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Full text of "Lettres inédites de Marc Aurèle et de Fronton: retrouvées sur les palimpsestes de Milan et de Rome"

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RVARP COLLEGE LIBRARY 

IIINillin iiiTX , uillll .fflm ,^J, ,11, In, LU,, I, 



LETTRES 



DE 



MARCUS AURELIUS 



ET DE 



M. C. FRONTO. 



TTPOr.RArnTE de MA1tr.£LLIN-LEGRANT>, PI.ASSAN et COUr. 



IMPIIMRMIK DR PLAMAK IT C^, BOI DK TArCIRARD, N* l5. 



LETTRES 



INÉDITES 



DE MARC AURÈLE 



ET 



DE FRONTON 

nETROUTÉES SUR LES PALIMPSESTES DE HILA.N ET DE ROME ; 

TRADUITES 
AVEC LE TEXTE LATIN EN REGARD ET DES NOTES 

PAR M. ARMAND CASSAN. 



TOME PREMIER. 



PARIS. 



A. LEVAVASSEUR, LIBRAIRE, 

AIT PALAIS-ROYAL. 



1830. 



r^\ 



d 



1 



•il 

Les Romains divisèrent leurs mot 
iDus, de iduare, diyiser, les ici 
ne s'introduisit que sous les en 
sait ù son coucher. La nuit étai 

Voici l'explication des majuscule 
docisi ou intercisi, en partie fe 
été transporté du temple de M 




LETTRES 



DE 



MARCUS AURELIUS 



ET DE 



M. C. FRONTO. 



MARCI AtïRELII 



ET 



M. C. FRONTONIS 



EPISTOL^E. 



»6 i »6 » »»a#«» »» 6#«i » » i»i » < io d' i l » »»> C '*» »»t^» a^>ic » a'»» g »' g »»»<>'»»» < » C «»w' < «4 1 '»» »» ia '» J♦o ^> o^ ^ c > ■»!> 



M. C. FRONTONIS 

EPISTULiE* 

AD ANTONINUM PIUM. 



EPISTOLA I. 

IMPERATORl ANTONINO PIO AUGUSTO, FRONTO. 

Ut meministi, Caesar, cum tibi in senatu gra- 
tias agerem , desiderio quodam. . . . quae distu- 
1er.., dicit.... nere senatu frequentior. . . . sum. 
Nam. . . litteras quae eo die recitabantur. . . tes. . . 
librum... Dominus^.. Bene vale. 

* lia codex. — ^ Prope universa periit h«c epistola Tcr- 
suum XXV. 



LETTRES 

DE 



MARCUS AURELIUS 



ET DE 



M. C. FRONTO. 



| i a i» oi < ia » Q i» a < ioi »ia» a < io< i Q»Q»Qi » o <i 8 i» e< ' Qi » a <>B <ig tn i > 9— •♦B^ K iQ fl ia t iB » ! 



LETTRES 

DE M. G. FRONTO 

A ANTONINÙS PIUS*. 



LETTRE I. 



9 



A L EMPEREUR ANTONINUS PIUS AUGUSTUS, FRONTO. 

Comme tu t'en souvîens,rCœsar^, au moment oii je 
te rendais grâce dans le sénat, à la vue d'une assem- 
blée plus nombreuse , je ne pus résistef^ au désir de 
prononcer ton éloge'' que j'avais différé jusqu'alors. .* 



* Je mets en italique dans la traductioa, comme M. Mai l'a fait 
pour le texte , les passages que j'essaie de rétablir. 



». *. 



■ ' < z 



4 AD ANTONINUM. 

EPISTOLA II. 

M. FRONTONI, ANTONINUS CiESARi 

Quanta...* me tUo.., hercule,., optimo in tam 
Irita et assidua tibi materia invenife et posse. 
Sed videlicet valde potens est , quod summe ef- 
ficere possis , etiam velle. . . Nihil istis sensibus 
validîus; nihil elocutîone, salva sanitate, civi- 
lîus. Nec^ue enim hoc committam , ut te justis- 
sima laude fraudem , dum metuo ne insolenter 
laudes meas laudem. Belle igitur accepisti et 
rectissimo opère, oui plane, seposita materia, 
omnis honor debetur. Ceterum ad ostentan- 
dum ^ mihi animum tuum non multum egit : 
nam esse te benignissimum omnium factorum 
et dictorum meorum conciliatorem bene nove- 
ram. Vale, mi Fronto, carissime mihi. 

nia pars orationis tuae circa Falustinae meae 
honorem gratissime a'fe adsumta, verior mihi 
quam disertior visa est. Nam ita se res habet. 
Mallem, mehercule, Gyaris cum illa quam sine 
illa in Palatio vivere. 

* Perierunt versus oclo. — ^ CoH. ostantandum. 



LETTRES A ANTONINUS. 



LETTRE II. 



A M. FRONTO, ANTONINUS C.ESAr\ 



. . . ' Mais, que dîs-je? celui-là 

est le plus puissant qui à la puissance de bien faire 
joint encore la volonté.* Rien de plus fort que ces 
pensées; rien de plus naturel, et pourtant rien de 
plus nerveux que cette élocution^. Car je n'irai pas te 
priver d'un élogQ si mérité, par crainte de louer impu- 
demment mon propre éloge. Tu as donc bien réussi, et 
par un très-bel ouvrage, auquel , à part le sujet, tout 
honneur est dû pleinement. Au reste , je n'avais pas 
besoin de ce discours pour me faire connaître toute 
ton âme; car je savais déjà bien que toutes mes ac- 
tions, toutes mes paroles trouvaient en toi un appro- 
bateur plein de bonté *. Adieu, mon très-cher Fronto. 
Dans cette partie de ton discours consacrée par ta 
reconnaissance à la mémoire de ma Faustina^, j'ai vu 
encore plus de vérité que d'éloquence ; car il en est 
ainsi : oui , j'aimerais mieux, par les dieux, vivre avec 
elle à Gyare *\que sans elle dans le palais des empe- 
reurs. 



6 AD ANTONINUM. 

EPISÏOLA III. 

ANTONINO PIO, FRONTO. 

Si evenîre posset, imperator, ut amici ac fa- 
iniliares nostri nostris moribus cuncta agerent , 
maxime vellem : tum % si non moribus, at sal- 
tem ut consiliis ubique nostris uterentur. Sed 
quoniam suum cujusque ingenium vitam gu- 
bernat , fateor aegre ferre me , quod amicus 
meus Niger Censorius testamento suo, quo me 
hered^m instituit, parum verbis tempérant. Id 
ego factum ejus improbus sim, si defendendo 
purgare postulem; imnjemor amicitiae, nisi sal- 
tem' deprecando sublevem. Fuit sine dubio Ni- 
ger Censorius verborum suorum inpos et mi- 
nus consideratus , sed idem multarum rerum 
frugi vir et fortis et innocens. Tuae clementiœ 
est, imperator, unicam hominis verborum cul- 
pamcum ceteris ejus recte factis ponderare. Ego 
quidem ad amicitiam ejus accessi cum atiis qui 
reinpJ strenua opéra domi bellique promerue- 
rant. Ut ceteros ejus amicos omittam, Turboni 
Marcio et Erucio Claro erat familiarissimus : qui 

* Schedae tuuin. — ^ Ita cod. 2 maou; at i, salutem. — ' Tan 
tiiin fere spaiîoruin oblittcratoriim in codice est. 



LETTRES A ANTONINUS. 7 

LETTRE III. 

A AliTONINUS Plus, FRONTO. 

Je voudrais qu'il pût adveair, empereur, que nos 
amis et nos proches fissent tout à notre guise , ce'^erait 
là mon pHïmier vœu; ou que du iiK>ins sans aire à no- 
tre guise, ils suivissent en tout nos conseils ! Mais puis- 
que chacun gouverne sa vie d'après sa propre nature, 
je regrette amèrement, je l'avoue, que mon ami Ni- 
ger Gensorius ** ait si peu modéré ses paroles dans le 
testameirt 0(1 il m'institue' son héritier. Je serais un 
malhonnête homme si je voulais prendre la défense 
de cette action pour en efTacer la honte; et un ami 
ingrat, si je n'essayais de l'atténtier par mes instan- 
ces. Sans doute Niger Gensorius n'a pas été maître de 
lui; il n'a pas été assez réservé dans ses paroles; mais 
en bien des occasions*^ il fut homme de probité, de 
courage, d'intégrité. Il est de ta clémence, empereur, 
de peser une seule parole coupable de cet homme avec 
tous les mérites de ses actions. Je recherchai son ami- 
tié...* lorsque déjà, par son activité et ses talens dans 
la paix et dans la guerre , il avait mérité l'alTection 
d'hommes excéllens. Sans parler de ses autres amis, 
Turbo Marcius** et Erucius Glarus** lui étaient in- 

* Il manque ici quelques mots dans le Icxle ; j'ai traduit d'aprl's 
Buttmann, dont voici la restitution : /'o«/7f/am amorem optimorum 
virorum strenua 0. d. b. 7. meruerat. 



8 AD ANTONINUM. 

duo egregii* viri alter equestris, alter senatorii^ 
ordinis primarii ^ fuerunt. Postea vero ex tuis 
etiam judiciis ei plurimum et honoris et aucto- 
ritatis accesserat. Talis ego viri amicitiam appe- 
tivî. Haud sciam an qui ^ dicat debuisse me 
amioitiàm cum eo desinere , postquam cogao- 
veram gratiam ejus apud animum tuUm immi- 
niitam. Nuu^uam ita animatus fui, impera- 
tor , ut cœptas in rébus prospéris amicitias , 
siquid adversi încrepuisset , desererem. Et om- 
nino ; cur enim non sententiam animi mei ^- 
promam? Ego eum qui te non amabït , hostis 
numéro habebo : quem vero tu minus amabis, 
mîsèrum* potius quam hostem judicabo. De*... 
Permultum refert improbes aliquid an oderis... 
ciis et consiliis indigebat. Atque utinam Niger, 
sicut in plerisqùe mihi post paruît, ita consi- 
lium meum in testamenl^? conficiendo r^^gasset ! 
Haud umquam tantam maculam memoriae suae 
inussisset yerbis inmoderatis ipsum se potius 



* SchedsB egregi, — * SchedaB senator. — ' Primari cod. — * Ita 
cod. , qui pro quis; ut alibi aliqui pro aliquis. — * Vîgîlantî ver- 
bo utitur Fronto. Namque Asconius ad Gic. in Verr. I, i5, mi- 
ser cum esset, obseiTat: Miser um pro innocente Tullius ponit. Sic 
alibi : et erunt qui illum , si hoc fecerit, non improbum sed miserum 
existimari velint, — • Lacuna Tersuum xvm, excepta tamen se- 
quente sententia , quae ia margine legitur. 



l 
LETTRES A ANTONfNUS. 9 

timement liés : tous deux hommçs distingués , et les 
premiers, l'un de l'ordre équestre *% l'autre du sé- 
nat. Dans la suite , tes jugemens l'entourèrent d'hon- 
neur et d'autofité .j voilà l'homme dont je désirai vive- 
ment l'amitié. Je ne saShe personne qui ose dire que 
je devsus en finir avec cette amitié, à la nouvelle de 
sa faveur perdue auprès de toi. Jamais, empereur, je 
n'eus le cœur fait de manière à déserter, au premier 
bruit d'un revers , des amitiés co^imencées dans des 
jours prospères. Oui, et en effet pourquoi ne pas 
dire tout haut toute la pen^ de mon âme ? oui , j'au- 
rai pour ennemi celui qui ne t'aimera pas; mais celui 
que tu aimeras moins , je le regarderai plutôt comme 
uii malheureux que comme un ennemi....^' Il importe 
beaucoup de savoir si c'est ton blâme ou ta haine 
qu'il a encourue... Il avait besoin de conseils et d'ap- 
pui; et plût aux dieux que Niger m'eût consulté sur 
son testament, conmie il l'a fait sur tant d'autres 
choses ! * Il n'aurait pas çittaché pareille souillure à sa 
mémoire par l'emploi d'imprudentes paroles qui lui ont 

* M. Niebuhr pense que la deraière partie de cette lettre appar- 
tient à la septième de ce livre ; car, dit-il , quœ nunc verba claudunt 
tertiam, nequaquam illajustum vident ur epistolœ exitum continere; et 
vix credibile ett Frontonem ad Augustum cujus majestatem reverenter 
colebat, de mutua amicilia tocutum esse, M. Mai détruit cette con- 
jectujre avec l'autorité d'un homme qui a le manuscrit sous les yeux : 
Quod quidam docti viri suspicati sunt , partent hanc epistolœ pertinere 
ad epistolam septimam, id ratio codicis omnino non patitur; nom quœ 
sequuntur epistolœ, quorum ordinem index docet, cum hoc fragmenta 
eopulantur ; illa autem sepiima epistola cum octava cohœret. 



10 AD ANTONINUM. 

quam alios laedentibus. Nec. . . * intervallum in- 

tercessisset , quo*. 

virum illo ipso tempore quo ofFendit : sed 
amando ita ofFendit , ut pleiaqilé animsdia , 
quibus abest ars et sedulitas educandi , ova at- 
que catulos suos unguibiis aut deutibus maie 
contactante, nec odio, sed imperitîà nutrican- 
di obterunt. Ego certe deos superos inferosque, 
et fidem arcanald humanae amicitiae testor, me 
semper auctorem fuis^, cujus\... me.... ani- 
me... utraque cai^as... et sane... hominem... 
eum incidisse magis doleas, sed fideliter quem... 

in eodem (agere) velle, in quo et sane 

expectari polerat, in eo quem (corre) xerat. 

Nec tanta benignitas et tôt bénéficia 

tibi autem non... equidem... cumque habeat 
suum finem. 

Res autem istas, quas nec (tacere) voluimus, 
nec (negare) credimus, et, si dii aequi sunt , 
veras et congruentes simplicitati nostrae ami- 
citiae, semper adsequamur. 



* Supple fere unum versum. — ^ Lacuna versuum ix cuiii di- 
iiiidio. — ^ Alibi contracta. — * In sequentibus lacunis usqiic 
ad epistolœ clausulam perieruut versus prope xl. 



LETTRES A ANTONINUS. 1 1 

fait plus de tort à lui qu'à aucun autre 

Mais, tout 

en l'aimant , il l'a blessé. Ainsi la plupart des animaux 
à qui la nature a refusé le talent et l'adresse d'élever 
leur progéniture » touchent mortellement de leurs 
dents et de leurs êngles leurs petits , et les^ écrasent 
non par méchadceté, mais par maladresse. Pour moi, 
j'en atteste les dieux duxiel et des enfers/ et la foi 
mystérieuse de l'amitié humaine 



V 



'*' 



» 



* Quant à ces secrets ^ue nous n'avons pas voulu 
nous cachçr entre nous, que nous ne croyons pas devoir 
nous refuser jamais, qui partent du cœur, les justes 
dieux le savent, et qui s'accordent si bien avec la fran- 
chise de notre amitié; pour ceux-là, gardons-les tou- 
jours ! 

* Tout ce qui précède dans le texte latin n'est pas intelligible; 
et la phrase qui suit ne Test guère plus , pour moi du moins. 



19. AD ANTONINUM. 



EPISTOLA IV. 



DOMINO MEO CiESARI * 



Niger Censorius diem suum obiit. Quincun- 
cem bonorum suorum nobis feliquit testamen- 
to ceteri^ honesto , quod ad verbq, vero adtînet 
inconsiderato s in quo irae magis quam decori 
suo consuluit. Inclementius enim progressus 
est in Cavîum Maximum clarissimum et nobis 
observandum virum. Gb eam rem necessarium 
yisum scribere me Domino nostro patri tuo, 
et ipsi Cavio Maximo , difficillimae *quidem ra- 
tionis epistulas : in qiiibiis et factum Nigri mei, 
quod inprobabam , non repraehendere nequi- 
bam; et tamen amici atque heredis officium, 
ut par erat, retinere cupiebam. Haec ego te, ut 
mea cetera omnia, scire volui : conatus, meher- 
cules, ad te quoque de eadem ré prolixiores lit- 
teras sCribere : sed recordanti cuncta mihi me- 
lius visum non obtundere te, neque a potioribus 
avocare. 

* Haec epistola , etsi omittitur in indice , tamen scribiiur li- 
bre ad Piam , et quidem in eadem pagina in qua explicit illa 
ad Pimn de Nigro; desinit yero haec ad Marcum .epistola iu 
altéra pagina in qua incipit quinta ad Pium. 



LETTRES A ANTONINUS- l 3 

LETTRE IV *. 

A MON SEIGNEUR C>ESA^. 

Niger Censorius a fini ses jours. Il nous a laissé les 
cinq douzièmes ^^ dé ses lûens par un testament, inno- 
cent d'ailleurs, mais d'un style inconsidéré : il a con 
suite «ien l'écrivant plutôt sa colère «que son ^voir. 
Car il s'est déchaîné avec une rigueur f>igj|:^ contre 
Gavius Ma»md&^S homme fort illustre et hien digne 
de notre respect. Ace sujet, f ai cru i^écfissaire d'écrire 
à ton père, notre seigneur, et à Gavius Maximus lui- 
même des lettres qui m'ont hien coûté. Je ne pou^yais 
m'empêcher d'y hlâmer Niger, que je désapprouvais; et 
cependant je désirais et il était jijiste d'y garder les mé - 
nagemens d'un ami et d'un héritier. Enfin , comme je 
fais de toutes mes afiaires, j'ai voulu t'apprendre celle- 
ci ; j'ai même essayé de t'écrire 4 ce sujet une plus 
longue lettre , mais , par réflexion , j'ai jugé plus con- 
venable de ne pas t'étourdir ainsi, ni te détourner 
d'occupations meilleures. 

* Par respect pour le manuscrit , nous laissons parmi les lettres 
odAntoniuum, cette lettre IV à Màrcu»^ et la lettre VII à Gavius, 
qui devraient se trouver dans les livres ad Marcwn et ad Amicos ; le 
sujet, du reste, les place ici naturellement. 



l4 AD ANTONINUM. 

EPISTOLA V. 
ANTONÏJNO PIO AUGUSTO, FRONTO. 

Vitœ * meae parle adpicisci ^ cupio , ut te 
complecterer felicissimo et optatissimo inîtî îm- 
perii die , quem ego didlb natalem salulis , di- 
gnitatis , secudtatis meae exislimo. Sed dojor 
umeri | CT»"ris, cervicis vero miuto gravissimus 
ita me aaflixit, ut adhuc usque^^q: înclinare 
me vel erigere vel convertere possim : ita im- 
mobili cervice utor. Sed apuii. Lares, Pénates, 
deoBque familfeires meos et reÔdidi et suscepi 
vota ,^ et jprecatus *^ sum , uti anno insequenti 
bis te complecterer ista die, Ijis pectus tuum 
et mai\us exosoularer, praeteriti simul et * prae- 
sentis annî>vicem perseqijens. 

EPISTOLA VI. 

AB AUGUSTO RESCRIPTUM. 

Cum bene perspectas habeam sincerissimas 
in me adfectiones tuas , tum et ex meo animo 

^ In indice carias vitœ : illnd tamen carias haud est necessa- 
rium , et hic a iibrario prsetermittitur. — ^ Ita cod. pro adipisci. 
— * Ita hic et alibi. — * Cod. prœcatus, — * Cod. ea. 



LETTRES A ANTONINUS. 1 5 

LETTifE V. 

A ANTONINUS Plus AUGUStUS, FRONTO. 

.V 

i 

Je donnerais avec joie la moitié de ma vie pour 
t'emlw^asser*^ en ce jour anniversaire de ton avène- 
ment à l'empire , jour si heureux et si désiré , que je 
regarde comme le premier jour de mon salut , de ma 
gloire, de ma sécurité. Maïs une violente doi^e^r de 
l'épaule ^" et une douleur du cou plus violente encore 
m'accablent tellement que je ne puis^ ni me baisser, 
ni ihe relever, ni me 'tourner ; je suis tput immobile. 
Mais 7'ai adressé des actions de grâfee et *des vœux à 
mes^'Lare^S ^ mes Pénales, àtnes dieux^ domestiques; 
je leur ai demand^ avec prières, de pouvoir, l'an pro- 
chain, à pareil jour, t'embrasser deux fois, baiser 
deux fois ta poitrine et tes mains , et acquitter ainsi 
la double.,dette du passé et du présent. 






LETTRE, VT. 

RÉPONSE DE l'empereur*. 

Gomme je connais par^expérience toute la sincérité 
de ton affection pour moi , je n'ai pas eu de peine à 



* Nous n*avons que Le commencement de cette réponse d'Antoni- 
nus ; le manuscrit devient indéchiffrable dès la seconde phrasoi on 
aimerait bien mieux n'avoir à regretter qu'une lettre cfe Fronto, 



l6 AD ANTONINUM. 

non difficile mihi p^rsuasi, mi Fronto karissi- 
me, vel praecipue hune diem, quo me susci- 
pere hanc stationem placuit, a te potissimuni 
vere religioseque celebrari. Et ego quidem et 
vota tua 5 et te mente , ut par erat , repraesen- 
tavi*... 

EPISTOLA VII. 

(CAVIO MAXIMO, FRONTO.) 

Cum gravitatem^..* Dolor4racundiae conjunc- 
tus mentem hominis perturbavit... Virtutibu^^ 
ceteris iracundia yenenùin ac pernicies fuit *. . . 
Sed nemo meum erga fiigrum amorem reprœhen- 
dat^ qui non tuum acte repraehenderit. Postre- 
mo neque ego Nigrum propter te amare cœpe- 
ram , ut propter te eundem àmare despinerem : 
neque tu me a Nîgro tibi traditum amare cœ- 
pisti. Quamobrem, tecum* quaeso, nequidobsit 
amicitia nobis , quae ^ nihil profuit. Jam si di- 
cendum sit, deos testor me saepe vidisse Ni- 
grum Censorium ubertim flentem desiderio tui 
atque hujus discidii dolore. Sed erit fortasse . 

^ Sequens pagina legi nequit. — ^ Ex indice hoc initium sup- 
pl^. — ^ Hae duœ tantam sententiœ in oblitterata pagina su- 
persunt. — * Archaismus tecum pro te. — * Schedae qui. 



LETTRES A ANTONINUS. 1 7 

me persuader, mon très-cher Fronto , que tu as dû 
surtout célébrer de préférence et avec une âme vrai- 
ment religieuse le jour où il a plu aux dieux de me 
confier ce poste ^^; et je me suis retracé, par la pensée, 
comme je le devais, et tes vœux et ta présence 



LETTRE VII. 
(a cavius maximus, fronto.) 

La douleur, jointe au ressentiment, a troublé l'esprit 
de cet homme.... Le ressentiment a été le poison et 
la perte de ses autres vertus.... Mais que personne ne 
blâme mon amitié pour Niger ^ avant d^ avoir blâmé celle 
que tu avais pour lui. D'ailleurs , je n'avais pas com- 
mencé à cause de toi d'aimer Niger, pour cesser de 
l'aimer à cause de toi; et toi-même, ce n'est pas 
sur la recommandation de Niger que tu as commencé 
de m'aimer. C'est pourquoi, je t'en supplie*, qu'une 
amitié qui ne nous a pas servi ne nous nuise point. 
Et', s'il faut le dire , les dieux me sont témoins que 
bien souvent j'ai vu Niger Gensorius fondre en larmes 
de regret et de douleur de cette séparation. Mais un 

* Cette expression tecum quœso se lit dans Aul.-Gell., liv. XX , 
chap. l*^iSedy qutBio tecum ^ degredlare paulUsper,,, On trouve dans 
presque toutes les éditions d*A.-6ellius une virgule entre qu(BSO et 
tecum ; c'est une faute. 

1. 2 



l8 AD ANTONINUM. 

tempus aliud , quo * ego memorîae ejus placem 
te ac mitîgem. Intérim nequid locî malignis 
hominibus adversus me apud aures tuas pa- 
teat...% perperam...* fidem : quam quom fir- 
mam et sînceram cum Censorîo servaverîm , 
multo magis profecto tecum perpetuam atque 
incorruptam retinere conitar \ 

EPISTOLA VIII. 

ANTONINO PIO AUGUSTO, FRONTO. 

Omnem operam me dédisse, sanctissime îm- 
perator, et inpenso studio cupisse fungi pro- 
consulari munere, res ipsa testis est. Nam et de 
jure sortiendi, quoad incertum fuit, discepta- 
vi, et postquam jure liberorum prior alius ap- 
paruit, eami quâe mihi remansit splèndidissi- 
mam provinciam, pro electa habui. Post illa 
qude(cumque) ad instruendam provinciam ad- 
tinerent, quo facilius a me tanta negotia per 
amicorum copias obirentur, sedulo praeparavi. 
Propinquos et amicos meos , quorum fidem et 
integritatem cognoveram, domo accivi. Alexan- 
driam ad familiares meos scripsi ut Athenas 

* Schedae quod. — ^ Supplc verbnin. — * Snpple ut supra. — 
* Tta cod. 



LETTRES A ANTONINUS. IQ 

autre temps Tiendra peut-être où je pourrai t'apaiser 
et remettre sa mémoire en grâce avec toi. En atten- 
dant 9 ne prête pas Toreille à la malignité de ces 
hommes qui te rendent, par la calomnie , ma fidélité 
suspecte*. Je l'ai gardée ferme et sincère pour Genso- 
rius : n'ai-je point une raison plus puissante encore 
de m'efforcer de la conserver pour toi éternelle et 
inaltérable ? 

LETTRE VIII. 

A ANTONINUS PIUS AUGUSTUS, FRONTO. 

Que j'aie donné tous mes soins , très-saint empe- 
reur , que j'aie prodigué toute l'activité de mon zèle à 
m'acquitter de mes fonctions proconsulaires ^^, c'est ce 
que témoigne le fait lui-même. Car, tant^e l'incerti- 
tude a duré , j'ai contesté sur les droits du sort; et lors- 
que par le droit des enfans ^* un autre vint à occuper 
la première place, j'ai accepté comme de mon choix 
l'opulente province qui me resta. Je disposai ensuite 
avec soin tout ce qui tendait à régler mon gouverne- 
ment 9 afin de pouvoir plus aisément , à l'aide de mes 
amis, exécuter de si grands travaux. Je fis venir chez 
moi ^^ mes proches et tous ceux dont je connaissais la foi 
et l'intégrité. J'écrivis à mes amis d'Alexandrie de se 
rendre au plus tôt à Athènes, et de m'y attendre; et 

* Je traduis comme s'il y avait : Qui meam tibi dubiam perpcram 
faciunt fidem. 



20 AD ANTONINUM. 

festinarent , ibique me opperirentur * , iisque 
graecarum epistularum curam doctissimis viris 
(letuli. Ex Cilicia etiam splendidos vîros, quod 
magna mihi in ea provincia amicorum copia 
est, cum publiée privatimque semper negotia 
Cilicum apud te defenderim , ut venirent hor- 
tatus sum. Ex Mauretania quoque virum aman- 
tissimum mihique mutuo carum Julium Senem 
ad me vocavi , cujus non modo fide et diligen- 
tia, sed etiam militari industria circa quaeren- 
dos et continendos latrones adjuvarer. Haec om- 
nia feci spe fretus, posse me victu tenui et aqua 
potanda malam valetudinem, qua impedior, si 
non omnino sedare, cer(te) ad (majus) inter- 
yallum (ejus) impetus mitigare. Ita evenit ut 
solito diutius bene valerem et fortis vîgerem : 
.adeo ut etiam duas amicorum causas non mi- 
nimi labofis aput ^ te tutatus sim. Ingruit dein- 
de tanta vis yaletudinis , quae mihi ostenderet , 
omnem spem illam inritam fuisse. . . 

* Schedœ operirentur, — ^ n^ cod. At paulo ante apud. 



LETTRES A ANTONINUS. 2 1 

ce fut à ces savans hommes que je confiai le soin d'é 
crire les lettres en grec. J'engageai même des person- 
nages fort illustres à venir de la Gilicie; car j'ai là de 
nombreux amis , pour avoir toujours , homme pu- 
blic ou privé , défendu auprès de toi les intérêts de 
cette province. J'ai appelé aussi de la Mauritanie un 
homn^e qui me porte et à qui je rends une vive affec- 
tion , Julius SeneXy dont la probité et le zèle , et plus 
encore ks talens militaires, devaient m'wder à recher- 
cher et à contenir les brigands; et je m'appuyais , en 
agissant ainsi , sur l'espérance de pouvoir, par une 
nourriture légère et de l'eau pour boisson, sinon gué- 
rir entièrement ma mauvaise santé, au moins mettre 
plus d'intervalle entre les momens de crise, et en 
affaiblir la violence. Je parvins ainsi à me soutenir 
plus long-temps que de coutume; et je repris assez, 
de force et de vigueur, pour pouvoir te présenter la 
défeiïse difficile et laborieuse des deux aipis. Mais 
tout à coup ma santé s'affaiblit tellement^ qu'elle me 
fit croire que toute mon espérance évanpuie *..,.. 

* Sait une page , doiM; il est impossible de déchiffrer une seule 
phrase , un seul mot. 



22 AD ANTONINUM. 

EPISTOLAIX. 

(antonino pio augusto, fronto.) 

. . . Amicorum ineorum fecit modestia neqnid 

improbe peterem * Equitis 

romani unius coutubernalis meî Sextii Cal- 
puruii dignitatem rogatu meo exoruasti dua- 
bus jam procurationibus datis. Ea ego duarum 
procurationum bénéficia quater numéro; bis 
cum dedisti procurationes , itemque bis cum 
excusationes recepisti. Supplicayi tibi jam per 
biennium pro Appiano amico meo, cum que 
mihi et vêtus consuetudo , et studiorum usus 
prope quotidianus intercedit. Quin ipsum quo- 
que certum habeo et adfirmare ausiip eadem 
modestia usurum , qua Calpurnius Julianus 
meus usus est : dignitatis e^im suae in senectu- 
te ornandae causa, non ambitione aut procura- 
torîs stipendii * cupiditate optât adipisci hune 
honorem. Quom primum pro Appiano petivi, 
îta bénigne admisisti preces meas , ut sperare 
deberem. Proximo superiore anno petenti mihi 

^ ilœc unîca sententia legitur in oblitterata pagina. — ^ God. 
stipendiis. 



LETTRES A AINTONIJNUS. 23 

LETTRE IX. 

(\ ANTONINUS Plus ^UGUSTUS, FRONTO ".) 

« 

Le désintéressement de mes amis a fi^t que je ne 
l'ai point importuné de mes demandes 



Sur ma prière y tu as 

élevé à la dignité de chevalier romain Sextius Calpur- 
nius ^% le seul qui m*ait suivi dans ma province : tu 
lui as offert deux nouvelles charges de procurateur. 
Pour moi > je compte quatre bienfaits à l'occasion de 
ces deux charges : deux dans l'offire des charges , et 
deux dans l'accueil que eu fis de ses refus. Déjà, pen- 
dant deux ans 9 je t'ai supplié pour Appianus, mon 
ami 9 auquel m'unissent et d'anciennes liaisons , et 
l'habitude presque quotidienne des mêmes études ^^ 
Mais y j'en suis certain , et j'oserais l'affirmer^ il aura 
la même retenue que mon Galpurnius Julianus : car, 
c'est comme un ornement de sa vieillesse et non par 
ambition ou avidité qu'il souhaite d'obtenir cet hon- 
neur*. A ma première demande en faveur d'Appianus, 
tu reçus ma prière avec tant de bonté, que c'était 
pour moi un devoir d'espérer. L'année dernière tu 

* On lit ici quant , et au-dessus cum d'une autre main ; quam est 
là pour quam, qui se trouve souvent dans le manuscrit. 



i 



^4 AD ANTONINUM. 

propitius multa respondisti : ilhid vero etiam 
comîter, futurum ut cum Appiano, me rogan- 
te, procurationem dédisses, causidicorum sca- 
tebra exoreretur idem petentium. Meministi 
etiam quem de Graeciâ propitius et ridens no- 
minaveris/ Sed multa (dis) tant : aetas , orbi- 
tas, cui leniendae solaciis opus est. Ausim di- 
cere honestatem quoque et probitatem inter 
diîos bonos yiros nomsihil tamen distare : quod 
propterea facilius dico , quoniam illum , cui 
amicum meum antepono , non nominayi. Pq^-|^ 
tremo dicam quomodo simplicitas mea et Veri- 
tas me dicere hortantur et fiducia amoris ei^a 
te mei , profecfo œquius esse illum quoque 
propter me impetrare. Mémento etiam , do- 
mine imperator, cum ille meo exemplo petet , 
me biennio hoc petiçse. Igitur illi quoque, si 
videbitur, post biennium dato. Fecerit exem- 
plo nostro, si ipse quoque se tibi impetraverit 
excùsare. 



LETTRES A ANTONINUS. ^5 

répondis à, ma demande avec plus de bienveillance 
encore; mais en ajoutant avec esprit qu'une fois Âp- 
pianus ^' pourvu selon mes vœux , on verrait éclore un 
essaim de demandeurs qui en voudraient autant. Tu 
m'as rappelé même celui que volontiers et avec plai- 
sir tu aurais nommé pour la Grèce. Mais quelle diffé- 
rence entre eux! la vieillesse et le veuvage à conso- 
ler ! J'ose dire que la probité et la délicatesse de deux 
hommes de bien diffèrent en quelque chose ; et j'en 
parle d'autant plus à mon aise, que je n'ai pas nom- 
mé celui auquel je préfère mon ami. Enfin je le dirai; 
et c'est ma pureté d'intention , c'est la vérité, c'est la 
confiance que me donne mon amitié pour toi, qui 
m'engagent à le dire; il est plus juste aussi que mon 
souvenir lui porte bonheur auprès de toi. Souviens- 
toi encore, seigneur empereur, lorsqu'il te sollicitera, 
à mon exemple, que moi-même j'ai été deux ans un 
solliciteur. Accorde -lui donc aussi, si tu le trouves 
bon, après deux années, cette faveur; il ne lui man- 
quera plus, pour suivre encore notre exemple, que de 
te présenter un refus et d'obtenir que tu l'acceptes *^ 



M. C. FRONTONIS 



EPISTULARUM 



AD M. ANNIUM VERUM 



FRAGMENTA 



FRAGMENTUM I. 



.... Vestrae piro re nata occwpationes... aliud.... 
percontatum an videre me posset; postquam 
respondi posse, succidaneum sibi Tranquillum 
nostrum paravit, quem etiam caenœ succida- 
neum paraverat. Mea parum refert, quîs me 
de caris tibi amicis diligat , nisi quod prior ra- 
tio est ejus qui minus est nostri fastidiosus. 
Ego.... dem.... ver....* cerem. Nam is quoque 

^ Versuum trium amissorum sunt hœc initia lotidem. 



FRAGMENS DE LETTRES 



DE 



M. C. FRONT 



A M. ANNIUS VERUS 



FRAGMENT I ". 



Il demaoda s'il pouvait me 

Toir. Après que j'eus répondu qu'il le pouvait , il se 
substitua notre Tranquillus ^^, qu'il s'était aussi substi- 
tué au souper. Peu m'importe lequel m'affectionne de 
tous ceux que tu chéris, si ce n'est que ma plus gran- 
de considération est pour celui qui est le moins dé- 
daigneux de notre personne 



28 AD A. VERUM. 

ex tempore eum vîdit. Invenit aiitem me Tran- 
quillus eum frigeret, etîam nunc vetantem, sed 
iniQUs\.. belir... ago quanta Tranquillî iiidus- 
trîae, qui nisi sciret quanto opère me diligeres, 
volumtarium ^ hoc negotium sibi numquam 
expetisset. 

FRAGMENTUM IL 

(iNBOITOH Ilf CODICB VATICAMO.) 

... Sit, quod jubés, rectum fortasse, sed sé- 
rum ; neque enim omnia , quae ratio postulat , 
etiam aetas tolérât. . . An tu cycnum coges in ul- 
tima cantione cornicum voculas aemulari?.... 

* Ingenio discrepanti juberes ne me^ niti 

contra naturam, ad verso quod aiunt flumine? 
Quid siquis postularet ut Phidias ludicra , aut 
Canachus Deum simulacra fingeret? aut Cala- 
mis Turina% aut Polycletus' Etrusca? Quid si 



* Suppie sex litteras. — * Supplendi , ut puto , duo versus. 

— ^ Ita cod. — * Quas sequuntur, etsi sunt in postica ejusdem 
folii pagina, tamen videntur pars onius ejusdemque epistolae. 

— ^ In margine, ubi sententia repetitur, scribïtur jubere$ ne me 
ingenio discrepante, — ® Ita videtur 2 manu ; at 1 , turena, — 
^ Ita in contextu ; at in margine PolycUtus , nimirum ex diversa 
pronunciationc toO ce. Sic dicitur Paraclitus et Paradetus, 



LETTRES A A. VERUS. 29 

Car il l'a vu sur-le- 
champ. Or, Tranquillus m'a trouvé, lorsqu'il se mor- 
fondait, défendant même alors, mais moins... J'admire 
l'adresse de Tranquillus, qui jamais, s'il n'eût su à 
quel point tu m'aimes, ne se serait chargé volontaire- 
ment de cette affaire*. 



FRAGMENT IL 

Soit; ce que tu ordonnes 

est bien peut-être, mais tardif; car tout ce que la rai- 
son demande , l'âge ne le comporte pas.... Gontrain- 
drais-tu le cygne à imiter, dans son dernier chant, la 
voix criarde de la corneille? ** 

Me forcerais-tu , avec un 

génie étranger 11 mon genre, de lutter contre la nature, 
en remontant, comme on dit, le courant? Que £- 
rais-tu, si quelqu'un demandait que Phidias " sculp- 
tât des grotesques, Ganachus^^ des statues des dieux, 
Calamis'^ des Turins, Polycletus*^ des Étrusques ? S'il 

* Ce fragment de lettre de Fronto à M. Annius Verus , et non à 
Lucius Terus , comme Ta pensé M. Mai , n'est curieux que par le 
nom de Tranquillus qui s'y trouve : ce Tranquillus n'est autre que 
G. Suetonius , l'historien des Gaesars , le secrétaire d'Adrien , l'ami 
de Pline-le-Jeune. 

** On ne peut lire ici un seul mot du texte , tant il a été gratté ; 
c'est à la marge que se trouvent ces deux phrases. 



30 AD A, VERUM. 

Parrhasium* versicolora pingere juberet, aut 
Apellen unicolora , aut Nealcen magnifica , aut 
Nician obscura, aut Dionysîum inlustria, aut 
lascivîa^ Euphranorem , aut Pausiam (p)r<r- 
(l)ia? In poetis autem quis ignorât ut gracilis 
sit Lucilius , Albucius aridus , sublimis Lucre- 
tius, mediocris Pacubius*, inaequalis Accius, 
Ennius multiformis? Historiam quoqùe scrib- 
sere Sallustius structe*, Pîctor incondîte, Clau- 
diuslepîde, Antias invenuste, Seîsenna* longin- 
que"; verbîs Cato multijugis, Cœlius singulis. 
Contionatur autem Cato infeste, Gracchus tur- 
bulente, Ttillius copiose. Jam in judiciis saevit 
idem Cato, triumphat Cicèro, tumultuatur 
Gracchus, Calvus rixatur. 

Sed haec exempla fortasse contemnas. Quid ? 
philosophi ipsi nonne diverso génère orationis 
usi sunt? Xeno ^ ad docendum planissimus, So- 
crates ad coarguendum captiosissimus , Dioge- 
nés ad exprobrandum promptissimus , Hera- 
clitus obscurus involvere omnia; Pythagora' 
mirjificus clandestinis signis sancire omnia ; 



* lu margîue sine h. — * Ita cod. — * Ita cod. i mana ; at 
9 , Paeuvius, — * Nempe ornate, — * Ita ei i manu ; at 2 , «. 
— * Cod. longinq. — ' lia cod. ; at infra Zeno. — * Ita cod., 
sine s. 



LETTRES A A. VERUS. 3l 

voulait que Parrhasius'^ peignit de diverses couleurs, 
Apellès** d'une seule, Néalcès'^ du magnifique, Ni- 
cias*" du sombre, Dionysîus** du brillant, Euphra- 
nor *^ du licencieux, ou Pausias ** des batailles *? 
Mais, dans les poètes, qui ne sait combien Lucilius*^ 
est maigre, Albucius*^ aride, Lucretius*' sublime, 
Pacuvius*' médiocre, Accius*' inégal, Ennius*' va- 
rié**? Sallustius " aussi écrit l'histoire avec symétrie, 
Pictor " sans ordre , Claudius *^ élégamment , An- 
tias ** sans charme, Sisenna " d'un style étrange, 
Cato" avec fécondité, Cœlius^® avec concision. Dans 
la harangue, Cato guerroie, Gracchus*^ bouillonne, 
Tullius abonde. Dans les plaidoiries, le même Cato 
ne ménage rien , Gicero triomphe, Gracchus tempête, 
Calvus *• chicane. 

Mais tu méprises peut-être ces exemples I Eh bien ! 
les philosophes eux-mêmes n'ont -ils pas eu chacun 
leur manière? Nul n'a plus de clarté que Zeno*' dans 
l'enseignement , plus de finesse que Socratès dans l'ar- 
gumentation , plus de saillie que Diogenès dans le- sar- 
casme; Héraclitus'® enveloppe tout de son obscurité, 
Pythagoras est merveilleux pour sanctionner tout par 
des signes mystérieux; Glitomachus **, pour rendre 

* Ea cet endroit, comme en beaucoup d'autres, le parchemin est 
nsé par le temps ; le mot prtBlia n'est pas ici la seule restitution de 
M. Mai : il a rétabli plusieurs lettres eflFacées. 

** J'ai recueili et traduit dans mes notes , à la fin du volume , la 
plupart des fragmens de tous ces vieux poètes, historiens et ora- 
teurs de Rome. 



32 AD A. VERUM. 

Clîtomachus anceps in dubium vocare omnia. 
Quîdnam igitur agerent isti ipsi sapientissimi 
viri , si de suo quisque more atque instituto 
deducerentur? Socrates ne coargueret, Zeno 
ne discêptaret , Diogenes ne increparet , nequid 
Pythagora sanciret , nequid Heraclitus abseon- 
deret, nequid Clitomachus ambigeret. 

Sed ne in prima ista parte diutius quam ppis- 
tulae modus postulat commoremur, tempus eât 
de verbis primum quid censeas considerare. 
Die sodés hoc mihi , utrum ne tametsi sine 
ullo labore ac studio meo verba mihi elegan- 
tiora ultro occurrerent, spemenda censés ac 
repudianda? An cum labore quidem et studio 
mvestigare verba elegantia prohibes; eadem ve- 
ro 5 si ultro, si injussu atque invocatu meo ve- 
nerint , ut Menelaum ad epulas * , quidem recipi 
jubés? Nam istud quidem vetare, durum pro- 
sus atque inhumanum est : consimile ut si ab 
hospite, qui le falerno accîpiat, quod rure ejus 
natum domi superfiat , cretense postules vel 
saguntinum, quod, malum! foris quœrendum 
sibi atque mercandum sit. Quid...* Haud igi- 
tur indicarent ea si. . . ' Quid nostra memoria 

* In cod. repetitoLT venerint. — ^ L<?gî nequeunt versus unde- 
cim hujus laterculi. — * Rursus legî nequeunt versus uovein. 



LETTRES A A. VERUS. 33 

toute chose incertaine et douteuse. Que feraient donc 
tous ces mêmes hommes, ces sages» si chacun d!eux 
était forcé de sortir uIb sa manière et du genre qui lui 
est propre» de faMpque Socratès ne pût argumenter, 
Zéno discuter, Di^énès reprendre , Pythagoras rien 
sanctionner, Hëraclitus rien cacher , et Glitomachus 
rien mettre en doute ? 

Mais, pour ne pas nous arrêter sur cette première 
partie, plus que la mesure d'une lettre ne le com- 
porte, il est temps de considérer d'abord quelle est 
ta pensée sur les mots. Dis-moi , si tu l'oses , si , dans 
le cas où , sans travail et sans étude de ma part , les 
mots les plus élégans se présentaient d'eux-mêmes à 
moi , tu es d'avis que je dusse les dédaigner et les re- 
1)ister; et si, en défendant de rechercher, avec soin 
et peine, des termes élégans, tu veux en même temps 
que , si ces termes se sont offerts d'eux-mêmes sans 
mon ordre et mon invitation , ils soient accueillis 
comme Ménélaiis*^^ au festin? Vraiment, une pareille 
défense est tout-à-fait dure et inhumaine; c'est exacte- 
ment comme si un hôte te recevant avec du faleme , 
produit de son vignoble , et qui abonde chez lui , tu 
allais lui demander du crétois ou du sagontin , qu'il 
lui faudrait» cnielle misère! aller chercher au dehors 
et acheteHjjB^ 



1. ' 3 



54 ^D A. VERUM. 

Eiiphrates , Dio , Timocrates , A thenodotus ? 
quid horum magister Musonius? nonne suin- 
ma facundia praediti, neqiîe minus sapientîa' 
quam eloquentiœ gloria iuc)d|itexstiterunt? An 
lu*,., consulte verbîsusum'... ne pallium qui- 
dem sordibus obsîtum candido et pure lauto 
praetulisset ? Nisi forte eum tu arbitrare clau- 
dum quoque consulto factum , et servum con- 
sulto natum. Quid igiturest? tam facile ille'... 

* Siipplc duo verba. — ^ Exin quinquc versus legi nequeunt. 
— ^ E marginis Icmmatc licet particnlam supplore hujus lacuns. 






LETTRES A A. VERFS. 35 

Que diraient nos contemporains '' Euphratès, Dio, 
TimocratèSy Athénodotus? que dirait Musonius, leur 
maître ? ces hommes n'étaient-ils pas doués du talent 
de la parole, et ne brillèrent -ils pas autant par In 
gloire de Féloquence que par celle de la sagesse ? . . . 
Epictetus*'' eût-il préféré un manteau sale à un autre 
tout blanc et bien lavé? A moins que tu ne croies 
qu'il s'était fait boiteux à dessein , et qu'il était né à 
dessein esclave *. 



* On trouve à la marge du manuscrit ces mots, qui serrent à Tin- 
telligence de la fin de cette lettre : Nisi forte Epicletum arbUrarc 
etiam elaudum eontulto faetum. Nunquam voluntarias verborum sor- 
ties induisset. Forte et servus coruaito natus est sapiens ? Sed ita elo- 
quentia caruit pedum incolumltate. 



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M. GORNELII FRONTONIS 



EPISTULiË 



AD M. CiESAREM, 



ET INVICEM. 



LIBER PRIMUS. 

EPISTOLA ï. 

M. CJESAR FRONTONI MAGISTRO SUO, SALUaïM. 

Âccipe nunc (perpaucu)la contraj^Bkinum 
ad tua pro soitino. (|bamquam, puto, praeya- 
ricor, qui adsiduè diei ac noctis somiio adsum , 
neque eum desero, neque (ille me) deserat; 
adeo sumus faixûliares ! Sed cupio hac sua ac- 
cusatione offensus, paHp(ier a me abscedat, et 
lucubratiunculae aliquam tandem facultatem 
tribuat. Igitur èm)(eipri^ra (Trooci)^; et quidem 



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LETTRES 



DE JVf. C. FRONTO 



À M. CiESAR, 



ET DE M. C^SAR A M. C. FRONTO. 



LIVRE PREMIER. 



LETTRE I. 

M. CiESAB A FRONTO SON MAITRE, SALUT. 

Reçois aujourd'hui , contre le sommeil, cette courte 
réponse à ton éloge du sommeil *^ Toutefois, j'y pense, 
pour moi c'est peut-être prévariquer; pour moi, qui 
fais une cour si assidue au sommeil de la nuit et du 
jour, et qui ne l'abandonne pas plus qu'il ne m'aban- 
donne lui-même; tant nous sommes bien ensemble ! 
Mais je désire qu'offensé de cette accusation contre 
lui , il s'éloigne un peu de moi , qu'il me permette du 
moins une courte veillée ^^ J'ai bien des argumens^% 



38 AD M. C^SAREM. 

iUo primo utar epichiremate. Quod si tu dicas' 
faciliorem me materiam mihi ad(siimps)is- 
se accusandi somni^, quam te qui laudayms 
somnum; quis enim, inquis, ^on facile som- 
num accusaTerit? igit(ur cu))us facilis accu- 
satio(est, indeque) difficilis laudatio, ejus non 
utilis usurpatio. Sed hoc transeo. >'unc quan- 
do aput * Baias agimus in hoc diutumo Ulixi ^ 
labyrintho, ab Ulixe mihi paucula quae ad hanc 
rem attinent sumam. >*on enim ille profecto 
sixccTù demum stcc venisset di Tzxzpiâx ygiov, ne- 
que iu isto lacu tamdiu oberrasset, neque alia 
omnia, quae ^Oivddziav faciunt perpessus esset; 
uisi 

Quamquam 

Sed quid somnus fecil? 

BouXq $i xsexq vttxqacy ^ stoec/mm. 
Affxov ^y XOowv, ôfvcpot 9* ex irecvTsç opo-jtray. 
ToOc 5' «î^' a/BirecÇaoree yt/Mv itovtovJî JxtsXla 
K^acovTaç yoiinç etiro Yreerpt^oç. 

• Srli. </ir«. — * Sch. «oimici. — 'lia cod. pro apud, — * lia 
rod. unliquu leriuinaliouo secuudi casus. Coufer Cic. dv Rep. I^ 
i4> "' ^ lia cod. pro vûvtocv. 



LETTRES A M. GiSSAR. Sq 

et ?oici le premier : tu vas me dire qu'en accusant le 
sommeil j*ai pris un sujet plus facile que toi qui fais 
son apologie; mais parce que dans un sujet l'accusa- 
tion est facile et l'apologie difficile, s'en suivra -t -il 
qu'on ne doive pas l'aborder ? Mais je laisse cela. 
Maintenant que nous sommes à Baies, dans cet éternel 
labyrinthe d'Ulysses, j'emprunterai à Ulysses quelques 
mots qui reviennent au fond de mon sujet. Car sans 
doute il aurait revu, avant la vingtième année, la 
terre de la patrie; il n'aurait pas erré si long -temps 
dans ce lac, il n'aurait pas essuyé toutes ces traverses 
qui font une Odyssée *, si 

Le sommeil mollement n'eût Taincu^ ses fatigues'^. 



Et pourtant : 

A la dixième aurore apparut la patrie. 

Mais que fit le sommeil ? 

Hélas ! des compagnons les avis triomphèrent ! 
De Foutre aux flancs brisés tous les vents s*échappèréiit. 
Eux , ils fuyaient , battus par Forage et les flots, 
Pleurant, et loin dlthaque. 



* Le grec du manuscrit de ces lettres est rempli de fautes : les 
copistes , au moyen âge , étaient souvent fort ignorans ; la plupart 
ne savaient pas lire le grec. 



4o AD M. G^SAREM. 

Quid rursum apud insulam Trinacriam? 

E^p\i\oxoç 5' iTtkpoKTi xaxqç èÇiQ]o;t£To |3ouX;5ç. 



Postea ubi 

Kac |xi3jO* sxâïj xat ffTrXây;^* eTrâffavTo' 



Quid tum expertus Ulixes? 

T 

H yi£ ^jlkV dç «Tïjv xoc^iîo-aTs vîQ^'lf vttvw, 

I 

Somnus autem Ulixen ne patriam quidem suam 
diu agnosceret * sivit , cujus 

Kocc xaTTvôv àitodpbicnovTOL voUtrat. 

T 

Hç yotinç 3'0(véeiv ditsipero, 

Nunc a Laértio ad Atridam transeo. Nam illud 
TTao-eùvYî \ quod eum decepit, cujus causa tôt 
legiones funduntur, fugantur, ex somno et ex 

* lia cod. — ^ Ita cod. i maiiu ; a èyrywvouv. — ' Ita reclc 
codeiL. - - '^ Ita cod. Sed scribe cravau^^ii vol ua.iivSin' 



LETTRES A M. GjESAR. 4 ^ 

Et ensuite, qu'arrive-t-il dans l'ile de Trinacria ? 

Les dieux sur ma paupière épanchent le sommeil : 

D'Eurylochus alors le funeste coaiitt 

Vint de mes compagnons égarer I* faiblesse. 



Puis, après que 

Et des boeufs du soleil et des grasses brebis 
Ils eurent arraché les dépouilles sanglantes, 
Rôti les chairs, mangé les entrailles brûlantes , 

Que fit Ulysses éveillé * ? 

Et je pleurai : G*est tous, m*écriai-je, grands dieux ^ 
Qui d'un cru^ sommeil avez chargé mes jeux ; 
Vos funestes présens me coûtent bien des larmes. 

Or le sommeil ne permit pas qu'Ulysses reconnût de 
long-temps, même sa patrie, et pût 

# 

Voir de son yieux foyer s'échapper la fumée 

n voudrait retrouver ses champs pour y mourir. 

Du fils de Laërtius je passe au fils d'Atridès. Car 
cet emportement qui l'égaré, qui pousse à leur ruine 
et à la fuite tant de légions, d'où vient-il? du sommeil 



* Experius est une faute : il faut lire experrcclus ou expergilus. 



4^ AD M. GjESAREM. 

somnio profecto oritur. Quid quom è noimriÇ 
Agamemnonem laudat, quid ait? 

Quid quom repraehendit? 

Quos quidem versus orator egrc^ius quoudam 
evertit. Tran^o nunc ad Q. Ennium nostrum, 
quem tu ais ex soumo et ex somnio initium 
sibi fecisse* Sed profecto nisi ex somno suscita- 
tus esset, numquam somnium suum narras- 
set. Hinc ad Hesiodum pastorem, quem dor- 
mientem poetam ais ^ factum. Ât ^ enim ego 
memini olim apud magistrum me légère : 

Hffto^w Mouffg'wv s(riioç or livriaerev. 

Tb OT -hvziatjzv vides quale sit ; scilicet ambulanti 
obvias venisse Musas. Quid autem tu de eo 
existimas, quem qui pulcherrime laudat , qui 
ait? 

Nvi9u|xoc iQ^uoToç ^«.vaTtù orfyiKnoL éocxûç. 



* Olim edidi ai$ esse; sed esse abest a schcdis. — ^ (<od. ad. 




LETTRES A M. C^SAR. 4^ 

et d'un rêve. Quand le poète loue Agamemnon , que 
dit-il? 

Alors TOUS eussiez vu le chef de ces héros 
D un indigne sommeil refuser le repos. 

Que dit-il pour le blâmer? 

Le sage ne doit pas dormir la nuit entière. 

■ 

Et ce sont ces vers dont un orateur fameux'* a dé 
truit la vérité I Je passe maintenant à notre Q. Ennius, 
qui commença, dit-on , sa gloire poétique par le som 
meil et par un rêve'*; mais s'il ne s'était arraché au 
sonmieil, U n'aurait jamais raconté son rêve. De là 
au pasteur Hésiode , qui , selon toi , devint poète en 
dormant; mais je me souviens d'avoir lu autrefois 
chez mon maître : 

Près des bords où jadis de jaillissantes eaux 
Sous les pieds bondissans du coursier s'élancèrent , 
Le pasteur Hésiode amenait ses troupeaux ; 
Au-devant du pasteur les Muses s'avancèrent ^^. 

Cet au " devant du pasteur, quel heureux mot pour 
moil Le poète se promène donc» puisque les Muses 
viennent au-devant de lui. Que penses -tu encore de 
ce sommeil , dont on veut faire le plus bel éloge en 
disant : 

Calme et profond sommeil , image de la mort. 



44 AD. M. CiBSAREM,. 

Haec satis tui amore potius quam mei fiducia * 
luserim. Nunc bene accusato somno dormitum 
eo : nam vespera haec ad le detexui. Orîone * 
mihi somnus gratiam referai. 

EPISTOLA II. 
M. cj:sari domino suo, fronto. 

Domum reverso mihi epistula reddita est , 
quam tu videlicet Romam mihi ^cripseras, et 
erat lata Romam ; dciude hodie relata, et paulo 
ante mihi est reddita : in qua pauca , quae ego 
pro somno dixeram, tu multis et elegautibus 
argumentis refutasti ita scite, ita subtiliter et 
apte , ut si vigilia tibi hoc acuminis et leporis 
adfert, egoprorsus vigilarete mallem. Sed enim 
vespera scripsisse te ais, cum paulo post dormi- 
turus esses : igitur adpropinquans et imminens 
tibi somnus tam elegantem hanc epistulam fe- 
cit. Namque, ut crocus, ita somnus prius quam 
prope adsit, longe prœolet longeque détectât. 
Ut a principio igitur epistulae tuae incipiam, ele- 
gantissime praevaricari te ais ; quod verbum adeo 

^ Cod. mea: fiduciœ» — ' Ita prorsus legcbam in codice. 



LETTRES A H. CXSAR. 4^ 

En roil& assez de ces jeux inspirés par amour pour 
toi , plutôt que par confiance en imtlcausG. Main- 
tenant, après avoir accusé décemment le sommeil, je 
vais dormir; car c'est le soir que je t'écris; je de- 
mande que le sommeil ne m'ait pas trop de recon- 
naissance *. 

LETTRE II. 

A HARCUS C'CSAU SON SRIGTIBUH, FROTITO. 

A mon retour & la maison, on m'a remis une lettre 
quo tu m'avais a dress<^e à Rome, et qu'on avait portée 
h Rome; rapportée ici aujourd'hui , elle m'a été ren- 
voyée peu fiprèg : c'est celle où tu as refuté le pendue 
j'avais dit en faveur du sommeil. Cette foule d'ingé- 
nieux argument révMe tant de savoir, de finesse et 
d'à-propos , que si c'pst la veille qui t'apporte cette 
vivacité spirituelle et cette grâce, j'aime mieux en vé- 
rité que tu veilles toujours. Mais tu dis que tu as écrit 
le soir, lorsque tu étais au moment de dormir. Amsi , 
c'est l'approche du somm^, c'est l'influence de son 
arrivée qui t'a inspiré une si jolie lettre. En effet , de 
même que le safran , le sommeil , avant d'aniver, fait 
sentir de loin son parfum et son charme I Minntenant, 
pour commencer par oîi tu commences toi-même', tu 

' ^- ^^'9m''°"'S'' ^^"^""^ "^ ^'''""- ^^ plop^t dea plaisante- 
ries de cette untre sont ai dilGcileB ft saisir, que Fronto liu-mCinc ac 
l« a paa toute* comprises, commR on peut le voir en lisant «a n^- 



46 AD M. C^SAREM. 

proprium ' ^ , ut eo sublato aliud sub^ ^us- 
dem nsus ^'ponderis non possit. lUud vero 
dictum elegans Baiae, Lucrinus, et Âvenina, et 
alla omoia quse 'ùàvniticai faciunt. Eninivero 
omnia istsec inter grsecos Tersus latina ita scite 
altemata sunt a te et interposita, ut est Ule in 
pyrrica * versicolorum discursus ; quom amicti 
cocco alii, alii luteo et ostro et purpura, alii 
aliîque cohérentes ' concursant. Jam a Laertio 
ad Atridam eleganter transisti. Ecce autem cii> 
ca Ennium aliam malitiosam pèUam * dedisti , 
cum ais : nisi çx somno exsuscitatus esset, num- 
quaqji.'soptmiîpni suum narrasaet. - ( Quœrat ) 
Manius meus Caesar, si pote, aliquîd' argutius, 
Prsestigise uuLlse tain versutae, milta, ut ait Le- 
vius, deciputa tam imidiosa. Qui(d si) ego id 
postule ne expergiscare? quin postulto ut) tu 
dormîas. Âliud Bcurrarum pro'verbium : en 
cum quo in tenebrit micet. Sed sum ne ego 
beatus, qui hsec intellq|p et perspicio, et ïnau- 



* Oo]îût(|UDaDueuBia Tcraum laterculî uDiim , cnjus littene 
totidem tere eue «oient, quoi ego hic snppleo, — * Ita cod. 
sine a<hpiratione. — * Ita cod. âne drphthongo. — * lU atio) 
edidi ; echeds tamen dnbiam exhibent litterwdjb niù forte 
esm deiode certiore lectioae adMcuIna sum. —"fiMest aliquid 
Tel non legitur: Terumlameo idem suppletur a mnrginis Icm- 



LETTRES A M. C^SAR. 4? 

dis très -élégamment que tu prévariqueil ce mot est 
tellement le mot- propre, que, si on Tôte, il est impos- 
sible de le remplacer par un autre aussi convenable 
et aussi expressif. Or, ce mot si bien choisi amène 
Baies, le Lucrinus, rAvernus'^, et tout ce qui fait une 
Odyssée, et tout cela dans des vers grecs et du latin , 
alternés et entremêlés avec tant d'art , qu'on dirait ce 
jeu nuancé de couleur^contraires qui se déploie dans 
la pyrrhique, lorsque les danseurs^', vêtus les uns d'é- 
carlate, les autres de jaune, ou de blanc ou de pour- 
pre, courent et s'enlacent pêle-mêle les uns avec 
les autres. Déjà, par une transition piquante, tu as 
passé du fils de Laertius au fils d'Atridès. Mais voici 
que tu lances un trait malin à Ënnius*, en disant que 
s'il ne s'était pas arraché au sommeil , il n'aurait ja- 
mais raconté son rêve. Que mon Marcui^aesar cher- 
che, s'il se peut, quelque chose de plus fin; point de 
tournure plus captieuse; point, comme dit Lévius'S 
déplus trompeuse souricière. Aussi, moi, qui demande 
que tu ne te réveilles pas , je demande encore plus 
fort que tu dermes. — Mais voici un proverbe bouf- 
fon; c'est r4f^ homme avec qui on peut 'jouer dans les 
ténèbres ^^, Ehl ne suis -je pas heureux, moi qui 
pénètre et comprends tout cela ? et qui de plus suis 

* Heindorf Teut qu'on lise ici plagam au lieu de pettam ; je ne 
vois pas trop la nécessité de ce changement. La phrase se comprend 
bien , U me semble , avec la leçon du manuscrit. On appelait pelia 
un petit bouclier en forme de croissant ; Virgile a dit : Amazonidum 
lunatis agmina peitis. 



48 AD M. C^SAREM. 

per almo iioinine* magister appellor? Quo pac- 
to ego magister? qui unum hoc quod te docere 
cupio , ut dormias , non impetro. Perge , ut 11- 
bet ; dummodo dii te mihi siye prodormias sive 

pervigiles* (prot)egant. Vale meum gau- 

dium, vale. 

EPISTOLA, III. 
(m. CjEsari domino suo, fronto.) 



Atticis propinque thî- 

mum ' serpillumque Hymmetium ruminanti- 

bus viris vel graves ex orationibus veterum 

sententia^lJ^rriperetis , vel dulces ex poematis, 
vel ex historia splendidas, vel cornes ex comae- 
diîs *, vel urbanas ex togatis, vel ex Atellanis le- 
pidas et facetas. . . . Mittam igitur tibi quantum 
pote librum hune descriptum. Vale, Caesar, et 
ride, et omnem vitam laetare et parentibus opti- 
mis et eximio ingeaio tuo fruere. 

^ Ita superscriptum Tidebar mihi légère in codice almo no- 
mine. — ^ Legi nequit unus Tcrsiculus. — * Ita per i , non per^. 
—^ * Codex : eomedis. 



LETTRES i M. GJESÂR. 49 

appelé du nom paternel de maître I Gomment , maî- 
tre I quand la seule chose que je désire t'apprendre , 
qui est de dormir , ^ ne puis l'obtenir de toi. Au 
reste» continue de faire comme il te plaira » pourvu 
que les dieux , soit que tu dormes, soit que tu veilles, 
te conservent pour moi. Adieu, ma joie, adieu. 

LETTRE IIL 

(a M. GiESAR SON SEIGNEUR, FRONTO.) 



A ces sages de TAttique méditant auprès 

du tliym et du serpolet de l'Hymette. Vous emprunteriez 
de graves pensées aux discours des anciens, du charme 
aux poètes, de la magnificence à l'histoire, de l'en- 
jouement à la comédie, de l'élégance au drame ro- 
main, de vives et ingénieuses saillies ^* aux Atellanes. • 

Je t'enverrai, 

si je le peux '', le livre copié. Adieu , Gsesar, sois con- 
tent , heureux toute ta vie, et jouis de tes excellons 
parens et de ton si beau génie *. 

* M. Bfai a placé la première partie de cette lettre au Livre II 
des lettres ad Antoninum Imperatorem ; et la seconde partie , au Li- 
vre I*' des lettres ad Marcum, J*ai suivi M. Niebuhr, qui réunit ces 
deux fragmens et les met ici. Fronto, dans cette lettre, s'adresse à 
Marcus et à Lucius , ses deux élèves. 



I. 



50 AD M. G^SAREM. 

ËPISTOLA IV. 

M. CJESAR IMPERATOR, FRONTONI MAGTSTRO SUO. 

Quid ego ista mea fortuna satis dixerim, Tel 
quomodo istam necessitatem meam durissi- 
mam condîgne incusavero, quse me istic îta 
aDimo anxio tantaquc sollicitudine praepedito 
alligatum attinet; neque me sinit ad meum 
Frontonem, ad meam pulcherrimam animam, 
confestim percurrere, praesertim in hujusmodi 
ejus yaletudine, prope accedere, manus tenere, 
ipsum denique illum pedem , quantum sine in- 
commodo fieri posset , adtrectare sensim , in 
balneo fovere, ingredienti manum subicere? Et 
tu me amicum vocas , qui non abruptis domi- 
bus * cursu maximo ' pervolo? Ego vero magis 
sum claudus quom ista mea verecundia inimo 
pigritia. (0) me! quid dicam? metuo quic- 
quam dicere , quod tu audire nolis : nam tu 
quidem me omni modo conisus es jocularibus 
istis tuis ac lepidissimis verbis a cura amovere 
atque te omnia ista aequo animo perpeti posse 
ostendere. At ego ubi animus meus sit, nescio:' 

* Ua legrbam în cod. dowibus. — - Lociis qiiatiior vel quîn- 
(\up litteraruiii. 



LETTRES A M. G^SAR. 5 ! 



LETTRE IV. 

M. GiGSAR EMPEREUR y A FRONTO, SON MAITRE, 

Que dirai-je qui suffise* à rendre ma situation, ou 
comment accuserai-je convenablement cette nécessité 
trop dure qui me tient enchatné ici , quand j'ai l'es- 
prit si agité , si obsédé d'inquiétude ; qui ne me per^ 
met pas de courir à l'instant à mon cher Fronto, à 
ma très-belle âme, surtout dans une maladie de cette 
sorte ^'; de m'approcher de lui, de prendre ses mains, 
et enfin ce pied lui-même , autant qu'il se pourrait , 
sans l'incommoder; de le toucher et le retoucher; de 
le soigner dans le bain; de le soutenir sur ma main 
dans sa marche? Et tu m'appelles ton ami, lorsque 
je ne renverse pas les maisons ^' pour voler vers toi de 
toute ma force I En vérité, je suis le plus boiteux, 
moi, avec ma réserve, avec ma paresse. Moi! Que 
dirai - je ? Je crains de dire quelque chose que tu ne 
veuilles pas entendre; car il est certain que tu as fait 
tout ce que tu as pu , par tes expressions plaisantes et 
enjouées, pour m'ôter d'inquiétude, et me faire croire 
que tu supportes tout cela le plus patiemment du monde. 
Moi, cependant, oii est mon esprit? je ne sais; ou 



* Heindorf pense qn'il faut ajouter ici le mot digne , et lire satis 
digne dixerim. 



5â AD M. CiSSAREM. 

nisi hoc scio, illo nescio quo ad te profectiim 
eum esse. Cura, miserere, omni temperantia , 
abstinentia omnem istam tibi pro tua virtute 
tolerandam , mihi yero asperrimam nequissi- 
mamque , valetudînem depellere. Et si * ad 
aquas proficisceris ; et quando ; et nunc ut 
commode agas ; cito , oro , perscribe mihi , et 
mentem meam in pectus meum repone. Ego 
intérim vel taies tuas litteras mecum gestabo. 
Yale, mi Fronto jucundissime ^; quamquam ita 
me dis potius ' dicere oportet ; nam tu quidem 
semper aves *. qui ubique estis, di boni , va- 
leat , oro, meus Fronto jucundissimus atque ca- 
rissimus mihi : valeat semper integro, inlibato, 
incolumi cwpore : yaleat, et mecum esse pos- 
sit. Homo sanctissime, vale. 

EPISTOLA V. 

CJISARI StîO, FRONTO. 

Tu, Caesar, Frontonem istum tuum sine fine 
amas, vix ut tibi homini facundissimo verba 

* iSidcest in cod. — * God. Jucundiêsimœ. Alibi quoquc haud 
raro occurrunt in cod. yitiosae diphthongi. — ' Schcdae me» , 
quae sunt veluti imago codicis, habcnt dispoaifun. — * Sch. es; 
olim tamon edidi aves meliore lectiunc. 



LETTRES A M. CJESAR. 55 

plutôt je sais qu'il est parti pour le je ne sais quel lieu 
où tu es. Par pitié *, tâche, à force de régime et d'abs- 
tinence, de chasser tout ce mal que ton courage peut 
supporter 9 mais qui est pour moi la plus cruelle » la 
plus déchirante épreuve. Et si tu partiras pour les eaux, 
et quand; et comment tu te trouves à présent, vite, je 
t'en prie, écris-moi tout cela, et remets-moi du calme 
dans l'âme. Moi , cependant , quelle qu'elle soit , je 
porterai ta lettre avec moi. Adieu , mon très-aimable 
Fronto; mais c'est plutôt aux dieux que je dois ici 
m'adresser; et cela même est selon ton désir. vous , 
qui êtes partout, dieux bons, rendez la santé à mon 
Fronto, l'homme le plus aimable et le plus cher à mon 
cœur! rendez-lui une santé pleine, entière, inalté- 
rable; rendez-lui la santé, et qu'il puisse être avec 
moi ! Homme très-saint, adieu. 

LETTRE V. 

A SON GiBSAR, FRONTO. 

Quoi! Gsesar, tu aimes ton Fronto si infiniment^ 
que même, malgré ta fécondité, tu trouves à peine as- 



* Dans cette phrase, miserere est probablement un mot cor- 
rompu ; il y avait là , je crois , quelque expression de tendresse 
pour Fronto, peut-être cura^ mi semper^ comme dans une autre 
lettre du Livre II , où Marcus Aurélius écrit à Fronto : Fale , mi 
semper. 



54 AD M. GiËSAREM. 

BufBciant ad expromendum amorem tuum et 
beniToIentiam declarandam. Quid, oro te, foiv 
tunatius, quid me uno beatius esse potest? ad 
quem tu tam fraglantes * litteras mittis. Quin 
etiam , quod est amatorum * proprium , cuire- 
re ad me vis et volare. Solet mea domina pa- 
rens tua interdum joco dicere, se mihi quod a 
te tanto opère diligar invidere. Quîd ' si ista 
litteras tuas legerit quibus pedem etiam pro 
salute mea votis advocas et precaris * ! O me 

beatum! ort*^ commendatum! Putas ne 

uUus dolor penetrare sciât corpus aut animumi 
meum? prae tanto gaudia prosiluerim * . Babe^ 
nec doleo jam quicquam^ Babœ^ Caesar, vi- 
geo, valeo, exullo, quo vis veniam, quo vis 
curram. Crede istud mihi, tanta me laetitia 
perfusum, ut rescribere tibi ilico non potue- 
rim : sed eas quidem litteras , quas ad priorem 
epistulam tuam jam rescripseram , dimisi ad 
te; sequentem autem tabellariûm retinui, quo 
ex gaudio resipiscerem. Ecce nox praeteriit , 
dies hic proi^e exactus est. Nescio quid aut 

* Ita cod. — ^ Ita legeudum puto, schedis inspectis. — * Cod. 
quod, — * Cod. prœcaris ; et sic constanter in codice scribitur 
prœcari et prœces, — * Spatium septem fere litterarum. — ^ Spa- 
lîum i-ursus totidcm fere litterarum. — ^ Ita cod. pro babœ. — 
^ Sclieda) quamquam. 



LETTRES A M. CiESAR. 55 

sez de tenues pour m'exprimer ton amour, et me mar- 
quer ta bienveillance ! Que peut-il y avoir, je te le de 
mande, de plus fortuné , de plus heureux que moi , à 
qui tu adresses une lettre si brûlante? tu fais plus, et, 
ce qui est le propre des amans , tu veux courir et vo- 
ler à moil Ta mère, ma souveraine, a coutume de me 
dire en plaisantant , que l'excès de ton amour pour 
moi la rend jalouse : que serait-ce si elle avait lu cette 
lettre, où dans ton zèle pour ma santé tu invoques mon 
pied et l'appelles par tes vœux! O heureux homme que 
je suis!* 

Penses-tu qu'il y ait douleur qui sache pé- 
nétrer mon corps ou mon âme ? je sauterais de joie , 
tant cette joie est grande! non, je ne souffre plus 
nulle part; non, Gœsar; j'ai de la force, de la vigueur, 
je bondis ; j'irai où tu voudras , je courrai où tu vou- 
dras. Crois ce que je vais te dire; j'ai été inondé de 
tant de joie, que je n'ai pu te récrire sur-le-champ; 
mais je t'ai envoyé la lettre que je t'avais écrite en 
réponse à ta première lettre, et j'ai retenu le messager 
pour le jour suivant , afin de me reposer de ma joie. 
Voici la nuit déjà passée ; ce jour est près de finir, et 



* Il manque ici quelques lettres , peut-être deux ou trois mots : 
un savant allemand, Eichstaedt, propose : O parenii tuœ commenda- 
tum ! oa : O <Blemitati tuœ comnwndaium ! ou: O per te matri com- 
mendatum ! ou enfin , ce qui vaut beaucoup mieux : O per te diis 
commendalum ! 



56 AD M. GiESAREM. 

quemadmodum rescribam tibi. Quid enim ego 
possum jucundius, quid blandius, quid aman- 

tius? Scribsisti mihi^ Et gaudeo quod in- 

gratum me, et referundae gratiae imparem fa- 
cias 9 quoniam ut res est ita me diligis , ut ego 
te magis amare vix possim. Igitur ut argumen- 
tumaliquod prolixioriepistulaereperiam, quod, 
oro te, ob meritum sic me amas? quid iste Fron- 
to tantum boni fecit ut eum tantopere ' tu di- 
ligas? Caput suum pro te aut parentibus tuis 
deyovit? Succidaneum se pro vestris periculis 
subdidit? provinciam aliquam fideliter adminis^ 
travit? exercitum duxit? Nihil eorum * : ne 
cotidianis quidem istis officiis circa te praeter 
ceteros fungitur : et immo^.... vel istis * infre- 
quens. Nam neque domum vestram diluGulo 
ventitat, neque cotidie salutat, neque ubique 
comitatur, née semper spectat. Vide igitur ut 
siquis interroget cur Frontonem âmes , habeas 
in promptu quod facile respondeas. At ego ni- 
hil quidem malo quam amoris erga me tui 
nuUam extare ' rationem. Nec omnino mihi 



* Supple octo circiler littcras. — * Ita lego in schedis; etsi 
alibi codex variât tanto opère j lum etiam magno opère. — * Ita 
cod. pro Iwrum. — * Supple quatuor litteras. — ^ Ita sch. Olim 
edidi vel is satis. — ^ Cod. extra pro extare. 



LETTRES A M. C^SAR. 67 

je ne sais ni quoi ni comment t'écrire. Que puis- je 
en effet de plus doux , de plus flatteur , de plus tendre 
que ce que tu m'as écrit? Je me réjouis que tu me 
rendes ingrat et incapable de te faire un remerciment, 
parce qu'en vérité tu m'aimes de manière que je puis 
à peine t'aimer davantage. Ainsi donc , afin de trou- 
ver manière à cette trop longue lettre : pour quel mé- 
rite , je t'en prie , m'aimes-tu ainsi ? quel bien si grand 
t'a fait ce Fronto pour que tu le chérisses si tendre- 
ment? a-t-il dévoué sa tête pour toi et pour tes pa- 
rens? s'est-il, dans vos dangers, mis à votre place ? 
a-t-il fidèlement administré quelque province ? com- 
mandé une armée ? rien de tout cela : il ne fait pas 
même plus que les autres dans les devoirs qu'on te 
rend tous les jours; bien plus il est moins exact ^. En 
effet il n'accourt pas dès le point du jour à. votre mai- 
son; il ne te salue pas chaque jour ^% il ne te fait pas 
cortège partout , il n'a pas les yeux sans cesse sur toi. 
Arrange- toi donc pour que, si on te demande pourquoi 
tu aimes Fronto, tu aies à l'instant même une ré- 
ponse toute prête. Quant à moi, j'aime bien mieux 
qu'il n'y ait aucune raison de ton amour pour moi ; 
car , à mon avis , un amour qui naît de la raison, et 

* Le texte est ici altéré ; on peut le rétablir de deux manières, en 
lisant ; et in comitatu est satis infrequens ; où , immo est ctiens satU 
infrequeru; ce sont deux restitutions des critiques allemands; le 
sens , du reste , est fort clair. Cette lettre curieuse sous le rapport 
du style offre ici , comme on le verra dans les notes à la fln du vo- 
lume , quelque intérêt pour l'élude du droit romain. 



58 AD M. C^SAREM. 

amor videtur qui ratione oritur, et justis cei> 
tis de causis copulatur : amorem ego illum iù- 
tellego fortuîtum et liberum, et nullis causis 
servientem; inpetu potius quam ratione con- 
ceptum ; qui non officiis, uti ignis , sed sponte 
ortus vaporibus caleat. Baiarum ego calidos 
specus malo ^ quain istas. fornaculas balnea- 
rum , in quibus ignis cum sumptu atque fumo 
accenditur, brevique restinguitur. At ^ illî inge- 
nui vapores puri perpetuique sunt, grati pari- 
ter et gratuiti. Ad eundem prorsus modum 
amicitise istae officiis calentes fumum interdum 
et lacrimas habent; et ubi primum cessaveris 
extinguntur ^ : amor autem fortuitus , et jugis 
est et jucundus. Quid quod neque adolescit * 
proinde neque conroboratur amicitia meritis 
parta, ut ille amor subitus ac repentinus? ut 
non aeque adolescunt in pomariis hortulisque 
arbusculae manu cultœ rigataeque, ut illa in 
montibus aesculus et abies et alnus et cedrus 
et piceae , quae sponte natae , sine ratione ac si- 
ne ordine sitae, nullis cultorum laboribus ne- 

^ In codice videbar mihi légère magis; sed sine dubio est 
mah aut maUm. — ' Cod. ad, — * Ita cod. — * Ita adolescit per 
o etiam apud Cic. de Rcp. II , 2 ; licet adulescens sempcr sit per 
M in antiquis cod. Sic lego constanler in codd. vilicus ; at vUa 
nusquam yidi. 



LETTRES A M. C^SAR. Sg 

dont le lien est formé * par des causes légitimes et cer- 
taines, n'est pas l'amour : j'entends par amour®* celui 
qui, fortuit et libre , ne reconnaît aucune cause , est 
inspiré par l'enthousiasme plutôt que par la raison , et 
s'enflamme, non comme le feu du foyer, par des soins, 
mais comme un feu né spontanément des vapeurs de 
l'air. J'aime mieux les grottes chaudes de Baies que 
ces petits fourneaux de bains où le feu ne s'allume 
qu'avec dépense et fumée, et s'éteint en peu de temps ; 
au lieu que ces vapeurs naturelles sont toujours pures 
et de durée , tout à la fois agréables et gratuites. Il en 
est de même de ces amitiés dont la chaleur s'entretient 
par des devoirs ; elles ont de la fumée et des larmes, 
et, dès que les soins viennent à cesser, elles s'éloignent; 
mais l'amour fortuit est durable et plein de délices. 
Ne voit-on pas aussi qu'une amitié obtenue par des 
services est loin de croître et de se fortifier , comme 
l'amour soudain et inopiné? C'est ainsi que ces arbustes 
qu'on &çonneà la main, et qu'on arrose dans les jar 
dins et les vergers, ne grandissent jamais comme, au 
sommet des montagnes, le hêtre, le chêne, l'aulne, le 
cèdre et les pins, qui , nés d'eux- mêmes , placés sans 
dessein et sans ordre, ne reçoivent ni soins, ni culture , 

* On trouve ici dans le manuscrit, au-dessus de oritur, le mot mu- 
nitury écrit d'une autre main. Les deux adjectifs ju^tis ixrtis sont 
mal placés à côté l'un de l'autre. Eichstaedt veut qu'on efface certis ; 
et il a raison : ceriis me parait une glose qui am'a passé mal à propos 
dans le texte. Heindorf voudrait, cinq lignes plus haut , nec semper 
expectai ^ au lieu de ncc semper spécial; ce changement ne me scni- 
hlc pas nécessaire. 



