection de dé-' 
tails y si près de la sécheresse ; il rendra la nature 
avec trop d'exactitude. Lui seul pourra réus»r dans 
un si grand travail; lui seul peut faire ainsi. Celui 
qui voudra l'imiter, s'il n'est aussi parfait, ne pro- 
duira qu'un mauvais ouvrage. Gelof-là aussi ne peut 



II 

enseigner ce qu'il sent , il ne pourrait se faire coiiH 
prendre. 

C'est ainsi que les Carradies , les Véronhe , Jlf/- 
chel'Ange lui-même, eurent difficilement conservé 
le vrai beau dans leur ëcoie ; c'est ainsi qu'il eût été 
difficile au Corrègt , à VAlbane , et au Guide d'ensei* 
gner la grâce et le sentiment qui distinguent leurs 
ouvrages. Raphaël seul pouvait initier des élèves aux 
connaissances de l'art. 

' Dans des tems plus rapprochés. Le Poussin aurait 
pu rendre à la peinture tout Téclat que s'efforcèrent 
en vain de lui donner les peintres ies plus célèbres 
du siècle de Louis XYI. Ces artistes , avec de grands 
talens, étaient loin de posséder ce que l'on doit exi-^ 
ger de ceux qui se destinent à professer. Poussin seul, 
exilé par l'envie , fut alors acquérir à Rome la per- 
fection de sentiment et les connaissances du beau 
qui lui firent enfanter tant de ffbefs-d'œuvre. Pro- 
fondément instruit , il avait étudié les anciens avec 
fruit; leurs poésies lui étaient familières; Thistoire 
lui avait découvert toutes les belles actions de ses 
héros. Joignant à la science un dessin pur et cor- 
rect , personne plus que loi n^eùt été capable de for- 
tner des élèves. Par une bizarrerie difficile à expli- 
t[uer , autrement que par ce préjugé que Fltalie at- 
tache toujours au nom français , il passa trente années 
au milieu de Rome sans avoir une école. 

Certes, celui de nos peintres *que l'on puisse le 



12 

mieux comparer an Poussin c^est David ! Plus hen** 
reux que lui , il a pu rendre son talent utile à la jeu* 
nesse, il lui prodigua ses soins et, après lui avoir 
fait prendre une route nouvelle , il la perfectionna 
dans un art dont il possède si bien le secret. 

Aujourd'hui il n^ existe plus d'école proprement 
dite. Plusieurs s'élèvent; mais aucune n'imprime 
son caractère à Part. Les maîtres , qui devraient nous 
donner des modèles , restent dans une oisiveté con- 
damnable , et des années leur sufGsent à peine pour 
enfanter une composition. Les élèves qui pourraient 
nous faire espérer quelques ouvrages distingués se sou- 
mettraient-ilsau pouvoir avec un empressement servile 
et attendraient-ils de lui leur palette et leurs pinceaux ! 

S'il se pouvait que Ton vit tout-à-coup , au miliea 
de nous , plusieurs de ces artistes si féconds du 
beau siècle de l'Italie , où seraient les salles assez 
spacieuses pour contenir les immenses et brillantes 
productions que leur génie pourrait créer en deux 
années ? Combien paraîtrait stérile l'imagination 
lente et paresseuse de nos artistes modernes ! 

Cette stagnation, cette difficulté de produire, 
doivent faire craindre une prochaine dégénération. 
Il serait pénible de penser que les arts ne dussent 
briller que pendant la vie de celui qui les aurait ar- 
rachés à la barbarie , et les aurait fait fleurir un 
instant. Samort amènerait une prompte décadence. 
Mon , il ne doit pas en être ainsi ; une fois l'impul- 



slon donnée , il doit y avoir des moyens pnissans'de 
conserver ce que l'on a acquis si difficilement. 

De bonnes institutions fondamentales doivent pro- 
téger et conserver les arts. Jusqu'ici le gouverne- 
ment ne les a pas encouragés d'une manière Utile* 
Trop soigneux du présent , il n'a point pensé à l'a- 
venir : pour l'ordinaire , il s'en e^t emparé pour lui 
spécialement. Les études ont été jusqu'à ce jour 
abandonnées à une routine pernicieuse , il est tems 
qu'elles attirent sa sollicitude. 

Pourquoi n'ouvrirait-il pas un asile à an certain 
nombre de jeunes élèves , destinés à se livrer un 
jnur àyl'étude de la peinture , de la sculpture et de 
l'architecture ? Ce qui manque principalement aux 
artistes , c'est l'instruction préliminaire ; c'est cette 
éducation fondamentale qui se reconnaît dans quel- 
que profession que l'on ait adoptée^ Pourquoi cette 
éducation leur manque t-elle P c'est que les familles 
d'où sortent les artistes sont presque toujours celles 
où se cultive une modeste industrie et des profes- 
sions ^eu lucratives. Les hommes qui possèdent nos 
richesses et nos honneurs , n'accueillent point l'i-/ 
dée que leurs enfans puissent devenir des artistes. Ils 
aiment mieux leur donner ce qu'ils appellent dans 
le monde , un état , en faire de médiocres juriscon- 
sultes , des médecins inhabiles , des diplomates 
sans talent , que de leur ouvrir la carrière de Ra- 
phaël. Ce sont, il faut le dire , des artisans qui en- 



^ I 



i6 

terrait plus la mode , ce redoutable tyran des arts , 
soumettre le bon goût à ses nombreux caprices. 

Telles sont les idées premières sur un plan d'édu- 
cation de jeunes artistes. 

Quant à ceux dont les études seraient terminées , 
une fois capables de produire , qu'ils ne chercbent 
d'appui que dans leur talent ! qu'ils fuient avec soin 
toute protection, tout patronage. Bientôt ils ne se* 
raient plus libres de diriger leurs pinceaux. Leur 
palette , chargée des plus vivesi couleurs ^ n'offrir^ 
plus qu'un mélange bizarre et confus , suivant le ca- 
price d'un ignorant protecteur. La douce liberté est 
favorable aux grandes idées , aux belles exécutions^f 
De tous les artistes, qui mieux que îe peintre est i 
même d'en jouir ? ne peut-il ; au gré de son génie , 
couvrir sa toile d'une heureuse composition? qui 
peut l'arrêter ? Si s«n ouvrage est bon , bientôt on se 
disputera l'honneur de le posséder. Qu'il apprécie 
donc son heureuse indépendance. 

Les maîtres célèbres dont s'honore la peinture , 
s'empresseraient , on n'en peut douter, d'aider de 
tous leurs efforts une pareille institution. Ils sauraient 
l'établir sur des fondemens durables. Alors s'élève- 
rait, sous leurs yeux, cette génération d'artistes 
studieux , animés du désir ardent de devenir leurs 
égaux. Pour prix de leurs travaux , peuvent-ils dé* 
sirer une plus belle récompense ? 

L. M- 



«7 



TROISIÈME LETTRE. 



- Paris y 1^ septeipbre 1819. 
MoTV éfiER MAÎTRE, 

Un de vos élèves , passé de votre atelierdeveua dé- Couder, 
sert , dans celui de Testimalfle M, Regnault, s'étai^t 
fait remarquer par ses précédentes productions. Un 
dessin facile et correct , un bon ton de couleur, uiji 
pinceau large et suave , une expression juste et une 
composition heureuse , avaient fait distinguer, les 
premiers tableaux de Couder, 

« Amour f tu perdis Troie ï» Cet Hémistiche àxibûn^ 
homme fut le sujet de sa pipemière inspiratipn. Une 
création plus sévère ^ fondée sur un fait historique ' 
du plus haut intérêt pour un peintre , fut son second 
essai ; et le tableau de la Mort de, Masaccio achevant 
son dernier ouvrage , fit présager que celui q^ui peignit 
si bien la fin prématurée d'un des premiers régéné- 
rateurs de Tart , serait bientôt digne lui-même d^être ^ 
compté au nombre de ses successeurs. Couder justifia 
cette espérance, en offrant son léçite d*Ephraïm^ 
dont la composition et Teffet ont réuni le suffrage 
4^é connaisseurs , et lui ont mérité Thonneur qu'il a 
obtenu ^ défaire partie de la galerie du Luxembourg. 

Parmi les cinq compartimens <}ui compose^t le 

V 

LETTRE^ A DAVID, A 



t8 

|4aCoiid de la salle ronde qui sert d'entrée à la^alei*» 
rie d'Apollon, Couder a été chargé d'en compose^ 
trois , qui sont exécutés * 

Le premier, dont nous vous envoyons le trait , est 
le combat d'Hercule et du géant Antée , fils de I4ep- 
tune et de la Terre , qui avait fait le projet de bâtir 
un temple à son père avec des crânes humains. 

Le fils d'Alcmène voulut purger la terre d'un tel 
monstre ; il l'attaque : dé^à trcns fois il l'avait ter- 
rassé, mais s'apercevant qn' Antée retrouvait de nou- 
velles forces dès qu'il avait touché la terre , Hercule 
dépose sa massue , et l'étreignant de ses bras ner-* 
veux, il le serre en le tenant en l'air, et l'étoufîe sur 
sa poitrine. C'est cet instant qu'a peint l'artiste* 
Hercule a saisi le géant , qui s'attache d'une cuisse 
nerveuse sur la hanche de ce héros , tandis qu'il 
s'efforce , en alongeant l'autre , de toucher le $ol ; 
mais sa tête se renverse , ses- bras étendus perdent 
leur vigueur , et il succombe enfin à cette force 
irrésistible , apanage du fils de Jupiter. 

Couder a retracé cette scène à la manière des 
grands peintres. Le corps d' Antée , dessiné dans le 
genre de Michel- Ange , rappelle la science ana-> 
tomique de cet artiste, et fait honneur à celui qui 
semble l'avoir pris pour modèle. L'Hefcale a bien 
le caractère et la forme consacrés , et nulle indécis 
sion dans le dessin ne vient déranger l'ensemble de 
ce groupe , dont la couleur semble aussi participer 
dii grandiose de celle de nos premiers maîtres. 



• 4 



»9 

Achille , vainqueur des Troyens , entouré de ses 
fictimes , a excité la colère du Xanthe et du Simoïs , 
qui les protëgeaient. Furieux , ils Tarrétent dans sa 
course , et , soulevant leurs ondes irritées , ils s'op- 
posent de leurs flots et de leur présence à de nouyeaus 
exploits. Les Fleuves sortent de Tonde , et s'appro-- 
cbent du héros ; leurs gestes nienaçans contrastent 
avec leurs têtes vénérables coiffées de cheveux blancs 
et de roseaux. Achille, ta lance et ton bouclier te sont 
désormais inutiles : qu^opposeras-tn à de tels ennemis ? 

Couder a développé dans ce sujet le même talent 
que dans le précédent, mais non avec le même avan- 
tage. Il nous parait qu'Achille, vêtu d'un simple 
manteau , eût été plus heureusement rappelé qu'avec 
une cuirasse , d'autant que c'était ainsi que les Grecs 
peignaient lés héros. Les Fleuves sont bien dessinés, 
et la tradition antique bien observée. 

Dans le troisième tableau de ce même plafond , 
Couder a représenté Vénus descendue sur un nuage 
dans le sombre manoir de Yulcain. Elle y vient ré^ 
clamer pour Enée les armes brillantes qui doivent 
assurer sa gloire. Yulcain, assis près de sa forge ^ 
appuyé sur son marteau , reçoit d'un air bienveil- 
lant la requête qui sort de la bouche charmante de 
soii épouse; il lui montre le faisceau où se suspend ce 
bouclier célèbre et le glaive d'une trempe divine qu'il 
a travaillé de ses mains pour son protégé. L'effet de 
cette supplication parait immanquable ; nul Cydope 
n'est témoin du mystérieux entretien. 



_ * 



30 

Cette scène , d'un tout autre effet que les prét^-^ 
cédentes , est exécutée avec le même succès. On sent 
que le vrai talent peut arriver au i>ut par tous les 
moyens. Plus tard , mon cher Maître, nous vous ren-* 
drons compte d'un tableau annoncé dans le livret , au 
n^ 24 1 • '^ Nouvelle de la victoire de Marathon , qui ne 
fait point encore partie de Texposition ; voyons , en 
attendant , deux autres sujets de petite proportion 
sortis du même pinceau ; le premier est intitulé : Le^ 
çon de géographie au collège de Reichnau. 

Les événemens de la révolution avaient conduit en 
Suisse , dans sa jeunesse , S. A. M. le duc d'Orléana , 
et y rendaient sa- situation précaire. Inspiré par le 
moment , il prend la résolution de professer la géo^ 
graphie qu'il avait apprise 'dè)s l'enfance , et , imi- 
tant dans un âge si tendre Denys de Syracuse , il 
quitte un rang élevé pour se livrer à l'instruction 
de la jeunesse. Le duc d'Orléans , à peine âgé de 
seize ans , debout et la main posée sur une sphère ^ 
y désigne du doigt la même partie du monde qu'il 
indique de l'autre sur une carte géographique. Deux 
écoliers sont près de lui : l'un écrit la leçon , l'autre 
l'écoute et suit l'indication démonstrative ; plus loin^ 
un groupe assis autour d'une table , où préside iin 
régent en perruque à l'allemande , semble attentif à 
une leçon d'un autre genre; deux espiègles s'y dé- 
robent par une conversation muette que ne voit 
point un homme assis sur le devant , qui parait être 
le chef de la maison et qui écoute attentiyeraent le 



*—-"-*- " . .. 1.^.1. :_-» ■>>..-•. 



jeune professeur. Il y a tant de vërîté dans cettfe 
scène que le spectateur croit y assister. Le pinceau 
est aimable , la couleur vraie ; on distingue sur-tout 
ce chef de maison dont IVxpression semble avoir été 
saisie d'après nature i 

Uartiste a dévoilé dans une dernière composition 
sa prédilection pour un maître célèbre qu'il avait, 
comme nous Pavions conjecturé plus haut, pris ta- 
citement pour modèle. Cet hommage rendu à Mi- 
chel'Ange, mérite qu'on s'y arrête. €egrandar- 
tiste est représenté dans son atelier , où un vieux 
cardinal est venu le visiter. Il est debout et montre 
à ce cardinal* les bette^ parties dû torse antique de 
l'Hercule , qui est éclairé par une lampe brillante , 
que le torse cache à l'œil du spectateur. Plusieurs 
élèves dessinent , d'autres écoutent , d'un air re-^ 
cueilli , tes explications savantes du maître. On voit 
un squelette suspendu dans un coin de l'atelier, et 
près de Ini un ]éune homme -qui semble écrire les 
paroles de MicheNi^nge; un cadavre couvert d^une 
draperie , et dont on n'aperçoit que les pieds , est 
\k sans doute pour indrquer que l'étude de l'ana-^ 
tomie est une des bases de l'enseignement; mais 
après avoir admiré l'expression des jeunes élèves , lé 
Beau caractère de leurs têtes, s'être laiissé aller à 
la séduction de l'effet de ta lumière , qui semble 
emprunté dé Scatken, on ne peut s'empêcher de re-« 
marquer l'indécision dé la pose du bras du car-^ 
dînai tenant le livre ,> et l'on ne peut s'expliquer 



22 

d'après leur rapprochement avec Micbel-Ange , qui 
doit intercepter la lumière , pourquoi le jeune élève, 
assis derrière son maître , reste totalement éclairé ? 
Ces légers défauts ont sans doute échappé à Tartiste; 
ils échapperont encore à quelques autres , mais ils 
n'empêcheront point de mettre cette production 
au rang de celles qui mériteraient sans doute votre 
attention. Passons à Texamen d'un autre talent et k 
des sujets d'un autre genre. 
^^^^^' Au fond d'une triste cellule, à l'aube du jour, 
et assis près d'une table chargée de quelques livres, 
un malheureux vient de passer la nuit à écrire à son 
ami la lettre qui est encore devant liii ; sa lampe de 
bronze vient de s'éteindre et fume encore. Sa tête , 
ornée de sa brune chevelure, est tournée vers le 
ciel , son regard expressif y est attaché , sa bouche 
entr' ouverte , son teint pâle et plombé attestent' son 
désespoir, sans altérer le beau caractère de ses traits. 
Les bras contractés, les mains jointes et entrelacées, 
dont il presse ses genoux , achèvent d'exprimer l'hor- 
rible tourment qu'il éprouve. On devine qu'il ne 
peut cesser, qu'il ne finira qu'avec lui! Il est vêtu 
d'une longue robe violette à larges manches , qui 
recouvre une tunique étroite , de couleur verte. Son 
beau col se détache sur un large collet de lin , ra- 
battu sur ses épaules; sa chaussure jaunâtre et lon- 
gue rappelle bien celk du tems , et son fauteuil 
gothique à ogives aiguës marque le goût de cette 
époque. Oui , c'est bien là le plus éloquent, le plus 



^•< 



Iieau et le plus aimable des homnies; c'est le Français 
le plms savant ®* ^^ 1^^^ câèfare du 12^ siède, 
Tamant infortuné d^Hëlo'ùe : c'est Abdlard. 

Robert^Lefèvre, en donnant à ce beau portrait 
un caracteffe et une importance toute historique, a 
senti qp'il ne pouvait le^ séparer d'un sujet qui se 
place à côté de lui dans tous les souvenirs. 

C'est toi , belle Hiéloïse: retirée^ dan» ta cellule, 
to nr'as ; dé léntoin que ie Cbitist qift côurottne Ion 
prie-dieu 5 ^iie quelques saiMs écrits pour consola^ 
tion ; tu viens de tire cetler lettre fatale^, o^totfnljab- 
heu^eux époux, vaùl^Hit aidoufeir I0& peines ctuèlleâ 
de son ami, lui a retracé 'ses pcopces infortunes. Ces 
caractères chéris ont réveillé toutes tes douleurs. . frk 
quittes bruscpiemetit le siège oâc tu^ étais assise ; cet 
écrit fuiieste, pcessé-de tes deux mainS;, eeit élevée 
vers le ciel , qa'implorent tesysu&plbins de larmes^ 
Ton &ont charmant est sillonné de plîs^ tes sourcils se* 
rapprochent , et ta. bouche^ vermeille , • naguère- eA^* 
tr'ouMcrte^ pour exprimer Tàipourv Berestenee'mo- 
menti^ue poujr laisser échiapperles-gémissemens dé iL 
douleur. On entend les accens^qna^aplrétés un poète : 

J'aime , Je brâte cncoi'e : 

. O Bom cher et fatak^ . Aheilard ! je t!!adorow - 

Que ce lujgubre voile, que ces vêtemens noirs sont^ 
bien d'accord avec ta situation* Héloïse , âk oublié- 
ta beautépéur pleurer avec toi; et ta^profende af8ic* 
tion qu'on partage ne laisse presque plus de- place 
au froid examen de la critique. - • 



/ 



< * 



^4 

Je lie crains pas de vous le dire, nroh: cher 
Jllaltre ; Robert - Léfàvre s*esi surpassé, dans* ces 
deux tableaux.' Il li'ayait rien produit encore qui 
leur fût comparable peur VexpresÈion; un pinceau 
large, un beau, choix de draperies, des plis bie» 
calculéa. Les vêtemens relig'eux d^Héloïse accusent 
le nu d'une manière gracieuse. Une ^ëfûde appro-*- 
fondie du costume vient a^uter au plaisir que font 
çe3 deuxtableaiiic. L-arliste à vêtu Abeilard comme il 
ratait et destrmêniei cauleurs; il a retracé, jusqû'^ 
son. propre fauteuil, qui ^existe encore, et dont il 
$^6^t (ifocuré un dessin:. Lefèvre n'a .point été cher-^ 
(çher ep Grèce le caractèredecette tétë :■ elle est fran^ 
ç2^e..Maî$ 'on ki reprochera de lui avoir donné un 
caracii^'re un pe.u.théàtral , et un ton de chair violet, 
qui participe de la robe qui le couvre. Du reste ^ 
il n'a rien oublié dans la grâce des accessoires , et 
cette l^mpe mêiùej est une délicate allégorie qui meit 
dans 1^ secret du tourment d'Abeilard.. 

Xet$ autres, portraits qu'il aexposés* sont loin d'avoir 
la même barmobie; ie fond n^nesi jamais assez va- 
poreux^ Ce .pçrtx'ait c^'une femme assise est un tour 
d'adresse ; car sous le costume du tems de Marie de 
Médicis , l'artiste à di6simulé line étrange irrégularité 
de taille. ,Les brUluns sont bien exécutés ; mais tous 
ces (]ét^s ne sont point de rharn^oi^ie. 

. Le portrait de S. M., assise dans un fauteuil et te-r 
liant son chapem, est réassemblant ; il y a de la vérité 
çt de la simplicité dans la pose. Celui du marquis d^ 



'.. - _-' ._.' ^«F . . m ^ ■ i 



TEscurc , eiitoiirë de Vendëens , est historîquemeitt 
composé ; mais cette tête et ce regard élevé vers le 
oiel ont été critiqués par des militaires , qui prétend 
dent qu'on a v^lé celte attitude extatique h un saint. 
Voici un lancier de la garde , un joli garçon ; msis 
sa tète est peinte avec les couleurs de son uniforme. 
En comparant Robert-Leftvre à lui-même , on se sent 
disposé à iasévérité. Cette tête du prince deSolms est 
parfaitement étudiée; elle estpleine de vérité. Quand 
ilobert-Lefèvre n^est que praticien , se& carnations 
deviennent trop laqueuses. Ces tons bien ménagés 
rendent, il est vrai, la fraicheur du coloris; dès 
qu'ils sent âominans , ils cessent d'être vrais. Il n'est 
phis permisi à Hobert-Lefèvre d'être médiocre dans 
le'geAin^'du portrait. Hetoamons à Abeiiard et à 
93 beliç maîtresse* • .) 

' Voii!i Aiaintetiant un jenne talent,- mon cher Maître; Picot. 
t'estionde nos voyageurs récemment arrivés de Rome; 
cet air inspirateur pour les beaux^arts semble: être 
nnj3 émanation des grands artistes dont les .cendres 
ireposent sur 1& terre classique. Il agit plus elBcace- 
meht encore sur ceux qui ne l'ont pas respiré en 
]iai8saiit.qqe'siir les indlgènfis:.' 
! Le. jeune IKcot vient d'exposer deux tableaux ^ 
dont run,de'grànde dimension^ est un^ujet pris dans 
la vie. deS,. Pierre i; l'autre est tiré de la fable d'Apii- 
lé'e. Noiis ne sùii^fbHS point l'ordre des. dates : nous 
commencerons parie- dernier, qui a été exécuté à 
Rome. Bien qu'un peu brouillés avec layie des saints^ 



s6 

que des intérêts plus prësens nous ont fait négliger^ 
nous tâcherons de vous en dire assez de cette his^ 
toire miraculeuse, pour motiver Inaction du tableau» 
^ 'Ananie ( juif sans doute ) avait vendu pour un au^ 
tre un fonds de terre , et au lieu de tenir compte ao: 
propriétaire du prix qu'il en avait retiré, il en dé- 
tourna une partie à son profit ; le propriétaire ne 
pouvant le prouver , s'adressa kS. Pierre , qui ques«« 
tionna Ananie; celui-ci voulant déguiser la vérité f. 
tomba mort à l'instant et fut porté en sépulture à l'instt 
de sa femme qui , appelée et interrogée à son tour par 
le même S. Pierre, se rendit coupable du même men-^ 
8onge et reçut publiquement le même cbâtiment. 

C'est ce dernier épisode qu'a reproduit l'artiste;;: 
il a- jugé que la mort de la femme inspirerait plttl 
d'intérêt que celle du juif son époux. Sur une place 
publique , au-devant d'un bâtiment d'architecture 
antique, s^élèvent quelques degrés qui supportent 
une table de pierre; c'est pr^s de cette table; coa-* 
verte de pièces d'argent , que compte un juif, que: 
S.Pierre, debout, vient, au nom du Ciel, de qaes-»* 
tionner l'épouse d' Ananie, qui ' dé^à est tombfo 
morte à ses pieds; plusieurs femmes lui ^prodiguent 
en vain leurs secours, la mort a fermé pour jamais, 
ses yeux à la lumière; sa bouche infidèle ne tpahirii 
plus la vérité, et bientôt elle ira rejoindre dans la 
tombe son trop cupide époux. Phisieurs. jui£s té^ 
moins de ce miracle témoignent le\iv étonnement;: 
^ a.utrç distribue quelques aujçiônes i c'est saniL 



^7 
4oute celui qui a recouvré l'argent qu'il réclamait. 

Le style dont cette scène est retracée ferait hon- 
neur à un peintre consommé. Le caractère desjtétes, 
le bel agencement des draperies, une fermeté 4e 
dessin remarquable , un bon ton de couleur , tont 
concourt à Feifet heureux du tableau et fait présa- 
ger que Fauteur agrandira le domaine de la peinture 
et de récole française. 

Il était téméraire , . en entrant dans la carrière , 
de traiter un ^ujet que le Poussin a immortalisé , et 
qui est peut -être un de ceux où le génie de cet arr 
tiste s'est développé avec le plus de richesse, tant pour 
le fond d'une savante architecture que pour la com- 
position du tableau même; heureusement pour 
Picot , il n'y a nulle similitude de composition ni de 
proportioii; mais le jeune élève a bienfait une autre enr 
treprise ; il est entré à son insu en rivalité avec le pltis 
grand peintre vivant ; c'est vous avoir nommé , mon 
cher Maître. Votre sujet de r Amour et Psyché dkéié 
reproduit sous sa main. Il sera -piquant d'entrer dans 
les détails de cette comparaison. Nous le ferons pro- 
chainement en vous envoyant le dessin de ce tableau. 

Agréez, etc. P. V. 

QUATRIÈME LETTRE. 

^ Un des plus beaux spectacles que puisse nous oifrir 
Vhistoire n'est-il pas , mon cheic M^ire , celui d'a9 



iiflfc I - .' «:__•*." 



grand homme luttant contre l'adversité ? Les peîneSr 
qu'il essuya nous fortifient contre nos propres misè-^ 
res ; l'exemple de sa yie nous apprend* ce que le mal^ 
heur a de ressources , ce que la vertu inspire ie 
eourage. Mais si Thomme n'est plus une victime 
isolée, si le proscrit porte avec lui les destinées d'un 
peuple , s'il est l'espoir de la patrie , l'enthousiasme 
se réveille ; on est frappé de ses revers ; on s'enor- 
gueillit de ses triomphes. Que sa voix éclate contre 
l'oppression, nos voix appellent la liberté : qu'il s'é- 
iance dans les combats , nos mains voudraient saisir 
le glaive. 

C'est ainsi que par le sentiment de ce qui est 
beau et juste on s'identifie , pour ainsi dire , avec 
l'ame de ces mortels qui dévouèrent à l'humanité leur 
existence tout entière. C'est ainsi que le nom de 
Gustave-Wasa vivra long-tems dans la mémoire. 

Ce héros a servi d<e modèle et it sufet à deux 
peintres qui viennent de le représenter , avec àes ta- 
lens divers , sous des aspects difïerens, et, pour ainsi 
dire, aux deux extrémités de sa carrière;' pour bien 
saisir leurs compositions il faut se rappeler ici tout 
l'intérêt qu'inspire le personnage. 

La Suède , -délivrée du joug du !&anemarck , avait 
repris le droit de se choisii: des chefs ; mai^.en dé- 
pouillant les formes monarchiques elle avait con-^ 
serve les élémens du despotisme. Le clergé formait 
une des trois branches de FEtat , et ses immenses, 
richesses le mettaient à m^me de tout entreprendre; 



llésolu à rétablir le régime ancien , l'a^chevé^ué 
^'Upsal organisa une conspiration en faveur du roi 
de Danemarok : c'était Christiem II, monstre souillé 
de tous les vices sans avoir une vertu. Mais il avait 
pour lui les évoques : mêlés à toutes les agitations ^ 
à toutes les révolutions , ils savent toujours légiti- 
mer leurs entreprises. Négociations, traités, confé- 
rences, notes diplomatiques ou secrètes, rien ne 
fut négligé pour hâter l'invasion , et la fortune se<- 
€ondant enfin leurs manœuvres, la Suède reçut la 
loi de ce Néron du Nord^ 

' Christiern, couronné dans la capitale, prit le 
masque de la bonté. Il voulait punir; il donna des 
fêtes. Au milieu d'un festin , l'archevêque se pré-* 
senta à lui , portant une bulle du pape qui déclarait . 
héri tiques ceux qui avaient défendu leur pays. Le 
père de Gustave, les consuls, quatre-vingt-qua- 
torze sénateurs périrent par la main du bourreau ; 
Stockholm fut livrée au pillage. 

L'archevêque et le roi, assurés de leur sanglant 
triomphe, espéraient en recueillir le fruit; mais 
Gustave , échappé des prisons de Danemarck , où 
Christiern le retenait, aborde en Suède sous les ha- 
bits d'un pauvre paysan. Animé à la vengeance par 
de si justes motifs , il cherche ses amis , ses compa- 
gnons, à travers les provinces dont il contemple avec 
effroi la ruine. Le cœur même des citoyens avait 
reçu les atteintes de la révolution. Gustave, en-, 
touré d'assassins , n'ose se confier à personne. 



.*>* 



3o 

lé descendant des rois ne trouve point de lien où re-^ 
poser sa tète. Dans cette extrémité il prend la résolu- 
tion de se retirer dans les montagnes de la Dalécarlie : 

Tombeau de la nature , effroyables rivages , 
Que Toars dispute encore à des hommes sauvages ; 
Asile inhabitable et tel qu'en ces déserts 
Tout autre fugitif eût regretté ses fers. 

GustauCy trag. de Piron , acte ii , scène 5. 

Là , Gustave se vit réduit à la nécessité de travail-^ 
1er aux mines; mais son déguisement et sa misère ne 
Fempéchèrent pas d^étre reconnu. Quelquefois ac- 
tttWW , plus souvent trahi et menacé , il éprouve de 
nouveau les vicissitudes de la fortune ; enfin il dut la 
vie i une femme et le trône à un curé. 

Ce curé n'aspirait point aux dignités du clergé; 
Il n'en suivait ni le parti ni les maximes ; il était 
plein de patriotisme. Comme il connaissait l'esprit 
de la noblesse , il conseilla à Gustave de ne pas 
compter sur elle. Ils convinrent que pour réussir il 
fallait disposer le peuple à de généreuses entreprises. 

La. Cite de Noël approchait , et ses solennités de- 
vaient attirer à Mora un concours extraordinaire des 
villages circon voisins. Le curé engagea Gustave à 
profiter de cette circonstance. Le peuple, dans les 
grandes assemblées , apprend à connaître le senti- 
ment de ses forces; Textrême rigueur du climat et 
de la saison prêtent d'ailleurs , comAie on le sait , 
à l'exaltation des esprits. 

Gustave se rendit donc à Mora ; sa vue excita des 



IransportSé tl était d'une taille haute , et son air âé 
grandeur lui concilia Testime desDalécarliens. Son 
éloquence forte , parce qu'elle était vraie , porta 
dans les coeurs la douleur et le ressentiment : tous 
les Dalécarlîens jurèrent de laver dans le sang da« 
tiois les injures de la patrie. 

C'est ce moment que M< Dufau a saisi , c'est ce Dufau. 
serment dont il a voulu nous représenter l'enthou** 
siasme. Le lieu de la scène est un cimetière; le héros» 
debout sur une tombe , domine les difTérens groupes 
dont il est entouré. Son costume est analogue an 
tems et aux circonstances. Un manteau flotte sut 
son épaule gauche ; il est revêtu d'une cuirasse d'a> 
cier où se croisent des flèches d'or^ La Dalécarlié 
conserve encore ce monument. 

On doit reprocher à cette figure de manquer dé 
noblesse ; ses traits ne rappellent pas ce Gustave ^ 
l'ornement de la cour de Sténon; ils ne rappellent 
que l'asile où naguère il était caché. Il est vu de 
profil ; cette pose est peu favorable k uue grande 
expression; cependant l'attitude est assez énergique. 

En face dé Gustave , et sur la droite du tableau^ 
les Dalécarliens prêtent le serment. Les édits, les 
étendards de Christiern sont déchirés et foulés ; Id 
drapeau national flotte dans les airs. Mille bras sont 
étendus, mille cris se font entendre. Une femme d'un 
costume distingué est aux pieds du héros; elle écoute : 
elle attend le moment de lui présenter son jeune 
fils. Quelte est , auprès d'elle , cette tête dans Tom^ 



hte ? ce$ yëttx équivoques et dëfouhiés ; tts ttsili 
pâles ne Tont-ils pas trahi? C'est un espion; il observe 
tout en silence , et s'empressera d'en inst^-uire Chris* 
tiern. Par un contraste assez ingénieux l'artiste a 
placé ce type de la perfidie et du crime entre Tinno^ 
cence et la vertu. 
. . <-' L'exécution générale de ce ^morceau est fai- 
ble , et ne mérite que des encourageiAens ; mais la 
'première pensée est pleine de profondeur et de 
charme. C'est au pied de leurs montagnes « c'est 
dans le cimetière où reposent leurs aïeux que Gus-* 
taye appelle les Dalécarliens à la libertés Quel 
homme refuserait, de défendre le sol de la patrie et 
ks os de ses^ pères ? Quel homme ne serait ému , en 
de tels lieux par le double deuil de la nature et de 
la mort P . .. . 
Hersent. . Hersent a représenté Gustave au dernier jour de 
sa vie politique. Accablé d'ans et de gloire ^ il 
vient à l'assemblée des états de Stockholm lire son 
testament , donner sa bénédiction à un peuple qui 
fut 4o ans l'objet de sa sollicitude , et lui présenter 
ses enfans. Que détalent dans cette touchante et gra- 
cieuse composition ! Elle s'achève encore dans l'ate-* 
lier ; mais dans peu de jours elle brillera au Salon. 
Nous y reviendrons avec un vif empressement, aussi- 
tôt que l'opinion de hotre juge à tous , le public , aura 
éclairé notre critique de toute la justesse de ses im- 
pressions. A. F. 



\ 



*** -■»- 



Î3 

CINQUIÈME LETTRE. 



Paris, 3 septembre 1819, 

Mon cher maîtbe, 

Vous vous rappelez , sans douie , les jolis tableaux jyjne L^scot, 
que M"* Lescot, élève de M. leThiers, envoya de 
Rome , et qui furent exposés dans les précédens sa- 
lons. Ils nous ofTrirent un genre neuf et piquant : 
le costume des femmes italiennes, dont M^'* Lescot 
a su tirer le plus gracieux parti , de jolis épisodes , 
des effets pittoresques , une couleur vigoureuse , en 
voilà plus qu'il n'en faut pour acquérir la réputa- 
tion de talent dont elle jouit. Eh bien ! croiriez-vous 
qu'elle semble vouloir renoncer à cette gloire ac- 
quise ? Conseillée , ou par des jaloux de ses succès , 
ou par de vieux amateurs du siècle de Boucher, eHe 
vient de faire un petit tableau d'une fable de Lafon* 
taine : le Meunier y son Fils et l'Ane, qui sort tout- 
à-fait de sa manière accoutumée. Quoique les jeunes 
filles aient le gracieux costume italien , le blanc , le 
rose , le vert d'un ton bien léger, un fond de paysage 
négligé , donnent à cette composition une apparence 
de porcelaine , qui n'est point digne du talent qui 

LETTRES A DAVID. 3 



/ 



-t^J^M 



» 

l'a produit. Heureusement que la tête du Heûnieif # 
qui est très-bien étudiée , rachète ces défauts qui 
sont nouveaux pour Tartiste. 

M"* Lescot.a peint une autre scène avec plus de 
succès. Dans une sombre prison, éclairée en ce 
moment par quelques rayons du soleil qui passent 
par une ^11 e , un condamné gisant sur la paille , 
appuyé sur une pierre , et tenant en ses mains un 
crucifix , écoute l'exhortation pathétique d'un moine 
à tête chauve , à barbe vénérable , qu'on voit de 
profil. Derrière, dans un corridor, plusieurs péni- 
téns blancs portant des flambeaux allumés , viennent 
chercher le criminel pour le conduire à l'échafaud. 
La tête du condamné est vraiment remarquable ; à 
^ ttavers les formes abjectes de ses traits , Tespoir se 
peint dans son regard , fixé sur celui qui l'a ranimé ^ 
et ce rayon de jour qui l'éclaîre ne laisse rien per- 
dre de l'expression de sa physionomie, La tête du 
vieil ecclésiastique se détache en ombre , et n'est 
éclairée qu'à sa superficie. Ces pénitens , quoique 
voilés de la tête aux pieds , ont une expression d'at- 
titude qui ajoute de l'intérêt à cette lugubre scène. 
Ce tableau est plein d'effet , il est vraiment digne 
de l'auteur (i). 

Un autre tableau, d'une plus grande proportion^ 
ne serait pas moins fait pour attirer votre attention. 



(i) Le dessin en est joint à cette livraison. 



V 



Emv — "^iisètntj 



:^^«rf-^ ^" -c;.^^^»^' -T^ 'i-^fri^-Gt^yiy*^^ ■' i "-** ^^^^^ 



Trançbf^ 1% tt tèf^éaititenr dés arts , ce hita^A Aè 
Vhôïittènt ti ie là galant erk; , reçoit de Diane dé 
PéîtiéÈs, à genaiiie , la demande de là grâfcede Ht. dé 
Sâtiftt-Yalliér, S611 père ; on det^ k la phy^owMiié 
Miinéé du pritice qtf'elle rie ^era point refusée. Il' 
^enipfesse de releter cette chairmante lâfrtDettéasé f 
Jiientdt elle atfra chaiigé de râle , él te rOi énppfietil 
à ses pieds. Uaimable sortir de Fratnçors P' lel dediÉ 
dames de sa coar sont les téiâoins de cette scène^ 
et la première semble déjà prévoir rfcéureui sûccè» 
dé la jeune beauté. Deut glardes/*pfeeés à la portée 
dans le eostmie du te^nfs , et l'arcKitecture de Tàp^ 
j[>arfement, nons transportent à cette époque. * 

Nous Tayottons , tàbn cher Matftre , rt&àû ne yM^ 
loos^ potnît nous défendre de c^ tilapm^ qi£e lé sexe 
ajoute au talent; mais nous pensons que cette pèht^ 
fin-è, désti^éé4 la galerie de FoAtaineblé^^ , est digne 
^ celî rfcoii^eur, 

ta irîe d^Henri'IV est e*ebre pour les pteînfrés de 
eetlé année une minS><^coi6tdk et foùjb^s: pfelâë 
dîtttérêt. En r8f ^ , ùn'dè ves»g1dr«*tet ël%5^tfs^ftii 
§ott talent siâipériié^ hit aujourd'htiPdbfiii^r pWMf 
leï maitres'd'e nftre écélè', pâîsia dé^ tt9'^6n^fLiv§ 
^'a laissés ie 'Béarilais rît«pîi?2ltibîi d'ùk «r^H Gérard. 
I^ùs bé^uk oiùrtrafgësr;^ mùs^ ifMmitbh^ ^'^dà'ri^ ^ imm 
exposition , qu'un pbrtraiY dlet^rsird*; 'mais Ce '^âiÉâ 
irtiste est présent par l'Siift^resstod' de #S <sùui^J 



««ÉkMÉÉ^aitfiiiiÉMiiMÙfil 



.i --.^ 



*.^-|^ 



36 

Lpaû XIV. Le second de ses hëros sera moins graiid 
que le premier; mais Gérard , qui st. déjà peint tonsi 
les rois du monde, ne descend point avec ses sujets ; 
U doit rester lui- raénjte. pour Tintérét de sa gloire^ 
Vergnaux.^; Quelques morceaux , je ne dis pas du même genre 
' 'que r Entrée d'Henri IF à Paris , mais dictés sans 
doute par le même sentiment , passeront successive-^ 
ment sous vos yeux : avant de parler de ceux qui mé-» 
riteront vos. élçges^ voyons celui ^e M. Yergnaux^ 
Si ce n^est pas dans Thistoire du bon roi qu^il a 
pris son sujet, c^est du moins dans Tbistoire de s^ 
statue<j|.,dopt il. a représenté Tinauguration sur le 
Pont-Neu£. « Le moment est celui où M. le marquis dé 
Boi^érMarbois , prononce un 4isçours en présence, de 
S 9 M,,f entourée des prin^çsf princesses et grands de 
Vétalt.^\, 

c Peut~étr:e vous attendezrvous à voir ici toute la. 

pompe digne d^une pareille cérémonie; pieulh-étre 

espé^^^t^yous y trouvei; un peu de- cet enthousiasme 

- dont ]es}purnaux du tems.farent remplis « Ouvrez la 

tiy^M ^tableau est destiné .au npîn^stre de Tinté-^ 

fii^W; aussi est-ce une ^ène de goliçfi fine rartiste 

a.r^t^pée. A gauche est la {^latued^tU^ri lY, cp^r) 

. ,j. ; 7§Bnée 4^ celte; grande |ai:ch(s, qfe k coniUé.de 

^nscripticin upu^ine^^ss^l^^c^liserver.; jen&ce de 

)%T^tatue, Testrad^où siège la famille rç^yale; sur la, 

iit/^^jit , liue foule ^oniiise df hommes , de ^mes et 

â^^fa^s |,qu('iMVjâouUe xafag/doxp^nq^f ^i^wprim^. 



3^7 

sar les tcattoir^ ;. aa nûlieii du. pAvé « des gi?n^rm^ 
des chevaux , des soldats et les commissaires de la 
police. Le foid repr&efite lé ru^ «de Is^Monnaie et 
le quai de la Féraille. 

La rue et le quai sont déserts ; les princes , le peu-^ 
pië ^ rotateur, tous sôntîftimôbîîes et mûets^omme 
Ù statue. Quant aux gendarmes, ceux-là pàrlëiit^ 
xnenaceht et se promèhent : Ici' , comme partôtit 
ailleurs , on s''âperçoit qu^ls Sont lés personnages 
essentiels dfehos'fêtes publiquei^. Ajoutez â* cela des 

» • • - » • ♦ 

))âraisol^ , dès lunettes , d'es Ani;lâi's , un cfiieu et un 
dessinateur (\m s'est ihis au haut d'une- fénéfrc',„ 
ci^pB^. pqi^r. re^ésentieR cette scène. . 

Placée sur la glace d'une optique , cette burlesque- 
macédbine pourrait'plafre tout au pliis'à dès ènfans;. 
c'est un salmigoIndÀs de figures de- csoion ^ bïen bar- 
fiîouillëefs de rouge et dte fauile-; et collées sans bb^ 
jet, cônimie sans gofift',. les unes ^au-dessotis dfcs au»- 
très. Point dfe dtessin ; point de- couleur, point- àt 
pierspectîve , etsùr-toutpoîntdeclaîr-^obiscdr: C'est^ 
fê le répète, un vérîtaWè'^tâbleau-d'optrqne-: Mes*- 
sieurs du Jilry prennent-ils Fexpositîon pour une 
parade f Je li'ajoute qu'un mot, c'est au salon même 
que je l'ai recueilli. Un soldai regardait la composi*- 
ifoiî: dè'TM. Vergnaùx-; après quelques instans d'une 
attention soutenue, il' rappela énergiquement un 
proverbe qui finît parties mots : Gemme WmrilVsur- 
é?ft>ifi/-JViftt/.'' L'artiste et soft tableau nous parais^r- 
T$jçiit*tousdéux.ile circonstances ' \ T.. F^..' 



» 



t.yA0v%/v%%/v%^/v%^fy^'%fv%^v% 



t » 



SIXIÈME LETTRE. 



. ,CçTTf lettre, iQpn c)ier Maître, ne contien^r^ 
pointidç description,, quoiqu'elle 3ioi|t désignée à vo^s 
fenfire c/ompte d'up tableau .e^.p$é, au $aIon ; mai$ 
fi^mpt vous l!ave^, yu il y 21 quelques années ^ ce 
mjême :tai)leau , si npu^ç ^^ifira de vous faire passer 
}es deux billels suivanSi 4.Q^t l'authçnticité (^pmm^ 
vous. le sentez;) noua ^ éiéb'ieif. garantie. 

Madame la comtesse de C*** a M. te comte de F***. 

> 
or .Je vîçQs. d'éti'e înforniée, niion cher., que tous 

j» avex de 4»9^yf ai| exposé yotre tableau d'inis d^ 

j» <^/v an i^alon de. cette année. D'après ce qu'ont 

j» m'en a dit, il paraîtrait qu'on le voit maintenant 

I*, spi^ un aomxeau jour, py qu'an lieu des pâles clar*" 

sf tés de la lune/qui étaient si bien d'accord avec 

» ^tte scène iuélanc.olk}ue , vous l'avez éclairé des 

i> ^rillansf rayons du soleil ^ et remplacé par sa lu-. 

'9» tnière dorée les'^ffets de l'astre des nuits. Je re- 

» grette bien que ma situation souffrante ne me 

» permette point d'aller }uger par moi-même de 

:» l'heureuxTefliet de ces cl^angemens, d'autant que 

^ l'exposition de cette ^nnée oiTre une multitude de 

a> s^j^jetsquç j'^Çfectio^ue , et qui sont pa^aiteB|ent 

» d^lis ifion genre de piçé^il^c^tion ; je yim f<^licitç 



^9 
j> bieit, mon cher comte >. d'être entouré de tant de 
» productions orthodoxes^ mais^ qolea dicont noa 
» phiibsopbes ! 

» J'oubliais que j'ai pris la plume pour vo^iis gf on- 
» der; et je reviens à votre Inès de Castro. Av^ut da 
>i vous livrer aux changemens que vous avezi.fait 
3» subir à votre t^Ieau, vous auriez dâ vous tap- 
» peler , ce me semble , là descr^on que )'ea 
» ai faite , ainsi que des pages (j'ose dire «éloquen- 
3> tes) qui vous assurent t'immortalitë. Mainteiianit 
2> que vous en avez, totalement dénaturé Ic^s effets ^ 
» vous avez non-seulement compromis ma réptita^ 
» tion d'historien, mais, vous semblez renoncer 
3» vous-même à lacélébrité que^vous donnaient me^ 
» éloges ; car vous avez^prouvÀ, en le^^ coriÂgeantt, 
» qu'ils n'étaient pas mérités. Je ne puis 2iccorcler< 
» cette Gonduile avec l'esprit que je vous connais. 
» Il valait mieux ne pas l'exposer, en vous confoc- 
» mant ( quoique directeur du. Mus é^ ) à la r^gt^ 
» qui interdit de remettre à l'exposition deux. fois le 
» même tableau ; vous auriez,. sans^ din^inuer votise 
3> mérite, conservé tout entier celui diu volume qim 
3» vous avait consacré votre amie. 

Réponse à h précédente. 