60 AD M. G£SAR£M. 

que oflficiis, sed ventis atque imbribus edu-* 
cantur. Tuus igitur iste amor incultus et sine 
ratione exortus^ spero cum cedris porro adoles* 
oit et œsculis : qui , si oflSciorum ratione cole- 
retur, non ultra myrtos laurusque procresce- 
ret , quibus satis odoris , parum roboris. Et 
omnino quantum Fortuna rationi , tantum 
amor fortuitus officioso amori antistat. Quis 
autem ignorât rationem humani consilii voca- 
bulum esse, Fortunam autem deam dearum- 
que prœcipuam? templa, fana, delubra passim. 
Fortunœ dicata ; rationi nec simulacrum nec 
aram usquam consecratam? Non fallor igitur 
qui malim amorem erga me tuum Fortuna 
potius quam ratione genitum. Neque vero um-^ 
quam ratio Fortunam aequiperat, neque majes- 
tate, neque usu , neque dignitate. Nam neque 
aggeres manu ac ratione constructos montibus 
comparabis , neque aquae ductus amnibus , 
neque receptacula fontibus. Tum ratio consilio- 
rum prudentia appellatiir, vatum impetus di« 
vinatio nuncupatur. Nec quisquam prudentis- 
simae feminae consiliis potius accederet, quam 
vaticinationibus Sibyllae. Quae omnia quorsum 
tendunt? ut ego recte malim impetu et forte 
potius quam ratione ac merito meo diligi. 
Quam ob rem etiam siqua justa ratio est amo- 



LETTRES A M. CiESAR. 6l 

ùi $ont nourris par les vents et les pluies des orages. 
Je me flatte donc que ton amour pour moi, inculte et 
né sans raison, grandit avec les cèdres et les hêtres , 
tandis que, s'il était cultivé par des égards et des de- 
voirs, il ne s'élèverait pas au-dessus des myrtes et 
des lauriers, qui ont assez de parfum, mais peu de force. 
D'ailleurs ajoute qu'autant la Fortune l'emporte sur la 
raison, autant cet amour fortuit, sur l'amour officieux. 
Or, qui ne sait que la raison n'est que le nom de la sa- 
gesse humaine, et que la Fortune'^ est une déesse, et la 
première des déesses? Partout des temples, des cha- 
pelles, des sanctuaires dédiés à la Fortune , et nulle 
part une statue , un autel consacré à la raison. Je ne 
me trompé donc pas, quand j'aime mieux que ton 
amour pour moi soit né de la Fortune plutôt que de la 
raison. Jamais non plus la raison n'égale la Fortune, ni 
en majesté, ni en utilité, ni en dignité. Car on ne com- 
parera pas ces tertres élevés par la main et la raison 
de l'homme à des montagnes ^ ni dos aqueducs à des 
fleuves, ni des citernes à des fontaines. En outre la rai- 
son qui conseille s'appelle prudence, et l'enthousiasme 
des poètes, divination. Et cependant, il n'y a personne 
qui n'ajoute plutôt foi aux oracles des sibylles qu'aux 
conseik de la plus prudente des femmes. Mais oti tout 
cela tend-il? à prouver que j'aime mieux qu'on me ché- 
risse par enthousiasme et par hasard que par raison 
ou pour un mérite quelconque. C'est pourquoi , lors 
même qu'il y aurait quelque raison légitime de ton 



02 AD M. CiESAREM. 

ris erga me tui, quaeso, Caesar, sedulo demus 
operam ut ignoretur et lateat; sine homines 
ainbigant , dissèrant , disputent , conjectent , 
requirant , ut Nili caput , ita nostri amoris ori- 
ginem. 

Sed )am hora décima tangit, et tabellarius 
tuus mussat. Finis igitur sit epistulae. Valeo 
multo quam opinabar commodius. De aquis 
nihildum cogito. Te dominum meum, decus 
morum , solacium (maximum) multum amo ; 
dices : num amplius quam ego te? Non sum 
tam ingratus ut hoc au ( deam ) dicere, Vale , 
Caesar , cum tuis parentibus , et ingenium 
tuum excole. 

EPISTOLA VI. 

HAVE , MI MAGISTER OPTIME, 

Siquid somni redit post vigilias , de quibus 
questus es, oro te, scribe mihi : et illud, oro te, 
primum yaletudini operam da : tum securim 
tenediam , quam minaris , abde aliquo ac re- 
conde : nec tu consilium causarum agendarum 
demiseris, aut tum simul omnia ora taceant. 
Grœce nescio quid ais te compegisse, quod 
ut aeque pauca a te scripta placeat tibi. Tu 



LETTRES A M. CJESAR. 65 

amour pour moi, je t'en conjure , Gœsar, veillons de 
tous nos soins à ce qu'elle demeure ignorée , incon- 
nue; laisse les hommes soupçonner, disserter, dispu- 
ter, conjecturer, rechercher, comme la source du Nil, 
l'origine de notre amour. 

Mais déjà la dixième heure approche; ton courrier 
murmure, et je finis ma lettre. Je me trouve beaucoup 
mieux que je ne pensais. Je ne songe plus à prendre 
les eaux pour le moment. Toi, mon seigneur, ma gloire, 
ma consolation, je t'aime extrêmement; tu vas dire : 
est-ce que tu m'aimes plus que je ne t'aime? Je ne suis 
pas assez ingrat pour oser dire cela. Porte-toi bien , 
GsBsar, toi et tes parens^^ et cultive avec soin ton gé- 
nie. 



LETTRE VI. 

JE TE SALUE , MON TBÈS-BON MAITRE. 

S'il t'est revenu quelque peu de sommeil après les 
veilles dont tu te plaignais, écris-le moi, je t'en prie; 
mais, avant tout, je t'en prie, soigne ta santé; en- 
suite, cache et renferme bien cette hache ténédienne ** 
dont tu nous menaces, et ne va pas renoncer au des- 
sein de plaider, ou alors il faut que toutes les bouches 
se taisent à la fois. Tu dis que tu as rédigé en grec un 
je ne sais quoi qui te plaît autant que le peu que tu 



64 Aï> M- C^SAREM. 

ne es qui me nuper concastigabas quorsum ^ 
graece scriberem? Mihi vero quid potissimum 
graece scrîbendum est? Quam ob rem, rogas? 
volo periculum facere an id quod non didici, 
facilius obsecundet mihi , quoniam quidem il- 
lud quod didici deserit. Sed , si me amas , mi- 
sisses mi istud novicium , quod placere ais. Ego 
vero te vel invitum istic lego ; et quidem bac re 
una vibo * et resto • . Materiam cruentam * mi- 
sisti mihi : necdum legi Coelianum * excerp- 
tum * , quod misisti mihi : nec legam prius 
iquam sensus ipse venatus fuero. Sed me Cae- 
saris oratio unceis^ unguibus adtinet. Nunc 
denique sentio quantum operis sit temos vel 
quinos versus in die omare, et aliquid diu 
scribere. Vale, spiritus meus. Ego non ardeam 
tuo amore qui mihi hue ® scripseris '? Quid fa- 
ciaux? non possum insistere. At mihi anno 
priore datum fuit hoc eodem loco eodemque 

* Ita cod. mediol. ; at rom. car, - — * Ita cod. pro vivo, — 
* Ita perspicue in codice romano ; at mediolanensis obscuratas ; 
itaque ego dubitans olim ncscio quo pacto edidi œgre sum pro 
vivo et resto. — * Ita cod. romanus perspicue ; at mediolanen- 
sis obscuratus; quare ego olim ex conjectura supplebam quan- 
tam. — * Ita per oe in utroque codice. — * Cod. rom. excertum. 
— ' Ita cod. rom. i manu; at 2 uncis. — * R. hoc, — ^ M. scrib- 
seris. 



LETTRES A M. CiESAR. 65 

as écrit *. Mais n'est-ce pas toi qui , naguère, me gron- 
dais si fort de ce que j'écrivais en grec? Cependant » 
il faut bien que j'écrive quelquefois en grec. Tu de- 
mandes pourquoi? Je veux essayer si ce que je n'ai 
pas appris me servira mieux , puisque tout ce que 
j'ai appris m'abandonne. Cependant, si tu m'aimais, 
tu m'enverrais cet essai qui te plaît, conmie tu dis. 
En attendant, je te lis ici, même malgré toi; et 
cela seul me fait vivre et me suffit. Tu m'as envoyé 
une cruelle matière; je n'ai point encore lu cet ex- 
trait de Gœlius " que tu m'as envoyé, et je ne le lirai 
pas avant d'en avoir dépisté tous les sens. Mais le dis- 
cours de Caesar me retient avec des ongles crochus. 
C'est maintenant que je conçois enfin combien il est 
difficile d'arranger** trois ou quatre vers par jour, 
et d'écrire long-temps sur un sujet. Adieu, mon souf- 
fle. Et je ne t'aimerais pas avec ardeur, toi qui m'as 
écrit ces choses! Que ferais -je? Je ne puis insister. 
Mais l'année dernière , il me fut donné en ce même 
lieu , et en ce même temps , de brûler du désir de 



* Cette lettre , d'abord publiée d'après le manuscrit de Milan , a 
été retrouvée aussi dans celui de Rome (livre III, pag. lai-iao) 
entre la lettre qui commence par imaginem quam te quœrere^ et la 
lettre Scio natali die. Il est curieux de vcir, dans les notes latines de 
M. Mai, les ditfiérentes leçons des deux MSS. 

** Bnttmann propose tomate au lieu de amare ; la leçon du ma- 
nuscrit me parait meilleure : les rbéteurs disaient omare versus, 
yvfiâ/iviv, comme Gicéron avait dit, omare orationem, 

i 5 



66 AD M. C^SAREM. 

tempore*, matris desiderio peruri. Id deside- 
rium hoc anDO tu mihi accendis. Salutat te do- 
mina mea. 

EPISTOLA VII. 



HAVE MI MAGISTER OPTUME ^ 



Age, perge quantum libet, commînare, et 
argumentorum globis criminare : numquam tu 
tamen erasten tuum , me dico, depuleris : nec 
ego minus amare me Frontonem praedicabo, 
minusque amabo, quo tu tam variis tamque 
vehementibus sententieis' adprobaris minus 
amantibus magis opitulandum ac lai^endum 
esse. Ego, hercule, te ita amo atque depereo : 
neque deterreor isto tuo dogmate : ac si ma- 
gis eris alieis ^ non amantibus facilis ^ et promp- 
tus , ego * tamen ^ non minus te (tuosque) ama- 
bo. Ceterum quod ad sensuum densitatem, 
quod ad inyentionis argutiarum, quod ad 

^ Codex romanos habet tantam hoc eodem tempore ; desiderat 
Tero Yerba hoc eodem loco , qaaa sunt in mediolanensi. — ^ Ita 
cod. At in prœc. ep. optime, — 'Ita cod. i manu ; a , semien- 
tiis. — * Ita eod. — * Supple octo circiter litteras. — 'Ita pfkis 
legebam in codice; mox eo quod jam non probo. — ^ Supple 
sex circiter litteras. 



LETTRES A M. C^SAR. 67 

voir ma mère; tu allumes en moi cette année le même 
déûr. Ma souveraine te salue. 



LETTRE VIL 

Jf£ TE SALUE , MON TRÈS-BON MAITRE, 

Va, continue» menace autant que tu voudras, pour- 
suis-inoi de tes argumens sans nombre : tu ne pourras, 
malgré tout, faire reculer ton amant, et c'est de moi que 
je parle. Je n^en proclamerai pas moins que j'aime 
Fronto, et je ne l'en aimerai pas moins, quoique^ tu 
veuilles prouver, toi, par de si rudes et de si nombreux 
raisonnemens que c'est h ceux qui aiment moins qu'on 
doit plus de secours et de bienfaits. Pour moi, par Her- 
cnle, je t'aime à en dépérir; ton opinion ne me rebute 
point : tu peux être plus favorable et mieux disposé 
pour ceux qui ne t'aiment pas, sans que je t'en aime 
moins, toi et les tiens. D'ailleurs, pour ce qui est de l'a- 
bondance des pensées, de la grâce ingénieuse** de l'in- 
vention, du bonheur de ton audace, je n'en veux rien 



* An lien de qito^ il faut quod: c'est une correction de Heindorf. 

** Argutîarum est probablement nne faute , c'est argutiam qn'il 
fiint lire , k moins qu'on i# veuille prendre inventionit pour un accu- 
satif plnrid , inventUmst argutiaritm , comme le propose M'. Mai. 
Cette lettre est tonte rônplie d'allusions k la lettre grectpie d 
fui netx : ce qui , avec les lacunes , la rend inintelligible. 



68 AD M. GJESAREM. 

aemulationis tuœ felicitatem adtioet , nolo quic- 
quam dicere , nisi * te multo placentis illos sibi 
et provocantis Atticos antevenisse. Ac tamen 
nequeo quin dicam; amo enim, et hoc deni- 
que amantibus vere tribuendum esse censeo, 
quod victoriîs twv èjowfxévwv magis gaude(rent. 
Vi)cimus igîtur, (vici)miis inquam. Num\..* 
praestabilius. . . ubique eam sub... tra pae... 
tram promsi« . . ei qiio. . . adsis\ . . disputari utra 
re magis caveret. Quid dereista (oro)\.. mam 
tulerit, an quo'.... magister meus de Platone? 
Illud quidem non temere adjuravero; siquis 
iste rêvera Phaeder^ fuit, si umquam is a So- 
crate afuit, non magis Socratem Phaedri desi- 
derio, quam me périsse (sines)*... duo men- 
ses...' arsisse... in^\.. amet, nisi confestimtuo 
amore corripitur. Vale, mihi maxima res sub 
caelo, gloria mea. Sufficit talem magistrum ha- 
buisse. Domina mea mater te salutat. 



* Nisi deest. — * Supple duos yersus. — * Aliud folium hoc 
est ; sed vix dubîto quin cum praecedente copulandum sit tum 
propter materiae âiailitudinem , tum quia statim hoc eodem 
iu folio incipit liltera d fiXs craï. — ^ Versuum septcm nonnià 
haec verba leguntur. — * Supple tredacim litteras. — ® Supple 
quatuor litteras. — ' Ita cod. , non Phœdrus, — * Supple ver- 
sum cum dimîdio. — ' Supple Tersum.' — *• Supple alium ver- 
sum. 



LETTRES A M. C-fiSAR. 69 

dire» sinon que tu as de beaucoup surpassé ces Grecs, 
si contens d'eux-mêmes et si querelleurs. Cependant 
je ne puis m'empêcher de le dire : j'aime» et je re- 
garde comme le droit de ceux qui aiment vraiment» 
de préférer à leurs propres victoires ** celles de 
leurs amans. C'est donc nous» oui c'est nous qui avons 



vaincu *. •. 



Que dira mon maître de Plato ? je ne 

l'invoque pas à tort ; s'il fut vraiment un Phaeder » si 
celui-là quitta jamais Socralès» Socratès ne regretta 
pas plus Phaeder que je ne dépéris de ton absence. 



Adieu » toi qui m'es le plus grand des biens sous le 
ciel. Il suffit à ma gloire ** d'avoir eu un tel maître. 
La souveraine ma mère te salue. 

* La fin de cette lettre se trouve sur une autre page du manuscrit ; 
mais M. Mal prouve dans sa note latine que cette seconde page 
est la suite de la première. 

** M. Mai pense qu'il faut lire : GioricR meœ sufpcit iaiem ma- 
gisirum habuisse. J^ai traduit d'après cette correction. 



Al) M. C^SAREM. 



EniSTOAH VIII. 

à (fike TTaî, rpirov Wm (foi tovxo Trepl twv aûtôv ' 
èniffréTlcû , xo (jlsv npîùxov âidt Au^tou rov Kefakov , Jeu- 
zepov âè âid ÎÛâzcùvoÇ zov * 70(fov , xà âè âri xjiirov dià 
zovâe rov $évou dvâpèç , t^v fxév ywvT^v oXtyou (îetv j3ap- 
jSapou, TT^v (Je yvwfjLYîV, wS T^yoûfxai, où Tiavu a^uvérou. 
Tpd(f(ù Je vûv où(ΣV Tt z&VTtpézepov yeypafxjxivwv éyoTTTO- 
(xevoS, fXYîcîé afjLsXYiffYîS roûjXoyou wÇ TraXiXXîyoyvToS. El 
(îè âé^et Twv Trpôrepov Jto^ Au^tou xal II^twvoS èTreo'TaX- 
(ifivwv TrXsiGi) TâJe eîvat , êottû) ffoi xexiiihpiov , wS euXoya 
' altw, oTt oùx àTTopô Xôywv. TLpodiypi^à* av ^èfi'zbvvoxiv^ 

EoinaÇf & TTaî , npè rov "kôyoïJ nocuxoÇ ^ovkevBou pa- 
ôetv, Ti Jkî TToré ye (xV) èpcùv éy&), (xsTûi ToaautYîS ff7rouJ"ÂÇ 
y\iypujxi ru^^tv wvTrep ot èpwvteS ; ToDto Je o'ot (fpdatù 
TTjOWTOV 07rf«>Ç ye ?;(ec. Où pà Ata Tréyuxev ôpôv olùrepav 
ovxo(TÏ TTovu zpccdvh^ èfxoû Toû {xift épwvToÇ 5 aXX' îytùye 
xox) dov xâXXouÇ a[<T9o(iai oùâevoÇ -fixrov twv aXXwv • Juvat- 
. (xyjv J' av eïTceîv ozi rovzov xal ttoXù àxjOc/SiffTepov. OTiep Je 
éTul Twv TTupeTTÔVTWV )cal Twv eu fjLaXa èv Tiockoci^rpa yvyL" 
vacajxévwv opwfxev , oùx è$ ôfxotaÇ atrtaÇ ravzov cufxjSat- 
veiv • Jti|/wo'cv fxév ' yàp o juièv ùttô vcaou , ô Je vno ja»(x- 

* Articulum roD supplet cl. Jacobsius. — ^ Cl. Bekkerus de- 
Ict fih. 



LETTRES A M. CJESAR. 7 1 

EPISTOLA VIII •^ 

Care puer^, tertiam banc ejusdem argumenti ad te 
epîstolam do. Nam primo scripsi per Lysiam Cephali, 
iterum per Platonem sapientem» tertio deniquc tibi 
nunc scribo per hune peregrinum hominemy sermone 
quidem pœne barbarum, sententia tamen, ut puto, 
uon plane insipientem. Scribo autem nihil ex ante per- 
scriptis attingens. Neque tu profecto mea dicta negli- 
çes, quasi crambem recoxerim. Quod si hsec epistola 
prolixior iis, quas antea per Lysiam et Platôncm misi, 
videbitur; hoc tibi argumente crit, ut jure censeo, 
verba mihi non déesse. Nunc igitur, utrum nova et 
œqua dicam, quaîso animum adverte. 

Jam, ut puto, illud in primis scire voles, o puer, 
cur nam ego qui minime sum amasius, tanto studio 
eadem, quœ amasii, consequi appetam? Hoc igitur 
primum» quomodo se habeat , edisseram. Non meher- 
cule hic» qui plane te dépérit, acutius yidet quam ego, 
qui amore non sum correptus : sed pulchritudinem 
tuam non minus ego sensu percipio, quam ceteri; im- 
mo perfectius, jure addam, amatore tuo. Sicuti autem 
tum iis qui febri aestuant, tum iis qui sese in palsestra 
exercuerunt, non eadem de causa idem accidere vide- 
mus; sitiunt enim illi quidem a morbo, hi ab exerci- 

* Epiftolam liane , C|[uain in latinum sermonem optimc transtulit 
Afat, 8U0 loco relinquendam putavi. 



72 AD M. C^SAREM. 

vaatîùV' TOidvis rivd xafxol * Xec- 

rov re &}ux. yjoù. oXiaOov. ATX oùn èjxofye ètt oktOpoi 
Tzpédzi , o\j$t titi jSXajSy) zivï o(itX>io'etÇ , aXX* ènï Trovrl 

Twv (XTO éjOwvTwv (xâXXov, (ùarcep zd (fvrd vno twv ùJû^- 
Twv. Où ydp èptùdiv oure Tnoyal ovre Trorafxol twv yuTwv, 
û^Xio^ napLÔvreÇ outw J^tô xal TrapappécvreS , dvOeîv aùxd 
xal dâXXecv Trapeo'xeûao'av. Xp^ifiocxa âè rd piv ûtt è{jioû 
^tJôfxsva JtTcaiwÇ av )taXotyîÇ SiùpoLj xd ^' y?:' èxeivou 
ï.vrpa. Mâvrewv (îè Traces? yao'l xal toîÇ 0eotÇ iiâiovÇ 
ehact Twv Ouo'twv ràS yapKSxnpio-oQ yi ràÇ fxetX£;^i0uÇ • wv 
TûcS (X6V ot eÙTUXoOvTsS éîrl yuXax^ )cal xttqo'ê£ twv o2ya- 
ôwv, ràS Je oc xaxGÔS TCpdxrovceÇ èttI aTTOTjOOTTp twv Jec- 
vwv 9vov7iv. Tdâe fjtiv Trepl twv (JUfxyepôvTwv cot re xa- 

Et Je TOÛTO âiicûctév écTtv TU/ety rnS Trajool ffoO ]3oy)66ta€ 
. . • ejoetffû) cù rovzo. . . aùrû i^ovept^ âè TexTYîvd) xal fxiQX*" 
vin^G>> ràç dcTTA... jxev... cùv... èpâ^ JéTra... el7r£..T0Ta 
3C0V. .. (a) vacTc^*.. tevôÇ Jcâè ti^v... aùr^ xara... xo... 

Mvi dyvéet âè xat aJtxvîôelÇ oùtoS xal ùjSjOtÇôfxevoS où 
lierpiocu ^àn zavTnv rriv * ijSptv , tô • «TrovraS eiâévai xe 
xat yovepwS outwÇ âiackiye^Oat , ort cou eïm oâe èpaarriÇ ' 

^ Dcsiderantur paginœ saltem duae. — ^ Bactenas lacuna un- 
decim pcne irersuum , ex qua superiora Terba abrupta eruere li- 
cuit. — ' Tvjv snpplot Kiebuhr. 



LETTBE8 A M. C^SAR. ^3 

tio; parem et mihi simul et lapsum. Neque 

vero ad me cum tua pernicie aut cum aliquo detri- 
mento accèdes, sed cum omni utilitate mecum versa- 
beris. Nam et juvari potius servarique pulchri soient 
a non amantibus, ut plantae ab*aquis. Neque enim 
amant seu scatebrae seu fluvii plantas, sed prope cursu 
labentes rigantesque, florere eas ac virescere faciunt. 
Jam et opes a me collatas, jure dona appellaveris, ab 
illo autem tributas, pretium. Atqui vates aiunt, diis 
quoque jucundiora esse sacrifîcia quse grati animi, 
quam quae placamentî causa offeruntur. Nam illa qui- 
dem homines beati ob bonorum tutelam et conserva- 
tionem, hsec miser! ob malorum propulsationem ex- 
hibent. Hactenus de iis, quœ tibi illique expediunt, 
dictum esto. 

Quod si œquum est auxilium abs te consequi. . . . 

. . . fulciam. ... tu hoc ipsi malo. . 

struam et moliar amas 

. . • . dixit (innocens) * 

cujusdam propter 

ipsi nisi forte manifeste injurius fuisti. 

Ne illud quidem ignorare te velim, tibi scilicet non 
modicam injuriam et noxam inferri , quum omnes ho- 
mines sciant palamque dicant, hune esse tui amato- 
rem : atque in antecessum, et priusquam hujusmodi 

* Ediderat Mai verbum oravafrtos, quod Niebuhr in àvafrios mutât. 
Quas litteras graecas Niebuhr, Buttmann et Heindorf doctissimis ac 
iiagacissimiR emendationibus iu editione Berolinensi ornaverunt. 



74 ^^ >!' GfSAREM. 

^OcbeiÇ âè-Mcï npiv te rûv roicùvâsi:pd^aij xotvofix v^Çnpd" 
^ecûÇ vTCoifàvcùv. Koàov^iv ovv ae oi itléi^rot tûv TroXcrâv 
rov rov^e épobfxevov * èyon Je aot (îcayuXâ|ct) zo\)Vo\ML7LaBapbv 
'/a,ïdv\j^pi7Tov. KalèÇ ydpy ovyi èpàiievo^ , xéye xar'èfxé, 
ovo\iJX(jB'fi(J&i, El cJé TOÛTO) wÇ Jtxatw ttvl yjiyi^JexoLi 9 âtc 
fjiâXXov èTTtOufxet, forw 5tc oùk èTrtflufxeî (xâXXov ,. eÛXà 
iTafxwTepov. TàS (îé {xutaÇ jcal ràS èfXTrlJaÇ (jiaito'Ta aTro- 
o'ojSoOfjLev xal a7rût)doû{xeda,0TeavaeJéa'TaTa)cal ita^GûTaxa 
èîTiTréTOVTai • toûto fxév oSv xalro^ 0yjpia éTTioraTai, yeuyeiv 
l>j£ki(JXOL TiâvTwv TOUS xuvyjyéraS , xal rà TrxyîVûè toùS Ôyî- 
peMzdÇ. Kal Tuâvra J)^ rà Ç^a toutou? (xaXco'Ta àcTpéTrexai 
TOUS [fjxki(JxoL èueâpevovxacÇ xal JccbxovTaÇ. 

Et âé TcS oiÊTat èvSo^àzepov xal èuxiiiàrspov eîvai tc 
xâXXoS Jtà TOÙÇ èpoc^rdQ , toû TraVToS âtocyLxpzdvet, Kcv- 
cJuveùeTS (Jiév yàp ot xaXol Trepl toO xaXXouS TfiS éS toùC 
dMvovraÇ nicrecôÇ âid tous épwvTaS • Jt' T^fxâÇ Je toùC «X- 
XouÇ jSejSacoTéjOov tt^v Jô|av xéxTVîO'Oe. El yovv Tt€ tûv 
(xyjJé7r&) ce écùpouézcùv iruvOdvotzo oT:oïéÇ tcS eî* Tiftv 5i(/«v 
é/Liot jjièv av TTco'Teùo'at èrcaivovvzi , jxa0wv OTt oùx èpw * tw 
JèaTTto'TviO'at, wÇ oùx aXyî0wS aXX* épwTtxwS eTratvoûvTc. 
Ô701Q fxèv ouv XwjSyj TtÇ ffwfxaTOS xat aîo';(o€ xal d\fJOp^ 
(fia Trpoo'eo'Ttv , ev^atVTO d!v etxoTwS èpaaxdÇ ocùxoïÇ j/evéo"- 
6at. Où ydp iv viziTlcôv OepoŒevotvxOj ri twvxoct' èptaxtïuhv 
XuTTov xat avàyxyjv Ttpo^iévxcùv* 2ù J* èv tw xoicùâe naXkei 
oùx effS' oTt xajOTTûùO'et TrXéov ûtt epcoToS *. Oùdév yàp 

* Cod. «i>|. — * Meiius «yoûvros. N. 



LETTRES A H. G^SÂR. 'j5 

quid peragas» famam facti sustineas. Dicunt te igitur 
plerique cives hujus amasium : ego autem purum tibi 
nec iDJuriosum nomen servo. Nam, quod ad me adti- 
net, pulcher non amasius vocaberis. Quod si tuus ama- 
tor hoc quasi jure utetur, quod te nimirum vehemen- 
tius concupiscat; scias eum non tam vehementius 
concupiscere , quam protervius. Jamvero muscas et 
culices yel ideo maxime arcemus ac dispellimus, quod 
impudentissime ac importunissime advolant. Quare 
et ferae noverunt fugere omnium maxime venatores, 
et aviculœ aucupes.. Et cuncta plane animalia eos 
maûme yitant , quos insîdiosissimos et persequentissi- 
mos sciunt. 

Quod siquis putat pulchritudinem ab amatoribus il- 
lustriorem reddi atque honoratioremy vehementer is 
errât. Nam vos profecto, o formosi, in periculum ve- 
niti$^ ne pidchritudinis vestrse fides nuUa sit, propter 
ipsos scilicet amatores : propter nos autem, qui ab 
amore alieni sumus, firmiorem opinionem obtinetis. 
Siquis igitur, qui numquam in conspectum venerit, 
roget quali forma sit aliquis prseditus, mihi quidem 
laudanti credet, quum sciât me non amare; amasio 
autem nuUam fidem adjunget tamquam non vere sed 
amatorie exaltanti. Quotquot igitur vitio aliquo corpo- 
ris et turpitudine ac deformitate laboranl, ii merito cu- 
plant amatores habere. Neque enim ab aliis colentur, 
prsBterquam ab iis qui ob eroticam vesaniam et neces- 
sitatem accedunt. Tibi vero tanta pulchritudine pra^- 
dito nullum utilitatis augmentum ab amatore potest 



^6 AD M. CiESAREM. 

tÎttov ikovzai aoM ol (xift èjowvreç. \yjp'f\loi * di oi èpatrrcà 
ToK ovTCùÇ xaXotÇ oùâèv rizrov ^ roîQ âiytaiuÇ irracvoujjii- 
votÇ oi nokocKE'ô. Apeziï ^ ^è ytaï âé^a yxû TtfXTft )tal m(kù~ 
âoÇ xocfxoÇ OaXaTTYj fxèv v<xvr<xt xal xujSepvvîTac xal 
rpfhp<xp)(pi xalefXTTopot xal ot aXXwS TrXéovTeS ' où yid Aia 
âekcfïveÇ , o& dâùvazov xb Çyjv ort fx>i év SaXarTV} ' xai- 
XouS de Yii^eîÇ ol tyîvocXXwÇ sTraivoûvreS xat aaTraÇofievot, 
où;^l épacral , o& aêtWTOV av eïyj ^zepofdvoiS twv Trac Jt- 
xôôfv. EÏ/potÇ J* iv axoTTwv TrXetfXTyiS a^o^taS alitouÇ jxév 
ovxocÇ rovÇ èpoc^TckÇ ' ddo^iocu âè (feùyeiv aTCocvrocÇ jiév )(jyh 
xoùÇ eù(fpovovvraÇf(jLd'kiffX(x âè roùÇ véovÇ^ oîç èizl jxaxpÔTe- 
pov èy/.eL7eraL ro ytacKov èv ccpyri (i^npoù jStou TCpociïSdày* 
QffTrejO ovv iepcùv xat Ov^iocÇ , ovtcù xal xov jStou tous rfp- 

^oijsuovç eùXoytaS 5 jxaXcCTa 7rp(é7rei èTrijxeXeto'ôac ) 

ToK Twv ei€ idydmv dio^iav a. . . rovzovÇ â-^ Zp^^" 

TOUS èpoc7zdÇ è^ov et... Trévre )cal.. a vecx... vov XP"^?^ 

èpacratS... tou ' ydp oi épwvreS âid twv xoitùvde 

(fopYifidrcùv oÙTi èy.eivovÇ rtf/wccv, aXX ourot û^XaÇoveuov- 
rai Te xal eTri Jetxvuvrac , xal wS etTretv è^opypvvzoci rov 

îptùXOL, 

^vyypd(f€i Je, wS yao-lv, é 7oÇ èpa^zri^i épcoTocâ rtva 
Trepl (Tov (Tvyypdiujiaroi wS touto) cî*ri iidhtrrd az deked- 
^û)v ^ mcd TTpoo'alôp.evoS )tal odp-fiatùv " tûc cJ' èctlv alo^x*! 

* Ita cod. pro à-xpilou — * Pro à/ser^j pulchre conjicit Butt- 
mannus legendum àAvid9){. Locom hune yexatissimum emendare 
nititar Jacobsius ne o/ssrîi yà^p fusrai Sala, xai ti/av] , oux ecs Kkp99ç, 
— ' Lacuna integr» fere paginœ. — * Cod. St^tÔL^oi^' 



LETTRES A M. GJSSAB. 77 

accidere. Neque enim, qui non amant, te expetent mi- 
nus. Yere autem pulchris non minus inutiles sunt ama- 
tores, quam adsentatores iis qui virtutis, famœ, glo- 
riaeque ergo justa laude digni sunt. Mari quidem lucro 
et decori sunt nautae et gubernatores et triremium 
prsefecti et mercatores et qui alio quovis pacte navi- 
gant ; non vero delphini , quibus extra mare yivere non 
licet. Ita prorsus pulchritudini nos, qui gratis lauda- 
mus et admiramur, ornamento sumus, non autem ama- 
sii, quibus si veneria subtrahantur, yita nulla est. 
Quod si mentem adverteris, deprehendes, plurimi de- 
decoris causam esse amatores. Jamvero infamiam yi- 
tari ab omnib,us oportet qui sapiunt : maxime autem 
ab adolescentibus, quibus diutius hœrebit hoc malum 
in exordio longœ vitœ contractum. Ut igitur in caeri- 
moniis et sacrificiis sic etiam eos, qui vitam accipiunt, 

a laudibuft exordiri oportet 

in extremam infamiam 

hos quidem prœclaros amatores quum liceat 

quin- 

que et 

res amatoribus 

nempe amasii hoc vestium ornatu 

non illos honorant , sed ipsi se jactant et ostentant , 
atque, ut ita dicam, amorem saltant. 

Aiunt etiam, amatorem tuum qusedam erotica de 
te scribere. His quippe se potissimum sperat te dele- 
nitunim, sibique arctissime devincturum. Verum enim- 
yero hse sunt turpitudines et ignominiœ et clamor 



^8 AD M. G^SAREM. 

seal ^et^ xal ^oii ti( dinéhc^roÇ vitib oïtrrpov nponsfino' 
fduYi 9 onoîai Onp&v il j3oo'xy)(xâTû)v * ùttô iptùroÇ /3pu;(û)- 

fxéV6)V -J) XpSflSXtl^OlfjtvrùV f) (JLDX6)JJL£V6)V fi (t>/DUOfJliv(»y. 

TovTOiÇ ïoiTie Tot TÛv é|9ûi)vta)v icf\iaroc, El yovv ènirpétpaiÇ 
cavTov * Tw èj&aoT^ yjpr\^Bai Snov * xal ôttots jSouXocto y 
o5t' av nûupov nèpipieivccÇ ènirriSeiov 9 ouïe tôttov oSt£ 
dypkhv , oOte èpYipiav^ cOld Oripiov * (JtKy}v ÙTuè XùttyîÇ 
eùdùî eïotxo âv xal ^iveiv izpoOviioîxo ivnSèu odâo\Ji>.eyoÇ. 

Tovxo exi TZpoaÔeïÇ ytaxanocucrcù xov 'kàyov Szi 'ndvroc 
Oeônv â(ùpa, hûcï îpyoL 5(Ta èç dvÛpûncùv y(jitiQcy te xal tép- 
tjitv xal ûb^éXetoV) a^ÛKiaxa^ (jièv aÙT&>v Travu 3cal Travrc 
'^det^ jrnv fY)(jLc xal oùpavov tlocï rikiov xai dâ^toy, 
v(ju/€cv (xèv 3cal doupéÇeiv Tre^ûxafjiev, é|D^v à* oît. Kockôùv 
âé rivcôv (focuïozépony hûcï dz^JuDrépoiÇ itoipaÇ x&xvyrixé^^y^ 
Tovxoiv >i^ (fQévoÇ xaï ïpoaÇ xal l^fihç xal IpiepoÇ oirre* 
rat \ Kod oi yiv ztveÇ yspâovÇ èp&aiv , 01 âè Z^cùv ou, 
oi âèoïvov. Èvâ-hzcù zoi(ù$tdpiO\i.6^ vjoù. fièpiSi ytaôiazareci, 
zb vjôlÙoÇ vTzb z(ùv èp(ùvz(ùv , ôfxotov idpdei xal !^(ù xaà (x£- 
lizi *• ÙTrè Se ^(jLwvTwv ÔoufxaÇôvTWv (Jiév, fxift èpcùvzcùv ièy 
cfioiov rikicù xal oùpocvc^ xaï y-p xal OaXaTTYî • zd ydp zoiavza 
TiavzoÇ îp(ùzoÇ Kpeizzcù xal ùmpzepa. 

Ev Tt aoi (fpdacù TZpoi zoijzoïi^ xal gv npoÇ zoùç 

* God. ^axTQfA&roav» — * God. a6roy. — * God. ot« w» — * God. 
S^jBou. — ' God. àfc/xrara. — * Batt. tarav^/utcl. Locum flic ekhi- 
bet Bekk. âfÙMtoLv àfbtroLtj ta fiïv oôrAv orÂvu xai Tràyrji Mac y y^y 
j9vi/My etc. — ' God. àorOcTac. — ^ GoiTa|>ta haec sunt Terba in 
codice. 



LETTRES A M. CiESÂR. 79 

quidam impudicus a libidine missus» quales voces fe- 
rarum sunt aut cicurum cum ex amore rugiunt aui 
hinniunt aut mugiunt aut fremunt. His pares sunt 
amantium cantlones. An igitur te amasio permittes ut 
Yulgo * et ubilibet tecum «consuescat ? ne expectato 
quidem tempore idoneo neque loco neque otio neque 
solitudine; sed ferae ritu, insane et sine ulla reverentia, 
statim ** ac ille te ad te accedet tuaque consuetudine 
utî cupîverît ? 

Uno adhuc addito, sermonem concludam. Cuncta 
deorum dona, quotquot ad hominum usum et delec- 
tationem et uttlitatem omnino necessaria sunt, terram 
nempe et cœlum et solem et mare mirari ac celebrare 
solemus, minime vero adamare. At in pulchris quibus- 
dam rébus, et quae deteriorem naturam sortitse sunt, 
invidiae et amoris et zeli et cupiditatis nomina usur- 
pantur. Atque alii quidem lucrum amant , alii rursus 
obsonia, alii yinum. Pori'o in hoc numéro et statione 
pulchritudo ab amantibus collocatur, ut sit videlicet 
lucre et obsonio et melli similis. A nobis autem ad- 
miratoribus quidem sed non amatoribus eadem par 
soli et caelo et terrae judicatur : qusB nobiliora et cel- 
siora profecto sunt quam ut queant amarL 

Unum tibi prsDter hœc narrabo, quod et tu si coram 
ceteris pueris réfères, blanda et probabilia narrait vi- 

* Legerat Mai in codice otc ou; correzît optime Buttmann in 
** Heindorfacnhendain pntat cû&O 9ou. 



82 AD M. C^SAREM. 

que mihî vix succlamatum est*... tov noifitoit. 
Sed quod tu merito omnibus praeoptas, non 
diu différas. Ita adfectus est dominus meus, ut 
paene moleste ferret , quod alio modo^ ad ne- 
gotium *...., quam eo quo tu orationem habi- 
turus. Ita* veram sensuum facultatem, elocu- 
tionis* variam virtutem, inventionis aliquam 
novitatem , orationis doctam dispositionem Te- 

hementer miratus est * opes. Quaeris quid 

me maxime ^.. In his rébus et causis quid .ni 
rivalis judicibus'... causarum. De funere* 
(man)damus; sciât familia quemadmodum lu- 
geat : aliter plangit servus manumissus, aliter 
cliens laudat vocatus ^ , aliter amicus légat * " ho- 
noratus. Quid incertas et suspensas exequias 



* Supplc très vel quatuor litteras. — * Modo pro nune, — * Tan- 
tum spatii est in codice oblitterato. — ^Legebam Intra; sed re- 
pono Ita, — • Sapple duudecim ferme litteras. — • Supple ver- 
sum anum circiter. — ^ Sapple versus quatuor. — ^ In schedis 
-video de tam in fine prœcedentis folii . quam initio hujus ; sive ita 
codex rêvera habet , sive mcndum mei scribentis fuit , 'vel etiam 
prisci amanuensis. Ut autcm arbitrer sequentem materiam perti- 
ncre ad unam eamdemquc epistolam hoc nego , etc. , eo prœser- 
tim utor indicio, quod hoc folium , quod incipit de fanere, etc. 
complectitur etiam epistolam accepi Cœsar, etc. , qua rêvera res- 
pondet Marco Fronto super ils orationis susb excerptis , de qui- 
bus sermo est in epistola hoc nego, etc. — ^ God. laudaueatus. 
— *^ lia cod. sed die luget. 



LETTRES A M. CJESAR. 83 



Tant la vraie puissance des pensées , la vertu variée 
de l'expression, une certaine nouveauté dans l'inven- 
tion et la disposition savante du discours, avaient ap- 
pelé son admiration 



Voilà ce que nous avons à te mander sur les funé- 
railles; que la famille sache d'abord comment elle 
pleurera. Autre est le deuil d'un affranchi ; autre ce- 
lui d'un client appelé à la tutelle***; autres les larmes 
d'un ami honoré d'an legs **. Pourquoi ces incertitu- 



* Le MS. porte ici iaudancaius ; M. Mai propose de lire laudat 
vocatus; et M. Niebuhr adopte cette correction. J'avoue que je ne la 
trouve pas heureuse. D'abord l'expression de laudat , sans régime , 
pour signifier laudat memoriam defuncli , me semble peu latine et 
peu conforme à la. gradation des verbes. Et puis , que veut dire vo- 
eatus ? mentionné au testament ? appelé aux obsèques 7 appelé à l'hé- 
rédité F tout cela n'est pas clair. Je croirais plutôt qu'il y avait ici un 
seul mot dàns^le sens de client louangeur, comme laudabundus , si 
le mot existait , ou laudicœnus, dont se sert Plante ; peut-être encore 
eoUocatus; peut-être enfin tuior Su tuiior daius. 

** M. Mai corrige légat, qui n'a pas de sens, en luget, qui se 
trouve déjà deux lignes plus haut , et me parait aller assez mal ici ; 
• il ne faut, je crois, qu'ajouter une seule lettre pour rétablir le 
texte , et lire : legato honoratus. 



84 ^^ ^* G^SAREM. 

agis? Omnium animarum statim post mortem 
hereditas cernatur. . . atra. . . veste. . . pianae olo. • . 
homiuum facere duas... post... defertur prae^ 
donis.... post plangitur. Puto totum descripsi. 
Quid ergo facerent quod totum , ac mire totum 
amarem hominem bonum? Vale, disertissime, 
doctissime, mihi carissime, dulcissime, magis- 
ter optatissime, amice desiderantissime. 

Horatius cum Polione mihi emortuus est. 
Id Herodes non aequo fert animo. Volo ut illi 
aliquid quod ad hanc rem attineat paucorum 
verborum scribas. Semper vale. 



LETTRES A M. C^SAR. 85 

des et ces retards dans les funérailles ? A la mort d'une 
personne» c'est la coutume de faire crétion'' de l'hé- 
rédité yétemens.... richesses.... deux parts 

J'ai tout décrit^ j'imagine. Que feraient-ils 

donc pour un homme que j'admirais tant, que j'ai- 
mais tant, un homme de hien? Adieu, très-éloquent , 
très-savant , très-cher, très-doux , très-désiré maître , 
ami très-regrctté. 

Horatius m'est mort avec Pollio'\ Hérodès^* en 
est inconsolable. Je veux que tu lui écrives là-dessus 
quelques mots. Porte-toi toujours bien. 



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M. CORNELII FRONTONIS 



EPISTULJ; 

AD M. CiESAREM, 



ET INVICEM. 



LIBER SECUNDUS. 



EPISTOLA I. 



DOMINO MEO. 



Accepi, Cdesar^ litteras tuas, quibus quanto- 
pere laetatus sim , facile aestimabis , si reputa- 
veris singula. Primum caput est omnis meî gau- 
dii cum te bene valere cognovî ; tuin quod ita 
amantem inei sensi , finem ut amori nullum ne- 
que modum statuas , quin cottidie aliquid rp» 



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LETTRES 



DE M. C. FRONTO 



A M. C^SAR, 



ET DE M. CiËSAR A M. G. FRONTO 



LIVRE DEUXIÈME. 



LETTRE V\ 



A MON SEIGNEUR. 



J'ai reçu ta lettre , Gœsar , et tu jugeras facilement 
de tout le plaisir qu'elle m'a fait , si ton attention se 
porte sur ce qui suit. La première cause de tout mon 
l>onheur est de te savoir en bonne santé; la seconde 
de voir que tu m'aimes tellement que tu ne mets ni 
£n, ni mesure à ton amour, au point que tu trouves 



88 AD M. C^SAREM. 

perias quod circa me juciindius atque amicius 
facias. Ego denique olim jam me puto satis 
amari ; tibi autem nondum etiam quantum me 
diligas satis est; ut non mare ipsum tam sit 
profundum, quam tuus adversum me amor. 
Sane ut illud queri possim; cur me nondum 
âmes tantum, quantum plurimum potest : 
namque in dies plus amando efficis, ne quod 
ante diem amaveris, plurimum fuerit. Gonsu- 
latum mihi putas tanto gaudio fuisse, quanto 
tua tôt in una re summi amoris indicia? 

Orationis meae particulas, quas excerpseram, 
recitasti patri tuo ipse, studiumque ad pronun- 
tiandum adhibuisti : qua in re et oculos mihi 
tuos utendos, et vocem, et gestum, et in pri- 
mis animum accommodasti. Nec video quîs ve- 
terum scriptorum quisquam me beatior fuerit, 
quorum scripta iEsopus ad populum pronun- 
tiavit aut Roscius. Meœ vero orationi M. Csesar 
actor contigit et pronuntiator : tuaque ego opéra 
ac voce audientibus placui, cum audiri a te ac 
tibi placere, omnibus summe sit optabile. Non 
miror itaque quod placuerit oratio oris tui di- 
gnitate exornata. Nam pleraque propria venus- 
tate carentia, gratiam sibimet alienam extrin- 
sccus mutuantur. Quod evcnit etiam in plebeis 
istis cdulibus : nullum adeo vile aut volgatum 



LETTRES A M. C^SAR. 89 

chaque jour ce qui pouvait m' être le plus agréable et 
le plus doux. Enfin , tandis que depuis long-temps je 
pense que je suis assez aimé , toi , tu en es encore à 
croire que tu ne m'aimes pas assez ; en sorte que To- 
céan même n'est pas aussi profond que ton amour pour 
moi. Tu veux sans doute m'arracher cette plainte : 
Pourquoi ne m'aimes-tu pas autant qu'il est possible 
d'aimer? car, en aimant plus chaque jour , ce que tu 
donnes d'amour la veille n'est pas le plus que tu en 
puisses donner. Penses-tu que le consulat m'ait causé 
autant de joie que tant de marques de ton amour ex- 
trême , dans une seule circonstance ? 

J'avais extrait quelques passages de mon discours : 

lu les as récités toi-même à ton père, et tu en avais si 

bien étudié la prononciation , que tes yeux , ces yeux 

dont j'envie l'usage, ta voix, ton geste et toute ton âme 

s'y prêtèrent. Non , je ne vois aucun de ces anciens 

écrivains dont ^Esopus ®' et Roscius '* récitèrent les 

ouvrages devant le peuple, qui ait eu plus de bonheur 

i|ue moi; car il est arrivé h mon discours d'avoir un 

Csesar pour acteur et pour organe. C'est par ton ac- 

t;ion et par ta voix que j'ai charmé mes auditeurs, et 

Oiela, quand la suprême ambition de chacun est d'être 

écouté par toi et de te plaire. Je ne m'étonne donc 

].>as que mon discours ait plu, embelli qu'il était par la 

^lignite de ta parole. Souvent en effet ce qui n'a pas 

t*iie beauté propre emprunte du dehors une grâce 

étrangère. C'est ce qui arrive même dans nos repas 



go AD M. CJESAREM. 

est holus * aut pulpamentum, quîn elegantius * 
videatur vasis aureis adpositum. Idem evenît 
floribus et coronis : alia dignitate sunt quom a 
coronariis veneunt, alia quom a sacerdotibus 
porriguntur. Tantoque ego fortunatîor quam 
fuît Hercules atque Achilles, quorum arma et 
tela gestata sunt a Patricole * et Philocteta , 
multo virîs virtute inferioribus. Mea contra 
oratio mediocris, ne dicam ignobilis, a doctissi- 
mo et facundissimo omnium Caesare inlustrata 
est. Nec uUa umquam scaena tantum habuit 
dignitatis : M. Caesar actor, Titus imperator*! 
Quid amplius cuiquam contingere potest , nisi 
unum quod in caelo fieri poêtae ferunt , que * , 
Jove pâtre audiente , Musae cantant? 

Enimyero quibus ego gaudium meum verbis 
exprimere possim^ quod orationem istam meam 
tua manu descriptam misisti mihi? Yerum est 
profecto quod ait noster Laberius : ad amorem 
iniciendmn delenimenta esse deliberamenta, bé- 
néficia autem veneficia ®. Neque poculo aut ve- 

' Ita cam adspirationc scribit Ëutyches grammaticus apud 
Putschium, p. a3i2. — ^ God. qui negUgentius, — ' Ita habet 
varia lectio apud Cic. , Tusc. II , 16. — * Die spectator vel in- 
spectator post imptrator. — * Potius quom. — ^ Cod. bénéficia : 
sed bénéficia pro veneficia legimus apud Gnit., inscr. 5, p. 687, 
nec non Digest. xxxix, 2, 4o? ^ ^od. III, 28, 27. 



LETTRES A M. C^SAR. 91 

plébéiens : là nul légume à si bon marché, nulle viande 
si commune qui ne paraisse plus délicate servie sur des 
vases d'or. La même chose arrive encore aux fleurs 
et aux couronnes; autre est leur dignité"^, quand elles 
sont vendues par des fleuristes, autre quand elles sont 
présentées par les pontifes. Et j*ai été infiniment plus 
heureux qu'Herculèç et Achillès, dont l'armure et les 
flèches furent portées par Philoctétès et Patroclès , 
qui valaient moins en vertu que ces héros. Mon dis- 
cours , quoique médiocre , pour ne pas dire trivial , a 
été ennobli par le plus éclairé et le plus éloquent des 
Caesars. Jamais scène n'a eu autant de dignité : Marcus 
Caesar acteur, et Titus empereur, spectateur ** ! que 
peutnll arriver de plus glorieux à un mortel que ce qui, 
selon les poètes, n'a lieu que dans le ciel où les Muses 
chantent, pendant que Jupiter, leur père, écoute? 

En quels termes aussi pourrai-je t'exprimer ma joie 
à la vue de mon discours, écrit tout entier de ta main, 
et que tu m'envoies ; c'est une grande vérité que cette 
parole de notre Labérius , (jue , pour faire naître l'a- 
mour, les douceurs sont des amorces et les bienfaits 
des enchantemens^^. Non jamais ni breuvage ni philtre 
n'ont embrasé d'autant de feux un amant pour son 

• On lit à la marge : in allô sic habet ; alla dignitate sunt iji portu- 
nio eum a eorcnariii veneunt , alla cum a sacerdote in templo porrigun- 
iur. Le portunium, dont ne parlent pas nos dictionnaires d'antiquités 
it>iiiaines, était le marché aux fleurs des Romains. 

** Je traduis d*après la note de M. Mai : Speclator ou inspec- 
laior. 



92 AD M. C^SAREM. 

neao quisquam tantum flammae ad amatorem 
incussisset praee/^ me dulci * facto hoc stupidum 
et attonitum ardente amore tuo reddidisti. Quot* 
litterae istœ sunt, totidem consulatus inihi« to- 
tidem laureas, triumphos, togas pictas arbi- 
trer contigisse. Quid taie M. Porcio, aut Quînto 
Ennio, aut C. Graccho, aut Titio poetae? quid 
Scipicmi, aut Numidico? quid M. TuUio taie 
usuvenit? quorum libri pretiosiores habentur 
et summaiQ gloriam retinent , si sunt a ' Lam- 
padione aut Staberio aut*... vi aut (TironeJ 
aut Mîo \.. aut Attico, aut Nepote. Mea oratio 
extabit M. Caesaris laanu scripta.Qui orationem 
spreverit , litteras concupiscet ; qui scripta con- 
tempserit , scriptorem reverebitur. Ut si simiam 

aut volpem appelles \. tet bestiae ' pretium 

adderet. Aut quod M. Cato de. . . 



* Tôt fere littcrœ oblitteratai sunt , quot ego restitue. — 
— * Cod. quod, — * Praspositio suppletur a me. — .* Supple 
quatuor fere litteras. — ^ Supple duos versus cum dimidio. — 
* Supple très fere litteras. — ' Supple septem fere litteras. 



LETTRES A M. C^SAR. q3 

amante *, que n'en ont allumé pour toi dans mon cœur 
l'étonnement et la stupeur où m'a jeté ton dernier 
bienfait. Autant de lettres , autant pour moi de con- 
sulats , autant de lauriers , de triomphes, et de toges 
peintes. Est -il arrivé rien de pareil à M. Porcins , à 
Quintus Ennius, à C. Gracchus, ou au poète Titius ^^ ? 
rien de pareil à Scipio, ou au Numidique? à M. Tul- 
lius , dont les livres acquièrent le plus grand prix , et 
atteignent la plus haute gloire, s'ils ont été transcrits 
par LampadIon^% ou Stabérius"... (Tiro)... ou ^lius, 
ou Atticus •% ou Népos *** ? Écrit de la main de M. Cae- 
sar, mon discours restera *^. Qui méprisera le discours 
voudra en garder les caractères ; qui dédaignera l'é- 
crit respectera l'écrivain *** 



9 



* Heindorf rétablit ainsi ce passage : Tantum flammœ ad amorem 
ineustUse se prœdicet quantum tu me facto hoc stupidum , etc. 

** Après ces mots, on lit dans le manuscrit la phrase nam plera- 
que propria venustate carentia gratiam *ibi altenam mutuant, qui se 
trouve déjà une fois dans cette lettre. C'est évidemment une faute 
de copiste : je Tai effacée sans hésiter. 



g4 AD M. C^SAREM. 

EPISTOLA II. 

M. AURELIUS C^SAR 
CONSULI SUO ET MAGISTRO, SALUTEM. 

Postquam ad te proxime scripsi, postea nî- 
hîl operae pretîum * quod ad te scriberetur, aut 
quod monitum ad aliquem modum juvaret. 
Nam âtd rûv aùrwv fere dies tramisimus. Idem 
theatrum, idem^ otium, idem desiderium 
tuum. Quid dico idem? immo id cottidie no- 
vatur et gUscit. Et quod ait Laberius de amore, 
SUO modo 7UXÏ èttI iSla pûo-y] : Amor tuus tant cito 
crescit quant porrus, tant firme* quam palma; 
hoc igitur ego ad desiderium verto, quod îlle 
de amore ait. Volo ad te plura scribere, sed ni- 
hil suppetit. Ecce quod in animum venit. En- 
comiographos istos audimus, graecos scilicet, 
sed miros mortales : ut ego qui a graeca litte- 
ratura tantum absum , quantum a terra Grae- 
cia mons Caelius mens abest, tamen me sperem 
illis comparatum etiam Theopompum aequi- 
perare posse : nam hune audio apud Graecos 
disertissimum natum esse. Igitur paene me opî- 

* Cod. prœtium, — ^ Cod. item. — ' God. quam fime. 



LETTRES A M. C^SAH. 9^) 

LETTRE II. 

M. AVRÉLIUS G^SAR 

fl 

A SON CONSUL £T MAITRE, SALUT. 

Depuis ma dernière lettre je n'ai rien trouvé d'inté- 
ressant ou de curieux à t'écrire : nos journées se res- 
semblent presque toutes; même théâtre, même loisir, 
même regret de ton absence. Que dis-je, même regret? 
mieux que cela : chaque jour il se renouvelle et re- 
double, et ce que Labérius disait de l'amour à sa ma- 
nière et avec le tour original de sa muse : Ton amour 
grandit aussi vite que le porreau , aussi ferme qtie le pal- 
mier, moi , je l'applique à mon regret*. Je veux t'écrire 
plusieurs choses » mais il ne me' vient rien. Voici ce- 
pendant ce qui me revient à l'esprit : nous allons enten-= 
dre nos faiseurs de panégyriques*"^; ce sont des Grecs, 
il est vrai, mais de merveilleux mortels; enfin, croi- 
rais-tu que moi qui suis aussi étranger à la littérature 
grecque que le mont *®' Cselius**, qui m'a vu naître, est 
étranger à la terre de la Grèce , j'espère, grâce à leurs 
leçons, égaler un jour Théopompus*" S lui, je le sais, un 
des fils les plus éloquens de la Grèce. Me voilà donc 

* Ces derniers mots , quod ille de amore ait, qu'on lit deux lignes 
pins haut , ne sont , je crois , répétés ici que par la faute du copiste. 

•* On trouve souvent Cœtius par un œ ; c'est une faute ; il doit 
être écrit avec un m , ainsi qu'on le lit ici dans le MS. 



96 AD Me GiESAREM. 

cum animantem ad graecam^ scripturam per- 
pulerunt homines, ut Gaecilius ait, incolwni 
inscientia. 

Cœlum Neapolitanum plane commodum , 
sed vehementer varîum. In singulis scripulis 
horarum frigidius aut tepidius aut horridius 
fit. Jam primum média nox tepida , Lauren- 
tina : tum autem gallicinium frigidulum , La- 
nuinum : jam conticinnum ^ atque matuti- 
num atque diluculum usque ad solis ortum, 
gelidum, ad Algidum maxime ^ : exin ante me- 
ridiem apricum, Tusculanum : tum meridies 
fervida, Puteolana. At enim ubi sol latum ad 
oceanum profectus, fit demum cœlum modes- 
tius, quod genus Tiburtinum. Id vespera et con- 
cubia nocte , dum se intempesta nox, ut ait 
M. Porcins, prœcipitat, eodem modo persé- 
vérât. 

Sed quid ego, me qui paucula scripturum 
promisi , deleramenta * Masuriana congero ? Igi- 
tur yale, magister benignissime, consul amplis- 
sime, et me, quantum amas, tantum desidera. 

^ God. a grœca; sed quia sequitur scripturam , sic emendarc 
oportuit. — ^ Ita ccmI. conticinnum, — 'In codice interpongitiir 
ante maxime. — ^ Ita cod. pro deliramenta. 



LETTRES A M. C^SAR. 9^ 

moi ! moi l'être le plus grossier** % engagé dans les let- 
tres grecques par ces hommes d^une robuste ignorance, 
comme dit Caecilius ***. 

Le ciel de Naples est délicieux *, mais singuliè- 
rement variable; à chaque heure, à chaque minute, 
il est ou plus froid ou plus tiède ^ ou plus orageux. 
D^ahord la première moitié de la nuit est douce , c'est 
une nuit de Laurente**^; au chant du coq, c'est la fraî- 
cheur de LanuYium; entre le chant du coq , l'aube du 
matin et le lever du soleil : c'est tout Algide** ; plus 
tard, avant midi , le ciel s'échauffe comme à Tuscu- 
lum ; à midi , c'est la chaleur brûlante de Puteoli. 
Mais quand le soleil se plonge dans le vaste Océan***, 
le ciel s'adoucit , on respire l'air de Tibur. Cette tem- 
pérature se soutient le soir et aux premières heures 
de la veillée , tandis que la nuit paisible, comme dit 
M. Porcius , se précipite des deux. 

Mais où vais-je ? je t'avais*promis quelques lignes, et 
je radote à plaisir comme un Masurius**^^. Adieu donc, 
maître très-bienveillant, très-illustre consul , regrette- 
moi autant que tu m'aimes. 



* D'aroes lettres nous apprennent que Marcus était alors à 
Naples avec sa mère. 

** Le manuscrit porte sans espace Adatgidum ; ce qui avait trom- 
pé M. Mai. Il avait pris les deux mots pour un seul , et en ^vait fait 
un mot nouveau. Quandoque bonus dormitat.,, 

*** M. Niebuhr propose latet au lieu de latum , qui va cependant 
ici fort bien. 

I- 7 



gS AD M. C^SABKU, 



EPISTOLA III. 



(VERUS, FRONTONI MAGTSTRO STJO.) 



. . . deatur. Polemona ante hoc triduum de- 
clamantem aiidîvi, îva rt xal Trspl av0p&)7:ek)v XoXtq- 
(7ek)fjL£v. Si quaeris quîd visus sit mihi, accipe. 
Videtur mîhi agricola strenuus, summa soller- 
tia praeditus, latiim fundum in sola segete fru- 
menti et vitibus occupasse, ubi sane et fructus 
pulcherrimus et reditus uberrimus. Sed enim 
nusquam in eo rure ficus Pompeiana, vel holus 
Aricinum, vel rosa Tarentina, vel nemus amoe- 
num, vel densus lucus, vel platanus umbrosa : 
omnia ad usum magis quam ad Yoluptatem, 
quœque magis laudare oporteat, amare non li- 
beat. Satisne ego audaci consilio et judicio te- 
merario videar, cum de tantae gloriae viro exîs- 
timo? Sed quom me recordor tibi scribere, 
minus me audere, quam tu yelis, arbitrbr. 

Nos istic yehementer sestuamus. 

Habes et hendecasyllabum ingenuum. Igitur 
priusquam poetare incipio , pausam tecum fa- 



LETTRES A M. G£8AR. 



LETTRE lïl. 



(VÉRUS, A FRONTO SON MAITRE.) 



99 



. .J'ai entendu, il y a trois jours, déclamer Polémon*'*% 
car je veux aussi te parler des hommes. Si tu désires sa- 
voir ce que j'en pense, voici ma réponse : il ressemble, 
selon moi, à un agriculteur laborieux, d'une haute expé- 
rience, qui ne demande à son vaste fonds que du blé et 
de la vigne, et qui en recueille les fruits les plus beaux 
et les plus abondantes moissons. Mais nulle part en ce 
champ ni le figuier Pompéien* * \ ni le légume d' Aricium , 
ni la rose de Tarente; pas un seul bocage riant, pas un 
seul bois épais et touffu, pas un platane et son ombrage ; 
tout est donné à l'utile plutôt qu'à l'agrément; et il 
faut qu'on loue, sans avoir le plaisir d'aimer. Ne 
vais-je pas te paraître bien audacieux dans mes juge- 
mens , bien téméraire dans mes arrêts , de me pro- 
noncer ainsi sur une si grande gloire ? Mais lorsque je 
me souviens que c'est à toi que j'écris^ je me persuade 
que je n'ai pas encore assez d'audace à ton gré. 

Nos istic vehementer cBstut^fius '^^. 

Voilà un hendécasyllabe heureusement venu. Avant 
de faire le poète, je me repose avec toi. Adieu, homme 



100 AD M. C.ESAREM. 

cio. Vale, desideraiitissinie homo^ et tuo Vero 
carissime, consul amplissimo, inag^ister dulcîssi- 
me. Yale, mi semper, anima dulcissima. 

EPISTOLA IV. 

(lïfKDITA IX CODICB TATICAXO.) 

(domino meo cjesari, froxto*.) 

Posterioribus litteris tuis, cur orationem in 
senatu non recitaverim requisisti. At ego et 
edicto gratias agere domino meo patri tuo de- 
beo; sed edictum quidem circensibus nostrts 
proponam, cujus principium id ipsum erit : 
Qua die primum bénéficia maximi principis ede^ 
rem spectaculum gratissimum populo maximeque 
populare, tenipestivum^ duxisse gratias agere^ ut 
idem dies. Hic aliqua sequatur* TuHiana con- 
clusio. Orationem autem in senatu recitabo Âu- 
gnstis Idibus. Quaeras fortasse cur tarde : quo 
niam ego numquam primum oflScio sollemni 
quoquo modo fungi propero. Sed, ut tecum 
agere dcbco sine fuco et sine ambagibus, dicam 
quid cum animo meo reputem. Divum Hadria- 

^ In codice spatium yacuum reliuquitur unius vemu , for- 
tasse ob scribeudum cpistolae tituluin , qiiod ego fcci. — ^ Ita 
cod. hic et inferius o pro m. — * Ita n-cte codex , non sequetar. 



LETTRES A M. CiESAR. 101 

si regretté, si cher à ton Vérus, très-noble consul, très- 
doux maître. Adieu» âme très-douce, à moi pour tou- 
jours. 

LETTRE IV. 

(a mon seigneur CiESAR, FRONTO. ) 

Dans ta dernière lettre tu m'as demandé pourquoi 
je n'avais pas prononcé de discours dans le sénat. Sans 
doute je dois par un édit rendre grâces à mon seigneur, 
ton père; mais c'est à nos jeux du Cirque* que je pu- 
blierai cet édit, qui commencera en ces termes : Que 
le jour ou, par le bienfait du très-grand prince ^^^y je 
donnais pour la première fois un spectacle très -agréa- 
ble au peuple et très -populaire, j'avais pensé qu'il se- 
imt à propos de lui rendre des actions de grâces, afin 
ijue le même jour. . . . puis une conclusion Cicéro- 
nienne. Pour le discours au sénat , je le prononcerai 
aux Ides d'Auguste. Tu demanderas peut-être pourquoi 
ce retard : parce que je ne me presse jamais de rem- 
plir, le premier, de manière ou d^autre, un devoir so- 
lennel. Mais comme je dois agir avec toi sans déguise- 
ment et sans détour, je te dirai ce que je pense au fond 
de l'âme. Le divin Hadrianus, ton aïeul, je l'ai loué fort 



* Il s'agit ici des grands jeux du Cirque qui se célébraicat depuis 
le dix-septième juscpi'au douzième jour avant les Kalendes d'octo- 
bre , c'est-à-dire , depuis le 1 5 jusqu'au ao septembre. 



102 AD M. C^SAREM. 

num ayum tuum laudavi in senatu sdepennmero 
studio inpenso et propenso quoque : et sunt 
orationes istae fréquentes in omnium manibus. 
Hadrianum autem ego, quod bona venia* pie- 
tatis tuae dictum sit, ut Martem Gradivum, ut 
Ditem Patrem, propitium et placatum magis 
volui, quam amavi. Quare?*? quia ad aman- 
dum fiducia aliqua opus est et familiaritate : 
quia fiducia mihi defuit, eo quem tantopere ve- 
nerabar, non sum ausus diligere. Antoninum 
vero ut solem, ut diem, ut vitam, ut spiritum, 
amo, diligo, amari me ab eo sentio. Hune nisi 
ita laudo, ut laudatio mea non in actis senatus 
abstrusa lateat, sed in manibus hominum ocu- 
lisque versetur, ingratus sum etiam adversus te. 
Tum, quod cursorem fugitivum ferunt dixisse : 
Domino sexagena currebam, mihi centena ut fu- 
giam curram; ego quoque quom Hadrianum 
laudabam, domino currebam; hodie autem 
mihi curro, mihi, inquam, meoque ingénie 
hanc orationem conscribo. Ad meum igitur 
commodum faciam, lente, otiose, clementer. 
Tu si et valde properas, aliter te intérim oblecta : 



* God. benia, — ^ Quare dcest in textu ; est tomen in mar- 
gine, ubi repetitur sententia. Ibidem înverso ordiue scribitur 
quod sequitor. 



LETTRES A M. CiESAR. 10^ 

souvent dans le sénat, et toujours avec autant d'épan- 
chement que de penchant; et ces discours assez nom- 
breux sont dans les mains de tout le monde. Or ce 
même Hadrianus , ceci soit dit sans offenser ta piété 
filiale, je l'ai plutôt désiré propice et doux, comme Mars 
Gradivus, comme Dis Pater, que je ne l'ai aimé. Pour- 
quoi*? parce que pour aimer il est besoin de quelque 
confiance et de quelque familiarité : or, comme la con- 
fiance m'a manqué, celui que je vénérais si fort, je n'ai 
point osé le chérir*". Antoninus, au contraire, je l'aime, 
je le chéris, comme le soleil, comme le jour, comme 
la vie , comme le souffle , et je sens que je suis aimé 
de lui. Celui-là , si je le loue, son éloge ne doit point 
s'enfouir ignoré dans les actes du sénat; et si mon pa- 
négyrique ne passe entre les mains et sous les yeux des 
hommes, je suis un ingrat, même envers toi. Comme 
ce coureur fugitif qui , à ce qu'on raconte , disait : 
J'en courais soixante pour mon maître; j'en courrai 
cent pour moi, afin de m'échapper : moi aussi , lors- 
que je louais Hadrianus , je courais pour un maître ; 
mais aujourd'hui , je cours pour moi , oui pour moi , 
et c'est avec mon âme que j'écris ce discours. Je 
travaillerai donc à mon aise , lentement , à loisir, 
tranquillement. Pour toi, si tu es bien pressé, ré- 
crée -,toî autrement dans l'intervalle ; baise , em- 



* Le mot quare n'est pas dans le texte du manuscrit ; mais on le 
trouve à la marge, où la phrase se lit ainsi : Quare? quia ad aman- 
dum aliqua fiducia opus est et familiaritate,... 



104 AD M. CJÙSAUEM. 

basia patrem tuuiu, amplectere, postremo ipse 
eum lauda. Ceterum quidem in Idus Augustas 
tibi e^pectandum est ut quidvis quale vis au- 
dias. Vale, Caesar, et patrem promerere ; ei, sî- 
quid scrîbere vis, lente scribe. 

EPISTOLA V. 

((MEDITA IN CODICB VATICANO.) 

MI FRONTO CONSUL* AMPLISSIME 

Manus do, vicistî : tu plane omnis, qui um- 
quam amatores fuerunt, vîcisti amando. Cape 
coronam ; atque etiam praeco pronuntiet palam 
pro tuo tribunali victoriam istam tuam : M. Kop- 
vrilioÇ #|OÔVTwv îiTTaToS vixa, crreyavoDrai rôv dymocT&y 
(xeyâîlwv (ptioTyicricov. At ego, quamquam supera- 
tus, tamen nihil de mea prothymîa decessero aut 
defecero. Igitur tu quidem me * magis * amabis * 
quam ullus hominum ullum hominem amat; 
ego vero te, qui minorem vim in amando pos- 

^ Ta mi scribitur littciis , ut margînis Icmmata. Vocis vero 
Fronto videor milû cernere aliquod vesligium. Tô consul ipse 
suppleo. Est autein in codicc spatiuin liis Yocibus Tacuum relic- 
tum, vel potius elutum, aule ampUssime, quaî postrema vox 
cyidentissima est. — ^ Ita 'i inaiiu ; at i mea. — ' lia cod. i 
manu: at 2 maie magister. — ^ Cod. ambis; sed a fortasse su- 
perposiia. 



LETTRES A M. CiESARc 1 05 

brasse ton père, enfin , toi-même, fais son éloge. Du 
reste, tu attendras jusqu'aux Ides d'Auguste*, si tu veux 
entendre quelque chose qui soit à ton gré. Adieu , 
Gaesar, et sache mériter un lel père ; et si tu as envie 
d'écrire quelque chose , écris lentement. 



LETTRE V. 



MON FRONTO, TRÈS-GRâND CONSUL 



•* 



Je me rends , tu as vaincu ; oui , tu as vaincu en 
amour tout ce qui a jamais aimé. Prends la couronne, 
et que , devant ton tribunal , le héraut proclame au 
peuple ta victoire : M. Cornélius Fronto consul a vair^- 
cu ; il a remporté la couronne dans le combat des gran- 
des amitiés ^^^. Cependant, quoique vaincu, je ne ferai 
point défaut, je ne mentirai point à ma gaité***. Ainsi 
donc, tu m'aimeras , il est vrai, plus qu'aucun homme 
n'aime un autre homme ; mais moi, qui possède, dans un 
moindre degré, la puissance d'aimer, je t'aimerai plus 

* Les Ides d'Auguste tombaient, comme chacun sait , le i3 août. 

** M. Mai raconte dans ses notes qu'il n'a pu lire de ce titre que le 
mot amptissime ; que cependant eu y regardant de plus près, il croit 
avoir aperçu quelque débris du mot Fronto et mi en lettres italiques: 
puis il remplit un espace effacé en ajoutant le mot consul; et il a 
grand soin d'en prévenir. Il faut avouer qu'il n'est guère possible 
d'avoir, comme éditeur, plus de patience et de conscience que 
M. Mai : c'est une justice à lui rendre. 

*** On lit à la marge du manuscrit deieclalionc pour prothymia. 



106 AD M. CjESAREM. 

sideoS magis amabo quam ullus hominum te 
amat : magis denique quam tu temet ipsum 
amas. Jam mihicum Gratia certamen erit, quam 
timeo ut superare possim. Nam illîus quidem, 
ut Plautus ait, amoris imber grandibus guttis 
non vestem modo permanavit ^ sed in medullam 
ultro fluit. 

Quas tu li Itéras te ad me existimas scripsisse * ! 
Âusim dicere, quae me genuit atque aluit nihil 
umquam tam jucundum tamque mellitum eam 
ad me scripsisse. Ncque hoc fit facundia aut 
eloquentia tua : alioqui non modo mater mea, 
sed omnes qui spirant, quod faciant ' confestim 
tîbi cesserint : sed istae litterae ad me tuae neque* 
disertae nçque doctae, tanta benignitate scaten- 
tes, tanta^adfectionie abimdaiiteS) tanto amore 
lucentes, non satis proloqui possum ut animum 
meumgaudio in altum gustulerint, desiderio 
fraglantissimo* incita verint ; postremo, quod ait 
Nevius, animum amore capitali conpleverint. 

nia alia ^ epistula tua, qua indicabas cur tar- 
dius orationem, qua laudaturus es dominum 



^ Cod. /labeo possideo, tum /labeo cxpunctum. — ^ Scribsisse 
cod« — ' Num pro facient ? — * Ita cod. a manu ; ai i denique. 
— * Ita cod. ut supra. — ^ /lUa addltum a manu: iUa aUa epis- 
tula,,. 



LETTRES A M. C^SAR. IO7 

qu'aucun homme ne t'aime , plus enfin que tu ne 
t'aimes toi-même. Je n'aurai plus à lutter qu'avec 
Gratia , et j'ai bien peur encore de la vaincre ; car la 
pluie abondante d'un pareil amour, comme dit Plautus, 
a non- seulement de ses larges gouttes percé les vête- 
mens, mais elle a pénétré jusqu'à la moelle*. 

Quelle lettre penses-tu m'avoir écrite! j'oserai le 
dire; celle qui m'a enfanté, qui m'a nourri, ne m'a ja- 
mais rien écrit -d'aussi aimable, d'aussi doux : et ce n'est 
pas un effet de ton«avoir ou de ton éloquence : autre- 
ment, non-seulement ma mère, mais tous ceux qui 
respirent se hâteraient de le céder à ton mérite ; mais 
ta lettre, ni diserte, ni savante^ source jaillissante de 
bonté, trésor d'affection, foyer d'amour, a élevé mon 
âme à un si haut degré de joie que mes paroles ne suf- 
fisent point à le redire; elle m'a embrasé du plus ar- 
dent désir; enfin elle m'a rempli, comme dit Névius**% 
d'an amour à mort. 

Cette autre lettre oii tu m'expliques pourquoi tu as 
différé le discours où tu devais faire l'éloge de mon 

* Marcus veut sans aucun doute citer ces vers dn Mostellaria^ 
acte I, scène a : 

Continuo pro imbre amor adveidt in cor meum ; 
Is usque m pectus permanavit , permadefecit 
Cor mcum. 

On voit qu'il prend ses aises avec Plante, et ne se pique pas de 
citer bien fidèlement. 



108 AD M. C;ES\REM. 

iut;um, in senatu prolaturus esses, taata volup- 
tate adfecît% ut temperare non potuerim; et 
vîderis tu an temere fecerîm ; quîn eam ipsi pa- 
Irî meo recîtarem. Quanto opère ^ autem eum 
juverit', nihil me oportct persequî, quom* tu 
et illius summani benivolentiam, et tuarum lit- 
lerarum egregiam elegantiam noris. Sed ex ea 
re longus sermo nobis super te exortus est multo 
multoque longior, quam tibi et quœstori * tuo 
de me. Itaque nec tibi dubito ibidem in foro 
diu tinnîssc aurieulas. Comprobat igitur domi - 
nus meus et amat causas propter quas recita- 
tionem tuam in longiorem diem protulisti. . . 

EPISTOLA VI. 

(iNEDITA Ilf CODICE TATIGANO.) 

(aurelius cjesar, frontont.) 

Sane siquid Graeci veleres taie scripserunt, 
viderint qui sciunt : ego, si fas est dicere, nec 
M. Porcium tam bene vituperantem, quam tu 

* Supple me, praesertîm quia in codice est lîtura ut ei, ex- 
puncla mox et, — ^ lia cod. 2 manu , at 1 quantopere. — * Ita 
1 manu; at a juverint, quod omendator posuit xarà cr/o6Ày]^iv ex 
sul)8<iquenle <Mar«m Litlerarnm, — * (iod. 1. manu ^uo^ a. cum; 
erat aulem scribendum fronioniauo more. — * Cod. questori. 



LETTRES A M. CJESAR. 1 09 

seigneur, dans le sénat , m'a causé tant de plaisir qiio 
je n'ai pu m'cmpêcher , et tu jugeras toi si c'est une 
indiscrétion, de la réciter à mon père. Je n'ai pas be- 
soin non plus d'ajouter combien elle lui a plu , puis- 
que tu connais son extrême bienveillance et l'heu- 
reuse élégance de tes lettres; mais, à cette occasion, il 
s'est établi entre nous deux, à ton sujet, une conver- 
sation beaucoup plus longue que celle que tu as eue 
sur moi avec ton questeur. C'est pourquoi je ne doute 
pas que tes oreilles n'aient tinté long-temps à la même 
heure dans le forum. Mon seigneur approuve donc et 
aime les raisons pour lesquelles tu as remis ton dis- 
cours à un jour plus éloigné"^.... 



LETTRE VI. 

(aVRÊLIVS CiESAR, A FRONTO.) 

Les anciens Grecs ont-ils jamais rien écrit de sem- 
blable ** ? en juge qui le sait : pour moi , s'il m'est per- 
mis de le dire, je n'ai jamais trouvé M. Porcins aussi 



* M. Mai nous avertit qu'il manque ici quatre pages environ. 

** Le jeune Gaesar fait ici l'éloge du panégyrique #Ântoninus , 
prononcé par Fronto ; il en reste deux phrases dans la Lettre Vil 
de ce livre, pag. 11a rt ii5. 



110 AD M. CiBSAREM. 

laudasti, iisquam advorti. O si dominus meus 
satis laudari posset, profecto a te satis lauda- 
tus esset! Tovro rà îpyov ov ytverat* vvv. Facilius 
quîs Phidian, facilius Apellen, facilius denique 
ipsum Demosthenen^ imitatus fuerit, aut ip- 
sum Catonem, quam hoc tam efiTectum et ela- 
boratum opus. Nihîl ego umquam cultius, ni- 
hil antiquius, nihil conditius, nihil latinius legi. 
te hominem beatum bac eloquentia pi^aedi- 
tiim ! o me bominem beatum h^uic magistro 
traditum! O èTrt/ecpiifjuzTa ! O rd^içl o elegantia! 
o lepos ! o venustas ! o verba ! o nitor ! o ar^u- 
tiae! o charités! o ao-xyjo-is ! o omnia! Ne valeam, 
nisi aliqua die yirga^ in manus tibi tradenda 
erat, diadema circumponendum , tribunal po- 
nendum : tum praeco omnis nos citaret : quid 
nos dico ? omnis, inquam , philologos et diser- 
tos istos : eos tu singulos virga perduceres, ver- 
bis moneres« Mihi adhuc nuUus metus hujus 
monitionis erat ; multa supersunt ut in ludum 
tuum pedem introferam. Haec cum summa fes- 
tinatione ad te scribo : nam quom^ domini 



^ Ita cod. 2 manu ; at i ysîvcrocu — ^ God. sine adspira- 
tione. — ^4 In codice seconda manus superposait aliqua , quœ 
lectio improbabilis est ob prascedens simile TCtcabulum. — * Ita 
cod. 1 manu; at 2 cum. 



LETTRES A M. C/ESAR. I l 1 

admirable dans l'învcclive que toi dans l'éloge. Ah! 
si mon seigneur pouvait être assez loué , sans doute il 
l'eût été par toi ! mais cette œuvre reste encore à 
faire. Plus facilement on imiterait Phidias***, plus faci- 
lement Apellès**^ plus facilement enfin Démosthénès 
lui-même ou Cato , que ce chef-d'œuvre de l'étude et 
de l'art. Je n'ai, moi, rien lu de plus élégant, rien de 
plus antique, rien de plus piquant, rien de plus latin ! 
que tu es un homme heureux de posséder ainsi l'élo- 
quence ! que je suis plus heureux moi-même d'avoir 
eu un tel maître ! Quels argumens I quel ordre ! quelle 
élégance ! quel charme ! quel enchantement ! quelles 
expressions! quelle clarté! quelle finesse! quelle grâce! 
quel éclat ! O tout ce que je ne puis dire* ! Que je 
meure si tu ne mérites quelque jour de porter la re- 
doutable baguette^ de ceindre le diadème, de siéger 
au tribunal; alors le héraut nous y citerait tous : mais 
que dis-je? nous et tous nos savans et tous nos ora- 
teurs. Oui , tous ils fléchiraient sous ta baguette, ils 
obéiraient à ta parole. Pour moi, je n'ai pas encore à 
craindre tes sévères enseignemens : tant il me reste à 
£ûre avant de mettre le pied dans ton école. Je t'écris 
en toute hâte : car, lorsque je t'envoie une lettre 

* Je dois cette expression et beaucoup d'autres à M. Villemaiii , 
qui a bien ▼cala revoir, pour le sens et la traduction , plusieurs des 
lettres grecques et latines de ce recueil. Je lui dois aussi de m'avoir 
fait connaître quelques-uns des fragmens de Lucilius, de Gaton et 
de GraccbuS) que j'ai rassemblés et traduits dans mes notes à la fin 
du volume. 



112 AD M. CiËSAREM. 

mei ad te epistulam mitterem tam benignam, 
quid meis longioribus lîtterîs opus erat? Igitur, 
vale, deciis eloquentîae romanae, amicorum glo- 
ria, (léytx T:pây\>jx^ homo jucuadissime, consul 
amplissime, magister dulcissime. 