« Je me hâte de vous écrire, M"* la comtesse,^ 
» car votre' lettre n'est pas du nombre de celles- 
«. auxquelles je ne met crois pas obligé de répondra*- 



^ 



>^i ^m 



i» Je vous avouerai qu^ayant faitiin grand voyage 
» depuis la publication du livre que vous avez eu 
» rindulgente bonté de remplir de la description et 
91 de reloge de mes trois tableaux , j*ai négligé les 
» obligations qui m^étaient imposées. Je n^ai vu ^ 
3» depuis mon retour , que les devoirs de directeur 
» du Musée , et m^occupant uniquement des objets 
» de Texposition , je me reprochais de n^avoir pas 
» eu le tems de composer un tableau pour en faire 
» partie. Je jetai les yeux sur celui à'Inès de Castro 
» pour y suppléer. En effet , il restait tout entier à 
>» faire. Je voulus , du moins , le modifier ; et parmi 
» ses imperfections je remarquai celle de ne l'avoir 
» éclairé dans un lieu si sombre que par quelques 
» rayons de la lune , tandis qu'il était si naturel 
» qu'une scène de nuit, dont un souverain fait l'ob- 
n jet d'une solennité , le fût par des flambeaux. Pour 
» sauver, dis -je , cette invraisemblance , j'imaginai 
' » de Substituer la lumière du soleil à celle de la lune; 
» ses rayons passant à travers les portiques d^une élé« 
» ginte architecture , en éclairant des arbustes en 
)> fleurs et des orangers placés dans l'intérieur d'une 
» cour, y produisirent des effets piquans; mais cette 
» même lumière , éclairant a^ssi Inès de Castro , 
» don Pèdre qui la couronne , et le chancelier de 
» Portugal à genoux , je vis que ces figures n'étaient 
» point assez terminées pour paraître au grand jour , 
» et je me décidai à les dessiner d'un meilleur goût, 



A'-i ^»^ 



^ mnsi ipte k supérieur de Tabbaye d' AlcùBaça i et 
j» ce chevalier armé de toutes pièces. Je les-écbaufiai 
» ensuite d'un ton plus soutenu ; f y plaçai des ton» 
» ches piqiurntes ; je retouchai mAme le chien fidèle. 
» Enfin , si )e n'ai pas eiiposé un; tableau neuf, il y 
M . a du moins.un aspect brillant et nouveau ; il offre 
j» un effet dont on ne peut contester rbarmonie ; il 
» captive et séduit le spectateur^ et. feu prends i 
V témoin les nombreux admirateuii dont je suis 
» .entouré ; leur suffrage justifie pleinement le farti 
» que j'ai pris , car ils m'assurent qbe mon tableau 
» a pour eux tous les charmes de la nouveauté. Il 
» est vrai , soit dit entre nous , que la vérité bîsto- 
» rique ét^it plus respectée dans randennedisposi'^ 
» tion 1 car Inès , inhumée depuis plus d'un mois ^ 
» offrait déjà les symptAmes de la décomposition 
» lorsque don Pèdre la fit exhumer; j'avais , à l'aide 
» des ombres de la nuit, conservé le ton qui l'ex-* 
)• prime; aujourd'hui la belle Inès ne parait plus 
m qu'évanouie. Mais j'ai pensé qu'il valait mieut 
» dissimuler en quelque sorte cette horrible vérité , 
» que de repousser le regard de l'observateur en la 
» lui montrant. Ce principe de prudence trouva 
» journellement son application , et personne mieux 
•a> que vous , Madame , ne peut en apprécier le motif. 
» Vous redoutes , aimable comtesse , pour l'hon* 
» neur de votre réputation d'historien , l'effet que 
f va produire ce tableau ayec ses changemens , sur 






/ 



» Tesprit ée éenx qui liront votre deseripiioa ;:?oiifu 
m «sbliez donc que le sf^tt est le m£nie ? B^aillenrSy 
«I vous ayez d^jà prouvé dans vos charaiâns ou-^ 

V vrages que la yirité Uaçtorique n*est pour voua. 
» quesecondaiie ;. ce n^estjqslun cannas pour vo-^ 
».tref)lQnie ëiëgante; vous ^^en serai .pa«' moins 
M Jne avec avidité , et la dèscri'ptioii de mon tahLeaiir: 
» sera toiqofirs au rang de vos plus aimaUes corn-* 
» positions t si. mieux vous n^aimes la retoucher^ 
M ei|L substituant le soleil à la lune , comme j'aL 

V £iit dans mon tableau. Soyez bien convaincue ^ 
» Madame , que je sens tout le prix des pages que^ 
¥ vous avez bien voufai me consacrer ; mais fe jne 
» console de ce que je perds au présent par la célé^n 

V brité que me promet Tavenir que vous m'avee 
» préparé ; car vos écrits survivront à mon ou«- 
9 vrage. On les lira ehoore quand le temsaura dé- 
» chiré mes tableaux. » 

Nous ne croyons pas , mon cher M^tre 9 devoiv 
rien ajouter à l'historique de celte exposition^ qui a 
mérité les honneurs du.^ti; / nous ne ferions que ré<* 
péter les éloges que mériiîe une production vraiment 
pittoresque , pleine àe charmes et d^originalité ; 
nous répéterons encore moiiis les. aofts propos qui sa 
débitent de toutes parts ; savoir : nfie pendant la 
çpyage au LesHmt deux officieux artistes» se seraient 
introduits dans ratelier-dii directeur;. . Nous avons. 
^Âen entendu parler en miiique , < d'une Sk9mt€- 



«3 

à. quatre mains, mais en peivfiitet on ne couui^t 

i • ' ■ ' ' 

point de valeur à cette e^p;re;$$tk>A. 

p. V. 



«A^««V«^/W\.««^<MÛ%\AMft/V%W%^/V^%«^^*Ml 



SEPTIÈME LETTRE. 



/Il vous souvient , peut-êtr^ lo^n cher Maître , d^ 
Tun de vos plus jeu^eç fit plin» indignes éii^ves dont 
Tousavez désespéré dès la tr<)isième ieçam,, mais ji qui 
TOUS laissâtes tix)i$ .mois le pinceau dans Ie$ flpaii}$ 
pour ne pas le désespérer lui-^^ê;i|e f car pers^ni^ 
dans votre ^lustre école, n^^tait arrivé ai^ un plo^ 
grand fonds d^espoir et de bouneppiiûon de ;$Di^ /^ 
îe serais mort d'une apoplexi^ foi^droy^^tef.si yow 
m'aviez annoncé tout-à-coup Tarrêt dç non im"^ 
puissance. Tqus mes condisciples se moquaient 4^ 
moi , de ïXï^syeux , de mes orciUes ; et vous-même ^ 
f malgré toute votre indulgente ^miti^t vous ne pas* 
siez guère devant mon chevalet sans qu'un ^ourir^ 
équivoque ne vint éclaircir la gravité de votrç phy- 
sionomie \ tout cela devenait positif^ et je sortis dp 
votre atelier avec un talent d'^unatejui: et uue i^age 
d'artiste. 

Mon dépit d|ira trois ans, çt pendant ces trois 
ans je ne pouyais yoir une paA^U^ ^^ ^;niicçr des 






'TV \ 

• • " * I 

dents , ni toucher une estompe sans crispation àé 
nerfs. Je faisais de longs détours dans les rues pour 
ne pas rencontrer la chaste Suzanne qui sert d'ensei- 
gne à un magasin de modes,, ou Timage de CameillC' 
à la porte d'un libraire. 

Mais voyez à quoi tiennent . h^ résolutions de» 
hommes ! comme tout est fragile chez eux , même- 
leurs douleurs ! Je me trouvai , I été dernier , à la^ 
campagne chez un jeune avocat j mon vieil ami ;^)'jt. 
vis pour la première fois sa sœur.... Si je ne cra^r 
gnaîs de flatter Pàychë, c'est à Psyché que je la com- 
parerais. <* Vous êtes peintre, me dît-elle un jour?' 

— Moi , peintre /Mademoiselle ! oh ! non , je vous 
assure, -r- Quoi \ vous n'êtes pas un élève de David r 

— De David!..;. >i'Et (rois couches de honte me 

I - ■ ' 

montèrent au visage. « J'avais compté sur vou* 
pour faire un portrait que je veux donner à mail 

frère"; il me faudra retourner à Paris.. Com-^ 

ment aussi ne savez -vous pas peindre ? — Jç ne 
suis pas artiste , il est vrai , Mademoiselle , ç'est-à- 
dire que je ne saurais pas composer iin tableau ; 
mais le portrait!..... qu'est-ce qui ne sait pas faire 
le portrait? EtpuiBte plaisir défaire le vôtre..... 
d'être pour quelque chose dans Ta jolie surprise ^e 

Yous préparera votre frère Il faudrait n'avoîir- 

jamais taillé un crayon ni essayé un pinceau p^ouc 
laisser échapper une telle occasion ! » 

J'^ntrej^rls ce doux travail , je sentais sç succédée 



45 
^ï se tontbndre sw mes joues toutes les coulem^s Ai 
Ina palette ; le portrait fut trouvé charmant. En-> 
Bammé par ces suOTrages, je me suÎ9 lancé de nouveau 
dans la carrière vde la gloire. Enfençé près d'un aa 
dans le coin le plus lumineux de mon appartement , 
rue aux Ours , )e n'en suis sorti qu'armé d'une toile 
de quatre pieds de longueur sur tr<Mâ de hauteur 
«t toute chargée de rouge , de vert et de bleu , qui 
combinés ensemble représentent à peu près des per*- 
sonnages, des arbres et des animaux; j'^i passé 
quinze jours à contempler mon chef-d'œuvre à toutea: 
les distances et sur toutes les faces , puis je l'ai fière^ 
ment présenté au jury d'examen pour l'exposition 
actuelle { il a été admis sans difficulté ^ ce qui vient 
de son mérite ou des puissantes recommandations 
dont j'ai trouvé le moyen de le faire, escorter ; et il 
figure dans le grand salon, près de la porte delà ga-» 
lerie d'Apollon, oà, quoique un. peu trop élev^ pont 
sa taille , il est aisé de voir que c'est ¥^^ çroûtç. 

Oui , je l'ai ente;ndu dire au pub^Uc; v .qi|i n'a ni ami-^ 
tiés ni protections à ménager : Çest um^ croûte t Je 
m'empresse , mon cher Maître^» |u>yrivquç consplçr 
d'autant , de vous affirmer que je n'ai pa^jpri^ à^w 
le livret le ,titre d'«éléve de Daçid, Ma pudj^i^r a^ éf^ 
a^ussi discrète que la, reconnaissance de beaucpvsp de 
mes confrères é. 

Du teste», il ne faut pas croireque les. croûtes, ne 
soiejM: d'aucun injté};êt pour les progrès d:e:r9rt, et 
que leur examen raisonné soit une chose si ijaU/Bi^r^ 



-^ •. - — *- 



46 

rente ; il «fthlé , dans cettiâ fdule Se mâtivahés cmn^ 
pd&itioM I iMe téndânee prësqite géirërafe vers îit;^ 
bttt tettÊtOûn , et des traits carastériâti^aes dé fi 
[Afjrsionflgnie de cbaqse époque ^11 ekt utile de sa^- 
sir et d*ai»Iyser, pour encoiïrager ou censurer telle 
<m teHe direction , tels ou tels nrôyens d^effet. 

On peut ëtte n^tv^is peintre comme mauvais 
pêète y dans un bon système aussi bren qtre* dans nH 
but; et , dans ce dernier cas, il y a double mal ; les 
iftéflies différences qui distinguent entre em les 
beaut tableaui des diverses époques, peuvent à peu 
près se remar(](uer dans les plu^ pitoyables peintu- 
res ie ces lÈffitfes périodes; certes , les croates et* 
posées dans les salent du tentsi où' Ic^s Boucher , les 
Lagréwée et lés Vanloo étaient les corypïiées de l'é- 
cole n'oni guère d'autres rapports aveé nros ci'ofttes 
moden<es que Timpuissance de Texécutroti et ï'ig'no-; 
rallie de Tart ; ordounance , expression ; tout , \uÉ- 
qu'au cboix die* sufets, y atteste ^extrême différence 
ào! faire des dëux^écolies; on reconnaît d'abord que 
les unes dattot du règne de Faffecfatiôn et ^e la fri* 

volité , et que lésf autres sôtït nées sous Tempire dû' 

• • • 

gdùt, d'êla'iiaturéet de^Pantrque; fôùs les pefitr 
atttout*s rosels et* ronges se sont depuis long~teihsf' 
elH'6Ms en tèfflpîc des art^, et sont allés reposeif 
leurs ailes musquées sur les corniches dé quelques 
vfebx 'bouiA)irâ dont Ites déesste^ fardées et poudrées 
s%armoniateut fort btèu avec ce MiïriiiiuHâgc ie la 
petntute'.^- - — ^^^^ ^* • ' •*'-'* ^' 



tJne croate v «Kje ait î ntfisi U^ oroùiiès , èBc6té 
ttne fols^ M soitft pas si M^pvisâMes qu'on j^aï^if: 
le croire , 6«5iilraiigkes>^ Tkîslwîrd de la pehiVttre»* 
Je yens Vai eiitêiidu dii«> à t^otfs^iiièmé ; eut- nié le* 
rappelant , j'étais presque fier de la Btieftne ; et f^ 
ce. grand wMubre d'acolyt^ qui m'enriroitnent ! 
M'est-il pas tottJ4Mirs bea». d'être delà majorité? 
J'àf voulv ftiîr la première fois qi»e j^ai reconnii ni» 
toiteau salon/; mars des regaràs à droite , à'^anchry' 
en tacé^ m'ont tassufé, paiS' coneolé , puis enoi^ 
.gueilll. Je me sms^ et u maltye d'un genre , et 'éket> 
d'iule école ; et dès le lendemain , î'aî accepta la 
tâche que je rempKiïii' désormais t une assoeiafionf 
dé mes amis inè l'a offerte ; ef afin que je ne fusse'*' 

• • • • 

pas étranger aux matièlfes dont j^'avais à vou»enfre^. 
tenir ^ ils ont somms» à ma dStsdplitae tout ce qtr'il f 
ade barbouillages au salon» ' 

Vous donc , mes chers confrères , W* 226 ,'5or, 
354 i dont les personnages em:dA:és fonf aussi triste' 
figure que les miens , n'attendez pas de moi le^ 
railleries et les sarcasmes d'un rival ; 

J'ai connu Tinfortune et j'y sais compatir. 

Je m'efforcerai de démêler sous l'épaisse écorce 
dont votre peinture est chargée , l'étincelle étouf- 
fée qui peut'étre doit briller un jour ; je ferai la 
part de la jeunesse et de l'inexpérience , et je ne 
réserve les trésors de ma colère que pour ces vieux 



tMreMs ( et il en est un certain ikembté ) dont lé 
pineau périodique enyoie , à chaque exposition , de 
la pâture pour la malice et les dérisions de la multi- 
tude: tristes productions qu'on dirait attachées au 
c^can des arts» ' 

Au rexoir doypc , mes pauvret cempàgnoùs ; par^^ 
donnez- moi si, dans le. pénible examen que )e vais 
entreprendre , ]e passe sous silence plusieurs numé-- 
ros qui auraient bien droit à toute mon attention ; 
mj^s il y a foule dans le cercle de mes attributions , 
et au risque de faire quelques, jaloux , je me Verrai 
forcé' défaire un choix ; j'espère que MM. les caou-^, 
TONS privilégiés ne me sauront pa;5 mauvais gré de 
mes franches observations, que du. moins ils ne< 
pourront pas attribuer à Tenvie. D'ailleurs, je me 
soif mets , moi et ^^on paysage , à leurs trop justes 

représailles ; et je déclarerais même d'assez 

bonne grâce que je suis le dernier des barbouilleurs ; 
mais,, comoie on dit , il ne faut décourager perr 
soiine^ ; P X. 



• I 



. i 



a V» 



Il !■ M 



iMM 



HUITIÈME LETTRE. 



Paris, 8 septembre 1819^ 



Mon cher maître v 



Voyez-vous , sur ce frêle radeau , lutter contre la Ge'ricault. 
mort le reste d'un équipage qui s'était éloigné du 
port avec tant d'espérances. Assaillis à-la'^fois par 
les flots et par la famine', ces malheureux, épuisés de 
fatigue , de misère et de désespoir, t)nt abandonné, 
leurs rames inutiles. Celui-ci n'a pu résister au 
spectacle de tant de maux. Celui-là , debout sur des. 
débris , agite dans les airs le pavillon de détresse : 
ses compagnons. qui l'entourent cherchent à l'ho- 
rizon qudqne espoir de salut; mais l'horizon les 
trompe* incessamment, et n'offre à leurs regards 
qu'un ciel et des flots irrités. Ce jeune homme souf- 
fre et voudrait mourir; plus ferme dans la détresse , 
un vieillard ( peut-être son père I ) le soutient d>un> 
bras mutilé. N'admirez-vous pas en frémissant l'ex- 
pression de ses traits ? J'y vois l'empreinte du cou- 

LETtRES A DAVID. 4 



Ba 

rage et le sentiment profond du malheur. Cet hom- 
me , quel est-il ? quel pays l'a vu naître ? Ah ! je l'ai 
reconnu : l'ëtoile qui décore sa poitrine m'apprend 
qu'il est Français : ces infortunés sont nos frères ! 

Oui , ce sont nos frères. Ce sont les naufragée de 
la Méduse, Une pudeur^ explicable, a voulu nous dé- 
guiser ce nom qui rappelle tant de douleurs ; elle a 
redouté l'indignation de nos souvenirs. Mais les lois 
ont vengé ces victimes d'un infâme calcul , et la 
nation leur a consacré de pieuses offrandes dans 
leurs amis échappés au naufrage. La nature frémit , 
le cœur saigne à l'aspect de leur longue agonie. 

Sur le radeau presque brisé \ ils découvrent les 
mâts d'un vaisseau lointain. Leurs cœurs déjà flétris 
renaissent; tous se lèvent et s'agitent : leurs bou- 
ches , long-^tems muettes, ont retrouvé des cris. Inu- 
tiles efforts ! Le vaisseau s'éloigne; l'abandon et la 
mort , un instant oubliés , reparaissent avec de nou- 
velles horreurs. 

Voilà le tableau. Mais il est quelques épisodes que 
je dois encore vous faire remarquer. Vers Textré- 
mité la plus élevée du radeau , un homme aux che- 
veux hérissés montre i ses compagnons le point où 
disparaît la corvette; cet homme , l'un des témoins 
de ce désastre j en a.puUié la relation , et s'est ac- 
quis d'honorables inimitiés. C'est à d'autres titres 
encore que H. Corréard , aujourd'hui libraire , doit 



5i 

Festime doal il jouit ; il la mérite par seft qualités 
personnelles. 

Uensemble de tette composition tragique inspire , 
la terreur et la pitié : elle est pleine de verve et de 
mouvemens. La teinte en est chaude et indique le. 
premier jet d'une heureuse inspiration. Le dessin^ 
est d'un grand caractère ; il est hardi et vig(>ureux. 
Plusieurs parties attestent un talent précieux. On 
doit louer sur-tout la figure renversée à la droite da 
tableau. Une large draperie enveloppe sa tête et sa> 
poitrine , mais les plis , habilement sentis ^ dessinent 
bien le cadavre. 

Le premi^ et }e plus remsffquable défaut de 
ce tableau est la couleur. Ce gris rougeâtre , qne 
réclat du ciel ne raotive pas assez , s'étend avec 
trop d'uniformité sur la scène. Ce défaut pourrait 
faire croire que Géricault n^est pas caloriste; c'est 
une erreur.'Il a cel;te qualité , qui dans l'état actuel 
de notre école est devenue indispensable. Mais le 
tems ne lui permettant pas de donner à cette partie 
de son ouvrage tout le soin qu'elle exigeait, il a* 
cherché une manière plus expéditive.; et ce qui doit 
nous paraître un vice , est ici Felfet d'un système •' 
Espérons que l'artiste ne se hasardera plus à impro-^ 
viser un tableau, et qu'après avoir prouvé sentaient 
dans l'ordonnance et le dessin , il voudra montrer^ 
celui qu'on lui reconnaît comme coloriste. '<' * 






5di 

Lé peintre a trop resserréla sc^ne ; non qu^il dût 
adopter un cadre plus grand , mais il pouvait , sans 
cette ressource, indiquer mieux Timmensitë. Il a 
manqué ce but en ne donnant pas assez de transpa-^ 
rence à ses vagues , qui semblent une. chaîne de col-^ 
Unes verdâtres que Ton apercevrait dans un hori-» 
zon rapproché. 

S'il eût ménagé à travers les flots une échappée , 
ëckdrée par les reflets d'un soleil rougi par Forage ^ 
et qu'il eût placé à Textrémité de cette ligne indé- 
finie le haut d'une mâture qui se perd à l'horizon ^ 
il eût rendu sensible l'idée principale de son sujets 
' On peut lui reprocher quelques réminiscences. 
Il nous a semblé démêler dansnne de ses figure^ quel-' 
ques traits de. celledu Jlfizftirj &x/z/5 de Guérin; 
cette ressemblance tient sans doute à l'analogie 
des sentimens; observation qui pourrait servir d'ex-* 
cuse à M. Géricault , mais qui ne peut être admis-^ 
sible pour un gramd nombre d'autres élèves, dont 
les tableaux de cette année sont de véritables pasii^ 
cbes^ où les plagiats ne sont pas même déguisés. 

En somme, :cet ouvrage décèle un beau talent , 
qu'il était utile d'éclairer. Il porte un caractère 
d'originalité qui appelle la critique ; mais il est loin 
de mériter les attaques dont la mauvaise foi et l'esprit 
de parti Tout rendu l'objet. Ceux de nos journaux qui 
ont trouvé dans les convenances que M. Gros mon- 



53 

trât aupr^ de la duchesse d^ Angouléme des bateliers 
presque nus , ont demandé des véte^ens à ces sial-^ 
heureux naufragés , et ont voulu savdir, avant de 
s'attendrir sur leur sort, 3'ils étaient Grecs , Romains, 
Turcs ou. Français. Qu'importe ? c'est un naufrage 
et:de la peinture ; et pour que ces images nous révér 
tassent rintérét particulier qu^elles .ipspirent, nous 
n'avions pas besoin de. la mauvaise humeur .des 
ii^nii et. des précautions du jury , qui a eiEsicé le ttoii|i 
de la Méduse de son livret. A. F. > 

NEUVIÈME LETTRE. 



Yods avez reçu nos premières Lettres , mon cher 
Maître , et en nous faisant quelques observations 
dont nous nous efforcerons de profiter , vous re- 
marquez que nous parlons du directeur du Musée 
avec un peu de cette amertume qui appartient tro^ 
souvent à l'amour-propre ofiensé. Avouons que 
vous devinez juste ; chacun , dans notre république , 
écrit avec toute la liberté de sa pensée , et nous 
is^ojipçonnons qu'une blessure récemment faite par le 



ki>Éik>_>«Hk.^ 



directeur oa le jury , saignait encore dans te cœur 
d^un de nos correspondant quand il a pris la pluntô. 
Mais si le blâme est permis i chacun , la recon- 
naissance est prescrite à tous. Nous n^avions pas 
'attendu Tassurance que vous nous donnez dé vos 
-relations amicales avec l'auteur des poétiques ta- 
bleau^ d'Inès , du Vismve et de /ti Religièuu de Val- 
ladolid^ pour sentir que sa conduite prenait un fort 
{[rand avantage sur l'hofililité de notre correspon-^ 
dance. 

En efifet , dès que nous avons demaildé au direc^ 
tçur, depuis nos* premières Lettres écrites , les mê- 
mes faveurs pour notre entreprise que celles qui 
sont accordées à une a^tre , il s^est empressé de 
nous satisfaire avec la grâce d'un homme de cour ^ 
la franchise d'un artiste , la tHenveillance d'un 
homme d'esprit. Le nom de David était sans doute 
avant tout notre recommandation près d'un peintre; 
mais si vous avez quelque part aux moti& qui l'ont 
décidé ,' nous nous chargeons volontiers du sentie 
.ment que nous impose la loyauté de son obligeance^ 

Q. 



55 

1. 



«M/%^V^\/V%V«/«>V%/V^A/«.\/V«W\'W«.-V«/%%/V%%V%^M%%«^«A/V^/l/«i%V%««W>«V%V«/V 



DIXIÈME LETTRE. 



Ce n'est pins seulement au chef de l'Ecole dé 
peinture, c'est au premier de nos dessinateurs qu'un 
de ses élèves réconnaissans ne craint pas de sou- 
mettre quelques réflexions sur l'exposition de sculp- 
ture de cette année. Vous le savez, mon cher Maî- 
tre , parmi les jeunes gens qui suivaient vos leçons 
à la Sorbonne , tous ne se destinaient point à la pein- 
ture ; quelques-uns devaient manier le ciseau après 
avoir étudia ^ ^ous vous , cet art du dessin que vous 
avez poussé à uii ^'hant degré de perfection. Vous 
ne cessiez de recdifim^ander l'antique à nos médita- 
tions ; c'était lé cri que vous adressiez chaque jour 
à tous vos élèves indistinctement. Mais de quelle 
sorte d'orgueil n'ét)ais-je pas enflammé lorsque je 
vous entendais dire aux peintres : « Aimez la sculp- 
ture; elle donne l'idée des belles formes. » Et vous 
encouragiez ma vocation. Savant admirateur d'un 
att qui regrette de ne pas vous compter au nombre 
de ses maîtres , vous aviez pour amis nos plus célè- 



56 

bres sculpteurs ; ils ne faisaient rien sans vous con- 
sulter. Je n'ai point oublié que vous auriez désiré 
même que , dans les deux premiers des beaux-arts » 
le nom de David brilMt d'un, double éclat. Vous 
aviez placé Tun de vos fils cbez Dejoux , votre ami, 
homme du plus rare mérite , dont l'Ecole française 
s'honore, et dont nous pleurons encore la perte. 
Votre fils montrait les plus heureuses dispositions ; 
il assemblait d^à des bras el dos jambes avec un ta- 
lent assez décidé pour donner de hautes espérances ; 
depuis, dans les rangs de nos braves, il^tp^rveni^ 
à la gloire d'une manière un peu différente., 

Quelque rapide que soit mon premier «xamen, p 
vous mettrapeut^ être à même déjuger des progrès que 
la sculpture a faits parmi nous. J'ai dis des progrès^ 
mon cher Maître , je me hâte d'ajouter. qu'il est en-r 
core des artistes qui sont an moins i l'abri de l'iro- 
nie. Nous ne sommes plus an tems.4es. Cba,udet, dc;s 
Moitte, des Pajou, des Houdon, des Julien, des 
Roland, des Déjoux, des Boispt, au tems où cette 
réunion d'artistes illustres répandait une si vive lu- 
mière sur notre Ecole ; mais nous citons encpre 4v.ec 
orgueil les noms des Dupaty, des Bosio, S'il est 
vrai que la décadence de l'art se fasse sentir , d'où 
naît- elle? Dirai^je que le gouvernement, ne pou-r 
vaut donner d'assez grands encouragemens au|( 
sculpteurs , dont les ouvrages , au résultat > ne $<q^ 



: 57 

placent que diffidlement , il en résulte pour les ar^ 
tistes: un découragement fiital? Oserai-*}e avancer 
que ces encouragemens mêmes sont nuisibles à Tart, 
en ce que les sculpteurs , forcés , pour Ta plupart du 
tems , de ne trayailler que sur des figures modernes , 
puissent par se gâter la main , et oublier le style sé- 
vère de l'antique et le sentiment des formes? Cette 
foulé de bustes bourgeois qu'on voit à toutes les ex- 
positions n'annonce-t-elle pas que nos jeunes sculp^ 
leurs sont forcés de négliger leurs grandes études 
pour songer à des intérêts qui , certes , n'ont rien qui 
puisse élever l'imagination? Un Wandick, un Ti- 
tien, passent à la postérité avec des portraits ; mais 
tous les bustes' du monde , à mon avis , auraient bien 
de la peine à sauver un nom de l'oubli* Ce n'est pas 

là qu'est la sculpture^ 

Je vous laisse à décider , mon cher Maître , si ces 

motifs et quelques autres que je pourrais y joindre 

sont plus spéciç^i^ que solides, et je commence ma 

revue. 

Les ouvrages de MBit. Bosio et Dupaty se recora- B^"o« 

mandent tellement à la curiosité publique , que je 

4evi'ais comu^encer par vous en entretenir ; mais je 

ne veux point séparer ces deuiç maitres rivaux, et puis- 

qu/e. la sUXv^t en marbre de Biblis , que M. Dupaty a 

commencée à Rome lorsqu'il était pensionnaire , n'tsi 

point encore placéç dans la salle d'ex;position y je çe*r 



58 

mets à ane secoade lettre mon ezamen sur cette statue 
Dupaty. de Biblis, et sar la Sahnàcis de M. Bosio ; ces habiles 
artistes «méritent bien qu'on réfléchisse long^tems 
avant dé porter un^jugement sur leurs ouvrages. . 
Je trouve, en entrant, dans la première salle, un 
Cortût. Narcisse et une Pandore par M. Cortot. Ces deux 
figures sont en marbre; elles ont été exécutées à 
Rome, d'où le jeune artiste est revenu depuis ipeu 
de tems. Il est impossible de donner de plus brillan- 
tes espérances . Cortot , dont le grand prix était digne 
d'éloges quoiqu'il parût annoncer un peu de timidité 
dans la pensée, a fait des progrès surprenans; on 
vante beaucoup k Rome une statue du roi Louis XYIII 
dont il a enrichi l'une des salles de l'atadémie ; les 
ouvrages que j'ai dans ce moment sous les yeux ne 
^ me permettent pas de douter que ces ëlegès ne soient 
mérités. Le Narcisse de M. Cortot est une composi- 
tion délicieuse , et si je ne craignais de trop flatter 
le jeune âge de l'auteur, qui, du reste, est le plus 
modeste des hommes , j'oserais presque dire que ce 
Narcisse est digne d*un maître. Dans cette fignre , 
tout est pensé poétiquement , tout est exécuté avec 
une sûreté de goût et une fermeté qu'on ne petrt 
assez louer ; là pose , facile et gracieuse , a permis au 
sculpteur de développer des lignes d'une suavité 
parfaite. Le^entre n'est peut-être pas tout-à-fait as- 
sez jeune, la main gauche est peut-être un peu forte ; 



V* 



\ 

I 



59 
mais qae ces bras , cette main droite et ce torse sont 
beaux! comme cette cuisse droite, ces jambes, ces 
pieds sont savamment modelés! que cette figure est 
charmante ! L'amour S! Echo et la fdliè de Narcisse 
sont expliqués. Quel dommage que l'artisteait trouvé 
dans son marbre d'aussi cruels dé&mts I Imaginez 
que de longues et grosses veines d'un noir d'encre 
semblent partager en deux les pieds et la jambe 
droite , et vont méiùe outrager le torse. I^ Pandore 
du même auteur mérite, à beaucoup d'égards les élo- 
ges que je viens de donner au Narcisse , mais , à 
mon avis, elle ne. peut lui être comparée. C'est une 
statue debout ; elle tient dans une de ses mains la 
boite fatale. Otez la botte , et vous pourrez donner 
à Pandore un autre nom. En général , on n'aime pas 
-qu'un artiste choisisse un sujet qu'on ne peut re- 
connaître qu'à un accessoire. La tète se ressent du 
vague de la pensée; elle est jolie , et le mouvement 
en est gracieux; mais je cherche en vain dans les 
traits de ce chef-d'œuvre de Vulcain , cette curio- 
sité funeste qui séduisit £piméthée , et fiit , dit la 
&ble , la source de tous les maux qui ont inondé la 
terre. Du reste ,< dans>cet ouvrage de M. Cortot , 
les beautés l'emportent sur les défauts , et l'on sent 
jusque dans les moindres détails un goût d'antique 
qui prouve que l'auteur a étudié les bons modèles. 
Depuis quelques jours , M. le ininistre de l'intérieur 



6o 

l'a charge d^exécuter pour la yiUe de Calais la statne 
en marbre d'Eustache de Saint-Pierre. 
Debray. J'en suis bien fâché pour moi où pour M. Debay 
père , mais j'ai beau examiner son Saint Sébastien , 
]e n'y firouve pas grand chose à louer ; les bras et 
les pieds ne sont pas sans mérite ; nuûs , au total . 
cette figure man'quç d'ensemble ; tout est lourd , 
mou de formes ; la tête est sans expression , et cette 
grande flèche qui transperce le côté gauche du 
martyr ne fait rien moins qu'un bon effet. Peut- 
être est - elle indispensable ; alors c'est un malheur 
pour l'artiste ; cette maudite flèche romprait les plus 
belles lignes. 

Je reviendrai sur les autres ouvrages de M. De- 
bay. Le Saint Sébastien lui a été commandé par le 
préfet de la Seine. Sans doute cette statue ira s'en-*- 
fbuir dans quelque église ; l'aspect de ce grand garçon 
tout nu ne peut manquer de réchauffer la pieuse ar- 
deur des jeunes filles du quartier* 
Guîcliard. ^o i324. M. Guichard , «s Saint Jean Pas- 
sons. ; cela ressemble à tout ; nulle conception neuve , 
détails négligés , point de style. Mais arrêtons-nous 
quelques instans , mon cher Maître , devant le nu-- 
méro i3o6 ; Jeune Faune composant de la musiquù. 
Cette statue doit nous intéresser soûs plusieurs rapr 
ports ; d'abord elle a du mérite , et , en sfecond lien , 
le nom de son. auteur éveille des souyeniics qui ne^ 



^ 



6i 

setont pas sans prix à vos yeux. Ce jeune homiue , il Foyatîci'. 
y a quelques aunées , gardait les troupeaux dans un 
village aux environs de Lyon. Je né vous dirai pas 
comment son talent lui fut rëvélë ; le fait est qu'en-» 
traîné par une vocation décidée , il quitta son toit 
de ckaume et vint à Lyon ; il y commença quelques 
études sous feu Chinard , artiste d'un vrai talent ^ 
qui, comme vous devez vous en souvenir , remporta- 
dans le tems le grand prix de sculpture par un groupe 
de Persie et Andromède , dans lequel il y avait de 
fort belles choses ; ce groupe était au Musée il y a 
huit ans. Cependant le jeune Foyatier , encouragé 
par Chinard , fit les plus rapides progrès ; depuis 
qu'il est à Paris , ils ont toujours été en augmen- 
tant : ce jeune homme doit aller loin. Son Faune est 
une heureuse composition ; les jambes et les pieds 
sont trop lourds , les mains , quoique jolies , me 
paraissent un peu trop âgées pour le corps ; mais le 
torse a du style , et la tête est jolie et sur-tout pleine 
d!e^rit. Je ne sais par quel bizarre arrangement un 
buste (il est du même auteur) qu'on prendrait pour 
une. tête de satyre, se trouve justement placé aux 
pieds du Faune : cette tête de satyre est celle d'un 
vénérable abbé. Est-ce une mauvaise plaisanterie ? 

Votre ancien collègue à rinstitut,M. Ramey, a Ramey. 
exposé cette année la statue qu'il n'avait fait que nous 
promettre il y a deux ans; c'est celle du cardinal de 



6a 

• 

jRichelieu. J'estime le talent de M. Ramey; mais 
avec vous , mon cher Maitre , je crois devoir expri^ 
mer franchement ma façon de penser sur son ou- 
vrage. L'ensemble en est froid ; la tête ressemble 
bien aux portraits que nous avons du fameux cardi- 
nal ; mais cette téte-là n'a point repris la vie sous 
le ciseau de M. Ramey ; c^est du plâtre au Musée , 
ce sera du marbre sur le pont Louis XYI , et voilà 
tout. Les draperies sont Jraitëes avec assez de soin ; 
mais la figure , en général , est pauvre de formes , les 
mains sont mesquines, et l'index de la main droite 
fait, à la 'première articulation , un mouvement ab- 
solument impossible. Le Bichelieu n'ajoutera rien à 
la réputation de M. Ramey; mais tel qu'est cet ou- 
vrage , c'est un chef-d'œuvre admirable en comparai- 
Dumont. son dq Pichegru de M. Dumont, que quelques jour- 
naux avaient tué , et qui se porte comme un charme à la 
Sorbonne , où il consomme en marbre son iniquité , 
qui n'est qu'en plâtre au Musée. 

Vous , mon cher Maitre , dont le dessin est si 
noble et si pur, vous qui savez conserver jusque dans 
les moindres détails ce grandiose devant lequel it 
vulgaire même est contraint de s'incliner, que dîriez- 
vous de cette lourde et ignoble figure du conquérant 
de la Hollande ? Quelle est donc la malheureuse 
tradition dont s'est inspiré M. Dumont ? Pichegru 
avait . une tournure et des traits assez communs , 



6i 

d'accord ; mais depuis quand les arts soi^t-ils tenus 
de s^astreindre à cette fidélité scrupuleuse ? comment 
deviner le grand général dans cette tête sans génie 
qui s'enfonce pesamment entre les deux épaules? et 
ces jambes massives , étranglées par le bas avec 
des bottes de cordonnier , et ces mains , dont le 
moindre défaut est de ne pas s'attacher. .» ce manteau 
de plomb... Ah! mon cher Maître , que fait-on à la 
Sorbonne ? Cette statue ira-t-elle aussi sur un. pont ? 
Si elle peut jamais s'animer, de honte elle se jettera 
dans la rivière. La statue de M. de Lamoignon de Ma- 
lesherbes , du même auteur , est beaucoup mieux. Je 
remets à une lettre prochaine ce que j'ai à vous dire de 
deux artistes distingués ; d'autres ouvrages mérite- 
ront aussi une honorable mention , d'autres attire- 
ront mes critiques. Vous voyez que j'ai gardé des 
matériaux intéressans ; puisque je ne vous ai point 
parlé dans celle-ci des ouvrages de MM. Bosio, 
Dupaty, Espercieux , Gois , Cartelier, Flatters , Ma- 
rin, etc. 

Avant de terminer cette Lettre , je repète encore : 
Que de bustes ! Ah ! mon cher Maître , nous avons 
bien des grands hommes depuis que vous êtes loin 
de votre belle patrie ! les curés aussi s'en mêlent; je 
ne désespère pas de voir un jour au Musée quelques- 
uns de ces abbés poupards et coquets, à face en- 
luminée , en perruques à frimas , dont la précieuse 



-r 



64 

copie se conserve rue Saint^FIorentin , n* 1 7 ^ au 
coin de la* rue Saint-Honoré , pour servir de më-- 
daille en ce genre de monument, et de rLsëe aux pas* 
sans depuis l'assemblée des Notablel. 

A. B. 



65 



^% ^\%»»^^»»%^/%\<K%^A/%%v%%<t/»%v^%w%^a%»«ii ^ /v%%ww» 



ONZIÈME LETTRE. 



Paris y i5 septembre 1&19. 



Mon CttER maItre , 



Voici le dessin d'un tableatt qui ne fait^ point Ponce- 
partie dn salon; le juiy Fen a repoussé. C'est 
à vous que s'adresse le public pour juger le 
peintre et le jury. Ponce-Camus , un de yos élèves , 
déjà connu par des productions estimables , s'était 
fait remarquer dans les précédentes expositi^ons par 
le Tombeau de Frédéric , Eyandre et sa fille , et plu-* 
sieurs autres sujets traités avec esprit et correction. 
Comment , à la fleur de Tâge , est-il tombé tout-à- 
coup au dessous de son propre talent , et devenu in- 
digne d'un honneur qu'il a plusieurs fois obtenu ? 
INouS comniencerons par confesser, pour donner une 
preuve nouvelle de notre impartialité , que ce der- 
nier ouvrage n'est pas au-dessus de ses premiers 
travaux; il n'ajoutera rien à là réputation de Ponce-* 
, Camus», mais il pourra servir à faire la réputation 
du jury. 
Le moment que l'artiste a choisi pour le sujet 
unafis A DAVID. 5 



66 

^e son tableau est celui où Alexandre vient, sans être 
attendu, annoncer à Apeilesque par un édit qu'il 
a rendu il le nomme le seul peintre chargé de faire 
passer son image à la postérité , tant ce monarque 
s'était fait une haute idée de ses talens. 

« La souveraine habileté dans la peinture n'était 
» pas le seul mérite d'Apelles. La politesse , la con* 
j* naissance du monde , les manières douces , insi- 
» nuantes , spirituelles , le rendaient fort agréable i 
» Alexandre-le~Grand, qui ne dédaignait pas d'aller 
» 'souvent chez le p<$intre, tant pour jouir des 

* charmes de* sa conversation que pour admirer 
•» ses sublimes travaux , et devenir le premier té- 
>» moin des merveilles qui sortaient de son pinceau. 
» Cette affection d'Alexandre pour un peintre. qui 
1» réunissait d'aussi belles qualités , ne doit pas 
«> étonner. Un jeune monarque se passionne aisé- 
M ment pour un génie de ce caractère , qui j^oint à 
» la bonté de son cœur la noblesse de son esprit 
» et la grâce du pinceau. Ces sortes de familia- 
j^ rites entre les grands hommes de divers genres 
» ne sont pas rares , et font honneur aux princes. » 

• Le crime de Ponce-Camus est dans le choix de 
ce sujet. C'est dans cette explication^ que j'em* 
prunte kV Histoire ancienne de RoUin , que le jury a 
trouvé les motifs de sa colère. Je me hâte de vous 
révéler ses motifs ; vous ne les devineriez pas* Les 
membres de ce Jury ne sont pas tous des peintres ; 



6? 

la majorité est ëkangère aux arts, cl ces Jugeurs; 

dont le mitiistère devrait être exercé par votre classe 

à rinstitut, sont pris pour la plupart dans les bureaux 

de la maison du roi. S'ils ne se connaissent pas eii 

peinture , ils se connaissent en esprit de parti , en 

systèmes interprétatifs et en allusions. Or, c'est 

une aHusion qui a perdu Tartiste. « Alexandre et 

M Apelles P a dit quelqu'un d'une voix nazillarde : Ne 

» voyez- vous pas que ce sont et le plus grand pein- 

i» tre et le plus grand capitaine de leur tems ? Or , 

» nous ayons eu, dans le nàtre, un peintre sans égal, 

j> un capitaine sans rivaux , donc c'est à ces per- 

» sonnages qu'on veut nous faire penser au moment 

» où ils sont tous les deux frappés de l'exH. Qui ne 

n» voit pas qu' Apelles c'est David ^qu^Alexandre 

» c'est Napoléon , et que cette scène retrace une fa* 

» meuse visite à la Sorbonne ? Cela est fort clair ^ 

» fort séditieux ; et le Louvre n'est pas fait pour de 

» pareilles compositions, r-^ Adopté. » 

£t Ponce*Camus a vu se refermer les portes 
du Louvre. Le malheureux s'est réfugié au Cirque 
des Muses : mais quel cirque ! et quelles muses ! Les 
amateurs, pour suivre son tableau, sont obligés de 
se rendre dans le plus bruyant passage de la rue* 
Saint-Honoré , de s'introduire dans une allée pbsr 
cure, entre les paniers d'une fruitière, dans l'en- 
ceinte où s'assemblent l'hiver toutes les grisettes 
du quartier. Ce lieu ^ sans recueillement et sans 



\ 



68 

poésie , est peu favorable à TefTet de la peinture ; ce-^ 
pendant Tartiste y obtient un succès qui le venge 
de sa disgrâce inouie. On remarque dans son ta- 
bleau une sage ordonnance et de l^armonie. La 
taille d'Alexandre est trop historiquement conservée; 
. il est peut-être trop semblable aux figures qu'en à 
laissées Lebrun; peut-être la composition aflecte-t- 
elle trop des groupes parallèles , et la ligne ,qui 
passe sur la tête de tous les personnages est-elle trop 
exactement horizontale ; mais , en somme , cette vaste 
toile offre un eOet et une couleur qui méritent dé 
sincères éloges. Revenons au Musée* 
Paulin- Une Descente de croix , commandée sans doute à 
' "^"°' l'artiste , est le sujet d'un grand tableau de Paulin-^ 
Guérin , dont la composition n'offre rien de neuf ni 
de piquant ; elle semble une réminiscence de toutes 
celles qu'on a vues. Le corps livide du Christ, près- 
que couché sur les genoux de la Vierge , excité l'at- 
tention de quelques apôtres debout et de quelques 
saintes femmes , dont l'une ( la Madelaine appa- 
remment ) partage la douleur de la Vierge. 

On a lieu d'être surpris que l'auteur du Caïn , si 
énergique , soit celui d'une telle composition , dont 
le dessin même , dans le Christ , offre une indécision 
peu satisfaisante pour le connaisseur. Mais l'éton- 
" nement est à son comble quand , à l'aspect du ta- 
bleau, une atmosphère d'une teinte verdâtre vient s'in- 
terposer entre votre œil et l'oeuvre de l'artiiSte; henrz 



^ 



m 



«9 

reasement qoe les beaux et nombreux portraits de 
Paulin-Guéfin nous rassurent sur son talent; nous 
y reviendrons : plusieurs méritent une description 
particulière , car ils sont des tableaux^ 

Passons., mon cber maître , à Tun de vos élèves^ Vignaud. 
Il a pris rang parmi ceux qui ont conservé la tradi- 
dition de votre école. Le sujet qu^il a traité av déjà 
exercé le pinceau de plusieurs grands artistes, et 
nous devons rendre justice à la composition vraiment 
bien ordonnée q^i rend Vignaud digne de marcher 
sur les traces de ses modèles. 

Sous une voûte dont Tarchitecture simple rappelle « 

ren£atnce de Tart , repose la fille de J'aïre , sur un 
lit fîinèbce couvert d'une blanche draperie. Le 
désespoir de sa mère^ TafSiction profonde de toute 
là famille de cette jeune victime , sont parvenus au 
fils de Dien.; il eplre , suivi de quelques apÂtres , il 
approche du. lit , et. tendant sa main divine à L'objet 
de tant de. pleurs : Let^ez-tfous, mafiUe , lui dit -il ; ^ 
çjous le commandé. A ces paroles , la fille de Jaïre lève 
sa tête encore livide des pâleurs. de la mort> et se 
dégageant deslinceuls qui Tenveloppent , elle avance 
sa main timide , pour obéir à celui qui vient de lui 
rei^dre la vie. Sa mère ouvre des yeuxi remplis de 
larmes; Texpression de la joie s'unit sur son visage 
à celle de la douleur ; ses bcas élevés , ses mains éten^- 
dues t eiiprinuent et Tétonnement et la* tendresse; 
dieiwqdrait étceijidce Tobjet que L'homme divim 



70 

Tient de lui rendre. LVfeuIe partage toutes ces ëmo- 
tions. Jaïre , témoin de cette résurrection , semble 
partagé entre le sentiment qui Tentralne vers sa fille 
et celui de la reconnaissance que lui inspire le Dieu , 
dont les disoiples prennent part à cet acte de puis- 
sance et de bonté , mais sans en paraître surpris. 
Tel est le miracle qu^a retracé votre ancien élève , 
. et si Texécution n'en est pas aussi brillante que Tor-- 
doQnance en est sage , on ne peut s^empécher d'y 
remarqnev des beautés de plus d'un genre ; telles 
que l'expression de la mère , la tête de la jeune fillè , 
quoique peu Israélite , le caractère de celle du Christ , 
celle de Jaïre , enfin un effet et un ensemble qui 
laissent un souvenir satisfei^nt. Ce tableau est , 
dit-on , un des huit qui ont fixé l'attention du jury 
chargé de décerner les prix d'honneur. 
Granger. Appeler l'attention sur le premier dés poètes , re- 
tracer les malheurs qui ont accablé sa vieillesse , c'est 
réveiller d'imposans Souvenirs ; Graiiger a su , par le 
choix, l'ordonnance et l'exécution de son sujet, sa- 
tisfaire l'imagination «t émouvoir le cœur. 

Homère , abandonné par des pécheurs inhumains 
sur le rivage de l'Ile de Sicos , est attiré , rtts le 
point du jour, par le bêlement de quelques trou- 
peaux ; il s'est avancé à pas lents et incertains ; mais 
les chiens du pasteur Giaucus s'élancent àvee fureur 
.mr l'immortel aveugle. 11 n'a pour défense que sa 
lyre ; sa cécité lui reitd son bâtbn iïiàtilë ^ iV iitiptà^ 



.*••. 



7» 
le ciel. Glaacos accourt armé de sa massae recoiir<- 
bée, et s'en servant pour écarter ce$ animaux, qui 
avaient déjà mis en pièce le manteau d'Homère; il le 
sauve de la dent cruelle dont il allait être dévoré. 

Granger a dessiné cette scène avec. un crayon cor* 
réct ; l'expression et la situation d'Homère émeuvent ; 
on craint que Glaucus ne le délivre point assez vite. 
Toutefois, en louant le dessin et ta composition de ce . 
tableau , nous rappeHerons à son auteur que le prin- 
cipe de la couleur, quel qu'il soit, doit se modifier 
suivant le sujet , la manière dont il est éclairé, sa si- 
tuation dans un intérieur ou en. plein air. Dans ce 
dernier cas , l'artiste doit consulter le site du pays, 
et surr-tout l'influence de l'astre qui l'éclairé. 

Personne ne pensera , en voyant ce tableau, que 
la scène sent enGrècei, ni que les personnages, soient 
de ce pays , puisque le ton de chair en est ar- 
gentin et particulier aux climats du Nord ; et que le 
Ion froid du site les rappelle aussi à notre souvenir» 
Ainsi , le curieux qui n'aura pas le livret pourra 
croire que c'est plut&t Ossran qu'.Homère dont Gran-* 
ger a voulu retracer Tinfortunev 

En général , l'artiste est trop avare des tons do- 
rés ; leur absence laisse souvent froid et cru celur 
de la chair; ménagés et rompus , ils aident à l'har- 
monie , qui captive l'o&il du spectateur. 

Le public n'accorde point d'altontion bienveil-. Ingre*. 
lante à une odalisque exposée dans une^des places les 



7* 
pins apparentes du salon, et que recommande cepen*^ 

dant le nom d'un de vos anciens élèves, depuis long- 
tems fixé i Rome. Cette figure dont la pose rappelle la 
maitresse de Philippe II par le Titien , est dessinée 
d'un grand style, et la tête oOre des beautés frappantes; 
mais le coloris n'a point de naturel et de charme. 
Ingres , qui refuse de sacrifier aux Grâces , est jus- 
tement accusé de singularité. Ses rideaux , ses dra- 
peries , ses accessoires sont bien traités , mai» d'une 
teinte un peu crue ; peut-être cette odalisque devait- 
elle céder sa place au tableau du même auteur quQ 
nous allons décrire. 

. « Philippe F, fik de Louis XIV, donnant l'ordre 
» de la Toison-d'Or au maréchal de Berni^ick après la 
» victoire d^Almanza. » 

Le roi d'Espagne, debout, en avant de son trône, 
sMnclinepour passer le collier de l'ordre au couda 
maréchal , agenouillé pour le recevoir. Derrière le 
roi est assise la reine attentive à la cérémonie; elle 
est entourée des dames de sa cour. Un cardinal tient 
le rituaire de l'ordre. Le chancelier présente un 
glaive sur un carreau de velours; des grands d'Es- 
pagne, des Français courtisans décorés de rubans, 
Toeil fixé sur l'objet de la solennité, entourent le lieu 
de la scène; un jeune page porte le casque du gé- 
néral ; plusieurs drapeaux flottent dans les mains 
des guerriers qui les élèvent ; on distingue celui de 
France par sa blancheur; la couleur éclatante et 



y3 

rouge fait remarquer celui d'Espagne; ils se d^ 
ploient majestueusement entre les colonnes qui dé- 
corent Tarchitecture de la salle ; d'élégantes dra* 
peries en coupent les lignes. Quelques gardes qu'on 
aperçoit derrière les assistans remplissent tous les 
vides. 

On doit des éloges à l'ordonnance de ce petit; 
tableau, qui est composé et dessiné en peintre d'his* 
' toire : l'habit rouge et doré du roi , son court man- 
teau de velours pourpre , son chapeau couvert de 
plumes blanches , tout est rendu avec goût et vérité. 
La figure de la reine, quoique dans la demi« teinte , 
ne perd rien du charme et de l'agrément de sa phy- 
sionomie ; son costume, sa coiffure, celui de ses fem- 
mes, rappellent encore les vieux souvenirs de Charles- 
Quint. Cet épais cardinal est plein de naturel ; ce 
chancelier en perruque noire est un grave Cas- 
tillan , et l'on distingue facilement parmi ces cour- 
tisans les têtes françaises des têtes espagnoles. L'ar* 
mure de fer , la cuirasse , les brassards du maré- 
chal sont d'un effet juste et soigné ; et la naïveté de 
ces jeunes pages est remarquable. 

Malgré la disparate et l'éclat des vétemens , il y 
a une sorte d'harmonie dans l'ensemble du tableau , 
qui résulte des grandes masses d'ombre que l'ar- 
tiste a distribuées sur une partie des personnages. 
On pourrait lui reprocher ces échos de couleur 
rouge trop multipliés et ces tons d'un bleu cm 
posés à côté du vermillon. La nature , il est vrai , 



\ 



peut offrir cei contrastes , mais le peintre doit le» 
éviter. Ingres a conça Tharinonie d^iine toute autre 
manière que les modernes ; elle n^existe point pour 
lui dans les détails; toutes seâ formes sont purement 
dessinées , mais elles ne tournent point. Il est l'op- 
posé de ceux qui croient que cette même harmonie 
consiste dans le vague des contours. Cette mollesse 
est un excès et finit par atténuer tellement les for- 
mes , que celles qui doivent être les mieux pronon-* 
cées deviennent sans consistance. Nous en dirons 
un moi dans la revue des tableaux qui méritent ce 
reproche. Finissons par inviter Ingres à nous mettre 
à portée de mieux juger son talent en nous envoyant 
des productions du genre de celles qui lui attirent 
les éloges de Tltalie , et si nous parvenions à lui 
inspirer quelque confiance , nous rengagerions à 
populariser sa manière quant à la couleur ; sous. 
!e rapport du dessin , il n'a rien à redouter de la 
critique. 



DOUZIÈME LETTRE. 



«.'«/i» 



MM. les TAI9DIS que la foule des amateurs ou des curieux se 
presse dans le grand salon autour des productions^ 
les plus remarquables , moi , mon cher Maître , qui 
me suis fait inspecteur-général des karbouilbges , je 
vais furetant dana la ^galerie d^pdtoia , dans la ^Ir 



7^ 
ronde qui 'la précède , et dans cerfain petit salon 
carré qui avoisine l'escalier ; c'est' là qu'à l'excep- 
tion de mon paysage sont exposés et très-exposis 
l'élite Ats croûtes de cette année, comme des gens 
de mauvaise mine qu'on reçoit dans l'antichambre. 
Or Y moi je n'ai affaire qu'à ces gens-là , et il faut 
voir avec quelle indifférence je passe devant les ta- 
bleaux de MM. Vemet, Gros, Granet , Picot, Tur^ 
pin , Bouton , Coupin de la Couprie, etc., etc., pour 
arriver à ceux de MM. tels et tels ; il ne serait pas 
d'un bon confrère de décliner ici leurs noms ; ils 
pourraient me répondre par le mien , ce qui serait 
fort désagréable. 

Une des compositions qui m'a frappé c'est le Mar- 
tyre (TEudore et de Cymodocée ; voilà un sujet neuf, 
idramatique à-la-fois et idéal ; on pressentait un 
magnifique tableau dans les pages de M. de Châ- 
teaubriant. Il y a du goût et du bonheur dans le 
choix d'un tel sujet , mais voilà tout. J'ai cherché 
Galérms , ce spectre qui vînt s'asseoir au balcon im- 
périal comme la mort couronnée , et parmi la foule 
^es Romains toiit couverts d'un voile de poussière , 
^e suisf parvenu à distinguer un petit homme que je 
parierais être le monarque à' cause de son manteau 
rouge foncé , et piiis parce qu'il est le plus laid de la 
l;y)^pagnie; y compris le'tîgre. Pourquoi encore le 
peiiiti^^n'a-^t-il pas saisi le moment où* Cymodocée, 
' ^ï 0ilvràii sur' son époux des yetix pleins d'amout 
4tl de frayeur j' ajpergoil tout-â-coup là tête san- 



,6 

glanfe da tigre auprès de la tête d^Eudore ? II y 
avait là à composer un groupe rival de celui de Lao- 
£oon. Mon rival, à moi ^ a préféré placer Tanimal 
féroce à deux pas des martyrs et courant sur eux; 
il en résulte qu^il n'y a point d'unité ni d'originalité 
dans sa composition ; quant à l'exécution , ).e m'em^ 
presse de convenir que Cymodocée est jetée avec 
assez de mollesse et de naturel dans les bras d'Euf- 
dore ; mais Eudore! c'est un honmie de cinq pieds^ 
buit pouces , bien constitué , qui a une assez bonne 
figure ; mais quels traits et quelle physionomie vul^ 
gaires ! on est fâché de voir mourir cet honnête cir- 
toyen qui, occupé sans doute dans l'Etat à échanger 
les huiles de l'Attique contre les bœufs du Cly- 
tumne , aurait pu long-tems continuer son comr- 
merce. Il doit emporter l'estime et les regrets de 
de tous ceux qui ont eu des relations d'affaires avec 
lui. Quant au tigre , une petite fille disait derrière 
moi : « Tiens , Slamaa , regarde donc ce gros chat 
qui lève la patte poi^ égratigner ce Monsieur ! » 

Quelque chose de gai , c'est Renaud et Armid^ 
servis par une nymphe , et Circi offrant une coupe 4^ 
pin à Ulysse. Ces deux tableaux, qui se trouvent dan^ 
la grande galerie , m'ont long-tems embarrassé. J!ap 
vais toujours peur de faire tort à l'un en donnanf 
le pas à l'autre, et j.e ne trouve pas de. meilleur 
moyen de rassurer ma conscience que de les faire 
passer ensemble, malgré la grande différence de lem» 
proportions. En effet , bien que Circé soit dix. foia» 



\ 



n 

plus longue et plus large qu* Armide , il ne faut pas 
croire pour cela qu'Annide soit dix fols moins laide 
et moins disgracieuse que Circé. Il est vrai qu'il y 
a de plus dans ce dernier tableau le personnage de 
la nymphe , et quelle nymphe 1 Ceci méritait consi- 
dération ; mais je ne sais pas sMl n'y a pioint dans 
l'autre une grande levrette jaune et maigre qui est 
bien de nature à rétablir la balance. 

Je détourne la tête , et presqu'en face de moi 
j'aperçois un assez beau paysage. C'est une forêt 
majestueuse éclairée par les feux d'un orage ; lâ 
perspective semble bien observée ; la couleur a de 
la vigueur et de la vérité; j'admire l'effet général 
du tableau et par conséquent je veux passer outre , 
lorsque je me sens arrêté par deux personnages 
groupés sur le devant de la scène , auxquels il m'est 
impossible de. ne pas dire deux mots en passant. Le 
livret m'apprend que c'est Enée et Bidon, Je le 
veux bien; mais , en vérité, Enée a toute la dignité 
d'un sergent, et pour Didon, avec un nez écrasé 
et des jambes emmaillottées , on dirait cette grosse ' 
fille qu'on rencontre dans les promenades , faisant 
des sauts périlleux au son d'un orgue. Ils ont 
beau se trouver au milieu d'une composition esti- 
mable, cela m'est égal; je prends mon bien où il se 
trouve. 

Ce qui me paraissait le mieux dans ce tableau , 
c'était le nom de l'auteur : j'en ai épelé trois fois 
les lettres avant d'être convaincu que c'était M. Le^ 



r*%\ •• 



1 



78 

ikiers. Camarades » «.voilà ^ j'esplre , une conquête 
qui en vaut la peine; Leihiersl quantum mutatus ab 
illo ! dignus est inkare in nostro docto corptkre. Je me 
flattais que Te substitué à l's était une ânerie de 
rimprimeur et je m'applaudissais d'avoir enrégi**» 
menié le fier auteur de la Mort des enfans de Brutus^ 
quand un de mes confrères m'a averti de mon dé-- 
sappointement. Je n'ai enrôlé qu'un soldat au liea 
d'un capitaine. 

' Pour cette fois , je ne me tronipe pas , c'est biea 
M. Drolling^ 1 , i , n , g , ling, Drolling, qui veut être 
des nôtres. Il a exposé un tableau représentant la 
Force , et bien qu'elle soit gracieuse comme la 
porte d'une prison , n'allez pas croire . que ce soit 
une figure allégorique de ce cachot où toute l'amé^* 
ni té de la police et toutes les douceurs du. secret 
étaient réservées naguère aux courageux écrivains 
qui ont défendu la liberté de la presse ^ c'est une 
femme robuste , à moitié couchée , coiffée de la dé^ 
pouille d'un monstre , sans aucune espèce d'exprès^ 
- ^on ni de pureté de formes. Enfin personne , dans^ 
cette peinture, ne reconnaît la For^e de M. Drol-* 
ling , qui a donné des preuves irrécusables d'un beau, 
talent. C'est le ministère de la maison du roi qui a' 
commandé cette figure de la Force ; le ministre de 
l'intérieur a commandé de son côté une Justice et 
une Tempérance pour décorer son hôtel ; qu'on dise 
après cela qu'il n'y a pas de çertus ches nos mini»-», 
très! 



79 
Me vdilà arrivé à un point £(Hrt délicat ; iil s'agit 
presque d^une bonne fortune pour la confrérie dés 
croûtons. J^ai déjà enrôlé momentanément parim 
nous un peintre distingué ; un plus doux tcioniplui 
restait à remporter, il nous tnanquait une dame.«.. 
Il ne nous manque plus rien. Je viens d'examiner 
un petit tableau placé non loin à^Eudore et de Cy^ 
modocie , qui représente Henri IF arraché des bras 
de Gabrielle par le sévère Mornay ; c'est une belle 
demoiselle^ qui a essayé de peindre cette scène în-* 
téressante ; elle a inscrit son nom sur Técorce d'un 
arbre ; les demoiselles ne doivent pas ainsi livrer 
leur signature à l'indiscrétion des bois; je serai 
plus prudent, et puisque je suis assez heureux pour 
qu'il se soit établi entre nous quelqi^es rapports en 
peinture^ je dois taire le nom de ce collègue fémi- 
nin- Pourquoi ne puis-je pas aussi Jeter un voile sur 
son péché ; mais , comme le disent les héros de mélo- 
drames : « Le devoir avant tout. » Commençons donc 
l'analyse du tableau , sans rémission. 

Henry IV, à la voix de Mornay, a quitté sa placé 
auprès de Gabriellé , qui est nonchalamment assise 
sur l'herbe avec une robe de satin blanc , broché 
d'or ; Mornay entraîne le bon roi , qui lé suit lente- 
ment , en adressant un long regard à son amante ; 
deux petits amours jouent encore dans un coin aveé' 
son casque et son épée ; voilà bien la situation dé- 
veloppé dans la Henriade; mais on cherche en vain 
l'œil austère de Mornay , et la physionomie passion- 



8o 

tëe de Henri IV. Pour Gabrielle \ elle est d^nne par-' 
fiûte tranquillité ; elle a bien un petit air boudeur f 
grognon même; mais on ne deyinerait jamais ce qui 
fient de se passer. 

Gabrielle au bëros prodiguait ies appas > 

dit Vol taire; Gabrielle est donc bien dissimulée : on 
dirait tout au plus à sa mine qu'elle vient de perdre 
une partie i'hombre ou iJ écarté. Encore passe pour la 
mine ; j'ai entendu dire qu'il y avait des femmes qui 
prenaient le parti de ne plus se troubler , que^ue 
cbose qui leur fût survenu; mais la robe ! mais \é 
ficbu ! mais la fraise ! Quoi ! pas un faux pli , rien 
n'est déplacé ? c'est aussi pousser trop loin la dis-* 
simulation. Jusqu'à présent les collerettes n'a- 
yaient pas fait si bonne contenance que les bergères. 
Au surplus, une demoiselle peut fort bien ne pas 
savoir tout cela; et si l'auteur de ce tableau choisit 
un sujet plus calme , plus analogue à ses moyens , 
à ses souvenirs , ou à ses études , j'ai bien peur qu'elIe^ 
nous abandonne. J'ai remarqué en elle un dessin 
assez pur et des poses assez naturelles qui me font 
trembler ; mais quoi qu'il advienne , jamais elle ne 
nous sera indifférente. Qu'elle soit infidèle y c'est la 
vocation de son sexe ; et dans nos rangs , d'ailleurs» 
i nous autres ^zxiYtt$ croûtons , le cri d'honneur est : 

SAUVE QUI PEUT ! 

Km • • • JL» 



8i 



b«>v«>w»iw«^««.«/««iW«i%v%%w 



TREIZIÈME LETTRE. 

Paris, le a3 septembre 1819. 
MoTï CHER MAtTRC^ 

Voici une des c3mpositions les plus gracieuses du picot 
salon; essayons de vous la décrire. 

L\\mour se lève furfîyement; il a écarté la blanche 
draperie qui voilait les appas de Psyché ; déjà d'un 
pied , il touche le sol , Tautre n'a pas encore quitté 
le lit où repose son amante endormie. Ses ailes sont 
déployées , mais il tourne la tête; et son regard sem- 
ble dévorer tout ce que la nuit dérobait à %t% yeux. 
Psyché 9 dans un voluptueux abandon , sourit à d'heu- 
reux songes ) et laisse voir un sein qui semble palpi- 
ter. Sa tête blonde repose mollement ; ses bras fati- 
gués ajoutent à la grâce de ^on attitude; sa lyre, sa 
couronne de fleurs sont suspendues à sa couche* 
qu'ombrage un rideau de pourpre. Des colonnes can- 
nelées soutiennent l'édifice qui abrite ce lit de TA- 
mour , et un ciel d'azur s'aperçoit dans l'intervalle de 
colonnes. 

« 

Cet Amour est bien celui qu'on rêve : %t% formes 
arrondies indiquent qu'il sort à peine de l'enfance. 
Il est dessiné purement , la demi-teinte d^ombre qui 
le colore est d'un ton si transparent qu'elle ne fiiit 

lETTRES K DAVID. 6 



8a 

rien perdre de ragrëment de sa carnation. Psycbé 
offre des formes séduisantes ; Tartiste a sauvé par 
des plis bien entendus Tingrate régularité de cette 
couche où l'abandonne son époux. 

Toutefois nous ne pouvons passer sous silence 
le défaut qu'on remarque dans ce joli tableau de Pi- 
cot : un des bras de Psyché parait trop court , par un 
raccourci mal exprimé. Le ton de la draperie prin- 
cipale est inal choisi et nuit à l'harmonie ; cette dra- 
perie elle-même est mesquine , le fond du tableau est 
aride , le ton du ciel est trop cru et trop négligé. 

Heureusement pour lui, mon cher Maître, votre 
tableau sur le même sujet n'est pas à coté du sien ; 
la fermeté de votre dessin , le ton si près de nature de 
votre Amour , les formes de votre Psyché , eussent 
éclairé sur les incorrections du jeune artiste , et son 
aimable couleur eût paru trop idéale et peut - être 
trop faible à coté de la vigueur et de la vérité de vos 
carnations. Laissons Picot jouir du succès qu'il a 
obtenu , en songeant que ce n'est qu'en se rappro- 
chant de vos principes et de vos créations qu'on 
peut mériter des éloges. 

Fidèles à nos principes de variété, nous allons 
passer , d'une conception historique , à l'examen 
d'un tableau de. genre. 
^^ y* N'avez- vous jamais assisté , mon cher Maître , aux 
représentations gratuites des spectacles, ou du moins 
été le témoin des efforts du peuple pour y entrer ? 



Si 

Hommes 9 fenrmes, enfans , vieillards, ouvriers, 
porte-^faix, citadins, tous ont le même but. Celui- 
ci , jambes nues , sans chapeau , veut percer la foulé 
avec ses br^s ; un autre lui tou^e le dos pour lâ 
fendre avec plus de force ; msHs cette marchande et 
la halle, serrée par ses nombreux voisins, elle crie, ettt 
étouffe ;cet enfant est à terre, vous allez Técraser; ce 
charbonnier, monté sur la barrière , veut arriver; là 
sentinelle au milieu , élevant son arme, ne sait auquel 
entendre ; ce jeune bourgeois veut garantir ces deux 
jolies grisettes , il les protège ; elles entreront , non 
sans être froissées. Il n'y pas jusqu'au limonadier 
qu'on reconnaît, monté sur une table. Tous prennent 
part à la cohue. Où se passe cette scène ? Sur le bou- 
levart du Temple; Boilly nous y a transportés. ^Ce 
petit tableau est plein de vérité , d'expression et de 
naturel. Quel dommage que toutes les figures offrent 
le même visage , le même coloris , la même fraîcheur ! 
C'est un caractère de tête agréable ; mais il est par- 
tout. 

Le croiriez- vous, mon cher M^dtre? l'attention 
publique se porte moins Sur les tableaux qiie sur te 
choix des sujets qu'ils nous offrent. Celui - ci veut 
persuader qu'au Salon il se croit à l'église : « Mettez 
nn bénitier à la porte , dit-il , et qu'on fasse en en-- 
trant le signe de la croix. N'a-t-on pas assez vu dé 
supplices et de martyres ? Faut-il encore en fatiguer 
nos yeux en peinture ? » Ces reproches sont-ils fon- 



84 
des ? La question doit vous paraître i\,euy.e , car oïl 
ne vous accusera pas d'avoir exercé vos pinceaux sur 
cette matière , et depub la Mort de Socraie jusqu'à 
celle de Léonidas /on ne se rappelle point d'avoir vu 
des saints dans vos tableaux, quoiqu'il y ait eu bien 
4es miracles. 

Le hasard nous a mis à portée d'entendre une con* 
versation à ce sujet , entre un amateur , un jeune 
peintre et un enthousiaste qui prétend ramener à la 
ferveur évangélique par l'amour des beaux-arts. '« Que 
je plains les peintres , disait l'élevé ^ leur génie sera 
donc maintenant circonscrit dans la Légende, et leurs 
pinceaux n'auront désormais à s'exercer que sur la 
' f^ie des saints. » 

L'Enthousiaste : On ne saurait trop l'exposer aux 
yeux d'un monde pervers. Plût à Dieu qu'on en 
remplit lé Salon et tous les salons de Paris! 

V Amateur i y ovitz-^ons^ comme à Rome , en 
mettre jusque dans les boudoirs , oi\ les dames sont 
dans l'usage obligé de voiler souvent leur madone ? 

L'Enthousiaste : On ne saurait trop multiplier les 
traits de V Ancien et du Nouveau Testament. 

VElèi^e : Ouï , Loth et ses filles , le Sacrifice de 
Jephté , le Serpent gui séduit Eve , la chaste Puiiphar, 
le Décolement d'Holopheme , Bethsabée , Dalila ; 
voilà, certes, des exemples d'.une morale édifiante. Lar 
Cable ne vous servirait pas mieux» Je doute fort que 
ce£î tableaux mystiques opérassent beaucoup de cou- 



85 

versions. Ce n'est pas l'œuvre des artistes de refor- 
mer les hommes : c'est l'afTaire des prédicateurs. Les 
peintres , sous peine d'oubli , sont tenus seulement 
de donner une haute idëe de leur siècle et de leur 
pays. 

L'Amateur : S'il Ùluï de grands sujets pour exercer 
le talent des peintres , ne sont-il pas dans Thistoire? 

L'Enthousiaste : Qui achètera ces tableaux ? Où 
les placerez-vous ? 

L'Amateur : Au Louvre. 

L'Enthousiaste : Est-il achève ? Ignorez - vous la 
pénurie des finances ? Vos chefs-d'œuvre historiques 
crées depuis quinze ans n'ont pu encore y trouver 
place! Décorez donc nos basiliques. Raphaël, le 
Sueur , le Poussin et tant d'autres n'ont-ils pas traité 
ce genre avec succès.^ Vous vous plaignez des sujets it 
religion , n'ai-pas entendu faire les mêmes reproches 
de monotonie aux sujets guerriers P Des batailles ! 
toujours des batailles ! Le christianisme seul est iné- 
puisable , le génie n'est que là. 

L'Amateui^ : Il faut trouver le moyen d'occuper 
les artistes sans comprimer leur génie , les laisser 
maîtres de leurs sujets, ne point les enchaîner aux vo- 
lontés du pouvoir. 

L'Enthousiaste : Multipliez les grandes leçons de 
ferveur, dont la primitive église nous a laissé tant 
d'exemples , vous rappellerez dans la maison du Sei- 
gneur, par ces chefs-d'œuvre même , ces brebis éga-^ 
rées qu'un monde corrupteuren ayâit éloignéeSé 



86 

L'Elii^e : Vous voulez charger les peintres de 
notre salut? Ces missionuaires-là en vaudraient bien 
d^autres ; mais sUls n^ont plus h faire que d^s ta-* 
bleaux mystiques , comment ëviteront-ils d'être ac- 
cuses de réminiscences ou de plagiats ? 

L* Amateur : Il est vr9i que les grands maîtres que 
vous citez ont épuisé ces sortes de sujets; mais on 
aurait pu faire le même reproche aux successeurs de 
Raphaël , qui lui-même semblait avoir parcouru toute 
la série des Fierges; cependant on a' admiré aprës lui 
celles ^"^ André del Sorte , des ^Caraches , du Parme^ 
sauj de Sébastien del Piombo , de rEspagnolet , etc., 
et, plus près de nous, de Lebrun et de Philippe Cham-^ 
pagne. On a de même admiré le Christ flagellé 
d'Annibal Carache après le Pûsimo de Raphaël , 
^nsi que les têtes superbes du Guide qui retracent 
ces saintes images. Si on laisse son essor au génie , 
quel que soit le genre du sujet qu'il retrace , nous 
pouvons espérer encore un siècle de Léon X. Je vou* 
drais donc , je le répète , que le gouvernement com- 
mandât un tableau de tel prix , de tellj dimension ; 
mais sans imposer le sujet à Tartiste. Ceux qui pro- 
fessent les arts ont été, trop long-tems dépendans de 
l'autorité , et forcés , par le besoin d'exister , de 
prendre la couleur du jour. 

La discussioii finit là. L'enthousiaste murmura 
pour toute réponse, et chacun , comme il est d'usage, 
emporta ses idées et ses prétcn^Qi^s, sans tenir 
compte des raisons d'autrui, . ' . p. V. 



^7 

• • • ' 

QUATORZIÈME LETTRE. 

Dans cette seconde Lettre sur'la sculpture, nous 
aurions voulu, mon cher Maître , vous parler des ou- 
vrages de MM. Dupaty et Bosio. Mais Biblis et Sal- 
macis sont encore dans leurs ateliers. M. Mil- 
homme travaille également encore à sa statue du 
grand Colbert et à celle de Camille^ reine des Volsques. 
On attend encore une Fênusel un Cadmus de M. Du- 

« 

paty. Malgré Tabsence de ces divers ouvrages , je 
pourrai dans cette Lettre mêler à mes critiques dç 
justes éloges. MM. Espercieux , Cartelier , Marin., 
Flatters et quelques autres me feront aisément ou- 
blier le rôle de censeur. 

. Minerve frappant la terre (h^ec son javelot fait naître CarieUer, 
lolivier : cette statue de M. Cartelier est une des 
plus remarquables de Texposition. On n'y recon- 
naît pas seulement un ciseau habile, on doit en- 
core en rejnarquer la pensée ; elle prouve que 
Tartiste médite long-tems sur un ouvrage avant de 
Texécuter. Un jeune homm^ aurait probablement 
cherché une pose à effet; M. Cartelier a parfaite- 
ment compris que tout, dans sonouvragQi devait rap- 
peler la déesse de la sagesse. Prête à répondre au 
déil de rimpétueux Neptune, Minerve, le front 
calme et serein, frappe avec tranquillité la terre, qui 



88 

enfante sans eJBbrt l^olivîer, symbole de la paix. Le 
mouvement du reste de la figure est conforme i cette 
pensée première. La tête, qui est nécessairement une 
copie de Fantique, est fort bien modelée. Les dra- 
peries sont ajustées avec art ; mais peut-être les 
plis sont-ils un peu trop tourmentés. M. Cartelier 
,nous doit encore un Pichegru , qui , dit-on, ne res- 
semble en rien à celui de M. Dumont. 
Marin. M. Marin a fait pour le gouvemement le vice- 
amiral de Tourville. C'est un modèle en plâtre baut 
de sept pieds; la statue en aura quatorze. Cet ou- 
vrage fait b'onneur à M. Marin. La pose est belle; 
la figure entière annonce un béros ; elle est pensée 
poétiquement, sans exagération; les mains sont 
belles , et les vétemens sont ajustés aussi bien qu'il 
est possible de le faire ; car , ne nous lassons pas de 
le répéter , mon cber Maître , ces maudits habits 
des derniers siècles causeront la ruine de Tart; ils 
tuent les formes, sans lesquelles toute sculpture est 
morte, 

Revenons à M. Marin : la tête de son Tourville 
est certainement très-bien modelée ; mais ces traits 
si délicats, d'une beauté si grecque, sont-ils bien 
ceux de cet intrépide amiral, la terreur des Anglais P 
Je ne sais ;%iais il me semble qu'on aurait pu leur 
donner un caractère plus mâle, et j'ajouterai , une 
expression moins vague. Tourville était un des plus 
jolis' hommes de la cour, et Ton raconte que les 



% 

belles se plurent souTent à lui rappeler que Venus 
était nëe au sein des ondejs ;.mais Tourville , sur le 
point de tenter l'abordage , ne devait pas res^mbler 
tout-4-fail au Tourvillede Yerkailles. Je le répète, la 
tête, à mon avis, n^est point assez en harmonie 
avec le reste de la figure. Au milieu de plusieurs 
petites études en plâtre ou en terre cuite , qui 
toutes annoncent une main savante, je dois encore 
citer un groupe en marbre de Kinus et V Amour , et 
un buste du roi^ par le même auteur. Ce buste est 
très-beau; mais je reprocherai à Tartiste d'avoir 
lnis<des prunelles dans les yeux du monarque; peut-* 
être le ministre , pour qui M. Marin a travaillé v V^*^ 
t*il voulu ainsi pour son étude particulière; 

Connaissez-vous, mon cher Maître , une anecdote 
relative à ce sculpteur, dont le mérite se joint à la 
plus rare modestie. En i8i5, lorsque les alliés se 
dédommageaient amplement des frais que leur avait 
coûtés leur offensive amitié , ils se jetèrent , après 
avoir dépeuplé nos musées , sur les domaines de la 
couronne. Une troupe de ces messieurs exploitait 
Fontainebleau. Ils aperçurent dans les jardins une 
statue de Télémaque-ti l'emportèrent; elle fut pré- 
sentée à quelques-uns de leurs généraux , qui la mon-? 
trèrent à je ne sais quels artistes à la suite de l'àr-* 
mée; on décida que cet ouvrage était de Canova , 
et voilà Télémaque parti pour Lyon, sous la garde de 
ses nouveaux /7itfii/or5. M. Marin habitait alors cette 
ville ; il se promenait tristement sur le quai Saint* 



V 



9» 
Clair au moment o& le convoi passait. Tilimaque 
avait été emballé avec assez de négligence. On avait 
même qnblié de cacher cette tète qni doit porter la 
couronne dlthaqne. M. Marin jette sur laUroyageur 
un regard étonné. Cette tête le frappe ; il s'arrête , 
s'approche avec vivacité : « Eh ! mon Dieu , c'çst 
non TiUmaque ! où va-t-il ?» Je ne vous dirai pas 
après combien de démarches et d'efforts il parvint 
à se faire entendre. Les connaisseurs autrichiens , 
prussiens, russiens, soutenaient avec l'obstination 
de l'ignorance que c'était du Canova tout pur ; Tar^ 
tiste , trop modeste pour s'enorgueillir de leur sotte 
méprise , et désespéré de voir son ouvrage en de 
telles mains ^ le réclamait et s'écriait 

Qu'il n'avait mérite 

Ni cet excès d'honneur , ni cet indignité. 

Enfin , les connaisseurs empruntèrent , pour un mo- 
ment, quelque raison ; un ordre arriva de Paris , et le 
plus pieux des enfans de la Grèce reprit la route 
de Fontainebleau. 
Lemire. Des deux ouvrages que M. Lemire a exposés , 
celui qui est placé sous le numéro i34i est, à notre 
avis, le meilleur. Son Enfant prêta saisir un canneton 
n'est pas sans mérite ; mais sa statue de ï Innocence 
est vraiment digne d'estime. Les mains sont un peu 
lourdes de forme , les draperies k petits plis cassés 
sentent trop l'ancienne école ; mais la figure est 
bien pensée ^ la pose est pleine de grâce et de naï- 




91 

Teté , et le caractère de tête a une expression cbar^ 
mante., 

Une partie de ces éloges peut s^adresser au jeun^ Brion. 
Berger de M. Brion ; oik remarque dans le faire une 
grande facilité ; mais il faut que M. Brion s'en dé-^ ^ 
fie. La tête de son berger est commune, ses formes 
sont trop rendes , pas assez modelées par méplats , 
et les jambes sont loin d'être bien étudiées. 

Sous les numéros 1286 et 1287 , M. Espercieuxa Espercîeux; 
exposé cette année deux ouvrages dignes de sa ré-*- 
putatipn. L'un est un Philocièie en proie à ses dou-^ 
leurs. Cette statue , commandée par la maison dvc 
roi , e^ en marbre ; l'autre , qui n'est encore qu'un 
plâtre ) représente Diomède enleçani k Palladium 
après avoir égorgé la garde du temple. Ces deux figu- 
res, de grandeur colossale, sont d'un style ferme et 
sévère ; elles ont été pensées poétiquement.; les airs 
de tète, dans le Philocièie sur-tout, sont fort beaux. 
Quant à la pureté des formes, vous savez, mon 
cher Maître , qu'Espercieux est de la bonne école. 

M. Flatters , qui avait exposé , il y a deux ans , Flatters. 
une charmante statue à*Hébé , n'est point resté au- 
dessous 4e lui-même , où , pour mieux dire , il 
vient de prendre son rang parmi nos habiles sculp- 
teurs. Son Jeune guerrier pleurant sur le tombeau du 
général JLoyson annonce ^n talent qui n^ plus be^ 
soin que d'obtenir du gouvernement quelques tra* 
vaux importans pour acquérir une haute réputation; 
On ne connaît pas la cause qui jusqu'à ce jour a em^^ 



\ 



9» 
péché Flatters de prendre part à ces travaux ; cette 
cause , si el|e se rapporte à son talent , est une in-* 
justice révoltante ; elle pourrait s^appliquer , à bien 
plus forte raison , à quelques sculpteurs , qui cepeur 
dant sont activement employés ; si elle est étrangère 
au mérite de Fartiste , peut-elle être assez forte 
pour obliger un gouvernement, ami des arts , à re- 
pousser un ciseau fait pour honorer un jour notre 
école ? JusquMci , le seul ouvrage que le ministère 
ait commandé à M. Flatters est un buste de Jac-- 
ques Delille. M. Flatters a été l'un de vos élèves, 
•mon cher Maître ; vous savez ce qu'il est en état de 
&ire , et je puis vous assurer qiie ce buste de Dcr 
lillç joignait, au mérite de la ressemblance celui de 
l'exécution. Cependant , le croirez-vous ? il n'a point 
été admis à l'exposition. On l'a bien laissé entrer 
dans la salle , mais on a tourné la face du côté du 
mur , et l'on a placé le numéro au dos. Ne direz- 
vous pas comme moi que non content d'être injuste 
à l'égard de l'auteur , on a eu le dessein formel de 
l'outrager ? Je ne puis m'expliquer cette conduite. 
M. Flatters a eu toutes les peines du monde à faire 
enlever son buste. 

Son Jeune guerrier est une figure colossale hante 
de sept pieds; les formes ont tant d'élégance et les 
draperies sont ajustées avec tant d'art, quel'on peut 
lui donner, à la première vue, une. tailla bi^n plus 
élevée. La pose est simple , mais. bien pensée ; elle 
a permis à l'artiste d0 trouver des .lignes, sd'une nd-^ 



93 
blesse et d^une pureté de dessin digne d'uii ëlivè dé 
David. L'expression de la tête est bien sentie ; la 
figure entière est savamment modeliée; peut-être 
Pavant 'bras droit est-il trop maigre ; il me semble 
aussi que la main droibe a des formes trop rondes ; 
mais rien n'est pi as beau que les draperies , le torse 
et les jambes; la jambe droite sur -tout, à moitié 
cachée piar un pan du manteau , est admirable ; il 
est impossible de mieux faire sentir le nu. 

Flatters a joint à cet ouvrage une dixaine de bustes 
dont les modèles sont connus de vous pour la plu- 
part : le comte Rostopchm , mademoiselle Georges , 
M. Cadet-^Gassicourt , le général Dufresse , etc. Tons 
ces portraits peuvent être comptés parmi les plus 
beaux de l'exposi tion , sur-^tout celui de madame la 
baronne de Serdobin et celui A^ Adrien , ancien chan- 
teur de rOpéra ; mais je dis à chaque buste ce que 
Fontenelle disait à la sonate : « Que me veux-tu ? » 

Le nombre des morceaux de sculpture exposés 
est si considérable cette année , mon cher Maître , 
(îl y a cent vingt morceaux de plus qu'en i8i 7 ) , 
qu'il me faudra encore une ou deux Lettres pour 
vous en présenter un tableau fidèle. ' A« B< 

QUINZIÈME LETTRE. 

(^ Industrie française,') 

Tout ce qui peut concourir à l'itlustration de la 



9^ 
patrie et à son bonheur vous est cher comme Fran* 
çais et comme artiste ; les produits de notre industrie, 
et des arts qui tiennent tous à Tëtude du dessin , 
pourraient- ils vous trouver indifiërent? Peintre 
d'histoire, ils sont presque tous tributaires de votre 
génie ; nous n'en voulons pour preuve que cette fidé-' 
lité que vous apportez à reproduire les détails et les 
accessoires. Elle fait voir qu'il est peu d'objets dans 
les créations de ta nature , ou dans les travaux des 
hommes , qu'aient dédaignés vos études. 

Quand on a le sentiment du beau on a celui du 
bon : c'est ce dernier qu'on doit sur-tout consulter 
dans l'examen des produits de l'industrie ; dans cette 
lutte laborieuse , il s'agissait d'abord d'être utile ; 
mais sans doute aussi de concilier l'élégance des 
formes, et de plaire aux yeux. L'exposition de l'an IX 
est encore présente à votre souvenir : la France ma- 
nufacturière et commerçante n'a point dégénéré ; 
après tant de maux soufferts , elle offre encore à 
notre admiration et à notre orgueil les mêmes tré- 
sors d'industrie qui naissaient dans son sein lors ; 
qu'elle commandait au monde. Délivrée de ta pré- 
sence de l'étranger , elle veut briser plus d'un joug 
odieux, et s'affranchir des tributs que paya long - 
tems aux autres nations le luxe de nos villes. Les 
richesses qu'elle déploie maintenant nous permet- 
tent d'assurer que ces espérances seront bientôt 
comblées. Tous les genres de produits arrivent à 



un point de perfectionnement qui doit faire le dëses^ 
poir d^une nation rivale. 

Si les ouvrages de peinture et de sculpture exposés 
cette année au Musée ont droit à nos éloges; nous 
devons cependani*convenir que Texposition des pro- 
duits de rindustrie détournent d'eux une partie de 
Tattention publique. 11 faudrait vos talens, mon 
cher Maître , unis à ceux des Gérard et des Girodet , 
pour lutter avec avantage contre cette foule de 
trésors dont la plupart , facilement appréciés et ju- 
gés par nos citoyens , se lient à une foule de vanités 
ou d'intérêts particuliers , et tous semblent des ga- 
ges de nos prospérités à venir. En entrant dans ces 
salles immenses du plus beau palais qui soit aa 
monde , en examinant les fruits variés de tant de 
nobles et utiles travaux , quel Français j digne de ce 
nom , ne se sentirait pas enflammé du saint amour de 
la patrie ? Â Taspect de tant de merveilles j'ai vu 
des étrangers , des Anglais eux-mêmes t ne pouvoir 
retenir un cri d'admiration. 

On se plaît à rendre hommage an gouvernement ^ 
qui fait revivre ces concours; ils contribueront k 
l'accroissement de la richesse nationale. D'honora- 
bles récompenses seront accordées aux fabricans qui 
ont porté les produits de leurs manufactures à un 
degré remarquable de- perfection et d'économie. Au 
* nom du Roi , le ministre promet sur-tout d'utile^, 
encouragemens an génie inventif des artistes qui ont 



9? 
eréë de liouyelles machines , simplifia là main^d'œtl4 
vre, amélioré les teintures ^ perfectionné les tissa^ 
ges, etc. 

Moas applaudissons à ces vues. Onti'e les prii^ 
accordés aux produits l^s plus reiflarqnables , on a 
formé dans les départemens un jury de sept fabricans 
chargé de désigner les artistes qui ont le plus con- 
' tribué au perfectiomieraent pendant les dix années 
qui viennent de s'écouler. Les récompenses seront; 
distribuées en môme tems que celles qui seront dé'^ 
cernées aux produits exposés au Louvre. : 

Dans Texamen que nous nous proposons de vous* 
présenter , vous nous permettrez de ne suivre qu'une 
marche irr^gulière.; attendez-vous à passer tour-à-« 
tour des toisons de M. Maffrani ^ des poîls de chè-^ 
vre de M. Romanet ^ aux perruques de M. Tellier;- 
des cuirs de M. Gomart^ à la crème de beauté 
de W^^ Chaumeton ; des fusils de M.. Roux , auX' 
jouets d'enfans de M. Ferdaçenne. Les objets desti- 
nés aux palais des rois , ceux qui sont promis à Tin- 
digence , les produits de nos manufactures , ceux de 
la chimie , les inventions nouvelles , les mécaniques 
propres aux arts utiles , le fruit des arts d'agrémens, • 
nous n'oublierons rien. En ne nous traçant pas un 
rigoureux itinéraire , nous croyons agir dans Tin- 
térét de vos plaisirs ; au milieu des trésors , qui n'aime 
à revenir sur ses pas ? D. 









^ 
^ 



% 



¥ 



97 

SEIZIÈME LETTRE. 

Paris 9 le 37 septembre 1819. 
MoK CHER MAXlT&E, 

4 • i 

Vous parler des Vernets , c'est rappeler plusieurs 
génération^ de taleiis. Le premier du nom s'est 
placé à côté de Claude Lorrsdn ; ses paysages et ses 
marines, réunissent à la vérité de la nature la vérité 
historique. C'est une galerie toute nationale que ces 
vues de nos différens ports qu'il fut chargé de re- 
tracer. Il peignit avec charme les sites les plus agréa-' 
blés 9 avec énergie l'horreur des jtempêtes. Les figures 
qui enrichissent ses tableaux présentent très - bien , 
dans Içurs attitudes , la grâce de la pose et le costume 
caractéristique d|i tems et du pays. 

Vous avez vu Carie yernet se distinguer dans 
le ^enre historique et dans celui du paysage ; mais 
celui-ci , en général , il ne l'a traité que comme 
accessoire à ses sujets. Sa passion pour les chevaux le 
conduisit à les étudier particulièrement; il a telle- 
ment excellé en ce genre, qu'il y a laissé loin de lui 
tous ses devanciers. 

Vernet III semble avoir voulu réunir tous les gen- Hor. Vernet. 
res de dessin. Non>seulement il vient dans deux ma- 

LETTRES A DAVID. 7 



98 
rines qu^il amises au salon, de prouver qu'il descend de 
son aïeul , mais il rivalise aussi avec son père pour la 
perfection des chevaux. Il court avec suçc^^la carrière 
historique; il compose avec autant de facilité des 
tableaux d'une grande dimension que des tableaux 
de chevalets. Enfin^ il a tellement diversifié ses pro- 
ductions , que nous sommes embarrassés du choix ; 
toutes ont un degré de mérite et d'intérêt qui ré« 
clame des descriptions particulières. 
N« ix6a. Le soleil dore Thorizon des feux rougeâtres de 

son couchant , il va disparaître derrière les côtes 
d'Europe, oii la chaloupe d'un bâtiment algérien 
est venue enlever quelques trésors , quelques trou- 
peaux , et une femme à son mari. Celui - ci monte 
une frêle barque avec quelques amis armés ; ils at- 
teignent la chaloupe des pirates , et tandis qu'à coups 
de hache un des siens attaque les rameurs , qu'un 
autre fait feu sur eux, il saisit l'épouse presque éva- 
nouie ; le patron algérien lui tire un coup de pistolet 
pour conserver sa proie. 

Cet épisode est plein d'intérêt. II se passe sur des 
vagues agitées; leurs oscillations écumeuses , la cou- 
leur verdâtre , les teintes du couchant qui colorent 
et tempèrent la blancheur des brisans , tout est peint 
de main de maître. Le résultat harmonieux de ce ta- 
bleau rend peut-être comparable l'œuvre du petit- 
fils à ce que Joseph Yernet avait fait de meilleur en 
ce genre» 



99 

Voici le submergem^nt d^un vaisseau après une N» 1167. 
tempête : les flots rappellent encore la tounnente; 
sur un rocher , au pied d'un fort , sont un militaire 
et plusieurs matelots qui s^efforcent d'amener sur 
le rivage la chaloupe du navire submergé. Plu- 
sieurs soldats , sur le parapet , sont attirés par la 
curiosité. 

Cette petite marine est rendue dans ses détails et 
dans son ensemble avec goût et talent ; mais je 
m'aperçois que nous avons passé une négligence à 
Tartiste : dans le premier tableau, on ne saisit 
point les formes de celui qui attaque à coups de 
hache ; il est à retoucher. 

Horace Vernet, dont la verve s^anime au récit No X154. 
d'une action , semble avoir été le témoin de celle 
de Nohanud^Ali-Pacha , vice-roi d'£gypte , lors- 
qu'il voulut détruire d'un seul coup la troupe auda- 
cieuse des Mameioucks , qui souvent bravaient sa 
puissance. Sous prétexte de servir d'escorte à son 
fils 9 qui part pour la Mecque, il invite les chefs et 
le corps de . cette milice à se rendre au château du 
Caire ; il a commandé d'en fermer les portes sur 
ei|K lorsqu'ils seront entrés. Des ordres sanguinaires 
sont donnés aux Albanais de sa garde ; ils doivent 
massacrer ces fiers Mameloucks, qui, montés sur 
leurs chevaux d^élite et revêtus de leurs plus richets 
jbs^bits, se sont empressés d'obéir au vice -roi. Les 
nombreux e;x4<^uteurs de st% ordres sont placés suc 



100 

les terrasses élevées et derrière les créneaux qui cou-* 
ronnent les tours. 

L'habitation d'Âli-Pacha est située sur la tour la 
plus élevée. C'est sur des degrés couverts de riches 
tapis, au-devant du seuil , que le despote , assis à 
la manière des Orientaux , plane du regard sur la 
voie que doivent suivre les Mameloucks sans dé- 
fiance; appuyé sur un lion qui semble le symbole 
vivant de sa force et de sa puissance , l'inflexible 
Mohamed va fumer. Sa tête basanée, ornée d'une 
barbe grise , est couverte d'un turban blanc ; il est 
vêtu d'une simarre rose et fourrée , de larges pan- 
talons pourpres ; il attend gravement qu'un esclave 
nègre ait allumé son riche houka, dont il tient le long 
tuyau d'une main; l'autre, posée sur son genou, se 
ferme avec contraction et ajoute au sentiment de 
cruauté réfléchie qui se peint sur l'atroce physiono- 
mie du pacha. Derrière lui sont trois officiers , le 
poignard à la ceinture. Voilà sans doute les intimes 
confidens de ses résolutions ! L'expression qui carac- 
térise chacun de ces musulmans est remarquable ; 
une avide curiosité agite le premier ; il est casqué ; 
l'autre est incliné , le regard tourné vers le meurtre , 
et semble partager la vengeance de son maître ; 
le troisième , plus âgé , parait cacher l'horreur et 
le regret que lui inspire cet acte de barbarie. 

Sur la terrasse qui se prolonge , des Albanais 
demi-nus se distinguent à leurs calottes rouges , 



^-— ^— **-~^ -,^, ^ - ^.^.M^^^-t-i ^^ ^, " -^ - - ~ .- — ■ 



lOI 

des nègres, des esclaves déchargent leurs tube» 
meurtriers et jonchent le chemin de cadavres, sons 
les yeux de celui qui a ordonné cette sanglante exé- 
cution. 

Tel est le tableau; cette description, bien 
qu'exacte , est encore imparfaite. On doit admirer 
Texpression de la tête et le naturel de la pose d'Âli- 
Pacha. Il craint de tourner son regard sur le champ 
du carnage! Uartiste a éclairé par le reflet de la 
terrasse les figures des trois officiers , et, par cet 
artifice , il a détaché dans Tomhre tous les détails 
de leurs physioi]iomies. Ce nègre accroupi, vu pa? 
le dos , vêtu d'une chemise de mousseline transpa- 
rente richement brodée , cette pipe d'une forme hU 
zarre et garnie de pierreries , ce vase d'argent d'où 
s'exhale des parfums , le poignard bxillant du pacha , 
tout rappelle bien le fhste oriental. Ce lion appri-^ 
voisé ajoute du grandiose à cette composition re- 
marquable. 

Il nous semble que l'élévation où l'artiste suppose 
Ali-Pacha et ceux qui l'environnent n'est pas assez 
déterminée , par la différence du ton et de la lu- 
mière , avec les objets qui s'aperçoivent au bas de 
la tour , lesquels paraissent trop près de l'œil , rela-^ 
tivement à leur éloignement. La même remarque 
peut s'appliquer aux tours , à cette ruine , qui sont 
trop éclairées , et contrarient l'effet de. la perspective 
aérie9ne. I^ous pensons que Yernet devrait aussi 



ménager les tons doat il compose les ombres de ses 
chairs f qui poussent trop an noir , et ne sont point 
assez transparentes ( dans se& grandes pages seule- 
ment , car il est chaud et harmonieux dans les pe- 
tites. ) 

No 1 169. \ Examinons ce Mamelonck assis les jambes croisées 
près d'nn arbre et ten^At par la bride un coursier 
blanc : qn'îl est bite dessiné ce cheval ! quHI est 
élégant de formes! On croit l'entendre hennir. 

Attends , jeune homme , que le tems ait rallenti \ft 
pinceau dans les mains de ton père^ pourt'emparer 
de son talent. 

No 1162. Encore un antre exemple d'ambition : Ces vaches 

dans une itable sont* marquées du sceau de la vérité. 
Tout il rheure Horace nous avait conduits des côtes 
de ta Méditerranée au sein de TEgypte ; nous voici 

No 1159. sur le Saint-Gothard. Près de Thospice, un voya- 
geur accablé de fatigue demande , à l'approche de 
la nuit, l'hospitalité pour lui et son guide. Il ne 
peut toucher l'inexorable moine , qui lui indique , par 
la fenêtre, le gtte des muletiers. On plaint ces 
voyageurs sur les froides et dures aspérités que le 
pinceau de l'artiste a retracées avec une vérité qui 
nous transit. 