Postea cavebîs de me, prœsertîm in senatu, 
tam multa mentiri. Horribiliter * scripsisti hanc 
orationem. O si ad singula capita caput tuum^ 
basiare possem! to';^pwS Travrwv TtaxocKscfpévriyiaÇ, 
Hac oratione lecta, frustra nos studemus, frus- 
tra laboramus, frustra nervos contendimus. 
Vale semper, magister dulcissime. 



EPISTOLA VII. 

CiESARI AURELIO DOMINO MEO 
CONSUL TUU8 FRONTO. 

Quae siut aures hominum hoc tempore, quanta 
in spectandis orationibus elegantia , ex Aufidio 
nostro scire poteris : quantos in oratione mea 
clamores concitarit, quantoque concentu lau- 
dantium sit exceptum : omnibus tune imago 
patriciis pingebatur insignis. At ubi genus no- 

* E grSBCO SoLifioviaç aul oeivws. — ^ Cod. tum. 



LETTRES A M. GJESAR. 1 1 5 

si bienveillante de mon seigneur, qu'est-il besoin que 
je t'en écrive une plus longue ? Adieu donc, honneur 
de l'éloquence romaine, gloire de l'amitié, merveille 
de la nature , homme aimable , illustre consul , et le 
plus doux des maîtres ! 

Aie soin dorénavant de ne plus tant mentir à mon 
sujet, surtout en plein sénat. C'est horrible à toi 
d'avoir écrit ce discours. Oh 1 si j'eusse pu à tous les 
chapitres baiser ta tête^^' I Tu es le plus grand de tous 
les menteurs I Mais , après la lecture de ce discours , 
vaines études, vains travaux, vains efforts que les 
nôtres! Adieu, encore une fois, ô le plus doux des 
maîtres ! 

LETTRE VII. 

A CiESAR AURÉLIUS, MON SEIGNEUR, 
TON CONSUL FRONTO. 

Tu pourras savoir par notre Aufidius ce que sont 
les oreilles des hommes de ce temps, et ce qu'elles exi- 
gent d'élégance dans le discours"^. Il te dira les accla- 
mations que mon discours a excitées et avec quel con- 
cert de louanges on a accueilli : Alors aux yeux de 
tous les patriciens s'offrait la brillante image... Mais lors- 

* Après ces mots ex Àufidio nosiro^ on trouve dans le MS., par la 
négligence du copiste , une ligne de grec qui appartient à la fin 
d'une lettre grecque du premier livre Adamieos, 

I. 8 



1 l4 AD M. CJESAREM. 

bile ignobili comparans dixi : Ut si quU ignem 
de rogo et ara accensum similem putetj quoniam 
œque luceat ; ad^ hoc pauca' admurmiirati 
sunt. Quorsum hoc retuli? uti te, domine, ita 
conpares ubi quid in cœtu hominum recitabis, 
ut scias auribus seryiendum ; plane non ubique 
nec omni modo, attamen nonnumquam et ali- 
quando. Quod iibi faciès, simile facere te repu- 
tato atque illud facitis, ubi eos qui bestias stre-* 
nue interfecerint , populo postulante, omatis 
aut manumittitis ; nocentes etiam homines aut 
scelere damnatos, sed populo postulante, conce- 
ditis. Ubique igitur populus dominatur et prae- 
poUet. Igitur ut populo gràtum erit, ita faciès 
atque dices. 

Hic summa illa virtus oratoris atque ardua 
est, ut non magno detrimento rectae eloquen- 
tiae' auditores oblectet; eaque delenimenta, 
quae mulcendis Tolgi animis conparat, ne cum 
multo ac magno dedecore fucata sint : ut in 
compositionis instructura œque mollitia sit de- 
Uctum, quam in senlentia inpudentia*? Vestem 



* Cod. ut* — ^ Sic legebam in codice ; quamquam omni no 
scribcndum videtur paaci, — ' God. recta eLoquentia, quod vix 
fcrcndnm 'Vjdebîitur. — ^ Ita cod. i manu ; at a, inpudenti, quod 
mcndum vîdetur. 



LETTRES A M. GJESAR. 1 1 5 

que 9 comparant le genre noble à l'ignoble» j'ai dit : 
C^est comme si on prétendait que le feu d^un bâcher 
et le feu qui brûle aux autels se ressemblent, parce 
qu'ils brillent également ^ il s'est fait un léger murmu- 
re **^ Or, pourquoi rapporté-je cela? c'est afin, sei- 
gneur, que tu sois bien préparé, lorsque tu parleras 
devant les hommes assemblés; afin que tu saches qu'il 
faut servir les oreilles , non pas , certes , toujours , ni 
de toutes manières, mais en certains cas et quelque- 
fois» Lorsque tu agiras ainsi , pense agir comme vous 
agissez, quand, à la demande du peuple, vous accordez 
des honneurs ou l'afiranchissement à ceux qui ont bra- 
vement tué des bétes ; quand vous faites grâce même 
à des hommes coupables ou condamnés pour crimes, 
mais à la demande du peuple ^^^ Ainsi donc, partout 
le peuple domine et l'emporte; ainsi donc, c'est sur le 
goût du peuple que tu régleras tes actions et tes paroles. 
La suprême "^y la difficile vertu de l'orateur est de 
plaire aux auditeurs , sans trop blesser la saine élo- 
quence : mais que ces adoucissemens qu'il em- 
ploie à flatter les esprits de la multitude n'aillent 
pas non plus jusqu'à une fadeur honteuse et déshono- 
rante. La mollesse dans la contexture de la composi- 
tion est un délit , comme l'impudence dans les pen- 
sées**. J'aime mieux un vêtement d'une laine délicate 



* An lieu de Hic summa iiia virtug , lisez : HiBC summa illa , etc. 
** Heindorf propose par euphonie, in senientiis impudentia^ au 
lien de m tentmiia impuéeniia» 



] 1 6 AD M. G^SÂREM. 

quoque lanarum mollitia delicatam malo, quam 
colore muliebri, fîlo tenui aut serico; purpu- 
ream ipsam , non luteam nec crocatam. Vobis 
prœterea quibus purpura et cocco uti necessa- 
rîum est, eodem cultu nonnumquam oratio 
quoque amicienda est. Faciès istud, et tempe- 
rabis et moderaberis optimo modo ac tempera- 
mento. Sic enim auguror : quidquid egregie 
umquam in eloquentia factum sit, te id perfec- 
turum : tanto ingenio es praeditus, tantoque te 
studio exerces et labore ; quom in aliis Tel sine 
ingenio studium, vel sine studio solum inge- 
nium, egregiam gloriam pepererit. 

Gertum habeo te, domine, aliquantum tem^- 
poris etiam prosae orationi* inscribendae inpen*- 
dere. Nam (etsi) aeque pernicitas equorum 
exercetur, sive quadrupedo currant atque exer- 
ceantur, sive tolutim; attamen ea quae magis 
necessaria, frequentius sunt experîunda, Jam 
enim non ita tecum ago, ut te duos et viginti 
annos natum cogitem. Qua œtate ego vix dum 
quicquam veterum lectionum attigeram , deo- 
rum et tua virtute, profectum tantum in elo- 
quentia adsecutus es', quantum senioribus ad 

^ Cod. prose orationU, — ^ Es desideratur in meifi schedis; 
rxtare tamen in codice puto, ut schedarum spatia mihi innaunt. 



LETTRES A M. G^SAR. 1 1 y 

et moelleuse que d'une teinte efféminée, que d'une 
fine étoffe de lin ou de soie; je le veux pourpre*, non 
jaunâtre ou safran. Vous qui ^ par nécessité , employez 
la pourpre et l'écarlate, vous devez quelquefois revêtir 
vos discours de la même parure. Ta le feras sans doute 
et avec tous les tempéramens de la prudence, tous les 
ménagemens de la modération; car, je puis le prédire, 
tout ce qui a jamais été fait de bien dans l'éloquence, tu 
le perfectionneras, tant est grand ton génie , tant aussi 
tu l'exerces par l'étude et le travail "* ; au lieu qu'aux 
autres c'est de l'étude sans génie, ou seulement du 
génie sans étude qui leur produit une belle gloire. 

Je suis persuadé, seigneur, que tu donnes quelque 
temps à écrire de la prose; car bien que la vitesse 
des chevaux se maintienne également, lorsqu'on les 
exerce à courir ou le galop** ou l'amble, néanmoins, 
c'est toujours dans ce qui est le plus nécessaire qu'il 
faut s'exercer le plus souvent. Tu vois que je n'agis 
pas avec toi comme si je pensais que tu as vingt-deux 
ans. A cet âge à peine avais-je lu*** quelque chose des 
anciens; et toi, par la vertu des Dieux et la tienne, 
lu as fait dans l'éloquence de si immenses progrès 
qu'ils suffiraient aux plus âgés pour la gloire, et en- 

* Cette phrase de Fronto nous apprend, comme Ta remarque 
Buttmann , que le mot quadrupedus signifiait chez les Romains le 
galop du cheval. Quadrupedus ne se trouvait jusqu'à présent que 
dans Ammianus , et avec un autre sens. 

** AtUgeram est une correction de Ueindorf ; le MS. porte ade~ 
vtram; M. Mai proposait addidiceram. 



I 1 8 AD M. GiESAREM. 

gloriam sufiiciat ; et, quod est difiicillimum, in 
omni génère dicendi. 

Epistulae tuae, quas adsiduas scribsisti , mihî 
satis ostendunt, quid etiam in istis remissioribus 
et tuUianis facere possis. Pro Polemone rhetore, 
quem tu mihi in epistula tua proxime exhi- 
buisti tuUianum, ego in oratione, quam in se- 
natu recitayi, philosophum reddidi, nisi me 
opinio fallit, peratticum. An quid^ judicas, 
Marce? quemadmodum tibi videtur fabula Po- 
lemonis descripta'. Plane multum mihi face- 
tiarum contulit istic Oratius' Flaccus memo- 
rabilis poeta , mihique propter Mecenatem ac 
mecenatianos hortos meos non alienus. Is^ nam- 
que Oratius serlnonum libro secundo ^ fabulam 
istam Polemonis insérait, si * recte memini, hisce 
versibus : 

Mutatus Polemon; ponas' însîgnîa morbi, 
Fasciolas, cubital, focalia, potus ut ille 
Dicitur ex collo furtim carpsîsse coronas , 
Postquam est inpransi correptus^ voce magistri. 

^ Me» schcdae habent an quid tu dicas? — ^ Cod. adescripta; 
unde licet facere a te descripta , ycI a te scripta. — ' Ita cod. 
sine adspiratione , contra ac inferius ep. IX. — ^ Cod. hU. — 
^ Cod. libro S, nempe secundo, — ® God. te. — ' Cod. pœnoê, — 
^ Cod. corruptus. 



LETTRES A AI. C^SAR. 1 ig 

core» ce qu'il y a de plus diiGcile, dans toutes les par- 
ties de Fart de bien dire. 

Les lettres que tu m'as écrites assidûment me mon- 
trent assez ce que tu peux faire dans ce genre moins 
élevé et cicéronien. Quant à Polémon le rhéteur» que 
ta dernière lettre m'a dépeint sous des couleurs cicé^ 
roniennes^'^y moi^ dans un discours que j'ai prononcé 
devant le sénat, j'en ai fait, si mon sentiment ne 
m* abuse, un philosophe de trempe attique. Qu'en dis 
tu , Marcus? que te semble de cet épisode de Polémon ? 
A vrai dire, presque toutes les plaisanteries de cette 
fable m'ont été inspirées par Horatius Flaccus, poète 
digne de mémoire, et qui , grâce à Mécénas et à mes 
jardins mécénatiens ^ ^^ , n'est pas pour moi un étranger. 
En effet, cet Horatius, au livre second de ses discours, 
a rapporté cette fable de Polémon , si j'ai bonne mé^ 
moire, en ces vers**^* : 

Iras-tu , comme uu jour Polémon corrigé , 
Déposer mantelet, bandeleUe et frisure , 
La honte et sa Dvrée? On dît , Thistoire est sûre, 
Qu*il arracha les fleurs de son front aviné , 
A la voix d un docteur qui n'avait pas dîné. 

* ^e copiste a fait deux grosses fautes dans cette citation d'Ho- 
race ; il a mis pœnas au lieu de poiuu ; et corruptus au lieu de correp- 
tus : ce qui peut servir à nous donner une idée de la correction 
du MS. Ce fut Xénocrate, comme on sait, qui ramena ainsi tout à 
coup Polémon : celui-ci devint , après son maître , le chef de Técole 
de Platon. 



120 AD M. C^SAREM. 

Versus, quos mihi miseras, remisi tibi per 
Victorînum nostrum, atque îta remisi : char^ 
tam *- diligenter lino transui , et ita linum obsi- 
gnayi, ne musculus iste aliquid aliqua rimari 
possit. Nam mihi ipse de tuis hexametris num- 
quam quicquam impertivit : ita est malus ac 
malitiosus : sed ' ait te de industria cito et cur- 
sim hexamètres* tuos recitare : eo se mémorise 
mandare non posse. Remuneratus est igitur 
a me mutuo. (Paria) habet, ne uUum hinc 
versum audiret. Memini etiam te fréquenter, 
ne cuiquam versus tuos ostenderem, admo- 
nuisse. 

Quidest, domine? Certe hilaris es, certe bene 
vales, omnium rerum certe sanus es*. Vale; 
dum similiter ne umquam nos perturbes, ut na- 
tali tuo perturbasti , cetera minus laboro. Eï n * 
(TOI xaxôv, etS Huppaîwv* ytscfalriv. Vale, meum gau- 
dium, mea securitas, hilaritas, gloria. Vale, et 
me^ obsecro, omnimode âmes qua joco qua 
serio. 



^ Cod. cartham, — ^ God. iet, Ita veteres pro sed scrîbe- 
bant. — ' Cod. exametros sine adspirationc ut supra Ora- 
tius pro Horatius , quiquidem vêtus est scribendi modus. 
— * God. Maie, — ^ In cod. legebam ènl — * God. videbatur 



LETTRES A M. G^SAR. 121 

Je t'aî renvoyé par notre Victorinus "Mes vers que 
tu m'avais adressés; et je les ai renvoyés de cette ma- 
nière : j'ai soigneusement cousu de lin mon papier, et 
j'ai scellé le lin de façon qu'il fût impossible à ce sou- 
riceau d'y pénétrer par la moindre ouverture ; car ja- 
mais il ne m'a rien communiqué de tes hexamètres ; 
tant il est méchant et malin I mais il dit que tu ré- 
cites tes hexamètres, à dessein, très-vite et en cou- 
rant; ce qui fait qu'il ne peut les retenir. J'ai donc 
pris ma revanche, et je lui ai rendu la pareille; il n'a 
pu parvenir à entendre un seul de tes vers. Je me sou- 
viens aussi que tu m'as souvent recommandé de ne 
montrer tes vers à personne. 

Eh bien , seigneur ? assurément tu es gai , assuré- 
ment tu te portes bien, assurément tu es sain de tout 
point. Adieu; pourvu que tu ne nous jettes jamais dans 
un trouble pareil à celui où tu nous a jetés le jour de 
ta naissance , je me mets moins en peine du reste. Si 
quelque malheur te menace*^*, qu'il retombe sur la 
tête des Pyrrhéens*. Adieu , ma joie, ma sécurité, ma 
gaîté, ma gloire. Adieu et aime-moi, je t'en prie, de 
toute manière, d'esprit et de cœur. 

* Le MS. a : Efriffoi xocxôv «U 7ru/5py xsjjaXi^v. La correction de 
Battmann, Et ri aot xcotbv, sic nuppoLluv xe^aAi^v, que nous donnons 
dans le texte, est excellente ; ce proverbe est expliqué dans les notes 
à la fin du volume. Deux lignes plus haut , au lieu de : Maie dum si- 
miiiterne umquam,.. que porte le manuscrit, nous lisons et ponc- 
tuons autrement ; avec Hdndorf : Faie; Dum, etc. 



122 AD M. G^SAREM, 

Ëpistulam matri tuae scripsi , quae mea inpu- 
dentia est, graece, eamque^ epistulae ad te scrip-» 
tse inplicui. Tu prior lege : et siquis insit' bar- 
barismus, tu, qui a graecis litteris recentior es, 
corrige, atque ita matri redde : nolo enim me 
mater tua ut opicum contemnat. Vale. do- 
mine, et matri savium da, cum ëpistulam da- 
bis, quo libentius légat. 

EHISTOAH VIII. 

MHTPI KAI2AP02». 

IlôâÇ âv dTtoïoynadyiSVoÇ C7uyyvwfxy)Ç Ttapd dov TU/otjxc 

Sri (TOI * TOÛTWV Twv riiJLepm oùtc ÈTrécTecXa ; ri ârikov on 

TTÔv a).yî0y) d(T)(pXia<5 etTrwv dizLcxv ; lôyov ydp cruv-fiyayôv 

Ttva*^ Ttepï rov iisyd\ov jSactXéwÇ *. rf cJs twv Poùfiocicùv 

nocpoifjÀoc ^ (ftkov rpôiiov iiri (xiceîv dTX eiiévcci^ fnai 

âeîv. OîoÇ â* oùyioÇ rpénoÇ (fpddcù tloù oùtc dnoytpvfo- 
g 

^ God. eatn quœ. — ^ God. habet infit , superposita r. — ^ Ëpis- 
tolas hujus initium bis inest in codice mediolanensi , semd p. 55 
post saperiorem latiaam , itcrum p. i58 initio folii. Priore loco 
omittitur titulus , sed posteriorc scribitur i^-tirpi xoUaoLpoi- -r- * In 
alio exemplari omittitur aot. — ^ lu alio nvà vuv^yocyov. — 'lu 
alio poLod-fi^ç. — ^ In alio ot^ivo». — ^ Ita exemplar utrumquc 

OLTtOUpÙfOfJiOl.l» 



LETTRES A M. CjESAR. 123 

J'ai écrit une lettre à ta mère, et, vois mon impu- 
dence, une lettre en grec; je Tai enfermée dans celle 
que je t'adresse. Lis-la d'abord, et, s'il s'y est glissé 
quelque barbarisme , comme tu es plus frais que moi 
sur le grec, corrige-le et remets-la ainsi à ta mère; car 
je ne veux pas que ta mère me méprise comme un 
barbare. Adieu, seigneur, donne un baiser à ta mère, 
en lui donnant la lettre, afin qu'elle la lise avec plus 
de plaisir. 

LETTRE VIIL 

A LA MkRE DE CiESAR^. 

Gonmient pourrai- je me justifier, et me faire par- 
donner de ne t'a voir pas écrit , pendant ces derniers 
jours, à moins que je ne te déclare franchement ce 
qui m'a pris tout mon temps? Je composais l'éloge 
d'iin grand roi. Un proverbe des Romains*^' dit** qu'il 
ne faut pas haïr, mais étudier le caractère de son ami ; 
je te dirai donc, sans te rien cacher, quel est mon ca 
ractère. 

* La mère de Marc-Aurële, Galvilla, avait été malade, et Fronto 
ue lui avait pas écrit pour la féliciter de son rétablissement ; il veut 
s'en excuser. On lit à la marge du manuscrit de Rome : Epistula 
*sla grœca quœ a Frontone scrifta est ad matrem Cœsaris , eantinel 
excusatwnem ipsius in laude scribenda Antonini^ propter quod ad eam 
non teripserit post integritatem redditam, 

** Ce proverbe* nous a été conservé par Porphyrion : Amici mores 
novcris , non ndcris. 



1 24 AD M. GiSSAREM. 

-/(ù trï ÙTTo Pa)|uiai6)v ùatVYï xaXoujjivTi , tJç tôv xpdy(rîkov 
vax eù6v xzxdaBcci ïéyovaiv , lidiinreaBai de érrl Odrepa 
Twv TrXeupwv fjLi^ âùvaddai" )cay&) * J^tq ÈTret^ov tc * ovv- 
TaTTW npodviiérepov , axajxTnoÇ rtS et(xl , )cat tû>v aXkoav 
TïdvToav a(péfjL£voÇ , èTi' éxetvo (xévov îefjiat aveirto'TpeTrtef *. 
Katà rtv Jiatvav î| * y.od xoùÇ o(feiÇ ié (faatv rd ocxovTia 
ovTCùÇ TTwÇ aTTfitv ' xat' eùôù' TciS ^é aXkaÇ èiruTpoydS 
jx*i^ (ixpé(fe(Tdai. Kaï rd Sépara âè xal rà xé^a zéze iid- 
htrxa zvyydvei xov <iy.oi:où oxàm eùOeïav ' «^yî , fiinre vn 
avéfjLou TïapCfitTÔévroc , fjLviTe i^tto xecpôS \6rivdÇ ii ' 'iTToX- 
XwvoÇ G(foàévz(x , &<n:ep xd vno T£\J7.pov yi xd ùt^o twv 
jxvYîO'TTnpwv jSXrîôévTa. TauraS fxèv d^>7 xpelÇ etxévaÇ èfxau- 
Tw*** Tzpodziyuxda^ xd^ yub âijo dypiaÇyai OYipioadeiÇ j xiiv 
XYiÇ ùatvyjÇ** Ttodxiiv twv oyecov xal t^v twv axovTcwv *'• 
xpixriv âii ttôvtwv /3eXwv y/xxocùxyiv ** dizdvQ p(ùT:ov oxidocit 
vm âiiovtTov. EL âèâri^'^ xal twv o^véjxwv (faimv ènaiveia- 
6m (jLaXtCTa tov ovpiov Sxt âri ètt' eùOif (fépoi ^ xyiv vaDv 

* P. 55 àfv&loLç\ p. i58". àpûaç. — ' Al. ou&xjvsfaç. — * Med. 
xocyà. — * R. «Tri S* âv tij. — ^ Ita evidenter in R. , quod in M. 
non satis olim legebam. — ^ Ita evidenter romanus codex. — 
^ Ita R., et sic etiam schedae Med. quam lectionem olim immu- 
tavi in ocy^îv. — * R. «C&t'av. Sed ejusmodi menda deinceps fere 
tacitus corrîgam. — • Desideratur ^ in R. — *** M. i/iccinov, sL 
bene legebam. — ** R. ù^v-nç. — *^ God. M. tantum xai t^v tû^ 
èfiùtv* — ^' Ita R. et mox x^craurv]. At in M. legebam xocl ocûrviv xal 
aÙT>i. — ** R. mendose Je Je. — ** Ita uterque cod. M. R. , 
quamquam sequitur àTrovsûst. 



LETTRES A M. C^SAR. 1 a5 

Par faiblesse et par impuissance, je suis dans le même 
état que cet animal appelé hyène par les Romains , et 
dont le col étendu en droite ligne ne peut, dit-on, se 
tourner ni à droite ni à gauche. Moi aussi, lorsque je 
travaille avec ardeur à une chose, je ne puis me tour- 
ner d'aucun côté; je me sépare de tout ce qui n'est 
pas elle, et j'y suis tout entier attaché. On dit aussi 
que, semblables à l'hyène, les serpens à dard mar- 
chent en ligne droite , et ne vont jamais autrement. 
Les javelots et les traits atteignent plus sûrement le 
but lorsqu'ils sont lancés droit, sans être écartés par 
le vent ou détournés par la main de Minerva ou d'A- 
poUo, comme ceux de Teucer ^ ou des amans de Péné- 
lope**. De ces trois images sous lesquelles je viens de 
me représenter, il en est deux qui ont quelque chose 
de farouche et de sauvage, l'hyène et les serpens ; la 
troisième, celle des traits a encore quelque chose d'in- 
humain et de bien fait pour effrayer les Muses. Si je 
parlais du souffle des vents qui pousse le vaisseau en 
droite ligne, et ne l'entraîne point vers l'abîme, cette 

* C'est une allusion au vers 3i i du livre YIII de l'Iliade : 

** C'est encore un souvenir des chants d'Homère : 

iiç ifotff* oi 3* &pcL ^àvrsç àxàvriacav ùç èxiXiuoccVf 
if/tsvoi, rà Sk Tràvra èrûvia Bi^xtv aBt/ivvi» 

Odyss., liv. XXII , V. a55. 



1^6 AD M. CJISAREM 

cÙlot fjLi4 eiÇ rd lùdyioc ctizoveùei véo») * , ^ urdpvn aty eh 
ouTYî clxcbv xaTouTYî jStata. El Je npocFOsinv xaï ro rn^ 
ypaiifiriÇ , 3ti TrpearêuToéTrî twv ypafxfxwv ^ cvOewc éo'tcv, 
TréfjLTTTYîv «v etxôva Xéyotfxi, fjLi4 fxôvov a;(/i>;(ov*, &Tivep 
T^v Twv iopàxtùv , aXXà xal o^o'wfxaTOv toûtyîv ovdav. 

TtÇ o5v ' etxwv eSjOYîôelyî Trtôovï^ , fxâXtata (xèv dvOpcù- 
TTtVYî, ajxetvov d'è et xal (xouo'txiQ el d* ocv xal ytXtaS yj 
ip(ùxoÇ * aÙTii fjLeteîXrî ^ , (jiôXXov «v ei yi^ erzwv éotjwt. 

€vdù eSXsTrév re xal èSaJ^c^ev, ovx av ûjfjicolev. AXtÇ eixô* 
v&)v. Kal yà^ auTY) Tt$ â^TridovoS ^ toû ôp(fé(ùÇ eixùv ^ 
il a^ou dyei\wtf\* 

Anoloy/iaoïiou ièxoùvzevOsyW'rï oOevâv pdtTxoc Œvyyyé^ 
(xy)Ç r'b)(piyLi. Tî ^é ' rovrà èdxtv ; ort tmyypdtfcùv tô tow 
/BaffiXécoÇ èyxwfxtov ê^pazzov è [uJikidroL aoi ze tlocï tw jô 
Trat^l Y,eyctpi(ndvov iaziv. f/neixoL âè * )cal ù/ulôv * é{ji€|xy^- 
(x>)v xal ûbvôfjwtÇov re ûfjuzç èv tw crvyypdiiyLocctj &<n:tp 
ol ipoLaxcà tous ytXTâTOuÇ ôvojxaÇouatv èttI TrâoTî xûXcxt * * . 



^ Néâ) est in utroque cod. M. R., etsi in M. [taulo obscuratius 
fuit Yocabulum. Videtur dicendum Trvécov. — ^ Ita evidenter in 
cod. R., et sic lego etiam in mois schedis M. i manu mea. — 

* M. Tt's àv oSv. — * R. mendose èpù-noç. — * Ita R. et ita puto 
scriptum etiam in M. — ^ Sic R. et M. ut yideo in schfidjs ; 
quamquam ex conjectura olim edidi hU — ' R. êii, — * R. Sri, — 

• R. mendose xar* u/tfiv. Ita et de superioribus xocraurviv et xar- 
avTïj dubito. — *" Lectio praeclara xûAtxt , quae in M. erat obs- 
curata , in R. patescii. 



LETTRES A M. C^SAR. I27 

quatrième image offrirait encore quelque chose de vio- 
lent. Si, ajoutant encore une image tirée des lignes y 
je donnais la préférence à la ligne droite, parce qu'elle 
est la plus noble, la plus antique des lignes, j'aurais 
choisi là une image non -seulement inanimée*, comme 
celle des javelots , mais qui serait même incorpo- 
reUe*^\ 

Quelle image pourrais-je donc trouver qui fût vrai- 
semblable, prise surtout de l'humanité, de la musique 
mieux encore; elle serait pour moi la perfection, si 
on pouvait y mettre de l'amitié et de l'amour. Orphée 
pleura, dit-on, pour s'être retourné en arrière; s'il 
eût regardé et marché droit devant lui, il n'aurait pas 
tant pleuré. Mais c'est assez d'images ; car celle d'Or- 
phée elle-même n'est point vraisemblable, puisqu'elle 
sort des enfers. 

Il me reste toujours à trouver une raison qui m'ob- 
tienne mon pardon. Quelle sera-t-elle? C'est qu'en 
écrivant l'éloge du roi je savais faire quelque chose 
d'agréable pour toi et pour ton fils; et, de plus, je 
me suis souvenu de vous **, et j'ai dit vos noms 
dans mon éloge, comme les amans à chaque coupe 
redisent les noms de ce qu'ils aiment. Voyez comme 



* M, Mai avait d'abord donné ô^oc^^y : Buttmann proposait 
^^fC0U9Of. La leçon du manuscrit romain Apu^ov est la vraie leçon. 

** Nous trouvons an premier livre des lettres ad Antoninum Au- 
gustum la preuve que Fronto avait parlé du jeune Gaesar avec en- 
thousiasme dans le panégyrique d'Antoninus Pius. 



128 AD M. G£SAREH. 

rat. kvrri yovv Trapeyaw}, fiv érrl iiddaiÇ ^Iw*, -fi tcS 
xal diYjouordzfï elxàv «v TzpofrayopAoïzo , oSo'a èx Çek)- 
yûd(fov. Tov Upcùroyévn rov Çwypayov yao^lv IvJexa fre- 
o'iv rèv taXuaov ypa^j/at , findèv irepov ev toïS evienac îre- 
dtv il xov idlvaov ypd(fovi:a. Épwl Sk ovy^ efe > <ïvo <îé 
afxa ialiKToa èypa(fé(j9inv, ovâè * toîv Tïpoaôanoiv oùèi 
ToCLv iiop(fodv pLOvov , dïkx naï xoïv rpénoiv tlolï raiv dpe- 
raîv * ov fiez pion ovre ( «fxyl ov âeî ypd(fsa9ai padi(ù * ) . 
(ÛX ' ffÀv èariv (xéyaÇ ^adiXeùÇ ocp)((ùV TrâoTjS jrfiS xol 
OoàdatrnÇ. b Si ^ hepo^ vioÇ fieyai^v ^aaàécôÇj éxd- 
vov fub oîjxcù TïolÇj &(n:ep * kOwd toD AcoÇ, (Jo^ iè ui^* 
&)S Ty}Ç ÛpoA b Û(fca(Jxo<i ' dTiiaxtù dk xh^^ tôv tto^ôv 
touttqÇ T'AS Toû rtyafo'Tou el)wvoS **. it (xiv o5v ditokayioL 
oSjzfï âv eÎY) Tiavu rta eliioctTxixii yivoitivri nocï ypa^fixA «1- 
yjévtûv i(mXe(ùÇ " où-ri pila. 

* In M. legebam t«x»«^««' — ' R» ^iiopt» In M. legebam 
ificco/9(< ; nnnc error utriusque codicis et emendatio patescant. 
Etsî in M. scriptom rêvera fuisse puto l7r«iarjO«i. — * Cod. rom. 
hKÏ Tràffsç Xi^lta.' Quamqnam et A^Çeu commodum sensum habet. 
— * R. oô J^. — ® R. T^v àjOST^v , qu» mendosa quidem lectio 
est, docens tamen eumdem fuisse utriusque terminationis so- 
num. Hujusmodi enîm menda fîunt a dictata scribentibus. — 
^ Hse verba abundant in R. At M. habet tantum jvrs â/x^ 
àJlA', etc. — ^ Ite emendavit il. N. Tamen cod. R. dUAà. In M. 
obscora lectio. — * Cod. videbatur ts. — • Cod. yidebator 
Sidù'iioit unde licet fortasse scribere cum Jacobsio ^ i}iù9i*oç» 
-^ *• Cod. T«. — ** Ita in schedis meis. 011m edidi toc^ t»0 
âf aîvTou «îxùv. — ** Cod. videbatur (xttAco»;. 



LETTRES A M. GjESAR. , 1 29 

les images naissent en foule et se présentent involon- 
tairement à mon esprit. Une encore s'offre à moi, que 
je préfère à toutes les autres» qiie je trouve la plus juste 
de celles que je pourrais citer, car je l'emprunte à la 
peinture. On dit que le peintre Protogénès mit onze 
années à faire son tableau d'Ialysus, et qu'il ne s'occupa 
que du tableau d'Ialysus pendant ces onze années *. 
Pour moi, je n'avais pas un seul lalysus à peindre; 
j'en avais deux, et deux non -seulement recomman- 
dables par leurs visages et la beauté de leurs formes , 
mais excellons encore et au-dessus de tous les éloges 
par leurs mœurs et leurs vertus. L'un d'eux est le grand 
roi, souverain de toute la terre et de la mer; l'autre 
est le fils du grand roi, dont il descend, comme Mi- 
nerva descend de Jupiter, comme Yulcanus de Juno : 
à part les pieds , c'est l'image parfaite de Yulcanus. 
Voilà ce que je puis dire pour ma défense ; elle est 
comme un drame, comme un tableau par l'abondance 
des images. 

* Ce ne fut que sept années, selon iElianus, que Protogénès mit 
à peindre Tlalysus. Ce tableau avait la plus grande réputation dans 
l'antiquité ; palmam habet tabularum ejus lalysus : on Pavait consacré 
à Rome dans le temple de la Paix. Pline raconte que Protogénès , 
pendant qu'il fit l'Ialysus, ne vécut que de lupins bouillis, parce 
que ce légume nourrit et désaltère à la fois , et qu'il ne voulait pas 
que son génie fût émoussé par une nourriture trop délicate : Quem 
cum pingeret, traditur madidis lupinis vlxisse, quoniam simul fametn 
suttiMrent et sitim , ne sensus nimia dulcedine obstrueret. Liv. xxxv, 
ch. 56. L'Ialysus périt à Rome dans un incendie. 

ï. Q 



l3o AD H. G^SAREM. 

Éri "MLXQt. TOÙÇ y^(ù^xpoi<^ aàxriQo^v xo ttoiov; A xi 
Tûv ov0|iAT6)v èv xaâ.^ tt^ifsxokâ^ xcôàxauA tit\ ixupoy ii 
^pSapov i\ âïktùÇ dtdàyuiJLOV xal fiii ttôvu dxxoiéy' dXkA 
xoit ovéf/jxxoi c' d^i& xriv didvoiccu crxoTreïv axjxiw yjxB* 
ocÙTfiv *• dîtrOa ydp oxi èv ocùxoK * èvé/xao'ev yaï aùxfi iioL- 
XsxTO) dtocxpiSùa, Kal ydp xov SxûSyîv éxeîvov tov *AvoJ- 

âiavoiaÇ xdi twv èvôufxyifxâTWV. IlapaSaXâ d* èpMUxov 
* Avaydpaiât où pd Aia -MLxd xw <io(fiocy , dTJd Yjxxd xh 
^pSapoÇ cpoicùÇ eiVM riv ydp h peu 2xûdy]Ç xôùv vopuddtùv 
liYAjBtùv 9 èr/(ù Sk AiSuÇ tûv AcSù&)v t&)V vopddcùv. Kotvcv. 
^è riv To viptcfdoLi èpjoi xz imù * kvoLydpaiSi • xoivèv oîiv eora* 
vjxl xb ^Inyd^rQoLi vep^phoiÇ , otkùÇ av ttC ^iyjx^o'eTai, 
Olitgi)^ psu âih^Mii xo ^apêccpil^eiv tû ^hixdvOcu npocrditar 
(7a. OùxoDv 'Kodjdopjxi pinâèv ixepov ypd(f(ôv diX ii eUéuai ' . 



EPISTOLA IX. 

(CONSULI ET MAGISTRO MEO OPTIMO.) 

. . . adfinitate sociatum , neque tutelae subdi- 
tiim : praeterea in ea fortiina constitutum , in 
qua, ut Q. Ennius ait, omnes dant censilium 

* Ita schcdac. Olim edidî xot^* éaurrjv. — ' Jacobsius malebat 
«ÀÀoiS) et mox a/Ayj. — ' Cod. àAAà sixivas- 



LETTRES A M. CiESAR. | 1 5l 

Encore une prière à la façon des géomètres ; et la- 
quelle? Si quelque mot de ma lettre t'a semblé impro- 
pre, barbare, peu décent, peu attique, ne fais atten- 
tion, je t'en prie, qu'à la valeur du mot en lui-même; 
car tu sais que je ne m'attache qu'aux mots en eux- 
mêmes, et non au dialecte ^^^ Le Scythe Anacharsis 
ne parlait guère le langage attique ; mais il était digne 
de gloire par la grandeur de sa pensée et de ses in- 
spirations. Je me comparerai donc à Anacharsis, non, 
par Jupiter ! que je sois aussi sage que lui , mais c'est 
qu'il était barbare comme moi; car il était Scythe des 
Scythes nomades, et moi je suis Libyen des Libyens 
nomades. J'ai de commun avec Anacharsis d'avoir 
vécu au milieu des pâturages; j'ai de commun avec 
lui d'avoir bêlé, puisque bêler est le langage des pas- 
teurs nomades. J'ai donc comparé mon parler bar- 
bare au bêlement , et je termine enfin cette lettre qui 
ne contient rien autre chose que des images. 

LETTRE IX. 

(a mon consul et TRks-BON MAITRE.) 

... Attaché par l'alliance, sans être protégé ni su- 
jet, et de plus placé dans un rang oà, comme l'a dit 
Q. Ennius, tout conseil est tromper ie, et ou toute chose ^ 

* M. Mai prévient qu'il manqnc'*'plusicurs mots de cette lettre 
dans la première édition. 



l32 , AD M. CiESAREM. 

vanum 9 adque^ ad voluptatem omnia*. Item 
quod Plautus egregie in Colace super eadem re 
ait : 

Qui data fide firmata fidentem fefellerint, 

Subdoli subsentatores , régi qui sunt proximî , 

Qui aliter régi dictis dicunt , aliter in animo habent. 

• 

Haec enim olim incommoda regibus solis fieri 
solebant : at enim nune adfatim sunt qui et re* 
gum filiis, ut Nevius ait, 

Linguis fayeant adque adnutent et subserviant. 

Merito ego, «mi magister, fraglo; merito unum 
meum o-kottôv mihi constitui ; merito unum ho- 
minem cogito, quom stilus in manus venit. 

Hexametros ^ meos ji^cundissime petis, quos 
ego quoque confestim misissem , si illos me- 
cum haberem. Nam librarius meus, quem tu 
nosti, Anicetum dico, cum proficiscerer, nihil 
meorum scriptorum mecum misit. Soit enim 
morbum meum , et timuit , ne , si venissent in 
potestatem , quod soleo facerem , et in fumum 



^ lu cod. — ^ In éd. medio]. désuni aliquot Terba hujus épis- 
tolae. — 2 Cod. sine A. 



LETTRES A M. CjESAR. 1 33 

est volupté. Ainsi Plautus, dans le Flatteur '^^ dit en 
beaux vers , sur le même sujet ; 

Us vou« donnent leur foi ; croyez-les; c'est un piôgo. 

Approbateurs rusés qui s*attachent aux rois , 

r^eur cœur pense autrement que ne parle leur voix. 

En eifet, ce mal» autrefois, s'attachait d'ordinaire 
aux rois seuls; mais aujourd'hui les fils mêmes des rois 
sont toujours entourés d'une foule qui , selon l'expres- 
sion de Névius , 

Les écoute, applaudit, et rampe à leur service.. 

J'ai donc raison *, mon maître, d'avoir de la colère, 
raison de ne regarder que le but oii je veux marcher, 
raison de n'avoir les yeux que sur un seul homme, quand 
je prends le style "* en m^ain. 

Tume demandes très-agréablement mes hexamètres, 
et je te les enverrais tout de suite , si je les avais avec 
moi ; mais mon copiste , cet Anicétus que tu connais , 
n'a laissé partir aucun de mes livres avec moi , car il 
sait ma maladie, et il a craint que, s'ils me tombaient 
sous la main , je ne fisse comme de coutume **, je 

* Meriio ergo vaudrait peut-ôtre mieux ici que merito ego. N. 
** Dans cette phrase et in fumum dimitterem , il faut rifacer le 
mot et. 



1 54 AD H. G j;SAR£M. 

dimitterem. Sane istis hexametris^ prope nul- 
lum periculum erat. Ut enim yerum magistro 
meo confitear, amo illos'. Ego istîc noctibus^ 
studeo : uam interdiu in theatro consumitur. 
Itaque minus ago vespere * fatigatus, luce dor- 
mitans. Feci tamen mihi per hos dies excerpta 
ex libris sexaginta in quinque tomis : sed cum ^ 
leges sexaginta ^ inibi sint^ et novianae, et atd- 
laniolae, et Scipionîs oratiunculse , ne tu nu- 
merum nimis expavescas. Polemonis tuî quo- 
niam^ meministi, rogo ne Horatii memineris, 
qui mihi cum Polione est emortuus. 

Yale, mi amicissime, vale, mi amantissime, 
consul amplissime, magister dulcissime, quem 
ego biennio jam non vidi. Nam quod aiunt 
quidam duos menses inter fuisse tantum , dies 
numerant. Erit ne quom te vidcbo? 

^ God. siae A. — ^ Ergo yidentur illi ipsi , qui mita dicun- 
tur superias. — 'In schedis meis supra noctibus video scrip- 
tum confiteor, quod tameu hic locum non habct. — ^ Ita cod. 
— 5 Suprascrlptum în schedis tum, — * Vîx dubito quin sexa- 
ginta delendum sit , utpote a librario ex praecedentibus rcipeti- 
tum. — ' Cod. sunt, — ' Cod. quam. 



LETTRES A M. C^SAR. i35 

ne les jetasse au feu. Cependant le danger n'était pas 
grand pour ces hexamètres , car, pour confesser la vé- 
rité à mon maître , je les aime. Je passe ici les nuits à 
étudier; mes jours se dissipent au théâtre. C'est pour- 
quoi j'agis moins, fatigué lé soir ^ et sommeillant le jour. 
Malgré cela , je me suis fait pendant ces jours des ex- 
traits de soixante livres, en cinq tomes. Soixante I mais 
quand tu liras parmi tout cela du Novius , des Atella- 
nés *•*, de petits discours de Scipio "*, ce nombre t'ef- 
fraiera moins. Puisque tu t'es souvenu de ton Polétnon, 
je te prie de ne pas te souvenir d'Horatius, qui m'est 
mort avec PoUio. 

Adieu, mon meilleur, mon plus tendre ami; adieu» 
très -illustre consul, très -doux maître, que, depuis 
deux ans , je n'ai point vu ; car ceux qui disent qu'il 
n'y a que deux mois ne comptent que les jours : 
viendra-t-il le jour où je te verrai? 



* Il faut lire ici vespera : on le savait avant la découverte de ces 
textes. Le grammairien Gharisius , liv. II , pag. 198 , éd. de Pustch. 
dit que M. Aurèle a écrit vespera [>our vMpere : et il cite le pas- 
sage ci-dessus , puis cet autre de Fronto : ad eum vespera in triduum 
miiiant, tiré, dit-il, du cinquième livre à Antoninus : ce livre n'est 
pas rtBtrouvé, 



l36 AD M. GiGSAREM, 



EPISTOLA X. 



C^SARI SUO, CONSUL. 



M eum fratrem beatum , qui vos in isto biduo 
viderit ! At ego Romae hereo compedibus aureis 
vinctus : nec aliter kal. sept, expecto, quam 
super stitiosi stellam, qua visa jejunium pol-^ 
luant. Vale, Caesar, decus patriae et romani no- 
minis. Yale, domine. 



EPISTOLA XL 

(iRBDITA Iir CODICB VATICAICO.) 

MAGISTRO MEO. 

Ego ab hora quarta et dimidia in hanc ho- 
ram scripsi, et Catonis multa legi, et haec ad 
te eodem calamo scribo, et te saluto, et quam 
commode agas sciscitor. quamdiu te non 
vidi! 



LETTRES A M. CjESAR. l5'J 



LETTRE X. 



A SON CiESAR, L£ CONSUL. 



Heureux mon frère "^ qui vous aura vus durant ces 
deux jours I mais moi , je reste à Rome, enchaîné de 
liens dorés, et je n'attends pas les kal. de sept.^'^ avec 
moins de désir que les superstitieux l'étoile dont la 
vue leur pennet de rompre le jeûne*". Adieu , Cœsar» 
honneur de la patrie et du nom romain. Adieu , sei 
gneur. 

LETTRE XL 

A MOI^ MAITRE. 

Depuis la quatrième heure et demie jusqu'à cette 
heure , j'ai écrit; j'ai lu beaucoup de Cato , et je t'é- 
cris ceci avec la même plume , et je te salue , et te 
demande comment tu vas. qu'il y a long-temps que 
je ne t'ai vu ! 



l38 AD M. GjESAREM. 



£ni2T0AH XII. 



MHTPI KAIZAPOZ. 



xiiu èiiiiv Kpazziccy è|é7rejx^a (TuveopToH^^ovadv cfoi ta ye- 
véOlia , xai aùrc^ av dcptuéfievoÇ ei è^riv. AXXà sfjiol (X£V è{x- 
TTod'wv ÊJTii^ ocpx'^ yvpoÇ * Tw TTo^l i^d^ÊY] ^ oujo. (JXiyat yàp 
rudpat loiTïod zri^ dpyfiç TrsptXeiTrovTai , )tai (xâXXév te aff- 
;^oXo( âidzdç'keiTovpyiaÇ'SiVcl'KizDMyeïÇ eotxa dpa\ul(iBoa 
TïpoÇ ù/xâç Twv TÔv dzdâiov zptx^vztùv Tiolij npoOvf/jize-' 
pov ùiÇ èxetvot ye ^pccyjjzctxov yjpovov èttI ti^Ç uoTriioyoÇ 
éîTto'TavTeS , eTreira ayeïvrai zpiyitiy ^ èyw ^è toDtov yic^tq 
fjLi^va âevzepov elpyoïixi zov izpoÇ ù^idÇ âpéyiov, 

*Expriv cJè apa TracaÇ TciÇ navzayéOev * yuvaîxaS èrri 
TOTJTYîV T^v riijépav dOpoit^edOai^ xal êoprâÇeiv roi o'ûi 
yevéôXta* iipcùzaÇ (xsv twv yuvatxwv tàS (fiïdvâpovÇ xai 
ytXoTÊXVouÇ )tai o'wypovaS* âsvzépaÇ âè Sdoci ' iTrXaatot 
)tat a^eu^eK etccv ijOiTaS cîè éojOtâÇetv Tci€ eùyvwfwvaS 
xal £Ù7rpo7ÎTOuS ydi eùnpoamyôpouÇ yai dzvffovÇ, IloXXai 
cJ' av xal aXXae yuvacxôav zd^eiÇ yévoivzo twv aoi yàpovÇ 
zivoÇ ènaivov yai dpezfïÇ [Lzzeyp-odcùv % aoû pév diïdGaÇ 
zdÇ yuvatxi i:pei:ovGaÇ dpezdç koù èmaziiixaÇ itexzrifjjévin^ 



^ Cod. yt^ç. — - Die jjjyj. — ^ Cod. -xv.i-z'j./oQi^i. — * God. 



LETTRES A M. C^SAR. i3ç) 

LETTRE XII. 

A LA llàBE D£ CiESAR. 

C'est de cœur, de tout cœur, par les dieux et dans la 
plénitude de ma joie, que j'ai envoyé ma Gratia*" pour 
célébrer avec toi le jour anniversaire de ta naissance; 
et moi-même j'y serais allé, si je l'eusse pu. Mais le con- 
sulat enchaîne encore mes pas, et m'enferme comme 
dans un cercle *".* Je n'ai plus , il est vrai , que quel- 
que» jours à y rester, mais ce sont des jours pleins 
d'afiGsdres et sans repos. Il me semble qu'une fois libre, 
je me précipiterai vers vous plus rapide que les cou- 
reurs du stade; eux, en effet, ils ne sont retenus que 
peu d'instans à la barrière, puis ils s'élancent pour 
courir; et moi , voilà deux mois que je suis empêché 
de voler vers vous. 

Je voudrais voir toutes les femmes , en ce jour, se 
rassembler de toutes parts pour célébrer cet anniver- 
saire. Et d'abord les femmes qui aiment leurs maris, 
qui aiment leurs enfans , les femmes vertueuses. En 
second lieu , les femmes sans feinte et sans déguise- 
ment. En troisième lieu, les femmes bienveillantes, 
afiables, accessibles et sans orgueil. Je pourrais comp - 
ter encore plusieurs autres ordres de femmes qui attei- 
gnent à quelque partie de tes mérites et de tes ver- 

* GcH dtnix inulK, i^,itYi oZict, koiiI <':vi(l(Miifucnt coii-oinpus ; je 
l'établit» le lext«; avec nu léfçn- chanf2^eiii«-i)t : ir,ôri /ïîyouTa, c'est-à- 
dire , qui louche à m fin. 



l4o AD M. GJSSAREM. 

yaï sTTto'TafjLévyîÇjào'Trep ri 'kOmvd zé/yocÇ «Trâo'aS jtéjtryîTat 
zsytoà tniŒxaxar twv aXXwv ièyvvou'Kâiviv tt' TyjÇ dpez-nÇ 
l^époÇ è-mŒrYiÇ sirtOTafjLévyîÇ, 3tat ytarà toûto èTratvoufxévyjÇ. 

iiYipYiiievoÇ. 

Et J' Tov eyw i:po OùpaiÇ sivocyoâysijÇ tiS eîvai Xflt;{àv 
Twv T^fiÇ eopTTÎÇ à|tcav, TrpwraÇ av Opunpoii T^eiOàyLSvoÇ 
aTTSxXsio'a raÇ.ri^v euvotov .^j^aj^ofxévaS xal TrXaTTOfJiévaS. 
3cai erepov [Jiév Tt xeudouaaÇ svl (fpsaïVj i}lo âè leyov^aÇ, 
«Travia cJé ta airo yéXwroS f^XP' ^oxpùwv itpoŒTioiovfd^ 
vaÇ' roi yekcùÇ oîjxcùÇ zo Tiplv ââokoÇ ehai Tre^uxù^, a)€ 
3tal TOwÇ oJôvraS twv yeXwvtwv éTitcîstxvvstv, eiÇ tocoû- 
xov Wn 7reptéo'TyïX£V )taxo(jLy3X«vt«Ç )tal èvéipocÇ, àyÇnod xd , 
XsîXyï xpÙ7rT££V xcùv s| éTTtêouXyîÇ Trpoo'yeXwvTwv. 

ruvaaeta âri xlÇ avxn ^ OeoÇ Tzapà. xccK Tzkeidxca^ twv 
yuvat)cwv 9 pnd'Kevsxou -^ * A.T:dxri. Tt€ yoûv *AypocJtTrj5 
TÔ>c(oç) * èx TToXXwv XLVCùv Ttaï TTotîctXwv ôyîXctwv * icara- 
o^suao'afjLevoÇ... 



* God. Itt». — * Jacobsias pro olZtvi mavult &prt» — ' Jacob. 
b ràxoç* — * Jacob. maTult &>i/o^«v ; rei favct , quod ego in cod. 
legebam ^Uuv, 



LETTRES A M. G^SAK. l4l 

tus. Car, toutes les vertus qui sont rorneinent de la 
femme, tu les possèdes, et les connais comme Minerve 
possède et connaît tous les arts; tandis que chacune 
des autres femmes de la seule vertu qu'elle possède 
se fait de la gloire, comme chacune des Muses se fait 
de la gloire du seul art qu'elle a reçu en attribut***. 

Si , gardien de tes portes , j'étais chargé de n'intro- 
duire que les femmes dignes de cette fête , j'écarterais 
d'abord, selon le conseil d'Homère**®, celles qui fei- 
gnent et affectent la bienveillance , qui ont une pen- 
sée dans le cœur, une autre sur les lèvres, et en qui 
tout est mensonge, depuis le rire jusqu'aux larmes. Le 
rire, qui est si franc de sa nature qu'il laisse voir les 
dents des rieurs, en est venu à ce degré de malice et 
de perfidie qu'il déguise aujourd'hui les lèvres qui ne 
sourient que pour tromper. 

Il est une divinité féminine , adorée de la plupart 
des femmes , la Fausseté , race d'Aphrodite , assem- 
blage emprunté à mille natures de femmes * ***... 



* On ne peut lire un seul mot de la page suivante , qui contenait 
la fin de cette lettre ; mais on devine aisément tous les complimens 
que Fronto pouvait adresser à la mère de son jeune élève ; c'était 
de la reconnaissance et de la flatterie. 



l42 AD M. GJESAREM. 

EPISTOLA XIII. 
DOMINO MEO. 

Gratiam meam misi ad diem natalem matris 

tuae celebrandum, eique praecepî ut istîc sub- 

sisteret quoad ego venirem. Eodem autem mo- 

mento, quo consulatum ejuravero, vehiculum 

conscendam, et ad vos pervolabo. Intérim 6ra- 

tiae meae uullum a famé periculum fore fide 

mea spopondi : mater enim tua particulas a te 

sibi missas cum clienta communicabit. Neqae 

est Gratia mea, ut causidicorum uxores ferun- 

tur, multi cibi : vel osculis matris tuae contenta 

erit. Sed enim quid me fiet? Ne osculum qui- 

dem usquam ullum est Romse residuum. Om- 

nes meae fortimae et* mea omnia gaudia Nea- 

poli sunt. Oro^ te, quis iste mos est pridie 

magistratus ejurandi? Quid quod ego paratus 

sum, dum ante plures dies ejurem, per plures 

deos* jurare? Quid est autem quod juraturus 

sum me consulatu abire? Ego vero etiam illud 

juravero, me olim consulatu abire cupere, ut 

M. Âurelium conplectar. 

* Cod. de* — ^ Cod. orXo. — '" Cod. i manu Aie%; a </eo*. 



LETTRES A M. CiESAR. \^5 

LETTRE XIII*. 

A MON SEIGNEUR. 

J'ai envoyé ma Gratia pour célébrer le jour de la 
naissance de ta mère , et je lui ai prescrit de rester 
jusqu'à mon arrivée. Or, à Tinstant où j'aurai prêté le 
serment*", et quitté le consulat, je moulerai en voiture, 
et je volerai vers vous. Cependant j'ai promis , sur ma 
foi , à Gratia , qu'elle n'aurait rien à craindre de la 
faim, car ta mère fera partager à sa cliente de petites 
provisions que tu lui as envoyées , et ma Gratia n'est 
pas d'un grand appétit, comme le sont, dit-on, les 
femmes des avocats ; elle se contentera même des bai- 
sers de ta mère. Mais moi , que deviendrai-je ? car il 
ne reste pas aujourd'hui un seul baiser à Rome. Toutes 
mes fortunes et toutes mes joies sont à Naples. Quel 
est , je te prie , cet usage de prêter serment la veille 
du jour où l'on quitte les magistratures ? Ne suis-je 
pas prêt , moi , pourvu que je jure plusieurs jours d'a- 
vance » à jurer par plusieurs dieux? mais jurer que je 
sors du consulat, qu'est-ce que cela? Je jurerai bien 
aussi que, depuis long-temps, je désire d'en sortir pour 
embrasser M. Aurélius. 

* Il y a encore quelques mots passés dans l'édition de Milan. 



l44 ^^ ^I* GiESAREM. 

EPISTOLA XIV. 

CONSULI ET MAGISTRO MEO OPTIMO. 

Hoc sane supererat, ut super cetera quae in- 
signiter erga nos facis , etiam Gratiam mitteres 
hue. . . 

EPISTOLA XV. 

MAGISTRO MEO. 

Gratia minor effecit ^ quod Gratia major fe- 
cit; et sollicitudinem nostram vel intérim mi- 
nuat vel jam omnino detergeat. Ego tibi de pa- 
trono meo M. Porcio gratias ago, quod eum 
crebro lectitas. Tu mihi de C. Crîspo timeo ut 
umquam gratias agere possis : nam uni M. Por- 
cio me dedicavi atque despondi atque delegavi. 
Hoc etiam ipsum atque unde putas? ex ipso fu- 
ror^ Perendinus dies meus festus erit, si certe 
tu venis. Vale, amicissime et rarissime homo, 
dulcissime magister ^ . 

Die^ senatus hujus magis hic futuri, quam 

* Cod. minorefeciu — * Cod. furore. Et quidem in ipso codice 
fortasse deleta est e. — * Desunt duo hœc verba in éd. mediol. 
— * Cod. de. 



LETTRES A M. GJESAR. l45 

LETTRE XIV. 

AU CONSUL, A MON TRÈS-BON MAITRE. 

Il ne restait plus , pour mettre le comble à toutes 
tes insignes bontés pour nous que d'envoyer ici Gra- 
tia 

LETTRE XV. 

A MON MAITRE. 

Gratia ^** la jeune fait déjà ce qu'a souvent &it Gratia 
sa mère *; mes inquiétudes » elle les calme sur l'heure, 
ou les dissipe sans retour. Je te félicite au nom de mon 
patron 9 M. Porcins » parce que tu le relis souvent; mais 
je crains que tu n'aies pas à me féliciter au nom de 
G. Grispus , car c'est au seul M. Porcins que je me 
suis consacré et fiancé, et délégué; et cet et d'où 
penses-tu qu'il me vienne? c'est à lui que je le vole. 
Après-demain sera mon jour de fête , si vraiment tu 
viens. Adieu, le plus ami, le plus rare des hommes, le 
plus chéri des maîtres. 

Je crois que, le jour de cette assemblée du sénat, 

* 11. Mai pense que Marcus veut parler ici de Gratia , femme de 
Fronto, et de sa fille Gratia ; nous sommes , avec Buttmann , d'une 
autre opinion. Voir les notée de la fin. 

I. 10 



l46 AD M. GJESÂREM. 

illuc* venturi videmur. Sed utrumque în am- 
biguo est. Tu modo perendie veni , et fiât quod 
volt. Semper mi vale, animiis meus. Mater mea 
te tuosque salutat. 

EPISTOLA XVI. 



M. CiESAR% MAGISTRO SUO. 



Tu, cum sine me es , Catonem legis : at ego, 
cum sine te sum, causidicos in undecimam ho- 
ram audio. Equidem velim istam noctem, quae 
sequitur, quam brevissimam esse. Tanti est 
minus lucubrare, ut te maturius videam. Vale, 
mi magister dulcissime. Mater mea te salutat. 
Spiritum vix habeo, ita sum defessus. 

EPISTOLA XVII. 

AMPLISSIMO GONSULI MAGISTRO SUO 
M. C^SAR SALUTEM. 

Anno abhinc tertio me commemini cum pâ- 
tre meo a yindemia redeunte in agrum Pompei 

* Sched» Ulic, — * Verba M. Cœsar a me addontnr; pnto 
enim fuisse in codice , Hcet fortasse oblitterata : alioqni Marcus 
dicerel magistro meo. 



LETTRES A M. CJESAR. l/^'] 

nous resterons plutôt ici que nous n'irons là bas. Au- 
cun de ces projets n'est eùcore arrêté; yiens seule- 
ment après-demain , et arrive que pourra*. Adieu en- 
core une fois» mon souffle. Ma mère te salue toi et les 
tiens. 

LETTRE XVI. 

M. CiESAR A SON MAITRE. 

Toi» loin de moi» tu lis Gato; moi, loin de toi» 
î*écoute les avocats jusqu'à la onzième heure. Je vou- 
drais bien» en vérité» que la nuit qui va suivre fôt la 
plus courte des nuits; j'aime mieux moins veiller et 
te voir plus tôt. Adieu» mon très-doux mattre. Ma mère 
te salue. A peine si je respire» tant je suis fatigué ! 

LETTRE XVIL 

AU TR^S-ILLUSTRE CONSUL SON MAITRE , 
M. CiESAR, SALUT. 

Je me souviens qu'il y a trois ans » revenant de la 
vendange avec mon père , je me détournai pour aller 



* M. Mai avait d'abord ainsi ponctué cette phrase : Et fiai quod 
volt êemper^ mi vate.». Il faut évidemment un point après le mot 
volt. 



l48 AD M. GJESAREM. 

Falconis devertere. Ibi me vîdere arborem mul-* 
torum ramorum, quam ille suum nomen cata- 
chaDnam nominabat. Sed illa arbor mira et 
noya visa est mihi in uno trunco omnia om- 
nium ferme germina 

... et meus me alipta faucibus urgebat. Sed 
quœ, inquis, fabula? Ut pater meus a yineis 
domum se recepit, ego solito more equom in- 
scendi , et in viam profectus sum, et paululum 
provectus. Deinde ibi in via sic oves multae con- 
globatœ adstabant, ut' locus solitarius, et ca- 
nes quattuor, et duo pastores, sed nihil prae- 
terea. Tum pastor unus ad alterum pastorem^ 
postquam plusculos équités vidit : Vide tibi * is- 
tos équités, inquit, nam illi soient maximas ra- 
pinationes facere. Ubi id audiyi , calcar equo 
subringo, equum' in ovis inigo. Oves conster- 
natae disperguntur : aliae alibi palantes balan- 
tesque oberrant. Pastor furcam intorquet ; furca 
in equitem, qui me sectabatur, cadit. Nos au- 
fugimus. Eo pacto qui metuebat ne oves amit- 
teret, furcam perdidit. Fabulam existimasPres 
vera est. At* etiam plura erant quae de ea re 

* Ita cod. nisi mavis et. — * God. videbitibi, — * Cod. tcum, 
— * God. ad. 



LETTRES A M. CjESAR. I 49 

visiter le champ de Pompéius Falco ^^\ Je vis là un ar- 
bre chargé de branches qu'on appelait de son nom ca- 
tachanna **'^. Cet arbre merveilleux et nouveau me 
parut porter sur un seul tronc presque tous les germes 
de tous 

*** et quel est ce 

conte? diras-tu. Dès que mon père se fut retiré de 
ses vignes dans son palais , moi , selon ma coutume , je 
monte à cheval , je pars , et m'avance assez loin sur la 
route. Bientôt , au milieu du chemin , se présente un 
nombreux troupeau de moutons; le lieu était solitaire; 
quatre chiens , deux bergers , mais rien de plus. L'un 
des bergers dit à l'autre en voyant venir quelques ca- 
valiers : Prends bien garde à ces cavaliers , car ce 
sont d'ordinaire les plus grands voleurs du monde. A 
peine ai-je entendu ces mots que je pique de l'éperon 
mon cheval *, et que je le précipite sur le troupeau. Les 
brebis efTrayées se dispersent et s'enfuient pêle-mêle, 
errantes et bêlantes. Le berger me lance sa houlette ; 
la houlette s'en va tomber sur le cavalier qui me suit. 
Nous fuyons au plus vite, et c'est ainsi que le pauvre 
homme, qui craignait de perdre son troupeau, ne per- 
dit que sa houlette. C'est un conte, diras-tu; non, c'est 
la vérité même. J'avais encore là dessus bien d'autres 

* HeiDdotf propose deux changemcns dans cette lettre : ut iocis 
-^oUtariis^ au lieu de ut iœus sodtarius; et suppingo au lieu de sub- 



i 



1 50 AD M. G^SAREM. 

scriberem, nisi jam me nuntius in balneum 
arcesseret. Yale, mi magister dulcissime, homo 
honestissime et rarissime, suavitas et caritas et 
voluptas mea. 

EPISTOLA XVIII. 

M. CJESAR* MAGISTRO SUO SALUTEM DICIT. 

Profecto ^ ista tua benignitate magnum mihi 
negotium peperisti. Nam illa cottidie tua Lo- 
rium' ventio, iUa în sérum expectatio. . . 

EPISTOLA XIX. 

(m. aurelio, imperatori fronto.) 

... * mum terminare valent ; tuîs autem de- 

* Hic item apparet necessaria esse verba M. Cœsar, qasb in 
oblitteratione codicis latent , ut me» me schedae docent. — 
* God. proficio. — * Ita schedae. Olim edidi in Lorium. — * Huic 
et sequenti codicis folio superscribitur in schedis epist» ad M., 
lib. I ; qaare me olim erra visse suspicor in editione quum dixi 
inscriptmn esse in codice Ub. Il, praesertim quum in secundo 
codicis quatemione partim haec Tersetur scriptura : qa» me 
causa moyit ut hac in sede fragmentum nobile coilocarem. Vix 
enim credi potest secundum codicis quaternionem extra librum 
primum procurrisse. Porro quum super hoc dubio ad mediola- 
nenses amicos meos non semel scripserim , nihil certi ab iis ob 
mcmbranarum obscuritatem rescirc potui. 



LETTRES A M. GJISAR. l5l 

choses àt'écrire; mais on m'annonce que je puis entrer 
au bain. Adieu , mon très-doux maître, homme très- 
vertueux et très-rare» mon bonheur» mon amour et 
mes délices. 

LETTRE XVIII. 

M. CiESAR SALUE SON MAITRE. 

Véritablement» ta bonté a été pour moi la cause 
d'une grande occupation. Car ta visite de chaque jour 
à Lorium**% cette attente du soir.... 



LETTRE XIX. 



A M. AVRiiLlUS EMPEREUR, FRONTO . 



* 148 



* Je suis entièrement de Tayis de M. Niebnhr, et ne trouve au- 
cune di£Bculté dans ce fragment ; il s'agit ici d'un fait particulier. 
Fronto avait été l'avocat d'un de ses cliens d'Asie , dans une ques- 
tion d'hérédité, et il avait plaidé devant Antoninns, que le litige 
devait se terminer sur les lieux , que c'était une affaire de la com- 
pétence du proconsul. Gonmae son discours avait sans doute eu du 
succès, et qu'il en était fier, il en envoie les plus beaux passages à 
son élève comme un modèle d'éloquence , et pour avoir un admi- 
rateur de plus. 



l52 AD M. C^SAREM. 

cretis, imp. , exempla publiée valitiira in perpe- 
tnum saneiuntur. Tanto major tibi vis et po- 
testas, quam fatis adtributa est : fata quid sin- 
gulis nostrum eveniat statuunt ; tu ubi quid in 
singulos decernis, ibi universos exemple ad- 
stringis. Quare si hoc decretum tibi procM. pla- 
cuerit, formam dederis omnibus omnium pro- 
yinciaruni magistratibus quid in ejusmodi causis 
décernant. Quid igîtur eveniet? illud scilicet, 
ut testamenta omnia ex longinquis transmari- 
nis provinciis Romam ad cognitionem tuam 
deferantur. Filius exheredatum se suspicabitur, 
postulabit ne patris tabulae aperiantur. Idem 
filia postulabit, nepos, abnepos, frater, conso- 
brinus, patruus, avunculus, amita, matertera, 
onmia necessitudinum nomina hoc priyilegium 
invadent, ut tabulas aperiri vêtent, ipsi posses- 
sione jure sanguin is fruantur. Causa denique 
Romam emissa, quid eyeniet? heredes scripti 
navigabunt, exheredati autem in possessione 
remanebunt, diem de die ducent, dilationes 
petentes, fora variis excusationibus trahent. 
Hiemps est, et crudum mare hibernum est; 
adesse non potuit. Ubi hiemps prœterierit, ver- 
nae tempestates incertae et dubiae moratae sunt. 
Ver exactum est? aestas est calida, et sol navi- 
gantes urit, et homo nauseat. Autumnus sequi- 



LETTRES A M. G^SAR. l53 

Ta force» ta puissance est d'autant plus grande» qu'elle 
t'a été attribuée par les destins. Les destins règlent ce 
qui doit arriver à chacun de nous; toi» lorsque tu 
rends quelque décret pour des particuliers» tu en fais 
une règle obligatoire pour tous. Si donc tu approuves 
le décret du proconsul , tu le donneras à tous les ma- 
gistrats des provinces comme un modèle de ce qu'ils 
ont à décider dans les cas semblables. Aussi» qu'arri- 
vera-t-il? ceci» sans doute» que tous les testamens 
devront être» de ces provinces lointaines d'au delà des 
mers , envoyés à Rome, pour être jugés par toi. Le fils 
qui se soupçonnera déshérité demandera que le tes- 
tament de son père ne soit point ouvert ; la fille fera 
la même demande; le neveu » le petit-neveu, le frère, 
le cousin» l'oncle paternel et maternel» la tante pater- 
nelle et maternelle, enfin tous les degrés de parenté re- 
vendiqueront le privilège d'empêcher que les testamens 
ne soient ouverts, et la faculté de posséder par droit du 
sang. Enfin» la cause portée à Rome» qu'arrivera-t-il ? les 
héritiers inscrits se mettront en mer; les exhérédés 
cependant resteront en possession; ils remettront de 
jour en jour» demandant des délais» et retarderont par 
mille excuses le jour de l'audience. C'est l'hiver» et 
la mer n'est pas tenable l'hiver , on n'a pas pu se pré- 
senter. L'hiver écoulé, on a été retardé par les temps in- 
certains et variables du printemps. Le printemps est-il 
fmi? l'été est chaud sur mer, le soleil brûle, et notre 
homme a des nausées. L'automne arrive : on va s'en 



i 



1 54 AD M. G^SAREM. 

tur? poma culpabuntur, et languor excusabi- 
tur. Fingo haec et comminiscor, quia in bac 
causa nonne hoc ipsum evenit? Ubi est adver- 
sarius, qui jampridem ad agendam causam 
adesse debuerat? In itinere est. Quo tandem 
in itinere? ex Asia venit; et est adhuc in Asia. 
Magnum iter et festinatum. Navibus ne an equis 
an diplomatibus facit haec tam velocia stativa? 
Cum intérim cognitione proposita, semel a te, 
Caesar, petita dilatio et impetrata. Proposita co- 
gnitione rursum, a te duum mensium pedtur 
dilatio. Duo menses exacti sunt? idibus proxi- 
mis, et dies medii isti aliquot. Yenit tandem? 
si nondum venit, saltem adpropinquat ; si non- 
dum adpropinquat, saltem profectus ex Asia 
est ; si nondum profe6tus est, at * saltem cogi- 
tât. Quid ille cogitet aliud quam bonis alienis 
incubare, fructus diripere, agros vastare, rem 
omnem dilapidare? Non ille ita stultus est, ut 
malit venire ad Caesarem et vincî quam renia- 
nere in Asia et possidere. Qui mos si fuerit in- 
ductus ut defunctorum testamenta ex provin- 
ciis transmarinis Romam mittantur, indignius 
et acerbius testamentorum periculum erit, quam^ 

^ God. ad, — ' Hic et in sequenlibus paulo plura yerba, 
quam nos scripsiuius , sappicnda sunt. 



LETTRES A M. G^SAR. 1 55 

prendre aux fruits^ ^ % et alléguer des malaises. Ce sont là 
des suppositions; pourtant rien de plus réel: car n'est- 
ce pas précisément ce qui arrive dans l'espèce ? Où est 
l'adversaire qui devrait être ici depuis long-temps pour 
commencer les débats? il est en chemin; et sur quel 
chemin enfin ? il vient d'Asie, et il est encore en Asie. 
Grand voyage et fait vite ! est-ce par des navires , des 
chevaux ou des relais publics^ ^^ qu'il fait route avec tant 
de célérité ? Cependant la cause appelée une première 
fois y un délai, Gaesar, t'a été demandé, et il a été ob-^ 
tenu. Là cause appelée une seconde fois , on te de- 
mande une seconde fois un délai de deux mois. Les 
deux mois sont-ils expirés ? oui , aux ides dernières , 
plus quelques jours écoulés depuis. L'adversaire esiril 
enfin venu? s'il n'est pas venu, au moins il approche; 
s'il n'approche pas, au moins il est parti d'Asie; s'il 
n'est pas encore parti , au moins il y pense. Mais à quoi 
pense-t-il, sinon à couver le bien d'autrui, piller les 
fruits , ravager les champs, dilapider toute la succes- 
sion? il n'est pas assez fou pour aimer mieux venir 
devant Gœsar et être évincé que de rester en Asie et 
posséder. Si l'usage s'introduit d'envoyer les testamens 
des provinces transmarines à Rome , le péril des testa- 
mens sera plus indigne et plus fâcheux que ** l'envoi à 
Rome des corps des défunts qui ont testé au-delà des 



* On peut encore ainsi ponctuer : Duo menses exacti sunl idibus 
proximu et dies medii isti aliquot . 

** Les mots en caractère italique sont des restitutions de M. Mai. 



l56 AD M. GJfiSAREM. 

si corpora mittantur defunctorum qui ^ trans ma- 
ria testantur : nam his quidem nulleim fere 
gravius periculum snperveniet, Sepultura cada- 
veribus in ipsîs injuriis praesto est. Sive maria 
naufragos dévorent, sive flumina praecipites tra- 
hant, sive harenœ* obruant, sive ferae lacèrent, 
sive volucres discerpant corpus humanum, sâ- 
tis sepellitur' ubicumque consumitur. At ubi 
testamentum naufragio submersum est, illa de- 
mum et res et domus et familia naufraga atque 
insepulta est. Olim testameuta ex deorum mu- 
nitissimis aedibus proferebantur, aut tabulariis, 
aut (lu)cis, aut archiis, aut opisthodomis : at 
jam testamenta pro(pe) ru\.. navigarint inter 
onera mercium et sarcinas rcmigum. Id etiam 
superest, siquando jactu opus est, ut testamenta 
cum leguminibus jactentur : quin (et naulum) 
constituendum quod^ pro testamentis cxigatur. 
Antehac ^ . . quœ. . . tcnendum, Nam. . . exe. . 
cum.. etiam.. roge.. dotcas.. ent.. item... 

* Abest a cod. (fui, — ' Ita cod. cum adspiratione. — ' Ita 
cod. — * Supple octo fere litteras. — * Supplemcntum et nau- 
lum quod ad codlcis spatium probe ((uadrat certamcpe TÎdetar. 
— ' Ëxin pagina prope intégra legi nequit. 



LETTRES A M. GJESAR. 167 

mers; car pour ceux-là , il ne peut guère arriver rien 
de plus grave. La sépulture est assurée aux cadavres^ 
même dans les injures du sort. Qu'il soit englouti par 
les naufrages des mers , emporté par la violence des 
fleuves, abîmé dans les sables ^^S dévoré par les bêtes 
ou déchiré par les oiseaux, le corps humain est suffi- 
samment enseveli partout où il est consumé; mais lors- 
qu'un testament est englouti dans un naufrage , et la 
succession^ et la maison , et la famille , tout demeure 
naufragé et sans sépulture. Autrefois les testamens 
étaient tirés des demeures inaccessibles des dieux ^^', 
des cabinets des tabellions, des bois sacrés, des archives 
ou des trésors publics; mais aujourd'hui, ils naviguent 
entre les ballots de marchandises et les bagages des 
rameurs; il ne leur reste plus qu'à être jetés à la mer, 
au besoin , avec les légumes , ou à payer un droit de 
naulage pour leur transport 



M. CORNELII FRONTONIS 



epistulj: 



AD M. GJESAREM, 



ET INVIGEM. 



LIBER TERTIUS. 



EPISTOLA I. 

(CjESARI SUO, FRONTO.) 

. . . Oratio, nisi gravitate verborum honesta- 
tur, fit plane inpudens atquerinpudica... Déni- 
que idem tu, quom in senatu vel in contione 
populi dicendum fuit, nullo verbo remotiore 
usus es, nulla figura obscura aut insolenti : ut 
qui scias eloquentiam Gaesaris tubae similem esse 
debere, non tibiarum, in quibus minus est so- 
ni, plus difiicultatis. 



# a»fl » t»<»i»a » »»<»8»i»»»i»8»<»9»o » Q»a»»»<» » »a— »9 » B — i8»8»Q»ai » 8»a»a»t»8»a»t— »■ 



LETTRES 



DE M. C. FRONTO 



A M. C^SAR, 



ET DE M. C^SAR A M. C. FRONTO. 



LIVRE TROISIÈME. 



LETTRE I. 



k SON GiESAR» FRONTO. 



Un discours , s'il n'est relevé par la gravité des pa- 
roles» est un discours impudent et impudique. C'est 
d'après ce principe que lorsque tu as eu à parler de- 
vant le sénat ou dans l'assemblée du peuple , tu n'as 
employé aucun mot recherché» aucune figure obscure 
ou inusitée » en homme qui sait que l'éloquence d'un 
Cœsar doit ressembler à la trompette, non aux flûtes^ 
qui donnent moins de son et plus de peine. 



l60 AD M. CJESAREM. 

EPISTOLA II. 

AURELIUS GJESAR FRONTONI SUO SALUTEM. 

Saepe te mihi dixisse scio, quaerere te quid 
maxime faceres gratum mihi : id tempus nunc 
adest ; nunc amorem erga te meum augere po- 
tes, si augeri potest. Adpropinquat * cognitio, 
in qua homines non modo orationem tuam bé- 
nigne audituri, sed indignatiônem maligne spec- 
taturi videntur. Neque ullum video qui te in 
hac re monere audeat^ : nam qui minus amici 
sunt malunt te inspcctare inconstantius agen- 
tem ; qui autem magis amici sunt, metuunt ne 
adversario tuo amiciores esse videantur, si te 
ab accusatione ejus propria tua' abducant : 
tum autem siquod tu in eam rem dictum ele- 
gantius meditatus es * , per silentium dictionem 
auferre tibi non sustinent. Adeo sive tu me te- 
merarium consultorem, sive audacem pueru- 
lum, sive adversario tuo benivolentiorem esse 
existimabis; non propterea, quod rectius esse 
arbitrabor, pedetemptius tibi consulam. Sed 

^ Ita 2 manu; at i atpropinquat ; ut in cod. de Rep. atpel- 
lat, — * Ita scribitur 2 manu ; at 1 audeant, — * Ita cod. — 
*Cocl. ts. 



LETTRES A M. GJESAR. ]6l 

LETTRE IL 

AURÉLIUS GiESAR A SON FRONTO , SALUT. 

Je sais que tu m'as sourent dit que tu étais à la recher- 
che de ce qui pourrait m^êtrele plus agréable "^i l'occa- 
sion se présente; tu peux aujourd'hui augmenter mon 
amour pour toi^ si toutefois il peut être augmenté. L'au- 
dience approche où l'on paraît disposé non-seulement 
à entendre favorablement ton discours ^^\ mais aussi à 
se faire un malin spectacle de ton indignation, et je ne 
vois personne qui ose te donner d'avis à ce sujet. Car 
ceux qui sont moins amis aiment mieux te voir agir un 
peu légèrement, et ceux qui le sont plus craignent de 
paraître trop affectionnés à ton adversaire , s'ils te dé- 
tournent d'une accusation contre lui qui t'appartient 
bien; ils ne supportent pas, non plus, situ as préparé sur 
ce sujet quelque morceau brillant, l'idée d'être cause, 
par leur silence, que tu ne le prononces pas; pour 
moi , que tu me regardes comme un conseiller témé- 
raire ou comme un enfant bien hardi et trop bienveil- 
lant pour ton adversaire , cela ne mVmpêchera pas de 
te dire tout bas mon conseil sur ce que je croirai le 
plus convenable. Mais que parlé-je de conseil , moi 

* Yoi|à enfin une lettre digne de Marc-Aurèle : c'est peut-être 
une des meilleures de ce recueil. Elle me parait singulièrement spi- 
rituelle. 

1. 11 



l62 AD M. GiESAREM. 

quid dixi consulam ? qui id a te postulo et ma- 
gDopere postulo et mé, si inpetro, obligari tibi 
repromitto. Et dices : quid ? si lacessitus fuero, 
non eum simili dicto remunerabo? At ex eo 
tibi majorem laudem quaeris, si, née lacessitus, 
quicquam responderis. Verum si prior fecerit, 
respondenti tibi utcumque poterit ignosci : ut 
autem non inciperet, postulavi* ab eo, et im- 
petrasse^ me credo. Utrumque enim Testrum 
pro suis quemque meritis diligo : et scio iUum 
quidem in avi mei P. Calyisii domo eruditum, 
me autem apud te eruditum : propterea maxi* 
mam curam in animo meo habeo uti quaiH 
honestissime negotium istud odiosissimum tran- 
sigatur. Opto ut consilium conprobes ; nam to- 
luntatem conprobabis. Ego certe minus sapien- 
ter magis scripsero, quam minus amice tacuero. 
Yale, mi Fronto carissime et amicissime. 

EPISTOLA III. 

DOMINO MEO CJESARI , FRONTO. 

Merito ego me devo^i tibi, merito fructus 
vitœ meae omnis in te ac tuo parente constitui. 

* Cod. postulabi, — * Ita cod. im, at superius in. 



LETTRES A M. GJESAR. l65 

qui demande eeia de toi , et qui te le demande avec 
instance, et qui, si je l'obtiens, promets en retour une 
entière reconnaissance ? Quoi , diras-tu, si je suis pro- 
voqué, je ne le paierai pas des mêmes paroles! Mais 
pour toi , quelle plus belle occasion de gloire que de 
ne point répondre, même provoqué? Il est vrai que si 
c'est lui qui commence , on pourra, jusqu'à un certain 
point, te pardonner de lui avoir répondu; mais je lui 
ai demandé qu'il ne commençât pas, et je crois l'avoir 
obtenu. Car je vous aime l'un et l'autre*, et chacun en 
raison de ses mérites. Je sais qu'il a été, lui, élevé dans 
là maison de Galvisiùs ^^S mon aïeul, et que moi j'ai 
été instruit par tes soins; c'est pourquoi j'ai extrême- 
ment à cœur que cette affaire trop odieuse s'arrange 
bien. Je souhaite que tu approuves ce conseil , car tu 
approuveras l'intention; pour moi, certes, j'aurai 
plutôt montré moins de sagesse en écrivant que moins 
d'amitié en me taisant/ Adieu , mon Frontô, mon très- 
cher, mon très^tendre ami. 

LETTRE III. 

A MON SEIGNEUR GiESAR , FRONTO. 