No ii56. Nous voici en Espagne : Des guérillas embusqués 

dans un bois, exhortés par un moine, apprêtent 
leurs armes , pour attaquer dans un défilé un con- 
voi. Déjà un Français passe sur un pont étroit, ses 



iû3 

compagnons le suivent , on les aperçoit à travers les 
arbres... Fuyons, puisque nous ne pouvons l€$ 
avertir du danger. 

La gravure a fait connattre avec succès ce gre-^ N» xi6o. 
nadièr qui se repose sur un monceau de victimes 
que sa bêche vient de couvrir de la terre ëfrangère ; 
le regard baisse , il oublie ses propres blessures, pour 
méditer sur le sort de ses compagnons d'armes t Cette 
composition, pleine de grandeur et de simplicité, n'a 
point encore manqné son effet. Tons les yeux sont 
humides dé larmes quand ils se fixent sur ce tableau. 

Une folle par amour, montrant le hausse-col de ^"^ ^^^' 
son amant , percé du coup qui l'a privé de la vie , 
est d'une expression qui déchire l'ame. Mais une 
prétresse gauloise, touchant la harpe antique , va N^nGa. 
tempérer par ses accords mélodieux la mélancolie 
qu'avait fait nattre l'image précédente. 

Passons , et arrêtons-nous plus long-tems pris 
du petit tableau qui retrace les derniers inslan^ 
d'un homme que ses vertus avaient rendu l'idole 
de ses compatriotes ; ilfut digne par sa bravoure et 
sa science dans l'art militaire d'être surnommé le 
Bayardfmïonais. 

Après la malhèureui^e journée de Leipsick, Tar- N» ii65, 
mée française , trahie par cetx qui devaient la se- 
conder , était forcée à la retraite. Un seul pont sur 
TElster ( rivière plus dangereux qu'un fleuve , par 



ses bords escarpés el son lit fiingeux ) présentait ur 
débouché pour le passage de Tartillerie; Tordre 
fut ddnné de faire sauter le pont dès que nos der-- 
nières cohortes auraient gagné Tautre rive ; cette 
ordre fut exécuté prématurément : le prince Ponia^ 
towski et son corps de lanciers étaient encore sur 
la rive ennemie ; entouré , il se défend courageuse-* 
ment ; son sabre teint de sang prouve qu'il a répandu 
celai des grenadiers saxons qui le poursuivent; 
forcé de céder au nombre , blessé, ayant perdu son 
safhka , il s^élance sur son coursier et va tenter de 
franchir TElster à la nage. Ce fut le terme de sa vie ; 
ce n'est point celui de sa gloire : sa patrie et la 
France conserveront son sojjuvenir. 

Voilà l'instant dont l'artiste s'est emparé. La 
noble figure de Poniatowski exprime la résignation 
du courage ; son costun^ élégant de lancer, pourpre 
et bleu, dessine ses formes sveltes. Son cheval élancé 
vers le fleuve va toniber de la rive contenue par une 
ceinture de pilotis. Il n'est pas encore dans Tonde 
fangeuse ; quelques Français précèdent lo maréchal 
et tentent de passer TElster à la nage ; hél0s , on 
aperçoit à la surface des flots plusiemrs malheureux 
qui n'arriveront pas^ Quelqaes lanciers écartent 
l'ennemi en tirant leur carabine ; on distingue-dans 
le lointain un corps de troupes ennemies'qui se dj[rige 
encore sur le point oà Tintrépid^ PoniajtOMfsU \^ 



io5 

taliter le passage. Félicitons Horace d'avoir plusieurs 
fois retracé avec un grand talent un sujet si digne 
de nous intéresser. 

Voici, dans un paysage suisse ^ un promeneur qui N» ii6^ 
se repose ; il rêyê , il écrit sur ses tablettes , il se 
rappelle , peut-être , certaines leçons données dans 
sa jeunesse. Sous ce vêtement bourgeois , recon- 
naissez un prince aimable , instruit , on dirait près* 
que philosophe. Mais chut! il veut garder l'incognito. 

Sur un cheval superbe, dans le costume élégant du ^* "^^' 
i'^ régiment de hussards, dolman blanc, pantalon et 
sako rouges et dorés, le duc d'Orléans , accompagné 
d'un général et de deux aides-de-camp , semble 
s'arrêter pour écouter un officier de chasseurs qui 
arrive au galop pour prendre ses ordres. On voit ce 
régiment en parade ; plus loin, des chasseurs galo- 
pent en montant une colline. Mais la ressemblance 
du portrait , la grâce , le naturel de sa pose , la vé- 
rité des attitudes , la beauté des chevaux, sont di- 
gnes des plus justes éloges. 

Vous, mon cher Maître, qui avez si bien su, dans N» iiGS. 
votre tableau de la Distribution des aigles , peindre, 
la diversité et la grâce des costumes de l'armée fran- 
çaise , vous verriez avec curiosité les productions. 
d'Horaîce ; dans lesquelles , a cet égard , il semble 
suivre vos tracer: Vous venez de contempler des bus- 
&9cis élégaasel légers , allons passer en revue le 2^ 
régiment des grenadiers à cheval de la garde , aui^ 



n 



Toileries ; les cheranx de ce beau corps sont rangés 
en bataille sous les fenêtres du château ,* un soleil 
brillant éclaire les cavaliers à pied. Une vivandière 
leur offre du vin. La revue ne se passera point en- 
core , voici le colonel à pied , entouré d^une groupe 
d^officiersr un autre descend de cheval et vient ren- 
dre compté d'un ordre. Tout cela est plein de na- 
turel. Ce n'est pas tant Texactitude avec laquelle 
l'artiste exprime les détails qu'il faut admirer, mais 
l'adresse qu'il met à les faire concourir à un ensem- 
ble harmonieux. En effet , de grands bonnets de poil 
noir , des habits bleu foncé qui couvrent des ves- 
tes blanches , des cuisses blanches coupées par de 
longues bottes noires et luisantes , des épaulettes et 
des aiguillettes blanches , des brandebourgs d'argent 
qui garnissent symétriquement les deux côtés du 
corps, qui se douterait qu'on va être enchanté de 
l'accord de tous ces objets ? Mais des luisans bien 
placés adoucissent les bonnets , ils portent des om-* 
bres dorées et transparentes sur les figures ; des mas- 
ses légères de demi-teintes , sur les corps et tes ha- 
bits , résultant de la manière dont ils sont tournés 
et éclairés ; des brillans placés à propos ; des reflets , 
de la poussière même sur ces bottes si noires , tels 
sont les moyens dont l'artiste s'est servi pour barmo-^ 
nier son tableau. Par une malice qui ne peut s'expli- 
quer que par le succès, il a dohnéaupltos beau ré- 
giment de cavalerie tous les avantages de rinfante*^ 



I07 

rie. «Sans jpe beau cheval gris pommelé que tient en 
bride un trompette , les chevaux ne joueraient dans 
ce tableau qu'un rôle secondaire. 

Le jeune Ismayl , fils d'un scheik arabe , fut pris 
en combattant et mené (Couvert de blessures prit 
sonnier à Jérusalem. Confié aux soins d'un chrétien 
savant dans Fart de guérir , les soins de sa fille Ma-« 
ryam furent encore plus efficaces ; mais il conçut pour 
elle une passion violente , et profitant du désordre 
d'une révolution à Jérusalem , il enleva l'objet de 
son amour et l'emmena dans le désert au sein de sa 
tribu. Elle y mourut bientAt du chagrin d'avoir^ 
perdu son père et de ses remords religieux. La voilà 
enterrée sous ce groupe de palmiers : Ismayl est 
inconsolable. Lesémoum, fléau du désert, annonce 
sa funeste présence ; la tribu fuit pour échapper à 
l'ouragan , Ismayl seul ne le redoute point , accourt 
vers le lieu de la sépulture de Maryam , et appelle 
de tous ses vœux la mort qui doit les réunir. Etendu 
sur la brûlante arène , il l'écarté et découvre la 
tête belle encore et le sein livide de là jeune fille; 
le voile qui l'enveloppe , soulevé par sa main témé- 
raire , laisse voir une simple croix ^ signe révéré de 
celle qui l'embrassait en perdant la vie. Le ciel se 
trouble , des tourbillons de sable toumoyent dans 
les airs ; une trombe s'avance y elle fait ployer les 
arbres, elle apporte la mort. Bientôt le même pal- 
mier abritera le* tombeau des jeunes amans, le sable 



N<» 11 55. 



io8 

couvrira ces deux victimes nouvelles de Tatnour et 
de la piété filiale. 

Ce tableau, dit-on, est Tœuvre de dix-huit jours 
de travail. Le récit de cette anecdote fut fait à l'ar- 
tiste par le voyageur même qui Ta recueilli sur les 
lieux ; la véhémence et le sentiment du narrateur 
passèrent dans Tame du peintre ; il conçut, dessina et 
peignit ce sujet dans le même espace de tems qu'un 
autre eût mis à Tesquisser. 

Du reste, ce tte composition se ressent de la précipi- 
tation de son exécution. Le guerrier penché vers Ma^ 
ryam semble , faute de perspective , devoir rouler . 
/ sur celle qu'il pleure ; ces larmes épaisses qui bril^ 
lent dans ses yeux n'ajoutent rien à l'expression et 
dégradent le héros ; il n'est permis qu'à saint Pierre 
repentant, ou à une femme, de pleurer à chaudes 
larmes. 

Nous n'avons point parlé de Moliire consultant sa 
seivante^ l'artiste doit nous en savoir gré ; mais nous 
aimons à revenir sur les jolis tableaux retraçant des 
scènes militaires; elles sont tellement vraies, qu'on 
penserait qu'Horace était destiné à être colonel , s'il 
n'eût été peintre. 

En finissant , nous engagerons cet artiste à modérer 

sa fécondité. Sébastien Bourdon et Diétrick n'ont 

jamais été mis en première ligne pour avoir compro-» 

mis leur talent en peignant ainsi tous les genres. 

Dglorme^ ]Les aicti&tes jaloux d'assurer le succès de leur» 



\ 

tog 

grandes Gompositions et de les fixer dans la mimohei 
ne devraient jamais laisser d'indécision dans raction 
principale. Deiorme n'a point eu ce principe enmé^ 
moire, dans son tableau de la Descente de Jisus-^ 
Christ aux Limbes , et les questions des spectateurs 
nous ont rappelé une anecdote qui trouve ici sa 
place très-naturellement. 

Dans la vieillesse de Louis XIY, quand ses armées 
avaient essuyé taAt de revers , un gascon passant près 
de sa statue sur la place Victoire , voyant la déesse 
élever une couronne sur la tête royale : « Monsieur » 
en s'adressant à un voisin, dites-moi^ je cous prie ^ la 
luimet-t-elle^ ou la lui ôte-t elle ? » On pourrait em- 
prunter cette locution et faire une question à peu 
près semblable ici : Monte-t-il, ce Christ , ou des- 
cend-t-il ? Le livret peut seul résoudre le doute; car si 
Ton en juge par son mouvement ascentionnel , à ses 
bras élevés vers la gloire brillante qui l'environne^ 
il va aux cieux ; son regard seul descend sur ces 
pauvres habitans des limbres, et leur espoir sera 
déçu, tant que leur rédempteur gardera cette atti- 
tude qu'il n'est pas disposé, ce lious semble, à 
changer de sitôt. 

L'oiseau le plus léger quittant les plaines de l'air 

pour venir s.ous le feuillage , penche sa tète vers la 

terre , d'où nous oserons conclure que Je Christine 

V ne ^devait pas descendre perpendiculairement les 

pieds en bas, mais planer au moins horizontalement. 



IIO 

Il est vrai qu'il aurait peuf-^étre écarté tous ces 
adorateurs des deux sexes arrangés en cocarde, qui 
entourent leur rédempteur; David eût cessé de jouer 
de la harpe, et tous ces personnages amphibies, cé- 
lestes par leur élévation , mais bien terrestres pai^ 
une couleur- enfnnée, auraient été obligés , pour le 
suivre , d'adorer le Christ autrement que la tête: 
élevée et les mains jointes. Mous eussions désiré 
que ce tableau eût racheté ce défaut capital par 
quelque mérite transcendant, car nous adoptons 
aussi , quand nous le pouvons , le système de bas^ 
cule : et nous aimons à compenser nos critiques par 
des éloges. 
Lordon. Vous verriea , mon cher Maître , avec autant de 

surprise que de contentement notre école s'augmen- 
ter d'un nouveau talent dans le genre historique. 
Lordon n'avait produit jusqu'à ce jour que de jolies 
compositions ; il vient de prendre un essor plus élevé, 
elle grand tableau que nous allons décrire a donné 
la mesure de la capacité de l'artiste. 

Les .premiers chrétiens se livraient clandestine- 
ment dits, pratiques de leur croyance : c'était dans 
des lieux écartés, ou dans des souterrains , qu'ils al- 
laient se nourrir dé la parole de Dieu et des vérités 
consolantes de l'Evangile. Saint Marc, l'un de ses 
plus éloquens apâtres , rassemblait souvent dans 
Alexandrie , sous les voûtes ténébreuses des édifiées, 
les sectateurs zélés de la religion du Christ. Un jour 



I 



III 

de tète du dieu Cërapis , les ennemb du nouyeau 
culte , portant l'image dorëe de leur.idde , la torche 
en main , armés de glaives meurtriers , desceudeaf 
dans le souterrain où saint Marc captivait de ^a 
sainte parole l'attention de $es initiés. Il vient de 
conférer le baptême à nn jeune eafant : Tévangiie 
ouvert repose sur yn simple autel de [âerre. Le 
pontife , vêtu de pourpre , est le premier objet de la 
fureur de ces satellites ; ils portent sur lui leurs 
mains sacrilèges ; ils le garrottent , tandis qu!avec le 
calme de la sagesse le Saint invoque le Ciel qu'il 
indique par son geste, et invite ses prosélytes à la 
persévérance et à la résignation. Un jeune néophyte^ 
vêtu de lin et tenant l'encensoir , a été renversé par 
ces furieux ,' dont Tun veut déchirer l'évangile; un 
jeune chrétien le défend , et , penché sur l'autel , il 
le couvre de son corps. Près de l'autel s'est age- 
nouillée la mère de l'enfant nouvellement baptisé; il 
se réfugie dans ses bras. Deux autres femmes , gla- 
cées d'épouvante , se pressent à genoux l'une vers 
l'autre : l'une élève son timide regard , l'autre dé- 
tourne la tête . Quelques guerriers chrétiens refiisent 
d'adorer l'image du dieu Cérapis , que leur montrent 
les cruels persécuteurs. Plusieurs vieillards chré-* 
tiens , émus de crainte , paraissent partagés entre 
ce sentiment et l'effet des exhortations de saint Marc. 
Telle est la composition de ce tableau , dont la 



V 



lia .,T 

belle ordonnance fait saisir sans confusion tout ce 
qu'a youlu représenter l'artiste. Une architecture 
lourde , un sphinx, rappellent bien le style égyptien : 
un jour mystérieux qui vient d'en haut éclaire la 
scène , qui nous transporte à l'époque de la nais** 
sauce du christianisme. C'est la première fois que la 
peinture s'est emparée de ce sujet. 

Aucun reproche sensible ne peut être fait à l'au- 
teur de tableau , dont la couleur et l'effet semblent 
le résultat de l'étude approfondie des grands 
maîtres. La tète de saint Marc porte un caractère 
qui n'appartient ni à la mythologie , ni à la Grèce ; 
il est en entier à l'artiste : on remarque celle du 
)eune suppliant, qui est tout-à-fait raphaè'lesque , 
Les accessoires sont bien traités ; et ce vase d^airain 
qui contient l'eau du baptême , le roseau qui y b^- 
gae, nous rappellent encmre l'eau lustrale des tem- 
ples grecs , dont les. chrétiens empruntèrent l'usage. 

On pense que l'artiste aurait dû jeter un peu plus 
d'ombce sur la. partie fuyante du^ciorps du jeune 
clerc renversé. Vus en raccourci, ses pieds paraissent 
trop voisins de la tête : ce défaut tient k ce que le ton 
n'est point assez éteint. Du reste , cette composi- 
tion se place dans les premiers rangs des produc- 
tions de cette année. 

P. V. 



\ 




v>*>4< . 



— -----^ 



tlâ 



DIX-SEPTIÈME LETTRE. 



i • . 



i. Il 



. ^ Finie f le 5 octobre i8t(^v. 

S 'La puissance 4e rolre arl n'a pas -^t unique aan-* MÊiat9àtê9% 

bitmh id'enehanter lés yimi. HXit s'adresse au cts&wr ; 

jëii plue mble triomphé t^sl d^émio^oir et de rirali*^ 

séria poésie. Vdtci une'COiii^Oi»jri«n de Maiizaisse ^ 

st^ le Èùfiptke des Ùamudèi , <pii approche des effets 

q^[>l^paren% les veils de Lemwrrevet qu'exagëiteni ki 

a^côlHis.de Saliérii Mais iu dureté du ipçëtc, les'bvaits 

du musicien se sont déjà éteints sous le pinceau ; 

n nialiN|tiâit le niouvement au nouvean ccéateur ^lil â 

sti.dioisîf dès attitudes dont leeaimsiiiîafrtSKâ 

Hmoiobiiité ^ lofig-tems vraisemb^lables ^\w- renfiBr'^ 

ineiH hahiledVifiit dans les limite^ de^ibtre doiiiaittei 

Ses expressions de télé sont^rènrittes atec talent ; nàaiè 

la figure principale est sur-tout admirable. Elle est 

Matquée de cette fatalitévde cette eicpressioii de.ce^ 

t>eif tir et' de souStance qui ne se mesure qu^ Fétev*^ 

nité , et que le génie seul pouvait twieevoir. Nous na 

sàtlritons vous décrire cômbieni'àspect de ce groupe 

dtane de malaise à Pimagination charmée. Le reflet 

dès fiftmmes de Tenfer , la magie des oppositions^ 

tout eét {«ndu avec énergie. Que ces claires s^ma^ 

tiirellefs portent une éloquente lumière danfts KM&^Mi 

yeux plefiii^ dêîarm«s?\ . j jt *; 

- Màù^aissé \ déjà st renoitilné "pat Inhabileté d^j sdft 

elécutfoti dans les ajustemens et tes aocessoirel 

|[£TrA£S A DAVID. 8 



/ 



ti4 

èû'femn h htori y ie^ s^eat élevé ici'è 1» phtsgiHMidk 
hauteur del'expreisioii. Non^air^ns' àfi luif'spiis les 
yeux, un Promeihée enchata/éf dessiné avec une cor- 
râitibn ra^e ; tuais tes raccourcis en sont trop sa- 
vans , ils demandent une trop purAit^initiatipn aux 

.u'r ^ji/^ sQBfjeU' de la;peîiitor^'4 19^ 9(m^ «ne.justeysse trop 
^note. à «aisir lé pei»! de :ytte.oik ils doivent éUfe obr4 
adrvés: peut plaire hmicoMp au pnUic . D^ubs l'un ni 
l'autre de ées ouvtages ^ nous- ^e voyoïvs q».^unj d^ 
faut véritable; et iUstiétcali'ger à^lavolonté de l'^r* 
tistlQ; €>st la dimensieft de s0$4oiles.| U^ÎJiauçïiUs^ 
ekinpdes & nd^ambess oilt été comminA^ea p0aF ujil 
Imposte. ..'•'.'♦•! 

Franque. - Saasotta.àunidevos:pliischerstdiscifIe$^UBip^Mit])9 
tbntiles'ipreinîersestois vbus ànkt donné itatit/d'espé^ 
ranbe k cause deJeur naïve pureté , de teptr grâce d dt 
lenr.idgiieucj lira bi^osé un vflis te tabl«^MdMt le sinjet 
èàt CottUrsiûn io ^^mfPmd: La eraiofte d'être accusé 
de rénnnificenceiidu Domîmcaîn ^ trop prédoi^iné 
éanalsan esprit t, putsqii)'il\a|iriii uM^r^Hiike si ppr? 
posée àéematlre* Franque. a conçt iaivec« fqHgme. et 
aeaéciitéde «létte^. .< 

' Aux ace^ns de ld.V'Oi%'niiraeu}eu$i» qui .lui, crie.: 
jr>Aa«7 » Sait , p^urqm .m pfméc^têi^^yom >*, f A' Wi\ 
pemi des chrétiens , destiné k dévenir juii des app^ift 
de leur culte, est tombé de $oncoursiftf.i$i^ Ii^.cIîqti 
MU-aaUoAeiKxd^ DdULM, $0 pose^jm^qu^id^ ^tuf^l 
ainsi que celle de Tesclave qui s# pr.écipitdq.^-laTfP44^ 
et' pdutj âecQi(r(r s^n mattre et, .p^vrj^.apAMi' I® 
feegeux GQursier*r C^l^ %ires\.cemnier4:{çll^s.d» sott 



-•>•* 



CDnd plan, offrent uncon&it demonveia^eiis qui produit 
une foule de raccourcis *que Michel- Auge seul, peut- 
étlrev' àiirîfil:'f>upex{>rimer. Mais les pariies princi- 
pales' de^ jcfeti»-' cM>{)Ositid» soiit • traitées arec une' 
gl^l^e'^sUfiériéritë <tec. talent; -la coulenr est chatidé 
et l^H^i^: Qtté Fl*atiqué re^iisnne à nne otdoii-' 
nanc&^ëiÂë àh^bitieuse > que , comme le lui Vê^lro^^' 
ctenr quelques mmyms plaisansr , il ne cbcfch'tf pfusr 
à faireuànt ide\ pûuisièn , sa'ptaèe . e^ hiàrquëei ^iaus 
l^s jp^^j^ p^/RQ^inbreu]^ de^nosi grands arti^esj^. , 

ypicif m^îj^çbeç Maî,tre,jan tableau de feuDucb •. 
yptfe ;pfl»llègue à rin^tijut, rimmorte} a^te^r d'^i-i 
t§ffarf\At MicMh. Il voulut représc{plejp,^che^ Jw,, 
im ae^rt^inXorneille , autre peintre d'bij^toir^. 

. • .Quand 1\^ jyer , sur nos planchers ^ombres . 

Vicnt'j'sur le'jourqai disparaît, 

A fa hâtie ènt issèr les ombres/ 
- i i©'ÎÈ&'è l»i«|)e diWcJlàirerift • ■ ' 

*';•> JLi^tA^çitecji^tnb^e df Pierre. ^ , ,. 

, Le fauteuil à bras dans sp gloire . 
tes hauts chenets , la vaste armoire , 
■"* Sa ta' le oii s'enorgueillirait 

Dé ses Rbn^ainsl'ttnmense^ histoire; •<{ 

t: ..(Sus )^1^^bU/B( lit s^erge noire : ..., 

/Sa Jarge biblq s'ouvrirait ; 

^ . Un jour njagi^ue y descendrait^ 
tJn sablier s'écoulerait, 
Êèvâiût la trtgique ëcritoire. 
' ' Dm '^♦if'jCIîAièillc écrirait 'i 
\ i i • fift leinAe. !i9ns ferait- sortirait } 
>i ; "f W9(%îPo»^*Pf. donniraitt^, . 
Le nère Larue entrerait 






■ • M 






Désoria. 






1^6' 

Ponr voir Q>mcille «on compère , " • ' 

•• Qu'cQ silence il contemplerait* . i 

Yûikk I^ taibleau*. C'est au génie de notre BoumIa 
qife .Ducts voulait con^r le..&oin. de*ijei(éçuter«: 
Ml Déspris^ , .qui s'en est chargé « se £Ut pacdon^jer. 
cette . .témérité par une ordonnance^ 9^^9W(^^9tf^ ^^^ 
une. couleur assez sévère et assez harmonieuae* 

4 

•DIX-HUITIÈME LETT&E-. 



n 

iLf 



GoU. njoN cher maître, me voici en fa'cé'd^niifé immense* 
composition de sculpture : une Desceniê' dé 'croix • 
rouvre ïe livret , et àràrtitle de M. Gols, je lis cfe/ 
ffi'ots r « X*àrtlste fait ob'serVet qu'il a tonçii i^ldëé^ 
» d'eté'cntér un groupe destiné pour uilé "vaste* 
» église. Ce n est , en effet , que dans, un grand ^di* 
» fice qu'il sera possible d'en juger l'efiet. (^a lu- 
>» mière , tombant d'en haut , et procurant des jvias- 
» ses d'ombres si importantes à bien calculer ^ Jt dû 
» concourir à faire ressortir le« partie:^ et rensemble 
» d'une composition entièrement nouvelle dans la 
» sculpture. » Cette i^ote ^ dont la fin ne manque 
pas de prétention , est as^ez inutile pour ceux qui 
sont habitués à juger les arts ; ils sentent ^è6-4)ien 
que la Descente de croix de M. Cois n^est^às'à sa 
place ; quant aux autres , ils s'occupent bieii , ma foi ! 
de la lumière et des masses d'ombres! Mais enfin 
M. Gois n'a pas tout-à^fait tort ; on ne peut prendre 
trop de précautions contre la critique. Le- premier 
aspect de la Descente de croix esttrès-iniposaTit ; la 
composition 9 qui n'a rien de neuf ( car les Hescenies 



117 
Jk croix sontpartout ) est bien ordonnée. U faut dëjà 
une puissance de talenJt bien, vrai pour concevoir et 
pour exécuter un ouvrage de cette dimension ; le 
sculpteur qui a pu l^entreprendre n^estcertaii^ç^ment 
pas un. homme ordinaire. Il serait donc injuste de 
déployer envers lui la même sévérité qu'à regard 
d'un sculpteur qui n'a composé qu'une seule figure;. 

Nos.. artistes. soii^t en, général si timides., ils crai- 
gnent tellement d& sortirdes. sentiers battus.,, qu'oo^ 
ne peut assez. encourager ceux.qiii cbeccbeaii dfessoof^ 
tes nouvelles*. 

Pendant (^ )j^: suts en- fraiio^ de Ibuer,, jj& iexa£ 
eompliment à M.. Goia du dessin fecroe^ eti large- i^ 
&es draperies.;: elles. sont bien. )etéesi eti d!un hoik 
style ; la tête, de la. Vierge a une expression^ juste;; 
J'honune qui descend.det Déchelle > en- soutenant le 
corps de Jésus^Christ, est d'un effet pittoresque ; il 
est bi£ai.g,ensé.. Mais je reprocherai à Tauteur de n'ar 
Toinpointassez.étudié les. belles formes, etd'avcnr 
4iégligé sej$ nus. Les mains delà Vierge ne sont pas 
à l'abri de ^. censure ;. le bras droit de l'homme qui 
|)QrteJé6u$-Ch£ist,.et celui de Jésus-Christ lui-mAmq, 
me pacaissenttrop longs;.en outre, ce-brasdu.Dieu., 
quoique, ce Dieu, soit san6 vie , pourrait être moins 
roide et plus heureusement posé^, La jambe droite 
de la Vierge est mal sentie. sousla draperie.. L^ tôte 
du Christ manqjie de noblesse.; son caractère est 
trop commun ;J1 y a des pieds et des mains. d'un 
mauvais. st]^e; pour tout dire, dans, cette grande 
««npositîon ^ on peut louer l'ensemble ,, mais on e&i 



1 



ne 

beailcoQp moins satisfait des détails. H nt Fandràît 
mimé pas s'y arrêter trop long-tems ; car on finirait 
peut-être par ne plus rendre justice à la hardiesse de 
la conception. 

Gois est animé de Tamour de son art ; il travaille 
beaucoup , mais je crains que dans sa descente 
il n'ait travaille trop vite. 

On cite de lui un trait de véritable artiste : oc* 
cnpé de faire la statue de Jeanne d'Arc pour la 
ville d'Orléans , l'ajustement de la draperie lui avait 
donné beaucoup de mal , et il y cherchait encorfe 
un des plis principaux. Fatigué de ne pas le trou-^* 
ver , il quitte un jour son atelier qui est au palails 
des beaux-arts , et va prendre l'ait vers les Tuile- 
ries. Une femme passe devant lui sur le Pont-^Rbyal , 
et jette un cri en disputant au vent la longue robe 
qui la couvrait ; ce mouvement a attiré les yeux de 
l'artiste ; A bonheur ! son pli , son cher pli se dessine. 
Il vole à la dame dont les pieds s'embarassaient dëji , 
et qui était prête à tombée; celle-ci , qui pensfe qu'oh 
"veut l'obliger , lui jette un coup-d'œil reconnaissant; 
« Arrêtez, Madame, de grâce, arrêtez! Restei; 
comiAe cela ; je suis un homme perdu si vous bour' 
gez> » et en disant ces mots , il l'arrêtait par le bras. 
La dame , étonnée , reste sans voix , sans mouve-<t 
ment , l'artiste considère son pli , salue l'inconnue 
profondément , et regagne h grands pas son atelier. 

On trouve, sous le numéro i32o, un autre ou<«i 
Tragé de M. Gois : c'est une Nym/ihè endormk dam 
mn conque* Dans cette composition., il n'y a t\t% os 



prc$qtteri«iifireprandire ; la taie,. (pi est ctiaxsmntû» 
me parail trop petite;; la mam dFpitte est maniérée ^ 

« 

mais il est in^^KXssible' 4e .concevoir une idée plus 
xiante ^et de f eisédUei: 4¥ec «ptus de grâce . 

Caldélâiy ^à «lui'San Af^ociès^SL fait beancouff CsAàélarj, 
it'hoa«eui: il yi a deux^. an» ^ a ^é VBmtk$^ bien insrr 
pire cette. ftQnâ^ S«l statue. ia.^néraÈiMomtiu. tèt 
ééfectue^fti sot^ beaucoup d& na^peclsw La tête' a le^ 
4kHiM4» twt :f léire s|ms;aiiiQiui& expTês^ifQii: eC der ne: 
|Otttl ïesieiQÈleir; leriiiiMÉleaAtest &^ jaté.. S^ faot .. * . . :i 
)e âi^9 to^eg^daiiti L^ensemUe^de cette figuret^ eiu 
tstientède^creirev aa pea. d'étude» qm^ s'y Uit i\e^ 
marquer^ que Caldielary n'a ttavarllé' qtie sur i«t 
9Mmiieqi]iii>. Gceye^^ )6 vous prie> iMi^ctler IttaKre , ^ . , : ; 
^pe:. lHHls^.n^ critiquons aiifssi serrement eet ar^ti^e^ 
\fï% C9«se dit vif intéirét qu'inspirer son tal^nlV 

UniPunâS^ftiatei>ùuattt:sojiàoi0ctier]à:sa^afi'ùt^ Gâunoîs. 
Itajptensée de cette* -figacë-^o^ti n^ble et iitaposanie;;. ^ 

•Hifis» oit vaudrait que l'^exëcutim :y répondit; elle est 
rttaigr^ et pa«tvrè de formes. M. Gaunms a étudié^ Iti 
«jiAture^ mfiiis Tartrop sa^iiêmenitcoptée; il fallait l'e«(ip 
^tir». Aurait -- il pc{s poiir\m;adèle.iun île desi . jeuiios . . : . ,w 
:gpii6<^ saeriiient àil'Aitiottr avant 4: avoir ;co«iaU 'Sa- 
mène ?: Ali surplus»,. lors mène que M. Cautiois au- 
MÎlfaituiLinfiavais ouvrage (ce que }e sais loin d'ar- 
.?aiicer)Jl aurait des droits à l'inddgefiGe : «onvétat 
^ de- graver sur médââUeâ; là sculpture n'eÀt aj^^vn 
dé se& délassemeas ; qu^il cout^une à les «nplojier 
.lou)o«ai ^si. Son buste de Monreae v^^eur (fàe je : T 
rfou&ai i^tendu appeleid'ua de;s sou&ns de Tbalie^^ 



est d^nne rejfsetnftrance parfaite , et tris-biëii> modelé* 
Debray. • Je reviens h M. Debray père. J'ai tm devoir cri- 
tiquer son S. Sébastien-; mais sa Naïade t ptatëe sons 
le numéro 1 2499 mériteiinehoiiorable mention. Cette 
' figure a du style, elle est b|en dessinée , et la pose 
en est graciense , snr-tont si OTi la regarde en ar- 
rière dtt c6té gauche. Son bais* relief (numéro y 260) 
est bien composé , el si je pense que les nudités sont 
trop lourdes , j'aime à reconnattre qu'il est £fficile 
Debray fils, de mettre plus degoât dans les draperies. M. Debray 
filsa exposé un buste de Mlle Ci... Leqmel desdenx, 
de M. Debray (ils ou de Mlle C« ... . , a été condamné 
à retposition fi' t. 

Lemoyne. t Gatathie portée surun^Amphin se rend vers le èerger 
Acis^ son amant. Ce groupe en marbra a été eië- 
cuté à Rome. M. Lemoyne a un dessin ecmect; il 
' âent bi^n les formes; mais sa sculpture reasèmble 
z%%tz k de ta sculpture d'ornement. La pose 4^ m 
Galathée est maniérée. Quant à l'Amour placé sur 
répaule gauche de la nymphe, si j'ose dire ee que 
l'en pense , il ressemble à uïi enfant qui n'est paa 
Lorta. venu à terme; L* Amour de M. Lorta est mieux; 
mais il n'est pas aussi joli que la note du Hvret: 
« Après avoir épuisé ses flèches, l'amonlr s'endort eiir 
» touré de tist% épanouies, résultat de ses cOH- 
» quêtes. » Le résultat de ses conquêtes me plait beau- 
xoup. Après une note pareille , M. Lorta était obligé 
en conscience de faire un chef-d'œuvre. 
Ko^uîer. H, Rogttier a recommencé la statue de Dùquesne^ 
que nous ayons rue à l'exposition il j a dettz anS) et 



V 



tÀi^ .^-j-.- ,— I 



131 

(|iu est toujours deslinëe au Pont *<^ Royal. :Ce bra;t< 

Dttifuçsiie avait ^ il faat le croire > une figure bien 

malheureuse; *en dépit de M. Roguier , il re$$embl<9 

encore bien plus à un chef de fiibfliitiers qu'à un 

amiral de France. 

; De tous les ouvrages que M^Romagnesi a exposés^ Romagiiett- 

le seul vraiment digne d'ëloge ,\à mon avis, est soQ 

Cfmdélabn alligaritfue. Il est d'une richesse , d-'une 

élégance et d'une pureté de dessin remarquable. 

- Avec un aussi beau nom que celui de.Pigalle « o^ Pigalle. 

est bien coupable d'avoir fait deux bustes tels qoe 

ceux du prince^ de Condé et de M. le comte du CayJa. Il 

y a plus d'un noble descendant des preux conquérans 

de la Terre-Sainte qui ne se croient pas obligés d'être 

bravés ; il n'y à rien qui force le petit-fils de Pigalle 

à faire de la sculpture. 

M. Jacquot apporte un nom tont nouveau ^ans Jaequot^ 
les arts; tant mieux pour lui; il ne devra qu'à lui 
toute sa renommée. Sa. Daphai annonce de bonnes 
études et d'heureuses méditations. Je dois aussi quel- 
<ques éloges au Tilémaque de M. Dantan fils; cet ou* Dantaii. 
vrage ne s'élève pas à une hauteur de talent bien re- 
marquable , mais il y à des formes; on voit que l'au*- 
teurest dans la» bonne route, c'est de la sculpture. 

Amtodême au tombeau de sa fille , par M. Bra.^ Bra. 
sous le numéro i2i3 , est un ouvrage de beaucoup 
supériemr au Télémaque. M . Bra donne, dèsà présfsnt^ 
«plosque des espérances. Ce jeune homme , s'il cour 
iinue à travailler, est fait pour occuper, dans quel- 
ques années , un rang distingué parmi nM artistes. 



>I33 

Vit dëbttt / vous nous l'avez siniveat dità moh cicr 
Maître , commande l'indalgence. Les maîtres ^ dont 
k fortune est faite , ont les moyens de recommencer 
(plusieurs fois un morceau ; un jeune artiste n'a pas 
les mêmes facilités ; un modèle coûte cker; il ne pc«t 
en avoir qu'un. Sesyeui , toujours frappësdes ftiémes 
formes , finissent par se Uaser f sa lé te se fatigue, et 

* ai le modèle pnend une mauvaise ppse , il la copie 
sans s'en apercevoir. Lès fautes d'an artiste riche sont 

' éonc sans excuse.... qupiqn'en disent les tètes d'ex- 
^relssion de M. Desêint. A. B. » 

LETTRE DIX-NEUVIÈME. 

Il ne £aut pas visiter le salon en ce moment , %\ l'on 
n'est doué d'une force athlétique. La foule y ($t 
. en permanence ;..4e$ gens robnstes parviennent aux 
meilleures places par leur propre, poids ^ tandis que 
le vulgaii^ des citadins maudit cette orisiocfatie des 
poings et des :ëpaules , et n'est presiqtie occupé qo^ 
du soin de sa conservation. Plus d'une. jolie femme i^ 
nouvellement arrivée de sa province > se. plaint tout 
bas de la liberté de ia presse. 

Les billets du matin et ceux du vendredi se sont 
multipliés et ont circulé avec tant d'agiUté parmi la 
bonne compagnie ^ que maintenant^ dan&ees séanee$> 
privilégiées 5 il y a, tout compte fait^ a«tànt de- 
T*obes froisées, autant de coups de pied:)diatpibn'ér& 
-que les jours de dimanche ; on ne peul sf^retirer qne 
«ur la qualité j trisjte cpnsoJatian e&rpaçoiljcafij £af^. 



fin ;on vient dé compi'èndre encore Ié§ ^à^nedis dam 
la loi d'exception contre le'pnMtc , H de Bontéllës 
cartes ont élë dëliwées à un petit nombre de pr&- 
légés. Une carte d'artiste marchant l'égale de tôui 
les privilèges, au moyen de ma croûte j'ai mes grande^ 
entrées^ comme au théâtte un auteur sifflé , et les 
portes et les concierges du Musée fléchissent à towttJ 
lieure devant moi aussi poliment que devant lé 
passeport d'un Anglais. . , ' 

Je profite donc bien vîte de mon samedi , mon chct 
Maître , pour continuer la revue de mes pauvres crou- 
lons, et en faire défiler le plus possible devant vous*. 

Voici d'abord Venus ramenant Hélène à Paris. \A 
déesse se tient d'un air maliri derrière Hélène , dont 
la gravité ne peut se comparer qu'au sang-froid dé 
son tendre amant , assis dans un grand fauteuil 
comme un président à mortier; j'avoue que ma mytho- 
logie a été en défaut , car j'ai deviné sans hésitation 
que le peintre av2|it voulu représenter le Jugement 
de Pâtis, Hélène me paraissait remplir toutes leir 
conditions de Junon se présentant devant son jugé 
d'un air hautain et le diadème au front ; j'avais te-* 
connu Vénus , si non aux belles choses qu'elle laisse 
voir, du moins au soin qu'elle a de ne rien cacher, 
et je voulais absolument trouver Pallas dans une 
grande fille qui , dans le fond du tableau , passe 
avec un vase sur la tête; bien entendu que ce vase, 
d'une figura douteuse , se transformait eh casque à 
ines yeiiiç prévenus. Un des plus grands défauts dans 
h% drti I c'est Tindécision et l'obscurité ; comment 



j 



i«4 

-cez pat^tre clairs, c'est là un ie& premiers mérites 
des maîtres; que la disposition et Tordonnance de 
\o$ tableaux frappent d^abord le spectateur et que 
Texpression yraie et caractérisée de vos figures ré- 
veille aisément en lui les souvenirs que votre toile 
a .voulu retracer. J'insiste sur cette observation , 
parce que j'aperçois , même dans plusieurs produc* 
lions estimables du salon actuel , une tendance fu- 
neste vers le logogryphe. Il en est quelques-uns 
dont il faut deux page&du livret pour donner le mot» 

Je me suis , par exemple , amusé à entendre de bon- 
nes gens ( et il s'en trouve même le samedi ) raison- 
ner sérieusement , dans la grande galerie , devant un 
certain tableau du Supplice des Danaïdes , dans l'hy- 
pothèse qu'il représentait des blanchisseuses qui , 5 V- 
tant baignées dans la Seine , près le Gros-Caillou , penr- 
dont que leur linge trempait à quelque distance , se dé- 
sespèrent parce que des voleurs Font eraporté. Cette 
explication donnée par le personnage le plus élo- 
quent de la société devint la source d^une infinité de 
commentaires qui font tous autant d'honneur à Té- 
rudition de ces amateurs qu'à l'exécution de ce ta- 
bleau^ qu'il ne faut pas confondre avec un beau groupe 
At% Danaïdes, peint par Mauzaisse. Celui-là est d'un 
M.Lesage.Je parierais qu'il est de cette illustre famille, 
renommée pour faire les meilleures croûtes de Paris* 

« Voyez donc quelle imprudence ! disait une 
vieille maman ; confiez donc votre lingeà ces femmes- 
là. — C'est que la chose est arrivée , reprenait 
l'homme instruit ; rien n'est plus vrai : je l'ai vu sur 



le jotïmalv -^ <>h1 taùU Dieu , s'èci^t Bnè jeunnf 

fille bien gauche- et biei^ frakhe^ comment feroat-*. 

etks potir rentrérdans Paris> elles sont toutes nues.^) 

-^ Tiens ^ eti; v^là qpi apportent de t'eau et qai ea* 

vtu'seht dans leurs^ baquets ci^ime s^lyàvait ençoseï; 

quelque chose dedan's; -^ Soitt-i^elhss fâles et dëfai«« 

tes ! C'est bien fait; pôîtrqiroi n'avoir »pas plus de soin. 

-^ Oh i tegp^et. dbno cellei-d , avec cette ' grussiit 

{(tiguille qui ne veut lattis la iâdrer» . • ! ; 

Paavres Dànaïltes! C'est bien la jpeinè d'être dans. 

l^fer, poilr ^u'on prenne votre tonneau fabuleiUL 

p6ttr un ^uet , les'^peus qui ^^ous dévoreàt pdmi 

des angmities, et les flots daStyie pourde l'eaft de les«^ 

9iye7 Au t^Ète y moi-, je m'en iave Jeis^ mains ;>prenez 

tofus-en kJti&ti ^ianiMrade , qui' n^a pas isu vous conseï^ 

vÀFlatottmdreietle désespoir^ conviennent à ^^e» 

âitmàéeséeùemiemëifonyet tQUtefbkféticitez-vonsdo 

»'étre pas tomfaités; soiis nvoA pinceau , car vous seriis^ 

encore ^nieik aift^ementTidiculesrqué vous.ne Tétea^ 

Pardon^ mun dkr maître , ëi je iais^quelqùefois in? 

teirvéuir aindi 'la physionomie d\a publie dans uà ca«- 

Are destiné âbx C0mpositiomtisil^6jin!ais4^^est qu'en 

térité , pâr>le térns quiicourt^ )e^ spectateurs me isont 

pas'lii pârHè liinoiiis'divertit»MiAie de nos spectaclesf 

* A vous V maihtenant ^ nH . 166 1. ^Un.cantmrempir 

porf€ àsafamilh lefroduUde sa chasse. U paraitquice» 

gens-là VOttt'faire un fier déner ; ik sont- déjà* eiU;o«tr 

résdViies'^ de. cygnes f(ni seront éxcf liens enfriiôasV 

sée /et Toiià que papa Centaaès .apporte encorei u^ 

lion poilr plat ite rét ; ma^amejCeniaum le ileçoitiaAûSf 



um sorte d^atttedHssQinent et toute ti ^iUeCfif^éfUn^ 
n^ caracole de joie. Il n y a pas de meilleure fi^utf^! 
^le celle de ce ùravehomms de çàâç^ 4ont. te» yeui^. 
eà ^oute l'aitilud.e.e!(priTnentle p1aisir/()tt*il éprouva 
à;végaler $afciiiine eè aes eofaii$/ Ce fitia^nm^fiAér 
mè7fo/4?ra long^temsdans la têttf* .-j 

. Quet sujetl quelle ccwiposilloni on règreltclet 
teins., les .couleurs y el la Vaste tk^ilej^inplpyés'à'ua. 
pareil tableau, quand o^'P^efts^* que l'^ateui! q^ 
manque point de talent pbur le dess&ft etlVxprestipn 
destt têics. Maman CeAiuur^. .enilr6]:;autre6 , n'i-: 
tait iia 'démarche un^p^u cavali^^et 34s pieds ferc^^f^; 
pasierait par^dul pour Une femme ft>r4 j^^ikhlf^r m. 
.' ..Victoire !• mes cherl «f^alrè^esi^wJe m^^otisrap^ 
porte pas des )ioiiSf:û9(bi|i^ le pèffenCetalaure^mai^ 
6e()e<hdant j'ai fait hejvné ckasse aissî; Y<^là Jlf^^i^rr 
MiXqoe je vous aiaèB»;*.écarton& .noa cro^te^^p^ntv 
laice place à lajsîenne^ elvite la place .dihooneur k 
un tel récipiendaive. <;- LVïeul éhJitm UTtnQni^À 
Jftanne d'^lèmt une 4ipite d'or dont iriui/er^ mdmu'i 
si cette princesse chatitû mie chanson pédrtiai$fi 4Qn$fU^ 
douleurs de Ven/antémènii, ^ "Xtï ^t^Ji^LsMJ^tjqi^^ 
M. Hévoîl a cfu repii^seuter^ ii|aia il'a^do^i^é'.à^]^ 
jeune mère uneLei^presâïon de décUini oii ,de pru-n 
tteria , une attitude roide et guindée quei.dpîyent 
Venir étudier les actrices ' chargées' du rôle de }IV^\ 
de Pimbêche; et soq Heikri d'Albpel:^<d«Qt Jl^espril 
i^tâit franc et joxîai; comme )6-p]|[ou<i(eik<dli^our)% 
qu'il tient à ^a fille , dontie par la tristissiiil 4^ |oi\ r^. 
^gârd et l' humilité de>«a po8e-U]i.éém«ti(Uiairf)#lâi 



iRd.pMotes. CeortN^ lui ^ rçi^i^M^n^^ $i Ke^^d^I 
^«diaiittt; eE fii:aouc:haRt , ne* serait:' paj. fipmi»^ ^ 

âw3 4ai^;«i.petUiJ4^lQj^a.i c'e^t là:du moins (^l^^dffl5py 

£ô Vëfité^ qi^ttdfjç':tFi()ftye|,pbi^ fluQ.,méfliQpre..Jft 
tjriUeaulAriin pfeîiiflr#;À ^tttj^oii e^|daitid^ ^i^^gr^bles^ 
ÏMiîfn^Uï^ pe^uf^qm^m^ séiîérijté.n^ s^it m^ ;dç. Jj'irri 

3 PariQM:.df^-jC4rèJ'^i!ftw?ï(î7z/;^ Jkmieaif^r.Mriiê^ 

«Qiiipasîiio«».4o«tla.Q«ittie^ et le 4^çi;!ir^ss^n;bjim^ 
si f«c*ir:ce îqiiQ.JAl|it»rqi|e }^ii'^ wcm^^Up»)^^À 
les baptiser 4^ ♦^fifftaitf^gîftWj.Gftttejp^Hyre.Cérès , 

est impetàtptihiti^ >dkVA\v.l^ ^W'i^ï^idç. la fuii^ 
^ renYÎiOfint), d>àvoif iia^istl^fGM;|^ v^i^ cheniii}é§.| 

^t^BaJlà.askpetHlifQhw' i.SLY^'^'fikaLU. coûter d'jéi¥lfV 
clutre./sei kraitelélbcgi« «t 6^$;)4i|ibe$.tO|'fiies., c-^ 
UeniJe pins borribjeijen&mt (piej'a^ )a9iaU jm. .{^ 



» «- »• 



Le 



• • f - » •» 



vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable. 