C'est avec raison que je me suis dévoué à toi , avec 
raison que j'ai placé toutes les jouissances de ma vie en 

* miôffrftttié nous apptend combien M. Aurële eut à souffrir dcT ca- 
ractère d'Hérodès, et avec qaeHe tendresse il loi pardonna ton jours. 



l64 AD M. CJESAREM. 

Quid fieri amicius, quid jucundius, quid ve- 
nus potest? Aufer ista, obsecro, puerulum 
audacem aut temerarium consultorem. Perica- 
lum est plane ne tu quicquam pueriliter in- 
consulte suadeas! Mihi crede, si tu iris; si 
minus, egomet mihi credam, seniorum a te 
prudentiam exsuperari. Denique in isto nego- 
tio tuum consilium canum et grave, meum 
vero puérile deprendo. Quid enim opus est 
aequis et iniquis spectaculum praebere ? Sive sit 
iste Herodes vir frugi et pudicus, protelarei^ 
conviciis talem a me virum , non est yerum * ; 
sive nequam et inprobus est, non aequa mihi 
cum eo certatio , neque idem detrimentum * 
capitur. Omnis enim cum poUuto conplexus, 
tametsi superes, conunaculat. Sed illud venus 
est, probum virum esse qiiem tu dignum tu- 
tela tua judicas. Quod si umquam scissem, 
tum me di omnes maie adflixint, si ego verbe 
laedere ausus fuissem quemquam amicum tibL 
Nunc me velim pro tuo erga me amore, quo 
sum beatissimus, in hac etiam parte consilio 
juves. Quin nihil extra causam dicere debeam. 



^ lu 1 manu ; at a protelari. — ^ Ita cod. pro œquum seu 
rectum ; ut etiam alii auctores loquuntur. — ' Cod. detrimenu, , 
quse scriptura est proxima Tt& detrimenu. 



LETTRES A M* CJESAR. l65 

toi et en ton père. Que peut-on imaginer de plus affeic- 
tueux , de plus doux, de plus vrai? Efiace, je te prie, 
ces mots d'enfant hardi, de conseiller téméraire ! c'est 
bien de toi » vraiment, qu'il faut craindre un conseil pué- 
ril ou imprudent! Crois-moi, si tu veux; sinon, moi, je 
croirai , pour mon propre compte , que tu as surpassé 
toute la prudence des vieillards. Je m'aperçois, enfin, 
que, dans cette affaire, ton conseil est celui d'un homme 
à cheveux blancs, d'un sage, et le mien, au contraire, 
celui d'un enfant*. Qu'est-il besoin, en effet, de donner 
un spectacle aux bons et aux méçhans ? Si cet Héro- 
dès est homme de j&ien et d'honneur, il ne convient 
pas qu'un tel homme soit par moi harcelé de repro- 
ches; mais s'il est méchant et sans probité, la lutte 
n'est pas égale entre lui et moi , et la chance de dom- 
mage à recevoir n'est pas la même; car, à lutter corps 
h corps avec un homme souillé, on se salit, même vain* 
queur. Ce qu'il y a de plus vrai , c'est que celui-là est 
un homme de bien que tu jugeras digne de ta protec- 
tion« Si j'avais pu savoir cela , je veux que tous les 
dieux me punissent si j'eusse osé blesser par un seul 
mot quelqu'un ton ami. Maintenant , en raison de ton 
amour pour moi , qui fait tout mon bonheur , je te 
prierai de m'aider de ton conseil en cette partie même. 
Que je ne doive rien dire , en dehors de la cause , qui 



• Il faut être juste envers Fronto. Sa réponse est pleine d'esprit et 
d'abandon. Sous l'impression d'un sentiment vrai , il est simple et 
naturel , le rhéteur s'est oublié. 



l66 AD. M. GJBSAREM. 

quod^ Herodep laedatS non dubito : md ea 
quae in causa sunt, autem sunt atrocisaima } 
quemadmodum tractem, id ipsum est quod 
addubito et consilium posco. Dicendum est^ 
de hominibus liberis crudeliter verberatis et 
spoliatis, uno Yero etiam occiso : dicendum est 
de fiKo impio et precum* paternarum inme- 
more : saeyitia et avaritia exprobranda : carni- 
fex quidam Herodes in bac causa est constituen- 
dus. Quod si in istis criminibus, quibus causa 
nititur, putes ^ debere me ex summis opibus 
adyersarium urgere et premere, fis^c me, do- 
mine optime et mihi dulcissime, consilii tui cer* 
tiorem. Si vero in bis quoque remittendum 
aliquid putas, quod tu suaseris, id optimum 
factum ducam. Illud quidem, ut dixi, firmum 
et ratum habeto, nihil extra causam de mori- 
bus et cetera ejus vita me dicturum. Quod si 
tibi videbitur servire me causae debere, jam 
nunc admoneo ne me inmoderate usurum qui- 
dem causae occasione : atrocia enim sunt cri- 
mina et atrociter dicenda. Illa ipsa de laesis ' et 
spoliatis hominibus ita a ^ ipe dicentur ut fel et 

^ Ita 1 manu; at 2 quod in. — ^ Cod. ledat, — ^, Est sqperad- 
ditur 2* manu. — ^ God. prœcum. — ^ Ita cod. 2 manu; at i 
putas. — ^ Cod. lesis. — ^ Cod. ad, sed ibidem d dcieia. 



LETTRES Â H. CJB6AB. 167 

puisse blesser Hérodès^ je n^en doute pas; mais les 
&its qui sont dans la cause (et ces iaits sont les plus 
graves), comment les traiterai-je ? c'est là ce qui 
m'embarrasse et sur quoi je te demande conseil. Il 
faut parler d'hommes libres cruellement battus , dé- 
pouillés , et dont un même a été tué. Il faut parler 
d'un fils impie, sans mémoire des prières paternel- 
les*; faire entendre des reproches de cruauté, d'ava- 
rice, et mettre en cause un certain bourreau Hérodès. 
Si, avec de tels griefs qui forment le fond de la cause, 
tu penses que je doive pousser , presser l'adversaire 
de toutes mes forces, fais, seigneur très-bon et si tendre 
pour moi, que je sache ton avis* Si, au contraire, tu 
penses que je doive me relâcher sur quelques points , 
je regarderai ce que tu auras conseillé comme ce qu'il 
y a de mieux à faire. Du reste , comme je te l'ai dit , 
sois assuré , sois persuadé que je ne dirai rien hors de 
la cause sur ses mœurs et le reste de sa vie; que s'il 
te parait que Je doive servir la cause , je t'avertis , 
dès aujourd'hui, que je n'userai pas immodérément 
de l'occasion que me fournit cette même cause; car 
les crimes sont atroces et devraient être traités sans 
piété. Ainsi , ce qui regarde les hommes maltraités et 
spoliés sera dit par moi de manière à sentir le fiel et 
la bile; mais si je dis une espèce de Grec , un ignorant, 

* Noos savons que ce fils était si dépravé 'que son père le prit en 
haine et le déshérita. Philostratus dans sa Vie d'Hérodès nous donne 
des détails qui font parEûtement comprendre cette lettre et h mal- 
heur d'Hérodès. 



l68 AD M. GiËSAREM. 

bilem sapiant : sicubi graeculum et indoctum 
dixero, non erit interneciyum. Yale, Caesar ; et 
me, ut facis, ama plurimum. Ego vero etiam 
litterulâs tuas disamo* : quare cupiam, ubi 
quid ad me scribes, tua manu scribas, 

EPISTOLA IV. 

HATE, DOMINE. 

Clausa )am et obsignata epistula priore, ve- 
nit mihi m mentem fore uti et qui causam hanc 
agunt, acturi autem conpiures videntur, dicant 
aliquid in Heroden inclementius : oui rçi quem- 
admodum me unum putas prospîcére * ? Vale, 
domine , et vive^ ut ego sim beàtus. Acturi yi- 
dentur Gapreolus^ qui nunc abest, et Marcia-* 
nus noster : videtur • etiam Yillianus, 

EPISTOLA V. 

. HAVE, MI FRONTO CARISSIME. 

Jam hinc tibi, mi Fronto carissime, gratias 
ago habeoque, cum consilium meum non tan- 

^ Cod. 'dis, amOj interjecto piincto. — ^ Ita 3 manu; at i 
prospiee. — 'In God. bis scribitur videtur, sed prias deinde ibi* 
dem expungitur. 



LETTRES A M. GJÎSAR. 1 69 

ce ne sera pas dire* un meurtrier. Adieu ^ Gaesar^ et 
aime-moi toujours bien fort» comme tu fais. Pour 
moi 9 il n'y a pas jusqu'à tes petits caractères dont je 
ne sois épris ^; aussi je désire, lorsque tu m'écriras 
quelque chose, que tu l'écrives de ta main. 

LETTRE IV. 

BONJOUR, SEIGNEUR. 

Ma première lettre close et signée , il m'est revenu à 
l'esprit qu'il pourrait bien se faire que ceux qui plai-* 
deront cette cause, et plusieurs la plaideront à ce qu'il 
parait , s'emportent en paroles trop amères contre Hé- 
rodès. Comment crois-tu que je puisse tout seul l'em- 
pêcher ? Adieu, seigneur, vis pour que je sois heureux. 
C'est Capréolus^^^, en ce moment absent, et notre 
Marcianus *'*• qui paraissent devoir plaider ;Villianus *" 
probablement aussi. 

LETTRE V. 

BONJOUR , MON TRÈS-CHER FRONTO. 

C'est à présent, mon très-cher Fronto, que je te 
dois et que je te fais des remercimens; non-seulement 

* M. Mai propose dissuaviavi ou dUsaviari cupio. J'aime encore 
mieux dUamo formé comme discupio , disperco. 



] 70 AD H. G^SAREM. 

tum non répudiait! , sed etiaiîi conprobasti. De 
iis autem quae per litteras amicissimas tuas con- 
sulis, ita existimo : omnia quae ad causam, quaih 
tu egeris * , adtinent, plane proferunda ^ : qua& ad 
tuas proprias adfectiones adtinent, licet justa et 
proYocata sint, tamen reticenda. Ita neque fi- 
dem in negotio pannychio neque modestiam in 
existimatione tua laeseris* ...me ..tis ..lis ceteri 
mihi . . tam . .et dicant quae . . una haec cura maxi- 
me exercet, nequid tu taie dicas, quod tuis 
moribus indignum negotio invite circumstanti- 
bus repraehensibile * videatur esse. Vale% mihi 
Fronto carissime et jucundissime mihi. 

EPISTOLA VI. 

DOMINO M£0. 

Ita faciam, domine, quo...hde nomina; quod 
ad vitam ut te velle intellexero ® . . faciam ; teque 
oro et quaeso ne umquam quod a me fieri vo- 
lueris ...sed ut nunc ..suades, ita ..e umquam 

^ God. mris.. — ^ Ita cod. i manu; at a proferenda. — * De- 
sideranlur pauca yerba in sequentibus lacunis. — * Ita ssope lego 
cmu diphth. in antiquis codd. Tamen in epistuia sequente scri- 
bitur repreh^ndo, — ^ Tota haec clausula scribitor s manu. — 
* Supple unum verbum. Ita et mox inferius. 



LSrrRES A M. GJESAR. 1 7 1 

tu n'a9 pas rejeté mon conseil ^ mais encore tu l'as ap 
prouvé. Quant aux choses sur lesquelles tu me consultes 
par ton aimable lettre, j'estime que tout ce qui tient 
au fond de la cause que tu plaideras doit être dit 
franchement, et que tout ce qui tient à tes propres 
affections y quoique juste et provoqué, doit être tû. 



aie som sur- 
tout de ne rien dire qui soit inconvenant pour ton ca- 
ractère, et qui puisse paraître répréhensible à ceux qui 
t'entendront. Adieu , mon très-cher, mon très-aimé 
Fronto. 

LETTRE YI. 

A MON SEIGNEUR. 



172 AD M. GiSSAREM. 

adversus yolnntatem tuam quicquam inci^Ham. 
Malim etiam* ...causa sunt, singillatim sunt. 
Ut Ciceronîs modum proferamus. Nam cum în 
tantulum^ id* consultum cogunt versu cupîo, 
praesertim qu * . . . sed pugna mî. . hoc modo tran- 
sigi possit. Quod si agemus perpetuis orationi- 
bus, licet extra causam nihil progrediar, tamen 
et oculis acrioribus et voce vehementi et verbis 
gravibus utendum.. autem.. hinc digito irato 
quod.. hominemtuum... Sed difficile st' ut is* 
tud ab eo inpetrari possit : dicitur enim cupi*- 
dine agendi flagrare. Nec reprehendo tam^ci ne 
hoc quidem se., ne tibi ipsa illa.. in causa ..nt 
infestius pro.. videatur. Verum et ipse suades 
in primis fidei parendum : et si armis vel pa- 
laestrica ' hidas, ne has quidem ludicras exer- 
citationes sine contentione confici posse.. et..' 
et., facundior.. laudavi beatius opicum tuum. 



* Supple duos prope versas. — ^ Dubitabam num iu codice 
esset infantuium an in tantulum, — ' Ita cod. 2 manu id; at 1 
veL — * Hic et in sequentibus pauca Terba desiderantur. — ^ It^ 
cod. cum aphsresi, ut saspe in codice Giceronis de Rep. Tameà 
a manus fecit est, — * God. palettrica. 



LETTRES A M. GJESAR. I70 



Que si nous en venons encore aux étemels discours 
sans rien dire qui soit en dehors de la cause^ je ne 
laisserai pas de faire usage d'un regard perçant^ d'une 

voix forte et de paroles austères 

• • . . Mais il est difficile que tu puisses Tobtenir de 
cet homme » car on le dit consumé de la passion de 
plaider 

. . • Il faut y dis-tu, 

et c'est ton conseil , il faut ohéir à la foi qu'on a don- 
née» mais quand tu t'exerces aux armes ou à la lutte, 
ne peut-il pas bien se faire que , même à ces frivoles 
exercices , quelque chicane s'élève * ? 

* Malgré les mutilations de cette lettre, on Toit son rapport avec 
les lettres précédentes, et on remplit aisément par la pensée ses cinq 
ou six lacunes. 



1 74 ^^ ^' GifiSAREM. 



EPISTOLA VII. 



MAGISTRO MEO. 



Quom tu quiescis et quod commodum vale- 
tndini sit facis, tuin me recréas. Et libenter et 
otiose âge. Sentio ergo recte fecisti , quod bra- 
chiô curando operam dedisti. Ego quoque ho- 
die a septima in lectulo nonnihil legî : lïsaû 
eUévaç decem ferme expedivi. Nona te socium 
et optionem mihi sumo : nam minus secunda 
fuit in persequendo mihi. Est autem quod în 
insula iBnaria intus lacus est : in eo lacu alia 
insula, et eo quoque inhabitatur. ÉvOe^ puftv' 
d' dxôva ttoioûfAcv. Yak, dukissima anima. Domina 
mea te salutat. 

# 

EPISTOLA VIII. 
DOMINO MEO. 

Imaginem, quam te quaerere ais, meque tibi 
socium ad quaerendum et optionem' sumis, 
num moleste feres si in tuo atque in tui patris 

^ Ita lego in cod. — ^ Ita légère mihi videor. — 'In cod. per 
b, quum paolo faerit per p. 



LETTRES A M. GJESAR. 1 76 



LETTRE VII. 



A MON MAITRE. 



Lorsque tu te reposes et que tu fais tout ce qui con- 
vient à ta santéy c'est alors que tu me rends heureux. 
Agis à ta guise et à ton aise. Mon avis est donc que 
tu as bien fait de donner tes soins à la guérison de 
ton bras. Pour moi^ j'ai assez lu aujourd'hui dans 
mon lit depuis la septième heure » car j'ai àcberé 
presque dix images ; quant à la neuvième , je té ré- 
clame pour mon associé et mon option*; car j'ai été 
moins heureux à la recherche de celle-là. En voici le 
sujet : Au milieu de l'île iEnaria est un lac » et dans 
ce lac une autre île, laquelle est aussi habitée; tirons 
de là une image. Adieu, très-douce âme; ma sou- 
veraine te salue. 

LETTRE VIIL 

A MON SBIGNE1IR. 

Cette image que tu dis chercher, et pour la récher- 
che de laquelle tu me réclames comme ton associé et 
ton opti(m , serM^ta fôdbé ti je la trouve toute formée 

* tj option était le lieutenant du centurion : chaque centurion en 
choiôssait deux. TrtB-LrrB, Ht. YIII , et Pestob. 



1 76 AD M. GiSSAREM. 

sinu id fictum* quaeram? Ut illa in mari lonio 
sive^ Tyrrenico, sin' vero potius in Hadriatico 
mari y seu^ quod aliud est mare, ejus nomen 
maris addito. Igitur ut illa in mari insula JEnar 
ria fluctus maritimos ipsa accipit atque propul- 
sât, omnemque vim classium, praedonum , bel- 
luarum % procellarum ipsa perpetitur; intus au- 
tem in lacu aliam insulam protegit ab omnibus 
periculis ac difficultatibus tutam , onmium Tero 
deliciarum, voluptatumque participem. Nam- 
que illa intus in lacu insula aeque undis allui- 
tur% auras salubris aeque accipit, habitatur 
œque, mare œque prospectât. Item pater tuus 
imperii romani molestias ac difficultates ipse 
perpetitur, te tutum intus in tranquUlo rinu 
suo socium dignitatis gloriae bonorumque om- 
nium participem tutatur. Hac imagine multi- 
modis uti potes ubi patri tuo gratias âges, in 
qua oratione locupletissimum et copiosissimum 
te esse oportet. Nihil est enim quod tu aut ho- 
nestius aut verius aut libentius in omni ^ita tua 
dicas, quam quod ad omandas patris tui lau- 



^ God. 1 manu futur um; 3 fietum aut faetum. — ' God. 1 
manu sine, — ' God. 2. manu êive, — * God. seqaod, tam Tide- 
tur factum seu quod, — ^ God. veluarum, Gonfer Gic« de Rep. 
UI , II , cam additamentis. — ' Ita a manu ; at 1 alitur. 



LETTRES A 31. C^SAR. 17^ 

dans ton sein et dans celui de ton père. De même que 
dans la mer Ionienne, ou Tyrrhénienne , ou plutôt 
dans la mer Adriatique , ou toute autre mer que je te 
laisse à nommer, de même, dls-je, que dans cette mer 
Fîle d'iEnaria* reçoit et repousse les vagues marines, 
et soufirc tous les assauts des flottes , des brigands , 
des bêtes féroces et des tempêtes, tandis qu'en son sein, 
dans un lac, elle protège une autre île contre tout pé- 
ril et tout outrage, et lui fait partager ses délices et ses 
voluptés: car cette île intérieure, au milieu de son 
lac, est, comme elle, baignée par les ondes; reçoit, 
comme elle, la douce haleine des vents; est, comme 
elle, habitée, et jouit, comme elle, de la perspective 
des mers. Ainsi ton père supporte toutes les charges 
et ioutes les peines de l'empire romain, et t'assure le 
repos au-dedans de lui, en son tranquille sein, t'associe 
à sa dignité, à sa gloire, et te fait entrer en partage 
de tous ses bi^s^*. Cette image, tu pourras t'en ser- 
vir en plusieurs occasions, lorsque tu rendras des 
actions de grâces à ton père, ou bien dans un discours 
où il te faudra répandre toutes les richesses et tous les 
omemens; car il n'est rien dans toute ta vie que tu 
désires avec plus de bienséance , de vérité , et de 
meilleur cœur, que ce qui tendra à rendre plus bril- 
lant l'éloge de ton père. Après cela, quelle que soit 

* Ltle d'iEnaria , dans le golfe de Pouzzole , avait reçu son nom 
d'Enée , qoi y aborda en arrivant dans le Latium : on l'appelle au- 
jourd'hui Ischia. 

** On voit à la marge qu'un autre manuscrit porte ici Honorum, 

1. 12 



I "jS AD M. GiESAR£3r. 

des pertinebit. Po8tea ego quamcumque eix^* 
hue addidero, non ^que plaeebit tibi, ut haec 
quae ad patrem tuuin pertinet : tam hoc dcio 
quam tu novisti^. Quam ob rem ipse aliam 
eUéva liuUam adiciam, sed rationem qua tute 
quaeràs ostendam. Et amem te ^ ; tu quas eluéva^ 
in eandem rem demonstrata* ratione quaesîve- 
ris et inveneris, mittito mihi; ut, si fuerint sci- 
tae atque concinnae^ gaudeam. 

Jam primum quidem illud sois, eUàva, ci rei 
adsumi ut aut omet quid, aut deturpet, aut 
aequiperet, aut deminuat, aut ampliet, aut ex 
minus credibili credibile efficiat» Ubi nihil eo* 
rum usus erit, locus etxôvo^ non erit. Postea ubi 
re proposita imaginem ^ scribes, ut si piugeres, 
insignia ^ animadverteres e)us rei cu)us imagi- 
nem pingeres; item in scribendo faciès. Insiguià 
autem oujusque rei multis modis eliges, td 
ofxoyevfij toc ofjLoeiirï, rd okx^ xd (xépy}, xd îiia^ yd 
iiacfopa^ zd avTtxeîfjLeva , rà èT:6yLeva naï TrapoxoXou- 
Oovvza , zd ov6[iax(x. ^ , xd ox^fxjSejSyîxéTa , xd CTOi^jeîa , 
et fere omnia ex quibus argumenta sumuntur : 

^ Cod. tx^va. — ^ Verba tam hoc scio quam tu novisti addantur 
secuuda manu. — ' Verba et amem te addunlur seconda manu , 
scUîcet pro amabo te. — * Cod. demonstra, — ^ Cod. ei pro i. 
— ® Cod. insigni ob sequentem a. — ' Posl èvi/Aarcc scribitur in 
codico oco/90, tum deletur. 



LETTREE A M. CiESTAR. 1 79 

rimage que j'ajoute , elle ne te plaira pas autant que 
celle-ci 9 qui se rapporte à ton père ; je sais cela comme 
toi : c'est pourquoi je n'en ajouterai point d'autre* 
Mais je rais te montrer comment tu pourras eu trouver 
toi-même , et je t'aimerai bien si tu* m'enroies toutes 
les images que cette méthode t'aura offertes et fournies, 
afin que je me réjouisse si elles ont de la justesse et de 
la grâce. 

Tu sais d^abord qu'une image s'emploie ou pour 
embellir une chose, ou pour l'enlaidir, ou pour l'é- 
léver, ou pour la rabaisser, ou pour l'amplifier, ou 
pdur la rendre croyable de moins croyable qu'elle 
était. Lûrsqu'aucune de ces conditions ne se présente, 
il n'y aura pas lieu à image. Ensuite quand , sur un 
sujet donné, tu écriras une image, de même que, si lu 
peignais , tu obseryerais tous les traits qui caractérisent 
l'image que tu veux peindre, ainsi feras-tu en écrivant. 
Or tu pourras choisir tour à tour entre ces différons 
traits * les similitudes de fond, les similitudes de forme, 
l'ensemble, les parties, les caractères propres, les diffé- 
rences, les contraires **, les conséquences, les analogies, 
les mots, leurs attributs, leurs élémtns, et tout ce qui 
nous sert à trouver des argumens. Tu en as souvent 

* FVoDto èiiomdré ici presque tous le» /ceifo» !nirinsèque$ ; ils for- 
ment avec les lieux extrinsèques le répertoire des lieux communs, si 
chers aux rhéteurs Grecs et Romains. 

*• Au tfttjet des contraires, Aristote donne ce conseil qui a fait 
fortune : « Sî on t'allègue les lois, invoque la nature; si on t'allëgue la 
» nature , invoque les lois. » 



l80 AD M. G^.SAREM. 

de quibus plerumque audisti cuiîi Beoidypov lo. 
C08, èiiixeipriiiccToc , tum * tractaremus. Eorum si- 
quid memoriae tuae elapsiim est, non mutile 
erit eadem nos denuo detractare. Tibi tempus 
aderit in hac eUéve^, quam de pâtre tuo teque 
depmxi iv rt twv o^>(JLj3ej3y}xÔTû)v ^ , eXajSov ro Sfwiov rîiS 
cli<7(fock£iaÇ ytaï zriÇ ocno'kaiKTecùÇ. Nunc tu per hasce 

yias ac semitas, quas supra ostendi, quae(res] 
quCo]nam modo .£nariam commodissime ve- 
nias. Mihi dolor cubiti haud multum sedatus 
est. Yale, domine, cum ingenio eximio. Domi- 
nae meae matri tuae die salutem. T-nv âè Sknv xm 
ûY,àv(ùv t6(xv)y]v alias diligentius et subtilius per^ 
sequemur ; nunc capita rerum attigi. 

EPISTOLA IX. 

HAVE, MI MAGISTER OPTIME. 

Scio natali die quoiusque pro eo quoius is 
dies natalis est, amicos vota suscipere ; ego ta- 
men quia te juxta ac* memet ipsum amo, volo 
hac die, tuo natali, mihi bene precari^ Deos 

^ Ita cod. Videtur autcm dîcendum iTrcxcc^vi/ttàraiy traetaremut, 
— ^ Notemns sextum casum litteris graecis scriptum. — ' God. 
ru/A€c6v]xér6i»v. — * Cod. aut. — * Cod. prœcari. 



LETTRES A M. C^SAR. l8l 

entendu parler quand nous ^^^ nous occupions en- 
semble des lieux communs de Théodorus. Si quelques- 
unes de ces notions te sont sorties de la mémoire^ il ne 
sera pas inutile que nous y revenions une seconde fois. 
Tu pourras t'en servir en traitant cette image que je 
t'ai donnée à faire sur ton père et sur toi; car je n'ai 
pris du sujet que son rapport avec ta sécurité et ton 
bonheur. Quant à présent ^ tu chercheras comment, 
par les routes et les sentiers que je t'ai indiqués plus 
haut, tu pourras arriver le plus commodément à JEnsL- 
ria. Ma douleur au coude n'est pas diminuée de beau- 
coup. Porte-toi bien, seigneur, avec ton beau génie. 
Saltie pour moi ma souveraine, ta mère. Une autre fois , 
nous approfondirons avec plus de soin et de recherche 
toute la science des images; je n'ai fait aujourd'hui* 
qu'effleurer le sujet.. 

LETTRE IX. 

SALUT, MON TRks-BON MAITRE. 

Je le sais , il est d'usage au jour anniversaire de la 
naissance d'un ami de faire des vceux pour lui *; moi 
cependant qui t'aime comme moi-même, je ne veux, 
dans ce jour de ta naissance, prier que pour moi. J'im- 



* Gensoriniis , ch. II , semble avoir imité cette lettre : Nanc quo- 
niam de die natali liber inscribitur, a votis auspieia sumantur. On 
trouve une autre imitation au ch. III. 



l82 AD M. G^SAREM. 

igitur onmb, qui usquam gentium vim sumd 
praesentempromptainque^ homînibus praebent, 
qui vel gomniis^ vel mysteriis vel medicina yel 
oraculis usquam juvaat atque poUent; eorum 
deorum unumquemque mîhî votis advoco, uie- 
que pro génère eu jusque voti în eo loco consti- 
tue, de quo deus ei rei praeditus facilius exau- 
diat. Igitur jam primum Pergamei* arcem 
ascendo et ^sculapio supplico, uti valetudineni 
magistri mei beue temperet vehementerque tuea- 
tyr. Inde Athenas degredior, Minervam genibus 
nixus obsecro atque oro, siquid ego umqu^m 
litterarum sciam, ut id potissimum ex Fronto* 
nis ore in pectus meum commigret. Nune redeo 
Romam, deosque yiales et promarinos votis in- 
ploro, ut mihi omne iter tua praesentia comita- 
tum sit, neque ego tam saepe tam saevo deside- 
rio fatîger. Postremo omnis omnium populo- 
rum praesides deos, atque ipsum lucum\ qui 
Gapitolium montem strepit, quaeso tribuat hoc 
Qobis, ut istum diem, quo mihi natus es% te- 
cum, firmo te laetoque, concelebrem. Vale, mi 
dulcissime et carissime magister. Rogo, corpus 



* Cod. quem pro que, — ^ Ita 2 manu ; at 1 somnis, — ^ lia 
cod. e littera super i addita. — * Cod. iocum, — ^ Cod. est, sed 
t ibidem expuncta. 



LETTRES A M. C^SAR. 1 8o 

plore donc tous les dieux qui , par le monde» rép^p- 
dent sur les hommes leur salutaire et visible influence, 
les dieux tutélaîres et puissans des songes , des mys- 
tères , de la médecine et des oracles. J'invoque cha- 
cune de ces divinités à son tour; et, selon la nature de 
mon vœu, je me trans^rte par la pensée au lieu même 
où le dieu consacré *^^ à l'objet de ma prière pour- 
ra m'entendre plus facilement. Et d'abord je monte à 
la citadelle de Pergame; là, je supplie ^Esculapius 
d'entretenir avec soin la santé de mon maître, et de le 
mettre sous son efficace protection. De là je descends 
à Athènes, et je conjure Minerva; je lui demande à 
genoux que, si jamais je fais quelque progrès dans les 
lettres, ce soit aux leçons de Fronto que je le doive. 
Puis je reviens à Rome, et j'implore les dieux des 
chemins * et des mers pour que ta présence soit la 
compagne de tous mes voyages, et que je n'aie plus si 
souvent h m'affliger du cruel regret de ton absence. 
Enfin je m'adresse à tous les dieux protecteurs de tous 
les peuples, à ce l>ois sacré, qui frémit ** sur la mon- 
tagne du Capitole ; je leur demande la grâce de célé- 
brer avec toi le jour où tu es né pour moi , et d'avoir 
h me réjouir de ta santé et de ton bonheur. Adieu, 
mon très-doux et très-cher maître; je t*en prie, soigne- 



* Deos viaics se trouve dans le Mercator de Plaute; quant au mot 
proHuarinoi, fe ne Tai rencontré nulle part, et le crois tout nou- 
veau. 

** Tite-Live s*est déjà servi de strepU avec l'accusatif liv. il , 
oh. 45. 



1 84 AD M. CJESAREM. 

cura, ut quom venero videam te. Domina mea 
te salutat. 

EPISTOLA X. 

DOMINO M£0. 

Omnia nobis prospéra sunt, quom tu pro 
nobis optas : neque enim quisquam dignior 
alius te, qui a db quae petii impetret; nisi quod 
ego cum pro te precorS nemo alius te dignior 
est pro quo impetretur\ Vale, domine duicia- 
sime. Dominam saluta. 

EPISTOLA XL 

DOMINO MEO. 

Gratia ad me heri nocte venit. Sed pro Gra- 
tia mihi fuit, quod tu gnomas egregie conver- 
tisti : hanc quidem, quam hodie accepi, prope 
perfecte ; ut ^ poni in libro Sallustii possit , née 
discrepet aut quicquam decedat. Ego beatus, 
hilaris, sanus, juvenis denique fio, quom tu ita 
profîcis. Est grave quod postulabo; sed quod 

* Cod. prœcor. — ^ lia cod. per im; al paulo antc per in. 



LETTRES A M. CJESAR. 1 85 

toi bien» et que je puisse te voir en arrivant. Ma sou- 
veraine te salue. 



LETTRE X. 

A MON SEIGNEUR. 

Tout nous est prospère lorsque tu fais des vœux pour 
nous. Et en effet nul autre ne mérite plus que toi d'ob- 
tenir des dieux ce que je leur ai demandé , si ce n'est 
pourtant» lorsque je prie pour toi, que nul autre ne 
mérite davantage que la prière soit accomplie. Adieu, 
seigneur très-doux , salue la souveraine. 

LETTRE XI. 

A MON SEIGNEUR. 

Hier, à la nuit, Gratia m'est venue voir. Mais ce qui 
a été pour moi une Gratia* , c'est que tu as traduit fort 
bien ces maximes **®y et notamment celle que j'ai reçue 
aujourd'hui; elle approche de la perfection , si bien 
qu'elle se pourrait mettre dans le livre de Sallustius, 
où elle ne ferait ni dissonance ni disparate. Vraiment 
je suis heureux, gai, bien portant, je rajeunis même 
à te voir faire de tels progrès. Il est un exercice pé- 
nible que j'exigerai de toi; mais, quand je me rappelle 

* Grctia ad me venit; sed pro Gratia mlhi fuit, est un j(*u de uiots 
qu'il est impossible de tradiiir(\ 



l86 AD M, C^SAHEM. 

ipse mibimet' profutsse memini, non potest' 
quin a te quoque' postulem. Bis et ter eandem 
convertito, ita ut fecisti in illa gnome brevicu- 
la. Igitur longiores quoque bis ac ter con verte 
naviter, audacter : quodcumque ausus fueris, 
cum isto ingénie perficies. At enim cum labore 
laboriosum quidem negotium concupisti, «ed 
pulcrum'^ et re(ctum) et paùcis impetratum. 
De\, in me re,. fabula d.\ perfecte absolbe- 
ris^ Plurimum tibi in oratione facienda<.«. tum 
certe quidem cottidie, . . ex Jugurtha aut ex Ga- 
tilina. Diis prqpitiis quom Romam reverteris, 
exigam a te de(nuo ver) sus diurnos. Dominam 
matrem tuam saluta. 

EPISTOLA XII. 



MAGISTRO MEO. 

V 



Duas p^ id tempus epistulas tuas accept. 
Earum altéra me increpabas, et temere senten- 
tîam scripsisae arguebas : altara vero tuere stu- 
dium meum. Laudet ^ te Bains. Adjuro tamen 

* Cod. mihi et. — ^ Ita cod. potest absolute. — * God. quod- 
que. — ^ Ita cod. sine A. — ^ In sequentibus lacunis haud mnlta 
verba perierunt. — * Ita cod. pro absolveris, — ' Cod. laudent. 



LETTRES A M. C^SAR. 187 

qu'il m'a servi à moi-ioeme , il o'eët pas possible que 
je ne Texige pas aussi de toi. Traduis la même maxi- 
me deux et trois fois comme tu as fait pour cette courte 
maxime; les plus longues aussi traduis-les deux ou 
trois fois soigneusement , hardiment : tout ce que tu 
oseras avec un esprit comme le tien, tu l'accompliras. 
En effet , tu as désiré achever à force de labeur une 
œuvre laborieuse, mais belle, noble, et qu'il fut donné 
à peu d'atteindre 



Lorsque, par la faveur des dieux , 

tu fieras de retour à Rome , j'exigerai encore de toi 
des vers tous les jours. Salue la souveraine ta mère. 



LETTRE XII. 



A MON MAITRE. 



J'ai reçu deux lettres de toi à la fois : dans l'une tu 
m'adresses des reproches , tu m'accuses d'avoir mal 
exprimé une pensée; dans l'autre tu encourages mes 
études ****, Que Raius fasse ton éloge I — Eh bienl je 



* Fronto faisait faire à Marcus des extraits des poètes , des ora- 
teurs et des historieas ; le manuscrit nous en a conservé du Gatilina , 
du Jugurtha , et des histoires de Salluste. On peut les ¥oir dans le 
second volume ; Us sont horriblement mutilés , et ne donnent qu'un** 
seule leçon nouvelle. 



l88 ' AD M. C^SAREM. 

tibi meam, medematris, tuam salutem, mihi plus 
gaudii in animo coortum esse illîs tuis prîori- 
bus litteris ; me saepius exclamasse mter legen- 
dum. O me felicem ! Ita ne dicet aliquis feKcem 
te, si est qui te doceat quomodo yvwfxyjv soUer- 
tius, dilucidius, brevius, politius scribas? non 
hoc est quod me felicem nuncupo. Quid est 
igitur? quod verum dicere ex te disco*. Ea res 
verum dicere prorsum diis hominibusque ar- 
dua : nuUum denique tam veriloquum oracu- 
lum est quin aliquid ancipitis vel obliqui yel 
inpediti habeat, quo inprudentior inretiatur. 
Et^. olunt captiosum dictum opinatus captto- 
nem post tempus ac neget.. sen.. tua., a tan- 
tum. . errore quantum. . atius u. . confestim ip- 
sam.. am ostendunt sine fraude et inventis 
verbis. Itaque haberem et tibi gratias agerem 
sive... simul et audire verum me doces. Du- 
plex igitur.. ne valeam set re quom tibi.. exp.. 
nisi.. qui sint.. tamen mihi minorem gloriam 
tum.. die., vacui (l)icuit me., beneet.. excer- 
pere. . paulatim. . n mi. . est enim. . qui. labo- 
rem hic rect. . oria per. . . Vale mi. . ne. . et op- 



^ Verba ex te disco scribuntur posteriore manu. — 'In sec[aen- 
tibus lacunis usque ad epistulsB finem periit paginœ pars minus 
dimidia. 



LETTRES A M. GJESAR. 189 

te le jure sur ma vid, sur celle de ma mère, sur la 
tienne, la première de tes lettres m'a mis plus de joie 
dans Tâme. Je me suis écrié mille fois en la lisant : O 
que je suis heureux ! Eh quoi ! me dira-t-on , heureux 
qu'un maître t'enseigne à rendre une pensée avec plus 
d'art, de clarté, de précision ou d'élégance? Non , ce 
n'est point à ce titre que je suis heureux. Et auquel 
donc? J'ai appris de toi à dire la vérité, la vérité, cet 
écueil des dieux et des hommes. En effet, quel oracle 
si vrai qui n'offre un doute, une obscurité, un piège, 
où l'imprudence s'embarrasse et se perd? 



igo AD M. CJESAHElff. 

time.. optime orator sic m., venisse gaudeo. 
Dominai mea te salutat. 

EPISTOLA XIII. 

DOMINO M£0. 

Quod poetis concessum est 6vQ\uxxoTcoi£i)f (verba^ 
noYà fingere ] , qUo facilius quod dentiunt expri^ 
mant, id mihi necessarium est ad' gaudîtim 
meum expromendum. Nam solitis et usitatis 
yerbis non sum contentus: ita a(man)tius gau- 
deo, quam ut sermone volgato signîficare laeti- 
tiam animi mei possim; tôt mihi a te in tam 
pau(cis diebus) epistulas scriptas, easque tam 
eleganter, tam amice, tam blande, tam effuse, 
tam fraglanter conpositas; cum clam tôt negotiis, 
quot * officiis, quot * rescribendis per provincias 
litterîs destringerere ^ At enim proposueram; 
nihil enim mihi a te occultum aut dissimuia- 
tum retinere fas est; ita, inquam, proposueram 
vel desidiae culpam a te subire rarius scribendo 
tibi, potius quam te multis rébus occupatum 



* Cod. bis verba, — ^ Cod at, — * Cod. quod» — * God. quod, 
Nufn Utroque loco scribendum tôt? — ^ fta cod. 3 manu; at i 
desiringere. 



LETTRES A M. GiESAR. }yi 



LETTRE XÏIÏ. 



A MON SKI6NEVR. 



Le privilège accordé àux poètes de faire des onoma- 
topées* (de créer de nouveaux mots) pour exprimer 
\evun pensées^ me devient nécessaire pour reildre ma 
joie; car les termes ordinaires et usités ne me satisfont 
point. C'est si bien par excès d'amour que je me ré- 
jouis que je nd puis avec la langue usuelle exprimer 
l'allégresse de mon cœur. En si peu de jours^ tant de 
lettres de toi à moi , et des lettres écrites avec tant 
d'élégance, tant' d'affection , tant de bienveillant, 
tant d'abandon, tant de chaleur, tandis que, au fond, 
tu étais absorbé par tant de devoirs, d'affaires et 
de rescrits à envoyer dans les provinces I Cependant 
j'étais décidé , car je ne dois rien avoir de caché ou 
de dissimulé pour toi, j'étais décidé, en t'écrivaAt 
moind souvent, à subir de ta part jusqu'au reproche 
de paresse pldtôt que d*àggraver, par mes lettres , le 



* Ces vers d'Horace sont dans toutes les mémoires : 

Si forte necesse est 
ïndieiis fiUnulratt reccntibus àbdita rériim, 
Fingere emctutis non exaudita Cethegis, 
Continget, dabiturque iicentia iumpta pudentcfé,. 



ig2 AD M. G^SAREM. 

epistulis meis onerarem, et ad rescribendum 
provocarem ; quom tu cotidie ultro scripsisti 
mihi. Sed quid dico* cotidie? ergo jam hîc mihi 
ovoiiaTOTcoiiaç ^ opus est. Nam cotidie foret, si sin- 
giilas epistulas per dies singulos scripsisses; 
quom vero plures epistulae sînt quam dies, ver- 
buni istud cottidie^ minus significat. Nec est, 
domine, quod mihi tristior sis, cur omnino. ve- 
ritus sim ne tibi litterae meae crebriores oneris * 
essent : nam quo mei amantior es, tanto me la- 
borum tuorum parciorem, et occupationum 
tuarum modestiorem* esse oportet. 

Quid est mihi osculo tuo suavius? ille mihi 
suavis odor, ille fructus in tuo collo atque os- 
culo situs est. Adtamen' proxime cum proficis- 
cérere, cum jam pater tuus vehiculum con- 
scendisset, te salutantium et exosculantium 
turba diutius morareretur, prope fuit' ut' te 
solus ex omnibus non conplecterer nec exoscu- 
larer. Item in ceteris aliis rébus omnibus, num- 
quam equidem mea commoda tuis utilitatibus 
anteponam ; quin , si opus sit, meo gravissimo 
labore atque negotio tuum levissimum otium 

* Cod. quod ego, saltem i manu. — ^ God. ^vo/Aocro?rotoc$. — 
^ Ita cod. , at alibi per unicam *. — * Ita cod. , non (meri. — 
* Cod. modestiorum, — ' Ita cod. — ' Cod. profuit , quam Icc- 
tionem ita emendare ausus sum. — ^ Cod. et. 



LETTRES A M. GJSSAR. IQ5 

poids d'occupations dont tu es surchargé , et de 
te provoquer à me répondre^ lorsque de toi-même tu 
m'as écrit tous les jours. Mais^ que dis-je, tous les 
jours? c'est ici pour le coup que j'ai besoin à^onoma- 
topée; car ce serait tous les jours, si tu n'avais écrit 
qu'une lettre par jour; mais comme il y a plus de 
lettres que de jours , le mot tous les jours est insuffi- 
sant. Il n'y a pas de quoi te fâcher, seigneur» si j'ai 
craint que mes lettres trop fréquentes ne te fussent à 
charge; car plus tu me montres d'affection , plus je 
dois être avare de tes travaux et ménager de tes oc- 
cupations. 

Quoi de plus suave pour moi que ton baiser? Ce par- 
fum suave, ce fruit*, c'est sur ton cou , c'est dans ton 
baiser qu'ils résident pour moi. Dernièrement néan- 
moins, lorsque tu partais, lorsque déjà ton père était 
monté en voiture, que tu étais retenu par la foule do 
ceux qui te saluaient, qui t'embrassaient , il s'en est 
peu fallu que , seul de tout ce monde, je ne t'aie ni 
embrassé nibaisé.Demême que, en toute autre chose, 
jamais je ne préférerai mes aises à tes intérêts , je ra- 
chèterais même, s'il en était besoin, au prix du plus 
pénible, du plus long travail, ton plus léger repos. Pen- 



* Ces expressions rappellent à M. Mai les images orientales de la 
Bible: Imae, après avoir embrassé Jacob, le bénit et dit : Le parfum 
de mon fiis est semblable au parfum d'un champ fertile que le Seigneur 
a béni : EÙXéynvs^f oivràv xocl tiniv iSob ^9/a9) rou uloQ /aov, ws ^«t/a^i «y pou 
nXihpo»ç, ov cùA^ffSv Kùpioç. 6en., ch. 27. 

I. i3 



194 , ^^ M* GiESAREM. 

rediniam. Igitur cogitans quanUim ex episttilis 
scribendis laboris caperes, proposueram parcius 
te appellare ; qiiom tu cotîdie scrîpsisti mihi : 
quas ego epîstulas quom accîperem, simile pa- 
tiebar quod amator patîtur, qui delicias suas 
videat currere ad se per iter asperum et perîcu- 
losum. Namque is simul advenientem * gaudet, 
simul periculum veretur*. Unde displicet mihi 
fabula histrionibus celebrata, ubi amans aman- 
tem puella juvenem nocte lumine accenso stans 
in turri natantem in mare* opperitur. Najn ego 
potius te caruero, tametsi amore tuo ardeo, 
potius* quam te ad hoc noctis natare tantum 
profundi patiar; ne luna occidat, ne ventus 
lucemam interemat ^ , ne cpiid tibi ex frigore in- 
pliciscar; ne fluctus, ne vadus, ne piscis aliquo 
noxsit*. Haec oratîo amantibus decuit, et me- 
lior et salubrior fuit ; non alieno capitali peri- 
culo sectari voluptatîs usuram brevem ac pœm- 
tendam. Nunc ut a fabula ad verum convertar, 
id ego non mediocriter anexius eram ne ' ne- 
cessariis laboribus tuis ego insuper aUquod** 

*■ Ita légère mihi irideor potias quam adveniente, — ^ Ood. 
veneretur, — ' Ita cod. — ^ Ita îq cod. repetitor potius, — ^ Ita 
cod. — 'Ita cod. — ^ lu cod. desideratur ne , utpote absorptam 
a sequeote. -^ ^ God. i manu aliquo; 2 aliquod. Sic non semel 
apud Gic. de Rep. quod pro quid. 



LETTRES A M. GiBSÀR. 196 

«aat doac combien tant de lettoes à écrire te coûttienjt 
de peine, j|e m'étais proposé d'être plus sobre en pro- 
vocations avec toi, lorsque tu t'es mis à m'^crire tous le^^ 
jours. Aussi lorsque je recevais ces lettres, je soui&ais 
tout ce que souffre un amant qui voit courir à lui ses 
délices par un chemin rude et périlleux; en effet, s'il 
se réjouît de la voir arriver, il tremble en même temps 
de son danger. De là vient que je n'aime point du tout 
cette fable, jouée par nos histrions, dans laquelle, pen- 
dant la nuit, debout sur une tour avec un flambeau allu- 
mé, une jeune amante attend son jeune amant qui tra- 
verse la mer à la nage; car j'aimerais mieux être privé 
de toî, quoîcpie je t'aime ardemment, que de te voir 
«nsi, ianuit, nager sur de telles profondeurs*. J« trem- 
blerais que la lune ne défaillît, que le vent n'éteigntt 
le fanal, que le moindre froid n'engourdit tes mem- 
bres ; qu'une vague, un banc de sable, un poisson ne 
te fût fatal. Une leçon plus convenable, meilleure et 
plus salutaire à donner à ceux qui aiment est de ne pas 
chercher, au péril de la vie d' autrui, un plaisir court 
suivi du repentit. Maintenant^ pour revenir de la fable 
k la vérité, je n'étais pas médiocrement agîié fat la 
crainte d'opter à tes occupations 4ndis]^nsabl6« an 

* On connaît les vers de V Anthologie traduits par Martial : 

Cum petêret dulces audax Leandrus amores , 
Et ftitus tumîdUjam premeretur aquis,,.,. 

Et l'on sait par cœur l'imitation de Voltaire. 



1^6 AD M. C^SABEM. 

molestiae atque oneris inponetem, si praeter eas 
epistulas, quas ad plurimos necessario munere 
cotidie rescribis, ego^ quoque ad rescribendum 
fatigarem. Nam me carere omni fructu amoris 
tui malim, quam te ne minimum quidem in- 
commodi Yoluptatis meae gratia subire. 

EPISTOLA XIV. 

MAGISTRO MEO. 

Epistula Ciceronis mirifice adfecit animum 
meum. Miserai Bru tus Ciceroni librum suum 
corrigen^tim... 

EPISTOLA XV. 

(domino MEO.) 

.... Molliantur, atque ita efficacius sine ulla 
ad animes offensione audientium pénètrent. 
Haec sunt profecto quae tu putas obliqua et in- 
sincera et anxîa^, et verae amicitiae minime ad- 
commodata. At ego sine istis artibus omnem 
orationem absurdam et agrestem et incogni- 

* Ego yidetur repetitum in codicc. — 'lia cod. at superius 
ancxius. 



LETTRES A M. GJESAR. 1 97 

surcroit de peine et d'embarras » si, outre les lettres 
que ta place t'oblige de répondre tous les jours à tant 
de monde 9 je te fatiguais encore à me récrire; car 
j'aimerais mieux être privé de tous les fruits de ton 
amour que de te voir éprouver la moindre gêne pour 
mon plaisir. 

LETTRE XIV. 

A MON MAITRE. 

La lettre de Brutus a merveilleusement touché mon 
âme. Bi^utus avait envoyé son livre*" à Cîcéron pour 
qu'il le corrigeât* 

LETTRE XV. 

( A MON SEIGNEUR. ) 

.... Qu'ils soient adoucis; et de la sorte ils pénétre- 
ront plus efBcacement et sans froissement dans l'esprit 
des auditeurs. Ce sont là sans doute de ces procédés où 
tu ne trouves ni droiture, ni sincérité, ni rien de posi- 
tif, rien qui s'accorde avec la véritable amitié. Pour 
moi, sans ces moyens, tout discours me semble absurde, 

* Il manque en cet endroit quatre pages au manuscrit ; et il est 
permis de regretter le jugement de Marc Aurèle sur les ouvrages de 
Brutus. 



igS AD M. C^SAREM. 

tam% denique inertem atque îniitilém puto. 
Neqne magis oratoribus arbitror necesâarià ejiis- 
modi artificia quam philosophis*. In ea' re'non 
oratorum domesticîs, quod dicitur, festîinoniis 
utar, sed^ philosophorum eminentissimisy poe- 
tarum vetustîssimis excellentissimisque , vite 
denique cotidianae usu atque cultu, artiumque 
omnium experimentis. Quidnam igitur tibi vi- 
detur princeps ille sapientiae simul atque elo- 
quentiae Socrates? huic enim primo ac potissi- 
mo testimonium apud ^ te denuntiavi ; eo ne usus 
génère dicendi in quo nihil est oblicum% nihil 
interdum dissimulatum? Quibus ille modi» Pro- 
tagoram et Polum et Thrasymachum et sophis- 
tas ceteros versare atque inretire solitus? quan- 
do autem aperta arte congressus est? quando 
non ex insidiis adortus? quo ex homine nata in- 
versa oratio videtur, quam Graeci etpwvetav apel- 
lant. Alcibiaden vero ceterosque adulescentis gé- 
nère aut forma aut opibus féroces, quo pacto 
appellare adque adfari solebat? per jurgium, an 
per Tzokixioa/} exprobrando acriter quae delinque- 
rent, an leniter arguendo? Neque deerat Socrati 



* Die inconditam, — ^ Ita 2 manu; at 1 filosofis. — * Ita ioqui- 
lur Fronto, sicuti alibi eorum pro horum, — * God. set, — * Cod. 
aput* — ^ Ita cod. ut Cicero de Rep. œcum. 



LETTRES Â M. GJSSAB. I99 

agreste, étrange, iaerte enfin et inutile; et je ne crois 
pas ces sortes d'artifices plus nécessaires aux orateurs 
qu'aux philosophes "^^ Sur ce point, je n'emploierai pas 
les témoignages domestiques , comme on dit , des ora- 
teurs, mais ceux des philosophes les plus éminens, des 
poètes les plus anciens et les plus sublimes, Fusage et la 
pratique de la vie de tous les jours, et les expériences 
de tous les arts. Ainsi, que te semble de ce prince de la 
sagesse et de l'éloquence, Socratès ? car c'est à celui- 
là , comme au premier et au meilleur de tous, que j'ai 
déféré le témoignage auprès de toi. A-t-il usé de ce 
genre de discours oii il n'y a rien d'oblique, rien de 
dissimulé? Par quels moyens aimait -il à dérouter, à 
enlacer dans ses filets un Protagoras *", un Polus***, 
un Thrasymachus *^% et d'autres sophistes? Quand 
s'est41 présenté au combat à découvert ? quand a-t-il 
commencé l'attaque autrement que par des embû- 
ches ? De cet homme *** semble né ce discours à re- 
bours que les Grecs appellent ironie. Mais comment 
s'y prenait -il pour reprendre, pour blâmer Alcibia- 
dès et ces autres jeunes gens si fiers de leur nais- 
vsance, de leur figure et de leur richesse? Était-ce 
avec un ton grondeur ou insinuant? par le reproche 
amer de leurs fautes, ou par de douces remontran- 

* Voltaiie s'est beaucoup moqué, comme on sait, de ce texte 
proposé par le recteur de l'université Gogé, pour le sujet du prix 
de 1773.' Non magis deo quant rcgibus infesta est ista quœ voeatur 
hodie phllosophia : il piV^tendait que le recteur disait tout le contraire 
de ce qu'il voulait dire ; et qu'au lieu de non magis il fallait non mi- 



I 



200 AD M. GJESAREM. 

profecto gravitas aut Tis, quantum cynicus Dio- 
gènes Tolgo saeviebat : sed vidit profecto itige- 
nia partim hominum ac praecipue adulescen- 
tium facilius comi^ adque^ adfabili oratione 
leniri quam acri violentaque superari. Itaque 
non viniis' neque arietibus errores adulescen- 
tium expugnabat, sed cuniculis subruebat : ne* 
que umquam ab eo auditores discessere lacera- 
ti , sed nonnumquam lacessiti. Est enim geiius 
hominum natura insectantibus indomitum^ 
blandientibus conciiiatum. Quam ob rem fa- 
cilius precaris^ decedimus, quam yiolentis de-< 
terremur : plusque ad corrigendum promoyent 
consilia quam jurgia. Ita comitati monentium 
obsequimur, inclementiae objurgantium obni- 
timur. 

EPISTOLA XVI. 

DOMINO MEO. 

Quod tu me putes somnum cepisseS totam 
pœne noctem pervigilavi mecum ipse répu- 

* God. comiti, mox expunctis litteris ti, — ^ Ita cod. — * Ita 
cod. — ^ God. prœcaris pro prœcariis in textu , tum etiam in 
margine ubi sententia repetitur. Ejusmodi vero crasîs in codice 
frontoniano rara, in politico codice Ciceronis Cirequentissiiua 
est. — ^ Cod. cœpisse. 



LETTRES A M. GJESAR. 201 

ces? Et certes la gravité et la vigueur ne manquaient 
pas plus à Socratès qu'à Diogénès le cynique quand il 
se déchaînait contre le peuple; mais il avait reconnu 
que les hommes en général et les jeunes gens surtout 
se rendaient plus facilement à un langage doux, affa- 
ble , qu'à des propos violens et amers. Aussi n'était-ce 
point avec des béliers et des balistes qu'il assaillait les 
erreurs de la jeunesse; il les ruinait en les minant; et 
jamais ses auditeurs ne le quittèrent meurtris et dé- 
chirés , mais presque toujours ébranlés. En effet» 
l'homme, par nature, est revéche à la critique, et se 
laisse gagner par les caresses. C'est pourquoi nous 
sommes plus facilement persuadés par la prière qu'in- 
timidés par la violence; pour corriger, les conseils 
sont plus puissans que les querelles. Ainsi nous défé- 
rons à de douces insinuations, et nous nous raidissons 
contre la dureté des reproches. 



LETTRE XYI. 



A MON SEIGNEUR. 



Cette nuit où tu me croyais livré au sommeil, je l'ai 
passée presque tout entière à examiner en moi-même 

nus, "Bh bien ! voici qu'aujourdlmi F^nto, dans cette phrase : Neque 
magU orstoribus arbiiror necessaria ejus modi artificia quam philoto- 
phii, donne raison à Gogé. Voltaire, dui-este, savait fort bien loi- 
même qu'il avait tort ; mais Voltaire voulait se moquer. 



202 ÂD M. GiESAREM. 

tans 9 num forte nimio amore toi remissius et 
clementhis delictum* aliquod tiram aestuma^ 
rem? num tu ordinatior perfectior jam in elo- 
quentia ^ esse debueris , sed ingenio tuo yd 
desidia vel indiligentia claudat. Haec mecum 
anxie Tolutans iaveniebam te multum supra 
aetatem quanta ' est , multum supra tempus 
quo operam his studiis dedisti, multum etiam 
supra opinionem meam , quamquam ego de 
te sperem inmodica^ in eloquentiam* promo-* 
visse. 

Sed quo ^ mihi tum demum venit nocte mé- 
dia in mentem, qualem ÙTièOemv scribas, nimi- 
rum èmâetyixiycrïv , qua nihil est difficilius. Cur? 
quia cum sint tria ferme gênera ùnoOétretùv * ât^ 
)C(xv£)cûv, cetera illa multo ^ suut proniora, mul- 
tifaria, procliva * vel campestria; ro èniieiy.ri>u>v in 
arduo situm. Denique cum aeque très quasi for- 
mulae sint orationis, idyybv^ \d(iovj dâpcv^ prope 
nullus in epidicticis tû ((t^vû locus, qui est in 
dicia' multum necessarius. Omnia èv tw èTricJetx- 



* Cod. diUetum. — ' Cod. in etoquentiatn : tum ibidem m de- 
leta. — ^ Cod. quantus , tum factuo;! ibidem quantum, — * lia 
cod. — ^ lia cod. — * Cod. uTrtôeaev. — ' Cod. muUa, — * ICa 
cod. non proclivia. — ^ lia cod. pro dica, Sane hu)ii8 Tocabuli 
gnecum quoque gcnitiYum usurpant Latini dicis (^cx:?)$) pro dUm» 
Num scribendum hic m judiciis ? 



LETTRES A M. CJSSAR. 203 

si, dans l'excès de mon amour pomr toi, )e ne m'étais 
pas montré trop facile et trop indulgent sur quelqu'une 
de tes fautes; et si, quand tu devrais être mieux or- 
donné et plus parfait en éloquence, tu ne Tes pas en- 
core par TeiTet de la paresse ou du peu de soin ? Eln 
repassant en moi-même cette idée qui me tourmen- 
tait , je trouvais cependant que tu avais fait dans l'é- 
loquence des progrès au - dessus de ton âge , bien 
au-dessus du temps que tu as donné à tes études, bien 
au-dessus même de mon attente, quoique j'espérasse 
de toi des merveilles. 

Quant à l'idée qui m'est venue au milieu de la nuit 
de te faire traiter un sujet du genre démonstratif*', qui 
est le plus difficile de tous, en voici la raison : c'est 
qu'après les trois espèces de sujets Judiciaires, le reste 
est un chemin uni, facile à tous, c'est la pente de la 
colline, c'est la plaine; le genre démonstratif, c'est le 
sommet de la montagne. Enfin parmi les trois espèces 
de style, le simple, le tempéré, le copieux, il y a rare- 
ment lieu dans le démonstratif au style simple, qui est 
-i de rigueur dans le genre judiciaire. Tout dans le dé- 



* Les anciens avaient réduit tous les sujets de l'éloquence à trois 
genres : le démonstratif, le déUbéraiif et le judiciaire. Le genre déli- 
bératif avait été une puissance sous la république : Auguste y mit 
bon ordre, il le pacifia comme une liberté. Le genre démonstratif, 
dont la mission était de flatter, ne fut jamais plus en bonncur que 
80U8 Pempire ; mais les faiseurs d*éloges de ces temps n'eurent aucun 
talent , et n*en méritaient point. 



204 AD M. GJESÂREM. 

Tcxâ^ ddp&ç* dicenda, ubique omandmn, ubi- 
que phaleris' utendum; pauca ta fistrcù x^P^^" 
xripi^, Meministi autem tu^ plurimas lectiones, 
quibus usque adhuc versatus es , comœdîas 
atellaiias% oratores veteres; quorum aut pauci, 
aut, praeter Catonem et Gracchum, nemo tu- 
bam inflat ; omnes autem mugiunt yel stridunt 
potius. Quid igitur Ennius egit, quem legisti? 
quid tragœdiae ad versum sublimiter faciundum 
te juverunt? Plerumque enim ad orationem fa* 
ciendam versus, ad versificandum oratio magis 
adjuvat. Nimc nuper cœpisti légère omatas et 
pompaticas ' orationes : noli postulare statim 
eas imitari posse. Yerum, ut dixi, incumbamus, 
conitamur : me yade, me praede, me sponsore, 
celeriter te in cacumine eloquentiae sistam. Dîî* 
facient, dei fayebunt. Vale, domine, xal IXmÇe 
xal^ evôvyLSi xal XP^^V ^^^ éimetpioc izeîOov, Matrem 
dominam saluta. Quom Persarum disciplkiam 
memorares , bene battunt **^ ais. 

* God. mendose Ittvxuw. — ^ God. àdp&ç immixta d littera la- 
tina. — ' God. i manu phaUres, — * God. xa/aocxri/sc. — ^ God. 
te. — * God. atellans, — ^ Ita cod. 2 manu ; at 1 ponpaticas. — > 
^ Ita cod. cpium alibi plerumque sit di, et mox dei. — ' God. 
s«T(tÇev«i. — **^ Batto Tel battuo est velitor. 



LETTRES A M. GiSSAR. 205 

monstratifàoit être copieux, riche, orné de phalères; le 
stylé tempéré y convient peu *. Mais tu te rappelles ces 
nombreuses lectures auxquelles tu t'es livré jusqu'ici, 
ces comédies atellanes, les anciens orateurs, dont fort 
peu, ou, excepté Gato et Gracchus, aucun n'embouche 
la trompette, mais qui mugissent tous ou glapissent , 
pour mieux dire. Qu'a donc produit Ennius, que tu as 
lu ? En quoi t'ont servi les tragédies pour faire des vers 
sublimes? car, la plupart du temps, c'est le vers qui aide à 
composer le discours, et le discours, à versifier. Ensuite, 
tu t'es mis naguère à lire des discours ornés et pom- 
peux. Ne cherche pas tout de suite à pouvoir les imi- 
ter. Plutôt, comme je l'ai dit, appliquons-nous, effor- 
çons-nous, et bientôt, je le promets, j'en réponds, je 
m'y engage, je t'aurai placé sur le faîte de l'éloquence. 
Les dieux y mettront la main, les dieux seront favo- 
rables. Espère, aie bon courage, fie-toi au temps et à 
l'expérience. Adieu, seigneur, salue ta mère, ma sou- 
veraine. En parlant de la discipline des Perses, tu dis : 
Ils s'escriment bien. 

* On peut lire dans l'Orateur de Gicéron , ch. ▼, vi, Vu, etc., ce 
qu'il dit des trois espèces de style ; il parle avec enthousiasme du 
style sublime, copieux, &ipbv : Tertius ille amplus, copiosus, gravis, 
amatus, in quo profecto vis mamma est. Hic est eujus omatum dicemU 
et copiant admiratœ gentes, eloquentiam in civitatibus plurimum valere 
passmsunt,,,. 



206 AD M. CiESA&BM. 

EPISTOLA XVII. 

HAVE, MI FRONTO MERITO GARISSIME. 

Intellego istam tuam argutissimam strofam ^, 
quam tu quidem benignissime repperisti ; ut 
quia laudando me, fidem propter egregium erga 
me amorem tuum non habebas, vituperando 
laudi fidem quaereres. Sed o me beatum qui a 
Marco Cornelîo meo, oratore maximo, homine 
optimo, et laudari et repraehendi^ dignus esse 
videor ! Quid ego de tuis litteris dicam benignis- 
simis, verissimisy amicissimis ? verissimis tamen 
usque ad primam partem libelli tui : nam ce* 
tera, ubi me conprobas, ut ait nescio quis Grae- 
cus, puto Thucydides, TVfloïnou^ ydp rà (fùûvv 
trepi rà ^iXoujxsvov. Item tu partim^ meorum pit^e 
caeco amore interpretatus ^ es. Sed tant! est, me 
non recte scribere, et te nuUo meo mérite, sed 
solo tuo erga me amore laudare ; de que tu plu- 
rima et elegantissima ad me proxime scripsisCî. 
Ego, si tu volueris, ero aiiquid. Ceterum litterae 

^ Hoc Tocabulum repetitur in margine ut notabile. — ^ Ita 
cum diphth. secus ac superius. — ^ Apud Hier. rvfXbv* — * God. 
patrim; mox ibidem correcta metathesis. — ^ God. interprœfa- 
tus ; quœ scriptura est constantissima in Yetustis codd. 



LETTRES A M. C^SAR. 2O7 



LETTRE XVII. 

SALUT, MON FBONTO, TRÈS-CHER A TANT DE TITRES. 

Je comprends ta ruse^^^ si ingénieuse; la plus aima- 
ble bienveillance te Ta inspirée. Comme tes louanges 
perdaient de leur prix par Texcès de ton amour pour 
moi, tu as voulu , à la faveur du blâme, rendre quelque 
crédit à tes éloges. Mais que je suis heureux d'être 
jugé digne des louanges et des critiques de mon Marcus 
Cornélius, le plus grand des orateurs et le meilleur 
des hommes! Que dirai-je de tes lettres si bienveillan- 
tes, si vraies, si amicales ! Si vraies, je ne parle que de 
la première partie, car les flatteries de la fin me rap- 
pellent cette pensée d'un Grec, je ne sais lequel *, Thu- 
cydidès, je pense : Celui qui aime s'aveugle sur l'objet 
aimé. En effet, c'est avec un amour presque aveugle 
que tu as jugé une partie de mes essais ; mais j'aime 
autant ne jamais bien écrire que de devoir à ton af- 
fection seule des éloges que ne mérite pas mon talent; 
c'est elle qui t'inspirait cette dernière lettre, si aimable 
et si él^ante. Pourtant, si tu le veux, je serai quelque 



* Marc Aurèle a raison de dire netcio quis, car il paraît qiie cette 
pensée est de Théophraste. On lit dans Saint-Jérôme comm, in Ot 
prolog. , lib. 3 : Pulehrum illud Seofp&çoUf quod Tullius magis ad 
Jtensum quant ad verbum interpretatus est, TVfXbv rb ftXow iripi rb 
^piloùfUyHiv , id est , amantium cœcajudicia sunt. 



208 ÂD M. GJESAREM. 

tuae id effecerunt, ut, quam vehementer me 
amares, sentirem. Sed quod ad dOviday meam 
attinet , nihilo minus adhuc animus meus pa- 
Tét et tristiculus est, nequid hodie in senatu di- 
xerim propter quod te magistrum habere non 
merear. Yale mihi, Fronto; quid dicam» nisi 
amice optime ? 

EPISTOLA XVIII. 

MÀGISTRO suc, GJESAR SUUS. 

In quantum me juyerit lectio orationum is* 
tarum Gracchi , non opus est me dicere, quom 
tu scias optime, qui me ut eas iegerem doctis- 
simo judicio ac benignissimo animo tuo horta- 
tus es. Ne autem sine comité solus ad te liber 
tuus referretur» libellum istum addidi. Yale^ mi 
magister suavissime, amice amicissime, quoi 
sum debiturus quidquid litterarum sciero. Non 
sum tam ingratus ut non intellegam quid mihi 
praestiteris, quom excerpta tua mihi ostendisti, 
et quom cotidie non desinis in viam me yeram 
inducere, et oculos mihi aperire, ut volgo dici- 
tur. Merito amo. 



LETTRES A M. G^SÀR. 20g 

chose. Du reste, tes lettres m'ont fait sentir combien 
vivement tu m'aimais; mais, s'il faut te parler de mon 
découragement, oui, mon esprit s'effraie et s'afflige; 
j'ai peur de dire aujourd'hui dans le sénat quelque 
parole qui me rende indigne de t'avoir pour maître. 
Vis pour moi, Fronto, ô toi, que dirai-je ? ô toi le meil- 
leur de mes amis ! 

LETTRE XVIII. 

A SON MAÎTRE, SON C^SAR. 

Je n'ai pas besoin de te dire tout le plaisir que m'a 
fait la lecture de ces discours de Gracchus, puisque tu 
le sais fort bien, toi dont le goût éclairé et l'extrême 
bienveillance m'ont exhorté à les lire; mais pour que 
ce livre ne te revienne pas seul et sans compagnon , 
je lui ai joint ce billet. Adieu, mon si aimable maître, 
le plus ami de tous les amis, à qui je serai redevable 
de tout ce que je saurai dans les lettres. Je ne suis pas 
si ingrat que je ne sente tout ce que tu as fait pour 
moi , lorsque tu m'as laissé voir tes extraits, et lorsque 
tu ne cesses chaque jour de me mettre dans le vrai 
chemin , et de m'ouvrir les yeux, comme dit le vul- 
gaire. J'ai bien raison de t'aimer. 



i4 



121 G AD M. CJKSAREM. 



EPISTOLA XIX. 



MAGISTBO MEO. 



Qualem mihi animiim esse existimas quom 
cogito quamdiu te non vidi, et quam ob rem 
non vidi ! et fortassis pauculis te adhuc diebus, 
cum* te necessario confirmas, non videbo* Igi- 
tur diun tu jacebis, et mihi animus supinus 
erit : quod si* tu, dis juvantibus, bene stabis, et 
meus animus bene constabit, qui uune torretur 
ardentissimo desiderio tuo. Yale, anima Cae^aris 
tui , amici tui , discipuli tui. 

EPISTOLA XX. 

DOMTNO MEO. 

Lectulo me teneo. Si possim, ubi ad Centiim- 
cellas ibitis, itineri idoneus esse, vu idus vos Lo- 
rii videbo, deîs faventibus. Excusa me domino 
nostro patri tuo; quem, ita vos salvo9 habeam! 
magno pondère gravius amo et colo; quom * 



* Ita cod. a manu ; at i nitm. — ^ c^j^ / j^^o ai. — • Cod. i 
manu videtur quo, a cum. 



LETTRES A M. GiESAR. 2 1 l 



LETTRE XIX. 



A MON MAÎTRE. 

Dans quel état *^^ penses-tu que soit mon âme, lors- 
que je songe combien il y a de temps que je ne t'ai vu, 
et pourquoi je ne t'ai pas vu ! et il est possible que je ne 
te voie pas encore de quelques jours, puisque tu m'as- 
sures que cela ne peut être autrement. Ainsi donc, tant 
que tu languiras, mon esprit abattu langufra; que si, 
les dieux aidant, tu peux enfin te tenir debout, mon 
esprit sera ferme et debout; il brûle en ce moment 
du pbis ardent désir ^ de te voir. Adieu, âme de ton 
CiSesar, de ton ami, de ton disciple. 

LETTRE XX. 

A MON SEIGNEUR. 

Je me tiens au lit. Si je suis en état de me mettre 
en chemin lorsque vous irez à Centumcellœ*", je vous 
verrai à Lorium le vu des ides, s'il plaît aux dieux. 
Excase-moi auprès de ton père, notre seigneur, que 
je voudrais voir bien portant, ainsi que vous. Je re- 
double d'amour et de vénération pour lui depuis que 

* Un autre manuicrit portait desidêrio tut an lien de de-xiderio 
tuo. 



212 AD M. G^SAREM. 

tam bene in senatu judicatum est, quod et pro- 
yinciis saluti esset, et reos clementer objurgas- 
set. Ubt vivarium dedîcabitis, mémento quam 
diligentissime, si feras percuties, equum* ad- 
mittere. Galbam certe ad Centumcellas produ- 
ces. An potes octavidus* Lorii? Vâle, domine : 
patri placeto, matri die salutem, me desiderato. 
Gato quid dicat de Galba absoluto, tu melius 
sois ; ego memini propter fratris filios eum ab- 
solu tum. Tb $è d^piëèç ipse inspice. Gato igitur 
dissuadet neve suos neve alienos quis liberos ad 
misericordiam conciliandam producat , neve 
uxores, neve adfînes, vel ullas omnino feminas. 
Dominam matrem saluta \ 



EPISTOLA XXÎ. 



MAGTSTRO MEO. 



Mane ad te non scripsi , quia te commodio- 
rem esse audieram, et quia ipse in alio negotio 
occupatus fueram ; nec sustineo ad te umquam 
quicquam scribere, nisi remisso* et soluto et li- 

* Cod. et quum. — ^ Ita cod . pro octavo idus , sîve librarii 
mendo , sîtc consuetudîne pronunciantinm. — ^ Cod. Domine 
matrem salttte, — * Cod. remissio. 



LETTRES A M. GJESAR. 2 1 3 

je sais qu'il a si bien jugé dans le sénat de ce qui pou-^ 
y ait être salutaire aux provinces» et qu'ils n'a adressé 
qu'une douce réprimande aux coupables. Lorsque tu 
feras la dédicace de ton parc» aie soin , si on doit tuer 
les bêtes, de m'envoyer le plus promptement possible 
un cheval. Tu produiras sans doute le Galba à Gen- 
tumcellœ; ne le pourrais-tu pas à Lorium le viii des 
ides? Adieu, seigneur, fais la joie de ton père; salue ta 
mère et désire-moi. Tu sais mieux que moi ce que doit 
dire Cato de Galba *^*, absous; moi je me souviens 
qu'il fut absous à cause des fils de son frère : vois, du 
reste, toi-même ce qui est le plus vrai. Ainsi Cato ne 
veut pas que pour se concilier la pitié on produise ni 
ses propres enfans, ni ceux des autres, ni son épouse, 
ni ses parentes, ni aucune autre femme. Salue ma sou- 
veraine, ta mère*. 

LETTRE XXL 

A MON MAÎTRE. 

Je ne t'ai pas écrit ce matin, parce que j'ai su que 
tu te trouvais mieux, et qu'ensuite j'étais moi-même 
occupé d'une autre affaire. Je ne puis t'écrire avant 
d'avoir l'esprit reposé, dégagé et libre. Si donc nous 

* Amo gravius qui se trouve dans cette lettre est une imitation de 
Plante, Cistellaria, acte I , scène i : 

Ut me , qttem ego amarem graviter, sineret cum eo vivere. 



2l4 AD M. GJESAREM. 

bero animo. Igitur si recte sumus, fac me ut 
sciam : qiiid enim optem, sois; quam merito 
optem, scio. Yale, meus magister^ qui merito 
apud animum meum omnis omni re praevenis. 
Mi magister, ecce non dormito, et cogo me ut 
dormiam^ ne tu irascaris. JEstimas utique me 
vespera haec scribere. 



LETTRES Â M. CiESAR. 2l5 

sommes idans la bonne voie, fais-le moi savoir; car tu 
sais ce que je désire, et je sais, moi, combien j'ai rai- 
son de le désirer. Adieu , mon maître, qui , à raison , 
l'emportes sur tous et en toute chose dans mon cœur. 
Mon maître, voici que je ne dors pas et que je tâche 
de dormir, afin que tu ne te fâches pas. Tu juges 
bien que c'est le soir que j'écris ceci. 



M. CORNELII FRONTONIS 



EPISTULJ; 



AD M. CiESAREM. 



ET INVICEM. 



LIBER QUARTUS. 



EPISTOLA I. 

(fronto, cjesari.) 

. . . et columbae cum lupis et aquilis cantauh- 
tem sequebantur inmemores insidiarum et un- 
guium ^ et dentium. Quae fabula recte interpre- 
tantibus ^ illud profecto significat fuisse egregio 

* Cod. unguirum ; sed r videtur expunôta. — * Cod. interprœ- 
tantibus. 



Wi>»* a M» > * '» W 8' > * > » >m '8 *"> **» 



LETTRES 



DE M. G. FRONTO 



A M. CiESAR. 



ET DE M. CiESAR A M. C. FRONTO 



LIVRE QUATRIÈME. 



LETTRE I. 



(fBONTO, a CiESAR. ) 



171 * 

• • • • 



Et pendant qu'il chantait , les colombes 
le suiyaient avec les loups et les aigles, oubliant les 
embûches, les ongles et les dents. Cette fable, pour 
ceux qui l'entendent bien, signifie que ce fut un homme 



* Il manque deux pages dans le MS. La réponse de Marc Aurèlc 
nous apprend ce que contenait la première moitié de celte lettre. 



2l8 AD M. CSSAREM. 

ingenio eximiaque eloquentia virum , qui pluri- 
mos virtutum suarum facundiaeque admiratione 
devincxerit * ; eumqiie amicos ac sectatores suos 
itainstituisse, ut quamquam divcrsis nationibus 
convenae yariis moribus inbuti, concordarent 
tamen et consuescerent et congregarentur, mî- 
tes cum ferocîbus, placidi cum violentis, cum 
superbis moderati , cum crudelibus timidi : 
omne8 deinde ' paulatim vitia msita exuerent , 
virtutem sectarentur, probitatem condiscerent: 
pudore inpudentiam , obsequio contumeliam , 
benignitate malivolentiam commutarent. 

Quod ^ si quis umquam ingenio tantum valuit, 
ut amicos ac sectatores suos amore înter se mu- 
tuo copularet, tu hoc profecto perficies multo fa- 
cilius qui ad omnes virtutes natus es prius quam 
institutus. Nam prius quam tibi aetas institu- 
tioni sufficiens adolesceret, jam tu perfectus at- 
que omnibus bonis artibus absolutus : ante pu- 
bertatem vir bonus ; ante togam virilem dicendi 
peritus. Verum ex omnibus virtutibus tuis hoc 
vel praecipue admirandum, quod omnis amicos 
tuos concordia copulas. Nec tamen dissimula- 
verim multo hoc esse difficilius, quam ut ferae * 



* lia cod. — ^ Ita cod. 2 manu , al i dein, — * Cod. quo* — 
* Cod. fœrœ. 



LETTRES A M. G^SÀR. 219 

d'un beau génie et d'uuerare éloquence, puisqu'il s'at- 
tachait des multitudes d'hdknmes par l'admiration de 
ses vertus et de sa parole, et que la force de ses insti- 
tutions fut telle que ses amis, ses. sectateurs, quoique 
de nations différentes et^ de mœurs opposées, s'accor- 
daient cependant, s'habituaient et se réunissaient en- 
semble, les doux avec les féroces, les paisibles avec 
les violens , avec les superbes les modérés , avec les 
cruels les timides; que tous peu h peu dépouillaient 
les vices de leur nature, suivaient la vertu, apprenaient 
la probité, remplaçaient l'impudence par la pudeur, 
l'arrogance par la soumission, et la méchanceté par 
la bonté. 

Que si quelqu'un , par la puissance de son génie, a 
pu réunir amis et sectateurs dans les liens d'un amour 
mutuel, certes tu le feras bien plus facilement, toi, né 
pour les vertus, avant que d'y avoir été formé. Car 
avant d'avoir atteint l'âge suffisant pour l'institution, 
tu étais déjà parfait et accompli en talens et en vertus, 
homme de bien avant la puberté *; habile à parler avant 
la toge virile. Mais ce qu'il y a de plus admirable dans 
toutes tes vertus, c'est que tu lies tous tes amis par la 
concorde; et cependant je ne dissimulerai pas que cela 
est plus diflicile que d'apprivoiser les bctes sauvages 

* On trouve sur cette page du Palimpseste trois écritures diffé- 
rentes : d'abord celle du manuscrit des lettres de Fronlo, puis deux 
autres qui appartiennent aux actes du concile de Chalcédoine; 
M. Mai les a lues sans peine. 



220 AB M. C^SAREM. 

ac leones cithara mitigentur : quod tu facilius 
obtinebis, si unum illud vitium funditus extir^ 
pandum eruendumque curaveris, ne liveant 
neve invideant învicem amici tui : neve quod tu 
alii tribueris aut bene feceris, sibiquisque illud 
deperire ac detrahi putet. Invidia perniciosum 
inter homines maluui maximeque interneci- 
Yum, sibi aliisque pariter obnoxium ; sed si pro- 
cul a cohorte tua prohibueris, uteris amicis 
concordibus et benignis , ut nunc uteris : sin 
aliqua pervaserit, magna molestia magnoque la- 
bore erit restinguendum. Sed meliora, quaeso, 
fabulemur. 

Amo Julianum : inde cnim hic sermo defluxit; 
amo omnis qui te diligunt ; amo deos qui te tu- 
tantur ; amo vitam propter te ; amo litteras te- 
cum; cum amicis tuis mihi amorem tui ingur-* 
gito. 

EPISTOLA IL 



CiESAR, M. FRONTONI. 



Garissime, quamquamad te cras venio, tamen 
tam amicis, tamque jucundis litteris tuis, tam 
denique elegantibus, nihil, ne hoc quidem tan- 



LETTRES A M. CJESAR. 22 1 

et les lions arec la cithare. Tu Tobtiendras plus aisé* 
ment, si tu t'appliques à arracher et à extirper dans 
sa racine ce seul vice de l'envie, en sorte que tes amis 
ne se voient point entre eux d'un œil jaloux et en- 
vieux , et qu'aucun ne croie que tes grâces et tes bien- 
faits accordés à un autre, lui sont enlevés et se trou- 
vent perdus pour lui. L'envie est un mal pernicieux 
parmi les hommes et le plus meurtrier de tous , à soi 
comme aux autres également funeste ; mais si tu par- 
viens à en préserver ta cour, tu auras des amis unis 
et bienveillans comme ceux d'aujourd'hui ; si au con- 
traire elle y pénètre par quelque endroit , ce sera une 
grande peine et un grand travail que de l'éteindre ! Mais 
parlons, s'il te plaît , de choses plus agréables. 

J'aime Julianus, c'est lui, en effet, qui a donné lieu 
à cette lettre. J'aime tous ceux qui t'aiment; j'aime 
les dieux qui te protègent ; j'aime la vie à cause de toi , 
j'aime les lettres avec toi.. Avec tes amis je m'enivre 
de ton amour. 



LETTRE IL 



GiESAR, A M. FRONTO. 



Très-cher, quoique je me rende demain auprès de 
toi , cependant je ne puis me résoudre , mon très-cher 
Fronto, à ne rien répondre, pas même ce petit mot, à 



222 AD M. C^SARBH. 

tulum, reseribare non sustineo, mi Fronto ca- 
rissime. Sed qnid ego prius amem? pro quo 
prius habeam gratiam? Id ne primum comme- 
morem quod in tantîs domesticis studiiâ tantis-' 
que extrarii/B negotiis occupatus , tamen ad Ju- 
lianum nostrum vii^ndum mea maxime gratia, 
nam sim ingratus nisi id intellegam , ire conisus 
es * ?'Sed non magnum est; tamen ut est, si ce-, 
tera addas, tantp temporis spatio ibi te demorari, 
tantum^sermocinari , idque de me sermocinari, 
aut quod ad valetudinem- ejus consolandam 
«sset ^ : aegrum commodiorem sibi ; ^miicum 
amiciorem mihi facere : tum autem de iis sin- 
gillatim ad me perscribere : inibi scry>ere nun- 
tium de ipso Juliano optàtissimum , verba sua- 
vissima , consilîa saluberrima. Quid illud , quod 
dissimrulare ïiullo modo' possum ^ apud ^lium 
dissimulaturus ? utique ilîud ipsum quod tanta 
ad me scripsisti cum cras venturus essem? Id 
vero mihi longe fuit gratissimum , in eo ego * 
me beatissimum supra omnis homines arbitratus 
sum : nam quanti me faceres, quantamque 
amicitiae meœ haberes fiduciam , in eo maxime 



* God. est. — 'In his locis interpunctio codicis Titiosa est. — 
^ Ego ficnbitur iiUera initiali magna pt cam spatio ad quandam 
fortasse emphasim declarandum. 



LETTRES A M. C^SAR. 223 

ta lettre si amiciJe, si agréable, enfin si élevante. Mais 
qu'aimerai "je d'abord? de quoi d'abord remercierai- 
je? CommejQcerai-je par rappeler qui^ malgré tes étu- 
des si^érieuse» à la maison» tes affaires si importantes 
au dehors, tu n'as pas laissé de prendre sur toi d'aller 
voir notre Julianus, et cela surtout à cause de moi, 
car je serais ingrat si je ne le comprenais pas. Mais ce 
n'est pas un grand effort. Cependant à cela ajoute en- 
core ton séjour si prolongé, durant lequel tu as tant 
parlé et parlé de moi, ou de tout ce qui pouvait con- 
soler le malade*, le remettre mieux avec lui-même, 
m'en faire un ami plus ami encore : et puis tu me ra- 
contes tout cela en détail ; tu m'écris du même lieu la 
Douvdle la plus ardemment désirée sur lui, sur Julia- 
nus, avec les paroles les plus aimables et les conseils 
les plus «alutaires I Quoi I ce que je ne puis dissimuler 
en aucune manière, le dissimulerai -je à un autre? par 
ex^emple. qufiLnd tu m'as écrit une longue et belle lettre, 
quoique je dusse arriver le lendemain? £h bien, c'est 
cela qui m'a été le plus agréable, c'est en cela que je 
me suis trouvé plus heureux que tous les hommes 
ensemble; car en cela tu as montré avec toj^te la force 
et tout le chac^e possibles quelle estimé tu faisais de 



* Dans cette phrase: Quod ad valetudinem ejus c»ntolandam es- 
set, le mot esset est pour prodesset, comme 4ans ce passage de 
Gaton, R. R. chap. i25 : Obi desiverit fervere mustum, murtam 
«BBcmito ; Id est ad ahutn crudam , et ad lateris doiorem et ad cœlia- 
eum. 



224 ^^ ^* G£SAR£M. 

at^e dulcissime ostendisti. Quid ego addam ^ 
nisi te merito amo ? Sed quid dico merito ? nam 
utinam pro tucrmerito te amare possem ! Adque * 
id est quod saepe absent! adque insonii tibi 
irascor adque suscenseo , quod facis ne te^ ut 
Yolo, amare possim; id est ne meus animus 
amorem tuum usque ad summum columen^ 
ejus persequi posset *. 

De Herode quod dicis, perge, oro te, ut 
Quintus noster ait, pervince pertincxi pervica- 
cia \ Et Herodes te amat, et ego istic ho£ ago, 
et qui te non amat , profecto neque ille anime 
intellegit , neque oculis videt : nam de auribus 
nihil dico ; nam omnium aures tuae voculae sub- 
serviunt sub jugum subactae. Mihi et hodiemus 
dies verno die longior, et nox veniens hiberna 
nocte prolixior videtur atque videbitur. Nam 
cum maximo opère Frontonem, meum consalu*- 
tare, tum harum recentium litterarum scripto- 
rem praecipue cupio conplecti. Haec cursîm ad 
te scripsi , quia Maecianus urgebat , et fratrem 
tuum maturius ad te reverti aequum erat. Quaeso 
igitur , siquod verbum absurdius , aut inconsul- 
tior sensus, aut infîrmior littera istic erit, id 



* Ita cod. — 2 God. columem ; tum ejus saperadditor. — * lia 
cod. , non possit. — ^ God. pervicaciam ; sed m forfcasse expancta. 



LETTRES A M. GjESAR. 225 

moiy et quelle confiance tu avais en mon amitié. Qu'a- 
jouterai-je, si ce n'est que j'ai toute raison de t'aimer ? 
Mais que dis-je , raison I ah I plût aux dieux que je 
pusse t'aimer selon ton mérite ! et c'est pour cela que 
je me surprends quelquefois à me fâcher et à m'irri- 
ter contre toi, quoique absent et non coupable, de ^ce 
que tu fais que je ne puisse t'aimer autant que je le 
veux, c'est-à-dire que mon cœur ne puisse suivre ton 
amour à cette hauteur où il s'est placé. 

Par rapport à Hérodès, continue, je t'en prie; pousse- 
le à bout, comme dit notre Quintus*, par une obs- 
tinée obstination, Hérodès t'aime, et moi j'en fais au- 
tant ici; et quiconque ne t'aime pas, ne comprend point 
avec son esprit, ne voit point avec ses yeux; je né dis 
rien des oreilles, car toutes les oreilles sont les esclaves 
de ta voix qui les a mises sous le joug. Le jour d'au- 
jourd'hui me paraît plus long qu'un jour de printemps. 
Or la nuit qui s'approche me paraît et me paraîtra 
plus longue qu'une nuit d'hiver; car je ne désire rien 
tant que de saluer mon cHer Fronto, et surtout d'em- 
bra[sser l'auteur de cette dernière lettre. J'ai écrit tout 
ceci à la hâte, parce que Mœcianus^'^ pressait, et qu'il 
était convenable que ton frère retournât de bonne heure 
vers toi. Je te prie donc, s'il se trouve quelque mot 
impropre, quelque pensée irréfléchie, quelque lettre 

* Il y eut phuienrs poètes latins du surnom de Quintus : Quintus 
Ennius , Quintus Fabius Labeo, Quintus Lutatius Gatulus, Quintus 
Novins; c'est sans doute ce dernier que Marc Aurèle cite en cet 
endroit; il le Usait alors. Voyez page i35. 

1. i5 



226 AD M. CiESAREH. 

tempori adponas : nam cum te ut amictim ve- 
hementissime diligam , tum meminisse oportet, 
quantum amorem amico, tantum reverentia^ 
roagistro praestare debere. Vale , mi Fronto ca- 
rissime et supra omnîs res dulcissidie. 

Sota Ennianus rem issus a te % et in charta 
puriore et volumine gralîore et littera festîviore 
quam antea fuerat videtur. Gracchus cumi cado 
musti maneat dum venimus : neque enim metus 
est Gracchum interea cum musto defervere 
posse. Valeas^ semper, anima suavissima. 

EPISTOLA III. 

DOMINO MEO FRONTO. 

Omnium artium, ut ego arbitror, imperitum 
et indoctum omnino esse praestat , quam semi- 
peritum ^ ac semidoctum. Nam qui sibi condcitis 
est artis expertem esse » minus adtemptat , eoque 
minus praecipitat ; diffidentia profecto audaciam 
prohibet. At ubi quîs leviter quid cognitum pro 
conperto ostentat, falsa fiducia multîfariam la- 
bitur. Philosophiae quoque disciplinas aiunt 

* Intorpungilur in codicc posl te, — ' Cod. valeat. - — • Cod. 
sœmiperllum , contra ac in seqœnte. 



LETTRES A M. C^SAR. 227 

mal formée, de Timputer au manque de temps; car 
si je t'aime avec force comme ami, je dois me souye*- 
uir aussi qu'autant je porte d'aifection à Tami, autant 
je dois porter de respect au maître. Adieu, mon très- 
cher Fronto, toi que j'aime par-dessus toute chose. 
Le Sota* d'Ennius*''* que tu m'as renvoyé me parait 
écrit sur un papier plus net, d'un format plus agréable, 
et d'un caractère plus élégant qu'auparavant. Que le 
Gracchus reste avec le tonneau de vin jusqu'à notre 
arrivée ; car il n'est pas à craindre que dans l'inter- 
valle Gracchus puisse fermenter avec le vin. Porte- 
toi toujours bien, âme si chère. 

LETTRE IIL 

A MON SEIGNEUR, FRONTO. 

II vaut mieut, à mon avis, être tout-à-fkit ignorant 
et inhabile que savabt et habile à demi. En effet, ce- 
lui qui a la conscience de son inhabileté est moins 
hardi, et dès lors moins précipité, car la défiance em- 
pêche l'audace*^; mais si quelqu'un se donne pour con- 
naître à fond ce qu'il connaît à peine, par sa confiance 
aveugle il trébuche à chaque pas. On dit aussi qu'il 
vaut mieux n'avoir jamais approché de l'étude de la 

* On n'était pas bien sûr du titre de cet ouvrage d'Ennius ; ce 
nouveau texte lève toutes les incertitudes. Voir Festus, Varron et 
Scaliger. 

** On lit à la marge : Minus audet qui se scit arlis expertem. 



22S AD M. CJUSAREM. 

satius esse numquam attigisse, quam leviter et 
primoribus , ut dicitur , labiis delibasse ; eosque 
provenire malitiosissimos, qui in vestibulo artis 
obversati, prius inde averterint quam penetra- 
verint. Tamen est in aliis artibus ubi interdum 
delitiscas ^ , et peritus paulisper habeare quod 
nescias. In verbis vero eligendis conlocandisque 
ilico dilucet : nec verba dare diutius potest, 
quin se ipse indicet verborum ignarum esse, 
eaque malc probare, et temere existimare, et 
inscie contrectare , neque modum ne que pondus 
verbi internosse. 

Quam ob rem rari admodum veterum scrip- 
torum in eum laborem ' studiumque et pericu- 
lum yerba industriosius quaerendi sese com- 
misere. Oratorum post homines natos unus 
omnium M. Porcins ejusque frequens sectator 
C. Sallustius : poetarum maxime Plautus, multo 
maximeque Ennius , eumque studiose aemula- 
tus L. Cœlius , nec non Naevius * , Lucretius , 
Accius etiam , C«')ecilius , J^aberius quoque. Nam 
praeter hos, partim scriptorum animadvertas 
particulatim elegantis , Novium et Poraponium 
et id genus in verbis rusticanis et jocularibus 



* Ita cod. — * Cod. laborum. — ^ Vcrba née non Nœviuê «d- 
(luntuv 9. manu. 



LETTRES A M. CJ:SAR. 229 

philosophie que de l'avoir effleurée à peine, et comme 
on dit, du bout des lèvres; et que ceux-là deviennent 
pleins de malice , qui, après avoir séjourné quelque 
peu dans le vestibule de la science, en sont sortis avant 
d'avoir pénétré plus avant. Il y a cependant d'autres 
arts où l'on peut se déguiser, et passer un moment pour 
habile dans ce qu'on ne sait pas ; mais on se fait bien- 
tôt reconnaître au choix ^ et à l'emploi des mots. Nul 
ne peut long-temps prononcer des mots sans montrer 
lui-même qu'il ignore les mots, qu'il les apprécie mal, 
qu'il les choisit au hasard, qu'il les emploie sans goût, 
et qu'il n'a aucime idée ni de leur valeur, ni de leur 
acception. 

C'est pourquoi fort peu d'anciens écrivains se sont 
livrés au pénible et périlleux travail de rechercher 
soigneusement les mots. De tous les orateurs depuis 
la naissance des hommes, M. Porcius est le seul avec 
G. Sallustius, son sectateur assidu. Parmi les poètes, 
Plautus s'y distingue, Ennius plus encore, et L. Gœlius, 
son imitateur zélé, puis Nœvius'^^ Lucrétius, Accius, 
Caecilius*'® et aussi Labérius. Outre ceux-là, tu trou- 
veras quelques écrivains remarquables pour l'emploi 
des mots propres dans des sujets particuliers ; Novius 
et Pomponius'^^ et autres du même genre dans les 
sujets rustiques, bouffons et satiriques, Atta ^^^ dans 

* A propos de ces mots m veréi* eligendU , etc. , le scholiaste de 
Fronto fait cette plaisanterie : In verbis eligendU verba dure ntmo 
folexL 



230 AD M. GJSSAREM. 

ae ridiculariis ^ Attam in muliebribus, Sia^[iiiaai 
in lasci^is , Lucilium in cujusque artis ac negotii 
propriis. 

Hic tu fortasse jandudum reqiiiras quo in 
numéro locem M. TuUium, qui caput atque 
fons romande facundiae cluet. Eum ego arbîtror 
usquequaque verbis pulcherrimîs elocutum et 
ante omnis alios oratores ad ea, quae ostentare 
vellet, ornanda, maguificum fuisse. Yerum is 
mihi YÎdetur a quaerendis scrupulosius Terbis 
procul afuisse vel magnitudine animi , ydi fuga 
laboris, vel fiducia non quaerenti ^ etiam sibi^ 
quae vix aliis quaerentibus subvenirent, praesto 
adfutura. Itaque conperisse videor , ut qui ejus 
sosipta omnia studiosissime lectitarim , cetera 
eum gênera verborum copiosissime uberrime- 
que tractasse, yerba propria, translata, simplicia, 
conposita, et quae in ejus scriptis ubique dilu- 
cent, yerba honesta, saepenumero etiam amœna: 
quom tamen in omnibus ejus orationibus pau- 
cissima admodum reperias insperata adque ino- 
piuata yerba quae, nonnisi eum studio atque ' 
cura atque yigilia adque multa ' veterum car- 



^ CcMJI» qHœrendi, addita iuterpanctionc. — ^ Jta nirsus cod. 
fier t , licct prsBc^at idem vocabulum eum d, — ^ Mutta «ddi- 
tur 3 manu. 



LETTRES A M. GiESAR. ^01 

le» sujets féminins» Sîsenim dans les licencieux» I^u- 
cilius dans tout ce qui a rapport aux arts et aux af- 
faires. 

Tu me demandes peut-être ici en quel ordre je pla- 
cerai ce ]i|. TuUiuSy première et féconde source *'' de 
Téloquence romaine ? Je pense que jamais homme n'a 
porté plus loin * que lui la beauté du langage, et qu'il 
est le premier de tous les orateurs dans l'art de rele- 
ver par la magnificence des expressions tout ce qu'il 
veut faire valoir. Il me parait cependant qu'il est loin 
d'avoir donné un soin scrupuleux à la recherche des 
mots y soit par grandeur d'âme , soit par fuite du 
travail» soit par la confiance que» même sons qu'il 
r-herchât» il s'en o0rirait à lui que d'autres ne trou- 
veraient pas même en cherchant. Aussi je crois avoir 
reconnu» pour avoir lu et relu avec soin tous ses 
ouvrages» que nul n'est plus riche et plus fécond dans 
l'emploi de tous les genres de mots» mots propres» 
figurés» simples» composés» et de ces mots pleins de 
décence, et de grâce bien souvent, qui brillent en ses 
écrits. Dans tous ses discours cependant tu ne rencon- 
trerais que très-peu de ces mots inattendus, inopi- 
nés, qui ne se trouvent qu'à l'aide de l'étude, du tra- 
vail, des veilles et d'une mémoire riche d'anciennes 



* Aulu-6elle, liv. ziii, ch. 24) appelle Cicérou verborum homo 
dUigentitsimus, et saint Augiutin , Cont, Advtrt, Leg., le dit verbo- 
rum diligentissimus appensor et mensor. 



202 Al) M. G^SAREM. 

minum memoria indagantur. Insperatum autem 
adque * inopinatum verbum * appeUo, quod 
praeter spem atque opînionem audientium aut 
legentium promitur : ita ut si subtrahas, adque 
eum qui légat quœrere ipsum jubeas, aut nul- 
lum, aut ' non ita eignificandum adc^mmoda- 
tum * verbum aliud reperiat. Quam ob rem te 
magno opère * çonlaudo, quod ei rei curam in- 
dustriamque adhibes , ut verbum ex alto eruas ' 
et ad significandum adeommodes. Yerum, ut 
initio dixi, magnum in ea re periculum est, ne 
minus apte aut parum dilucide aut non satis 
décore, aut a semidocto conlocetur: namque 
multo satius est volgaribus et usitatis, quam 
remotis et requisitis uti , si parum significet. 

Haud ' sciam an utile sit demonstrare quanta 
difBcultas, quam scrupulosa et ancxia cura in 
verbis probandis adhibenda sit % ne ea res animos 
adulescentium retardet, aut spem adipiscendi 
debilitet *. Una plerumque littera translata aut 
exempta aut inmutata vim verbi ac venus tatem 
commutât et elegantiam vel scientiam loquentis 

* Adque additur 2 mauu. — ^ Cod. vero. — ' Cod. ut. — 
^ Cod. aut non ita significandum adcommodandum ; tum cmenda- 
tum adcommodatum, — ^ Ita a manu; at 1 magnopere, — ' Ita 2 
manu. — ' Cod. haut. — * Cod. sint: tum expuncta n. — 'Ita 
cod. 2 manu ; at i deviiitat. 



LETTRES A M. CiESAB. 253 

poésies. Or»' j'appelle mot iAattendu et inopiné celui 
dont l'apparition frappe te lecteur ou l'auditeur au 
delà de son espoir et de sa croyance; en sorte que si 
on le retranchait avec l'ordre au lecteur d'en cher- 
cher un lui-mêmCy ou il n'en trouverait point , ou ce- 
lui qu'il trouverait ne se prêterait pas si bien à l'ex- 
pi'ession de la pensée. C'est pourquoi je te loue infi- 
mment de ce que tu mets tous tes êoms et tout ton 
art à tirer ^ tes expressions du fond des choses, et à 
leur donner le tour le plus expressif. Mais, comme je 
Tai dît en commençant, il y a grand danger en pïireil 
ca» que lé demi-savant ne manque dans le choix du 
mot à la justesse, à la clarté et à l'élégance , car il 
vaut beaucoup mieux se servir de mots usités et com- 
muns que de mots éloignés et recherchés, mais peu 
expressifs. 

Je ne sais s'il est utile de démontrer combien de pei- 
nes et de soins et de scrupules il faut apporter dans 
l'appréciation des mots ; je craindrais par là de refroidir 
l'ardeur des jeunes gens, et d'affaiblir en eux l'espé- 
rance du succès. Souvent une seule lettre transposée 
ou supprimée ou changée altère la force ou la grâce 
d'une expression, et prouve l'ignorance ** ou le savoir 

* Le manuscrit portait d'abord erbas au lieu d*eruas ; b pour u : 
c'est une faute qui se i*encontre assez souvent dans le M S. 

** Je crois que dans celle phrase et elegantiam vel scleniiam h- 
quentis déclarât , il faut changerez eu vel y et elegantiam en ignoran- 
tiam , et je traduis d'après ce changement. 



2 34 AD M. C^SAREH. 

déclarât. Ëquidem te animadverti qyoïn mîhi 
scripta tua relegere&^ adque ego de verbo sylla- 
bam permutarem, te id neglegere, nec multum 
referre arbitrari. Nolim igitur te ignorare syl- 
labae unius dîscrimen quantum référât. Os ' 
coUuere dicain; pavimentum autem in balneis 
pelluere, non ooUuere : lacrimîs vcro gênas la- 
bere ' dicam, non pelluere neque coijuere; ves- 
timenta autem lavare, non lavere : sudoremporro 
et pvlverem abluere, non la^are ; sed m^içulam 
elegantius eluere quam abluere. Siquid Yjero 
magîs heserit ^ , aec sine aliquo detrimeato exigi 
posait, plautino verbo elavere dicam, Tum praa- 
terea mulsum diluere, fauces proluere, ungulam 
jumento subluere. Tôt exemplis unum adque 
idem verbum syllabae adque litterae commuta- 
tione in varium modum adcensum usurpatur : 
tam hercule quam faciem medicamento'iitam, 
caeno corpus oblitum, calicem melle delitum, 
mucronem veneno, radium visco, inlitun^ rec- 
tius dixerim. 

Haud ^ sciam an quis roget : nam quis me 
prohibet vestimenta lavere potius quam lavare? 
sudorem lavare potius quam abluere dicere? 



^ Oi superadditur a manu. — ^ Ita cod. a maiiu pro lavere; 
al a labare pro lavare, — ^ Ua cod. — '• Cod. haut, ut sapra. 



LETTRES A M. C^SAK. a55 

de celui qui parle, et cependant j'ai remarqué que» lors- 
que tu me relisais tes compositions, et qu% yd^fÛffU-^ 
geais une syllabe d'un mot, tu n'en tenais ÇKsmp^.et 
ne semblais pas y attacher grand intérêt. Jq Qe veqx 
donc pas te laisser ignorer de quelle importance est 
le changement 4'uue syllabe. Je dirai os, coUuere ; 
mais in balneis pavimentum pelluere, et non coUaerc, 
Je dirai lacrymis gênas labere, et non pelluere, ni 
coUuere; mais vestimenta kware, non lavere; sudorem 
etpulverem abluere, et non lavare; mais macuiâm eluere 
est plus élégant que maculam abluere; èi si la tache 
{macula) tient davantage", ist ne peut s'ente^r sans quel- 
que dommage, je me servirai du mot de Plautus, ela- 
vere *. On dit encore mulsum diluere , fauces proluere^ 
ungulamjufnento suMuere, Dans tous ces exemples, un 
seul ^ même mot, par le changement d'une syllabe et 
d'une lettre prend diversement une acceptioq plus 
étendue ; et c'est si vrai, que je dirai très-<-bien foçiem 
medicamento Utam, cceno corpus oblitum, calicem melle 
delitum , mucronem venenOy radium visco inlitum. 

On me demandera peut être : Mais qui m'empêche 
de dire vestimenta lavere plutôt que lavare ? sudorem la- 
vare plutôt que abluere? Ah 1 ce n'est pas toi, que dans 

* Ce mot se rencontre plusieurs fuis dans Plante : Asin.y act. 1 , 

se. ii: 

Nam in mari repperi , hic elavi bonis. 

Et Rud, , act. II , se. vu. 

/in te pœnitet 

In mari qitod elavi, nisi hic in terra ilcrum eluam. 



236 AD M. G^SAREM: 

Tibi vero nemo in ea re intercedere aut modi- 
fibàre jure uilo poterit, qui sis^etîs * progna- 
titfs, et èquitum censum pMeterVehare^ et in se- 
natn sententiain rogare : nos vero qui doctorum 
auribns servituti serviendae nosmet dedimus, 
necesse est tenuia ^ quoque ista et mmuta summa 
cum cura persequamur. Verba prosus alii vecte 
et malleo, ut silices, moliuntur ; alii autem caelo 
et marcttlp, ut gemmulas exculpunt * : te aequius 
erit ad qu^BPenda sqllerty^s verba, quo4 correc- 
tus sismeiaiiHSse, quam ^od depjcaehensus, de- 
tractare aut retardari. Nam si quaerendo désistes, 
numquam reperies; si perges quaerere, repe- 
ries. Denique visus etiam es mihi, insi^per 
habuisse cum ordinem verbi tui immutaMem, 
utî ante tricipitem diceres quam (îeryonam no- 
minâres. Id quoque iic ignores : pleraque in 
oratione, ordine inmutato, vel rata verba fiunt 
vel supervacanea. Navem triremem rite dixerim; 
triremem navem supervacaneoaddiderim. Neque 
enim periculom est, nequis lecticulam aut re- 
dam*, aut cithàram ^ triremem dici arbitretur. 

* Tn cod. repetitur liber is, — ^ Vox tenuia repetitur in mar- 
gine ut notabilis. — ^ Ita cod. 2 manu; at 1 exculpent, — ^ Ita 
cod. non rliedam. — '^ Cod. chitaram, quae scriptura yergit ad vul- 
garem Italorum'prouunciationem chiiarra. Sed bene superius 
pag. 120. 



LETTRES A M. C^SAR. 237 

un pareil sujet, on pourra influencer ou changer, toi, 
né de parens libres, toi qui marches en ayant de l'ordre 
des chevaliers, toi qui, dans le sénat, demandes les avis; 
mais nous, qui nous vouons à un esclavage esclave des 
oreilles savantes, nous devons rechercher ces petits et 
minutieux détails avec un soin extrême. Tantôt les 
mots se travaillent comme les cailloux à Taide du levier 
et du marteau; il en est tantôt comme des pierreries, 
on les taille avec le ciseau et le maillet. Il sera plus 
raisonnable pour toi, dans la recherche des mots, de 
te rappeler une correction et d'en profiter, que de te 
décourager d'un reproche et de t'arrêter: car si tu 
cesses de chercher, tu ne trouveras jamais; si tu per^ 
sistes à chercher, tu trouveras. Enfin- je crois avoir re- 
marqué que de plus tu* changes l'ordre de tes expres- 
sions; que tu dis U monstre à trois têtes avant d'avoir 
nommé Géryon^. N'ignore pas non plus cela, c'est que, 
la plupart du temps dans un discours, le déplacement 
d'un mot fait ou détruit sa valeur. Je dirai trèsrbien un 
navire trirème, mais navire après trirème iserait une addi- 
tion inutile. Jl n'y a gas de danger en effet que quel- 
qu'un pense que trirème puisse être suivi des mots li- 

* Horace a dit , Ut. ii , ode i4 •' 

Quiter amplum 

Geryonem , Tityonque tristi 
Compeseit unda. 

Et VirgUe : 

. . . T^rgemini nece GeryonU spoUis fue superbus 
Alcides aderat. 



5238 AD M. CJESAIŒH. 

Tum prasterea ^ quom commemorares, cur Par*- 
thi manuleis laxioribus uterentur, ita^ opinor, 
scripsisti, intervàllis vestis aestum ut suspendi 
diceres. Âin 'tandem, quo pacto aestus suspendi- 
tur? Neque id repraehendo, te verbi translatione 
audacius progressum: quippe qui Enni senteutia 
oratorem audacem essedebere censeam. Sit sànê 
audax orator, ut Ennius postulat; sed a siguifi- 
cando quod volt eloqui, nusquam digrediatur. 
Igitur Yoluntatem quidem tuam magno opère 
probavi laudavique ^ quom verbum quaerere 
adgressus es; indiligentiam ' autem quaesiti verbi, 
quod esset absurda, repraehendi : namque ma- 
nuleorum interVallis, quœ interdum laxata Tide- 
mus atque fluitantia, suspendi aestus non potest: 
potest aestus per vestis interyalla depelli, potest 
degi, potesti demeare, potest circumduci, potest 
interverti , potest eventilari : omnia deniqûe po- 
tins potest, quam posse suspendi; quod vérbum 
suspendi ^ sustineri , non per laxamenta dedilrî, 
significat. 

Post ita monui quibus studiis, quoniam ita 
velles, te hisloriae scribundae praeparares '. Qua 
de re cum longior sit oiratio, ne modum epîs- 

* Cod. prœtereo. — ^ God. laudabique, — * Ita cod* — * Cod. 
pro suspendi habet mendose super nequit. — ^ Superadditur s 
finalis. 



LETTRES A M. CiESAR. ^Zg 

tière^ char ou cithare. Plus loin» en rappelant Tusage^ 
chez les Parthes*, des -manches- très -larges, tu as 
écrit , je pense , que leur ampleur suspend la chaleur. 
Mais comment peut-on suspendre la chaleur ? Certes, 
je ne te reproche pas pour cette métaphore ton au- 
dace conquérante, moi qui pense avec Ennius que l'o- 
rateur doit être audacieux. Eh bien I oui, que Torateur 
soit audacieux, comme l'exige Ennius; mais qu'il ne s'é- 
gare jamais dans l'expression de ce qu'il veut dire **. 
Je t'ai donc approuvé, et je t'ai loué infiniment d'a- 
voir voulu rechercher, d'avoir essayé une expression 
neuve; mais j'ai blâmé l'expression trouvée : elle est 
si impropre , qu'elle en est absurde ; non, on ne dira 
jamais que , par l'ampleur de ces manches que nous 
voyons quelquefois si lâches et si flottantes, la chaleur 
puisse étte suspendue. Par l'ampleur des vêtemens, on 
peut repousser la chaleur, on peut la rejeter, on peut 
Vélaigner, on peut Yà:arter, on petit la détourner, on 
peut Vèventer, on peut tout enfin plutôt que la suspen- 
dre^ car ce mot suspendre a le sens de soutenir, et non 
de dégager par le vide. 

Je t'ai dit ensuite par quelles études, puisque tu le 
veux, il faut te préparer à écrire l'histoire. Comme ce 
sujet exige un trop long discours, pour ne pas dépas- 

* Maro Aurèle avait sans doute prononcé , dans le sénat , sur les 
guerres avec lef Parthes , un discours corrigé par Fronto. Nous avons 
déjà vu dans le livre précédent, page 20/^, deux mots de ce discours 
que cite Fronto dans une lettre. 

** Le conseil était excellent, surtout à Tépoquc où Fronto le 
donnait : le scholiaste le cite à la marge , comme fort remarquable. 



240 AD M. CiËSAREM. 

tulae egrediar, finem facio. Si tu de ea quoque 
re scribi ad te yoles , etiam adque etiam admo- 
nebis. 

EPISTOLA IV. 

M. C-ffiSAR M. FRONTONI, MAGISTRO SUO, SALUTEAf. 

Po9tquam vehiculum inscendi , postquam te 
salutavi, iter non adeo incommodum fecimus, 
sed pauluhim pluviae aspersi sumus. Sed prius- 
quam ad villam venimus, Anagniam devertunus 
mille fere passas a via. Deinde id oppidum anti- 
cum ^ vidimus; minutulum quidem sed multas 
res in se antiquas habet, œdes sanctasque cœri- 
monias ^ supra modum. Nullus àngulus fuit, ubi 
delubrum aut fanum aut templum non sit; 
praeterea multi libri linitei * , quod ad sacra ad- 
tinet. Deinde in porta cum eximus, ibi scriptum 
erat bifariam sic * : Flamen sume ' samentum. 
Rogavi aliquem ex popularibus quid illud ver- 
bum esset. Ait lingua hernica ' pèlliculam de 

* Ita cod. licet paulo post sciibatar antiquas, — ' Cod. cœri- 
monia propter sequmis s. — ' Ita codex ; idqae magis serrât ety. 
mologiam ex Uno quam Untei. — * In cod. interpungitiir post 
bifariam, — * Sume super additur. — ® In codice interpungitur 
post hernica. 



LETTRES A M. C^SAR. 24 1 

ser les bornes d'une lettre, j'en finis là. Si tu yeux que 
je t'écrive encore sur cette matière, ne crains pas de 
m'en avertir. 

LETTRE IV. 

M. CiESAR A M. FRONTO, SON MAÎTRE, SALUT. 

Après être monté en voiture, après l'avoir salué, je 
partis ; notre voyage se fît sans accident ; nous fûmes 
cependant un peu mouillés *, Avant d'arriver à notre 
villa , nous ûmes un détour d'environ mille pas 
du côté d*Anagnia**. Nous visitâmes cette ville anti- 
que ; c'est peu de chose aujourd'hui; mais elle ren- 
ferme un grand nombre d'antiquités, surtout en menu- 
mens sacrés et en souvenirs religieux. Il n'y a pas un 
coin qui n'ait un sanctuaire, une chapelle, un temple; 
de plus des livres lintéats consacrés aux choses saintes. 
En sortant, nous trouvâmes écrite sur la porte, des 
deut côtés, cette inscription : Flamine , prends le sa- 
MENTUM. Je demandai à un habitant du lieu le sens de 
ce dernier mot ; il me répondit qu'en langue bernique 
il signifiait un lambeau de peau enlevé à la victime, et 

* Dans cette phrase, le mot ptuvUs est gouverné j^&r paululum ; 
c'est nne tournure grecque : plavià serait plus régulier. 

** Anagnie , voisine de Tancienne Préneste , avait été une ville ri- 
che et célèbre , quos divet Anagnla pascit, a dit Virgile. Antoine y 
avait fait frapper nne médaille en souvenir de son mariage avec 
Cléopàtre. 

I. 16 



242 AD M. C^.SAREM. 

hostia, quam in apicem suum ^ flamen cum in 
urbem introeat inponit. Multa adeo alia didici- 
mus quae vellemus scire : verum id solum est 
qiiod nolimus, cum tu a nobis abes: ea nobis 
maxima soUicîtudo est. 

Nunc tu postquam inde profectus es , utmm 
ne in Aureliam an ^ in Campaniam abisti , fac 
scribas mihî : et an vindemias inchoayeris , et an 
ad villam multitudinem librorum tuleris; et 
illud quoque an me desideres; quod ^o stulte 
requiro quom ^ tu per te facis. Nunc tu , si iQe 
desideras atque si me amas, litteras-tuas* ad 
me fréquentes mittes , quod mihi solacium ad- 
que fomentum sit. Nam decem partibus tuas 
litteras légère malim quam omnes marslcos 
aut gauranos palmites : nam Signini quidem 
isti nimis rancidos racemos et acidos acinos 
habent; quod vinum malim quam mustum 
bibere. Praeterea istas uvas ^ multo commodius 
passas quam pubères manducare : nam pro- 
fecto malim eas pedibus calcare , quam denti- 
bus comesse. Sed tamen propitiae placataeque * 

^ Cod. in textu pacem suum; tum in margine scribit scholias- 
tes alibi in apicem , quae unice iectio yera est. — * Tb an snper- 
additur 2 manu ; jurene an injuria , nescio. Nam Pii quidem 
yillae campanae satis not» sunt. — ' Ita i manu ; at a quod. — 
' Tuas additur 2 manu. — ^ Cod. v. — * Cod. quœ. 



LETTRES A M. C^SAR. 245 

que le flainine met sur son bonnet lorsqu'il entre dans 
la ville. Nous avons appris aussi beaucoup d'autres 
renseignemens que nous voulions savoir; mais la seule 
chose que nous ne voulions pas savoir, c'est ton ab- 
sence : elle est pour nous la plus vive peine. 

En partant d'ici es-tu allé à Aurélia * ou en Gampa- 
nie? écris-le moi. As-tu commencé tes vendanges; as- 
tu emporté à ta villa une grande quantité de livres; 
et aussi me regrettes-tu ? Sotte question, puisque j'en 
ai déjà la réponse. Pour toi, si tu me regrettes et si tu 
m'aimes, tu m'enverras souvent de tes nouvelles ; elles 
sont pour moi une consolation , un remède de l'ab- 
sence. J'aime mieux parcourir ** dix fois tes lettres que 
toutes les vignes du pays des Marses ou du Gaurus; à 
Sîgnîa*** le raisin est trop rance, le grain trop aigre; 
j'aimerais mieux boire de son vin .que de son vin doux. 
Eb outre il est plus agréable de manger ses raisins secs 
que ses raisins mûrs; et pour moi, j'aimerais mieux les 
écraser sous mes pieds que sous mes dents. J'invoque 



* Aurélia était une des maisons de campagne d'Antonin-le- 
Pieux. 

** Cette lettre et les suivantes contiennent plusieurs jeux de mots 
intraduisibles. 

*** Un passage de Pline l'Ancien et celte épigiamme do Martial 
nous expliquent les plaisanteries de cette lettre : 

Potabis tiquidum Signina moratilia venlrem , 
Ne nimium sisiant, s'il tibi parca sitlx. 

Lib. XIII, Ej). 116. 
1. l()* 



244 ^^ ^* C£SAREM. 

sint, et mihi pro istis jocularibns bonam ve*- 
niam duint. 

Yale mihi homo amicissime * , suavissime , 
disertissime, magister dulcissime. Quom yidebis 
in dolio mustum fervere, in mentem tibi yeniat^ 
mihi sic in pectore tuum desiderium scatere et 
abundare et spumas facere. Sempçr valç. 

EPISTOLA V. 



HAVE MIHI MAGISTER CARISSIME ^ 



Nos valemus. Ego hodie ab hora nona noctis 
in secundam diei bene disposito cibo studiyi * : 
a secundo in tertiam soleatus libentissime inam- 
bulavi ante cubiculum meum. Deinde calceatus, 
sagulo sumpto , nam ita adesse nobis indictum 
erat, abii salutatum dominum meum. Ad yena- 
tionem profecti sumus^ fortia facinora fecimus, 
apros captos esse fando audimus, nam yidendi 
quidem nulla facuUas fuit. Cliyom ^ tamen satis 
arduum successimus : inde post meridiem ^ do- 

*■ God. amicissimœ. Alibi quoque occurrunt hujusmodi Titio-^ 
s» diphthongî. — ^ God. gravissime. Tum in margine est lem- 
ma in alio carissime; quae yera lectio est. — ' Ita cod. pro stu- 
dui, ut posivi pro posai, Infra tamen studui. — * Ita cod. — * lia 
cod. 2 manu ; at i postridie. 



LETTRES A M. C^SAR. ^45 

cependant leur douce et propice influence; je leur de- 
mande grâce pour ces plaisanteries. 

Adieu, homme si ami, si tendre, si éloquent, maître 
si cher. Quand tu verras le vin doux bouillir dans le 
tonneau^ que ce soit pour toi Firnage de mon amour : 
il fermente ainsi dans ma poitrine; il y bouillonne et 
jette son feu*^^ Encore une fois, adieu. 

LETTRE V. 

BONJOUR ,^ MON TRks-CHER MAÎTRE. 

Nous nous portons bien. Pour moi, aujourd'hui, 
après un bon repas, j'ai étudié depuis la neuvième 
heure de la nuit jusqu'à la deuxième du jour. De la 
deuxième à la troisième, j'ai fait une délicieuse pro- 
menade en sandales devant ma chambre. Ensuite je me 
chaussai, je pris le sagum^, car c'est ainsi qu'on nous 
avait prescrit de nous présenter, et je suis allé saluer 
mon seigneur. Nous sommes partis pour la chasse; 
nous avons fait de beaux coups : on a tué des sangliers, 
du moins nous l'avons entendu dire, car il n^y a pas 
eu moyen de le voir. Cependant nous avons monté 
une côte assez escarpée; puis, à midi environ, nous 

* Le sagum , espèce de saie rouge qui se mettait par-dessus la tu- 
nique , était rhabit militaire des Romains. Aussi , dès qu'il y avait 
une guerre en Italie , chaque citoyen quittait la toge pour prendre 
le sagum. De là : Est in saisis eivîtas; ad saga ire; sumere saga; et 
redure ad togas. Gîcér. 



^46 AD M. GjESAREM. 

mum recepimus. Ego me ad libellos. Igitur cal- 
ceis detractis , Yestimentis positis y m lectulo ad 
duas horas commoratus sum. LegiCatonis oratio- 
nem de bonis Dulciae ^ , et aliam qiia tribuno diem 
dixit. lo % inquis puero tuo; yade quantum 
potes, de ApoUonis bibliotheca bas mihi oratio- 
nes adporta. Frustra mittis * ; nam et * istî libri 
me secuti sunt. Igitur Tiberianus bibliothecarius 
tibi subigitandus est; aliquid in eam rem insu- 
mendum, quod mihi ille, ut ad urbem venero, 
aequadivisione inpertiat. Sedego orationibus bis 
perlectis paululum, miserere, scripsi quod aut 
lymphis aut volcano dicarem, diyjôws àTu^wS 
(Tri(iYipov yéypocKzoci (lot, venatoris plane aut vinde- 
miatoris studiolum, qui jubilis suis cubiculum 
meum perstrepunt, causidicali prosum ^ odio et 
tedio \ Quid hoc dixi? immo recte dixî: nam 
meus quidem magister orator est. Ego videor 
mihi perfrixisse, quod mane soleatus ambukvi, 
an quod maie scripsi, non scio. Certe homo 
alioqui ^ pituitosus % hodie tamen multo muc- 



* Ita cod. 2 manu ; at i Pulchrœ, — ' Ita i^idetar emeudatos 
codex , quum prius f uîsset ioa, — ' Mittis addîtur 2 manu , îdquc 
profecto eleganter omitti potuit. — '^ Cod. it, — ^ Ita cod. — 
* Ita cod. sine diphth. — ^ Cod. qui; tum 2 manu factum alio- 
qui. — * Vox haec repetilur in margîne ut notabilis. 



LETTRES A M. C^SAR. ^47 

sommes revenus au palais; moi à mes livres. Après 
m'être déchaussé et déshabillé, je suis resté deux 
heures sur mon lit. J'ai lu le discours de Gato ^^'^ sur les 
biens de Dulcia, et un autre où il assigne un tribun. 
Allons, di»-tu à ton esclave , va le plus vite que tu 
pourras; apporte-moi ces deux discours de la bibliothè- 
que d'Apollon*. Inutile démarche, car ces livres sont 
venus avec moi. C'est donc au bibliothécaire Tibéria- 
nus qu'il te faudra faire ta cour. Tâche aussi qu'il 
s'arrange de façon qu'à mon retour à Rome il fasse 
un partage égal. Mais après avoir lu ces discours, par- 
donne-moi , j'ai écrit quelque chose qui mérite d'être 
jeté au feu ou h l'eau. Aujourd'hui j'ai été fort mal- 
heureux en écrivant; ce sont des essais dignes des 
chasseurs et des 'Vendangeurs qui ébranlent ma cham- 
bre du bruit de leurs chansons; bruit aussi en- 
nuyeux, aussi odieux pour moi que celui du barreau. 
Maïs qu'ai- je dit là ? au contraire, j'ai très-bien 
dit, car justement mon maître est un orateur. Je crois 
avoir pris un peu de froid : est-ce pour m'être pro 
mené ce matin en sandales, ou pour avoir mal écrit ? 
Je ne sais assurément; moi qui suis d'ailleurs homme 
à pituite, je trouve que je ne me suis jamais tant mou- 

* Ce fut Asinius PoUio qui forma à Rome la première bibliothè- 
que publique. Celle dont parle ici Marc Aurèle fut établie par Au- 
guste 8ur le mont Palatin : il y en avait encore plusieurs autres à 
Rome. Le bibliothécaire s'appelait d biblioiheca ; Marc Aurèle se 
sert de bibtiothLcarlus , j3i6Aio^iiA«^. Nous ne trouvons ce mot dans 
aucun écrivain avant lui. 



2^8 AD M. G^SAREM. 

culeutior * mihi esse videor. Itaque oleiim in 
caput infundam et incipiam dormire; nam in 
lucemam hodie nuUam stillam inicere cogito : 
ita me equitatio et stemutatio defetigavit. Vale- 
bis ^ mihi, magister carissime et dulcissime, quem 
ego, ausim dicere, magis quam ipsam Romam 
desidero. 

EPISTOLA VI. 

HAVE MIHI MAGISTER DULCISSIME. 

Nos yalemus. Ego aliquantum prodormivi 
propter perfrictiunculam , quae yidetiir sedata 
esse. Ergo ab undecima noctis in tertiam diei 
partim legiexagricultura Catonis, partimscripsi; 
minus, miserere, mehercule * quam heri. Inde 
salutato pâtre meo, aqua mulsa sorbendo * us^ 
que ad gulam et rejectanda fauces foyi potius 
quam dicerem gargarissabi ^ : nam et ad ^ Novium 
credo, et alibi. Sed faucibus curatis abii ad pa- 
trem meum et immolanti adstiti. Deinde ad me- 
rendam itum. Quid me censés prandisse? panis 

• 

^ Repetilur in margine cum unica c, — ^ Cod. i mamix valevU; 
at 2 valebis. — * Ita 2 manu ; at 1 mercule, — * Ita cod. 2 ma- 
nu; at 1 sorbemdo; m pro n^ ut in aliis codd. — ^ Ita cod. — 
* yéd pro apud. 



LETTRES A M. GiSSAR. 2^g 

ché qu*aujourd'hui. Aussi, je vais répandre de l'iniile 
sur ma tête, et me mettre à dormir, car je ne pense 
pas à en verser aujourd'hui une seule goutte dans ma 
lampe, tant le cheval et Téternuement m'ont fatigué. 
Porte-toi bien pour moi, maître très -doux et très- 
cher, dont j'ai plus de regret , j'ose le dire , que de 
Rome elle-même. 

LETTRE VI. 

BONJOUR, MON TRks-DOUX MAÎTRE. 

Nous nous portons bien. Moi j'ai peu dormi h cause 
d'un petit frisson qui cependant paraît cahné. JTai 
donc passé le temps depuis la onzième heure de la 
nuit jusqu'à la troisième du jour, partie à lire l'agri- 
culture de Gato^, partie à écrire, heureusement, à la 
vérité, moins qu*hler. Puis, après avoir salué mon père, 
avalant de l'eau miellée jusqu'au gosier et la rejetant, 
je me suis adouci la gorge plutôt que je ne l'ai garga- 
risée, car je puis le dire, je crois , d'après Novîus et 
d'autres. Ma gorge restaurée, je me suis rendu auprès 
de mon père, et j'ai assisté à son sacrifice *^^ Ensuite 
on est allé manger. Avec quoi penses-tu que j'aie dîné? 

* Ainsi Touvrage de Gaton prenait peut-être aussi le titre de Agri- 
eultura Catonis ; il est plus connu sous celui de : De Re Rustica , ou 
De Rcbus Rusticis. On n'est pas sûr que le traité qui nous reste soil 
authentique; la latinité cependant le ferait croire ."Nous en citons 
quelques fragmens dans les notes du second volume. 



2^0 AD M. GiËSARËM. 

tantuluni ; cum conchim ^ , caepas et maenas bene 
praegnantis alios Yorantis yiderem. Deiade uvis 
metendis operain dedimus , et consudabimus ^ 
et jubilavimus % et aliquot, ut ait auctor, reli- 
quimui aliipendulos ^ vindemiœ superstites, Ab 
hora sexta domum redtmus : paululum studui 
atque id ineptuin. Deiude cttin matercula mea 
supra torum sedeate multum garrivî. Meus 
sermo hic erat : Quid existimas modo meum 
Frontonem facere? Tum illa: Quid autem tu 
meam Gratiam? Tum ego : Quid autem paser- 
culam ^ nostram Gratiam minusculam ? Dum ea 
fabuJamur atque alt^camur, uter alterum yes- 
trum magis amaret, discus crepuit, id est pater 
meus in balneum transisse nuntiatus est. Loti 
igitur in torculari ceuavimus; non loti in tor- 
culari, sed loti cenayimus ; et rusticos caviUantes 
audiyimus llbenter. Inde reyersus , prius quam 
me in latus conyerto ut stertam, meum pensum 
explico, et diei rationem meo suayissimo ma- 
gistro reddo, quem si possem magis desiderare, 
lîbenter pluscùlum macerarer. Valebîs mihi 
Fronto, ubi ubi es, mellitissime, meus amor, mea 
voluptas. Quid mihi tecum est? amo absentem. 

* Vox haec repetitur in margine ut notabilis. — * Ita cod. — 
^ Cod. 1 manu Juvilavimus. — ^ God. altipedulos; tum eadcm 
mauus supcraddidit n. — ^ Ita cod. cum uuica s. 



LETTRES A M. C^SAR. 201 

avec un peu de pain, pendant que je voyais les autres 
dévorer des huîtres, des oignons et des sardines bien 
grasses. Après nous nous sommes mis à moissonner 
les raisins ; nous avons bien sué, bien crié , et nous 
avons laissé, comme dit un aiiicuv* , pendre aux treil- 
les quelques survlvans de la vendange, A la sixième 
heure nous sommes revenus à la maison. J*ai un peu 
étudié, et cela sans fruit; ensuite j'ai beaucoup causé 
avec ma petite mère, qui était assise sur son lit. Voici 
ce que je disab : Que penses-tu que fasse mon Fronto, à 
cette heure ? Et elle : Que penses-tu que fasse ma Gra- 
tia? Qui, répliquai-je ? notre fauvette mignonne, la 
toute petite Gratia ? Pendant que nous causions ainsi» 
et que nous nous disputions à qui des deux aimerait le 
plus l'un de vous, le disque retentit, c'est-à-dire qu'on 
annonça que mon père s'était mis dans le bain. Ainsi, 
nous avons soupe après nous être baignés dans le pres- 
soir; non*pas baignés dans le pressoir, mais, après nous 
être baignés, nous avons soupe, et entendu avec plai- 
sir les joyeux propos des villageois. Rentré chez moi , 
avant de me tourner sur le côté, pour dormir, je déroule 
ma tâche, et je rends compte de ma journée à mon ex- 
cellent maître, que je voudrais, au prix de tout mon 
embonpoint, désirer encore plus que je ne fais. Porte- 
toi bien , mon Fronto, qui , en tout lieu , es pour moi 
ce qu'il y a de plus doux, mon amour, ma volupté. 
Quel rapport entre toi et moi ? J'aime un absent. 

* Quel est cet auteur, ce poète dont parle Marc Aurèle F Peut-être 
encore Novius. 



2D2 AD M. C.ESAREM. 



EPISTOLA VII. 



UABE ^ MIHI MAGISTER OULCISSIME. 



Tandem tàbellarius proficiscitur, et ego tridui 
acta mea ad te tandem possum dimittere. Nec 
quicquam dico; ita epistulis prope ad ^ xxx 
dictandis spiritum insumsi. Nam quod proxime 
tibi de epistulis placuerat , nondum ad ' patrem 
meum pertuli. Sed cum, dis juvantibus, ad 
urbem yeniemus, admone me ut tibi aliquid de 
hac re narrem. Sed quae tua et mea mèteoria * 
est? neque tu me admonebis, neque ego tibî 
narrabo, atque ^ enini rêvera opus consulto est. 
Vale, meum ; quid dicam, quidquid dicere satis 
non est ? Vale , meum desiderium , mea ( lux , 
mea ) voluptas *. 

EPISTOLA VllI. 

MAGISTRO MED SALUTEM. 

Adventum tuum mihi fratec tuus nuper eùny 
yekidaTo. Cupio mehercule possis venire, quod 

* Ita cod. pro ave. — * Ad superadditar a manu. — * Ad su- 
peradditur 2 manu. — * Vox haec , ut uolabilis , repetitur in 
marginc. — * Ita cod. — * Voluptas scribitur 2 manu. 



LETTRES A M. C-ESAR. 253 

LETTRE Vil. 

BONJOUR, MON TRÈS-DOUX MAÎTRE. 

Enfin le messager *" part , et je puis enfin t'envoyer 
mon travail de trois jours; et ceci n'est point un yain 
propos : oui, je me suis essoufilé à dicter près de traite 
lettres. Malgré tout le plaisir que t'ont fait ces lettres, 
je ne les ai pas encore portées à mon père. Mais, lors- 
que, avec l'aide des dieux, nous viendrons à la ville, 
rappelle-moi que j'ai à te raconter quelque chose à ce 
sujet. Mais quel est ton aveuglement* et le mien? Ni 
tu ne m'avertiras, ni je ne te raconterai ; en efiet, cela 
demande réflexion. Adieu, mon.... que dirai-je? tout 
ce que je ne puis assez dire, mon désir, ma lumière , 
ma volupté, adieu. 

LETTRE VIIL 

A MON MAÎTRE , SALUT. 

Ton firère m'a dernièrement annoncé ton arrivée 
prochaine; je désire hien en vérité que tu puisses ve- 

* 3Jeteoria, que le schoUaste répète à la marge comme un mot 
remarquable, se trouve dans Suétone, mais écrit en grec : In eo mi- 
rail tant homines et obiivionem et inconsiderantiam , vei ut grœce di- 
cam , fiirsuplcLv xac àêAs^t'av. Cl. ch. 59.' 



254 ^^ M- CiESAREM, 

sainte tua fiât : spero enim fore, ut etiam vale- 
tudini meae conspectus tuus aliquid conférât. 

EiÇ ofxfxar' evvov (fCùToÇ èvSTÀ^ezact^ [^^] Eypiîrid'yîÇ , ut 

opinor. Ego mpraesentiarum ^ sic me habeo, 
ut yel hinc aeâtimatu facile sit tibi , quod haec 
precaria ^ manu scribo. Sane quidem quod ad 
vires adtinet , incipiunt rédire : pectoris etiam 
dolor nullus residuus ; ulcus autem illud aîrep- 
yatjzoci ' TYîS dpznpiaç. Nos remédia experimur, et 
nequid opère nostro claudat advigilamus. Ne- 
que enim uUa alia re tolerabiliora diuturna in- 
commoda fieri sentio, quam couscientia curae 
diligentis et temperantiae medicis obsequentis. 
Turpe alioqui fuerit diutius vitium corporis, 
quam animi studium ad reciperandam sanita- 
tem, posse durare. Vale, mi jucundissime ma- 
gister. Salutat te mater mea. 

EPISTOLA IX. 

DOMINO MEO. 

Accepi litteras tuas elegantissime scriptas, 
quibus tu intervallo desiderium litterarum mea- 

* In prœsentiarum repetitur in margine. Utrum aatem in âl 
se[>araiida ncc ne , codex doccre ncquit , qui litteris contmuis 
semper utitur. — ^ Cod. prœcaria, — * God. videtur aTri/oyav^rat. 



LETTRES A M. C^SAR. 255 

nir , et que ce soit pour la santé ; car j'espère même 
que le plaisir de te voir fera du bien à la mienne. 
EuripidèSy je ^ense, regardera dans les yeux d'un mortel 
bienveillant *^'. Quant à mon état actuel tu pourras en 
juger facilement, puisque je me sers d'une main d'em- 
prunt pour t'écrire. Il est vrai que, pour mes forces, 
elles commencent à revenir; il ne me reste même 
aucune douleur de poitrine , mais l'ulcération de l'ar- 
tère est terminée. Nous essayons des remèdes , et nous 
veillons à ce qu'il n'y manque rien par notre fait; 
car je pense que rien ne contribue plus à rendre 
tolérables les longues maladies, que la conscience 
d'une attention soutenue et d'une docilité parfaite aux 
médecins. Il serait honteux, d'ailleurs, que la souf- 
france du corps pût durer plus long-temps que l'efTort 
courageux de l'âme pour recouvrer la santé. Adieu , 
mon très-agréable maître; ma mère te salue. 



LETTRE IX. 



A MON SEIGNEUR. 



J'ai reçu la lettre si élégamment écrite, oii tu me dis 
que , depuis assez long-temps , tu désires de mes let- 

* Je dois cette explication et plusieurs autres à un de nos plus 
saTans médecins. On peut consulter sur le mot arteria, trachée- 
artère , la préface du IV« livre de Celse. Marc Aurèle avait sans 
doute ce qu'on appelle aujourd*hui une angine laryngée. 



256 AD M. GjESAREM 

rum obortum tibi esse ais. Est igitur yera So- 
crati * opinioy dokôttus ferme voluptateèconexas 
esse; cum in carcere dolorem constricH Yinculi 
voluptate resoluti conpensaret. Item profecto in 
nobis quantum molestiae absentia, tantum com- 
modi adfert desiderium inritatum. Nain deside- 
rium ex amore est. Igitur amor cwfn cjiesiderio 
auctus esty quod est ^ in amicitia multo h «opti- 
mum. Tum quod "^uaeris de valetudinat mea , 
jam.^prius scripseram tibi, me umeri dolore 
vexatum ita vehementer quidem, ut illam ipsam 
epistulam, qua id significabam, scribendo dare 
operam nequirem; sed uterer contra morem 
nostrum. . . 

EPISTOLA X. 

( C^SAR FRONTONI. ) 

Mater mea te 

salutat. Consulem nostrum saluta et matronam 
nostram. 



^ Ita cas. gen. in i , ut saepe similia nomina apud Gic. — 
^ Est superadditur a manu. — ' Ita cod. 2 manu ; at 1 multa. 



LETTRES À M. GJESAR. 267 

très. Elle est donc bien vraie cette pensée de Socratès, 
que le plaisir a les plus grands rapports avec la douleur ; 
pour lui» dans sa prison ^^^^ la chute de ses fers était 
un plaisir qui compensait la douleur de leurs étreintes^: 
ainsi, pour nous, autant Fabsence nous fait de peine, 
autant nous fait de bien le désir provoqué. Car le désir 
naît de Tamour : aussi ton amour s'est développé avec 
le désir; ce qui, eu amitié, vaut mieux que tout. Quant 
à ma santé, dont tu t'informes, je t'avais déjà écrit au- 
paravant que j'étais si fort tourmenté d'une douleur de 
l'épaule qu'il n'y avait pas possibilité pour moi d'é- 
crire la lettre elle-même où je te donne cette nouvelle, 
et que, contre ma coutume 



LETTRE X. 

(C-«SAR, A FRONTO.) 



* m Car, dit Socrate , si le plaisir et la douleur ne se rencontrent 
•jamais en même temps, quand on prend Tun il faut accepter l'au- 
>tre , comme si un lien naturel les rendait inséparables. Je regrette 

• qu'Ésope n'ait pas eu cette idée , il en eût fait une fable: il nous 

• eût dit que Dieu voulut réconcilier un jour ces deux ennemis; mais 

• que, n'ayant pu y réussir, il les attacha à la même chaîne; et que, 
•pour cette raison , aussitôt que l'un est Tenu on Toit bientôt arri- 
•ver son compagnon : et je viens d'en faire l'expérience moi-même , 
•pnisqu'à la douleur que les fers me faisaient soufinr à cette jambe 
•je sens maintenant succéder le plaisir. • Platon de M. Cousin, 
tom. I,p. 191. 

I. 17 



258 AD M. CiESAREM. 

EPISTOLA XI. 

GiBSAR, FRONTONI. 

Yolentibus dis spem salutis nancisci videmur: 
alvi fluxus constitit, febriculae depuis» : macies 
tamen pertenuis et tussiculae * nonnihil restât. 
Profecto intellegis de parvola Qostra Faustina 
haec me tibi scribere, pro qua satis egimus. Tibi 
Yaletudo an pro meo yoto se adcommodet, fac 
sciam, mi magister. 

EPISTOLA XII. 

FRONTO, CiESARI. 

Ut ego, di boni, consternatus sum lecto initie 
epistulae tuae ! quod ita scriptum fuit, ut tuum 
aliquod yaletiidinis pericuhim significari suspi- 
carer. Postquam deinde illud^ periculum, quod 
quasi tuum principio litterarum tuamm aooe- 
peram , filids tuœ Faustinae fuisse aperuisti ' , 
quantum mihi permutatus est payor ! nec per^ 

* Cod. cumunica ». — ^ Cod. iUut. — ' God. apperuisti: sed 
altéra p deleta videtur. Sane alibi legimus repperio* 



LETTRES A M. G^SAR. âSg 



LETTRE XL 



GiBSAR, A FRONTO. 



Par la volonté des dieux , nous croyons retrouver 
quelque espérance de salut : le cours de ventre s'est 
arrêté; les accès de fièvre ont disparu; il reste pour- 
tant encore quelque maigreur et un peu de toux. Tu 
devines bien que je te parle là de notre chère petite 
Faustina, qui nous a assez inquiétés *.Ta santé répond- 
elle à mon vœu ? Fais-le moi savoir, mon maître. 



LETTRE XIL 



FBONTO, A CiESAR. 



Dieux bonsi comme j'ai été consterné en lisant le 
commencement de ta lettre ! Car il était écrit de ma- 
nière à me fiiire soupçonner quelque péril pour ta 
santé. Mais ce péril que, d'après ton début, j'avais cru 
être le tien, dès que la suite m'eut appris. que c'était 
celui de ta fille, comme ma frayeur a été changée I et 
non-seulement elle a été changée, mais même, je ne 



* Marc Aurèle perdit , quelque temps après, cette pauvre petite 
Domitia Fanstina , dont il parle si tendrement. Mabillon cite son 
inscription : Domitia Faustina, M. Adbelii Casakis pilia , imp. An- 

TOHIHI, P. P. IfBPTIS. 



200 AD M. GJISAREM. 

mutatus modo , verum etîam nescio quo pacto 
nonnihil sublevatus. Dicas lîcet : Levîus ne tibi 
visum est filiae meae periculum quam meum? 
tibi ne ita visum qui praefers Faustinam id tibi 
esse quod lucem serenam, quod diem festum, 
quod spem propînquam, quod votum impetra- 
tum» quod gaudium integrum, quod laudem 
nobilem atque incolumem? Equidem ego quid * 
mihi legenti litteras tuas subvenerit, scio; qua 
vero id ratione evenerit, nescio; nescio, inquam, 
cur magis ad^ tuum quam ad tuae filiae pericu- 
lum consternatus sim : nisi forte, tametsi paria 
sint, graviora tamen videntur quae ad aures prius 
accidunt. Quae denique hujusce rei ratio, tu 
facilius scias, qui de natura et sensibus homi- 
num scis amplius aliquid meliusque didicisti. 
Ego, qui a meo magistro et parente Athenodoto 
ad exempla et imagines quasdam rerum, quas 
ille eiTtàvaç appellabat, apte animo compraehen- 
dundas adcommodandasque mediocriter insti- 
tutus sum, banc bujusce rei imaginem reppe- 
risse videor, cur meus translatus metus levior 
sit mibi visus. Simile solere evenire onus grave 
umero gestantibus, cum illud onus in sinistrum 
ab dextero umero transtulere ; quamquam nihil 

* Cod. quit, — * God. at. 



LETTRES A M. CjE&AR. 26 1 

sais comment, un tant soit peu allégée» Tu pourras me 
dire : Est-ce que le danger de ma fille t'a semblé moins 
grave que le mien? Gomment t'aurait-il semblé moins 
grave à toi, qui prétends que Faustina est pour toi 
ce qu'est une lumière sereine, un jour de fête, une es- 
pérance prochaine, un vœu exaucé, une joie entière, 
une gloire noble et sans atteinte ? Je répondrai que je 
sais bien ce que j'ai éprouvé en lisant ta lettre ; mais, 
pourquoi je l'ai éprouvé, c'est ce que j'ignore. J'igno- 
re, dis-jè, pourquoi j'ai été plus consterné de ton dan- 
ger que de celui de ta fille, si ce n'est peut-être que, 
dans des dangers égaux, ceux-là paraissent les plus 
grands qui frappent les premiers nos oreilles. Enfin la 
raison de cette chose, tu la devineras plus facilement, 
toi qui as fait de plus profondes études, et acquis de 
plus amples connaissances sur la nature et les sens de 
l'homme"^. Quant à moi, qui n'ai appris que faiblement, 
de mon maître et père Athénodotus^^% comment il 
fallait concevoir et former, dans son esprit, certaines 
idées et représentations des objets, qu'il appelait, en^ 
grec images, je crois en avoir trouvé une qui explique- 
ra pourquoi ma crainte, en changeant d'objet, m'a 
semblé plus légère; c'est que la même chose arrive à 
ceux qui portent un pesant fardeau sur leurs épaules, 
lorsqu'ils le font passer de l'épaule droite sur la gau- 



* Je ne suis pas bien sûr que Fronto ne se moque point ici des étu- 
des philosophiques de Marc Aurèle , comme il le fait dans plusieurs 
lettres. 



262 AD M. CJESAREM. 

de pondère deminutum Bit, tamen ut oneris 
translatio videatur etiam relevatio. 

Nunc quoniam prostrema parte epistulae tuae, 
qua meliuscule jam valere Faustinam nuntiasti, 
omnem inihî prosus ^ inetum ac sollicitudinem 
depiilîsti; non alienum tempus videtur de meo 
adversus te amore remîssius aliquid ^ tecum et 
liberalius fabiilandi : nam ferme metu magno et 
pavore relevatis concedîtur ludere aliquid' at- 
que ineptire. Ego quanto opère * te diligam non 
minus de gravibus et seriis experimentis quam 
plerisque etiam frivolis sentio. Quae aut cujus- 
modi sint haec frivola, indicabo. Siquando te 
somno leniy ut poetaait, placidoque revinctus yi- 
deo in somnis, numquam est quin amplectar 
et exosculer : tum pro argumento cujusque 
somni aut fleo ubertim , aut exulto lœtitia ali- 
qua etvoluptate. Hoc unum ex annalibus sump- 
tum amoris mei argumentum poeticum et sane 
somniculosum. Accipe aliud rixatorium jam hoc 
et jurgiosum. Nonnumquam ego te coram pau- 
cissimis ac familiarissimis meis gravioribus ver- 
bis absentem insectatus sum : olim hoc ^ , cum 

^ Ita cod. 1 manu; at 2 prorsus. — ^ Cod. aliquit; sed paulo post 
sequitur aliquid. — ^ Cod. 1 mauu aliquod ; haud semel quod 
pro quid in codice de Rep., Cic. — ^ God. 1 manu quantopere. 
— ' An diccndum potius sum olim : hoc est, etc. 



LETTRES A M. CJESAR. 203 

che. Quoiqu'il n'ait rien perdu de son poids y cepen- 
dant le changement semble un allégement. 

Maintenant, puisque, par la dernière partie de ta let- 
tre, où tu m'annonces que Faustina se trouvait déjà un 
peu mieux , tu m'as délivré de toute crainte et de toule 
inquiétude, j'imagine qu'il n'y aura pas d'inconvenance 
à t'entre tenir de mon amour pour toi , avec moins de 
gravité et plus d'abandon; car on passe à ceux qui sor- 
tent d'un grand saisissement , de jouer et de divaguer 
un peu. Souvent ce n'est pas moins par des expérien- 
ces graves et sérieuses que par de frivoles expériences 
que je sens combien je t'aime. Je vais t'indiquer 
quelles et de quelles espèces sont les expériences frivo- 
les. Si quelquefois , enchaîné par an doux et paisible 
sommeil y comme dit le poète ^, je te vois en songe, 
ce n'est jamais sans que je t'embrasse et te couvre de 
baisers; puis, selon le sujet du songe, ou je pleure 
abondamment, ou je suis transporté d'un certain sai- 
sissement de joie et de plaisir. Voilà la seule preuve 
poétique et assurément rêveuse , tirée des annales , 
et que je puisse donner de mon amour pour toi. En 
voici une autre du genre hargneux et querelleur* Quel- 
quefois, en présence de mes meilleurs amis, en petit 
nombre, et toi absent**, je t'ai vivement grondé de ce 
qu'il t'arrivail, cela jadis, de te présenter dans les réu- 

* Le poète, c'est Eanius, comme nous Tapprend la phrase sui- 
vante. 

** Le» détails de cette lettre sur le caractère de Marc Aurèle of- 
frent de l'intérêt, et le font mieux connaître que ving^ pages oratoires. 



264 ^^ ^- C^SAREM. 

tristior quam par erat in cœtu hominum pro- 
grederere, yel cum in theatro tu libros vel in 
conyivio lectitabas : nec ego dum tu, theatris, 
nec dum ^ conyiyiis , abstinebam. Tum igitur 
ego te durum et intempestivum hominem, odio- 
sum etiam nonnumquam ira percitus appella- 
bam. Quod ^ siquis alius eodem te conyicio an- 
diente me detrectaret, aequo animo audire non 
poteram. Ita mihi facilius erat ipsum loqui, 
quam alios de te sequius quid dicere perpeti : 
ita ut Gratiam meam fiUam facilius ipse percus- 
serim quam ab alio percuti viderim. Tertium 
de meis frivoleis^ addam. Sois ut in onmibus 
argentariis mensulis, perguleis, tabemeis, pro- 
tecteis , vestibulis 5 fenestris, usquequaque, ubi- 
que, imagines vestrae sint volgo propositae, maie 
illae quidem pictae pleraeque et crassa , lutea im- 
mo, Minerva fictae scalptaeve; cum intérim num- 
quam tua imago tam dissimilis ad oculos meos 
in itinere accidît, ut non ex ore meo excusserit 
rictum osculei et sonmum. 

Nunc ut frivoleis fine m faciem , et convertar 
ad serium , hae litterae tuae cum primis indicio 
mihi fuerunt quanto opère* te diligam, cum 

* Dum superaddîtur in cod. — ^ Cod. quoi, — ^ Ex eU fed 
15 emendator in hoc et sequentibus aliquot verbis. Ego vero ar- 
chaismum retmeo. •— ^ Ita cod. 2 manu ; at i quantopere» 



LETTRES A M. GiESAR. 265 

nions avec plus de sérieux qu'il ne convenait, ou de 
feuilleter des livres pendant le spéciale ou le repas, ce 
qu'au reste je ne manquais de faire, comme toi, au 
théâtre et à table. Alors donc je te traitais d'homme 
dur, intempestif, parfois même d'homme haïssable, 
lorsque la colère me possédait. Que si, dans le même 
repas,' an autre se permettait en ma présence de mé- 
dire de toi, je ne pouvais l'entendre de sang-froid. 
Ainsi il m'était plus facile de parler moi-même que de 
souffrir qu'un autre proférât le moindre mot contre 
toi ; de même que j'aurais frappé ma fille Gratia plus 
facilement que je ne l'aurais vu frapper par un autre. 
Voici ma troisième frivolité. Tu sais comme, sur tou- 
tes les tables de changeurs, toutes les boutiques, toutes 
les tavernes, tous les vestibules, à tous les auvents, 
toutes les fenêtres, partout et en tout lieu, on voit vos 
images exposées ; la plupart à la vérité mal peintes *, et 
même en argile grossièrement façonnée ou sculptée. 
Eh bien! chaque fois qu'en chemin un de ces por- 
traits de toi, si peu ressemblans, est venu frapper mes 
yeux, je n'ai jamais senti ma bouche s'entr'ouvrir pour 
un baiser^ ni mon esprit tourner à la rêverie. 

Maintenant, pour finir ce badinage et revenir au 
sérieux, ta lettre m'a fait voir, plus que toute autre 
chose, combien je t'aime, puisque j'ai été plus troublé 



* C'est an malheur attaché à la condition des princes , des rois , 
des empereurs. Alexandre ne put y échapper que par une loi : 
Edlxit ne quis, prœter Apellem, Alexandrum pingeret»^ 



266 ÂD M. G^SAREM. 

magis perturbatus sum ad tuum quam ad filke 
tuae periculum : cum alioqui te qnidem mihi, 
filiam vero tuam etiam tibi, ut par est, supersti- 
tem cupiam. Sed heus tu yidebis, ne delator 
existas, neve indicîo pareas apud filiam: quasi 
vero ego te quam illam magis diligam. Nam pe- 
riculum est, ne ea re filia tua commota, ut* 
est gravis et prisca femina, poscenti mihi manus 
et plantas ad saviandum ea causa iratior subtra- 
hat aut gravatius porrigat : cujus ego dei^ boni ! 
manus parvolas plantas que illas pinguiculas 
tum libenlius exosculabor, quam tuas cervices 
regias, tuumque os probum et facetum. 

EPISTOLA XIII. 

MAGISTRO MEC. 

G. Aufidius animos tollit; arbitratum suum 
in cœlum fert : negat se hominem justiorem, 
nequid immoderatius dicam , ex Umbria uUum 
alium Romam venisse. Quid quaeris? judicem 
se quam^ oratorem vult laudari : cum rideo, des- 
picit : facile esse ait oscitantem judici assidere ; 

^ Ut 8uperadclitur â manu ; idque haud &cio au elegantîus 
omitti videatur. — ^ lia cod. i mauu ; 2 di. — ^ Ita quam uo» 
praecedcnle potius. 



LETTRES A M. CiESAR. 267 

par l'idée de ton danger, que par celle du danger de ta 
fille, lorsque d'ailleurs mon vœu le plus ardent est bien 
que tu me survives à moi ; mais aussi que ta fille te sur- 
vive à toi-même, comme il convient. Cependant, 
dieux ! ne va pas te rendre mon délateur auprès de ta 
fille, et lui laisser voir * ®* que je t'aime plus qu'elle ; car 
il est à craindre que piquée, en femme grave et anti- 
que, telle qu'elle est, ta fille, lorsque je lui demande- 
rai ses mains ou ses pieds à baiser, ne les retire de co- 
lère, ou ne les tende qu'avec répugnance : elle, bons 
dieux ! dont je baiserais alors les petites mains et les 
pieds potelés plus volontiers que ta tête royale et ta 
bouche probe et gracieuse. 

LETTRE XIII. 

\ MON MAÎTRE. 

C. Aufidius* s'enfle d'orgueil; il porte au ciel son ju- 
gement; il soutient que jamais homme plus juste, pour 
ne rien dire de plus extravagant, n'est venu de l'Um- 
brie"^* à Rome. A quoi prétend-il donc ? il veut qu'on 
vante en lui le juge avant l'orateur. J'en ris : il me 
méprise; il dit qu'il est facile de voir bâiller auprès 

* Nous retrouverons plusieurs fois dans ces lettres, et avec de 
grands éloges , le nom de cet Aufidius. 

*• Cette lettre tranche une grave question entre les antiquaires, 
celle de savoir quelle était la patrie des Aufidius. 



268 AD H. GJESAREM. 

ceterum quidem judicare , praeclarum opus. 
Haec in me. Sed tamen negotium belle se dédit. 
Bene st *- ; gaudeo. Tuus adreutus me cum beat, 
tum sollicitât : cur beet, nemo quaerat; quam 
ob rem sollicitât , ego médius fidius fatebor tibi. 
Nam quod scribendum dedisti, ne paululum 
quidem operae ei , quamvis otiosus , dedi. Aris- 
tonis libri me hac tempestate bene accipiunt, 
atque idem habent maie : cum docent meliora, 
tum scilicet bene accipiunt; cum vero osten- 
dunt quantum ab bis melioribus ingenium 
meum relictum sit , nimis quam saepe erubescit 
discipulus tuus, sibique suscenset, quod viginti 
quinque natus annos nihil dum bonarum opi- 
nionum et puriorum rationum animo ^ hause- 
rim. Itaque pœnaa do , irascor , tristis sum , 
Çy}XoTU7rw% cibo careo. His nunc ego curis de- 
vinctus obsequium scribendi cotidie in diem 
posterum protuli. Sed jamaliquidcomminiscar; 
et quod orator quidam atticus Atheniensium 
contioném monebat, nonnumquam permitten- 
dum legibus dormîre; libris* Aristonis propi- 
tiatis paulisper quiescere concedam, meque ad 
istum histrionum poetam totum convertam; lec- 

^ Ita cod. 1 manu ; sed 2 videtur addita e. — ^ God. animoa, 
— ^ God. ÇgAoTUTTû. — * God. in libris; sed particula tu yidetur 
dcleta. 



LETTRES A M. GiESAR. 269 

d*iin juge, mais que juger n'en est pas moins une belle 
œuvre. Voilà ce qu'il dit contre moi ; du reste , Taf- 
faire s'est passée le mieux du monde : tout va bien; 
j'en suis aise. Ton retour fait mon bonheur et mon 
tourment tout ensemble. Mon bonheur! nul ne de- 
mandera pourquoi. Mon tourment I je vais t'en avouer 
franchement la cause. Tu m'avais donné un sujet à 
traiter; je n'y ai pas encore touché, et ce n'est pas faute 
de loisir. Mais l'ouvrage d'Aristo*" m'occupe en ce 
moment; il me met tour à tour bien et mal avec moi- 
même : bien avec moi-même , lorsqu'il m'enseigne la 
vertu; mais, lorsqu'il me montre à quelle prodigieuse 
distance je suis encore de ces vertueux modèles, alors, 
plus que jamais, ton disciple rougit et s'indigne contre 
lui-même de ce que, parvenu à l'âge de vingt-cinq ans, 
il n*a pas encore pénétré son âme de ces pures maxi- 
mes et de ces grandes pensées. Aussi j'en suis bien 
puni; je m'irrite, je m'ajBlige, j'envie les autres, je me 
refiise la nourriture. Et au milieu de toutes ces peines 
qui enchaînent mon esprit, j'ai remis chaque jour au 
lendemain le soin d'écrire. Mais il me revient un sou- 
venir. Comme cet orateur d'Athènes qui disait au 
peuple assemblé qu'on peut laisser quelquefois sommeil- 
ler les lois *, je laisserai dormir quelque temps Aristo, 
après lui avoir demandé pardon ; et je reviendrai tout 
entier à ton poète d'histrions**, après avoir lu d'abord 

* Marc Aurèlc veut citer ici Démosthènes. 

""* Ce poète comique est sans doute encore Plante , ou Novius. 



270 AD M. CSSARSM. 

tds prius oratiunculeis tuUianeis. 
alterutram partem : nam eadem de re diyersa 
tueri 9 numquam prosus ita dormiet Aristo, uti 
permittat. Yale , mi optime et honestissime ma- 
gister. Domina mea te salutat. 



tETTBES A M. CJESAR 27 1 

quelques petits discours de Gicéro. Quant au sujet que 
lu m'as donné, je ne le traiterai que d'une manière; 
mais défendre à la fois le pour et le contre, Aristo ne 
dormira jamais assez pour le permettre. Adieu , mon 
très- bon et très - vertueux maître. Ma souveraine te 
salue. 



M. GORNELII FRONTONIS 



EPISTULiE 



AD M. CiESAREM, 



ET INVIGEM. 



LIBER QUINTUS- 



EPISTOLA I. 



DOMINO MEO. 



Si quicquam dos amas, dormei per istas 
noctes, ut forti colore în senatum venias , et ve- 
hementi latere legas. 



EPISTOLA IL 

MAGISTRO MEO. 



Ego te numquam satis amabo. Dormiam. 



LETTRES 



DE M. C. FRONTO 



A M. CiESAR, 



ET DE M. C^SAR A M. C. FRONTO 



r\i 



LIVRE CINQUIEME. 



LETTRE I. 



A MON SEIGNEUR. 



Si tu nous aimes un peu, dors pendant ces nuits, 
afin de venir au sénat avec un bon teint , et de lire 
avec de robustes poumons. 

LETTRE IL 

A MON MAITRE. 

Moi» je ne t'aimerai jamais assez. Je dormirai. 
I. 18 



274 ^^ ^* CiESAREM. 



EPISTOLA III. 



DOMINO BfEO. 



Miserere : unum verbum de oratione abl^, 
et quaeso ne umquam eo utaris, dictionem pro 
oratione ^ Yale, domine, mea gloria immortalis. 
Matrem dominam saluta. 



EPISTOLA IV. 



RESCRIPTUM*. 



Cras me de hoc verbo tibi, si admonueris, 
defendam 



EPISTOLA V. 

(CiËSAR FRONTONI. ) 

... In viduo * nunc si videtur, dentés adpri- 
mamus tamen; et quo brevius iter sit tibi, re- 

*■ God. orationem; tum ibidem deleta m. — ^ God. ])r., nempe 
rescrifftum hic et aliqaoties infra. — * An potius legendum... 
invi duo? an in biduo, u pro b? Lib. II, lo, in biduo scribitiir. 



LETTRES A M. GiESAR. 276 



LETTRE III. 



A MON SEIGNEUR. 



Pardon : efface un mot de ton discours , et, je t'en 
prie» ne te sers jamais de dictio pour oratio* Adieu» 
seigneur» ma gloire immortelle. Salue la souveraine ta 
mère. 

LETTRE IV. 

RÉPONSE. 

Demain» si tu me rappelles ce mot^"% je le défen- 
drai^ 



LETTRE V. 

(CiESAR A FRONTO. ) 

...^"' Que dans deux jours» aujourd'hui» s'il le faut» 
nous serrions cependant les dents» et pour que» sortant 

* Le MS. s'interrompt ici , mais nous prenons hardiment en main 
la défense de Marc Aurèle ; une grande autorité , Gicéron , a dit : 
Etiamsi vehementissime se in subiiis dictionibuseoDercuerit. De Orat., I, 
53. DlctUme persuadere. De Invent., I., 5. 



2^6 AD M. GfSAREH. 

centi morbo, (ilaietae nos opperire. Facio delicias, 
quod ferme evenit quibus quod cupiunt tandem 
in manu est , differunt % afluunt ^ gestiunt ; ego 
vero etiam fastidio omnia. Domina mater te sa- 
lutat, quam ego hodie rogabo ut ad me Gratiam 
perducat. Yelfumum, inquitpatriae Gains poeta. 
Yale mi, omnia mea, magister. Amo me quod 
te visurus sum. 

EPISTOLA VI. 

DOMINO MEO. 

Postquam profecti estis, genus ^ dolore arrep- 
tus sum, verum ita modico ut et ingrederer 
pedetemptim et vehiculo uterer. Hac nocte ve- 
hementior dolor invasit, ita tamen ut jacens 
facile patiar, nisi quid amplius ingruerit. Au- 
gustam tuam vexatam audio. Diis equidem sa- 
lutem ejus commendo. Yale, domine dulcissi- 
me. Dominam saluta. 



*■ Ita cod. hic in ordine seu textn ; at in margine statim dif- 
fluunt. — ^ Hujas dedinationis auctorem habet locapletem 
Fronto ipsom Tolliom , teste Servio ad JEu. m , aa : Cicero in 
Arato , hujus genus pro gêna. 