A propos , vous savez que VOdéon a brûlé Tan 
passé; il y faisait chaud ce jour- là, c'était une 
représentation extraordinaire. Cet incendie fait 



1^8 

lé''s«^èf d'ttii tttblii&li • vers lequel tout U mmAr 
<friï^ comme au (eu, et qui ftBnch»mmt ^er^f b&w 
à y jeter avec le mien. L'auteur d re^ré^ivté le étr-^ 
rière de rédi^cé : t'est là / vei*s la pàftié où^jse tron- 
vent lès boudoirs des ingénuités et dés grandit/^-^ 
çàefitSf que les flanimes ' ont pris naissant^y et W 
l'ëpàriJent avec le ptu$ d'ardeur. Il n'y a poitit-d'é^ 
léignotr pour Un tel ihcendle!' Pompiers; gendarmes^ 
te^ pi«éfet: de polide ,'M. le^ chauceUeV , rien tCffsit. 
Comment M. Picard n'a^t-il'pas eU rèc^rsâi^ til%fr 
des manuscrits ? Nous avons vu )ouer depuis <teils- 
èoià^ie à Favdrt ., qui y opposée au^lammés , aurait 
feHùse superbe défense par sa. ifia»M>'lMombfts^ 
tiUe. Desgrieus \ ^làt>ùn de FhfiAh i'ia Jéunà 
feuviTi là PabétiUe et qiietques autres auraiènl^pné^ 
liervé.long-tems le seul beaii Ih é)tre. de Paria;- 
* Du resté, te tableau est d'on^ fMëlité^sçrupiH 
leuse : les feiutijes qui ^'évanouissent^ 'le régisseii|r 
qui sort p^r la fèâétre , dilférens traits 'de cours^^ 
et d'humanité qui otit signalé cette journée , kji 
vitres cassées , la forme et le nombre desanTcadtsy 
tout s'y trouve, jusqu'à nne atS«hè oiédeeinate.li 
l|ui est peut-être là bien à sd place ;'nuus 'que M 
peintre aurait dû imrùouiUtr cùàmiA te iea^ de som 
tableau vpour. épargner aux mamans les embarras-' 
santés questions des petites filles. P...x« 






n; , 



^^m. 



DIX-NEUVIÈME LETTRE. 

Paris, le i5 octobre iSig, 
Mon CHËA MAITRE ) 

Gustave Wasa , après un règne glorieux de 4o ans, Hersent 
â pris la résolution de remettre son pouvoir et sa 
couronne à l'aîné de ses fils. Il s'est transporté, pour 
la dernière fois , à l'assemblée des Etats. 

Là, sous un dais de pourpre , son trône est élevé 
sur plusieurs degrés couverts de riches tapis. Il est de- 
bout revêtu d'une tunique blanche brodée d'or. Un 
court manteau ie velours doublé d'hermine est posé 
sur ses épaules ; sa tête vénérable est couverte d'une 
plume aussi blanche que ses cheveux et sa longue^ 
barbe. • 

Debout à sa droite , sur un degré plus bas , son 
fils aine , le regard baissé , tient un globe d'or, sym- 
bole du pouvoir que vient de lui confier son père. Il 
est tête nue, sa barbe , ses cheveux bruns , annoncent 
l'âge mûr. Le plus jeune des deux fils du monarque 
est à sa gauche , sur le même degré que son frère. 
Il soutient sur son épaule le bras de Gustave , qui 
porte encore le sceptre d'or ; sa tête , pleine d'ex- 
Ipres^ion, se tourne vers lui. C'est sur ces deux sou- 
tiens que s'appuie le roi pour descendre du trône ; 
il vient de prononcer l'adieu touchant qu'il fait à 
son peuple et lui donne sa bénédiction paternelle. 

Près d'une table sur laquelle repose l'acte d'ab- 

LETTRES A DAVID. 9 



i3a 

^icatiaii , le chancelier d'état , en robe noire bordfée 
d'hermine , la main sur cet écrit , l'autre sur son 
cœur, promet avec respect de veiller à son exé-* 
cution; derrière lui. Tordre de la noblesse, de^ 
bout en longues robes , est rangé à droite sur des 
gradins. Celui des paysans, ayant à sa tête son avocat 
en robe noire, remplit le devant de la scène; l'espace 
qui sépare le trdne de l'ordre de la noblesse est oC-% 
cupé par des guerriers. A côté d'eux est la vieille, 
armure du héros , entourée d'un faisceau de drapeauis 
pris sur l'ennemi. N'oublions pas ces deux charmans 
enfans, pages sans doute, qui, appuyés près du 
trône , derrière le monarque, paraissent encore plus 
émus que les assistans. Une tribune . élevée ofirç 
une jeune princesse et sa suite. 

Le mérite modeste ainsi que les productions des^ 
artistes qui portent ce cachet sont lents à réussir ;^ 
aussi le beau tableau d'Hersent , exposé depuis quel- 
ques jours , n'avait frappé personne , et la foule 
indifférente passait devant lui sans le regarder: tout-* 
à-coup un murmure flatteur appelle l'attention des 
amateurs. Les rivaux de l'artiste s'empressent à pro- 
clamer son succès , lui offrent une couronne de lau^ 
rier , et le public a confirmé ce jugement. Sans doute 
vous lui accorderez , comme lui , votre suffrage. 

On d<Nt louer ici l'invention et l'ordonnance : le 
dessin est d'une aimable corxection , les attitudes 
sii«ples et convenables au caractère de chaque per- 
sonnage. On reconnaît sur toutes les physionomies 
le sentiment d'attfention et d'attendrissement qu'ins- 



i3i 

pire ractiôn sotennelle d'un monarque , idole de $e$. 
sujets. Tout y dans ce tableau , émeut et intéresse ; 
une couleur suave et point ambitieuse fait jouir Toeil 
du spectateur sans le fatiguer. 

Quel beau vieillard que ce souverain octogé*-. 
naire ! quelle expression noble et paternelle ! quelle 
modestie sur le frpnt de son successeur. Il semble 
redouter le fardeau qu'on lui impose. Son jeune frère 
invite , par son regard expressif , son père à s'ap- 
puyer sur lui. Voyez , à droite , ce vieillard de Tpr- 
dre des paysans ; quelle vérité ^e touche de ton et 
d'expression ! et ce vieux guerrier ? On Ut sur son vi- 
sage ses regrets de ne plus servir sous son chef ma- 
gnanime. 

Toutefois , c'est peut-être un tort à l'artiste d'a- 
voir terminé avec autant de soin les objets qui sont 
les plus éloignés. Dans la nature, l'œil n'en peut 
saisir tous les détails , et cet extrême fini refroidît pIu-« 
tât qu'il ne concourt à l'ieffet du tableau. 
. Nous avons observé le soin qu'a pris Hersent de 
peindre les costumes du tems et de la nation siié^ 
doise; ces recherches font honneur à son instruçiion; 
l'habileté avec laquelle il s'est tiré de la pose ingrate 
des paysans ( tournant le dos au spectateurs ) est une 
nouvelle preuve de talent. Nous aurions désiré un 
autre ton local, au fond du dais. Ce pourpre trop clair 
donne un peu l'effet du carton aux vêtemens de Gus- 
tave , et nuit à l'harmonie. Félicitons Hersent d'a- 
voir mis à profit les leçons du maître et de ses ému- 
les. Son tableau décèle le génie de la composition ; il 



lia 

ptoure quMl est aussi bon dessinateur que coloriste 
habile. lia su , distribuant la lulnière et les masses 
d^orobre avec goût et discernement, calculer les ef- 
fets heureux qui produisent l'harmonie sans nuire i 
la vérité. 

On assure que Mgr le duc d'Orléans qui avait com-^ 
mandé ce tableau à un prix déterminé , a trouvé ce 
prix tellement au-dessous du mérite de l'ouvrage, qu'il 
a résolu dé tripler les honoraires de l'artiste. 
Prudhon. Etranger à toute rivalité personnelle , non-seule- 
meut par votre talent, mais encore par votre éloigne- 
ment , c'est d'une région supérieure , et déjà comme 
la postérité , que vous jugerez des travaux de yos 
émules et des progrès de vos nombreux disciples. 

Vous vous rappelez que l'on reprochait àTrud- 
hon de ne tenir à aucun mattre de l'école , et l'on 
ignorait auquel il devait le talent vraiment original 
qui le caractérise ; il pourra dire comme le cardinal 
d'Ossat : Je suis fils de mes œus^res. Il fut le dernier 
dé ces élèves que chaque année les états de Bour- 
gogne couronnaient. Ce fut par cette protection qu'a- 
près avoir gagné -le grand prix à Dijon , il fut en-' 
Voyéà Rome , où il étudia pendant cinq ans. Il re- 
vint à Paris, et dans un silence modeste continua de 
cultiver un art qu'il aime avec passion , et dont il a 
approfondi les charmes les plus secrets. Il semble 
que son pinceau fut par la nature destiné à rendre 
les objets gracieux. Il vient d'exposer un tableau de 
V Assomption de la Fierge. Il a développé dans ce sujet 
usé tous les attraits de la jeunesse et de la nouveauté» 



^r ..-, 



i33 

I 

1a vierge s'élève majestuenlsemeiit dans les airs , 
les yeux et la tête tournés vers le ciel; ses bras 
étendus semblent aider à l'y faire monter ; Rapbael 
€t Gabriel la soutiennent de leurs mains angéliques 
et plusieurs autres génies Tenvironnent et la sup^- 
portent dans le vague aérien; une couronne d' en- 
toiles plane au-dessus de sa tête, déjà entourée d'une 
gloire rayonnante et où s'agite une foule innom* 
brable d'anges et de séraphins qui , groupés à Ten- 
tour, semblent raccompagner de leurdivins.concerts. 

Une tunique blanche, arrêtée par une ceinture , 
dessine le corps sveite et gracieux de la vierge ; 
une draperie d'un bleu, céleste , que le vent soulève , 
forme son manteau; un voile léger s'attache à sa tête exr 
pressive^ Les vêtemens des anges, quoique de couleurs 
plus fanfiéeSfSontailégés parla vapeur de l'air et produi- 
sent un effet harjnonieuxpar leur. savante opposition. 

Si quelqu'un a révéla béatitude céleste , s'il s'est 
fait une idée de la beauté des anges ,. si son imagi- 
nation l'a transporté au milieu des sphères célestes, 
il croira son rêve réalisé. 

L'exécution de ce tableau a de la suavité et du 
charme, malgré l'ingratitude d'un fond jaune qu'il 
a fallu donner à la glçire ; mais l'artiste ,.en distri- 
buant de larges masses d'ombres transparentes , a 
rendu ses lumièires plus piquantes et l'ensemble du 
groupe plus vigoureux. Nous croyons que cette pro- 
duction n'est pas exempte de défauts; mais, nous l'a^ 
vouons , séduits par son effet nous ne nous sentons 
pas, le courage de. les rechercher, 



i34 

Après avoir r^nda justice aux créations idëates de 
Prudhon , on pourrait croire qu'il voit tout à tra^ 
vers le prisme de son imagination; s'il s'élevait 
quelque doute sur son respect pour l'imitation de 
la nature , l'examen de ses portraits convaincra 
que la poésie dé l'art , qui est un mensonge , peut 
se concilier avec la vérité, qui est le but de li^ 
peinture, 
yigneron. Christophe Colomb, pour prix de la découverte 
qu'il fit d'un nouveau monde et des trésors qu'il en 
rapporta , fut chargé de chaînes et privé de sa li- 
berté , tandis qu'Àméric Vespuce hérita plus tard 
de la gloire et de la fortune qu'il avait méritées. Fer- 
dinand et Isabelle , entourés de calomniateurs , mé- 
contens de l'intégrité de Colomb ou jaloux de son 
autorité , écoutèrent des insinuations perfides et re- 
vêtirent l'ambitieux Bovadilla de tout leur pouvoir. 
Il partit pour Hispaniola , et dès son arrivée en 
Amérique il fit charger de chaînes le grand homme 
et le fit embarquer sur un vaisseau , sans at- 
tendre , comme il en avait l'otdre, que la cul- 
pabilité ide l'amiral fût reconnue. II recueillit les 
délations les plus absurdes et les envoya en Espagne 
avec la victime de son iniquité. On raconte que 
le capitaine du vaisseau ^ touché du malheur et de 
la résignation de Colomb , voulut lui faire ôter 
ses fers. « Non , répondit-il , je porte ces fers par 
ordre du roi et de ta reine; f obéirai à ce commandement 
comme à tous les autres ; leur volonté m* a dépouillé 
4e ma liberté , leur volonté seule peut me la rendre, ^ 



.e, 1 



M*^ 



i35 

. A son arrivée en Espagne , Ferdinand et Isabeire 
sentant leur imprudence d'avoir si légèrement confié 
le sort de ce grand homme à son ambitieux ennemi, 
se hâtèrent de le mettre en liberté , dans la crainte 
d'être accusés aux yeux de l'Europe de la plus 
noire ingratitude. lis l'invitèrent à venir à la cour, 
lui promirent de le réhabiliter dans son autorité , 
mais ils ne tinrent japiais leurs promesses. Colomb 
indigné portait partout &es fers et en montrait les 
marques. Il voulut même qu'ils fussent enfermés 
avec lui dans la tombe. 

C'est ce fait même qu'a voulu retracer Vigneron ; 
il a représenté Christophe Colomb sollicitant l'équité 
de Ferdinand et d'Isabelle en leur montrant la trace 
des fers dont il avait été chargé si injustement. Us 
sont assis sur des sièges de velours dorés, de manière 
que le spectateur ne voit leurs têtes que de profil et 
leurs corps que par le dos ; le roi , couvert d'une 
toque noire ornée de plumes blanches , vêtu de satin 
blanc et d'une fraise à l'espagnole ; la reine , en 
cheveux lisses , coiffée d'un diadème , considèrent 
avec attention le hardi navigateur auquel ils doi-* 
vent tant de richesses et de si hautes espérances. Il 
€sjt vêtu de noir et en costume génois ; il a en main 
ces mêmes fers qui ont laissé. des traces plus pro- 
fondes encore dails son ame que sur ses membres 
Kieurtris* On voit, posée sur une longue tablette, les 
nombreux échantillons des mines d'or dont il a fait 
b découverte et l'hommage à ses souverains.. 



/ 



i36 

Ce tableau a quelque chose de piquant et d^ori- 
ginal dans sa composition. Nous ne savons si nous 
devons louer ou critiquer la hardiesse du jeune ar-» 
tiste , de n'avoir offert les souverains de Christophe 
Colomb que comme personnages secondaires parleur 
position dans ce tableau , tandis que celle de Tami-. 
rai, qui devrait être plus près de Fœil, comme princi-» 
pal personnage, semble en être éloignée. Nous laisse-^ 
rons décider aux maîtres, et nous nous bornerons à 
louer le bon ton de couleur et le dessin de ce tableau* 

Le spectacle qui semble pour le vulgaire ne pré*- 
senter qu'unintérêt momentané, est souvent pour Fob- 
servateur la source de méditations profondes ; il de* 
vient quelquefoispourlepoèteuneinspirationsublime; 
heureux le peintre qui peut leurassocier sontalent.en 
rappelant au premier ses graves réflexions, en excitant 
aux yeux du second le sujet qui a excité sa verve. 

Tel est le deuxième tableau de Vigneron. Çest aux 
dernières lueurs d'un soleil couchant , à l'entrée du 
dernier asile qui attend les humains , que l'artiste a 
trouvé la scène simple et touchante qu'il vient de 
retracer. Un corbillard attelé de deux chevaux noirs ,. 
conduit par un cocher vêtu de deuil , est prêt d'en- 
trer par cette porte fatale dont nul ne sortira jamais. 

Vous cherchez vainement les parens il était seul 

au monde. Des amis ? il n'en avait plus : il était 

pauvre. Arrêtez ; il en avait un seul, fidèle.^ 

sincère : il suit tristement et tête baissée le char: 
funqbre ; c'est un vieux chien. Sterne , que ta plum<s. 



fc'^a-t - elle décrit -ces obsèques du pauvre l Nous ne 
pouvons décrire que le tableau. 

Le jeune artiste a eu raison de nommer son sujet 
Scène d'après nature. Il y a mis une vraisemblance par- 
faite ; on se croit près du cimetière Montmartre ; on 
reconnaît Tallure des chevaux habitués à cette triste 
route , Tattitude insouciante et négligée du cocher 
mercenaire ; le vieux et fidèle caniche excite en se 
traînant derrière son maître un sentiment qui ac- 
cuse toute rinstabilité des affections humaines. 

Nous croyons ce petit tableau digne de vos éloges. 
Il a atteint le but de Part ; il émeut par le sentiment 
et la vérité. L^exécution estenharmonieavecle sujet. 

P. V. 

VINGTIÈME LETTRE. 



On se plaint depuis long-tems de la foule de por- Portcaits. 
traits qui tapissent les murs du Salon à chaque ex- 
position; le public en est ennuie et les artistes s'en 
irritent. Cependant , comme il serait insensé de 
chercher à déraciner un abus fondé sur la vanité des 
familles et sur l'intérêt des peintres , et comme les 
Titien, les Yandick et les Mignard sont parvenus à la 
postérité avec des portraits , il est utile d'exercer une 
critique raisonné sur cette partie inévitable de l'art. 
. C'est d'ailleurs le seul moyen de faire entrer le Gérard, 
nom de Gérard dans cette correspondance ; ce grand 
peintre n'a offert dans le Salon actuel qu'un tableau 



i38 

i notre admiration et c'est un portrait en pied do 
la duchesse d'Orléans et du jeune duc de Chartres^ 
son fils* Quand Gérard fait on portrait , on dirait 
Voltaire tournant un madrigal et l'on sait comme 
il s'en tirait* Si la perfection est quelque part dans 
les ouvrages des hommes, il faut peut-être lâcher* 
cher dans les productions d'un genre inférieur au-* 
quel de grands talens ont apporté toute la supé-* 
riorité de leur nature. Le lion badine quelquefms, 
mais sa puissance se décèle dans ses jeux comme 
dans ses combats. Le nouveau portrait exposé par 
Gérard possède la parfaite ressemblance , le ton na^ 
turel des chairs, la grâce de la pose , la richesse et 
le goût des omemens. L'habit de cour de la duchesse 
contraste agréablement avec l'uniforme de hussard 
porté par son fils, et la monotonie qui eût pu résulter 
de l'aspect de ces deux figures debout est habilement 
sauvée par la diversité des attitudes et des expressions. 
6ros. Gros estlmn d'être aussi heureux dans le portrait 
que dans quelques-uns de ses tableaux d'histoire. On 
serait porté à supposer que cette habile coloriste , ce 
dessinateur si pur et si hardi , ploie avec peine son 
imagination et l'audace de son pinceau à la minu^ 
tieuse régularité , à la grâce élégante et naturelle 
qu'exige le portrait; celui de M*"* la comtesse de la 
Riboîssière confirme pleinement dans cette idée. 
Placé à côté de l'embarquement de la duchesse d'An-» 
goulème, il attire tous les regards et malgré la dis- 
crétion du liçret , l'image est tout juste assez fidèle 
pour que les 'personnes qui ont yu une seule fois 1q 



■^■•^ 



i39 

modèle ne puissent Vy méconnaître. Mais c'est nn 
miroir désenchanteur qui reproduit correctement les 
formes et les traits sans réfléchir ni les grâces du 
maintien , ni Tesprit de la physionomie. La pcse de 
M"*^ de la Riboissière , assise sur un canapé , parait 
gênée ; son attitude n'a point de souplesse ; le ton 
des chairs , un peu flagellé , se confond trop avec la 
robe d'un xose vif, et le visage sensiblement gonflé, 
manque de douceur et d^expression. Il faut regarder 
comme un malheur Tespèce de ressemblance de ce 
portrait ; on se .sait mauvais gré d'y reconnaître une 
jolie femme; ou plutôt, puisqu'il ne plait pas, il n'est 
ppint ressemblant. 

Au reste , Gros a pris victorieusement sa revanche 
dans le portrait dut:omte Alcide , son élève ; rien 
de plus animé , de plus vrai , que cette figure ; il y a 
dans cette tête une expression d'artiste jointe à une 
sorte de dignité dont il résulte un effet singulière- 
ment neuf et pitoresque. Tout est admirable dans 
ce tableau , et comme il faudrait en citer chaque 
partie, je me contente d'indiquer la main gauche du 
comte Alcide. Gros lui-même n'a jamais porté si 
loin la perfection du dessin. 

Me voici arrivé à un peintre de portraits propre^ Robert- 
ment du. Lefèvre a long-tems tenu le sceptre du 
genre , mais il faut avouer qu'il partage maintenant 
l'empire avec plusieurs jeunes ambitieux dont la 
redoutable concurrence pourra bien finir par le dé- 
trôner. Il paraît d'ailleurs que fort d'une vogue et 
d'une (réputation établie sur des titres nombtreux et 



îvre. 



1^0 

irrëcnsables , Robert - Lef^vre commence à mettre 
du laissez-aller dans sa manière et à traiter nn peu 
lëgèrementles figures les plusgraves soumises àla tra- 
duction de son pinceau. Qu'il y prenne garde ! le/?or- 
trait ne souiTre pas la médiocrité, et Ton a raison d'être 
exigeant pour la parfaite exécution d'un genre qui ne 
comporte guère d'autre difficulté ni d'autre mérite. 

Son buste du prince de Solms est ressemblant ; 
c'est le premier devoir d'un portrait ;. mais un 
peintre a encore d'autres obligations à remplir , 
et si l'on compare cette nouvelle production de 
M. Robert - Lefèvre à plusieurs de sts atnées ^ 
on s'apercevra bien vite de tout ce qu'elle laisse à 
désirer sous le rapport de la couleur et de la finesse 
de la peinture. La même observation peut s'^ippli- 
quer au portrait de M. de Sommariva , cbef d'esca- 
dron ; elle n'aura pas, sans doute , échappé au goût 
éclairé et au jugement si sûr de M. de Sommariva 
père. Il est impossible de prononcer ce nom sans 
une bien juste vénération inspirée par Talliance , si 
rare aujourd'hui , des faveurs de la fortuné avec la 
passion des arts et une noble générosité. Voilà du 
moins une opinion , mon cher Maître , pour laquelle 
je n'ai à redouter ni la vôtre , ni celle du public. 

Oh! la belle robe ! s'écrie -t -on, en apercevant 
le portrait de M"® la comtesse d'Osmond. N'y a-t-il 
pas quelque maladresse à un peintre d'eflacer ainsi 
sous des flots d'or et de pierreries les formes déli- 
cates de son modèle P Quel teint de rose pourrait 
tenir au voisinage de quatre-vingts rubis ^ et quel 



Ut 

ttgard , eût-on six cent mille livres de rente , en-' 
trera jamais en rivalité avec le feu d'une triple ligne 
de diamans ? Des personnes patientes et minutieu- 
ses qui sont parvenues à découvrir M"**^ la comtesse 
d'Osmond à travers tant et de si belles choses , pré- 
tendent qu'en cherchant bien , on y retrouve une 
partie de ses grâces et la touchante expression de sa 
physionomie ; je prendrai mon tems pour m'assurer 
de la vérité de cette assertion. 

Aucune des critiques que je viens d'adresser à 
Robert-Lefèvre n'est applicable à son portrait du 
feu marquis de Lescure. Comme la pose et l'expres- 
sion de cette tête sont bien celles d'un pieux com- 
battant ! Avec quel béatitude il regarde ses soldats 
prosternés pour un moment devant la • croix du 
Dieu qui est mort pour eux , et pour qui ils vont 
peut-être mourir ! avec quelle héroïque ferveur il 
adresse lui-même sa prière au Dieu des armées ! Le 
Iwret nous apprend qu'il demande au ciel la grâce 
d'exterminer les bleus , c'est-à-dire des Français. Il 

manquera toujours quelque chose aux Vendéens 

ne fût-ce que d'autres ennemis. 

Encore un chef de la Vendée ! Charrelle , séparé rîn. 
des siens et couvert de blessures , défie et braçe encore 
les républicains. Ce portrait , peint par Paulin Gué-* 
rin, soutient la comparaison avec ceux précédemment 
exposés par l'auteur. Les traits délicats et animés de 
Charrette y sont bien retracés ; quelle action ! quel 
mouvement dans cette figure ! quelle verve de com- 
position! comme tout cela serait beau... si l'onaper-^ 



eevait dans le fond du tableau quelque AnglaU 
fuyant ou quelque Prussien rendant Les armes ! 

C'est le ministère de la maison du roi qui a corn-* 
mandé ces deux derniers portraits. Il y along-tems que 
les ministres ne savent plus consulter le sentiment 
des convenances nationales. L'histoire rendra justice 
à rintrépiditë et au dévouement de ces chefs de 
guerre civile ; mais il faut garder les monumens des 
arts et sur-tout les monumens officiels pour les guer- 
riers qui n'ont combattu que des étrangers et dont 
les Te Deum n'insultaient pas aux pleurs de leurs 
compatriotes. Je ne me rappelle pas que le dernier 
gouvernement ait fait revivre sur la toile les combats 
de Savernay et de Noirmouiiers j où des Français ont 
remporté la victoire sur des royalistes. 

Reposons nos yeux sur l'image de la duchesse de 
Berry. La pose de la figure , les ornemens , les ac- 
cessoires , la vérité de la couleur , ce costume napo- 
litain dans toute son élégante itrangeté , tout est 
charmant dans ce portrait , dont le dessin est d'une 
correction et la peinture d'une finesse qu'on admi- 
rerait même dans la patrie de son modèle* 

Les autres portraits , en grand nombre , exposés 
par le même artiste , quoique moins importans , sont 
autant de preuves de son talent et de sa fécon- 
dité. On remarque entre autres celui du maré- 
chal Macdonald , qui ne laisse rien à désirer sous 
le double rapport de la ressemblance et de l'art. 
Paulin Guérin doit s'efforcer à mériter de plus 
en plus les suffrages des connaisseurs ; il leur a donné 



143 

le droit d'être difficiles , et puis le nom de Guirin dmt 
toujours Tempécher de dormir. 

Nous devons , celte année , six portraits an pni* Kînsoo. 
ceau de M. Kinson ; ils sont tons dignes de sa réptt*^ 
tation. Celui du duc d'Angoulème, en habit de 
grand-amiral, e^^t d'une beauté remarquable. Le 
prince est représenté debout , près d'un port de mer 
où sont jetés ça et là des ancrés , des cordages , des 
avirons. II était impossible de donner plus d'ex- 
pression et plus de grâce à un portrait d'apparat qui 
doit nécessairement être d'un caractère grave et 
sérieux. 

Le portrait de la ducbesse'^^'^avec son enfant, 
est plein àe charme. Je ne m'y arrête pas , parce que 
rien ne contrarie comme de ne pas connaître le nom 
des personnes dont l'image seule est si agréable. 

Par exemple , on n^aurait besoin d'aucune indica- 
tion pour reconnaître Fleury , dans son portrait 
frappant de vérité et de naturel , peint par M*°® De- ^ 
romany ( Adèle Romany ). Tout l'esprit de la phy- 
sionomie du grand comédien , toute l'aisance de 
son maintien sont là. C'est sans contredit un des 
' portraits les plus distingués du Salon sous le rapport 
de V altitude et de V expression. Plusieurs antres du 
même auteur soutiennent honorablement la réputa- 
tion des dames parmi nos artistes. 

Parmi ellcsse distingue au premier rang M*** Bon- J^"** Baufeîl* 
teiller. On n'a pas oublié ses beaux portraits au Sa- 
lon de 1 8 1 7 ; quatre nouveaux sont venus à l'expo- 



N 



sition actuelle conquérir les suffrages des amateurs^;' 
On remarque sur-tout le portrait du général***, dont 
je puis très-bien suppporter V incognito , attendu qu'il 
porte un uniforme rouge. Il n^enest pas moins vrai 
que pour la vigueur du pinceau ,. Féclat du coloris et 
la dignité de la pose et de la tête , on trouve peu ^e 
compositions de ce genre , au Salon , qui puissent lui 
être comparées avec avantage. 

Un autre portrait que tout le monde parait affec- 
tionner de prédilection , et que M'^" Bouteîllef sem--- 
ble avoir singulièrement soigné , c'est celui d'une 
jeune femme vêtue d'une simple robe blanche , les 
bras nus, et un mouchoir des Indes, couleur de 
pourpre , passé dans ses beaux cheveux noirs , ^ 1» 
manière des. Créoles. Il est long-tems resté exposé 
entre les tableaux ( j'allais dire les portraits ) d'Hé<* 
loïse et d'Âbeilard ; on ne se lasse point de contem- 
pler l'élégante simplicité de cette gracieuse figure , 
assise , un livre à la main , sous de hauts palmiers , 
danis l'attitude de la rêverie : il y a tant de grâce et 
à-*la-fois tant de noblesse dans san maintien;. ses 
traits sont si harmonieux, et sa physionomie si ex-- 
pressive , l'esprit est tellement marié à la douceur 
dans son regard et dans son sourire, que tous ceux 
qui ne savent pas que c^est le portrait de M*"* de 
Barente , croient tout bonnement que le peintre est 
un flatteur . . St- A . • . • 



/ 







^j,^/"î'.^ar/i--, ■ AJraJ/ î'jn*™-- y.-„/^'/ 



i45' 

VINGT-UNIÈME LETTRE. 

Paris, le 23 octobre 1819. 
Movr CHEtl MAITRE , 

L'îHusfrè auteur de la Jérusalem délivrée fut ac- Ducîs. 
tablé des persécutions de l'orgueil ; on ne rendit jus-* 
.tice à son talent que quand Tâge et l'infortuné 
eurent détruit les sources de sa vie. Il ne lui res- 
tait plus assez de forces pour supporter des honneurs 
tardifs , et il mourut la veille de son couronnement 
au Capitole. Clément VIII /en lui décernant le 
triomphe , y avait ajouté ces flatteuses, paroles t 
tt Vous honorerez la couronné qui Jusqu'à ce jout 
a honoré ceux qui l'ont obtenue. *< La mort prévint 
les intentions du pontife; mais on ne voulut pas que 

■ 

le poète fût privé' des honneurs qui lui étaient des- 
tinés , et lé cardinal Cinthio fut chargé déporter ce 
laurier sur la tête inanimée du Tasse. 

C'est le moment même où ce cardinal pose 
tètte couronne que deux de nos artistes ont choisi 
pour sujet de leurs tableaux. Les deux toiles sont de 
petite proportion , et à peu près dans les mêmes di- 
mensiohs. 

Dans une cellule du courent de Saînt-Onuphre , 
'éclairée par des vitraux , gît sur une couche mo- 
deste , couverte de draperies blanches , la dépouille 

LETTRES A DAVID. 10 



i46 

mortelle du Tasse. Le chevet où repose sa tête, 
un peu élevée, est au-dessous de la croisée; deux 
cierges brûlent à côté ; Pun éclaire un moine vêtu 
de blanc qui est agenouillé et lit les psaumes ac- 
coutumés. Le cardinal, revêtu de la pourpre romaine, 
étend le bras et va offrir ce laurier stérile aux mânes 
de celui qui avait si bien mérité de Tltalie. De jeunes 
pages sont derrière le cardinal; Tun d^eux présente suc 
un carreau de velours l'immortel ouvrage du Tasse. 
Un jeune homme , en pourpoint vert , armé ^ semble 
être un écuyér ; sa tête exprime une attention dou- 
loureuse ; plusieurs spectateurs considèrent cette so- 
lennité, tandis qu^on voit descendre en silence et 
deux à deux, par un escalier qui est en face » tous les 
moines de saint-Onuphre. 

Cette compositionest ordonnée avec intelligence, 
colorée avec chaleur, et les efTpts sont observés en 
peintre. Les têtes des pages sont d'un beau choix; 
on doit louer Texpression correcte qui se peint sur 
la physionomie des moines; si leurs têtes ne se con- 
fondaient point, par le ton, avec leurs véteinens, l'on 
aurait que peu de reproches à faire à ce tableau; 
l'artiste y a mis un ordre qui satisfait le spectateur 
et ne laisse d'indécision ni dans l'action des per^ 
sonnages , ni dans le rôle qui leur convient! 

Ce dernier éloge est malheureusement la critique 
de celui de M. Ducis. L'action principale çst I^ 
même : le lit , posé en sens contraire , est dans un 



M^oagau 



vestibule^ tar on voit au^dehors une filé de moiiied 
portant desflambeanx allumësi C'est letfr lumière qui 
éclairecetté scène hlgub]^é, laquelle semble plus pom-^ 
peuseque la précédente , parce que le cardinal est 
accoitipagné d'une partie de son clergé. Nous devons 
à Ducis quelques obsei^vations qui semblent lui être 
ë(^happéés dans Texécution de ce tableau» S'il est 
vrai que ce soit une scène de nuit, il ne doit point 
Ignorer que dans les ténèbres il n'existe plus da 
couleur locale; et que celle même qui reçoit la 
lumière du feu est totalement modifiée par son effet, 
qu'elle est, poui! ainsi dire, dénaturée. L'artiste a 
peint comme s'il offrait une scène au grand )oar« 
L'ambition de produire des effets ne doit point faire 
céder leâ prin(îipes, ni oublier la nature et la 
vérité. Une musique de fifres et de claiirons étonne 
d'abord noire oreille, mais elle cesse bientôt d'être 
agréable. Moas pensons que. le peintre a travaillé 
avec un peu trop de précipitation, qu'il s'est trop 
pressé pour jouir ^ en un mot, qu'il a sacrifié le prin«» 
cipal à l'accessoire. Ducis a donné des preuves 
^'un talent précoce , il n'a qu'à modérer sa manière 
de sentir et d'exprimer , nous aurons bientôt à le 
louer sans réserve. 

Voici un su)et qui fait honneur aux sentimens du Majnîer; 
peintre; c'est peut-être unconserl tacite à ses com- 
patriotes de ne point laisser dans l'oubli ceux qui 
ivL\ honoré leur pays, et dont le$ noms sont. pour 



au-dessus. CetU composition est digne d'at^ 
tirer le regard des connaisseurs. Le dessin en es4 
pur etsvelte; mais la couleur en est plus éclatante 
^ue vraie ; les ombres des chairs , qui doivent être 
légères et transparentes , nous paraissent d^un ton 
.trop noir ; on songe trop au peintre et à ses moyens : 
Tart est de cacher Tart , comme Fa fait Maynierdans 
le tableau de Phocian. 
Tsagonard. Les deux tableaux que Fragonard vient de mettre 
à Texposition sont , pour ainsi dire , son début dans 
le genre historique , mon cher Maître ; connu par des 
dessins pleins de goût et de fermeté , il travaillait k 
étudier la couleur et ses éfTets-. Le choix de ses sujets 
est heureux ;. il a retracée dans le premier, ce mo- 
narque français régénérateur des arts.. 

Près d'un autel élevé sur un degré , François P' ^ 
revêtu d^une tunique de satin blanc , couvert d'une 
toque noire ornée de plume, pose la main sur l'Evan^ 
gile et prend le Ciel à témoin de Tobligation qu'il 
contracte de remplir les devoirs de chevalier. Bayard 
assis, le casque en tête, couvert de son armure de. fer 
et d^un long manteau , attend la fin du serment dQ 
son roi pour lui Conférer Tordre de la chevalerie. 
Un prélat invoque , debout , les yeux baissés , les 
mains jointes , les faveurs du Ciel pour Tauguste ré' 
cipiendaire ; la reine et Marguerite , scçur du roi ^ 
3Qnt assises; celle-ci tient en liaisse une levrette 
Uaocbeji symbole de aa fidèle amitié pour son frèjce i 



de jeunes pages présentent sur des carreatnc Tëp^e 
et les gants du monarque ; des bannières de diverses 
couleurs, portées par des guerriers, flottent au-dessus 
des assistans et remplissent la tente qui sert de temple 
à cette solennité. I^'œil s'arrête avec complaisance 
sur le goût qui a présidé à cette composition ; il e^ 
impossible de mieux faire les draperies et \ek acces- 
soires; le dessin est ferme et bien arrêté , les deux 
femmes sont éclairées de manière qu'elles ne perdent 
rien de leurs agréméns. On ne voit Marguerite qtie 
par derrière , et sa robe à. la mode du tems ,.dans la 
demi-teinte , est d'un effet doux et agréable , et con- 
traste avec les tuniques foncées des jeunes pages qui 
sont dans l'ombre et forment d'heureux repoussoirs ; 
ce qui' n^empécbe point qu^ott ne distingue leurs 
jolies têtes. Quelques enfans de chœur sont pleins 
d'onction et d'innocence : on regrette que la figure 
iprincipale paraisse trop courte : on sait que Fran- 
çois I** avait six pieds ; sa tête n'offre pas sa res- 
semblance liistorique. Ce tableau est d'un ton ar^ 
gentin , il a de Tharmonie ; mare Tartistei qui semble 
avoir pris Paul Véronèse pour modèle iajis sa cou- 
leur , aurait dft l'imiter dans la vigueur de ses effets. 
' Henri IV, dans le second tableau, est représenté 
debout, dans son costume de velé^r» noir ; il serre 
la main- de SuHy , qui esta sa droite, et jette un re- 
gard d^ndignation sur Gabrielle d'Estfées, qui avait 
osé le traiter de çalet. €e bon prince iemble lui- dire. 






i5a 

qu'il trouveraient plutAt dix maltresses coinine elle , 
qu'un ami comme celui qu'elle avait «flens^. Ga-r 
brielte, assise et la tête penchée, est prélcàs'ëvanonir. 
L'efTet de ce tableau noua a paru blafard et an-des-? 
sous du précédent; les têtes d'Henri IV èl de Sully 
ne sont nî ressemblantes , ni expressives; celle de 
Gabrielle est fade et dans ane pose peu avantageuse 
àsa beauté. Si ce n'était le dessin , qiii est correct , 
et l'exécutian de quelques draperies , doui n'aurions 
aucune louange à donner i ce tablea:u. F-'V. 



VINGT-DEUXIEME LETTRE- 

Il y a trente ans , mon cher Maître , qu'un homme 
(& donn^con^ti^iM; n'aurait pasosé prononcer le nom 
de Jeanne d'Arc sans rire. Il était, pt^ur .ainsi diçe, 
passé en proverbe qu'on ne pouvait parler. sérîeuae-n 
ment d'une femme chantée par Chapelain et ridicuT 
lisée par Voltaire , qui a fait un charmant poème et 
$ur-to|it une, mauvaise aciiion. Ce ne sont point, quel-; 
ques impiétés par trop philosophiques , quelques 
peintures plus que -cyniiques , dont on paut lui fait* 
un crime : la poé^e a ses licences, et l'espcit.tl la 
grâce fbntpardoiuur bien des choses f>uaÎ3.c'<i$td'af^ 



i53 

Uae jeune fille , inspirée f^th Ciel ou par Ta-n 
mour de lia patrie^ qiiitte son Tieqx père et la paisç 
du hameau natal; elle vase présentera Charles VI).| 
qui perdait nonchalamment son royaun^ , lui de-r 
mande, une épëe , et, bergère , combat comme un 
^evali^r français i elle fait passer Théroïsme de 
son ame dan3 celle des soldats découragiés , dispersa 
\e$ hordes étrangères r sauve Orléans y le dernier 
rempart de la France., coarouAe.^on roi dan$ 
Reims, et lâchement abandonnée de ce roi qu'elle 21 
fait mtorieux , va périr à Roueft .dans un affreujç 
supplice, commandé par Thypocriie férocité de quel- 
qjïes évéques et Tatroce vei^geançe des Anglai$^ 
Certes , tout cela est f<^rt plaisant ! voilà un beau 
sujet de sarcasme et de dérision ! Quand ou a fait 
de cette histoire un poëme burlesque , on peut har-r 
diafient se dire l'homme le plus gai de s^n siècle. 

Cependant Voltaire avait parlé , Voltaire avait ri , 
personne en France «^'ouvrit la bouche pour venger 
)a vertu , deux fois immolée. Il (atliit que , long-tems 
après , un poète allemand , riHu^tre Schiller , prH 
à cœur notre, gloire et wqs fît rougir et pleurer de-^ 
vânt Jeaiine ^'^Arc, réhabilitée par son. admirables 
tragédie. Enfin '^ soit que de grand)S;éeri vains çûU't 
teraporainsT <nou^ ^enl réconcilié» avee lei» raoDur^ 
^hrëtioniufts et les sujets nâtfftmmx {Momestieafac/ù ), 
«oit que la Véiritéet la v^rtu doivent tôt on tafdtriooFr 
fhtiç 4e&9ulKtfUtéa;dU: t^el' esprit? et de^ persécution» 



àS4 

du génie même, soit que deux invasions d'un miflion 
d'hommes aient révélé aux Français le prix et le mé- 
rite d'une hérmne libératrice, nous avons eu, Thiver 
dernier, Textréme bonté de souffrir Jeanne d'Atc sur 
notre scène , malgré le double ridicule de son inspi* 
ration miraculeuse et de sa plus miraculeuse virgi- 
nité , et nous avons applaudi , dans Touvrage de 
M. Davrigny, des vers pensés et écrits en bon fimt^ 
çais. Depuis ce succès, qui fait autant d'honneur au 
public qu'à l'auteur, la chance a bien tourné pour 
notre glorieuse amazone , et c'est maintenant à qui 
de nos poètes lui paiera le tribut d'un ode ou d'une 
élégie. Mais le pins beau monument élevé à sa mé- 
moire sera sans doute l'épopée qui ^ous est promise 
par un jeune poète qui , retiré dans une profonde 
solitude , renonce au monde pour la gloire , et flatte 
déjà nos espérances par ce courage qui n'appartient 
qu'au talent. 

La peinture a voulu payer son tribut. Les pucelks 
sont en foule au Salon ; on n'en a jamais tant vu dans 
des cadres. Jeanne d'Arc y est représentée dans les 
principales situations de sa trop courte earrière, et 
da vie , presque tout entière , y passe devant . les 
yeux. C'est avec un double intérêt que nions voulons 
vous entretenir de ces productions de nos artistes* . 

L'hermitage de Yaucouleurs est situé anxiconfins 
de ta France, en Lorraine^ près d'u^e* eiMne agreste 
au bas de laquelle serpente la Meuse. iDinTéiiàrabie 



iri«A«BMto^i*a« " 



-1 



i55 

.cénobite y a fixé son séjour. Là, sous un vestibnle 
formé par des portiques soutenus de légères co- 
lonnes de pierre y est un autel rustique qui porte l'i- 
mage de la Vierge. C'est au pied de cet autel que , 
xhaquc jour , aux premiers rayons du soleil , le soli-« 
taire vient apporter Thommage pieux de ses prières. 

Un matin, tout entier à cette sainte occupation, 
il entend près de lui les accens d'nne voix émue. 
Il se retourne et voit avec surprise une feune fille 
qui compte à peine seize printems; de simples habits 
villageois couvrent sa taille forte et prononcée ; 
elle est agenouillée , et par son geste expressif sol- 
licite la bienveillance et Tattention du respectable 
liermite. 

C'est Jeanne d*Arc. Un songe mystérieux a trou- 
blé son sommeil , elle a besoin de le consulter. 
« Daignez , dit-elle , mon pêne , écouler mon récii: 
» Dieu m* a choisie, moi, jeune et pauvre bergère , 
» pour délivrer Orléans , faire sacrer le roi Charles VII 
» et sauver la F^rance envahie, n 

On croit entendre ce discours sortir de sa bouche 
ingénue ; on écoute les exhortations du saint hermite« - 
L'artiste a mis beaucoup d'art à rendre la vérité: 
Ces personnages ont tous deux l'expression qui fait 
naître l'intérêt. Le paysage, qui rappelle le site lor- 
rain, semble tracé d'après nature ; il termine heu- 
reusement Phorizon , qu'on aperçoit par ces porti* 
ques à trayecs lesquels paisse le soleil , qui écldre en 



rfa-t fa 



i56 

partie le vestibule. Cet effet est tellement juste qu'il 
produit rillusion. 

Ce tableau n'est pas savant , il est mieux que cela , 
il est vrai. La couleur n'est point systématique , et le 
faire de l'artiste n'a pas à redouter, pour cette fois, 
le reproche qu'on lui a fait souvent , de refroidir les 
effets deses compositions en finissant trop sa peinture. 

C'est dans la forêt de Fierbois^ sous les antiques 
chênes qui ombrageaient le tombeau de sainte Ca- 
therine, qu'était cachée aux yeux profanes l'épée 
de Charles MarteL Un songe en. a instruit Jeanne 
d'Arc. Empressée de posséder ce glaive qui doit 5^»-; 
ver la France , elle vient compléter son armure ; ai- 
dée de plusieurs guerriers qui s'empressent de déta- 
cher le trophée qu'un épai^ feuillage voilait au vul- 
gaire, la jeune héroïne va bientôt ceindre cette épëe 
victorieuse. 

. L'artiste semble avoir singulièrement soigné le 
site, au préjudice des personnages. La forêt est peintje 
avec talent , le feuiller des arbres , ainsi que leur 
effet , est plein de naturel , la couleur locale heu- 
.reuse ; np ais les figures , d'une très-petite proportion , 
n'excitent point , à beaucoup près , l'intérêt que l'ac- 
tion comporte.- Cependant on ne peut regarder ce t^- 
blçau avec indifférence , puisque le sujet se rattache 
à l'histoire, et que cette histoire est la nôtre. 
. Cependant Jeanne d*ArCy encoitiragéepar Les exhor- 
tations dupieuxhermite à qui elle axon^é^aïaU^oiH 






tottrinent(^e par le désir de l'accomplir, cherche 
toas tes moyens de s'en rendre digne. Au fond d'un 
vallon écarté, (orme par lés hau;tes montagnes des 
Vosges, ia piété a érigé une chapelle à la Vierge* 
C'est près» de Faùtèl de pierre qui supporte l'image 
que se rend la jeune et simple fille pour y faire le 
vceu de consacrer sa vie à sa patrie et de lâe dévouer 
à son saLut. ' . ' 

. Elle a déjà quitté ses simple& habits du village ; 
un chapeau de plumes couvre sa tète pleine d'in- 
nocence , et la blancheur de son jétement en sem- 
ble le symbole. Elle s'appuie sur l'autel ; ses yeux 
mouillés de larmes implorent l'assistance de la 
Vierge... Elle sera exaucée ! 

Telle fest la situation où Regaier a peint i'hé- 
roïne française; il a bien motivé l'action, mais 
nous croyons qu'il lui serait difficile d'expliquer le 
motif de l'élégant costume dont.il a revêtu Jeanne 
d'Arc, qui n'avait point encore à cette épofue 
quitté le toit paternell Au si^rplus , le tableau est 
pittoresque , il est peint agréablement et il ne dé-* 
parero point la collection dont il fait partie. 

Jeanne d'Arc ^ ou du moins les tableaux qui 
rapellent son histoire, laissent ici une lacune 
qui eût été parfaitement remplie par un tableau 
d'ancienne date, oii cette fille héroïque est v^t(kr 
sentée montant, à l'assaut avec Dunoi^ sur les nturs 
d'Orléans , et y plantant la bannière françaiae. 



' "^ 



Ilnonsparahsaif trop cruel de franchirbnisqùemeBt 
rintervaile de gloire qui a séparé ie dévouement 
de Jeanne d'Arc de la Gn de son existence. C'est 
cette dernière époque dont RcToil rient de noui> re^ 
tracer le soave&ir. A peine la trahison eut^-elle mise 
Jeanne d'Arc an pouvoir des Anglais, qu'ils la con^ 
duisirent avec une escorte nombreuse dans la capi-^ 
taie de la Normandie. C'est là, qu'enchaînée dans 
une prison près d'une colonne de pierre, n'ayant pour 
sombre couche qu'un banc couvert d'un peu de 
paille, la guerrièce, debout, appuyée sur ce lit de mi- 
sère , est entourée de son cruel geôlier et de quelques 
soldats qui la veillent nuit et jour. Une tunique blan- 
che est son seul vêtement; un panache blanc sur- 
monte la toque qui couvre encore sa tète. En but 
atix sarcasmes du comte de Ligny, elle ne peut 
retenir sa colère; elle prédit aux Anglais qui l'en- 
Tironnent que sa mort ne les sauvera pas. A ces' 
paroles prophétiques , la rage s'empare du comte de 
Scanflbrt ; il tireson glaive et eût immolé Thérouie , 
si Warwick n'eût retenu son bras , tandis que Ray- 
mond, du seuil de la porte, recueille la prophé* 
tie de la courageuse prisonnière. Ti^I est le mo- 
ment qu'a peint l'artiste. L'intérêt en est aug-*- 
menté parole contraste de la compassion qu'éprouve 
utl jeune soldat à qui un 'plus ancien semble con* 
seiller de cacher sa pitié. 

Nous avons beaucoup d'éloges à donner à ce ta-* 



bkaa sous le rapport de la composition et de Vtx^ 
pression, mai^ Kevoil nous a para au-dessous de 
li^i*même pour Texécution, et nous en prenons à té- 
m/oinr Anneau de Charles -Quint et la Comalescencc 
dçBayard.htsdL]\xsitmtns^ les costumes, nous sem- 
blent dénués de goût. Ils dénaturent les formes au 
lieu de les accuser. La tête de Jeanne est d'un beau 
caractère , mais paraît théâtrale , sur-tout avec une 
coiffure qui n'est vraisemblable sous aucun rapport 
dans .un tel moment. Comme chef de Técole de 
Lyon 9 nous avons un reproche plus grave à faire à 
M. Hevoil. L'harmonie ne consiste point dans la 
mollesse des formes et dans la fonte excessive des 
ombres. On observe avec regret , dans ce tableau , 
qu'à force d'avoir atténué la couleur et les contour$ 
des jambes de tous cea personnages , elles ont perdis 
leur solidité et sont devenues elles-mêmes des om-^ 
bres. M. Revoit doit songer aux nombreux élèves 
qui suivent sts leçons et sur-tout son exemple ; 
quel que soit l'agrément qui résulte d'un fini pré- 
cieux , ce n^est qu'un accessoire, qui ne doit jamais 
faire perdre de vue le principal mérite d'un tableau: 
la correction du dessin. 

Nous ne pouvons nous dispenser de vous parler 
du dernier acte de la tragédie de Jeanne d'Arc. Ce- 
pendant nous eussions désiré le passer sous silence 
pour vous éviter le spectacle d'une jeune fille nue, 



i6d 

attachée h un poteau tï montée snt un httchet que 
d'inhumains soldats vont allumer , et pour «nous, 
épargner le désagrément de censurer un tableaà qui 
n'aurait pas fixé notre attention s'il h'eût porté 1^ 
titre de la Mort de Jeanne i*Ar€, Elle est bien morte- 
sous le pinceau de M. Lesage. Plaignons cet artiste 
de n'avoir pas dioisi un sujet plus analogue ii kon 
talent , si talent il y a. 

Nous ne finirons point cette Lettre , mon clier 
Maître, sans vous dire un mot du portrart dé la 
Pucelle... je me trompe, de M"* Dnehesnois 'dans 
le rAle de la pucelle , qu'elle a joué avec tant d'art. 
Cette grande tragédienne méritait d'être peinte sous 
le costume de l'illustre personnàrge dont elle nou^ A 
rendu les accens héroïques et les sublimes douleurs. 
C'est une galanterie de fort bongoAlf que Berthon 
lui a faite là , et ce n'est pas la seule dont on s'ai- 
perçoive dans ce portrait. La tête est noble et près- 
que belle , et l'expression de la physionomie est à-la- 
fols pure et animée. Au total ,^ce tabkau ést-dignjê 
de son auteur : ces quatre môts^nous' dispensent 
d'une page d'éloges. X. 



» * 



ft >^.'-M 



dite 



.^^^^^^j^^mÊLi 



^Ok^ 






iJea. 



Sffll©!! dl(p 181© 



%//t;/-/e^if du CÂoear^t f'Ca/td<' {/<;* Im/mçmJ. 



X/ 



/ 



' i6t 

VINGT-TROISIÈME LETTRE. 



Paris, le 9 novembre 1819. 

Mon cher maître , 

Nous allons vous parler des productions d'un Granet. (i) 
artiste qui a passé à Rome les années les plus favora- 
bles à rétude des beaux-arts : d'après ce début, vous 
vous attendez à des tableaux qui développeront à 
vos yeux les beautés de Tantique et vous rappelle- 
ront les modèles qui ont formé le goût que vous avez 
propagé dans l'Ecole. Détrompez-vous. Granet à 
Rome n'est pas sorti des cloîtres, et c'est dans ces 
lieux habités par de pieux fainéans qu'il a puisé les 
sujets qu'il retrace avec tant de vérité. 

Sous les voûtes sombres et élevées du couvent de San» 
Benedetto on voit un file de petits moines noirs, age- 
nouillés et surveillés par leur instituteur, vêtu de la 
même robe ; ils semblent adressrr leurs regards vers 
la porte d'une chapelle , où sans doute on ofGcie . Quel- 
ques femmes, dans le costume du peuple, prient à ge- 
noux. Un escalier qui monte à une chapelle supé- 
rieure , éclairée d'un jour piquant, laisse apercevoir 
une autre femme en prière; cet objet seul fait le mé- 
rite de ce tableau. 

Il n'en est pas de même du chœur des capucins 
de la place Barberini à Rome. Des ceintres gothiques 
en forment la voûte, et les murs qui la soutiennent 

(1) Le nom de M. Lordon a cté gravé par erreur au^bas de 
quelques exemplaires de la gravure jointe à celte livraison ; 
c'est celui de M. Granet qu'il faut lire. 

LETTRES A DAVID. XI 



i6a 

sont décores de f ableant . Sa forme en parallélogramme 
renferme dans tout son pourtour des stales , occupées 
par les révérends pères de Tordre. Un pupitre est 
placé au centre, on y voit, en habit sacerdotal, le 
célébrant de Toffice du jour , ayant devant lui deux 
enfans de chœur, dontTun tient Tencensoir. Un long 
vitrail , placé en face , éclaire seul le chœur. Les 
moines se détachent presque tous en ombre , mais ils 
reçoivent des reflets piquans de lumière , suivant 
kurs diverses attitudes. Sans doute Tartiste a peint 
d'après nature ; il a assisté à Toffice et il y fait par- 
ticiper le spectateur. On croit entendre psalmodier 
ces capucins; celui qui entre appuyé sur sa béquille , 
cet autre prosterné , pendant que son voisin se mou- 
che, tous sont d'un naturel qui charme. S'il était 
possible d'aimer les capucins, ceux-ci auraient la 
vogue; ils ne l'auront jamais qu'en peinture. 

Ce tableau est peint avec un vrai talent. La vérité 
de la couleur , la justesse des eifet^ , la précision et la 
hardiesse des touches lumineuses, produisent une 
illusion complète. 

Nous ne pouvons cependant dissimuler , pour 
l'honneur de notre impartialité , ,une observation 
fondée en principe. L'artiste qui peint une perspec- 
tive ne peut se choisir qu'un point de vue fixe ; il ne 
doit peindre que ce qu'il aperçoit de ce point , ou la 
perspective linéaire n'est plus observée , et le tableau 
perd en vraisemblance ce qu'il avait acquis en orne- 
mens. Cette réflexion s'applique à la pose de plu- 
sieurs tableaux qui ne devraient être vus que de pro- 



\ 

i63 

fil , pour s'accorder avec les lignes de la perspective. 
Du reste , cette imperfection influe peu sur le mé- 
rite du tableau , qui , à ce qu'on dit , est le douzième 
exemplaire de Toriginal. Il est plaisant que Fauteur 
doive sa fortune à ceux qui ont fait vœu de pauvreté ; 
mais , en conscience , Tordre des capucins devrait 
Taugmenter encore , puisqu'il les tire de Toubli où 
ils étaient tombés. Granet ne serait-il point un mis- 
sionnaire j précurseur de leur rappel ? 

Nousallons, maintenant, jeter un coup-d'oeil sur les Lesamafeurs. 
amateurs. Ce nom est souvent prodigué sans examen ; 
il en est de plusieurs espèces; nous comprenons à-la- 
fois, sous ce titre, ceux qui ne px)ssèdent de Tart qu'une 
théorie approfondie , et ceux qui essayent , par quel- 
ques travaux, de se mesurer avec les artistes. 

On doit compter aussi , dans le nombre , cçs admi- 
rateurs zélés des chefs-d'œuvre de l'art , qui éclairés 
par l'exercice continuel de leur jugement , rendent 
un culte journalier aux productions du génie , soit en 
acquérant les tableaux des jeunes artistes, soit en 
rassemblant les œuvres des grands maîtres qui peu- 
vent leur servir de modèles. Malheureusement , ceux 
qui réunissîent ces connaissances et ce goût deviens- 
nent plus rares de jour en jour. 

Nous avons déjà signalé M. de Sommariva, qui 
presque naturalisé Français acquiert chaque jour 
de nouveaux droits à la gratitude de nos peintres en 
achetant leurs tableaux , pii en les invitant à lui 
en composer de nouveaux. 

M. le baron Massias est à la tête des amateurs 



m *ii 



7 
J 



M 

^iii ont mis à profit leurs connaissances et leurs 
voyages pour acquérir chez Tëtranger des tableaux 
de première classe. II voulait en enrichir sa patrie; 
mais on a fait peu d'attention à une collection aussi 
précieuse que la sienne. Acheté par le gouverne- 
ment, elle eût réparé une partie des .pertes de 
nos Musées. 
Turpin de Revenons à Pexposition : nous devons mettre en 

Crisse. ^ ^ *- 

première ligne des amateurs praticiens M. Turpin de 
Crissé, dont le talent dans le genre du paysage laisse 
peu de prisft à la critique. On lui reconnaît un pin- 
ceau exercé , une touche légère et suave; et si ses 
tableaux n'ont point la vérité de Claude Lorrain , 
ils en ont le charme. Il nous semble que cet artiste 
a atteint le plus haut degré auquel un amateur puisse 
prétendre , et ses cinq tableaux nouveaux confir- 
meront sans doute le jugement que nous en portons* 
Composés sur la terre classique des beaux-arts, ils 
ont rintérêt que nous inspirent les grands souvenirs. 
Jetez les yeux sur la vue prise sous Varc de Janus ; sous 
ce portique , privé des rayons du soleil , repose un la- 
boureur fatigué; des bœufs gris , dont Tëspèce appar- 
tient à l'Italie , sont couchés , attelés encore au soc 
qu'ils ont trainé. Une espèce de trophée est attachée 
au mât de cette charrue , dont le luxe contraste avec la 
simplicité accoutumée. Deux moines bruns, allant 
chercher les provisions , passent sous cet arc antique. 
On aperçoit un temple précédé d'un pérîstîle soutenu 
de colonnes et jadis consacré au paganisme ; c'est 
iflaintenant l'église Saint- Georges. One procession 



i65 

% capucms descend gravement les marches du tem- 
ple. Dans le lointain on aperçoit les ruines du petit 
arc de Septime SévSre, entouré d^arbres verts. Ce 
tableau se recommande à Inattention des gens de 
goût. La suavité du pinceau , là pureté des lignes de 
l'architecture , la vérité^u ton et Tagrément du faire 
satisferont les plus difSciles. 

M. le comte de Forbin a un véritable talent d'à- Forbin. 
mateur , des pensées assez profondes, de l'inspiration 
et de la poésie même dans ses effets. Mais c'est dans 
Texécution qu'il laisse apercevoir les imperfections 
ordinaires que l'étude journalière et la pratique assi- 
due font éviter au professeur ; toutefois Inès de Cas- 
tro , exposée en dernier lieu , nous a paru mieux soi- 
gnée pour l'exécution et le dessin des figures que ses 
précédens tableaux. 

C'est ici' un jeune amateur qui , nous le croyons , D*Hardivil - 
parait pour là première fois dans la carrière. Il est 
militaire , et il emploie les instans de liberté que 
JuL laissent ses devoirs à cultiver la peinture. Kous 
pensons qull s'est un peu trop hâté d'aspirer à Ta 
célébrité. Âgar dans le désert désaltérant Ismaé'l à la 
source que lui indique un ange , prouve que son talent 
n'est point encore mûr. Cette composition n'est 
point sans mérite; le dessin est peu agréable dans 
Tes formes , mais if est correct ; le ton de couleur est 
nn peu tâtonné , mais il promet de la chaleur et dé- 
cèle de bons principes. Le fond et les accessoires un 
peu crus exigent de nouvelles études. M. d'Har^ 
divilters^ a compté sur Tindulgence qu'on accorde 



i66 

r 

aux jeunes amateurs ; c^est une confiance louable 
sans cloute, mais qui n^est pas toujours justifiée. 
Nous rinvitons à redoubler de zMe ; il a vaincu les 
premières difficultés , et bientôt , sans doute ^ nous 
aurons à lui offrir autre chose que des conseils. 
Lejeune. Le général Lejeune est en possession depuis quel- 
ques années de captiver Tattention publique par 
le genre des ses compositions et la manière dont il 
sait les exécuter. Peut-être doit-il une partie de 
l'intérêt qu'il inspire à l'avantage que peu d'artistes 
peuvent lui disputer , celui d'avoir été présent et 
même acteur dans toutes les scènes que son pin- 
ceau nous retrace ? Cette réunion de circonstances 
est flatteuse pour le peintre , et si rare , que nous 
ne pouvons nous dispenser de la rappeler , Voici 
quel est le sujet du tableau qu'il a exposé. 

« Les généraux de Tarmée d'Espagne renvoyaient 
» en France les non combattans, sous l'escorte 
» d'un même convoi. 

» On y voyait nos prisonniers et nos blessés ^ 
» des dames espagnoles et françaises de la cour, 
» des officiers de différens corps , rejoignant d'autres 
» armées. » 

Le défilé de Salinas est resserré entre de hautes 
montagnes, et des bois escarpés les couvrent jusqu'au 
chemin. C'est d^ns ces bois qu'étaient embusqués 
les guérillas de Mina; ils ont laissé passer tranquil- 
lement l'avant-garde française ; les voyageurs étaient 
en sécurité; cependant l'approche d'un orage rap- 
pelle les promeneurs dispersés. C'est en cet instant 



tâèmt que les Espaignols , se glissant da haut 4e$ 
ravins , k travers les arbres , fandeat à Timproviste 
sur le centre da convoi , l'attaquent et y répandent 
rëpouvantjB. Les prisonniers anglais s'agitent, les 
' blessés mêmis opposant la résrstance de leurs mem- 
bres mutilés ; les femmes sont effrayées , plusieurs 
s'élancent près des objets qni iear sont le pks cher, 
|Kmr partager leur sort ; ici une vivandière, se saisis- 
sant d'ttti fusil , défend de. sa baïonnette son époux 
lilessé. Là i une mère , étreignaut ses deux filles dans 
ses bras , oiRre sa pmtrine aux coups de T^nncmi pour 
}esen garantir. Cet époux reçmt la mort et toiiatbe sur 
le sein de sa femme qu'il voulait défendre. Ce petit 
tambour , 'guide de son père aveugle, s'empare de son 
isabrepour leprot^r, tandisque tes mains paternelles 
cherchent 4 lui "servir d'égide : par-tout cette s;cèn^ 
déchirante offre des traces du cimrage qu'inspire les 
^emîers sentimens de la nature. L'exemple des Fran- 
çais a éleotrisé les Anglais eux-mêmes ; loin de cher- 
cher à profiter du désdrdrepour recouvrer leur liberté^ 
les soldats repoussent avec indignation les armes que 
leur offrent tes guérillas pour se joindre à eux, et ils 
en acceptent des Français pour les repousser , ^tandis 
que leurs chefs , se groupant autour des voitures qui 
recèlent les femmes saisies de crainte-, présentent 
l'attitude la plus lière aux Espagnols; et, les armes à 
la main , défendent les approches dn lieu où elles 
sont rassemblées. 

Cependant l'escorte françaîise s'est réunie et s'est 
fait un rempart des bagages ; elle fait un fea mettx-^ 



^'^^T' M. le baron d'Ivry a des droib imprescriptibles 
au titre d'amateur : né pour les arts , il les protige 
et les cultive. Il a employé une partie de sa for- 
tune k soutenir et à encourager les artistes , dont 
plusieurs doivent à sa sollicitude , des secours et de 
l'occupation. Il consacre encore ses loisirs à la pein- 
ture. Son genre est aussi le paysage , il vient d'en 
mettre un à Pexposition qui n'est pas mentionné 
dans le livret : c'est une Fue prise à Clignancour, 
Un moulin i vent près d'une chaumière , sur une 
colline couverte d'arbres toufins-, forment le pre- 
mier plan ; plusieurs cbemins divisent le terrain ver- 
doyant de la colline ; une plaine linie qui rasseihble 
à celles de la Hollande of&e une immense prairie : 
des côtes peu élevées terminent l'horizoti. 

On sent que ce tableau n'est point une composi- 
tion ; c'est un portrait de la nature , dont le site et 
l'exécution rappellent Jacques Ruisdaal. Le ciel sur- 
tout est digne d'éloges par sa vérité. Les nuages 
légers à travers lesquels passent quelques pâles rayons 
du soleil donnent une lumiète douteuse sëmbTablé 
à celle qui éclaire le Batave. Le feuillage des arbres 
nous a paru manquer un peu de légèreté et àt 
transparence. Peut-être ce tableau eût-il été d'un 
effet plus piquant si la lumière tranchée du soleil 
l'eût éclairé ? Le peintre a moins de ressorurces , 
jplus de difficultés , et les masses d'ombre sont in- 
décises, quand l'astre qui les produit est voilé. 
Alais M. Divry a copié la nature , et sans doute au 
ipoment même où il l'obseryait. 



\ 



t7^ 

TÏ6ÙS îgnôi^ons si M. Cûifptn de ta Confmit est 9^^^%-^^^^ 
artiste de profession ou amateur ? Quelques persoa- 
nés assurent qu^il ne cultive la peinture que pour 
Tamour de l'art. Ce que nous savons , c'est que d'a- 
près son tabléàii àeSùlty çisifaHi pour la àemîèirefois 
le monufnent qui renfermait le cœur du monarque dont 
il étail Varni, M. Coupin de la Gouperîe a droit dô 
se placer avec distinction dans l'une ou l'autre ca- 
tégorie. Nous croyons que cet éloge suffit; la vue 
cle ses tableaux chàrmans fera le reste. 

Nous né sayôns point si M. le comte de Clarac , Clarac. 
4ui à mis un dessin offrant une forêt du Brésil , 
doit trouver ici sa place. Cet ouvrage lui mériterait 
sans doute le titre d'artiste. Il est bien traité , mais 
cette nature qui offre tant de feuillages divers et în- 
connus nous est parfaitement étrangère , et dévient 
pour l'observateur une singularité qui ne peut satis- 
faire que la curiosité. 

N'oul)lion$ point parmi les amateurs dislîn- Bâcler 

. d*Aibe. 

gués le baron Bâcler d'Albe, qui -, sous le rap- 
port de l'art militaire et sous celui de la peinture ,' 
a fait ses premières armes en môme tems que le 
général Lejeune. Plusieurs tableaux de batailles 
avaient si.gnalé son entrée dans la carrière ; mais il 
semble maititenant s'être consacré au genre du 
paysage historique. Son Œdipe errant dans la Grèce 
rappelle bien le théâtre et les malheurs de ce hé- 
ros. M. Baclei: d'Albe a des drois reconnus aii 
titre d'amatelir , il en aurait éïicore à celui de peintre. 



17» 

VINGT-QUATRIÈME LETTRE. 



Trezel. Uiï jeune artiste , mon cher Maître , a fait un grand 
pas dans la carrière. Trezel a peint les adieux d'Hec- 
tor et d'Andromaque. Déjà le jeune fils Astianax.,, 
présenté par sa nourrice , a reçu le dernier bai- 
ser pateiiiel , Andromaque a , pour la dernière fois ^ 
serré son époux dans ses bras ; Hector , armé de sa 
lance et de son bouclier , s^ éloigne ; il va combat-* 
tre, et son regard prophétique , élevé vers le ciel ^ 
semble Timplorer pour les objets de son affection s'il 
périt pour sa patrie. 

Trezel a traité en grande dimension et avec talent' 
cette scène déjà tant de fois retracée ; on n'aperçoit 
ni plagiat , ni réminiscence dans cette compoisition. 
Il y a du Léonidas dans la tête d'Hector, et celle d'An— 
dromaque est touchante. La couleur n'est ni bril- 
lante , ni remarquable ; les effets sont doux ; peut- 
être le dessin n'a-t-il point assez.de fermeté ; peut- 
être encore n'est-il point assez héroïque ; m^s sf ' 
. ce tableau n'est pas mis en première ligne , il mérite 
d'être honorablement placé dans la seconde. 

Un deuxième ouvrage de Trezel n'est point traité 
dans la même proportion ; mais le sujet historiqiie 
d'une époque plus récente semble avoir plus de droits: 
de nous intéresser. 

La ville de Weinsberg fut forcée de se rendre aux. 
armes de l'empereur Conrad III ; le vainqueur pec^ 



» 1 



mit aux femmes d'emporter ce qu'elles avaient de 
plus précieux : elles profitèrent de cet article de la 
capitulation pour sauver leurs pères , leurs époux , 
leurs enfans , qu'elles chargèrent sur leurs épaules. 

La duchesse de Guelf leur montre un si noble 
exemple , emportant dans ses bras son mari blessé , 
gouverneur de la ville; deux jeunes filles portent leur 
vieux père ; cette mère , un enfant à la mamelle , et 
Fautre sur ses épaules. Des guerriers les arrêtent, 
une petite fille, portant son jeune frère, retourne sur 
ses pas , 'saisie de frayeur ; mais Conrad , entouré 
de ses chevaliers , impose et commande le respect au 
malheur. Touché d'une si noble action , tout en re- 
cevant les clefs que lui présentent à genoux plusieurs 
femmes éplorées , il pardonne , et sa clémence s'é- 
tend sur tous les vaincus , auxquels il permet de ren- 
trer dans la ville. Cette scène est rendue avec sen- 
timent , et le spectateur saisit bien l'action , qui est 
exprimée avec clarté. La lumière éclaire l'objet 
principal , la belle et courageuse duchesse : l'empe- 
, reur, debout, est dans l'ombre, ainsi que les guer- 
riers couverts de fer dont il est entouré. Les costu- 
mes du tems sont étudiés ; le ton de couleur qui rè- 
gne dans ce tableau, les oppositions bien placées , 
qui en distinguent les plans , et le goût gothique de 
la porte et des remparts de la ville , rappellent lin 
souvenir contemporain qui ajoute à l'effet du tableau. 
On doit espérer de nouveaux progrès d'un artiste 
qui sait fsiire un choix heureux de' sujets , et qui an- 
nonce! tie l'arae dans leur exécution. 



«74 
Ro(**hii^ Roe]in a e^pos^ cette année une foule de petits 
ouvrages qui n^offr.ent que bien peu de variété. Exa- 
minez un de se$ tableaux , vous y trouverez de la 
verve et de l'abondance : parcourez-en plusieurs , 
vous serez étonné de vqir reproduits les ménies traits, 
que Tartiste se vole sans cesse à lui-même. Sa ma- 
iiière ajoute encore à Tuniformité de ses composi- 
tions. Une Halte , une Récréation militaire 9 un Corps- 
de'-gar4e d'officim^ tout cela peut devenir fort pi- 
quant , mais pourquoi chercher ses personnages à 
une époque et dans un pays qui n'ont rien d'intéres- 
sant pour nous ? En traitant de pareils sujets , Roëha 
semble d'ailleurs n'aspirer qu'à la gloire de la pas- 
tiche. C'est une terrible comparaison que celle des 
Yan-Ostade et des Wouwermans ! Sans doute on 
ne saurait prendre de meilleurs modèles ; mais l'étude 
des grands maîtres ne doit pas être la seule étude : 
ils nous montrent seulement comment on doit imiter; 
leurs ouvrages $ont des épisodes du vaste poëme 
de la nature, où comme eux nous devons puiser à la 
source. L'observation journalière est plus féconde 
mille fois en ingénieuses créations que la plus riche 
collection de tableaux. Nous ne vous décrirons point 
la composition de Roëhn; le précieux de ce genre 
consiste en des rapprochemens et des oppositions qui 
perdraient toutes leur finesse dans une analyse. Nous 
nous contenterons de vous en citer ^eux. 

Dans Iç premiçr (n** 975) , l'artiste a représenté 
la translation de la statue d'Hçnri IV. Si l'on y \q\% 
sans peine desbommcs s'atteler au char d -un prince ^ 



175 

c^est qu'il n'tst plus , et que les hommages rendus ^ 
un bronze doivent paraître exempts de flatterie et de 
vénalité. Ici , du moins , pas de gendarmes ou de po- 
lice , un véritable enthousiasme anime l'action ; ellç 
est vrai ; elle est pleine de jolis détails traités avec 
beaucoup de soin et de délicatesse. On doit reprp-: 
cher à Fartiste quelques défauts. Les masses du fon4 
manquent de reliefs et sont d'un jaune désagréable^ 
Cette mèa^e teinte se fait aussi trop ressentir dans le 
reste de Touvrage . Roëhn a placé auxfenêtres des Tui- 
leries des personnages qui semblent s'y cacher der- 
rière leurs jalousies , et des marmitons qu'on est 
f^ché de voir dans les palais des rois. Il parait qu'en 
4es$inant son tableau l'auteur avait sous les yeux les 
gravures que la circonstance fit édore. 

Son second ouvrage ( n° 969 ) est le plus étendti 
comme le meilleur de ceux qu'il a exposés cette 
année. C'est l'intérieur d'une Caçeme de voleurs^ 
Le sujet est tiré du roman de Gil Bios. Il y a bieii 
quelque naturel dans les figures ,. plusieurs ipémf 
ont de l'originalité; mais cet intéressant épisode de 
dona Mencia est ici sans intérêt. Le capitaine Ro- 
lando et ses honorables confrères n'ont point l'ex-r 
pression qui convient à leur caractère , à leur pror 
fession, et Gil 3ias a l'air d'un niais. Mais la vé*- 
ri^é historique n'est pour rien dans un tableau dç 
genre , et le Gil Blas n'a été qu'un motif de peipi-r 
ture. Ce que nous devons demander à l'artiste , c'e^ 
du talent; Roëhn en a fait preuve. La composi- 
tion est bien entendue , le dessin est satisfaisant et 



\ 



t 



176 

le coloris est ici , peut-être , plus parfait que dans 
aucun autre de ses ouvrages. 
Mn*Mongès. <c Voici la première fois , disait une jolie femme ( en: 
voyant un tableau du Salon ) , que M"*^ Mongès met 
des culottes à ses héros. — Madame « ce n'est point 
un héros , c^est Saint - Martin , k cheval , qui 
coupe son manteau avec son sabre , pour en revêtir 
ce pauvre diable à jambe de bois. — Mais ce cheval 
est-il de bois aussi ? — Vous ménagez peu votre sexe^ 
seriez-vous une rivale ? — Non ; mais quand je ré- 
capitule les œuvres héroïques de M"* Mongès , Ado-^ 
nis , Thésée , Persée , etc. ^ que j'ai vus nus comm& 
la main , j'ai peine à me persuader que ce tableavr 
soit du même auteur ; il faut que cette dame ait suivi 
quelques prédicateurs éloquens , qui Font fait re^ 
noncer à ses études favorites. Ceci n'est qu'un essai 
sans doute; et comme il n'est pas heureux , la 
nature reprendra bientôt ses droits, et les forâ- 
mes masculines se reproduiront de nouveau sous le 
hardi pinceau de M'"^ Mongès , qui semble oublier 
son sexe quand elle peint l'histoire. 

Quant à nous , nous lui trouvons «n véritable ta- 
lent; et nous pensons que si cette artiste faisait un 
choix de sujets qui annonçât moins de prétentions 
( héroïques ) , si elle mettait moins de sécheresse 
P dans l'exécution , et plus d'harmonie dans ses ta* 

bleaux, ils pourraient offrir plus de matière encore 
/ aux éloges qu'à la critique, P. V. 



Salon de ifti^. 



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VINGT-CINQUIÈME LETTRE. 



S 



Paris y le aa novembre i8i9« 



Mon cher MAlTltfi , 



L'impatience des amateurs et la curiosité pu^^ Glrodet. 
blique sont satisfaites ; Girodét a enfin termine son 
tableai^; sa Galatée tant désirée est placée à l'ex- 
position. 

Nous avions obtenu l'avantage de visiter déjà l'a- 
telier , nous nous empressons de vous présenter la 
description d'une œuvre dont Texécution est le pre- 
mier mérite. 

Près d'un autel consacré à Vénus , Pygmalion a créé . 
son sublime ouvrage; il a vu naitre sous ses mains 
la plus belle des nymphes. II ne peut plus ajouter 
à sts cbarmes , il veut célébrer la fin de sts travaux 
et jouir de sa création ; il se couronne de fleurs, se 
revêt de pourpre , dépose un bouquet aux pieds 

LETTRES A DAVID, la 



I7Ô 

de Galatëe et fait brAIer ^e suaves parfum»* Pea« 
dant que ce feu sacré brille sur un autel , la tête 
deja déesse qu'on adore à Tyr s'entoure d'une 
auréole. Pygmalion contemple Galatée. O prodige ! 
déjà le marbre* a perdu sa pâleur; cette tête s'est 
animée; un blond cendré colore ses cheveux; ses 
yeux baissés semblent craindre les regards de l'heu* 
reux artiste. Il s'approche, veut toucher ce marbre 
qui parait s'amollir , ce sein qu'il croit voir palpi-* 
ter ; son œil dévore cette bouche qui va prononcer 
le mot qu'il attend. 

Girodet a peint l'instant où Pygmalion s'est ap- 
proché de sa statue ; l'Amour voltige entre l'artiste 
et son ouvrage. Tout ce qui précède se devine 
par les accessoires dont le peintre a su enrichir son 
tableau. II a représenté Pygmalion dans l'éclat de la 
jeunessç. Le plus beau profil se dessine sur le 
fond clair et vaporeux que produisent les parfums 
qui brûlent aux pieds de Galatée. La chevelure 
brune et bouclée de Pygmalion est relevée par sa 
couronne de myrthe. Un riche manteau de pourpte 
ne laisse voir qu'une épaule nue et le bras nerveux 
de rhabile sculpteur. Ses pieds , revêtus d'un léger 
cothurne , débordent seuls son long manteau. 

Pygmalion semble avoir révélé à Girodet le des- 
sin de sa Galatée. Les formes les plus pures et lès 
plus suaves embellissent le beau corps qui supporte 



/ 



«79 
cette tète divine. La candeur repose sur ce front; 
la pudeur colore ces joues ; la vie n'a pas encore at- 
teint au-delà des genoux; les jambes, si belles, sont 
encore de marbre. 

L'Amour réunit Galatée à son amant ; il semble 
échappé des demeures célestes ; à travers ces tour- 
billons que produit la fumée de Tautel et des par- , 
fums , on distingue un temple d'une ricbe architec- 
ture. On aperçoit le lointain d*un paysage qui 
agrandit la scène. 

Votre ancien élève , mon cher Maître , a su réu- 
nir au dessin le plus pur et le plus correct le charme 
de la couleur , de l'harmonie , et à la composition la 
plus simple l'exécution la plus brillante. 

Mais la scène est - elle dans l'atelier de Pygma- 
lion ou dans le temple de Vénus ? Rien n'annonce 
un atelier de sculpteur ; cependant on y a dressé un 
autel. On cherche le statuaire et l'amant dans. ce 
jeune homme paré comme en un jour de fête et dans 
tout l'éclat du bonheur. L'expression de son enthou- 
siasme pour son ouvrage et de sa profonde pas- 
sion n^a-t-il pas échappé au pinceau de celui qui 
pouvait si bien reproduire ces beaux effets ? 

Le retard que nous avons mis à' vous entretenir Gros. 
d'un autre de vos illustres élèves , a été causé par un 
sentiment de justice. Le tableau de Gros , représen- 
tant la Duchesse d'Angqulême partant de Bordeaux , 



p • 

à des admirateurs et des critiques; nous Voulions con- 
naître Topinion de notre juge à tous : le public. Mal- 
gré les défauts quMl y remarque , il a prononcé t 
c'est un fort beau tableau^ 

La ducbesse est représentée au moment où elle và 
monter dans le navire qui doit l'emporter. Ses deut 
aides-de-camp se courbent comme pour l'inviter à 
presser son départ. Vêtue de blanc , elle arracbe le 
panache de sa toque , et se tournant vers ceux qui 
raccompagnent et la regrettent , elle le leur donne 
avec -des rubans blancs , comme un témoignage de 
souvenir. 

Des fonctionnaires civils et des cbefs militaires sont 
pèle - mêle avec la foule bordelaise. Un soldat an- 
glais , agenouillé , vient prévenir que le navire l'at- 
tend , et ceux qui sont dans la chaloupe , guidée par 
deux bateliers demi - nus , ne témoignent pas moins 
d'impatience de quitter le rivage. Telle est à peu près 
l'ordonnance du tableau ; la couleur en est superbe. 
On semble désapprouver la ligne horizontale qui éga- 
lise les personnages^ on voudrait la figure principale 
plus élevée ; c^s chevaliers dans une pose moins Aw/h- 
i/^ et plus guerrière. Quelques connaisseurs blâment 
l'invraisemblance des bateliers sans vétemens ; d^au- 
tres louent l'heureuse hardiesse de cette nudité, 
semblable d'effet à celle de tritons des Rubens, dans 
le tableau de V Arrivée de Marie de Médicis. Ils in- 



i8i 

.terrompent par leurs formes musculeuses lamono-o 
tonie inévitable des figures costumées. Peut-être le 
tableau manque-rt-il un peu de perspective : peut- 
être encore remarque-t-on un peu trop de similitude 
entre les têtes masculines et féminines. L'artiste 
pourrait trouver une excuse dans l'ingratitude du 
sujet ; il eût mieux aimé sans doute peindre un heu- 
reux refour qu'un départ si précipité. 

Athènes était abandonnée à la garde des vieil- °" ^' 
lards , des femmes et des enfans ; ils devaient être 
livrés aux flammes et périr sous le fer ennemi , si 
Tarmée était vaincue à Marathon. Rassemblés sous 
' les portiques , ils sont en proie aux anxiétés cruelles 
et aux horreurs de l'incertitude , quand toul-à-coup 
un jeune guerrier couvert de poussière arrive, portant 
des palmes et son bouclier. A peine a-t-il annoncé la 
victoire, qu'épuisé de Tatigue , il tombe mort aux 
pieds des magistrats auxquels il venait de rendre la 
vie. 

C'est cet instant qu'a retracé Couder ; la vue de^ 
ce jeune Grec déchire l'ame ; ces deux adolescens qui 
s'embrassent , cette jeune fille affligée , cette belle 
femme , saisie d'étonncment et de douleur, ces vieil- 
lards partagés entre la joie de la victoire et les re- 
grets que leur inspire le dévouement du guerrier; 
tout est exprimé avec sentiment et avec justesse. 

Mous nous arrêtons au tableau le plus capital de Heljg^ 



i9a 

cet artiste , comme à celui qui réunit le pins grand 
degré de mérite. Le martyre de Saint-Cyr enfant^ ou 
de sainte Juliette , sa mère ; c'est plutôt ce dernier 
sujet, car Tautre n'est qu'en perspective. Des 
bourreaux attachent la sainte sur une espèce de 
croix horizontale. L'un la saisie par les cheveux 
pour la faire coucher , l'autre ramasse l'instrument 
du supplice; le plus jeune la menace d'une corde; 
un vieillard l'exhorte à la résignation ; un des spec- 
tateurs semblie lui adresser des consolations. Sainte 
Juliette , déjà glacée par la crainte des tourmens , 
tourne ses regards vers son fils , que tient sur ses 
genoux le proconsul , élevé sur son siège de pierre ^ 
dans une place publique. Plusieurs Romains l'envi- 
ronnent; un soldat africain, couvert d'une armure 
de fer, est son gardien; quelques spectateurs et des 
guerriers remplissent le second plan. 

Telle est la scène que le pinceau de Heim a re- 
tracée. Le mérite de ce tableau n'est pas unanime- 
ment reconnu; on lui reproche trop d'affectation à 
imiter l'ancienne école romaine. Peut-être n'y a-t-il 
point assez de sciencp anatomique ? Cependant l'un 
des bourreaux , celui qu'on voit en raccourci sur la 
gauche , mérite de grands éloges ; l'action du plus 
jeune est indécise, on ne sait s'il a arraché, ces 
liens à cette mère infortunée , oîi s'il veut l'en frap- 
per. L'autre, qui la tient par les cheveux n'a point 



' i83 

d'expression , et le dessin du nu est lourd et sans 
caractère. Mais la tête de sainte Juliette est belle 
de sentiment , son bras élevé est pur de forme : on 
ne peut en dire autant de ses pieds ; le corps , quoi- 
que couvert d'une draperie blanche , laisse quelque 
chose à désirer. La tête du vieillard est vénérable , 
bien modelée et bien expressive; celle du personnage 
coiffé d'un.' tutban. jaune est d'un bon effet , mais 
le second plan n'est pas digne du premier , il est 
lourd de ton^ et nianque de perspective. Le geste du 
juge^'qfii menace du. poing ce malheureux enfant , est 
au moins inconvenant* 

En général , ce tableau n'est pas d'un ton satisfai- 
sant ; il ne plaira qu'aux enthousiastes des antiqui- 
tés pittoresques , aux çoltigeurs de la peinture. Nous 
invitons l'artiste à imiter la nature avec son propre 
génie. Il y. a une grande distance entre la copie de$ 
meilleurs modèles , et cette, imitation. Nous nous 
sommes occupés de cette production parce qu'elle 
a vraiment du mérite , et nous croirions bien faire 
que d'empêcher le peintre de s'égarer; il est si prè;^ 
de la bjonne route ! P. V. ' , 



84 



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VINGT-SIXIÈME LETTRE. 



Les Lyonnais. S'iL cst vrai que Téinulation soit la mère des suc- 
ces, nous devons prévoir qu'avant peu Fécole. it 
Lyon , à Texèmple des écoles vénîtîenncs et lombar- 
des , rivalisera avec celle de Paris , qui a montré queî^ 
que similitude avec TEcole romaine depuis qu'elfe 
vous doit le goût de Tantique. Cependant ks pro- 
ductions lyonnaises ne nous offrent aucune dompo-^ 
sition historique , dans Pacception qu'on a donnée 
à ce genre. Userait à propos d^adopter le mot hérôP- 
que pour les sujets qui , par leur dimension et le ca-^ 
ractère des personnages , permettent au peintre d'in- 
troduire le nu et de sortir de la catégoire des cos- 
tumes nationaux. Ainsi , tous les sujets de la mytho- 
logie païenne seraient réputés du genre héroïque^ 
tous ceux de la religion et de l'histoire ' seraient 
(quelles que fussent leurs dimensions) nommés hisio-^ 
tiques , tandis que les sujets qu^on appelle de genre , 
auraient encore une subdivision qu'o|[i nommerait 
anecdoiique . 
Bevoil. Kous avons parlé de Re voil , qui est regardé comm^ 



U chef de PEcole lyoBnaise , et nous avcmoAs k 
regret qu'il y est resté au-deasous 4(S sai pr&pre tab- 
lent; il existe à la galerie dH liuxeoiib^urg des témojns 
iirécusaliles de celte assertie» : <9Sip^rMs qf^'k b 
prochaine exjposition il se repiaoera a« rang dts- 
tingiué anq«dl il >s'ëtait éieté. 

Ridkard ( le Lyonnais ) a p«r sies aneiiens traraux Richard, 
illastré le premier rScole de aa ville natale. Nous 
avons rendu compte de sa Jeanne d'Arc à fhtrmi^ 
Éage Ile Vuiuouleurs ^ i\ nous reste k vous entretenir 
d'un talileau destiné à la galerie de Fontainebleau^ 
lequel représente Tanguy -Ductifttel «mp^rtant 
dans ses bras le dauphin , fils de Charles ¥1 , qu'il 
a enlevé de son tit aux pcemiers cris d'alarmas 
qu'excite r.etttoëe à Paris des troupes du duc de 
Bourgogne. Cettis soène est pijtt^M^squem^ ce^ 
tracée. Le portiquesous lequel passe le guerrier armif 
de toutes pi&ces , tenant le jeune prince enveloppé 
de larges draperies* Manches^ cette beQe femme qui 
suit, portant use cassette ^ contrastent avec succès 
avec les figures de cette iovih de guerriers couverts 
de fer qa'im aperçoit sur le secomd plan. Mais , il 
faut l'avouer , le ton général du tableau n'est point 
satisfaisant ; il est rouge et blafard , et Ton devrait 
attendre un plus lieureux résultat d'un pinceau qui ' 
Bdé}àvObtenu de si brillans .succès. 

Cet artiste, que l'ordre alphabétique du livret range Trimolet. 



m 

àpris tons ses compatriotes, petit h bon diroît re-^ 
vendiqner la première place. Il n'a exposé qu^ui» 
petit talfleaa ; mais cette production est un chef- 
d'œuvre qui le classera entre Miens et Gérard Dow. 
Trimolet a peint Tintérienr d'un atelier de mécani- 
cien ; M. Eymard , debout, yétu en ouvrier et tenant 
nn outil , parait converser avec M. Brun , amateur ; 
celui - ci est assis ; il tient un livre qui a fourni sans 
doute le sujet de leur conversation. Le mérite de la 
ressemblance n'est qu'un accessoire , car il n'a-r 
joute de prix à la scène que pour ceux qui les con- 
naissent, et l'action n'en a pas besoin. Il est impos- 
sible de pousser plus loin l'imitation de la nature : 
une fenêtre éclaire l'atelier; une petite statue d'al<^ 
liâtre , des macbines en acier et en cuivre , des fer-t 
rures, des écrous, épars sur l'établi; un tour en 
l'air , les outils rangés et attachés à la muraille ; tout 
est peint avec un effet si juste , qu'on peut distin* 
^er même la diversité et l'usage de chaque pièce* 
On ne peut ajouter plus de perfection dans l'exécu- 
tion : si l'imitateur exact de la nature peut mériter 
le titre de peintre , Trimolet y a des droits impres- 
criptibles , et nous avouons que s'il a ici des rivaux 
dans ce genre , ils ne pourraient le surpasser. 
Bonnefond. Le Lyonnais dont nous allons vous entretenir est 
un imitateur de la nature ; mais il lui prête la séducv 
tion de son pinceau. Une couleur brillante, une 



187 

' teaniire grasse et moSlIéuise dans ses contours , une 
lumière bien répartie , des ombres transparentes, un 
dessin exact et sans prétention, des attitudes simples, 
tels sont les avantages que présentent et qui at-» 
tirent l'œil de l'amatear sur les tableaux de Bon- 
nefond. 

Le marchand qui offre des oiseaux à cette jeune 
Bressoise présente une scène naturelle et qui n'a 
point d'intérêt particulier , mais la figure et le cos-' 
tume delà jeune femme sont aimables. Le villageois 
est robuste et plein de santé , le gibier et les acces^ 
soiressont bien traités >. ' 

Ce vieillard aveugle , jouant du violon et conduit 
par un enfant , nous semble d'une nature plus fac- 
tice; il est peut-être peint avec trop d'agrément > 
l'agencement des vétemens , ce vieux manteau rouge, 
annoncent trop le peintre : dans les tableaux de ce 
genre , c'est une imitation vraie et non calculée 
qu'on y désire , et si la poétique de l'art s'y trouve, 
c'est la vérité qui doit la faire naître. Au reste, cette 
observation échappera sans doute à la foule des admi- 
rateurs que l'agrément des tableaux de Bonnefond 
lui attire. 

Nous avons deux tableaux de ce peintre lyonnais ; Genod. 
il marche à grands pas sur les traces de feu Drolling , 
dont le talent a laissé un long souvenir ; mais nous 
croyons qu'on s'est trompé sur le titre de ses tableaux : 



la Sonne Mère €oavÎ6iit ipieitx , ce nous semble , à 
c^Ipi qui nous offre uu enfant malade , assoupi dans 
11H grand feuteuil , et abrité des rayons du jour par 
un rideaa de ti^etas vert. Sa mère , debout et in- 
quiète , semble guetter Tinstant du réveil ^ tandis 
que sa petite sœur, agenouillée et les mains jointes, 
fvie pour la guérison de son frère. Les mères se- 
^root de notre aWs : 4:^1 Faction de présenter quel^ 
jqoe nourriture k un enfant ne caractérise point 
Jeurs sentimens : nos bonnes les surpassent à cet 
4gard ; rien n'indique que cette femme scût mère , et 
c'est pourtant ce dernier tableau qui est décoré d'un 
pareil litre. 

Kpus donnons sans hésiter la préférence krUnfant 
malade. Quelle mère de £simiILe ne sera point émue , 
et ne partagera point les anxiétés cruelles de ceUe 
que nous offre ce tableau? Sans Drolling, nous ad- 
mirerions Genod bien davantage , car il peint avec 
beaucoup de vérité les mêmes détails. Il a une bonne 
couleur et de Tbarmonie. 
Dadaiix. Vous avez vu, mon cher Maître , que les artistes 
lyannais ne se livrent , en général , qu'aux tableaux 
de chevalet : Duclaux peint les paysages et les ani- 
maux. On trouve beaucoup de vérité d^ms les sites 
qu'il reproduit 9 un ton de couleur ferme , une touche 
exercée ; ses figures et ses animaux sont correcte- 
ment dessinées, d'un effet juste ; c'est le geni^e 



1 



1% 

^e.Swebadi, mais non le talent de ce inailire;* 
, On doit bien: plus d'ilagesà ce grand paysage où 
denx tanreafiix se battent en entrriafant leurs cornes; 
Us sont parfaitement dessinés , et peints à la' manière 
de Vandenveld ( Adrien^)i II y a queUfiie crudité dails 
le vert des arbres ; mais ie site dn paysage est pit-* 
totesqaevet' cette productions ainsi qne Vlatériem 
d'une éiable , par le même artiste , font bomienr à 
y£coIe de Lyon. 

r Un autre Lyonnais a fait preuve d'un talent d'un ^^^™^^ 
antre genre , en. retraçant trois sujets différens^ Le 
premier estr^/^/Ârr d*un sculpteur f oà l'on voit .l'aj>* 
liste terminer une statue colossale, (|ei le fait {>a^ 
i!alltffe comme GuUçer stn p3js des géatis^ Ce tabteâft 
a dii> mérite , mais. il cèd^ à^cetui à^Annibél Caracht, 

Ce grand peintre, à l'âge de douze ans> acéom* 
pagnait son père, qui futi dépouillé par. des vo- 
leurs. Frappé de la. Gguredes deux brigands , le jeui^ 
Anmbal dessine leur portrait* de qiéti<oire> ils s^at 
si ressemblans' qu^'ls sont arrêtés et conduits cfae^ le 
4uge , qui lé» confronte avec; leur- InaagQ , et jes rer 
.içonnaît. Ce sujet est 'bien' oermpo&év ,. il intéresse ; la 
xottleur est'he&rf^se et le tableau bionexécjité. Ce- 
lui qui offre V Intérieur d'un fite*/nî mérite aussi qu'on 
s'y arrête; mais le Salon possède tant d'inférieur^! 

Qi^elque traifspàrent que soit ce vase de: pristal , Bony. 
IciS fleurs ébarmanles q\i'il recèle ne peuvên* le disr 



NoitS4te detcms point oubtier deux ckarmans por^ 
traits de famine», par te même auteur ; nous avons sur- 
tout adtniré ^iielui dont la tête est coiffée d'un turban 
rouge. U est Ressemblant, cariions en avons reconnu 
Taiitiable original. L'artiste promet de parcourir avec 
succès cette carrière , qui n'est pas sans mérite «t 
sans difficultés. 



ia I Éi 



'in^e 



»9* 



VINGT-SEPTIÈME LETTRE. 



Paris, le i«r décembre 1819. 

Mon cher maître , 

Nous vous avons parlé avec éloge du tableau de I-ordon 
Lordon , représentant une Prédication de saint Marc. 
LMntérét que vous avez pris aux progrès de ce jeune 
artiste nous a déterminés à mettre sous vos yeux le 
trait destiné à retracer {^ordonnance de son ta- 
bleau ; c'est la meilleure manière de justifier l'opi- 
nion avantageuse que nous avons annoncée. 

Nous avons à réparer. une erreur, commise au 
dernier article de Granet, auquel nous avions attri- 
bué son portrait; nous devons aux égards que ré- 
clame le talent de M^'^ Boutbillier, de lui restituer 
rbonnenr dû au pinceau féminin. Elle a su tromper 
notre œil observateur , par la vigueur , la fermeté 
et le ton mâle de la couleur. Si nous n'avions déjà 
rendu justice à ses autres ouvrages , celui-ci serait, 
notre condamnation, et notre impartialité serait 
compromise. 

Un portrait de M . le comte de Pradel , par Mauzaisse, 
est d*un ton si franc et si vrai , qu'on croit voir la 
nature. L'artiste s'est écarté avec succès de la route , 

I.£TTRi(S A PAVID. l3 



or4Î9^Jrc« îl n'y a point Jà de manière , et la conleirr 
argentine dé la carnation , la franchise du pinceau 
et la. justesse des louplips # doi^nenl un mérite de 
plus à celui de la ressemblance. Nous avons vu 
avec plaisir Mauzaisse ajouter un nouveau genre de 
talent à celui que ses autres ouvrages ont déjà si- 
gnalé. 
Girodet. Girodet n'a point voulu lasser notre admiration 
par une seule création , et fatigué , sans, doute , de» 
éloges outrés prodigués à sa Galatée, il office à.no-^ 
tre curiosité trois têtes d'étade et deux poirtcaiiSv 

Deux tètes, Tune de Mameluk et l'autre de: Datf 
mate: la première exprime la douleujs; ellessûntd'.unA 
proportion presque double de nature , et dessinées 
avec une correction remarquable ; une tâtd.d'Her-T 
cule , aux sourcils épais , aux cheveux hérissés 9 À la 
barbe noire , dont le regard est hors du taUeau, et 
dans la même proportion que les précédenles.; t^^ 
sont les nouvelles preuves que vient.de nousjioAn^ 
Girodet de la pureté de son crayon et det.sa prpib^de 
instruction anatomique. Sous ce rapport 9. cet ajçtisfa 
n'a plus rien à prouver. Ces tiieSifont. bftanoqi^ 
d'effet ; mais cet«ffet n'estpoint.Tcai ; le tonde phair- 
est systématique., on sent que }e peintre veut éton- 
ner et non séduire. 