LETTRES A M. CjESAR. 2'JJ 

de maladie , tu n'aies pas tant de chemin à faire , at- 
tends-nous à Caiëte. Je fais l'indifférent de ce qui 
arrive à presque tous ceux qui tiennent enfin ce qu'ils 
désirent; ils le publient^; ils se montrent; ils se ré- 
jouissent : pour moi , je suis dédaigneux de tout. La 
souveraine ma mère te salue. Je vais la prier de m'a- 
mener Gratia*"*. Tout n'est que fumée , comme dit le 
poète de la patrie» Gains. Adieu , mon maître » mon 
tout. Je m'aime de ce que je vais te voir. 



LETTRE VL 



A MON SEIGNEUR. 



Après votre départ , j'ai été saisi d'une douleur 
au genou , à la vérité si peu vive , qu'il m'était en- 
core possible de faire quelques pas , et de me servir 
de voiture. Gette nuit la douleur est devenue plus vio- 
lente, de façon néanmoins que je l'endurerai facile- 
ment , en me tenant au lit , à moins qu'il ne survienne 
quelque chose de plus grave. J'apprends que ton 
Augusta ^^* est incommodée. Je recommande bien aux 
dieux son salut. Adieu, très-doux seigneur. Salue la 
souveraine. 

* Différant, ils le portent çà et là, ils le répandent. Tacite 
remploie dans ce sens : Pars multo maxima imminent&s dominos 
variis rumoribus differebant. Ann., liv. I , ch. 4. 



2jS AD M. GJESARÈM. 



EPISTOLA VIL 



MAGISTRO MEO. 



Ludis tu quidem : at mihi peramplam anxie- 
tatem et summam aegritudinem , dolorem et 
ignem flagrantissimum ^ litteris hîs tuis misisti; 
ne cenare^ ne dormire , ne denique studere 
libeat. Yerum tu orationis hodiemae tuae habeas 
aliquod solacium ; at ego quid faciam ? qui et 
auditionis omnem jam voluptatem consumpsei S 
et metuo ne Lorium tardiuscule yenias, et doleo 
quod intérim doles. Yale, mi magister, cujus 
salus meam salutem inlibatam et incolumem 
facit 

EPISTOLA VIIL 

MAGISTRO MEO. 

Ego dies istos taies transegi. Soror dolore mu- 
liebrium partium ita correpta est repente, ut 
faciem horrendam viderim : mater autem mea 
in ea trepidatione inprudens angulo parietis 



^ Ita cod. flagr, etsi alibi non semel fragl. — ^ Ëmeudator 
delevit e. 



LETTRES A H. GJESAR. Ù'JQ 

LETTRE VII. 

A MON MAITRE. 

Tu te joues, toi» pendant que» par ta lettre» tu m'as 
transmis une immense anxiété » une peine inexprima- 
ble» une douleur» un feu brûlant» au point que je ne 
puis ni manger» ni dormir» ni même étudier. Tu tires 
quelque soulagement de ton discours d'aujourd'hui; 
mais que ferai-je» moi» qui ai déjà épuisé tout le 
plaisir de l'ouïe» et crains encore que tu ne viennes 
trop tard à Lorium » et souiEre de te savoir souffrant. 
Adieu» mon maître» dont la santé rend ma santé par- 
faite et inaltérable. 



LETTRE VIII*. 



A MON MAITRE. 



Voici comment j'ai passé ces derniers jours. Ma 
sœur**^ a été saisie tout à coup d'une douleur si 
violente que sa figure était horrible à voir. Ma mère » 
dans son trouble et l'agitation de cet événement» 



* Il laut remarquer dans cette lettre occupavi oceidere, qui est 
une tournure grecque, et mater jam levior est, ma mère se porte 
mieux, premier exemple de Uvior pris dans ce sens. 



280 AD M. CJESABEM. 

costam inflixit : eo ictu grairiter et se et nos ad- 
fecit. Ipse cum cubitum irem, scorpionem in 
lecto offendi : occupavi tamen eum occidere 
prius quam supra accumberem. Tu si rectius 
yales, est solacium. Mater jam levior est, deis 
Yolentibus. Yale, mi optime, dulcissime magis- 
ter. Domina mea te salutat. 

EPISTOLA IX. 

DOMINO MEO. 

Quom te salvum et inlaesum dei prœstiterunt, 
maximas deis gratias ago.Te certum habeo, cum 
tua instituta reputo, haud perturbatum : ^o, 
quam libet vos sapientes me inrideatis , conster- 
natus equidem sum. Vale, domine dulcissime, 
et deis curae esto. Dominam saluta. 

EPISTOLA X. 

DOMINO MEO. 

Modo mihiYictorinus indicat dominam tuam 
magis valuisse* quam heri. Gratia leyiora omnia 

* God. maluisse* 



LETTRES Â M. GiESAR. 28 1 

s'est froissé une côte contre Tangle du mur : le même 
coup nous a frappés aussi douloureusement qu'elle. 
Moi-même y lorsque j'allais me coucher» j'ai trouvé 
un scorpion dans mon lit; mais je me suis empressé 
de le tuer » avant de m'étendre dessus. Toi , si tu te 
portes mieux , c'est une consolation. Ma mère , grâce 
aux dieux 9 se porte mieux. Adieu, mon très-bon et 
très-doux maître. Ma souveraine te salue. 

LETTRE ÏX. 

A MON SEIGNEUR. 

Puisque les dieux t'ont préservé de tout mal, de 
toute blessure, je rends aux dieux les plus grandes 
grâces. Je suis sûr, quand je pense à tes maximes, 
que tu n'as éprouvé aucun trouble. Pour moi , dussé- 
je me faire moquer de vous autres sages*, j'avoue 
que j'ai été consterné. Adieu, très-doux seigneur; et 
que les dieux veillent sur toi. Salue la souveraine. 

LETTRE XI. 

A MON SEIGNEUR. 

Victorinus me fait dire à l'instant que ta mère «'est 
sentie plus forte qu'hier. Gratia m'annonçait un mieux 

* Ici, pour le coup, Fronto se moque du stoïcisme et des stoïciens. 



282 AD M. CjESAREM. 

nuntiabat. Ego te idcirco non yidi, quod ex gra- 
vidine sum inbecillus. Cras tamen mane do- 
mum ad te yeniam. Eadem, si tempestivom 
erit, etiam dominam visitabo. 

EPISTOLA XL 

MAGISTRO MEO. 

Caluit et hodie Faustina : et quidem id ^o 
magis hodie videor mihi deprdehendisse. Sed, 
deis juvantibus, aequiorem animum mihi facit 
ipsa , quod se tam obtemperanter nobis accom- 
modât. Tu, si potuisses, scilicet veaisses. Quod 
jam potes, et quod venturum promittis, delec- 
tor, mi magister. Yale, mi jucundissime ma- 
gister. 

EPISTOLA XIL 

DOMINO MEO. 

Quomodo manseris domi , nescire cupio. Ego 
cervicum dolore arreptus sum. Vale, domine. 
Dominam saluta. 



LETTRES A M. GJE8AR. 283 

général. Si je ne t'ai pas vu , c'est que je suis abattu 
par une pesanteur de tête. Cependant j'irai te voir 
demain matin; et, si je le puis sans indiscrétion, je 
visiterai aussi la souveraine. 

LETTRE XL 

à MON MAITRE. 

Faustina a eu aujourd'hui de ia fièvre : je crois aussi 
en avoir ressenti davantage aujourd'hui. Mais, les dieux 
aidant y elle me rend elle-même mon état plus sup- 
portable, en s'y conformant avec tant de complaisance. 
Pour toi, si tu l'avais pu, tu serais venu, sans doute. 
Tu le peux à présent, tu promets de venir, j'en suis 
charmé, mon maître. Adieu, mon très-aimable maître. 



LETTRE XIL 



A MON SEIGNEUR. 



Pourquoi tu auras gardé la maison, c'est ce que je ne 
veux pas savoir. Moi , j'ai été saisi de maux de tête. 
Adieu, seigneur. Salue la souveraine. 



284 AD M. GfSAREM. 



EPISTOLA XIII. 



MAGISTRO MEO SALUTEM, 



Noctem sine febri videor transmisisse : cibum 
non invitus cepi : nunc ago Icvissime : nox quid 
ferat, cognoscemus. Sed, mi magister, cervicum 
dolore te arreptum quo animo didicerim , pro- 
fecto ex tua proxima sollicitudine metiris. Vale, 
mi jucundissime magister. Mater mea salutat te. 



EPISTOLA XIV. 



DOMINO MEO. 



Cervicum, domine, dolore gravi sum cor- 
reptus, de pede dolor decessit. Vale, domine 
optime. Dominam saluta. 



EPISTOLA XV. 



MAGISTRO MEO SALUTEM. 



Cervicum dolores si tertia quoque die remi- 
serint , erit quod meam redeuntem valetudinem 



LETTRES A M. GJESAR. 285 



LETTRE XIII. 



A MON MAITRE 9 SALUT. 



Je crois avoir passé la nuit sans fièvre. J'ai pris de 
la nourriture sans répugnance. Je me trouve à pré- 
sent un peu mieux. Nous verrons ce que la nuit ap- 
portera. Mais, mon maître, tu mesures sans doute sur 
ta dernière inquiétude celle que je dois avoir éprou- 
vée en apprenant tes maux de tête. Adieu, mon très- 
aimable maître. Ma mère te salue. 



LETTRE XIV. 



A MON SEIGNEUR. 



J'ai été saisi , seigneur, d'un cruel mal de tête. La 
douleur de pied s'en est allée. Adieu, très-bon sei- 
gneur. Salue la souveraine. 

LETTRE XV. 

A MON MAITRE, SALUT. 

Si tes douleurs de tête te laissent du relâche le 
troisième jour, rien ne servira plus, mon maître « à 



286 AD M. GiESAREM. 

majorem in modum adjuvet, mi magister. Lavi 
et ^ hodie et ambulavi paulum , cibi ^ paulo 
plus sumpsi , nondum tamen libente stomacho. 
Yale, mi jucundissime magister. Mater mea te 
salutat. 

EPISTOLA XVI. 

MAGISTRO MEO SALUTEM. 

Quom tibi etiam tum ceryices dolueriut quo' 
mihei * scriberes, non possum aequo animo ferre, 
neque sane yolo aut debeo. Ego autem , juTan- 
tibus votum tuum deis, lavi hodie et cibi^ 
quantum sat erit cepi : vino etiam libenter usus 
sum. Yale, mi jucundissime magister. Mater mea 
te salutat. 

EPISTOLA XVII. 

DOMINO MEO. 

Dolores quidem cervicum nihil remiserunt; 
sed animo bene fuit, qum* te balneo et vino 
libenter usum cognovî. Vale, domine. Dominam 
saluta. 

* Et videtur deletum. — * Cod. pro cibi habet aut, — * lU 
TÎdetur cod. non quom, — * Ita cod. — • Civi cod. — • Ita cod. 
qniB scriptora non semel occnrrit in cod. Gic, deRep., Ub. III- 



\ 



LETTRES A M. CJESAR. 287 

accélérer le retour de ma santé. Je me suis baigné 
aujourd'hui, et j'ai marché un peu; j'ai pris un peu 
plus de nourriture, sans cependant beaucoup d'appétit. 
Adieu , mon très-aimable maître. Ma mère te salue. 



LETTRE XVI. 



A MON MAITRE, SALUT. 



Que les douleurs de tête t'aient pris pendant que tu 
m'écrivais , c'est ce que je ne puis , ni ne veux, certes, 
ni ne dois supporter sans peine. Pour moi , les dieux 
secondant tes vœux, je me suis baigné aujourd'hui, 
et j'ai pris suffisamment de nourriture; j'ai même fait 
usage de vin avec plaisir. Adieu, mon très-aimable 
maître. Ma mère te salue. 

LETTRE XVIL 

A MON SEIGNEUR. 

A la véirité le mal de tête ne m'a laissé aucun re< 
lâche; mais ce qui m'a fait du bien à l'âme, c'a été 
d'apprendre que tu avais usé du bain et du vin avec 
plaisir. Adieu, seigneur. Salue la souveraine ^. 

* J'ai toujours traduit dans ces lettres dominam par souveraine» Si 
je m'étais servi du mot madame, j'aurais été souvent obligé de dire : 
Salue madame mère : ce qui n'a pas l'air d'une forme antique. 



288 AD M. CJESAREM. 

EPISTOLA XVIII. 

DOMINO UEO. 

Grayissimo dolore inguinis sum aireptus, quo 
omnis dolor a dorso et lumbis incubuit. Yale, 
domine. Dominam saluta. 

EPISTOLA XIX. 

MAGISTRO BfEO 6ALUTEM. 

Doluisse te inguina cognosco, mi magister; 
et cum recordor quantam vexationem tibi iste 
dolor adferre soleat, grayissimam soUicitudi- 
nem patior. Sed me levât, quod spero illo spa- 
tio, quo perferebatm* hic Duntius, potuisse 
cedere fomentis et remediis omnem illam vim 
doloris. Nos œstivos calores adhiic experimur : 
sed cum parvolae nostrae, dixisse liceat, com- 
mode yaleant, mera salubritate et vema tem- 
perie frui nos existimamus. Yale, mi optime 
magister. 



LETTRES A M. GiBSAR. 289 



LETTRE XVIII. 



A MON SEIGNEUR. 



J'ai été saisi d'une douleur très-vive à l'aine , sur 
laquelle tout mon mal de dos et de reins s'est jeté. 
Adieu , seigneur. Salue la souveraine. 



LETTRE XIX. 



A NON MAITRE, SALUT. 



J'apprends , mon maître, que tu as eu des douleurs 
à l'aine; et, quand je me représente ce que tu souffres 
ordinairement dans cet état , je suis tourmenté d'une 
bien grande inquiétude. Mais je me rassure un peu en 
pensant que, dans l'intervalle où l'on m'apportait cette 
nouvelle, toute cette vive douleur a pu céder aux fo- 
mentations et autres remèdes. Pour nous, nous éprou- 
vons encore les chaleurs de l'été; mais comme nous 
pouvons dire que nos petites se portent bien, nous 
croyons jouir d'un air pur et salubre et de la tempé- 
rature du printemps. Adieu , mon très-bon maître. 



I. 19 



âgO AD M. G^SAREM. 



EPISTOLA XX. 



DOMINO MEO. 



Patri tuo fac notum de infirmitate mea. An 
me quoque scribere ei debere putes , scribe 
mihi. 



EPISTOLA XXI. 



RESCRIPTUM. 



Statim, mi magister, indicabo domino mec 
necessîtatem hiijus quietis tuae : velim tamen et 
a te scribi. Yale, mi optime et jucundissime 
magîster. 



EPISTOLA XXIL 



DOMINO MEO. 



Ego prodormii. Materiam misi tibi : res séria 
est. Consul populi romani, posita praetexta, 
manicam induit, leonem in ter juvenes quinqua- 
tribus percussit , populo romano spectante. 
Apud censores expostulat Atao-yteùacjov , aSjyjcjoy. 
Yale, domine jucundissime. Dominam saluta. 



LETTRES A M. €^SAR. 29 1 



LETTRE XX. 



A MON SEIGNEUR. 



Donne connaissance à ton père de mon infirmité , 
et fais-moi savoir si tu penses que je doive aussi lui 
écrire. 



LETTRE XXI. 



RÉPONSE. 



Je vais, mon maître, faire connaître à mon sei- 
gneur la nécessité de ce repos pour toi. Je désire 
cependant que tu lui écrives aussi. Adieu , mon très- 
bon et très-aimable maître. 

LETTRE XXII. 

A MON SEIGNEUR. 

J'ai très-bien dormi. Je t'ai envoyé une matière : 
la chose est sérieuse. Un consul romain, aux Quin- 
quatries» ayant déposé la prétexte, et revêtu la cotte de 
mailles, a, parmi les jeunes gens, frappé le lion, en 
présence du peuple romain. Ceci est du ressort des 
censem^s. Dispose , développe. Adieu, très -aimable 
seigneur. Salue la souveraine. 



292 AD M. C^ESAREM. 

EPISTOLA XXIII. 

RESCRIPTUM. 

Quando id factum? et an Romae? Num illud 
dicis in Albano factum sub Domitiano ? Praete- 
rea in hac materia diutius laborandum est , ut 
factum credatur, quam ut irascatur*. 'Atti^ovos 
vTïôQeaiÇ^ videtur mihi, quod plane baluceis% 
qualem petieram. Rescribe statim de tempore. 

EPISTOLA XXIV. 

MAGISTRO MEO SALUTEM. 

Vindemias laetas* quam firmissimo corpore 
agere te, mi magister, opto. Me adlevant nuntii 
de Domnula mea commodiora deis juyantibus 
indicantes. Yale, mi jucundissime magister. 



* Ita cod. passÎTO, ut pato, sensa, quomodo antiqai inter- 
dum locuti sunl. — ^ Cod. oinàOeaiç» — ' Ita eyidenter cod. Vi- 
detur autem manifesta corruptio, cui certain medicinam facere 
nequeo. Num scribendum clamosa Cconfer ep. xxvni), aut ali- 
quod verbum graBcum ? Prodigiosam aliam cormptionem TÎdi- 
mus, super nequit pro suspendi, — ^ Cod. lostasque» 



LETTRES A M. CjESAR. 293 



LETTRE XXIII. 



RÉPONSE. 



Quand cela est-il arrivé ? est-ce h Rome même ? ne 
veux-tu pas parler de ce qui s'est passé à Albanum*^, 
sous Domitianus? Il faut en outre travailler long-temps 
sur ce sujets plutôt pour le croire que pour s'en fâcher, 

c'est un sujet invraisemblable^^' 

Réponds de suite sur l'époque. 

LETTRE XXIV. 

A MON MAITRE, SALUT. 

Je souhaite , mon maître , qu'une santé bien affer- 
mie te permette des vendanges joyeuses. Les nouvelles 
que je reçois de ma petite Domnula^^^, et qui m'an- 
noncent que, les dieux aidant , elle se rétablit, me 
soulagent beaucoup. Adieu , mon très-aimable maître. 



* C'était la maison d'Albe de Domitien. Suétone, liv. zii, ch. v, 
donne de longs détails sur les jeux que ce prince faisait célébrer tous 
les ans aux fêtes de Minerve : Coliegio constituerai , ex quo sorte ducti 
magisterio fungerentur, ederentque eximias venationes..,. 



294 ^^ ^- G^SAREIC. 



EPISTOLA XXV. 



DOMINO MEO. 



In hortis vindemias ago : commode yaleo : 
œgre tamen insisto ^ dolore digitorum in sinistre 
pede. Pro Faustina manc cotidie deos appelle : 
scio enim me pro tua sainte optare ac precari^ 
Yale , domine dulcissime. Dominam saluta. 

EPISTOLA XXVI. 

DOMINO MEO. 

Tardius tibi, domine, rescribo; tardius enim 
libellum tuum aperui, quoniam ad agendum 
ad forum ibam. Ego commodius me habeo; ta- 
men ulcusculum adhuc altius est. Yale, domine 
dujcissime. Dominam saluta. 

M. Lucilius tribunus pi. hominem liberum 
civem romanum, cum collegae mitti juberent, 
adversus eorum sententiam ipsus * vi in carce- 
rem compegit. Ob eam rem a censoribus nota- 
tur. Divide primum causam ; ehoc dç ééuxzepa xd 

* Ita cod. 2 in. ; at in isto i m. — ^ God. prœcari, — ^ Ita 
cod. 



LETTRES A M. C^SAR. SgS 

LETTRE XXVi; 

A MON SEIGNEUR. 

Je vendange dans mes jardins. Je me porte assez 
bien. Cependant la douleur que j'éprouve aux doigts 
du pied gauche fait que j'ai peine à me tenir sur le 
pied. Tous les matins j'invoque les dieux pour Faus- 
tina , car je sais que c'est faire des vœux et des prières 
pour ta santé. Adieu, très-doux seigneur. Salue la 
souveraine. 

LETTRE XXVIL 

A MON SEIGNEUR. 

Je te réponds un peu tard, seigneur, ayant ouvert 
un peu tard ton billet, parce que j'allais au forum 
pour plaider. Je me porte mieux; cependant le petit 
ulcère est encore assez profond. Adieu, très-doux 
seigneur. Salue la souveraine. 

M. Lucilius, tribun du peuple, a envoyé un homme 
libre, un citoyen romain en prison, de sa propre auto- 
rité, contre l'avis de ses collègues , qui l'acquittaient. 
Et pour cela il est noté * par les censeurs. Commence 
par diviser la cause, ensuite développe-la, pour et 

* Cette note s'inscrivait sur des tablultcs de cire ; de là cœr'Ue, cerâ 
dignus. 



296 AD M. G^SAREM. 

If£p9t èni/eipYicrov naï yaxnyoptùv >cal dtKoïoyoùitzyo^. 
Yale, domine, lux omnium tuorum. Matrem 
dominam saluta. 



EPISÏOLA XXVII. 



MAGISTRO MEO. 



Ego adeo perscripsi ; et ^ mitte aliud quod 
scribam : sed librarius meus non praesto fuit 
qui transcriberet. Scripsi autem non ex mea 
sententia ; nam et festinayi , et tua ista valetudo 
aliquantulum detrivit mihi. Sed veniam cras 
petam , cum mittam. Vale , mi dulcissime ma- 
gister. Domina mea mater salutem tibi dicit. 
Nomen tribuni plebis , cui inposuit notam * Aci- 
lius censor, quem scripsi , mitte mihi. 

EPISTOLA XXVIII, 

MAGISTRO MEO. 

Dies mihi totus vacuus erit. Siquid umquam 
me amasti hodie ama; et uberem mi materiam 
mitte, oro et rogo jcat avTcêoXw, jwci âéofiai^ jcai'txe- 

^ Cod. ut pro et. — ^ Cod. tam. Sed enim in seq. ep. Iribtums 
noiatur. 



LETTRES A M. CiESAR. 297 

contre, comme accusateur et comme défenseur. Adieu, 
seigneur, lumière de tous les tiens. Salue la souveraine 
ta mère. 

LETTRE XXVII. 

A MON MAÎTRE. 

J'ai tout écrit : envoie-moi autre chose à écrire; 
mais je n'ai pas eu mon copiste sous la main pour trans- 
crire. Je n'ai pas écrit non plus comme j'aurais vou- 
lu , car je me suis pressé, et j'ai été un peu dérouté 
par l'idée de ta maladie; mais à demain les excuses, 
lorsque j'enverrai. Adieu, mon très -doux maître; 
la souveraine ma mère te salue. Envoie-moi le nom 
de ce tribun du peuple qu'avait noté le censeur Acilius, 
que j'ai écrit. 



LETTRE XXVIII. 



A MON MAÎTRE. 



Je serai libre toute la journée; si jamais tu as aimé, 
aime-moi aujourd'hui, et envoie-moi une matière fé- 
conde, je t'en prie* et t'en supplie et t'invoque et 



* Le MS. porte àvTt6i/jtou ; les diflfcrentcs formes du fi et de l*w 
divisé en deux 00 trompent souvent dans les MSS. 



2g6 AD M. G^SAREM. 

zeiKô ^ In illa enim centumviralei non inveni 
praeter èTrtywvVifxaTa. Vale , optime magister. Do- 
mina mea te salutat. Yolebam aliquid , ubi 
clamari debeat, scriberc. Fave mi, et quaere 
clamosam ùnéOerriv. 

EPISTOLA XXIX. 

DOMINO MEO. 

Perendie, domine, te videbo : sum enim adhuc 
a cubito et cervice înfi^mus^ Ferme, obsecro, 
nimia et ardua a te postulantem ita in anîmum 
meum induxi posse efficere quantum contende- 
ris. Nec deprecor ^ quin me oderis , nisei * quan- 
tum postulo perfeceris, si-, ut facis, animum 
et studium accommodaveris. Vale, domine, 
anima mea mihi potior. Dominam matrem sa- 
luta. 

^ Cod. xaixsreûcii. llsec autcm coacenratio verborum idem si- 
guificanlium catoniaDa est , teste Gellio xui , 2^. — ^ Ita in cod. 
îuterpungitur post infirmus. — * Cod. deprœcor, — * Ita scripsit 
1 manus : sed 3 delevit e. 



LETTRES A M. C£SAR. 2gg 

t'implore et te conjure. Car , dans cette cause cen- 
tumvirale*, je n'ai trouvé autre chose que des excla- 
mations. Adieu, maître très-bon. Ma souveraine te 
salue. Je voulais écrire quelque chose , par exemple , 
où il eût fallu crier. Favorise-moi, et cherche une 
cause bien criarde. 



LETTRE XXIX, 



A MON SEIGNEUR. 



Je ne pourrai te voir que demain, seigneur, car je 
souffre encore du coude et de la tête. Quand je te de- 
mande du trop et du trop difficile, c'est que je me 
suis mis dans l'esprit que tu n'avais qu'à vouloir pour 
réussir; et je consens que tu me haïsses, si, en voulant 
et en t' appliquant comme tu sais faire, tu ne fais pas 
autant que je demande. Adieu, seigneur, toi que j'aime 
plus que ma vie. Salue la souveraine ta mère. 



* Les ceniumvirs étaient des magistrats inférieurs à peu près 
comme nos commissaires de police , nos juges de paix ; on les choi- 
sissait parmi les trente-cinq tribus. Fest. Après le règne d'Auguste , 
ils formèrent le conseil du préteur; leur nombre fut porté jusqu'à 
cent quatre-vingts. On peut voir, de Oratore, I, 38, Ténumération de 
toutes les causes centum virales. 



000 AD M. C^SAREM. 

EPISTOLA XXX. 

DOMINO MEO. 

Ânnum novum faustum tibi, et ad omoia^ 
quae recte cupis , prosperum, cum tibi tum do- 
mino nostro patri tuo et matri et uxori et filiae 
ceterisque omnibus, quos merito diligis, pre- 
cor*. Metui ego, invalido adhuc corpore turbae 
et impressioni me committere. Si dei juvabunt, 
perendie vos vota nuncupantis videbo. Vale, mi 
domine dulcissime. Dominam saluta. 

EPISTOLA XXXI. 

MAGISTRO MEO SALUTEM. 

Et ipse prospère sis ingressus annum. Omne 
votum tuum dei tibi ad usum tuum , qui noster 
idem erit, devertant ; atque, ut facis, pro amicis 
bene optes , ceteris bene velis. Quae pro me pre- 
catus * es , scio te precatum. Quod a turba ca- 
vîsti, tibi et meae curae consuluisti. Quietius 
idem fiet perendie, si dei' dent. Gratia'' tua 

* God prœcor. — ^ God. prœcaius et mox prœcatum, — ^ lia 
cod. 1 manu ; 2 di vcl dii, — ^ Tantum spatii est iu codice oblit- 
Icrato. Et sic infra. 



LETTRES A M. C^SAR. 3oi 



LETTRE XXX. 



A MON SEIGNEUR. 



Bonne année , accomplissement de tout ce que tu 
peux légitimement désirer, voilà ce que je te souhaite 
à toi, à notre seigneur ton père, à ta mère, à ton 
épouse, à ta fille *, et à tous ceux qui méritent que tu 
les aimes. J'ai craint, faible comme je le suis, de m'ex- 
poser à la foule et à la presse. Demain, s'il plaît aux 
dieux, je tous verrai prononcer les vœux. Adieu, mon 
très-doux seigneur, salue la souveraine. 

LETTRE XXXL 

A MON MAITRE, salut. 

Et toi aussi, puisses-tu entrer heureusement dans 
cette année ! que les dieux fassent tourner entièrement 
ton vœu à ton avantage, qui sera également le nôtre I 
Continue de faire des si^uhaits pour tes amis, et de 
vouloir du bien aux autres ! Je sais avec quelle ardeur 
ta as prié pour moi. En te gardant de la foule, tu as 
fiût ton bien et le mien. La journée d'après-demain 
sera encore une journée de calme, s'il plaît aux dieux, 

* Ce mot est nne date pour cette Ic^re ; ainsi , à l'époque où 
Fronto récrivait , Marc Aurèle n'avait encore (fu'iuie filJe , qui s'ap- 
pelait Lucilla. 



302 AD M. G^SAREM. 

ofBcio functa est. Nescio an dominant suam sa- 
lutaverit. Yale mi dulcissime magister. Mater 
mea te salutat. 

EPISTOLA XXXII. 

MAGISTRO MEO. 

Et nunc sanus et deinceps yalidus, laetus, 
compos omnium votormn agas ^ diem natalem, 
mi magister ; quae mea precatio ^ sollemnis sem- 
per auctior fit, quanto magis accedit et mihi 
firmitas ad deligendum ' et œtas suavissimae fa- 
miliaritatis nostrae. Yale, mi magister jucundissi- 
me mihi. Mater mea te salutat. Gratiae salutem 
die. 

EPISTOLA XXXIII. 

( DOMINO MEO. ) 

Quaecumque mihi prœ(cari) solitus sum\ in 
tua salute locata sunt : mihi sanitas , bona yale- 
tudo, lœtitia, res prosperœ meae ibi sunt, cum 

^ God. pro agas habet magis. — ^ God. prœcatio. — * Ita cod. 
— * Tantum fere spatii est in codice oblitterato. 



LETTRES A M. C^SAR. 3o3 

Ta Gratis s'est acquittée de son devoir. Je ne sais si 
elle aura salué sa souveraine. Adieu , mon très-doux 
maître; ma mère te salue. 

LETTRE XXXII. 

A MON MAITRE. 

Qu'aujourd'hui avec de la santé, de la force, de la 
joie et de l'entière jouissance de tes désirs, tu célè- 
bres , ô mon maître , l'anniversaire de ta naissance. 
Cette prière solennelle devient toujours plus fervente, 
à mesure que j'acquiers plus de fermeté pour aimer, 
et d'âge pour goûter pleinement les douceurs de no- 
tre familiarité. Adieu, montres-aimable maître, ma 
mère te salue. Salue Gratia *. 

LETTRE XXXIII. 

( A MON SEIGNEUR. ) 

Je ne fais pas de prières pour moi qu'il n'en soit une 
pour ta conservation. La santé, la vigueur, la joie, la 
prospérité sont pour moi h te voir sain de corps et 

• Cette lettre avait un post-scriptum de deux lignes qu'on ne 
peut pas lire dans le manuscrit ; le post-scriptum chez les anciens , 
(fuand la page était remplie , s'écrivait en travers sur la marge. Gic, 
ad Alt. ^y. 



3o4 AD M. G^SAREM. 

tu corpore, animo, rumore tam incolumi uteris, 
tam carus patri, tam dulcis matri, tam sanctus 
uxori, tam fratri bonus ac benignus. Haec sunt 
quae me cum hac valetudine tamen cupieatem 
vitae faciunt. Absque te, satiâ superque et œta- 
tis et laboris et artis et glorîae; dolorum vero et 
aegritudiaum aliquanto plus quam satis super- 
que. Filiae meae jussu tuo osculum tuli : num- 
quam mihi tam suayis tam que saviata visa (est). 
Dominam saluta, domine dulcissime. Yale et 
fer osculum matronae tuae. 

EPISTOLA XXXIV. 

DOMINO MEO. 

Saenius Pompeianus in plurimis causis a me 
defensus, postquam publicum Africae redemit, 
plurimis causis rem familiarem nostram adju- 
vat. Commendo etim tibi, cum ratio ejus a do- 
mino nostro pâtre tuo tractabitur, benignita- 
tem ingenitam tibi, quam omnibus ex more tuo 
tribuis , ut huic et mea commendatione et tua 
consuetudine ductus inpertias. Yale, domine 
dulcissime. 



LETTRES A M. C^SAR. 3o5 

d'esprit, de renommée, toujours aussi cher à ton père, 
aussi doux à ta mère, aussi saint pour ton épouse, 
aussi bon et bienveillant pour ton frère. Voilà ce 
qui, avec ma déplorable santé, me fait cependant dé- 
sirer de vivre. Sans toi, assez et trop pour moi d'âge, 
de travail, d'art et de gloire, et surabondance de dou- 
leurs et de peines. J'ai donné, d'après ton ordre, un 
baiser à ma fille; jamais baiser ne m'a paru si suave 
et n'a été si bien appliqué. Salue la souveraine, très- 
doux seigneur; adieu, et donne un baiser à ton épouse. 

LETTRE XXXIV. 

A MON SEIGNEUR. 

Sœnius Pompéianus, que j'ai défendu dans plusieurs 
causes, après son administration en Afrique, m'est 
utile pour plusieurs causes dans mes affaires domesti- 
ques. Je te le recommande lorsque sa gestion sera exa- 
minée par notre seigneur ton père. Je désire que, 
cédant à ma recommandation et à ton propre pen- 
chant, tu lui accordas cette bienveillance innée en toi, 
et que tu n'es jamais d'humeur à refuser. Adieu, 
très- doux seigneur. 



I. 20 



5o6 AD M. C^SAHEIf. 

EPISTOLA XXXV. 

RESGRIPTUM. 

Pompeianus meritis isdem, quibus te sibi 
conciliavit , me quoque promeruit. Quare cupio 
omnia ei ex indulgentia domini mei patris ob- 
secundare. Nam ea quœ tibi ex sententia pro- 
cedunt, gaudia sunt mea. Yale^ mi magister 
jucundissime. Faustina et paryolae nostrae te 
salutant. 

EPISTOLA XXXVI. 

MAGISTRO MEO. 

Si te in provincia , mi magister , adierit Tbe- 
mistocles quidam, qui se ApoUonio magistro 
meo dicat philosophiae ^ cognitum , eum esse * 
qui hac hieme Romam venerit et mihi volan- 
tate^ magistri per filium ApoUonium sit de- 
monstratus; ei tu, mi magister, velim quod 
possis bene facias, beae suadeas. Nam jus et 

*■ Ita cod. non philosophiœ dicai, — ^ God. sese fitiosa meta- 
ihesi , cui contrariam aliam notavi in codice Giceronis de Rep. 
II, 25. — ' God. voliiptate: quod ipsum fortasse est mendum 
etiam in cod. de Rep. 1 , 2 , p. 9, v. 4* 



LETTRES A M. GJESÂR. 307 



LETTRE XXXV. 



RléPONSE. 

Pompéianus m'a gagné aussi par les mêmes mérites 
qui lui ont valu ton affection. C'est pourquoi je désire 
que le seigneur mon père use envers lui de son indul- 
gence accoutumée, car mes joies sont que tout succède 
à ton gré. Adieu, mon très-aimable maître; Faustina 
et nos petites te saluent. 

LETTRE XXXVL 

A MON MAITRE. 

Si, dans la province, il se présente à toi, mon maître, 
un certain Thémistoclès qui se dise connu d' Apollo- 
nius*, mon maître de philosophie *'S et être celui qui 
est venu cet hiver à Rome, et qui m^a été présenté 
par Apollonius le fils, par ordre de mon maître, je te 
prie, mon maître, de lui faire tout le bien que tu 
pourras, et de le bien conseiller. Ce qui sera juste et 



* C'est l'Apollonius de Thomas : « Tout à coup un Tieillard s'a- 
» Tança dans la foule; sa «aille était haute et Ténérable; tout le 
» inonde le reconnut, c'était Apollonius, philosophe stoïcien, estimé 
• dans Rome, et plus respecté encore par son caractère que par son 
«grand âge. » Éloge de M. Aurèle. 



3o8 AD M. C^SAREM. 

aequom omnibus Asianeis ^ erit apud te paratis- 
simum : sed consilium , >comitatem , qiiaeque 
amicis sine uUo quoiusquam incommodo pro- 
pria ^ inpertire fides ac religio proconsulis peiv 
mittit, peto Themistocli libens impertias '. Vale, 
mi jucundissime magister. Rescripto nihil opus 
est, 

EPISTOLA XXXVII. 

DOMINO MEO. 

Aridelus iste, qui tibi litteras meas reddit, 
a pueritia me curayit a studio perdicum usque 
ad séria officia. Libertus vester est; procura vit* 
Tobis industrie; est enim homo frugi et sobrius 
et acer et diligens. Petit nunc procurationem 
ex forma * suo loco ac justo tempore. Fa veto ei, 
domine, quodpoteris. Si formam noncognosces 
hominis, ubi ad nomen Arideli ventum fuerit, 
mémento a me ' tibi Aridelum commendatum. 
Yale , domine dulcissime. Dominam saluta. 

* Ita 1 manu ; *i delevit e. — ^ Ita i manu ; at 2 proprio, — 
^ Ita cum m; at ep. XXXIV, cum n. — ^ An potins dicendum 
procurabit ? — ^ Ita cod. 2 manu ; at 1 ea orma, — ® Cod. me 
sine praepositione. 



J^TTRES A M. G£SAR. 309 

convenable, tu seras toujours prêt à le faire, pour 
tous les Asiatiques; mais le conseil , le bon accueil , 
tout ce que la fidélité et la religion permettent à un 
proconsul* d'accorder à des amis sans nuire à per- 
sonne , je te demande de l'accorder de bonne grâce 
à .Tfaémistoclès. Adieu , mon très-aimable maître. Il 
n'e3t pas besoiQ de réponse. 

■ . 

LETTRE XXXVII. 

A MO A SEIGNEUR. 

Cet Aridélus qui te rend ma lettre m'a soigné dès 
l'enfance, depuis la passion ^es perdrix jusqu'aux oc- 
cupations sérieuses. Il est votre affranchi; il fera très- 
bien vos affaires, car c'est un homme honnête, sobre , 
diligent, exact. Il demande maintenant une procura- 
ture, selon la forme*'*, en son rang et en son temps. 
Favorise-Je , seigneur, de tout ton pouvoir. Si tu ne 
connais pas sa figure, souviens-toi, lorsqu'on sera venu 
au i^om d' Aridélus , qu'Aridélus t'a été recommandé 
par moi^ Adieu, très -doux seigneur, salue la souve- 
raine. 

■ ■ » 

* Msd'c Aurële recommande ici Thémistoclès à Pronto , comme 
•i celui-ci partait pour gon proconsulat d'Aftie. Il ea fut empêché 
par sa mauvaise santé. 



1. 20* 



010 AD M. CJESAREM . 



EPISTOLA XXXVIÏÏ. 



UOUINO MEO. 



litrum facti virtus omaverit orationem , an 
oratio factum nobilissimum aequiparaverit , in- 
certus suin : certe quidem ejusdem dicta, cujus 
illa facta. Sed et fratris tui oratio me delecta- 
vit : nam et omata fuît et cordata : et certum 
habeo eum minimum spatii habuisse ad medi- 
tandum. 

EPISTOLA XXXIX. 

RESCRIPTlIM. 

Reyersus a convivio patris libellum tuum ac- 
cepi, dimisso jam, ut cognosco, eo per quem 
fuerat allatus. Rescribo igitur yespera multa 
quod tu legas die crastino: Orationem patris 
mei parem materiae suae yisam tibi , nihil mi* 
rum est, mi magister. Fratris autem mihi gra- 
tiarum actio eo laudabilior est , quo minus ad 
meditandum, ut cenjec^as, habuit spatii. Vale, 
mi jucundissime mihi magister. Mater mea te 
salutat. 



LETTRES A M. CiËSAR. 3ll 

LETTRE XXXVIII. 

A MON SEIGNEUR. 

Le mérite de Taction a-t-il embelli le discours ^'^ ou 
le discours a-t-il égalé une action aussi noble ? je Ti- 
gnore; mais je sais que l'auteur d'un tel discours de- 
vait l'être d'une telle action. La réponse de ton frère 
m'a fait aussi un grand plaisir; elle est pleine d'élégance 
et d'âme, et je suis sûr qu'il a eu très-peu de temps 
pour se préparer. 

LETTRE XXXIX. 

RÉPONSE. 

En revenant du souper de mon père, j'ai reçu 
ton billet, et j'apprends que le messager qui l'a 
apporté est déjà reparti. Je t'écris ce soir assez tard, 
et tu ne liras cette réponse que demain. Le discours 
de mon père t'a paru digne du sujet; ce n'est point 
étonnant, ô mon maître I Quant à l'action de grâces 
de mon frère, elle mérite d'autant plus d'éloges qu'il 
a eu, comme tu l'imagines, moins de temps pour s'y 
préparer. Adieu, mon très-aimable maître; ma mère 
te salue. 



ô\2 AD M. GJESÂREM. 



EPISTOLA XL. 



DOMINO MEO. 



Choiera usque eo adflîctus sum, ut vocem 
amitterem 5 singultîrem, suspirio tum agerer, 
postremo venae deficerent, sine uUo pulsu ve- 
narum animo maie fieret : denique conclamatus 
sum nostris ; neque sensi aliquandiu : ue balneo^ 
quidem aut frigida, aut cibo recreandi me ac 
fovendi medicis tempus aut occasio data; nisi 
post vesperam mîcularum minimum cum vino 
destillatum gluttivi. Ita focilatus^ totus sum^ 
Postea per continuum triduum vocem non re- 
ciperavi. Sed nunc, deis juvantibus, commo- 
dissime valeo, facilius ambulo, clarius clamito: 
denique, si dei juvabunt, cras vehiculo vectari 
destino. Si facile silicem toleravero, quantum 
pote ad te curram : tum vixero cum te videro. 
Ad VII. kal. Roma* proficiscar, si dei juva- 
bunt. Vale, domine dulcissime, desiderantissî- 
me, causa optima vitae mede. Dominam saluta. 

* Cod. valneo. — ^ Ita cod. cum unîca /. — ' God. sum to- 
tus sum, sed prius sum videtur deletum. — * Cod. Roma* 



LETTRES A M. CJESAR. 3l3 



LETTRE XL. 



A MON SEIGNEUR. 



J'ai été tellement déchiré par une colique que j'en 
perdais la voix; je sanglotais, puis j'étouiFais. Le sang 
s'arrêtait dans mes veines; j'étais sans pouls et le cœur 
défaillant ; enfin les nôtres m'avaient appelé à haute voix 
comme un mort. Je restai quelques instans sans rien 
sentir; les médecins n'ont trouvé ni le temps ni l'occa- 
sion de me faire revenir et de me raviver par le bain , 
l'eau froide , ou de la nourriture. Ce n'est que sur le 
soir que j'ai pu prendre quelques miettes trempées dans 
du vin. Je me suis ainsi entièrement remis. Après cela, 
j'ai été trois jours de suite sans recouvrer la voix; mais 
aujourd'hui , les dieux aidant , je me trouve très-bien ; 
je marche avec plus d'aisance; j'ai la voix plus claire. 
Enfin , avec l'aide des dieux , je compte sortir demain 
en voiture; si je supporte aisément le pavé*, de tout 
ce que je pourrai je courrai vers toi ! Je vivrai alors 
seulement quand je te verrai. Le vu des kal. , je par- 
tirai de Rome, avec l'aide des dieux. Adieu , seigneur 
très-doux, très-désiré, source. la meilleure de ma vie. 
Salue la souveraine. 



* Le silex pavait si solidement les voies romaines qu'aujourd'hui , 
après 2,000 ans , on peut encore admirer, sur le chemin de Rome à 
Brindes , les restes de la reglna viarum. 



3l4 AD M. CiËSÂREM. 

EPISTOLA XLI. 

MAGISTRO M£0 SAfLUTEl^. 

Post tempus te videre cupiebam. Quid tu 
censés? post periculum quod suffugisse te, mi 
magister, iterum deis ago gratias, lectis litteris 
tuis, quœ me rursum quasi rénovant, cum 
commemorares quo in loco fueris, constema- 
runt. Sed habeo te , deis * yolentibus ; et , ut pro- 
mittis , propediem yidebo : et bene spero de 
bona longa valetudine. Salutat te mater mea. 
Yale, mi jucundissime magister. 

EPISTOLA XLII. 

DOMINO MEO. 

Plurimos natales dies liberum tuorum pro- 
speris tuis rébus ut célèbres , parentibus proba- 
tus , populo acceptus , amicis probatus * , for- 
tuna et génère et loco tuo dignus , omni vita 
mea redemisse cupiam, non bac modo exigua 

*■ Dehis 1 m. ; 2 m. deievit eh. — * Vix dubito quin hic 
vel supra librarius peccayerit bis inculcando probatus pro atio 
vocabulo. 



LETTRES Â M. C^SÂK. 3] 5 



LETTRE XLI. 



A MON MAÎTRE , SALUT. 



Depuis Ipng- temps je désirais te voir. Dis -moi, 
après le danger auquel je remercie encore leS dieux 
de t'avoir fait échapper^ ne juges - tu pas quelle a dû 
être ma consternation à la lecture de la lettre 0(1 tu me 
fais le détail des extrémités dont tu sors à peine ? Mais » 
grâce aux dieux^ je te possède, et je te verrai au pre- 
mier jour, ainsi que tu me le promets , et je compte 
bien sur une longue santé. Ma mère te salue. Adieu , 
mon très-aimable maître. 



LETTRE XLIL 



A* MON SEIGNEL'R. 



Pour le voir célébrer le plus grand nombre possible 
d'anniversaires de tes enfans , toujours heureux , es- 
timé de tes parens, cher au peuplé, estimé de tes 
amis*, et toujours digne de ta fortune, de ta naissance 
et de ton rang , je livrerais volontiers toute ma vie , 



* Fronto n'aurait pas, je crois, répété deux fois Le mêzœ mot dans 
la même ligne; il faudrait peut-être remplacer le premier ou le 
second probaius pai* gratus, ou tout autre mot. 



3l6 AD M. GiËSAREM. 

vita quae mihi superest, sed illa etiam quam 
vixî , siquo modo * integrum redigi , ac pro te 
tuisque ac liber u m tuorum commodis insolu- 
tum ^ depeudi potest. Si facile ingredi possem , 
hic erat dies quo cum primis conplecti te cupe- 
rem : sed concedendum est pedibus scilicet , 
quandTo ipsi parum procedunt. Ego de aquarum 
usii delibero. Si certîus quid statuero, faciam 
tîbî * notum. Vale, mi domine dulcissime. Faus- 
tinam tuam meis vérbis appella et gratulare, 
et matronas nostras meo nomiiue exosculare; 
sed uti ego soleo cum plantis illis et manibûs, 
Dominam saluta. 



EPÏSTOLA XLIII. 



MAGISTRO MEO SALUTEM. 



Salvos * esto nobis , salva sit tibi domus tua , 
salva nostra ; quae si animum nostrum spectes, 
una est domus. Recte scio autem , si vel diffi- 
culter ingredi posses, ventUrum te ad nos fuisse. 

^ Ante integrum utrum in codîce facrit in , nescio ; qaam- 
quaoi aliquod vestigium fortasse superest. ->- ^ Ita evideuter co- 
dex. Geteroqui malka in ■ solidam, — ^ Tibi saperaddîtur. — 
^ lia hic , et in ind. sed hic videtur postea emcndatum ml- 

vus. 



LETIRES A M. C^SAR. 5 1 7 

non pas seulement cette courte vie qui me reste à 
vivre, mais encore toute celle que j'ai vécu, si je 
pouvais en refaire un tout, et la dépenser intégrale- 
ment pour toi , tes intérêts et ceux de tes enfans. Si 
je pouvais marcher aisément, c'est surtout en ce jour 
que je voudrais t'embrasser; mais il faut céder aux 
pieds quand eux-mêmes ils ont peine à avancer ^. Je 
balance si je ferai usage des eaux ** : si je prends un 
parti, j'aurai soin de t'en informer. Adieu, mon très- 
doux seigneur. Parle comme je parle à ta Faustina, 
félicite-la, et baise pour moi nos dames, mais comme 
j'ai coutume de faire, aux pieds et aux mains. Salue la 
souveraine. 



LETTRE XLIII. 



A MON MAÎTRE, SALUT. 



Que tu sois sauvé pour nous, que soit sauvée pour 
toi ta famille, sauvée la nôtre, qui, par le cœur, 
n'en fait qu'une avec la tienne. Je sais bien que, si 
tu avais pu marcher, même dii&cilement , tu serais 



* Encore nn jeu de mots intraduisible ; il y en a beaucoup de ce 
genre dans ce cinquième livre. 



** 



Ce qui rappelle cette pbrase de Marc Aurèle dans une lettre à 
son maître, page 52: Et si ad aquas profieisceris , et quando? 



3l8 ÂD M. GiËSÂREM. 

Sed venies saepe , et tecum celebrabimus , si dei 
volent, omnia festa nostra. Yale^ mi magister 
jucundissime. Mater mea te salutat. 



EPISTOLA XLIV. 



DOMINO M£0. 



Pueii dum e balneis me sellula, ut adsolent, 
adyeliunt , imprudentius ad ostium balnei fer- 
yens adflixerunt. Ita genum milii simul abra- 
sum et ambustum est : postea etiam inguem ex 
ulcère extitit. Visum medicis ut lectulo me te- 
nerem. Hanc causam, si tibi videbitur, etiam 
domino patri tuo indicabis , si tamen yidebitur. 
Etiam cras mihi adsistendum erit familiari. Ho- 
diemo igitur otio et quiète labori me crastino 
praeparabo. Victorinus noster aget , ne me actu- 
rum putes. Yale, domine dulcissime. Dominam 
saluta. 

EPISTOLA XLV. 

MAGISTRO MEO SALUTEM. 

Auxisti curas mihi , quas opto quam primum 
releyes, sedatis tibi doloribus genus et iugoi- 



LETTRES A M. C£SAR. 5l9 

venu nous voir; mais tu viendras souvent, et, s'il platt 
aux dieux, nous célébrerons toutes nos fêtes avec toi. 
Adieu, mon très-aimable mattre; ma mère te salue. 



LETTRE XLIV. 



A MON SEIGNEUR. 



Pendant que les esclaves me ramenaient du bain^ 
comme à l'ordinaire, sur ma petite chaise, ils m'ont 
heurté par mégarde contre la porte du bain, qui était 
brûlante, en sorte que j'ai eu le genou écorché à la 
fois et brûlé. L'inflammation ensuite a gagné jusqu'à 
l'aine. Les médecins m'ont ordonné de me tenir au lit. 
Tu pourras, si tu le juges à propos, alléguer aussi cette 
raison au seigneur ton père; je dis : si tu le juges à 
propos. Il me faudra encore demain défendre un ami. 
Je me préparerai ainsi, par le loisir et le repos d'au- 
jourd'hui, au travail de demain. Notre Victorinus plai 
dera : ne va pas croire que je plaiderai. Adieu, très- 
doux seigneur. Salue la souveraine. 

• « 

LETTRE XLV. 

A MON MAITRE , SALUT. 

Tu as redoublé mes inquiétudes, et je désire que tu 
les calmes le plus tôt possible en m'apprenant que tes 



320 AD M. GiESAREM. 

nis. Me autem infirmitas dominae meae matris 
quiescere non sinit. Eo accedit adpropinquatio 
partus Faustinae. Sed confidere dis debemus. 
Yale, mi magister jucundissime mihi. Mater mea 
te salutat. 

EPISTOLA XLVI. 

DOMINO MEO. 

Ipsa die, qua proficisci destinabam, genus 
dolorem sensi. Spero in paucis diebus me recte 
fore. Yale, domine optime. Dominam saluta. 

EPISTOLA XLVII. 

MAGISTRO MEO SALUTEM. 

Nunc denique opto, mi magister, jucundiora 
indices : nam doluisse te in id tempus que mihi 
scribebas, litterae déclarant. Haec obambulans 
dictayi. Nam eum motum in praesentia ratio 
corpusciili desiderabat. Vindemiarum autem 
gratiam nunc demum integram sentiam, cum 
tua valetudo placatior esse nobis cœperit. Vale, 
mi jucundissime magister. 



LETTRES A M. G^SAR. 32 1 

douleurs du genou et de Taine sont apaisées. D'un 
autre côté, la maladie de la souveraine ma mère ne 
me laisse pas de repos : ajoute Tapproche des couches 
de Faustina; mais nous devons confiance aux dieux. 
Adieu^ mon très-aimable maître; ma mère te salue. 

LETTRE XLVI. 

A MON SEIGNEUR. 

Le jour même où je comptais partir, j'ai senti de la 
douleur au genou. J'espère que dans peu de jours ^ 
je serai mieux. Adieu, très-bon seigneur. Salue la 
souveraine. 

LETTRE XLVIL 

A MON MAItRE, SALUT. 

Maintenant enfin je désire, mon maître, que tu 
m'apprennes de meilleures nouvelles, car je vois, par 
ta lettre, que tu soufirais encore pendant le temps que 
tu m'écrivais. J'ai dicté ceci en me promenant, le soin 
de ma santé exigeant alors que je fisse cet exercice. Je 
ne goûterai bien pleinement le plaisir des vendanges 
que lorsque ta santé aura commencé à s'améliorer, 
^dieu, mon très-aimable maître. 

* On n'aurait pas écrit au siècle d'Auguste m paucis diebus, mais 
pott paueos dUs, 

I. 21 



Ô22 AD H. CJESAREM. 

EPISTOLA XLVIII. 

DOMINO MEO. 

Plantae, domine, dolore impedior : ideo vos 
per istos dies non salutavi. Yale, domine optime. 
Dominam saluta. 

EPISTOtA XLIX. 

MAGISTRO MEO. 

Quom * salubre tibi est facile progredi y tune 
et nobis conspectus tuus erit jucundus. Id ut 
quam primum eyeniat, et dolor plantae quies- 
cat, di juvent. Vale, mi optime magister. 

EPISTOLA L. 

, DOMINO MEO. 

Ego gravissime arreptus sum iterum ab altero 
inguine 

* Tn cod. deletur q et o, fortasse ut fiât cum. 



LETTRES A M. GJESAR. 3â5 

LETTRE XLVIII. 

A MON SEIGNEUR. 

Je suis retenu, seigneur, par une douleur à la plante 
du pied : voilà pourquoi je ne vous ai pas salués ces 
jours-ci ^. Adieu , très-bon seigneur. Salue la souve- 
raine. 

LETTRE XLIX. 

A MON MAÎTRE. 

Lorsqu'il te sera salutaire et facile de marcher*^, 
alors aussi ta présence nous sera agréable. Plaise 
aux dieux que cela soit le plus tôt possible, et que ta 
douleur à la plante du pied se calme. Adieu, mon 
très-bon maître. 

LETTRE L. 

A MON SEIGNEUR. « 

Je viens d'être encote sérieusement entrepris de 
l'antre aine. 

• Fronto dans cette lettre veut parler d' Antonin et de Marc Aurèle. 

** Je proposerais de lire ainsi cette phrase : Quum salubre tibi 
erit et facile progredi , etc. . . 



324 ^^ ^- CJESAREM. 



EPISTOLA LI. 



RE3CRIPTLÏkI. 



Quom ^ haec scribas mihi, magister, credo 
intelligis sollicitissimum me vota facere pro sa- 
lute tua: eu) us, dis juvantibus, cito compotes 
erimus. Yale, mi magister jucundissimé. 



EPISTOLA LU. 



DOMINO MEO. 



Decem tanta te amo. Filiam tuam vidi. Yideor 
mihi te simul et Faustinam infantes vidisse: 
tantum boni ex utriusque yultu est comimix- 
tum ! Decem tanta te amo. Vale, domine dulcis- 
sime. Dominam saluta. 

EPISTOLA LUI. 

MAGISTRO MEO. 

Et nos Gratiam , quod tui similis est , magi^ 
amamus. Facile ergo intellegimus quanta apud^ 



* In indice cum. Jam promiscnus nsus 9 et c Tiget adhnc i 
hispanica lingua. 



LETTRES A M. CJESAR. 325 

LETTRE LI. 

RÉPONSE. 

Lorsque tu m'écris cela, mon maître, je pense bien 
que tu te représentes mon empressement à faire des 
vœux pour ta santé, qu*avec l'aide des dieux nous ver- 
rons bientôt rétablie. Adieu, mon très-aimable maître. 

LETTRE LIL 

A MON SEIGNEUR. 

Je t'en aime dix fois autant *, J'ai vu ta fille. Il m'a 
semblé que je vous voyais enfans toi et Faustina, tant 
elle est un heureux mélange de vos deux physiono- 
mies ! Je t'en aime dix fois autant. Adieu, très-doux 
seigneur. Salue la souveraine. 

LETTRE LIIL 

A MON MAÎTRE. 

Et nous, nous aimons Gratia ^** d'autant plus 
qu'elle te ressemble davantage. Nous comprenons donc 

* La singulière expression de decem iania teamo était sans doute 
usitée du temps de Fronto, puisqu'il ne craint pas de s'en scnrir 
deux fois dans la même lettre. 



3^6 AD M. GiSSAREM. 

te sit filiolae nostrae conciliatrix similitudo utrius- 
que nostri : et omnino quod eam vidisti est ju- 
cundum mihi. Yale, mi optime magister. 

EPISTOLA LIV. 

DOMINO MEO. 

Tertius est dies, quod per noctem morsus 
ventris ciim profluvio patior. Hac vero nocte ita 
sum yexatus, uti prodire non potiierim, sed 
lectulo me teneam. Medici suadent balneo uti. 
Multos nataleis tuos ut célèbres a dis precatus 
sum. Yale, domine. Dominaïn saluta. 

EPISTOLA LV. 

MAGISTRO MEO. 

Tu quoque intellegis , mi magister , quid ego 
pro me optem : sanum et yalidum te deinceps , 
et nunc diem tuum solemnem, et ceteros vel 
nobiscum vel nobis utique securis pro te quam 
diutissime celebrare. Ceterum ego conjectavi 
statim fuisse ejusmodi aliquid quam ob rem te 
non viderim. Et , si dicendum est , delector po - 
tius talem querelam corpusculi, quam dolore^ 



LETTRES A M. CJBSAR. 3^7 

facilement combien la ressemblance de notre petite 
fille avec nous peut te donner d'affection pour elle ; 
c'est bien aussi une joie pour moi que tu Taies vue. 
Adieu, mon très-bon maître. 



LETTRE LIV. 



A MON SEIGNEUR. 



Voilà trois jours que je suis tourmenté de la coli- 
que et d'un flux de ventre. Mais cette nuit j'ai telle- 
ment souffert que je ne pourrai sortir, et que je me 
tiendrai au lit. Les médecins me conseillent l'usage 
du bain. J'ai demandé aux dieux que tu puisses célé- 
brer de nombreux anniversaires de naissance. Adieu, 
seigneur. Salue la souveraine. 

LETTRE LV. 

A MON MAÎTRE. 

Tu comprends ^ussi, mon maître, ce que je souhaite 
pour moi : c'est que, pourvu d'une santé ferme et ro- 
buste , tu célèbres le plus long-temps possible et le 
jour de ta fête et les autres, soit avec nous, soit pour 
nous, désormais tranquilles sur ton état. Du reste j'ai 
conjecturé tout de suite que quelque chose de sem- 
blable avait empêché que je ne te visse; et, s'il faut 
le dire, j'aime mieux que ce soit ce petit dérangement 



3â8 AD M. GJESAREM. 

aliquos intercessisse. Praeterea de profluvio islo 
bene spero : nam et si nunc te exhauserit, tamen, 
dis volentîbus , confîdo salubriter sponte pro- 
venisse alyum tibi verno tempore, quom alii 
consulto movent et machinantur. Vale , mi ju- 
cundissime magister. Mater mea te salutat, 

EPISTOLA LVI. 

DOMINO MEO. 

Fauces miseras habeo ; unde etiam calui per 
noctem. In genu dolor est modicus. Vale , do- 
mine. Dominam saluta. 

EPISTOLA LVIL 

MAGISTRO MEO. 

Jam habeo quod primum et praecipuum de- 
siderabam : desisse febriculam coUigo ex litteris 
tuis. Nunc, mi magister, quod ad fauces adti- 
net , brevi * temperantia appelletur * ; et mihi 
at' plenior nuntius veniet. Vale, mi magister 
jucundissime mihi. Mater mea te salutat. 

* Cod. 1 m. brebi , sed 2 brevi. — * Ita evidenter codex. — 
' Ita cod. 



LETTRES A M. CjESAB. 329 

que quelques douleurs. Il y a plus, c'est que j'espère 
bien de ce flux : car, s'il t'a épuisé pour le moment, 
néanmoins, avec l'aide des dieux, j'ai confiance que 
c'est pour ta santé que ce cours de ventre t'est venu 
de lui-même au printemps où les autres se mettent en 
peine et en travail pour s'en donner. Adieu, mon 
très-aimable maître. Ma mère te salue. 

LETTRE LVI. 

A MON SEIGNEUR. 

J'ai un mal de gorge tel que j'en ai eu la fièvre 
toute la nuit. Ma douleur de genou est peu de chose. 
Adieu^ seigneur. Salue la souveraine. 

LETTRE LVIL 

A. MON MAÎTRE. 

J'obtiens enfin ce que je désirais oivant tout et sur- 
tout. Je crois, par ta lettre, que la fièvre t'a quitté. 
Maintenant, mon maître, pour ce qui regarde la 
gorge, qu'un peu de ménagement survienne et j'at- 
tends de toi* de meilleures nouvelles. Adieu, mon très- 
aimable maître. Ma mère te salue. 

* Le manascrit porte ici at ; mais c'est éyidemment a te qu'il faut 
lire. 



33o AD H. GJESAREM. 

EPISTOLA LVIII. 

DOMINO BfEO. 

Yexatus sum, domine, nocte diffuso dolore 
per umerum et cubitum et genu et talum. De- 
niqiie id ipsum tibi mea manu scribere non 
potui. 

EPISTOLA LIX. 

HAVE , MI MAGISTBR OPTIME. 

Ego ne ut studeam cum tu doleas ? praesertim 
cum mea causa doleas? non me omnibus în- 
commodis sponte ipse adflictem? merito her- 
cule. Quis enîm tibi alius dolorem genus , quem 
scribis nocte proxuma auctum , quis alius eum. 
suscitayit, nisi Centumcellae , ne me dicam? 
Quid igitur faeiam, qui nec te video, et tanto 
angore discrucior? Adde eo quod etiamsi libeaf:^ 
studere, judicia prohibent, quae, ut dicunt quï^ 
sciunt , dies totos eximent *. Misi tamen tibi ho- — ' 
diernam yvwjxyjv, et nudiustertianum locum com- — 

* In ordïne scrihitar exhibent. Tum in margine scholiam csl ' 
in alio eximent ; quse reapse justior lectîo est. 



LETTRES A M. CiESAR. 33 1 



LETTRE LVIII. 



A MON SEIGNEUR. 



Seigneur, j'ai été tourmenté cette nuit d'une dou- 
leur qui s'étend à Tépaule, au coude, au genou et 
au talon; c'est au point que ceci même, je n'ai pu te 
l'écrire de ma main. 



LETTRE LIX. 

BONJOUR, MON TR^S-BON MAÎTRE. 

Qui! moi! que j'étudie lorsque tu souffres et sur- 
tout lorsque tu souffres à cause de moi ! Ne devraîs-je 
pas plutôt m'accabler moi-même de toutes tes souf- 
frances ? Oui, sans doute; car quel autre t'a causé ce 
redoublement de douleur au genou que tu m'écris 
avoir éprouvé la nuit dernière ? quel autre que Centum- 
cellse, pour ne pas dire moi ? Que ferai- je donc, moi 
qui ne te vois plus et que déchirent tant d'angoisses ? 
Ajoute à cela qu'avec le plus vif désir d'étudier, j'en 
suis empêché par les jugemens qui, comme le disent 
ceux qui le savent , emportent des jours entiers. Je 
t'envoie pourtant une pensée* que j'ai développée ce 

* rvèîi/Ay], sententia ; Pauteiir ad Hercnnium en donne la définition , 
liv. IV, c. 17. 



332 AD M. CjESABEM. 

munem. Heri totum diem in itinere adtriyimus: 
hodie difficile est ut, praeter vespertinam yvwfjiTîv, 
quicquam agi possit. Nocte, inquis, tam longa 
dormis? Et dormire quidem possum, nam sum 
multi sonipi ; sed tantum frigoris est in cubiculo 
meo, ut manus vix exseri possit. Sed rêvera illa 
res maxime mihi animum a studiis depulit, 
quod dum nimium litteras amo , tibi incommo- 
dus apud Porcium fui , ut res ostendit. Itaque 
valeant omnes Porcii et TuUii et Crispi, dum 
tu valeas, et te vel sine libris firmum tamen 
videam. Vaie, praecipuum meum gaudium, 
magister dulcissime. Domina mea te salutat. 
Fvobfjuxs très et locos communes mitte. 



LETTRES A M. CJESAR. 353 

matin, et un lieu commun d'avant-hicr. Hier , toute la 
journée nous avons battu les chemins ; aujourd'hui il 
sera difficile de pouvoir faire autre chose que la pensée 
du soir. Quoi I vas-tu dire, dormiras-tu toute une nuit si 
longue ? Oui , je puis la dormir, car je suis un grand 
dormeur; mais il fait si froid dans ma chambre qu'à 
peine je puis mettre ma main à l'air. Mais ce qui me 
détourne surtout l'esprit de l'étude, c'est de t'avoir, 
par mon extrême amour des lettres, porté malheur 
avec mon Porcins, comme l'événement le prouve. 
Adieu donc tous les Porcins, tous les Tullius, tous les 
Grispus, pourvu que tu te portes bien, et que, même 
sans livres, je te voie ferme et debout. Adieu, ma 
première joie, mon très-doux maître. Ma souveraine 
te salue. Envoie-moi trois pensées ^^^ et des lieux com- 
muns. 



NOTES. 



♦«♦»♦»♦«♦»—♦«♦»♦»♦—■ »t » t > < » a i »c » » » i a» ji » « t . >»o- y »8 » i»a»i <m a <m ioi » 9»t f lO » B i«i 8 » 9 * t#t 



NOTES. 



1. — Titiis Aiirelius Fulvius dnioninus Plus, né à La- 
yinium l'an 86, fut nommé consul l'an 120, puis pro- 
consul d'Asie, et surpassa dans cette charge la réputa- 
tion que son aïeul Arius , ami de Pline le Jeune , y avait 
laissée. Adrien l'adopta en 1 38 , et l'année même de son 
adoption il parvint à l'empire. Antonin mourut à sa villa 
de Lorium en 161. La colonne Antonine que Marc Aurèle 
et le sénat lui élevèrent subsiste encore. 

a. — Le titre de Cœsar fait croire à M. Niebuhr que cette 
lettre et la suivantes ont été écrites pendant les trois ou 
quatre mois qui séparent l'adoption d' Antonin de la mort 
d* Adrien. M. Niebuhr reproche alors à M. Mai d'avoir mis 
en tête de la lettre Jmperatori Antonino Pio Augusto : je 
ne sais si le reproche est bien juste. D'abord ce titre de 
Cœsar, qui s'applique ordinairement, il est vrai, au succes- 
seur désigné, se donne aussi à l'empereur. Pline, comme 
le sait fort bien M. Niebuhr, en s'adressant à Trajan , et 
même dans le récit , l'appelle Cœsar. Enfin , dans les der- 
nières lignes de sa lettre, Antonin parle de Faustine, dont 
il regrette la perte, et Faustine ne mourut qu'après l'avè- 
nement d' Antonin. 

1. 22 



338 NOTES. 

3. — C'est Heindorf qui a rempli ainsi cette lacune : De- 
siderio quodam dicendi quae distuleram senatu frequentiore 
exécutas sum. 

4. — Eumène m Panegyr, , c. 1 4 > cite ce panégyrique 
d'Antonin par Fronton : Fronto quum belli in Britannia con- 
fecti laudem Antonino principi daret, quamvis ille in ipso ur- 
bis palatio residens gerendi ejus mandasset auspicium , veluti 
longœ navis gubernaculis prœsidentem totius vetificationis et 
cursus gloriam meruisse testât us est. On trouve dans une 
lettre de Fronton ad M. Cœsarem^ page 1 13 , deux courts 
passages de ce panégyrique, qui n'était peut-être que le dis- 
cours que Fronton, nommé consul, prononça, à l'exemple 
de Pline , pour remercier l'empereur. 

5. — Il est question de cette lettre au livre II ad M. Cœsû' 
rem : Quum domini ad te epistulam mitterem tam benignam, 
dit Marc Aurèle à Fronton. 

6. — Ici , comme dans la lettre précédente, la première 
écriture du MS. est tellement effacée, qu'il est impossible de 
déchiffrer la plupart des mots. Je voulai^ retrancher de cette 
édition tous les passages mutilés, inintelligibles ; mais d'a- 
près le conseil de plusieurs personnes, je me suis décidé 
à les conserver, et même à ne rien changer à l'orthographe ; 
cette édition reproduit fidèlement le M S. — ^Je crois, à l'aide 
des mots qui restent , comprendre le commencement de 
cette réponse d'Antonin. Après avoir remercié Fronton, 
Antonin, pour le remercier encore, ajoute : En vérité, Je 
m'étonne que tu aies trouvé quelque chose de nouveau d dire 
sur moi; c'est un sujet que iu as tant de fois remanié et re- 
battu 

7 . — Salva sanilate^ style sain et par cela même fort* Ci- 



NOTES. 339 

céron explique très-bien ces expiassions dans le Brutus^ et 
son explication ne laisse plus d'équiyoque sur le yrai sens 
du mot de Macrobe : Siccum gênas Frontoni adscribitur. — 
Civilius, 7ro>mxoTg/)ov : c'est le langage du publiciste, des dé- 
libérations politiques, c'est l'éloquence de Démosthènes. 
«Il ne cherche point le beau...; il se sert de la parole 
» comme un homme modeste ^ de son habit pour se cou- 
»vrir...; j'avoue que je suis moins touché de l'art infini 
» et de la magnifique éloquence de Cicéron , que de la ra- 
»pide simplicité de Démosthènes. » Fénelon, Lettre sur 
l'Éloquence, 

8. — Jusque-là, concUiator avait été pris en mauvaise 
part, concUiator furti^ seditionisy complice d'un vol, d'une 
sédition. 

9. — Annia GaleriaFaustina^ surnommée Faustina Major 
pour la distinguer de Faustina Minor, sa fille, était femme 
d'Antonin. Elle poussa bien loin la débauche, et les regrets 
touchans que sa mort inspire ici à Antonin auraient de 
quoi nous surprendre si nous ne savions déjà de Julius 
Capitoliûtis qu'après la mort de Faustine Ântonin lui éleva 
des autels et un temple, et qu'il institua, pour honorer sa 
mémoire, les vierges Faïutiniennes, pueliœ Faustinianœ, De 
tous ses enfans, un seul lui survécut. Ce fut Faustina Mi- 
nor, que Marc Aurèle épousa. Faustina Major mourut au 
mois de mai i4o. 

10. — Aude aliifuiël brevibut Gyaris et ctùreere dignum 
Si vis esse aliquid. 

Juv., Sat, 1. 

C'est une des îles de l'Archipel appelée aujourd'hui 
Joura. On y déportait les condamnés. Tac, Annal, , 5. 



.340 NOTES. 

11. — Je ne sais pas ce que fut Niger; mais Fronton le 
fait aimer ; il parle de lui comme La Fontaine parlait de 
Fouquet. Ovide avait dit : 

Vel miser et nomen fratris amicus habei. 
Un ami malheureux n'en est pas moins un frère. 

et La Fotitaîne : 

Si le long de ces bords Louis porte ses pas , 

Tâchez de l'adoucir, fléchissez son courage. 

Il aime ses sujets ; il eat juste , il est sage ; 

Du titre de clément rendez-le ambitieux : 

C'est par là que les rois sont semblables aux dieux. 



Oronte est à présent un objet de clémence. 
S'il a cru les conseils d'une aveugle puissance , 
Il est assez puni par son sort rigoiu'eux ; 
Et c'est être innocent que d'être malheureux. 

12. — Idem muliarum rerum, . . . C'est un génitif pour un 
ablatif. Ainsi vous trouvez dans Cicéron, pro Quint., 3 : Cœ- 
terarum rerum pour cœteris rébus j ou cœtera . Fronton se 
sert du même tour, liv. Il, ad Marcum : Omnium rerum 
sanus, 

i3. — Marcus LhianusTurboayaiit été préfet du prétoire 
sous Adrien , et ses talens militaires Pavaient rendu célè- 
bre. Rein. 9 ad Dion., 69, et Spart., in Adrian. 

14. — Erucius Clarus^ un des généraux de Trajan. Il prit 
et brûla Séleucie. Dion., 68, 3o; Aul. Gell., 6 et i3; enfin 
Pline, liv. II, lett. ix, en parlent avec éloge. 

i5. — On peut consulter Spart., in Adrian. IV. 

16. — Il faut probablement lire : Deinde permultum refert 



NOTES . 34 1 

improbes alîquid an oderîs ipsum hominem. Amicorum offi- 
ciîs et consiliis indigebat. 

17. — L'hérédité, appelée chez les Romains as, expression 
qui désignait le dividende, se partageait ordinairement en 
douze parties égales qu'on appelait onces. On avait donné 
des noms particuliers aux fractions formées de la réunion 
de plusieurs douzièmes ou onces^. 

2 onces ou "i^ , 3" dextans, 

3 onces ou -^, ^ quadrans. 

4 onces ou ~, J triens, 
6 onces ou ~, ^ semis. 

8 onces ou -^, | bes. 

9 onces ou -~ , | dodrans, 

10 onces ou 7^, I dextans, 

1 1 onces ou -j-j-, 1 -^ deunx. 

Les fractions de cinq et de sept douzièmes ou onces 
s'exprimaient par leur nom numérique , sauf un6 légère 
contraction, quinc-unx et sept-anx. 

1 8. — Cavius Maximus fut pendant vingt années préfet 
du prétoire sous Antonin le Pieux. C'était un homme de 
mœurs graves et austères, un Romain des anciens jours. 
Cap.^ m Fit. Ant. PU. On lit ici dans le manuscrit Cavius : 
une inscription {Grut., gglviii, n° 8) porte Gavius, qui se 
trouve dans Capitolinus. 

ig. — Ut te complecterer felicissimo... Il faut remarquer 
ces expressions ; elles sont curieuses pour l'étude des 
mœurs romaines. 

20. — Ce mot umeri se trouve écrit encore de la même 
manière dans l'épitre Alsienne. Ce n'est probablement pas 



34^ NOTES. 

ime fiiute du copiste, mai» l'orthographe même de FronlOB. 
Qnintil., lÎT. I^ 5, nous dit : Parciisims littêra H usi wU- 
teres etiam invocalibus cum s^dos îrcos^o^ diceban^. On trou- 
ye dans tous les anciens MSS. ortus, ospitium , erus^ pour 
horius, hospitium, herus, 

21. — On a confondu quelquefois à tort k^ lares et les 
pénates. Les lares étaient les mânes des ancêtres ; on les 
appelât dans la loi des douze tables : deiyei paeentum. Aux 
jours de fêtes ^ on les couronnait de fleurs, on leur faisait 
même des sacrifices. Cornélie disait à C. Gracchus : « Quand 
» je serai morte, tu m'offriras le culte des aïeux, et tu invo- 
» queras la divinité de ta mère. » Vbi mortua ero,pareniabis 
mihi et invocabU deumparentem.YiTg.^En, 9; Plante, TVm.I, 
et Suét. jiug, 3i. Les pénates avaient une origine divine; 
c'étaient, nous dit Servius, Comm,^ En., liv. II, 296, 
les grands dieux , magni diL On les adorait dans la partie 
la plus secrète de la maison. Il y avait encore à Rome les 
pénates publics, les pénates de la patrie, publici, pabrUpS' 
nates; c'étaient les dieux apportés de Troie par Énée. On 
les gardait au Capitole. Cicér., pro Dotnoy 57. 

22. — Cette réponse d'Antonin est d'un style naturel et 
facile : il parle bien simplement de la pourpre qu'il avait 
long-temps refusée ; hanc stationem : c'est l'empire. U faut 
ajouter ici, je crois, le mot dis; Quo me suscipere hanc 
stationem dis plaçait. On peut aussi lire autrement la phrase 
précédente ; au lieu de tum et ex animo, . . tum et ex litteris 
tais animo meo non difficile persuasi. 

23. — Capitolinus, in Vita M, AureL, dit que Procu- 
ius le grammairien, maître de Marc Aurèle, fut procousul ; 
miais il ne parle point du proconsulat de Fronton. Les let- 



NOTES. 343 

très suivantes nous apprennent que Fronton avait été dé- 
signé proconsul d'une province d'Asie, mais que sa mau» 
vaise santé Tempêcha de remplir cette charge. 

24* — Ce fameux y a5 liber or um accordait aux citoyens de 
Rome qui avaient trois enfans, et à ceux des provinces qui 
en avaient cinq, plusieurs privilèges et immunités, comme 
l'affranchissement des droits de tutelle, un droit de préfé- 
rence ù la nomination des emplois , une triple portion de 
blé : il en est (piestion ix chaque instant dans Pline, Martial, 
Suétone. 

25. — Domo accivij c'est-ù-dire, à Cirta, patrie de Fronton. 
— Quelques lignes plus hsMi^post illa pour postea. Cette 
expression se retrouve deux fois dans VArion de Fronton. 

26. — Cette lettre ne porte pas de titre dans le MS., c'est 
M. Mai qui lui a donné celui qu'elle a. M. Nîebuhr pense 
qu'elle n'était pas adressée à Antonin , mais à Marc Aurèle 
ou à Lucius Vérus. 

27. — On lit au Digeste, liv. XL, tit. I, 8, un rescrit 
d'Antonin à Calpumius. Il est fait aussi mention d'un 
Calpurnius dans une des lettres du livre à L. Vérus ; dans 
une lettre de Faustine, Vit, Cass.j c. 10; enfin, in Vit. 
JUarci, c. 8. 

28. — On trouvera dans le premier livre ad Amicos des 
lettres inédites de Fronton et d'Appien, qui prouvent com- 
bien ils furent amis. Né à Alexandrie, Appien vécut à Rome 
aux temps de Trajan , d'Adrien et d'Antonin; c'est sous le 
règne de ce dernier qu'il écrivit son Histoire romaine, 
ÀfTTreavoO Â>8Çavd|ocuc Poopiatxec. Elle était divisée en vingt- 
quatre livres. Il ne reste entiers que les Y I, VU, YIII, XII, 



344 NOTES. 

XIII, XVII et XXIII" livres, qui renferment les guerres 
puniques, les guerres de Mîthridate , et les guerres civi- 
les jusqu'à la mort du jeune Sextus Pompée. Cette his- 
toire des guerres civiles est la meilleure partie de l'ouvrage 
d'Apien ; il expose simplement et énergiquement ces luttes 
terribles où périt l'aristocratie romaine ; et il raconte la 
corruption de ces temps avec des paroles si élevées, que 
Montesquieu n'a pas été au delà. Je n'en citerai qu'un seul 
exemple : après avoir longuement retracé tous les crimes 
des guerres civiles, il s'arrête tout d'un coup, et se de- 
mande si cependant quelques pures et nobles actions n'em- 
pêchaient pas alors de désespérer de la vertu romaine , et 
après avoir cherché parmi les premières familles de la ré- 
publique, il ne trouve à louer dans Rome tout entière 
que quelques pauvres femmes et quelques pauvres escla- 
ves , liv. IV, c. 6. Appien ne suit pas l'ordre chronologi- 
que; quand il a commencé l'histoire d'un pays, il l'achève 
sans s'interrompre. Les détails géographiques qu'il dojme 
sont un des intérêts de son livre. Sa partialité en faveur de 
Rome est le plus grand reproche qu'on puisse lui faire. 

29. — Appien plaida long-temps à Rome avant d'être pro- 
curateur; c'est lui-même qui nous l'apprend dans les der- 
nières lignes de la préface de son Histoire. « Quant à celui 
«qui a écrit ce livre, dit-il, beaucoup le connaissent, et lui- 
» même s'est nommé. Mais à parler plus clairement, né à 
» Alexandrie , et des premiers de sa patrie , il plaida dans 
» Rome devant les empereurs jusqu'au moment où il leur 
» parut digne d'être leur procurateur. »Ttç 5g wv raOra ctwv- 
éypoi^u, TToXXot pêv c(r«<Ti xat «Orôç izpoéfovK ' (TOLfétTTipov 5' 
einelv, 'A).eçav5/56Tiç, èç tql nprûTK ïjxwv gv -ni narpiSt , x«t ^omiç 



NOTES. 345 

€V Pw^ïî atjyayopeùaaç sTri twv Bsco'cXéuv^ f^XP^ f*^ Vf&v ènirpO" 

3o. — La fin de cette lettre était assez difficile à compren- 
dre; Buttmann l'a fort bien expliquée. L'empereur avait dit 
que s'il accordait cette charge à Appien, il allait se voir as- 
siégé de demandeurs, et il avait cité entre autres un Grec 
auquel il ne pourrait guère refuser. —Eh bien ! qu'à cela ne 
tienne, répond Fronton, ne refuse pas à ce Grec, et accor- 
de à Appien. Puis il ajoute en riant : Tu peux bien faire 
quelque chose pour cet homme qui t'a sollicité comme moi 
durant deux années. S'il trouve par hasard qu'il est devenu 
trop vieux pour remplir cette charge, alors traite-le conmie 
tu m'as traité, lorsque je te priai d'agréer le refus que je 
faisais du proconsulat obtenu après deux années d'attente. 