Le portrait du violon .Boucher fadt à.M:seiaIpIu5 
d'honneur au talent de. Girodet , que les quatre tft-- 
tes dont il est entouré. Nou&inyit(»i5 lesicontiaisswv^ 



l'gS 

a observer lesyeax de toutes ces figures, ils sont peints 
avec une telle transparence et une telle vérité , qu'ils 
semblent se mouvoir dans leur orbite. Nos observa- 
tions ne dérobent rien au mérite de celui qui nous 
les suggère , elles doivent' lui faire ajouter foi à la 
sincérité de nos éloges. 

Nous pensions , mon cher Maître , avoir tout dit Granet 
sur Granet; mais il vient encore ^e mettre au Salon 
nn nouveau tableau. Le sujet est une anecdote his- 
torique , puisée dans les annales romaines. 

La belle Cenci, de la maison Bôrghèse^ unissait à 
la plus magique beauté une fortune immense; tont' 
ceux qui la connaissaient aspiraient à lui plaire, mais 
aucun ne pouvait obtenir sa main. Son père même' 
n'échappa point au pouvoir de ses charmes; il éloi- 
gnait tous les partis et joignait aux désirs efFréhés 
d'un amant le prestige de Tautorité paternelle; 
chaque jour voyait renaître ses persécutions. Elles 
lassèrent enfin la belle Cenci , qâi , pour obéir aux 
conseils de sa propre famille, et pour éviter de suc* 
comber à des attaques qui lui faisaient horreur , se 
détermina à donner du poison à son père ; elle seule ' 
fut auteur de ce crime, dont personne n'eut connais- 
'sance. Mais sa consciende timorée ne lui permit point ^ 
de le cacher à son confesseur, et celui-ci crut devoir- 
le révéler au pape. Les richesses de la coupable 
tentèrent le souverain pontife; il la fit arrêter et li-* 
vrer au tribunal secret, qui la condamna à mort. Tous 



\ 

\ 



Bobfremont. 



196 

s€s biens furent confisques au profil de Clément Vllt^ 
et la belle Cenci , au lieu d'être menée à Pautel que 
ses cbarmes et ses richesses lui promettaient , fut 
conduite à Fécha&ud. 

L'artiste a retracé Tinstant oà l'on vient la cher- 
cher pour lui faire subir son supplice ; Cenci, vêtue 
d'une draperie blanche et tenant un crucifix , sort 
du souterrain où elle était enfermée : elle est encore 
sous les voûtes ténébreuses du péristyle , dont les 
issues sont fermées par des grilles ; une file de péni- 
tens noirs , coiffés de leurs capuchons et portant des 
flambeaux allumés , h précèdent ; le premier tient 
son mouchoir et semble pleurer. La triste Cenci est 
exhortée par deux pénitens noirs qui marchent à ses 
côtés ; un vieux cardinal la suit. Les soldats de la 
sainte-inquisition l'entourent et la suivent lente- 
ment , armés de longues hallebardes. Un pénitent 
attache sur la muraille la sentence fatale. Tous 
les détails sont vrais et piquans , l'elFet est juste , 
il est digne du talent du peintre des capucins , qui 
nous a donné aussi son portrait. Ce porltait est peint 
d'un grand goût et d'un beau pinceau ; pour l'in- 
telligence de ceux qui ne le connaissent pas , l'artiste 
a heureusement placé dans le fond du tableau une 
esquisse légère des moines barbus^u'il peint si bien. 

Ulysse, 5005 la forme d'un ntendiant , dit le livret , 
raconte à Pénélope , les longs inalheurs de son époux. 



»97 
Cette constante épouse, à demt-couchée sur unlfl 
de repos, baisse la tête et verse d^abondantes larmes 
sur l'absence de celui qu'elle n'a point cesser d'ai-- 
mer. Une de ses femmes, debout, appuyée près du 
dossier de son lit, file au fuseau ; elle sourit au- men- 
diant , et sa jolie tête contraste- avec l'expression 
d'affliction de la physionomie de sa maîtresse. Cette 
composition simple et bien entendue plait aus spec- 
tateur. Mais on voit trop que l'artiste n'a point été^ 
Ithaqpe , Pénélope et sa suivante sont de piquantes 
Françaises.. La couleur est aimable, les draperies de 
bon goût., le dessin coulant et sans prétentioui 
Nouscroyons le mendiant assez ressemblant aux mé*- 
dailles du. roi vagabond; mais nous blâmons l'ex- 
pression du livret : Ulysse n'est f oint sous la forme , 
mais sous le déguisement d'un mendiant -, la fortune 
ne change qpe l'habit. 

L'instant choisi par Drollmg pour représenter l'é- DroUIng.. 
ternelle histoire d'Orphée et d'Eurydice , est cduhoà 
Orphée , les bras étendus., voit Eurydice» dans ceux 
de Mercure , prête à dispardtre pour jamais. Eu^ 
rydice, entourée de longues et légères draperies blan- 
ches, est posée avec un-abandon plein de grâce. Or- 
phée, nu, est assez; purement dessiné-; mais onkii 
désirerait des formes plus nobles. L'entrée des eiifers 
est d'un bon. effet. Drolling soutiendra* le nom de 
son père 9 et il vient de prouver par ? k portrait -à^vstk 



artiste , que nous avons sous les yeux , qu'il n'a pas 
moins de talent pour Timitation de la vérité que pour 
les sujets de la fable. 
Bouillon. La résurrection du fils de la veuve de Naïm a été 
traitée par Bouillon , ainsi que par Guillemot ; mais , 
quoique différens de proportion , ces tableaux le sont 
encore plus par le mérite. La composition du même 
sujet a sous le crayon de Bouillon un effet et une or- 
donnance qui rappellent Técole du Poussin. Bouillon 
était depuis long-tems connu comme un de nos 
meilleurs dessinateurs , et si sa couleur eût été plus 
soutenue , plus vigoureuses , ses masses d'ombre plus 
déterminées , nous aurions bientôt compté sur un 
successeur du célèbre peintre français qui prit nais- 
sance aux Andelys. 
Guillemot. Qq jj^ pg^^ louer toutes les parties de ce tableau ; 
le second plan semble d'une autre main que le pre- 
mier , la composition n'en est pas heureuse , et cette 
file de spectateurs en perspective n'est pas d'un bon 
effet. L'artiste semble avoir épuisé tout son ta- 
lent sur le jeune ressuscité et sur les acolytes qui 
l'eptourent : le nu et les draperies sont traités d'un 
gran4 style ; onais le Christ n'est pas noble, «t cette 
çaère agenouillée n'intéresse point; l'effet général 
^'lest pas hannonieux. 

. I)aAS le tableau du même sfftiste , qui nous offre 

/ Vi^^^ surprenant ^héa-*Sylvia endormie, l'œil du 

f spectateur se porte avec satisfaction sur cette mère 



w. 



■^ 



1 



«99 
des fondateurs de Rome. L'imitation de la nature est 
parfaite, et ces belles formes , purement dessinées , 
font illusion. Cet ouvrage est poétiquement composé; 
ce Génie qui répand des pavots sur Rhéa est plein de 
grâce. Mous n'en dirons pas autant des Amours, qui 
semblent coiffés de perruques. Le dieu Mars à Tair 
d'uneamazone; il n'a point de caractère. Mais, en gé- 
néral , ce tableau est satisfaisant de couleur et d'exé- 
cution. P. V. 



TIN^T-HUITIÈME LETTRE. 



Voici encore nn de nos premiers peintres , mon Gaérin, 
«ber Maître , ipn a fourni son contingent au Salon 
par r«xposition d'un portrait Guérin vient de li7 
.vrer aux connaisseurs celui de M. de Laroche - Ja- 
quelein,, général de la Vendée en i8i5. On remar- 
)que dasft^ cette nouvelle production la grâce , l'ex- 
pression ,.la vie qui distinguent le talent de ce grand 
«rtiste; soa esprit ingénieux brille jusque dans les 
accessoires ; et cette épaisse fumée qui dérobe 
4mx regards les. ^ ennemis que combattait le chef 
vendéen , n'est pas ce qu'il y a de moins louable 
Jiims là composition» C'est la première fois qu'on 
ne se plaint pas de- perdre quelques figures du pin- 
ceau de M. Guériiu. 



aoo 

Berthon. Du portrait d'un guerrier à celui d'un médecin ^ 
la transition est un peu brusque ; cependant , en j 
réfléchissant , si ces deux professions ont un but 
différent , elles ont bien quelquefois des résul- 
tats pareils, et , tous les morts bien comptés , je ne 
sais pas trop qui de Mars ou d'Esculape aurait droit 
à la plus grosse part. Quoiqu'il en soit, M. le doc- 
teur Alibert est bien désintéressé dans le partage , 
et Ton sait gré à M. Berthon d'avoir si fidMement et 
si habilement retracé la physionomie e^ les traits de 
l'un des plus savans bienfaiteurs de l'humanité. Il 
y a toujours un groupe de jolies femmes devant 
l'image de l'aimable docteur : on sait que beaucoup 
d'entre elles aimeraient autant n'être jamais malades 
que de n'être pas traitées par M. Alibert. 

Pagnest. Peut-être , si le jeune Pagnest eût été confié à ses 
soins f les arts n'auraient~ils pas à pleurer un de 
leurs plus chers favoris , sitôt enlevé à leur culte* 
Cet infortuné jeune homme n'a laissé pour recom- 
mander sa mémoire que trois ou quatre portraits et 
quelques études ; mais son portrait de M. de Nanteuil 
est un prodige de ressemblance et un chef-d'œuvre 
d'exécution. Il n'est pas étonnant que Pagnest , 
d'après le système de perfection qu'il avait em- 
brassé , ait produit si peu , mais il n'en est que plus 
douloureux que la mort nous ait dérobé le long ave-> 
nir de travaux auxquels sa jeunesse lui permettait 
de prétendre. Un homme de talent qui meurt ayant 



\ 



Tige périt deut fois : il perd la vie et rimmortâlitë. 

Le général Desvaux n'a perdu que la vie ; il est ^"* Cher»- 
tombé à Wafterloo , comme les compagnons de 
Léonidas aux Thermopyles ; mais moins heureux 
que ces héros antiques , son cadavre n'a opposé 
qu'une vaine barrière à l'invasion des hordes étran- 
gères. Son image n'existait que dans une miniature 
et dans le souvenir de sa veuve ; M"**^ Chéradame , 
aidée de ces seuls secours , a , pour ainsi dire , re- 
composé son être et deviné son attitude. Le portrait 
en pied de ce général , qui a remplacé pendant 
quelques jours celui de M"^' de Barente , entre 
/Héloïse et Abeilard , est un vrai tour de force aux 
yeux des personnes qui sont dans le secret de sa 
composition y et fait honneur au pinceau de son au- 
teur .dans l'esprit de toutes les autres. La même ar* 
tiste a exposé aussi le portrait de M^*^ AUard , une 
des femmes de la société les plus célèbres pour sa 
voix et son talent de musicienne ; quelqu'un disait 
à côté de moi : Ce portrait n'est pas parlant , il est 
chantant; M"*' AUard ne peut pas se plaindre de son 
peintre , car tout le monde s'accorde à dire qu'elle 
n'est jamais si bien que lorsqu'elle chante. Nousavons 
encore de M*"^ Chéradame une Jardinière devant la- 
quelle on ne passe point impunément. Je voudrais 
bien savoir si c'est un portrait ou une figure de/ûrh- 
taisie ; en tout cas , c'est la mienne et celle de bien ^ 

.des gens , et ce- qu'il a de sûr , c'est que si cette 



jardiaière existe autre part qu^au Salon , on ne doit 
pas faire grande attention à ses fleurs. Je désire 
pour riu)nneur de la nature que ce s<Ht un por* 
trait ; mais j'espère pour la gloire de M*"® Chëra- 
dame que cette tête charmante est un rêve de son 
imagination. 
Hesse. Une bergère , quand elle est jolie , marx^he Té* 
gale des princesses; mes hommages passent donc 
sans cérémonie de )a belle jariliniète à la fille des 
rois. Le portrait en buste de la duchesse de Berri, 
par M. Hesse , est , sans contredit , une des plus 
gracieuses productions de cet artiste , et,. par consé- 
queiit, un des ornemens du Salon. S. A. H. y est^ce^ 
présentée un simple costume de ville ; mais sous le 
pinceau de M. Hesse , le chapeau du matin et la 
robe négligée n'ont rien à envier au diadème et aui 
manteau de cour. 

Je n'ai pas la prétention , mon cher Af aitre , de 
vous faire passer en revue toute la série de p^tràts 
bourgeois dont le Salon est tapissé. Qu'un honnête 
citadin y pour êU*e fiatu! une fois dans sa vie , fesse 
£ûre son portrait , il serait cruel de lui envier cette 
innocente volupté ; mais qu'il laisse exposer sa phy- 
siononne aux observations d'une foùIe moqueuse ;^ 
qu'il consente à se voir , pour ainsi dire^ |iendu eu 
effigie devant un public impitoyable , voilà une va** 
nité bien humble ! Les portraits , en général , comme 
les couplets de fête , 4oivent rester en fomiUe; dhtc. 



\ 



soi , on pest ïmpaBément avoir une gros ventre oa. 
an nés écrasé ; maïs à moins d'être réellement >^itd 
peindre, il faut se garder de se nutnlrer ans gens. 



finer dans Talcoye de qui «jtte ce so!t ( cela ëfaif 
bon du tems des petits abbés , lorsqu'il y avait de la 
religion en France) ; mais il me semble que ces por^ 
traits ne doivent pas plus que les pieux personnages 
qu'ils représentent j se trouver en si nombreuse et 
si mondaine compagnie. Certain curé que je pourrais 
nommer , est*il , par exemple , bien à sa places! près 
de M*** BigotUnij qui lui sourit d'une manière cbar^ 
mante dans la galerie d'Apollon , et à qni^ il ne ré- 
insérait, pas^moins la porte de son église , si ( ce qu'à 
Dieu ne plaise ) elle avait le destin de M^^ tlha-- 
meroi^ comme elle en a les grâces. 

A propos dé portraits qui se regardent, je ne ré- 
siste pas , mon cher Maître , à la tentation de vous 
conter une. anecdote toute récente qui ferait croire 
que dans le siècle de la politique et de 1» bourse^ il 
est encore des hommes qui aiment à aimer et des 
jeunes filles qui ont un cœur. Vous allez en juger. 

Le portrait du jeune M. C*** après avoir long- 
tems voyagé du grand salon dans la galerie d'Apol- 
lon , et de là dans le petit salon carré , était enfin 
venu se fixer , dans la grande galerie , cMe à côte 
du portrait de la jolie M"^ de L***. Il y a tant de 
conformité dans la taille et l'encadrement des deux 
tableaux et suD-tout une telle S}inpathie> dans l'ex- 
pression des physionomies, qu'on pouvait croire 
d'abord qu'un autre aveugle que le hasard s'était 
mêlé de cet arrangement. Quoi qu'il en soit, il se 



255 

^ passait guère de jours sans qu'un beau jeune ' 
]iomme ne vint rêver devant le portrait de 1V1^'« de 
jjmnk . tantôt il soupirsdt à faire peine ou à faire rire, 
tantôt , frappant du pied ^ il ouvrait brusquement le. 
livret 9 et parvenu au doux numéro semblait chercher 
k pénétrer le mystère des initiales; quelquefois, d^un: 
tra d'indifiCérence beaucoup trop naturel pour n^étre 
pas affecté , il demandait à ses voisins s^ils savaient 
çuel était ce portrait de femme , et puis 3 attendait 
leur réponse avec une anxiété dont lui seul ne s'amu* 
sait pas« 

Cependant , on avait souvent aperçu une demoi^ 
selle d'une tournure aussi gracieuse que décente , 
conduite par sa grand'maman qui lui eiqpliquait en 
détail tous les tableaux d'église qu'on rencontre k 
chaque pas au Salon, et la vie des saints qui y sont 
figurés , le tout accompagné de réflexions morales 
et d'excellens conseils tirés de ces pieux exemples.' 
La belle inconnue aimait sur-tout à s'airéler devant 
un Saint-Charles Borromée , tableau assez médiocre ; 
mais qui joignait à Tavantage d'exiter la verve nar-' 
rative de la grand'maman , celui de se trouver im- 
médiatement au-dessus du portrait de M. C**^. 
Tous les jours s'étaient de nouvelles questions sur 
les miracles de saint Charles Borromée ; la vieille 
mère en racontait de plus inconcevables tous les 
jours, ou répétait ceux de la veille ; la jeune fille 
écoutait ou n'écoutait pas , mais dévorait des yeux> 



ao6 

le sédiiisant portrait\, et tottt' le monde était coït-* 
tenh 

Un matin , attirés' cbacan par rimage qui les 
vrait charmés , le beau jeune Homme et la belle in* 
connue y arrivèrent au même instant. Leurs regards • 
se rencotntràrent. C'est Im! C'est elle! s'écrièrent- 
ils ensemble.— Comment P comment P s'écria desoit* 
côté la bonne mère ;. et onc depuis il ne fut question 
de saint Cbarles Borromée. Une reconnaissance si- 
inespérée devant leurs tableaux mémes^ nne si heu- 
reuse péripétie , firent sur leurs jeunes cœurs l'effet- 
d^un dénouement*^ le plus difficile était de se con^ 
nsdtre, ily avait si long-tems quUls s'aimaientr 
On assure que les parens et lesiortunes se scmt cou* 
Ténus aussi vite que les enfans, et les bans sont' 
déjà publiés pour leur prochain bonheur. 

Sr j'étais appelé au» jury chargé de décerner lep 
prix au meilleurs tableaux de Texposition , je n'ou-^ 
blirais pasces deux portraits qui, certes, ont fait plus 
d'impression que tous les chefs-d'œuvre qu'on pourra^ 
couronner, et si j'étais M. Yiiiaume, j'en ferais 
tirer vingt copies , et je les^ hisserais en guise* d'en-^ 
seigne au-dessus de toutes les portes de mon agence 
matrimoniale. 

- Il serait possible à ce grand homme, s'il voulait 
se donner un peu de mouvement, d'arranger encore 
plusieurs hymens avec les portraits du Salon. J'ai 
remarqué entre autres le portrait d'un vieux Mon-* 



207 

sieur et celm d'une dame, âgée^ peints par M. Cbiry, 
qui devraient bien faire afiaire ensemble. Aucune 
des deux parties cofttr^tauJes ne se trouverait lésée: 
le futur ( ou futur passé ) apporterait en mariage 
quijae.ou'sdze In^tresibiatt comptés; la. future; se 
constilueraU une dpt qui ne serait pas {Hrécisé^^ 
mènilai-dift'de SuzeMe; mais M* Fiévie posËtrait leur 
chanijsr ui^' épitbalame sur Tair : Il faut des ipaux^ 

Je-demand^ipaEdon à mon confrère* des croùions^ 
si f ai empiété sur; ses attributions en m'emparant de 
ce portrait de dame âgée ; il va peut--étre s'établir 
entre nous un conflit de juridiction ; mais ( comme 
cela ce pratique quelquefois ) avant que la compé^ 
tence ne soit jugée, j'aurai toujours porté mon arrêt; 

Par exemple , je puis aborder sans crainte de ré- 
clamations les trois portraits exposés par M^^^ Yolpi- 
Hère; il n'yarienà voir dans les productions de cette 
artiste. Je regrette que le défaut d'espace m'oblige 
à réduire mes éloges à la plus simple expression ; son 
portrait de M"« C**** , et celui de M"« *♦* , en 
paysanne italienne, neseraient pas désavoués par nos 
peintres à grande réputation : Cest tout ce que je puis 
vous dire. 

Il me reste encore moins de place pour vous parler 
du portrait d'un de ces députés vulgairement connus 
sous le nom de ventrus; il se trouve placé au Salon abso* 
lument au pied du portrait d'un ministre ; on voit que 



ao8 

le peintre n'a négligé aucnn trait de ressemblance , 
et il fant qu'il se soit entendu ayec Tordonnatenr da 
Musée pour qu'on reconnût son modèle an seul aspect 
de SSL pose. 

U est inutile de vous dire, mon cher Maître , qu'on 
rencontre au Salon la plupart de nos excellences i 
portefeuille et de leurs ipouses; mais j'avoue que je 
n'y ait point fait assez d'attention pour vous en 
rendre un compte fidèle : je ne m'arrête en général 
qu'aux portraits des jolies femmes ou des grands 
hommes. Saikt-A. 



o 









^ 







ftd9 

VINGT-NEUVIÈME LETTRE. 

Paris, le 19 décembre iSi9. 

Mon cher maître , 

€>st sous )e! portique ^é Pdidpëe que Je^. cqbs- Abel PajoL 
pirateurs avaient assemblé le sénat pour yftv%^xM 
mort dé ce grand homme sur César, qui en. était 
l'auteur. ; , : .:;: ; 

Cé^r (ut sourd à tons les avertissenieBS , àjouf 
Ies:^fcésages sinistres. L'orage qui groçude^. les^ oi^ 
seaux de nuit qui volent en plein jour % . rien nf 
l^ut lui inspirer de crainte, ilmarchean séo^t^ 
la tête, ceinte d'un laurier , revêtu de la ;pof^rpr|f^ 
et il a déjà monté une partie des degrés qui con^ 
Nuisent au lieu de rassemblée. Il ,:^'y..la;s&e,eIB- 
ltaiaerpar les discours d'Albinus. Cii^beret. Casça^ 
du nombre des conjurés , le précédent. : •; ^ 

Calpurnie, son épouse, est accounie pour^Uay/^'^ 
tir de ne point entrer au sénat. Il sourit; ^^r^ 
Avi'S et repousse la main qui voulait rarrét^f'^,({al- 
{Birnié tombe évanouie ; Antoine,^ qui suivait .f^ér 
jnr, . la. soutient. Brutus et Cassius sont sur leinas 
de l'empereur, et Cassius , levant les yeui^ ^jgi .çiçl ^ 
ttmbfte l^ remercier de l'incrédulité de César: il sert 
avec force la main de Br^tus, com^ pour; lui j(ai^ 
^pttrl|^f<. l!espérsuice qui. Tanime ; ^^ . lojin a;(r^ait 

LETTRES A DAYU», x4 . 



:.£-. 



xai.x%t\^t pprtaAt à..Césai: Ia. liste des jconja'** 

rës'; mais un de ceux-ci Tarréte , lui ferme la 

' . » * . ... 

bouche et nrtereepte st% cris. Plusieurs sénfiafeurs 
suivent le cortège, ainsLque plusieurs citoyens, 
^n^. i$¥DlQ.fillÇ.™P^te )es degrés avec précipitation; 
elle étend les bras et semble accourir au secours de 
Calpurnie. 

''C'esr''att pieéde U knite;d'airaiii ^pie se passe 
PkctfM ^e Gaipurnie; lei calme et la sécurité règneilA 
Stfr^ftonl^def César; «n santiméritd^iiqitiétttde'Svr 
celui d^ Albinus ; Antoine semble partager la.crainfè 
ffèMCMpiTfttie ; la tête pâle , le ifegai^d somfarb de Bru- 
va (r<$Atf étsfent ated les traits de Cèssiiis^ où se peint 
Vts^Vt et itiié émotion qui les coloré. 
« ^%ii"gAtéi^ftP, toutes ces figftres simt romaînie^Ziia 
«nicfi 'Au ! tbèâtire de Pompée , celle du ten^Ie et 
"VëtiUs victoiie^e et d'autre^ édifices qm environiielit 
lé po^rîtiâe V dont rentrée majestueuse est dédontedr 
tûlomies doriques , tout nous transporte dasos cette 
cité, maîtresse' dii monde, à Tépoque méminrable di 
Î^'fëutdt commis ' sur un des plus graiMls monstres 
^l^l^tît^ilfté , car il' fit aimer la tyrannie. 
"' "éetf e éômpo^tidn ( tiers de nature ) est; trailéè ea 
-^^îkitti ttiulf^ esf ^idi^Iè, noMe «t vrûiMiÉibblihn 
£â déistnestd'tir bon goût, lestyledelabonaaéoak^ 
les SràperÎÊi Manehes sont larges de ^plis e^:â'efFetl| 
l^'ftist^âi sauv^ leur «îènofbnie par dea foui dàndi 
W'*àeî' deihïT feinte^ bien entenAoeiSw • i ->i>i Dwr. 



flif 

tscaliét in Mâsiée, peint àrec taknt par lê méttitt sa- 
teur ; les raccourcis sont accuàés avec art , tt r»ft 
feaît ^é à rartîsle a'àvoîf , datte 5oA sùjèf , qtti iibus 
éffre la rëgéhératîon des béattx-arls en Franfee ^ tf^ 
ferl nto hûtbinàge indirect au chef dé Véc&U tàoéemèi 
âoiit le goût et le talent ont fixé èti tVafic^e teltii dé 
rnntiqae. La Gravure porté sut la planche, qiil 
%È!t son attribut , le Serment des Hara'ces \\t phis béad 
tableau du maître i 

Parlerons-nous de îa Mbrf it ta Vierge? <ie fâ-^ 
bleau , ne portant point le cachet d^origifialité qnl 
à caractérisé le Martyre de saint Etienrêe , noiis nous 
dispenserons d^en faire un ék>gë qui rendrait suspiecVé 
cettx que nous avons donnée àdit précédentes produc-' 
tidiis de cet artiste , ^àé ii^s ëiâiortons à ne poini 
rétrograder. • 

iliouget a peint pr^cédethinent id mrt ^è ïafinï Rouget 
l0uii ; le inérile reconnu dé ee'lableàii l'a fait ad- 
metlTe au Musée rfes niodernes ( galerie du Lux'em- 
boTirg). H a retracé; tette année ,' iine scène raoîn< 
dèàlôuréusè'dé la vie de ce niênre'ihbnarqué.* ' î 
^ lîe^vieux de la Montagne , scheick du Nouhés- 
Vd, frdiiffère de là Perse Vl de TArabife , iiisti-ùî? 
^é Loiiis IX 5e prëparaît à pâsàer en Egypïë ivté 
«tfe difhiéé forMidàblé , c)rut finit la guette! 'efr ^v-^ 
sant périr le géilétsTlV à fit partir fletix de' iàî sujets 
fioiif âffef èfi. France exécnteï ce projet: îlaîi^^én- 
déftt-t^^5fs"étâi^T^céft -niaiicte'v'ïf W iferDrài^ 'A^ 
Baût«'^tt81îtte ^« ^^tinguàkît' lé-jfefiÀe^' toF'^ 






aïs 

ÏVance; il dépécha suF-Ie-champ des ëmirs pout 
BTèrtir ce prince du péril qui le menaçait. 

C'est sans doute cette mission débonnaire qu'a 
voulu retracer l'artiste ; il a choisi le moment oà 
le monarque de vingt-un ans ^ assis sur son trône , 
entouré de chevaliers français armés de toutes 
pièces , reçoit les envoyés du vieux de la Montagne*: 
Ce tableau, d'une grande proportion, devait fournir k 
l'artiste les moyens de développer tout son talent ; 
cependant toutes les parties n'offrent point un 
égal mérite. 

Saint Louis , tête nue , assis , cuirassé , tenant 
nn long sceptre, a de la noblesse et de la simplicité; 
il rappelle bien la figure . consacrée du saint roi.. 
Mais les Français qui l'environnent ont des physiono^ 
mies qui ne peignent ni le caractère national , ni 
les preux que l'imagination aime à recréer. Rouget 
semble avoir mis plus de soin à retracer I^ émirs 
du vieux de la Montagne que les guerriers fr^oi* 
Çais. Le premier, jeune seïde en tçrbap lilainc, est 
plein de douceur et de suavité. Son beau profil , 
son œil baissé, sa tête inclinée, expriment le xçs- 
pect profond qu'inspire le jeune monarque. Les 
deux autres têtes, dont l'une est nue, sont inâteset 
vigoureuses. Leur<:ostume est largement exécuté |^ 
il est soigné et d'un effet pittoresque. 

, Nous, désirerions avoir les mêmes ^ogas à. donner ii^ 
yjSccfi homo du même artiste, xnai^ il s'<^lai|tqi|o}A 
^axt du Christ jsoit dlyine. B^il:A'e#!t:Rnfrqu9f>{«; 



at3 

dans ce taKtean ; Ronget semble y àroîr perdu pour 
le coloris , tandis qu'au contraire il gagne beaucoup 
50tts le rapport du dessin. 

Ses portraits sont larges de Cure , de couleur et 
de vérité ; il doit être nos en première ligne dans 
ce genre de peinture. 

Berthon semble affectionner Fàimable et roma- BertbMu 
nesque histoire é^ Angélique et Médor; le sujet du 
tableau dont nous allons parler est (si nous nous 
te rappelons bien ) le quatrième que ces arâans cé-« 
tèbres ont inspiré à cet artiste. La belle reine du 
Cathay a sauvé les [ours dé Médor et vient de Vé-^ 
pouser; elle est à cheval ainsi que lui; ils qilittent 
}a demeure hospitalière du- berger. Angélique*, 
n'ayant pour le récompenser que le bracelet précieux 
qu'elle tenait de Roland, le ddnneà ses hôtes, commet 
un gage dé son souveniret de sa reconnaissance. Ce 
riche présent semble tempérerks regrets que laisse* 
le départ de ce couple amoureux; 
■ Ce tableau est peint avec beaucoup de reelterehe 
et de soin ; peut-être trop. Les draperies sont un* 
peu maniérées et d'une coulent et porcelaine y 
e'est le reproche que méritent, en général , le9* 
artistes qui s'adonnent plus aux détails qu'à VéSét- 
de l'ensemble. Mais ce qui* peut être susceptible^ 
de critique dans un grand tableau , devient quelque* 
fois un motif d^éloges dans d'autres productions. 
~ Nous n'avons point encore parlé d'un tableatt- BuOdc 
lemarquable , autant par la maniée dont BuSeti 



?i4 

Va tQ^titi r 9^ P» yintéiqessauatr ^pisoif qu^ e^. ^ 
iburni le siij^t. 

Acciolin, général d'un p^rti- guelfe, ennemi â<^ 
l'empereur Othoa, assiège la- iiUle. de Ba^sano, en 
1232. Baptiste de Porta eu était gouverneur. Çelufr 
ci , secondé par le courage de Blanche de Ho&cj , 
son épouse , défend la place jusqu'à . la dernière 
extrémité. Mai^ Acciolin fait donner Tassaut , et 
le brave Porta est tué sur la broche ;; la ville est 
prise. Le général vainqueii^ a vi| Blanche, sa beauté 
Ta captivé ; il fait connaître ses diésirs , ils sont re-p 
poussés avec horreur, mais cette fidàU épouse a'suc*- 
combé , par 1^ force , ^ux . entreprises de rin£âm# 
Acciolin , le désejspoir s^empare de Blanche i se^ 
vétemens ^ont en désordre ,. ses agrafes rompues , s^ 
ceinture détachée. EUese fait ouvrirle caveau qui reurr 
ferme la dépouil^ mortelle de son inalheiv*eux époux « 
elle étreint de ses bras ce corps inanimé, et meurt 
sur le sein de celui auquel elle a honte de survivrei 

Buife.ifla^s a tra9sporté dans ce sombre cave^Mi ; 
]^orta, privé de viq , est étendu sur sa dernière CQUn 
che, et son épo.us^, s'abandonnant sur ce sein glacé 
^p^ès.av^ir embrassé pour la dernière fois son époi|}^ 
ipfortiiné , expire de douleur et de désespoir sur U 
cœur qui a palpité pour elle. ; / 

Ce tableau est déchirant; Tame du spectateur est, 
froissée , émue dç douleur et de compassion. L'ar« 
tjstç mérite autant d'éloges pour la composition ^ue 
{>onr l'eiçécution. 



M* 



Kods iiotts r^xodherims dé ne poiUri^ BoutoiL 

;.tenir de Bouton, le premi^ da genre pour les iwi- 
' térieurs et \sl .peisspective } il a èeàucoap JdAânte- 
tenis , et ceha de tous lui semiile le ptib près'de 
marcher sor ses traces , c^est Bouiiot ; nousr^em di- 
rons quelques mots ; mais Bouton a la^ priorité-. - ^ 
. Au retour de sa premîèrei cpàsade , le pieux saint 
ioùis ne retrouve plus samèrey Blanche àe-ËasHtoe, 
et pressé* de remplir le premier de voir d'un bon fil^, 
ji court à Saint-^Denis visiter son tombeau. D est 
descendu'dans le souterr^n; un long degré Ta cdii- 
duit au lieu ténébreux et voûté où le cénotaphe -qui 
reprenne les cendres maternelles lui offre , cou- 
chée , la froide statue de celle 'qu'R regrette. Le 
«lonarque* est ddkout, appuyé- sur h marbre et 
i'inonde àe larmes. Un fauteuil antique à été placé 
ca&ce ; c'est laque chaque jour il se proni;et de 
vemt méditer sur le néant des grandeurs humaines; 
c'est sous cette voûte mystérieuse^ entre ces colonnes. 
gothiques, que ses yeux humides contempleconi 
l'hnage de celle dont il reçût fo vie. 

Bouton a> peint ce triste séjour avee cette vérité 
de ton et d'effet qui sont Iç caractère de son talents 
On visit&le souterrain avec le pieux monarque ; on 
firissonne de l'air humide^ et frœd. qu'on y respire ^ 
on désire en sortir et remonter ce long escalier qut^ 
conduit vers le jour. 

C'est encore un roî, et un roi malheureux;, qui fait 
te^ sujet du second, tableau du même artiste> Chatlei 



3C6 

Stsart, dont U ttte ^tait tnûe à prix , m cacbe, sou 
les habits d'un mooUgnard , dans les ruines d'an 
■onastëte en Ecosse. Quelques arbres abriteal l'in- 
térieur de ces nùues , 1 travers lesquelles le fugitif 
cherche à découvrir quelque £tre compatissant. Son 
espoir n'est point dëf u , quelques femmes paraissent 
t'acheminer vers s^ retraite. l.ady Macdonald, 
foivie de deux de ses femmes , a découvert le sëjoiir 
qu'il habite , et lui apporte des secours. * 

Tel eit l'historique du sujet , tel est le tabteaa 
|ai-m£me , dont on ne saurait parler en détail sana 
répéter les éloges mérités par le précédent. 

VlniiritttT de l'église de JSoiUmartre est le titre 
dn troiùème tableau de Bouton. Le spectateur est 
effectivement dans cette nef gothique dont les vi- 
traux ont été bouchés. Il n'en reste que la moitié 
d'un ; il suffit ponr éclairer la partie du fond la pins 
éloignée, et pour en dessiner la forme. Une table 
de pierre hexagone, posée au milien, reçoit les rayons 
de ce jonr dn nord, et ses refiets suffisent pour iàire 
percevoir les senls omemeos qui tapissent les ccrins 
de ces antiques murailles : de longues toiles d'arai- 
gnées. 

Voasn'imagineriezjamaisdsqnel moyen s'est servi 
l'artiste poi}r égayer ce triste lien f 11 en a fait une 
prison. Une p^rte latérale qui se trouve à droite do 
specuteur laisse entrer un soleil brillant , qui reflète 
tonte cette partie de l'église et dessine en les éclai - 
rant les pilastres à colonnes gtèles qui ront former 



217 

.lies ogives arguës de la voûte. Une table est dais 
l'ombre^ à côté de cette porte; près de cette table , 
«n homme assis , vêtu à Tespagnole ; un autre 
appuyant ses poings armés de clefs sur son gros 
i^entre , renversant sa tête basanée , ne laisse voir 
-qu'une bouche qui rit jusqu'aux oreilles. Vous de*^ 
vinez ; c'est Michel Cervantes qui lit Don Quichotte 
à son lourd geôlier. Mais qui diable se serait doutée 
que Michel Cervantes se trouvât dans l'église àt 
Montmartre ? Nous pensons que si ce n'était point 
une fiction , les pèlerins abonderaient bientôt en ce 
lieu. 

Si vous entourez cette scène ingénieuse et cp^ 
inique des accessoires si vrais que je vous décrit , 
vous aurez une idée juste du tableau et de l'illusion 
qu'il fait naître. Cette production ajoutèraitii la ré-^ 
putation de Bouton , si elle avait besoin d'accrois^ 
sèment. 

. Nous avons parlé , mon cher Msitre^de FHo-- Oranger. 
min de Granger , nous n'avons rien dit de son 
Fincent de Pauk ; tableau de nuit, grande page 
pittoresque , belle de dessin et de composition, 
mais malheureuse de couleur et d'effet.' Il est cer- 
tains artistes dont la modestie et l'amabilité désar-» 
ment la critique. On leur désire des succès tout en-* 
tiers. 

Granger les a obtenus dans ce joli portrait de 
femme vêtue de bleu, dont le ton argentin , la fi- 
liesse du pinceau, la pureté des formes et la res- 



si8 

semblaBce coscUieUt le sofirâge dès comitisseiir»» 
PoDs-Camus. . , Une tête de jeun^ hoainiê assis , le regard hors 
du tableau^ nous a paru peîate d'une manière franr 
che et YigtMoreuse , et d'un effet haimonieux, quoi-;- 
que les masses d'ombre soient nn peu noire». Cette 
tête fait regretter d'autres productions de Pons*- 
Camus 9 qui n'ont point été mises à l'exposition. 
I^ngloîs. La générosité d'Alexandre tA le' sujet d'un ta-r 
ideau de Langlois. Apelles ya peindre Campaspe ; 
Alexandre %^t%\. aperçu de l'amour du peintre ; le 
foi de Macédoine saisit la main de Campaspe, assise^ 
qui n'est vêtue que de ^t% appas , et la présente à 
Apelles ; celui-ci quitte son ouvn^ , il tient en- 
core sa palette, il veut s*élancer pour accepter un dou. 
si précieux; interdit , il semble exprimer la recon* 
naissance ; il est comme suspendu entre ce senti«t 
ment et l'amour qui l'entraîne. 

Ce tableau est composé avec intelligence , . ledes- 
sin'en est d'une correétion Jouable et de bon goût. 
Campaspe a une tête charmante d'expression et de 
vérité, elle est belle de. forme. Le ton, qumqu'uar 
peuiroîd, t!il naturel. .Celui d'Alexandre est trop fé- 
minin , \ soa caractèse . n'est pdint asscK 'fior. Les 
draperies sont traitée^ d'une belle manière. En gé-^ 
néral , ce tableaii ^%X. d?un.eflGet. très-agréable. Il doit 
être classé parmi ceux qui ont fait honneur à Texpo- 
sition de cette année. 

Le soleil va disparaître : ^s derniers rayons, pas^ 
sant. entre deux monticules^ ^écla^ieat deux figurer 






1119 

^ne ijymptç gui. semble 44failUl»te ^ et Itii vw$e une 
eai^ J)ie^faîsaB.to^ A «on .cafcp^s , è la pea^ dfe ti-î^ 
gre attachée à .s«s ëp^ftlfls ; à Ij^ bjwmté de celle 
gH.'rïycu|t ^eçpurii:, on pouiroU recotoualtre Céphale 
et Pfçcm I ni^is le //Vr^/ aauç apprend que c'e^ 
ft^biÇl «t Nepbtali, dont rbislQire est échappé à 
1^ p^nidC^riç dut spectatçur , Bt cpiç Titiste : aursât 
^4 l'appeler pour TîntéFét du lableau. Si&u exëcutioii 
^st brillante ©t 4'nn effet piquant ♦ lea demlT-teiates 
$fijit. n)ép^^ée$ aveig airt, fnais q^r d^vli^ rque.le 
jeune artiste a étudié certaine Méhala , eh qa'il'f 
pris des leçans du père de certain Cai% qui *onie la • 
galerie du l^x^mbourg.. On doit concevoir dbs. os-^ 
pérances sur un tai^pt qui çst è' ^n auf (ure-i. ^jiftaiid 
Uis^si bien rendu le$ feux 4u couchant. 

On a parlé, dans presque tous les fouriiaujt, dft la> Picot 
cbarmaate composition qui a retracé à nOs y!eu)K VA* 
mour quittant l^ touche de I^çb^ ; personne!, quérjn 
sache , n'a fait conpaitre un petit tableau de>fa»ûlle 
du même artiste, où, dans un bosquet^, il ^^est p^iaA 
lui - même s'approchant de sa femmie et de- sa jolid 
petite 611e , tenant en nvaiii son Qrayon et sqr' Itxrci 
d'esquis3es. ]Mous nous sommes pli)sieutr3 1^1 artfâtés 
devant cette production, dont la vérité et la^tea^ 
semblance pourraient faire r/seonnaitr^ aisément .e^r! 
lui qui rapporte de {lome nn talent que reâUBmpbi 
4e nos maîtres- dpit encore perfectionner. : * 

W. MAu,diiit. 4 peint le portrait de feu madâme^ £ ^'*'" 






aaa 



Mlle Bidault. 



Siimelle , snpërieure des daines de TEnfant-J^sas ^ 
avec un talent digne de remarque , et on a rendu 
justice à cette tête qui rappelle la manière de Phi- 
lippe de Champagne; le burin s'en est emparé. 

M"* Mauduit a donné deux autres tableaux ^ Puik^ 
Henriette de France , femme de Chartes P' y roi d' An-* 
gle terre , abordant sur les côtes de France , et fuyant 
ses persécuteurs. L'autre , la Bésurrectian du fils dé 
la çeuve de Sarepia par le prophète Elysée. Ces deux 
productions ne sont pas sans mérite , mais nous 
avouons qu'on ne les jugerait pas sorties du même 
pinceau. 

La fille d'un célèbre paysagiste devait marquer 
en peinture ; mais on ne s'attendait point qu'elle 
s'adonnerait au genre du portrait , tandis qu'elle 
aurait pu profiter des levons que le talent de soir 
père pouvait lui prodiguer; Ses portraits , cependant ^ 
sont de la bonne école , et ils se font distinguer, 
malgré le voisinage de Paulin Guérin , etc. 

Cette artiste s'est peinte elle-ipême , appuyée sur 
un piano ; elle est assise et semble méditer ; sa pa- 
lette, chargée de couleur, est à côté d'elle. Ce por-. 
trait est gracieux d'attitude et d'effet. 
B/Iii« Lebran. ' Une femme vêtue de blanc , se promenant dans 
un parc , est peinte d'une manière facile et agréa^ 
ble. Le mouvement est élégant , la démarche aisée r 
mais on y sent quelque afféterie , et Ton devinerait 
que celle dont on a retracé l'image est déjà éloignée- 
de la simplicité de la nature : son altitude semble 



M»« Fon- 
taine. 



&2I 

JStttdiie. M^^' Lebrun , peignez les grâces naîveÀ , là 
fleur qui vient d'ëclore ; celle-là plaît par sa propre 
beauté , et n'a nul besoin , pour charmer j d'être 
arrangée dans un bouquet. 

M"« Ësmenard a offert quelques miniatures i M»«E«m<- 
parmi lesquelles on doit distinguer le portrait dé 
M"* Dnchesnois , sous l'habit de Jeanne d'Arc dans 
la prison , et celui de M^** Mars. Nous félicitons la 
jeune artiste d'ayoâr pré£éré un genre qui nous 
semble être l'apanage de son s^e dans la peinture. 

■«T.. . f » 

TRENTIÈME LETTRE. 



Les paysagistes y mon cher Mahre , ont sontenit 
cette année l'honneur de notre Ecole; leurs, pro- 
ductions, aussi remarquables que variée, semblaient 
exiger de nous une mention plus particulière et des 
éloges plus étendus. Mais nous avons suivi malgré 
BOUS l'impulsion du public , attiré par le fracas et 
par le brait. Il prodigue son admiration aux grandes 
images , et néglige les compositions qui n'ont pour 
tUes que • le talent et la nature i 

Cependant lés portes du Salon sont fermées; )e 
rasstmUe dans mon esprit le souvenio dés impres-* 
sionsqfi'il areçaes, et je consacre ma dernière Lettve 
à<tM4 pttter df s paysages. 



138 

' WiattGlet et Berfin occupent ^ sini contr^dil ^ Ih 
première placé parmi^ lés mattreà dû cb genre «« TovLi 
deux aflectent une manière à pcirf, tons d^x, y mon-i- 
trent une égale supérioriLë^ et.scmbieat se ;partager 
la gtoirë de l'Ecole. En'Yotis les faisant connalfrey 
j'aurai presque remplie ma tâ^he» 

La nature :e8t la mêiiie pdur tous- le radnde; fti^iit 
lès images qa^elle produit se niedifient dans chaque 
individu^ en sorte :qà'nn même objet a autant d^ 
vetsions différentes qu'il y a d'artistes occupés i Je 
reproduire. Cette diversité suppose des écarts plus 
ou moins grands du modèle , et ces écarts de Tar- 
tiste constituent sa manière. 

Il n'appartieiit donc qu'aux hommes de:génie de 
n'avoir point de manière ; ceux-là , comme vous , 
mon cher Maître , sont lés peintres de la nature , ils 
ont atleiilt les lîiiâies dcrl'art. Mais cette perfectton 
dépend plutôt duAe disposition innée qu'elle n'eatle 
fruit de l'étude* 

. Le spectateur lut-mèmè- n'apprécie les çOinipoSt^ 
tiçils que d'après cette disposition |>articuUèr.e; c'est 
ta manière de-poir : ^\ï^\ ^ iot^squ'H dit que teUrtistff 
lut parait supérieur à tel autre dans le môme.gftnfe.'^ 
cela signifie 4i>e ;k ^insii^rv idoftt ie {>remîef.tisadwit 
la nature s'accorde le mieux arec sajt«/^ârâ>da..|# 
sentir ; ce qili ne rdécidoi pas du tout la ^àtaAnù 
- -Ainsi donc^ mon elet M^^fere^ san^ipè^t^v-^ict 
Un jti^emént inutiie, et qui ^.inénfie après téjpiam» 
bule , blesserait beaucoup.d'tamours^'pIrQpifQti^ îfliiO^ 



^ ^ ^ >> 



i 



TappTbcher sois Tosyeox les àtut^vilÈiti ef tous les 
fkîre piger de noiiTeau d'après le meillear de lears 
tableaux de cette année. La comparaison sera d^au*^ 
tant pins fedlequlls ont c&oisi un même stijet. 

Sut le pen^bant d'un coteau ^'iténà une forêt Wattelet 
saaTage ; là s^élèvent de vietix chênes dont les trôAcd 
soin pen rapproches; mai^ dont l^s branches s'en^ 
«relacent. Sous cel dêvnies de verdure règneni 
t'ambre ft lâi fraÉCfhéiir 7 ui| torrent y;bondit au mi-« 
Iktt des rochers 9 ent^aftnant avec fracas les débris 
dequiflqnés arbres ahaltus^ 

La sombre horreuif de ces lieu* , Tëpaî^seur des 
bois et te Irait du totrevit contrastent ayeb une 
longne plaine afrdén têts tdèsséchëé par les feux de Tan- 

Li séleil , ^4êitê'i&hM^é^ , vé^ bientôt di^{)a- 
raitre derrière les montagnes , et ses derniers rayons 
frappent d'une teinte rougeâtre les cimes les plus 
élevées. 

Voilà le tableau de Wattelet. Il est très-pitto- 
resque et parfaitement exécuté; on reproche, en gé- 
néral, à cet artiste, un ton de couleur trop cru et des 
oppositions un peu trop prononcées ; mais une telle 
manière convient à des compositions fortes et roma- 
nesques. Une touche moins hardie détruirait ses 
plus grands effets. 

Passons à l'ouvrage de Bertin ; vous verrez , Bcrtîn, 
mom cher Maître, que comme Wattelet il a su 
assortir ses conceptions à la touche de son pin- 



et qn^en adoptant un sujet semblable il a senti qne 
sa composition ne deyait pas moins différer que sat 
manière de celle de son émule. 

C'est aux jours du printems ; Taurore parait , et 
avec elle les collines lointaines dont la forêt enve-* 
lo^e les flancs. Les cimes les plus éloignées i à denû^ 
Yoilées par les nuages, brillent déjà des premiers feux 
de Taube. Les vapeurs du matifl s'élèvent et se dissi- 
pent peu -à -peu. Pins près du spectateur est vai 
vallon surmonté d'une masse ée chênes robustes et 
pressés que sillonnent nn grand chemin* Sur le der 
vaut est une petite nappe d'eau. 

La couleur délicate et un peu grise de Berlin pn^ 
duit dans ce tableau nn effet aussi naturel que suave : 
ce lointain, ces vapeurs, cetti^ verdure , ces eaux» 
$ont rendus avec une vérité admirable. A« F* 



*r. ^Jil^ W k^ •• 



f •• 



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I r • > ' '^ . •> 



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aaS 



trï;nte-unième lettre. 



Paris, le 3o décemBré 1^19.' 

Mon cher maître , 
Avant de vous parler de sculpture , nous allons ^^^^^n. 
mettre sous vos yeux un des beaux tableau:^ de notre' 
exposition : celui de Steuben , reprëseptant saint ^ 
Germain distribuant les aumônes d'un roi barbare». 
Les travaux relatifs à nos gravures , et dçs obstacles, 
étrangers à notre volonté , ont interverti pour cette 
fpis Tordre .dans lequel nous voulions vous présenter .^ . . 
les sujets que nous avons choisis^ Pious ne vous of- 
frirons que dans la prochaine . livraison notre opi^ 
nion , ou plutôt celle du public , sur le tableau 4e 
Steuben. Heureux si ce sentiment s^ç rapporte à ce- 
lui que ne peut manquer d'éveiller en yous Taspect 
d'une belle ordonnance dans cette composition si 
remarquable ! 

. Ainsi que le public , les journaux et les divers 
écrits qu'a inspirés le salon de cette année se 
3ont beaucoup plus occupés de peinture que de sculp- 
ture. Chaque jour, dans la grande galerie , la cu^ 
nosité était éveillée *par l'aspect de quelque nouveau 
tableau ; les antiques chefs-d'œuvre des Guide , des 
Titien^ ^esJbib^nsj des Raphaé'l , avaient peu-à-peu 

LETTRES A DAVI0. l5 






iasfKa 80H8 les eonposUîoiis de iMM-^pemlre» hio*- • 
bernes. Enfin, Girodet s'^stvu tont-à-coup exposé 
à un tlëtuge de compKinens en vers -et en prose , 
d^ëpigrammes, decouroniie»^ de défenses, d'attaques, 
de flagorneries et.de sarcasmes. Cette Vogue de la 
£j£i/i^ me faisait frémir pour le reste de lûespaiuvres 
statues , auxquelles ]e craignais d'avoir vainement 
promis un article. Votre Léonidasaux THétmapyles^ 
it nouveau été livré à l'admiration publique , et 
cet étonnant chef-d'œuvre a attiré la foule i son' 
tbiir , sans exigefr que toutes les plumets lui fussent 
exclusivement Consacrées. Nous avons parlé de tout 
en son lien. 
^P^^y- ' Il est des hommes contre lesquels on ne dirigé 
qu'avec peine la critique la plus légère. Cette sorte 
de pudeur qui force à respecter le talent jusque dans 
:^és écarts , ou du Aioins à lui épargner d'amères re- 
nfontrances , est généràleinent trop méconnue. La 
république des lettrés m'est assez étrangère ; mais , 
pour prendre un exemple , ne vdyons-ïious pas tou^ 
les jours la tourbe des gazetiers et des 'rimailleurs 
essayer de flétrir de leurs plaisanteries un tragique 
célèbre, un illustre écrivain, qui, dit-on , s'est quéI-^ 
quefois égaré. Lés malheureux ! pour juger si impi-< 
tôyablement ses défauts , ils n'ont donc pas senti ses 
, beautés. Quand on se mêle de donner ^ôn avis sur 
l'ouvrage d'un homme d'un mérite connu , cet ou-> 
trage, IfttMl détestable , doit encore être traité ayec 



une inàjijiçmcft qui honore le criij[(|ae bien plus qni» 
l'auteor. Toutes ces réflexions ne peuvent s'appli-' 
quer iM. Etupaty et à sa fVizffi; ççpepdant, après 
ayoir examiné ces mains peu sayamment modelées , 
cette tête d'un style si peu antique, et sur-tout cet 
Amour , qui &it aux pieds de sa mère un si bizarre 
effet , je me permettrai d'e^ appeler à Tauteur à' A-. 
Jax , et d'attendre à Tannée 1821 , époque à laquelle 
U nous fouri^ira sans doute une occasion nonyeile 
de lui prodiguer des éloges sans-mélanges. 

La Salmacis de Bosio^ que nous ayons eu Tayantage 
de considérer dans râtelier^ fait le pendant de soii 
Hyacinthe. Le sculpteur a motivé la pose de sa figure 
sur ce passage d'Ovide : <c Salmacis .était la seule de. 
toutes les Naïades que Diane n&,connût point. Ses 
soeurs lui disaient souvent : Salmacis , arme- toi 
d'un, javelot, prends un carquois , partage ton tenu 
entre les exercices de la chasse et le repos. Leur^ 
discours étaient inutiles. Une indolente oisiveté fai- 
sait toutes ses délices. Elle ne prenait d'autre plaisir 
qu'à se baigner, orner ses cheveux, et à consulter 
dans le cristal de l'onde quels ajustemens luisiér^ent 
le mieux. » 

Cette nouvelle figure de M. Bosio est poétiqufî^ 
ment pensée; les formes en sont pures et suaves ,,1^ 
pose est pleine de grâce,, et les bras et les jambes 
sont bien modelés ; peut-être le torse et l'emman* 
i^en^ent du cou laissent-ils quelque chose à repreur 



Bosiob 



%i9 

* « • • • 

ère ; tnais il y a une foiile dé détàik chanûans ^ui 
font aisément oublier quelque:? légers défauts. L'eté- 
cution de la ffgôt'e entière est d'un fltii précieux ;' 
les moindres d^^fls sont rendus avefc une exactitude 
et un soin parfaits ; le ciseau , entre tes mains de 
M. Bosio , peut alors se comparer au pinceau d*Au- 
gustin , dont les miniature^ ont été souvent hono-- 
rées de vos éloges/ 
Petîtotpire. ' La statue de Mane-Antoinette , exposée en plâtre 
il y a deux ans , a étéexécutée en marbre. Son au- 
fesr n'a pas corrigé les défauts qu'on lui avait re- 
[^rothés dans le tems. La pose est toujours mono^' 
tone et sans noblesse , les mains sont toujours lour- 
des , les draperies gothiques', et la tête triviale. La 
statue de Marie- Antoinette , quoi qu'en aient dit 
Certaines feuilles, est un mauvais ouvrage. Tfous 
n'apportons d'autre opinion dans les arts que celle 
i]ui peut nous permettre d'indiquer les fautes et d'ap- 
plaudir aux beautés. 
Mansion. M. Mansiona exposé, sous le n*^ 1 349 , un groupe 
représentant le dieu d'Epidaure protégeantia Beauté, 
et la découverte de la vaccine , symbolisée! par une 
génisse. Ce groupe est très -remarquable; II y â 
de la pensée, du stylé, et Pensemble est bien 
composé. Lia tête d'Esculape est copiée d'après 
l'antique; là jeune fille ou la beauté est posée 
avec grâce , et ses formes ont du style , ainsi que les 
idraperies, dans lesquelles du voudrait peut-être quel- 



ii*9 
^6s plU SQ p^u plus profonds. Moud engageoitr 
M. Mansion , s'il exécute ce groupe ea marbce , à 
ennoblir le&foçmes d'Ësculape , à soigner les extré- 
.mites. Les pieds du, Dieu et ceux de la )euiie fille ^sonl 
lourds , et il est possible même d& revenir un peu 
s^ur Tavant-bras droit d'Esculape. Tel qu'il est, çç 
.^oupe a mérité à son auteur de justes éloges* , 

Ce jeune artiste , à qui nous déviQn^ déjà une belle DarîdL 
..statue du grand Condé , n'est point resté au-dessous 
^e lui-même. Sa statue dn mi René, son tombeau 
en marbre , annoncfnt toujours un faire, noble , vi*- 
gourei^x js}: facile. Qn voit que M, David , heureuse-r 
ment inspiré p^arsonnom, étudia Tantiq^ie. 

Epamiaondas mourant est , dit- on, destiné. à re- Bridais 
cevoir le prix accordé au meilleur ouvrage de^culp- 
ture de cette année. Ce cboix aura probablement 
ses partisans et ses détracteurs. 

U Epamiaondas est , sans contredit , un fort beau 
morceau , et s'il est vrai qu'il obtienne le prix , ce 
cboix pourra être justifié à beaucoup d'égards. Mais, 
ainsi que Voltaire l'a dit : » $i\ I^cpaère a jbrn^é. Vir- 
•gile, c'est son plus bel ouvr^ige^ » De in^me, on peut 
assurer que le plus bel ouvrage de Ilf ., Bridan est 
M. Cprtot , son élève ; c'est à M. Cortot que je don-^ ' 
nerais la médaille d'or. 

Ce.jeui)e artiste a exposé son Ecce homa depuis Cortot 
ma dernière Lettre. La pose est nécessairement in~; 
diquée )^ar le jsujet mêmis ; mais il ét^t impossible 



frères. On n^a rien négligé pour amuser le plus 
possible les mandataires de la nation pendant cette 
espèce de quarantaine^ qui aura été remplie par l'ap- 
parition de la Galatie de M. Girodet et par tous 
les mauvais vers qu'un beau tableau est capable d'ins- 
pirer. 

Cependant MM. les Croûtons^ profitant de cette 
' puissante diversion et de Tattention exclusive du 
public et des artistes pour un seul objet , ont dimi^ 
nagé sans bruit par les escaliers dérobés ; c'est af- 
freux tout ce quMls ont emporté! Ma surveillance à 
moi-même s'est ti^ouvée en défaut , et il est bon 
nombre de croûtes ^ue )e n'ai pu rattra^per que dans 
les vestibules et sous les portails; mais alors )'ai rè*- 
doublé d'ardeur et de zèle : posé comme en embus- 
^ cade au détour de l'escalier et de la petite cour in- 
térieure du Musée, mon regard avide perçait au 
travers des toiles qui recouvraient négligemment ces 
tristes peintures. Et puis la grande habitude!.... 
Une jambe qui passait sous la couverture , une tête 
qui n'avait pas eu le bon esprit de se cacher tout 
entière , un rien, enfin, révélait la croûte à l'œil du 
maître ; ce n'est pas à moi qu'on peut en faire ac- 
croire. 

Un de ces matins , je traversais le pont Roysl , 
et quoiqu'une affaire assez importante m'appe- 
lât au faubourg Saint-Germain, j'allais aus^ vite 
que s'il se fût agi d'un déjeûner d'amis ou d'une partie 









a33 

fine. Yint k passer sur le parapet opposé un porfe- 
faix, le dos ployé sous un tableau couyert d'une toile 
grise ; je ne sais quelle instinct m'y pousse ; j'arrive 
auprès, une certaine odeur de croûte m'y retient ; je 
soulève doucement le voile.... Effectivement, c'en 
•était une!. Le numéro .y tenait eiicore. Je suivis 
quelque tems ce brave homme qui la portait sur ses 
épaules j comme s'il y .eûi> connu quelque chose; et 
)e me sais assuré , à l'aide de mon iwreit qui ne me 
quitte jamais , du nom de l'artiste et du sujet de son 
barbouillage. Fidèle à mon principe, qu'il faut cen- 
surer les ridicules et les défauts en épargnant les 
personnes , je ne. vous entretiendrai que du tableau ; 
qu'importe lé nom de Fauteur ?l'ouvrage est détes- 
table, c'est tout ce qu'il me faut. Or , ce sont des 
nymphes ( le livret les dérigne ainsi ) qui se livrent^ 
au bord des ruisseaux limpides et sur les pelouses 
fleuries , à toutes sortes de jeux innocens ; les unes 
sautent dans des cerceaux .de roses et de jasmins 
tressés , les autres se défient à la course ; plusieurs 
sont assises en rond et semblent regarder d'un œil 
d'envie trois ou quatre de leurs camarades qui se* 
roulent sur l'herbe; et toutes ces demoiselles sont 
dans le très-simple appareil d'une beauté sortant du 
bain, au moment où elle a déjà laissé tomber son 
peignoir et n'a pas encore passé sa chemise , pour 
parler en langue vulgaire. Comment sont-elles si 
assurées en plein jour et en pleine campagne? Il 



a34 

B^ja donc ni faunes, ni sylvains dans les bois d'alen^ 
tour. Quoi qu'il en soit , 

Ces dames y sans s'armer d'une austère pudeur ; 
Se défendront assez par leur seule laideur. 

• - • . 

Voilà ce qui les tranquillise, etmoi aussi. On ne yoit 
pas si le peintre a voulu faire des nymphes de 
Diane , de Venus ou de Flore , je crois plutôt qu'elles 
sont de la cour de Junon,qui,en sa qualité de femme 
jalouse , ne doit pas prendre à son service de jolies 
femmes de chambre. 

Mais je retourne à mon poste, au bas du petit 
escalier par où les Croûtons évacuent sourdement. 
Parmi les numéro sortons , qui n'ont rien gagné ce- 
pendant à la loterie des arts , il est juste de distin-> 
guer lé numéro 7 56, représentant Fémts qui arrête 
Enée prit à çenger la ruine de Troie sur Hélène^ ré-^ 
fygiée au pied de V autel de Festa. Il y a du goût dans 
le choix du sujet et de la sagesse dans l'ordonnance 
de ce tableau ; la figure de Vénus est même dessinée 
avec assez de grâce et de correction , ce qui vient 
peut-être de ce qu'elle est évidemment copiée de je 
ne sais plus quel m^iître dans l'un de ^t& chefs- 
d'oeuvre dont le nom m'échappe ( si ce li'était pas 
à vous que j'écrivais , mon cher Maître , je ne.mian- 
quêrais pas de dire sans hésiter le nom du peintre 
€t de son tableau ); du reste, la couleur de la peau de 
Vénus est d'un rouge foncé qui s.e détache très-bien 



a35 
sur un fond blanc mat formé par les nuages qui 

portent la déesse; quant à Enée qui regarde s^ 

mère d^un air maussade , comme si elle élait venue 

le troubler dans une bonne fortune, il est clair qu'il 

n'est point copié, et Ton peut affirmer qu'il ne res^ 

semble à rien. 

Hélène , de son côté , accroupie de la ma- 
nière la plus bourgeoise, ressemble à toutes les 
femmes qu'on voudra , excepté à la fille de Léda; il 
suffit d'être grosse et grasse et d'avoir peury et l'on 
pourra se croire une Hélène k la façon de M. Leroy. Je 
nomme cet artiste, parce que sa croûte est une croûte 
d^ histoire ^ et qu'il faut encourager V histoire y qu'on 
abandonne de plus en plus pour le ^^/zr^; parce que les 
personnages de sa croûte sont de grandeur naturelle, 
et qu'il y a attaqué le nu^ deux grandes difficultés de 
l'art , qui sont presque l'art lui-même , et qu'on ne 
trouve point dans tous ces petits tableaux de pantins 
habillés qui ne supposent pas plus de talent chez 
les peintres qui les dessinent , que de connaissance 
dans ceux qui se pâment d'admiration en les regar- 
dant; et, enfin , parce qu'on trouve dans cette croûte 
des parties estimables et qu'on ne doit point déses- 
pérer de son auteur, dont j'espère ne plus avoir à parier 
aux expositions suivantes. En attendant, c'est le mi- 
nistère de V intérieur qui a commandé ce tableau, qui 
figurera fort mal dans X intérieur du ministère. 

Voici la Magicienne consultée I A coup sûr , Fau-^ 
ttnr n'est pas ungrand sorcier en peinture. Flusieurs^ 



i36 

jeunes filles sont debout dans l'antre prophétique ; 
une d'elles a livré sa main aux regards de la magi* 
cienne , et toutes les consultantes , mais sur-tout 
celle qui est en action, sont d'un sang-froid et d'une 
tranquillité imperturbables; en revanche, la sorcière 
a tous les traits de la figure contractés , et sa vieille 
^physionomie exprime horriblement la surprise et l'a* 
gitation. Un peintre vulgaire aurait , au contraire, 
transporté les émotions sur les figures des jeunes 
filles , qui ne vont guère consulter les diseuses de 
bonne aventure que sur la fidélité de leurs amans 
ou sur l'époque de leur mariage , toutes choses as- 
sez intéressantes pour qu'on se donne la peine de 
se troubler un peu , et il eût réservé le calme et la 
dignité pour la sibylle , qui ne doit s'étonner de rien , 
et qui vous dit que les bruns ne trompent jamais , ou 
que les blonds épousent quand ils l'ont juré , comme 
si elle vous disait les choses les plus simples et les 
plus naturelles. Voilà ce qu'eût fait un peintre or- 
dinaire , l'auteur de ce tableau a pris une manière 
foute opposée , ce qui n'empêche pourtant pas qu'il 
ne soit un peintre fort ordinaire. 

N'apperçois-je pas des pieds de bouc qui passent P 
Ah! c'est Pan poursuiçanf Syrinx. II n'en fait pas 
d'autres , ce vilain dieu ; on aurait bien dû le met- 
tre pour toute sa vie sous la surveillance de la haute 
police de l'Olympe. Cette pauvre Syrinx, comme 
elle â chaud ! il faut que Pan lui ait donné une fière 
chasse; il enest lui-mime tout cramoisi. Enfi:n, lanym* 



plie, arrêtée pat les eaôx du fleuve Ladon, se jette 
fort à propos dans l^es bras d'une naïade sa sœur; 
pour échapper aux désirs du dieu , elle la supplie de 
<5hanger sa figure.... J'aurais fait la même prière au 
peintre , si j'eusse vu son tableau dans l'atelier. Un 
sujet mythologique veut être traité avec tant de grâce ,- 
un dessin si pur , une couleur si suave ! Au lieu 
de cela, . . . Oh ! je veux absolument m'essayer sur le 
même sujet , pour voir si en m'appliquant je poui>^ 
rai parvenir à le rendre aussi mal. 

Numéro loSg. Henri ^ duc de joyeuse j revenant 
au bal , entouré d'un grand nombre de compagnons de 
ses plaHsirs , qui composaient avec luiune bruyante mas-^ 
aarade , passa près le couçent des capucins , à Pariai 
Ces capucins chantaient V office de}s matines. Le JeutW 
duc s'imagina entendre un concert céleste^. (Le jeiiné 
duc avait .beaucoup dMmagination,et ne connaissait 
pas une nete de musique). UA rayon de la grâce îon-^ 
éha son cœur {^^n% passer par sa figure, à' ce qu'il 
pa»rait) ; il déteita la çie ficencieuse dans laquelle il n'a-- 
vait trouvé que de faux plaisirs ,■ et entra dans ce cou-- 
ventj où il prit Vhabit^ sous le nom défibre Ange , (et 
d'oà il sortait de tems en temspour faire le diable). 
Ce tableau s'appelle la conversion (on pour mieux 
£re, le quart de4:onversion) du duc de Joyeuse. 

Il y a quelque originalité dans cette composition. 
La nuit qui. couvre presque tout le tableau fait bien 
ressortir l'apparition lumineuse des esprits célestes ; 
etla bande yoj^tt^^ pouvait contraster d'une maaniè^ 



/ 



*3I 

avisée pittoresque avec le$ ^apliî^s el: lesr vierges 
4u ciel ; maU )e peii^tre s'esl laissé aller k des dé- 
tails ignobles et tout^-à^-f^^it^or^ $lfi ri^rt. Des^p/P 
cfiinels , des pierrots , des arltquim » font mauvaise 
jQgurç dans un cadre ; c^est à Tartiste a iùvX idéaliser; 
sHl a à peindre une tqasçarade , el.s«ur-tout la mascà*- 
i^de d^un duc, il faut qu'il invente , qiiMl crée des 
déguisemens qui permettent à Tart de se faire recon- 
nu tre. Il résulte de tput cela que ce tableati pouvait 
n*étre pas une crafûte, 

1 Je me demandiiis comment une composition dont 
quelques parties annoncent quelque, mérite , pouvait 
en même tems contenir tant de détaib et d*in|en^ 
tions ridicules. Le /<Vri^/ m'apprend que Tauieur est 
le même qui a peint cette >bi9ii/& 4e cenù^ur^l..,.* 
tput s'explique. 

Je crois que voilà encore nto, tableau i qui mes 
fonctions m'obligent de dire deujc mots : c'est Mar-- 
guerile de Falois ^ surprise par U conriétaNe 4e Bour^ 
bon au moment eu lisant rhistùiré ron^aine^ elle s'écrie : 
(c Ah! quel monstre! cet infâme Néron fait mourir 
][e vertueux Thraséa;». — £h ! quoi, lui ditldconnétar- 
ble , plaindrez-votts des maux étrangers et ii'au^e2^ 
VQus nulle pitié de ce que vous causez à ceiix qui vous 
adorent? — Ah! Dieu, lui dit la princesse étomiëe 
de le voir si près d'elle , comme vous m'avez fait 
peur! « Il est bien fait pour cela certainement. 
Bien lui enprendd'avoirétépeiht par une demoiselle: 
j'allais lui en dire de belles. 



»59 
fit TOUS aussi ^ M. logre ! qui est-ce qd aurait cra 
cela de voiis? Est-ce bien sériettsement que vous! 
'lums ayez aivoyë de Rome cette Olympe^ sau»ie 
par Roger de la fureur d'un monstre marin? C'est 
bien la peine d'avoir brille long-tems dans Tatelier 
de David , pour devenir ce que vous êtes; en vérité, 
fo^t manière tsi changée à faire peur. Qu'est-ce que 
c'est que votre Olj^mpe , indécemment garottée à cette 
roche ? Et votre chevalier sur l'hypogriphe, a-t41 
une mine assez insignifiante? Il al'air tout an plus avec 
sa lance de se préparer à une partie 4e bague. Quant 
à Vètce làftce , c'est sans contredit le principal per«^ 
sonnage du tableau; elle est magnifiquement dmrée 
et ciselée , et puis avec quelle grâce elle traverse 
toute votre toile diagonalement , depuis l'extrémité 
supérieure de gauche jusqu'à .celle inférieure» de 
Aroite^ où elle aboutit à- une espèce Hàperlan que 
Tdns BOUS donnez pour un monstre ! ... Les grands 
connaisseurs^ prétendent que votre dessin est tràs-sa* 
Tfift^ et votre peinture très^finé; il faut $tre $Qi^ 
même très-fin et très-savant pour sien apercevoir; 
lef^remier talent est de plaire; qui ne plsut pas, à tort , 
dans les arts comme en amour. Il y a des gens qui 
ptétendent que c'est pour vous moquer de nous que 
vous exposez de pareils tableaux; prenez garde que 
le public ne prenne une revanche complète. Si> c'est 
exprès que vous faites des choses si ridicules , et commue 
par. gageure, je ne puis raisonnablement vous adh- 
mettf e dans notre compagnie qu'en qualité de çnA-- 



/ 



j4o . 

ÉOHPolontam ;ïims, volontaire oa non,, songes qn'nne 
fois earAlé, la désertion est difficile; quand vous 
serez aussi las que nous de vos figures sans ombres , 
de vos corps sans rondeur , et de vos fonds . sans pers- 
pective, je ne sais pas si malgré vôtre talent réel 
vous pourrez revenir au vrai bien. Vous ne feirezpas 
rétrograder Tart , ni le goût ; on a admiré It.Pér^gin ; 
mais il n'avait pas encore fait son plus bel ouvrage: 
Raphaël. 

Maintenant, passez , Croûtons^ passez sans crainte 9 
il est tems de me démettre de ma magistrature; re- 
devenons camarades ; je n'ai plus le courage 'de poar« 
laivre la gnerre. 

De mes inimitiés le cours est achevé. 

». 

.j • ' 

C'est dommage , car j'entrevois VLVLRaumd. dans 
ia forit enchantée ., qui me parait bien la chose da 
monde la plus plaisantoi et puis encore: ce petit ta- 
bleau qui s'en va tout doucement^. l;:Soiitonsm0i-> 
même , car j'aurais trop de regtets et je rede vieil-- 
&ais méchant. 

Adieu, mon cher Maître, je quitte le palais dès arts 
pour courir à la Sorbonne , joindre L'hmnble hom- 
mage d'une couronne écoliëre à celles des mitres et 
du public qui couvrent votre admirable Léonidas^ 
C'est encore un exilé 1 espérons que le ministère le 
rappellera comme quelques autres. Mais , pour cela . 
demandons-le hautement et vivement : c'est le pins 
sûr moyen , quoi qu'on puisse en dire. P. • *%• 



._^ ..j 



/ 



^ 



''ll«/«.%«^W«> WVWVX^/^ V%A,V«/^>/Vt. W^^/t/V^fV^i V%/«' %«A. W«>«A/««A/%«/V\.%V%^/V^ 

TRENTE-TROISIÈME LETTRE. 



Paï-is , le i**" mars 1820. 
Mon 6heR MAITRfe, 

L^QUVERTURE de la galerie du Luxembourg a ranimé 
la curiosité des amateurs, et termine en quelque sorte 
le cours des. expositions de cette année; elle nous 
impose , envers vous , une obligation nouvelle. 

La. plupart de ces ouvrages , acquis par le gouver- 
nement , ont figuré au Louvre : nous vous les avons 
fait connaître dans notre correspondance. Quelques- 
uns sont dignes de la faveur qui leur est accordée ; 
m^is^çe n^est point sur eux , aujourd'hui , que s^atta- 
cbent tous les regards. 

Qu'iJ est doux pour vos élèves de vous rendre le 
témoin de Tenthousiasme unanime qu'excitent les 
Sabines et les Thermopyles. Le premier de ces chefs-* 
d'oeuvre a déjà reçu deux fois Thommage des con- 
Bai$$ears^ Vous recueillîtes alors les transports du 
public ; que se pouvez- vous jouir encore de son em-* 
pressement ! Les Thermopyles n'avaient para qne 
dans votre atelier; ils vous rendirent , dansvotre exil , 
l'objet d'une admiratioi^ dont vous avez refusé le 
tribut. L'or .des souverains étrangers a vainement 
essayé de nous rayir ce que vous n'avez voulu confier 
qu'à la France ; nous le possédons ce monument de 
gloire , d'autant ^\u% cher à vos élèves qu'ils y pui- 
seront à - la - fois ks kçons d'un génie créateur et 
d'un généreux patriotisme. 

Qu'il est beau ceLéonidas! Comme ses regards, 
élevés vers le ciel , expriment la mélancolie et la su- 
blimité de son ame. Dans quelques instans il n'ap-- 
partiendra plas à la terre ; il va s'immoler au salut 
deJa Grèce , ^t cette pe^c enflamme son front d'une 

' I.ETTRES A pAVin, 16 



Joie inconnne à nos soldats Hiodenus , q^ 1^ plu- 
part ne savent mourir qu^ayec fureur et par orgueil. 
Mais que de larmes secrètes verseront les vierges de 
Sparte sur le trépas de ses compagnons ! Ce senti- 
ment de regret , vous avez su le fair<e pressentir dans 
la figure du roi de Lacëdémone ; cette figure nous 
/ montre Theureux contraste d'unjç noblepilié et d'une 
fermeté inébranlable. 

Qu'il est beau ce Léonidas t Les artistes^ y retrou- 
vent votre admirable talent de dessitif et un- èoloiris 
supérieur à tout ce que vous aviez fait jusqu^alors ; 
inais la perfection de votre héros reçoit des éloges 
|)lus flatteurs encore : les femmes, qui smt elles- 
mâmes le type de toute beauté ; les femmes parcoa-^ 
rent d'un œil charmé les formes du Léonidas, en 
suivent tous les contours , en pénètrent tous le» se- 
crets , et découvrent les émotions du côeàr e^le' feu 
de la vie où de froids amateurs ne voient que lO' ré- 
sultat d'une ingénieuse combinaison» 

J'ai parié d'amateurs , et vous coAmaîssez , mon 
cher Maître f la trempe d'esprit des hommes- qui se 
parent de ce titre. J'en ai vu qui , résistanl^ à l'iÉi-* 
pression des grands effets de l'art , et livrés an ma- 
rasme d'une malheureuse snsceptibité , n^aperee-* 
vcaimit, dans les ouvrais lef plus accomplis', que 
te» défauts qu'on est fâché d'y rencontrer. Trop pe«- 
tits pour embrasser les immenses proportions du g;é^ 
nie y. ces gmmmairkm de l'art veuietit le resseiifer 
dans les bornes étroites de leurs* ridicules systimes. 
Scotttez .leurs critiques , ils vous persuaderont que 
vous avez eu tort de sentir. Vous, mop cher Ilibâtre, 
qui avez si bien analysé toutes' l%s passions , dites- 
moi quelle est la source de ce travers ? E§Y-ce I^ 
médiocrité qui se venge l Efitr-ce l'ignorance qui ne 
cmnprend pas? 

Je rêvais à ce singulier problème , lorsqu^en tra-- 



a43 

versant la galerie du Luxembourg , {e vis au centre 
d'un groupe de curieux uii homme qui gesticulait 
avec une extréfme vivacité ; c^ëtait un petit vieillard 
de fort bonne raine , à qui ses quatre-vingts ans ne 
semblaient pas du tout un fardeau difficile à porr 
ter; son front silfonné et sa blanche chevelure an- 
nonçaient que ses beaux jours avaient appartenu à 
un autre tems ; mais Téclat et la netteté de son or- 
gane eussent fait croire quMl était encore dans la 
vigueur de Tâge. Il parlait de votre plus beau ta- 
bleau f, et exprimait son opinion avec tant di^assu- 
rance^ qiiei^n^eûs pas de peine à comprendre que , 
ce vieillard était un ajiiaieur , ou tout au moins ^ » 
quelque érudit à cheval sur les règles de Tart et bien 
'infatué de la science dé Tantiquité. Il ne manquai) 
jamais de citer Montfaucon ou Tabbé Winckel- 
mann, et au besoin il disait : Tai vu. Sa conver- 
sation pouvait m'offrir quelque intérêt ; je Técou- 
tai et je ne tardai pas à y prendre part, it voudrais 
bien f mon cher' Maître , vous la rapporter tout en- 
tière, vous y trouveriez, peut-être, des détails pi- 
quans; mais je n^âi retenu de notre discussion que 
ce qu^elle avait dfe phis aride , les raisonnemens de, 
l'Amateur et mes objections. Ce que je vais vous 
transmettre ne sera, pour ainsi dire, que la subs- 
tance du dialogue qui s'établit entre nous. 

U Amateur : L'unité d'action , Monsieur , est le 
premier de tous les préceptes. Les livres dAristote 
sont le code des poètes et des peintres* Les lois 
qi^'il leur a laissées ne sont point fondées sur le 
caprice de Topinion ; ce rhéteur nous apprend 
lui-même qu'il les a puisées dans les plus si^blimes 
compositions des anciens. C'est, nous assure-t- 
il , Apollon et les Muses qui les lui ont dictées. 
Ces règles , réunies sous un seul point de vue et 
classées par un esprit observateur et méthodique , 



^-.ri^vri 



lont si justes et si certaines quMi est impossible i& 
s^en écatter sans s'éloigner en même tems de la 
perfection. En faisant son tableau des Thermopyks , 
David aurait dû se rappeler... 

L'Elève. Eh quoi ! Monsieur, vous reprocheriez 
k ce grand maître d'avoir oublié quelques préceptes 
essentiels, lui qui a ramené son Ecole à la pureté 
atitique! 

L'Amateur. J'avoue qu'il mérite cet éloge ; mais 
convenez avec tboi qu'une condition indispensable 
dans toute composition n'est point observée dans les 
Thermopyles : l'unité d'action y est violée , et quoi 
qu'on en dise, ce tableau, qui n'a pas même d'ac- 
tron principale , n'est , à proprement parler , qu'une 
réunion de différens épisodes. 

• VElèçe. C'est juger avec sévérité , Monsieur ; il 
est vrai que tous les personnages des Thermopyles 
ne sont pas occupés à accomplir une seule intention: 
chacun agit nécessairement d'après son caractère , 
son âge , sa position : c'est ce qui produit la diver- 
sité de mouvemens ; mais toute cette activité , quoi-» 
que divergente en apparence, concourt à un même 
but, et voilà précisément ce qui constitue l'unité 
d'action. 

L'Amateur. Vous êtes dans l'erreur : cela cons-- 
titne tout au plus l'unité d'intérêt. 

L'Elève. Et que peut-on exiger davantage ? L'u- 
nité d'intérêt , Monsieur ! il n'àppartieiit qu'au gé- 
nie de concevoir , et quand il l'a trouvée , il est 
libre de briser le joug et de s'affranchir de toute en- 
trave ; il donne lui-même une nouvelle théorie de 
l'art , car il est créateur. 

L'Amateur. Jeune homme , vous raisonnez en 
enthousiaste; il faut savoir se mettre en garde contre 
une admiration outrée; celui qui admire trop tes 
hommes de génie , a dit le célèbre Bacon , les sur- 



3^5 

passé jdiffi<:ilcnient : dîtes-moi, par exemple ,,ce qui 
caractérise cette action unique , à laquelle , selon 
vous , se rapportent si bien les mouyemens des di* 
vers personnages ? 

U Elève. Uaction n'est ni concentrée , ni expri- 
mée isolement ; toutes les parties s'y rattachent ; U 
n'en est aucune d'indépendante sans cela ; ce que 
TOUS nommez des épisodes deviendrait des acces-r 
soires inutiles ; il n'y aurait plus alors que de la 
confusion , qu'une agitation sans objet ; et cepen- 
dant il est aisé , au contraire , de se convaincre que 
tout est parfaitement défini et parfaitement concerté. 
Est-il un seul détail qui ne rentre pas dans l'en- 
^mble, qui ne réalise pas l'unité? D'ailleurs, voici 
comment je conçois la chose : Des trompettes , pla- 
cés sur une hauteur , signalent les approches d une 
armée ennemie ; les guerriers s'apprêtent au combat, 
et saisissent leurs armes ; deux autels , encore char- 
gés d'ofirandes , indiquent qu'on vient de faire un 
dernier sacrifice , et ces autels sont ceux d'Hercule 
et de Véiius, divinités protectrices de Sparte; la 
scène..'.. 

ii'^^/^iir. Suspendez un instant votre récit, et 
veuillei^ m'apprendré comment vous distinguez ces 
auteU,P . / .. 

t^Elève. iPàr dès inscriptions grecques, 

VAniaieur, Grecques , à la bonne heure ; mais 
TOUS paralt-il bien naturel qu'on ait ainsi impro- 
visé des inscriptions sur ces autels élevés à la hâte.. 
Cette indication peut vous sembler ingénieuse , en 
ce qu'elle a été d'une grande ressource à l'artisjte, 
et hors de toute vraisemblance. 

Les emblèmes et les symboles suffisaient aux an- 
ciens pour désigner à quelle divinité un autel était 
consacré ; leurs temples mêmes ne portaient une dé- 
dicace que lorsque le dieu qu'on y adorait avait une 






a46 

attribution particulière ou <lûstinçtç de ce^e quVn 
)ui teconnais^ait bafaituellcnuent. Les inscrmtioixs 
telles (jue les a supposées M. David n^auraient donc 
rien appris à des Spartiates pour qui le culte d^Her- 
cule et de Venus était un acte de tous les joujrs. 

tJn tèttfe de gazon entouré d^enseignes militaires 
et sur lequel on eût apporté , en oflrande ^ la farinç 
et le sel , yojlà quel devait être Tautel des Spartiates , 
qui , probablement , dans cette occasion , n'avaient 
amené avec eux ni architectes y ni sculpteurs. 11 eût 
été mieux encore de reproduire ici le rocher, qui y 
au rapport de Pausanias s'élevait dans l'endroit des 
Thermopyles où Tarmée grecque était campée. Cà 
monument eût été plus historique , sans être moins 
pittoresque. 

E Elève- M. David en a jugé autrement , il a usé 
du privilège des poètes. 

V Amateur. Je vous entends : mais reprenons le SI 
de notre discours. La scène disiez-vous?...» 

V Elève. La scène est entre des rocs escarpés qui 
forment uji passage étroit d'où l'on découvre a^ loin 
ta plaine , le rivage et la mer; un temple est sur les 
flancs de la montagne , dans laquelle e$^f pratiqué le 
sentier par où s^éloignent le^ esclaves et les cj^év^aux 
chargés des bagages , désormais inutiles , car l'heure 
de mourir est venue. Ce .défilé , n'e^^t-pf ppi4^ cd'uî 
des Thermopyles ? Ces guerrieris ne çont-ys . ^as les 
trois cents Sp^tiates ^ l^ous les traits d^héroîspeq^.^ 
'signalèrent cette mémorable journée ne sq^pIt ils 
l^as rendus avec l'énergie que commande m^ ^^^ 
blable sujet? 

V Amateur. Cela peut être;, mai^ eiitrons ^djfiiilcs 
détails. 

VEliye. J'y cpnsens ; le livret va nous ipettrç, ^u, 
fait. 

Léonids^/s avait voulu élpi^nçr du coinbaf,! 30Ui» 



^47 

prétexte d'nne mission secrète pour les magistrafs 
de Lacëdémoite, deux jeuifes gens qui lui étaient at- 
tachés pat les liens du san^ et par l'amitié. Ils ont 
pénétré son intention : Nous ne sommes pas ici pour 
parier des ordres , mais pour combattre , répondent- 
ils; et soudain, impatiens de se placer dans les rangs, 
l'un se hâte dé rattacher son cothnme , Tautre court 
embrasser son père pour la dernière fois. Qae leurs 
adieux ^ont touchans ! Le guerrier presse la main du 
^ieîilard contre son cœur , comme pour lui faire 
sentir qu'il demeure intrépide à Taspect de la mort ; 
attentif à cette épreuye , le Spartiate a reconnu spn 
fils. 

L^ Amateur. Tout cela est fort beau, sans doute; 
ttkdSs ne peut pas être clair : Pavenir et le passé 
ne sont pas du domaine de la peinture : toujours 
borhée au moment présent, elle n'a la fadulté ni d'en- 
tid^er, ni de rétro^ader. Qui m'apprendra ce qu'ont 
dit tout-à-l'heure le jeûne guerrier qui rattache 
ses sandales et cet autre qui embrasse un vieillard, 
qtte je sn]f>pose être son père ? lis ne parlent plus; il 
m'est impos^le de deviner une petisée dont l'ex- 
pression a eesfsé., Retracez donc une existence ou un 
sentitnent actuel e:t feiioncez à m'émouvoir par des 
effets cpie'voiis ne pouvez saisir. L^artiste doit' puiser 
ses moyenis dans son pinceau et non dans son hvret. 

L'Éièi^. Qnqi , Monsieur, vous avez pu pe^iser que 
lepremiet peinl^e dé notre Ecole était réduit k d^âussi 
misérables ressources ? Dans rexplîcatioti rf'un ta- 
bleau , il est souvent utile de rapporter lés circons- 
tances (fui ont précédé on ^iv! le fait principal ; car 
ce n'est y)u^afinsi que le spectateur peut être mis dans 
la confidence du caractère , de la situation et de 
l'esprit. des personnages. Du reste, est-il indispen-* 
sable d'être instruit que les individus que l'on a mis 
en scène sont des Spartiates , pour étr& touché def 



: û*i 



-* e 



248 

scntimens quMls expriment, et comprendre l6$<motî& 
qui les fout agir ? Voyez cet aveugle : son attitude y 
ses gestes ne montrent - ils pas qu'il demande à com- 
battre ? J^adniire son grand cœur et j'admire l'ar- 
tiste, qui sur une toile inseijisibje a su le faire, pal- 
piter. J'ouvre maintenant le livret et je Ii&: «.En- 
voyé par Lëonidas à Ijacédémqne, un aveugle , con- 
duit par son esclave , se présentede nouyeau et^lui 
renouvelle ses instances de mourir av^c sejS compa-r 
gnons d'armes. » Je reconnais aussitôt le guerrier 
dont j'avais deviné l'intention héroïque. 

Voulez- vous des , signes qui ne laissent aucun 
doute sur la nation et le siècle auxquels l'action ap- 
partient ? Vous trouverez partout les seniimens qui 
devaient animer les disciples de Lycurgue. Sur If^ 
second plan, un des çhek dévoués au culte d'Her- 
cule, dont il porte l'armure et le costume, range sa 
troupe en bataille : le grand prêtre le suit ; il invoque 
le demi-dieu pour le succès du combat, et du doigt il. 
montre le ciel. N'est-ce pas la piété des Spartiates l 
leur obéissance pour les magistrats ? Agis en est ici 
le symbole. Frère de. la femme de Léonidas, Agis 
placé dans l'ombre au-dessous de lui a déposé sa 
couronne de fleurs et va se couvrir de son casque l 
les yeux tournés vers le général , il semble en at-, 
tendre des ordres. La touchante fraternité qui unis- 
sait les citoyens de la république , avec quel channe 
elle se manifeste dans ces jeunes amis qui se tenant 
étroitement serrés élèvent leur couronnes et jurent 
de mourir pour la patrie. Lizezces mots qui fixent 
leurs regards et qu'un guerrier grave du pommeau 
de son épée sur la roche couverte de mpusse :. 
Etranger , ^^a dire aux Lacédén^oniens que nous sommes 
morts ici pour obéira leurs .saintes lois. 

V Amateur. C'est ici que je yous attendais ; j'auraia 
pu ypus faire observer que l'aveugle du tableau n'est 



a49 

pas celui de Thistoire , car ce dernier n'arriva sur 
le champ de bataille , pour y trouver la mort , qu'au 
moment où déjà ses compatriotes n'étaient plus; j'a- 
vais aussi quelques raisons de vous demander pour- 
.quoi Agis, n'ayant rien sur lui qui annonce sa qualité, 
on est encore obligé de consulter le livret. Ces cri-*- 
tiques m'ont paru trop minutieuses. J'aime parfois 
à faire preuve d'indulgence , mais, je ne puis vous 
passer Tépigramme dont vous m'avez récité la tra^ 

ductio9- 

L'Elève. Où voulez-vous en venir? 

U Amateur, Ignorez-vous qu'on doit cette épi- 
gramme au poète Simonide , et qu'elle ne fut com- 
posée que bien long-tems après la guerre des Perses? 

L'Elève, Eh bien ! je ne vois là qu'un anachro- 
nisme , toujours autorisé dans les ouvrages d'imagi- 
nation. N'admirez- vous pas avec quel art M. David 
a su rattacher à son sujet ces vers de Simonide F 

V Amateur, La peinture est un de ces arts évidens 
qui dpivent se passer de secours étranger. Elle n'est 
plu^ dans cette enfance où il lui était permis de re- 
co^urir aux,écriteaux et aux pancartes. Le bon goût et 
la raison les ont à jamais abandonnés aux Qiimes des 
houleyarts ; ce n'est que là qu'on doit les [employer 
à éclairer l'action. V 

Convenez-en de bonne foi , la résolttfi^n de dé- 
fendre les Thermopyles n'étant point une action , 
n'est pas du ressort de la peinture. Aussi le tableau 
de David n'offre que des préparatifs, et ces préli- 
minaires sont trop vagues pour être «caractéristiques 
de révénement qui doit leur succéder. Est-ce une 
halte militaire ? est-ce une fête? sont-ce des jeux ? 
est-ce l'approche d'un combat ? est-ce la célébration 
d'une victoire ? L'ennemi s'avance : mais n'y a-t-il 
rien qui puisse donner lieu à une méprise? Le bruit 
des trompettes ou plutôt le son des flûtes , car à la 



^■rti ■■■^■■■ii. n ■</ (-<.'--> %j!'jk^ f..£l^^ 



d54 

Le pieux évéque avait épuisé tous ses biens à sou-* 
lager les pauvres , le roi Childebert lui envoya, pour 
le même usage ^ sa vaisselle et ses trésors. 

C^est le moment où il distribue les royales au- 
mônes qu'a retracé Tartiste ; ce vénérable prélat , 
revêtu de ses habits sacerdotaux, élevé sur les degrés 
de son église , répand, d'une main libérale , l'argent 
du monarque. Un soldat tient une lourde cassette 
dans laquelle puise Tévéque . Devant lui est un autel ; 
un jeune page porte des vases d'or , qu'un ori- 
flamme accompagne ; des guerriers l'escortent. 
Une foule de mendiant sont s^ccourus. Une femme 
défaillante est assise au pied de l'autel ; son enfant 
lui apporte ce qu'il vient de recevoir. Deux vieil- 
lards demi -nus tendent leurs mains débiles; on 
voit derrière eux la foule dont les gestes implorent 
des secours , tandis qu'un des gardes l'invite à at- 
tendre et la contient éloignée de l'auteU 

Ce tableau est plein d'intérêt, et nous parait 
d'une heureuse exécution. On pourrait reprocher à 
l'artiste sa couleur un peu ^systématique et le ton 
de chair trop rembruni qu'il a employé dans le nu ; 
mais la tête vénérable de Tévêque est belle de touche 
et d'expression; sa chape de drap d'or, sa mitre , 
son étole , sont artistement traités ; les costumes 
du tems bien étudiés , bien rendus. Ce tableau at- 
tirera l'attention de ceux qui connaissent l'art et ses 
difficnltés : il place Steuben au rang que lui pro- 
mettait, son tableau de Pkrre-le-Grand. 
JDesLorcles. Kous n'avons pas dû passer sous silence un por- 
trait qui fait connaître la figure de l'artiste eu 
même tems que son talent. Cette tête blanchie par 
l'étude plutôt que par les ans est pleine d'expression 
et de vérité. M. Desbordes présente le pinceau, ins- 
trument de son succès : plus d'un artiste , en le 
voyant , éprouve le désir de le lui dérober. 



a55 

Un portrait de Robecl-Lefebvce , derojèremeiii Robert-Le<* 
exposé, offre la pliysionomie d^un {eune peîfttEfe, f^^bvre. 
dont le talent et la fécondité ont captivé L'atten- 
tion et devancé Tâge de la célébrité. L'j^titudi^ , em^ 
pruntée à Vandick et donnée à Horace Veri^t , non^ 
semble un éloge. La ressemblance du modèle es^ 
exacte ; sa palette noas parait un acceasoîrQ inutiile ^ 
tant Texpressiou^ de la tête annonce rattiste. Pour 
cette fois , on ne peut reprocha à Robert Leiebyre 
les tons violets qui re^roidisnait ses ^amatton^ ; ce 
portrait est aaimé ; il mérite \»$ suf&age» éclairés. 

En parlant du poi!trait de qet iiifat}jg;9ble Veiinjet, H. Vemet 
pouvons*i|0as ne pas dire un mot de deupc prodactions 
qu'il a ajoutées à celles dont nous avons déjà parlé ? 

Un trompette de chasseurs vient d'être tué. Il est 
gisant dans la poussière^ Son cheval blanc , libre de 
son cavalier ; ne Ta point abandonné ; il baisse la 
tête vers ce corps privé de vie , et semble en le flai^ 
rant l'inviter à se relever, tandis qu'un fidèle bar- 
bet vient lécher la tête ensanglantée de son maître. 
Quel indifférent passera sans rougir près de cet inté^ 
ressant tableau ? 

Mais déjà ce tableau a encore eu un successeur : 
c'est le siège de Sarragosse. Des capucins y jouent 
le premier rôle : placés sur les fortifications de cette 
ville , pêle-mêle avec les guerriers , le crucifix d'une 
main et le glaive de l'autre , ils af&antent audacieu- 
sement la mort qui les menace.... 

Ambitieux Horace, ne laisserez-vous pas même à 
Granet l'honneur de peindre lesxapucins ? 

Lo Scriçio publico est un tableau de M"* Lescot, M*ï«Lftscot, 
qui sort de la classe ordinaire de ses productions : 
le sujet est une espèce d'énigme dont nous al- 
lons vous donner le mot. Cet écrivain assis , dont 
les cheveux blancs annoncent les longs trayaux , 



d56 

est le pire d^un ex-ministre; ce jenne villageois. fut 
ministre lui-même « sa jolie compagne est son épouse. 

Mous pouvons louer la manière spirituelle dont ce 
sujet est traité et la touche piquante qui l'anime; 
mais nous ne devinons pas Je but de ce travestisse- 
ment. La peinture est, par son essence, Fimitation 
de la nature, et c'est déroger à ses principes que de 
chercher à égarer ses juges. Ce tableau n'aurait dû 
être exposé qu'en tems de carnaval. 

Si cette Lettre est la dernière que nous vous écri- 
vons, recevez , ici mon cher Mattre , tous les vœux 
de vos élèves, qui vous conservent un inviolable atta- 
chement et une admiration que la postérité parta- 
gera. P. V. 



FIN. 



JOS, li'lUPRIMERIX DE PILLET Ami, RUE CHRISTmE, TU, 5. 



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