3i. — Ces deux fragmens sont pages 170 — 174 de l'é- 
dition de Rome, sous ce titre, ad Verum, M. Mai dé- 
clare que ce premier fragment se trouve sur la page 
même du manuscrit où commence le livre des lettres à 
l'empereur L.^Vérus, et que le second fragment consiste 
en quatre pages qui se suivent sans aucune lacune, et 
tiennent aux lettres adressées à Lucius. Je pense, malgré 
tout, que ces deux lambeaux, dont le second ne manque 
pas d'intérêt, ont dû faire partie d'un recueil de lettres à 
Annius Vérus ; c'était, comme on sait, le nom que portait 
Marc Aurèle avant qu'Antonin l'eût adopté. Marc Aurèle 
était élevé à la cour d'Adrien; et c'est à cette époque que 
Fronton, son maître, lui écrivait ces lettres. 

32. — Suétone, que les Latins appelaient Caius SuetorUus 
TranquUluSy naquit sous Vespasien. On le croit originaire de 
la Gaule Cisalpine, comme Pline le jeune. Ce dernier, qui 



346 NOTES. 

lui a adressé plusieurs lettres, en a fait oe portrait : Suêto- 
nium Tranquiltum , probissimum, honestissimums eruditUai-' 
mumvirumjampridem in contubernium accepi, tantoquema- 
gis diligere çœpi quanto hune propius inspexi. Il reste de lui 
quelques biographies de grammairiens, de rhéteurs et de 
poètes; mais c'est son histoire des douze Césars qui a con- 
servé son nom. Suétone est un historien de bon sens et 
de bonne foi : il raconte ayec simplicité, quelquefois avec 
grandeur, des faits qu'il a étudiés dans les mémiOires du 
temps et dans les archives du Palais qui lui furent ouvertes 
sous Adrien; et son livre donne plus l'intelligence de l'ein- 
pire que le récit poétique de Tacite. Lisez sa Vie de Cé- 
sar; il y manque sans doute bien des choses, et cependant 
ce récit mieux qu'aucun autre montre César ce qu'il fut : 
l'homme le plus complet de l'histoire. 

53. — Phidias, athénien, fut le chef d'une école qui 
donna à la sculpture plus de hardiesse et de naïveté. Ses 
statues de la Minerve Area^ de la Minerve Poliade, de la 
Minerve Lemnienne^ et surtout de la Minerve du Parthé- 
non et du Jupiter Olympien, révélaient une haute inspi- 
ration poétique. Un jour son frère Panœnus lui demandait 
où il avait pris l'idée de son Jupiter Olympien ; pour toute 
réponse il lui récita ces vers d'Homère : 

T 

H, xaè xvavsïjo'rv stt' o^^ugti ')fs()(S5 Kj9ovî&)y. 

KjSaToç «tt' àôavccTOto* Méyav 5' sXsXtjsv OXu/xttov. 

11 dit , et de ses noirs sourcils le Saturnien fit un signe ; la divine 
chevelure du maître s'agita sur sa tête immortelle , et il ébranla le 
grand Olympe. 

Cette réponse conservée en apprend plus sur Phidias 
que sa vie par un rhéteur. 



NOTES. 347 

54* — Canachus, sculpteur grec de Sicyone^ était un 
élèye de. l'école de Polyclète. Pausanias cite parmi les 
ouvrages de Canachus un statue à^ Apollon Didyme, à^ Apol- 
lon Isménien, une Vénus assise en or et en ivoire 9 la statue 
de Bycellus le pugile , enfin une Muse et trente statues de 
hronze en l'honneur des vainqueurs d'iËgos Potamos. 

•55. — Calamisy sculpteur et ciseleur grec, réussissait sur- 
tout à représenter des chevaux. 

EoDoctis Calamii se mihijaetet tquit, 

dit Properce. Il avait fait un colosse d'Apollon que Lucul- 
lus transporta ù Rome. 

56. — Il y eut deux Polyclètes statuaires : le fameux, 
vivait dans la 90* olympiade. Sa statue de hiJanon Argienne 
avait plus de trente pieds de hauteur. Son plus bel ou- 
vrage était le Canon ou règle de l'art, qui représentai^ 
un honmie dans la force de la jeunesse. 

57. — Parrhasius, d'Éphèse , fut le rival de Zeuxis. On 
vantait son imagination, et surtout son talent à saisir et à 
rendre les traits variés et mobiles de la figure de l'honmie , 
qu'il appellait le plus expressif des symboles de la nature. 
Dans un concours dont le sujet était Ajax disputant d 
Ulysse les armes d'Achille, il eut le dessous. Comme un de 
ses amis cherchait à le consoler : « Ce n'est pas moi qu'il 
ÙLUi plaindre, lui dit-il, mais ce pauvre Ajax, dont la des- 
tinée est d'être toujours victime de la sottise de ses 
juges. » 

58. — Apelles ( iio* olympiade) fut surnommé le 
prince des peintres. Tout le monde sait de la vie d' Apelles 



348 NOTES. # 

l'histoire du cordonnier, sutor^ ne ultra crepldam; de la 
visite à Protogène ; le mot à son élève : Tu n'as pu la faire 
belle, tu l'as faite riche. Ce fut lui qui découvrit Laîs toute 
jeune, ignorée, puisant de l'eau à une fontaine^ et qui 
devina tout ce qu'il y avait en elle d'avenir. On cite de lui 
un mot charmant; Alexandre parlait de peinture dans son 
atelier : « Prenez garde, et parlez plus bas, lui dit Apelles, 
les enfans qui broient mes couleurs pourraient vous en- 
tendre. » Il se servait de quatre couleurs dont Pline ex- 
plique la composition. 

3g. — Néalcès, peintre grec (i33' olympiade ), avait assez 
d'esprit, mais peu d'imagination. 

4o. — Nicias l'athénien (112* olympiade) fut élève d'An- 
tidote , qui avait eu pour maître Ëuphranor. Son plus bel 
ouvrage représentait une pythonisse évoquant les ombres. 

41. — Dionysius de Colophon (92* olympiade) fut l'imi- 
tateur servile de Polygnote , son contemporain. 

42. — Euphranor ( 1 o4* olympiade) , né à Corinthe, fonda 
une école de peinture à Athènes. Il fut aussi grand sculp- 
teur. 

43. — Pausias,de Sicyone (705* olympiade), fut, comme 
Apelles, un élève de Pamphile. Il introduisît l'usage de 
décorer de peintures les plafonds. Il peignait de préfé- 
rence des enfans et de petits tableaux de fleurs avec une 
rare élégance. L'édile Scaurus fit transporter ù Rome tous 
ses tableaux conMnc garantie d'une dette conununale con- 
tractée par Sicyone. C'était un moyen à l'usage des Ro- 
mains pour dépouiller les villes vaincues. 

On trouve au trente-cinquième livre de Pline de curieux 



NOTES. 549 

renseignemens sur la plupart de ces peintres et sur la pein- 
ture en Grèce et en Italie. Le luxe sans goût et sans pudeur 
des courtisans de l'empire lui fait regretter les rtiœurs aus- 
tères de Rome républicaine et pauvre. L'éloquence de 
Pline, quelquefois déclamatoire et de mauvais goût, a 
souYent, comme ici, beaucoup de force et d'éclat. 

Aliter apud majores in atriis hœc erant quœ spectarentur^ 
non signa externorunt artificum^ nec œray aut marmora : ex- 
pressi cera val tus singulis disponebantur arinariis, ut essent 
imagines, quœ comitarentur gentilia funera; semperque de- 
functo aliquo, totus aderat familiœ ejus^ qui unquam fue- 
rat populus, Aliœ foris et circa limina domitarum gentium 
imagines erant, affixis hostium spoliis, quœ nec emptori refi- 
gere liceret; triumphabantque etiam dominis mutatis ipsœ 
domus : et erat hœc stimulatio ingens ^ exprobantibus tec- 
tis quotidie imbellem dominum intrare in alienum trium- 
phum. 

« D'autres spectacles s'offraient aux regards dans les 
» galeries de nos aïeux ; point de statues de la main 
» d'artistes étrangers, point de bronzes ou de marbres ; des 
«figures moulées en cire étaient disposées chacune dans 
«une case particulière , afin qu'il y eût des images pour ac- 
«compagner les funérailles des familles; et toujours à la 
»mort d'un citoyen, le peuple de ses aïeux tout entier 
» était là. Dehors, et autour des portes étaient les images des 
» nations vaincues ; on attachait là les dépouilles ennemies, 
» qu'un acheteur n'ayait pas le droit de déplacer , et les 
«maisons elles-mêmes triomphaient encore après avoir 
«changé de maître. C'était là une émulation puissante, 
«les murs reprochant chaque jour à un maître sans 
» gloire d'entrer dans un triomphe qui n'était pas le sien. » 



350 NOTES. 

Arant de rassembler ici , en les traduisant pour la pre- 
mière fois, les fragmens épars des yieux poètes, des 
yieux historiens, des yieux orateurs de Rome au siècle 
des Scipions, je dirai quelques mots des premiers monu- 
mens de la langue latine et du génie latin, dont Tétude 
m'occupe depuis plusieurs années. Il est d'ailleurs assez 
intéressant, je crois, de Toir au milieu des langes qui Ten- 
yeloppent, mais dont elle se débarrasse d'année en année, 
cette langue que nous allons trouyer si jeune, et si riche, 
quand nous Tentendrons parler par Ennius, Gracchus et 
Caton, et qui nous apparaît dans ces lettres de Marc Au- 
rèle et de Fronton si appauy rie , si détruite ; il ne faudrait 
plus que rappeler à sa mémoire la prose de César, de Gi- 
céron, et les yers de Virgile, pour ayoir toute Thistoire 
de cette belle langue , qui fut encore une puissance quand 
Rome n'en fut plus une. 

On a fait bien des systèmes sur l'origine de la langue la- 
tine, depuis Yarron, Funccius, Lanzi, Hejne, Terrasson, 
Swinton , jusqu'à Mazzochi : ce dernier croyait ayoir dé- 
couyert l'étjrmologie à^Eridanus dans le mot hébreu 
ERÀz cèdre, et disait ayec une rare candeur : Confteto 
ingenuamente che questa etimologia mi é sempre piaduta 
assai. Des deux opinions qui ayaient préyalu, l'une fai- 
sait yenir la langue latine du celte, greffé sur le grec; 
l'autre, du grec greffé sur les diyers dialectes de la lan- 
gue étrusque, répandue en Italie lors de la fondation de 
Rome. La science, an commencement de ce siècle, a re- 
monté plus haut encore; un nouyeau systèikie, après 
ayoir établi de nombreux rapports entre les lanf^es clas- 
siques de l'Europe et plusieurs anciens idiomes de l'Asie 



NOTES. 35 1 

orientale ^ a démontré l'analogie du greo et du latin aTec 
le sanscrit , et fait des langues grecque et latine les deux 
sœurs d'une même mère *. 

Les inscriptions étrusques qui nous restent sont inintel- 
ligibles ; on croit cependant y comprendre deux mots avil 
Rii, vixlt annos , et encore, rien ne prouTe que ril signifie 
année; Suétone nous apprend, dans la vie d'Auguste,. que 
Dieu se disait ^sar en étrusque. La voyelle o était étran- 
gère à cette langue , qui de plus omettait les voyelles brè- 
ves, et redoublait les consonnes ; ce qui la rendait fort rude I 
L'étrusque s'écrivait de droite à gauche. Le mot HERNiE 
est un mot sabin et marse qui signifie rocher, ëmbratur , 
dont les Romains ont fait imperator, est un mot sanmite. 
On a quelquefois confondu les langues volsque et osque ; 
mais le poète comique Titinius nous apprend, dans Fes- 



* Un jeune savant , M. Eichoff , déjà connu par ses Études grec- 
ques sur Virgile , va publier un grand ouvrage sur le Sanscrit dans ses 
rapports avec les langues européennes ; c'est un curieux travail d'éru- 
dition et de sagacité. Je lui dois de pouvoir distinguer les formes et 
les mots empruntés au sanscrit par l'idiome latin. Qu'il me suffise 
d'indiquer ici , en passant , quelques rapports entre les deux lan- 
gues : — Qui ne reconnaîtra dans les désinences latines de rôs-a , 
loi^m, ros-orum^ toê^s, les désinences sanscrites 1, âm, AnIm, 
Is; — dans ego, me, nos, tu, te, vos, suus, sua, suum: aham , ma, 
HAS, TVAM, TvA, VAS, SVA8 , svi , svAM ;— daus *i/m, es, est, su- 
mus, estis, sunt : asmi , asi , asti , smas , stha , sahti ; — dans sim, 
sis, sit, simus, sitis, sint, esto, sunto : syAm, syIs, syIt, syIma, 
syIta, syus, astd, sAirru; — dans Ans, tus, ta, ium : Iw, tas, 
t1 , *Ail. Le sanscrit a un duel , fet prend un augment à l'impar- 
fait comme en greo^ et un redoublement au parfait comme en 
grec et en latin dans les verbes cado, cecidi, pendo, pependi 



352 NOTBS. 

tus, qu'il faut les distinguer : Osce et voisce fabulantur, nom 
latine nesciunt. On mettait dans la langue osque lui p au 
lieu d'un q : on disait pid pour quid. 

Je citerai quelques mots d'inscriptions Tolsques et osques 
retrouvées dans le siècle dernier. 

Inscription voUque, (1784O 

DETE. DEGLUNE. STATOM. SEPIS. ÀTAHUS. PIS. YELESTROM. 
FAEA, ESARISTROM. SE. BIM. ASIF. VESCtIS. VINU. 

Inscription osque. 

EKKUMA... TRIBALAR... LIIMIT... MEFA. . . IST... EKTRAR... 
Ecce.. tribus.. limites., demensa.. est.. intrà.. 

FEINUSS... PU... AMF... PBRT... YIAM... PUSSTIS... PAI... 
fines.. post.. circum.. per.. viam.. posticam.. per.. 

IPISI... SLACI... SENATEIS... INIM... lUK... TRIBARAIUVF... 
ipsius.. loci.. seaatus.. unuin.. jugam.. tria brachia.. 

ANFRET... PUCCAHF... SEKSS... PURAITTER... TEAEMSS... IRIK. 
auferet.. pauca.. sex.. puriter.. termini.. bircns.. 

Les mots osques akera, anter, phaisnam, tesaur, fa- 
MEL, soLVM, sont restés, dans la langue latine, acerra, 
inter j fanant, thésaurus , famulus , solus, 

La critique moderne n'a laissé aucun doute sur l'existence 
de chants héroïques , expression du génie patriotique et 
poétique des premiers Romains : M. !Niebuhr a exposé ce 
système ayec beaucoup de sagacité , mais trop d*assurance 
peut-être; il parle de ces chansons nationales romaines 
comme s'il les avait entendues. De toutes les poésies pri- 



NOTES. . 353 

mitives des Romains il ne reste que cette chanson des 
Fratres ArvaleSs qui remonte au premier siècle de Rome : 

ËNOS. LASES. JVTÀTE. 
Nos, lares, juvate : 

NETE. LUERYE. MÀAMAR. SINS. INGURRERE. IN. PLEORIS.* 
Neve luem^ mamuri, sinas incurrere in plures. 

Satur. fufere. Mars, lumen, sali. sta. herrer.** 

Satur fueris, Mars, limen sali sta berber. 

Semunes. alternei. advocapit. conctos. 

Semones alterni advocate cunctos. 

ËNOS. MAMOR. JUVATO. 
Nos, mamuri, juvato. 

TrIUMPE. TRIUMPE. TRIUMPE. TRIUMPE. 
Triumphe, triumphe, triumphe, triumphe. 

(Découv. en 1778.) 

Varron nous a conservé quelques mots du Carmen Sa- 
tiare. 

DlTUM EXTA CANTE , DIYUM DEO SUPPLICE CANTE. 
Divum exta canite , deum Janum suppliciter canite. 



OMNIA. 
omnia. 



DaPATILIA COMISSE JàNl CUSIONES. 
Dapalia comedisse Jani curiones. 



* ScBOBL donne pour traduction de incdsebe m plbohu : satvi fofbrb Mars : incurrere 
in foret : ador fieri Mar». Nous croyons la traduction d'HEBMANH plus exacte. Mamurius 
était le nom de l'artiste qui avait fait les Aneilia. A cette époque , à ce qu'il paraît , 1'* 
s^emplojait pour Vr, latet; la diphthongue et se mettait pour l'i , et le ^ remplaçait l'f ou 
le pk. ■ 

** Dans les table» Eugubines ( Gubbio i444)« on lit ces deux mots ombriens Mabtiix 
BbifIbr, Uar» Belliqueux ; c'est sans doute la même épithète que berber. 

I. 25 



354 NOTES. 

DVOMVS GERUtSS DiVIUS JJl¥VS QUE TKHIT. 
Bonus creator divius Jaa«0 %ue Teiiit. 

Voici un fragment des lois de Numa qui se trouire dans 
F es tu s : 

Sfil HEMONEM FULBUN JoBIS OCCISIT H&l SUPBftA. CEMUA TO- 
Si hominem fulm^n Jovis occisit, ne supra genua tol- 

LITOD : HEMO SEI FULMINED OCIS€S £S€IT OLOE lOUSTA KVLA 

lito : homo si fulmine occisus est , illi justa nalla 

FIE&I OPORTETOD. 
fieri oportet. 

Nous devons aussi à Festus une loi de Servius : 

Sei PÀRENTEM puer YERBERIT AST OLOE PLORàSlT PUER DI- 
Si parentem puer verberet, at ille ploraiit puer di- 

YEIS PARENTUM SACER ESTO SEI NURUS SACRA DIYEIS PARENTUll 
vis parentum sacer esto ; si nurus, sacra dÎTis parentnm 

ESTO. 

esto. 

Les Lois des XII Tables, postérieures d'un siècle à Ser- 
yius Tullius, sont le cinquième monument de la langue 
latine ; mais est-ce un monument bien authentique ? Les 
écrivains , en les citant , n'en ont-ils pas altéré l'orthogra- 
phe? Elles sont encore singulièrement elliptiques dans l'ex- 
pression . 

S'JN JU» VOCAT 4^UJBAT. 

8t qnis in jus «liquem vocet , vocatns eat. 

QVJ MEMBRUM RUPSIT, NI CUM EO PASGIT, TALIO BSTO. 
Qui membrum alteri ruperit, ni cum eo paciscatur, talio sit. 



NOTES. 555 

Il ne reste, pendant les deux siècles sulvans, aucune 
trace de la lan^e latine avant l'inscription duîlienne, 
et les trois épitaphcs des Scî|^ons : ces quatre monumens 
sont du cinquième et sixième siècles. 

Colonne Rosir aie, 

C. BtLIOS. EXEMET. LBCIONEIS. MAXIMOS. QUE. MACISTRàTOS. 
G. Doilins exemlt legioaes msiximus que ma^stratus 

HOVEMk GASVREIS. EXFOClOIlT. MACELAM. PVCNAÎ^DOD. CEPET. 
ttOTem castris effugiont, macellam pagnando cepît 

EITQVE. EODEM. MAGISTKATOD. REM. NAYEBOS. MARID. CONSOL. 
inque eodem magistratu rem navibus mari consul 

PRIMOS. CESET. CLASES. QUE. NAVALES. PRIMOS. ORNAYET. 
primus gessit, classes que navales primus ornavit; 

GUMQUE. EIS. NAYEBOS. GLASGEIS. POENIGAS. OMNES. SVMAS. 
cumque iis navibus classes Punicas omnes summas 

COPIAS. GARTAGINIENSIS. PRJISE^TED. D][TATORBD. OLORUM. 
copias Garthaginienses praesente dictatore ilLomm 

IN. ALTOD. MARID. PUGNANDOD, YIGET. TRIGENTA. QUE. NAYEIS. 
in alto mari pugnando vicit, triginta que naves 

GEPET. GUM. SOGIEIS. SEPTEM. TRIRESMOS. QUE. NAYEIS XX. 
cepit cum sociis septem triremos que naves xx 

GAPITOM. NUMEI. D. G. G.. GAPTOM. JSS. NAYALEp. PRiED^D. 
captum nummi d. c. c. captum aes navali praeda 

POPLOM. 
populo donavit. * 

* La Bibli9ikh^u• iaiin* de Fabridas ; le Trahi $ur la langue latine de Funceius ; l'Hû- 
totrc da la Liitirature romabte de Schobl , oelle db Dohlov, VSUtair* roytùn» de Nubohi , 
m'ont beaucoup senri dans ces études ; mais c'est aux leçons et aux conseils de M. J. Y. 
LxcLiic <iue je dois le plus , et c'est un besoin pour moi de lui en exprimer encore ici ma 
reconnaissance. 



356 NOTES* 

Les deux inscriptions suivantes , gravées sur les tom- 
beaux de Lucius Scipion Barbatus et de son fils Lucius 
Scipion f sont , à quelques années près ^ de la même épo~ 
que que la Colonne Rostrale (480 — 5 10). Elles offrent de 
l'intérêt; d'abord, elles servent à l'histoire de la langue 
latine, et peuvent être ensuite regardées comme les pre- 
miers monumens de l'éloquence romaine. Mais , ainsi que 
l'a fait remarquer M . Niebuhr, ces deui inscriptions sont 
encore deux souvenirs de la poésie populaire romaine, 
deux de ces Nénles, qui se chantaient aux funérailles. Sur 
le cercueil de Lucius Barbatus, chaque vers est séparé 
d'une manière distincte par un trait. 



Première Inscription, 
CoRNÉLiu'. Lôciu'. SciPio. Barbatus. 

Cornélius Lucius Scipio Barbatus , 

GnAIVOD. PROGNÂTU'. FORTIS. VIR. SAPIENS. QUE. 
Gneio prognatus fortis vîr sapiens que 

QuOir'. FORMA. VIRTUTI. PARISSUMA. FUIT. 
Gujus forma virtuti maxime par fuit. 

CONSÔt. CENSOR. AÉDILIS. QUEL FUIT. APUD. VOS. 
Consul, censor, aedilis qui fuit apud vos 

Taurâsia. Cesâuna. Samnio. cepit. 
Taurasiam, Cisaunam, Samnio, cepit. 

SUBIGIT. OMNE. LoUGANAA. , 
Subjicit omnem Lncaniam , 

Opsides. que. abdoucit. 

Obsides que abducit. 



NOTES. 557 

Seconde Inscription. 

HoNGOiNO. PLOÎRUME. cosENTioNT. K[omani) 5 
Hune unum plurimi consentiunt Romani. 

DUONÔRO. OPTUMO. FÙISE. VIRO. 
Bonorum optimum fuisse virum. 

LuCIOiM. SCIPIÔNE. FILIOS. BarBATI. 
Lucium , Scipionem filiuui Barbati, 

CONSOL. CENSOR. AEDILIS. HIC. FUET. APÙD. VOS. 
Consul, censor, sediiis hic fuit apud vos. 

IIec. gëpit. CoRSiCA. Aléria. que. ùrbe. 

Hic cepit Gorsicum Aieriani que urbem 

DÉDET. TEMPESTÂTEBUS. AEDE. MERETO^ 
Dedil tempestatibus aedem mcrito. 

Ces deux inscriptions en apprennent plus que bien des 
pages de Tite-Live sur la langue et le génie des Romains 
de cet âge. 

M. Niebuhr, après avoir cité une troisième inscription 
des Scipions, fait une observation très-ingénieuse : « On 
)>^ trouve, dit-il, dans ces épitaphes un caractère propre à 
» toute poésie populaire, mais qui se révèle surtout avec 
» clarté dans les chants de la Grèce ipodeme : c'est que 
»des pensées , c'est que des vers entiers deviennent , 
)» comme les mots eux-mêmes, des élémens de la lan- 
)> gue poétique. On les voit passer de pièces anciennes et 
» connues dans des pièces nouvelles ; et, lors même que le 
» chantre ne suffît pas à un sujet élevé, ils donnent à ces 
» chants une couleur et un tour poétiques. C'est ainsi que 
»Cicéron [de Senect^ 17) lisait sur le tombeau de Calati- 



358 NOTES. 

«nus les mots : Hune plurimœ consentiunt génies popuU 
nprlmarium fuisse virum que nous trouvons sur celui de 
»Scipion fils de Barbatus. » Poursuivant toujours son sys- 
tème de ne voir dans l'histoire des rois de Rome qu'une 
grande épopée, M. Niebuhr tâche d'établir que ces chan- 
sons populaires ont passé altérées dans la prose de l'histoire; 
que, cependant, quelquefois le mètre a été respecté; 
que, par exemple, Tite-Live nous a conservé intact et 
dans la mesure lyrique de l'ancien vers romain tout un frag- 
ment de poème, VHorrendum Carmen, 

duûmvlri perdu ellionem jùdicent 
si a duùmviris provocârit, 
Provocàtiône certâto : 

Si VINCENT, CAPUT OBNÙBITO ; 

Infëligi arbore reste suspéndito : 
vérberato intra vel extra pomoerium. 

On peut trouver M. Niebuhr trop subtil, souvent obs- 
cur; mais il est impossible de ne pas l'admirer lorsque, 
sceptique et audacieux, il défait et refait ainsi le passé. 

Soixante ans environ après la mort de P. Scipion (568) 
fut rendu un sénatus-consulte sur les Bacchanales. On a 
trouvé dans tin vIlUge de la Galabre, en 1692, sculpté sur 
une table d'airain , ce sénatus-consulte : il nous fera juger 
des progrès de la langue. 

Q. Margius L. F. S. PosTUMivs L. F. cos. se- 

Q. Marcius, Lucii filius S. Posthumius , Lucii fitius comules se- 

NATUM CONSOLVBRIJNT N. OCTOB. APVD J5DEM DUELONAI 
natum contuluenint noniaoctobris apud aedem Belionae, 



NOTES. 559 

se. ARF. M. Clavdi m. L. Vàlerhi p. p. 

scribendo ftdfueruqt , M. Claudiut ^ M. F. Yalerius P. filius, 

Q. MmuCl C. p. DE BACAIfA.LIBVd QVU FOHMBIATBI BS- 
Q. Minuciu», Gaii ûlm, de baccfaanalibus qui f^eederati es- 

SEITT ITA EXDEICVKBrM GBNSVERE HEI QUtS EOatJM BACA- 
aeat; ita edicendim censuere : ne quis eorum baccha- 

VAL HABUI88E TELEV Sei QVES E8ENT <^EI 9IBEI DElGEAElTr 
nalîa habuisse veUet. Si qui essent qui sibî dicerent 

irtCESlJS BSB BACANAL BÂBEBE EEIS VTEI AB PR. UR- 

aecesse esse baccbanalia habere, iis nt ad prsetorem ur- 

BANUM ROMAM TENIRENT DE QUE EEIS REBUS 1JBEI EORUM YER- 
baiium Rosiam venirent , de que iis rébus ubi eorum ver- 

BA AUDITA ESEVT UTEI SENATUS POSTER DECERIŒRET DUM NE 
ba andita essent, ut senatus noster decemeret, dum ne 

MINUS SEHATORBUS G. ADESEIfT Q. EA RES GONSOLERE- 
niinos senatoribus ceatum adessent, cum ea res consulere- 

TUR BaCAS tir FE QUIS ADIESE TELET CEITlS ROM ANUS , 
tnr. Bacchas vir ne quis adesse vellet ciris romanns , 

NETR NOMINUS LATIN NETE S0€1UM QUISQUAM NISEI PR. 
neve nominis latini, neve socionim quitquam, nni practorem 

URBANUM AD1E9ENT Ig QUE DE SENATUOS SBNTENtlAD DUM NE 
nrbanum adessent, is que de senatus sententia, dum ne 

MINUS SENATORIBUS C. ADËSENT QUOM EA RES CONSOLE-*- 
minus senatoribus centum adessent, quum ea res consule- 

RBTUR lOUSISENT GENSUERE SAGERDOS NE QUIS YIR ESET 
retur, jussissent, censuere. Sacerdos ne quis vir esset 

MA6ISTER NEQUE TIR NEQUE MULIER QUISQUAM ESET^NEYE PE- 
magister, neque vir neque mulier quisquam esset, neve pe- 

CUNIAM QUISQUAM EORUM COMOINEM ABUISB YELET NEYE 
cuniam quisquam eorum communem habuisse vellet, neve 



360 INOTES. 

MACISTRATVM NEVE PAO MA6ISTRATU0 NEVE VIRUM NEVE 
magistratom neve pro magistratu , neve ▼imm , neve 

MULIEREM QUISQUAM FEGISE NEVE POSTHAG INTER SED GONIOV- 
mulierem quisquam fecisse, neve posthca inter se conju- 

RASE NEYE GOMUOYISE NEVE GONSPONDISE NEVE COMPRO-. 
rasse , neve commovisse , neve conspondisse , neve compro- * 

MESISE YELET NEVE QUISQUÀM FIDEM INTER SED DEDISE YELET 

misisse vellet, neve quisquam fidem inter se dédisse vellet, 

SACRA IN DQUOLTOD NE QUISQUAM FEGISE YELET NEYE IN PO- 
sacra in occulto ne quisquam fecisse vellet laeve in pu- 

PLIGOD NEYE IN PREIYATOD NEYE EXTRAD URBEM SAGRA QUIS- 
blico, neve in privato, neve extra urbcm sacra quis- 

QUAM FEGISE YELET NISEI PR. URBANUM ADIESET IS QUE 
quam fecisse vellet, nisi praetorem urbanum adisset, is que 

DE SENATUOS SENTENTIAD DUM NE MINUS SENATORIBUS C. 
de senatus sententia, dum ne minus senatoribus centum 

ADESENT QUOM EA RES CONSOLERETUR lOUSISENT GENSUERE 
adessent, quum ea res consulerctur, jussissent, censuere, 

HOMINES PLOUS V. OINUORSEI YIREI ATQUE MULIERES SA- 
homines plus quinque univers! vin atque mulieres sa- 

CRA NE QUISQUAM FEGISE YELET NEYE INTER IBEI YIREI PLOUS 
cra ne quisquam fecisse vellet , neve inter ibi viii plus 

DUOBUS MULIERIBUS PLOUS TRIBUS ABFUISE VELENT NISEI DE 

duobus , mulieribus plus tribus adfuisse vellent , nisi de 

PR. URBANI SENATUOS QUE SENTENTIAD UTEI SUPRAD SGRIP- 
prsetoris urbani senatus que sententia , ut suprà die- 

TUM EST. HaICE UTEI IN CONVENTIONID ËXDEICATIS NE MINUS 
tum est. Hsecce uti in concionibus edicatis ne minus 

TRINUM NOUNDINEM SENATUOS QUE SENTENTIA» UTEI SCIENTES 
trinuni nundinum, senatus que sententiam uti scientes 



NOTES. 36 1 

CSETIS EORVM \SENTENT1A ITA FUIT SeI QUES ESENT QUEl ÀK- 
esaetifi, eorum sententia ita fuit. Si qui essent qui ad- 

YOHSUM EAD FECISENT QUAM SUPRAD DICTUM EST EEIS REM CA- 
Tersum ea fecissent quam supra dictum est, iis rem ca- 

PUTALEM FAGIENDAM GENSIJERE ATQVE UTEI HO€E Ilf TABOLAM 
pitalem faciendam censuere , atque ûti hocce in tabulam 

AHENAM INEIIDERETIS. ItA SENATTJS AIQ170M CENSFIT UTEI QUE 
ceneam incideretis. Ita senatus aequuxn censuit, uti que 

EAM FI6IER lOUBEATIS UBEI FAGILUMED 6N0SCIER POTISIT AT- 
eam figi jubeatis ubi facillime nosci possit, at- 

QUE UTEI EA BACANALIA SEI QUA SVNT EXTRAD QUAM SEl 
que uti ea bacchanalia, si qua sunt, extra quam si 

QUID IBEI SAGRI EST ITA UTEI SUPRAD SGRIPTUM EST IN DIE- 
quid ibi sacri est, ita uti supra scriptum est, in die- 

BUS X QUIBUS VOBEIS TABELAÏ DATAI ERUNT FAGIATIS UTEI 
bus decem quibus vobis tabeilae datse erunt, faciatis, uti 

DISMOTA SIENT IN A6R0 TeURANO. 
dimota sint in agro Tcurano. 

Lors de la publication de ce sénatus - consulte , Ënnius 
habitait déjà Rome, Plante avait fait jouer la plupart de 
ses pièces, et Térence était né (SchoelL), Nous pourrons 
maintenant étudier la langue latine dans les ouvrages des 
écrivains cités par Marc Aurèle et tronto. 

44- — Caius Lucilius, chevalier romain, oncle de Lu- 
cilia, mère de Pompée, naquit en 6o5 dans le Latium, à 
Suessa, ville des Aurunces : 

Per quetn magnus equos Auruncœ flexit alumnus. 

Juv., Sal. 1. 



362 NOTES. 

Il servit au siège de Numance avec Marias et Jugurtba, 
sous les ordres de P. Scipion l' Africain, et depuis resta 
toujours son ami; il mourut en 660 environ. On a recueilli 
d'assez longs fragmens des trente satires qu'il avait compo- 
sées. Bien que Lucilius n'eût fait que donner à la satire 
une forme nouvelle, il en fut regardé comme l'inven- 
teur. 

La satire, satura (lanœ) , vient d'un mot sabin qui si- 
gnifiait un plat rempli de toute espèce de fruits offerts aux 
dieux des champs; ce mot avait aussi passé dans le droit, 
où on appelait leges saturœ les lois formées de plusieurs ti- 
tres. On peut répéter après Quintilien que la satire est une 
œuvre toute romaine, sans croire pour cela qu'elle fut 
ignorée des Grecs. Il s'en faut de beaucoup; car ils la con- 
nurent sous trois formes, créées par Sosithée, Timoclès et 
Timon le Pyrrhoniste : sous la forme tragique, sous la for- 
me comique et sous la forme lyrique. La satire romaine, 
toute didactique , ne ressembla point à la satire ( oràTUjaoçJ 
grecque, qui fut toute dramatique. Elle ne mit jamais en 
scène ni les faunes , ni les satyres ; on commença par la 
chanter ou la réciter. D'abord inoffensive, elle devint bien- 
tôt hardie et âpre : 

In rabiem cœpil vertijocus ; et per honestas 
Ire domos impune minax, 

HOB. 

Les décemvirs, par une loi, y mirent ordre : Si guis oc- 
centassit malum carmen^ sive condidisit^ quod infamiam 
fawit flagitiumve alteri, fusto ferito, La crainte de cette 
peine infamante arrêta les satiriques; et la satire tom- 
bait, lorsqu'un ami des grands de Rome, Ennius, la 



NOTES. 363 

releva ; mais alors elle ne fut plus faite que pour être 
lue. Pacuvius suivit l'exemple d'Ennîus : Lueîlius vint 
après lui. Jamais siècle ne prêta plus que le sien à la sa- 
tire : au milieu des luttes terribles entre l'esprit nouveau 
et l'esprit ancien , le luxe , la corruption et tous les vices 
d'une société qui s'affaiblit, se développaient vite, et le 
satirique avait le droit de regretter les mœurs antiques. 
Aussi Lucilius vanta le bon vieux temps; et, accusateur de 
son siècle, il lui dit, le plus haut qu'il put, ses vérités. Il ne 
ménagea personne, ni Q. Opimius le Victorieux, ni Mé- 
tellus le Macédonien, ni le prince du sénat, ni ses devan- 
ciers Ënnius, Pacuvius, Attius. On trouve dans les fragmens 
conservés de ses satires les noms de soixante Romains qu'il 
attaquait ; la protection de Lœlius et de Scipion l'encoura* 
geait : 

Cujus non audeo dicere nomcn ? 
Quid refert dictis ignoscat Muiius , an non ? 

Il n'épargnait pas même les dieux ; il se moqua du nom 
de père qu'on leur donnait. Dans un conseil tenu par Ju- 
piter, il lui fait dire avec dérision : 

Ut nemo sit nostrum quin pater opiumus dlvum ; 
Ut Nepiunus pater. Liber, Satumus pater. Mars , 
Janus, Quirinus pater, nomen dicatur ad unum. 

Horace, Juvénal et Perse ont imité Lucilius dans les 
sujets de leurs satires; quelquefois même ils l'ont copié 
dans les détails. Ces vers de Perse : 

Scire tuum nihil est, nUi te scire hoc sciât atter,,, 

Quis leget hœc? — min' tu istud ais? — nemo, Hetcule,'-^Nvin\o.... 



364 NOTES 

:»€ trouvent dans Luciiius : 

Ut me scire voh mihi amscius sum , ne 
Damnum faeiam, Sârc Aoe te neteit nisi tUios id tare tâerei.,,.^,. 
Quit leget hœe? — min* tu ittudait? — nemo. Hercule. — Nemo, 

Le demi- vers de Virgile : 

iVo/i omnia possumus omnes, 

appartient au vieux satirique; il avait dit : 

Major eral nalu : non omnia possumus omnes. 

L'antiquité jugea diversement Luciiius; Scipion et Lae- 
lius l'admiraient comme un élève élégant de la Grèce; 
Cicéron l'aimait {de Orat.), Au siècle d'Auguste, Horace 
disait de lui : 

Cum ftueret iutulentus , erat quod tollere veiiet. 

Horace était trop sévère : mais alors, par esprit d'opposition, 
on ne mettait personne au-dessus de Luciiius. Pline l'Ancien 
fait son éloge. On sait les beaux vers de Juvénal , Sat. i : 

Ense veiut stricto quotics Luciiius ârtUns 
Infremuit , rubet auditor cui frigida mens est 
Criminibus , tacita sudant prœcordia culpa : 
Inde irœ et luci'\mœ. 

Toutes les fois que l*ardent Luciiius, comme armé d'un glaive 
tiré, frémit, Tauditem', dont Tàme est refroidie par le crime, rougit ; 
son cœur suc complice de sa faute : de là les colères et les larmes. 

Quintilien blâme la sévérité d'Horace, et loue le mer- 



NOTES. 365 

veilleua) savoir de Lucilius : Fronton le trouye maigre ; Ma- 
crobe l'appelle âpre et violent. Le style de Lucilius , d'a- 
près les fragmens qui nous restent, nous paraît plus souple, 
plus élégant , et tout aussi énergique que celui d'Ënnius. 
Deux ou trois citations le prouveront suffisamment; il 
parle de la yie des Romains : 

Nunc vero a mane ad noetem , festo atque profesto , 
Tôt us idem pariterque dies ; poputusque patresque 
Jactare indu foro se omnes , decedere nusquam ; 
Uni se atque eidem studio omnes dedere et arti ; 
Verba dare ut caute possint, pugnare etolose ; 
Blanditiis certare , bonum simulare virum se, 
Jnsidias faeere, ut si hostes sint omnibus omnes. 

Mais à présent, du matin à la nuit, le jour de fête, et le jour 
de travail , car pour eux tous les jours sont égaux et se ressem- 
blent, peuple et sénateurs s'agitent tous au Forum , et n'en sortent 
point. Tous se livrent à une seule et même étude, à un seul art, 
celui de tromper par d'adroites paroles , de combattre par la ruse , 
de faire assaut de flatteries , de se feindre honnête homme , et de se 
dresser des embûches , comme si tous à tous étaient des ennemis. 

Il se moque ailleurs des adorateurs d'idoles, avec une 
verve élocpiente qu'Horace n'a pis retrouvée : 

Terricuias lamias , Fauni quas Pompiliique 
Instituere Numœ, tremit has, hic omnia ponit : 
Ut pueri infantes credunt signa omnia ahena 
Vivere et esse homines , et sic isti omnia ficta 
Vera putant ; credunt signis cor inesse ahenis : 
Pergula pictorum , veri nihil, omnia ficta. 

Ces lamies difiPormes, ces inventions des Faunes et des Numa 
Poropilius, il en a peur; et c'est tout pour lui. Gomme les petits 
enfans, qui croient que tous ces simulacres d'airain vivent et sont 



366 NOTES. 

honmes ; ainû^euz^ ils prennent poor des rentes tontes ces fictions; 
ils croient qu'il y a une âme en ces simolarres d'airain ; galerie de 
peintre , où rien n'est Trai , où tout est mensonge. 

Lactance remarque, à propos de ce passage, que les 
petits enfiuis ont encore plus de raison cpie les idolA* 
très ; car ceux-là ne prennent les statues que pour des kom- 
mes, tandis que ceux- ci les prennent pour des dieux. 

Au milieu de ses attaques, il ne respecta que Scipion, 
Lselius et Porgueil romain : 

Ut popuius Romanut vieius vi ei superattu prmRis 

Sape est multis , bello vero nimqÊiam ; in. qao sumt oimuc. 

Le peuple romain , vaincu par la force et sonrent surpassé dans 
de nombreux combats, ne le fiit jamais dans une goerre; et tout 
estlii. 

Je finirai par un passage de Lucilius , de la morale la 
plus austère et la plus élerée ; c'est sa défioîtiou de la yortu, 
de la sagesse : 

Virtus , jilbmc , est prttium penohere verum , 

Queis invrrsamitr, quels vivimiu, rébus potesse : 

Fartus est h0mim , setre id qaod quesque kabêmt res; 

F'irtus scire homini reetiyn j utUe, quid sU honeaum , 

Quœ borna, quœ mmia item, qutdimttUe, turpe, inkomestmn : 

Virtus quœremdœ finem rei seire modumque. 

Virtus dlvltils pretium persoivere passe : 

Virtus iddare quod re ipsa debetur htmari ; 

Hostem esse atque iiùmieum kaminum marumque mahrunt , 

Contré, defensorem hominum numanque banarum , 

Magnifieare hos , hls bene velle, kis vlvere mniemm : 

Commoda prmterea patrim ûbi prhna putare, 

Delnde parentum , tertiajam postremaque xostro. 

La Tcrtu, Albinns, est de pouToir apprécier an Tmi les ac<»dens et 
les choses ordinaires de la vie ; la vertu pQ«ir limame est de savoir 



NOTES. 367 

ce que fèse chaque ch(M(e ; la vertu pour l'homme est de saToir ce 
qui est droit, utile, ce qui est honnête, et aussi ce qui est bien, ce 
qui est mal, ce qui est inutile, honteux, malhonnête ; la vertu est de 
MToir le but et la mesure de ce qu'on veut chercher ; la vertu est 
dke poovoûr apprécier au vrai les richesses ; la vertu est de donner à 
ThMineur ce qui ku est vraiment dû ; d'être l'ennemi public et privé 
des hommes mauvais et des mauvaises mœurs , et au contraire le 
défenseur des hommes bons et des bonnes mœurs, de glorifier ceux- 
ci, de leur vouloir du bien, de vivre leur ami; outre cela de mettre 
au premier rang les intérêts de la patrie , au second ceuK de la fa- 
mille, au troisième et dernier les nôtres. 

45. — Albacius, poète satiricpie, fut le contemporoio 
de Lucilius : on sait fort peu de chose de sa vie : et, mal- 
gré mes recherches, je n'ai pu trouver un »eul vers de lui 
à citer. 

46, — La vie et les fragmens de Lucrèce se trouvent dans 
les notes du second volume. 

4?« ♦^ Marous FÊCUpUtê, neveu d*£nnius (Plin., Hist, 
Bfdit., Ut. XXXV ) 9 fiaquit à Brindes, !*an de Home 554 ; (^^- 
ehcon^ dans le traité ds l'Amitié, nous apprend qu'il i\it 
l'hôte et l'ami de Lœlius. Pacuvîus avait d'abord été pein- 
tre ; il avait orné de peintures le temple d'Hercule, dans le 
forum boarium. Il publia sa dernière tragédie à l'âge de 
quatre-vingts ans, puis se retira à Tarente, où îl mourut 
dans sa quatre-vingt-dixième année. Pacuvius fit lui-même 
son épitaphe : elle est sÎEopJe et touchante : 

Afhhëotnê, iëmtisi propefifis, kaeJé saa^m regat 
Vti ad têutpuw demtU fitQd, êpriptum mi iegm$. 
Hic sont pobtjs Marcei Pâcdvibi sita 
OssA : hoc voiebam nescius ne esses. Vale. 

Jeune homme, ^elque pressé que tu sois, cette pierre te demande 
de jeter sur elle un regard , et de lire ce qui est écrit : \m rb»08bi*it 



368 NOTES. 

LB8 os DO poÈTB Marcds Pacuvius. Je ne roulais pas te le laisser 
ignorer. Adieu. 

Gicéron blâme le style de Pacuyius, et dît que c'est un 
poète qui parlait mal : maU locutum, U loue cependant sa 
yersification savante ; c'est aussi l'éloge qu'en fait Horace : 

Aufert 

Pacuvius docti famam senis, Attius alti. 

Quintilien en parle de même {Inst. Orat.<, liv. x, c. i). 

On a conservé les noms d'une vingtaine de pièces de 
Pacuvius : 

Anchises. — Antiope, — ArmorumJ udicium»^- Atalanta. 
— Chryses. — Dulorestes. — Hermione, — Iliona. — Medum. 
— Medea, — Niptris. — Orestes et Pylades, — Paulus. — 
Peribœa. — PUnis. — Pseudo. — Tanlaliis, — Teucer.^ 
Thy estes. 

Toutes ces pièces étaient des traductions ou des imitations 
du grec ; Paulus ( sans doute Paul Emile , vainqueur de 
Persée ) fut le seul sujet romain traité par lui ; il en reste 
ces vers : 

Paier suprem nosirm progenii patris , 
Nunc ted ob tester, ceiere sancto subveni 
Censori. 

Père suprême du père de notre race , je t'invoque à présent ! se- 
coure au plus tôt le censeur qui te révère ! 

Voici les deux plus longs firagmens conservés de Pacu- 
vius ; le premier est tiré à^ Hermione, le second de Du- 
lorestes : 

Fortunam insanam esse et cœcam et brutam perhibent phihtophi, 

Saxoque illam instare globoso prœdicant volubilem : 

Ideo, quo saxum impulerit fors, aidere eo fortunam autumant. 



NOTES. 369 

Cœeam ob eam rem esse itérant, tjuia nihil cemat ijuo sese appUcet ; 
Insanam autem aiunt quia atrox, incerta, instabitisque sit ; 
Brutam , quia dignum atque indignum nequeat intemoseere ; 
S uni autem alii philosophi , qui amtra fortuna negent 
Miseriam esse uliam , sed temeritate omnia régi : id magis 
Verisimile aiunt ; quod usus reapse experiundo edocet : 
Velut Orestes modo fuit reoo, modo mendicus foetus est ; 
Naufragio res eontigit ; nempe ergo haud fortuna obtigit. 

Les philosophes prétendent que la Fortune est insensée » aveugle 
et stupide ; ils la représentent placée sur un globe de pierre qui roule 
au hasard , et pensent qu'elle tombe où le sort pousse cette pierre. 
Elle est aveugle» continuent-ils, parce qu'elle ne voit pas où elle se 
fixe ; insensée, parce qu'elle est cruelle , capricieuse et inconstante ; 
stupide, parce qu'elle ne peut distinguer l'homme digne de l'homme 
indigne. D'autres philosophes , au contraire , soutiennent que nul 
malheur ne vient de la Fortune; mais que la témérité gouverne 
tout : opinion plus vraisemblable , appuyée de l'enseignement de 
l'expérience; témoin Orestès : de roi qu'il était il devint tout d'un 
coup mendiant. Mais ce fut la faute du naufrage, la Fortune n'y 
fut pour rien. 

Interea , propejam accidente sole , inhorrescit mare ; 
Tsnebrw eonduplicantur, noctisque et nimbum occœcat njigror ; 
FUunma inter nubes coruscat , cœlum tonitru eontremit ; 
Grando, mista imbri largi-fluo, subita turbine prœcipîtans cadit ; 
Undique omnes venti erumpunt, sœvi existunt turbines, 
Fervet testu peiagus. 

Cependant, vers le déclin du jour, la mer se hérisse ; les ténèbres 
redoublent, et la nuée s'obscurcit encore de l'ombre noire de la nuit. 
La flamme brille au milieu des nuages ; le ciel tremble aux coupf du 
tonnerre. Soudain la grêle , mêlée aux larges torrens de la pluie , 
tourbillonne, se précipite et tombe. Tous les vents de partout se 
déchaînent; de violens tourbillons s'élèvent ; la nier au loin s'enfle 
et bouillonne. 

1. 24 



370 NOTES. 

C'est aussi dans VOreste esclave ( Duloresies ) que se 
trouve ce vers souyent cité : 

Utinam nune matitreteam ingmiio, ut meum patrtm 
Ulcisd quêam ! 

Oh 1 que mûrisse à présent mon ftme , afin que je puisse reugcr 
mon père ! 

VAntiope était le chef-d'œuvre de Pacuvius : Cicéron 
disait qu'il n'y avait qu'un ennemi du nom Romain qui pûi 
mépriser (spcrnere) l'Antiope, Perse s'en est moqué mal- 
gré l'anathème : 

Sunt quos Pacuviusque et verrucosa moretur 
Antiopa , œrumnts cor litctificabite futta. 

Il en est qui s'attachent à Pacuvius et à sa raboteuse Antiope, dool 
l'âme lamentable est étayée de douleurs. 

Du reste , Pacuvius, de son temps, n'avait pas de popu- 
larité. La lutte des patriciens et des plébéiens, au forum, 
intéressait plus le peuple romain que les malheurs d'An- 
tiope ou d'Electre. 

48. — Lucius Accius^ ou plutôt Aiîius, pour lui rendre 
son vrai nom, naquît à Rome, d'un affranchi, en 684. U 
fut l'ami du consul Décimus Bru tus, et, comme Ennîus, 
aimé et respecté des Romains. Cicéron raconte qu'il l'en- 
tendit vanter l'éloquence de Décimus Brutus et de plu- 
sieurs autres orateurs. Sa visite à Tarente , chez Pacuvius 
(Aul.-Gell., lîv. XXXni, ch. a), est aussi célèbre que 
son amour-propre (Plin., Hisi, nat, j lîv. XXXIV). Ces 
vers d'Ovide [TrisU, liv. II): 

iVec liber indieUtm est animi, sedhonesta tfoiur^as, 
Pluvima nutlcendis atiribus apta refcrt. 



NOTES. 371 

Aititti ettei atroœ , eonviva Termitlus êuet , 
Etsent pugnaces qui fera bdta çanunt : 

nous apprennent qu'Attius choisissait toujours les sujets 
les plus tragiques, les plus atroces, Médée^ Atrée, Thyeste : 
ce fut le Crébillon romain. Oyîde fait Téloge de sa Terre ; 
Horace de son éléyation. Perse s'en est moqué comme 
de Pacuvius. Dans sa Médée^ un berger exprimait ainsi son 
étonnement à la yue d'un yaisseau : 

Tanta motet tabitur 

Fremebunda ex alto , ingenti tonitu et spîriiu ; 
Prœ se undas votvit, vortices vi suscitât, 
Ruit protapsa , pelagus respergit, refluit ; 
Ita dum interruptum eredas nimbum volvier, 
Dum quod sublime verdis êxpulsum rapi, 
Saœum aut proceltis vel globosos turbines 
Exsistere ictos , undis concursantibus : 
Nisi quas terrestres pontus strages coneiet : 
Aut forte Triton fuseina evertens specus, 
Subter radiées penitus undanti in fréta 
Moiem ex profundo saxêam ad c4»lum vomit. 

Une masge immense arrive frémissante du milieu des mers, à 
grand bruit et à grand souffle ; elle roule les flots devant elle ; de 
son poids crense des gouffres , s'y enfonce en gUssant ; la vague re- 
jaillit, se refoule : tous croiriez voir tournoyer un nuage détaché, ou 
quelque haut rocher chassé par les vents ou entraîné par les orages, 
ou des trombes tourbillonner et surgir, battues parles bouillons des 
ondes ; à fkioins que ce ne soit comme ces déchaînemens des flots 
qui raragent les terres ; ou, peut-être, Triton , qui, de sa fourche en- 
tr'ouvrant les cavernes et les profondeurs des mers ondoyantes, 
lance du creux des abimes une masse de pierre contre les cieux. 

Il est curieux de comparer à ces yers d'Attius les yers 
du fameux poète anglais Spenser, qui dans VEpilogue du 



372 NOTBS. 

Calendrier du Berger, Cût ainsi raconter à un pâtre sa 
surprise à la rue d'un yaisseau : 

For a$ we $tood there waiting on ihe $trand, 

Behold a huge great ve$sel to lu came. 
Dancing upqn the water» baek io land, 

A$ if it seom*d the danger of the $ame. 

Y et tDOs it but a wooden frame, and frait, 

Glued together with $ome tubtle maJtter; 

Y et had it arm$, and wingt, and head, and tait. 

And Ufe, to move itself upon the water. 

Strange thing ! haw bold and swift the monster vmu ! 

That neither cared for wind, nor hait, nor rain, 
Nor iwelUng wave$, but thorough them did pasê 

So proudly, that the mode them roar again, 

Gomincnoiis étions debout, attendant sar le rirage, noiu Times an 
immense Taisseaa Tenir à nous, dansant sur les flots, eo se dirigeant 
Ters la terre, et comme s'il méprisait le danger. 

Cependant ce n'était <{u'une forme de bois , fragile, attachée par 
quelque subtile matière ; mais elle aTait des bras , et des ailes , et 
une tète , et une queue , et de la Tie pour se mouToir sur les flots. 

Étrange chose 1 Combien audacieux et léger était le monstre ! il 
n'aTait souci ni de la grêle, ni du Tent , oi de l'orage, ni des Tagoes 
houleuses , mais il passait au traTers si fièrement qu'elles eo rugis- 
saient derrière lui. 

Attius ayait fait deux tragédies nationales : firutus et 
Décius, Le sujet de Brutus était l'expulsion des rois : le 
Rêve de Tarquin a été conserré. 

Quum jam quieti corpus noetumo impetu 
Dedi, sopore plaçons artus languidos , 
Visant est in somneis paslorem ad me appelkre ; 
Duos consanguineos arietes inde eligi. 



NOTES. 3.73 

Pecus tanigeram eximia puichritudine ; 

Prœctarioremque alterum immolare Ae : 

Deinde ejus germanum cornibus connitier 

In me arietare, coque ictu me ad casum dari : 

Exin prostratum terra , graviter saucium , 

Resupinum , in cœtoamtueri maximum 

Ae mirificum facinus, dextrorsum orbem flammeum , 

Eadiatum solis liquier cursu novo, 
Rex, queein vita usurpant homines, cogitant, curant, vident, 
Quœqueagunt vigilantes, agitantque, ea si cul in somno aecidunt , 
Minus mirum est : sed in re tanta haud temere visa offerunt. 
Proin vide ne, quem tu essehebetem députes teque ac pecus , 
Is sapientia munit um pectus egregium gerat, 
Teque regno expellat : nam idquodde sole ostentum est tibi. 
Populo commutationem rerum portendit fore 

Perpropinquam ; hœc bene verruncent populo. Nam quodaddexieram 
Cepit cursum ab lœva signum prœpotens, pulcherrime 
Auguratum est, rem Romanam publicam summam fore.... 
Çui recte consulat , consul fiât. 

Pendant qu'au milieu de la nuit profonde je livrais mon corps au 
repos, pour donner, par le sommeil, du calme à mes membres fati- 
gués, je vis un pâtre venir à moi, puis choisir deux béliers du même 
sang et d'un« éclatante blancheur : j'immole le plus beau ; son 
frère ensuite ae jette sur moi , me heurte de ses cornes , et de ce 
coup me fait tomber. Renversé alors à terre * grièvement blessé, 
étendu sur le dos, j'aperçus dans le ciel une grande et merveilleuse 
chose : le globe enflammé du soleil abandonner sa route pour une 
route nouvelle , vers la droite. — Roi , tout ce qui fait la matière de 
la vie des hommes, leurs pensées , leurs soins; ce qui frappe leur 
vue, leurs travaux, leurs actions du jour leur reviennent en songe : 
Rien là ne doit surprendre ; mais, dans ces graves intérêts, ce n'est 
point sans raison que ce rêve s'est offert. Prends donc garde que ce- 
lui qui te semble aussi stupide que la brute ne porte en lui une 
grande âme, fortifiée par la sagesse, et ne te chasse de ton royaume; 
car le prodige qui t'a été révélé parle soleil présage une révolution 
très-prochaine dans le peuple. Puisse-t-elle être profitable au peuple! 



374 NOTES. 

Car la marche que cet astre tout-puifsant a prise de U gauche à la 
droite, est le plus heureux âe tous les augures : elle annonce que la 

chose publique de Rome sera grande Que celui qui coosalte la 

raison soit consul. 

Virgile a dit : 

Disce, puer, virtutem ex me verunufue laborem, 
Fortunam ex aliit, 

Attius avait dît ayant lui : 

FirtutU sis par, dtspar fortunis patris, 
Oderunt dum metumtt, 

lui appartient; il se troure dans VAtrée. 

49. — La TÎe et les fragmens à^Ennius sont aux notes 
du second Tolume. 

50. — C, Sallustius Crispas, Voir aux notes du second 
volume. 

5i. — Quintus Fabius Pictor fut le premier historien 
latin en prose; scriptorum antiqaissimus ^ comme l'appelle 
Tite-Liye. Il servit, en 5a8, sous le consul Lucius ^mi- 
lius, dans la guerre contre les Gaulois; il se trouva, dans 
la seconde guerre punique, à la bataille de Thrasymène. 
Après la défaite de Cannes , il fut envoyé à Delphes pour 
consulter l'oracle sur l'issue de la guerre , et apprendre le 
moyen d'apaiser la colère des dieux. Les Annales de Fa- 
bius conmiençaient à la fondation de Rome, et se ter- 
minaient à la fin de la seconde guerre punique. Denys 
d'Halycamasse lui reproche sa crédulité, de nombreuses 
contradictions et beaucoup d'erreurs chronologiques; et 
Plutarque nous raconte , mais sans autorité , que Fabius 
avait puisé dans un écrivain grec, Dioclès de Péparèthe, 



NOTES. 375 

toutes les fables qu'on donne depuis deux mille ftus pour 
de rinstoire : Romulus^ Rémus, Numa, Il ne fut pas phis 
exact pour l'histoire contemporaine ; et Polybe déclare 
qu'on ne peut se fier à lui , tant il altère les faits et tant ïl 
est partial pour Rome et injuste pour Garthage. Fabius 
citait la formule prononcée par le souverain pontife à l'in- 
auguration d'une vestale : 

SÀCERDOTEM. VESTiJLEM. i^VM. SACRA. FIAT. lOVS. SIET. SA- 
CBRDOTEM. VESTALBM. FACERB. FRO. POPOLO. ROMAKO. QVIRITI- 
BVS. Q. UTEI. QrOD. OPTUMA. LEGE. FIAT. ITA. TE. AMATA. CAPfO. 

Amata , je te prends pour prêtresse de Vecta , chargée du soia 
des choses sacrées, et , suivant le droit de la prêtresse de Yesta , de 
la garde du peuple romain et des Quirites; (fue cela s'accomplisse 
selon la très-bonne loi ! 

Les autres fragmens de Fabius sont des récits de loups- 
garous , et des contes de fées. 

5d. — Quintus ClaucUus Quadrigarlas , contemporain 
de filarius, laissa une histoire en vingt-quatre livres^ et non 
en cent-cinquante, comme on Ta dit, trompé par cette abré- 
viation d'un MS. d'Aulu-Gelle, CL, qu*op avait prise pour 
un signe numérique, et qui ne signifiait que in Ciaudio. 
Cet ouvrage n'était pas encore perdu au douzième siècle ; 
car Jean de SalisbUry le cite dans son livre de Nugis Cu- 
rialibus. L'histoire de Claudius commençait à l'invasion des 
Gaulois : c'est de lui l'expression verba gaiUs dédit. Aulu- 
Gelle nous a conservé plusieurs fragmens de cet historien, 
entre autres son portrait de Manlius Capitolinus , et le ré- 
cit du combat de Torquatus et du Gaulois; il a peut-être 
plus de naturel et de force que Tite-Live. 



376 NOTES. 

M, Manliiu quem Capitolium êervMse aGalii» uipra ostendi , 
cujusque opérant eum M, Furio dietatore apud Gallo» eumprinu 
fortem atque exsuperabilem respubUea swisit , timul forma, faetis, 
eloquentia, dignitate, acrimonia, confidentia pariter antecellebat; 
ut facile inteUigeretur magnum viaticum ex se atque in se ad rem- 
publicam evertendam habere, 

Acl.-Gbll., lib. XVII, c. 2. 

Manlius GapitoUnus , qui préserva des Gaulois le Capitule, comme 
je l'ai montré plus haut, et dont l'activité, secondée par M. Furius, 
dictateur, se déploya merveilleusement forte et insurmontable 
contre les Gaulois et au profit de la république , se faisait également 
remarquer par sa taille , sa bravoure, son éloquence, sa dignité, sa 
sévérité et son assurance , en sorte qu'il était facile de comprendre 
qu'il avait par lui et en lui de puissantes ressources pour le renver- 
sement de la république. 

Cum intérim Gallus quidam nudus, prœter scutum et gladios 
duos, torque atque armillis decoratus processit, qui et viribus et 
magnitudine et adolescentia simulque virtute cœteris antistabat, h 
maxime prœlio commoto, atque utrisque summo studio pugnantibus, 
manu significare cœpit utrinque quiescerent pugnœ* Facta pausa est* 
Extempb silentio facto , cum voce maxima eonclamat, si qui sôcmm 
depugnare veltet, uti prodiret, Nemo audebat propter magnitudinem 
atque immanitatem faciès, Deinde Gallus irridmv atque lingiMm 
exertare, Id subito perdolitum est cuidam T, Manlio, iummo génère 
nato, tantum flagitium civitati accidere, ex tantQ exercitu neminem 
prodire, Is, ut diço, processit, neque passas est virtutem romanam 
ab Gallo turpiter spoliari, Scuto pedestri et gladio hispanico einetus 
contra Gallum constitit, Metu magno ea congressio in ipso ponte ^ 
utroque exercitu inspectante , facta est, Ita , ut ante dixi , conêtite- 
runt ; Gallus, sua disciplina scuto projecto eantabundus ; Manlius, 
animo magis quam arte confisus, scuto scutum percussit; atque 
statum Gain conturbavit, Dum se Gallus iterum eodem paeto consti- 
tuer e studet, Manlius iterum scutum scuto pereutit , atque de loco 



NOTES. 077 

itsrum dejecit : eo paeto ei sub gaUieum giadium $ttcee$sit, ne Gallus 
impetum icti haberet , atque hispanico pectus hausit ; dein eontinuo 
humer um dexterum eodem concœeu incidit; neque reeessit donec sub- 
vert it, Ubi eum evertit, caput prœcidii; torquem detraxit, eamque 
sanguinoientam sibi in coUum imponit, Quo ex facto ipse posterique 
ejus Torquati sunt eognominati. 

Id., lib. IX, c. i3. 

Cependant un Gaulois, nu, sans rien qu'un bouclier et deux épées, 
un collier et des bracelets pour parure , s'avance , qui , par sa vi- 
gueur, sa taille, sa jeunesse et sa bravoure , surpassait tous les au- 
tres. An moment le plus animé du combat , au milieu du choc le 
plus terrible des armées , il se met à faire signe de la main que de 
part et d'autre on suspende le combat. On s'arrête ; on fait silence, 
et, à l'instant, il demande à haute voix que, si quelqu'un veut com- 
battre avec lui, celui-là paraisse. Personne n'osait , vu sa taille et la 
férocité de son visage. Alors le Gaulois de rire et de tirer la langue. 
Gela soudain blessa dans l'âme un certain Manlius, issu d'une noble 
race, qu'un si grand affront advînt à sa ville, et que, d'une si grande 
armée, pas un ne s'avançât. Lui donc sortit des rangs, et ne souffrit 
pas que la vertu romaine devînt honteusement la dépouille du Gau- 
lois. Armé d'un bouclier de fantassin et d'une épée espagnole, il se 
plaça en face du Gaulois. La lutte s'engagea sur le pont même, à la 
vue et à la grande frayeur de l'une et l'autre armée. Les voilà donc 
face à face , comme je l'ai dit : le Gaulois, à sa manière, présente 
son bouclier en chantant. Manlius, plus confiant en son courage 
qu'en son adresse , frappe du bouclier le bouclier du Gaulois et le 
fait reculer. Fendant que le Gaulois cherche à se remettre , Man- 
lius frappe encore de son bouclier le bouclier du Gaulois, rejette 
encore son homme en arrière ; alors il se glisse sous l'épée du Gau- 
lois, et, pour prévenir son choc impétueux, il lui plonge au cœur 
son ëpée espagnole ; puis, d'un même coup, lui fend l'épaule droite, 
et ne se retire point avant de l'avoir terrassé. Dès qu'il l'a renver- 
sé, il lui coupe la tête, détache le collier et le met tout saignant 
à son cou. De cette action , lui et ses descendans eurent le surnom 
de Torquati. 



378 NOTES. 

Purissime atquê illustrissime simplicique et incampta ora- 
tionis antiquœ suavitatè descripsit, Quem locum Favorinits 
cum legeret, non minoribus quasi afficique animum smum 
motibus pulsibusque dicebat quant si ipse roram depugnantes 
eos spectaret. 

« Ce récit (dit Aulu-Gelle) a la pureté, la clarté et la grâce 
» simple et naïve du langage antique.' Farorinus^ en lisant 
» ce passage, disait qu'il se sentait aussi yiolenuxient ému 
» et agité que s'il eût Yu lui-même et de près le comb^. » 

Au troisième livre, où commençait la guerre de Pyrrhus, 
se trouvait cette admirable lettre des deux consuls romains, 
Fabricius et iËmilius, à Pyrrhus; c'est un des plus beaux 
exemples de la vertu et de l'éloquence de ces fiers républi- 
cains. 

Consules romani salutem dicunt Pyrrho régi» 

Nos, pro tuis continuis injuriis animotenus commet i, inimiciter 

teeum bellare studemus, Sed communis exempli et fidei vi$um est, 

uti te salvum veiimut, ut esset quem armis vincere possimus. Ad nos 

venit Nicias familiaris tuus, qui sibi pretium a nabis peteret, si t$ 

clam interfecisset : id nos negavimus velU : neveobeamrmn quidquam 

eommodi exspectaret; et simal visum est ut te eertiorem faceremus, 

ne quid ejusmodi si accidisset, nostro eonsilio ciwitate» putarent 

factum; et quod nobis non plaeet pretio, aut prœmio, aut dolo pmgnti'. 

re. Tu, nisi caves, Jacebis, 

Aul.-Gell., lib. III, cap. 8. 

Les consuls romains saluent Pyrrhus roi. 

Blessés jusqu'à Pâme par tes continuels outrages, nous t'arous 
juré une goerre à mort; mais, pour l'exemple commun et le respect 
de la foi, il nous convient de vouloir ton salut, afin d'avoir encore un 
ennemi à vaincre par les armes. Nicias , ton familier, est venu nous 
demander un salaire poiur te tuer en secret : nous lui avons répondu 
que nous ne le voulions point, et qu'il n'avait rien à attendre de nous 



NOTES. 379 

pour une pareille chose ; et 9 en même temps, il nous • convenu de 
t'en instruire, de peur que, s'il arrive rien de semblable, les cités ne 
l'imputent à notre conseil. Aussi-bien, nous ne voulons, pour vainore, 
ni séduire, ni payer, ni trahir*. Toi, si tu n'y prends garde, tu es mort. 

Plutarque, dans la yie de Pyrrhus, cite cette lettre en 
l'altérant un peu : 

Téii9f ^(fApUiOç Kol KàiinH Aî/AÛAtos ÛTrarec PtixtUm, Uùj^po» /S«9cAct 

^è T^v jnpj^étaav moroXi^v àvocTVOvc, on xP^ttoïç xac dr/ficéocç oev- 
Spivi TroXf/uwcç, ocSéxoeç Sk xaè xotxorç irtoreueeff. Ov^i yoip rotxtra. ffp 
;i^â|9CTc fAqvvofAsv àXX' ôira>ç ftsti rh ^ov iroédoç ijfuv dca^oXiàv èvéyxvi, xai 
^^Xu dofQjjxcv, àiç àptr^ ft^ ^uvàfMvoe, xccTipyâaêcadoct tov ttôXc/xôv. 

La voici de la traduction d'Amyot : ^ 

Caiut Fabricius et Quintus /Emitlus consulz des Romains au roy 

Pyrrhus, salut. 

Tu as fait malheureuse élection d'amis aussi bien que d'eunemis ; 
ainsi que tu pourras cognoîstre en lisant la lettre qui nous a esté escrite 
par un de tes gens ; pour ce que tu fais la guerre à hommes justes et 
gens de bien , et te fies à des déloyaux et méchans. De quoy nous 
t'avons bien voulu advertir, non pour te f^re plaisir, mais de peur 
que l'accident de ta mort ne nous' face calumnier, et que l'on n'es- 
time que nous ayons cherché de terminer cette guerre par un tour 
de trahison , comme si nous n'en puissions venir à bout par vertu. 

L'histoire contemporaine commençait au xix* ou xx* livre. 
Claudius racontait avec détail le siège d'Athènes et la dé- 
fense du Pirée contre Sylla par Archélaiis, un des géné- 
raux de Mithridate. (Senec. Benef,) 

* PMium« c'est le marché; pramium, c'est le paiement; on pourrait traduire encore: 
porcê fu'î/ ne nou» ptatt ni d'acheter, ni de payer, ni de dérober la victoire; mais la phrase la- 
tine «ft plus simple. 



380 NOTES. 

Quadrigarius ayait dit au xiii* lirre de ses Annaies : 

Concione dimissa , Metellus in CapitoUum venit eum mortalibus 
multis, Inde domum proficiscitur ; tota civita» eum reduxit* 

L'assemblée congédiée, Métellas vient au Gapîtole avec beaucoup 
de mortels. De là il se rend à sa maison ; toute la ville le reconduisit. 

Àulu-Gelle , à propos de cette phrase , cite une anecdote 
curieuse, surtout pour les commentateurs de Fronton. 
« Un jour qu'on lisait ce passage chez M. Fronton, un 
» savant dit que cette expression de beaucoup de mortels au 
» lieu de beaucoup d'hommes lui avait toujours paru dépla- 
»cée, froide dans l'histoire, et trop poétique. Est-ce bien 
»à toi, lui dit Fronton, homme d'un goût si pur en toute 
» autre chose, que cette expression beaucoup de mortels 
» peut paraître déplacée et froide ? Ne penses-tu pas que 
» cet écrivain simple , d'un langage pur et presque fami- 
»lier, avait une raison pour mieut aimer dire mortels que 
it hommes? Crois-tu qu'il aurait exprimé la même multi- 
»tude s'il eût dit avec beaucoup d* hommes au lieu de avec 
» beaucoup de mortels ? Pour moi , à moins que mon amour 
))et ma vénération pour cet écrivain et pour toute notre 
» littérature antique ne m'aveugle en mon jugement , j'es- 
» time que, pour exprimer la multitude de presque toute une 
»cité, il y a plus, beaucoup plus d'amplitude, de grandeur 
» et de force dans le mot de mortels que dans celui à* hommes, 
» Car l'expression beaucoup d'hommes peut ne contenir, ne 
» renfermer qu'un assez faible nombre ; mais beaucoup de 
» mortels y par je ne sais quelle acception, quel sens ineffable, 
«comprend l'ensemble de tous les membres d'une cité, 
»de tous rangs, de tout âge, de tout sexe. C'est pour cela 
»que Quadrigarius, voulant peindre, ce qui était en effet, 



NOTES. 38 1 

»une immense et confuse multitude, a dit que Métellus 
i> yint au Capitole avec beaucoup de mortels , ce qui est plus 
» expressif que s'il eût dît, aoec beaucoup d'hommes. Gar- 
»dez-YOUS cependant de croire qu'il faille dire à tout propos 
»et en toute occasion beaucoup de mortels au lieu de beau- 
9 coup d'hommes , pour qu'on ne tous applique pas le pro- 
»yerbe de la satire de Yarron : Du parfum sur des len- 
» tilles, » 

À in if a, inquit Fronto, aliarum homo rerum judicii 
elegantissimi , mortalibus multis ineptum tibi videri et frigi- 
dum? Nihil autem arbitrare causœ fuisse, quod vir modestus 
atque puri ac prope quotidiani sermonis mortalibus maluit 
quam hominîbus dicere? eamdemque credis futuram fuisse 
multitudinis demonstrationem, si cum multis bominibus, ac 
non, cum multis mortalibus diceret? Ego quidem sic eœi- 
stimo, nisi si me scriptoris istius omnisque antiquœ orationis 
amor atque veneratio cœco esse judicio facit , longe atque 
longe esse amplius, prolixius, fortius, in significanda totius 
prope civitatis multitudine mortales quam homines dixisse, 
Namque multorum hominum appellatio intra modicum quo- 
que numerum cohiberi atque includi potest, Multi autem 
mortales, nescio quo pacto et quodam sensu inenarrabiliy 
omne fere genus quod in civitate est et ordinum, et œtatum, 
et sexus compte hendunt, Quod scilicet Quadrigarius, ila ut 
res eratj ingentem atque promiscuam multitudinem volens 
ostendere , cum multis mortalibus Metellum in CapitoUum 
venisse dixit, 'E^arcx&iTejOov quam si cnrxi multis bominibus 
dixisset. Videte tamen ne existimetis semper atque in omni 
loco mortales multos pro multis hominîbus esse dicendum , 
ne plane fiât grœcum illud de Vaiironis satira proverbium : 

Aul-Gell., lib. XIII, c. 28. 



382 NOTES. 

53. — Quintus F alertas Antias^ d'Antium, sa patrie ^ 
laissa des Annales dont Aulu-Gelle cite le lxxt* llyre : elles 
commençaient à la fondation de Rome. Araobe, dans son 
ouTrage Advenus Génies, nous a conservé du second lirre 
de Yalérius une fable absurde et curieuse sur le compte 
de Numa : 

Numam illum regem, cum procurandi fulminis seientiam non 
haberet, essetque illi cupido noscendi, Egeriœ monitu , castos duo- 
decimjuvenes apud aquam celasse cum vineuUs, ut cum Faunuset 
Martius Picus ad id locorum venissent haustum, invaderent , eon- 
stringerent, coUigarent; sed quo res fieri expeditius foret , regem 
pocula non parvi numeri vino mulsoque complesse, eireaqae ae- 
cessas fontis insidiosam venturis apposuisse fallaciam, Illos more 
de soUto bibendi appetitione correpton ad hospitia nota venUse, sed 
cum liquoribus odoratis offenderent vetustioribus anteposaisse res 
novas, invasisse aviditer, duleedine potionis captos haueisse plus 
nimio, obdormivisse fados graves : tum bis senos incubuteee sopitit, 
injecisse madidatis vincla; expergitosque illos statim perdocuisse 
regem quibus ad terras modis Jupiter posset saerificiis elici, et 
accepta regem scientia rem in Aventino fecisse divinam, eUxisse ad 
terras Jovem, ab eoque quœsisse ritum procurationis, Jovem diu 
cunctatum : Expiabis, dixisse, capite fulgurita ; regem respondisse, 
cœpitio ; Jovem rursus, humano; retulisse regem, sed eapillo; deum 
contra , anima ; subjecisse Pompilium , piscis ? Tune ambtguis 
Jovem propositionibus captum extulisse hane vocem : Decepisti me, 
Numa, nom ego humanis eapitibus proeurari eonstitueram fulgu- 
rita, non eapillo cœpitio : quoniam me tamen tua cireumvenit Osttuia, 
quein voluisii kabeto morem, et his rébus quas paetus e», procura- 
tionem semper suscipies fulguritorum. 

Le roi Numa , ignorant le moyen de se purifier de la foudre, et ayant 
envie de le connaître , cacha auprès de la fontaine , par le conseil 
d'Égéria, douze jeunes gens chastes, et leur donna dei Uens afin de 



NOTES. 383 

saisir, d'eidacer, d'enohatner Faunas et Ifartiiu Ficus lorsqu'ils 
viendraient boice en cet endroit. Mais, pour rendre la chose plus fa- 
cile, le roi remplit de TÎn et de miel an grand nombre de coupes, et 
plaça près de la fontaine cet appât perfide qui devait s'offrir à leur 
vue. Attirés par la soif, ils vinrent, selon leur habitude, & cette 
source hospitalière et connue. Le parfum de cette liqueur leur fit 
préférer la nouvelle à l'ancienne ; ils se jetèrent dessus avec avidité, 
et, épris de la douceur de ce breuvage , ils en burent à l'excès et 
s'endormirent d'appesantissement. Alors les douze jeunes gens se 
précipitèrent sur eux , et, profilant de leur engourdissement et de 
leur ivresse, les chargèrent de chaînes. Réveillés, ils révélèrent aus- 
sitôt au roi les moyens d'attirer Jupiter sur la terre dans les sacii- 
fices. Une fois possesseur de cette science , le roi fit un sacrifice sur 
le mont Aventin, attira Jupiter sur la terre, et lui demanda le rite 
de la purification. Après avoir long-temps hésité : Tu purifieras, 
dit Jupiter, les lieux frappés de la foudre avec une tête... — D'oi- 
gnon, répondit le roi. — D'homme, ajouta Jupiter. — Avec un 
cheveu, reprît le roi. Le dieu : Avec une âme. — De poisson , ré- 
pliqua Fompilius. Jupiter, embarrassé par ces réponses équivoques, 
s'^ria : Tu m'as trompé, Numa; j'avais résolu qu'on purifierait les 
lieux frappés de la foudre avec des têtes d'homme et non avec des 
tètes d'oignons. Cependant, puisque je me suis laissé prendre à ta 
ruse , adopte la pratique que tu as désignée , et avec les moyens que 
tu as choisis, tu pourras toujours faire la purification des lieux 
frappés de la fondre. 

On peut lire le même récit dans Plutarque, Vie de 
Ntona. 

Valérius, dans son ourrage, ne ménageait point les 
plus nobles fieunilles ; il osa même attaquer le premier 
Skipion. « Il écrÎTit, dit Âolu- Celle, que Scipion ne 
» rendit point la jeune captive, mais qu'il la garda pour 
» kri, et en fit ses délices et ses amours. » Eam pueilam cap- 
tivam fion redditœm êcripsit , sed retmtam a Scipione aique 
in delicils amoribusque ab eo usurpatam. C'est une ca- 



384 NOTES. 

lonmie; conunent croire que Scipion, som les yeux de 
son armée , en présence de deux grandes nations rlyales , 
ait pu s'oublier ainsi? Valérius copiait ici Naeriiis, qui 
avait dit dans une satire, en parlant de Scipion, alors jeune 
homme : 

Etiam qui res magnas manu sœpe getsit glorîose ; 
Cujus faeta viva nune vigent ; qui apud gentes tolus 
Prœttat ; eum suus pater eum pallio uno ab arnica abduasit. 

Tite-Live a cité fort souTent Valérius ; il lui reproche 
de l'exagération et un penchant à mentir outre mesure. 
C'était, du reste, un historien indépendant 5 et qui, sous 
ce rapport, différait bien de Sisenna. 

54. — Lucius Cornélius Sisenna, orateur et historien, 
(Gic. BrutuSj 65,) contemporain de Valérius et de Quadii- 
garius, était de la famille de Sylla, le dictateur, et descen- 
dait de Sisenna, préteur en 670; il remplit lui-même cette 
charge en Âchaîe. Son histoire, qui était, à ce que l'on 
suppose, en XXII livres, ne commençait qu'après la prise 
de Rome par les Gaulois , et finissait avec les guerres de 
Marins et de Sylla, dont le récit occupait sans doute la 
plus grande partie de son ouvrage, puisque Velléius Pa- 
tercvlusV apf elle opus belli civilis sullani (^lib, II, cap, 8). 
Le style de Sisenna avait de l'élégance et de l'éclat ; on en 
vantait l'originalité et l'harmonie : mais le grand reproche 
que lui adressèrent ses contemporains et Gicéron et Sal- 
luste lui-même, qui certes n'en avait pas le droit, c'était 
d'avoir manqué d'indépendance, et d'avoir flatté l'heu- 
reux Sylla. Aulu-Gelle a conservé cette phrase du Vr 
livre : 



NOTES. 385 

Nos una cçstaie in Asla et Grœcia Utteris gesta idcirco con- 

tinentia mandavimus^ ne vetUcatim aut saltuatim scribendo 

lectorum animos impediremus. 

Gell>, X, c. 

Nous , durant un seul été , en Asie et en Grèce , nous avons écr^t 
ces faits de suite et sans interruption , pour ne pas embarrasser l'es- 
prit des lecteurs par un style inégal et saccadé. 

Sîsenna ayait fait une traduction des fables milésiennes 
d'Aristide de Milet : Ovide en parle souvent, et Charisius 
en a cité quelques mots. Je me souviens d'avoir entendu, 
il y a quelques années, à la Faculté des Lettres, M. J.-V. Le- 
clerc prouver d'une manière ingénieuse, à propos de Si- 
senna , que le roman , qu'on ne fait remonter qu'au troi- 
sième ou au quatrième siècle de notre ère, datait de bien 
plus loin. . 

55. — Marcus Porcius Caton* (du mot sabin catus ^ 
sage), que l'histoire appelle Caton le Censeur, naquit l'an 
de Rome 5 19, à Tusculum, au pays des Sabins, près de 
l'humble cabane de Curius Dentatus. La vie publique de 
Caton commença vers le temps où Annibal semblait de- 
voir en finir avec la fortune de Rome : il fit ses premières 
armes au siège de Capoue , sous Fabius Maximus , à l'Age 
de dix-sept ans, et servit ensuite au siège de Tarente. 
Après la guerre, de retour à Tusculum, il s'occupa de 



* Le premier nom de Caton fut Marru» Porciui Priteus : c'est ici l'occasion de rappeler 
arec H. Niebubr qu'on s'est trompé en traduisant Tarquinius Priscus, Cato Prisctis , par 
Tarquin VAncien, Caton VAnrUn. PrUrtu est un nom de peuple comme Caicui , Tu$cu$ , 
Opicui; les Pritci et les Lailni formaient deux peupJes : ce mot eut depuis la signification 
de dioie vieillie , surannée. Il faut traduire, pour être infidèle le moins possible, Tar- 
quin Priscus , Caton Priscus. 

I. 25 



586 NOTES. 

jurisprudence; dans son besoin d'activité, il parcourait 
dès le matin les campagnes, à tous ofifrant des conseils, et 
réglant tous les procès. Un de ses riches et puissans voi- 
sins, Valérius Flaccus, l'emmena à Rome. Nommé tribun 
militaire, on l'envoya en Sicile; le tribunat lui donnait 
droit à la questure. Questeur de l'armée de Scipion, à son 
retour il le dénonça devant le peuple : ce fut là le premier 
acte politique de cette vie si pleine de haines et d'orages. 
Élu ensuite édile, puis questeur en Sardaigne, d'où il 
ramena £nnius, il parvint au consulat en 558, et enfin à la 
censure, sacerdoce imposant et saint, dont le nom depuis 
a été profané. 

Tite-Live a fait de Caton un éloquent portrait ; Gaton 
mérita sans doute de grands éloges, mais il mérita aussi 
de grands reproches : il ravagea , désola l'Espagne en en- 
nemi, en Romain, et repoussa de toutes ses forces la 
civilisation, qui arrivait de la Grèce. Gaton fut guerrier, 
orateur, historien, écrivain didactique. Il laissa un grand 
nombre d'ouvrages : De Re rustica liber. — Originum 
libri VII. — De Re militari liber, — Quœstionùm episto- 
licarum libri. — Epistolœ. — De Oratore ad Filium. — • 
De Liber is educandis. — Carmen de Moribus, — De Me- 
dicina, — Apophtkegmata, — Orationes Variœ*. La plupart 
de ces ouvrages sont perdus; nous ne les connaissons 
que par des fragmens plus ou moins courts ; le livre de 
r Agriculture est celui qui a été le moins mutilé. Je tra- 
duirai , dans le second volume , plusieurs curieux fragmens 
de ces écrits ; je ne m'attache ici qu'à l'orateur. 



* On a quelquefois a'.tribné à M. P. Caton les Di$ticha moralia, et les Commtntaru Juri» 
cmli», ouvrages, le premier de Dionysius Caton; le «econd, du fils de H. Porcius. 



NOTES. 387 

Au siècle de César, il restait cent cinquante Discours de 
Caton; ttouS pouTons encore aujourd'hui recueillir la trace 
de soixante - quinze. A Caton appartient la définition ce- 
lèbre de l'orateur : Orator est, Marce fiUy vir bonus di- 
cendi peritus; « l'orateur, mon fils Marcus, c'est l'homme 
»de bien qui sait parler. » Sans doute César et beaucoup 
d'autres furent orateurs qui n'étaient pas hommes de bien ; 
m^iis la définition n'en est pas moins belle et moins glorieuse 
pour Caton. Sa réputation comme orateur fut grande du- 
rant sa vie et après sa mort. Ses contemporains l'avaient 
surnommé le Démosthènes romain (Diod. Sic); Salluste 
{Hist,f I.) l'appelle V homme le plus éloquent de la racero- 
moine; Cicéron l'admire et le compare à Lysias : « Caton! 
» quel homme , dieux bons ! J'oublie le citoyen , le séna- 
»teur, l'empereur, car nous cherchons ici l'orateur. Qui fut 
«jamais plus grave dans l'éloge? plus amer dans le blâme ? 
»plus ingénieux dans les pensées? plus adroit dans les 
» expositions et les argumens ? Les cent - cinquante dis- 
» cours et plus que j'ai trouvés de lui jusqu'à ce jour et 
» que j'ai lus, abondent en expressions, en idées brillantes. 
»0n peut en extraire ce qui est digne de remarque et 

«d'éloge; on y trouve toutes les beautés oratoires 

»Son style est trop vieux, dit-on; bien de ses expressions 
»sont trop rudes; c'est qu'alors on parlait ainsi. Mais 
«change ce qu'il ne pouvait changer; ajoute du nombre à 
«ses paroles; arrange les mots eux-mêmes, assemble-les, 
» pour ainsi dire , ce que les anciens Grecs eux-mêmes ne 
» faisaient point, et alors tu ne mettras personne au dessus 
» de Caton. » Quem virum, dii boni! mitio civem^ senatorem^ 
imperatorem; oratorem enim hoc loco quœrimus. Quis illo 
gravior in laudando? acerbior in vituperando.? in sententiis 



588 NOTES. 

arguiior? in docendo edisserendoque subiUior? refertœ sunt 
orationes am plias centum quinquaginia quas quidem adhuc 
invenerim et legerim et verbis et rébus illustribus. Licet ex 
his eligantf ea quœ notatione et lande digna sunt : omnes 
oratoriœ viriutes in eis reperientur?,,.. Antiquior est hujus 
sermoy et quœdam Iwrridiora verba : ita enim tum loqueban- 
tur. Id mutUf quod tum ille non potuit^ et adde numéros; 
ipsa verba compone et quasi coagmenta; quod ne Grœci qui- 
dem veteres fuel itaver uni; jam neminem antepones Catoni. 
[Brut, y cap. 17.) 

Les discours de Caton se divisent en discour» judiciaires 
et en discours délibératifs ; mais alors à Rome ces deux 
genres se confondaient presque toujours. On conçoit ai- 
sément que Caton ait fait deux cents discours et plus : il 
aimait à parler, et les occasions ne lui manquèrent pas ; il 
avait rempli toutes les magistratures de la république; il 
fut quarante-quatre fois accusé de brigue, de concussion, 
de péculat, de vol, etc...., et il fut plus souvent accu- 
sateur. On verra par les fragmens qui vont suivre tout ce 
qu'il y avait de neuf et d'original dans l'éloquence du 
vieux Caton. 

De Dote *. 

Vir qui non divortium fecit , mulieri judex pro cenaore est, 
Imperium quodvidetur habet. Si quid perverse tetreque factum esta 
muliere, multatur; si vinum bibit , si cum alieno viro probri quid 



* Le Caioniana, ou Recueil de tous les fragmens de Caton le Censeur ( GoeUingiUf i8s6) 
par M. Albert Lion , m'a épargné beaucoup de recherches : j'en dois la communication 
bienreillante à M. Y. Corsni , dont la bibliothèque m'a ofTert, ce que je ne trouTais pas ail- 
leurs, tous les ouTragPs nouTcaux publias en Allemagne sur la philosophie ft la littéraluie 
latines. 



NOTES. 389 

fecit, condemnatur In adulterio uxortm tuam si deprekendisses, 

sinejudicio impune neeares, lia te, si adulterares, digito non au- 
deret contingere, nequejus est, 

Gell., X, a3. 

Le mari, tant qu'il n*a pas fait divorce, est pour sa femme un juge, 
un censeur ; il exerce sur elle cet empire. Si la femme commet un 
délit , un crime, on la punit ; si elle boit du vin , si elle se déshonore 
avec un étranger, on la condamne.... Si tu SHrprenais ta femme en 
adultère , tu pourrais la tuer impunément sans jugement ; elle , si 
elle te trouvait en adultère , elle n'oserait pas te toucher du doigt , et 
elle n'en a pas le droit. 

Pro L. Cœsetio, 

Audite,.sultis , milites; si quis vestrum in oello ^uperfuerit, si 
quis non invenerit pecuniam , egebit, 

Festus, 8ub Sultis, 

Écoutez-moi , si vous voulez , soldats : si quelqu'un de vous survit 
à la guerre, et n'a pas rencontré un trésor, il mourra de faim. 

Pro se contra C. Cassium. 

Atque evenit ita, Quirites, uti in hac contumelia, quœ mihi per 
hujusee petulantiam factum itur, rei quoque publicœ, médius fidius, 
miserear , Quirites, 

Gell. , X , 1 4* 

Et il advient, Romains, de Toutiage que son insolence veut me 
faire , que j'ai pitié aussi de la république ; oui , que j'en ai pitié , 
Romains l 

Pro L, Turio contra Cn. Gellium, 

Atque ego a majoribus sic accepi : si quis quid aiter ab altéra 
peterent , si ambo pares essent , sive boni sive mali essent , quod duo 
res gessissent, ubi testes non intéressent , illi unde petitur, ei potius 



SgO NOTES. 

eredendum e$u. Nunc si sponsionem fecisset Gellius eum Turio : Ni 
VIE MEUOR B8SBT Gellius quam Tcbids , tiemo , opinor, tam insanus 
esset qui judicaret meliorem esse Geliiam quam Turium : si non 
melior Gellius est Turio, potius oportet credi unde petitur, 

Gbll.,XIV, 2. 

Et moi , voici ce que j'ai appris de dos ancêtres. Si un homme en 
accusait un autre, s*ib étaient égaux en droits, bons^u méchans, 
n'importe , dans une affaire où ils ne pouvaient citer de témoins, on 
devait croire de préférence Taccusé. Maintenant , si Gellius propo- 
sait à Turius un défi judiciaire sur cette question : Gbllios est-il oh 
uBiLLEUR HouHE QUE TuBius? pcrsonuc , jc pcuse , ne serait assez 
insensé pour trouver que Gellius est meilleur que Turius. Si donc 
Gellius n'est pas meilleur que Turius , il faut en croire de préférence 
Taccusé. 

Ad litis Censorias, 

Scio fortunas seeundas neglegentiam prendere solere, quod uti 
prohibitutn item , quod in me esset , meo labori non parsi, 

Fest., 8ub Parsi. 

Je sais que la prospérité amène d'ordinaire la négligence; afin 
de l'empêcher, autant qu'il a été en moi , je n'ai point épargné ma 
peine. 

In M. Cœtium. 

In coloniam mehereules scribere nolim^ si triumvir sim, spatiatO' 
rematque fesceninum (Fest.). Descendit de cantherio, inde statieulos 
dare, ridicularia fundere. Prœterea cantate abi colUbuit , interdum 
grœcos versus agit,jocos dicit, voces demutat, statieulos dat* (Ma- 
* CAOB. Satum,y U.) Quid ego cum illo dissertem amplius? Quem ego 
dtnique credo in pompa vectitatum iri ludis pro citeria , atque cum 
spectatoribus sermocinaturum (Fest.), Nunquamtaeet; quem morbus 



NOTES. 39 1 

tenet loquendi, tanquam vetemosum bibendi atque dormiendi; quodti 
non eonveniat is, cum eonvocarijubet, ita est eupidus orationis, «t 
eonducat qui auscultet. Itaque auditis, non auscultatis, tanquam 
pharmacopolam ; nam ejus verba audiuntur ; verum et se nemo com- 
mittit, si œger est, Frusto panis conduci potesi , tel uti taceat , 
vei uti loquatur. 

Gell., I, i5. 

Je me garderais , certes , bien d'inscrire pour la colonie, si j'étais 
triumvir, 'un vagabond et un fescennin *, — Il descend de son 
char, il fait des pirouettes, débite des bouffonneries, et puis il 
chante partout où il lui plaît ; il déclame quelquefois des vers 
grecs, fait des jeux de mots, des équivoques et toujours des pirouet- 
tes. Pourquoi discuterais-je avec lui davantage? lui que je crois 
digne de servir de marbnnette dans les jeux publics , et de haran- 
guer les spectateurs. Il ne déparle point : il a la maladie de parler, 
comme celle de boire et de dormir. Si celui qu'il attend ne lûent 
pas, il l'envoie chercher; il a tant la manie de parler qu'il paie 
des gens pour l'écouter. Aussi , vous l'entendez , mais vous ne l'é- 
coutez pas , comme on fait le charlatan ; on entend ses paroles , 
mais personne, étant malade, ne se confie à lui. Au prix d'un mor^ 
ceau de pain , on le fait taire ou parler. 

Pro Rhodiensibus, {À un. 5 8 7,) 

Sciô solere plerisque hominibus rébus secundis atque prolixis 
atque prosperis animum excellere, atque super biam atque ferociam 
augescere atque crescere; quod mihi nunc magnœ curœ est, quia hœc 
res tam secunde processit , ne quid in consutendo adversi eveniàt, 
quod nostras secundas rcs confutet, neve hœc lœtitia nimis luxuriose 
eveniat, Adversœres se domant et docent quid opus sit facto : secundœ 
res lœtitia transvorsum trudere soient a recte consulendo atque in- 
telligendo, Quo majore opère dico suadeoque uti hœc res aliquot 
dies proferatur, dura ex tanto gaudio in potestatem nostram redea- 

* C'eatà dire un faisear de chants fescenuins, de chants lieencieux et grossiers. 



392 NOTES. 

mus. — Atque ego quidem arbitrer Rhodienses noluisse nos ita de- 
^ugnare uti depugnatum est; neque regem Persen vicisse; non Rko- 
dienses id modo noluere, sed multos populos ac multas nationes idem 
noluisse arbitror, Atque haud scio an partim eorum fuerint,qui non 
nostrœ contumeliœ causa id noluerint evenire; sed enim id metuere, 
si nemo esset liomo quem vereremur, et quidquid luberet faeeremus, 
ne sub solo imperio in servitute nostra essent : libertatis suce causa in 
ea sententia fuisse arbitror, Atque Rhodienses tamen Persen publiée 
nunquam adjuvere, Cogitate, quanto nos inter privatim cautius fa- 
çimus, Nam unusquisque nostrum , si quis adversus rem suam quid 
fieri arbitratur, summa vi contra n^titur, ne adversus illam fiât; 
quod illi tamen perpessi. — Ea nunc derepente tanta bénéficia ultro 
citroque, tantam amicitiam relinquemus? quod illos dicimus voluisse 
facere, id nos priores facere occupabimus? — Qui acerrime adversus 
eos dicit , ita dicit, hostis voluisse fieri. Et quis est tandem vestro- 
rum, qui quod ad se attineat , œquum censeat ( quempiam) pcenas 
dare ob eam rem quod arguatur maie facere voluisse? Nemo opinor, 
Nam ego quod ad me adtinet, nolim» Quid nunc? Et quœ tandem 
lex est tam acerba quœ dicat : Si quis illud facere voluerit , mille 
nummi, dimidium familiœ muleta esto : si quis plus quingenta ju- 
gera habere voluerit, tanta pœna esto; et si quis majorent pecuum 
nurnerum habere voluerit, tantum damnas esto? Atqui nos omnia 
plura liaberevolumus, etid nobis impune est. — Sed si honoremnon 
œquum est haberi ob eam rem quod bene facere voluisse quis dicit, 
neque fecit, tamen , Rhçdiensibus maie erit non quod malè fecerunt, 
sed quia voluisse dicuntur facere? Rhodienses superbos esse aiunt, 
id objectantes quod mihi et liberis meis minime dici velim. Sint sans 
superbi; quid id ad nos adtinet ?Jdne irascimini,si qui est superbior 
quam nos ? 

Gell., VII, 3. 

Je sais que la plupart des hommes dans le succès , l'abondance et 
la prospérité, ont coutume d*élever trop haut leur âme, et de laisser 
croître et se développer en eux Torgueil et la fierté ; aussi j'ai g^nd 



NOTES. 393 

souci , parce que cette guerre a tourné henreusemeat , qu'il ne nous 
arrive dans nos conseils quelque malheur qui renverse notre prospé- 
rité , et que notre joie ne dégénère en un excès d'ivresse. L'adversité 
se dompte elle-même, et apprend ce qu'il faut faire. La prospérité 
égare avec ses joies, et jette loin de la prudence et du bon conseil. 
Ce qui m'engage d'autant plus à vous conseiller , à vous persuader 
de différer cette affaire de quelques jours, jusqu'à ce que, revenus 
d'une si grande joie , nous soyons maîtres de nous-mêmes. — Je crois 
bien que les Rbodiens ne voulaient pas que la guerre fût ce que la 
guerre a été, et que nous fussions vainqueurs du roi Persée ; les Rbo- 
diens ne le voulaient pas , soit ; mais beaucoup de peuples , beau- 
coup de nations ne le voulaient pas davantage. Et je ne sais si la 
plupart ne faisaient pas ce vœu sans souhaiter notre abaissement; 
mais ils craignaient que si nous n'avions plus au monde un seul 
homme à redouter, et que nous fussions maîtres de tout faire à notre 
gré , il ne leur restât plus qu'à se soumettre , et à servir sous notre 
empire désormais unique. Leur motif, à mon sens , était l'intérêt de 
leur liberté. Du reste, les Rbodiens n'ont jamais secondé Persée 
par des secours publics. Songez combien nous-mêmes , pour nos in- 
térêts privés, nous sommes plus prévoyans encore. Car chacun de 
nous , s'il pense qu'on veut faire dommage à sa chose, travaille et s'é- 
vertue pour qu'il ne se fasse rien contre elle ; et c'est là pourtant ce 
qu'ils ont souffert. — Oublierons-nous tout d'un coup de si grands et de 
si nombreux services, et un si grand dévouement ? Ce que nous leur 
reprochons d'avoir voulu faire, usurperons-nous les premiers le droit 
de le faire? — Celui qui parle le plus vivement contre euxdit qu'ils ont 
voulu devenir nos ennemis. Qui de nous enfin, en ce qui le concerne, 
croit juste qu'on punisse un homme parce qu'il est accusé d'avoir 
voulu mal faire? personne , je pense ; car, en ce qui me concerne , 
je ne le voudrais point. Quoi donc 1 et quelle est la loi assez dure 
pour dire : Si quelqu'un a voulu faire telle chose avec mille sesterces, 
qu'il soit condamné à perdre la moitié de ses biens ; si quelqu'un a 
voulu posséder plus de cinq cents arpens , qu'il soit condamné à 
telle peine; et si quelqu'un a voulu posséder un trop grand nombre 
de troupeaux, qu'il soit puni de telle amende. Mais nous, nous vou- 
lons en toute chose avoir plus que nous n'avons , et nous le voulons 
bien impunément. — Mais s'il n'est pas juste de savoir gré à celui qui 



394 NOTES. 

se tante d'avoir voulu bien faite , et n'a pas bien fait , arrivera-t-il 
malheur aux Rhodiens , non parce qu'ils ont mal fait , mais parce 
qu'on les accuse d'avoir voulu mal faire ? Les Rhodiens sont fiers , 
dit-on : c'est là un raisonnement que je ne passerais pas même à mes 
enfans. Eh I qu'ils soient fiers I que nous importe ? Nous fàcherons- 
nous si quelqu'un s'avise d'être plus fier que nous ? 



De'decem Hominibus. 

Tuum nefarium facinus pejore facinore operire postulas : succidias 
humanas facis ; tantas trucidationes facis : decem fanera facis ; de- 
cem caplta libéra interficis; decem hominibus vitam eripis, indicia 
causa, injudicatis, indemnatis. 

Oell., XIII, 24* 

Tu veux couvrir ton crime atroce par un crime pire encore. Tu 
veux des victimes humaines ; tu veux d'immenses massacres ; tu veux 
dix meurtres, tu veux égorger dix têtes libres; tu arraches la vie 
à dix hommes sans qu'ils aient été ni défendus , ni jugés , ni con- 
damnés. 

. De faUis Pugnis vel Pœnis. 

Dixit a decemviris parum sibi bene cibaria curata esse. J assit 
vestimenta detrahi atque flagro cœdi, Decemviros Bruttiani verbera- 
vere. Videre malti mortales. Qais liane contumeliam , quis hoc im- 
periam, qais hanc servitatem ferre posset? nemo hoc rex ausus est 
facere, Eane fieri bonis, bono génère gnatis , boni consulitis ? Ubi 
societas? Ubi fides majoram? Insignitas injurias, plagas, verbera, 
vibices, eos dolores atque carnificinas, per dedecus atque maximam 
contumeliam, inspectantibus popularibus suis atque multis m^riali- 
bus, te facere ausum esse! Sed quantum luctum, quantumque gémi- 
tum , quid lacrumarum , quantumque fletum factum audivi ! Servi 
injurias nimis œgre fer uni ; quid illa bono génère gnatos, magna 



NOTES. 395 

virtate prœditos opinamini animi habuisse atque habit ur os dum 
vivent. 

Gell., X, 3. 

Il dit que les décemvirs n'avaient pas assez de soin de ses provi- 
sions. Il ordonne qu'on arrache leurs vétemens , et qu'on les frappe 
de verges. Des Bruttiens frappèrent les décemvirs! et une foule 
d'hommes ont vu cela 1 Qui pourrait souffrir un pareil outrage? qui, 
un pareil despotisme ? qui, une pareille servitude? Pas un roi n'a osé 
le faire. Trouvez-vous bon qu'on le fasse contre des hommes bons et de 
bonne race ? Où sont les droits des cités ? où, la foi des ancêtres ? Des 
outrages publicS) des plaies, des meurtrissures, des coups de fouets, 
de telJes douleurs, de telles tortures, avec la honte et le déshonneur, 
sous les yeux de leurs concitoyens et d'une foule d'hpmmes assem- 
blés; ton audace a pu cela I Mais ô combien de pleurs, ô combien 
de gémissemens ! que de larmes, et combien de sanglots ! des esclaves 
supportent à peine de telles injures. Quel souvenir pensez-vous que 
ces hommes de bonne race et de grande vertu gardent au fond de 
leur âme, et garderont tant qu'ils vivront? 

De œdilibus vitio creatis, 

Nunc ita aiunt, in segetibus et in herbis bona frumenta esse, Nolite 
ibi nimiam spem habere : sœpe audivi inter os atque offam muLta in- 
tervenire posse. Verum vero inter offam atque herbam , ibi vero 
longum inter^allum est. 

Gell., XIII, 16. 

Ils vous disent que les blés en herbe et sur pied promettent beau- 
coup : n'allez pas trop vous y fier. J'ai souvent ouï dire qu'il y avait 
loin entre la bouche et le morceau de pain ; il y a plus loin encore 
entre le morceau de pain et l'herbe. 

Ne quis iterum consul fiât (6o4)* 
Dicere possum, qaibus villœ atque œdes œdificatœ atque expoUtœ 



396 NOTES. 

maximo opère, citro atque ebore, atque^ pavimentis pœnis stént, 

Fest. , sub Pavimenta, 

Imperator laudem capit, exercitum meliorem et industriorem facit. 

Prisgian., lib. III, 1. 

Je pourrais vous en citer qui ont fait bâtir des maisons de cam- 
pagne et des palais , et les ont embellis à frais immenses avec le 
citre , l'ivoire et les pavés de l'Afrique. 

Un empereur qui veut de la gloire doit rendre son armée meil- 
leure et plus active. 

N amant iœ apud équités. 

Majores seorsum atque divorsum pretium paravere bonis atque 

strenuis, decurionatus , optionatus, hastas donativas, aliosque 

honores, 

Fest., sub Optionatus. 

Nos aïeux récompensèrent de mille façons les bons et les braves 
par des décurionats, des optionats, des lances d'honneur et d'autres 
largesses. 

De signis et tabuUs. 

Honorem emptitavere, malefacta benefactis non redemptitavere. 

Fest. , sub Redemptitare. 

Ils ont acheté l'honneur consulaire ; ils n'ont point racheté leurs 
méfaits par des bienfaits. 

De prœda militibus dividunda. 

Fures privatorum furtorumin nervo atque incompedibus œtatem 
agunt : fures publici, in auro atque in purpura, 

Oell., XI, 18. 

r 

Les voleurs privés passent leur vie dans les fers et dans les chaînes; 
les voleurs publics, dans l'or et dans la pourpre. 



NOTES. 097 

De Consulatu suo. 

Atqtie quamquam multa nova miracula fecere inimlci met, tamen 
nequeo desinere mirari eorum audaciatn atque con/identiam.Videtote 
quanto secus ego fecerim; quanto secus œtatem agerem quant illi 
egissent, Ei rei dont operam ut mihi falso maledicatur. Ego mihi 
monumenta sempiterno posui, quœ cepi, Egoquejampridem çognovi, 
atque intellexi atque arbitror rempublicam curare industrie sum- 
mum periculum esse* 

Gharis, lib. II. 

Et quoique mes ennemis aient fait beaucoup de nouvelles et ad- 
mirables choses, je ne puis cependant me lasser d'admirer leur au- 
dace et leur assurance. Voyez comme j'agis autrement , comme je 
passe la vie autrement qu'ils ne la passent. Ils n'ont qu'un soin , 
celui de médire de moi , et à faux. Moi , je me suis élevé des monu- 
mens immortels, les trophées de mes victoires. Et depuis long-temps 
j*ai appris, je sais et je pense qu'administrer la république avec zèle 
est chose grandement périlleuse. 

Legem Voconiam suadens» 

Principio vobis mulier magnam dotem attuUt , tum magnam pe- 

cuniam recipit , quam in viri potestatem non committit. Eam pecu- 

niam viro mutuam dat, Postea ubi irata facta est, servum recepti- 

cium sectari atque flagitare virum jubet, 

Gell., XVII, 6. 

D'abord la femme vous apporte une grande dot ; puis se fait une 
grande réserve qu'elle ne remet pas au pouvoir du mari ; seulement, 
elle la lui prête. Ensuite , aussitôt qu'elle se fâche , elle ordonne 
à im esclave réceptice d'aller tourmenter et importuner son mari. 

Âd équités, 

Cogitate cum animis vestris, si quid vos per iaborem recte fece- 
ritis , labor ilU a vobis cito recedei : bene factum a vobis dum 



398 NOTES. 

vivitis, non abscedet. Sed si qua per voluptatem nequiter feceriiisi 
voluptas cito abibit, nequiier factum iUudapud vossemper manebit, 

Gell., XVI, 1. 

Songez-y bien , si une bonne action vous donne de la peine, cette 
peine passera vite ; la bonne action ne vous quittera point tant que 
vous vivrez. Mais si vous faites une méchante action pour le plaisir , 
le plaisir^uira bien vite , et la méchante action vivra toujours avec 
vous. 

Ex oratione incerta. 

Neque mihi œdificatio, neque vasum , neque vestimentum uUum 
est manu prétiosum, neque pretiosus servus, neque ancilla est. Si 
quid est quod utar, utor ; si non est , egeo, Suum cuique per me uti 
atque frui licet. . . Fitio vertunt quia multa egeo ; at ego ilUs , quia 
nequeunt egere. 

Chez moi, ni édifice, ni vase, ni vôtement de prix sous la main , 
ni esclave de prix , ni servante. Si j'ai la chose qui puisse me servir , 
je m'en sers ; sinon , je m'en passe. Pour ma part , je laisse chacun 
user et jouir de sa chose. Ils me reprochent de manquer de beaucoup; 
moi , je leur reproche de ne pouvoir manquer de rien. 

Ut populus mea opéra potius ob rem bene gestam coronaius sup- 
plicatum eut, quam re maie gesta coronatus veneat. 

Festus, sub Corona. 

J'aime mieux que , grâce à moi , le peuple vainqueur aille au Ca- 
pitole , la couronne sur la tête, que, vaincu, la couronne sur la tête, 
au marché des esclaves. 

Delenda est Carthago! 
Il faut détruire Garthage ! 

56. — Lucius Cœlius Antipater , contemporain de 
C. Gracchus, maître du fameux orateur Lucius Crassus, 



NOTES. 399 

fit l'histoire de la seconde guerre punique , qu'il dédia 
à Lœlius. Gicéron l'appelle un écrivain assez brillant pour 
son époque [scriptor luculentus, in Brut. y c. xxvi); Va- 
lère Maxime, un auteur véridique {certus auctor). L'em- 
pereur Adrien le mettait au-dessus de Salluste , comme il 
préférait Caton à Gicéron , et Ennius à Virgile. Voici une 
phrase de son second livre imitée de Gaton : 

Si vis mihi equitatum dare et ipse cum cetero exercitu me sequi : 
die-quinti Romœ in CapitoUo curabo tibi cœna sit cocta. 

Si tu veux me donner de la cavalerie , et toi-même me suivre 
avec le reste de Tarmée , j'aurai soin qu'au cinquième jour ton sou- 
per soit cuit à Rome , au Capitole. 

Aulu-Gelle cite ce passage pour le mot die-quinti , qui se 
disait adverbialement, au temps de Gicéron et avant lui, 
au lieu de die Quinto. 

57. — J'ai reporté aux notes du second volume les 
fragmens de Gornélie et de G. Gracohus. 

58. — L'orateur Calvus était surtout célèbre par sa vio- 
lence comme on peut le voir dans les Controversiœ de Sé- 
nèque, III, 19. 

59. — Zenon, deGittium (io4*olymp.), élève de Cratès 
le Gyùique, puis de Stilpon, de Xénocrate, fonda l'école 
du Portique (Sroà), si célèbre par les grands disciples qu'elle 
forma. M. Mai vient de retrouver dans un MS, du Vatican 
un passage d'une lettre attribué à Zenon : 

O |xèv ysràpyhç àf wv av tto^uv xaè x«).ov Oéloi ytapznov "Xen^siv, 
(ù^Ae^ov lauriv èxsivoiç T^OLpiyzTOLi , xat îrâvra Tpoizov èitiiJLsleîrut 
xoct Q-paiteùeu Holv Se paXXov «vOjSWTrot rotç ùfsHiiotç Trsyuxaat 



40O NOTES. 

"XKpS^zdQoLi xat ttipi tovç toéoutouç pocXiora flTTrouJâÇsev' xae yàj) 
xa« Twv ^joûv ToO o'cl)|xaTO^ sxeévcjv s7ri^>ou[iisda pôê^).ov «tt.-jo 
wfikt^tAytzpof. eauTOtç tt^oç tïïv uTnjjOso'tav vo^éÇopri» elvat. O0sv 
ô^cwç ùy' wv £v 7râcr;^gtv àfeoO^v, wye^é^ouç axf^oïç epyotç , 
àXkà jJLTQ Toêç "kôyoïç , eevoct ^sê. Où^s yàp lo è'kaia réo dspaitsùovri 
«ÙT>5v èircKyaXkîTai , à^X' èx^^ouca noXkoitç rs nui xa^oOç xa^o- 

Le laboureur , s'il a des arbres dont il espère recueillir de beaux 
fruits et en abondance, n'omet rien de ce qui peut leur être utile, 
il les soigne et les cultive avec affection. A plus forte raison , les 
hommes doivent se montrer reconnaissans pour ceux qui leur ont 
rendu service » et empressés de leur plaire. Rien de plus naturel. 
Des parties de notre corps, nous soignons par dessus tout celles dont 
les services nous paraissent les plus précieux : ainsi pouf ceux dont 
nous espérons de bons offices , nous devons les obliger, non en pa- 
roles, mais par des actions. L'olivier ne paie pas les soins du labou- 
reur par une reconnaissance stérile ; mais, en se couvrant de beaux 
fruits et en abondance , il l'invite à le soigner plus encore. 

Rien dans ce passage, il faut Tayouer, ne ressemble à 
la philosophie de Zenon ; aussi je doute fort qu'il soit au- 
thentique. 

60. — Heraclite d'Éphèse (79* olymp. ), fondateur 
d'une école philosophique , dont Hippocrate a été le plus 
célèbre disciple, composa un Traité de la Nature, qu'il avait 
divisé en physique, politique, théologie : son style le fit 
surnommer oxotêévoç, le ténébreux. On sait la réputation de 
misanthrope que lui a faite à tort ou à raison l'antiquité. 

61. — Clitomachus, né à Carthage, élève de Caméade, 
devint chef de l'académie , après la mort de son maître. 
Cicéron parle souvent de ses ouvrages. Après la prise de 



NOTES. 4^ 1 

Carthage, aussi patriote que philosophe, il écrivit une 
lettre de consolation à ses concitoyens esclaves ou exilés. 

62. — Iliade, 6, 4o8' 

63. — Pline le Jeune (I, 10.) parle d'Euphratés , et 
Marc Aurèle le cite aussi dans ses Pensées, — Dion. 
C'est le sophiste Dion Ghrjsostôme. — Musonius , le stoï- 
cien, l'exilé dont parle Tacite, et qui vécut sous Néron : 
il ne faut pas le confondre, comme l'a fait l'abbé de Ver- 
teuil, avec Musonius le Cynique.* 

64. — Fronton, comme on le voit, blâme le style d'É- 
pictète; mais qui ne donnerait vingt belles phrases de 
Fronton pour une seule pensée d'Épictète I 

65. — Ainsi Fronton était auteur d'une apologie du 
Sommeil; faut-il en regretter la perte? N'avons-nous pas 
VÉloge de la Fumée et de la Poussière , V Éloge de la Né- 
gligence , et enfin l'histoire d' Arion de Lesbos ? 

66. — Toute cette page est d'un style obscur. Adsidue 
adsum somno n'est pas d'une bonne latinité; et puis les 
plaisanteries de cette lettre n'ont pas beaucoup de sens. 

67. — On pourrait lire encore 7rot>îTéa au lieu de TroexéXa. 
Buttmann pense que M. Mai a confondu Xa avec da, et qu'il 
faut lire facienda : autant garder froexéXoc. 

68. — Voici l'indication de ces vers depuis yXvxùç wttvoç 
jusqu'à jSouXijyojOov av^pa. Od. x, 5i. — Od. ir, ^9^ — 
Od. X, 46, sqq. — Od. ;x, 338-364-372-58. — II. 8, 
253. — II. j3, 24. 

69. — Ce grand orateur, c'est Fronton ; il n'est pas 
inutile d'en prévenir. 

I. 26 



4o2 NOTES. 

r-o. — Cicér., Academ.^ IV, 16, et de Rep.j VI, 10. Lu- 
crèce. Synesius. 

^1, — Ce sont deux vers grecs de Fronton ; fls ont assez 
d'harmonie. Tlap^ t^^yiov oÇs'oç tinrou. . . . cette périphrase d'tw- 
TToxp^vïj dut paraître fort ingénieuse à Fronton. Ovide avait 
déjà dit : 

Quœ mirata diu fadas pedis ietibus undas , 

et Properce : 

Belierophontei qua fiait humor equi. 

Voir Virg., Églog, VI, 70; AnthoL, liv, IV: 

72. — Le père Larue, dans son commentaire de Virgile, 
En. VI, a fait sur le Lucrin et TAveme une savante note 
qui ne laisse rien à désirer à ceux que le Lucrin et rXveme 
intéressent. 

73. — La pyrrhique était une danse militaijre. Les dan- 
seurs étaient armés de toutes pièces, et imitaient par leurs 
mouvemens les différentes actions guerrières. La diversité 
des couleurs servait à faire reconnaître les divers partis. 

74* — Levius, ou plutôt Lœviusy est peu connu. Aulu- 
Gelf^ cite de lui une Alceste, une Protésiiaodanùej et des 
poésies erotiques, erotopœgnia^ dont il reste ces mois 
spirituels : 

Lex Liclnia introdueitur. 
Lux liquida hœdo redditur. 



NOTES. 4o3 

Voici des vers de son Aiceste : 

Corpore pectoreque undique obeso, 

Ae mente excensa, tardigenulo senio oppressum. 

Le corps tout entier accablé de maigreur, la raison égarée , ap-^ 
pesanti par la vieillesse aux genoux tardifs. 

On attribue généralement à Naevius V Iliade dé Chypre, 
traduction en vers hexamètres d'un poème grec : Hermann 
et plusieurs autres critiques allemands soupçonnent qu'il 
pourrait bien être de Lfevius , puisqu'au temps de Naevius 
le vers hexamètre n'était pas encore en usage à Rome. 
Voici un vers du premier livre cité par Gharisius : 

CoUum marmareum torquis gemmata eoronat. 

Lœvius disait g^ns oblittera pour obUtterata; aurora 
pudicolor pour rubens; fortescere pour fortem péri; tenellis 
manciolis pour manibus; curis intolerantibus pour intole- 
randis; il avait appelé Nestor? trisœciisenex dulcioreiogaus, 
le vieillard tri - séculaire aux douces paroles. (AulunG., 
Ub. XIX, 7.) 

75, i— Il faut avouer que ce proverbe vient là bien sin- 
gulièrement. Heindorf croit qu'il a passé de la marge dans 
le texte. Cicéron l'explique De Officiis (lib. III, c. 19) : 
« Lorsque des gens même grossiers veulent louer la bonne 
»foi et la probité de quelqu'un, ils disent qu*on peut jouer 
navep lui dans les ténèbres. y>Cum fidem alicujus bonitatem- 
que laudant, dignum esse dicunt^ qui cum in tenebris mices. 

76. — Bien des traducteurs ont confondu facetus, facetiœ, 
avec dicax, dicacitas; il y a une grande différence entre 



4o4 NOTES. 

ces expressions. Facetiœ signifie la grâce, la facilité in- 
génieuse : 

Molle atque faceium 

Virgilio annuerunt gaudentes rare Camcenœ. 

HOH. 

Dlcacitas est le don de l'à-propos , de la saillie , du bon 
mot^ du trait. 

77. — M. Niebuhr pense qu'il faut ajouter ici celerrime, 

78. — Fronton souffrait souvent de la goutte ; aussi Marc 
Aurèle lui écrit souvent pour lui dire combien il partage 
ses souffrances. Cette lettre n'est qu'affectation et recher- 
che ; elle dut plaire à Fronton , et le distraire. 

79. — Abrupiis domibus semble bien bizarre : ce n'est 
pas une raison pour que ce ne soit pas le vrai mot du 
texte; si on veut un mot plus simple, on peut lire abruptis 
compedibus, 

80. — Ce passage est curieux; il nous apprend que ces 
antiques usages de la république subsistaient encore au 
siècle des Ântonins. 

81. — On lit à la marge du M S. Miras locus de amore 
rationabUi et fortuito ! Miras est une expression un peu 
forte; cependant il faut dire, pour être juste, que la 
seconde partie de cette lettre ne manque ni d'élégance, ni 
d'une certaine chaleur. 

82. — Voici dix lignes de Pline sur la Fortune qui valent 
toute la lettre de Fronton : 

Toto mundo, et locis omnibus, omnibusque horis, omnium voci- 
bus Fortuna sola invocatur; una nominatur, una accusatur, una 
agitur rea > una cogitatur, sala laudatur, sola arguitur, et cum 



NOTES. 4^5 

conviciis colitur; volubilis a plerisque vero et cœca etiam existi- 

mata , vaga , inconstans , incerta, varia , indignorumque fautrix. 

Haie omnia expensa, huic omnia feruntur accepta; et in tota 

ratione mortalium, sola utramque paginant facit, Adeoque ob 

noxiœ sumus sortis, ut sors ipsa pro deo sit, qua Deas probatur 

incertus» 

(HiST. Nat., lib. I. ) 

Dans tout le monde , et en tous lieux , et à toutes les heures , 
la Fortune seulo est invoquée par la voii de tous ; seule on Hm- 
plore , seule on l'accuse , seule ou la met en cause ; toujours 
elle en nos pensées, elle en nos éloges, elle en nos reproches; et 
c*est en l'injuriant qu'on l'adore. Pourtant la plupart l'estiment 
▼olage, aveugle même, vagabonde, inconstante, incertaine , ca- 
pricieuse et protectrice des indignes. A elle on rapporte toute dé- 
pense , à «lie toute recette ; et , dans le livre de compte de la vie 
humaine, seule elle remplit l'une et l'autre page. Nous sommes 
tellement sujets du sort que nous faisons dieu ce même sort par 
qui on prouve que Dieu peut-être n'est pas. 

85. — Antonîn le Pieux et Calvilla. 

84. — Diog., Prov,^ cent. VIII, 58. « La liberté desTé- 
» nédiens a donc été tranchée avec la hache ténédienne , » 
écrit Cicéron à son frère Quîntus (liv. II, F. 24? 11 ) > 
Tenediorum igitur Ubertas securi Tenedia prœcisa est. 

85. — Voyez, pag. 398, la note sur Cœlius. 

86. — Je lis, d'après Buttmann, quodvictoriis twv gjsofxsvwv 
magis gaudent quant propriis. 

87. — J'ai pensé qu'il ne fallait pas traduire, à cause 
de quelques mots, cette dissertation de Fronton à Marc 
Aurèle : la traduction latine par son élégance fait beaucoup 
d'honneur à M. Mai. 



4o6 NOTES. 

88. — Si vacatus dans cette phrase signifie mentionné 
au Ustamenty je demanderai dans quel but? a/)pelé aux 
obsèques ; sans doute c'était l'usage que les cliens suivissent 
le convoi du patron : mais était-il nécessaire de les appe- 
ler? appelé d l'hérédité; c'est le sens le plus latin : mais 
un client était-il ordinairement institué ? Je tiens peu du 
reste à ma correction. 

89. — Uœreditas cernatur, qu'on fasse crétion de l'héré- 
dité; manière solennelle et formulaire à Rome de se porter 
héritier. Ulpîan. 9 ReguL , XXII, § 27 et suiv. 

90. — Pollio le grammairien avait été le maître â,e 
poésie , de prosodie de Marc Aurèle. 

91. — T. Cl. Atticus Herodes, sophiste athénien, con- 
sul sous le règne d'Antonin, fut célèbre par son élo- 
quence et la grâce ingénieuse de son «sprit [copia, ele- 
gantia vocum, Ingenio amœno). On l'avait sUmonamé le roi 
de la parole, Marc Aurèle lui demandant un jour ce qu'il 
pensait du talent de Polémon, il répondit par ce vers de 
V Iliade : 

iTTTTUv fi' âxvTtàiatv oLfifi vtxxmoç oOoctoc 6àX)lct. 
Le bruit des chevaux aux pieds légers a frappé mes oreilles *. 

92. — M. Niebuhr fixe la date de cette lettre au mois 
de juillet ou d'Auguste de l'année du consulat de Fronton. 



* L'article Eerodei AUicu$ manque It la biographie Micbaud : si tous cherehex JtUeta , 
on TOUS renToie à Herode» , et si tous allez à Herodea , on tous renvoie i Ailicu». Atcc 
Philostrate , Suidas , Aulu-Gelle, et ces noureaux textes, on pourrait faire une rie eurieuie 
de ce rhéteur consulaire , éloquent et ingénieux , Tirant en grand seigneur, comme Vol- 
taire i Ferney, dans une magnifique maison de campagne prt'S d'Athènes , sur les boids 
du Céphise. 



NOTES. ^O-J 

93, : — MsopuSi acteur célèbre, rival de Rosclus, quoi- 
que dans un genre différent : Roscius citatior, Msopus gra^ 
vior fuit, dit Quintilien, quod ille comœdias, hic tragœdias 
egit. 

94' — Roscius fut le maître de déclamation de Cicéron 
et son ami , comme on le voit par le plaidoyer pro Roscio, 

95. — Comment traduire ces jeux de mots ? Délibéra- 
menta est altéré, il faut peut-être lire deliramenta. 

96. — Il y eut deux poètes du nom de Titius; l'un 
était contemporain de Marins; Cicéron (Brut,, ^5) vante 
son urbanité et sa finesse ingénieuse comme orateur, mais 
l'estime peu comme poète dramatique. L'autre, Titius 
Septitnius^ était un poète lyrique et tragique : Horace en 
parle (liv. I, ep. 3) : 

Quid Titius, romana brevi venturus in ora , 
Pindarici foniis qui non expalluit haustus? 

97. — Lampadio^ selon Aulu-Gelle, XVIII, avait cor- 
rigé un vieux MS. d'Ënnius, et, selon Suétone, divisé en 
livres la Guerre punique de Nœvius. 

98. — Stabérius, grammairien, avait été le maître de 
l^rutus et de Cassius. — Tiron (TulUus), le secrétaire, 
l'intendant, l'afifranchi de Cicéron, perfectionna chez les 
Romains la lachy graphie , qu'on appela de son nom tiro- 
nianœ notœ. Il reste de lui une lettre curieuse, qui fait bien 
connaître son maître. 

Qaum Pompeius œdem Victoriœ dedicaturus foret , cujus gradas 
vicem theatri essent, nomenque ejus et honores inscriberentur ; quœsi 
cœptum est , utrum consul tertio inscribendum esset, an teriium . 



4o8 NOTES. 

Eam rem Pampeius exquisiturus retuUt ad doctissimos civitatis. 
Cumque dissentirsnt et pars tertio , alii tertiam scribendum cm- 
tenderentg rogavit Ciceronem Pompeius, ut quod ei rectius videre- 
tur, scribijuberet. Tum Ciceronem judicare deviris doctis veritum 
esse ne, quorum opiniones improbasset, ipsos videretur improbasse» 
Persuasit igitur Pompeio ut neque tertiam neque tertio scribere- 
tur : sed ad secundum usque T fierint Utterœ : ut verbo non prœ- 
scripto res quidem demonstraretur, sed dictio tamen ambigua verbi 
lateret. 

Pompeius, veillant dédier à la Victoire un temple orné de gradins en 
amphithéâtre , avec une inscription qui i-appelât son nom et le sou- 
venir de ses honneurs, hésita long-temps s'il ferait mettre tertio 
ou tertium consul. Pour sortir d'embarras , il soumit la difficulté aux 
savans de Rome. Les opinions furent pa^rtagées : les uns défendaient 
tertio, les autres tertium, Pompeius pria Gicéro de lui dire lequel de 
ces deux mots valait. le mieux. Gicéro ne voulut pas se prononcer 
après tant de sa vans hommes, dans la crainte de paraître blâmer 
ceux dont il blâmerait l'opinion. Et alors il décida Pompeius à n'écrire 
ni tertium* ni tertio, mais simplement les premières lettres du mot, 
jusqu'au second t inclusivement , de sorte que l'abréviation^ sans 
nuire au sens, dissimulât l'équivoque de l'expression. 

C'est Tiron qui nous a conservé les lettres de Gicèpon. 
— Mlias fut aussi un grammairien : il composait des dis- 
cours pour les autres. Cicér., Brut.ytfi. 

99. — Aiticus (Titus Pomponius)y chevalier romain , 
épicurien, habile homme, qui savait être en même temps 
l'ami de Sulpicius et de Sylla, de Pompée et de César, de 
Brutus et d'Octave. 

100. — Nepos (Cornélius) f ami de Catulle et de Cicé- 



* Tertium était le vrai mot ; Cicérou le savait fort bien , lui qui , avant ces débatii , avait 
dît M ariui sextum consul. Quelques années après, lorsqu'il fallut réparer ce temple, au 
lieu d'écrire le mot en lettres, on l'écrivit en chiffres : III. 



NOTES. 4<>9 

ron, auteur de plusieurs grands ouvrages historiques dont 
il ne nous reste qu'un abrégé De Vitâ exceilentium Impera" 
torum attribué par les MSS. à iEmilius Probus. 

101. — M. Mai dit que cette phrase peut bien avoir 
été répétée par Fronton ; c'est impossible. 

102. — Le chapitre XVI de V Essai sur les É loges j con- 
sacré aux rhéteurs grecs, offre de l'intérêt : Thomas y parle 
d'Hérodès Atticus et de Fronton. 

io3. — Gapitolin nous l'apprend m Vit. M. A., cap. I. 

104. — Théopompe, de l'île de Chio (io5' olympiade) , 
orateur, fut l'élève d'Isocrate , et remporta sur son maître 
le prix proposé par Artémise pour le panégyrique de Mau- 
sole. Il fit aussi deux grandes histoires, l'une de la Grèce, 
l'autre de Philippe de Macédoine : sa réputation était im- 
mense. 

io5. — Opici et osci ne sont qu'un seul et même nom : 
opicl est la forme grecque, osci la forme latine. Les Grecs 
jusqu'au jour où ils furent conquis traitèrent d'opiques les 
Romains et les autres peuples de l'Italie : Voltaire atta- 
chait à peu près la même idée au mot de TVelches, 

106. — Voyez plus bas, à la page 4^3. 

107. — Laurenteg capitale du Latium, dont les vers de 
Virgile nous ont rendu le nom familier. — Lanuvium^ Al- 
gide et Tusculum (aujourd'hui Frescati) étaient aussi des 
villes du Latium. Puteoli, Pouzzole, était en Gampanie. 

108. — Masuriiis Sabinus, jurisconsulte célèbre du 
temps de Tibère, et qui laissa un ouvrage sur le droit 
civil. Perse a dit : 

Exceplo si <fuid Masuri rubrica vetavil. 



4lO NOTES. 

Perêe, d'après notre MS., pouvait donc dire Masuri sans 
faire une faute de quantité, comme on le lui a reproché. 

109. — Polémon de Laodicce, rhéteur fameux, élève 
de Dion Chrysostôme, avait établi une école à Smyme. 
Lorsqu' Antonin , proconsul d'Asie, arriva dans cette yille, 
il descendit chez Polémon alors absent ; mais le soir, à son 
retour, Polémon le chassa de chez lui. A l'avènement 
d'Antonin, Polémon étant venu le féliciter au nom des 
villes d'Asie, Antonin lui fit préparer un appartement dans 
son palais; et comme, quelques jours après, un comédien 
se plaignait à ce prince que Polémon l'avait chassé en 
plein jour du théâtre : c Eh bien, moi, il m'a chassé en 
» pleine nuit de sa maison : ai- je porté plainte à l'empe- 
» reur ?» Polémon improvisait avec une merveilleuse facilité. 
Henri Etienne a publié (1567) deux de ses déclamations 
conservées. 

1 10.— Voir Pline {Hist. Nat^XS, 19; XIX, 8; XXI, 4). 

111. — La pièce de vers de Catulle 

Lugete, Vénères Cupidinesque.., 

Passer, deiicim mem puellœ 

Quem plus il ta ocuUs suis amabat.*, 

est enversphaleuques^«wf/^ca.Ç)'//ate (evîsxa, onze, et a-Sk- 
>a|x6avG>>, je comprends). 

112. — Cette phrase nous apprend que l'empereur avait 
fait les frais de ces jeux. 

1 15. — Cette page est curieuse pour le caractère d'Adrien: 
ce qui suit est assez ingénieux quoiqu'un peu bizarre. 

114. — Voir Athénée, XI, i4« 



NOTES. 4*1 

1 15. — Voir plus bas, à la page 4^0. 
116.' — Phidias, Voir à la page 346. 

117. — A pelles. Voir à la page 347» 

118. — De pareils jeux de mots fiont gémir sur le goût 
de cette époque. 

119. — Cette seconde comparaison déplut conoune of- 
fensante pour la dignité hiimaine. 

120. — Une loi deDioclétien et de Maxîmien^ au Cod., 
IX, 475 1 2, défendait d'écouter les vaines clameurs ( vanœ 
voces) du peuple lorsqu'il demanderait qu'un coupable fût 
absous ou un innocent condamné. 

121. — Avant la découverte de ces lettres, Capitolin 
seul donnait quelques détails sur l'amour de Marc Aurèle 
pour l'étude. 

122. — C'est-à-dire dont tu m* as fait un orateur cicé- 
ronien dans la lettre IV de ce livre. 

123. — L'église de Saint-Pierre-ès-Liens couvre au- 
jourd'hui la place de ces jardins si célèbres où Mécène, 
comme le dit Pedo Albinovanus, » 

>■■ Pieridas Phœbumque calent in moUibut hortit , 
Sederat argutas garrulus inter aves, 

124. — Fronton cite assez mal ces vers d'Horacf*; il 
aurait dû pour le «ens commencer à 

Faciasne, quod olim 



Mutât us Polemon, 



' J'ai entre les mains la plus grande partie d'une traduction en pruse d'Horace « remar- 
quable par la propriété et l'élégance de Texpression « elle est de M. A. BuiXT, principal du 
collège de Meaux. Sou élève exprime ici le Tœu de le voir achever ce beau travail , qui doit 
honorer encore un des noms les plus honorables de l'Université. 



4l2 NOTES. 

ia5. — Nous en parlons au second volume. 

126. — Voici ce proverbe : $occrèv, on ot Hvppaîot irpog toùç 
ôpôpouç TràvTaç àTus^Qûç zf/pit» Exstvot ovv rà OT>p6atvovT« avrotç 
gcocxcè àîroTj907rataÇ6|X2voe xat èxêaX^ovTsç zlç tijv TbjppOLitùv X^P^"^^ 
ÈTreçKwvouv* s?Tt xaxov, etç ILxtppKv, Zen., Prov. cent. 9 IV, 2. 

127. — Porphyrion nous a conservé ce proverbe à pro- 
pos du vers d'Horace (Sat., liv. 1,3, 32) : 

At, pater ut gnati , sic nos debemus amici , 
Si quod sit vitium , non fastidire, 

1 28. — Il y a dans cette lettre un tel redoublement de 
mauvais goût, que c'est le cas de dire avec M. Niebubr: 
O pravum et putidum genus ! 

1 29. — Le MS. porte BtoàéïiTa Bio^rpi^ ; il faut claire- 
ment ^ecc^éxT^) oO Starpi^, 

i3o. — " Il ne restait du Colax que ce vers : 

Batiolam auream octo pondo habebat , accipere noluit. 

Colax a le sens de T/«ap«x6XaÇ , flatteur parasite. 

i3i. — Le style était l'aiguille avec laquelle on écrivait 
sur les tablettes de cire : elle était pointue par un bout et 
aplaiie par l'autre pour raturer; de là sœpe stylum veriaSy 
efikce souvent. 

i32. — Les ATELLANEs, fabulœ atellanœ^ prirent leur 
nom d'Atella, ville des Osques. On ne trouve ni dans 
Gasaubon, ni dans Schœl, ni dans Dunlop, une défini- 
tion satisfaisante des atellanes. On a tort de les com- 
parer aux drames satyriques grecs, qui avaient des 
chœurs, et auxquels elles ressemblent fort peu. C'étaient 



NOTES, 4 * 3 

de petites comédies décentes, que les jeunes Romains 
seuls avaient le droit de jouer, et dans lesquelles l'auteur, 
sans beaucoup de frais de conception dramatique, se 
moquait avec gaîté des travers et des vices contempo- 
rains. On aurait donné à Rome le nom d'atellanes aux 
Proverbes de M. Théodore Leclercq. Novius * en composa 
en latin; jusqu'à lui, on n'en avait fait qu'en langue osque. 
On en cite plusieurs de Novius, Gemini^ Gallinaria^ Dotata, 
Pappus prcBteritus , Macchus. Ce Macchus jouait un grand 
rôle dans les atellanes ; c'était un personnage plaisant et 
bouffon, amené sur la scène pour faire rire par des saillies 
et des gambades : on retrouve dans l'Arlequin et dans le Po- 
lichinelle de la scène modernp la grotesque postérité de Mac- 
chus. Au temps de Sylla, Lucius Pomponius ût des atellanes 
qui eurent la plus grande vogue ; il nous reste les titres et 
des fragmensde plus de soixante. Quand Sylla eut renoncé 
à la dictature, il composa des mémoires** de sa vie, et des 
atellanes imitées de Pomponius. Yelléius fait remarquer dans 

* Aussi je crois qu'il faut lire dans le texte Nouianœ Atellaniolœ en 
effaçant le second et. 

** Un savant professeur de l'Université dit , à l'article Sylla de la Biogra- 
phie Michaud, que Sylla écrivit ses Mémoires en grec; c'est une erreur. Yoici 
un passage authentique du deuxième livre : 

Queeto^ »i fieri pote$t ut etiam nunc noitri vobU in mentem 9eniat, noMt/ue magi$ dignos créai- 
tu, quibu» civibuê quam hoitibu* utamini; quique pro vobit polius quam contra voi pugnemut; 
neque noitro, neque majorum nottrorum merito nobU id eontinget. 

â.-Gell.^ XXf 6. 

Je TOUS le demande, s'il est ponible que maintenant encore notre aouTenir tous retienne 
à Tesprit , et que tous noua jupes hommes à tous sertir plutôt eu concitoyens qu'en en- 
nemis , et à combattre pour tous plutôt que contre tous ; ce n'est pas à notre mérite ni à 
celui de nos aïeux que nous deTrons cela. 

Priscien cite aussi une phrase latine du vingl-et-unième livre des Mémoires 
de Sylla. 



4l4 NOTES. 

Pomponius le naturel des pensées et la rudesse du style; 
Cîcéron et Sénèque vantent son génie souple et facile. 
Voici quelques-uns de ces vers si applaudis par la bonne 
compagnie des premiers siècles de Rome. 

ALBOHBS. 

At ego rusticatim tangam , arbanatim nescioé 

LBS lODBOHS. 

Mais dois-je frapper en paysan ou en citadin ? Je ne sais 

* ARISTA. 

NoU, quœso, irascere; more fit moriri saam qaisqueuxorem utvelit* 

ABISTA. 

Ne te fâche pas , je t'en prie ; il suit Tusage en souhaitant la mort 
à sa femme. 

ASIA. 

Atque auseultare disce, si neseU loqui, 

ASIA. 

Apprends à écouter, si tu ne sais parler. 

AUCTORATDS. 

Occidit taurum torviter, me amores amavit, 

l'athlètb gagM. 

Il a tué le taureau de son regard menaçant , tant il m'aime , moi , 
ses amours. 

BUGCO A00PTATU8. 

Sœpe annuit : invenibit stepe 

Clandestino taaius taxim perspeetavi percautum. 

LB PARASITB ADOPTÉ. 

Il dit souvent oui : il dînera souvent chez nous. En secret , en si- 
lence , petit à petit, j'ai surveillé mon finot. 



NOTES. 4 * 5 



RALKNOf UARTIiE. 



yocem deducas oportet, ut muUeris videantur verba,,. 
Ego voccm reddam tenuem et tinnulam, 

LES KALBN0B8 OB MABS. 

Il faut que tu conduises ta voix, pour qu'elle ressemble à une voix 
de femme ; moi je rendrai la mienne douce et argentine. 

CAMPANl. 

Jstic manet, eliminabo extra œdeis coiyugem, 

LES CAliPARIBNS. 

Âh ! il reste chez moi ; eh bien 1 je vais en éliminer ma femme. 

COlfDlTlORKS. 

yix nunc quod edim invenio ; quidnam fiet si duœero» 

LES GOif Dirions. 

A présent je trouve à peine de quoi manger ; que serait-ce si je 
prenais femme ? 

ERGASTDLOM. 

Longe ab urbe villicari , quo herut rarenter venit , 
Non vUUcari sed domînari est, mea sententia» 

LA PRISON DBS ESC LAVES. 

Être loin de la ville fermier d'une ferme où le propriétaire vient 
rarement, ce n'est pas être esclave fermier, c'est être maître , à mon 
sens. 

MACGHI GBMIIfl. 

Bono animo es, video, eripuisti pr imitas de pannibus» 

LES DEUX MACCHOS. 

Courage , je vois que tu te débarrasses des langes pour la première 
fois. 



4 1 6 NOTES. 

HAIALI8. 

Miseret me eorum qui sine frustis ventrem frustrarent tuam, 

LE PORC CHATBÉ. 

Je prends en pitié ceux qui, faute d'un morceau à manger, restent 
le ventre vide. 

MBDICUS. 

Dolasti uoDorem nune et propter me cupis concidere etjam rhel(irissas, 

LB MéOBGlIf. 

Tu as déjà trompé ta femme, et, à cause de moi, tu veux redoubler ; 
déjà tu parles en rhéteur. 

PANNUCEATI. 

Dixi ego illudin futurum : in prima valva est, vix hœret misera, 
Evannetur, et mea ocius opéra ut fiât fecero» 

LES GUEUX. 

Voici ma prédiction : elle a déjà passé le seuil de la porte ; la pau- 
vre petite ne peut plus reculer; qu'elle souffle , et j'en ai bientôt fait 
mon affaire. 

PAPPUS AGBIGOLA. 

Domus hœc fervit flagitiis, ' 

l'aïbul cultivateur. 
Cette maison sue le crime. 

PICTORES. 

Magnus manducus Camillus euntertus, 

LKS PEINTRES. 

Le grand mangeur, Gamillus, vrai cheval hongre. 

VRMCO POSTERIOB. 

Age modo, Stagari, particulones produeam tibi, 

LE CRIBUB APRÈS COUP. 

Allons vite, Stagarius, je te produirai des cohéritiers. 



NOTES. 4*7 

i35. ^— Les fragmens des discour» de Scipîon se trou- 
Tcnt aux notes du second voluineb 

i54. — Fronton, dans sa lettre de nepote amtsso^ parle 
de ce frère avec la plus vive tendresse. 

i35. — Voir aux notes du second volume le calendrier 
romain. 

i56. — Athénée, IV, 14. 

iSj. — K/jaTTtoc , écrit ainsi en grec, devrait faire en la- 
ûnCratia et nonGratia; on trouve du reste Tune et l'autre 
orthographe dans les inscriptions. 

i38. - — Est-ce une allusion au cercle de Popilius? 
M. Niebuhr : n àpx^ npoç tw tsIu i^ri oîtra* je crois ma cor- 
rection plus simple et plus naturelle. 

1 09. — Cette lettre grecque ne manque ni de pureté , 
ni d'élégance; et ce qui fait surtout plaisir, c'est de n'y 
pas trouver de mauvais goût. 

140. — lilacU, IX, vers 3ia. 

i4>* *— - Il manque ici une page tout entière illisible 
auMS. 

142. — Voyez Hérodien, Hist,^ IV, 3. 

143. — Voici comment je comprends cette phrase qu'il 
est impossible de traduire à cause du jeu de mots : Gratta 
minor efficit quodGratia major facit. «Ta fille, la plus jeune 
» des Grâces, fait pour nous sur la terre ce que la mère des 
» Grâces fait au ciel , la consolation et l'enchantement de 
')la vie. » 

i44* — Pline le Jeune lui a adressé plusieurs lettres. 

145. — Pline l'Ancien est le seul qui ait parlé de cet 
1. 27 



4 1 8 NOTES. 

arbre (XVII^ aô), mais sans lui donner ce nom de cata- 
channa, que nous trouvons pour la première fois dans un 
auteur latin 9 et qui pourrait bien être un mot punique. 

146. — Alipta (dèXcc^iv, oindre). L'alipte frottait d'huile 
les baigneurs 9 et les athlètes alixquels il prescriyait leur 
régime : 



Grammaticus, rhetor, géomètres, pictor, aliptes, 
Augur, tchcenobaies, medieus, magus, omnia novit ; 
Grœeulut esurieru in eœlum , jusserU, ibii, 

Jov., III ,'76. 

i47* — Maison de campagne d'Antonin, où il mourut, à 
douze milles de Rome. 

148. — Imperator s'applique bien certainement ici à 
Antonin. 

149. — Voir AU Digeste^ II, la, 1. 

i5o. — Le diploma consistait, comme son nom l'indi- 
que, en deux feuilles; il conférait quelque privilège ac- 
cordé par l'empereur ou quelque magistrat romain, et 
ressemblait à nos lettres -patentes. Le diploma serrait, par 
exemple, à se faire délivrer des voitures et des chevaux 
publics. 

i5i. — On peut voir, à propos de ce mot, un passage cu- 
rieux d'Aulu-Gelle, XIX, 8, où il est question de Fronton. 

i5a. — Voyez Suidas au mot oirtado^ofMc. 

i53. — Voyez au second volume page 86. 

1 54. — Calvlslus , qui fut deux fois consul , avait eu 
pour fille Domltla CalvlUa^ mère de Marc Aurèle. 

i55. — On ne sait rien de la vie de ce CapréoUu. 



NOTES. 4^9 

i56. — Mlius Mœcianas est souyent cité au Digeste, 

157. — VilUanus n'est pas plus connu que Gapréolus; 
M. Mai se demande si ce ne serait pas Vivianus. 

i58. — Il y eut deux Théodorus; on peut consulter sur 
ces rhéteurs Cicéron, in Brut, y XII; --Strabon, XII; — 
Suétone, in Vit. Tiber.y LVII; — Juvénal, VII, 177. 

iSg. — Apulée s'est aussi servi de prœditus dans son 
acception primitive : At ubi vit a remeandum est eundem 
illum, qui nobis prœditus fuit, raptare ilico,,,. 

160. — Quintilien, Instit, Orat, ^ liv. VIII, c. 5. 

161. — Quel est ce Baius? c'est bien sûrement une 
altération du MS; ne serait-ce pas plutôt Caius qu'il fau- 
drait lire ? 

162. — C'était sans doute, dit M. Mai, le discours 
prononcé par Brutus au Gapitole, après le meurtre de 
Cé^. Cicér., ad Aitic», liv. XV, 1, 5, 4» 

i63. — Pour Protagoras, voir le Protagoras, le Cratyle^ 
le Ménon de Platon. 

164. — Pour Polus, le Gorgias^ le Théœtète, le Théagès, 
la République du même. 

i65. — Pour Trasymachus, les Sophistes, la Républi- 
que^ I, Voir Tennemann, tom. I, p. 128, 129. 

166. — C'est VAlcibiade de Platon qu'il faut lire pour 
avoir une idée de ce talent de Socrate; il faut voir en 
présence ces deux personnages ; d'un côté , le jeune fashio- 
nable athénien, ignorant de tout et ne doutant de rien, et de 
l'autre le bonhomme malin et logicien, qui à chaque in- 
stant prend le jeune homme au piège de ses paroles, et le force 



% 



4^0 NOTES. 

de demander grâce : c'est de k meilleure et de la plus 
amusaute comédie. 

167. — Strofam pour siropham ((jtjoo^, détour, super- 
cherie). On trouve cette ^xpres^ion dans Phèdre, Sénèqile. 

168. — Il suflk de lire les quatre premières lignes de 
cette lettre pour reconnaître combien la langue latine avait 
perdu de sa pureté, de sa correction : Cicéron aurait 
chassé un esclave qui aurait écrit fortassls pauculls te adhuc 
diebus^ quam te necessario confirmas y non videbo. 

169. — Centumcellœ y maison de campagne bâtie par 
Majan dont Pline, VI, 3i, donne cette description : Villa 
pulcherrima cingitur viridissimis agris; imminet Uttori^ 
cujus in sfnii quam maximus portas velut amphitheatrum, 

170. — Fronton se .trompe ici; ce fut ses enfans et 
non ses neveux que Galba fit paraître : il fut absous 9 et 
Caton ne lui pardonna jamais. Galba était éloquent, pathé- 
tique, et singulièrement violent. Nous trouvons dans le 
portrait que Cicéron fait de lui (m Bruto) qu'il maltraitait 
ses secrétaires; lui et Caton furent sans contredit les 
deux plus rudes jouteurs que put jamais voir en présence 
le peuple romain. 

171. — On devine aisément que Fronton veut parler 
d'Orphée. 

172. — Mœcianus fit un -traité curieux de asse et par- 
tibus. 

175. — Le Sota d'Ennius était la satire d'un homme vo- 
luptueux et corrompu. 

174. — Cneius Nœvius^ poète tragique et comique, fit 



NOTES. 4^ t 

jouer «es premières pièces en 619: ses tragédies Akestes, 
Danoât Dulorestes, Hesiona, Hector, Iphigenia^ PhœnUsœ, 
ProtesilauSj TeiepheuSykiBXeuiàes traductions ou des imita- 
tions d'Euripide et d'autres poètes dramatiques grecs : 
Gicéron cite ce yers de son Hector: 

Lœtus sum 
Laudari me abs te, pater, taudato viro. 

Je me réjouis d'être loué par toi , 6 père , hq^nme loué partout. 

Imitateur de la licence de l'ancienne comédie grecque, 
il remplissait ses pièces d'allusions ^ de personnalités ^ d'in- 
Tectiyes contre les consuls et les sénateurs ; mais l'aristo- 
cratie romaine n'était pas d'humeur à se laisser insulter 
chaque soir sur le théâtre ; Nœvius l'apprit à ses dépens. 
Il attaquait surtout le premier Scipion et la famille Métel- 
lus. Il avait dit : 

Fato MeteiU Ram» eonsules fiuni. 
Pour le malheur de Rome les Métellus sont consuls. 

Les Métellus y répondirent par ce couplet : 

Et Nœvio poetœ 
Cum tœpe lœderentur, 
Dabuni malum MetcUi, 
Dabunt malum. MtleUi, 
Dabunt malum Metelli. 

Ils ne se contentèrent pas de cette vengeance en vers 
saturnins; ils le firent mettre en prison. Sorti de prison, 



4^2 NOTES. 

non corrigé et incorrigible, Nœyius fut eidlé et alla mourir 
à Utique. On dit qu'en partant pour Texil il fit ces vers : 

Morîalis immortaiU flere si foret fas. 
Fièrent divœ Camœnœ Nœvium poetam ; 
Itaque poslquam est orcino tradltus thesauro , 
Oblitei sunt Romce loquier iatina lingua. 

S'il était permis aux immortels de pleurer les mortels , les divines 
Muses pleureraient le poète Naevius ; depuis qu'il a été livré aux abî- 
mes de rOrcus, on a oublié de parler à Rome la langue latine. 

J'ai de la peine à croire que Nœvius fit cette épitaphe. 
Il est bien vrai cependant qu'il était de la Gampanie, et 
que les Campaniens ayaient à Rome la réputation qu'ont en 
France les Gascons. 

Nœyius composa durant son exil le poème dé la Guerre 
punique, dont yoici le début: 

Qui terrai Latiaî hemones tuserunt 
Vires fraudesque poinicas fabor. 

Nœyius commençait à la fuite d'Énée : il le faisait sortir 
de Troie la nuit ayec Anchise ; leurs femmes les accom- 
pagnaient : 

Amborum uacores Troiad exibant 
Capitibus operiis , fientes, 
Abeuntes ambœ tacrumis cum multis. 

Leurs femmes sortaient de Troie , la tête voilée , pleurant , mar- 
chant toutes deux avec beaucoup de larmes. 

Ils abordaient à Garthage. Le nom de la sœur de Didon , 
Anna soror, est de lui : ainsi, ce qu'on n'a pas encore dit, 
Virgile ayait aussi copié Nteyius , comme il avait copié 
Ennius, copié Homère. 



NOTES. 4^^ 

Le poème de Nœvius était écrit dans le mètre saturnin. 
Le yers saturnin se composait de deux ïambes, un amphibra- 
que et trois trochées. 

Un dactyle prenait quelquefois la place du premier ou 
du second trochée, et un spondée pouvait se mettre indif- 
féremment partout. Hermann, dans son excellent ouvrage 
(Elementa doctr. met), n'a pas fait assez ressortir cela. Le 
saturnin se divisait quelquefois en deux parties : la première 
se composait de deux iambes et d'un amphibraque, la se-r 
conde de trochées. 

175. — Cœcilius Staiius, né esclave, poète comique, 
contemporain et ami d'Ennius, composa plus de 3o comé- 
dies, la plupart imitées de Ménandre. Cicéron lui reproche, 
comme à Pacuvius, l'impropriété de son langage. Aulu- 
Gelle a comparé une scène de Cœcilius avec une scène de 
Ménandre, c'est un curieux rapprochement; on va voir 
combien Cœcilius est resté loin de son ingénieux modèle : 

Semex. — h demum miser est qui œrumnam suam nequit 
Occultare, — Mah. Ferre ita me uxor forma et factis facit. 
Si taceam ; tamen indieium est, Quœ rUsi dotem , omnia 
Quœ notis, habet. Qui sapit de me discet : qui, quasi 
Ab hoste captus, libère servio, salva urbe atque arce, 
Quœ mihi quicquid p lacet, eo privât. Tu vin me servatum? 
Dum ejus mortem inhio, egomct vivo mortuus 
Jnter vivos, Ea me, clam se, cum mea ancilla ait ^ 

Consuetum ; id me arguit : ita plorando, orando, 
Instando, atque objurgando me obtudit, utieam 
Venuridarem ; nunc credo inter suas œqualis 
Et cognatas sermonem serit : quœ vostrum fuit 



424 NOTES. 

Integra mitrtuk, quœ hoc itidem a viro 

Impetrarit suo, quod ego anus modo 

Effeci, pellice ut meum privarem virum? 

Hœti erant concilia hodie, Differor sermone miter, 

Sb5. — Sed tua morosane uxor , quœto, est? — M. Qttam rogas? 

Sb5. — Qui tandem? — M. Tœdetmentionis ; quœmihi, ubidomum 

Adveni ae sedi, e^templo tavium datât j^una anima. 

Sur. — Nihii peeeat de savio ,* ut devomas volt quod foris potaveris. 

Celui-là est bien malheureux qui ne peut cacher sa peine. *- C'est 
à peu près là que j'en suis avec la beauté de ma femme et ses hauts 
faits. J'ai beau me taure; quelque chose me trahit. A' part la dot, 
elle a tout ce que tu ne voudrais pas. Que le sa^ prenne leçon de 
moi. Gomme on captif chez l'ennemi , libre , je sers, quoique la Tille 
et la citadelle soient en sûreté. Tout ce qui me plaît , elle m'en prive. 
Veux-tu me voir toujours esclave ? Pendant que je soupire après sa 
mort, moi je vis comme un mort parmi les vivans. Elle dit qu'en ca- 
chette d'elle j'ai des habitudes avec ma servante ; voilà ce qu'elle me 
reproche ; et, à force de pleurer, de prier, de supplier, d'injurier, elle 
m'a tant lompu la tête que j'ai mis en vente cetto esclave. 11 me 
semble maintenant l'entendre répéter au milieu de ses pareilles et 
de ses connaissances : Qui de vous, dans la première fleur de la jeu- 
nesse , aurait pu obtemr de son mari ce que moi , toute vieille , je 
suis venue à bout de faire , en privant moù mari de sa concubine ? 
Voilà leurs entretiens d'aujourd'hui. Je serai déchiré par leurs dis- 
cours , malheureux ! — Mais, dis-moi, c'est donc une femme terrible 
que ta femme ? — QueUe demande î — Mais enfin? — J'ai honte de 
t'en parler; une femme qui, dès que j'arrive au logis et que je 
m'assieds , accourt m'appliquer un baiser, avec une haleine à jeun. 
— Elle n'a pas tort : avec ce baiser elle vent te faire voDiir ce que 
tu as bu dehors. 

Voici la scène de Ménandre, plus originale et de mœurs 
plus élégantes : 

Ett àiifôrepa vu /^* Tnmxknpoç oîara 
MéX/ec xaQvj^TQfTstVt xaTi/dyâo'aa'a foycc 



NOTES. 4^^ 

Kaè neptîôifiTOv epyov* èx rqç oexé«ç 

ïv' eTTtê^eTTwo-t TTotvTeç etç to KjoêoSvXïjç 

IIjooo'WTrov, n §*euyvwoTOç w y' èpiÀ ^WiS, 

AgO"7rotva, 5tà tijv o^tv îÇv sxTiijdaTO. 
Il 
Ovoç èv TttôwiOiç èoTt 5>3 TO Xsyojxgvov, 

ToOt' oO o-twîrâv eort yàjj, et xat /SouXo^at. 

B5e).uTT0^at tïjv vvxra ttoàXwv ^oc xaxûv 

Ap^çnyôv' oi^otj KjoeoêuÀïjv Xaggcv Èfxs, xaè 

TâXavra ^ixa^ yuvatov oSo-av TnQp^éwC» » 

EIt' sort TO (ppvay^K ttwç av uTrooraTOv ; 

Ma tovt' 0/u|xmov xat AÔïjvâv où^a|xûç. 

IIat^to^aj9tov 0ejOa7r6VTtxov,xat Xoyou - 

Tâ;^tov, àin/iyay iv' aX^ijv àvTStffâyot. 

É;^ S* èitixlYipov, Aa^ta , ovx stjOiTxoé d'oc 

Tout' ; ov;^t* TauTïjç n^jpiuv Tijç otxtaç 

Kai Twv àypwv* nàvr* àvT* sxstvijç 2t;^op£v. 

— AttoX^ov, xaxôv twv /jxksnwv ^^otks'jrdyrKrov, 

— AizoctTt 5' «pya^g'a 'o"Ttv , oOx è^t ^ôvci) , 
Ttw, TToÀù ^Xaov BnyaTpL — Iljoâypi' àfAa;^ov 
Aéyetç, — Eu oî^a. 

La riche héritière peut dormir sur l'une et l'autre oreille, à présent - 
qu'elle a enfin accompli sa grande et glorieuse œuvre. EUe a chassé 
de la maison celle qui lui déplaisait et à qui elle en voulait , afin que 
tous n'eussent des yeux que pour la belle figuré de ma Gréobble, 
et que ma femme se fît reconnaître pour la maîtresfe-à |i^ fierté dke 
son regarrd. L'âne au milieu des singes, comme dit le proverbe. G^r 
je ne puis m'en taire, bien que je le veuille. Maudite soit la bbit qui a 
commencé tous mes malheurs I Hélas 1 moi I épouser une Gréohule 
et dix talens, une femelle d'une coudée. Et puisencoreconunent sup- 
porter son orgueil ? par l'Olympien et par Minerve , jamais I Cette 
jeune enfant, si intelligente, aussi vive que la parole, elle l'a chassée; 



426 NOTES. 

mais D'y a-t-il personne dans le monde qui me la paisse rendre ? — 
Oui, Lamia, j'ai une riche héritière, ne te i'ai-je pas dit ? — Non. — Mai- 
tresse de cette maison et de tous ces champs ; j'ai reçu tout cela en 
dot pour la recevoir elle-même. — O Apollon , des plus grands mal- 
heurs c'est le plus grand ! — Elle est insupportable à tous , non pas à 
moi seul , mais à son fils, plqs encore à sa fille. — Tu dis là une chose 
sans remède. — Je ne le sais que trop. 

176. — Pomponius, Voir les fragmens de Pomponius, 
page ^i3. 

177. — L, Quinctius Aita (du mot sabîn atta, boi- 
teux), poète comique, porta le premier sur la scène les 
mœurs romaines, et ses comédies furent appelées delà 
togatœ ; on donnait le nom de palUaiœ aux comédies imitées 
du théâtre grec. 

178. — Vieux mot dont se servent surtout Plante et 
Lucrèce. 

179. — - Cicéron, in Verrem, IX, 66, emploie cette 
expression de spumas agere, 

180. — Ce sont deux discours inconnus de Caton; le 
MS. porte dulciœ, mais on lit au-dessus de ce mot pulchrœ 
d'une autre main ; ce qui rend le titre de ce discours fort 
incertain. 

181. — Des médailles représentent ainsi Marc Aurèle. 

182. — Le tabellarius était l'esclave qui portait les lettres 
ou bien qui prenait des notes pour son maître; dans ce 
dernier cas, on l'appelait indifféremment tabellarius ou no- 
tarius, 

1 83. — Voici le vers d'Euripide (/on, v, 73a) : 
Ecç ojxpar' gvvov ^tôç s^Tê^rfat yÀuxù. 



NOTES. 4^7 

184. — C'est le Phédon qui a inspiré ces rers, les plus 
beaux du plus beau chant de Lamartine : 

« Dorstu ? lui disait-il ; la mort , est-ce un sommeil ? » 
Il recueillit sa force , et dit : « C'est un réveil I 

— Ton oeil est-il voilé par des ombres funèbres ? 

— Non : je vois un jour pur poindre dans les ténèbres l 

— N'entends-tu pas des cris , des gémissemens ? — Non ; 
J'entends des astres d'or qui murmurent un nom 1 

— Que sens-tu ? — Ce que sent la jeune chrysalide , 
Quand , livrant à la terre une dépouille aride , 
Aux rayons de l'aurore ouvrant ses faibles yeux , 
Le souffle du matin la roule dans les cieux l 

— Ne nous trompais-tu pas? réponds : l'âme était-elle?... 

— Croyez-en ce sourire , elle était immortelle 1 

— De ce monde imparfait qu'attends-tu pour sortir? 

— J'attends , comme la nef, un souffle pour partir 1 

— D'où viendra-t-il ? — Du ciel 1 — Encore une parole 1 

— Non : laisse en paix mon âme , afin qu'elle s'envole. » 

i85. — Fronton en parle encore deux fois dans ces 
lettres. 

186. — C'est une formule du droit fort connue. 

187. — Aristorij philosophe stoïcien, qui disait comme 
le rapporte Lactance, ad viriutem capessendam nasci ho- 
mines, 

188. — Il suffit d'ouvrir un indeœ de Cicéron pour en 
trouver d'autres exemples. 

189. — Il manque ici quinze lettres au MS. , comme 
M. Mai nous l'apprend. 

190. — Quel est ce poète du nom de Caîus ? Sans doute 
Lucilius. 



428 NOTES. 

191. — Faustina B*«ffe\sLit Augusta, comme fille d'^^n- 

tonlnus Plus Augustus. 

19a. • — ànnia Cornificia, sœur aînée et unique sœur 
de Marc Aurèle. 

193. — J'ai consulté sur ce passage nos sarans les plus 
ingénieux, qui n'ont pu parvenir à rétablir le texte. 

194. — Domnula est un terme de tendresse; et on 
peut traduire ma petite souveraine. M. Mai avait tu dans ce 
mot le nom d'une toute petite-fille de Marc Aurèle. 

195. — Voir Capitolin in Pio, c. 10, et in Marco, c. 2. 

196. C'est-à-dire par rescrit du prince. 

197. — Fronton parle d'un discours d'Antonin qui ve- 
nait sans doute de faire Lucius Yérus prêteur ou consul. 

198. — M. Mai a retrouvé un ouvrage TTs/îiyvopSv. 

199. — Gratia, la fille de Fronton. 

200. — Son goût pour les lieux communs le reprend ; 
c'est une flatterie pour Fronton. 



FIN DU TOMK PREMIER. 



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